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N°3793

___

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DouziÈme législature

__________________________________

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

le 6 mars 2007

 

N° 247

___

SÉNAT

Session ordinaire de 2006 - 2007

________________________________

Annexe au procès-verbal

de la séance du 20 février 2007

     

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

________________________

Rapport sur l'Évaluation du

plan national de gestion

des matières et des déchets radioactifs

(PNG-MDR)

Par M. Christian BATAILLE et M. Claude BIRRAUX, Députés

_________

Déposé sur le Bureau
de l'Assemblée nationale

par M. Claude BIRRAUX,

Premier Vice-Président de l'Office

 

_________

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Henri REVOL,

Président de l'Office

     

______________________________________________________________________

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation

des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Henri REVOL

Premier Vice-Président

M. Claude BIRRAUX

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, Député M. Jean-Claude ÉTIENNE, Sénateur

M. Pierre LASBORDES, Député M. Pierre LAFFITTE, Sénateur

M. Jean-Yves LE DÉAUT, Député M. Claude SAUNIER, Sénateur

Députés

Sénateurs

M. Jean BARDET

M. Christian BATAILLE

M. Claude BIRRAUX

M. Jean-Pierre BRARD

M. Christian CABAL

M. Alain CLAEYS

M. Pierre COHEN

M. Francis DELATTRE

M. Jean-Marie DEMANGE

M. Jean DIONIS DU SÉJOUR

M. Jean-Pierre DOOR

M. Pierre-Louis FAGNIEZ

M. Claude GATIGNOL

M. Louis GUÉDON

M. Christian KERT

M. Pierre LASBORDES

M. Jean-Yves LE DÉAUT

M. Pierre-André PÉRISSOL

M. Philippe ARNAUD

M. Paul BLANC

Mme Marie-Christine BLANDIN

Mme Brigitte BOUT

M. Marcel-Pierre CLÉACH

M. Roland COURTEAU

M. Jean-Claude ÉTIENNE

M. Christian GAUDIN

M. Pierre LAFFITTE

M. Serge LAGAUCHE

M. Jean-François LE GRAND

Mme Catherine PROCACCIA

M. Daniel RAOUL

M. Ivan RENAR

M. Henri REVOL

M. Claude SAUNIER

M. Bruno SIDO

M. Alain VASSELLE

Le PNG-MDR : un outil au service de la loi

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : 9

Des solutions définitives ou temporaires existent pour la gestion des déchets radioactifs 9

I.- Les déchets radioactifs : une faible part des déchets industriels 9

1. Les déchets radioactifs ne sont pas l'apanage du secteur électronucléaire 9

2. Les différents types de déchets radioactifs et leurs conditionnements 10

3. Une part infime des déchets totaux et des déchets industriels 12

II.- L'apport essentiel du traitement-recyclage à la gestion des déchets radioactifs 13

1. Le recyclage des matières énergétiques valorisables 13

2. Le traitement différencié des déchets non recyclables 14

3. Des technologies non proliférantes 14

III.- Les déchets radioactifs sont gérés d'une manière sûre, dans le cadre de solutions temporaires ou définitives 16

1. Des conditionnements et des entreposages sûrs pour tous les déchets 16

2. Des solutions pérennes pour 90% du volume des déchets radioactifs 17

3. La recherche de solutions définitives pour 10% du volume des déchets restants 19

DEUXIÈME PARTIE : 21

le Plan National PNG-MDR a un cadre juridique défini par les lois de 1991 et de 2006 21

I.- Le cadre de la loi du 30 décembre 1991 21

1. Les résultats des recherches sur la séparation-transmutation (axe 1) 22

2. Les résultats des recherches sur le stockage géologique réversible (axe 2) 22

3. Les résultats des recherches sur le conditionnement et l'entreposage de longue durée (axe 3) 23

II. Le contrôle de l'application de la loi de 1991 par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques 24

III.- La loi du 28 juin 2006 26

1. Le rôle déterminant du Parlement dans l'élaboration de la loi du 28 juin 2006 26

2. Les principales dispositions de la loi 27

A. Un processus d'élaboration particulièrement complet 27

B. L'architecture de la loi de 2006 28

C. Des dispositions exhaustives 29

TROISIÈME PARTIE 37

Le PNG-MDR 2006 : premier bilan et perspectives 37

I.- La structure du PNG-MDR 2006 et sa conformité à la loi du 28 juin 2006 37

1. Les conditions d'élaboration du PNG-MDR 2006 37

2. Les modes de gestion optimaux 38

3. Les matières valorisables 39

4. L'articulation et la cohérence des différentes solutions de gestion 40

II.- Les prolongements nécessaires du PNG-MDR 2006 41

1. Les combustibles nucléaires d'aujourd'hui et de demain 41

2. Les recherches sur la séparation poussée et la transmutation (axe 1) 45

A.- La séparation 46

B.- La transmutation 48

C.- Le financement 52

D.- Pour une initiative française dans le domaine du cycle des combustibles nucléaires 53

3. Le stockage géologique (axe 2) 56

A.- Le programme de reconnaissance géologique pour le choix d'un site de stockage 56

B. La conception du centre de stockage 58

4. Le projet de stockage des déchets radifères et graphites 61

5. Les autres besoins de stockage et d'entreposage et les sites pollués 61

CONCLUSION 63

RECOMMANDATIONS 65

EXAMEN DU RAPPORT PAR L'OFFICE 67

PERSONNALITÉS RENCONTRÉES 69

ANNEXE 1 : COMPTE RENDU DE L'AUDITION COMMUNE OUVERTE À LA PRESSE DE L'OPECST ET DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES DU MARDI 13 FÉVRIER 2007 71

I - Les textes d'application de la loi du 28 juin 2006 78

II - Les programmes de recherche des lois de 1991 et de 2006 88

III - Les développements économiques liés à la gestion des déchets radioactifs. 115

ANNEXE 2 : APERÇUS DE LA GESTION DES DÉCHETS À L'ÉTRANGER 129

ANNEXE 3 : LOI DE PROGRAMME DU 28 JUIN 2006 RELATIVE À LA GESTION DURABLE DES MATIÈRES ET DES DÉCHETS RADIOACTIFS 131

INTRODUCTION

L'intérêt d'un document synthétique exposant l'ensemble des problèmes et des solutions relatifs à la gestion des déchets radioactifs a été souligné à maintes reprises par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et en particulier par vos Rapporteurs, dans leur rapport de mars 2005 intitulé « Pour s'inscrire dans la durée : une loi en 2006 sur la gestion durable des déchets radioactifs »1. Un tel plan pouvant permettre de se rapprocher de l'exhaustivité et d'introduire une cohérence dans la gestion des déchets radioactifs, l'Office avait jugé nécessaire qu'il soit, d'une manière ou d'une autre, raccordé à la loi.

L'élaboration d'un plan national de gestion des déchets radioactifs a de fait véritablement démarré en France en 2003.

Un groupe de travail pluraliste associant les exploitants, les administrations et des associations de protection de l'environnement a en effet été constitué à cette date par l'autorité de sûreté nucléaire, à la demande de la ministre de l'écologie, Mme Roselyne BACHELOT. Un premier projet de plan a été finalisé fin 2005 et présenté au public aux fins de consultation.

Conformément aux recommandations de l'Office, la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des déchets radioactifs a disposé qu'un tel plan doit être élaboré, mis à jour tous les trois ans et publié, en étendant sa portée aux matières radioactives valorisables et l'intitulant en conséquence « Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs » (PNG-MDR).

Article 6 (loi du 28 juin 2006)

I. - Après l'article L. 542-1 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 542-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 542-1-2. - I. - Un plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs dresse le bilan des modes de gestion existants des matières et des déchets radioactifs, recense les besoins prévisibles d'installations d'entreposage ou de stockage, précise les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d'entreposage et, pour les déchets radioactifs qui ne font pas encore l'objet d'un mode de gestion définitif, détermine les objectifs à atteindre.

« Conformément aux orientations définies aux articles 3 et 4 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, le plan national organise la mise en œuvre des recherches et études sur la gestion des matières et des déchets radioactifs en fixant des échéances pour la mise en œuvre de nouveaux modes de gestion, la création d'installations ou la modification des installations existantes de nature à répondre aux besoins et aux objectifs définis au premier alinéa.

« Il comporte, en annexe, une synthèse des réalisations et des recherches conduites dans les pays étrangers.

« II. - Le plan national et le décret qui en établit les prescriptions respectent les orientations suivantes :

« 1° La réduction de la quantité et de la nocivité des déchets radioactifs est recherchée notamment par le traitement des combustibles usés et le traitement et le conditionnement des déchets radioactifs ;

« 2° Les matières radioactives en attente de traitement et les déchets radioactifs ultimes en attente d'un stockage sont entreposés dans des installations spécialement aménagées à cet usage ;

« 3° Après entreposage, les déchets radioactifs ultimes ne pouvant pour des raisons de sûreté nucléaire ou de radioprotection être stockés en surface ou en faible profondeur font l'objet d'un stockage en couche géologique profonde.

« III. - Le plan national est établi et mis à jour tous les trois ans par le Gouvernement. Il est transmis au Parlement, qui en saisit pour évaluation l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et rendu public.

« IV. - Les décisions prises par les autorités administratives, notamment les autorisations mentionnées à l'article L. 1333-4 du code de la santé publique, doivent être compatibles avec les prescriptions du décret prévu au II du présent article. »

II. - Le plan national prévu à l'article L. 542-1-2 du code de l'environnement est établi pour la première fois avant le 31 décembre 2006.

La loi ayant confié à l'Office parlementaire le soin de l'évaluer, le présent rapport constitue donc l'évaluation de la première édition (2006) du PNG-MDR.

La portée du PNG-MDR et son articulation avec la loi méritent d'être soulignées.

▪ Le PNG-MDR, la loi et le décret

Le plan est un document autonome, sans valeur normative mais un décret en reprend les prescriptions.

Le processus d'élaboration du plan, pluraliste et ouvert à l'ensemble des parties prenantes, a conduit à révéler dans le détail l'ensemble des problèmes posés par les déchets radioactifs en France. L'exhaustivité voulue du PNG-MDR est donc en bonne voie d'être atteinte. Par ailleurs cet instrument facilitera l'édiction de réglementations et de solutions cohérentes.

Mais les lois du 30 décembre 1991 et du 28 juin 2006 ont défini avec précision la politique nationale de gestion des déchets radioactifs. Cette caractéristique, ainsi que le volume du document PNG-MDR2, suffisent à justifier que celui-ci ne soit pas intégré à la loi.

Une autre raison est plus fondamentale. Reflétant son processus d'élaboration, le PNG-MDR comprend des développements à valeur interrogative et évoque des pistes de recherche qui, par nature, ne peuvent être conclusives.

On comprend donc que le PNG-MDR ne puisse avoir de valeur normative.

Dès lors, un décret en établit les prescriptions, qui, au jour de la présentation du rapport, n'était pas encore publié.

▪ Les lois de 1991 et 2006 et rien que les lois

Il convient de rappeler que tant le PNG-MDR que le décret en établissant les prescriptions s'inscrivent nécessairement dans le cadre des lois du 30 décembre 1991 et du 28 juin 2006.

Aucune de leurs dispositions ne peut être contraire ni à la lettre de ces lois, ce qui est évident, ni à l'esprit de ces lois et à la volonté du Législateur telle qu'elle ressort des débats à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Le présent rapport d'évaluation expose dans un premier temps quelle est la situation des déchets radioactifs en France. L'examen des faits montre que des solutions de gestion sûres existent à court et à moyen terme pour tous les déchets radioactifs et que s'il reste des solutions à trouver, ce sont des solutions définitives pour le très long terme.

La deuxième partie du rapport détaille les acquis de la loi de 1991, le processus d'élaboration de la loi de 2006 et présente ses principales dispositions.

La troisième partie examine le PNG-MDR, et, au-delà, indique quelles sont les principales voies de progrès qui vont être explorées et les solutions mises en place dans les prochaines années.

PREMIÈRE PARTIE :

DES SOLUTIONS DÉFINITIVES OU TEMPORAIRES EXISTENT POUR LA GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS

Si le Parlement, les industriels et les pouvoirs publics consacrent de grands efforts à l'amélioration de la gestion des déchets radioactifs, ceci ne veut pas dire, bien au contraire, qu'il n'existe pas de solutions opérationnelles garantissant actuellement la sûreté des personnes, des biens et de l'environnement.

L'immense majorité des déchets radioactifs fait l'objet de conditionnements et est entreposée dans des installations garantissant leur confinement. Ceci vaut en particulier pour les déchets issus de l'industrie électronucléaire, qui, s'ils représentent une part majoritaire du total des déchets radioactifs, ne sont pas les seuls déchets de ce type produits en France.

Si deux lois, en 1991 et en 2006, ont focalisé l'attention sur les problèmes à résoudre, c'est pour répondre à des objectifs à très long terme et pour mettre en place des solutions durables et ne pas reporter sur les générations futures la charge de la gestion d'une catégorie de déchets radioactifs, les déchets à vie longue de haute ou moyenne activité.

I.- LES DÉCHETS RADIOACTIFS : UNE FAIBLE PART DES DÉCHETS INDUSTRIELS

1. Les déchets radioactifs ne sont pas l'apanage du secteur électronucléaire

Quelles sont les activités qui génèrent des déchets radioactifs ? Le graphique ci-dessous indique la part des différents producteurs

Figure 1 : Origine des déchets radioactifs par secteur économique (source : ANDRA3)

graphique

Les déchets radioactifs du secteur de la production électronucléaire, entendue au sens large, c'est-à-dire comprenant les centrales électronucléaires, l'amont et l'aval du cycle du combustible, les établissements de traitement des déchets ou de maintenance, les entreposages et les stockages représentaient 62,5% du volume total conditionné des déchets radioactifs présents en France, au 31 décembre 2004.

Les déchets radioactifs du secteur de la recherche, comprenant principalement les centres d'études et de recherche du CEA civil et les autres établissements de recherche, représentaient 24,1% du total.

Les déchets radioactifs du secteur de la défense représentaient 10,1% du total, ceux de l'industrie non électronucléaire 3,1% et ceux du secteur médical 0,2%.

Les principaux propriétaires de déchets sont EDF, AREVA, le CEA civil et le CEA/DAM (Direction des applications militaires). Pour le cas particulier des déchets radifères, l'entreprise RHODIA est également un propriétaire important.

2. Les différents types de déchets radioactifs et leurs conditionnements

On distingue les différents types de déchets radioactifs en fonction de leur activité mesurée en Becquerel par gramme et de leur période radioactive, dite longue quand elle est supérieure à 30 ans ou courte dans le cas contraire.

Le tableau ci-après présente les principales catégories de déchets radioactifs.

Tableau 1 : Les principales catégories de déchets radioactifs (source : ANDRA)

Types de déchets radioactifs

Activité

moyenne

Provenance

HA-VL

(haute activité à vie longue)

1 Md Bq/g

Éléments non valorisables des combustibles nucléaires usés retraités

MA-VL

(moyenne activité à vie longue)

1 M Bq/g

Structure des combustibles

Résidus

FA-VL

(faible activité à vie longue)

10 - 100 000 Bq/g

Déchets radifères

Déchets graphites

FMA-VC

(faible et moyenne activité à vie courte)

100 - 1 M Bq/g

Maintenance

Fonctionnement des installations nucléaires

TFA

(très faible activité)

< 100 Bq/g

Démantèlement des installations nucléaires

Les déchets de haute activité à vie longue correspondent aux éléments non valorisables issus du traitement des combustibles usés. Composés des actinides mineurs et des produits de fission, ils sont conditionnés dans une matrice de verre elle-même coulée dans des conteneurs en inox, entreposés dans des installations industrielles.

Les déchets de moyenne activité à vie longue proviennent également du traitement des combustibles usés : il s'agit des structures métalliques (coques et embouts) des combustibles nucléaires. Plusieurs matrices de conditionnement ont été utilisées : ciment et bitumes. Les coques et embouts sont aujourd'hui compactés dans des conteneurs en inox.

Les déchets de faible activité sont de deux types principaux : les déchets radifères, issus de matières premières industrielles naturellement radioactives comme les terres rares; les déchets graphite correspondant aux enveloppes creuses en graphite qui entouraient l'élément combustible des réacteurs Uranium naturel - Graphite-Gaz (UNGG) arrêtés depuis plusieurs années.

Les déchets de faible ou moyenne activité à vie courte sont générés par les opérations de maintenance ou par le fonctionnement des installations nucléaires : il s'agit de vêtements, d'outils, de filtres, ou de matériaux utilisés pour le traitement des effluents liquides ou gazeux des installations nucléaires.

Les déchets de très faible activité (TFA) proviennent essentiellement du démantèlement des installations nucléaires et se présentent sous forme de bétons, de gravats ou de terres.

3. Une part infime des déchets totaux et des déchets industriels

Les centrales nucléaires assurent 75 à 80 % de la production électrique française totale selon les années. La quantité de déchets radioactifs accompagnant cette production représente une proportion très faible des déchets industriels produits chaque année.

Figure 2 : Les déchets radioactifs comparés aux déchets industriels

graphique

Les déchets radioactifs ne représentent qu'un kilogramme par an et par habitant, dont 5 grammes de déchets de haute activité à vie longue, à comparer aux 2500 kg par an et par habitant de déchets industriels, dont 100 kg de déchets chimiques toxiques (arsenic, mercure, amiante, plomb).

En outre, la toxicité des déchets radioactifs décroît au fur et à mesure des années, - même si ce rythme peut être, selon les cas, très lent - contrairement aux déchets industriels finaux dont les propriétés restent identiques quelle que soit l'échelle de temps considérée.

II.- L'APPORT ESSENTIEL DU TRAITEMENT-RECYCLAGE À LA GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS

La France a choisi de traiter les combustibles nucléaires usés afin de recycler les matières énergétiques non consommées en réacteur. Au sortir d'un réacteur à eau pressurisée du parc EDF, un combustible usé à l'oxyde d'uranium conserve en effet une grande part de ses matières énergétiques non brûlées : 93% d'uranium 238, 2% d'uranium 235 et 1% de plutonium.

Le schéma ci-après résume le principe du traitement-recyclage des combustibles usés, qui est de séparer, d'une part, les matières énergétiques non brûlées et donc valorisables, des déchets non recyclables, et, d'autre part, de séparer les différents types de déchets non recyclables afin de leur appliquer un traitement différencié.

Figure 3 : Schéma de principe du traitement recyclage

graphique

1. Le recyclage des matières énergétiques valorisables

Grâce aux techniques de traitement de ces combustibles et en particulier de séparation des différents constituants, le recyclage de 96% du combustible usé est possible, ce qui permet une économie de matières premières.

Une partie de l'uranium de traitement est en effet réenrichie et recyclée sous forme de combustible pour les réacteurs nucléaires de la centrale de Cruas

Le plutonium est recyclé dans le combustible MOX (oxyde mixte d'uranium et de plutonium). 20 réacteurs utilisent actuellement du combustible MOX, qui contribue ainsi à 10% de la production électrique nationale, d'où là encore une économie de matières premières

2. Le traitement différencié des déchets non recyclables

Le traitement-recyclage présente un autre intérêt essentiel, celui de faciliter la gestion des déchets radioactifs.

Par rapport au stockage en l'état des combustibles usés, solution utilisée par des pays comme la Finlande, la Suède ou les Etats-Unis, le traitement-recyclage permet de séparer les déchets radioactifs non réutilisables des autres constituants, ce qui permet de réduire d'un facteur 5 le volume des déchets ultimes issus des combustibles usés (déchets HA-VL, MA-VL et déchets FMA-VC générés lors de ces opérations).

Autre avantage du traitement-recyclage, en récupérant et en recyclant l'uranium et le plutonium qui sont responsables d'une part importante de la radiotoxicité à long terme, la radiotoxicité des déchets est réduite d'un facteur 10.

3. Des technologies non proliférantes

La question de la prolifération nucléaire prend de plus en plus d'importance, au fur et à mesure que les États, grâce à leurs ressources financières et leur maîtrise technologique croissantes, sont plus nombreux à pouvoir se doter d'armes nucléaires.

Le cycle du combustible nucléaire comprend plusieurs stades pouvant, dans l'absolu, conduire à l'évasion de matières ou de déchets radioactifs.

La première étape est celle de l'enrichissement de l'uranium naturel, qui, avec certaines techniques comme l'ultracentrifugation, peut être poussé jusqu'à atteindre un uranium de qualité militaire. Le traitement des combustibles irradiés en réacteur peut permettre d'isoler le plutonium. C'est sous ce motif et pour donner à la politique américaine une valeur d'exemple que le Président CARTER avait interdit le retraitement des combustibles nucléaires civils. Enfin, l'utilisation de matières irradiées peut conduire à la fabrication de bombes sales.

Les barrières à la prolifération mises en place par la France autour de son cycle du combustible nucléaire sont de plusieurs types, internationales, organisationnelles et technologiques.

▪ Plusieurs niveaux de contrôle et des barrières organisationnelles

La France soumet ses installations nucléaires du cycle du combustible et de la production d'électricité au triple contrôle de l'Agence internationale de l'énergie nucléaire (AIEA), d'EURATOM et de son autorité de sûreté nucléaire nationale.

Sur le plan de l'organisation, les installations sont protégées par plusieurs lignes de défense et les procédures sont complexes pour y accéder.

▪ Des barrières technologiques nombreuses

Sur le plan technologique, le traitement des combustibles nucléaires usés exige, tant leur radioactivité est élevée, des cellules protégées dites « chaudes », des équipements de télémanipulation et des automatismes complexes, tous nécessitant une ingénierie de haut niveau. Les procédés de séparation sont eux-mêmes d'une grande complexité technologique et sont jalousement protégés, en tant qu'actifs commerciaux et stratégiques.

Les matières énergétiques valorisables issues du traitement sont elles-mêmes réutilisées.

Le plutonium est recyclé dans le MOX brûlé dans 20 réacteurs nucléaires d'EDF. Sa teneur en isotopes pairs le rend peu propice à une utilisation militaire. Le stock de plutonium sur étagère est limité au montant du stock-outil nécessaire pour la fabrication du MOX. Le MOX, lui-même, se révèle un piège à plutonium efficace à double titre : en premier lieu, le MOX est plus difficile à retraiter que le combustible standard UOx, et, en second lieu, le plutonium présent dans le MOX usé comprend un pourcentage d'isotopes pairs encore plus élevé qu'au départ.

L'uranium de traitement est enrichi puis recyclé dans les combustibles utilisés par la centrale nucléaire d'EDF à Cruas.

Enfin, les résidus ultimes les plus radioactifs de la séparation, les actinides mineurs et les produits de fission, sont immobilisés dans des matrices de verre dont la dissolution ne peut se réaliser que par de l'acide fluorhydrique à haute température, soit des conditions extrêmement difficiles à mettre en œuvre.

III.- LES DÉCHETS RADIOACTIFS SONT GÉRÉS D'UNE MANIÈRE SÛRE, DANS LE CADRE DE SOLUTIONS TEMPORAIRES OU DÉFINITIVES

Depuis le démarrage de la R&D nucléaire et au fur et à mesure de la mise en place des réacteurs électronucléaires, les exigences des pouvoirs publics en termes de gestion des déchets radioactifs se sont régulièrement accrues.

La réglementation en matière de sûreté et le retour d'expérience ont conduit progressivement à définir les conditionnements actuels pour chaque catégorie de déchets, ainsi que des solutions industrielles pour l'entreposage - temporaire par définition - des déchets, et, pour certaines catégories d'entre eux, pour leur stockage - définitif par définition -.

Les niveaux de sûreté des stockages définitifs en service sont optimaux. Les niveaux actuels de sûreté des entreposages sont d'ores et déjà élevés.

Il est donc erroné de dire qu'il n'existe pas de solution pour les déchets radioactifs. La quasi-totalité des déchets radioactifs dispose au contraire d'ores et déjà de solutions de gestion prouvées et sûres, tant en ce qui concerne leur conditionnement que leur entreposage.

L'enjeu d'aujourd'hui est de trouver des solutions définitives pour l'ensemble des déchets radioactifs.

1. Des conditionnements et des entreposages sûrs pour tous les déchets

La sûreté nucléaire repose sur le principe de la défense en profondeur. Dans le domaine des déchets radioactifs, la première défense est leur conditionnement, qui sert à les emprisonner et ne doit pas nuire à l'intégrité du colis. La deuxième défense est celle de l'enveloppe du colis lui-même. La troisième est l'installation dans laquelle est déposé le colis, qui doit elle-même empêcher le passage dans l'environnement des radioéléments au cas, au demeurant peu probable, où les deux premières barrières seraient transpercées.

Le tableau ci-après indique pour les grandes familles de déchets quels sont les conditionnements mis en œuvre et les types d'installations en service.

Y compris dans le cas d'une installation d'entreposage, l'impératif de sûreté est pris en compte dans sa conception, sa réalisation et son exploitation.

Tableau 2 : Les solutions d'entreposage et de stockage définitif

graphique

Ainsi, les installations d'entreposage des verres à La Hague sont construites selon des normes de sûreté draconiennes, notamment en termes de température et d'hygrométrie intérieures, de résistance des structures, de contrôle d'accès et de sismicité.

2. Des solutions pérennes pour 90% du volume des déchets radioactifs

Des solutions définitives sont opérationnelles en France pour 90% du volume des déchets radioactifs.

Il s'agit d'abord des déchets de faible ou moyenne activité à vie courte, qui sont stockés en surface par l'ANDRA au Centre de stockage de l'Aube à Soulaines et représentent 77% du volume total des déchets.

Il s'agit ensuite des déchets de très faible activité qui représentent à l'heure actuelle 14% du volume total et qui sont stockés en surface à Morvilliers dans l'Aube.

Tableau 3 : Volumes, radioactivité et solutions des principales catégories de déchets

graphique

La figure suivante montre des photographies aériennes des centres de stockage en surface de ces déchets radioactifs qui représentent 90% du volume total des déchets radioactifs.

Figure 4 : Les stockages en surface opérationnels (source : ANDRA)

graphique

3. La recherche de solutions définitives pour 10% du volume des déchets restants

L'objectif des prochaines années est de mettre au point des solutions pour la gestion des déchets de haute ou moyenne activité à vie longue, qui soient encore meilleures que les solutions actuelles d'entreposage et, surtout, valables à très long terme.

Grâce au traitement-recyclage, ces déchets concentrent 99% de la radioactivité totale des déchets radioactifs dans un volume qui ne dépasse pas 47 000 m3, soit un cube de 36,5 mètres de côté.

En tout état de cause, l'objectif est d'alléger le plus possible la tâche de surveillance des générations futures en achevant de mettre en place des solutions de gestion pérennes.

DEUXIÈME PARTIE :

LE PLAN NATIONAL PNG-MDR A UN CADRE JURIDIQUE DÉFINI PAR LES LOIS DE 1991 ET DE 2006

Dès 1990, le Parlement prend en charge la question de la gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue. Les initiatives gouvernementales de la fin des années 1980 avaient en effet abouti à une impasse.

Le rapport de l'Office de décembre 1990 préparé par Christian BATAILLE, Député, permet de débloquer la situation et inspire largement la loi du 30 décembre 1991.

À l'issue de la période de quinze années de recherche définie par la loi, le rapport de Christian BATAILLE et Claude BIRRAUX, au nom de l'OPECST, intitulé « Pour s'inscrire dans la durée : une loi en 2006 sur la gestion durable des déchets radioactifs » et publié en mars 2005, a précédé le rendez-vous parlementaire décidé en 1991, et, à son tour, a largement inspiré la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.

I.- LE CADRE DE LA LOI DU 30 DÉCEMBRE 1991

La loi du 31 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs a mis en place un processus dont les caractéristiques sont fondamentales et définissent encore en grande partie l'approche française de la gestion des déchets radioactifs.

En premier lieu, la loi de 1991 a porté sur les déchets radioactifs de haute activité et à vie longue et non pas sur toutes les catégories de déchets radioactifs

En deuxième lieu, la loi de 1991 s'est située dans le cadre de l'option du traitement-recyclage

En troisième lieu, les voies de recherche ont été répertoriées en 3 axes :

· axe 1 sur la séparation-transmutation,

· axe 2 sur le stockage en couche géologique profonde,

· axe 3 sur le conditionnement et l'entreposage de longue durée.

Enfin, la loi de 1991 a défini une période préalable de recherche avant toute décision sur le mode de gestion retenu pour les déchets radioactifs de haute activité et à vie longue : selon l'article L 542-3, « avant le 30 décembre 2006, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport global d'évaluation de ces recherches accompagné d'un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue et fixant le régime des servitudes et des sujétions afférentes à ce centre ».

Quels sont les résultats obtenus en termes de méthodes de gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue, suite aux recherches conduites en France en application de la loi du 30 décembre 1991 ?

1. Les résultats des recherches sur la séparation-transmutation (axe 1)

Le but de la séparation est de récupérer, d'une part, les actinides mineurs dont la période de radioactivité se mesure en centaines de milliers d'années, et, d'autre part, les produits de fission dont la période de radioactivité est d'environ mille ans.

La séparation des actinides mineurs (neptunium, américium, curium) a été démontrée à l'échelle du laboratoire.

Différents produits de fission à vie longue ont été également séparés (notamment iode et césium).

La séparation à l'échelle industrielle est liée au renouvellement des installations de retraitement de La Hague en 2040.

La transmutation consiste en un bombardement neutronique des noyaux lourds d'actinides mineurs, qui fissionnent en des noyaux plus légers et à période de radioactivité plus courte.

La faisabilité de la transmutation est démontrée grâce aux expériences conduites avec le surgénérateur Phénix ou à des transmutations réalisées en réacteur à eau pressurisée.

Pour réaliser la transmutation à l'échelle industrielle, il sera nécessaire de disposer de réacteurs rapides de 4ème Génération et/ ou de réacteurs sous-critiques pilotés par accélérateurs (ADS).

Ces réacteurs n'existent pour le moment qu'à l'état de concept. Leur mise en service industriel aura lieu vers 2035. Compte tenu des tests à effectuer sur leur capacité à transmuter des grandes quantités d'actinides mineurs, la transmutation à l'échelle industrielle devrait intervenir en 2040 au plus tôt.

2. Les résultats des recherches sur le stockage géologique réversible (axe 2)

Deuxième type de méthodes pour la gestion des déchets radioactifs de haute ou moyenne activité à vie longue : le stockage en couche géologique profonde.

Le stockage en formation géologique profonde a pour objectif de faire jouer à une couche souterraine de roches comme l'argile, le granite, le sel ou le tuf, le rôle de coffre-fort vis-à-vis des déchets radioactifs issus du retraitement ou des combustibles irradiés lorsque ceux-ci ne sont pas retraités.

Le stockage géologique est considéré par l'AIEA, agence de l'ONU, et par de nombreux pays - Allemagne, Belgique, Etats-Unis, Finlande, Suède, Suisse - comme la méthode la plus sûre pour gérer les déchets radioactifs.

Dans le cadre des recherches de l'axe 2, l'ANDRA (Agence nationale pour les déchets radioactifs) a accumulé de nombreux résultats favorables sur la capacité de l'argile à confiner les déchets radioactifs, grâce à ses recherches menées, d'une part, dans les laboratoires souterrains de Mol (Belgique) et du Mont Terri (Suisse), et, d'autre part, à Bure (Meuse) par des forages depuis la surface et par des études in situ dans le laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne.

L'argile du Callovo-oxfordien de Bure présente des capacités de confinement favorables, même si certaines études ne sont pas encore achevées. Il a été démontré que les ions les plus mobiles n'atteindraient le sommet de la couche d'argile qu'en 300 000 ans.

Un stockage géologique pourrait entrer en service en France vers 2020-2025, compte tenu des délais d'expérimentations et d'études supplémentaires, des délais administratifs et des délais de construction.

Les études d'ingénierie montrent que l'on peut concevoir un centre de stockage réversible, où la reprise des colis de déchets est possible sur une longue période.

Les premiers déchets radioactifs provenant des centrales nucléaires françaises datent du début des années 1970. Les derniers déchets issus des centrales les plus récentes actuellement en fonctionnement seront produits vers 2040 et ceux de l'EPR de Flamanville vers 2080. Un stockage géologique doit donc pouvoir fonctionner sur plus d'un siècle.

3. Les résultats des recherches sur le conditionnement et l'entreposage de longue durée (axe 3)

Constituant le troisième axe de recherche de la loi de 1991, le conditionnement et l'entreposage à long terme en surface sont deux domaines où des progrès importants ont été enregistrés depuis cette date.

Les volumes de déchets de haute ou moyenne activité ont été divisés par 10 depuis 1992, par la vitrification des effluents, le compactage des déchets technologiques et des structures métalliques des combustibles.

La durabilité des colis de déchets vitrifiés dépasse la centaine de milliers d'années, de même que celle de colis de coques et embouts.

Conçus pour compléter les entreposages industriels actuels d'une durée de vie de 50 ans, les entreposages de longue durée en surface ou en sub-surface visent des durées de fonctionnement de 100 à 300 ans.

Un entreposage de longue durée pourrait être mis en service opérationnel en France vers 2016.

En tout état de cause, les résultats des recherches ont été suffisants pour franchir une étape supplémentaire dans la définition de la politique française de gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue.

Comme l'Office l'avait recommandé à plusieurs reprises et notamment en 2000, il a été jugé nécessaire d'élargir la loi à la gestion de l'ensemble des déchets radioactifs.

II. LE CONTRÔLE DE L'APPLICATION DE LA LOI DE 1991 PAR L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a accordé une attention particulière au suivi des réalisations et des recherches conduites en application de la loi du 30 décembre 1991, comme en témoigne le tableau ci-après.

Tableau 4 : Le suivi de la gestion des déchets radioactifs par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

· 1992 : rapport sur les déchets radioactifs de faible activité par Jean-Yves LE DÉAUT, Député

· 1996 : rapport sur les recherches relatives aux déchets radioactifs de haute activité : déchets civils, par Christian BATAILLE, Député

· 1997 : rapport sur les recherches relatives aux déchets radioactifs de haute activité : déchets militaires, par Christian BATAILLE, Député

· 1999 : rapport sur l'aval du cycle du combustible nucléaire, par Robert GALLEY et Christian BATAILLE, Députés

· 2000 : rapport sur l'impact des installations de stockage des déchets radioactifs sur la santé publique et l'environnement, par Mme Michèle RIVASI, Députée

· 2001 : les possibilités d'entreposage à long terme des combustibles irradiés, par Christian BATAILLE, Député

· 2005 : rapport sur l'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs, par Christian BATAILLE, et Claude BIRRAUX, Députés

Ce sont en effet pas moins de 7 rapports qui ont été publiés entre 1991 et 2005.

En mars 2000, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a recommandé l'élaboration d'un plan national de gestion des déchets radioactifs. Les termes exacts de cette proposition étaient les suivants4 : « Afin d'améliorer la connaissance et la lisibilité de la situation actuelle et future des déchets radioactifs en France, il est proposé aux pouvoirs publics d'étudier la faisabilité d'un plan national de gestion des déchets radioactifs, faisant apparaître notamment les volumes en jeu ainsi que les responsabilités des différents exploitants nucléaires et fixant des objectifs intégrant les résultats des recherches conduites en application de la loi du 30 décembre 1991. À titre d'exemple, dans le cadre d'un tel plan, un calendrier assorti d'un plan de financement, pourrait être élaboré pour la mise en place de filières adaptées à chaque catégorie de déchets faiblement radioactifs, la diversité des types de déchets faiblement radioactifs appelant en effet des solutions différenciées pour leur entreposage et leur stockage. »

III.- LA LOI DU 28 JUIN 2006

Comme pour la loi du 30 décembre 1991, le Parlement a joué un rôle déterminant pour l'élaboration de la loi du 28 juin 2006.

1. Le rôle déterminant du Parlement dans l'élaboration de la loi du 28 juin 2006

Le premier rapport de l'Office sur les déchets radioactifs, préparé par M. Christian Bataille et adopté en décembre 1990, avait largement inspiré la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs.

Le rapport de M. Christian Bataille, Député du Nord, et de M. Claude Birraux, Député de Haute-Savoie, intitulé « Pour s'inscrire dans la durée : une loi en 2006 sur la gestion durable des déchets radioactifs », adopté par l'Office parlementaire le 15 mars 2005, a, lui aussi, largement inspiré la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

Le projet de loi déposé le 22 mars 2006 par le Gouvernement sur la gestion des matières et déchets radioactifs a en effet repris la majorité des recommandations de l'Office émises un an plus tôt.

La discussion de ce projet de loi, où les membres de l'Office ont joué, dans chaque assemblée, un rôle important, a permis d'élargir le consensus entre le Gouvernement et le Parlement, sur des points clés. Parmi ces points clés, on peut citer la nécessité de conduire en parallèle et sur un pied d'égalité les trois axes de recherche (séparation-transmutation, stockage géologique, entreposage de longue durée), la réversibilité du stockage géologique, l'intervention du Parlement pour la construction d'un centre de stockage géologique, le financement de la recherche et des réalisations industrielles, ainsi que le développement économique des zones concernées par la gestion des matières et des déchets radioactifs.

M. Claude BIRRAUX, Premier Vice-président de l'Office, a, en effet, été, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale. À son initiative, 75 amendements de la commission ont, en avril 2006, été adoptés en première lecture à l'Assemblée nationale.

M. Henri REVOL, Président de l'Office, a assumé la charge de rapporteur du même texte au Sénat, au nom de la commission des affaires économiques, faisant adopter 34 amendements complémentaires fin mai 2006. Grâce à la communauté de vue entre les deux assemblées, le texte adopté par le Sénat en première lecture, a ensuite été adopté conforme, et donc définitivement, par l'Assemblée nationale le 15 juin 2006.

2. Les principales dispositions de la loi

L'Assemblée nationale et le Sénat ont, comme on l'a vu, travaillé depuis 1990 sur le dossier des déchets radioactifs, en particulier au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques :

C'est naturellement que ses responsables ont été nommés rapporteurs du projet de loi au sein des commissions des affaires économiques respectives de l'Assemblée nationale et du Sénat

Rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Claude BIRRAUX, Député de Haute-Savoie, Premier Vice-président de l'Office parlementaire, avait travaillé depuis 1990 sur la sûreté nucléaire, avec onze rapports sur ce sujet depuis cette date.

Rapporteur du projet de loi au Sénat, M. Henri REVOL, Sénateur de la Côte d'Or, Président de l'Office parlementaire, avait été rapporteur de la loi du 30 décembre 1991 et a également été le rapporteur au Sénat du texte sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire

Le projet de loi a été adopté le 12 avril 2006 par l'Assemblée nationale en première lecture, puis par le Sénat le 31 mai 2006. L'adoption définitive du projet de loi est intervenue le 15 juin 2006.

A. Un processus d'élaboration particulièrement complet

Après la réalisation des recherches conduites par les grands organismes scientifiques, les principales étapes de préparation du projet de loi de 2006 ont été les suivantes :

· L'évaluation des résultats obtenus par la CNE, par l'autorité de sûreté nucléaire (DGSNR) et des revues de pairs de l'OCDE

· Le débat public organisé par la Commission particulière du débat public.

· Les recommandations de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, adoptées à l'unanimité moins une voix en mars 2005.

Rarement, un projet de loi aura fait d'une préparation aussi longue et détaillée.

Figure 5 : L'élaboration de la loi du 28 juin 2006 : un processus particulièrement complet

graphique

B. L'architecture de la loi de 2006

La loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs se situe dans le prolongement de la loi de 1991.

Le schéma ci-après précise l'architecture de la loi.

Figure 6 : L'architecture de la loi du 28 juin 2006

graphique

La loi définit des moyens pour atteindre un résultat optimum pour la gestion des déchets radioactifs :

· Un cadre d'ensemble, intitulé plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs ;

· Une sécurité juridique apportée par des définitions claires des différents types de substances radioactives et des opérations de traitement autorisées pour les combustibles étrangers ;

· Différents types de niveaux d'information sur la gestion des déchets radioactifs : niveau local pour le laboratoire souterrain d'étude du stockage, niveau national avec la nouvelle Commission nationale d'évaluation ;

· Un élargissement des missions de l'ANDRA, avec notamment la possibilité de prendre en charge l'entreposage ;

· Un régime de financement clair de la recherche et des opérations de construction de centres d'entreposage et de stockage, grâce à la création de deux fonds dédiés dans les comptes de l'ANDRA et grâce à la sécurisation des actifs dédiés constitués par les producteurs de déchets radioactifs.

S'agissant des déchets radioactifs de haute ou moyenne activité à vie longue, le projet de loi confirme la nécessité de poursuivre les recherches mais fixe un calendrier précis pour des réalisations pratiques en matière de prototype de transmutation, de stockage réversible en couche géologique profonde et d'entreposage de longue durée.

Pour le stockage en couche géologique profonde, le projet de loi définit une procédure complète de consultation des populations, de décisions administratives et d'intervention du Parlement auquel sera soumis un projet de loi relatif aux conditions de réversibilité du futur centre de stockage

Le projet de loi définit également les moyens de dynamiser le développement économique et scientifique des zones concernées par la gestion des déchets.

Au total, répondant au rendez-vous fixé en 1991, le projet de loi de 2006 va beaucoup plus loin que la loi de 1991, en traitant l'ensemble des questions liées à la gestion des déchets radioactifs.

C. Des dispositions exhaustives

▪ Les orientations relatives aux déchets radioactifs de haute ou moyenne activité à vie longue

L'article 3 de la loi du 28 juin 2006 porte sur les déchets radioactifs de haute ou moyenne activité à vie longue et, prenant acte des résultats des recherches conduites en application de la loi du 30 décembre 1991, fixe des objectifs pour chacun des trois axes.

On doit noter d'une part que cette démarche est conforme aux recommandations de l'Office parlementaire et, d'autre part, que le calendrier d'objectifs est conforme à celui proposé par l'Office.

Pour l'axe 1 relatif à la séparation-transmutation, le projet de loi spécifie la poursuite des recherches sur la séparation, et, concernant la transmutation, précise la nécessité de disposer en 2012 d'une évaluation de l'intérêt respectif pour transmuter les actinides mineurs, de la filière des réacteurs sous-critiques pilotés par accélérateur et des réacteurs de 4ème Génération, notamment les réacteurs à neutrons rapides.

La date de 2020 est également fixée pour la mise en service d'un prototype de réacteur de 4ème Génération, conformément à la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique et aux indications données par le Président de la République5.

S'agissant de l'axe 2 relatif au stockage géologique, la loi de 2006 limite les études au seul stockage réversible en couche géologique profonde, ce qui constitue un changement majeur par rapport à la loi de 1991 qui faisait porter les études sur le stockage réversible ou irréversible.

En outre, les études doivent être finalisées; un site doit être choisi et un centre de stockage doit être conçu de sorte que la demande d'autorisation de création soit instruite en 2015 et le centre mis en exploitation en 2025.

S'agissant de l'axe 3 relatif à l'entreposage, la future loi de 2006 indique que la modification et l'extension d'installations existantes ou la construction de nouvelles installations devront être rendues possibles à l'horizon 2015 par des recherches adéquates.

▪ Les autres types de déchets radioactifs

Progrès par rapport à la loi de 1991, la loi de 2006 fixe également des objectifs pour d'autres types de déchets que les déchets HA ou MA-VL.

Les déchets graphites et radifères représentaient 47 123 m3 fin 2004. Des solutions de stockage en faible profondeur devront être mises en place en 2013.

Les déchets tritiés sont issus essentiellement des activités liées à la Défense et proviennent principalement de l'exploitation des installations de la Direction des applications militaires du CEA. Au cours des processus de fabrication et de recherche, des matériels et des produits sont contaminés par le tritium dont la période radioactive est de 12,3 années. Leur volume total ne dépasse pas 2100 m3. Bien qu'il s'agisse de déchets radioactifs à vie courte, l'extrême mobilité du tritium oblige à prendre des dispositions particulières pour leur stockage. La loi fixe 2008 comme date de mise au point de solutions.

Les sources scellées sont largement utilisées dans l'industrie, l'agroalimentaire, la recherche et la médecine. Le nombre de sources usagées fin 2004 est estimé à plus de 140 000. Pour le moment, les sources scellées sont entreposées sur les sites du CEA, en particulier à Saclay, et par EDF. Les procédés de gestion à long terme devront être finalisés en 2008.

La radioactivité naturelle renforcée est générée par l'exploitation et la combustion des minerais et par d'autres ressources géologiques et naturelles comme l'eau, le pétrole et le gaz. Les procédés industriels d'extraction, de séparation, de traitement et d'affinage concentrent en effet la radioactivité dans les produits finis, à l'exemple des engrais phosphatés, ou, dans une moindre mesure, dans le gaz naturel, mais aussi dans les installations et dans les déchets d'exploitation solides, liquides ou atmosphériques. L'autorité de sûreté nucléaire a fait réaliser une étude sur cette question par l'association Robin des Bois. Sur proposition de l'autorité de sûreté nucléaire, le projet de loi précise que des solutions devront être trouvées, au cas par cas, en 2009.

Enfin, le projet de loi prend en compte les résidus miniers d'uranium. Les activités d'extraction et de traitement du minerai d'uranium en France ont conduit à la production d'environ 50 millions de tonnes de résidus miniers très faiblement radioactifs. La production de ces déchets est aujourd'hui arrêtée. La plupart des sites sont aujourd'hui rebouchés, replantés et réhabilités. Le projet de loi prévoit la mise en place pour 2008, d'une surveillance radiologique renforcée, notamment pour contrôler la radioactivité des eaux de ruissellement.

▪ Des définitions précises

Le projet de loi renforce la sécurité juridique des activités nucléaires en adoptant des définitions précises visées à l'article 5.

Une matière radioactive est une substance pour laquelle une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement.

Les déchets radioactifs sont des substances pour lesquelles aucune utilisation n'est prévue ou envisagée. Les déchets radioactifs ultimes sont des déchets qui ne peuvent plus être traités dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de leur part valorisable ou par réduction de leur caractère polluant ou dangereux.

L'entreposage est une opération de placement temporaire dans une installation spécialement aménagée en surface ou en faible profondeur.

Le stockage est une opération de placement potentiellement définitif.

Le stockage en couche géologique profonde est le stockage dans une installation souterraine spécialement aménagée dans le respect du principe de réversibilité.

Le fait qu'un stockage en couche géologique profonde s'entende en France comme exclusivement réversible, n'assimile pas celui-ci à un entreposage.

La réversibilité signifie en effet uniquement qu'il est possible de reprendre les colis des déchets, soit en cas d'altération de l'un d'entre eux afin de le reconditionner, soit pour effectuer une opération de transmutation dès lors que celle-ci sera possible à un coût économique acceptable.

▪ Le régime des déchets étrangers

L'article 8 de la loi renforce la sécurité juridique des activités nucléaires en précisant les conditions d'importation de matières et déchets radioactifs.

L'interdiction de stockage en France est confirmée pour les déchets provenant de l'étranger ou issus du traitement de combustibles provenant de l'étranger.

L'introduction en France de combustibles usés ou de déchets radioactifs n'est possible qu'à des fins de traitement, de recherche ou de transfert, dans le cadre d'accords intergouvernementaux précisant les périodes de réception et de traitement et publiés au Journal Officiel.

Les exploitants nucléaires responsables du traitement sont tenus de publier un rapport annuel sur ces activités.

▪ Le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNG-MDR)

Autre point essentiel du projet de loi, la loi définit dans son article 6 le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNG-MDR)

Comme on l'a vu plus haut, la mise en place de ce plan a été recommandée par l'Office dès 2000.

Le PNG-MDR a plusieurs objectifs :

Les objectifs du PNG-MDR

· Recenser les besoins prévisibles d'installations d'entreposage ou de stockage,

· Préciser les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d'entreposage,

· Déterminer les objectifs à atteindre pour les déchets radioactifs qui ne font pas encore l'objet d'un mode de gestion définitif,

· Organiser la mise en œuvre des recherches et études sur la gestion des matières et des déchets radioactifs en fixant des échéances pour la mise en œuvre des nouveaux modes de gestion, la création d'installations ou la modification des installations existantes de nature à répondre aux besoins et aux objectifs.

La première version du plan résulte des travaux conduits par l'autorité de sûreté nucléaire, en coopération avec l'ANDRA, les producteurs de déchets, et plusieurs associations de protection de l'environnement. Ce plan triennal est révisé en tant que de besoin. Les dispositions du plan sont publiques. Un décret donne une valeur normative à ses principales prescriptions.

Les orientations du décret portant prescriptions du PNG-MDR

«1.°La réduction de la quantité et de la nocivité des déchets radioactifs est recherchée notamment par le traitement des combustibles usés et le traitement et le conditionnement des déchets radioactifs ;

« 2.°Les matières radioactives en attente de traitement et les déchets radioactifs ultimes en attente d'un stockage sont entreposés dans des installations spécialement aménagées à cet usage ;

« 3.°Après entreposage, les déchets radioactifs ultimes ne pouvant pour des raisons de sûreté nucléaire ou de radioprotection être stockés en surface ou en faible profondeur font l'objet d'un stockage en couche géologique profonde ».

Une évaluation systématique du plan sera réalisée par l'Office parlementaire d'évaluation tous les trois ans.

▪ Le renforcement des missions de l'ANDRA

Pour renforcer la gestion des déchets radioactifs, la loi élargit logiquement les missions de l'ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) (article 14).

Son monopole pour le stockage est confirmé. L'ANDRA peut intervenir pour l'entreposage. Son avis est requis pour le conditionnement des déchets. En outre, l'ANDRA se voit confier la prise en charge des déchets et des sites radioactifs pollués orphelins

L'ANDRA doit participer à la diffusion de la culture scientifique et technologique et peut diffuser son savoir-faire technique à l'étranger

▪ L'amélioration de l'information

Les dispositions relatives à l'information introduites par la loi du 30 décembre 1991, sont reprises et réformées par la loi de 2006.

La Commission nationale d'évaluation qui a donné toute satisfaction avec ses 11 rapports annuels et son rapport global d'évaluation, est réformée. Son domaine de travail est étendu à l'ensemble des domaines traités par le PNG-MDR; son renouvellement est légèrement accéléré de manière à la mettre davantage en prise avec les recherches effectivement conduites

Le Comité local d'information et de suivi est également réformé, dans le sens d'une plus grande efficacité

Les dispositions de la loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire sont également de nature à améliorer l'information sur la gestion des déchets, notamment avec la création d'une Commission locale d'information qui, selon la loi, sera automatique autour d'un centre de stockage.

▪ La procédure de création d'un centre de stockage géologique

L'article 12 de la loi précise les conditions de réalisation d'un centre de stockage en couche géologique profonde.

La réversibilité est le concept unique d'étude et de réalisation. Il s'agit d'un changement majeur par rapport à la loi de 1991 qui prescrivait des études sur un stockage réversible ou irréversible

Sur un plan technique, la réversibilité est acquise sur 100 à 150 ans mais elle devrait être possible jusqu'à 300 ans (études complémentaires nécessaires)

Un projet de loi sera soumis au Parlement sur les conditions de la réversibilité, avant le dépôt de la demande d'autorisation.

En outre, une procédure détaillée est prévue pour l'instruction de la demande d'autorisation de construction d'un centre de stockage, selon la séquence suivante :

1. Demande d'autorisation de création préparée par l'ANDRA ;

2. Rapport de la CNE. Avis de l'autorité de sûreté nucléaire. Avis des collectivités territoriales ;

3. Débat public ;

4. Rapport de l'Office parlementaire ;

5. Projet de loi examiné par le Parlement fixant les conditions de la réversibilité ;

6. Décret en Conseil d'État après enquête publique.

▪ Le développement économique des régions participant à la gestion des déchets

À la demande expresse du Parlement qui a notablement renforcé les dispositions du projet de loi initial, le développement local et le développement scientifique et technologique des territoires concernés sont accélérés par les dispositions suivantes, amplifiant les dispositions de la loi du 30 décembre 1991 :

· Création d'un GIP (Groupement d'intérêt public) pour le centre de stockage

· Création d'une taxe d'accompagnement économique acquittée par les exploitants nucléaires

· Création d'une taxe de diffusion technologique acquittée par les exploitants nucléaires

· Obligation de résultats fixée aux exploitants nucléaires pour leur participation au développement économique ou scientifique

▪ Les garanties apportées pour le financement à long terme

La loi renforce enfin les garanties de financement de la gestion à long terme des déchets radioactifs.

Un premier fonds dédié est créé au sein de l'ANDRA pour le financement de la recherche, alimenté par une taxe dite de recherche acquittée par les producteurs de déchets radioactifs (article 15).

Un deuxième fonds dédié a été créé, à l'initiative du Parlement, au sein de l'ANDRA, pour le financement de la construction, de l'exploitation et de l'arrêt des installations de stockage ou d'entreposage alimenté par des versements déterminés par des conventions entre l'ANDRA et les producteurs de déchets (article 16).

Par ailleurs, le financement des recherches sur la séparation et la transmutation sera assuré par des subventions de l'État et des contributions des exploitants d'installations nucléaires de base (article 17).

Un dispositif de contrôle des actifs dédiés au bilan des exploitants nucléaires est mis en place. Les actifs dédiés sont protégés par la loi. L'autorité administrative peut ordonner sous astreinte la constitution des actifs nécessaires en cas d'inobservation des prescriptions.

Les provisions et les types d'actifs sont vérifiés par l'autorité administrative tous les ans. Une Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement et de gestion des déchets radioactifs est créée par la loi (article 20).

TROISIÈME PARTIE

LE PNG-MDR 2006 : PREMIER BILAN ET PERSPECTIVES

La loi du 28 juin 2006 établit un cadre d'ensemble pour la gestion des déchets radioactifs, dont le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs représente un élément mais un élément seulement.

Dans quelle mesure le Plan de 2006 reflète-t-il les orientations générales de la loi et dans quelle mesure répond-il aux objectifs fixés par la loi ?

Telles sont les importantes questions auxquelles vos Rapporteurs apportent des réponses.

I.- LA STRUCTURE DU PNG-MDR 2006 ET SA CONFORMITÉ À LA LOI DU 28 JUIN 2006

Le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, dans sa première édition, désigné dans la suite par le sigle PNG-MDR 2006, se présente sous la forme d'un document de plus d'une centaine de pages, composé d'une longue introduction et de quatre parties.

L'introduction retrace le processus d'élaboration du PNG-MDR. La première partie décrit les modes de gestion des déchets radioactifs tels qu'on peut les concevoir sur un plan théorique. La deuxième partie est consacrée aux matières radioactives valorisables. La troisième partie adopte un point de vue transversal pour examiner l'articulation des différentes solutions de gestion. La quatrième partie traite des améliorations à apporter pour mettre en place une gestion exhaustive des déchets de tous types.

1. Les conditions d'élaboration du PNG-MDR 2006

Dès 2000, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques appelait de ses vœux l'élaboration et l'application d'un plan d'ensemble de gestion des déchets radioactifs, afin de parvenir à l'exhaustivité et la cohérence dans ce domaine.

À cette date, l'attention des pouvoirs publics et les moyens de recherche étaient en effet concentrés sur les déchets radioactifs de haute activité à vie longue, dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991.

Il apparaissait ainsi nécessaire de mettre en place un instrument supplémentaire permettant de traiter avec autant de rigueur les autres types de déchets.

En 2003, un groupe de travail a été constitué sous l'impulsion de l'autorité de sûreté nucléaire afin d'examiner la faisabilité d'un tel plan. D'entrée, la méthode retenue a été d'associer le plus grand nombre possible de parties prenantes - administrations, organismes de recherche, producteurs de déchets radioactifs de tous types, organismes responsables de leur gestion, associations de protection de l'environnement -.

Cette méthode a sans aucun doute permis de faire un recensement complet des problèmes à traiter et de définir les principes et les bonnes pratiques de gestion.

Il reste que le PNG-MDR 2006 reflète encore trop étroitement le processus de son élaboration. Devant être triennal, il pourra, à l'avenir, être à la fois simplifié dans sa forme et rendu plus opérationnel en adoptant une présentation plus pratique, de type mode d'emploi.

Sur la base de l'inventaire national des déchets radioactifs réalisé par l'ANDRA, le PNG-MDR gardera toutefois son utilité.

On peut également penser que le groupe de travail désormais réuni sous la direction conjointe de la DGEMP (Direction générale de l'énergie et des matières premières) du ministère de l'industrie et de l'Autorité de sûreté nucléaire pourra adopter à l'avenir des configurations à géométrie variable, notamment lorsqu'il s'agira de coordonner les efforts des acteurs de la loi, par exemple sur la séparation-transmutation (axe 1).

2. Les modes de gestion optimaux

L'un des apports importants de la préparation du PNG-MDR a, sans aucun doute, été de préciser l'hétérogénéité des différents types de déchets, tant en ce qui concerne leurs caractéristiques physiques - radioactivité, conditionnements, volumes - qu'en ce qui concerne le statut de leurs détenteurs - organismes de recherche, entreprises publiques, entreprises privées, professionnels ou particuliers -.

Deux critères essentiels doivent être pris en compte, d'une part l'identification ou l'ignorance par le détenteur de la nature radioactive de matières ou de déchets en sa possession, et, d'autre part, la solvabilité de ce même détenteur.

Le travail de préparation du PNG-MDR est directement à l'origine de l'élargissement des missions de l'ANDRA, par l'article 14 de la loi du 28 juin 2006, à « la collecte, le transport et la prise en charge de déchets radioactifs et la remise en état de sites de pollution radioactive sur demande et aux frais de leurs responsables ou sur réquisition publique lorsque les responsables de ces déchets ou de ces sites sont défaillants ».

Un autre acquis de la préparation du PNG-MDR est l'extension du domaine d'étude aux déchets à radioactivité naturelle renforcée.

Il s'agit de déchets issus d'activités industrielles non nucléaires qui utilisent des matières premières contenant à l'état naturel des éléments radioactifs qui sont indirectement et involontairement concentrées au cours des processus industriels.

Il s'agit, par exemple, des activités d'extraction et de traitement du pétrole et du gaz naturel ou d'activités industrielles mettant en œuvre des produits comme le zircon, le baddaléyite ou les engrais phosphatés.

Un arrêté a fixé en 2005 la liste des activités ou des catégories d'activités professionnelles concernées.

Les études sont en cours pour déterminer la réglementation applicable à ces déchets particuliers, dont l'activité massique est faible mais dont les volumes sont trop importants pour envisager de les transférer dans des centres de stockage dédiés.

Parmi les autres acquis de l'élaboration du PNG-MDR, figure aussi le renforcement des dispositions relatives aux sites d'extraction des minerais d'uranium et aux résidus de traitement de ceux-ci.

La prise en compte des déchets et effluents de très faible activité des activités de recherche et des sources scellées devrait également être améliorée à l'avenir grâce aux travaux d'élaboration du PNG-MDR.

3. Les matières valorisables

Le chapitre du PNG-MDR relatif aux matières valorisables en présente les différents types, à savoir les combustibles usés irradiés extraits des réacteurs nucléaires, le plutonium et l'uranium de traitement issu des opérations de séparation des éléments du combustible usé, l'uranium appauvri issu des opérations d'enrichissement, et les matières, comme le thorium, issues des industries non nucléaires.

Les développements du PNG-MDR sur ces sujets sont brefs car les matières valorisables font l'objet de dispositions précises de la part des industriels et de contrôles étroits de la part de l'autorité de sûreté et des autorités internationales.

Le PNG-MDR note que s'agissant des combustibles usés, des études sont menées pour leur élimination directe.

Le PNG-MDR précise à juste titre que ces études sont menées à simple titre de précaution.

La loi du 28 juin 2006 authentifie en effet le traitement-recyclage comme la méthode de base pour réduire la quantité et la nocivité des déchets radioactifs. Ainsi que l'indique l'article 6, seuls les déchets radioactifs ultimes sont stockés en surface, en faible profondeur ou en couche géologique profonde.

La volonté du législateur a été clairement exprimée dans ce sens lors des débats parlementaires.

4. L'articulation et la cohérence des différentes solutions de gestion

L'articulation et la cohérence des solutions mises en place par les lois de 1991 et 2006 et explicitées par le PNG-MDR sont deux conditions de son efficacité.

▪ L'articulation des différentes solutions de gestion

L'articulation des solutions mises en place pour la gestion des déchets est un élément clé de l'efficacité. Les lois du 30 décembre 1991 et du 28 juin 2006 ont souligné l'importance du conditionnement et de l'entreposage à long terme, qui doivent permettre le meilleur niveau de sûreté tout au long du trajet des déchets radioactifs, depuis leur production jusqu'à leur stockage définitif.

Ainsi l'article 14 de la loi de 2006 donne mission à l'ANDRA « de prévoir, dans le respect des règles de sûreté nucléaire, les spécifications pour le stockage des déchets radioactifs et de donner aux autorités administratives compétentes un avis sur les spécifications pour le conditionnement des déchets ».

S'agissant de l'entreposage, la volonté constante du Législateur, exprimée tant en 1991 qu'en 2006, est que l'entreposage, par définition temporaire, ne sert qu'à optimiser la gestion des déchets radioactifs en permettant d'ajuster les quantités traitées ainsi que les capacités des installations de stockage.

C'est pourquoi l'article 3 de la loi de 2006 précise que des études et des recherches sur l'entreposage sont conduites, « en vue, au plus tard en 2015, de créer de nouvelles installations d'entreposage ou de modifier des installations existantes, pour répondre aux besoins, notamment en termes de capacités et de durée, » recensés par le PNG-MDR.

Il importe en conséquence que le PNG-MDR apporte, dans ses prochaines éditions, les précisions nécessaires.

▪ La cohérence des solutions de gestion

Pour atteindre son objectif d'amélioration globale de la sûreté, le PNG-MDR doit être cohérent, c'est-à-dire mettre en œuvre des solutions de sûreté de niveau équivalent pour chaque horizon de temps.

Les critères suivants sont énoncés dans le PNG-MDR :

· « L'impact radiologique des solutions de gestion ;

· « Le niveau d'optimisation technique et économique, en fonction des différents modes de gestion envisageables, et des ressources qu'il est possible ou souhaitable de consacrer à la gestion à long terme de ces déchets ;

· « La prise en compte de la dimension temporelle de la mise en place des filières de gestion à long terme par rapport aux besoins, de façon à éviter des entreposages non nécessaires sur de trop longues périodes, et de réduire les risques liés à la non-pérennité du producteur de déchets ;

· l'adéquation en termes de volumes des filières de gestion à long terme par rapport aux besoins ».

Le principe de la minimisation des effluents rejetés est un principe général dont la mise en œuvre dépend du processus d'optimisation propre à chaque installation, en conformité avec la réglementation.

S'agissant des déchets de haute ou moyenne activité à vie longue ainsi que les déchets de faible activité à vie longue ou courte, le PNG-MDR indique que la stratégie retenue consiste à rassembler les déchets dans un nombre d'endroits limité. Cette stratégie est en effet celle qui est d'ores et déjà opérationnelle, notamment pour les déchets de faible activité à vie courte, et qui est en cours de développement pour les déchets FA-VL et les déchets HA-VL ou MA-VL.

Il semble toutefois nécessaire de remarquer que, concernant les déchets HA-VL, qui représentent l'essentiel de la radioactivité présente dans les combustibles usés, la loi du 28 juin 2006 confirme que la France s'est fixé l'objectif ultime de la transmutation des déchets de ce type à l'horizon de 2040, lorsque les réacteurs de 4ème Génération seront opérationnels.

En tout état de cause, il n'existe pas de fatalité selon laquelle la science et la technologie seraient impuissantes à inventer des réacteurs électronucléaires non producteurs de déchets radioactifs de haute activité à vie longue.

Il apparaît déjà que les réacteurs de 4ème Génération pourront recycler les actinides mineurs, de sorte que l'encours de ces radioéléments à vie longue restera constant et égal à la quantité présente en réacteur.

II.- LES PROLONGEMENTS NÉCESSAIRES DU PNG-MDR 2006

1. Les combustibles nucléaires d'aujourd'hui et de demain

La configuration du parc électronucléaire est, en France, un élément déterminant de la gestion des déchets radioactifs. La production électronucléaire est en effet à l'origine des deux tiers des déchets radioactifs. Par ailleurs, comme on l'a vu les combustibles nucléaires usés font l'objet d'un traitement, en vue du recyclage des matières énergétiques non brûlées. Les quantités de combustibles retraités ou entreposés en l'état influent en conséquence sur les volumes des matières valorisables récupérées ainsi que sur les déchets ultimes. Autre paramètre, les techniques de traitement font des progrès au cours du temps, en ce sens que les quantités de déchets issues de ces opérations sont minimisées progressivement au cours du temps.

Il importe en conséquence d'identifier les caractéristiques fondamentales du cycle du combustible actuel et d'examiner les modalités d'évolution de ce dernier vers les différents types de parc du futur que l'on peut imaginer.

▪ Le cycle du combustible actuel et les flux de matières valorisables et de déchets

Le cycle du combustible actuellement mis en place par EDF repose sur le traitement-recyclage de ses combustibles UOx6 usés, qui permet de réutiliser les matières énergétiques non brûlées lors du premier passage en réacteur.

Autre caractéristique importante du cycle actuel, le recyclage de ces matières valorisables est limité aux vingt réacteurs autorisés à charger du MOX (Mix Oxyde Fuels) et aux deux réacteurs de Cruas autorisés à charger de l'uranium de traitement.

Le graphique suivant indique quels sont les flux pour chacun des composants du cycle.

Figure 7 : Les flux actuels du cycle du combustible nucléaire pour EDF (source : EDF)

graphique

1 200 tonnes de combustibles usés sont déchargées en moyenne chaque année des réacteurs d'EDF7. Ces combustibles usés sont placés pour refroidissement dans les piscines des centrales pour une durée de plusieurs années.

Un flux annuel équivalent de 1 200 tonnes de combustibles usés est acheminé vers La Hague.

Annuellement, les opérations de traitement portent sur 850 tonnes de combustible. Le stock de combustibles usés en attente de retraitement présents dans les piscines de La Hague augmente en conséquence de 350 tonnes par an. Le total de combustibles usés dans les piscines de La Hague avoisine aujourd'hui 8 000 tonnes, pour une capacité d'accueil totale de 17 000 tonnes.

Le traitement des 850 tonnes de combustibles usés génère trois types de produits :

· 250 m3 de déchets conditionnés et entreposés ;

· 810 tonnes d'uranium de traitement dont 1/3 est recyclé dans deux réacteurs de Cruas après ré-enrichissement et fabrication de nouveaux combustibles, et 2/3 sont mis en réserve ;

· 8,5 tonnes de plutonium utilisées pour la fabrication des 100 tonnes de combustibles MOX8,9.

En définitive, le traitement-recyclage porte sur 70,8% des combustibles déchargés par EDF.

Dans quelle mesure cette situation est-elle durable, en termes de gestion du cycle ?

Les réponses d'EDF à ces questions sont claires et s'inscrivent dans un scénario cohérent :

1. Les 350 tonnes de combustibles usés sortis de réacteurs, qui ne sont actuellement pas retraitées immédiatement, sont en effet mises en réserve, telles quelles, en entreposage, et pourront fournir, en temps utile, les matières valorisables indispensables au démarrage du parc de réacteurs de 4ème Génération.

2. Les 100 tonnes de combustibles MOX sorties chaque année des réacteurs, sont également mises en réserve par entreposage, dans le même but.

3. On sait d'ores et déjà que les réacteurs de 4ème Génération fonctionneront avec des combustibles constitués de plutonium et d'uranium appauvri. Ces matières seront fournies, d'une part, par le traitement ultérieur des combustibles UOx et MOX pour le moment entreposés, et, d'autre part par l'uranium appauvri issu des opérations d'enrichissement effectuées à l'usine EURODIF de Tricastin.

On estime qu'un parc de 20 GWe de réacteurs de 4ème Génération nécessite au démarrage une « amorce » de plutonium d'environ 300 tonnes.

Cette quantité de plutonium sera fournie par le traitement de 3 000 tonnes de MOX et de 15 000 tonnes de combustibles UOx10, entreposées progressivement, les combustibles déchargés n'étant traités, comme on l'a vu, qu'à hauteur de 70,8% du total.

Ces volumes de combustibles entreposés seront atteints vers 2030 avec les mises en réserves actuellement pratiquées. Les capacités actuelles des piscines de La Hague sont suffisantes pour les entreposer.

Cohérent, ce scénario permet ainsi d'assurer la transition entre, d'une part, les réacteurs à eau légère actuels et les réacteurs de 3ème Génération de type EPR, et, d'autre part, les réacteurs de 4ème Génération.

Cohérent, ce scénario l'est d'autant plus qu'il est assorti de différentes possibilités d'ajustement.

Les quantités retraitées peuvent être ajustées à la hausse. Le nombre de réacteurs fonctionnant avec des combustibles MOX pourrait être augmenté à 24 tranches contre 20 actuellement. Par ailleurs, pour augmenter la part de l'entreposage, les capacités des piscines de refroidissement des centrales nucléaires pourraient être mobilisées davantage, voire étendues, de même que celles de l'usine de La Hague.

Il faut se garder toutefois de donner au scénario ci-dessus une valeur absolue et définitive11. Les données techniques pourront en effet évoluer dans des proportions non négligeables, en particulier la composition des combustibles qui seront utilisés dans les réacteurs de 4ème Génération.

Il serait utile que le PNG-MDR s'attache à l'avenir à décrire les flux des matières valorisables et leur adéquation aux besoins futurs, au fur et à mesure que les caractéristiques des futurs réacteurs seront connues.

▪ Le cycle du combustible du futur avec les réacteurs de 4ème Génération

Les travaux de R&D relatifs aux réacteurs de 4ème Génération ont en commun de viser deux améliorations fondamentales.

D'une part ces réacteurs devraient permettre d'économiser la ressource en uranium et de recycler les matières énergétiques que sont l'uranium appauvri et le plutonium présents dans les combustibles usés.

Ainsi, d'après les calculs d'EDF représentés ci-dessous, l'uranium appauvri entreposé en France, permettrait d'assurer la production électrique au niveau actuel pendant 5 000 ans12.

Plus généralement, on estime que les réacteurs de 4ème Génération devraient permettre de multiplier par 50 la quantité d'électricité produite avec la même quantité d'uranium naturel.

Figure 8 : la production électrique du futur assurée par l'uranium appauvri entreposé en France (source : EDF)

Avec le redémarrage du nucléaire, notamment en Asie, la question du coût de l'uranium ne peut plus être tenue pour négligeable. Entre 2001 et 2007, le prix de l'uranium a en effet été multiplié par 413.

Autre apport fondamental, les réacteurs de 4ème Génération pourraient permettre de recycler les actinides mineurs et diminuer les quantités de déchets ultimes de haute activité à vie longue.

Grâce au retraitement poussé, les nouveaux combustibles reprendraient les actinides mineurs, principaux constituants des déchets de haute activité à vie longue. L'encours total des radioéléments à vie longue - neptunium, américium, curium - serait stabilisé et confiné dans le cœur des réacteurs, en dehors des opérations de traitement des combustibles. Il ne serait plus alors nécessaire de stocker les actinides mineurs en couche géologique profonde.

2. Les recherches sur la séparation poussée et la transmutation (axe 1)

Ainsi que l'a exprimé M. Alain BUGAT, Administrateur général du CEA, lors de l'audition publique du 13 février 2007 organisée par vos Rapporteurs, l'évolution fondamentale des prochaines années dans le domaine de l'énergie nucléaire résidera dans la convergence des choix relatifs au cycle du combustible et de ceux relatifs aux réacteurs nucléaires.

Grâce à sa maîtrise du traitement-recyclage et à son expérience des réacteurs à neutrons rapides, la France possède des atouts majeurs pour s'affirmer dans la concurrence internationale dont l'intensité va augmenter avec la construction d'un nombre croissant de réacteurs nucléaires.

A.- La séparation

La séparation des constituants des combustibles nucléaires usés est un domaine d'une importance de plus en plus grande, compte tenu des révisions qu'effectuent différents pays de leur cycle du combustible.

Lorsque le cycle du combustible est dit ouvert, c'est-à-dire lorsque les combustibles usés sont stockés directement en l'état, nonobstant leur fort contenu en matières énergétiques recyclables, les questions sur le procédé de séparation n'ont pas lieu d'être.

En revanche, dès lors que l'option du cycle fermé du combustible est choisie, alors la question du choix d'un procédé de séparation se pose.

Le tableau ci-après présente les principaux procédés utilisés ou étudiés en France.

Tableau 5 : Les principaux procédés de séparation des radioéléments contenus dans les combustibles nucléaires usés

Nom du procédé de séparation

Objectif

État d'avancement/ Intérêt

PUREX

· Uranium et plutonium obtenus séparément.

· Solution restante comprenant les actinides mineurs et les produits de fission.

· Opérationnel

· Fabrication du MOX

COEX

· Co extraction et co précipitation de l'uranium et du plutonium intimement mélangés

· Solution restante comprenant les actinides mineurs et les produits de fission

· Opérationnel sous réserve d'études complémentaires

· Traitement éventuel des combustibles usés aux Etats-Unis

SEPOU

SANEX-DIAMEX

· Séparation de chacun des éléments :

· Séparation uranium plutonium

· Séparation du neptunium

· Séparation individuelle de l'américium et du curium

· Solution restante : produits de fission

· Recyclage hétérogène

· Irradiation en périphérie du cœur

GANEX

· Séparation de l'ensemble uranium+plutonium+actinides mineurs

· Solution restante : produits de fission

· Études en cours. Objectif ultime (optimum pour la non-prolifération)

· Recyclage homogène

PYROCHIMIE

· Séparation des constituants de combustibles usés difficiles à dissoudre en phase aqueuse

· Tests à l'échelle du laboratoire

Les critères de choix sont alors multiples. L'efficacité de la séparation, en termes de quantité et de pureté des produits obtenus, est évidemment déterminante. Mais un autre critère prend une importance très grande ces dernières années, la résistance intrinsèque du procédé à la prolifération.

Les performances du procédé PUREX utilisé en France atteignent un niveau de 99,8% pour la séparation de l'uranium et du plutonium, avec un facteur de décontamination en actinides mineurs et en produits de fission très élevé, ce qui permet leur recyclage en réacteur sous forme de MOX. En séparant d'un côté l'uranium et de l'autre le plutonium, ce procédé est toutefois jugé par certains pays dont les États-Unis, comme potentiellement proliférant.

C'est pourquoi le procédé COEX développé par le CEA et AREVA présente un intérêt particulier, en ce qu'il conduit à une co précipitation de l'uranium et du plutonium. Dans ces conditions, le précipité obtenu correspond à un mélange intime de deux constituants, d'où une plus grande difficulté pour les reséparer pour d'éventuelles applications militaires et la très grande qualité du produit obtenu pour la fabrication de MOX.

En tout état de cause, les études sur les procédés de séparation doivent se poursuivre en France pour au moins deux raisons.

La France pourrait trouver avantage à développer le procédé COEX en partenariat avec les États-Unis, si les perspectives actuelles de fermeture de leur cycle du combustible se confirment.

Par ailleurs, il est encore trop tôt pour décider quel type de recyclage - homogène ou hétérogène - sera préférable dans les réacteurs de 4ème Génération, pour transmuter les déchets de haute activité à vie longue.

Il sera en conséquence utile que le PNG-MDR rende fidèlement compte des progrès réalisés dans ces domaines.

B.- La transmutation

Ainsi que l'indique l'article 5 de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, la politique de recherche doit permettre à la France de conserver sa position de premier plan dans le domaine de l'énergie nucléaire en poursuivant les objectifs suivants : « le développement des technologies des réacteurs nucléaires du futur (fission ou fusion), en particulier avec le soutien du programme ITER, et également des technologies nécessaires à une gestion durable des déchets radioactifs ».

Article 3 (loi du 28 juin 2006)

« Pour assurer dans le respect des principes énoncés à l'article L. 542-1 du code de l'environnement, la gestion des déchets radioactifs à vie longue de haute ou de moyenne activité, les recherches et études relatives à ces déchets sont poursuivies selon les trois axes suivants :

« 1° La séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Les études et les recherches correspondantes sont conduites en relation avec celles menées sur les nouvelles générations de réacteurs nucléaires mentionnés à l'article 5 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique ainsi que sur les réacteurs pilotés par accélérateur dédiés à la transmutation des déchets, afin de disposer, en 2012, d'une évaluation des perspectives industrielles de ces filières et de mettre en exploitation un prototype d'installation avant le 31 décembre 2020 ; »

▪ Les pistes éliminées

Les résultats des recherches conduites en application de la loi du 30 décembre 1991 ont permis au CEA de clôturer ses travaux relatifs à plusieurs pistes de recherche.

Ainsi, sont abandonnées, en raison de leur inintérêt, les voies suivantes :

· la transmutation des actinides mineurs dans les réacteurs à neutrons thermiques, c'est-à-dire dans les réacteurs du parc électronucléaire actuel ;

· la transmutation des produits de fission ;

· la reprise des déchets de haute ou moyenne activité à vie longue qui apparaît impossible à mettre en œuvre d'une manière réaliste, car générant potentiellement beaucoup de déchets secondaires.

Les moyens du CEA sont, en conséquence, réalloués aux pistes les plus prometteuses. D'ores et déjà, les études sont lancées pour la réalisation d'un réacteur à neutrons rapides Sodium. Deux filières sont étudiées, l'une étant la filière de référence et l'autre la filière alternative.

▪ Les différents types de recyclage

Le recyclage des actinides mineurs peut s'envisager de plusieurs manières avec les réacteurs de 4ème Génération, ainsi qu'indiqué dans la figure suivante.

Figure 9 : Les différents types de recyclage des actinides mineurs dans les réacteurs de 4ème Génération (source : CEA)

graphique

Ces différentes méthodes sont les suivantes :

· le recyclage peut concerner seulement l'uranium et le plutonium, qui sont, lors du traitement, mélangés à de l'uranium appauvri. Dans ce cas, les produits de fission (PF) et les actinides mineurs sont vitrifiés et stockés en tant que résidus ultimes. Il s'agit d'une situation voisine de l'actuelle avec les réacteurs à eau pressurisée, avec toutefois la différence que les quantités de plutonium peuvent être plus importantes qu'avec les combustibles MOX.

· Le recyclage hétérogène correspond à la fabrication de deux types de crayons de combustible : les uns contiennent uniquement de l'uranium et du plutonium ; les autres uniquement des actinides mineurs.

· Le recyclage homogène consiste à ne fabriquer et n'implanter dans le réacteur qu'un seul type de combustible, comprenant un mélange d'uranium, de plutonium et d'actinides mineurs.

En tout état de cause, le PNG-MDR devra établir un bilan des expérimentations effectuées tant en France avec PHENIX qu'au Japon avec le réacteur MONJU.

▪ Le réacteur à neutrons rapides Sodium

Compte tenu de l'expérience acquise avec Phénix et Superphénix, la filière RNR (réacteur à neutrons rapides) est la filière de référence, étudiée sous l'impulsion du CEA, en collaboration étroite avec les partenaires industriels, des coopérations internationales étant également recherchées. Le prototype serait construit en France.

La faisabilité de ce type de réacteur est acquise. Mais les enjeux du réacteur 2020 sont multiples.

Il s'agit d'abord d'accroître la sûreté : ceci devrait être obtenu par une conception prévenant le risque d'accident, par l'utilisation de combustibles plus robustes, par l'élimination du risque de dégagement énergétique et par la mise au point d'un récupérateur de corium.

En outre, ce réacteur devrait utiliser un système de conversion d'énergie nouveau, à savoir soit un fluide intermédiaire compatible avec l'eau et le sodium dans le cas d'un circuit secondaire compact, soit un système sans circuit intermédiaire utilisant un gaz comme le dioxyde de carbone supercritique CO2 ou un mélange hélium azote.

Figure 10 : Les deux concepts de RNR Sodium pour le prototype 2020 (source : CEA)

graphique

L'exploitabilité serait améliorée par une inspection en service aisée et performante et un service de manutention du combustible performant. La régularité d'exploitation permettrait de parvenir à un niveau de compétitivité satisfaisant.

Des progrès déterminants sont donc nécessaires par rapport aux réalisations antérieures.

L'objectif est de construire un prototype de réacteur RNR Sodium de production d'électricité, dont la puissance sera comprise entre 250 et 600 MWe. Ce réacteur permettra à la fois un multi-recyclage du plutonium issu des réacteurs du parc actuel et un recyclage des actinides mineurs.

▪ Le réacteur à neutrons rapides Gaz

Le réacteur à neutrons rapides Gaz a pour caractéristiques majeures, l'utilisation d'un caloporteur gaz inerte, qui doit permettre l'accès à des hautes températures de fonctionnement, ouvrant la voie à un ensemble d'applications industrielles, comme la thermochimie et la production d'hydrogène.

Autre avantage attendu de ce type de réacteur, les installations industrielles du cycle du combustible associé devraient être de 10 à 20 fois plus petites que pour le RNR Sodium.

Figure 11 : Schéma de principe d'un réacteur rapide à Gaz (source : CEA)

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Aucun réacteur de ce type n'a jamais été construit. Les principales difficultés à résoudre sont la mise au point de combustibles réfractaires à haute teneur en atomes fissiles, l'évacuation de la puissance résiduelle et la sûreté d'exploitation.

La mise au point de cette filière passe par la réalisation d'un petit réacteur expérimental de 50 MWth, permettant de qualifier les concepts d'assemblages combustibles, de valider le premier référentiel de sûreté, de démontrer le fonctionnement, le contrôle du cœur, l'instrumentation et de préciser la température de fonctionnement qui devrait être comprise entre 650 et 850 °C.

La France recherche une collaboration européenne pour la réalisation et la construction du démonstrateur expérimental qui pourraient intervenir en Europe.

▪ La filière ADS

Contrairement aux réacteurs de 4ème Génération de type RNR Sodium ou Gaz, la filière ADS (Accelerator Driven System) est une filière exclusivement dédiée à la transmutation des actinides mineurs. Dans cette optique, le parc électronucléaire serait dual, avec, d'un côté, des réacteurs électrogènes, et, de l'autre, des réacteurs dédiés à la transmutation construits en petit nombre.

Les réacteurs ADS sont des réacteurs sous-critiques dotés d'une source externe de neutrons. Pour produire ces neutrons une cible spécifique dite de spallation, est bombardée par des protons dont l'énergie est portée à un haut niveau par un accélérateur.

L'intérêt des ADS provient du fait qu'il devrait être possible d'y charger des quantités importantes de déchets de haute activité à vie longue. Mais plusieurs verrous technologiques restent à lever.

Une expérience comme MEGAPIE réalisée en 2006 à l'Institut Paul SCHERRER (Suisse), a permis d'obtenir des flux stables de neutrons à haute énergie. D'autres travaux sont prévus dans le cadre du projet européen EUROTRANS qui doit s'achever en 2009.

À cette date, il sera possible de déterminer si la construction d'un ADS d'une puissance comprise entre 100 et 400 MWth est techniquement envisageable et stratégiquement pertinente.

C.- Le financement

Selon la loi du 28 juin 2006, les recherches relatives à la séparation et à la transmutation sont subventionnées par l'État.

D'après l'article 17, ces subventions sont toutefois complétées par les exploitants d'installations nucléaires de base selon des contributions définies par convention entre ces derniers et les organismes de recherche.

La question des moyens financiers alloués aux recherches sur la séparation et la transmutation est d'ores et déjà posée.

En 2007, le coût complet du programme français « RNR Sodium et Gaz, Prototype 2020 et Cycle du combustible associé » atteint 92 M€ (millions euros), dont 28 pour le RNR Sodium, 26 pour le RNR Gaz et 38 pour le cycle du combustible. Le CEA a affecté à ces programmes 10 M€ de plus que le montant prévu par son plan 2005 à moyen long terme.

La figure suivante précise par ailleurs l'évolution du coût complet du programme d'ici à 2012.

Figure 12 : Coûts complets des recherches sur la transmutation (source : CEA)

graphique

Il apparaît que les dépenses correspondantes excèdent, pour des montants croissants, les dépenses programmées par le plan à moyen long terme du CEA.

Des contributions des industriels s'imposent donc le plus rapidement possible, conformément à la loi du 28 juin 2006.

Il serait utile que le PNG-MDR fasse un bilan des moyens affectés par l'État, le CEA et les producteurs de déchets, à cet axe de recherche essentiel pour l'avenir de la gestion des déchets et la compétitivité de l'industrie française.

D.- Pour une initiative française dans le domaine du cycle des combustibles nucléaires

Le rôle de l'énergie nucléaire est appelé à s'accroître dans le monde pour la production d'électricité des prochaines décennies.

Avec l'hydroélectricité, c'est en effet le seul moyen de production de masse d'électricité, qui ne génère pas de dioxyde de carbone CO2.

L'expansion du nucléaire dépendra toutefois largement de la mise en œuvre de solutions efficaces pour la gestion des déchets et de l'optimisation des ressources en uranium avec des réacteurs de plus en plus performants. Une autre condition à l'expansion du nucléaire dans le monde est que la fabrication et le traitement des combustibles ne conduisent pas à la prolifération des armes nucléaires.

Plusieurs initiatives internationales récentes portent précisément sur le cycle du combustible et sa mise à disposition d'un nombre croissant de pays, tout en essayant d'en conjurer les inconvénients majeurs.

▪ Les trois initiatives : GNEP, Poutine, AIEA

La proposition américaine de partenariat global pour l'énergie nucléaire (GNEP Global Nuclear Energy Partnership) constitue l'initiative la plus importante.

Il s'agit de mettre en place dans le monde un nombre limité de centres de fabrication de combustibles nucléaires et de retraitement de ceux-ci une fois déchargés des réacteurs. Il reviendrait au petit nombre d'États maîtrisant les technologies correspondantes de mettre en place et d'exploiter ces centres, et d'assurer aux exploitants la fourniture et la reprise des combustibles de leurs réacteurs nucléaires.

Constituant une réplique au programme GNEP, l'initiative Poutine consiste à créer des centres internationaux de combustibles nucléaires auxquels pourraient avoir accès les exploitants, les services d'enrichissement étant en particulier rendus accessibles sans les restrictions actuelles.

Quant à l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), elle propose de compléter son rôle traditionnel par la prise en charge d'une assurance de fourniture de combustible nucléaire, un élément important compte tenu de la durée de vie, de 40 à 60 ans, des réacteurs nucléaires.

▪ GNEP et GIF

L'initiative GNEP vient s'ajouter au Forum International Génération IV (GIF - Generation IV International Forum) mais ne s'y substitue pas.

Ayant pour objet le partage des résultats des recherches précompétitives sur les réacteurs du futur, le GIF associe un nombre élevé d'États décidés à explorer les voies d'avenir de l'énergie nucléaire, sans nécessairement disposer des technologies du cycle du combustible. Pour la France, le but du GIF est d'éviter que plusieurs prototypes identiques soient construits dans plusieurs pays et de parvenir à une coopération réelle dans laquelle chaque prototype serait financé par plusieurs partenaires.

Au contraire, GNEP se limite aux quatre États maîtrisant l'ensemble des technologies d'enrichissement, de fabrication de combustibles et de traitement-recyclage, à savoir la France, la Russie, le Japon et dans une certaine mesure, les États-Unis.

Le programme GNEP poursuit en réalité plusieurs objectifs.

Les États-Unis mesurent aujourd'hui les inconvénients de l'interdiction du retraitement édictée par le Président CARTER. L'exemple américain n'a pas empêché d'autres pays de faire le choix du traitement de leurs combustibles nucléaires et n'a pas non plus prévenu la prolifération des armes nucléaires.

Le non-traitement des combustibles usés conduit aussi à une impasse pour leur stockage, les volumes requis en couche géologique profonde étant considérables. Enfin, l'interdiction du traitement a entraîné une perte de compétences dans les technologies correspondantes.

Ayant une dimension nationale importante, GNEP permet de rouvrir le champ du possible et incite l'industrie américaine à reprendre un leadership. Cette impulsion s'inscrit dans la voie ouverte aux États-Unis avec le programme de recyclage du plutonium démilitarisé. Une usine de fabrication de MOX doit en effet être construite sur le site nucléaire de Savannah River, afin d'alimenter deux réacteurs de la compagnie Duke Energy.

Favorisant la croissance du nucléaire au plan mondial, GNEP présente aussi l'intérêt de rebattre les cartes en matière de traitement-recyclage au plan intérieur et de permettre à l'industrie nucléaire américaine de se replacer dans la concurrence internationale en proposant des solutions complètes.

▪ Une initiative française souhaitable

Alors qu'elle est le leader mondial des services de traitement-recyclage, on ne comprendrait pas que la France prenne note sans réagir des initiatives d'autres pays moins avancés dans ce domaine.

Si la France a donné un avis positif à GNEP, il lui revient de porter un projet alternatif ou complémentaire. L'expérience est acquise, avec EURODIF qui constitue d'ores et déjà un centre multinational d'enrichissement.

Il pourrait, en conséquence, être proposé de faire évoluer le concept de GNEP. En particulier, on peut se demander si les relations bilatérales qu'il propose de mettre en place constituent un modèle approprié.

D'autres solutions que GNEP seraient en effet possibles. On peut par exemple imaginer des contrats de fourniture globale - réacteurs plus combustibles sur la longue durée -. De tels contrats seraient accompagnés d'une garantie politique de bonne fin et encadrés par un contrôle de bonne conduite opéré par l'AIEA, dont la sanction serait l'interruption de livraison de combustibles.

Pour le CEA, la France doit faire reconnaître l'intérêt d'une « démarche évolutive », s'appuyant sur les avantages des technologies existantes, en particulier la réduction et le conditionnement des déchets, le recyclage du plutonium issu du traitement et l'économie de ressources qu'il permet14. Il est indispensable que les perspectives offertes par les réacteurs de 4ème Génération pour la transmutation des actinides mineurs soient prises en compte.

La demande du CEA est que la France aille au-delà de l'objectif minimal de la simple tolérance de ses installations actuelles et vise un potentiel d'exportation de ses technologies.

Ayant transféré au Japon une large partie de ses technologies de l'aval du cycle, la France pourrait s'appuyer sur son partenaire pour faire évoluer le programme GNEP.

3. Le stockage géologique (axe 2)

Ainsi que le dispose la loi du 28 juin 2006, l'objectif est clairement fixé pour le stockage géologique.

Article 3 (loi du 28 juin 2006)

2° Le stockage réversible en couche géologique profonde. Les études et recherches correspondantes sont conduites en vue de choisir un site et de concevoir un centre de stockage de sorte que, au vu des résultats des études conduites, la demande de son autorisation prévue à l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement puisse être instruite en 2015 et, sous réserve de cette autorisation, le centre mis en exploitation en 2025 ;

Afin de remplir la mission qui lui incombe, l'ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) a « défini, organisé et planifié »15 ses activités de recherche.

Les programmes thématiques de l'ANDRA sont au nombre de 9. Des études spécifiques sont prévues dans quatre nouveaux domaines :

1. la gestion, la surveillance et le transport des colis,

2. l'observation et la surveillance du stockage et de l'environnement,

3. l'entreposage.

4. l'information et la consultation des populations.

A.- Le programme de reconnaissance géologique pour le choix d'un site de stockage

La démarche adoptée par l'ANDRA pour le choix d'un site de stockage est une démarche par étapes, clairement définies et préalablement annoncées au public et aux médias.

Le tableau ci-après résume, pour chaque période, les activités projetées et leurs modalités.

Tableau 6 : Le programme de reconnaissance pour le choix d'un site de stockage

(source : ANDRA)

Période

Programme

Modalités

Années

2007 et 2008

· Reconnaissance de l'ensemble de la zone de transposition (250 km²) au nord du Laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne

· Carte des zones d'implantation des nouveaux forages rendue publique début 2007

· Concertation avec les propriétaires des terrains correspondant aux plates-formes prévues pour la poursuite des études

· Réunions d'information prévues avec les maires

· Nouveaux forages en vue d'obtenir une connaissance géotechnique et hydrogéologique homogène de la zone

· Nouvelles études de sismique 2D pour compléter la représentation géologique de la zone et de son environnement

Année 2009

· Proposition par l'ANDRA au Gouvernement d'une zone d'intérêt restreinte (30 km² environ)

· Proposition par le Gouvernement d'une zone d'intérêt restreinte

· Concertation avec les populations

Années 2010 et 2011

· Reconnaissance détaillée de la zone d'intérêt restreinte et qualification de la couche d'argile

· Nouvelles études de sismique 3D pour confirmer l'homogénéité fine de la couche

Année 2012

· Proposition par l'ANDRA d'un ou de deux sites d'implantation du stockage

 

Année 2013

· Débat public, puis

· Choix du site par le Gouvernement

 

Année 2014

· Finalisation du dossier de demande d'autorisation de création

 

La figure suivante présente la carte établie par l'ANDRA où sont localisées les futures plates-formes d'études de la couche d'argile dans la zone dite de proximité.

Figure 13 : cartographie des études dans la zone de proximité - échelle non respectée pour les plates-formes (source : ANDRA)

graphique

B. La conception du centre de stockage

La charge de travail de l'ANDRA dans les prochaines années est considérable. Des expérimentations devront en effet continuer d'être conduites dans le laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne pour démontrer la sûreté de la couche d'argile. Par ailleurs, des études détaillées d'ingénierie et de sûreté devront être conduites dans la perspective du dépôt de la demande d'autorisation de création qui, selon la loi, doit intervenir fin 2014 début 2015.

▪ La poursuite des recherches sur l'argile du Callovo-Oxfordien

Sur le plan scientifique, la période 2007-2012 doit permettre d'accroître les connaissances dans un ensemble de domaines pointés par le plan de développement du projet HAVL de l'ANDRA16.

Sur le plan de la géologie, plusieurs types de recherche doivent être menées à bien :

· Évolution mécanique et chimique de la zone d'argilite endommagée autour des ouvrages

· Modélisation hydrogéologique

· Rôle des formations profondes (Lias et Trias) dans les transferts globaux à l'échelle du secteur

· Transferts entre le Callovo-Oxfordien et l'Oxfordien calcaire

· Évolution naturelle du site et de la région en termes d'érosion et de géométrie des réseaux hydrographiques

· Effets directs du climat sur les infiltrations et les mouvements convectifs dans les encaissants

Pour la sûreté du stockage après fermeture, Les principales directions de recherche sont les suivantes p

· Chimie des radionucléides en solution

· Propriétés thermodynamiques des matériaux et leur comportement en température

· Transferts de gaz

· Mécanismes responsables du relâchement des radionucléides et des toxiques chimiques dans les conditions de stockage

· Interactions fluides roches

· Couplage transport rétention des radionucléides dans les matériaux argileux très peu perméables.

Pour l'ensemble de ces travaux, l'ANDRA bénéficiera de l'assistance de nombreux organismes de recherche, dont le CNRS, le CEA, le BRGM, l'INERIS ainsi que de partenariats avec l'Université Technologique de Troyes et du pôle Nancy Université.

▪ Les études d'ingénierie et de sûreté relatives à un centre de stockage

Le dossier 2005 établi par l'ANDRA dans la perspective de la préparation de la future loi du 28 juin 2006, a présenté des solutions techniques dans une optique industrielle et de sûreté. Un travail d'optimisation reste à faire, sur la base du modèle d'inventaire des volumes de déchets qui permettra de dimensionner le stockage.

Afin de présenter au public les machines d'exploitation d'un futur centre de stockage, l'ANDRA souhaite par ailleurs construire, à proximité du Laboratoire, un Centre de démonstration technologique où seront installés les prototypes industriels développés pour la manutention des colis.

L'ANDRA compte également développer ses études relatives à la réversibilité et ses conditions matérielles. Un nouveau programme de recherche est mis en place pour mettre au point des outils de surveillance du stockage et de son environnement.

Pour l'ANDRA, la durée de la réversibilité n'est pas la seule question importante dans ce domaine. Il lui reviendra également d'expliciter la finalité de la réversibilité, de proposer des modalités de réalisation ainsi qu'un processus de décision pour la fermeture progressive des alvéoles et des galeries.

Autre aspect fondamental des études de l'ANDRA, la sûreté en exploitation du stockage devra être démontrée, ce qui suppose des études d'ingénierie très complète sur le transport des colis, leur manutention, leur acheminement dans les galeries et la fermeture provisoire ou définitive de celles-ci.

▪ Le laboratoire de Meuse/Haute-Marne, un très grand instrument de recherche

L'ANDRA a obtenu en décembre 2006 l'autorisation de poursuivre l'exploitation du Laboratoire souterrain jusqu'à la fin 2011. Cette autorisation était d'une importance capitale pour poursuivre la caractérisation de la couche d'argile mais aussi pour progresser dans les techniques d'ingénierie.

L'ANDRA va à cet effet améliorer ses procédés techniques de construction de galeries et d'alvéoles.

Ce faisant, les installations du Laboratoire à -490 mètres de profondeur vont encore s'étendre.

Figure 14 : Plan du laboratoire de Meuse/Haute-Marne (source : ANDRA)

graphique

En définitive, le Laboratoire va devenir un très grand instrument de recherche, que l'ANDRA entend à juste titre faire labelliser comme tel, pour le mettre au service de la plus grande communauté possible de chercheurs.

4. Le projet de stockage des déchets radifères et graphites

La loi du 28 juin 2006, dans son article 14, a créé un programme de recherche et d'études portant notamment sur « la mise au point de solutions de stockage pour les déchets graphite et radifères, de sorte que le centre de stockage correspondant puisse être mis en service en 2013 ».

Cet objectif spécifique est important dans la mesure où sa réalisation conditionne le démantèlement des réacteurs de la filière Uranium Naturel Graphite Gaz ainsi que la mise en stockage de déchets radifères issus de l'industrie chimique, dont la véritable destination est non pas l'entreposage mais le stockage.

L'ANDRA a programmé dans le temps la réalisation d'un site de stockage en sub-surface, dans une couche d'argile affleurante ou à flanc de colline.

Figure 15 : Les principales échéances du projet Radifères-Graphites (source : ANDRA)

graphique

Le calendrier de réalisation du site de stockage est impacté par les élections municipales de 2008 qui compliquent la concertation avec des communes candidates.

5. Les autres besoins de stockage et d'entreposage et les sites pollués

L'élaboration du PNG-MDR a, entre autres avantages, permis de mettre en évidence différentes catégories de déchets radioactifs dont l'importance voire l'existence avait été, précédemment, jugée secondaire.

La loi du 28 juin 2006 a bénéficié de ces travaux et fixe, dans son article 4, des objectifs pour différentes catégories de déchets.

Tableau 7 : Les objectifs de la loi du 28 juin 2006 pour certaines catégories de déchets

Type de déchets

Date et objectif

Maîtrise d'œuvre

Déchets tritiés :

2008 : mise en service d'entreposage avant stockage en profondeur

CEA

Sources scellées usagées

2008 : finalisation de procédés pour le stockage dans des centres existants ou à construire

ANDRA

Résidus miniers

2008 : bilan d'impact à long terme des sites de stockage des résidus miniers d'uranium

2008 : mise en place d'un plan de surveillance radiologique renforcée de ces sites

AREVA

Déchets à radioactivité naturelle renforcée

2009 : bilan des solutions de gestion à court et à long terme, proposant, s'il y a lieu, de nouvelles solutions

ASN

Il sera utile, à l'avenir, que le PNG-MDR fasse, dans sa prochaine édition, prévue pour fin 2009, un état d'avancement de ces différents projets.

CONCLUSION

Le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, à échéance triennale, représente sans aucun doute un instrument important pour améliorer continûment la gestion des déchets radioactifs dans notre pays.

À ce titre, il n'est pas indifférent de constater que plusieurs pays envisagent de mettre en place un instrument de ce type afin d'améliorer l'exhaustivité et la cohérence de la gestion de leurs déchets radioactifs.

Il est courant de noter que les méthodes de planification ont en commun de nécessiter un processus de concertation et d'échanges qui compte sans doute presque autant que son résultat, c'est-à-dire le plan lui-même17.

Mais il serait inexact de dire que le PNG-MDR, en tant que document, n'a pas lui-même son importance.

La publication du PNG-MDR présente en effet l'immense avantage d'expliciter l'ensemble de la stratégie de gestion des déchets, telle qu'elle est mise en œuvre et telle qu'elle évoluera à l'avenir.

Conformément à son objectif, le PNG-MDR contribue à l'exhaustivité et à la cohérence de la gestion des déchets pour les pouvoirs publics, les producteurs de déchets et l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

En tant que révélateur, le PNG-MDR est ainsi un élément de progrès. C'est aussi un instrument important d'explicitation et d'explication des efforts consentis et des réussites obtenues dans un domaine clé pour l'acceptation de l'énergie nucléaire.

À ce titre, le PNG-MDR mériterait d'être davantage diffusé et porté à la connaissance du public, sous les formes plus pédagogiques qu'il convient de mettre au point.

RECOMMANDATIONS

1. La deuxième version du PNG-MDR prévue pour 2009 pourrait présenter des objectifs datés et chiffrés, assortis d'informations sur les financements alloués aux différents axes de recherche, projets ou études.

2. Le PNG-MDR devrait établir une prévision des besoins en matières valorisables pour le démarrage des réacteurs de 4ème Génération, au fur et à mesure des études et de leur définition technique de ces derniers.

3. La France pourrait prendre une initiative internationale relative à la mise en place de centres continentaux placés sous contrôle international pour la fabrication et la fourniture de combustibles nucléaires à de nouveaux exploitants nucléaires, ainsi que le traitement-recyclage des combustibles usés correspondants, moyennant la reprise par les États concernés de leurs déchets radioactifs ultimes.

4. Les exploitants des installations nucléaires de base sont appelés à contribuer sans délai au programme de recherche français sur les réacteurs RNR Sodium et Gaz et sur le cycle du combustible associé, dans le cadre de conventions passées avec les organismes de recherche comme les y invite la loi du 28 juin 2006.

5. L'ANDRA devra accorder une importance particulière aux études relatives à la sûreté en exploitation du projet de stockage et à la sûreté des transports et des opérations de manutention liées à celle-ci.

6. La publication du décret relatif aux prescriptions du PNG-MDR, prévue à partir d'avril 2007, devrait être accélérée en avançant son examen préalable par le Comité à l'énergie atomique.

7. Le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire pourrait constituer en son sein un groupe permanent spécialisé dans l'information sur la gestion des déchets radioactifs.

8. Une synthèse du PNG-MDR pourrait être réalisée et largement diffusée par les organes de concertation avec le public, notamment par les commissions locales d'information et le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire.

EXAMEN DU RAPPORT PAR L'OFFICE

M. Christian Bataille, député, a indiqué que la saisine de l'Office résultait du texte même de la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques réfléchit et joue un rôle pilote dans ce domaine depuis 17 ans. Après le rapport de 1990 qui a étroitement inspiré la loi du 30 décembre 1991, l'Office a consacré pas moins de 7 rapports à ces questions, dont celui de mars 2000 qui a recommandé l'élaboration d'un plan national de gestion des déchets radioactifs, et celui de mars 2005, dont s'est inspirée la loi du 28 juin 2006 confirmant en particulier la création d'un plan national triennal et son évaluation par l'Office.

Selon les termes de la loi, le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs dresse le bilan des modes de gestion existants, recense les besoins prévisibles d'installations d'entreposage ou de stockage, précise les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d'entreposage et, pour les déchets radioactifs qui ne font pas encore l'objet d'un mode de gestion définitif, détermine les objectifs à atteindre.

M. Christian Bataille, député, a souligné que ni le PNG-MDR, ni le décret qui en établit les prescriptions ne peuvent contredire ni la lettre ni l'esprit des lois de 1991 et de 2006.

M. Claude Birraux, député, a ensuite indiqué que des solutions existent pour la gestion des déchets radioactifs, les unes définitives, les autres temporaires. Caractéristique commune à tous les déchets, ceux-ci font d'ores et déjà l'objet de conditionnements éprouvés garantissant leur confinement. Les stockages définitifs déjà opérationnels représentent 90 % du volume total des déchets. Les déchets de haute ou moyenne activité à vie longue sont entreposés dans des installations sûres. L'enjeu des prochaines années est de mettre en place des solutions définitives ne pesant pas sur les générations futures.

M. Christian Bataille, député, a ensuite précisé que les paramètres essentiels de la gestion des déchets radioactifs sont d'abord la gestion des combustibles usés d'EDF, ensuite le renouvellement du parc électronucléaire par les réacteurs de 3ème ou de 4ème Générations et, enfin, la réalisation du stockage géologique pour les déchets de haute ou moyenne activité. S'agissant du cycle du combustible, les matières énergétiques présentes dans les combustibles usés sont recyclées, après traitement, dans les combustibles MOX pour le plutonium, et les combustibles UOX pour l'uranium de traitement. Les combustibles non immédiatement retraités fourniront les matières premières énergétiques indispensables pour le démarrage des réacteurs de 4e Génération. Permettant de renouveler le parc électronucléaire d'EDF à partir de 2020, le réacteur EPR de 3ème Génération présentera l'intérêt de pouvoir brûler du MOX dans des proportions accrues par rapport aux réacteurs actuels. Les réacteurs de 4ème Génération, réacteurs à neutrons rapides Sodium ou Gaz, permettront de recycler non seulement le plutonium, mais aussi les actinides mineurs, l'inventaire de ces déchets radioactifs de haute activité à vie longue étant alors constant et isolé dans le cœur des réacteurs eux-mêmes.

Après le rappel de la procédure prévue par la loi du 28 juin 2006 pour l'instruction de la demande de création d'un centre de stockage réversible en couche géologique profonde, M. Christian Bataille, député, a précisé le calendrier prévu par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) pour le choix d'un site. En tout état de cause, une concertation étroite, qui a déjà commencé et se déroulera tout au long de la période 2007-2013, est prévue avec les populations et les élus locaux.

M. Claude Birraux, député, a estimé que le PNG-MDR est un instrument utile permettant de garantir l'exhaustivité et la cohérence de la gestion des déchets radioactifs en France et indiqué que la publication des décrets d'application doit intervenir avant la fin avril 2007.

M. Henri Revol, sénateur, président, a félicité les rapporteurs pour le travail considérable et reconnu qu'ils ont effectué tout au long de la législature et sans lequel les progrès enregistrés pour la gestion des déchets radioactifs n'auraient pas eu lieu.

M. Bruno Sido, sénateur, a considéré que l'audition publique du 13 février 2007 et le rapport présentaient un grand intérêt. En tout état de cause, le calendrier de réalisation du centre de stockage se précisant, il faut que, sur le terrain, les projets de développement économique, que la loi de 2006 invite les exploitants nucléaires à mettre en œuvre, se concrétisent dans les prochains mois.

M. Henri Revol, sénateur, a ensuite proposé d'approuver le rapport, qui a été adopté à l'unanimité des présents.

PERSONNALITÉS RENCONTRÉES

Ministère délégué à l'industrie - DGEMP

· M. Dominique MAILLARD, Directeur général

· M. Cyrille VINCENT, chargé de la sous-direction industries nucléaires

Autorité de sûreté nucléaire

· M. André-Claude LACOSTE, Président

· M. Jean-Christophe NIEL, Directeur général

· M. Jean-Luc LACHAUME, Directeur général délégué

· M. Philippe BODENEZ, Direction des installations de recherche et des déchets

CNRS

· M. Hubert FLOCARD, Directeur du programme PACEN

ANDRA

· Mme Marie-Claude DUPUIS, Directrice générale

· M. Thibaud LABALETTE, Directeur des projets

· Mme Jacqueline EYMARD, Directrice de la communication

CEA

· M. Philippe PRADEL, Directeur de l'énergie nucléaire

· M. Jean-Pierre VIGOUROUX, Chargé des relations avec les pouvoirs publics

· M. Alain MARVY, Direction du développement et de l'innovation nucléaire

· Mme Anne FALANGA, Chargée du dossier Bure

· Mme Fanny BAZILE, Communication

AREVA

· M. Denis HUGELMAN, Directeur de la Business Unit Traitement

· M. Jean-Guy DEVEZEAUX, Directeur délégué en charge de la loi de 2006

· M. Xavier RINCEL, Directeur juridique, AREVA NC

EDF

· M. Sylvain GRANGER

· M. Philippe HERVE du PENHOAT, Direction financière

· Mme Danièle DEGUEUSE

· M. Bertrand LE THIEC, Direction des affaires publiques

ANNEXE 1 : COMPTE RENDU DE L'AUDITION COMMUNE OUVERTE À LA PRESSE DE L'OPECST ET DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES DU MARDI 13 FÉVRIER 2007

organisée par M. Claude BIRRAUX, Député de la Haute-Savoie et

M. Christian BATAILLE, Député du Nord

La séance est ouverte sous la présidence de M. Patrick OLLIER, Député, Président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, puis de M. Henri REVOL, Sénateur de Côte d'Or, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

Patrick OLLIER, Président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale

Je vous remercie d'être si nombreuses et nombreux pour ce rapport d'évaluation qui va être réalisé, dans le cadre de l'application de la loi, par M. Claude BIRRAUX et M. Christian BATAILLE.

Je voudrais tout d'abord saluer les personnalités présentes à cette tribune. M. le Ministre François LOOS qui prendra la parole, et que je remercie d'avoir bien voulu prendre sur son temps pour participer à cette importante réunion. Merci à Claude BIRRAUX, rapporteur de l'Office, dont le travail est remarquable et qui est notre spécialiste, comme chacun le sait, dans le domaine qui nous intéresse aujourd'hui. Merci à M. Dominique MAILLARD, Directeur général de la DGEMP, et merci à M. André-Claude LACOSTE, Président de l'Autorité de sûreté nucléaire d'être présents. Je remercie également, par avance, celles et ceux qui interviendront ultérieurement et nous rejoindront à la tribune. Je serai, pour ma part, contraint de quitter cette réunion après mon intervention, pour présider la commission mixte paritaire sur la télévision du futur.

En tant que Président de la Commission des affaires économiques, je voulais, dans cette salle qui est la nôtre, vous accueillir et vous dire combien je suis heureux que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et notre Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire organisent aujourd'hui cette audition publique commune. Le fait est assez rare, et témoigne de l'excellente collaboration de nos deux institutions.

Cette audition commune s'inscrit, à la suite des décisions de l'Assemblée et du Sénat, dans le cadre du contrôle de l'exécutif. Nous avons, en effet, pris des décisions stratégiques qui donnent au rapporteur le pouvoir d'évaluer l'application de la loi. Dans toutes les commissions de l'Assemblée, et particulièrement dans la nôtre, nous avons à cœur, pour chaque texte, de procéder à cette évaluation et d'apprécier, avec le gouvernement, où se situe le curseur de la mise en œuvre de la loi, pour, éventuellement, y apporter les modifications nécessaires et les aménagements indispensables.

Pour l'Office, cette réunion s'inscrit dans le cadre de la préparation d'un rapport évaluant le plan mis en œuvre à la suite de la loi du 28 juin 2006. Ce rapport est prévu par l'article 6 de la loi, et a été confié à Claude BIRRAUX et à Christian BATAILLE.

Pour notre Commission, il s'agit d'une audition réalisée dans le cadre du rapport et de la mise en application de la loi, conformément à l'article 86 du règlement de l'Assemblée. En tant que Président de la Commission des affaires économiques, j'ai confié ce rapport à Claude BIRRAUX, prouvant encore la synergie entre nos deux institutions.

Une part importante du travail de l'Office concerne des sujets entrant dans le champ de compétences de notre Commission, et je veux dire, en son nom, l'extrême utilité qu'ont eue pour nous de très nombreux travaux de l'Office.

Sans être trop long, je voudrais faire un peu d'histoire. La législature se termine ; nous avons effectué un travail considérable dont j'aimerais que le bilan soit mis à l'honneur. Nous avons eu l'occasion d'entendre en Commission les travaux des rapporteurs, qui, dans les trois cas, portaient sur les questions énergétiques. Deux de ces rapports - celui sur la durée de vie des centrales nucléaires et celui sur les nouvelles technologies de l'énergie -, avaient été réalisés à la demande de la Commission des affaires économiques, conformément à notre mission. Je rappelle également l'attention particulière que nous avons accordée à l'important rapport réalisé sous la précédente législature - car nos travaux se font dans la continuité, quelle que soit la majorité de l'hémicycle -, en 2001, confié à Claude BIRRAUX et Jean-Yves LE DÉAUT, sur l'état actuel et les perspectives techniques des énergies renouvelables. Notre collègue Serge POIGNANT, spécialiste des problèmes d'énergie dans cette Commission, s'est largement appuyé sur ce travail dans son rapport d'information sur la question. En effet, dans son travail législatif, réalisé en Commission, le rapporteur de la loi-programme fixant les orientations de la politique énergétique, a repris de nombreuses propositions de Claude BIRRAUX et Jean-Yves LE DÉAUT. L'Office est moins soumis que la Commission à la pression du calendrier législatif. Il s'appuie sur son conseil scientifique qui a fait les preuves de sa capacité à travailler sur des sujets difficiles, et nous a fourni une information de référence.

Je voudrais insister sur le travail qu'a réalisé Claude BIRRAUX, désigné comme rapporteur, et qui - comme je le rappelais en ouverture de cette séance - est un spécialiste qui se déplace à l'étranger et participe à des conférences outre-Atlantique sur ces sujets. Il était difficile pour nous de ne pas tenir compte du travail qu'il a réalisé dans le cadre de l'Office. Pour la première fois, et par anticipation d'une réforme administrative récente rassemblant dans le même service le secrétariat de l'Office et celui de la Commission, Claude BIRRAUX a été assisté dans son travail de rapporteur du projet de loi par une équipe conjointe, associant les fonctionnaires des deux secrétariats. Outre le travail du rapporteur, je tiens également à rendre hommage à nos administrateurs qui ont, dans ce cadre, fait un travail tout aussi remarquable. Ce travail a permis, non sans difficultés, à Claude BIRRAUX de profondément améliorer le texte qui a suscité des débats passionnés dans cette salle - comme François-Michel GONNOT, ancien Président de la Commission des affaires économiques, peut en témoigner -, hors de la présence des journalistes qui voudront bien, je l'espère, pardonner cette remarque... Force est de constater que le regard de la presse sur nos débats, comme dans l'hémicycle, en transforme la nature même. Cela est normal : chacun veut aller au bout de ses propres logiques, en créant davantage de tension et de passion. Or, les Français ignorent bien souvent que, réunis en Commission, hors de la présence de tout observateur ou témoin, les députés, quelle que soit leur sensibilité politique, discutent sincèrement de l'intérêt général, avec un investissement personnel souvent lié à la localisation de la circonscription, comme pour les déchets. Leur passion est motivée par la volonté d'aboutir à une bonne loi, dans l'intérêt de tous. Dans l'hémicycle, ces débats ne sont plus de même nature.

Pour toutes ces raisons, nous avons souhaité que ce colloque soit ouvert à la presse. Outre l'historique, sera ainsi transmise toute la passion qui a animé ces débats pour arriver à des textes parfaitement équilibrés - et je rends ici hommage au travail du gouvernement et du Ministre François LOOS -, structurés par une volonté de mettre en place une véritable politique, coordonnée, avec des objectifs clairs fixés dans le temps.

L'importance de ces problèmes impliquerait, à mon sens, qu'un consensus national se fasse sur ces objectifs. Il s'agit non seulement de l'avenir des politiques énergétiques, mais aussi de l'avenir de notre planète, de l'ensemble des citoyens de notre pays, enjeux qui, en cette période électorale, ne devraient pas faire l'objet de querelles stériles et politiciennes et pour lesquels seul l'intérêt général devrait présider aux débats.

J'espère que c'est dans cet esprit, M. le Rapporteur et chers amis, que ce débat va s'ouvrir. Je vous remercie encore de votre présence, en tant que responsable de la Commission des affaires économiques qui vous reçoit dans ses locaux, et je passe la parole à M. le Ministre de l'Industrie.

M. François LOOS, Ministre délégué à l'industrie

Merci pour cet appel à l'intérêt général. Nous avons en effet travaillé sur ce texte pour le long terme, en essayant de respecter, autant que faire se peut, toutes les contraintes. Je voudrais remercier pour cela d'abord, et vous l'avez déjà fait, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le remercier de m'avoir invité à ouvrir cette audition.

Je vais vous parler des travaux du gouvernement pour la mise en œuvre de la politique nationale de gestion durable des matières et déchets nucléaires, dans le cadre de la loi de 2006. Je voudrais souligner que ce que nous avons réalisé l'année dernière, par le vote de cette loi, n'aurait pas été possible, sans le travail préalable préparatoire extrêmement fouillé que vous avez conduit au cours des dernières années, tout particulièrement le travail de Claude BIRRAUX, de Christian BATAILLE et du Président Henri REVOL. Vous avez très efficacement préparé ce texte, et c'est grâce à votre travail méticuleux, rigoureux, mené sur la durée qu'il a été possible de le produire. Ce texte, que je considère d'une grande qualité, nous est d'ailleurs envié par beaucoup de nos partenaires internationaux.

Ce texte répondait au rendez-vous fixé par la loi du 30 décembre 1991, qui rénove considérablement le cadre de la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Je voudrais vous rappeler les quelques étapes constituant la préparation de cette loi.

Tout d'abord, début 2006, ont été remises les conclusions du débat public sur les déchets radioactifs par la Commission nationale du débat public. Ce débat a été l'occasion d'aborder, pour la première fois, une question de politique générale dans le domaine de l'environnement, au travers de nombreuses rencontres dans toute la France. Différentes évaluations de recherche menées dans le cadre de la loi de 1991 ont suivi : celle de la Commission nationale d'évaluation, celle de l'autorité de sûreté nucléaire ou celle des experts étrangers nommés par l'OCDE. Je me souviens encore des discussions passionnantes que nous avons eues, à l'occasion de la remise de ces travaux.

L'Office a conduit un rapport de synthèse qui a permis au gouvernement d'élaborer le projet de la loi que j'ai présenté au Conseil des ministres le 22 mars. L'examen parlementaire a débuté en avril, et à la suite d'un débat particulièrement riche et constructif, la loi a été votée le 15 juin 2006.

En parallèle, un autre texte législatif majeur dans le domaine nucléaire, et pour lequel l'Office parlementaire a joué un rôle tout autant déterminant, a été élaboré et voté : c'est la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, créant l'autorité de sûreté nucléaire.

Je reviens maintenant sur les principaux volets de la loi.

- Tout d'abord, la loi demande au gouvernement d'élaborer un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Ce premier plan est aujourd'hui terminé et sera transmis dans les prochains jours au Parlement. Je tiens à rappeler que ce plan est le fruit d'un travail collégial, engagé depuis trois ans sous le secrétariat de l'autorité de sûreté nucléaire, à la demande initiale de Roselyne BACHELOT, à l'époque Ministre de l'Environnement. Ce plan diagnostique précisément les sujets sur lesquels nous devons progresser. Il sera mis à jour tous les trois ans par le ministère chargé de l'énergie. Je souhaite souligner le caractère collégial de son élaboration qui a réuni des administrations, des producteurs de déchets radioactifs, des gestionnaires de déchets et des ONG. Le résultat final est un document sur lequel, là encore, beaucoup de nos partenaires étrangers nous questionnent. En 2006, la dernière réunion des parties à la Convention internationale sur les déchets radioactifs a d'ailleurs recommandé aux États d'élaborer, sur le modèle français, un plan national de gestion des déchets radioactifs.

- Deuxièmement, la loi prévoit la publication d'une douzaine de décrets. Le travail du gouvernement est aujourd'hui bien avancé. Tous les décrets nécessaires à l'application de la loi seront publiés par le gouvernement actuel ; deux sont déjà publiés ; trois sont dans le circuit de signature ; trois viennent d'être envoyés au Conseil d'État. Je ne rentrerai pas dans le détail de chacun d'eux. Dominique MAILLARD, Directeur général de la Direction générale de l'énergie et des matières premières, et André-Claude LACOSTE, Président de l'ASN, donneront toutes les explications nécessaires.

Je souhaite néanmoins insister sur trois des principaux volets de la loi pour lesquels les décrets sont publiés, ou sur le point de l'être.

La gestion des substances étrangères. La loi précise les modalités de gestion des substances étrangères traitées en France. Des accords internationaux doivent encadrer les accords commerciaux entre opérateurs. En novembre dernier, j'ai signé avec mon homologue italien, M. BERSANI, un accord international entre nos deux pays, autorisant l'entreprise SOGIN à faire traiter ses combustibles usés par AREVA. C'est le premier texte de cette nature signé après d'assez longues négociations. L'un des décrets en cours d'examen au Conseil d'État, objet de l'un des premiers avis formels de la nouvelle ASN - preuve, là aussi, que les choses se sont mises en place de manière effective -, précise les règles de gestion de ces substances étrangères. Ce texte est, à mon avis, essentiel pour la transparence et la rigueur de ces opérations.

La préparation du démantèlement. Un travail très précis a été mené par mes services et ceux du ministère des Finances pour préparer les textes d'application qui organisent la gestion des actifs dédiés au démantèlement des installations nucléaires. Dans ce domaine, l'État montre, en France, une prévoyance que l'on ne retrouve pas ailleurs dans le monde.

L'accompagnement économique. La loi réorganise le financement de l'accompagnement économique des zones qui accueillent un laboratoire souterrain. Nous allons en parler, puisque les opérateurs nucléaires interviendront dans la matinée pour vous présenter leurs projets. Il était essentiel que le gouvernement et la représentation nationale reconnaissent le statut particulier de ces territoires, et mettent tout en œuvre pour assurer leur développement. Avec l'appui des Présidents des conseils généraux, Christian NAMY et Bruno SIDO, nous avons doté les GIP des moyens leur permettant de mener une véritable politique locale de développement. Avec la publication du décret du 5 février 2007, qui définit la zone dite de proximité, les GIP de la Meuse et de Haute-Marne peuvent désormais renouveler leur statut, et s'organiser afin de percevoir le produit des taxes d'accompagnement qui s'élèvera, en 2007, à une vingtaine de millions d'euros pour chaque département. Je suis convaincu que les facteurs essentiels du succès de l'accompagnement du laboratoire de Bure résident dans la capacité qu'auront les différents acteurs, élus locaux comme opérateurs, à développer un partenariat durable. Je me tourne maintenant plus particulièrement vers les élus de la Meuse et de la Haute-Marne. Le gouvernement veille à ce que vous disposiez à la fois du cadre juridique et des moyens nécessaires au bon fonctionnement des GIP. Il vous appartient désormais de poursuivre les efforts entrepris, afin que les projets se concrétisent - ce qui est un travail de tous les instants !

Pour ce qui est des recherches, je laisserai bien sûr au CEA et à l'ANDRA le soin de vous décrire précisément l'état d'avancement de leurs travaux. Cependant, je voudrais signaler que le 27 avril dernier, la dernière jonction entre les deux puits du laboratoire de Bure a été percée à 490 mètres de profondeur. L'ANDRA dispose désormais de l'outil principal de ses recherches. J'ai veillé à ce que l'agence dispose des moyens nécessaires à la réalisation de ses missions de recherche, en fixant à 90 millions d'euros pour 2007 le montant du produit de la taxe qui lui est affecté. Nous suivrons particulièrement l'avancée de ces travaux. Enfin, pour ce qui concerne le CEA, le gouvernement a validé fin 2006 le cadre du développement des recherches sur les réacteurs de 4ème Génération. Un Comité à l'énergie atomique a réuni les experts nationaux et le gouvernement autour de cette question, en lien direct avec les travaux sur le premier axe de recherche de la loi de 2006.

J'entends souvent dire, presque comme un reproche, que la loi de 2006 sur les déchets radioactifs a été votée sans difficulté, comme si le débat démocratique devait forcément avoir lieu dans les cris et les gesticulations. Je crois, au contraire, que le texte, que vous avez préparé, que le gouvernement a présenté, que j'ai défendu devant les assemblées et que les parlementaires ont voté, est d'une rare qualité. Il résulte d'un très long travail de préparation, mené avec une rigueur toute scientifique, avec une détermination dont je voudrais remercier encore une fois les parlementaires, M. BIRRAUX, les opérateurs nucléaires, le CEA, l'ANDRA.

Il reste encore beaucoup de travail. Il me reste encore à assurer la publication des derniers textes nécessaires à l'application de la loi, et je le ferai. Nous pouvons cependant être fiers du travail qui a été accompli, et des outils que cette loi nous donne en matière nucléaire.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Je remercie le Ministre d'avoir souligné le rôle que notre Office a joué dans l'élaboration du texte qui va nous occuper ce matin. Je remercie Patrick OLLIER, qui n'a pu rester, d'avoir co organisé avec l'Office cette audition. Nous voyons bien là le travail complémentaire entre l'Office parlementaire, en amont, et les commissions permanentes des assemblées, comme celle des affaires économiques de l'Assemblée nationale qui nous accueille ce matin dans sa salle de réunion. Cette complémentarité est indispensable à un travail de qualité.

Je voudrais rapidement vous rappeler des dates que vous connaissez tous.

- Décembre 1990 : rapport de Christian BATAILLE, au nom de l'Office, sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité.

- Décembre 1991 : adoption de la loi BATAILLE, inspirée des travaux de l'Office parlementaire, relative aux recherches sur la gestion des déchets, et dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur au Sénat.

- 1992 - 2001 : 6 rapports de l'Office parlementaire ont assuré le suivi des recherches programmées sur une durée de 15 ans par la loi de 1995.

- 2005 : dans leur rapport pour l'Office, intitulé Pour s'inscrire dans la durée : une loi en 2006 sur la gestion durable des déchets, Claude BIRRAUX et Christian BATAILLE ont proposé une méthode d'approche, et fixé les objectifs fondamentaux de la loi dont l'élaboration était commandée par la loi de 1991. Le gouvernement a été - et nous pouvons nous en féliciter - exact au rendez-vous. Il est assez rare qu'un rendez-vous si lointain, fixé par une loi, soit ensuite tenu ! Cela mérite d'être souligné.

- Avril 2006 : discussion du projet de loi présenté par notre Ministre François LOOS qui reprend une large partie des propositions de l'Office. Grâce au soutien du Président OLLIER, que je remercie à nouveau, Claude BIRRAUX est nommé rapporteur. Avec un appui très large de la représentation nationale, et grâce à l'esprit d'ouverture de notre Ministre François LOOS, pas moins de 75 amendements de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sont adoptés en première lecture, entre le 6 et 12 avril 2006. Au Sénat, où j'avais l'honneur d'être également rapporteur de la Commission des affaires économiques, j'ai fait adopter 34 amendements complémentaires, en première lecture, le 31 mai 2006. L'Assemblée nationale, se rangeant au texte du Sénat, adopte définitivement le projet de loi le 15 juin 2006, sans modification - c'est ce que l'on appelle un vote conforme.

Permettez-moi d'insister sur l'exemplarité de cette démarche. La loi de 2006 se place donc dans la continuité de 1991. Le Parlement et son Office ont été à la fois les initiateurs et les garants des progrès réalisés. Les organismes de recherche et l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs ont accompli la tâche qui leur était dévolue. Le gouvernement a respecté la volonté du législateur en étant présent au rendez-vous fixé quinze années plus tôt, et en assurant un dialogue très riche avec sa majorité et l'opposition.

Cette audition, qui nous rassemble aujourd'hui, ouvre une nouvelle étape : celle de l'application. L'Office parlementaire, ainsi que les commissions parlementaires, est tenu par ce devoir « d'après-vente » dans le domaine législatif. J'espère sincèrement la poursuite de notre démarche, au service de notre pays et des générations futures. Nous nous emploierons, aussi bien à l'Office que dans nos commissions, à veiller à la continuation de cette œuvre commune.

M. Claude BIRRAUX, Député, Rapporteur de l'OPECST et de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire

Je m'associe aux propos tenus par le Président OLLIER, François LOOS, et Henri REVOL, et leur dis ma très grande satisfaction d'avoir travaillé avec eux pour faire avancer le dossier complexe de la gestion des déchets. Je m'adresse particulièrement à Patrick OLLIER qui m'a grandement soutenu dans cette tâche et avec qui, comme il l'a mentionné, nous avions anticipé la réforme des services de l'Assemblée, dans un esprit très complémentaire et ouvert.

Ce fut un grand moment pour moi d'être rapporteur de cette loi, et de l'avoir fait adopter à l'unanimité en seconde lecture. Cela a demandé à la fois beaucoup de détermination, beaucoup de compréhension et d'ouverture, pour servir un objectif et partager une vision. J'ai veillé à ne pas me crisper sur des points de détails, et me félicite aujourd'hui d'avoir toujours privilégié les propositions les plus adaptées, d'où qu'elles soient venues.

Je suis rapporteur de droit pour le rapport d'application, l'Office étant quant à lui rapporteur de droit pour le Plan de gestion des déchets et matières radioactifs, dont l'Office doit, selon la loi, faire l'évaluation. C'est la première fois que ce plan sera évalué, et nous souhaitions, Christian BATAILLE et moi-même, le faire avant la fin de la législature. Nous aurons donc pleinement travaillé jusqu'au dernier jour de la législature.

L'objet de cette audition commune est de présenter le bilan des textes d'application, les étapes des recherches et études à mener à leur terme pour atteindre les objectifs de la loi de 2006, le développement économique des régions, avant que Christian BATAILLE - dont je fus, en cette législature, quasi inséparable ! - n'expose les premières conclusions sur l'entrée en vigueur de la loi.

Je remercie tous ceux qui ont bien voulu participer à cette audition, et voudrais insister sur quelques points. Grâce à la diligence de François LOOS et du gouvernement, le vote de la loi a permis que les programmes de recherche se poursuivent harmonieusement, sans interruption dommageable, ce qui n'aurait pas manqué de se produire si la loi avait été votée 6 mois plus tard. À cet égard, M. Dominique GOUTTE est invité, au nom du Ministère de la Recherche, à prendre la parole, quand il le souhaitera, lors des séquences de discussions prévues pour nous exposer les actions de coordination que mène son ministère.

La volonté du législateur et les moyens qu'il a mis en place ont pour but de continuer la recherche sur la transmutation, et celle-ci est l'objectif ultime de notre démarche. Deux initiatives récentes, l'une américaine dite GNEP (Global Nuclear Energy Partnership), et l'autre russe, l'initiative Poutine, valident l'approche retenue dans notre pays pour la gestion des déchets radioactifs. Nous en reparlerons sûrement, car l'avance que nous avons prise, grâce à la loi de 1991, représente un atout considérable pour notre industrie et notre économie, d'autant que la loi de 2006 permet, dans la continuité, d'ouvrir de nouvelles perspectives à la recherche.

I - LES TEXTES D'APPLICATION DE LA LOI DU 28 JUIN 2006

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Nous allons engager ces auditions avec un premier chapitre sur les textes de l'application de la loi du 28 juin 2006. Je donne la parole à M. Dominique MAILLARD, Directeur général de la DGEMP au Ministère de l'Industrie, sur les décrets d'application de cette loi sur la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.

M. Dominique MAILLARD, Directeur général, DGEMP, Ministère de l'Industrie

Je vais vous dresser le tableau d'avancement de ces textes.

La loi comporte 3 grands chapitres concernant la politique des déchets. Tout d'abord, un chapitre est consacré à la gestion des déchets radioactifs eux-mêmes. Un deuxième chapitre concerne la question des matières et des déchets étrangers. Le dernier est relatif à la sécurisation du financement des charges de long terme.

Le volet d'accompagnement fera l'objet d'une autre table ronde dans laquelle j'interviendrai à nouveau.

1. La gestion des déchets radioactifs

La pièce maîtresse de cette question est donc le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.

Je souhaiterais souligner quelques points sur lesquels ce plan met l'accent, en reprenant, de manière très classique, les 3 axes qui figuraient déjà dans la loi de 1991.

T Le premier axe est la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Les recherches sont coordonnées par le CEA, en lien avec d'autres organismes, notamment le CNRS et l'ANDRA. L'idée est de disposer, pour 2012, d'une évaluation des perspectives industrielles de ces différentes filières.

Le plan examinera ou citera 4 procédés déjà utilisés ou qui pourraient l'être :

- le procédé PUREX, utilisé actuellement, qui permet d'extraire le plutonium et l'uranium après dissolution des combustibles usés ;

- le procédé SEPOU, de séparation poussée, qui constitue une étape supplémentaire par rapport au procédé PUREX, pour séparer individuellement les actinides mineurs ;

- le procédé dit GANEX, de séparation groupée, qui conduit au recyclage simultané de l'uranium, du plutonium et des actinides mineurs ;

- et enfin, pour compléter ces trois procédés hydrométallurgiques, un procédé pyrochimique qui permettrait de traiter les combustibles usés dès leur déchargement du réacteur, sans attendre le refroidissement.

Le plan soulignera aussi le lien nécessaire avec les recherches sur le système du futur, et notamment les systèmes dédiés à la transmutation des actinides mineurs, les ADS.

T Le deuxième axe concerne les possibilités de stockage des déchets en couches géologiques profondes. L'objectif est de pouvoir procéder à l'instruction de la demande d'autorisation de stockage en 2015 - de disposer donc des résultats de programmes de recherche en 2013 - et de préparer un rendez-vous parlementaire qui devra statuer sur les conditions de la réversibilité du centre de stockage.

Cette nouvelle phase de recherche est coordonnée par l'ANDRA, en lien avec le CNRS et l'ANDRA, et devra comporter la qualification du site, des études d'ingénieries, et des programmes d'accompagnement scientifiques.

Je tiens à signaler deux rendez-vous importants en 2009 : la publication d'un nouvel inventaire des déchets permettant de calibrer le stockage, et la définition d'une zone plus restreinte pouvant inclure l'emprise d'un éventuel stockage sur laquelle sera alors menée une reconnaissance géologique plus fine. Le rendez-vous suivant sera la proposition d'un site en 2012.

T Le troisième axe s'intéresse à l'étude des procédés de conditionnement et d'entreposage. Les recherches sont menées par l'ANDRA en coordination avec le CEA, afin d'être en mesure de créer de nouvelles installations ou de modifier les installations existantes, au plus tard en 2015.

Ces recherches feront l'objet d'une évaluation par la Commission nationale d'évaluation qui a été réaménagée par la loi, et dont le décret de constitution sera publié dès que l'ensemble des propositions de nominations sera connu.

Le plan, dont je vous ai donné quelques éléments, sera présenté dans le cadre d'un décret définissant le cadre général qui servira aussi pour l'élaboration des plans futurs.

2. La gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs étrangers.

Ce point est essentiel. Les dispositions de la loi confirment que le stockage sur le sol français de combustibles usés ou de déchets radioactifs issus du retraitement des combustibles étrangers n'est pas autorisé.

La loi dispose, en outre, que les modalités de traitement, en France, de combustibles usés devront faire l'objet d'un accord intergouvernemental. Le Ministre vous a indiqué à ce sujet qu'un premier accord venait d'être signé avec l'Italie, en application de ces dispositions.

Un décret est nécessaire pour préciser les modalités. Il a déjà fait l'objet d'un examen par le Collège de l'autorité de sûreté nucléaire, et précise les règles d'attribution des déchets radioactifs, permettant d'identifier ceux qui doivent être expédiés à l'étranger, avec le système comptable correspondant.

En effet, ce sujet est complexe et doit prendre en compte les réalités industrielles : il faut donc trouver un mécanisme d'attribution des déchets à renvoyer qui permette une répartition équitable et conforme à la loi. Il est prévu de renvoyer à l'étranger l'équivalent de l'activité et de la masse introduite sur le territoire national, à l'exception de celles qui se trouvent sous forme de matière valorisable ou de rejet autorisé. En d'autres termes, l'exploitant qui traite les combustibles usés est obligé, à la faveur de ce mécanisme, de renvoyer la même activité et la même masse sous forme de déchets que celles qu'il a reçues sous forme de combustibles usés. La transparence sera également assurée dans la mesure où les exploitants sont tenus de réaliser un rapport public, faisant l'état des déchets étrangers entreposés et présentant des éléments prospectifs sur le retour de ceux-ci dans leur pays d'origine.

3. La sécurisation du financement des charges de long terme.

Ce mécanisme est également important. La loi établit un dispositif visant à sécuriser le financement du démantèlement des installations nucléaires et la gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs issus de ces installations. Ainsi, les exploitants sont tenus de procéder à une évaluation prudente de leurs charges, de constituer les provisions afférentes et d'affecter, à titre exclusif et en quantité suffisante, les actifs nécessaires à la couverture de ces provisions, avec des degrés de sécurité et de liquidité adaptés à leur objet.

En sus, les exploitants sont tenus de réaliser tous les trois ans un rapport décrivant la manière dont ils se conforment aux obligations issues de la loi. Ce rapport est transmis à l'autorité administrative, ainsi qu'à une Commission nationale d'évaluation financière prévue à cet effet.

Un projet de décret a été élaboré, définissant le périmètre et les caractéristiques des charges à considérer, précisant le calcul des provisions, et fixant le cadre prudentiel pour la composition et la gestion des actifs. Ce décret précise également les conditions d'exercice du contrôle de l'autorité administrative. Il est en cours de signature et sera publié dans le mois qui vient.

Un arrêté complétera ce décret, et précisera certaines dispositions, notamment la question de la définition du cycle d'exploitation. La loi prévoit que les charges liées au cycle d'exploitation ne donnent pas lieu à constitution d'actifs dédiés. Il convient donc de préciser rigoureusement ce qu'est le cycle d'exploitation pour que le périmètre de constitution des actifs dédiés soit lui-même précisé.

Cet arrêté fixera aussi le taux d'actualisation plafond pour le calcul des provisions. Ce taux d'actualisation revêt un caractère central et essentiel. Il paraissait nécessaire pour qu'une homogénéité existe, et que les dépenses de l'avenir soient prises en compte. Un taux d'actualisation plafond a précisément pour objet d'éviter - par un calcul qui, ramené à aujourd'hui, minimiserait les dépenses -, que les actifs nécessaires pour les couvrir ne soient sous-estimés.

De même, cet arrêté précisera une nomenclature commune entre les exploitants pour l'établissement de leurs rapports, ceci pour faciliter le travail de transparence et de compréhension des travaux.

Les exploitants devront transmettre à l'autorité administrative, d'ici le 29 juin, leurs premiers rapports prévus dans le cadre de l'article 20 de la loi. La Commission nationale d'évaluation financière, dont le rôle est important mais pas immédiat, sera mise en place avant la fin de l'année.

Voilà, à grands traits, l'essentiel de ces dispositions. Nous respectons le calendrier : comme l'a dit le Ministre, l'essentiel des textes nécessaires à la mise en œuvre de la loi sera pris avant la fin de la présente législature. Ces textes ont fait l'objet, pour une majorité d'entre eux, de discussions associant les différentes parties prenantes. Certains suivent le cheminement prévu par la loi - avis de l'autorité de sécurité nucléaire, décret en Conseil d'état -, mais, en tout état de cause, nous pensons que le calendrier de la mise en œuvre sera parfaitement respecté.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

L'année 2006 a été une grande année législative pour le nucléaire, puisqu'une autre loi a créé l'autorité administrative indépendante de sûreté nucléaire. Son président est parmi nous, et je profite de cette occasion pour le féliciter d'avoir été nommé à cette haute fonction. Il va nous indiquer quel est le rôle de l'autorité de sûreté nucléaire dans l'application de la loi du 28 juin 2006, et dans la préparation et l'application du plan national de gestion des matières et déchets nucléaires.

M. André-Claude LACOSTE, Président de l'autorité de sûreté nucléaire

Je vais donc parler du rôle de l'autorité de sûreté nucléaire dans l'application de la loi de programme du 28 juin 2006. J'aborderai successivement deux points : tout d'abord, le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs et le décret correspondant, et ensuite, les avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur les autres décrets d'application de la loi du 28 juin 2006, tels que vient de les évoquer Dominique MAILLARD.

Le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNG-MDR) et le décret correspondant, sont l'objet de l'article 6 de la loi de programme, et j'utiliserai dorénavant cet acronyme pour le désigner. Il s'agit de dresser le bilan des modes de gestion existants des matières et déchets radioactifs, de recenser les besoins d'installations de stockage et d'entreposage, et d'organiser la mise en œuvre des recherches et études sur les matières et déchets qui ne font pas encore l'objet d'un mode de gestion définitif.

La loi dispose que le PNG-MDR est établi tous les trois ans, et précise également que la première version doit être établie pour le 31 décembre 2006. Il est évident qu'une telle disposition n'était envisageable que dans la mesure où le travail avait déjà démarré avant le vote de la loi. Tel était le cas, puisque l'autorité de sécurité nucléaire avait commencé à travailler sur ce sujet depuis 2003, à la demande de Mme Roselyne BACHELOT, à l'époque Ministre de l'écologie et du développement durable. Si l'on remonte dans le temps, le rapport élaboré par Mme Michèle RIVASI est à l'origine de tout ceci, rapport adopté par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

L'ASN a travaillé depuis 2003 avec un groupe de travail pluraliste, associant exploitants, associations, administrations. Nous avons organisé une consultation du public en mettant le projet de PNG-MDR pour consultation sur le site web de l'ASN en 2005, et le projet a été transmis au cabinet du Ministre de l'Industrie en décembre 2006.

Ce plan devait s'accompagner d'un décret, comme le prévoit l'article 6 de la loi, pour établir les principales prescriptions du PNG-MDR. En tant que tel, le PNG-MDR est un document produit par un groupe de travail qui ne prend sa réelle valeur que dans la mesure où certaines de ses dispositions sont reprises par le décret. Le décret a été préparé, et sera soumis à l'avis du Collège de l'ASN lundi prochain. Le décret définit les principales catégories de déchets et les filières d'élimination existantes, et constitue, en fait, un plan d'action pour le gouvernement et d'autres acteurs dans les années qui viennent.

Quelles sont les principales actions prévues par le PNG-MDR ?

On y trouve les actions qui touchent les différentes catégories de déchets qui n'ont pas encore de solutions de gestion définitives.

- L'ANDRA remet en 2009 une analyse des sites susceptibles d'accueillir le centre de stockage des déchets graphites et radifères, en vue de l'ouverture du centre en 2013, cela conditionnant la bonne poursuite du démantèlement des premières centrales d'EDF ;

- L'ANDRA remet en 2008 une étude sur les solutions de stockage des sources scellées usagées ;

- Le CEA remet en 2008 une étude sur les solutions d'entreposage des déchets contaminés par du tritium ;

- L'exploitant concerné remet en 2008 une étude sur l'impact sur la santé et l'environnement des sites de stockage de résidus miniers d'uranium, pour vérifier que le traitement réservé à ces terrils est de même nature et a les mêmes bénéfices pour la santé et l'environnement que le traitement de matières analogues ;

- L'ASN remet en 2009 un bilan des solutions de gestion à court et long terme des déchets à radioactivité naturelle renforcée.

Il s'agit donc de se fixer un calendrier, des étapes, un programme pour la gestion des déchets qui n'ont pas encore de solution définitive.

En conclusion, pour le PNG-MDR, le projet de plan existe ; le projet de décret existe et recevra un avis de l'ASN lundi prochain. Pour l'avenir, l'idée est que le groupe de travail que j'évoquais continue à se réunir trois, quatre ou cinq fois par an, avec éventuellement des sous-groupes, pour suivre la mise en œuvre des actions prévues par le plan et le décret, et préparer le rendez-vous suivant qui est sa version mise à jour, dans 3 ans, pour la fin 2009.

J'en viens maintenant aux avis de l'ASN sur les autres décrets d'application de la loi du 28 juin 2006, et profite de cette occasion pour parler brièvement de la mise en place de l'autorité de sûreté nucléaire.

Son Collège s'est réuni pour la première fois le 13 novembre : nous n'avons donc que trois mois d'ancienneté. Il se réunira pour la dix-neuvième fois cet après-midi. Il a mené son action autour de quatre objets :

- Il a établi son organisation interne : règlement intérieur, organigramme, organisation, délégation de signature au sein de l'ASN ;

- Il a pris des décisions, des agréments d'association, des décisions pratiques dans le domaine de l'ASN ;

- Il a donné des avis sur des projets de décisions individuelles, par exemple le projet de création de l'usine Georges BESSE II, le projet d'augmentation de capacité de l'usine MELOX. Il délibérera cet après-midi sur le projet de création du réacteur EPR à Flamanville ;

- Il donne des avis sur des projets de textes réglementaires. Parmi eux, le décret, très important à nos yeux, relatif aux installations nucléaires de base et destiné à remplacer le décret de 1963 qui, pendant des années, a constitué notre référence en matière de réglementation des INB.

L'article 4 de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire précise que l'ASN est consultée sur les projets de décrets et d'arrêtés ministériels de nature réglementaire relatifs à la sécurité nucléaire.

Je vais évoquer à ce sujet deux textes spécifiques :

- Le décret et l'arrêté relatifs à la sécurisation des charges de long terme, largement évoqués par Dominique MAILLARD. L'ASN a donné un avis favorable en date du 1er février 2007. Je signale que l'ASN sera consultée sur la cohérence des stratégies de démantèlement et gestion des combustibles usés et des charges actives présentées par les exploitants en regard de la sécurité nucléaire. Depuis des années, l'un de nos soucis a été de vérifier que les politiques de chacun des exploitants en France aboutissaient à une cohérence globale, et d'éviter les sous-optimisations.

- Le dernier décret que nous avons examiné est celui relatif au retour des déchets étrangers, correspondant à l'article 8 de la loi. Nous avons donné un avis favorable, sous réserve d'une modification que vous trouverez dans la version écrite de mon intervention.

Voilà, M. le Président, où nous en sommes à la fois sur la mise en place de l'ASN et son intervention dans l'application de la loi du 28 juin 2006.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Merci M. le Président pour ce point sur la suite des textes d'application de la loi du 28 juin, et les informations que vous nous donnez sur la mise en route de cette nouvelle instance, l'autorité de sûreté nucléaire. Nous pouvons maintenant consacrer quelques instants aux questions auxquelles les intervenants répondront.

Mme Ann MacLACHLAN, Nucleonics Week

Je demanderai quelques précisions à Dominique MAILLARD. Ma première question concerne le décret de renvoi des déchets étrangers. Vous avez parlé d'une équivalence en radioactivité et en masse des déchets. Je n'ai pas compris sur quel point porte la masse, d'autant que vous avez ajouté que l'uranium et le plutonium n'étaient pas pris en compte. Doit-on renvoyer la masse des combustibles irradiés reçus sur le sol français ?

La deuxième question concerne le taux d'actualisation pour la constitution des provisions. Vous avez parlé d'un taux plafond pour ne pas sous-estimer les provisions à constituer - c'est du moins ce que j'ai compris -, ainsi que d'harmonisation. Ne faudrait-il pas plutôt parler d'un taux d'actualisation cible ?

M. Dominique MAILLARD, Directeur général, DGEMP, Ministère de l'industrie

Sur le premier point, il s'agit d'avoir une comptabilité précise : il ne faut renvoyer ni plus ni moins que la partie des déchets. Une comptabilité masse et radioactivité doit donc être effectuée. Au départ, les combustibles usés ont une certaine activité et une certaine masse. Au retour, ils constituent des colis de déchets et des colis de matières valorisables, comme l'uranium, le MOX, etc. qui restent la propriété de l'exploitant étranger. Or, la loi interdit strictement le stockage, sur le territoire français, de déchets étrangers issus du retraitement. Il faut donc être sûr que la quantité de matières retournée aux exploitants étrangers correspond bien au traitement des produits combustibles qu'ils nous ont donnés ; il ne s'agit pas non plus de leur en retourner davantage ! Nous leur retournons la valeur correspondant à ce qu'ils ont introduit, diminué de la radioactivité et des matières valorisables qu'il leur appartient de commercialiser. Le décret précisera donc les règles permettant de vérifier ce dispositif, de telle sorte que soit bien retourné aux pays étrangers l'équivalent de ce qui est entré sous forme de combustibles usés : c'est l'image un peu éculée de la teinturerie qui vous rend le linge propre et le sac de poussière ! Dans les accords intergouvernementaux, tels qu'ils sont prévus, à la fois, le principe du retour des déchets sera confirmé, mais aussi la destination des produits valorisables dont l'entreprise étrangère se trouvera propriétaire.

Venons en maintenant à votre question sur le taux plafond. Si vous avez eu la curiosité de lire le récent rapport du Commissariat général au plan - désormais nommé le Centre d'analyse stratégique - sur cette question délicate, il n'est pas préconisé un taux unique, mais des taux variables au cours du temps, selon l'échéance. Or, précisément, pour les déchets radioactifs, les échéances de temps vont être très variables, selon la date à laquelle interviendront le démantèlement et la durée de ces travaux. Il nous semblait donc difficile de fixer un taux unique, alors même que les grands experts de l'économie conseillaient des taux variables au cours du temps. En revanche, nous pensions qu'un taux plafond était nécessaire, pour la raison précise que je vous indiquais : nous savons bien que - et cela est un calcul mathématique très simple - si le taux d'actualisation est trop élevé, les dépenses à venir sont écrasées. Nous voulions éviter ce risque, et c'est la raison pour laquelle nous avons prévu un taux d'actualisation plafond, qui, selon les modalités de traitement et en respectant les préconisations du Centre d'analyse stratégique, ne devait pas pour autant être réglementé.

Mme Monique SENÉ, GSIEN (Groupement de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire)

J'ai précisément participé à la lecture du décret sur le PNG-MDR. Il me semble que la participation des associatifs et du public est très limitée : l'ANCLI avait demandé que, en parallèle au Haut Comité à la transparence, soit créée une Commission nationale permanente pour suivre l'ensemble des dossiers et capable d'assurer un dialogue avec la population. Cela n'est pas vraiment pris en compte. J'en voudrais pour preuve la faible consultation du plan mis sur le site de l'ASN. Pour la population, ce moyen n'est pas adapté à la discussion. Le débat public, s'il existe bien, rassemble souvent des personnes qui ne peuvent rien dire parce qu'elles ne se sont pas approprié le dossier. Des relais sont donc nécessaires, et de ce point de vue, les CLI et l'ANCLI sont bien positionnées pour, au moins, aider sur ce sujet. Cette dimension de l'information et du dialogue avec les citoyens n'est pas suffisamment prise en compte.

M. André-Claude LACOSTE, Président de l'Autorité de sûreté nucléaire

Le groupe de travail a fonctionné au fil des ans, et vous y avez beaucoup participé. La tentative de consultation via Internet a été une volonté délibérée d'essai associé, sans beaucoup de succès. Vous posez la question d'un lieu permanent de discussions sur le PNG-MDR et sa mise en œuvre ; d'autres questions du même genre sont posées sur le réacteur EPR ou sur des sujets de ce type.

Mon sentiment est que le lieu où ces questions pourraient être débattues devrait être le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, instance officielle, créée par la loi, et en cours de mise en place. Il faudra examiner s'il fonctionne seul, en réunions plénières, s'il crée des groupes permanents, et quels sont ses moyens d'action. Je pense que nous avons là le cadre institutionnel pour traiter le type de sujets que vous évoquez.

Mme Monique SENÉ, GSIEN (Groupement de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire)

Cela n'est pas vraiment prévu dans les décrets, et nous risquons d'avoir des difficultés à le mettre en œuvre. Cela dit, attendons !

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Ce comité est en train d'être mis en place, et je pense que, lui aussi, fixera son règlement de fonctionnement et intégrera ce type de souhait.

M. Jean-Claude AUTRET, Vice-Président de l'ACRO (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest)

Je donnerai un texte concernant le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest en fin de séance. Pour reprendre ce que vient de dire Mme SENÉ, les déchets et matières radioactifs ont une durée de vie telle que la construction de la mémoire devient un enjeu primordial. Tchernobyl, que je connais assez bien, nous enseigne, 20 ans après la catastrophe, qu'il s'agit du point clé qui reste, non pas à régler, mais d'abord à penser. C'est aussi ce qui se passe dans le cadre du PNG-MDR. Cette mémoire en matière nucléaire va nécessiter une redondance de l'information et un partage de la connaissance. Si nous sommes obligés de léguer ce fardeau aux générations futures, qui, avec le démantèlement évoqué précédemment, va prendre des proportions considérables, alors la protection de ces générations fait l'objet d'un consensus, dès lors qu'il s'agit de gestion de déchets radioactifs. Cependant, ce consensus n'existe pas encore dans les générations actuelles.

Après Monique SENÉ, je soulignerai que nous nous étions associés à l'ANCLI pour demander cette commission permanente pluraliste de débats au sujet des déchets. Tchernobyl nous enseigne qu'il est nécessaire que les citoyens eux-mêmes soient en prise avec cette problématique.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Je pense que la réponse est la même. Le Haut Comité répondra tout à fait ce souhait.

M. André-Claude LACOSTE, Président de l'Autorité de sûreté nucléaire

Il faut ajouter que, pour chacune des installations de stockage des déchets, existe d'ores et déjà une CLI alentour. Un des moyens d'assurer la mémoire, comme vous le savez, est d'avoir des commissions, des instances qui se réunissent périodiquement pour ne pas créer des vides pendant lesquels personne ne s'occupe du sujet.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Merci. Je propose que nous passions à la table ronde suivante, et j'invite MM. Bernard DUPRAZ et Denis HUGELMAN à nous rejoindre.

II - LES PROGRAMMES DE RECHERCHE DES LOIS DE 1991 ET DE 2006

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Nous allons maintenant évoquer les programmes de recherche mis en place par les lois de 1991 et de 2006.

M. Bernard DUPRAZ, Directeur général adjoint production ingénierie, EDF

Je vais tenter d'apporter des éléments d'éclairage à l'une des questions qu'évoquait André-Claude LACOSTE à l'instant sur la cohérence de la gestion du combustible usé, en l'élargissant, dans un premier temps, aux différentes générations de réacteurs - 3ème et 4ème Générations -, pour revenir ensuite sur la cohérence de la politique de traitement du combustible usé, ces deux questions s'étalant sur plusieurs décennies.

Pour ce qui concerne la deuxième génération de réacteurs, chacun connaît la situation du parc existant : 58 centrales, 63 GW qui ont la particularité d'avoir été mises en service dans un laps de temps très court, pour l'essentiel en 10 ans, entre 1980 et 1990.

Notre objectif est double. Il est de :

- de disposer d'un modèle de réacteur de 3ème Génération, en l'occurrence l'EPR, éprouvé, pour la mise en service d'une série industrielle dès l'horizon 2020, permettant d'être en mesure d'engager le renouvellement du parc existant et d'en augmenter les capacités ; c'est l'objectif de la tête de série de Flamanville 3,

- d'étendre la durée de vie des centrales existantes au-delà des 40 ans de durée de vie de conception initiale, dans le respect des règles de réexamen, tous les 10 ans, des référentiels de sûreté. Si l'on vise un objectif de 50 à 60 ans, - dans certains pays, comme les États-Unis, plus de 40 de la centaine de réacteurs existants ont vu leur licence d'exploitation étendue jusqu'à 60 ans - en transposant cette durée de vie, nous sommes menés à l'horizon de 2050.

Il y a donc de la place et un intérêt pour commencer significativement le renouvellement du parc - plus de 50 % - par des réacteurs de 3ème Génération, pour le poursuivre, à l'horizon de 2040, par des réacteurs de 4ème Génération. L'extension de la durée de vie est donc nécessaire pour permettre l'arrivée à maturité industrielle des réacteurs de 4ème Génération, pour lesquels nous voyons deux intérêts :

- Le premier est l'économie des ressources. La question de l'uranium, après avoir été oubliée pendant une quinzaine d'années, revient à l'ordre du jour. Chacun sait que l'uranium était à 15 dollars la livre il y a 3 ou 4 ans ; ce prix a été multiplié par quatre aujourd'hui, retrouvant pratiquement les niveaux de la fin des années soixante-dix. Le premier objectif est l'utilisation des ressources, avec la multiplication par un facteur 50 de l'utilisation de l'uranium.

- Le second intérêt concerne le recyclage des actinides mineurs. À l'horizon 2040 - 2050, la filière réacteurs à neutrons rapides à caloporteur sodium est la seule qui nous paraît envisageable pour un déploiement industriel. Ceci est un consensus dans le cadre des travaux menés tout au long de l'année 2006 par le Haut-commissaire à l'énergie atomique, rassemblant l'ensemble des parties prenantes industrielles en particulier. Pour autant, elle nécessite des innovations importantes et une phase de l'ordre de 6 ans, 2007 - 2012, est nécessaire pour de telles innovations avant l'engagement du prototype précisé par la loi du 28 juin. EDF est impliquée sur le développement de cette technologie.

J'en terminerai sur ce point avec la question de la transition entre les réacteurs REP existants ou de 3ème Génération III, l'EPR de demain, et les réacteurs de 4ème Génération. Le démarrage d'un réacteur 1 000 MW à neutrons rapides demande un apport de 15 tonnes de plutonium pour 1 GW. Ceci nécessite donc qu'à l'horizon 2040 2050, x réacteurs à neutrons rapides soient disponibles, avec x fois 15 tonnes de plutonium.

Aujourd'hui, le stock actuel de combustibles usés d'EDF, entreposé pour l'essentiel à La Hague, permettrait de démarrer potentiellement 7 GW de réacteurs de 4ème Génération. Nous avons à examiner cette cohérence dans une vision à long terme, et notre politique de traitement du combustible a donc ce double objectif : d'une part, gérer le combustible usé par retraitement pour une partie - aujourd'hui environ 850 tonnes sur les 1 150 à 1 200 tonnes consommées chaque année - et en assurer le conditionnement sûr, et, d'autre part, conserver une partie du plutonium sous forme de combustible MOX usé, pour retraitement ultérieur en dilution avec du combustible UO2 usé, afin de garder ouverte l'option du démarrage d'une série de réacteurs de 4ème Génération à cet horizon.

Voilà le principe général. Nous sommes parfaitement conscients que les paramètres quantitatifs doivent être réglés. Les chiffres de 850 tonnes de combustible retraité, aujourd'hui brûlé dans 20 tranches MOX, peuvent évoluer de façon marginale dans les prochaines années. Nous avons déposé des dossiers pour étendre de 20 à 24 tranches le nombre de tranches autorisées à être moxées, et faire bouger ces paramètres de réglage, afin d'assurer la cohérence réacteurs existants - réacteurs du futur, combustible traité dès aujourd'hui - combustible traité demain.

M. Denis HUGELMAN, Directeur du traitement, AREVA

Je souhaite, en mon nom et en celui d'Anne LAUVERGEON, saluer le travail considérable qui a été effectué par l'Office et a débouché sur cette loi, pour nous importante, à plus d'un titre.

Cette loi est importante, car tout d'abord, elle nous donne, pour la première fois, des définitions claires des substances, des matières et des déchets gérés par l'industrie. Elle nous fournit un cadre clair quant aux directions que nous avons tous à poursuivre, et quant aux jalons temporels. Le stockage en particulier est clairement affiché comme une référence centrale, mais assortie d'un objectif d'ouverture en 2025.

Elle fournit également un cadre clair quant à la stratégie d'aval du cycle, en France, dans la perspective globale d'un parc de réacteurs qui évolue dans le temps. Ce texte est d'autant plus fondamental que les activités d'AREVA se situent dans ce secteur d'activité.

La loi est également exigeante, puisqu'elle renforce l'encadrement des industriels sur plusieurs points. Nul doute cependant que nous saurons, groupe AREVA, répondre à ces nouvelles contraintes. Nous sommes d'ores et déjà dans cette direction.

Comme cela a été mentionné, cette loi a une portée internationale extrêmement large. De nombreux interlocuteurs de notre groupe, que nous rencontrons au quotidien dans le monde entier, nous ont fait part de leur intérêt, voire pour certains, de leur admiration et de leur envie pour ce texte structurant.

Avec ce texte, la France s'est positionnée en avant par rapport aux autres pays pour sa stratégie de gestion des déchets, permettant ainsi de garder notre avance qui s'est construite dans les années 70-80, en se dotant, d'une part, d'un parc standardisé de grande ampleur et, d'autre part, de l'industrie du cycle performante que nous connaissons. Ce choix était à l'époque ambitieux, visionnaire, puisque l'Histoire nous donne raison.

Ce choix initial et l'excellence industrielle qui l'accompagne aujourd'hui, nous donnent un atout inestimable pour tirer les profits du développement du nucléaire à travers le monde. Tous ensemble - avec les chercheurs du CEA, les industriels, les responsables politiques - en sachant miser sur le dialogue et la transparence, absolument indispensables à nos activités, nous avons persévéré et comptons aujourd'hui des acteurs nationaux du nucléaire, dont AREVA, qui sont aujourd'hui les leaders mondiaux.

Avec ce nouveau cadre législatif, nos positions vis-à-vis de nos clients étrangers se trouvent extrêmement renforcées. Nous avons tous compris, depuis longtemps, qu'un nucléaire durable est un nucléaire qui économise les matières, maîtrise les volumes des déchets, les conditionne et les stocke sous forme de résidus ultimes, en toute fiabilité et sans impact sanitaire.

C'est aussi une filière qui responsabilise ses acteurs en encadrant fermement les relations qu'ont les industriels, et leur impose un devoir de transparence avec les citoyens sans laquelle nos activités ne connaîtraient aucun avenir. Le traitement en France, aujourd'hui, est la solution de référence : cette nouvelle loi le dit. Nous en sommes fiers, et nos acquis industriels des 15 dernières années s'en trouvent validés.

Vous le savez tous, AREVA est aujourd'hui est le leader mondial de ce cycle du combustible. Au cours de ces dernières années, nous avons su faire du traitement-recyclage, auquel est associée la vitrification, une réalité industrielle qui est clairement établie. Nous avons à notre actif, aujourd'hui, plus de 20 000 tonnes traitées de combustibles de réacteurs à eau légère. Ce traitement s'est accompagné des progrès extrêmement importants qui ont été continuellement apportés dans l'aval du cycle tout au long de ces années.

J'ai choisi de citer deux aspects déterminants :

- d'une part, l'amélioration continue de la connaissance des colis en matière de performance et de durabilité. Les colis standards produits par AREVA ont statut de référence mondiale : nous le constatons tous les jours au travers de nos contacts.

- d'autre part, l'essor du recyclage du plutonium dans les combustibles MOX, avec en 1995, le démarrage de l'usine de grande taille MELOX, dont M. LACOSTE nous annonçait, il y a quelques instants, la prochaine augmentation de capacité. Ce recyclage de matières énergétiques permet d'économiser l'uranium, devenu de plus en plus cher, de réduire la radiotoxicité des déchets d'un facteur très élevé, et de concentrer pour un usage futur les ressources en plutonium dans les combustibles MOX usés. En somme, cela signifie bien créer les conditions d'un nucléaire durable.

Dans ce nouveau cadre législatif, l'industrie et la recherche françaises pourront valoriser, à l'étranger, une avance technologique claire sur ces sujets, sur les procédés chimiques de séparation, et un niveau inégalé d'expertise dans la construction, la conduite et la maintenance des usines. Un exemple illustre mes propos : c'est le démarrage exemplaire de l'usine de Rokkasho-Mura au Nord du Japon, qui est aujourd'hui une référence mondiale, venant s'ajouter à l'expérience cumulée dans la construction et l'exploitation des usines UP3 et UP2-800 de l'usine de La Hague.

Au cours des 15 dernières années, la situation internationale s'est profondément modifiée sur ces sujets. La Hague a toujours été très visitée ; elle l'est aujourd'hui de tous, en particulier par les plus hauts responsables des pays industrialisés, et tout récemment par la Grande-Bretagne, la Chine, et par l'administration américaine. Les États-Unis, en effet, ont décidé de revenir sur leur décision de bannir le traitement des combustibles usés. Un tout récent partenariat intitulé GNEP, Global Nuclear Energy Partnership, va être un élément moteur du développement du traitement pour l'avenir. L'objectif est clairement affiché : reconsidérer l'aval du cycle aux États-Unis avec un rôle dévolu au traitement. L'Office parlementaire, par l'intermédiaire de son premier vice-président, a pu récemment constater ces évolutions sur place, lors d'un voyage aux États-Unis.

AREVA, outre son activité dans le domaine des réacteurs, est aujourd'hui un acteur de l'aval du cycle américain, qu'il s'agisse de réaliser les précurseurs des futurs combustibles MOX à base du plutonium issu du démantèlement des armes - programme MOX for Peace -, de participer à la conception du stockage de Yucca Mountain, ou enfin de proposer des concepts d'usine de traitement basés sur les nouveaux procédés dits COEX, permettant de gérer, sans les séparer, les flux d'uranium et de plutonium.

Des opportunités se font jour à court terme aux États-Unis, avec l'expression d'intérêt du Department of Energy, pour dès maintenant, la conception d'une usine de traitement à vocation commerciale. AREVA est présent sur ce créneau, avec ses partenaires américains, les groupes Washington Group et BWXT. Nous proposons nos services en concurrence avec 13 autres groupements sur ce projet.

Nous avons été précurseurs. Nous devons continuer à évoluer, à anticiper, - et j'ai déjà mentionné à cette occasion le procédé COEX que nous développons avec le Commissariat à l'énergie atomique - parce que les usines de demain ne ressembleront probablement pas à celles d'aujourd'hui. À quoi ressembleront demain ces grands centres chargés de l'aval du cycle à travers le monde ? Nous pouvons prévoir que l'équilibre sera atteint avec quelques grandes unités qui offriront des services de traitement, éventuellement de séparation plus ou moins poussée, de fabrication de combustibles, voire de cibles. Au-delà des usines de 3ème Génération, il faut d'ores et déjà prévoir les évolutions vers des technologies qui permettront de servir les réacteurs de 4ème Génération. Cette transition tirera un grand bénéfice de l'expérience gagnée au sein des usines actuelles, mais il est essentiel de ne pas brûler les étapes, en passant directement à la 4ème Génération.

Les défis techniques sont très significatifs. Nos clients, les autorités de sûreté et les industriels, sont attachés à des solutions qui ont fait leurs preuves techniquement et économiquement, et évoluent dans le temps. Nous nous y préparons activement, en coopération étroite avec le Commissariat à l'énergie atomique. Ces programmes s'inscrivent dans la recherche permanente des progrès techniques qui est depuis toujours une des grandes valeurs de notre groupe, comme cela peut se constater au travers de l'évolution entre l'usine UP2, l'usine UP3, UP2-400, et même Rokkasho-Mura.

Quelles que soient les échéances et en dépit de nos atouts, la concurrence sera très vive, tant au plan économique que sur la variété des services rendus, leur qualité et les modalités de gestion des déchets. Déjà aujourd'hui, nous le constatons, rien n'est facile : remplir La Hague, développer nos activités, investir pour être prêt à répondre à la renaissance du nucléaire. Dans nos métiers, les temps sont longs, les coûts sont lourds. Il est donc essentiel que, pour relever ce défi, tous les acteurs de la filière nationale puissent travailler de concert, en développant les meilleurs standards internationaux soutenus par des orientations durables, et en s'appuyant sur un cadre juridique aussi clair et stable que possible.

C'est dans cet esprit que notre groupe a souhaité contribuer aux travaux qui ont nourri le débat, puis la loi de 2006 sur les déchets. Nous répondrons désormais aux exigences de ce texte, avec l'esprit d'ouverture et de dialogue qui nous est cher, comme nous le faisons notamment pour la communication sur les charges futures de gestion du nucléaire historique, ainsi que sur les opérations de suivi industriel, le bilan des déchets et matières, longuement évoqués ce matin. Nous sommes déjà au travail pour nous y conformer, aligner l'ensemble de nos systèmes de gestion avec ces nouveaux impératifs fixés par la loi.

Sur le plan technique, nous apportons notre contribution sur deux champs d'action qui s'articulent pour fournir les solutions de gestion à long terme des déchets : c'est évidemment dans les domaines du stockage et de l'entreposage.

La responsabilité du producteur de déchets que nous sommes est de les gérer de façon sûre, et, tant que nous en avons la propriété, de nous assurer de la mise en œuvre d'une filière efficace pour leur gestion à long terme. La loi nous encadre clairement dans ce domaine, et nous donne les lignes directrices que nous suivons en collaboration avec l'ANDRA.

Nous sommes sûrs que le système français sera capable de mener à bien les travaux de conception et de construction de ces nouveaux stockages, dans le respect des critères de sûreté qui doivent être portés au niveau d'excellence, en permettant d'accueillir les colis de déchets portés à l'inventaire actuel, sans oublier de définir sans tarder les spécifications nécessaires à l'optimisation des concepts des nouveaux colis. Notre métier est un métier de progrès continu, d'évolution continue vers les usines de 4ème Génération. Il est important de pouvoir définir les colis du futur, en adéquation avec les règles fixées pour le futur stockage.

Le second domaine d'action, entre-temps, reste l'entreposage, sujet important. AREVA a, à son niveau, beaucoup contribué aux travaux de la loi précédente, en apportant son expérience d'industriel : nous exploitons plusieurs entrepôts sur notre site de La Hague. La construction d'extension de ces entrepôts sera nécessaire d'ici à quelques années. Nous aurons l'occasion de collaborer avec l'ANDRA, dans la perspective définie par la loi sur ce sujet de la définition des entrepôts.

En conclusion, vous l'avez compris, il est fondamental, crucial pour nous de toujours mettre en cohérence les décisions prises au plan national, avec les enjeux du contexte international qui évolue fortement aujourd'hui.

Nous avons la conviction qu'avec la loi du 28 juin 2006, cette cohérence est totalement assurée. Nous avons maintenant la responsabilité collective de faire fructifier nos atouts - ils sont nombreux - dans un monde soumis à des changements accélérés et où règne une concurrence de plus en plus active dans nos métiers.

M. Gilles COMPAGNAT, Fédération Chimie Énergie CFDT

J'aimerais poser une question, particulièrement à M. Bernard DUPRAZ qui nous a donné des perspectives à la fois sur l'augmentation de la durée de vie des centrales nucléaires, et sur le développement des 3ème et 4ème Générations des réacteurs.

EDF va-t-elle ou peut-elle se donner les moyens de réussir ces défis, dans la mesure où d'une part, comme tous les grands groupes industriels, elle est confrontée à des mesures d'économie, et d'autre part, dans la mesure où elle va être touchée par le papy boom, comme toute l'industrie française, avec des départs massifs en inactivité notamment dans la filière de conception et d'ingénierie d'exploitation ?

J'aimerais que M. Bernard DUPRAZ nous donne des éclaircissements sur ces domaines : à la fois sur l'exploitation des tranches actuelles, et la nécessité de maintenir une sûreté sans faille, et d'autre part sur la durée de vie et les perspectives de développement des réacteurs de 3ème et 4ème Générations.

M. Bernard DUPRAZ, Directeur général adjoint production ingénierie, EDF

Très brièvement, la réponse est oui. La question est comment ? Pour ce qui concerne les ressources financières, concrètement, il s'agit d'investir dans la maintenance au sens le plus large, en particulier dans le renouvellement d'un certain nombre de composants pour permettre cette extension de la durée de vie que je mentionnais.

Il s'agit d'investir dans les nouveaux réacteurs - Flamanville III décidé aujourd'hui. Il s'agit d'investir, le cas échéant, hors de France dans le cadre de ce qui se dessine désormais de plus en plus clairement avec la prise de conscience de l'année 2006 en matière de renaissance nucléaire. Ainsi, si l'opportunité est donnée au groupe EDF d'investir dans de la production nucléaire en Grande-Bretagne où le groupe est présent dans la distribution et la commercialisation d'électricité, c'est bien notre volonté.

Il s'agit bien plus encore d'investir dans le renouvellement et le renforcement des compétences, car dans le domaine de la production-ingénierie, dans les 10 ans qui viennent, 50 % des personnels vont partir en inactivité.

C'est donc non seulement pour l'opérateur que nous sommes, mais aussi pour l'ensemble de nos partenaires industriels, et pour l'ensemble du système éducatif, un défi considérable que nous prenons, que nous avons déjà pris depuis deux ou trois ans à bras-le-corps.

Mais il faut également renforcer les compétences. Nous sommes à la sortie d'une phase de traversée du désert, dans les quinze années écoulées entre le début des années 90 et aujourd'hui. Nous avons traversé une phase avec peu de constructions, la fin de la mise en service du palier de 1 500 MW en France, et, pour ce qui nous concerne, la participation aux centrales en Chine. Ces compétences-là sont aujourd'hui largement à renforcer et nous en avons clairement l'intention : nous nous organisons dans ce sens.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Je donne la parole à M. Alain BUGAT, pour nous faire une synthèse des recherches menée par le CEA sur les 3 axes de la loi. Merci

M. Alain BUGAT, Administrateur, CEA

Je résumerai d'entrée les recherches du CEA dans le cadre de la loi de programme du 28 juin 2006 et son action dans le PNG-MDR par quatre idées-forces.

- La première est que nous entrons dans une phase où les recherches sur la séparation-transmutation - l'axe 1 - et celles sur les systèmes nucléaires du futur se rejoignent : systèmes nucléaires du futur, réacteurs, mais aussi installation du cycle avancé, qui, nous le verrons, ont une part fondamentale.

- La deuxième idée-force est qu'après les démonstrations scientifiques effectuées pendant la loi de 1991, il nous faut maintenant aborder la faisabilité, le coût et la cohérence des installations de type industriel - je ne dis pas des installations industrielles - qui seraient utilisées à terme pour la séparation et la transmutation.

- La troisième est que, au cœur des recherches, se trouvent de nouveaux combustibles qui nécessiteront des installations de recherche et de démonstration dont la plupart sont à construire. On a parlé tout à l'heure des réacteurs prototypes de 2020, pour lesquels je ferai une petite rectification : deux filières sont étudiées en parallèle, les réacteurs à sodium et les réacteurs à gaz, ainsi que des installations du cycle associé.

- La quatrième idée est que le CEA continuera à apporter un appui scientifique à l'ANDRA pour le stockage, et à transmettre les résultats qui ont été acquis sur l'entreposage. Nous considérons à ce stade que les contraintes affichées - celles de l'ANDRA ou du système en général - pour l'issue de certains déchets spécifiques, conduisent presque inéluctablement à envisager de l'entreposage longue durée sur deux de nos sites nucléaires.

Je vais rapidement développer ces quatre points.

Pour ce qui concerne la séparation-transmutation, les acquis de la période de la loi de 1991 permettent, en accord avec les objectifs de la loi de 2006, de définir un nouveau cadre de travail. Les acquis nous permettent de simplifier la tâche. En effet, nous avons arrêté les études sur la transmutation en réacteur thermique, les études de transmutation sur les produits de fission, les études de conditionnement spécifique des actinides mineurs, parce les résultats scientifiques montraient que l'effort était disproportionné ou non atteignable.

Par ailleurs, nous avons constaté les difficultés à reprendre les déchets MAVL et les déchets de haute activité aujourd'hui vitrifiés, et ceux qui sont à venir jusqu'à la mise en place d'un procédé de séparation des actinides mineurs. Ces déchets sont donc d'ores et déjà considérés comme des déchets ultimes.

La loi du 28 juin 2006, dans son article premier, prévoit que les recherches de séparation-transmutation doivent être menées en relation avec les nouvelles générations de réacteurs, ainsi que sur les ADS (Accelerator Driven Systems). Le jalon est celui de 2012 - et nous allons voir qu'il revient souvent dans plusieurs des directions. Le jalon de 2012 permettra de disposer d'une évaluation des perspectives industrielles de ces filières. Celui de 2020 concernera, à la demande du Président de la République, l'exploitation d'un premier prototype d'installation, dont on va dire qu'il sera de 4ème Génération moins : il n'aura pas toutes les innovations d'une 4 ème Génération, mais en inclura l'essentiel. Pour ce faire, nos recherches continueront à être coordonnées avec les autres organismes, et notamment via le programme PACEN du CNRS qui sera présenté ultérieurement.

L'article 4 de la loi de 2006 acte le principe de la réduction de la quantité et de la toxicité des déchets, que ce soit par traitement des combustibles usés, ou par le traitement et le conditionnement des déchets, mais aussi par les actions de réduction à la source. Cette remarque ne semble pas importante, mais c'est le principe de base qui fait l'originalité de la position française dans le monde et son avance, comme cela a été évoqué précédemment. C'est dans ce cadre que les études concernant la réduction de l'inventaire radiologique avec les actinides, ainsi que la réduction de la charge thermique associée à certains radionucléides pourront être menées. Réduction de la charge thermique et réduction de la radioactivité signifient, au final, réduction du volume de l'emprise des déchets dans le stockage, et donc, optimisation économique.

Il s'agira aussi de conduire des études et des développements technologiques nécessaires pour apporter les réponses à la viabilité du cycle industriel complet incluant donc les installations du cycle. Nous serons donc amenés, dans la période des cinq années à venir, à évaluer de manière globale sur l'ensemble du cycle du combustible, l'implication du recyclage des actinides mineurs sur la fabrication des combustibles, l'effet sur le stockage géologique. Par exemple, des études et des développements technologiques sont nécessaires pour arriver à un cycle industriel complet utilisant des installations en télé manipulation avec des matières fortement radioactives, ce qui sera le cas des nouveaux combustibles incluant les actinides.

J'ai dit l'importance des combustibles. La définition des combustibles va préciser les besoins en terme d'éléments à séparer et d'efficacité de la séparation. Les performances élevées des procédés de séparation, telles qu'elles ont été mises en évidence lors de la phase qui s'est achevée en 2006, permettent de s'adapter dans une large gamme d'évolution des combustibles : nous disposons désormais d'un kit qui permet de faire beaucoup de choses. En combinant cela avec les contraintes et les impératifs industriels, nous dégagerons les types de combustibles possibles. Là encore, les recherches sur le procédé de séparation permettront d'apporter les éléments de comparaison pour constituer le dossier 2012. En 2012, nous devrions également avoir une bonne vision de la définition du cahier des charges de la future usine de traitement.

J'évoquerai rapidement les procédés de séparation, déjà mentionnés :

- PUREX, procédé existant, sort le plutonium et l'uranium séparément,

- COEX sort le plutonium et l'uranium conjointement : c'est déjà un progrès, mais il n'existe pas aujourd'hui d'usine COEX industrielle. Cette étape reste à réaliser mais nous savons le faire.

- La séparation poussée sort chaque élément pratiquement un par un. Ce procédé a été élaboré essentiellement dans l'installation Atalante de Marcoule, avec des taux de rendement dépassant les 99,8 % - taux d'extraction tout à fait définitifs.

- Sous certaines conditions de base, de chimie, les procédés, toujours en milieu aqueux (hydrométallurgiques), permettent de faire un kit de séparation groupée, l'étape ultime étant GANEX, permettant de sortir en même temps le plutonium, l'uranium et les actinides mineurs. GANEX est évidemment l'objectif ultime, déjà « vendu » par les Américains, pour lequel ils font déjà une promotion importante. Nous considérons, pour notre part, que l'évolution industrielle se fait de manière incrémentale et qu'il y aura donc probablement des passages par COEX.

- La séparation pyrochimique, la séparation à sec, déjà évoquée, est à nos yeux une option de long terme. Elle est très intéressante, car elle permet de traiter des combustibles fortement radioactifs sans les laisser refroidir, et sera très soigneusement étudiée.

Pour la transmutation, les combustibles sont les principaux verrous technologiques. De quelle manière allons-nous construire le combustible qui sera mis dans les réacteurs ou dans les ADS pour permettre l'incinération ? Il existe deux options : soit les réacteurs critiques électrogènes, soit les réacteurs sous-critiques de type ADS, par lesquels je commencerai.

Les systèmes dédiés à la transmutation des actinides mineurs ADS sont constitués d'un réacteur sous-critique, couplé à une source externe de neutrons qui provient d'un accélérateur, lequel impacte une cible. Le caractère sous-critique du réacteur permet de charger facilement en actinides mineurs tout en assurant un contrôle et une sûreté, ce qui constitue un aspect favorable. Toutefois, de nombreux verrous technologiques subsistent encore, et seront à lever pour juger de la viabilité d'un ADS de puissance.

Les études sont menées dans le cadre européen, avec le projet EUROTRANS dont la période d'étude est 2006-2020. Elles se poursuivront ensuite, la période importante étant 2006-2009 avec un rendez-vous en 2009, où l'on devrait dire s'il est possible ou non de construire un ADS expérimental de dimension significative de 100 à 400 MWth. D'ici là, chaque partenaire étudie l'accélérateur, la cible de spallation. Une expérience a été réalisée en 2006 sur la cible de spallation : l'expérience MEGAPIE.

Pour ce qui concerne les combustibles, l'objectif est, pour simplifier, de disposer de combustibles de type MOX, et d'obtenir un composé solide à partir des solutions nitriques d'actinides issues des procédés de séparation. Un programme à trois ans vise à définir à l'échelle du laboratoire un procédé de conversion. Un test sera effectué sur le réacteur japonais Monju, puisque Phénix s'arrêtera à la fin de l'année 2008, éventuellement en Russie ou en Inde, sous réserve d'obtenir l'accord de travailler sur ces sujets-là. Nous passerons ensuite en 2020 en France sur le réacteur de 4ème Génération. Ces actinides devront être entreposés dans une petite installation tampon supplémentaire à définir.

Pour la transmutation, il existe deux modes. Dans le mode homogène, les actinides sont répartis dans tous les combustibles ; dans le mode hétérogène, les éléments sont concentrés dans des barreaux spéciaux que l'on brûle en périphérie ou à l'intérieur. Les taux de concentration diffèrent dans les deux cas, et les deux voies doivent donc être étudiées, mais je ne rentrerai pas dans le détail des expériences en cours.

Des installations de démonstrations de la séparation et la transmutation sont nécessaires. Dans Phénix, les expérimentations de transmutation ont porté sur quelques aiguilles d'oxyde, quelques grammes d'actinides mineurs. Pour démontrer la faisabilité technologique de la transmutation, il est nécessaire de faire des démonstrations sur des quantités de plusieurs kilogrammes. La disponibilité des matières à transmuter sera donc nécessaire, et elle sera suivie d'une refabrication du combustible pour démontrer la faisabilité du multi-recyclage. Là encore, ces expériences se feront à Monju, puis dans le réacteur français en 2020. Le prototype 2020 nécessitera un atelier pour la fabrication de son combustible MOX. Il sera de petite taille et sera conçu pour fabriquer un à trois assemblages contenant des actinides mineurs.

Après cette brève présentation, nous allons examiner les procédés de stockage. Il me semble important de mentionner que les études scientifiques d'appui à l'ANDRA se poursuivront sur la plate-forme de simulation ALLIANCES avec l'introduction de paramètres physiques nouveaux, essentiellement la prise en compte des gaz propagés par les combustibles. Cette plate-forme intégrera progressivement la complexité des mécanismes, thermo, hydro, mécaniques et chimiques. ALLIANCES est un outil ANDRA auquel nous collaborons fortement. Nous restons à la disposition de l'ANDRA pour toute l'aide complémentaire que nous pourrions apporter.

Je vais également être très rapide sur les procédés de conditionnement. Les recherches sur le conditionnement des déchets radioactifs ne sont plus encadrées par la loi du 28 juin 2006. Cependant, elles continuent et le CEA contribue à ces études en tirant profit de ses moyens.

Nous avons des problèmes de conditionnement particuliers. Dans les 10 prochaines années, nous nous intéresserons aux catégories de déchets et colis suivants :

- les déchets conditionnés via la gestion industrielle du combustible usé, telle qu'elle est pratiquée à La Hague ;

- les déchets dits historiques, entreposés à Marcoule et à la Hague ;

- les déchets graphites, issus du démantèlement des réacteurs ;

- les déchets issus des opérations de nettoyage (démantèlement assainissement) ;

- les déchets tritiés sur lesquels je reviendrai rapidement.

Sur l'entreposage, l'idée est de passer un dossier complet à l'ANDRA, au travers d'une revue d'études qui devrait se terminer fin février 2007.

Pour les déchets spécifiques que j'évoquais, il s'avère que nous utilisons à Marcoule des fûts de bitume dont les spécifications sont très difficiles à inclure dans les stockages existants de l'ANDRA. Nous devrons trouver une solution. À notre sens, ils sont du ressort de ses centres de stockage, mais l'ANDRA défend une position différente, avec des raisons très plausibles. S'il n'y a pas d'issue avec l'ANDRA, l'entreposage à Marcoule continuera.

Pour les déchets tritiés, l'article 9 de la loi nous attribue la responsabilité de mener d'ici le 31 décembre 2008 une étude sur les solutions d'entreposage de ces déchets. Ce sujet est régulièrement présenté, et récemment encore, au comité du PNG-MDR, et le choix a été laissé entre 1,2 ou 3 installations d'entreposage jusqu'à la remise des résultats de l'étude. On s'acheminerait globalement vers une installation, pour les déchets tritiés d'origine militaire probablement à Valduc, et pour ceux d'origine civile probablement à Marcoule, cela étant l'hypothèse la plus plausible.

En conclusion, nous avons de nombreux rendez-vous. J'ai évoqué la date de 2012 que l'on voit revenir souvent. La feuille de route est très ambitieuse. Un réacteur prototype en 2020 est un « timing » très serré : compte tenu des délais de construction, si l'on ne commence les opérations réglementaires qu'en 2013, il sera très difficile de le mettre en opération en 2020. Les installations du cycle associé sont critiques, que ce soit pour fabriquer les aiguilles chargées d'actinides, ou les combustibles de beaucoup plus haute activité et de beaucoup plus grande taille, ou que ce soient les usines de traitement des nouveaux procédés. Cela conduit à une croissance des moyens affectés à ces activités pour ce qui concerne le CEA, que l'on peut qualifier de légère jusqu'en 2012, forte ensuite, car il faudra commencer à construire des installations de taille significative. Je rappelle les ordres de grandeur : 100 millions d'euros environ pour les déchets et 55 à 60 millions d'euros pour les systèmes nucléaires du futur, selon l'année de référence. L'effort sera principalement porté par le CEA jusqu'en 2015, principalement sur subventions de l'État, l'intervention des industriels devant se faire peu à peu croissante pour la construction des installations.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Merci M. l'Administrateur général pour ce panorama très dense des activités de recherche dans les années à venir, qui nécessiteraient sans doute un renforcement assez considérable des moyens. Je vais donner la parole à Mme DUPUIS qui va nous parler des programmes de l'ANDRA concernant le stockage réversible en couche géologique profonde, le stockage en surface ou sub-surface, l'entreposage.

Mme Marie-Claude DUPUIS, Directrice générale, ANDRA

Je souhaitais faire le point sur la mise en œuvre de la loi de programme du point de vue de l'ANDRA, à commencer par notre programme de recherche sur le stockage géologique réversible.

Pour bâtir notre nouveau plan de développement de nos recherches et études sur la période 2007-2015, nous sommes bien sûr partis des 2 dates clés fixées par la loi :

- 2015, instruction par l'autorité de sûreté de notre dossier de demande d'autorisation de création d'un stockage ;

- 2025, si nous obtenons l'autorisation, mise en service du stockage.

Pour atteindre ces 2 objectifs, nous avons fait un travail de réflexion interne pour nous fixer des jalons intermédiaires, en tenant compte du dossier de 2005 et de l'évaluation qui en avait été faite, à la fois par l'autorité de sûreté, par la Commission nationale d'évaluation et l'International Peer Review.

Il se trouve - et c'est presque une coïncidence - que le rythme d'avancement du plan de développement de nos recherches correspond assez bien à celui du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Nous avons pu fixer trois jalons dans notre projet - 2009, 2012 et fin 2014 - qui correspondent bien aux jalons du PNG-MDR.

Aujourd'hui, je vous présenterai ce plan de développement, les programmes associés, sachant que nous sommes, bien évidemment, prêts à les présenter plus en détail à la fois à l'Autorité de sûreté nucléaire, à la Commission nationale d'évaluation lorsqu'elle sera constituée et au CLIS.

Il est tout d'abord important de rappeler que nous pouvons continuer nos travaux en laboratoire souterrain, puisque nous avons obtenu le 23 décembre dernier par décret, l'autorisation de poursuivre l'exploitation du laboratoire jusqu'en 2011. Enfin, l'État nous a donné les moyens de poursuivre notre programme de recherche, la loi de finances nous ayant alloué un budget, non pas de 90 millions d'euros, car il y a un prélèvement pour la gestion par le ministère, mais de 89,1 millions d'euros.

Organisation des études et recherches

La loi nous demande de poursuivre nos recherches et études en vue de choisir un site et de concevoir un centre de stockage. Pour conduire cet important plan de développement, et en faciliter le pilotage, nous avons décomposé notre projet en 9 grands programmes thématiques. L'intérêt de cette décomposition est d'en améliorer la visibilité et la lisibilité par nos différents clients. Ces programmes ne sont absolument pas indépendants les uns des autres, et nous travaillons d'ailleurs sur la programmation détaillée avec les données d'entrée et de sortie entre les différents programmes. Leur intérêt est qu'ils donnent des indications sur ce que nous avons à faire dans les années qui viennent.

Le premier de ces programmes sur lequel je reviendrai est le programme de reconnaissance depuis la surface. Compte tenu des échéances et obligations fixées par la loi, nous allons devoir sortir du périmètre du laboratoire. Ces dernières années, depuis la création du laboratoire souterrain en Meuse Haute-Marne, nous nous étions cantonnés à 490 mètres de profondeur, et pour choisir un site, nous allons ressortir de notre laboratoire et je vais expliquer ici comment nous allons procéder.

S'y ajoutent un programme d'expérimentation au fond, un programme scientifique, un programme d'ingénierie, un programme de simulation. Je soulignerai 4 nouveaux programmes, correspondant mieux à cette nouvelle phase de demande d'autorisation de création d'un stockage. En effet, nous avons décidé de travailler sur :

- un programme de gestion, de surveillance et de transport des colis, thèmes importants abordés au Parlement ;

- un programme d'observation et de surveillance de l'environnement du stockage ;

- un programme d'entreposage susceptible de devenir un projet ;

- un programme d'information et de consultation.

Tous les travaux que nous allons lancer s'inscrivent dans le cadre de la préparation du 7ème PCRD (Programme cadre de recherche et développement) au niveau européen, et nous sommes en interaction étroite avec les autres agences européennes et la Commission européenne pour contribuer à l'élaboration du nouveau programme européen.

1. Choisir un site de stockage : le programme de reconnaissance

Dans le cadre du programme de reconnaissance, notre intention est de procéder en 2 temps. Il est important pour nous d'avoir un niveau de connaissance homogène de cette zone de transposition de 250 km2 qui a la forme d'un triangle, entre deux failles, au Nord du laboratoire.

Cette zone avait été identifiée comme une zone correspondant à une emprise où la couche du Callovo-oxfordien à 500 mètres de profondeur a les mêmes qualités que celle que nous étudions au sein du laboratoire. Nous avons décidé dans un premier temps, entre 2007 et 2008, de reconnaître l'ensemble de la zone. Nous n'avons pas d'a priori sur l'implantation du futur stockage. En revanche, nous avons une connaissance partielle de cette zone dans laquelle des forages et études sismiques avaient été menés avant l'implantation du laboratoire. Il nous faut donc aujourd'hui compléter cette connaissance et la rendre homogène sur toute la zone. Cela suppose, dès 2007, une nouvelle campagne de forage et de sismique 2D.

J'ai joint à ma présentation une carte indicative de l'implantation de cette future plate-forme de forage et des futurs tracés pour les camions qui viendront faire l'écoute sismique. Notre attention se porte sur le positionnement de cette plate-forme, notamment en nous appuyant sur le « permitteur » comme cela avait été fait lors de la première campagne, lors de l'implantation du laboratoire. L'ANDRA elle-même organisera une réunion d'information des maires le 12 mars pour présenter le « permitteur » qui ira ensuite rencontrer chaque maire, chaque propriétaire pour discuter. La carte, j'insiste sur ce point, car je sais que ce sont des sujets sensibles, fait apparaître volontairement de gros carrés pour représenter les plates-formes : elles sont beaucoup plus petites dans la réalité. Il s'agit là de montrer que nous implanterons cette plate-forme après échange avec les maires et propriétaires. Nous serons bien entendu attentifs aux forêts domaniales, chères aux élus locaux, aux Meusiens et aux Haut-Marnais.

Nous voulons profiter de l'année 2009, à la fois, pour assimiler en interne l'ensemble des données scientifiques recueillies, et avoir de nouveau un temps d'échange avec les élus locaux, les populations, selon des modalités à définir, pour être en mesure, fin 2009 de proposer au gouvernement une zone d'intérêt restreinte qui concernerait quelques dizaines de kilomètres carrés où pourrait s'implanter le futur stockage. Cela fera l'objet d'une concertation dont les modalités restent à définir avec les parties prenantes au niveau local.

Cette zone d'intérêt restreinte définie, nous continuerons les investigations avec des moyens plus fins pour caractériser la zone, et préparer un état initial pour le futur stockage. Cette deuxième campagne interviendra entre 2010 et 2011, notre objectif étant d'arriver au débat public qui nous est fixé par la loi, vers la fin 2012-début 2013, avec un dossier conforme à ce que la CNDP nous demandera, ainsi qu'une proposition d'implantation de stockage, voire deux, idéalement. Nous proposerons au gouvernement d'arrêter le choix du site après le débat public, ce qui nous laisserait deux ans pour constituer notre dossier de demande d'autorisation de création.

2. Concevoir un centre de stockage :

T Le programme d'expérimentations du laboratoire souterrain

Cette année, l'enjeu de prendre en charge complètement et directement l'exploitation et la maintenance du laboratoire est pour nous très important. Le Groupement Fond Est quittera les lieux fin avril début mai et nous remettra les clés du laboratoire. J'ai inclus dans ma présentation quelques photos qui illustrent les changements opérés sur le laboratoire au cours de l'année 2006. Les chevalements ont disparu et les ascenseurs descendent maintenant jusqu'en bas.

Nous poursuivrons l'acquisition de données des connaissances dans ce laboratoire. Je vous invite à consulter le plan que j'ai joint à ma présentation : en blanc, figure le schéma des galeries aujourd'hui construites, et en couleur figurent nos projets de nouvelles galeries qui vont nous permettre à la fois de tester les différentes modalités de creusement, de continuer les expérimentations sur des thématiques scientifiques pointues - notamment pour répondre aux demandes des évaluateurs sur les gaz, sur la diffusion des radionucléides et sur le comportement géomécanique de la zone d'endommagement - et de réaliser in situ et au fond des essais de démonstrations à visée technologique.

Nous travaillons en même temps sur le devenir du laboratoire pour le transformer en très grand équipement scientifique et pérenniser cet outil en le mettant à disposition d'une large communauté scientifique. Nous avons des discussions en cours avec le Ministère de la Recherche et le CNRS sur ces questions.

T Les programmes scientifiques et de simulation, ingénierie, colis

La politique scientifique de l'agence ne s'arrête pas, bien au contraire, avec l'adoption de la loi et le nouvel objectif à vocation plus industrielle fixé en 2015. Nous sommes en train de renouveler nos partenariats scientifiques avec le CNRS, le CEA, les Écoles des Mines, le BRGM, l'INERIS.

Je soulignerai également les deux partenariats que nous venons de signer avec des universités locales : l'Université Technologique de Troyes pour la région Champagne Ardenne à Troyes, et la Fédération Nancy-Université. Ils sont très importants pour nous, aussi bien au plan scientifique et technique - nous avons besoin de ces compétences - qu'en termes d'ancrage de l'ANDRA dans ces deux régions qui accueillent nos sites existants et le futur site. En outre, ces partenariats scientifiques intègrent tous les deux des chapitres à vocation d'enseignement supérieur et de formation. L'attente est également forte en Meuse pour y décliner ce partenariat : nous allons y réfléchir et y travailler.

Les études d'ingénierie vont se poursuivre avec des travaux en surface et au fond. Nous installerons à côté du laboratoire un centre de démonstration technologique pour pouvoir expliquer plus concrètement aux Meusiens et aux Haut-Marnais en quoi consiste un tel stockage géologique, en montrant de visu ce que sont les robots qui serviraient à manutentionner les colis. Aujourd'hui, beaucoup de ces prototypes existent et sont entreposés dans les Yvelines. La moindre des choses, maintenant que la loi est votée, est de les exposer et les rendre plus accessibles aux populations locales.

Une étape importante sera l'inventaire de ce que nous aurons à stocker et à prendre en compte dans le dossier de demande d'autorisation en 2014. L'effet loi se fait déjà sentir. Depuis le vote de la loi 2006, nous sommes en effet sollicités beaucoup plus fréquemment à la fois par l'Autorité de sûreté nucléaire, qui nous saisit très en amont sur des demandes d'avis concernant les conditionnements de colis, et par des producteurs, dont j'ai le plaisir de constater les démarches volontaires - comme le CEA -, qui viennent nous consulter sur leurs projets. Il est beaucoup plus facile en effet de gérer les problèmes en amont, avant que les colis ne soient présents.

T La réversibilité

L'ANDRA a bien compris que ce sujet, pour lequel un rendez-vous législatif a été fixé, est très important. Nous allons poursuivre nos travaux scientifiques et techniques sur les matériaux durables, les procédés de mise en place et de retrait des colis, ainsi que sur les modalités de gestion du stockage par étape. Je ne voudrais pas que le futur débat parlementaire se limite à une durée de réversibilité sur 100, 200, 250. Le thème de la réversibilité est beaucoup plus riche et il nous revient de travailler cette thématique au plan scientifique et technique, de proposer des modalités de gestion : qu'entend-on par réversibilité, pour quoi faire, qui déciderait de quoi - la fermeture de la première alvéole, du premier module, de la première galerie -, sur quelles bases ?

C'est la raison pour laquelle, dans cette perspective, j'ai demandé aux équipes de l'ANDRA de travailler sur un nouveau programme d'observation du stockage et de l'environnement en surface, pour avoir des données techniques, à la pointe de l'innovation technologique pour l'observation du stockage en grande profondeur. Le dossier 2005 s'appuyait sur les acquis, notamment du secteur pétrolier. Nous avons besoin de ces données pour prendre des décisions sur la réversibilité, et l'autorité de sûreté nucléaire ne pourra pas donner un avis favorable - le gouvernement décidera - sur un tel stockage si, en même temps qu'une démonstration de sûreté opérationnelle de long terme s'appuyant sur des expérimentations au fond et des calculs, l'ANDRA ne présente pas un programme d'observation et de surveillance innovant. La bonne nouvelle est que de nombreux laboratoires ont manifesté leur intérêt au plan national, le CEA, le CNRS bien sûr. Nous avons commencé à en parler à nos agences homologues qui sont très intéressées à y travailler également. Cela constituera probablement également un programme du 7ème PCRD.

Nous prendrons le temps de recueillir les attentes du public et des populations sur le thème de la réversibilité dans le cadre du programme d'information et de consultation. J'ai souhaité là aussi que l'on formalise ce programme, car nous nous fixons comme objectif dans les années qui viennent, à chaque fois, de dire ce que nous allons faire, de recueillir les remarques et avis, de les prendre en compte le mieux possible. C'est dans le cadre de ce programme que les sciences humaines et sociales peuvent nous apporter quelque chose, non pour faire de la recherche fondamentale, toutes les méthodes sont connues, mais pour les mettre en œuvre sur un tel projet. L'enjeu est d'inviter les populations et les parties prenantes locales au dialogue, et de leur donner envie de nous parler et de nous écouter. Dans le cadre de ces échanges seront traités les thèmes de la réversibilité, la complémentarité entreposage stockage, la surveillance, la mémoire à long terme, qui intéressent très fortement la population.

T L'entreposage

Aujourd'hui, l'entreposage n'a le rang que de programme au sein de l'ANDRA : pourquoi ? Contrairement au stockage géologique pour lequel l'ANDRA maîtrisait les recherches jusqu'en 2006, les recherches sur l'entreposage étaient menées par le CEA. Il était trop tôt pour l'ANDRA de vous faire des propositions concrètes d'un programme d'études. En revanche, je peux affirmer que le transfert de connaissances entre le CEA et l'ANDRA se passe parfaitement bien. Plusieurs réunions approfondies ont eu lieu, car il était important que l'ANDRA prenne non seulement connaissance des résultats du CEA, mais aussi des pistes explorées, des raisons pour lesquelles il les avait abandonnées, etc. Sur cette base, et celle de l'inventaire qui nous sera demandé dans le cadre du PNG-MDR sur les besoins en termes d'entreposage, nous pourrons, dès l'automne 2007, faire des propositions d'axe de R&D pour être en mesure, comme il est prévu au PNG-MDR, de proposer des voies d'approfondissement sur l'entreposage. Nous travaillons également avec AREVA sur les futures extensions de La Hague.

Les jalons de 2009, 2012, 2014 sont donc très importants et constituent un calendrier assez serré pour nous également.

T Le projet de stockage des déchets radifères et graphites

La loi nous fixe un objectif de mise en service en 2013. Vous trouverez dans le dossier quelques photos pour illustrer ce que sont les chemises graphites et les terres radifères. Dès que la loi a été votée, nous avons constitué une équipe-projet au sein de l'ANDRA, et préparé un plan de développement et un programme de travail. Le calendrier est là encore très serré. M. François-Michel GONNOT, Président de l'ANDRA, appelle mon attention sur le contexte électoral qui ne facilite pas la démarche de recherche de sites. Dans les mois qui viennent, nous allons donc travailler le plus possible sur l'élargissement des concepts possibles du projet de stockage. Il est clairement établi que nous sommes dans le sub-surface. Néanmoins, pour accueillir un tel site en sub-surface suivant le concept de référence établi au sein de l'ANDRA, nous devons trouver une surface suffisante de quelques centaines d'hectares avec une argile affleurante sur une épaisseur de 50 mètres. Les contraintes géologiques seront fortes. Pour permettre une ouverture plus large sur les sites d'accueil possibles, la priorité 2007 est de travailler sur l'élargissement des concepts, notamment à flanc de côte.

Nous menons également un travail important avec les producteurs pour finaliser l'inventaire national des déchets radioactifs.

La mission de service public de l'ANDRA

Cette mission est importante pour nous. Elle répond à un réel besoin pour certains particuliers qui sont propriétaires d'aiguilles au radium, ou qui, en changeant leur paratonnerre, découvrent que le prix de reprise est de 1 000 euros : l'ANDRA n'entend parfois plus parler des demandes de devis, ce qui est inquiétant pour la santé de ces personnes et l'environnement. Par ailleurs, la vingtaine de sites pollués radioactifs en France constitue un passif historique qu'il faudra se donner les moyens de régler.

La loi nous confie de nouvelles responsabilités, des moyens d'agir au travers d'une subvention publique. Nous nous organisons au sein de l'ANDRA pour y répondre.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Merci Mme la Directrice générale pour ce panorama très dense des activités de l'ANDRA dans les années à venir. Je vais donner la parole à M. Hubert FLOCARD, qui va nous parler des programmes du CNRS, liés à l'aval du cycle du combustible nucléaire

M. Hubert FLOCARD, Directeur du programme PACEN, CNRS

Le CNRS, pour conduire ses recherches dans le cadre de la loi de 28 juin 2006, s'est organisé au sein d'un programme réunissant plusieurs départements de recherche du CNRS et nommé PACEN. Un programme enveloppe de recherche pour le nucléaire est défini, de ce fait, avec, pour l'axe 2 une focalisation des actions menant vers la demande d'autorisation de création en 2015 et pour l'axe 1, au contraire, un élargissement avec l'introduction de la notion des réacteurs du futur.

Le CNRS, organisme de recherche fondamentale et appliquée couvrant l'ensemble des domaines, s'est mobilisé dans le cadre de ce programme transversal PACEN. Ainsi, 6 départements du CNRS sont déjà impliqués -sciences physiques, sciences de l'univers, physique des particules, physique nucléaire, sciences chimiques, les départements d'environnement et développement durable -, ainsi que le département SHS (sciences humaines et sociales).

La coordination est faite dans un programme interdépartements relevant du Directeur général et suivi par l'IN2P3. Pour conduire ses actions de recherche, le CNRS les a définies en association et en cohérence avec celles des grands acteurs français. Il a bâti des structures collaboratives, des groupements de recherche avec l'ANDRA, le CEA, EDF, AREVA, le BRGM, l'IRSN ou des actions contractuelles ciblées, comme avec l'ANDRA.

T Axe 1

Pour la partie transmutation, les 2 thèmes principaux sont les systèmes dits hybrides ou assistés par accélérateur ou sous-critique. Le travail d'évaluation, comme cela a été mentionné, se conduit dans le cadre du programme européen EUROTRANS. Par ailleurs, une activité sur la démonstration d'éléments clés est développée pour se diriger vers la possibilité d'un démonstrateur, dont l'un a été mentionné, la cible de puissance qui a fonctionné à Zürich.

Un travail est également conduit sur des accélérateurs de haute intensité, ainsi qu'un projet avec le SKN-CEN Mol en Belgique sur le pilotage de réacteurs sous-critiques. Pour les réacteurs de production du futur, outre les travaux dans le domaine de simulation, l'essentiel des activités va se porter sur des questions comme les matériaux à haute température, les combustibles céramiques pour la 4ème Génération et les cibles de transmutation, ou les aciers innovants qui pourraient être utilisés pour un réacteur sodium.

Une autre ligne de recherche plus prospective concerne les sels fondus avec l'analyse d'un système de 4ème Génération, celui des réacteurs à sels fondus, et en particulier l'évaluation de la filière thorium, ainsi que le prolongement vers l'idée d'utiliser ces sels fondus comme des caloporteurs dans des réacteurs d'autres types. Le CNRS utilisera pour ce travail des outils d'irradiation et de caractérisation disponibles dans divers laboratoires en France.

Pour la partie séparation, le travail se fera essentiellement sur la pyrochimie, avec le retraitement des sels fondus, le retraitement des combustibles métalliques, la modélisation. En hydrométallurgie, les activités seront probablement limitées à la modélisation. En outre, des actions transversales seront menées sur l'étude de phénomènes génériques, comme la spéciation ou la radiolyse.

Le CNRS va également pouvoir utiliser un outil nouveau pour lui : le laboratoire créé en relation avec le CEA et l'université de Montpellier, près de Marcoule qui permettra à la communauté académique d'accéder à ATALANTE pour conduire certains travaux.

T Axe 2

Le CNRS a participé à des recherches géologiques, en soutien à la caractérisation et à l'analyse de l'évolution d'un site de stockage. Divers thèmes seront étudiés et suivis : l'histoire géologique de l'Est du Bassin parisien, les problèmes de l'eau en milieu peu perméable, la question de l'aérologie des marnes, la migration des gaz dans les roches argileuses, l'effet thermique, ainsi que des travaux pour le monitoring des conditions de stockage de longue durée.

Une autre ligne de recherche de cet axe concerne la chimie à diverses échelles dans les argilites, depuis l'échelle interfoliaire jusqu'à des tailles de l'ordre du centimètre en suivant l'évolution des solutés et les problématiques de transport.

Nous menons également une action sur les méthodes et les outils de modélisation mathématiques pour prédire l'évolution sur de grandes périodes dans un tel site de stockage. Les thèmes qui seront suivis concernent les écoulements multi-phasiques, le transport réactif, les changements d'échelles et les questions d'incertitudes et de problèmes inverses.

Le CNRS participera également à des « benchmarks » qui seront des tests de programmes effectués en co pilotage avec l'ANDRA.

T Axe 3

Pour le travail concernant cet axe, celui du conditionnement et de l'entreposage, seront menés la fin du programme concernant les céramiques et les transuraniens, ainsi qu'un travail exploratoire sur des matrices pour produits de fission, comme le césium et l'iode.

J'ai surtout mentionné des actions au niveau national. Cependant, le CNRS, dans le cadre de ses précédentes recherches, a été impliqué au niveau européen en participant à de nombreux programmes du 6ème PCRD. Certains d'entre eux se terminent comme EUROTRANS. PACEN va organiser et suivre pour le CNRS l'action des laboratoires dans le 7ème PCRD qui se met en place et dont les premières propositions devraient être rendues en avril.

Par ailleurs, le CNRS, bien qu'essentiellement positionné sur de la recherche amont, telle qu'elle a été cadrée par les lois de 2005 et 2006, souhaite également venir en appui aux projets appliqués pilotés par ses partenaires.

Via PACEN, le CNRS a choisi de s'organiser en une structure qui assure, d'une part, la mobilisation de l'ensemble des compétences de l'organisme et des unités universitaires dont il partage la tutelle, et, d'autre part, la cohérence des activités des unités CNRS-universités, avec les programmes coordonnés par les acteurs du nucléaire.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Merci pour ces informations sur les travaux du CNRS. Les intervenants peuvent maintenant répondre à des questions pendant quelques minutes.

Questions réponses

Mme Monique SENÉ, GSIEN (Groupement de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire)

L'ensemble du programme qui nous a été présenté est très intéressant. Cependant, je vois mal comment il s'insère dans certaines missions qu'EDF avait prises en charge sur le développement d'énergies alternatives, et, au niveau du Parlement, dans le cadre du développement harmonieux d'un programme énergétique ouvert. Nous parlons certes du plan de gestion des matières et déchets radioactifs. Cependant, comme nous avons largement débordé de ce plan, j'aimerais savoir comment les forces vives vont se répartir sur cet ensemble. Je crains que le poids du nucléaire soit une fois de plus très mal vécu par toutes les autres énergies qui auront du mal à s'installer dans un développement durable.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Ce matin, nous nous sommes volontairement spécialisés dans les suites de la loi du 28 juin 2006.

M. Alain BUGAT, Administrateur général du CEA

Mme SENÉ aura assez vite une réponse. En effet, la commission Énergie, présidée par M. SYROTA, dans le cadre du Centre d'analyse stratégique (CAS), travaille sur ces sujets. Elle donnera les équilibres financiers, dont les parts consacrées à la fois sous l'aspect recherche et l'aspect incitation fiscale investissement, pour les différentes énergies. Vous constaterez que, malgré les efforts qui restent à faire, l'équilibre est moins en faveur du nucléaire que l'on pourrait l'imaginer.

Ensuite, il est vrai que nous ne sommes pas là aujourd'hui pour faire la présentation de nos efforts sur les nouvelles technologies d'énergie : ils sont cependant réels. Nous essayons de les faire en ne dispersant pas les moyens. Il est évident que si l'on veut faire décoller certaines énergies nouvelles, il faudra y mettre des moyens concentrés, comme pour le nucléaire.

M. Claude BIRRAUX, Député, Rapporteur de l'OPECST et de la Commission des affaires économiques

Nous pouvons vous renvoyer vers l'excellent rapport que nous avons rédigé, avec Christian BATAILLE, il y a un an, sur les nouvelles technologies de l'énergie et la séquestration du gaz carbonique !

M. Jean-Claude AUTRET, Vice-Président de l'ACRO (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest)

Nous avions suggéré des ajouts au texte du décret portant prescriptions du PNG-MDR, de l'article 7 à l'article 9, dans la version du 5 octobre 2006. Nous avions souhaité que soit insérée la phrase « conformément à la Convention d'Aarhus, il est organisé une consultation publique des études » dont vous venez de nous parler.

Nous souhaitions également qu'un axe d'étude soit ajouté au texte qui serait « l'ANDRA étudie l'option de l'entreposage à vocation pérenne des déchets et matières non valorisées à vie longue ». Cette option a émergé dans le cadre du débat public organisé par la CNDP, dont les conclusions n'ont pas été reprises dans la loi.

Ensuite, et cette question s'adresse à l'ANDRA, peut-on envisager de livrer le centre de stockage de la Manche tel quel aux générations futures ?

Enfin, et suite à l'intervention de M. LACOSTE, nous regrettons dans le texte un manque d'exhaustivité à l'article 10 du projet de décret. Les anciennes mines souterraines ne contiennent pas que des stériles et des résidus ; elles contiennent aussi de nombreux autres déchets qui sont issus du démantèlement des installations minières. Il serait utile que les générations, là encore, disposent a minima d'un inventaire de ce qui a été enfoui dans ces mines.

Mme Marie-Claude DUPUIS, Directrice générale, ANDRA

Le Centre de stockage de la Manche continue de faire l'objet d'études de la part de l'ANDRA. Le décret de 2003, qui avait permis de faire passer le centre en surveillance très active, nous demande très clairement de travailler sur sa couverture, avec un rapport à remettre à l'autorité de sûreté nucléaire d'ici 2009. La question est précisément de savoir si l'on peut laisser le centre en l'état ou adapter la couverture du centre, et les investigations continuent.

M. Jean-Claude AUTRET, Vice-Président de l'ACRO (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest)

Outre la couverture, quid du sous-sol ? On parle toujours de la couverture du centre de stockage de la Manche, mais jamais du sous-sol et des problèmes de contamination de la nappe en tritium à très haut niveau.

Mme Marie-Claude DUPUIS, Directrice générale, ANDRA

Le Centre Manche a déjà fait l'objet d'évaluations régulières par l'autorité de sûreté. Une commission a examiné les suites à donner à ce centre historique. Il est évident qu'aujourd'hui un tel centre de stockage ne serait pas fait. Cependant, il ne faut pas jeter la pierre à nos prédécesseurs : à l'époque, la France était un des premiers pays à décider l'arrêt de l'immersion des déchets en mer, et a stocké en surface, sans tout le savoir-faire dont nous disposons aujourd'hui.

Nous avons appris beaucoup du centre Manche. Nous en avons tiré un retour d'expérience pour les centres de l'Aube qui sont aujourd'hui une référence mondiale. Pour autant, nous ne nous désintéressons pas de ce centre, mais on ne peut le déconstruire pour en faire un neuf. De plus, les avantages et inconvénients de toucher à ce centre et de sortir les déchets ont été évalués. Il est apparu que les dommages en termes de radioprotection et d'impact sur l'environnement auraient été plus importants que de le laisser tel quel.

Il nous est demandé de travailler sur le confinement. Je n'oublie pas le problème du tritium. Je voudrais rappeler ici qu'il n'y a aucun problème d'impact sur l'environnement et la santé avec les quelques dizaines de becquerels que nous constatons ici. Ma préoccupation majeure est de comprendre pourquoi le tritium ne baisse pas aussi vite qu'il le devrait, alors qu'il est un radioélément à vie courte. J'ai demandé à mes équipes scientifiques qui travaillent sur le stockage géologique profond de se préoccuper du tritium du Centre Manche, et j'espère que nous avancerons sur ce sujet.

Mme Michèle LE PELLEC, CFTC

J'entends parler de recherches avec plaisir. Les volumes financiers ont été évoqués. A-t-on évalué le nombre d'emplois de recherche ou techniques qui pourraient être créés ?

M. Alain BUGAT, Administrateur général du CEA

Les configurations sont différentes selon les opérateurs. EDF évoquait le départ de 50 % de ces personnels, essentiellement d'exploitation du parc. Suivant la deuxième bosse de la pyramide d'âges, les gens vont partir dans le courant des cinq prochaines années. Pour le CEA, le phénomène a déjà eu lieu : notre régime de recrutement est beaucoup plus faible et régulier sur les années à venir. Les effectifs de recherche du CEA consacrés au nucléaire connaîtront une croissance. Pour autant, je ne sais pas comment les pouvoirs publics orienteront leurs choix : des effectifs globalement constants avec un redéploiement en faveur des déchets du système nucléaire du futur ou des effectifs supplémentaires. Je pense qu'il y a place pour un peu de croissance. Sur le reste de la filière, globalement, d'ici 2012 ou 2015, un appel de recherches significatif devrait avoir lieu : quelques centaines de personnes chez AREVA, EDF, et au CEA.

Mme Michèle LE PELLEC, CFTC

Il serait intéressant, pour le grand public, de faire l'équivalent en milliers de personnes par rapport au milliard d'euros mobilisé. Ce chiffre serait intéressant à produire.

M. Alain BUGAT, Administrateur général du CEA

Le milliard d'euros est à considérer à l'échelle des enjeux industriels à 40 ans. On pourrait utiliser l'argent à payer des salaires.

Mme Michèle LE PELLEC, CFTC

C'est néanmoins une source de développement non négligeable.

M. Jacky BONNEMAINS, Président de Robin des Bois

Ma première question s'adresse à Mme DUPUIS. Elle a évoqué des connexions avec AREVA au sujet du site de La Hague pour des extensions de l'entreposage des déchets de haute activité, semble-t-il, en relation avec la loi récente. Je voudrais mieux comprendre cette connexion. Cette perspective ne m'enchante guère, ni probablement les écologistes locaux.

Ma deuxième question concerne les déchets à radioactivité naturelle renforcée ou concentrée. Ce problème est inscrit à travers quelques lignes dans la loi de 2006, grâce aux efforts de l'ASN, et en partie grâce à ceux de Robin des Bois qui a fait un rapport sur ce sujet. J'aimerais savoir si la contrainte d'un inventaire et de commentaires sur la hiérarchisation de ces déchets et sur les éventuels aménagements sur leur gestion va être respectée, et comment. En effet, dans la région de Lille, une promenade serait sur le point d'être installée sur un terril de phosphogypses qui sont précisément des déchets présentant, en millions de tonnes, une radioactivité cumulée en radium en particulier, assez forte.

Mme Marie-Claude DUPUIS, Directrice générale, ANDRA

Nous avons plusieurs pistes de travail sur l'entreposage. Une piste concrète est la capacité d'entreposage des verres.

Quand bien même l'ANDRA respecterait son calendrier, ce qu'elle va s'attacher à faire, nous avons besoin de laisser refroidir les verres avant de les descendre au fond du stockage. Il ne faut pas dépasser 90°C en contact avec l'argile qui est la température que nous maîtrisons assez bien aujourd'hui. En tout état de cause, nous n'envisageons pas de stocker dès à présent les verres au fond. Nous devons donc trouver une solution d'entreposage. Les pistes sur lesquelles nous travaillons concernent à la fois l'optimisation entre les besoins d'entreposage d'AREVA sur son site à La Hague, ou - et ces études sont tout à fait complémentaires au projet de stockage - l'entreposage pour refroidissement sur le site de stockage. Cela fait partie des options sur lesquelles nous allons travailler. Rien ne doit être exclu, mais d'ores et déjà le projet de décret relatif au PNG-MDR, dans sa dernière version publique, dit que les nouvelles capacités d'entreposage doivent prendre en compte les nouvelles règles de l'art établies sur la base des travaux du CEA, ce qu'AREVA a déjà fait. Je ne déciderai pas des extensions sur le site de La Hague. En revanche, si ces extensions sont décidées par AREVA, nous avons prévu d'apporter notre expertise et de travailler ensemble pour en tirer des enseignements tout en poursuivant nos travaux sur les autres options en matière d'entreposage.

Il revient à l'Autorité de sûreté nucléaire de répondre sur la partie radioactivité naturelle.

M. André-Claude LACOSTE, Président de l'Autorité de sûreté nucléaire

Sur les déchets à radioactivité naturelle renforcée, je l'avais évoqué dans ma présentation initiale, je confirme que l'article 12 du projet de décret PNGDR indique que l'ASN s'en occupe. Nous aurons à faire d'ici le 30 juin 2009 un rapport au Ministre de la Santé et de l'Environnement sur les solutions à court et long terme de gestion des déchets à radioactivité naturelle renforcée. On demandera, à l'évidence, dans un premier temps, un inventaire.

Mme Monique SENÉ, GSIEN (Groupement de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire)

Au sujet de la réversibilité, vous parlez de la réversibilité riche : que voulez-vous dire ? Voulez-vous dire par rapport au questionnement sur la réversibilité totale d'un site où l'on peut intervenir à nouveau, même après sa fermeture ? Ou bien est-ce une réversibilité tunnel par tunnel ? Il y a un problème avec cela.

Mon deuxième point porte sur l'inventaire. Vous parlez toujours de l'inventaire. Il se trouve que j'ai fait des vérifications de l'inventaire : année 2002, etc. Je me suis rendu compte que, sur certains sites, des catégories de déchets disparaissent. J'aimerais mieux qu'on me dise pourquoi cela change, et si on en rajoute, ce que, à la rigueur je veux bien comprendre. Mais, quand ils partent, j'aimerais savoir où ils vont.

Mme Marie-Claude DUPUIS, Directrice générale, ANDRA

J'ai deux réponses sur la réversibilité. Je dis que ce thème est riche pour les échanges. Ce qui me frappe, lorsque j'en parle à mes homologues européens ou étrangers, c'est que les agences homologues ne mettent pas la même chose derrière la réversibilité.

Vous savez bien qu'au niveau mondial, plusieurs significations sont données au thème de la réversibilité, avec des interprétations différentes, et parfois avec des choix volontaires d'irréversibilité. Le concept de base des stockages était plutôt le stockage irréversible. La France a souhaité s'engager sur une autre voie et nous travaillons aujourd'hui sur un stockage réversible.

Cependant, il me semble important d'avoir une approche cohérente au niveau international, quels que soient les concepts retenus dans les différents pays. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à l'AEN de refaire un travail, avec toutes les agences au niveau international, pour examiner quels sont les concepts retenus, les lois et les textes des différents pays, et ce qu'on entend par ce thème-là. J'espère que nous aurons avancé d'ici notre prochain rendez-vous de 2012.

Pour ce qui est de l'inventaire, nous nous améliorons à chacune de ses éditions, et le nouvel axe de progrès pour l'édition de 2009 est de procéder par télé déclaration. Aujourd'hui, en effet, nous avons une base de données informatique en interne à l'ANDRA pour gérer les déclarations des producteurs de déchets. Néanmoins, beaucoup de choses se font par manipulation de tableaux Excel, qui alourdissent la gestion en terme de traçabilité. Je pense qu'avec le nouveau système de télé déclaration, nous pourrons un peu mieux définir les sorties et les entrées fines, comme la loi nous y engage, puisqu'elle insiste bien sur le fait que l'on parle de déchets et de matières radioactives. L'inventaire doit traiter cela. Il faut donc que nous arrivions à tracer les déchets qui deviennent matière et vice et versa.

M. Robert FERNBACH, CLIS de Bure

Lorsqu'on parle des bitumes, comment l'ANDRA, entre autres, compte-t-elle régler les problèmes liés au stockage ?

Mme Marie-Claude DUPUIS, Directrice générale, ANDRA

Les bitumes faisaient partie de l'inventaire de référence pour le dossier de faisabilité en 2005. Nous continuerons donc à travailler sur le stockage en couche géologique profonde. Il est vrai que ce ne sont pas des objets très simples ; les verres de La Hague sont presque plus faciles à stocker en profondeur que de tels déchets dits historiques. Nous allons continuer à travailler avec le CEA qui est un partenaire scientifique et un client. Nous allons donc travailler ensemble pour trouver une solution raisonnable à ce problème difficile. Ce n'est pas le seul problème difficile que nous avons à traiter en terme de déchets à stocker au fond. Il y en a quelques autres.

M. Robert FERNBACH, CLIS de Bure

Je sais que ce n'est pas le seul, mais il avait l'air particulier et je tenais à le préciser.

M. Alain BUGAT, Administrateur général du CEA

Nous avons une discussion scientifique sur les normes et sur l'utilisation.

M. Jean-Claude AUTRET, Vice-Président de l'ACRO (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest)

Notre impression, en Normandie, est que le retraitement reste toujours un sujet tabou qui ne peut pas être débattu, alors que la vitrification est bien considérée aujourd'hui comme un processus irréversible.

M. Denis HUGELMAN, Directeur du traitement, AREVA

Pardonnez-moi, je ne comprends peut-être pas parfaitement la question.

M. Jean-Claude AUTRET, Vice-Président de l'ACRO (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest)

Il est très difficile de remettre en cause l'hypothèse du retraitement, qui pourtant est reprise ailleurs dans le monde, si l'on travaille sur la comparaison internationale. Ce sujet-là reste toujours plus ou moins tabou. Pourtant, la vitrification, c'est-à-dire les blocs de verre qui sortent avec des HAVL de l'usine COGEMA de La Hague ou qui sortiront, est bien un procédé irréversible ou considéré comme tel ?

M. Denis HUGELMAN, Directeur du traitement, AREVA

En l'état, aujourd'hui, ils sont considérés comme déchets ultimes, comme irréversibles.

M. Jean-Claude AUTRET, Vice-Président de l'ACRO (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest)

Ils sont donc irréversibles. Cependant, des questions se posent sur les migrations des ions métalliques dans le verre auxquelles il est difficile de trouver des réponses.

M. Denis HUGELMAN, Directeur du traitement, AREVA

Non, absolument pas : je suis formel. Je considère que les acquis de la loi de 1991 montrent que les verres sont extrêmement résistants. On a pu le démontrer par des analogues naturels. Pour nous, ce sont vraiment les acquis de la période 1991-2006, et je ne veux pas laisser dire qu'il existe des doutes là-dessus : c'est faux !

M. Jean-Claude AUTRET, Vice-Président de l'ACRO (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest)

Pouvez-vous garantir sur des millions d'années qu'il ne se produira pas de fuites ?

M. Denis HUGELMAN, Directeur du traitement, AREVA

Tout d'abord, il ne s'agit plus de millions d'années. Ensuite, les périodes relatives aux futurs déchets ultimes tels qu'ils résulteront de la séparation et de la transmutation, seront significativement raccourcies puisque les actinides auront été enlevés. La partie restante aura une période radioactive beaucoup plus réduite. Sur les horizons prévus, nous avons démontré, je n'hésite pas à le dire puisque cela a été présenté ici par les scientifiques, que nous savons aujourd'hui, avec les analogues et la modélisation, travailler sur des durées de 100 à 300 000 ans.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Merci, nous allons, si vous le voulez bien, aborder la dernière table ronde de notre matinée sur les développements économiques liés à la gestion des déchets radioactifs.

III - LES DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES LIÉS À LA GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Je vais à nouveau mobiliser M. Dominique MAILLARD, Directeur Général DGEMP sur l'application de la loi du 28 juin pour le développement économique.

M. Claude BIRRAUX, Député, Rapporteur de l'OPECST et de la Commission des affaires économiques

Je crois qu'il faut demander à l'ensemble des intervenants de passer sur la philosophie pour nous préciser quelles sont les actions qu'ils conduisent.

M. Dominique MAILLARD, Directeur général, DGEMP, Ministère de l'industrie

Je vais m'en tenir à l'essentiel. Pour suivre la présentation de la traduction réglementaire et de la mise en œuvre pratique des dispositions de la loi concernant l'accompagnement économique, c'est-à-dire les structures qui existaient déjà, mais remodelées, je mentionnerai tout d'abord les GIP (Groupements d'Intérêt Public) et le CLIS (Comité Local d'Information et de Suivi), et dans un deuxième temps, les mesures financières pour assurer le soutien correspondant à des actions concrètes.

Sur le premier volet, je serais d'autant plus bref que les dispositions réglementaires ont été prises. Un décret du 14 décembre 2006 a fixé le nouveau cadre de constitution des GIP, et le récent décret du 5 février 2007 a défini la zone de proximité telle qu'elle a été prévue par la loi du 28 juin 2006.

Nous sommes maintenant dans une phase de délibération des membres futurs du GIP, puisqu'il est prévu une convention qui doit être signée par l'ensemble des membres, et un arrêté ministériel pour entériner tout cela. On peut penser que ceci devrait se faire au cours du deuxième trimestre de cette année, compte tenu des procédures nécessaires.

Pour le CLIS, le décret d'application de l'article 18 de la loi est transmis au Conseil d'État. Je pense que nous aurons son avis dans les prochains jours et que, là aussi, ce décret sera pris avant la fin du mois de mars.

Je rappelle que les dispositions de la loi prévoient que le CLIS sera présidé par l'un de ses membres, élu national ou local, nommé par décision conjointe des Présidents des Conseils Généraux de la Meuse et de la Haute-Marne.

Sur le financement économique, c'est également un apport de la loi d'avoir prévu, dans un souci de clarté, qu'il sera assuré par des taxes additionnelles. Les coefficients de ces deux taxes ont été fixés pour 2007 par la loi de finances rectificative, alors que la loi avait initialement prévu que cela soit fait à partir de l'avis des GIP. Comme les GIP ne pouvaient pas être constitués dans le délai matériel prévu par la fin de la loi, et que l'on souhaitait que des dispositions existent avant la fin de l'année pour pouvoir travailler en 2007, la loi de finances a prévu respectivement 22 millions d'euros pour la taxe d'accompagnement économique, et 18 millions d'euros pour la taxe de diffusion technologique, le produit de ces taxes étant à répartir de manière égale entre le GIP de la Meuse et le GIP de la Haute-Marne.

Il est bien évident que pour les années futures, lorsque les GIP seront constitués, nous rentrerons dans le modèle qui avait été prévu par la loi, c'est-à-dire avec un avis rendu par les GIP.

J'ajouterai un détail sur ces questions de répartition de taxe. Elle est donc répartie à égalité entre les deux GIP. Un dispositif est prévu par la loi pour les communes de la zone des 10 km. Cette zone n'ayant pas la même population dans les deux départements, il a paru néanmoins plus équitable que le taux par habitant soit du même ordre, environ 500 euros par habitant et par an dans ces deux zones. Dans la répartition, le GIP de Haute-Marne disposera d'un peu plus de moyens que le GIP de la Meuse, mais, comme il s'agit de l'affectation d'une partie des ressources, le principe de l'équilibre entre les dotations globales des deux GIP restera égal. Le décret correspondant le fixera.

Au-delà des moyens financiers, il existe des projets concrets. Le Ministre François LOOS a réuni les élus locaux, MM. les Présidents et les responsables industriels, à plusieurs reprises, pour examiner les différents projets. D'autres exposés après le mien entreront dans les détails et je ne déflorerai pas le sujet.

Je mentionnerais cependant, et cela sera peut-être de nature à rassurer Mme SENÉ, que l'essentiel de ces projets en matière énergétique concerne des projets relatifs aux énergies renouvelables. Ce sont aussi des ressources importantes pour les régions concernées, que ce soient des projets biomasse avec des variantes biocarburants et biodiesels, ou des projets concernant l'utilisation en cogénération, ou la recherche sur ce qu'il est convenu d'appeler la deuxième génération de biocarburants, c'est-à-dire la conversion directe de la biomasse en carburant.

Il y a également des projets relatifs à la maîtrise de l'énergie, et enfin, bien sûr, la dimension économique industrielle n'est pas oubliée, des actions spécifiques avec des partenaires industriels locaux. S'y ajoutent les actions qui seront développées à l'initiative des élus, dans un cadre de développement économique, et en particulier un Technoparc à Saint-Dizier.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Merci, M. le Directeur Général. Nous allons demander à M. Alain BUGAT, administrateur Général du CEA, quelle sera l'action du CEA pour le développement économique des zones les plus concernées par la gestion des déchets radioactifs.

M. Alain BUGAT, Administrateur général du CEA

Je récapitulerai les 4 axes du programme des industriels sur l'accompagnement économique, et mes collègues détailleront leurs axes.

- Le premier axe est la valorisation énergétique de la biomasse, donc essentiellement les biocarburants de première et deuxième génération, la cogénération et les bioproduits. ;

- Le deuxième est la maîtrise de la demande en énergie ;

- Le troisième est la valorisation du potentiel local industriel et de services, en particulier dans le domaine de la métallurgie (les questions d'achats) ;

- Le quatrième axe est le biodéveloppement endogène et l'implantation d'activités exogènes.

Pour ce qui concerne le CEA, nous sommes comme les deux autres acteurs, impliqués dans la politique d'achats, en faisant un effort tout particulier pour associer les entreprises de la métallurgie de ces régions à nos achats. Ceci est en cours, mais, revêt, pour le Commissariat, une dimension un peu moins importante que du côté des grands industriels.

Le cœur du sujet est donc la valorisation : les biocarburants à partir du bois et du bois résidu, la lignocellulose essentiellement, pour fabriquer des biocarburants. C'est la deuxième génération, comparaison faite avec ce qui existe aujourd'hui en terme de biocarburants, mais ce sera la première génération de carburant, à partir de la lignocellulose, suivie par d'autres. Ce sera d'ailleurs la première fois que nous aurons des contrats relatifs aux biocarburants.

Le principe est tout simple : il s'agit de gazéifier le bois directement avec un procédé, et je vais y revenir rapidement, puis de recombiner ensuite les gaz obtenus pour faire le carburant ad hoc.

Pour l'étape de gazéification sur laquelle - pour aller vite -, nous allons nous appuyer sur une technologie allemande existante, et ensuite la recombinaison pour laquelle - pour aller vite encore -, nous nous appuierons sur une autre technologie existante, française celle-ci, comme son nom ne l'indique pas : Fischer-Tropsch.

Le projet du CEA est une unité semi-industrielle de gazéification du bois dont la capacité nécessiterait de l'ordre de 75 000 tonnes de bois par an, pour produire environ 15 000 tonnes de carburant par an.

Récolter 75 000 tonnes de bois par an nécessite une organisation importante, un circuit avec les producteurs, et, au fur et à mesure de la récolte il faudra replanter, etc. C'est donc une chaîne complète biomasse, pour prendre les termes anglais Biomass to Liquid, qui s'appuie sur le procédé Choren de l'ex-Allemagne de l'Est, dont nous avons la licence. La seule installation au monde est en cours d'installation là-bas ; celle de Bure sera la deuxième, et, Axens, filiale de l'IFP, fournira le process de recombinaison, une synthèse de carburant.

Le potentiel d'emplois est de l'ordre de 90 à 100 en régime établi pour la collecte du bois, la logistique et l'exploitation de la centrale, sans compter donc la construction de l'installation qui va mobiliser, comme tout investissement beaucoup de monde. Le coût estimatif est de 80 à 100 millions d'euros que le CEA financera à partir de sa filiale AREVA, c'est-à-dire en prélevant sur les dividendes d'AREVA, ou en vendant des actions AREVA quand on pourra le faire. Le budget de l'État n'y participera donc pas.

En 2007, nous mettrons en place les consortiums d'investissement et d'exploitation, la mise en service visée étant fin 2010. En 2007, nous mettrons en place l'organisation du système des ressources en bois et des conditions d'approvisionnement, le dossier d'intégration du procédé, l'étude d'avant-projet simplifiée avec le choix du site qui sera dans la zone d'interdépartementalité, la consolidation des aspects réglementaires et la préparation du contrat d'étude de définition avec le consortium d'ingénierie.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Nous allons nous tourner maintenant vers EDF. M. DUPRAZ, pouvez-vous nous dire quelles dispositions envisage EDF pour le financement à long terme d'opérations concernant les zones les plus touchées par les problèmes relatifs à gestion des déchets nucléaires ?

M. Bernard DUPRAZ, Directeur général adjoint production ingénierie, EDF

Je vais reprendre chacun des 4 axes qu'évoquait en matière d'accompagnement économique Alain BUGAT, en commençant par la valorisation de la biomasse.

Nous travaillons, quant à nous, sur un projet de cogénération par gazéification du bois. Concrètement, il s'agit d'extrapoler un procédé qui existe et fonctionne aujourd'hui en Autriche à une puissance de 2 MWe, pour le porter à 5 MWe. Cela représente une consommation de bois de l'ordre de 35 000 tonnes par an.

Le potentiel d'emplois est d'une trentaine, sur l'ensemble de la chaîne : collecte du bois, logistique, exploitation de la centrale. Les études d'avant-projet ont commencé en octobre de l'année dernière. Nous étudions en ce moment trois implantations possibles : les villes de Bar-le-Duc, Saint-Dizier et Chaumont. Nous répondrons à l'appel d'offres dit biomasse nº 2, lancé par le gouvernement à mi 2007, échéance aujourd'hui fixée par le gouvernement, avec un objectif de mise en service de cette installation à l'horizon 2009-2010.

Nous travaillons sur un second segment qui est l'efficacité énergétique, la maîtrise de la demande, à la fois sur la dynamisation de la demande, et également de l'offre. C'est un effort sur une période de 5 ans, d'environ 20 millions d'euros, c'est l'effet levier pour impulser environ 100 millions d'euros de travaux.

Au niveau de la demande, nous travaillons sur trois segments :

- les logements individuels, dès la fin de l'année dernière. Notre objectif est la rénovation d'environ 20 000 logements en 5 ans sur les 2 départements ;

- le logement social, lancé en ce moment même, février 2007. Notre objectif est de 7 000 logements sur 5 ans sur les deux départements ;

- enfin, les patrimoines des collectivités avec 700 bâtiments rénovés en 5 ans sur les deux départements, avec d'ores et déjà 35 bâtiments à l'étude. Nous travaillons en particulier avec les deux Conseils généraux et plusieurs mairies dont celle de Commercy par exemple ou celle de Saint-Dizier.

Pour ce qui concerne l'offre, nous travaillons sur la formation des entrepreneurs dans ces métiers, et en particulier l'isolation et les pompes à chaleur, et d'une manière générale l'efficacité énergétique.

Je voudrais signaler enfin un troisième point qui est notre implication dans le pôle d'excellence rurale autour de la gare TGV du département de la Meuse, à la fois sur les hautes performances énergétiques de ces bâtiments et sur le programme de formation associé.

Le troisième volet est l'appui au tissu industriel de la Meuse et de la Haute-Marne, en particulier dans le domaine de la métallurgie. Nous travaillons, comme nos collègues, sur les achats, afin de pérenniser des actions lancées de manière volontariste en 2006. Ces achats continuent à se faire -  comme depuis 2006 - par passation d'appels d'offres classiques, en appuyant en revanche les entreprises de la région pour qu'elles puissent monter, lorsque c'est nécessaire, en compétence pour répondre à des appels d'offres particulièrement spécifiques. Ainsi, les montants des commandes passées par EDF en direct ou par des fournisseurs ont représenté en 2006 environ 1,5 million d'euros.

Sur le même champ de la métallurgie, nous travaillons avec les deux Chambres de Commerce et d'Industrie sur la formation des entreprises, afin d'avoir un interlocuteur dédié à ces activités.

Enfin, le quatrième et dernier segment est constitué par l'appui au développement économique exogène sous forme de prêts participatifs à hauteur de six cent mille euros en 2006, en partenariat avec le GIP Haute-Marne en particulier. S'y ajoute un projet qui peut sembler modeste de localisation des archives industrielles d'EDF sur une implantation en cours de définition, très probablement - voire certainement - sur la zone interdépartementale située à côté du site du laboratoire. Le dépôt du permis de construire est prévu courant 2007. Cela représente une quinzaine d'emplois.

Voilà très succinctement ces 4 axes. Je voudrais enfin souligner l'importance que nous attachons - et je pense parler au nom de mes trois collègues - à la labellisation visible de ces projets : la question est peut-être d'ailleurs la même s'agissant des actions des GIP, afin que ces investissements de toutes natures soient clairement identifiés comme associés à ces actions liées aujourd'hui aux laboratoires, et demain, le cas échéant, aux centres de stockage.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Je me tourne maintenant vers AREVA avec la même question : que va faire AREVA pour le développement économique des zones concernées ?

M. Denis HUGELMAN, Directeur du traitement, AREVA

L'équipe d'AREVA qui gère ces projets est une équipe de cinq personnes à plein-temps. La sélection des projets est faite suivant les 4 axes qui ont été cités par Bernard DUPRAZ et Alain BUGAT sur le principe de projets locaux, correspondant aux besoins locaux, s'inscrivant dans une dynamique de développement local, en particulier en matière de création d'emplois.

En matière de réalisations aujourd'hui effectives, le transfert des archives d'AREVA est démarré, et le site est en construction. Il se situe sur Houdelaincourt, et correspondra à la création d'une dizaine d'emplois. Ce bâtiment sera opérationnel au mois d'août, et, en tout état de cause, avant la fin de l'année, avec le transfert de ces archives industrielles.

Le soutien aux entreprises locales est assuré par notre filiale AREVA DELFI, spécialisée dans le développement et la création d'entreprises. Elle a une histoire très longue en Basse-Normandie, en Bourgogne et dans la vallée du Rhône en particulier, où elle intervient régulièrement sur le territoire historique de nos activités. AREVA DELFI a donc apporté son soutien à plusieurs entreprises locales, ce qui représente la création de 250 emplois, et le maintien de 47 emplois, sur la période de trois ans incluant l'année 2006.

Ensuite, comme le CEA et EDF l'ont mentionné, nous intervenons au travers de notre direction des achats pour organiser des flux d'achats auprès des entreprises locales, en particulier dans le secteur de la métallurgie : pour l'année 2006, le montant s'élève à 2,5 millions d'euros, notre objectif pour 2007 étant le doublement de ces commandes.

Comme EDF l'a mentionné, il ne s'agit pas uniquement d'opérations d'achats, mais aussi d'une action de formation et d'accompagnement des entreprises, par exemple la certification ISO. Un travail est également engagé avec les DRIRE et les Chambres de Commerce et d'Industrie pour permettre aux entreprises locales de mieux cerner les besoins d'AREVA. Une visite sur notre site de La Hague est d'ailleurs organisée pour elles dans ce but, afin d'envisager les développements ultérieurs de ces actions d'achats.

Il s'agissait là des réalisations visibles d'aujourd'hui. Pour les résultats du futur proche ou un peu plus lointain, nous allons bien évidemment poursuivre les actions d'AREVA DELFI et de la direction des achats du groupe AREVA, et nous nous impliquons par ailleurs dans des projets ciblés.

Un projet extrêmement important est celui relatif à la biomasse suivant l'axe cité précédemment. Nous nous sommes impliqués depuis le début dans le projet INEOS SICLAE, du nom de l'industriel et de la coopérative agricole qui ont monté ce projet de production de biodiesel à partir de colza, à Baleycourt, près de Verdun, dans la Meuse, avec un potentiel de 80 emplois. L'action d'AREVA jusqu'à présent a été dédiée à l'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour l'ingénierie de la plateforme. Nous avons participé à l'obtention des quotas de production de biocarburants, et participons au montage financier initial, dont j'ai le plaisir de vous indiquer qu'il a été finalisé en fin de semaine dernière, en collaboration avec la Caisse des Dépôts et Consignations. Nous porterons donc ce projet sur les fonts baptismaux avec les industriels, la coopérative SICLAE et la Caisse des Dépôts.

Par ailleurs, le groupe AREVA anime des études pour une meilleure valorisation des ressources forestières des territoires, en liaison avec les habitants concernés. S'y ajoute le projet Technoparc de Saint-Dizier déjà mentionné, toujours en collaboration avec la Caisse des Dépôts et Consignations. Il est en cours de montage avec des acteurs locaux, et représente un investissement total d'environ 6 millions d'euros. La première tranche prévoit l'installation de cinq entreprises dont on peut dire que quatre sont déjà pratiquement acquises. Cette tranche devrait créer environ une centaine d'emplois directs.

Voilà le bilan et la vision sur le futur du groupe AREVA en matière d'accompagnement, en relation très étroite, vous l'avez vu, avec le CEA et EDF puisque nous travaillons tous sur les quatre axes qui ont été mentionnés.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Merci beaucoup pour les indications de ces grands organismes de recherche et des industriels. Cela répond à un vœu très fort des élus locaux, et porté aussi avec force par le législateur, malgré les difficultés d'inscrire ces actions dans la loi.

M. Christian LAMY, Président du Conseil général de la Meuse

Je voudrais tempérer un peu les propos des uns et des autres, et vous prie de m'excuser de le faire de façon si directe. Je ne doute pas de la bonne volonté des trois opérateurs, avec plus ou moins de succès ! Je rappelle le vote fait par les deux départements quant à l'acceptation du laboratoire de recherche. Je fais référence ici aux entretiens que nous avons eus avec M. BATAILLE, à l'occasion de la présentation de ce projet devant nos assemblées, en novembre 1993. Nous voici aujourd'hui pratiquement 13 ans après la décision prise unanimement par les deux Conseils généraux - je dis bien unanimement - toutes tendances politiques confondues.

À cette époque, M. BATAILLE nous avait fait valoir des développements économiques. Il n'y a rien eu. Il faut être très clair : il n'y a absolument rien eu sur les sites de Bure et des environs pendant cette période, jusqu'au moment où, avec mon homologue Bruno SIDO, nous avons contacté M. Patrick DEVEDJIAN Ministre de l'Industrie, M. François LOOS ensuite, une pression très forte ayant été exercée sur les trois opérateurs.

Aujourd'hui je ne doute pas de la bonne volonté des trois opérateurs. Je le dis très clairement : des projets avancent, mais ils n'avancent pas assez vite ! Quand j'entends le représentant d'AREVA parler d'AREVA DELFI et de la création de 250 emplois, je dis tout de suite que ce sont les industriels qui créent les emplois. Nous sommes là pour les accompagner dans leurs projets. Quand j'entends le représentant d'AREVA revendiquer la paternité du dossier INEOS, je peux affirmer qu'il y a 8 à 10 jours, le même représentant d'AREVA nous a dit à l'industriel et à moi-même qu'il se retirait du financement du projet. Il a fallu se battre, une fois de plus, avec le Ministre de l'Industrie et Anne LAUVERGEON pour obtenir qu'AREVA se repositionne sur ce dossier provisoirement avec un relais qui sera pris par la CDC dans un délai de deux ans.

Donc, tout n'est pas aussi beau qu'on veut bien nous le faire croire aujourd'hui. Cependant, des choses avancent. J'ai noté chez les opérateurs, avant le vote de la loi, une mobilisation forte. La loi étant votée, je crains que la tension ne retombe, et je serai donc très vigilant, tout comme Bruno SIDO, comme M. Antoine ALLEMEERSCH le confirmera.

Ensuite, les deux départements Meuse et Haute-Marne ont pris des décisions communes. Nous sommes en train de créer au travers d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) une zone industrielle interdépartementale sur laquelle nous avons, avec Bruno SIDO, décidé de mobiliser, chaque fois que cela serait possible, des fonds d'accompagnement de la taxe technologique pour aider les dossiers importants pouvant être réalisés sur le site même. Nous avons une politique commune. Nous avons sur les deux départements un combat identique, je dis bien identique, sur la réalisation des promesses des trois opérateurs, et nous les suivrons de très près.

M. Antoine ALLEMEERSCH, Maire de Cirfontaines-en-Ornoy, Conseiller général de la Haute-Marne

En préambule à mon intervention, je rejoindrai les intervenants qui ont apprécié le travail de l'Office parlementaire, et principalement celui des rapporteurs, MM. BIRRAUX et BATAILLE.

Je pense que votre visite en décembre 2004, dans nos deux départements, a constitué le déclic de la mise en place de cette loi.

Je ne reviendrai pas sur les propos du Président du Conseil Général de la Meuse : j'y souscris. Il faut savoir, certaines personnes l'ignorent, que, depuis 1994, date de la mise en place des travaux de ce laboratoire, jusqu'en 2005, nous avons été livrés à nous-mêmes !

Je fais partie des élus locaux, en tant que maire de Cirfontaines-en-Ornoy, où, en 1994, le premier carottage a été effectué pour ce laboratoire en Haute-Marne, et Conseiller général de Poissons, attenant au canton de Montiers-sur-Saulx. Pendant dix ans, nous avons subi une pression que vous ne pouvez imaginer. Tout y est passé, jusqu'à l'argent sale, et les élus traînés dans la boue.

Ce que je dis aujourd'hui, je le dis au nom de tous les élus de mon canton et de ceux du canton de Montiers-sur-Saulx, et le Président LAMY ne me contredira pas, en prenant mes responsabilités. Le jour où les élus de ces deux cantons ont pris la décision, par le biais des délibérations du conseil municipal, d'accepter ce laboratoire, il n'était à l'époque nullement question d'argent. Les délibérations des conseils municipaux de toutes les communes concernées acceptaient la mise en place de ce laboratoire à Bure pour simplement donner à nos scientifiques et à nos chercheurs la possibilité de gérer ce problème des déchets radioactifs.

Nous, les élus de l'époque, nous avons estimé avoir la responsabilité de penser aux générations futures, de penser à nos enfants et à nos petits-enfants. Quand je vois aujourd'hui toutes celles et tous ceux qui se sont mis à genoux devant le Pacte écologique, ce grand tableau que Nicolas HULOT avait mis en place et qui a connu un succès considérable, alors je pense qu'en bas de ce Pacte écologique devait aussi figurer le nom des deux départements de la Haute-Marne et de la Meuse. Ceux qui auraient pu avoir la fierté de le signer sont bien les Présidents des deux Conseils généraux, car beaucoup se contentent de parler d'écologie, ignorant le futur, alors que la planète est en danger aujourd'hui.

En 1994, lorsque j'ai expliqué les raisons de nos engagements, nous avons été l'objet de la risée générale, puisque, paraît-il, nous ne pensions qu'à l'argent ! Dix, douze, treize ans après, on prend conscience que la planète est en danger, et finalement, on entend dire ici et là, en Angleterre, en Allemagne, en Amérique, comme vous le mentionniez dans vos interventions, que tout le monde revient au nucléaire parce que la planète est en danger.

Aujourd'hui, Bure-Saudron est un projet de laboratoire finalisé pour nous, les élus. Aujourd'hui, pour le devenir de cette planète, il est sûr qu'on ne pourra pas arrêter le nucléaire et qu'il faudra en stocker les déchets. Nous avons aujourd'hui une responsabilité double : celle de mettre en place ce stockage qui paraît évident pour le futur de cette planète, et de créer les conditions de transparence sine qua non.

Il faut que vous, MM. les scientifiques et chercheurs, fassiez comprendre aux populations de nos deux départements que rien ne se fera sans eux, car la réussite du stockage en dépend. Pour ce faire, il faut que vous veniez chez nous. Créer de la richesse au travers des emplois dans les énergies renouvelables et des projets que, les uns et les autres, vous allez mettre en place, est d'une importance capitale.

Je ne reviendrai pas sur les propos du Président du Conseil général de la Meuse. Ce que vous allez faire chez nous est capital pour nos populations, pour la jeunesse que nous voulons garder, pour les écoles que nous construisons, car nous avons besoin de vivre aussi comme les autres.

Nous avons besoin de vous ! Nous vous attendons, je l'ai dit de nombreuses fois ! Nous attendons toujours l'ANDRA, que nous accueillerons à bras ouverts ! Il faudra que vous veniez. Contrairement à ce que certains peuvent penser, il n'est pas normal que le CEA, AREVA et EDF viennent créer de la richesse chez nous, pendant que l'ANDRA s'intéresse uniquement aux problèmes des travaux et reste à Paris.

Il y a plusieurs façons de faire de la politique. Pour moi, la politique, en tant que Vice-Président du Conseil Général, c'est celle du terrain. Les élus, maires et conseillers généraux que nous sommes, travaillent à la base. Nous sommes à l'écoute de notre population, et contrairement à ce qu'il est dit, elle n'est pas opposée à ce laboratoire ou éventuellement, plus tard, au stockage car il y va du devenir des générations futures. Hier, tout près de chez moi, une tempête s'est produite. En voyant un village dévasté et les toitures arrachées, on comprend que les populations se posent des questions. Nous avons besoin que les scientifiques et les chercheurs garantissent une certaine sécurité aux populations. Aujourd'hui, le bien vivre pour beaucoup d'entre nous est l'emploi, la sécurité et le cadre de vie. Ce sont des sujets très importants que nous, les élus, devons en permanence avoir en ligne de mire.

Pour terminer mon intervention, je veux indiquer qu'hier, avec Christian LAMY, nous avons décidé, dans une volonté commune, de créer une zone interdépartementale unique, afin que, vous, les grands groupes qui venez investir chez nous, ne subissiez plus la pression de savoir si tel ou tel projet doit être implanté en Meuse ou en Haute-Marne. Vous viendrez dans une zone interdépartementale où vous serez libres, sans aucune pression, d'installer vos projets pour créer cette richesse qui nous est indispensable. Je remercie le Président du Conseil Général de la Meuse et tous les élus meusiens. J'ai dit hier aux deux Présidents que les maires des deux cantons concernés travaillaient depuis des années, la main dans la main, sur ce projet. Il était temps que les deux Présidents et les deux collectivités territoriales en fassent de même. C'est chose faite.

Je tenais à vous remercier, les uns et les autres, pour ce qui a été dit ce matin. Cela engage l'avenir, non seulement de la Haute-Marne et de la Meuse, mais aussi de la France, de l'Europe et de beaucoup de pays qui seront demain concernés par cette énergie indispensable qu'est le nucléaire. Dans le domaine des énergies renouvelables qui vont se mettre en place et dont la recherche viendra chez nous, j'espère que dans les villes concernées, Saint-Dizier, Bar-le-Duc ou ailleurs, vous créerez des unités d'ingénieurs qui travailleront sur ces projets d'avenir. Nous avons en effet besoin de garder notre matière grise, car c'est elle qui fera vivre la Haute-Marne et la Meuse.

M. Henri REVOL, Sénateur, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Croyez bien que tous les travaux, à l'Office parlementaire avec nos deux rapporteurs, ou dans nos commissions à l'Assemblée Nationale comme au Sénat, ont été axés en permanence sur les préoccupations que vous exprimez ce matin. Croyez bien que nous n'avons pas perdu de vue au Parlement les caractères locaux des problèmes que vous soulevez. Peut-être y a-t-il eu une période difficile, mais le vote de la loi, l'année dernière, a permis, à mon sens, de « recadrer les choses ». Je crois personnellement que nous sommes sur de bons rails, et vous remercie, au nom de tous, pour tout ce que vous faites sur le terrain. Sachez bien que nous en avons la préoccupation constante.

Je voudrais remercier tous les intervenants, qui, depuis ce matin, nous ont apporté une grande richesse d'information et tous les participants dont les questions ont permis d'améliorer notre information.

M. Christian BATAILLE, Député, Rapporteur de l'OPECST

Merci à tous les orateurs qui nous ont livré des informations précieuses sur les dispositions en cours prises par les acteurs de la loi du 28 juin 2006, et précédemment de la loi de 1991. Merci à vous, tous les participants dont les questions ont permis de préciser différents points souvent très importants. Le Parlement joue ainsi son rôle de médiation sur un dossier technique, fermé, et nous comptons aussi sur vous pour répercuter ce qui s'est dit ici, et permet une information objective du public.

Pour mon compte, alors que le peuple français va renouveler sa représentation parlementaire, tout a commencé sur ce dossier en 1989. Cela fait 17 ans ! C'est beaucoup si l'on compte en mandat législatif ; c'est peu de chose par rapport à la durée de vie des déchets nucléaires.

J'ai le sentiment que ce dossier m'est attaché, dans mon action parlementaire, comme le sparadrap du capitaine Haddock. Si j'ai d'autres centres d'intérêt - les questions de la laïcité, celles qui touchent à d'autres domaines de la vie économique, voire même les questions de la vie culturelle -, les observateurs ne retiennent néanmoins de mon travail au Parlement, que celui sur les déchets nucléaires, qui je le crois a été utile, et je ne le regrette pas du tout. Je pense qu'un parlementaire, et c'est la conception que nous en avons à l'Office parlementaire, sert à autre chose qu'aux relations hebdomadaires avec les groupes sociaux de sa circonscription. Si le Parlement fonctionnait uniquement comme cela, l'image négative qui en est renvoyée n'en serait qu'amplifiée. Au-delà de la question des déchets, nous travaillons donc aussi, en quelque sorte, pour l'honneur du Parlement, et la conviction qu'ont les citoyens qu'une assemblée parlementaire est utile dans une démocratie.

Nous avons désormais toutes les informations pour établir notre diagnostic sur la rapidité et la qualité des travaux qui sont menés dans ce sens. Permettez-moi de faire trois observations de fond.

Tout d'abord, je veux souligner l'importance de l'équilibre que la loi de 1991, puis celle de 2006 ont instauré entre les exigences du temps présent et celles de l'avenir. L'exigence du temps présent en matière de gestion des déchets radioactifs est de mettre en pratique les solutions disponibles aujourd'hui, les plus sûres, tant pour l'entreposage que pour le stockage, afin de ne pas reporter sur les générations futures ce qu'il nous appartient d'assumer. Déjà, ma génération, qui avance dans l'âge, a subi l'absence de décisions des deux générations qui ont précédé. Nous ne pouvons pas répéter cela à l'infini.

De plus, l'exigence de l'avenir, quand on regarde ce dossier, a quelque chose de vertigineux. J'ai coutume de dire qu'il est difficile d'avoir un regard politique sur ce dossier parce qu'en matière nucléaire, l'unité de temps est plutôt de 50 ans, alors qu'un mandat présidentiel est de 5 ans, tout comme la durée d'une législature. Bien naturellement, ceux qui envisagent un programme politique ont beaucoup de difficultés à porter leur regard au-delà de 5 ou 10 ans. Il faut poursuivre la recherche dans une perspective très longue pour améliorer des techniques disponibles.

La deuxième observation que je voudrais faire concerne le futur de l'énergie nucléaire. L'approche à long terme sur le développement des réacteurs de 4ème Génération qui permettront de produire de l'électricité, tout en brûlant les déchets de haute activité à vie longue, est particulièrement pertinente.

Cependant, ces réacteurs ne nous permettront pas de renouveler notre parc électronucléaire à partir de 2020, puisqu'ils n'entreront en service qu'à partir de 2040. Je ne veux pas revenir sur ce qui a été excellemment dit déjà, mais nous avons aussi besoin, non pas des réacteurs du futur, mais des réacteurs du présent, de la 3ème Génération.

Comme je l'ai dit récemment dans d'autres enceintes, ce serait non seulement un gâchis économique de fermer des réacteurs avant 2020, mais ce serait prendre un risque tout aussi dramatique que de ne pas préparer leur renouvellement à cette date, en testant le réacteur EPR de 3ème Génération, comme cela est prévu.

M. Claude BIRRAUX a souligné que les régions concernées participent au service public de la gestion des déchets : l'expression me paraît bien choisie, - et je le dis à M. LAMY et à M. ALLEMEERSCH -, la Haute-Marne et la Meuse manifestent un sens remarquable de la solidarité nationale. Nous leur devons estime et gratitude, il faut le redire.

Nous les rapporteurs, nous attachons, comme les élus locaux, la plus grande importance aux projets de développement économique qui ont été exposés par les industriels. Je veux les féliciter de l'effort qu'ils font. Il est vrai - et vous aviez raison de le souligner M. LAMY -, les choses ont tardé à se mettre en route, mais elles démarrent maintenant. En 1993, j'étais le médiateur du gouvernement BALLADUR. À ce titre, j'étais allé dans la Meuse, et en accord avec les autorités gouvernementales, j'avais engagé ma parole sur le développement économique qui accompagnerait le dossier du laboratoire. Nous y sommes, et il faut en féliciter tous les partenaires.

Les propos doivent cependant être nuancés, et je rappellerai à M. DUPRAZ d'EDF qu'il est à la tête d'une belle société qui dispose de beaucoup de moyens. J'ai les chiffres sous les yeux : EDF avait un chiffre d'affaires en 2005 de 51 milliards €, et pour le 1er semestre 2006, 30 milliards € sont prévus. Il ne nous reste qu'à espérer que Total se mette à faire des centrales nucléaires et participe à la fête globale, leurs bénéfices allant encore au-delà.

Ce rapport sur le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNG-MDR) est utile. Il permet de redire des choses évidentes que tout le monde n'a pas néanmoins en tête : la sûreté dans ce pays existe à un niveau rare ; elle est une pratique - M. LACOSTE en a témoigné -, et les solutions pour les déchets nucléaires sont en route. Il faut le marteler, car j'entends des gens répéter qu'il n'y a pas de sûreté autour du nucléaire, et qu'il n'y a pas de solutions pour les déchets nucléaires.

Il faut le dire : il y a des solutions pour les déchets nucléaires et elles sont proches ! Mme DUPUIS nous a indiqué son calendrier, et si l'on observe la durée du dossier, elles sont maintenant à portée de main, aussi bien la mise en œuvre du bouquet de solutions que la poursuite de la recherche, parallèlement à la mise en œuvre des solutions sur l'entreposage et le stockage.

J'adresserai un mot à Claude BIRRAUX. Nous avons été d'accord à peu près sur tout, seul le financement nous a opposés. Cela signifie que nous sommes dans une démocratie qui fonctionne, que le dialogue entre la majorité et l'opposition s'établit sur les dossiers importants, les dossiers de long terme.

Dans les semaines à venir, vous verrez que ce dialogue n'est pas de la connivence, et que nous avons même quelques différences... Nous sommes presque au terme de la législature. Nous avons conduit ce dossier, et affirmé ce qu'était la parole du Parlement de manière constructive.

Je veux vous dire enfin que vous pouvez encore compter sur moi à l'avenir pour faire avancer le dossier des déchets radioactifs, même si nous sommes dans l'incertitude, non pas concernant les déchets, mais concernant nos avenirs politiques respectifs.

Après, je le disais, dix-sept années d'attention à cette question, des années supplémentaires ne me font pas peur : c'est un problème de conscience et de courage politique.

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ANNEXE 2 : APERÇUS DE LA GESTION DES DÉCHETS À L'ÉTRANGER

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ANNEXE 3 : LOI DE PROGRAMME DU 28 JUIN 2006 RELATIVE À LA GESTION DURABLE DES MATIÈRES ET DES DÉCHETS RADIOACTIFS

TITRE IER

POLITIQUE NATIONALE POUR LA GESTION DURABLE DES MATIÈRES ET DES DÉCHETS RADIOACTIFS

Article 1er

L'intitulé du chapitre II du titre IV du livre V du code de l'environnement est ainsi rédigé : « Dispositions particulières à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs ».

Article 2

L'article L. 542-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé :

« Art. L. 542-1. - La gestion durable des matières et des déchets radioactifs de toute nature, résultant notamment de l'exploitation ou du démantèlement d'installations utilisant des sources ou des matières radioactives, est assurée dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l'environnement.

« La recherche et la mise en œuvre des moyens nécessaires à la mise en sécurité définitive des déchets radioactifs sont entreprises afin de prévenir ou de limiter les charges qui seront supportées par les générations futures.

« Les producteurs de combustibles usés et de déchets radioactifs sont responsables de ces substances, sans préjudice de la responsabilité de leurs détenteurs en tant que responsables d'activités nucléaires. »

Article 3

Pour assurer, dans le respect des principes énoncés à l'article L. 542-1 du code de l'environnement, la gestion des déchets radioactifs à vie longue de haute ou de moyenne activité, les recherches et études relatives à ces déchets sont poursuivies selon les trois axes complémentaires suivants :

1° La séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Les études et recherches correspondantes sont conduites en relation avec celles menées sur les nouvelles générations de réacteurs nucléaires mentionnés à l'article 5 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique ainsi que sur les réacteurs pilotés par accélérateur dédiés à la transmutation des déchets, afin de disposer, en 2012, d'une évaluation des perspectives industrielles de ces filières et de mettre en exploitation un prototype d'installation avant le 31 décembre 2020 ;

2° Le stockage réversible en couche géologique profonde. Les études et recherches correspondantes sont conduites en vue de choisir un site et de concevoir un centre de stockage de sorte que, au vu des résultats des études conduites, la demande de son autorisation prévue à l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement puisse être instruite en 2015 et, sous réserve de cette autorisation, le centre mis en exploitation en 2025 ;

3° L'entreposage. Les études et les recherches correspondantes sont conduites en vue, au plus tard en 2015, de créer de nouvelles installations d'entreposage ou de modifier des installations existantes, pour répondre aux besoins, notamment en termes de capacité et de durée, recensés par le plan prévu à l'article L. 542-1-2 du code de l'environnement.

Article 4

Pour assurer, dans le respect des principes énoncés à l'article L. 542-1 du code de l'environnement, la gestion des matières et des déchets radioactifs autres que ceux mentionnés à l'article 3 de la présente loi, il est institué un programme de recherche et d'études dont les objectifs sont les suivants :

1° La mise au point de solutions de stockage pour les déchets graphites et les déchets radifères, de sorte que le centre de stockage correspondant puisse être mis en service en 2013 ;

2° La mise au point pour 2008 de solutions d'entreposage des déchets contenant du tritium permettant la réduction de leur radioactivité avant leur stockage en surface ou à faible profondeur ;

3° La finalisation pour 2008 de procédés permettant le stockage des sources scellées usagées dans des centres existants ou à construire ;

4° Un bilan en 2009 des solutions de gestion à court et à long terme des déchets à radioactivité naturelle renforcée, proposant, s'il y a lieu, de nouvelles solutions ;

5° Un bilan en 2008 de l'impact à long terme des sites de stockage de résidus miniers d'uranium et la mise en œuvre d'un plan de surveillance radiologique renforcée de ces sites.

Article 5

Après l'article L. 542-1 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 542-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 542-1-1. - Le présent chapitre s'applique aux substances radioactives issues d'une activité nucléaire visée à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique ou d'une activité comparable exercée à l'étranger ainsi que d'une entreprise mentionnée à l'article L. 1333-10 du même code ou d'une entreprise comparable située à l'étranger.

« Une substance radioactive est une substance qui contient des radionucléides, naturels ou artificiels, dont l'activité ou la concentration justifie un contrôle de radioprotection.

« Une matière radioactive est une substance radioactive pour laquelle une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement.

« Un combustible nucléaire est regardé comme un combustible usé lorsque, après avoir été irradié dans le cœur d'un réacteur, il en est définitivement retiré.

« Les déchets radioactifs sont des substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n'est prévue ou envisagée.

« Les déchets radioactifs ultimes sont des déchets radioactifs qui ne peuvent plus être traités dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de leur part valorisable ou par réduction de leur caractère polluant ou dangereux.

« L'entreposage de matières ou de déchets radioactifs est l'opération consistant à placer ces substances à titre temporaire dans une installation spécialement aménagée en surface ou en faible profondeur à cet effet, dans l'attente de les récupérer.

« Le stockage de déchets radioactifs est l'opération consistant à placer ces substances dans une installation spécialement aménagée pour les conserver de façon potentiellement définitive dans le respect des principes énoncés à l'article L. 542-1.

« Le stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est le stockage de ces substances dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet, dans le respect du principe de réversibilité. »

Article 6

I. - Après l'article L. 542-1 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 542-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 542-1-2. - I. - Un plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs dresse le bilan des modes de gestion existants des matières et des déchets radioactifs, recense les besoins prévisibles d'installations d'entreposage ou de stockage, précise les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d'entreposage et, pour les déchets radioactifs qui ne font pas encore l'objet d'un mode de gestion définitif, détermine les objectifs à atteindre.

« Conformément aux orientations définies aux articles 3 et 4 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, le plan national organise la mise en œuvre des recherches et études sur la gestion des matières et des déchets radioactifs en fixant des échéances pour la mise en œuvre de nouveaux modes de gestion, la création d'installations ou la modification des installations existantes de nature à répondre aux besoins et aux objectifs définis au premier alinéa.

« Il comporte, en annexe, une synthèse des réalisations et des recherches conduites dans les pays étrangers.

« II. - Le plan national et le décret qui en établit les prescriptions respectent les orientations suivantes :

« 1° La réduction de la quantité et de la nocivité des déchets radioactifs est recherchée notamment par le traitement des combustibles usés et le traitement et le conditionnement des déchets radioactifs ;

« 2° Les matières radioactives en attente de traitement et les déchets radioactifs ultimes en attente d'un stockage sont entreposés dans des installations spécialement aménagées à cet usage ;

« 3° Après entreposage, les déchets radioactifs ultimes ne pouvant pour des raisons de sûreté nucléaire ou de radioprotection être stockés en surface ou en faible profondeur font l'objet d'un stockage en couche géologique profonde.

« III. - Le plan national est établi et mis à jour tous les trois ans par le Gouvernement. Il est transmis au Parlement, qui en saisit pour évaluation l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et rendu public.

« IV. - Les décisions prises par les autorités administratives, notamment les autorisations mentionnées à l'article L. 1333-4 du code de la santé publique, doivent être compatibles avec les prescriptions du décret prévu au II du présent article. »

II. - Le plan national prévu à l'article L. 542-1-2 du code de l'environnement est établi pour la première fois avant le 31 décembre 2006.

Article 7

Les propriétaires de déchets de moyenne activité à vie longue produits avant 2015 les conditionnent au plus tard en 2030.

Article 8

I. - L'article L. 542-2 du code de l'environnement est ainsi rédigé :

« Art. L. 542-2. - Est interdit le stockage en France de déchets radioactifs en provenance de l'étranger ainsi que celui des déchets radioactifs issus du traitement de combustibles usés et de déchets radioactifs provenant de l'étranger. »

II. - Après l'article L. 542-2 du même code, sont insérés deux articles L. 542-2-1 et L. 542-2-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 542-2-1. - I. - Des combustibles usés ou des déchets radioactifs ne peuvent être introduits sur le territoire national qu'à des fins de traitement, de recherche ou de transfert entre États étrangers.

« L'introduction à des fins de traitement ne peut être autorisée que dans le cadre d'accords intergouvernementaux et qu'à la condition que les déchets radioactifs issus après traitement de ces substances ne soient pas entreposés en France au-delà d'une date fixée par ces accords. L'accord indique les périodes prévisionnelles de réception et de traitement de ces substances et, s'il y a lieu, les perspectives d'utilisation ultérieure des matières radioactives séparées lors du traitement.

« Le texte de ces accords intergouvernementaux est publié au Journal officiel.

« II. - Les exploitants d'installations de traitement et de recherche établissent, tiennent à jour et mettent à la disposition des autorités de contrôle les informations relatives aux opérations portant sur des combustibles usés ou des déchets radioactifs en provenance de l'étranger. Ils remettent chaque année au ministre chargé de l'énergie un rapport comportant l'inventaire des combustibles usés et des déchets radioactifs en provenance de l'étranger ainsi que des matières et des déchets radioactifs qui en sont issus après traitement qu'ils détiennent, et leurs prévisions relatives aux opérations de cette nature. Ce rapport est rendu public.

« Art. L. 542-2-2. - I. - La méconnaissance des prescriptions des articles L. 542-2 et L. 542-2-1 est constatée, dans les conditions prévues à l'article L. 541-45, par les fonctionnaires et agents mentionnés aux 1°, 3°, 6° et 8° de l'article L. 541-44 ainsi que par les inspecteurs de la sûreté nucléaire et par des fonctionnaires et agents habilités à cet effet par le ministre chargé de l'énergie et assermentés.

« II. - La méconnaissance des prescriptions de l'article L. 542-2 et du I de l'article L. 542-2-1 est punie des peines prévues à l'article L. 541-46. En outre, sans préjudice de l'application des sanctions prévues au 8° de cet article, l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire au plus égale, dans la limite de dix millions d'euros, au cinquième du revenu tiré des opérations réalisées irrégulièrement. La décision prononçant la sanction est publiée au Journal officiel.

« En cas de manquement aux obligations définies au II de l'article L. 542-2-1, l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire au plus égale à 150 000 €.

« Les sommes sont recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.

« Ces sanctions peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. »

Article 9

I. - L'article L. 542-3 du code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Les I à V sont abrogés ;

2° Le premier alinéa du VI est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Une commission nationale est chargée d'évaluer annuellement l'état d'avancement des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs par référence aux orientations fixées par le plan national prévu à l'article L. 542-1-2. Cette évaluation donne lieu à un rapport annuel qui fait également état des recherches effectuées à l'étranger. Il est transmis au Parlement, qui en saisit l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et il est rendu public.

« La commission est composée des membres suivants, nommés pour six ans : » ;

3° Dans le 2° du même VI, les mots : « sur proposition de Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires » sont remplacés par les mots : « sur proposition de l'Académie des sciences morales et politiques » ;

4° Dans le dernier alinéa du même VI, après les mots : « experts scientifiques », sont insérés les mots : « , dont au moins un expert international » ;

5° Le même VI est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Le mandat des membres de la commission est renouvelable une fois.

« La commission est renouvelée par moitié tous les trois ans. Pour la constitution initiale de la commission, le mandat de six de ses membres, désignés par tirage au sort, est fixé à trois ans.

« Le président de la commission est élu par les membres de celle-ci lors de chaque renouvellement triennal.

« Les membres de la commission exercent leurs fonctions en toute impartialité. Ils ne peuvent, directement ou indirectement, exercer de fonctions ni recevoir d'honoraires au sein ou en provenance des organismes évalués et des entreprises ou établissements producteurs ou détenteurs de déchets.

« Les organismes de recherche fournissent à la commission tout document nécessaire à sa mission. »

II. - La commission nationale mentionnée à l'article L. 542-3 du code de l'environnement établit son premier rapport avant le 30 juin 2007.

Article 10

Le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, créé par l'article 23 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, organise périodiquement des concertations et des débats concernant la gestion durable des matières et des déchets nucléaires radioactifs.

TITRE II

ORGANISATION ET FINANCEMENTS
DE LA GESTION DURABLE DES MATIÈRES
ET DES DÉCHETS RADIOACTIFS

Article 11

Dans l'article L. 542-6 du code de l'environnement, les mots : « des laboratoires » sont remplacés par les mots : « d'un laboratoire souterrain ou d'un centre de stockage en couche géologique profonde ».

Article 12

Après l'article L. 542-10 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 542-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 542-10-1. - Un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est une installation nucléaire de base.

« Par dérogation aux règles applicables aux autres installations nucléaires de base :

« - la demande d'autorisation de création doit concerner une couche géologique ayant fait l'objet d'études au moyen d'un laboratoire souterrain ;

« - le dépôt de la demande d'autorisation de création du centre est précédé d'un débat public au sens de l'article L. 121-1 sur la base d'un dossier réalisé par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs créée à l'article L. 542-12 ;

« - la demande d'autorisation de création du centre donne lieu à un rapport de la commission nationale mentionnée à l'article L. 542-3, à un avis de l'Autorité de sûreté nucléaire et au recueil de l'avis des collectivités territoriales situées en tout ou partie dans une zone de consultation définie par décret ;

« - la demande est transmise, accompagnée du compte rendu du débat public, du rapport de la commission nationale mentionnée à l'article L. 542-3 et de l'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui l'évalue et rend compte de ses travaux aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ;

« - le Gouvernement présente ensuite un projet de loi fixant les conditions de réversibilité. Après promulgation de cette loi, l'autorisation de création du centre peut être délivrée par décret en Conseil d'État, pris après enquête publique ;

« - l'autorisation de création d'un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs ne garantissant pas la réversibilité de ce centre dans les conditions prévues par cette loi ne peut être délivrée.

« Lors de l'examen de la demande d'autorisation de création, la sûreté du centre est appréciée au regard des différentes étapes de sa gestion, y compris sa fermeture définitive. Seule une loi peut autoriser celle-ci. L'autorisation fixe la durée minimale pendant laquelle, à titre de précaution, la réversibilité du stockage doit être assurée. Cette durée ne peut être inférieure à cent ans.

« Les dispositions des articles L. 542-8 et L. 542-9 sont applicables à l'autorisation. »

Article 13

L'article L. 542-11 du code de l'environnement est ainsi rédigé :

« Art. L. 542-11. - Dans tout département sur le territoire duquel est situé tout ou partie du périmètre d'un laboratoire souterrain ou d'un centre de stockage en couche géologique profonde défini à l'article L. 542-9, un groupement d'intérêt public est constitué en vue :

« 1° De gérer des équipements de nature à favoriser et à faciliter l'installation et l'exploitation du laboratoire ou du centre de stockage ;

« 2° De mener, dans les limites de son département, des actions d'aménagement du territoire et de développement économique, particulièrement dans la zone de proximité du laboratoire souterrain ou du centre de stockage dont le périmètre est défini par décret pris après consultation des conseils généraux concernés ;

« 3° De soutenir des actions de formation ainsi que des actions en faveur du développement, de la valorisation et de la diffusion de connaissances scientifiques et technologiques, notamment dans les domaines étudiés au sein du laboratoire souterrain et dans ceux des nouvelles technologies de l'énergie.

« Outre l'État et le titulaire des autorisations prévues aux articles L. 542-7 ou L. 542-10-1, peuvent adhérer de plein droit au groupement d'intérêt public la région, le département, les communes ou leurs groupements en tout ou partie situés dans la zone de proximité mentionnée au 2°.

« Les membres de droit du groupement d'intérêt public peuvent décider l'adhésion en son sein de communes ou de leurs groupements situés dans le même département et hors de la zone de proximité définie au 2°, dans la mesure où lesdits communes ou groupements justifient d'être effectivement concernés par la vie quotidienne du laboratoire ou du centre de stockage.

« Les dispositions des articles L. 341-2 à L. 341-4 du code de la recherche sont applicables au groupement.

« Pour financer les actions visées aux 1° et 2° du présent article, le groupement bénéficie d'une partie du produit de la taxe additionnelle dite "d'accompagnement" à la taxe sur les installations nucléaires de base prévue au V de l'article 43 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999), à laquelle il peut, pour les exercices budgétaires des années 2007 à 2016, ajouter une fraction, dans la limite de 80 %, de la partie du produit de la taxe additionnelle dite de "diffusion technologique" à ladite taxe sur les installations nucléaires de base dont il bénéficie. Pour financer les actions visées au 3° du présent article, le groupement bénéficie d'une partie du produit de la taxe additionnelle dite de "diffusion technologique", à laquelle il peut, pour les exercices budgétaires des années 2007 à 2016, ajouter une fraction, dans la limite de 80 %, de la partie du produit de la taxe additionnelle dite "d'accompagnement".

« Les personnes redevables de ces taxes additionnelles publient un rapport annuel sur les activités économiques qu'elles conduisent dans les départements visés au premier alinéa. »

Article 14

Les 1° à 5° de l'article L. 542-12 du code de l'environnement sont remplacés par onze alinéas ainsi rédigés :

« 1° D'établir, de mettre à jour tous les trois ans et de publier l'inventaire des matières et déchets radioactifs présents en France ainsi que leur localisation sur le territoire national, les déchets visés à l'article L. 542-2-1 étant listés par pays ;

« 2° De réaliser ou faire réaliser, conformément au plan national prévu à l'article L. 542-1-2, des recherches et études sur l'entreposage et le stockage en couche géologique profonde et d'assurer leur coordination ;

« 3° De contribuer, dans les conditions définies à l'avant dernier alinéa du présent article, à l'évaluation des coûts afférents à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue, selon leur nature ;

« 4° De prévoir, dans le respect des règles de sûreté nucléaire, les spécifications pour le stockage des déchets radioactifs et de donner aux autorités administratives compétentes un avis sur les spécifications pour le conditionnement des déchets ;

« 5° De concevoir, d'implanter, de réaliser et d'assurer la gestion de centres d'entreposage ou des centres de stockage de déchets radioactifs compte tenu des perspectives à long terme de production et de gestion de ces déchets ainsi que d'effectuer à ces fins toutes les études nécessaires ;

« 6° D'assurer la collecte, le transport et la prise en charge de déchets radioactifs et la remise en état de sites de pollution radioactive sur demande et aux frais de leurs responsables ou sur réquisition publique lorsque les responsables de ces déchets ou de ces sites sont défaillants ;

« 7° De mettre à la disposition du public des informations relatives à la gestion des déchets radioactifs et de participer à la diffusion de la culture scientifique et technologique dans ce domaine ;

« 8° De diffuser à l'étranger son savoir-faire.

« L'agence peut obtenir le remboursement des frais exposés pour la gestion des déchets radioactifs pris en charge sur réquisition publique des responsables de ces déchets qui viendraient à être identifiés ou qui reviendraient à meilleure fortune.

« L'agence propose au ministre chargé de l'énergie une évaluation des coûts afférents à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue selon leur nature. Après avoir recueilli les observations des redevables des taxes additionnelles mentionnées au V de l'article 43 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999) et l'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, le ministre chargé de l'énergie arrête l'évaluation de ces coûts et la rend publique.

« L'agence peut conduire, avec toute personne intéressée, des actions communes d'information du public et de diffusion de la culture scientifique et technologique. »

Article 15

Après l'article L. 542-12 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 542-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 542-12-1. - Il est institué au sein de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs un fonds destiné au financement des recherches et études sur l'entreposage et le stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs. Les opérations de ce fonds font l'objet d'une comptabilisation distincte permettant d'individualiser les ressources et les emplois du fonds au sein du budget de l'agence. Le fonds a pour ressources le produit de la taxe dite de "recherche" additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base prévue au V de l'article 43 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999).

« L'agence dispose d'une subvention de l'État qui contribue au financement des missions d'intérêt général qui lui sont confiées en application des dispositions des 1° et 6° de l'article L. 542-12.

Article 16

Après l'article L. 542-12 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 542-12-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 542-12-2. - Il est institué, au sein de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, un fonds destiné au financement de la construction, de l'exploitation, de l'arrêt définitif, de l'entretien et de la surveillance des installations d'entreposage ou de stockage des déchets de haute ou de moyenne activité à vie longue construites ou exploitées par l'agence. Les opérations de ce fonds font l'objet d'une comptabilisation distincte permettant d'individualiser les ressources et les emplois du fonds au sein du budget de l'agence. Le fonds a pour ressources les contributions des exploitants d'installations nucléaires de base définies par des conventions.

« Si l'autorité administrative constate que l'application des dispositions de l'article 20 de la loi n°2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs est susceptible d'être entravée, elle peut imposer, le cas échéant sous astreinte, à l'exploitant d'une installation nucléaire de base de verser au fonds les sommes nécessaires à la couverture des charges mentionnées au I du même article 20. »

Article 17

Les subventions de l'État aux organismes participant aux recherches mentionnées au 1° de l'article 3 sont complétées par des contributions des exploitants d'installations nucléaires de base définies par convention entre ces organismes et eux.

Article 18

L'article L. 542-13 du code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Il est créé, auprès de tout laboratoire souterrain, un comité local d'information et de suivi chargé d'une mission générale de suivi, d'information et de concertation en matière de recherche sur la gestion des déchets radioactifs et, en particulier, sur le stockage de ces déchets en couche géologique profonde. » ;

2° Les deuxième et troisième alinéas sont ainsi rédigés :

« Ce comité comprend des représentants de l'État, deux députés et deux sénateurs désignés par leur assemblée respective, des élus des collectivités territoriales consultées à l'occasion de l'enquête publique ou concernées par les travaux de recherche préliminaires prévus à l'article L. 542-6, des représentants d'associations de protection de l'environnement, de syndicats agricoles, d'organisations professionnelles, d'organisations syndicales de salariés représentatives et de professions médicales, des personnalités qualifiées ainsi que le titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 542-10-1.

« Il peut être doté de la personnalité juridique avec un statut d'association. Il est présidé par un de ses membres, élu national ou local, nommé par décision conjointe des présidents des conseils généraux des départements sur lesquels s'étend le périmètre du laboratoire. » ;

3° Dans la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : « d'évaluation » sont supprimés ;

4° La dernière phrase du quatrième alinéa est complétée par les mots : « et le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire créé par l'article 23 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire » ;

5° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La commission nationale présente chaque année, devant le comité local d'information et de suivi, son rapport d'évaluation sur l'état d'avancement des recherches dans les trois axes de recherche définis par l'article 3 de la loi n°2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs. » ;

6° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La commission locale d'information et de suivi et le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire créé par l'article 23 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 précitée se communiquent tous les renseignements utiles à l'exercice de leurs missions et concourent à des actions communes d'information. » ;

7° Après le mot : « sont », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « financés à parité d'une part par des subventions de l'État, d'autre part par des subventions des entreprises concernées par l'activité de stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde. »

Article 19

Le dernier alinéa de l'article L. 515-7 du code de l'environnement est ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas au stockage des déchets radioactifs. »

Article 20

I. - Les exploitants d'installations nucléaires de base évaluent, de manière prudente, les charges de démantèlement de leurs installations ou, pour leurs installations de stockage de déchets radioactifs, leurs charges d'arrêt définitif, d'entretien et de surveillance. Ils évaluent de la même manière, en prenant notamment en compte l'évaluation fixée en application de l'article L. 542-12 du code de l'environnement, les charges de gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs.

II. - Les exploitants d'installations nucléaires de base constituent les provisions afférentes aux charges mentionnées au I et affectent à titre exclusif à la couverture de ces provisions les actifs nécessaires.

Ils comptabilisent de façon distincte ces actifs qui doivent présenter un degré de sécurité et de liquidité suffisant pour répondre à leur objet. Leur valeur de réalisation est au moins égale au montant des provisions mentionnées au premier alinéa du présent II, à l'exclusion de celles liées au cycle d'exploitation.

À l'exception de l'État dans l'exercice des pouvoirs dont il dispose pour faire respecter par les exploitants leurs obligations de démantèlement de leurs installations et de gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs, nul ne peut se prévaloir d'un droit sur les actifs mentionnés au premier alinéa du présent II, y compris sur le fondement du livre VI du code de commerce.

III. - Les exploitants transmettent tous les trois ans à l'autorité administrative un rapport décrivant l'évaluation des charges mentionnées au I, les méthodes appliquées pour le calcul des provisions afférentes à ces charges et les choix retenus en ce qui concerne la composition et la gestion des actifs affectés à la couverture des provisions. Ils transmettent tous les ans à l'autorité administrative une note d'actualisation de ce rapport et l'informent sans délai de tout événement de nature à en modifier le contenu. Ils communiquent à sa demande à l'autorité administrative copie de tous documents comptables ou pièces justificatives.

Si l'autorité administrative relève une insuffisance ou une inadéquation dans l'évaluation des charges, le calcul des provisions ou le montant, la composition ou la gestion des actifs affectés à ces provisions, elle peut, après avoir recueilli les observations de l'exploitant, prescrire les mesures nécessaires à la régularisation de sa situation en fixant les délais dans lesquels celui-ci doit les mettre en œuvre.

En cas d'inexécution de ces prescriptions dans le délai imparti, l'autorité administrative peut ordonner, sous astreinte, la constitution des actifs nécessaires ainsi que toute mesure relative à leur gestion.

Les exploitants transmettent, au plus tard dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, leur premier rapport triennal mentionné au premier alinéa du présent III. Ce premier rapport comprend, outre les éléments prévus au premier alinéa du présent III, un plan de constitution des actifs définis au II du présent article.

Les exploitants mettent en œuvre le plan de constitution d'actifs au plus tard dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la présente loi.

IV. - Il est créé une Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs.

La commission évalue le contrôle de l'adéquation des provisions prévues au II aux charges mentionnées au I et de la gestion des actifs visés au II ainsi que la gestion des fonds mentionnés aux articles L. 542-12-1 et L. 542-12-2 du code de l'environnement.

Elle peut, à tout moment, adresser au Parlement et au Gouvernement des avis sur les questions relevant de sa compétence. Ses avis peuvent être rendus publics. Elle remet au Parlement et au Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire créé par l'article 23 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, tous les trois ans, un rapport présentant l'évaluation mentionnée à l'alinéa précédent. Ce rapport est rendu public.

La commission est composée :

1° Des présidents des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière d'énergie ou chargées des finances, ou de leur représentant ;

2° De quatre personnalités qualifiées désignées à parité par l'Assemblée nationale et par le Sénat ;

3° De quatre personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement.

Les personnalités qualifiées sont désignées pour six ans.

La commission reçoit communication des rapports mentionnés au III. Elle peut demander aux exploitants communication de tous documents nécessaires à l'accomplissement de ses missions. Elle peut entendre l'autorité administrative mentionnée au III.

La commission remet son premier rapport au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi.

Pendant la durée de leurs fonctions, les personnalités qualifiées membres de la commission ne prennent aucune position publique sur des sujets relevant de la compétence de celle-ci. Pendant la durée de leurs fonctions et après celle-ci, les membres de la commission sont tenus au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions.

Les membres de la commission ne peuvent, directement ou indirectement, exercer de fonctions ni recevoir d'honoraires au sein ou en provenance des exploitants d'installations nucléaires de base ou d'autres entreprises du secteur de l'énergie.

V. - Un décret détermine, en tant que de besoin, les conditions et modalités d'application du présent article, notamment, dans le respect des normes comptables applicables, les modalités d'évaluation des charges mentionnées au I et de calcul des provisions prévues au II, ainsi que les informations que les exploitants sont tenus de rendre publiques et les règles de publicité y afférentes.

Le présent article, à l'exception des dispositions du I, n'est pas applicable aux installations nucléaires de base exploitées directement par l'État. Les personnes n'exploitant plus d'installation nucléaire de base sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent article relatives à la gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs, aux exploitants de telles installations.

Article 21

I. - L'article 43 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999) est complété par un V ainsi rédigé :

« V. - Il est créé trois taxes additionnelles à la taxe sur les installations nucléaires de base. Le montant de ces taxes additionnelles dites respectivement de "recherche", "d'accompagnement" et de "diffusion technologique" est déterminé, selon chaque catégorie d'installations, par application d'un coefficient multiplicateur à une somme forfaitaire. Les coefficients sont fixés par décret en Conseil d'État après avis des conseils généraux concernés et des groupements d'intérêt public définis à l'article L. 542-11 du code de l'environnement pour ce qui concerne les taxes dites "d'accompagnement" et de "diffusion technologique", dans les limites indiquées dans le tableau ci-dessous et des besoins de financement, en fonction des quantités et de la toxicité des colis de déchets radioactifs produits et à produire ne pouvant pas être stockés en surface ou en faible profondeur que peut produire chaque catégorie d'installations.

Catégorie

Sommes forfaitaires

Déchets

(en millions d'euros)

Coefficient multiplicateur

"Recherche"

Coefficient multiplicateur

"Accompa-gnement"

Coefficient multiplicateur

"Diffusion technologique"

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche (par tranche)

0,28

[0,5-5]

[0,6-2]

[0,6-1]

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche

0,25

[0,5-5]

[0,6-2]

[0,6-1]

Autres réacteurs nucléaires

0,25

[0,5-5]

[0,6-2]

[0,6-1]

Usines de traitement de combustibles nucléaires usés

0,28

[0,5-5]

[0,6-2]

[0,6-1]

« Les taxes additionnelles sont recouvrées dans les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions que la taxe sur les installations nucléaires de base.

« Sous déduction des frais de collecte fixés à 1 % des sommes recouvrées, le produit de la taxe additionnelle dite de "recherche" est reversé à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

« Sous déduction des frais de collecte fixés à 1 % des sommes recouvrées, le produit de la taxe additionnelle dite "d'accompagnement" est réparti, à égalité, en un nombre de parts égal au nombre de départements mentionnés à l'article L. 542-11 du code de l'environnement. Une fraction de chacune de ces parts, déterminée par décret en Conseil d'État dans la limite de 20 %, est reversée par les groupements d'intérêt public mentionnés au même article L. 542-11, au prorata de leur population, aux communes du département dont une partie du territoire est distante de moins de dix kilomètres de l'accès principal aux installations souterraines d'un laboratoire souterrain mentionné à l'article L. 542-4 du même code ou d'un centre de stockage en couche géologique profonde mentionné à l'article L. 542-10-1 du même code. Le solde de chacune de ces parts est reversé au groupement d'intérêt public mentionné à l'article L. 542-11 du même code.

« Sous déduction des frais de collecte fixés à 1 % des sommes recouvrées, le produit de la taxe additionnelle dite de "diffusion technologique" est reversé aux groupements d'intérêt public mentionnés à l'article L. 542-11 du même code à égalité entre eux. »

II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2007.

TITRE III

CONTRÔLES ET SANCTIONS

Article 22

Tout responsable d'activités nucléaires et toute entreprise mentionnée à l'article L. 1333-10 du code de la santé publique est tenu d'établir, de tenir à jour et de mettre à la disposition de l'autorité administrative et, pour ce qui relève de sa compétence, de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, les informations nécessaires à l'application et au contrôle des dispositions de la présente loi.

Sans préjudice des dispositions du III de l'article 20, un décret en Conseil d'État précise celles de ces informations qui font l'objet d'une transmission périodique à l'autorité administrative ou à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

Article 23

En cas de manquement de l'exploitant d'une installation nucléaire de base aux obligations définies aux I et II de l'article 20, l'autorité administrative peut, sans préjudice des mesures prévues au III du même article, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant n'excède pas 5 % de la différence entre le montant des actifs constitués par l'exploitant d'une installation nucléaire de base et celui prescrit par l'autorité administrative. La décision prononçant la sanction est publiée au Journal officiel.

En cas de manquement aux obligations d'information prévues au III de l'article 20 et à l'article 22, l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire au plus égale à 150 000 €.

Les sommes sont recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.

Les sanctions prévues au présent article peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction.

Article 24

Un décret en Conseil d'État fixe, en tant que de besoin, les modalités d'application de la présente loi.

*

1 L'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs, Christian BATAILLE et Claude BIRRAUX, Députés, Assemblée nationale n° 2159, Sénat n° 250, mars 2005.

2 Près de 150 pages.

3 ANDRA : Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

4 Les conséquences des installations de stockage des déchets nucléaires sur la santé publique et l'environnement, Michèle RIVASI, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale n°2257, Sénat n° 272, mars 2000.

5 « J'ai décidé de lancer, dès maintenant, la conception, au sein du Commissariat à l'énergie atomique, d'un prototype de réacteur de 4ème Génération, qui devra entrer en service en 2020 », Jacques CHIRAC, Président de la République, vœux aux forces vives de la Nation,Paris, 5 janvier 2006.

6 UOx : combustibles à l'oxyde d'uranium. MOx : combustibles mixtes oxyde d'uranium - oxyde de plutonium.

7 Inversement, ce sont au total 1 100 tonnes de combustibles standard UOX (oxyde d'uranium) et 100 tonnes de MOX qui sont chargées en réacteurs chaque année. Les 58 tranches d'EDF réparties sur 20 sites produisent 430 TWh/an, soit environ 80% de la production électrique française.

8 Le traitement de 850 tonnes de combustibles MOX délivre 8,5 tonnes de plutonium.

9 Avec la gestion « parité MOX », les combustibles MOX, dont la teneur en plutonium est de 8,65%, sont équivalents à des combustibles UOx enrichis à 3,7% et permettent de recycler tout le plutonium issu chaque année du traitement des 850 tonne précitées.

10 Par comparaison, le stock de combustibles usés entreposés à La Hague début 2007 permettrait de démarrer potentiellement un parc de 7 GWe de réacteurs de 4ème Génération.

11 Sylvain GRANGER, EDF, audition du 8 février 2007.

12 Le combustible à l'uranium appauvri comprend une amorce de plutonium que le traitement des combustibles usés des réacteurs à eau légère permet de préparer.

13 Bernard DUPRAZ, Directeur général délégué ingénierie production, EDF, audition publique du 13 février 2007.

14 Philippe PRADEL, Directeur de l'énergie nucléaire, Commissariat à l'énergie atomique, audition du 8 février 2007.

15 Marie-Claude DUPUIS, Directrice général de l'ANDRA, audition publique du 13 février 2007.

16 Plan de développement du projet HAVL, ANDRA, décembre 2006.

17 « Plans are nothing. Planning is everything ». Dwight D. EISENHOWER.