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le 25 novembre 2002

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N° 384

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 novembre 2002.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 187), relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008,

PAR M. PIERRE LELLOUCHE,

Député

--

Défense

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - L'INDISPENSABLE SURSAUT 10

A - BÂTIR UNE DÉFENSE MODERNE DANS UN MONDE DANGEREUX 10

1) La fin de l'illusion des « dividendes de la paix » 10

2) Défense, diplomatie et intérêts vitaux 13

3) Défense de la France et défense européenne 14

B - L'APPAREIL DE DÉFENSE DE LA FRANCE :
UN CONSTAT PRÉOCCUPANT
19

1) 1997-2002 : une loi de programmation militaire mutilée 19

2) Au bord de la rupture... 21

II - LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2003-2008 :
      UNE PREMIÈRE ÉTAPE ESSENTIELLE
      SUR LA VOIE DU RATTRAPAGE
26

A - UN EFFORT FINANCIER RÉEL 26

1) Une enveloppe financière ambitieuse 26

2) Un impératif : une exécution des objectifs à 100 % 28

B - DES PROGRAMMES PRIORITAIRES ADAPTÉS
AUX MENACES NOUVELLES
31

1) La dissuasion 31

2) La prévention : le rôle du renseignement 32

3) La projection 32

4) les missions de protection 35

III - POURSUIVRE LA MODERNISATION DE NOTRE APPAREIL
      DE DÉFENSE
37

A - DÉPENSER MIEUX EN REPENSANT LES STRUCTURES D'ACQUISITION
      DES ÉQUIPEMENTS AU SEIN DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE
37

1) Redonner le pouvoir aux utilisateurs 37

2) Dynamiser l'industrie d'armement 38

B - MIEUX PRENDRE EN COMPTE UN CONTEXTE STRATÉGIQUE
      PROFONDÉMENT MODIFIÉ
43

1) Mieux définir les menaces 43

2) Repenser la dissuasion dans un contexte profondément modifié 44

3) Faire de la défense du territoire une priorité 47

CONCLUSION 51

EXAMEN EN COMMISSION 53

TEXTE DES AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 53

Mesdames, Messieurs,

Loin des espoirs d'un « nouvel ordre mondial » formulés quelque peu hâtivement il y a 10 ans au lendemain de la double victoire sur la guerre froide et la guerre du Golfe, le début du XXIème siècle n'est décidément pas celui des « dividendes de la paix ». Dominé par l'explosion du terrorisme islamiste de masse, l'accroissement des risques de prolifération d'armes de destruction massive dans certains pays du tiers-monde et la multiplication des crises régionales, le système stratégique mondial est au contraire marqué par la montée des instabilités et des périls. Autant de menaces nouvelles qui rendent aujourd'hui indispensable pour notre pays un outil de défense efficace et adapté.

A la congélation géopolitique de l'ordre mondial pendant les cinquante années de la guerre froide, succède un ordre stratégique profondément bouleversé et en mutation incessante :

- Un monde fait de crises régionales multiples et souvent simultanées qui secouent des zones traditionnellement instables comme le Moyen-Orient, l'Afrique centrale ou l'Asie du Sud, mais qui touchent également des régions comme l'Asie orientale ou centrale, zones de véritables courses aux armements ;

- Un monde marqué par l'accélération de la prolifération des armes nucléaires, biologiques et chimiques et des missiles souvent dans ces mêmes régions de tensions ;

- Un monde caractérisé depuis les événements tragiques du 11 septembre par une véritable guerre globale contre les démocraties. Une guerre sans merci voulue par une « Internationale » fanatique du terrorisme transnational.

La sécurité physique de notre peuple, la défense de nos intérêts vitaux, deviennent, dès lors, un enjeu central. Nos grands partenaires l'ont compris depuis plusieurs années et augmentent régulièrement leur budget militaire. Les dépenses militaires américaines annuelles ont ainsi progressé de 100 milliards de dollars de 1999 à 2003, les dépenses britanniques augmentant pour leur part de plus de 3 milliards d'euros au cours des trois derniers budgets pour atteindre 41 milliards d'euros par an. La France, elle, a longtemps fait le choix d'un sur place, voire d'une régression budgétaire. De la Guerre du Golfe, il y a dix ans, à la guerre contre le terrorisme, le budget de défense de la France a été divisé de moitié par rapport au PIB.

Face à ce contexte, le début du premier mandat présidentiel de Jacques Chirac avait apporté quatre atouts majeurs à la défense de la France :

- la professionnalisation accompagnée de profondes réformes de structure ;

- le lancement de l'Europe de la défense avec les Britanniques ;

- la modernisation de l'arsenal nucléaire, entrepris avec la relance des essais nucléaires puis la simulation ;

- une ligne directrice forte, le modèle d'armée 2015, qui servait de boussole aux futures lois de programmation.

Bien que maintenue dans ses principes pendant les cinq années de cohabitation, cette politique ambitieuse et nécessaire n'a pas cependant pas été financée de façon adéquate après le changement électoral de 1997. Les résultats sont aujourd'hui plus que préoccupants compte tenu de l'aggravation de la situation internationale :

- alors que les lacunes de capacités sont criantes, tous nos grands programmes d'équipements militaires sont en retard ;

- nos forces armées sont sous-équipées et sous entraînées alors que les exigences n'ont jamais été aussi fortes. Ainsi, depuis la chute du Mur de Berlin, les armées françaises ont été engagées plus d'une centaine de fois hors des frontières nationales, soit davantage que pendant la totalité de la Guerre Froide;

- la détérioration constante de la condition de vie des militaires a provoqué une crise profonde au sein des armées, dont le mouvement des gendarmes il y a un an n'a été que la manifestation la plus visible. Une double cassure commençait à apparaître : entre militaires et politiques d'une part, entre hiérarchie militaire et officiers, sous-officiers subalternes, d'autre part.

Plus profondément, la France était, de manière de plus en plus apparente, en train de perdre son rôle et son rang en devenant un acteur militaire - et donc politique - de second rang, y compris en Europe, au profit du Royaume-Uni. Les Français en sont conscients et ressentent comme une humiliation cet effacement apparemment inexorable de notre pays.

De fait, malgré une contribution significative lors de la guerre du Kosovo, la France cumule aujourd'hui dans ses moyens militaires, deux guerres de retard :

- Les lacunes démontrées lors des opérations des Balkans et de la Guerre du Kosovo n'ont pas été comblées ;

- A celles-ci, s'ajoutent, plus criantes encore, celles révélées par la guerre contre le terrorisme. Qu'on le veuille ou non, le 11 septembre pourrait bien être l'acte fondateur d'une guerre de religions mondiale, une guerre de civilisations opposant les sociétés fondées sur le modèle occidental, désormais prépondérant, et celles qui, au nom de Dieu, rejettent les traits dominants de la « modernité » occidentale, depuis l'émancipation de la femme jusqu'à la séparation entre l'Église et l'État.

L'état de notre défense exigeait un sursaut. Celui-ci a été rendu possible par la réélection du Président Chirac et l'alternance parlementaire, en mai-juin dernier. Ce sursaut se manifeste par un projet de loi de programmation militaire 2003-2008 particulièrement ambitieux, compte tenu de la situation financière du pays héritée des cinq dernières années et du ralentissement de la croissance mondiale. Ce projet de loi, qui a l'entier soutien de votre Rapporteur permettra de commencer le rattrapage capacitaire des années écoulées. Il contient en outre une évolution doctrinale très significative en organisant notre défense autour de quatre axes principaux : la dissuasion, la prévention, la projection et la protection qui « collent » avec pragmatisme à la réalité de notre environnement stratégique. Ce projet de loi exigera cependant de la part de la représentation parlementaire une très grande vigilance concernant son exécution afin que ne se reproduise pas la situation que nous avons subie depuis 1997 qui, dans le contexte actuel, serait fatale pour notre système de défense. Ce projet mérite par ailleurs d'être prolongé par un certain nombre de réformes évoquées dans la dernière partie de ce rapport.

I - L'INDISPENSABLE SURSAUT

A - Bâtir une défense moderne dans un monde dangereux

1) La fin de l'illusion des « dividendes de la paix »

Au début des années 1990, l'effondrement de l'adversaire soviétique coïncidant avec la victoire massive de la coalition occidentale contre l'Irak entraînait une période d'euphorie dans l'ensemble des démocraties. L'illusion de la « fin de l'Histoire » devait conduire à une baisse rapide des dépenses militaires dans la plupart des grandes démocraties. Le PNUD1 a ainsi pu chiffrer en 1994 à 935 milliards de dollars les « dividendes de la paix » résultant de la baisse des dépenses militaires entre 1987 et 1994. En particulier, les pays directement impliqués dans la guerre froide (États-unis, Europe, URSS) réduisirent substantiellement leurs dépenses militaires, passées aux États-unis de 6,5 % à 2,8 % du PIB entre 1988 et 2000. En revanche, l'effort militaire fourni par nombre d'autres nations, notamment par certains pays d'Asie (Chine, Japon, Inde, Pakistan...) continuait d'augmenter.

Dans le même temps, on assistait à l'émergence de toute une série d'éléments déstabilisants : la prolifération des armes de destruction massive (nucléaire, radiologique, biologique et chimique), le terrorisme de masse et le développement de crises régionales jusque là sous-jacentes, souvent d'ordre ethnique ou religieux, que le contexte particulier de la guerre froide avaient gelées sans en faire disparaître les causes. Le retour de la guerre sur le sol européen à la suite de l'éclatement de la Yougoslavie a été le signe le plus marquant de cette évolution.

Le monde de l'après guerre froide sera aussi celui des menaces dites « asymétriques »2. Difficilement prévisibles par nature, elles imposent en premier lieu un effort prioritaire en terme de renseignement, qu'il soit technique avec l'emploi du trio satellites - drones - avions de reconnaissance, ou humain, avec l'utilisation de services actions renforcés et compétents et de forces spéciales au sol. Ces menaces sont également potentiellement multiformes, pouvant aller jusqu'à des attaques par des armes de destruction massive NRBC (nucléaire, radiologique, biologique ou chimique) : la protection efficace de nos populations exigera d'imaginer de nouvelles structures de défense du territoire, de financer et de coordonner au plus près du terrain l'action de multiples acteurs publics ou privés (gendarmerie, réservistes, protection civile, pompiers, corps médical etc.). Cette menace n'a plus rien d'hypothétique. Nous savons, depuis le 11 septembre 2001 qu'un réseau terroriste qui disposerait de telles armes n'hésiterait certainement pas à les utiliser. Il est d'ailleurs établi que ces réseaux cherchent à se doter d'armes de destruction massive comme l'ont révélé les stocks d'armes chimiques et biologiques, appartenant à Al Qaeda, retrouvées à l'occasion de l'intervention américaine en Afghanistan. On rappellera enfin que des attentats utilisant des armes chimiques (gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995 par la secte Aum) ou biologiques (lettres piégée par le bacille du charbon aux États-unis en septembre 2001) ont déjà eu lieu : de nouvelles attaques, mais à toute autre ampleur, semblent donc malheureusement probables aux Etats-Unis comme en Europe, y compris sur notre sol.

L'élément le plus troublant du 11 septembre est qu'il a révélé l'existence d'un nouveau terrorisme de masse ne se référant guère, voire pas du tout, aux formes connues d'activités terroristes. Le terrorisme « classique », que nombre de démocraties dont la France ont dû subir au cours des dernières décennies, s'apparentait, curieusement, à une forme de « négociation » entre ses adeptes et un gouvernement. Ces actes terroristes là visaient des objectifs spécifiques et servaient à atteindre un objectif tout aussi spécifique, généralement très localisé, et non mondial. Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Turquie, l'ETA (Pays basque et sa liberté en Espagne), l'IRA (Armée républicaine irlandaise) en Irlande du Nord ou encore mouvements séparatistes corses, en France : Tous ces groupes poursuivaient (ou poursuivent encore) des buts politiques précis, généralement liés à l'obtention d'un statut d'autonomie ou d'indépendance au bénéfice d'un territoire ou d'une communauté ethnique. En règle générale, leurs attaques sont dirigées contre les institutions du gouvernement qu'ils espèrent contraindre à accepter leurs revendications et ils cherchent souvent à intimider plutôt qu'à détruire. Par contraste, Al Qaeda et la nébuleuse globale et très décentralisée qu'elle contrôle n'ont d'autre objectif que de mener une guerre planétaire contre la civilisation occidentale - incarnée par les États-Unis et leurs alliés -, , mais aussi contre les régimes arabes ou musulmans « modérés » qui, selon Al Qaeda, ne se conforment pas aux préceptes de la charia.

Paradoxalement, le triomphe absolu de notre technologie militaire lors de la Guerre du golfe, il y a dix ans, les campagnes menées dans les Balkans durant les années 90 jusqu'aux opérations antiterroristes d'Afghanistan ont démontré qu'un ennemi ne pouvait désormais mener contre nous qu'une guerre asymétrique, plus spécialement par le biais du terrorisme, en employant des moyens non conventionnels contre nos centres de commandement et nos populations. L'une des grandes ironies de l'époque est peut-être que l'efficacité même de nos ressources techniques a engendré une forme de conflit à laquelle nous n'étions pas préparés. Au final, cependant, l'éventuelle conjugaison d'un hyperterrorisme islamiste et d'une prolifération des ADM est potentiellement mortelle pour nos sociétés et pour la paix mondiale.

La réalité de ce nouveau contexte stratégique dominé par la guerre contre le terrorisme ne se limite cependant pas aux seules menaces asymétriques. L'après guerre froide voit en effet persister le risque d'affrontements interétatiques, y compris nucléaires, certes loin de nos frontières, mais pouvant entraîner d'immenses secousses planétaires. Nous avons montré que le désarmement qui a suivi la fin de la guerre froide ne concernait pas l'ensemble de la planète : depuis 1989, les budgets militaires se sont envolés dans l'ensemble de l'Asie. L'Inde et le Pakistan - deux pays en guerre larvée permanente - ont procédé à des essais nucléaires, la Chine continue à accroître son potentiel dans ce domaine... Pour la France, il en résulte que la dissuasion nucléaire doit être consolidée face aux Etats proliférants et nucléaires ; mais cette dissuasion n'est plus suffisante en soi. Elle doit désormais s'accompagner d'un effort soutenu dans le domaine conventionnel et du renseignement pour prévenir et combattre des organisations terroristes aux ramifications tentaculaires, ainsi que d'un effort nouveau en matière de protection du territoire (sécurité des approches maritimes, des frontières, des infrastructures civiles et militaires). Une posture, on le voit, infiniment plus complexe, plus coûteuse aussi, qu'au temps de la guerre froide à l'image d'un monde paradoxalement plus dangereux depuis la disparition de la menace soviétique.

Dans un tel contexte, la démagogie ne devrait pas être de mise. Il ne s'agit pas d'opposer l'effort indispensable pour la défense de notre peuple à d'autres priorités certes respectables comme la santé ou l'éducation mais d'assurer notre survie face à des ennemis déterminés. L'effort à faire pour notre défense ne résulte donc pas d'un choix idéologique mais d'un impératif absolu.

Au demeurant, les premières de ces transformations radicales du contexte stratégique ont été rapidement appréhendées par la littérature stratégique, mais également par les états-majors et par les responsables politiques de la défense. Dès 1994, le Livre blanc français sur la défense dressait un tableau assez fin, et parfois précurseur dans l'analyse, des nouvelles menaces. Cohabitation oblige, il n'en tirait pas les conséquences en ce qui concerne le format et le type d'armée apte à y répondre efficacement - ce qui allait être fait deux ans plus tard, en 1996, par la décision du nouveau Président de la République Jacques Chirac, de passer d'une armée de conscription à une armée professionnelle.

Malgré cette prise de conscience, la poursuite de la baisse des dépenses militaires en France, comme dans la plupart des nations européennes au cours de la deuxième moitié des années 90, traduit un aveuglement plus que regrettable, alors même que la situation internationale ne cessait de s'aggraver. Ainsi, alors que depuis la chute du mur de Berlin, le budget de la défense est passé en France de 3 % à 1,9 % du PIB, alors même que le besoin de disposer d'un appareil de défense modernisé se fait sentir plus que jamais. Au lendemain du choc du 11 septembre et de l'intervention alliée en Afghanistan, l'érosion constante de nos crédits de défense n'est simplement plus tenable.

Mais si l'apparition de menaces nouvelles exige un sursaut, celui-ci est également nécessaire pour répondre aux ambitions diplomatiques légitimes de notre pays tout autant que pour construire l'Europe de la défense.

2) Défense, diplomatie et intérêts vitaux

Il n'est pas de politique étrangère sans un socle robuste au plan militaire. Une évidence que le Roi Frédéric II de Prusse résumait dans une formule célèbre : « une diplomatie sans armée est une musique sans instrument ».

La France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, qui revendique des ambitions mondiales ne peut tenir son rang qu'à condition de disposer de moyens militaires adéquats. Il ne sert à rien de critiquer les Etats-Unis si l'on ne se donne pas les moyens de pouvoir agir efficacement dans les affaires du monde.

Au-delà, la France doit en outre assurer en permanence la défense de ses intérêts vitaux :

_ la protection de son territoire. Depuis longtemps déjà, la France sait que son territoire est vulnérable ; même si la protection de son territoire s'envisage de plus en plus au niveau européen (renseignement ; frappes extérieures ; sécurité des frontières), elle a un devoir de protection qui ne peut, comme actuellement, rester théorique et rhétorique ; ce territoire ne saurait se résumer à la seule métropole : il englobe les DOM-TOM et son domaine maritime, le second au monde ;

_ La sécurité de ses communications. Depuis l'entrée en vigueur de la convention de Montego Bay, la France contrôle 11 millions de km² d'espaces maritimes, qui lui donnent un accès unique à tous les océans du globe. Cet espace maritime est une extraordinaire bouffée d'oxygène pour la France : bon an, mal an, la France est le 4ème exportateur et importateur mondial en valeur de marchandises ; son commerce extérieur dépasse les 450 milliards d'euros, soit 450 millions de tonnes de marchandises ; plus des 2/3 de ce tonnage sont acheminés par voie maritime. Cet espace est vital pour nombre de secteurs de l'économie française : construction navale, pêche, recherche. Pour la défense, et surtout pour la Marine Nationale, ce domaine représente un défi permanent qu'il convient de relever avec les moyens adéquats. La sécurité des abords maritimes (5500 km de côtes en métropole ; 1500 en outre-mer), des détroits et grandes voies de communication (dans le Golfe, en Asie du Sud-Est) des échanges maritimes, de l'économie (la mer fait vivre 390 000 personnes) nécessite une présence forte des bâtiments de la Marine. L'attentat contre le pétrolier Limburg peut se reproduire n'importe où, y compris sur notre domaine maritime propre ;

_ La population française. Avec plus d'un million et demi d'expatriés et de détachés au 1er janvier 2002 dans le monde, la France a une obligation d'assurer la sécurité des ressortissants français même sur le sol étranger. Les récents évènements survenus en Côte d'Ivoire l'ont encore tout récemment démontré.

3) Défense de la France et défense européenne

Rénover l'outil de défense de la France est également une nécessité pour la construction d'une défense européenne.

Inscrite dans le Traité de Maaastricht en 1992, la politique européenne et de sécurité commune (PESC) n'a réellement pris une dimension militaire qu'à partir de 1998. L'impulsion donnée à Saint-Malo par le président de la République Jacques Chirac et le premier ministre britannique Tony Blair a permis la mise en place progressive de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), fondée sur la nécessité d'une « capacité d'action autonome reposant sur des forces militaires crédibles et les moyens de décider leur emploi »3.

Au Conseil européen de Cologne (juin 1999), les Quinze endossent la démarche franco-britannique en affirmant que l'Union doit jouer « tout son rôle sur la scène internationale » et décident de mettre en place les institutions nécessaires à l'évaluation des situations de crise - le Comité politique et de sécurité (COPS), le Comité militaire de l'UE (CMUE) et l'état major militaire de l'UE (EMUE), qui ont été rendus permanents au Conseil européen de Nice en décembre 2000. A Helsinki, en décembre 1999, les Européens s'engagent sur l'objectif capacitaire permettant de répondre aux missions dites de Petersberg4 : être en mesure de déployer d'ici 2003 jusqu'à 60 000 soldats, dans un délai de 60 jours et pendant un an. Cependant, il n'y a pas eu, parallèlement à cet effort sur les structures, de véritables initiatives concrètes et compréhensibles pour les citoyens dans le domaine opérationnel. Pire, l'Europe a été tout à fait absente en tant que telle dans les récentes crises, et tout particulièrement en Afghanistan, en dépit de la reconnaissance au sommet de Laeken, en décembre 2001, du caractère « opérationnel » de la PESD. On peut d'ailleurs émettre des doutes sur sa réalité en observant les difficultés qu'a l'Union européenne à assurer la relève de l'OTAN en Macédoine, pour ce qui n'est qu'une simple opération de police.

A la vérité, malgré certains progrès institutionnels et moult déclarations d'intention, l'Europe de la défense traverse une crise.

_ Sur le plan des capacités tout d'abord. Ni dans le domaine spatial, ni du renseignement, ni de la projection stratégique, elle ne dispose d'outils crédibles. L'exemple du programme A400M - atermoiements allemands ; refus italien de participer, abandon du programme par le Portugal ; menaces anglaises répétées d'acheter américain - montre à quel point la coopération européenne peine à avancer, menaçant des programmes vitaux pour sa crédibilité et son fonctionnement.

_ Sur le plan budgétaire ensuite. La perspective mythique d'une Europe de la défense apparaît bien trop souvent comme un alibi au relâchement des efforts nationaux en matière de défense. Pourtant, dans le domaine de la défense plus que dans tout autre, une identité européenne ne peut se construire que sur des bases nationales solides qui constituent tout autant d'apports concrets à la « corbeille » militaire commune. Ainsi, les lacunes capacitaires de l'Europe ne pourront être comblées que par un effort d'équipement militaire fourni par les Etats membres, même si celui-ci doit être coordonné. Dans la réalité cependant, une très nette majorité d'Etats ne veut pas s'engager dans cette voie et investir dans la défense. L'Allemagne est engagée depuis plus de dix ans dans la voie d'une réduction régulière de son budget de défense. La situation économique de l'Allemagne (dérive des déficits publics ; coût des inondations ; augmentation du chômage) met sous pression à nouveau le budget de la Bundeswehr (24,3 milliards d'euros) et il est question désormais de le ponctionner de 145 millions d'euros dès 2003. L'Italie, après une hausse de son budget, devrait suivre la même tendance, passant de 1,5% du PIB à 1,48%, avec une chute de 7% des crédits d'équipement. Le reste des budgets européens, à l'exception de la Grèce et de la Turquie pour les raisons que l'on sait, épouse la même tendance.

Il est donc absolument nécessaire pour maintenir l'espoir d'une Europe de la défense que les deux Etats qui fournissent à eux seuls la moitié de l'effort budgétaire (France et Royaume-Uni) continuent dans la même voie.

_ Sur le plan industriel enfin. Il n'y aura pas d'Europe de la défense qui ne puisse s'appuyer sur une base industrielle et technologique forte et autonome. Or que constate-t-on ? Sans coup férir et en l'espace de trois ans seulement, l'essentiel de l'industrie d'armement européenne vient de tomber dans l'escarcelle américaine. Le dernier acte, la participation des pays européens au projet américain d'avion de combat Joint Strike Fighter, vient de s'achever au plus grand bénéfice des Etats-Unis. Avec le recul, il est possible de discerner trois grands procédés utilisés par l'industrie américaine :

1. le rachat de sociétés européennes

Secteur/pays

Contrôle de

Par

Allemagne

De 100% d'HDW

One Equity Partners, filiale de la bank one. Northrop Grumann s'est vu offrir 20% d'HDW à terme.

Terrestre/Suède

Bofors Weapon Systems

United Defence, filiale de Carlyle,

Terrestre/Espagne

Santa Barbara

General Dynamics

Terrestre/Suisse

Mowag

General Motors

Terrestre/Autriche

Steyr Daimler Puch

General Dynamics

2. la joint-venture

Aéronautique (propulsion, matériaux composites, munitions...)

ATK

Rheinmetall

ERS (missiles)

Lockheed-Martin

Diehl

Terrestre

Boeing

Krauss Maffei Wagman

3. la coopération sur des programmes, tuant d'un coup les marchés à l'exportation et les futurs systèmes de combat nationaux.

Hélicoptère (US 101)

Lockheed-Martin

AgustaWestland

Avion de combat (JSF)

Lockheed-Martin/DoD

Royaume-Uni

Italie

Danemark

Norvège

Pays-Bas

Australie

Turquie

Canada

Cette moisson impressionnante ne fait que dessiner la géopolitique de certains pays, connue dans d'autres secteurs (les orientations diplomatiques, les échanges économiques, les alliances internationales...), en Europe (Royaume-Uni, Pays-Bas, Italie, Norvège, Danemark) et dans le monde (Canada, Turquie, Israël, Australie).

Dans ce contexte, le JSF mérite à lui seul un développement particulier, car il préfigure la fin de l'un des domaines d'excellence de l'Europe, celui des avions de combat : après le Royaume-Uni l'année dernière, le Danemark cet hiver, les Pays-Bas début juin, la Norvège et l'Italie se sont engagés dans la deuxième phase du JSF, les 20 et 24 juin derniers. Cela sans compter les pays non-européens, mais qui restent des partenaires de premier ordre au regard de leurs capacités industrielles, tels le Canada, déjà signataire, ou l'Australie qui vient d'en faire le choix, imitée le 11 juillet dernier par la Turquie. On attend aussi dans le même sens la décision d'Israël et de Singapour.

Il s'agit de la phase de développement et de démonstration du système (System Development and Demonstration) qui prend la suite de la phase de validation du concept, achevée l'année dernière. Cette phase - qui doit prendre fin vers 2012 - est l'ultime étape avant la production en série des premiers appareils.

En faisant ainsi « mettre au pot » ces pays, les Américains sont inexorablement sur le point d'atteindre un triple objectif :

1) Assurer la pérennité de leurs propres programmes d'armements majeurs grâce à des financements étrangers : A l'origine les trois forces aériennes américaines (USAF, USN et USMC)5 devaient commander suffisamment d'appareils dans ses trois versions différentes pour en assurer la cohérence budgétaire et la pérennité. Or cet appareil ne fait pas l'unanimité. L'USAF ne l'a accepté qu'à contre c_ur et l'USN et l'USMC doivent faire face à la nécessaire rationalisation de leurs capacités aériennes parfois redondantes. Aussi la cible d'appareils commandés n'a-t-elle cessé de diminuer, augmentant d'autant plus le coût d'acquisition, lequel dérape par ailleurs du seul fait de son développement. Ainsi, ce programme est-il actuellement estimé à 226,4 milliards de dollars, alors que son coût était évalué à 177 milliards il y a quelque temps encore.

2) Monopoliser le marché des avions d'armes : Avec le F-35 JSF, les Américains veulent en fait rééditer le « coup » du F-16, à savoir s'emparer d'un nombre maximum de marchés à l'exportation. En Europe, il s'agit de jouer sur l'argument de l'interopérabilité : selon Washington, utiliser le même appareil est le seul moyen d'assurer l'interopérabilité entre alliés. Le choix du F-35 impliquerait ainsi d'imposer de nouveaux standards et l'acquisition de systèmes d'armes fournis par les américains.

3) Annihiler à tout jamais les capacités industrielles européennes : Si la participation à la première phase du JSF n'engageait pas nécessairement l'avenir, en revanche la participation à la phase de SDD a un tout autre impact. En effet, les sommes mises en jeu deviennent réellement conséquentes pour cette seule étape : 2 milliards de dollars pour le Royaume-Uni, 1 milliard pour l'Italie, ou 800 millions pour les Pays-Bas (150 millions pour les autres partenaires de niveau III). A ce titre, les hésitations des gouvernements, ainsi que les débats parlementaires tels que l'on a pu les suivre (notamment aux Pays-Bas) ont démontré que, cette fois-ci, il s'agissait d'un choix stratégique lourd de conséquences. Et, même si, en théorie, l'engagement dans la phase II n'oblige en rien les gouvernements à acquérir le JSF, il est peu probable qu'ils se payent par la suite le luxe d'en faire un investissement à perte au regard de l'exiguïté des budgets de Défense. En résumé, pour les Européens, s'embarquer dans un programme d'une telle envergure signifie que l'on fait une croix sur le prochain avion de combat européen, celui qui devra succéder à l'Eurofighter, au Rafale, et dans une moindre mesure au Gripen suédois.

Or aujourd'hui les Français et les Britanniques sont capables de conduire de bout en bout le développement et la production d'un avion d'arme. Les Français risquent donc de se trouver sans le moindre partenaire européen, ce qui condamnerait les chances de nos industries.

Ainsi, les aléas de l'A400-M, du missile Météor, les difficultés persistantes de l'Eurofighter, l'abandon britannique de la coopération sur les frégates Horizon, montrent que l'Europe n'a pas su trouver le moyen de gérer efficacement des programmes communs. A ces difficultés industrielles s'ajoutent les restrictions budgétaires de nos partenaires (Allemagne, Italie, principalement), qui laissent planer soit sur le programme lui-même, soit sur le volume de commandes une incertitude difficilement maîtrisable pour les industriels.

Lacunes de capacités, régressions budgétaires, perte de compétences industrielles : pour faire face à ces trois grands défis, l'Europe a besoin d'une relance forte qui passera inévitablement par une réactivation de l'axe Paris - Londres, d'une part, et par le resserrement du couple franco-allemand, d'autre part. De ce point de vue, le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 a grand mérite de permettre à la France de reprendre sa place dans la dynamique indispensable de l'Europe.

B - L'appareil de défense de la France : un constat préoccupant

1) 1997-2002 : une loi de programmation militaire mutilée

Au cours des dernières années, la France a mené, avec la professionnalisation de son armée, l'une des réformes les plus audacieuses de son histoire militaire. Il faut d'ailleurs rendre un hommage appuyé à l'ensemble des personnels concernés qui ont fait preuve de qualités d'adaptation remarquables. Cet effort est d'autant plus méritoire que la réforme a été mise en _uvre dans un contexte de désarmement budgétaire sans précédent. La loi de programmation militaire 1997/2002 devait être le cadre, minimal, permettant le succès de la professionnalisation : plus qu'aucune autre, son exécution à 100 % était indispensable. Pourtant, les objectifs fixés par la loi pour l'investissement ont été systématiquement revus à la baisse, alors même que la France connaissait des années de forte croissance. Entre les objectifs fixés et la réalisation, l'écart fut immense pour nos armées en raison d'artifices financiers et comptables, que l'on peut résumer par l'expression de « syndrome de l'escalier ».

La première « encoche » survint dès le vote de la loi. Dès 1998, sans doute déjà conscient du coût exorbitant des réformes sociales qu'il avait engagées, le Gouvernement socialiste de Lionel Jospin commença par revoir à la baisse les objectifs de la loi de programmation militaire par la une baisse générale des crédits pudiquement appelée « revue des programmes ». Ainsi, l'annuité moyenne pour les dépenses d'équipement fut fixée à 13,6 milliards d'euros au lieu de 14,17 milliards d'euros6, soit un objectif en retrait de 4 %. Parmi les programmes abandonnés, on citera, dans le domaine du renseignement, le projet de satellite radar HORUS ou la renonciation de la commande d'un troisième radar HELIOS 2. La « revue des programmes » a également entraîné le désarmement anticipé du porte-avion Foch en 2000, condamnant du même coup l'objectif de permanence à la mer du groupe aéronaval.

En outre, les lois de finances annuelles au cours de cette période ne respectèrent ni les objectifs de la loi de programmation militaire, ni même ceux de la « revue des programmes ». Le taux de couverture par les lois de finances 1997 à 2002 chuta ainsi à 95,3 % par rapport à la revue des programmes, et à 92,37 % par rapport à la LPM initiale.

Dans le même temps, le périmètre des lois de finances votées au fil des années s'éloignait de plus en plus de celui de la loi de programmation militaire, au moyen notamment d'un artifice comptable connu des experts sous le nom de « bourrages d'enveloppes ». Ce procédé visait à faire financer sur le budget d'investissement du ministère de la défense des dépenses qui avaient été exclues par la loi de programmation militaire, à savoir notamment les sommes allouées au budget civil de recherche et de développement et celles versées à la Polynésie française à la suite de l'arrêt des essais nucléaires. Au total ces sommes se montent sur la période 1997-2002 à quelque 1,323 milliard d'euros. Ainsi, les crédits d'équipement votés correspondant au champ de la programmation militaire se sont donc élevés à 77,41 milliards d'euros, ce qui représente 90,4 % de l'objectif de départ.

Mais il y a plus ! Bien que très en retrait de l'objectif de départ, les crédits votés en loi de finances ont pourtant connu un taux d'exécution très médiocre, la défense ayant été une victime répétée des régulations budgétaires nécessaires pour que les nombreuses dépenses nouvelles engagées par le Gouvernement Jospin (35 heures, Emplois-jeunes, couverture maladie universelle...) ne fassent par trop déraper les déficits. Ce phénomène a été particulièrement néfaste pour les dépenses d'équipement, le ministère de la défense ayant été obligé de procéder à des redéploiements du titre V vers le titre III afin d'assurer le fonctionnement courant des armées, particulièrement coûteux en période de professionnalisation. Au total, les dépenses exécutées sur les exercices 1997 à 2001 ne se sont élevées qu'à 61,13 milliards d'euros, soit une moyenne annuelle de 12,22 milliards d'euros contre un objectif de 14,27 milliards, soit un taux de réalisation de 85,6 %.

Or, ce niveau déjà faible n'a pas entièrement servi à financer des équipements militaires puisque ces crédits ont aussi été utilisés - il est vrai que la loi de programmation militaire le prévoyait - à financer des mesures de restructuration de l'industrie de défense : entre 1997 et 2002, 815 millions d'euros ont été destinées à ce type de dépenses (financement du Fonds pour les restructurations de la défense et du Fonds d'adaptation industrielle).

Last but not least. La faiblesse des crédits d'équipement fut d'autant plus pénalisante que, durant cette période, jamais l'armée française n'a été tant mobilisée pour des opérations extérieures (OPEX) parfois lointaines qui augmentent les besoins (transport, armement moderne pour la frappe dans la profondeur et la projection...) et réduit la durée de vie et la disponibilité des matériels qui sont davantage utilisés. Malgré le caractère récurrent et répétitif de ce type d'engagements, phénomène qui va hélas très probablement se poursuivre dans les prochaines années, le financement de ces opérations n'a jamais été prévu en loi de finances initiale, mais seulement en loi de finances rectificative. Ce défaut de financement pèse sur le budget d'investissement de deux façons :

- les surcoûts OPEX sont en pratique traditionnellement financés par transfert de crédits non dépensés du titre V ;

- de surcroît, les dépenses d'investissement rendues nécessaires par ces opérations ont très rarement été financées en loi de finances.

Enfin, si les enveloppes budgétaires prévues pour le titre III ont été globalement respectées, les crédits de personnel d'un côté, les crédits de fonctionnement courant et d'entretien programmé des matériels de l'autre, ont connu des évolutions opposées : les premiers ont fortement augmenté (+ 17 %) dans le contexte de la professionnalisation, au détriment des seconds.

Entre réductions de programmes, annulations en cours d'exercice, bourrages d'enveloppes et surcoûts des OPEX, nos armées ont, sur les six années de la précédente programmation, perdu une annuité entière d'équipements. Alors que les années 1997 à 2002 devaient constituer le premier pas vers la mise en place du modèle d'armée 2015, c'est-à-dire une armée moderne, adaptée aux menaces du monde d'aujourd'hui, facilement projetable, c'est à un véritable désarmement budgétaire qu'il nous a été donné d'assister pendant cette période... Bien que les fondements de ce modèle soient plus que jamais d'actualité dans le monde de l'après 11 septembre, les armées françaises rencontrent désormais les plus grandes difficultés à remplir correctement leurs missions.

2) Au bord de la rupture...

a) Le problème de la disponibilité des matériels

Conséquence majeure de l'érosion des crédits de défense : les moyens militaires de la France sont aujourd'hui dégradés du fait de l'insuffisant entretien des matériels qui obère la disponibilité de nombreuses unités de combat.

L'ampleur de ce phénomène était déjà perceptible avant l'alternance de 2002 dans les propos tenus par les responsables militaires eux-mêmes devant les commissions parlementaires compétentes. Il explique d'ailleurs en partie le phénomène de démoralisation d'une partie des effectifs. Depuis l'alternance, un rapport récent de notre collègue Gilbert Meyer présenté le 23 octobre dernier devant la Commission de la défense7 dresse un constat sévère mais juste. Il indique que la disponibilité des matériels se situe globalement autour de 60 %. Il donne par ailleurs des exemples aussi précis qu'inquiétants, par exemple pour les chars AMX 30 B2, dont la disponibilité est passée de 78 % en 1997 à 68 % en 2002, ou pour les hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT), qui ne sont plus disponibles qu'à 47 % pour les Gazelle, 60 % pour les Cougar et 67 % pour les Puma. Lorsque l'on connaît l'importance des capacités aéroportées dans les missions de projection, on ne peut que s'inquiéter de tels chiffres, de même que de ceux concernant les transports de chalands de débarquement, indispensables pour la projection de troupes (de 85,1 % à 54,3 % au cours des cinq dernières années). La disponibilité des frégates anti-sous-marines a diminué de 74,1 % à 51,9 %, quant aux sous-marins nucléaires d'attaque, seuls deux (sur six) sont en permanence à la mer. L'armée de l'air connaît des problèmes équivalents, avec des taux de disponibilité autour de 55 % tant pour les avions de combat que pour les avions de transport.

A l'état dégradé des matériels s'est ajouté le sous entraînement de nos forces, dont les normes d'activité sont très inférieures aux normes OTAN. Le nombre de jours de mer par bâtiment de la marine était en 2001 de 85 jours, contre encore 107 en 1993 et 150 dans la Royal Navy. Quant à l'armée de terre, le nombre de journées passées sur le terrain a connu un recul massif de 100 jours en 1995 à 68 en 2000 et 75 en 2001. Quant à l'armée de l'air, même si le ministère de la défense considère que les pilotes de chasse effectuent un nombre d'heures satisfaisant, l'aviation de combat accusait en 2001 un retard de 1843 heures par rapport à l'activité théorique.

b) Des lacunes capacitaires criantes

Ainsi, la dégradation persistante des matériels des armées vient accentuer la baisse de son efficacité, déjà obérée par ses lacunes capacitaires dans les domaines les plus stratégiques identifiés comme indispensables pour la conduite d'opérations de projection notamment :

- c'est notamment le cas dans le secteur névralgique de l'espace et des communications (le « C3R », pour communication, commandement, conduite et renseignement) : les opérations en Afghanistan, après les leçons de la guerre du Golfe et du Kosovo, ont mis en lumière la nécessité vitale de disposer de moyens d'appréciation autonome des crises, mais aussi les lacunes françaises et européennes dans un domaine totalement dominé par les Etats-Unis. Le fossé avec ces derniers s'est d'ailleurs encore creusé depuis 1997 : l'objectif pour les satellites de communications spatiales de nouvelle génération (Syracuse III) était de deux ou trois satellites : un seul a été commandé et il ne sera disponible qu'en 2004. Pour les satellites d'observation stratégique (Hélios 2), l'objectif de trois satellites a été réduit à deux, le premier lancement n'intervenant qu'en 2004. Quant au projet de radar franco-allemand Horus, il a été purement et simplement abandonné. Pour François Heisbourg : « en matière d'utilisation de l'espace, la France vit aujourd'hui sur la base des décisions prises dans les années 1980, autrement dit bien avant que ne soit fixée la priorité donnée à la projection des forces »8 Dans le domaine de l'espace comme dans d'autres, nous avons en effet au moins une guerre de retard.

- projection et mobilité : là encore, l'Afghanistan a été le révélateur d'une situation bien connue depuis la Guerre du Golfe. L'état de notre infrastructure de projection aérienne est dramatique : nous ne pouvons satisfaire que 40 % de nos besoins en moyens aériens stratégiques, dans des Transalls vieillissants qui offrent des conditions de sécurité parfois problématiques. De plus les 46 Transalls de première génération lancés en 1967, soit plus de la moitié de nos avions de transport, vont être retirés du service à partir de 2005. Quant à nos capacités de transport maritime stratégique (moyens amphibies), celles-ci ne peuvent répondre qu'à 15 ou 20 % des besoins. Enfin, la très faible disponibilité de notre flotte d'hélicoptères, que nous avons déjà mentionnée, est un handicap certain à l'efficacité de notre capacité de transport aéromobile de théâtre.

- frappe dans la profondeur : toutes les opérations militaires récentes (Golfe, Kosovo, Afghanistan...) ont montré l'importance fondamentale des frappes dans la profondeur sur des objectifs précis, avec un minimum d'effets collatéraux. Cet objectif exige une arme aérienne de très haut niveau ainsi que des outils intelligents (Rafale, missiles de croisière). Or le programme Rafale a pris 10 ans de retard et il n'entrera en vitesse de croisière que dans les années 2006/2007 : autant dire que jusque là notre porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle ne pourra pas être utilisé à 100 % de ses possibilités. Sur ce plan au demeurant, l'existence d'un seul porte-avions empêche la permanence du groupe aéronaval à la mer, du fait des indisponibilités périodiques pour entretien et réparation du porte-avions. Par ailleurs, compte tenu du retard pris dans la construction des frégates anti-aériennes, le Charles-de-Gaulle ne peut agir en zone dangereuse qu'avec une couverture anti-aérienne maritime réduite à deux bâtiments.

- maîtrise du milieu terrestre : la restructuration indispensable de nos armées face aux menaces nouvelles (guerre urbaine, rapidité d'intervention, importance des équipements légers...) est là aussi problématique. Nos forces sont mal équipées, il n'est que de voir les retards pris en matière de blindés légers, d'hélicoptères ou d'équipement moderne de l'infanterie.

- la protection du territoire : dans les années récentes, la défense opérationnelle du territoire a été abandonnée, les crédits de protection civile réduits à leur plus simple expression, la réserve demeurant plus un concept théorique qu'une réalité. Ainsi, c'est une France démunie qui a découvert sa vulnérabilité nouvelle avec le 11 septembre, les attaques au bacille du charbon etc. Dans ce domaine, notre retard est important par rapport aux programmes menés, dès avant le 11 septembre, aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni par exemple.

II - LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2003-2008: UNE PREMIÈRE ÉTAPE ESSENTIELLE
SUR LA VOIE DU RATTRAPAGE

Disons le lucidement : les retards accumulés au fil des années 90 sont tels que le rattrapage sera difficile. La première des priorités de la loi de programmation militaire doit donc être d'opérer un retournement de tendance, de mettre fin à notre désarmement budgétaire pour que le fossé qui nous sépare des États-unis, mais aussi du Royaume-Uni, cesse de se creuser. Pour seulement rejoindre le niveau des Britanniques, il faudrait que la France consacre à la défense 2,4 % de son PIB, contre 1,9 % aujourd'hui, soit environ 7,5 milliards d'euros supplémentaires par an. Compte tenu des retards accumulés et du contexte économique et budgétaire, il n'a pas été possible de se fixer une cible aussi ambitieuse. En effet, malgré cinq années de forte croissance, le déficit des administrations publiques est resté quasiment stable : il était de 38 milliards d'euros en 1997 ; il sera de 35,4 milliards d'euros en 2002 (44 milliards d'euros pour le seul budget de l'Etat). Pour autant, il faut garder à l'esprit que c'est seulement en atteignant un objectif ambitieux que la défense pourrait réellement mener à bien, et de front, l'ensemble de ses missions : dissuasion, prévention, protection du territoire - notamment contre des attaques avec des armes de destruction massive - projection...

En attendant, la mise en _uvre de la loi de programmation militaire 2003-2008 sera cependant une première étape dans la voie du rattrapage. Elle permettra de combler certaines des lacunes de notre appareil militaire. A ce titre, elle doit être saluée. Dans un contexte économique difficile, il fallait du courage pour faire de la défense une priorité, pour résister aux critiques irresponsables, aux comparaisons hasardeuses avec d'autres ministères, et ce à un moment où le lien entre la Nation et son armée s'est modifié. Pour le raffermir, il faut pourtant que les citoyens puissent considérer que leur armée répond efficacement aux problèmes nés du nouveau contexte stratégique (prolifération, terrorisme, affrontements ethniques et religieux...), dont ils ont en revanche tout à fait conscience.

A - Un effort financier réel

1) Une enveloppe financière ambitieuse

Le projet de loi de programmation militaire 2003/2008 a fait le choix, contrairement à la programmation 1997/2002, de prévoir uniquement les dépenses d'investissement. Ce choix est pertinent, car on l'a vu, c'est en matière d'équipement que les besoins sont les plus criants.

Une telle programmation pluriannuelle est indispensable car les équipements militaires connaissent des durées de mise en _uvre et de vie très longues.

Ainsi, la programmation militaire 2003/2008 vise à donner à la défense les moyens de disposer d'équipements adaptés à ses missions. Pour cela, elle fixe une annuité moyenne pour ce type de dépenses à 14,64 milliards d'euros (prix 2003), soit environ 1 % de plus que dans la précédente LPM, 6 % de plus que l'objectif révisé de la revue des programmes de 1998, et, surtout 4,6 % de plus chaque année, en francs constants, que celle du projet de loi de programmation militaire présenté par Lionel Jospin le 31 juillet 2001 (objectif de 13,34 milliards d'euros 2000). Compte tenu des retards accumulés, il faut rappeler que l'effort extrêmement important qui sera mis en _uvre ne permettra, dans un premier temps, que de revenir au niveau prévu dans la précédente loi de programmation militaire (en fait, la « cible » prévue en 1998 pour 2002 !).

Outre l'équipement, le projet de loi de programmation militaire comporte également un engagement concernant les effectifs (446 658 en 2008, soit une hausse de 9000 personnes). Alors que le projet présenté par le précédent gouvernement faisait le choix de la stagnation, prévoyant seulement d'hypothétiques « ajustements », celui-ci au contraire met fin à la tendance, ininterrompue depuis la mise en _uvre de la réforme des armées, de la réduction du format des armées.

Cependant, la réalisation effective de cet objectif ne pourra pas seulement être assurée du côté de l'offre : la demande devra suivre. Or, depuis quelques années l'attractivité des carrières militaires s'est détériorée, les armées commençant à connaître des problèmes de recrutement. La mise à niveau des équipements devrait contribuer à revaloriser les métiers militaires. Cela ne suffira pas pour fidéliser les militaires et les spécialistes et attirer les réservistes dont une armée professionnelle a besoin. A cet égard, il faut se féliciter de la présence dans ce projet de loi d'une disposition (article 4) qui crée un Fonds de consolidation de la professionnalisation qui devrait être doté de 572,58 millions d'euros sur la période. Le précédent projet se contentait de renvoyer aux lois de finances annuelles pour la dotation de ce fonds.

De même le rapport annexé au projet de loi envisage la création d'un dispositif de 85,83 millions d'euros afin de mettre en place des mesures augmentant l'attractivité de la réserve.

2) Un impératif : une exécution des objectifs à 100 %

Les objectifs chiffrés des lois de programmation militaire n'ayant pas de portée normative, la question de leur crédibilité n'en a que plus d'importance. Ainsi, pour que l'exercice ait un sens - en l'occurrence celui de faire savoir à nos partenaires européens, à nos alliés, et à nos ennemis, que la France est décidée à assumer militairement ses ambitions - il est impératif que les objectifs fixés ne soient pas considérés a posteriori comme n'ayant eu qu'un simple effet d'affichage. Dans le cas présent, compte tenu de l'urgence, ceci est encore plus nécessaire, d'autant que sous la Vème République, les lois de programmation militaire ont été très rarement respectées.

Pourtant, sur la route qui mène à une exécution à 100 % de l'enveloppe globale du projet de loi sur la période, les embûches seront nombreuses. Il est donc de la responsabilité des parlementaires de tout faire pour « sanctuariser » les crédits d'investissement de la défense :

* La première priorité que nous devons nous fixer est tout simplement de respecter l'engagement politique fort que nous prenons collectivement en adoptant cette loi de programmation. Notre obligation la plus évidente sera en effet de voter des enveloppes annuelles en loi de finances qui respectent scrupuleusement celles indiquées à l'article 2 du projet de loi. C'est d'ailleurs pour cette raison que votre Rapporteur souhaiterait que le chiffre fixé pour 2003, première année de la programmation et pour laquelle l'Assemblée nationale a déjà voté le budget, soit exactement conforme à la réalité. En effet, c'est sur les deux premières annuités que la crédibilité de la loi de programmation militaire sera jugée, puisque l'essentiel de l'augmentation, ou du rattrapage, est prévu sur les budgets 2003 (+11,2 %) et 2004 (6,9 %). Pour 2003, l'objectif a été atteint en loi de finances : Un premier pas essentiel a donc été franchi. Malgré une croissance atone et des déficits publics laissés par le précédent gouvernement, il nous faudra faire preuve chaque année d'un courage politique renouvelé pour ne pas compromettre, une fois encore, la programmation de nos armées.

* Deuxième priorité : éviter les régulations budgétaires par des gels de crédits qui ne sont ainsi pas consommés. Comme nous l'avons montré, les crédits d'équipement sont particulièrement touchés par ce phénomène, leur annulation étant par définition peu visible à court terme puisque ces crédits financent des projets sur plusieurs années. On remarquera d'ailleurs que la régulation, en allongeant la durée des programmes, en renchérit particulièrement le coût : les exemples du char Leclerc et du Rafale sont symptomatiques à cet égard. Outre qu'elle révèle un profond mépris de la loi votée par la représentation nationale, la méthode de régulation utilisée par Bercy est totalement dénuée de vision stratégique et n'est donc pas, à long terme, réellement économe pour les deniers de l'Etat.

A terme, il sera donc nécessaire de mieux responsabiliser les gestionnaires de crédits. L'entrée en vigueur, pour le budget 2006, de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 devrait permettre des progrès dans ce domaine. Dorénavant les crédits ne seront plus votés et affectés par nature de dépenses mais par objectifs9. Cela donnera plus de souplesse pour les gestionnaires, mais cela leur donnera aussi une obligation de résultats, car ceux-ci seront évalués par le Parlement. L'une des principales innovations de la nouvelle procédure budgétaire concerne directement la loi de programmation militaire : alors que le projet de loi prévoit l'évolution des dépenses d'investissement sur six ans, à partir de 2006, la traditionnelle séparation entre dépenses de fonctionnement et d'investissement va perdre une grande partie de son intérêt. En effet, l'ensemble des dépenses de chaque « programme » sera fongible à l'intérieur de l'enveloppe fixée par le Parlement, ce qui signifie que le gestionnaire pourra librement affecter des crédits initialement destinés à l'investissement pour financer des dépenses de fonctionnement, et inversement. Ainsi, à partir de l'exercice 2006, soit au milieu de la période de programmation, nous devrons être particulièrement vigilants afin que les dépenses d'investissement que nous voterons chaque année n'aient pas uniquement un effet d'affichage, car elles pourront, encore plus facilement qu'avant, être « transformées » en dépenses de fonctionnement. Sur ce point, votre Rapporteur soutient l'initiative du Président de la Commission de la Défense et des forces armées, M. Guy Teissier, qui a décidé, en accord avec le Ministre de l'Economie et des Finances, M. Francis Mer, de mettre en place un dispositif de suivi trimestriel de l'exécution du budget. Voilà une initiative qui peut éviter des régulations, alerter la représentation parlementaire et aider le gouvernement à exécuter cette Loi qui est une bonne loi.

* Troisième priorité : renoncer aux bourrages d'enveloppe. Les gouvernements ont trop tendance à inclure dans le périmètre du budget des dépenses qui en étaient exclues par la Loi de Programmation Militaire :

La loi de programmation devra absolument s'affranchir des bourrages d'enveloppe qui gonflent artificiellement le budget, mais ne profitent pas à l'effort de défense stricto sensu. Cela devrait être a priori le cas puisque le périmètre de la LPM « exclut de chaque annuité le fonds de développement de la Polynésie et la recapitalisation des entreprises publiques, en particulier GIAT et DCN ». En revanche, que faut-il comprendre lorsqu'il est dit qu'au-delà de 2003, « la part du budget civil de recherche qui relève de la Défense et les charges afférentes à la restructuration de la Direction des Constructions Navales, à l'exclusion de la recapitalisation, seront évoquées dans le cadre des discussions budgétaires annuelles » ? Le terme « évoquer » paraît bien équivoque ! Certains des amendements proposés par votre Rapporteur vise à préciser le champ de la programmation, afin d'éviter de telles ambiguïtés. Plus que jamais il est absolument nécessaire que les crédits de défense soient entièrement consacrés à la seule défense.

Votre Rapporteur propose donc un certain nombre de mesures qui pourraient permettre une meilleure exécution de la loi de programmation :

1 - les reports de crédits doivent être automatiques et ne plus relever de la direction du budget, mais faire l'objet d'un accord global dès le début de la loi de programmation (article ou rapport annexé), selon le modèle de l'end-year flexibility britannique ;

2 -les crédits reportés ne sauraient être comptabilisés deux fois ;10

3 - le budget de la défense ne doit comprendre que les crédits nécessaires au fonctionnement et à l'équipement des armées : toute autre charge doit être transférée au budget général de l'Etat. Ainsi les crédits dévolus à la Polynésie doivent-ils être portés à la charge du Ministère de l'Outre-Mer et non de la Défense ; de même, les fonds pour les restructurations de la défense (FRED) devraient être imputés au Ministère de l'Industrie et relever de l'aménagement du territoire.

Dans le même esprit, les crédits des OPEX doivent relever du budget général de l'Etat comme c'est le cas au Royaume-Uni (Governement's central reserve) car il s'agit d'un acte qui n'engage pas que la défense, mais bien la Nation dans l'ensemble de sa politique étrangère. En tout état de cause, il est absolument impératif de mettre fin à la pratique, unanimement dénoncée mais toujours poursuivie, qui consiste à financer les OPEX par des crédits votés en loi de finances rectificative : l'un des amendements de votre Rapporteur a pour but d'inviter le gouvernement à le faire.

Il n'est pas inopportun de soulever ici le débat sur la compatibilité d'une politique de défense ambitieuse avec le respect du pacte de stabilité. Sans revenir sur l'utilité de ce Pacte, que d'aucuns qualifient de « stupide », il ne faudrait pas que la nécessaire coordination des politiques budgétaires à l'intérieur de la zone Euro se fasse au détriment de sa sécurité. La baisse de la croissance ne rend pas moins nombreuses les menaces, bien au contraire, et ce serait pousser fort loin l'orthodoxie (jusqu'au suicide ?) que de renoncer à notre Défense pour respecter le pacte de stabilité... En outre, ce raisonnement qui vaut déjà dans l'absolu est encore plus vrai au sein de l'Union européenne où les écarts d'effort budgétaire pour la défense sont considérables : la France dépense pour sa défense, et indirectement pour celle de ses partenaires, 1,9 % de son PIB, ce qui constitue un effort non négligeable par rapport à bon nombre de nos partenaires. A titre de comparaison, ce taux est de 1,14 % du PIB en Allemagne... Il serait ainsi paradoxal, alors que l'on cherche à mettre en place une défense européenne, que les institutions européennes nous obligent à réduire nos dépenses militaires. Il n'est certes pas possible de contraindre nos partenaires à augmenter leurs dépenses militaires, du moins peut-on attendre qu'ils n'obligent pas ceux qui acceptent de fournir un effort d'y renoncer au nom de la « lutte contre l'inflation ». Pour toutes ces raisons, il serait hautement souhaitable que les dépenses d'investissement militaire soient retranchées du périmètre du pacte de stabilité au nom du pacte de sécurité qui doit unir les Européens face aux périls terroristes et à la montée des instabilités.

B - Des programmes prioritaires adaptés aux menaces nouvelles

Nettement plus ambitieux que celui présenté par Lionel Jospin, le projet de loi de programmation militaire cible les programmes les plus prioritaires, compte tenu du contexte stratégique marqué par la guerre contre le terrorisme, la multiplication des crises régionales et la prolifération des armes de destruction massive. Ce nouveau contexte exige des réponses spécifiques que la loi de programmation entreprend d'apporter en organisant notre système de défense autour de quatre axes principaux : la dissuasion, la prévention, la projection et la protection.

1) La dissuasion

La loi de programmation militaire prévoit une dotation annuelle moyenne de 2,825 milliards d'euros pour la dissuasion. Les programmes prioritaires seront maintenus dans ce domaine, notamment la poursuite du programme de simulation et la modernisation des vecteurs. Ainsi, le troisième SNLE NG (sous-marin nucléaire lanceur d'engin de nouvelle génération) sera mis en service en 2004, et le quatrième en 2010. La prolifération nucléaire se traduit en effet par une diversification de la menace qui implique de pouvoir faire face à toute éventualité, et donc de disposer d'un nombre suffisant de SNLE à la mer.

2) La prévention : le rôle du renseignement

Les attentats terroristes, du 11 septembre, de Karachi ou de Bali, de même que le développement de la prolifération des armes de destruction massive montrent le rôle prééminent qu'il faut accorder au renseignement comme moyen de prévention. Par ailleurs, la supériorité américaine dans le domaine des interventions extérieures est révélatrice de l'importance de la maîtrise du renseignement et des communications dans la conduite de la guerre moderne. Cela passe tout d'abord par l'acquisition rapide d'une capacité moderne de communication spatiale des armées, compatible avec les systèmes de l'OTAN, que permet le programme satellitaire SYRACUSE III. Le projet Jospin ne prévoyait que de lancer la première phase du projet pendant la durée de la programmation, alors que le présent projet est fondé sur le lancement des deux premières phases, ce qui permettra d'étendre les débits et l'étendue des zones d'exploitation.

Dans le domaine du renseignement stratégique, il n'a malheureusement pas été possible d'avancer le lancement des satellites Hélios 2 (le premier est prévu pour 2004, le deuxième pour 2008) qui permettront d'accroître sensiblement la précision des images disponibles, y compris de nuit, pour mieux apprécier les situations de crise.

En revanche, un effort supplémentaire par rapport au précédent projet sera consacré au renseignement tactique, notamment par des drones, dont il n'est pas besoin de rappeler le rôle décisif dans la campagne d'Afghanistan. Les drones MALE (moyenne altitude longue endurance) seront adaptés à des missions longues (environ 20 heures) d'observation en permanence du théâtre : les 12 premiers seront livrés à partir de 2009, comme le prévoyait le précédent projet de loi. Par contre, l'objectif est fixé à 16. Par ailleurs, des drones plus opérationnels pour des missions plus courtes, les MCMM (multi-capteurs, multi-missions) seront commandés avec un objectif et un calendrier plus précis que celui figurant dans le projet Jospin.

3) La projection

La vocation mondiale de la France, symbolisée par son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, confère à notre pays des obligations spécifiques. La France doit ainsi être à même d'intervenir à l'extérieur de son territoire :

- pour défendre ses intérêts qui ne se concentrent pas à l'intérieur de ses frontières : les attentats de Karachi contre des agents de DCN ou du Yémen contre le pétrolier Limburg l'ont tragiquement démontré

- pour intervenir dans des crises régionales, notamment dans les zones d'influence traditionnelle (Europe, Afrique...).

La crédibilité d'une capacité de projection repose notamment sur la possession d'un groupe aéronaval, mais aussi sur sa permanence. Quel intérêt y-t-il à être une puissance militaire par intermittence ? Le projet de loi de programmation militaire, contrairement au précédent, a fait le choix, fort heureusement, d'un outil souple, polyvalent et disponible en permanence, qui permettra au pouvoir politique de répondre avec efficacité aux défis du nouveau contexte stratégique.

Pour disposer de façon permanente d'un tel outil, il est indispensable de posséder deux porte-avions, compte tenu des périodes d'indisponibilité, longues et fréquentes dans le cas d'un porte-avions nucléaire (dont les avantages en terme d'autonomie sont par ailleurs importants). L'engagement d'acquérir un deuxième porte-avions est tout à fait justifié, même si la cible choisie, 2015, est lointaine.

Disposer de deux porte-avions n'est cependant pas suffisant si la sécurité du groupe aéronaval n'est pas assurée de façon autonome. L'état actuel de nos sous-marins nucléaires d'attaque et de nos frégates anti-aériennes est à cet égard préoccupant. Il n'est pas certain que les efforts faits dans le projet de loi de programmation (mise en service de frégates Horizon en 2006 et 2008, commande d'une troisième frégate non prévue par le gouvernement Jospin en 2007, deux commandes de SNA Barracuda avec une première livraison en 2012) permettront d'atteindre un degré de protection suffisant du porte-avions dans des délais suffisamment rapprochés.

Une marine moderne se doit aussi de disposer de capacités amphibies significatives. A cet égard, des progrès seront faits par le remplacement des anciens transports de chalands de débarquement (TCD) par deux bâtiments de projection et de commandement livrés en 2005 et 2006, équipements indispensables pour mener des actions amphibies, et par ailleurs beaucoup plus souples et polyvalents que les anciens TCD, avec notamment une capacité de transport d'hélicoptères plus importante.

La projection exige aussi de disposer de capacités de transport aérien stratégique. Déjà très perceptibles lors de la guerre du Golfe il y a dix ans, et plus encore lors de la récente campagne d'Afghanistan, nos lacunes en la matière vont s'accroître à partir du retrait progressif des Transalls dès 2005. L'affrètement de cargos ukrainiens ou russes, comme ce fut le cas en Afghanistan, ne répond pas au besoin de disposer d'une capacité instantanée, suffisante et souple : ainsi les premiers éléments de l'opération Héraclès ont dû être projetés par l'US Air Force ! L'A400M est donc une nécessité : il doit permettre la projection d'une force de réaction immédiate de 1600 hommes avec les véhicules et les hélicoptères associés, à 5000 km en moins de 72 heures sur le théâtre d'opération. La réussite du programme européen d'avion de transport A 400 M est donc impérative, en dépit des vicissitudes que connaît ce projet avec le retrait de l'Italie et du Portugal et les atermoiements de l'Allemagne, dont la participation conditionne celle des Britanniques. Les premières commandes ne devraient ainsi intervenir qu'en 2009, et non en 2008 comme prévu par le projet de loi, et pour un coût qui pourrait être supérieur aux prévisions si l'Allemagne ne commande finalement pas l'ensemble des 73 appareils prévus, du fait de sa situation budgétaire.

Mais, même avec l'A400 M, un « trou capacitaire » est inévitable au cours de cette décennie. Celui-ci ne sera réellement opérationnel en effet qu'après 2015. Sans mesures correctrices, la France devra affronter un trou de 6 ans (2005-2011) minimum dans sa force aérienne de projection.

Un trou que ne comblera pas la rénovation prévue par la LPM des ravitailleurs et l'acquisition de deux avions de transport à très long rayon d'action (probablement des A 330 ou A 340 d'occasion) pour remplacer les deux DC-8, ce que ne prévoyait pas le projet de juillet 2001.

En ce qui concerne la mobilité directement opérationnelle (hélicoptères...), les premiers NH 90 ne seront livrés qu'en 2011, il faudra donc rendre aux appareils existants (Puma, Cougar) toute leur disponibilité, ce que devrait permettre les efforts envisagés pour l'entretien des matériels.

La LPM doit enfin permettre d'accroître notre potentiel de frappe dans la profondeur : en plus des livraisons de Rafale (57 pour l'armée de l'air, 19 pour la marine) et de missiles de croisière (SCALP EG à partir de 2003 pour les Mirages 2000D et 2006 pour les Rafale - à partir de 2011 pour les Naval), ce potentiel de frappe sera augmenté par un armement air-sol modulaire (AASM), livré à partir de 2005.

Dans le domaine des interventions terrestres, qui sont, à l'exception du Kosovo, le complément indispensable des frappes aériennes, la programmation 2003/2006 cherche à prendre en compte les leçons des interventions récentes. Une armée moderne doit en effet être capable de projeter de petites unités légères, polyvalentes et disposant d'un équipement adéquat. Il est donc bienvenu que la nouvelle version du projet de LPM prévoit des mesures spécifiques pour les forces spéciales (livraison de deux hélicoptères Cougar Mk 2 et lancement d'un programme d'amélioration des moyens de transmission) dont l'importance stratégique n'a guère besoin d'être soulignée.

Par ailleurs, le projet de loi adopté en septembre 2002 innove par rapport à celui de 2001 en ce qui concerne l'équipement de l'armée de terre en opération afin qu'il soit mieux adapté au type de menaces auxquelles les soldats sont confrontés. Ainsi des efforts seront faits pour disposer de véhicules mieux adaptés à leurs missions : les VAC (véhicules articulés chenillés) et les VBL (véhicules blindés légers) qui seront commandés accroîtront le potentiel et la protection de l'infanterie française dans des milieux difficiles (terrain et conditions climatiques). De même l'équipement des compagnies d'infanterie en systèmes du combattant Félin concernera les deux tiers des unités (contre un tiers dans le projet Jospin). Or le système Félin offre au fantassin un équipement ultramoderne, léger, doté de moyens de communications modernes et de protection, y compris face à des menaces chimiques et biologiques. Il rend donc possible des actions en milieu hostile et lointain conformément aux objectifs du modèle d'armée 2015.

4) les missions de protection

Les discours sur l'après guerre froide ont peut-être trop insisté sur la disparition des missions défensives des armées. Celles-ci ont évolué mais elles n'ont pas disparu, puisque l'on sait aujourd'hui que la première puissance mondiale peut être touchée sur son sol.

Bien qu'assez timide dans ce domaine, la loi de programmation militaire prévoit une série d'investissements visant à mieux assurer la protection du territoire. Un effort supplémentaire est par exemple consacré au système de défense aérienne de très basse altitude (acquisition de deux Radars Giraffe) afin d'améliorer la couverture radar du territoire, notamment les points les plus sensibles.

Ce système est complété par l'acquisition du système sol-air moyenne portée (SAMP/T) et du début de mise en place d'un système anti-missiles de théâtre.

Enfin, la protection du territoire national passe par une montée en puissance de la réserve opérationnelle. Celle-ci, mise en place par la loi de 1999, a connu des débuts très difficiles et, sans mesures supplémentaires, il ne semble pas que l'objectif fixé pour 2015 d'une réserve de 100 000 personnes pourra être atteint. Au 1er janvier 2002, les volontaires n'étaient ainsi que 24 788. Le projet de loi de programmation se fixe un objectif d'atteindre 82 000 réservistes en 2008 et prévoit un dispositif pour y parvenir, doté de 85,83 millions d'euros sur la période afin d'accroître l'attractivité de la réserve (création d'une prime d'incitation au volontariat, financement d'un dispositif de formation militaire initial).

III - POURSUIVRE LA MODERNISATION DE NOTRE
APPAREIL DE DÉFENSE

Au-delà de la loi de programmation militaire, dont nous avons montré qu'elle était une étape essentielle dans la voie du rattrapage, votre Rapporteur souhaiterait évoquer quelques réflexions sur les réformes encore à poursuivre de notre outil de défense. Si l'aspect financier sera déterminant au cours des prochaines années, la France ne fera pas l'économie d'un débat sur les structures de son appareil de défense, sur l'organisation de la défense du territoire ou sur l'avenir de la dissuasion.

A - Dépenser mieux en repensant les structures d'acquisition des équipements au sein du ministère de la défense

Le projet de loi de programmation prévoit à juste titre une augmentation des dépenses d'investissement. Encore faut-il s'assurer que ces crédits seront mieux dépensés que par le passé : ce qui est en jeu, c'est la modernisation du ministère de la défense et des arsenaux d'Etat.

1) Redonner le pouvoir aux utilisateurs

La première priorité, de ce point de vue, est de faire en sorte que les grands programmes d'équipement soient davantage en adéquation avec les besoins réels des armées. Or, l'organisation du ministère de la défense, qui date des années 1960, n'est pas adaptée à la définition de priorités claires. Il est donc indispensable de retrouver une logique opérationnelle en donnant plus qu'un rôle de coordination au Chef d'état-major des armées, mais en en faisant le pivot du système de défense : le ministre donne les orientations politiques, au Chef d'état-major de traduire celles-ci au niveau opérationnel. Reste que l'organisation actuelle est particulièrement complexe : à côté du Chef d'état-major des armées et des responsables des trois armées et de la gendarmerie, coexistent un Secrétaire général pour l'administration et un Délégué général pour l'armement. Cela signifie que le Chef d'état-major des armées ne dispose pas réellement des outils lui permettant de jouer un rôle d'impulsion. En matière d'armement, cette absence de primauté du Chef d'état-major des armées a des conséquences regrettables, laissant à la DGA la haute main sur les programmes d'armement. Or, sa structure, ses personnels, leur formation, ne permettent pas toujours de tenir compte suffisamment des besoins réels des armées.

A cet égard l'organisation actuelle du ministère de la défense ne permet pas de distinguer clairement ce qui dans la politique de l'armement relève de la stratégie militaire, et ce qui relève de la politique industrielle, voire sociale ou d'aménagement du territoire. Exemple frappant, le GIAT a reçu en dix ans 3,7 milliards d'euros de subventions, ce qui en fait en quelque sorte le principal programme d'armement de la décennie ! Le poids de la DGA fausse donc les critères de notre politique d'armement, on cite à ce propos souvent le cas d'une commande réalisée par la DGA en 1999 de canons de 155 mm Caesar produits par le GIAT dont l'Armée de terre ne voulait pas, mais qui avaient peu de chances de s'imposer à l'exportation s'ils n'équipaient pas les armées françaises ! A côté de cela, nous avons montré les lacunes criantes de notre appareil de défense dans des domaines véritablement stratégiques. Il faut remédier rapidement à ce déficit de vision stratégique qui s'explique par une organisation qui est une juxtaposition de structures aux intérêts parfois divergents.

Ainsi, une réforme du rôle respectif du Chef d'état-major des armées, qui doit devenir le véritable numéro 2 du ministère de la défense, et de la DGA est impérative. Cette transformation est nécessaire pour permettre aux Armées de disposer des moyens leur permettant de mener les opérations voulues par le pouvoir politique.

La modernisation de notre appareil de défense passe aussi par un recours beaucoup plus fréquent à l'externalisation afin de recentrer les effectifs du ministère sur des tâches spécifiquement opérationnelles et de réaliser des économies. Pour ce faire, le ministère de la défense devra établir systématiquement une comparaison entre le coût internalisé de certaines fonctions et celui de son externalisation : la question se pose ensuite de savoir jusqu'où externaliser ? Faut-il aller jusqu'à celle des services de soutien sur la ligne du front, à l'instar des Britanniques, ou, à l'instar des Allemands, procéder par étapes successives ? Voilà, en tout cas, une réflexion qui doit sans tarder s'engager au sein du ministère de la défense sur la base des expériences menées depuis quelques années. Le rapport annexé au projet de loi cite l'externalisation comme l'un des facteurs d'efficacité à développer, souhaitons que cette proclamation au niveau des principes sera suivie par des réalisations concrètes.

2) Dynamiser l'industrie d'armement

Atout technologique et politique important, l'industrie d'armement française est à une étape charnière de son développement.

Votre Rapporteur ne souhaite pas rentrer dans les schémas d'organisation de cette industrie qui, vainement, ont fait couler beaucoup d'encre. Il importe simplement que les intérêts stratégiques de la Nation soient pris en compte prioritairement. Pour le reste, votre Rapporteur se contentera de suggérer certaines réformes audacieuses capables d'aider cette industrie dans son ensemble.

a) Accélérer la mutation des arsenaux

Mieux adaptée aux besoins des armées, la politique de l'armement doit être également moins coûteuse, car s'il faut dépenser plus, il faut également dépenser mieux. Pour cela, l'Etat doit en matière de défense comme dans tous les domaines se concentrer sur ses missions régaliennes, et se désengager des autres secteurs. Ainsi, la réforme de la DGA devra viser à désengager l'Etat de ses fonctions industrielles. Le soutien rituel, via des recapitalisations11 et des commandes de matériel non indispensables ou beaucoup plus chères que le prix du marché, à GIAT ou à DCN est un luxe que le ministère de la défense ne peut plus se permettre. Rappelons que le GIAT emploie encore 7000 personnes, malgré la suppression de 10 000 emplois (pour un coût moyen de 370 000 euros), et la DCN 13 600 personnes. Par ailleurs, ces entreprises (DCN est enfin devenue une société de droit privé en 2002) sont chroniquement déficitaires, de 207 millions d'euros en 2001 pour GIAT, malgré un chiffre d'affaires (802 millions d'euros) en hausse de 42 % !

Il est urgent donc d'accélérer la restructuration de ces deux arsenaux. Si la situation du GIAT paraît compromise faute de programmes nationaux et de débouchés export, la DCN est dans une autre configuration. Il est vital que la Marine nationale et la France, puissance maritime qui revendique le deuxième domaine maritime du monde, disposent d'un outil industriel performant. A cet égard, le changement de statut de la DCN doit lui permettre de conserver les compétences-clés d'assemblier-intégrateur, qu'elle est la seule en Europe, avec BAE systems à posséder. La DCN dispose en outre d'un carnet de commandes fermes représentant près de cinq années d'activités. On peut ainsi citer :

_ Pour la Marine nationale : deux frégates antiaériennes Horizon, deux bâtiments de projection et de commandement (amphibie), et deux SNLE de nouvelle génération ;

_ Pour l'export : achèvement des contrats de sous-marins pour le Chili et le Pakistan et commande de deux sous-marins par la Malaisie.

Giat-Industries attend pour sa part un éventuelle contrat saoudien et le lancement du programme VBCI.

Par ailleurs la DCN vise un plan de retour à l'équilibre pour 2008, soit d'ici 5 ans.

S'agissant des exportations, la DCN vise la conclusion d'un contrat de sous-marins et un de bâtiment de surfaces, lesquels font l'objet de négociations finales et sont donc quasi-certains. Deux autres projets pour chacune des deux catégories sont envisageables après 2006. Mais même s'ils devaient se réaliser, ils n'auront que peu d'influence sur le chiffre d'affaires jusqu'en 2008 et ne porteront leur fruit que pour la période suivante.

En matière de MCO (maintien en condition opérationnelle), la DCN s'est également volontairement basée sur des prévisions au plancher de ce qu'elle doit attendre de la Marine nationale. Ces prévisions ont donc été évaluées à 30 % de l'activité globale de la DCN.

Au final sur la période, ces hypothèses volontairement « pessimistes » débouchent sur un chiffre d'affaires en augmentation de plus de 30 % par rapport à 2002. Encore faut-il qu'une vraie culture d'entreprise apparaisse au sein de ces entreprises pour assurer leur survie sur le long terme...

b) favoriser l'exportation

Votre Rapporteur note avec intérêt que le projet de loi parle pour la première fois de diplomatie de défense. Il y avait en effet urgence à doter le ministère d'une doctrine de diplomatie de défense. La France ne possède pas de programmes régionaux de coopération militaire, contrairement, par exemple au programme outreach britannique.

Le premier volet de cette diplomatie de défense doit concerner la mise en place de programmes de même type sur des zones d'action prioritaires (Golfe, Asie du Sud-Est ; Afrique ; Europe centrale et orientale ; Amérique latine) et des pays (Corée du Sud ; Australie ; Singapour...) qui sont stratégiques pour la France.

Le contenu de ces programmes pourrait être :

- l'assistance des armées étrangères, en particulier celles qui sont en période de transition (Asie centrale ; Europe centrale, baltique, balkanique...) ;

- le jumelage d'unités (cas actuel du 1er Régiment de Hussards Parachutistes avec le 34ème bataillon de reconnaissance hongrois, qui intervient dans le cadre d'un appel d'offres concernant des véhicules terrestres) ;

- l'envoi d'experts civils et militaires pour aider les réformes organiques et administratives des armées membres du programme ;

- l'entraînement commun des forces : françaises dans les pays membres ; étrangères en France12 ;

Le second volet de la réforme proposée tient à une refonte des services chargés de l'exportation. Le dispositif de soutien à l'exportation au sein du Ministère de la défense est insuffisamment coordonné et ne répond plus aux attentes des industriels de la défense obligés de se battre souvent seuls sur le marché des exportations face à l'énorme machine diplomatique américaine. Il est donc urgent de créer une direction du soutien à l'exportation, qui rassemblerait les services suivants :

- des sous-directions régionales chargées de collecter le renseignement commercial et de fournir un point de contact unique aux prospects éventuels ;

- d'un service de conseils financiers afin d'aider les compensations;

- d'un service spécialement consacré aux dossiers de compensation ;

- d'une sous-direction du support militaire interarmées destinée à réaliser en France ou à l'étranger des présentations de matériels pour le compte des industriels de la défense.

Cette direction aurait pour vocation également de préparer un plan stratégique d'exportation, qui définirait des priorités de lobbying et d'actions ciblées à l'exportation compte tenu du renouvellement des parcs étrangers, d'une part, et des demandes des clients, d'autre part.

Troisième et dernier volet de cette réforme : le partenariat privé-Etat. Il s'agit de décloisonner les relations qui existent entre le ministère de la défense et le secteur privé. Qu'il s'agisse d'opérations de renseignement extérieur ou d'actions civilo-militaires (déclenchées lors d'OPEX), les liens en amont avec le secteur privé sont essentiels. Les détachements seraient réciproques (du ministère de la défense vers le privé ; du privé vers le ministère de la défense) et seraient compris entre six mois et deux ans.

c) repenser la coopération européenne en matière d'armement

Dans nombre de domaines, malgré des déclarations d'intention louables, la coopération européenne n'aura finalement apporté que des résultats mitigés :

- échec total sur Syracuse ;

- échec sur le programme de satellite radar Horus ;

- échec partiel sur les frégates Horizon ;

- difficultés persistantes sur l'A400M ;

- difficultés persistantes sur Hélios II et le successeur de Syracuse II ;

- arrêt du financement de la trame anti-char (AC3G-MP et AC3G-LP).

Ces exemples illustrent le fait que la coopération européenne, en l'état actuel de son fonctionnement, entraîne soit des annulations, soit des retards synonymes en la matière de surcoûts, deux conséquences qui ne sont pas supportables pour les armées françaises. Le décalage croissant provoqué entre rendez-vous industriels et rendez-vous opérationnels n'est plus supportable ; nombre des partenaires de la France en ont tiré la conclusion qu'il fallait rompre la coopération européenne13 : L'Allemagne avec le programme Hélios ; l'Italie avec l'A400M ; le Royaume-Uni avec le programme Horizon et peut-être demain avec l'A400M.

Votre Rapporteur estime que la France ne fera pas l'économie d'une réflexion poussée avec ses partenaires sur la coopération européenne (méthodes d'acquisition ; spécifications ; gestion du programme...) au sein de l'OCCAR14 afin de dégager des solutions qui lui permettront d'équiper ses armées sans délai ni surcoût.

d) relancer la recherche de défense

Le c_ur de l'effort de recherche militaire est constitué par des études amont ; or, celles-ci ont servi de variables d'ajustement tout au long de la LPM 1997-2002.

Au moment où les Etats-Unis augmentent leur budget de recherche et développement, votre Rapporteur estime qu'il y a urgence : une grande politique pluriannuelle de la recherche militaire est nécessaire. Votre Rapporteur suggère les priorités suivantes :

- 1er axe : relever les crédits amont à 750 millions d'euros (niveau de 1997) ;

- 2ème axe : mettre en place rapidement une programmation pluriannuelle des études amont ; y inclure des indicateurs précis d'objectifs, qui faciliteront le contrôle des investissements de défense ;

- 3ème axe : favoriser les démonstrateurs technologiques en partenariat, notamment avec les Britanniques dans le domaine aéronautique; la France aurait une vocation naturelle de leader dans le domaine de l'avion de combat (intégration ; commandes de vol...) et du drone.

- 4ème axe : mieux répartir les crédits amont (de la dissuasion vers le renseignement, la capacité anti-balistique, la maîtrise du milieu aéro-maritime et aérospatial, notamment).

La France devrait également innover, en particulier dans le domaine des drones stratégiques et tactiques (UAV/UCAV) : bâtir une doctrine d'emploi ; étudier les coopérations possibles avec les Etats-Unis et lancer des démonstrateurs technologiques.

B - Mieux prendre en compte un contexte stratégique profondément modifié

1) Mieux définir les menaces

Si le projet de loi de programmation militaire est fondé sur une base conceptuelle novatrice, des réflexions approfondies sont encore à poursuivre dans des domaines majeurs, tels que celui de l'évolution de la dissuasion ou celui de la défense du territoire. Certains de nos alliés réfléchissent depuis quelques années déjà sur ces questions et ont commencé à actualiser leur doctrine stratégique. Les Etats-Unis ont mené depuis un an un travail conceptuel important, avec la publication de la Quadriennal posture review, de la Nuclear posture review et de la National security strategy tandis que les Britanniques ont réactualisé la Strategic defense review qui date de 1998.

Avec le 11 septembre, le monde est entré dans une nouvelle ère qui a entraîné des bouleversements géostratégiques majeurs : émergence de « l'hyperterrorisme », rapprochement États-Unis/Russie et dénonciation du traité ABM, interrogations sur le rôle de l'Alliance Atlantique, explosion du budget de défense des États-Unis, modification (certes déjà en germe auparavant) de la doctrine militaire américaine...

Certes, notre Livre blanc sur la défense de 1994 avait bien pris en compte les enseignements issus de fin de la Guerre froide en insistant sur des phénomènes alors seulement émergents comme le développement des crises régionales, la prolifération, le terrorisme, etc. D'un point de vue militaire, il insistait sur la nécessité de transformer notre outil de défense pour permettre la projection de forces. Même s'il restait attaché à la conscription, le Livre blanc préfigurait ainsi le modèle d'armée 2015, pour lequel cette loi de programmation militaire doit être une nouvelle étape. Mais l'évolution rapide du contexte géostratégique plaide pour le lancement d'une réflexion d'ensemble sur l'évolution de notre doctrine de défense.

Il ne serait pas absurde qu'un tel travail conceptuel et doctrinal sur l'état des menaces et les réponses à y apporter soit également, en parallèle, mené dans un cadre européen. L'éventuelle construction d'une défense européenne devrait en effet être assise sur une analyse des buts assignés à la défense. L'intérêt d'un Livre blanc est de permettre d'évaluer l'adéquation d'une organisation de défense à la réalité des menaces, en cela, un Livre blanc européen semble indispensable si l'on veut aller plus loin dans la construction d'une Europe de la défense. La rédaction d'un tel document a été lancée sous présidence belge et confiée à l'Institut de sécurité de l'Union européenne qui doit rendre ses conclusions à la mi-2003. Il faut cependant espérer que ce document ne sera pas trop « tiède », notamment sous la pression des Etats neutralistes.

En tout état de cause, il apparaît indispensable de compléter cette réflexion au niveau européen par un travail au plan national : c'est pourquoi votre Rapporteur vous propose un amendement demandant la réactualisation des analyses du Livre blanc de 1994.

2) Repenser la dissuasion dans un contexte profondément modifié

Pivot de notre structure de forces et de notre doctrine de défense depuis 1958, notre dissuasion se trouve confrontée à des réalités fort complexes qui en modifient la signification tant politique que militaire. Le maintien de cet arsenal absorbe chaque année 20 % des crédits d'investissement militaire, une réflexion dans ce domaine n'est donc pas neutre. Quels sont les principaux éléments de cette équation ?

· Si la Guerre froide a été marquée par l'équilibre - nucléaire - de la terreur, sa fin n'a pas signifié celle de l'ère nucléaire. Quels que soient les progrès et les espoirs investis en matière de désarmement, il n'est pas possible de « désinventer » le nucléaire : le monde entre donc bel et bien dans un « deuxième âge » du nucléaire, comme l'ont montré les essais nucléaires indiens et pakistanais en 1998 ou, plus récemment, l'aveu par la Corée du Nord de la possession d'un arsenal nucléaire, foyer potentiel de prolifération à d'autres Etats ou à des groupes non étatiques. Tout cela valide, au moins autant que le potentiel soviétique hier, la nécessité pour la France de disposer d'un seuil minimum pour dissuader d'éventuelles frappes nucléaires en provenance d'Etats proliférants. Par ailleurs, les crédits alloués à la dissuasion nucléaire ont déjà connu une baisse sensible depuis 1990 (de plus de 50 %) :, aller plus loin remettrait en cause la crédibilité de notre dissuasion, notamment le développement de la simulation et l'objectif de disposer en permanence de deux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins à la mer (ce qui oblige à en posséder quatre).

· Reste que, le 11 septembre l'a amplement démontré, la seule possession d'armes nucléaires, même très modernes, même en très grand nombre, ce qui est le cas des Etats-Unis, n'a pas dissuadé des terroristes de mener des attaques de très grande ampleur contre ce pays. La France, comme les autres puissances nucléaires, ne va donc pas pouvoir échapper à un débat sur l'efficacité et la crédibilité de son arsenal de dissuasion face à de telles entités « sub-nationales ».

· Cette prise de conscience a d'ores et déjà entraîné les Etats-Unis à définir une doctrine de dissuasion radicalement nouvelle. Cette doctrine mêle attaques préemptives, combinaison d'armes conventionnelles et nucléaires, et mise au point d'une défense antimissile : autant d'éléments qui vont à l'inverse des doctrines traditionnelles de dissuasion. Ainsi, l'administration Bush considère que des attaques préventives contre des pays potentiellement dangereux avant qu'ils ne deviennent une menace pour la sécurité des Etats-Unis sont un moyen licite de se prémunir contre des attaques par des armes de destruction massive. Par ailleurs, s'agissant de la doctrine nucléaire proprement dite, le Pentagone a adressé au Congrès, en janvier 2002, son évaluation du dispositif nucléaire (Nuclear Posture Review - NPR), qui énonce les besoins des forces nucléaires des États-Unis. L'idée maîtresse de ce document est que le pays est confronté à des menaces multiples, plutôt qu'à la menace unique du temps de la Guerre froide, et qu'il doit se concentrer sur ses propres capacités au lieu de tenter d'égaler un seul adversaire.

Il est vrai que l'utilisation potentielle d'armes chimiques ou biologiques par un pays ne disposant pas d'un arsenal nucléaire suscite de réelles préoccupations. Tous les Alliés ont renoncé à ces deux types d'armement et sont en train d'en détruire les derniers stocks, de sorte que les systèmes nucléaires sont les seules ADM que conserve l'Alliance. Le Département d'État a donc indiqué que «Si une arme de destruction massive est utilisée contre les États-Unis ou leurs alliés, nous n'exclurons aucun type spécifique de riposte. »

Les attentats terroristes posent un problème encore bien plus complexe pour la dissuasion, comme l'atteste le fait que la première opération de défense collective de l'histoire de l'OTAN ait été mise sur pied en réponse à un attentat de cette nature. Les terroristes en puissance doivent être convaincus qu'une attaque contre un Allié leur vaudrait des représailles massives et, par voie de conséquence, être dissuadés de passer à l'acte. Il s'ensuit que la NPR envisage également la fabrication de petites armes nucléaires capables de traverser le sol pour frapper des objectifs enterrés profondément, telles les grottes utilisées par Al Qaeda. De telles armes pourraient aussi être utilisées contre les installations souterraines dans lesquelles un État ennemi travaillerait à l'élaboration d'ADM. Les opposants à cette idée font valoir que leur développement abaisserait le seuil d'emploi de l'arme nucléaire en rendant celle-ci plus facile à mettre en _uvre ; d'autres avancent qu'en renforçant la crédibilité des menaces américaines contre des objectifs profondément enterrés, ces armes pourraient en fait consolider la dissuasion. La fabrication d'armes nucléaires de ce modèle enfoncerait un nouveau coin entre les États-Unis et les autres Alliés, puisqu'elle abaisserait, comme on l'a dit, le seuil nucléaire (en contravention aux dispositions du TNP et requerrait de nouveaux essais. Enfin, la mise au point de telles armes condamnerait définitivement le traité sur l'interdiction totale des essais (CTBT) que la France a ratifié

Enfin, la nouvelle doctrine américaine de la dissuasion repose sur la protection du territoire contre des attaques balistiques, alors même que la réussite de la doctrine traditionnelle de la dissuasion était conditionnée par la vulnérabilité des puissances nucléaires face à des attaques de ce type. Désormais, le Département d'État fait observer que la défense anti-missiles balistiques « augmente le pouvoir dissuasif des capacités offensives en privant les États voyous de la faculté d'infliger à coup sûr des destructions massives à d'autres nations. En compliquant le calcul des probabilités de succès, la défense anti-missiles renforce le sentiment d'incertitude chez l'agresseur potentiel et le pousse à perdre confiance en lui. »

· Si beaucoup de ces orientations nouvelles posent problème (notamment en matière de désarmement) et s'il n'est évidemment pas question pour la France de reprendre à son compte l'ensemble de la nouvelle doctrine américaine, il ne faudrait pas pour autant refuser, pour des raisons idéologiques, toute réflexion sur l'évolution de notre dissuasion. Le développement d'une capacité de défense anti-missiles de théâtre sera une première étape dans cette voie. Parallèlement des efforts doivent être faits dans les domaines de la surveillance et de l'alerte face à ce type de menaces. Il faut enfin veiller à acquérir une veille scientifique et technique dans le domaine de la défense anti-missiles pour conserver une possibilité de dialogue avec les Etats-Unis et une possibilité de montée en puissance si nécessaire dans une décennie. En effet, le programme Missile defense est une réalité qu'il nous faut bien prendre en compte.

Par ailleurs, une action déterminée pour lutter contre la prolifération des armes de destruction massive est un impératif tant le développement de la prolifération rendra peut-être un jour vitale une défense anti-missiles. Dans ce domaine, il est urgent de passer à la vitesse supérieure en combinant action diplomatique, aides au démantèlement des installations, en ex-Union soviétique notamment, pression économique, voire action militaire.

3) Faire de la défense du territoire une priorité

Dans toute son histoire, la France a été obsédée, à juste titre, par la défense de son territoire. C'est pourquoi, au lendemain de la seconde guerre mondiale, elle a, sous l'impulsion du général de Gaulle, si fortement centré sa doctrine sur la dissuasion : l'atome devenait l'arme absolue contre le risque d'invasion et d'occupation. Le refus d'une invasion était tel que la France indiquait préférer se lancer dans une guerre nucléaire, avant même que l'ennemi n'atteigne le sol français. « Plutôt morts que rouges » donc, l'exact opposé du slogan des pacifistes allemands au début des années 80.

Ainsi, le résultat paradoxal de ce primat accordé à la défense du territoire, via la dissuasion, fût d'entraîner un démantèlement complet de la défense « physique » du territoire. Malgré des forces classiques pléthoriques (grâce à la conscription), la France n'envisageait la défense physique de son territoire qu'à l'avant (c'est-à-dire en Allemagne) par une ultime man_uvre de la première armée, avant l'emploi du feu nucléaire. La fameuse « défense opérationnelle du territoire » était moins une réalité tangible qu'une simple planification en cas de crise. Le contraste était donc saisissant entre cette France atomique, refusant tout combat, et d'autres pays qui, au contraire, organisaient leur défense autour de la protection directe du territoire, comme la Suisse, exemple extrême, mais aussi l'Allemagne.

L'après guerre froide conduit à une situation curieuse : plus aucune menace d'invasion identifiée ne pèse sur la France (ni sur l'Europe), en revanche l'appareil économique, les populations, sont immédiatement visés.

Face au terrorisme, la défense des populations devient donc désormais un impératif indispensable. L'inspection de la défense opérationnelle du territoire (IDOT) estimait en 1999 que la défense opérationnelle du territoire, qui est seulement une planification mise en _uvre en cas de crise, était « improbable dans le contexte actuel »15. Les faits s'étant chargés de tempérer cet optimisme, il est grand temps de totalement repenser la défense du territoire.

Les événements du 11 septembre ont relancé ce débat presque partout, sauf en France. Aux États-unis, une nouvelle agence de rang ministériel, le Office of Homeland Security, a été créée avec un budget de 35,7 milliards de dollars. Son directeur, le gouverneur Tom Ridge, est chargé de coordonner l'ensemble des politiques de lutte contre le terrorisme du gouvernement fédéral menées par 22 agences différentes. Il ne s'agit pas simplement d'un ministère coordonnant la lutte anti-terroriste, il a pour mission également la défense des infrastructures dites vitales (réseaux informatiques, de distribution d'énergie, d'eau...). Le Canada quant à lui a débloqué 7,7 milliards de dollars canadiens sur cinq ans uniquement pour financer des mesures concrètes de protection (mesures de sécurité dans les aéroports, sécurité des infrastructures...).

Votre Rapporteur est convaincu que la France doit elle aussi s'engager dans un processus de « réinvention » de la défense du territoire. Une prise en compte sérieuse des enjeux de défense du territoire exigerait de pouvoir mieux identifier les missions et les moyens accordés à cette mission en créant une structure nationale d'impulsion et de coordination chargée de la défense du territoire, qui concentrerait les moyens destinés à la lutte contre le terrorisme, à la sécurité et à la protection civile.... Actuellement, la coordination dans ces domaines est assurée par le Secrétariat général de la défense nationale (SGDN). Mais pouvons-nous nous contenter d'une simple coordination ? Ne faut-il pas passer à l'étape supplémentaire et disposer d'une structure capable de piloter des actions dans ces domaines, et de mettre en commun les moyens existant (pompiers, protection civile, réservistes...) ? A présent, en tout cas, les dotations budgétaires pour lutter contre les nouvelles formes de terrorisme sont ridiculement basses : les crédits alloués au programme interministériel de lutte contre le terrorisme nucléaire, radiologique, biologique et chimique s'élèveront en 2003 à 4,59 millions d'euros seulement.

Plus qu'une Loi de Programmation Militaire, le cadre juridique, politique et financier le plus approprié serait une loi de programmation de la défense du territoire impliquant les ministères concernés (Santé, défense, Intérieur, Transport, Agriculture...). Dans l'absolu, il serait donc préférable de planifier nos dépenses de sécurité dans trois lois différentes, et de voter les crédits annuellement dans trois « missions » budgétaires différentes à partir de 2006, en fonction de leur nature en distinguant :

- la sécurité intérieure (des biens et des personnes en temps de paix) assurée par les forces de police et de gendarmerie. Leurs crédits doivent être discutés, votés et évalués ensemble, ce qui est sans incidence sur le statut militaire de la Gendarmerie, qui doit être réaffirmé avec force car il est très important pour le maintien du lien Armée-Nation, surtout depuis la fin de la conscription ;

- la défense militaire proprement dite, qui vise à protéger contre des agressions armées et à la sécurité extérieure ;

- la défense du territoire, qui correspond à ce que les Américains désignent sous le nom de Homeland defense, à la charnière de la sécurité intérieure et des missions militaires.

Ainsi, c'est cette dernière dimension qui a été jusqu'ici négligée, l'évolution du contexte géostratégique conduira donc impérativement à intensifier les efforts dans le domaine, vital au sens propre, de la défense du territoire.

CONCLUSION

Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 est un bon projet, il va aussi loin que cela était raisonnablement possible, compte tenu des retards accumulés par notre appareil de défense ces dernières années et du contexte économique actuel.

Au-delà du vote de ce projet, le véritable enjeu est l'exécution des objectifs de la loi. Il appartient aux parlementaires de ne pas arrêter leur travail après l'adoption de la loi, mais au contraire de suivre de très près son application tout au long de la législature. En la matière, le passé doit nous servir de leçon.

Dans un monde de terrorisme de masse, de prolifération et de crises régionales, disposer d'un outil de défense moderne est plus que jamais nécessaire. Il y a là un enjeu vital pour le pays. Pour y parvenir, une étape essentielle sera la remise à niveau budgétaire. Celle-ci devra être complétée par une vraie réflexion sur les enjeux majeurs de l'évolution de la dissuasion et de la protection du territoire.

Votre Rapporteur vous recommande donc de donner un avis favorable à l'adoption du projet de loi de programmation militaire.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 20 novembre 2002.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Paul Quilès a déclaré être attentif aux observations du Rapporteur, même s'il ne partageait pas toujours ses conclusions. Il a fait remarquer que les lois de programmation militaire sous la Vème République n'étaient généralement pas appliquées quel que soit le gouvernement. Il a jugé que la loi de programmation soumise à examen aurait pu être différente, ce qui était aussi le cas du projet de loi préparé par le précédent gouvernement.

Il a estimé que présenter aujourd'hui une loi de programmation pour six ans était un mauvais signe pour l'Europe de la défense qui piétine alors qu'elle est indispensable à l'existence d'une Europe politique.

Il a regretté que la loi de programmation militaire soit fondée sur le Livre blanc de 1994. Il aurait été, en effet, préférable de procéder à une révision de ce livre blanc auparavant, comme l'ont fait les Britanniques avec le Strategic Defense Review de 1998, car en huit ans nombre d'événements majeurs se sont produits.

Il a déclaré récuser la notion de guerre contre le terrorisme car la guerre s'engage contre un adversaire visible, identifié, qui a des revendications. Dans le Livre blanc de 1994 il n'est pas question de guerre contre le terrorisme. Si tel est le cas, il faudrait clairement revoir les priorités.

Evoquant les propos du Rapporteur sur le décalage entre les Etats-Unis et l'Europe, il a considéré que ce phénomène était sous-estimé dans la loi de programmation militaire. Si on tire de ce constat que la France doit être à même de répondre à toutes les menaces, on se lance dans une course poursuite sans espoir.

Les Américains ont proposé récemment de mettre en place une force de l'OTAN de 20 000 hommes dont l'objectif est le partage des tâches : aux Européens les missions de maintien de la paix, aux Américains la mission d'intervention à plus haute intensité militaire. Cette attitude montre une certaine agressivité des Etats-Unis à l'égard de la volonté trop faible des Européens de développer une Europe de la défense.

Il a souhaité un engagement politique plus fort au niveau européen pour élaborer un livre blanc sur la défense. Il a préconisé une réflexion sur des solutions nouvelles comme la répartition des tâches ou la répartition industrielle entre les différents pays européens, ce qui réglera le problème récurrent des programmes réalisés en coopération industrielle qui ne fonctionnent pas. Il a demandé que l'on réfléchisse en profondeur sur le concept de dissuasion qui n'a pas aujourd'hui la même finalité qu'il y a quarante ans et qui représente 3 milliards d'euros par an, soit 22 % des crédits d'équipement.

Il a considéré comme une erreur d'élaborer en ce moment une loi de programmation militaire sur six ans sur des bases aussi anciennes.

M. Pierre Lellouche a répondu que le Livre blanc sur la défense avait analysé et pris en compte de façon très fine la révolution stratégique des années 1990/91 qu'il avait lui-même qualifiée, dans un ouvrage qu'il avait écrit, de « nouveau monde ». Ainsi les quatre grands volets de notre politique de défense (dissuasion, prévention, protection, action-projection) résultent des analyses du Livre blanc. Pour autant, depuis 1994, de nombreux événements d'une portée majeure sont intervenus qui modifient l'équilibre stratégique : on a ainsi appris récemment que le Pakistan et la Corée du Nord avaient procédé à un échange de leurs technologies, nucléaire pour le premier, balistique pour la seconde, ce qui est gravissime.

En ce qui concerne la défense européenne, celle-ci ne doit pas être considérée comme un alibi des inactions nationales. La construction d'une Europe de la défense se bâtira sur la base de programmes nationaux et non à leur place. M. Pierre Lellouche a redit son attachement à la construction de l'Europe de la défense, mais il ne faudrait pas croire qu'elle résoudra tous nos problèmes. D'ailleurs, en matière d'armement, les Etats-Unis, utilisant en quelque sorte la méthode « Airbus », mais tout en gardant la maîtrise de l'architecture des systèmes industriels, imposent aux Européens une spécialisation industrielle de leurs industries d'armement.

Il s'est dit favorable à un débat sur la dissuasion car il est légitime de s'interroger sur des programmes qui utilisent 20 % des crédits d'équipement. De même, il faut poser la question de la mise en place d'une dimension défensive de la dissuasion, seulement en filigrane dans le projet de loi, et surtout ne pas évacuer ce débat pour des raisons idéologiques.

Enfin sur l'utilisation du terme « guerre » pour qualifier le terrorisme, il convient de rappeler que se sont les terroristes eux-mêmes qui ont décidé de nous déclarer la guerre, et non pas le contraire.

M. François Rochebloine s'est interrogé sur la situation du groupe GIAT Industries créé en 1990, et qui n'a pu trouver la stabilité nécessaire pour développer l'image positive que ses productions auraient dû lui apporter. La gestion catastrophique de certains marchés à l'exportation comme ses tentatives de diversification ont contribué à l'affaiblissement du groupe. GIAT Industries est passé du deuxième au sixième rang mondial des entreprises d'armement terrestre. Ce groupe a connu une série de plans de restructuration qui ne lui ont pas permis d'affronter un contexte concurrentiel en évolution dans de bonnes conditions. Un nouveau plan arrive à échéance fin décembre. L'équilibre financier n'est pas rétabli mais ce nouveau plan impose une réduction importante des effectifs, qui sont passés de 18 000 personnes en 1990 à 6 700 aujourd'hui et à l'avenir à moins 3 000 personnes.

Il a estimé nécessaire de redonner confiance au personnel. Une mission d'information de la Commission de la Défense se déplace dans différents sites de ce groupe pour faire le point sur la situation.

Il a souhaité que l'Etat assure de façon plus cohérente son rôle d'actionnaire et de client et que soient clarifiées les relations ministère/DGA-entreprise nationale. Le programme VBCI suscite des interrogations à ce sujet. Quant au char Leclerc, son coût élevé a été souligné mais il serait abusif de faire porter l'essentiel de la responsabilité des surcoûts à GIAT Industries. Les restructurations industrielles ne sont pas étrangères à ce phénomène.

Il a insisté sur l'importance de la maintenance des équipements militaires et notamment de leur maintien en condition opérationnelle (MCO). Or, actuellement, le MCO est réalisé par la DCMAT alors que cela pourrait être réalisé par les constructeurs eux-mêmes. Il a fait valoir que GIAT Industries n'était pas seul responsable de la situation et que son personnel était très inquiet.

M. Pierre Lellouche a rappelé que les subventions au GIAT avaient coûté au budget de l'Etat 3,7 milliards d'euros en dix ans, soit l'équivalent de deux porte-avions nucléaires. Le cumul d'une structure bureaucratique et d'un statut des personnels qui remonte à celui des ouvriers du Roi a amené à la situation actuelle. S'il est nécessaire de prendre en considération les situations humaines et l'économie locale, ce système ne peut cependant perdurer et il faut le revoir pour que les utilisateurs finaux, les états-majors, participent davantage à l'architecture des programmes d'équipement. Cela nécessitera aussi de revoir le rôle de la délégation générale pour l'armement (DGA).

M. François Rochebloine s'est demandé si on ne risquait pas d'abandonner une capacité industrielle au moment où l'Europe se construit.

M. Pierre Lellouche a précisé que modifier les structures ne signifiait pas abandonner une capacité de production.

M. Roland Blum s'est enquis de l'opinion du Rapporteur sur la réforme de la DGA.

M. Pierre Lellouche a répondu qu'il ne lui revenait pas de dessiner les contours précis d'une réforme, mais qu'il pouvait inviter le Gouvernement à s'inspirer d'expériences réussies au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Dans ce pays, l'architecture des systèmes industriels est confiée au responsable de chacune des missions attribuées à l'appareil de défense, à l'image de ce que permettra l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Ainsi chaque responsable peut se doter des moyens dont il a vraiment besoin pour répondre aux objectifs de sa mission, en jouant un rôle central dans l'architecture des systèmes industriels nécessaires. En effet, il est impératif de mieux associer l'utilisateur dans la conception des armes, y compris au niveau industriel.

Le Président Edouard Balladur a souligné que nous nous trouvions à une période charnière et de réflexion tant en ce qui concerne la réalisation d'une Défense européenne que l'évolution du sens et des missions de l'Alliance atlantique, à laquelle la Russie est en train d'être associée. L'Alliance n'est plus prioritairement un moyen de maintenir la sécurité sur le territoire de l'Europe mais plutôt un moyen de coordonner des forces pour agir hors du territoire européen.

Il a estimé qu'une loi de programmation était nécessaire au niveau national, car pour l'instant il n'y a pas d'autre cadre d'élaboration ni au niveau de l'Union européenne ni au niveau de l'Alliance atlantique.

Certes, on aurait pu considérer qu'il était plus opportun d'élaborer un nouveau Livre blanc avant de présenter une loi de programmation. Mais quel livre blanc élaborerait-on aujourd'hui, dans un contexte aussi évolutif ? Que dirait-on notamment de l'Alliance et la défense européenne ? C'est pourquoi il a approuvé la démarche du Gouvernement consistant à rechercher une clarification au niveau national.

Quant à la mise hors pacte de stabilité des dépenses militaires, le Président Edouard Balladur a rappelé que cette proposition avait déjà été faite. Il a observé que la France et la Grande-Bretagne consacraient chacune environ 2 % de leur PIB aux dépenses militaires et l'Allemagne un peu plus de 1 %. On pourrait établir une moyenne européenne et estimer que les pays dont les dépenses militaires dépassent cette moyenne seraient fondés à se voir reconnaître un déficit budgétaire d'un niveau plus élevé. Ainsi, les pays qui font un effort supplémentaire ne seraient pas pénalisés. Cette proposition devrait avoir la faveur des Britanniques.

Puis, la Commission est passée à l'examen des articles du projet de loi dont elle est saisie pour avis.

Article 1er : approbation du rapport annexé

Le Rapporteur pour avis a présenté quatre amendements visant à harmoniser la définition de l'enveloppe des crédits d'équipement au sein de la loi de programmation entre l'article 2 et le rapport annexé.

M. Paul Quilès a effectivement relevé la contradiction entre la rédaction des articles du projet de loi et celle du rapport annexé qui pouvait être interprétée en défaveur du budget des armées.

La Commission a adopté ces quatre amendements.

La Commission a ensuite adopté un amendement du Rapporteur pour avis visant à réactualiser les analyses du Livre blanc de 1994 au cours de la période de programmation.

Puis, la Commission a été saisie d'un amendement du Rapporteur pour avis tendant à prévoir l'inscription systématique en loi de finances initiale des surcoûts dus aux opérations extérieures. Son auteur a fait observer qu'il était indispensable de sanctuariser les dépenses engendrées par les opérations extérieures, alors même qu'elles sont aujourd'hui financées par les seules lois de finances rectificatives, ce qui se traduit généralement par une réduction des crédits d'investissement, non seulement par les surcoûts de dépenses d'investissement non financés, et parce que l'augmentation des dépenses de fonctionnement en cours d'année, même présentée dans une loi de finances rectificative, entraîne généralement une réduction équivalente des dépenses d'équipement.

M. Paul Quilès a soutenu cette position en indiquant qu'il la défendait depuis plusieurs années. Il a cependant estimé qu'il convenait de sous-amender le dispositif proposé par le Rapporteur afin de substituer la notion de coût à celle de surcoût, les opérations extérieures faisant partie du fonctionnement normal des armées.

M. Paul Quilès a ensuite fait remarquer qu'il fallait préciser l'amendement du Rapporteur en définissant le montant de la provision, par exemple sur la base de la moyenne des dépenses engagées pour les opérations extérieures au cours des dix années précédentes.

La Commission a adopté ce sous-amendement.

Le Président Edouard Balladur s'est déclaré favorable à cette proposition tout en s'interrogeant sur la possibilité de définir une sorte de « forfait » en loi de finances initiale pour couvrir les sommes engagées dans le cadre des opérations extérieures. Il a en outre rappelé que certaines opérations présentaient par nature un caractère imprévisible et qu'elles devaient nécessairement faire l'objet de mesures financières ultérieures.

Le Rapporteur pour avis a rectifié son amendement afin de tenir compte de ces observations en prenant comme base la moyenne des cinq années précédentes.

La Commission a adopté l'amendement du Rapporteur pour avis ainsi modifié.

La Commission a émis un avis favorable sur cet article ainsi modifié

Article 2 : crédits d'investissement pour la période de programmation

La Commission a adopté deux amendements du Rapporteur pour avis : le premier de coordination avec la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, le second précisant la somme des crédits de paiement afférents aux dépenses en capital du ministère de la Défense pour 2003 afin que ce chiffre corresponde à la somme votée par l'Assemblée nationale en première lecture du projet de loi de finance pour 2003.

La Commission a émis un avis favorable sur cet article ainsi modifié.

Articles 3 à 7 : effectifs civils et militaires inscrits au budget du ministère de la Défense ; fonds de consolidation de la professionnalisation ; dispositions statutaires ; habilitation à légiférer par ordonnance ; débat au Parlement sur les orientations relatives à la politique de défense

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption sans modification de ces articles.

Article additionnel après l'article 7 : rapport au Parlement sur l'exécution de la loi de programmation militaire

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur pour avis prévoyant le dépôt d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'exécution de la loi de programmation militaire, au moment du dépôt du projet de loi de finances initiale, afin de répondre au souci d'assurer un contrôle efficace de l'exécution de la loi de programmation militaire.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi (n° 187) ainsi modifié.

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du rapport figure en annexe au projet de loi (n° 187).

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 1er

· Amendement n° 5 présenté par M. Pierre Lellouche, Rapporteur pour avis

A la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de l'introduction du rapport annexé à l'article premier, remplacer les mots « sont intégrés dans la loi de programmation militaire 2003-2008. » par les mots :

« s'ajoutent aux crédits prévus par la loi de programmation militaire 2003-2008 ».

· Amendement n° 6 présenté par M. Pierre Lellouche, Rapporteur pour avis

Remplacer la deuxième phrase du 2.5.2 a) de la première partie du rapport annexé à l'article premier par:

« Les effectifs supplémentaires de la gendarmerie nationale figurent dans la loi de programmation militaire. En revanche, ses crédits d'investissement supplémentaires programmés par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure s'ajoutent à ceux prévus par la loi de programmation militaire. »

· Amendement n° 7 présenté par M. Pierre Lellouche, Rapporteur pour avis

Remplacer le dernier alinéa du 1.1 de la deuxième partie du rapport annexé à l'article premier par l'alinéa suivant :

« Les effectifs de la gendarmerie nationale sont prévus à la fois par la loi de programmation militaire 2003-2008 et par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Ses crédits d'investissement programmés par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure s'ajoutent à ceux prévus par la présente loi. »

· Amendement n° 8 présenté par M. Pierre Lellouche, Rapporteur pour avis

Dans la deuxième phrase du premier alinéa du 2.3 de la deuxième partie du rapport annexé à l'article premier, remplacer les mots « La loi de programmation militaire intègre »par :

« Aux crédits d'investissement prévus pour la gendarmerie par la loi de programmation militaire, s'ajoutent »

· Amendement n° 9 présenté par M. Pierre Lellouche, Rapporteur pour avis

Avant le 1.1 de la première partie du rapport annexé à l'article premier, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de prendre en compte toutes les conséquences de l'évolution de notre environnement de défense et de sécurité, une réflexion sera lancée, au cours de la période de programmation, visant à réactualiser les analyses du Livre blanc de 1994. ».

· Amendement n° 10 présenté par M. Pierre Lellouche, Rapporteur pour avis

Après le dernier alinéa du 1.4 de la deuxième partie du rapport annexé à l'article premier, insérer les deux alinéas suivants :

« 1.5. Le financement des opérations extérieures »

« Un dispositif provisionnant à l'avance au sein de la loi de finances initiale les coûts dus aux opérations extérieures sera mis en place, en prenant comme référence la moyenne des dépenses engagées à ce titre lors des cinq années précédentes. ».

Article 2

· Amendement n° 11 présenté par M. Pierre Lellouche, Rapporteur pour avis

Au premier alinéa, supprimer les mots suivants :

« pour les titres V et VI, »

· Amendement n° 12 présenté par M. Pierre Lellouche, Rapporteur pour avis

Au deuxième alinéa, dans le tableau, pour 2003, remplacer le chiffre « 13,65 » par :

« 13,55 »

Après l'article 7

· Amendement n° 13 présenté par M. Pierre Lellouche, Rapporteur pour avis

Après l'article 7, insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement présentera chaque année au Parlement, lors du dépôt du projet de loi de finances, un rapport sur l'exécution de la loi de programmation militaire. ».

 

N° 0384 - Avis sur le projet de loi de  programmation militaire 2003-2008 (M. Pierre Lellouche)

1 Programme des Nations unies pour le développement

2 « Une menace asymétrique est exercée par un acteur étatique ou non, disposant d'un potentiel militaire inférieur et qui cherche à contourner nos défenses et à exploiter nos vulnérabilités par tous les moyens possibles, y compris non militaires » - Définition figurant dans le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire 2003-2008.

3 Déclaration conjointe publiée à la suite du sommet de Saint-Malo (4 décembre 1998)

4 Les missions, dites de Petersberg, ont été définies en 1992 dans le cadre de l'UEO, elles concernent la gestion des crises (évacuation de ressortissants, missions humanitaires, missions de maintien de la paix, missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix).

5 USAF : : US Air Force, USN : US Navy, USMC : US Marine Corps

6 Euros 2002, en crédits de paiement

7 Rapport n°328 (XIIème législature) sur l'entretien des matériels des armées

8 Annuaire stratégique et militaire 2002, par la Fondation pour la recherche stratégique, Odile Jacob

9 Pour la Défense, les futurs « programmes » pourraient reprendre l'actuelle séparation en systèmes de force (dissuasion, Espace et communication, Projection, Frappe dans la profondeur...)

10 Contrairement à l'année 2002, où pour le bilan de la LPM, ils apparaissent une fois en 2001 et une autre fois en 2002...

11 Les recapitalisations des industries de défense sont opérées par l'intermédiaire du budget des charges communes, mais elles pèsent indirectement sur les crédits du ministère de la défense qui ont toujours été réduits en proportion des sommes allouées.

12 La formation est un vecteur insuffisamment développé en France.

13 avec des motivations différentes.

14 L'organisation conjointe de coopération en matière d'armement a été créée le 12 novembre 1996 et dispose de la personnalité juridique depuis 2001. Elle réunit la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie. Les Pays-Bas, l'Espagne et la Belgique envisagent de la rejoindre.

15 IDOT, mémento provisoire de la Défense sur le territoire, édition 2000, cité dans La défense du territoire après le 11 septembre par J-F Daguzan, Annuaire stratégique et militaire 2002, Odile Jacob


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