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le 19 juillet 2002

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N° 33

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juillet 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 19 décembre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Norvège en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole et un protocole additionnel), modifiée par les avenants du 14 novembre 1984 et du 7 avril 1995,

PAR M. FRANÇOIS ROCHEBLOINE,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 401 (2000-2001), 230 et T.A. 83 (2001-2002)

Assemblée nationale : 13

Traités et conventions

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale est saisie d'un projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 19 décembre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Norvège en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune modifiée par les avenants du 14 novembre 1984 et du 7 avril 1995. Cet avenant vise à régler un différend entre la France et la Norvège au sujet du régime d'imposition des personnels des centres culturels français en Norvège. Le Sénat a adopté ce projet de loi au cours de sa séance du 21 février 2002.

I - L'ÉTAT DES RELATIONS BILATÉRALES FRANCO-NORVÉGIENNES

Nos relations avec la Norvège sont favorisées par l'association très étroite de ce pays à l'Union européenne (appartenance à l'Espace économique européen et à Schengen) et par la dimension stratégique de nos relations économiques (la Norvège est notre premier fournisseur d'hydrocarbures).

A - Relations politiques

Les relations politiques franco-norvégiennes ont connu dans les années 90 un net regain, dû à la volonté des autorités d'Oslo de maintenir l'ancrage de la Norvège à l'Europe malgré le rejet de l'adhésion en 1994. Les contacts bilatéraux sont fréquents. Le Roi Harald V et la Reine Sonja ont effectué en mars 2000 une visite d'Etat en France, qui a été doublée d'une série de manifestations bilatérales à caractère économique et commercial. La présidence française de l'Union européenne (second semestre 2000) a par ailleurs été ponctuée de nombreux entretiens ministériels, les autorités d'Oslo ayant souhaité renforcer les contacts à cette occasion.

Les positions de la Norvège sont proches des nôtres sur les dossiers internationaux : réalisation de la stabilité en Europe passant par l'instauration des relations de confiance avec la Russie, maintien d'une présence militaire dans les Balkans, attention portée aux opérations de maintien de la paix et au renforcement de l'efficacité de l'ONU (la Norvège siège au Conseil de Sécurité en 2001-2002), aide au développement. La Norvège se montre également désireuse d'entretenir avec les Etats membres de l'Union européenne un dialogue sur la politique européenne de sécurité et de défense. Enfin, dans l'éventualité d'une nouvelle candidature d'adhésion à l'Union, les autorités norvégiennes attachent beaucoup de prix à ce que les Etats membres aient une appréciation précise et juste des évolutions internes du Royaume.

Les autorités norvégiennes ont récemment élaboré une "stratégie" pour développer et structurer, vu d'Oslo, les relations avec la France (des exercices similaires ont été réalisés avec l'Allemagne et les Etats-Unis), laquelle donnera lieu en 2003 à un rapport dont les recommandations feront l'objet d'un examen régulier par les autorités norvégiennes. Celles-ci montrent ainsi l'importance qu'elles accordent à la relation avec notre pays.

B - Relations économiques

La Norvège est notre premier fournisseur de pétrole et de gaz ; la France est le deuxième client de la Norvège pour le gaz et le troisième client pour le pétrole brut. En 2000, la Norvège a assuré le tiers des besoins gaziers de notre pays. La relation franco-norvégienne en la matière s'est renforcée depuis 1993, avec la réalisation de la première phase des Accords de Troll (décembre 1986) prévoyant la livraison de 4 milliards de m3 de gaz par an sur une période de 27 ans, et l'ouverture en 1998 du gazoduc Norfra, reliant les champs pétroliers de la mer du Nord à Dunkerque.

Nos échanges commerciaux avec la Norvège, traditionnellement déséquilibrés en raison de nos achats d'hydrocarbures, ont accusé un écart encore plus profond en 2000. Mais, dans un contexte marqué depuis lors par le ralentissement de la croissance économique et une légère diminution des échanges globaux, nos échanges avec la Norvège se sont eux-mêmes contractés en 2001 et notre déficit a diminué (passant de 6,5 à 5,8 Mds €). Il n'en constitue pas moins notre troisième déficit mondial après l'Allemagne et la Chine et devant le Japon. Les hydrocarbures, qui représentaient 73% de nos importations de Norvège en 1999 et 83% en 2000, ont couvert 87% de nos achats en 2001. Hors hydrocarbures, nos échanges connaissent un léger excédent avec la Norvège.

Côté exportations, la France est le sixième fournisseur de la Norvège (derrière la Suède, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, le Danemark et les Etats-Unis) et notre part de marché aurait progressé en 2001 (de 4,2% à 5,3%) grâce au maintien de cours du pétrole peu élevés. Nos meilleures performances sont enregistrées sur les produits agroalimentaires et les véhicules automobiles.

S'agissant de la présence française, elle atteint un rang honorable, avec près de 90 implantations, dont 65 contrôlées à 100%. La France a cependant perdu sa place de troisième investisseur étranger derrière les Etats-Unis et la Suède, et ne se classe plus qu'au cinquième rang. Nos investissements sont surtout concentrés dans les secteurs pétrolier, parapétrolier ou bancaire. Dans les autres secteurs, les entreprises françaises tendent à manquer de dynamisme à l'égard du marché norvégien, pourtant très solvable, mais trop souvent considéré comme limité par sa taille et protégé dans ses structures. En outre, du fait du déficit de main d'_uvre auquel est confrontée l'économie norvégienne, des possibilités d'emploi pour les expatriés existent, notamment dans le secteur médical, le BTP et les services informatiques.

C - Relations culturelles et de coopération

Les relations de coopération franco-norvégiennes s'inscrivent dans un cadre institutionnel composé de trois accords : deux, de type classique, signés en 1953 et en 1983 et un troisième signé en 1986 dans le cadre des accords gaziers de Troll. Ce dernier a notamment permis l'institution d'un groupe de travail franco-norvégien sur le commerce, l'industrie et la technologie, dont la dernière réunion s'est tenue à Paris, au Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, le 7 mai 2002.

Notre dispositif culturel se situe au premier rang des implantations étrangères en Norvège, avec quatre établissements : le centre culturel français d'Oslo, le centre culturel franco-norvégien de Stavanger, le lycée français René Cassin d'Oslo (500 élèves de la maternelle à la terminale) et le lycée français de Stavanger (dont le budget est pris en charge par TotalFinaElF - 51 élèves). Mais l'enseignement de la langue française dans le système éducatif norvégien est en situation fragile, notamment au niveau de l'enseignement secondaire, où la seconde langue n'a qu'un statut optionnel.

Dans le domaine de l'audiovisuel, la présence française est liée en grande partie au développement de deux supports : TV5 Europe est retransmise par le câble, captée par 400.000 foyers, mais elle court le risque dans certaines régions du centre et du nord d'être supplantée par les chaînes anglophones et germanophones ; Radio Paris-Oslo, instituée en 1988 à la suite des accords de Troll et soutenue par les autorités des deux pays, avec une audience potentielle totale d'environ 500.000 auditeurs (la station permet notamment la diffusion de RFI en modulation de fréquence).

Notre coopération scientifique et technique se développe quant à elle dans trois directions :

- la Fondation franco-norvégienne pour la recherche scientifique et technique, créée en 1983 pour soutenir des recherches conjointes à court terme (des étudiants norvégiens ont séjourné en France dans ce cadre) ;

- les recherches au Svalbard : la France, tout comme la Norvège, la Russie et la Pologne, détient depuis trente ans une base permanente au Svalbard (réaménagée cette année), destinée à la recherche en glaciologie, géologie et climatologie. La récente admission de la France comme observateur au Conseil arctique renforce aux yeux des Norvégiens la légitimité de notre présence scientifique dans la région.

- la coopération en matière de pollution nucléaire : la France participe depuis 1993 comme observateur au Conseil euro-arctique de Barents en vue de développer la concertation avec la Russie sur le dossier des pollutions nucléaires. En outre, une coopération bilatérale franco-norvégienne a été engagée : les deux pays ont constitué un groupe d'experts sur les risques de pollution nucléaire dans le nord-ouest de la Russie, qui se réunit régulièrement. Cette coopération visant au transfert et au retraitement des éléments radioactifs d'origine russe entreposés dans le navire Lepse, devrait être rapidement mise en oeuvre après la signature, en juin 2000, d'un accord franco-russe sur la responsabilité civile nucléaire en Russie, qui complète l'accord russo-norvégien existant.

II - L'AVENANT À LA CONVENTION FRANCO-NORVÉGIENNE
DU 19 DÉCEMBRE 1980

A - Une divergence d'interprétation entre la France et la Norvège

La France et la Norvège sont liées par une convention fiscale signée le 19 décembre 1980 et modifiée par deux avenants du 14 novembre 1984 et du 7 avril 1995. En application de l'article 19 de cette convention, « les rémunérations, autres que les pensions, payées par un Etat ou l'une de leurs personnes morales de droit public, à une personne physique, au titre des services rendus à cet Etat ou à cette collectivité, ou à cette personne morale de droit public, ne sont imposables que dans cet Etat. » Le paragraphe 3 de cet article exclut du champ de la convention les « rémunérations et pensions payées au titre de services rendus dans le cadre d'une activité industrielle et commerciale exercée par un Etat ou l'une de ses collectivités locales, ou par l'une de leurs personnes morales de droit public. »

Les autorités norvégiennes ont décidé d'appliquer ce paragraphe 3 aux personnels des centres culturels français en considérant que ceux-ci exerçaient une activité industrielle et commerciale comparable à celle des instituts privés d'enseignement des langues. En conséquence l'ensemble de ces personnels devait être exclusivement imposé en Norvège.

La France, pour sa part, estime que les activités de diffusion de la culture française et d'enseignement de la langue menées par les centres culturels relevait du service public administratif. En conséquence, les rémunérations de agents devaient être soumises au régime d'imposition français.

B - Le compromis conclu par la France et la Norvège

Dès 1995, la France a alerté les autorités norvégiennes des difficultés rencontrées par les personnels des centres culturels implantés en Norvège. Des négociations ont été ouvertes à compter de cette date : elles ont abouti à la conclusion d'un avenant en 1999. Celui-ci fait droit à la position exprimée par la France en lui donnant le droit exclusif d'imposer les personnels français ou franco-norvégiens de ses propres centres culturels et d'enseignement. En revanche, les agents locaux de nationalité exclusivement norvégienne recrutés dans ces établissements seront désormais imposables en Norvège (nouvelle rédaction du paragraphe 1 de l'article 19). Une stipulation expresse introduite par l'avenant (paragraphe 4 de l'article 19) prévoit en outre que ce nouveau régime s'applique aux traitements et salaires versés par les centres culturels français, sous réserve que ces rémunérations soient soumises à l'impôt en France.

L'avenant apporte également des précisions sur le régime des pensions publiques en réservant à l'Etat de la source, le droit exclusif d'imposer ces sommes (nouvelle rédaction du paragraphe 2 de l'article 19). Enfin, il reprend les clauses précédemment en vigueur tendant à exclure du champ de la convention les rémunérations perçues au titre d'une activité industrielle et commerciale (nouvelle rédaction du paragraphe 3 de l'article 19).

L'article 2 de l'avenant précise par ailleurs que ces mesures entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2000, sauf pour les personnels des centres culturels français, pour lesquels le dispositif s'applique de manière rétroactive à tous les revenus perçus depuis le 1er janvier 1997. La Norvège, qui avait accepté de ne pas recouvrer les impôts de ces personnels à compter de 1999, a informé les autorités françaises le 20 novembre 2000 de l'accomplissement des procédures requises pour l'entrée en vigueur de l'avenant. La France a donc pris un retard dommageable en la matière. Le Sénat ayant autorisé l'approbation de l'avenant au cours de sa séance du 21 février 2002, l'inscription du projet de loi d'autorisation à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale prévu pour la session extraordinaire est de nature à éviter que cette situation ne perdure au-delà du second semestre de cette année.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 10 juillet 2002.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Louis Guédon a déclaré qu'il avait eu connaissance de l'existence d'établissements de l'enseignement secondaire accueillant des élèves norvégiens. Il a interrogé le Rapporteur sur le maintien de ces filières et sur les établissements concernés.

M. François Rochebloine a indiqué que cinq établissements accueillaient actuellement des élèves norvégiens de la seconde à la terminale : il s'agit de lycées implantés à Rouen, Lyon, Bayeux, Fontenay-le-Comte et Angers.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 13).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'avenant figure en annexe au projet de loi (n° 13).

 

N° 0033 - Rapport de M. François Rochebloine sur le projet de  Convention fiscale France-Norvège, (Sénat,1ère lecture)


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