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le 26 novembre 2002

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N° 386

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 novembre 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (n° 375),

PAR M. Dominique DORD,

Député.

--

(1ère partie)

Emploi

INTRODUCTION 5

I.- LA LOI DITE DE « MODERNISATION SOCIALE » : UNE LOI EXCESSIVEMENT COMPLEXE QUI NE PERMET NI D'ÉVITER LES LICENCIEMENTS NI DE RENFORCER LES GARANTIES DES SALARIÉS 7

A. DES DISPOSITIONS QUI ONT COMPLEXIFIÉ À L'EXCÈS LES PROCÉDURES SANS LES RENDRE PLUS PROTECTRICES POUR LES SALARIÉS 7

1. Une loi de circonstance sans cohérence ni lisibilité 7

2. D'une logique de confrontation à une logique de partenariat 8

B. UNE LOI QUI A AGGRAVÉ ENCORE LES PARTICULARITÉS DU SYSTÈME JURIDIQUE FRANÇAIS PAR RAPPORT À CEUX DES AUTRES PAYS EUROPÉENS 9

1. Une volonté communautaire d'harmoniser des pratiques aujourd'hui très diverses selon les pays considérés 9

2. Les particularités de la France, déjà importantes, ont été largement accentuées par la loi du 17 janvier 2002 10

II.- TOUT EN SUSPENDANT LES ARTICLES LES PLUS CONTESTABLES DE LA LOI DU 17 JANVIER 2002, LE PROJET DE LOI CONFIE UNE RESPONSABILITÉ NOUVELLE AUX PARTENAIRES SOCIAUX 15

A. LES DISPOSITIONS LES PLUS INUTILEMENT CONTRAIGNANTES DOIVENT ÊTRE SUSPENDUES. 15

1. Il est nécessaire de remettre à plat les procédures de licenciement devenues d'une complexité aberrante 15

2. Les dispositions de la loi du 17 janvier 2002 qui restent applicables sont plus nombreuses que celles dont l'application est suspendue. 22

B. LES PARTENAIRES SOCIAUX SONT APPELÉS À NÉGOCIER À DEUX NIVEAUX : NATIONAL ET INTERPROFESSIONNEL D'UNE PART ET AU SEIN DE L'ENTREPRISE D'AUTRE PART 25

1. Vers un accord national interprofessionnel 25

2. Des négociations au niveau de l'entreprise, au plus proche du terrain 26

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

I.- AUDITION DU MINISTRE 29

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 43

III.- EXAMEN DES ARTICLES 49

Avant l'article premier 49

Article 1er (articles 97, 98, 99, 101, 102, 104, 106, 109 et 116 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002) : Suspension de certains articles de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 relatifs à la procédure des licenciements économiques 54

suite du rapport

Article 2 : Expérimentations par accord d'entreprise sur la procédure à suivre en cas de licenciement d'au moins dix salariés sur une même période de trente jours

Article 3 : Droit applicable aux procédures en cours à la date de la promulgation de la présente loi

Après l'article 3

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

TABLEAU COMPARATIF

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

INTRODUCTION

La loi du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale comporte un chapitre consacré aux licenciements économiques, dont la mise en _uvre pose de grandes difficultés. Le formalisme excessif et l'amplitude des délais de procédure, loin d'être une garantie pour les salariés, peuvent provoquer des conséquences néfastes. Lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, l'attachement aux règles de forme pénalise le dialogue réel sur l'avenir des salariés concernés. Dans certains cas, la voie du dépôt de bilan apparaît parfois même comme la seule issue praticable, avec toutes les conséquences sociales que cela comporte. En outre, l'attractivité du territoire pour les investisseurs créateurs d'emploi s'en trouve affaiblie. Cette situation est d'autant plus paradoxale que la profusion de normes et de procédures n'a nullement été souhaitée par les partenaires sociaux, mais imposée d'en haut, sans concertation. Les réalités vécues dans les entreprises qui sont contraintes d'effectuer des restructurations ayant des incidences sur l'emploi ont été délibérément ignorées.

Comme le soulignait M. Jean-Emmanuel Ray, professeur à l'université de Paris I (Panthéon-Sorbonne) dans un article de la revue Droit social de mars 2002, « le nouveau parcours du combattant créé par la loi de modernisation sociale en termes de procédures (négociation des trente-cinq heures en amont, séparation du livre III et du livre IV au milieu, second constat de carence et réunion de la dernière chance en aval) confère aujourd'hui au système français la palme d'or mondiale de la complexité et donc de l'insécurité juridique et judiciaire. » (...) « Là encore, le but légitime de se donner le temps de réfléchir à d'autres solutions s'est transformé en toujours plus, devenu déperdition d'énergies s'épuisant dans les prétoires plutôt qu'en reclassements sur le terrain. »

Conscient de ces difficultés, le gouvernement estime nécessaire et urgent de revoir ces dispositions et entend encourager les partenaires sociaux à définir les bases d'un accord à partir duquel une nouvelle législation pragmatique et utile pourrait être élaborée. Le projet de loi prévoit de suspendre les dispositions de procédure les plus critiquées de la loi du 17 janvier 2002 pour une durée limitée dans le temps. Pendant cette période, c'est le droit antérieur à la loi du 17 janvier 2002 qui redeviendra applicable.

Toutefois le projet de loi ouvre la possibilité, à titre expérimental, d'accords dérogatoires conclus au niveau de l'entreprise et destinés à fixer les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise lorsqu'un licenciement économique d'au moins dix salariés sur une même période de trente jours est envisagé par l'employeur. Pour être valides, ces accords devraient être conclus par des syndicats représentant la majorité des salariés de l'entreprise. Le gouvernement propose de faire confiance au dialogue social. Il considère que le succès de la négociation collective est la meilleure garantie d'un équilibre juste et pragmatique en la matière.

I.- LA LOI DITE DE « MODERNISATION SOCIALE » : UNE LOI EXCESSIVEMENT COMPLEXE QUI NE PERMET NI D'ÉVITER LES LICENCIEMENTS NI DE RENFORCER LES GARANTIES DES SALARIÉS

La loi du 17 janvier 2002 a eu pour effet pervers de rendre le droit du licenciement économique illisible pour les acteurs sociaux et quasiment inapplicable de fait.

A. DES DISPOSITIONS QUI ONT COMPLEXIFIÉ À L'EXCÈS LES PROCÉDURES SANS LES RENDRE PLUS PROTECTRICES POUR LES SALARIÉS

1. Une loi de circonstance sans cohérence ni lisibilité

La loi de modernisation sociale fut une loi de circonstance qui s'est transformée en piège politique pour le précédent gouvernement. A l'origine, le projet de loi était un texte fourre-tout comportant une centaine d'articles, portant sur des thèmes très différents (la santé, la validation des acquis de l'expérience, la lutte contre l'emploi précaire et les licenciements économiques). C'est à la suite des annonces de plans sociaux de la part de plusieurs grands groupes au printemps 2001 que les pressions au sein de la précédente majorité pour durcir le volet relatif au droit du licenciement du texte se sont accentuées. Une série d'amendements ont été adoptés durant la navette parlementaire pour renforcer les prérogatives des représentants du personnel et renchérir le coût des licenciements, renforcer le contrôle et le suivi des plans de sauvegarde de l'emploi ou encore responsabiliser davantage les grands groupes par une obligation de réindustrialisation des sites.

Sous la pression du groupe communiste, d'autres dispositions furent rajoutées : celles visant à reconnaître un droit d'opposition au comité d'entreprise dans certains cas (article 106) et surtout celles tendant à circonscrire de façon extrêmement stricte les motifs économiques du licenciement (article 107). On sait que, dans sa décision du 12 janvier 2002, le Conseil constitutionnel, saisi par les députés et les sénateurs, a invalidé la nouvelle définition du licenciement économique car celle-ci « aurait retardé les réorganisations décidées pour assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise jusqu'à ce que son existence même soit menacée en lui interdisant d'anticiper les difficultés économiques à venir, et à prendre des mesures de nature à éviter des licenciements ultérieurs plus importants. » Se fondant sur l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et sur le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d'entreprendre, le juge constitutionnel a ainsi conclu que « loin de satisfaire à l'exigence constitutionnelle qui s'attache à la sauvegarde de l'emploi, la loi aurait desservi cette exigence. »

Dans un article intitulé « Modernisation sociale et régression politique », paru dans la revue de Droit social de mars 2002, M. Guy Carcassonne, professeur de droit public à l'université de Paris X note à propos de l'invalidation par le Conseil constitutionnel de l'article 107 : « il faut avoir une vision désincarnée du droit constitutionnel pour s'étonner qu'il autorise un examen réaliste des situations auxquelles il s'applique. Il n'est pas inconcevable que ce qui est contraire au bon sens le soit aussi à la constitution. »

Le caractère inconstitutionnel des dispositions en cause provient, comme l'a justement expliqué M. Antoine Lyon-Caen1, professeur à l'université de Paris X, de ce que les dispositions introduites par la loi du 17 janvier  2002 étaient « au c_ur d'une « collision » de droits fondamentaux, la liberté d'entreprendre d'une part, le droit pour chacun d'obtenir un emploi, d'autre part, l'une comme l'autre ayant auparavant reçu consécration constitutionnelle. Pareille « collision » (...) oblige à une conciliation et cette _uvre incombe au législateur. » Selon le même auteur, « la prudence dont a fait montre le Conseil constitutionnel ne pouvait qu'être saluée. Rien n'est en effet plus délicat que la subtile composition, à laquelle tend à donner vie et sens le droit du travail, entre la liberté d'entreprendre et des règles qui encadrent, c'est-à-dire restreignent et légitiment en même temps, l'exercice des prérogatives d'employeur ou régissent les contrats que ce dernier conclut. »

2. D'une logique de confrontation à une logique de partenariat

Selon de nombreux observateurs, l'élaboration du volet relatif aux licenciements économiques dans la loi de modernisation sociale a répondu à la volonté du législateur de l'époque de donner des armes supplémentaires aux représentants du personnel confrontés à un plan de restructuration et de licenciement. Le fait, par exemple, d'avoir donné la possibilité au comité d'entreprise de saisir un médiateur dans des cas de cessations partielles ou totales d'activité apparaît moins comme un souhait de renforcer les moyens positifs d'action dévolus au comité d'entreprise que comme une volonté de fournir à ce dernier des outils de blocage ou du moins de ralentissement des procédures en cours. La logique poursuivie est d'accorder aux représentants des salariés des instruments de dissuasion face à l'employeur. Celui-ci n'ignore pas la possibilité que le comité d'entreprise fasse appel à un médiateur - pour une durée maximale d'un mois - ou la possibilité que l'inspecteur du travail dresse un deuxième constat de carence sur le plan de sauvegarde de l'emploi définitivement arrêté. Selon cette logique, l'employeur, conscient de ce danger, aurait mis plus de détermination à élaborer le plan de sauvegarde de l'emploi le plus avantageux pour les salariés.

Il apparaît donc clairement que les nouveaux moyens mis à la disposition des représentants du personnel ont été introduits dans une perspective davantage axée sur la confrontation que sur une logique de dialogue social entre partenaires responsables. Cette vision des relations sociales, dans laquelle l'employeur est un délinquant en puissance, qui cherche forcément à entraver le bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel et à contourner la législation, apparaît pour le moins datée et peu constructive. Il ne sert à rien d'imaginer des monstres juridiques dans le but de rallonger à l'excès, voire de paralyser, des procédures de restructurations pourtant absolument nécessaires d'un point économique. Retarder des licenciements qui s'avèrent indispensables ne présente aucun intérêt ni pour les entreprises ni pour les salariés eux-mêmes. Le fait d'empêcher l'entreprise de procéder à des ajustements urgents dans des délais raisonnables conduit à la fragiliser davantage encore et à mettre en péril l'emploi de l'ensemble des salariés concernés.

La démarche suivie par les promoteurs de la loi de modernisation sociale ne fut pas exempte d'une certaine hypocrisie car chacun sait qu'on ne peut prétendre défendre les intérêts des salariés par le simple fait de retarder le moment de réception de leur lettre de licenciement. En fin de compte, les licenciements des salariés qui n'auront pas pu être reclassés finiront par intervenir. Ceux-ci se sentiront à juste titre floués et les discours naïfs des auteurs de la loi du 17 janvier 2002 seront alors de peu d'utilité.

Mieux vaut permettre aux représentants des salariés de négocier avec l'employeur sur des bases réalistes pour accroître les chances de reconversion laissées aux salariés concernés. Les menaces de recourir à telle ou telle arme ne sont guère pertinentes pour atteindre l'objectif ultime du plan dit de sauvegarde de l'emploi qui consiste à éviter dans toute la mesure du possible les licenciements secs. Dans les situations difficiles nécessitant d'opérer des restructurations ayant des incidences sur l'emploi, le chef d'entreprise - qui ne procède jamais à des compression d'effectifs de manière légère ou de gaieté de c_ur - doit être considéré comme un partenaire et non comme un ennemi. C'est cette logique de partenariat qui prime dans le présent projet de loi.

B. UNE LOI QUI A AGGRAVÉ ENCORE LES PARTICULARITÉS DU SYSTÈME JURIDIQUE FRANÇAIS PAR RAPPORT À CEUX DES AUTRES PAYS EUROPÉENS

1. Une volonté communautaire d'harmoniser des pratiques aujourd'hui très diverses selon les pays considérés

Il faut rappeler que plusieurs directives ont été adoptées depuis la fin des années 90 pour tenter de rapprocher les législations des pays membres de l'Union européenne en matière de licenciements collectifs. On peut citer :

- la directive 98/59/CE du conseil du 20 juillet 1998 traitant du rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs ;

- la directive 2001/23/CE du conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements ;

- la directive 2001/86/CE du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne s'agissant de l'implication des travailleurs.

L'article 2 de la première directive dispose que « lorsqu'un employeur envisage d'effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d'aboutir à un accord ». Selon cette directive, « les consultations portent au moins sur les possibilités d'éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que les possibilités d'en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d'accompagnement visant notamment l'aide au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés ». La directive pose le principe selon lequel l'employeur doit « permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives » ; l'employeur est ainsi « tenu, en temps utile au cours des consultations, de leur fournir tous renseignements utiles et de leur communiquer, en tout cas, par écrit :

- les motifs du projet de licenciement ;

- le nombre et les catégories des travailleurs à licencier ;

- le nombre et les catégories de travailleurs habituellement employés ;

- la période au cours de laquelle il est envisagé d'effectuer les licenciements ;

- les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier dans la mesure où les législations nationales en attribuent la compétence à l'employeur (...). »

Malgré cette directive communautaire censée harmoniser les règles en matière de licenciements collectifs pour motif économique, les législations et les pratiques nationales restent très différentes. Le modèle communautaire, que la directive est supposée décrire, n'est pas pour l'heure complètement intégré dans les différents pays de l'Union européenne qui privilégient soit l'information et la consultation des représentants du personnel, soit la logique de la négociation avec l'employeur. Ces divergences n'empêchent cependant pas un socle commun de se dégager, comportant une procédure d'information et de consultation sur la justification économique du licenciement et sur l'existence de mesures d'accompagnement. Mais quel que soit le régime juridique étudié, la décision finale de procéder à un licenciement relève toujours de la compétence de l'employeur.

Une récente étude réalisée pour la DARES2 par le cabinet Bernard Brunhes Consultants et portant sur sept pays européens - la France, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et la Suède - montre que, dans ces sept pays, il existe des dispositions obligeant à recourir aux procédures d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel, à élaborer des plans sociaux et à respecter un certain formalisme au cours des procédures.

2. Les particularités de la France, déjà importantes, ont été largement accentuées par la loi du 17 janvier 2002

Avant l'adoption de la loi de modernisation sociale, le système français en matière de procédure de licenciement présentait déjà quelques particularités.

_ Le droit français met de façon très marquée l'accent sur la nécessité des reclassements pour les salariés touchés, au détriment de la logique d'indemnisation qui est plus développée dans beaucoup d'autres pays.

On pourrait résumer l'alternative de la manière suivante : reclasser ou indemniser. Les pays qui mettent l'accent sur le reclassement sont en général moins généreux en matière d'indemnités de licenciement. La France a clairement fait le choix du reclassement tandis que l'Allemagne a fait le choix inverse.

Dans la plupart des pays, le montant des indemnités et la durée du préavis sont d'autant plus importants que le salarié occupe son poste depuis longtemps. En Allemagne, l'indemnité de licenciement d'un salarié ayant travaillé au moins vingt ans dans l'entreprise représente au minimum (indemnités et préavis) dix-huit mois, entre quatre et sept mois au Royaume-Uni (selon l'âge du salarié concerné), six mois en Suède, sept mois en Belgique et jusqu'à quatorze mois en Espagne. En France, la loi fixe à quatre mois de salaire l'indemnité de licenciement et à un à trois mois la durée du préavis.

La législation française privilégie le reclassement par rapport à l'indemnisation. Dans le système allemand, l'employeur ne peut licencier un salarié qui pourrait être reclassé en interne ; le licenciement est toutefois possible si le salarié refuse son transfert. Il n'existe en revanche aucune règle comparable au Royaume-Uni, en Belgique et en Suède. En Italie, la loi prévoit la possibilité de passage à temps partiel pour préserver les emplois menacés, étant précisé qu'une subvention publique peut compenser une partie de la perte de salaire des salariés concernés.

Dans le droit français, l'employeur a l'obligation de tout mettre en _uvre pour proposer au salarié menacé de licenciement une offre de reclassement. On peut noter que l'article 108 de la loi de modernisation sociale a encore accentué ce trait : cet article a complété l'article L. 321-1 du code du travail par un alinéa prévoyant que « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent, ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient (...) ». Lors de leur audition par le rapporteur, les représentants du MEDEF comme de la CGPME ont demandé à ce que l'article 108, jugé trop déséquilibré au détriment de l'employeur, soit rajouté à la liste des articles de la loi du 17 janvier 2002 dont l'application doit être suspendue.

_ Une deuxième spécificité du système français - qui est même devenu une faiblesse du dispositif, à laquelle le présent projet entend remédier - est la faible part laissée à la négociation collective.

En Allemagne, en Italie et en Espagne, la procédure doit aboutir à un accord entre partenaires sociaux.

En Allemagne, l'employeur doit engager une discussion sur le projet de restructuration à l'origine des licenciements. L'employeur et le comité d'entreprise « sont tenus d'examiner de bonne foi tous les moyens d'éviter ou de limiter les licenciements ». Une fois le plan élaboré, la négociation porte prioritairement sur la compensation des préjudices financiers subis par les salariés devant être licenciés.

En Italie, même si la négociation n'est pas obligatoire, les partenaires sociaux ont tout intérêt à y recourir « pour éviter l'intervention directe des autorités administratives ». En effet, « l'administration du travail intervient pour tenter de concilier les parties » si les partenaires ne parviennent à aucun accord 45 jours après qu'elle a été informée de l'ouverture des négociations.

En Espagne, la négociation est fortement conseillée pour obtenir l'autorisation administrative de licenciement. L'octroi de cette autorisation est lié au déroulement et à l'issue des consultations engagées par l'employeur avec les représentants des salariés. Lorsque les partenaires sont parvenus à un accord, l'autorité du travail compétente peut soit approuver l'accord et autoriser les licenciements, soit refuser l'autorisation ; dans ce cas, elle doit établir le caractère frauduleux de l'accord. Si les partenaires n'ont signé aucun accord, l'administration statue sur la demande de licenciement ; son contrôle porte alors sur l'existence avérée du motif économique tel que défini par la loi : « surmonter une situation économique négative » ou « assurer la viabilité future de l'entreprise ». Si l'autorisation administrative est donnée, l'employeur a la faculté de résilier les contrats de travail en respectant l'ordre des licenciements prévus par l'accord ou à défaut d'accord, par lui-même. Le rôle de l'administration du travail est donc particulièrement actif en Espagne. Mais ce pouvoir est relatif dans la mesure où l'autorisation administrative de licenciement n'est requise que pour les licenciements collectifs et pas pour les licenciements individuels, qui sont pourtant les plus nombreux.

En France comme au Royaume-Uni, en Belgique ou en Suède, un accord entre les partenaires sociaux n'est pas nécessaire. C'est au Royaume-Uni que la consultation est sans doute la moins importante ; elle se limite en effet à un échange de points de vue qui en aucun cas ne peut avoir pour effet ni d'allonger ni de bloquer la procédure.

_ Le licenciement économique obéit en France à un régime à deux vitesses, opposant la petite à la grande entreprise. La législation française apparaît moins exigeante pour les petits établissements que les législations en vigueur en Italie, en Suède, en Allemagne et en Espagne. En France, le plan de sauvegarde n'est obligatoire que lorsque, dans une entreprise occupant au moins cinquante salariés, au moins dix salariés sont licenciés sur une même période de trente jours. En Allemagne et en Suède, le seuil est moins élevé : il est fixé à cinq licenciements en un mois pour un établissement de cinquante salariés. Il s'élève à dix licenciements en trois mois dans la législation espagnole. Pour ce qui concerne les établissements de plus grande taille, on observe qu'en France, comme en Italie ou en Suède, le seuil reste le même quelle que soit la taille de l'établissement. Au contraire, en Espagne, en Allemagne et au Royaume-Uni, une fois franchi le seuil de cinquante salariés, le seuil s'élève avec la taille de l'établissement.

_ En matière d'ordre des départs, la législation française est particulière car, dans ce domaine, l'employeur est le seul décideur, à moins qu'une convention collective n'indique très clairement les critères devant être respectés. Dans les autre pays européens, la règle posée a le mérite de la clarté. Le principe du « dernier entré, premier sorti » (« last in, first out ») s'applique au Royaume-Uni, en Suède et en Espagne et de façon plus nuancée en Allemagne, en Belgique et en Italie, où la place laissée à la négociation collective est plus forte.

_ Dans le système français, le rôle accordé à l'inspecteur du travail est particulièrement important ; ce rôle a même été accru de façon disproportionnée par la loi du 17 janvier 2002.

Il faut tout d'abord noter que c'est probablement sur la question du rôle dévolu à l'administration du travail que les législations des pays européens diffèrent le plus. Un point commun se retrouve dans les sept pays ayant fait l'objet de l'étude précitée : il s'agit de la nécessité de notifier à l'administration dans des délais fixés par la loi le projet de licenciement.

Au Royaume-Uni le rôle de l'administration du travail se cantonne à une fonction d'enregistrement des licenciements. En Allemagne, l'administration peut retarder les licenciements d'un mois et exceptionnellement de deux mois, mais n'a pas le droit d'intervenir dans le contenu du plan social. En Belgique, l'administration peut retarder, ou accélérer, le processus. En Espagne, l'autorité administrative peut aller jusqu'à empêcher les licenciements en l'absence d'accord entre l'employeur et le représentants du personnel. Dans cette hypothèse, l'administration apprécie même la situation économique de l'entreprise et se prononce sur les motifs de licenciement. Dans certains pays, l'administration peut jouer un rôle de médiateur. En Suède par exemple, les services de l'emploi ont une fonction importante en matière de recherche des solutions d'appui aux salariés licenciés. En Allemagne et en France, l'administration se transforme en véritable partenaire de l'entreprise en cas de cofinancement des mesures d'accompagnement.

La vigilance de l'administration ne s'exerce pas sur les mêmes sujets selon les pays.

Elle porte sur le respect de la procédure en Belgique et au Royaume-Uni, sur la qualité et la proportionnalité des mesures d'accompagnement en France et sur le risque d'accord frauduleux en Espagne.

_ Les délais de procédure varient beaucoup d'un pays à l'autre. La place de la France en la matière n'est guère enviable.

Au Royaume-Uni, l'intervalle entre le début de la procédure et la notification des licenciements est d'un mois minimum si le nombre de licenciements envisagés est inférieur à cent et de trois mois minimum si ce nombre est supérieur. En Belgique, la durée de la procédure varie de deux à trois mois. Cette durée est de deux mois et demi en Allemagne, mais dans la réalité la recherche d'un accord avec les instances représentatives du personnel allonge considérablement les délais (jusqu'à six mois). En Espagne comme en Italie, les délais impartis à la négociation d'un accord sont en principe impératifs : deux mois pour l'Espagne et deux mois et demi pour l'Italie. Toutefois les délais peuvent être rallongés si la recherche d'un accord le nécessite.

Le droit français se caractérise, quant à lui, par une grande complexité des procédures et la multiplicité des recours à la disposition des représentants du personnel. La législation française comporte une spécificité par rapport à autres systèmes européens puisqu'elle dissocie la procédure relative à l'examen du motif économique du licenciement de celle portant sur les mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi. Le recours à un expert-comptable, au juge, voire au médiateur, est de nature à allonger considérablement les délais de procédure. D'une manière générale, on peut estimer qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002, le système français se caractérisait déjà par une grande complexité des procédures. La loi précitée n'a fait qu'accentuer ces particularités dans un sens négatif.

D'autres dispositions contenues dans la loi du 17 janvier 2002 sont venues accentuer les défauts, les failles et le manque de lisibilité du dispositif français.

- Par exemple, on sait que dans le système français, l'administration du travail a une fonction de censeur, ce qui correspond à une vision datée et peu constructive des fonctions de l'administration. Avant la loi de 2002, l'inspecteur du travail pouvait dresser un constat de carence s'il jugeait le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi insuffisant. Depuis la loi de modernisation sociale, l'inspecteur du travail peut dresser un second constat de carence, sur le plan de sauvegarde de l'emploi définitivement arrêté.

- La France est désormais le seul pays ayant introduit, avec la loi de modernisation sociale, des dispositions assez complexes et difficiles à mettre en _uvre concernant les sous-traitants qui doivent être informés par l'entreprise donneuse d'ordre qui envisage de licencier. Lors de son audition par le rapporteur, M. Gauthier-Sauvagnac, représentant du MEDEF, s'est insurgé contre des dispositions qui tendraient à faire de l'entreprise donneuse d'ordres et de l'entreprise sous-traitante une unité morale voire juridique.

- La loi du 17 janvier 2002 impose désormais d'informer le comité d'entreprise préalablement à l'annonce publique de l'employeur lorsque cette annonce porte sur une décision dont les mesures de mise en _uvre sont de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés (article 100 de la loi).

Lors des débats sur le projet de loi de modernisation sociale, de nombreux membres de l'opposition d'alors avaient noté la totale incompatibilité entre, d'une part, le droit boursier (notion de délit d'initié) et le principe du secret des affaires et, d'autre part, la menace pesant sur l'employeur d'être sans cesse accusé de délit d'entrave s'agissant des droits du comité d'entreprise.

- La loi précitée a en outre séparé dans le temps la procédure du livre IV du code du travail (information et consultation sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, et notamment les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs) qui doit être close pour que celle du livre III (information et consultation sur le projet de licenciement collectif et son volet social) puisse démarrer. Cette nouvelle particularité française éloigne encore un peu plus le système français de celui des partenaires européens de la France.

- Enfin la possibilité de saisir un médiateur a été introduite par la loi du 17 janvier 2002 lorsqu'un projet de cessation d'activité met en cause au moins cent emplois. On peut relever qu'en dehors de la France, seule l'Allemagne a également mis en place un mécanisme de médiation. Dans les deux cas, il n'y a pas d'obligation de résultat.

II.- TOUT EN SUSPENDANT LES ARTICLES LES PLUS CONTESTABLES DE LA LOI DU 17 JANVIER 2002, LE PROJET DE LOI CONFIE UNE RESPONSABILITÉ NOUVELLE AUX PARTENAIRES SOCIAUX

Rarement une loi aura fait l'objet de tant de critiques, émanant aussi bien des organisations patronales et des syndicats que des observateurs des relations sociales et des juristes de droit du travail.

Il est aujourd'hui nécessaire de remettre à plat les dispositions les plus contestables de cette loi.

A. LES DISPOSITIONS LES PLUS INUTILEMENT CONTRAIGNANTES DOIVENT ÊTRE SUSPENDUES

1. Il est nécessaire de remettre à plat les procédures de licenciement devenues d'une complexité aberrante

Les auditions qu'il a menées ont achevé de convaincre le rapporteur de l'absolue nécessité de suspendre pendant une durée déterminée les articles qui ont eu les effets plus nocifs sur le rallongement des procédures.

Les tableaux ci-dessous décrivent les procédures devant être suivies dans le cas d'une entreprise d'au moins cinquante salariés, dotée d'un comité d'entreprise, et procédant à des licenciements collectifs touchant entre dix et cent salariés.

Quatre hypothèses ont été retenues :

- Dans la première, la plus courte en matière de délai, aucun expert-comptable n'a été nommé ni dans le cadre des consultations du comité d'entreprise en vertu du livre IV ne dans celui du livre III.

- Dans la deuxième hypothèse qui décrit une procédure plus longue, un expert-comptable a été nommé lors de la phase de consultation prévue par le livre III.

- Dans la troisième hypothèse, le recours à un expert a lieu dans la phase des consultations prévues par le livre IV.

- Dans la quatrième hypothèse, qui correspond à la procédure la plus longue, le comité d'entreprise a eu recours à un expert-comptable au cours des deux phases de consultation du livre IV puis du livre III.

Dans les tous les cas, les délais entre la première réunion du comité d'entreprise dans le cadre du livre IV et l'envoi des lettres de licenciement sont importants et peuvent être encore augmentés si, par exemple, des contentieux viennent en cours de procédure la retarder ou si un médiateur est nommé en cours de procédure.

Entreprise d'au moins cinquante salariés procédant à des licenciements collectifs touchant entre dix et cent salariés

Première hypothèse

Aucun expert-comptable n'a été nommé ni dans le cadre des consultations du comité d'entreprise en vertu du livre IV ni dans celui du livre III.

J - 3

Convocation du comité d'entreprise à la 1ère réunion en vertu du Livre IV (article L. 432-1)

Ordre du jour : Projet de restructuration et de compression des effectifs.

Avis et éventuellement propositions alternatives du comité d'entreprise

Remise du document d'information (article L. 431-5)

J

1ère réunion - Livre IV du comité d'entreprise
Pas de désignation d'un expert-comptable

J + 12

Convocation 2ème réunion du comité d'entreprise - Livre IV (article L. 432-1)

J + 15

2ème réunion - Livre IV du comité d'entreprise 3

J + 16

Convocation du comité d'entreprise à la 1ère réunion - Livre III (article L. 321-2 à L. 321-4-1)
Ordre du jour : Projet de licenciement collectif pour motif économique

Plan de sauvegarde de l'emploi

J + 19

1ère réunion du comité d'entreprise - Livre III

Pas de désignation d'un expert-comptable

J + 20

Notification du projet de licenciement à la direction départementale du travail

J + 28

Eventuellement 1er constat de carence de l'inspecteur du travail 4

J + 30

Convocation du comité d'entreprise à la 2ème réunion - Livre III5

J + 33

2ème réunion - Livre III

J + 34

Notification complémentaire à l'inspecteur du travail

Communication du plan de sauvegarde de l'emploi définitif

Information des salariés sur le congé de reclassement6 et sur la mise en _uvre anticipée du PARE (plan d'aide au retour à l'emploi)

J + 41

Fin délai pour observation de l'inspecteur du travail sur la procédure7

J + 42

Eventuellement 2ème constat carence dressé par l'inspecteur du travail 8

J + 44

Demande éventuelle 3ème réunion du comité d'entreprise - Livre III9

J + 45

Convocation du comité d'entreprise à la 3ème réunion - Livre III

J + 48

3ème réunion du comité d'entreprise - Livre III

J + 50

Envoi des lettres de licenciement10

J + 58

Expiration du délai pour accepter congé de reclassement ou mise en _uvre anticipée du PARE

Entreprise d'au moins cinquante salariés procédant à des licenciements collectifs touchant entre dix et cent salariés

Deuxième hypothèse

Un expert-comptable a été nommé lors de la phase de consultation

prévue par le livre III.

J - 3

Convocation du comité d'entreprise à la 1ère réunion - Livre IV (L. 432-1)

Ordre du jour : Projet de restructuration et de compression des effectifs.

Avis et éventuellement propositions alternatives du comité d'entreprise

Remise du document d'information (L. 431-5)

J

1ère réunion - Livre IV du comité d'entreprise
Pas de désignation d'un expert-comptable

J + 12

Convocation 2ème réunion du comité d'entreprise - Livre IV (L. 432-1)

J + 15

2ème réunion - Livre IV 11

J + 16

Convocation du comité d'entreprise à la 1ère réunion - Livre III (article L. 321-2 à L. 321-4-1)
Ordre du jour : Projet de licenciement collectif pour motif économique

Plan de sauvegarde de l'emploi

J + 19

1ère réunion du comité d'entreprise - Livre III

Désignation d'un expert-comptable

J + 20

Notification du projet de licenciement à l'inspection du travail

J + 37

Convocation du comité d'entreprise à la 2ème réunion - Livre III12

J + 40

2ème réunion - Livre III

J + 49

Eventuellement 1er constat de carence dressé par l'inspecteur du travail 13

J + 51

Convocation du comité d'entreprise à la 3ème réunion - Livre III14

J + 54

3ème réunion du comité d'entreprise - Livre III

J + 55

Notification complémentaire à l'inspection du travail

Communication du plan de sauvegarde de l'emploi définitif

Information des salariés sur le congé reclassement15 et sur la mise en _uvre anticipée du PARE

J + 62

Fin délai pour observation de l'inspecteur du travail sur la procédure 16

J + 63

Eventuellement 2ème constat carence dressé par l'inspecteur du travail17

J + 65

- Demande éventuelle 4ème réunion du comité d'entreprise - Livre III18

- Envoi des lettres de licenciement si pas de 4ème réunion du comité d'entreprise - Livre III19

- Convocation du comité d'entreprise à la 4ème réunion - Livre III

J + 68

4ème réunion du comité d'entreprise - Livre III

J + 69

Envoi des lettres de licenciement9

J + 73 ou J + 7720

Expiration du délai pour accepter congé de reclassement ou mise en _uvre anticipée du PARE

Entreprise d'au moins cinquante salariés procédant à des licenciements collectifs touchant entre dix et cent salariés

Troisième hypothèse

Le recours à un expert-comptable a lieu dans la phase des consultations

prévues par le livre IV.

J - 3

Convocation du comité d'entreprise à la 1ère réunion - Livre IV (L. 432-1)

Ordre du jour : Projet de restructuration et de compression des effectifs.

Avis et éventuellement propositions alternatives du comité d'entreprise
Remise du document d'information (L. 431-5)

J

1ère réunion - Livre IV du comité d'entreprise
Désignation d'un expert-comptable

J + 13

Remise du rapport de l'expert-comptable21

J + 18

Convocation du comité d'entreprise à la 2ème réunion - Livre IV

J + 21

2ème réunion - Livre IV 22

J + 22

Convocation du comité d'entreprise à la 1ère réunion - Livre III (articles L. 321-2 à L. 321-4-1)
Ordre du jour : Projet de licenciement collectif pour motif économique

Plan de sauvegarde de l'emploi

J + 25

1ère réunion du comité d'entreprise - Livre III

Pas de désignation d'un expert-comptable

J + 26

Notification du projet de licenciement à l'inspecteur du travail

J + 34

Eventuellement 1er constat de carence de l'inspecteur du travail 23

J + 36

Convocation du comité d'entreprise à la 2ème réunion - Livre III24

J + 39

2ème réunion du comité d'entreprise - Livre III

J + 40

Notification complémentaire de l'inspection du travail

Communication du plan de sauvegarde de l'emploi définitif

Information des salariés sur le congé de reclassement25 et sur la mise en _uvre anticipée du PARE

J + 47

Fin délai pour observation de l'inspecteur du travail sur la procédure26

J + 48

Eventuellement 2ème constat de carence de l'inspecteur du travail 27

J + 50

Demande éventuelle 3ème réunion du comité d'entreprise - Livre III28

J + 51

Convocation du comité d'entreprise à la 3ème réunion - Livre III

J + 54

3ème réunion du comité d'entreprise - Livre III

J + 56

Envoi des lettres de licenciement29

J + 64

Expiration du délai pour accepter congé de reclassement ou mise en _uvre anticipée du PARE

Entreprise d'au moins cinquante salariés procédant à des licenciements collectifs touchant entre dix et cent salariés

Quatrième hypothèse

Le comité d'entreprise a eu recours à un expert-comptable au cours des deux phases

de consultation du livre IV puis du livre III.

J - 3

Convocation du comité d'entreprise à la 1ère réunion - Livre IV (L. 432-1)

Ordre du jour : Projet de restructuration et de compression des effectifs.

Avis et éventuellement propositions alternatives du comité d'entreprise
Remise du document d'information (article L. 431-5)

J

1ère réunion - Livre IV du comité d'entreprise
Désignation d'un expert-comptable

J + 13

Remise du rapport de l'expert-comptable30

J + 18

Convocation 2ème réunion - Livre IV

J + 21

2ème réunion - Livre IV 31

J + 22

Convocation du comité d'entreprise à la 1ère réunion - Livre III (articles L. 321-2 à L. 321-4-1)
Ordre du jour : Projet de licenciement collectif pour motif économique

Plan de sauvegarde de l'emploi

J + 25

1ère réunion du comité d'entreprise - Livre III

Désignation d'un expert-comptable

J + 26

Notification du projet de licenciement à l'inspecteur du travail

J + 43

Convocation du comité d'entreprise à la 2ème réunion - Livre III32

J + 46

2ème réunion du comité d'entreprise - Livre III

J + 55

Eventuellement 1er constat carence de l'inspecteur du travail 33

J + 57

Convocation du comité d'entreprise à la 3ème réunion - Livre III34

J + 60

3ème réunion du comité d'entreprise - Livre III

J + 61

Notification complémentaire à l'inspection du travail

Communication du plan de sauvegarde de l'emploi définitif

Information des salariés sur le congé de reclassement35 et sur la mise en _uvre anticipée du PARE

J + 68

Fin délai pour observation de l'inspecteur du travail sur la procédure36

J + 69

Eventuellement 2ème constat de carence de l'inspecteur du travail 37

J + 71

- Demande éventuelle 4ème réunion du comité d'entreprise - Livre III38

- Envoi des lettres de licenciement si pas de 4ème réunion du comité d'entreprise - Livre III39

- Convocation du comité d'entreprise à la 4ème réunion - Livre III

J + 74

4ème réunion du comité d'entreprise - Livre III

J + 75

Envoi des lettres de licenciement10

J + 79 ou

J + 83 40

Expiration du délai pour accepter congé de reclassement ou mise en _uvre anticipée du PARE

Les deux schémas suivants illustrent la complexité sans égale de la procédure.

graphique
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2. Les dispositions de la loi du 17 janvier 2002 qui restent applicables sont plus nombreuses que celles dont l'application est suspendue

L'objectif poursuivi par le gouvernement n'est pas de faire table rase du passé. Ainsi restent applicables un grand nombre d'articles de la loi du 17 janvier 2002 dont l'application n'est pas suspendue. Il est cependant possible que le futur projet de loi devant être présenté après les négociations interprofessionnelles revienne sur certaines des dispositions que le présent projet de loi ne vise pas.

Articles du volet licenciement de la loi de modernisation sociale

dont l'application est suspendue

Art 97

Décision des organes de direction avant toute cessation d'activité

Objet : Dans les cas de cessations d'activité ayant pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois, est prévue la transmission aux organes de direction ou de surveillance d'une fiche d'impact social et territorial.

La décision des organes de direction est prise entre la phase du plan de restructuration (livre IV du code du travail) et la phase du plan de licenciement économique (livre III).

Art 98

Étude d'impact social et territorial des projets de développement stratégique

Objet : Est prévue la transmission aux organes de direction ou de surveillance d'une fiche d'impact social et territorial jointe à tout projet de développement stratégique de nature à affecter de façon importante les conditions d'emploi et de travail.

Art 99

Clarification des étapes de la consultation du comité d'entreprise en cas de restructuration et de plan de licenciement

Objet : Une distinction est faite entre les deux phases de consultation du comité d'entreprise : la première relative au projet de restructuration (livre IV) et la deuxième relative au plan de licenciement (livre III).

Art 101

Renforcement des pouvoirs du comité d'entreprise

Objet :  Ces dispositions portent sur le rôle du comité d'entreprise en cas de projet de restructuration (possibilité pour le comité d'entreprise d'émettre des propositions alternatives à celles de l'employeur ; droit d'opposition reconnu au comité d'entreprise dans certains cas ; possibilité pour le comité d'entreprise de recourir à un expert-comptable)

Art 106

Possibilité de saisir un médiateur en cas de contestation entre le comité d'entreprise et l'employeur s'agissant d'un projet de cessation d'activité

Objet : Est prévue la possibilité de saisir un médiateur en cas de divergence importante et persistante entre le chef d'entreprise et le comité d'entreprise s'agissant d'un projet de cessation d'activité ayant pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois. Ces dispositions prévoient les modalités de la saisine, les pouvoirs du médiateur, son rôle, la portée de sa recommandation que les parties peuvent accepter ou refuser.

Art 109

Suppression du critère de qualités professionnelles pour la détermination de l'ordre des licenciements pour motif économique

Objet : Le critère des qualités professionnelles est retiré de la liste indicative des critères cités par la loi pour fixer l'ordre des licenciements entre les salariés.

Art 116

Pouvoirs de l'inspecteur du travail s'agissant du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi

Objet : Ces dispositions portent sur les compétences de l'inspecteur du travail qui peut intervenir tout au long de la procédure d'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi. Une nouvelle possibilité est reconnue à l'inspecteur du travail de dresser un constat de carence sur le plan de sauvegarde de l'emploi définitivement arrêté, donc issu de la dernière réunion du comité d'entreprise. Dans le cas où un procès-verbal de carence est dressé, les représentants du personnel peuvent exiger la tenue d'une réunion supplémentaire.

Articles du volet licenciement de la loi de modernisation sociale

qui continuent à s'appliquer

Art 96

Démarches visant à une réduction du temps de travail préalable à la présentation de tout plan de sauvegarde de l'emploi

Objet : Avant de présenter un plan de sauvegarde de l'emploi, il faut avoir mis en place les trente-cinq heures (ou 1600 heures sur l'année) ou avoir engagé des négociations dans ce sens.

Art 100

Informations du comité d'entreprise à l'occasion d'une annonce publique faite par l'employeur

Objet : L'employeur doit organiser une réunion du comité d'entreprise dans les quarante-huit heures suivant une annonce publique portant exclusivement sur la stratégie économique de l'entreprise. Il doit informer le comité d'entreprise préalablement à l'annonce publique lorsque celle-ci est de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi. Les règles applicables en cas d'annonces publiques affectant plusieurs entreprises d'un groupe sont définies, de même que les sanctions en cas d'inobservation des nouvelles dispositions.

Art 105

Impact d'un projet de restructuration sur les entreprises sous-traitantes

Objet : L'employeur de l'entreprise donneuse d'ordre doit informer obligatoirement l'entreprise sous-traitante sur tout projet de restructuration pouvant avoir des répercussions sur l'emploi ou l'activité dans la seconde entreprise.

Art 108

Tentatives de reclassement du salarié avant tout licenciement pour motif économique

Objet : Deux conditions sont nécessaires avant de procéder au licenciement d'un salarié : en amont avoir correctement formé le salarié en question et une fois le projet de licenciement connu, avoir recherché toutes les possibilités d'un reclassement interne.

Art 110

Caractère irrégulier des procédures de licenciement pour motif économique en cas de non-consultation d'institutions représentatives du personnel inexistantes dans l'entreprise

Objet : Une sanction est prévue pour les employeurs procédant à des licenciements sans respecter les dispositions sur la consultation des institutions représentatives du personnel inexistantes dans l'entreprise alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été dressé.

Art 111

Possibilité pour le juge de prononcer la poursuite du contrat de travail

Objet : Une possibilité de réintégration du salarié à sa demande est prévue si le juge constate que la procédure de son licenciement est nulle et de nul effet.

Art 112

Validité du plan social et droit au reclassement

Objet : Ces dispositions déterminent les différentes actions pouvant figurer dans un plan de sauvegarde de l'emploi. Sont posés des critères d'appréciation de la validité d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Art 114

Lutte contre les contournements de la législation sur la présentation de plan de sauvegarde de l'emploi

Objet : Ces dispositions ont trait à la lutte contre les pratiques de certains employeurs qui procèdent à des licenciements par « paquets » de neuf salariés plusieurs fois dans l'année (dans le but de s'exonérer des dispositions sur l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi).

Art 115

Modalités de suivi du plan de sauvegarde de l'emploi

Objet : Ces dispositions portent sur le suivi par les représentants du personnel et l'inspecteur du travail des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi.

Art 117

Priorité automatique de réembauchage des salariés licenciés au cours de l'année qui suit le licenciement

Objet : Les salariés licenciés bénéficient pendant un an automatiquement d'une priorité de réembauchage dans l'entreprise qui les a licenciés pour motif économique.

Art 118

Contributions devant être apportées par les entreprises ayant procédé à des licenciements à l'origine de sérieux déséquilibres dans les bassins d'emploi concernés

Objet : Ces dispositions définissent les actions devant être menées par les entreprises ayant procédé à des licenciements affectant l'équilibre économique d'un bassin d'emploi. Les obligations posées varient selon que l'entreprise en question occupe entre cinquante et mille salariés ou occupe au moins mille salariés. Pour les secondes, des conventions sont conclues entre l'entreprise et le préfet.

Art 119

Bilan d'évaluation des compétences

Objet : Ces dispositions mettent en place un congé de reclassement pouvant bénéficier aux salariés licenciés dans des entreprises occupant au moins mille salariés. Sont précisés l'objet du congé de reclassement, le fait que le congé est effectué pendant le préavis, les conditions de la rémunération du salarié.

Art 120

Extension du PARE aux salariés licenciés en préavis

Objet : Ces dispositions permettent la mise en place de mesures d'anticipation du Plan d'aide au retour à l'emploi : dispositif dit du pré-PARE. Elles précisent les conditions d'accès aux mesures du pré-PARE, les obligations du chef d'entreprise pendant la réalisation de ces mesures et les sanctions à l'encontre du chef d'entreprise en cas d'inobservation de ces dispositions.

Art 121

Financement par l'UNEDIC

Objet : Mesure de coordination s'agissant de la possibilité pour l'Unedic de financer ces nouvelles mesures

Art 122

Information des maires sur l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire

Objet : Il est nécessaire d'informer le maire en cas de procédure de redressement judiciaire ouverte vis-à-vis d'une société ayant son siège dans la commune.

B. LES PARTENAIRES SOCIAUX SONT APPELÉS À NÉGOCIER À DEUX NIVEAUX : NATIONAL ET INTERPROFESSIONNEL D'UNE PART ET AU SEIN DE L'ENTREPRISE D'AUTRE PART

1. Vers un accord national interprofessionnel

L'objectif poursuivi par le gouvernement est d'inciter les partenaires sociaux à négocier un accord national interprofessionnel sur la question des procédures du licenciement économique. C'est au vu des résultats de cette négociation qu'un futur projet de loi sera présenté.

Les auditions qu'il a menées ont permis au rapporteur de constater que si certains responsables de confédérations syndicales s'interrogent sur les formes que pourrait prendre cette négociation ainsi que son contenu exact, globalement les représentants des organisations syndicales comme patronales admettent qu'il serait bon de parvenir à un accord nationale interprofessionnel sur cette question.

Comme le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité l'a justement rappelé lors de son audition par la commission le 14 novembre 2002, « d'une manière générale, l'article premier du projet de loi entend renouer avec une tradition française du paritarisme, qui fut brutalement rompu par les lois sur les trente-cinq heures et celle dite de modernisation sociale. Par le passé, cette pratique a conduit à engager de grandes réformes dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle à partir d'accords nationaux interprofessionnels. On peut citer : l'accord du 10 février 1969, qui a précisé le contenu et les délais de la procédure de consultation du comité d'entreprise avant toute compression d'effectif ; l'accord du 10 octobre 1974 qui, alors que le chômage connaissait une croissance rapide liée au premier choc pétrolier, institua une indemnité spécifique pour les salariés licenciés pour motif économique ; l'accord interprofessionnel du 20 octobre 1986 conclu après l'abandon de l'autorisation administrative de licenciement qui a défini les garanties reconnues aux salariés ainsi que les modalités de leur reclassement. »

Si le principe d'un accord national interprofessionnel est globalement considéré comme acceptable par les acteurs concernés, des questions se posent en revanche quant au champ qui serait laissée à cette négociation. Le rapporteur considère que les partenaires sociaux peuvent - et même doivent - élargir au maximum leurs discussions qui pourraient porter non seulement sur les dispositions suspendues mais bien évidemment également sur celles qui ne le sont pas. Plus généralement, les débats devraient porter sur la façon de mieux protéger les salariés des très petites entreprises qui ne sont guère concernées ni par les dispositions de la loi de modernisation sociale ni par celles du présent projet de loi. Du coté patronal, les représentants du MEDEF, de la CGMPE et de l'UPA ont indiqué au rapporteur lors de leur audition qu'ils seraient favorables à une négociation d'ensemble qui n'omettrait ni les questions de reclassement, ni celles de la formation professionnelle. Du côté des représentants des salariés, la CFTC et la CGC se sont notamment prononcées pour des négociations le plus vastes possibles. La CGC a même évoqué l'idée de négocier un véritable pacte pour l'emploi qui prendrait en compte les négociations sur la prévention des licenciements économiques, l'indemnisation du chômage et la formation professionnelle.

Le rapporteur considère pour sa part que le sujet du licenciement économique doit en effet être traité de la manière la plus large possible pour parvenir au niveau interprofessionnel aux compromis les plus satisfaisants.

2. Des négociations au niveau de l'entreprise, au plus proche du terrain

Le projet de loi est novateur dans son approche des relations sociales : il part du principe que les accords d'entreprise, qui peuvent éventuellement déroger à certaines des règles actuellement en vigueur à condition d'être signées par des syndicats majoritaires dans l'entreprise, vont nourrir la négociation interprofessionnelle, qui elle-même sera un élément déterminant du futur projet de loi.

C'est évidemment parce que le projet de loi conditionne la validité des accords d'entreprise à leur signature par la ou les organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés au cours des dernières élections au comité d'entreprise que la démarche toute entière est cohérente. Le recours à l'accord majoritaire se justifie par l'importance et la sensibilité du sujet. Lors de leurs auditions par le rapporteur, les représentants de la CGC ont estimé que le gouvernement faisait fi de la position commune du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective et ont noté que la notion de majorité pouvait être à géométrie variable : on peut en effet parler de majorité en termes d'électeurs inscrits, de suffrages exprimées ou de nombre de syndicats.

De façon générale, deux organisations syndicales se sont prononcées au niveau national clairement en faveur de la logique majoritaire : il s'agit de la CFDT et de la CGT. Lors de leur audition par le rapporteur, les représentants de la CGT, qui se sont par ailleurs déclarés en opposition avec le contenu du projet de loi, ont sur le principe même de l'accord majoritaire tenu à rappeler leur conviction que « la minorité ne saurait faire la loi dans l'entreprise ». Les représentants du syndicat FO reçus par le rapporteur se sont, quant à eux, déclarés en défaveur de la logique de l'accord majoritaire, y voyant le prémisse de la remise en cause de la notion de représentativité telle qu'issue de l'arrêté de 1966 qui fixa la liste des syndicats reconnus représentatifs.

Le rapporteur est pour sa part convaincu que la logique retenue par le projet de loi n'est en rien contraire ou irrespectueuse du contenu de la Position commune du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective41 et que dans les mois à venir, les syndicats y compris les plus réticents aujourd'hui, vont se mettre à la table des négociations. Il en va de l'intérêt des salariés comme de ceux des entreprises.

*

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a procédé à l'audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi au cours de sa séance du 14 novembre 2002..

Le président Jean-Michel Dubernard a tout d'abord indiqué que le projet de loi s'inscrit dans un ensemble cohérent de textes examinés par le parlement depuis quelques mois : le premier concernant l'accès des jeunes en entreprise, le deuxième relatif à l'assouplissement des trente-cinq heures et à l'augmentation du SMIC sur trois ans et le présent texte qui tend à suspendre les dispositions les plus nuisibles de la loi de modernisation sociale. La démarche retenue par le gouvernement repose sur la volonté de relancer fortement le dialogue social entre les partenaires sociaux. Ceux-ci doivent être davantage associés à l'élaboration des règles applicables dans tous les domaines du droit social. Les chantiers ouverts par le gouvernement sont nombreux, le « texte phare » de la législature devant porter sur la réforme des retraites.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité,- a tout d'abord assuré les commissaires de sa volonté de mettre fin rapidement aux aspects les plus négatifs des lois adoptées par la précédente majorité. En effet, certaines dispositions votées au cours de la dernière législature en matière sociale ont fait de la France l'un des pays les moins attractifs de l'Union européenne.

Le projet de loi traite d'un sujet douloureux et complexe : celui du licenciement économique et de ses conséquences sur l'emploi. Il s'agit d'un domaine sur lequel nul n'a le droit de mentir aux Français. On sait que les restructurations et les licenciements font partie de la vie économique. En la matière, rien n'est définitif, rien n'est jamais acquis. Prétendre le contraire, faire croire le contraire, c'est tromper les salariés. Il convient, en revanche, d'anticiper les conséquences sociales de ces licenciements et de ces restructurations parfois brutales ; il faut savoir les accompagner avec efficacité et humanité. Plus largement, le gouvernement cherche à mener une stratégie économique dynamique et attractive qui encourage la création d'emplois. C'est là l'ambition du gouvernement et de ce projet qui se propose d'écarter les fausses solutions de la loi dite de modernisation sociale.

Ayant jugé certaines dispositions de cette loi préjudiciables autant aux salariés qu'à l'économie, le gouvernement a souhaité agir de façon ciblée. On sait que nombre d'entreprises en difficulté préfèrent cesser toute activité plutôt que de s'aventurer dans le labyrinthe de la loi du 17 janvier 2002. Il existe un risque sérieux que les investisseurs internationaux choisissent de s'implanter hors de France, lassés par notre tendance à rendre les règles sociales toujours plus complexes, plus lourdes et aussi plus incertaines et imprévisibles. Si le gouvernement laissait les choses en l'état, de nombreux salariés pourraient se retrouver sans emploi. Ceux-ci savent bien qu'il est faux de croire qu'en faisant mine de durcir la législation sur les licenciements, on pourrait les éviter.

Le gouvernement juge aujourd'hui nécessaire de redonner la main aux partenaires sociaux eux-mêmes. Il faut parvenir à un droit du licenciement privilégiant, à l'instar de ce qui se passe dans la plupart de nos partenaires européens, la recherche d'un accord collectif. Il y va de l'intérêt de chacun.

Le ministre a ensuite présenté les grandes lignes du projet de loi.

L'article 1er renvoie à la négociation interprofessionnelle différentes dispositions de la loi du 17 janvier 2002, dont il suspend l'application pendant une période de dix-huit mois. Si les partenaires sociaux parviennent à un accord national interprofessionnel, comme cela est possible et souhaitable, un futur projet de loi pourrait, au vu des résultats de cette négociation, prévoir un nouveau régime en matière d'information et de consultation des représentants du personnel en cas de restructuration et de plan social.

Les dispositions suspendues portent sur les modifications apportées par la loi dite de modernisation sociale aux règles organisant la concertation et le dialogue entre l'employeur et les représentants élus du personnel. Il faut rappeler que les dispositions concernées n'avaient fait l'objet ni d'un accord entre les partenaires sociaux, ni même d'une concertation avec eux et qu'elles furent alors critiquées par l'ensemble des organisation syndicales.

En prévoyant la mise en place d'un médiateur, une séparation et une succession dans le temps des procédures de consultation du comité d'entreprise prévues par les livres IV et III du code du travail, en introduisant de nouvelles étapes dans l'exercice par l'administration de son pouvoir de contrôle dans le cadre du livre III de ce code, la loi du 17 janvier 2002 comporte des risques d'allongement des délais, de blocage et d'insécurité juridique pour les entreprises. L'ensemble de ces mesures, sans avoir nullement freiné les licenciements, les ont rendus plus cruels encore dans certains cas.

On peut noter également que l'article 109 de la loi du 17 janvier 2002, qui écartait le critère des qualités professionnelles des critères prévus par la loi pour déterminer l'ordre des licenciements, tout en laissant aux employeurs la possibilité d'y avoir recours, était la source d'une grande confusion. Dans le but de clarifier l'application de ces critères, qui font d'ailleurs déjà l'objet d'un encadrement satisfaisant dans la plupart des conventions collectives, il a été décidé de suspendre l'application de l'article 109.

D'une manière générale, cet article premier du projet de loi entend renouer avec une tradition française du paritarisme, qui fut brutalement rompu par les lois sur les trente-cinq heures et celle dite de modernisation sociale. Par le passé, cette pratique a conduit à engager de grandes réformes dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle à partir d'accords nationaux interprofessionnels. On peut citer : l'accord du 10 février 1969, qui a précisé le contenu et les délais de la procédure de consultation du comité d'entreprise avant toute compression d'effectif ; l'accord du 10 octobre 1974 qui, alors que le chômage connaissait une croissance rapide liée au premier choc pétrolier, institua une indemnité spécifique pour les salariés licenciés pour motif économique ; l'accord interprofessionnel du 20 octobre 1986 conclu après l'abandon de l'autorisation administrative de licenciement qui a défini les garanties reconnues aux salariés ainsi que les modalités de leur reclassement.

En suspendant certains articles de la loi du 17 janvier 2002, et en appelant à l'ouverture de négociations, le projet de loi n'entend en aucun cas limiter l'objet et le champ de la négociation, bien au contraire. Le dialogue social, qui a toute sa place à l'occasion d'une restructuration et d'un projet de licenciement, ne peut en effet se limiter aux questions de procédures d'information et de consultation des représentants du personnel. L'enjeu est aussi d'améliorer la formation et de traduire, de façon concrète et opérationnelle, l'obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi. Dans cet esprit, les partenaires sociaux sont aujourd'hui vivement encouragés à reprendre leurs négociations sur la formation professionnelle. Le développement d'une logique d'assurance emploi pourrait en effet constituer la seule véritable garantie pour les salariés face au changement inéluctable des emplois et des compétences et face aux évolutions du marché du travail. Des négociations devraient par ailleurs s'ouvrir à la fin de l'année sur l'assurance-chômage. A cette occasion, les voies et moyens de développer la formation des demandeurs d'emploi et de faciliter les reconversions professionnelles devraient être examinées.

L'article 2 du projet de loi s'inspire de la même conception des relations sociales. A travers la possibilité reconnue, à titre expérimental, de conclure des accords d'entreprise relatifs à l'information et à la consultation du comité d'entreprise en cas de licenciement économique, cet article vise à conforter les accords de méthode déjà signés dans certaines entreprises et à encourager la négociation de nouveaux accords. Ceux-ci devront préciser les modalités concrètes de mise en oeuvre des obligations générales en matière de consultation des représentants du personnel. Ils pourront le cas échéant prévoir des règles différentes de celles prévues par le code du travail, mais mieux adaptées à la situation de l'entreprise. Toutefois, en aucun cas, ces accords ne pourront déroger aux dispositions relatives au contenu de l'information délivrée au comité d'entreprise, ou priver celui-ci de son droit de formuler des propositions autres que celles de l'employeur et de recourir à une expertise. Ces accords ne pourront non plus avoir pour effet de priver l'administration de ses prérogatives en matière de contrôle du plan social.

Mais, dans la mesure même où ils pourront prévoir des modalités d'organisation du dialogue social un peu différentes de celles prévues par la loi, certaines garanties sont introduites. En premier lieu, l'accord est conclu à titre expérimental. Sa durée est donc limitée à deux ans. Ces accords de méthode pourront nourrir la négociation interprofessionnelle, même s'ils ne pourront en aucun cas préjuger de son issue, ni du régime définitif fixé par la loi. En second lieu, l'accord devra être signé par des syndicats majoritaires. II s'agit d'un gage à la fois d'adhésion des salariés à une démarche négociée, de recherche d'un compromis et de sécurité pour l'entreprise. La logique de l'accord majoritaire est en effet à l'opposé d'une logique de confrontation et d'opposition exacerbée où les différends se règlent devant le juge, souvent au préjudice de l'entreprise comme des salariés.

L'accord de méthode ainsi prévu par l'article 2 innove à un double titre. Il illustre d'abord une certaine idée de la démocratie sociale dans l'entreprise, articulée autour d'acteurs représentatifs, reconnus légitimes et responsables, engagés dans un dialogue continu, qui ne doit pas cesser dans les phases les plus difficiles de la vie de l'entreprise. A cet égard, il faudra aller plus loin en ce domaine, en s'appuyant sur la position commune définie par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel en juillet 2001. Ce dossier sera ouvert dès le début de l'année prochaine. L'accord de méthode est également de nature à donner un nouvel élan à la négociation sur l'emploi. L'enjeu est important : il s'agit développer au niveau de l'entreprise une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, d'anticiper les mutations de l'entreprise en mettant en place des dispositifs d'adaptation des salariés et de reclassement en amont du licenciement.

On peut relever que l'application de cet article 2 fera l'objet d'un rapport du gouvernement accompagné de l'avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, dont le parlement sera destinataire.

En conclusion, le ministre a estimé que le projet de loi proposé visait à remettre au coeur de l'évolution des règles sociales les partenaires sociaux. Il s'écarte des fausses solutions retenues par la loi du 17 janvier 2002, qui laissait penser que les licenciements allaient être empêchés grâce au rallongement des procédures. En réalité, le véritable effet de la loi dite de modernisation sociale est qu'elle judiciarise à l'excès les rapports sociaux. Pour sa part, le projet de loi entend réunir les conditions d'un dialogue social équilibré et renouvelé, pour apporter la garantie véritable dont les salariés ont besoin : celle de pouvoir retrouver un emploi, lorsque celui qu'ils occupent vient à être supprimé pour des raisons économiques objectives. Cela passe par une véritable gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, ainsi que par la mise en place d'une assurance emploi formation. L'Etat et les partenaires sociaux ont le devoir de trouver ensemble les meilleures solutions pour relever ces défis.

Un débat a suivi l'intervention du ministre.

M. Dominique Dord, après avoir rappelé que le projet de loi fait partie d'un ensemble de mesures déjà prises ou annoncées par le gouvernement, a fait les observations suivantes :

- L'article 1er prévoit un délai de dix-huit mois durant lequel certaines dispositions de la loi de modernisation sociale ayant modifié des articles du code du travail seront suspendues. Durant cette période, les partenaires sociaux sont invités à mener une négociation au niveau de l'entreprise sur les modalités de l'information et de la consultation du comité d'entreprise concernant les plans de restructuration et de compression des effectifs. Cependant, en réalité cette durée de suspension risque d'être plus courte puisque le texte prévoit qu'un second projet de loi doit être présenté avant le dix-huitième mois. Un nouveau délai d'un an de suspension des articles de la loi de modernisation sociale est alors prévu afin de permettre l'adoption de ce nouveau texte, destiné à fixer définitivement le droit positif. Cela fait donc, au total, deux ans et demi de suspension, ce qui paraît relativement long. Le choix de tels délais reflète la grande prudence du gouvernement en la matière, mais il serait peut-être souhaitable de pouvoir aller un peu plus vite.

Le projet de loi ouvre un nouveau champ à la négociation collective, mais il ne précise pas si celui-ci est limité aux dispositions suspendues de la loi de modernisation sociale ou bien si les partenaires sociaux pourront faire des propositions au delà, notamment pour ce qui concerne les licenciements dans les petites entreprises. En effet, si ceux-ci sont moins spectaculaires que les plans sociaux dans les grands groupes, qui frappent par leur côté massif, ils n'en sont pas moins dramatiques pour les personnes concernées.

Enfin, le texte ne précise pas si l'ensemble des modalités d'information et de consultation des comités d'entreprise pourra, à titre expérimental, faire l'objet d'accords dérogatoires ou bien si certains points, relevant de « l'ordre public social », demeureront intouchables. Laisser dans le flou le champ de ces accords dérogatoires risque d'entraîner une situation d'incertitude sociale et d'insécurité juridique.

M. Maxime Gremetz a estimé que, contrairement aux affirmations du ministre, la loi de modernisation sociale constitue un progrès considérable puisqu'elle a accordé des droits nouveaux au bénéfice notamment des comités d'entreprise. Les dispositions dont il est aujourd'hui demandé la suspension ont été obtenues de haute lutte par le groupe communiste au moment des débats parlementaires sur le projet de loi précité et devaient permettre de mieux lutter contre la multiplication des plans de licenciements prétendument économiques. L'ensemble de ces dispositions se trouvent de fait supprimées par le projet de loi.

Le gouvernement fait mine d'adopter une position raisonnable en ne suivant pas les demandes d'abrogation émanant du MEDEF et en décidant une simple suspension. Il s'agit là d'une position « centriste », qui manque de franchise, car derrière la suspension provisoire des dispositions, se cache bien entendu leur disparition pure et simple à terme. Par ailleurs, le texte n'est pas clair, puisqu'il ne cite pas précisément les dispositions écartées, qui sont pourtant de première importance. Il s'agit notamment de l'obligation de fournir une étude d'impact social et territorial aux organes de direction et de surveillance des entreprises qui licencient ou qui ont l'intention de mener à bien un projet de développement stratégique de nature à affecter de façon importante les conditions d'emploi et de la distinction faite par la loi de modernisation sociale entre les deux phases de la consultation du comité d'entreprise au moment de la restructuration et au moment des licenciements proprement dits.

Le fait de suspendre l'article 101 constitue un véritable retour en arrière puisque cet article avait permis de renforcer le rôle du comité d'entreprise en facilitant le recours à un expert-comptable, ou en lui donnant dans certains cas un droit d'opposition grâce à la saisine d'un médiateur. Alors que la loi de modernisation sociale avait éliminé le critère des qualités professionnelles dans l'établissement de l'ordre des licenciements, le projet de loi le rétablit. De même, les pouvoirs de l'inspection du travail qui avaient été accrus sont diminués du fait de la suspension de l'article 116.

Le ministre n'est pas de bonne foi lorsqu'il dit que plusieurs plans de licenciement ont été provoqués par la loi de modernisation sociale puisque cette loi n'est jamais réellement entrée en application. De même, cette loi a été accusée d'allonger de façon inacceptable les procédures de licenciement mais il semble tout de même légitime, lorsque l'on doit décider du sort de plusieurs centaines de salariés, de prendre le temps nécessaire pour envisager toutes les solutions possibles et atteindre ainsi de bons taux de reconversion et de reclassement.

En réalité, le projet de loi présenté est un vrai texte de régression sociale qui ne satisfait aucune organisation syndicale. Il remet en cause des avancées sociales importantes qui avaient fait progresser la démocratie dans l'entreprise. La formule choisie est habile, puisque le projet s'attaque à des acquis sociaux importants tout en appâtant les syndicats grâce à la mise en place des accords majoritaires. Si l'on ne peut qu'être favorable au principe des accords majoritaires, le cadre juridique applicable aux licenciements économiques ne saurait valablement se résumer aux seules négociations d'entreprise. Les accords interprofessionnels et le code du travail doivent être deux sources du droit complémentaires ; leur opposition est immanquablement porteuse de remises en cause des droits sociaux.

Relevant que le calendrier de la commission avait été bouleversé en raison d'une réunion inopinée du groupe parlementaire majoritaire et que les commissaires n'avaient pas eu connaissance du projet de loi examiné la veille par le Conseil des ministres, M. Gaëtan Gorce a souligné les mauvaises conditions de travail de la commission dont pâtissent principalement les membres de l'opposition. Il a demandé si le gouvernement avait déclaré l'urgence sur le texte ; si tel était le cas, il y aurait lieu de s'interroger sur les modalités mêmes d'exercice du travail parlementaire. Est-il encore utile dans ces conditions de réunir le Parlement ?

Il a ensuite fait les remarques suivantes :

- Ce projet de loi est une aberration : en effet, alors que le nombre de demandeurs d'emploi s'accroît inexorablement et que les perspectives en la matière sont plus que jamais mauvaises, le gouvernement souhaite ouvrir les vannes du licenciement. Cette politique, qui ne cherche pas à compenser les effets négatifs du cycle économique actuel mais au contraire va dans le même sens que lui, suscite des inquiétudes non seulement parmi les membres de l'opposition mais également parmi les experts, les juristes et les acteurs sociaux eux-mêmes.

- Le gouvernement, après avoir annoncé de façon hypocrite qu'il procédait à un simple « assouplissement » des lois portant sur la réduction du temps de travail, propose aujourd'hui la « suspension » de certaines dispositions de la loi de modernisation sociale. Or, comme le projet de loi renvoie à la négociation collective et que les résultats prévisibles de cette négociation collective sont pour le moins aléatoires, il aboutit à une abrogation de fait. On peut en effet être sceptique quant au dynamisme de la négociation collective, qu'elle concerne la fixation du contingent conventionnel des heures supplémentaires ou l'accord national interprofessionnel devant être signé sur les procédures de licenciement. En outre, le projet de loi ne respecte pas la hiérarchie des normes, ce qui paraît particulièrement grave.

- Il convient d'éviter la confusion fréquemment faite entre deux types de licenciements : d'une part le plan social « d'urgence », lié aux variations de la conjoncture, et d'autre part le plan social « boursier ». Cette dernière catégorie, qui pose le plus de problèmes, concerne surtout les grands groupes qui décident sans concertation de procéder à de vastes réorganisations. Alors même que celles-ci ont des répercussions très néfastes sur l'emploi, les procédures se caractérisent souvent par une totale opacité et une absence de réel débat avec les représentants des personnels concernés.

Bien qu'il soit extrêmement difficile, dans les faits et juridiquement, de distinguer nettement le plan dit boursier d'un autre plan social, la loi de modernisation sociale avait néanmoins tenté de lutter contre les licenciements jugés abusifs. Pour ce faire, la loi a donné à la fois plus d'informations et de moyens d'action aux représentants du personnel s'agissant, en amont, de la stratégie de l'entreprise elle-même. La loi a ainsi clairement obligé l'employeur à réunir le comité d'entreprise dans un premier temps sur le projet de restructuration - dispositions qui relèvent du livre IV du code du travail - et dans un second temps seulement sur le projet de licenciement - ce qui relève du livre III.

- Les entreprises ont parfois tendance à renvoyer sur les pouvoirs publics la responsabilité des licenciements économiques auxquelles elles doivent procéder. Or, les entreprises doivent être considérées comme des acteurs responsables. Des dispositions de la loi de modernisation sociale vont précisément dans ce sens, ce qui est cohérent avec la pratique observée dans d'autres pays européens dans lesquels ont été mis en place des procédures évitant de rompre prématurément le contrat de travail. Il faut admettre l'idée qu'une obligation de réparation incombe au groupe ou à l'entreprise qui licencie et affecte ainsi l'équilibre de tout un bassin d'emploi voire d'une profession.

En tout état de cause, la réussite d'un plan social se mesure à l'implication de l'employeur et des représentants du personnel. De la qualité de leur dialogue découlent les résultats concrets en termes de reconversion et de reclassement véritables des salariés touchés.

- On peut s'interroger sur le rôle dévolu à la cellule de veille chargée d'organiser une meilleure gestion en amont des plans sociaux, pilotée par M. Claude Viet, alors que dans le même temps les partenaires sociaux sont appelés à négocier sur ces questions.

- Comme le ministre l'a indiqué, il faut répondre aux préoccupations exprimées par les Français le 21 avril dernier. Dans ce contexte, le politique et le social, s'ils ne peuvent pas remplacer l'économique, doivent du moins l'équilibrer. Or, aujourd'hui, des emplois sont supprimés en masse et des grands groupes ont d'ores et déjà annoncé leur intention de délocaliser des pans entiers de leurs activités à l'intérieur de l'espace de l'Union européenne. Il faudrait davantage agir au niveau communautaire, identifier les bonnes pratiques et réfléchir à la création d'une autorité sociale européenne qui pourrait se prononcer sur la validité des procédures engagées. On peut se féliciter pour l'heure qu'une directive communautaire sur l'information et la consultation des travailleurs ait été finalisée.

- Il convient d'une manière générale d'inciter fortement les trop nombreuses entreprises qui ne font aucun effort en matière de gestion de leur personnel à changer de comportement.

En conclusion, M. Gaëtan Gorce a estimé que le gouvernement actuel allait, par son action irréfléchie, contribuer à dégrader encore dans les mois à venir la situation du marché de l'emploi.

M. René Couanau a tout d'abord déclaré que les responsables politiques de l'opposition qui donnent aujourd'hui des leçons n'étaient manifestement pas parvenus, lorsqu'ils étaient au pouvoir, à trouver une solution satisfaisante en matière de licenciements économiques. Il a ensuite fait les remarques suivantes :

- Il est indispensable de tenir un langage de vérité aux salariés comme aux entreprises. S'il faut éviter les fausses bonnes solutions, il ne faut pas en revanche écarter les vrais problèmes.

- La suspension de certaines dispositions de la loi de modernisation sociale s'impose, afin notamment de restaurer l'attractivité du territoire français mise à mal par le précédent gouvernement. Mais il apparaît tout aussi nécessaire de donner dès à présent les pistes devant permettre l'élaboration d'un prochain projet de loi ayant vocation à substituer de nouvelles dispositions aux articles inefficaces de la loi de modernisation sociales. Il est certain que compte tenu de l'impact considérable des plans de licenciements sur l'équilibre économique et social des régions et des bassins d'emplois, les responsables politiques ne sauraient rester inertes.

- Si la majorité soutient la démarche consistant à suspendre les dispositions les plus contestables de la loi de modernisation sociale, elle souhaite également qu'au cours des prochains dix-huit mois le gouvernement puisse esquisser des solutions de remplacement. L'idée avancée par le ministre d'une assurance emploi devrait être rapidement précisée. Ne peut-on pas imaginer la création d'un fonds d'aide destiné à soutenir les bassins d'emplois ayant pâti de plans sociaux ?

- La majorité se félicite de ce que la négociation collective soit ainsi relancée par le gouvernement sur des sujets divers et variés. Elle se démarque en cela clairement de l'opposition qui semble ne prêter d'attention et de crédit qu'à la loi ou au décret.

Enfin, M. René Couanau a interrogé le ministre quant à l'aspect juridique de la procédure de suspension, souhaitant savoir si elle allait conduire à « revalider » des dispositions antérieures aux modifications introduites par la loi de modernisation sociale.

Evoquant la manière caricaturale dont les employeurs sont parfois décrits, M. Jean-Charles Taugourdeau a d'abord expliqué qu'en tant que chef d'entreprise, il avait toujours considéré que les salariés méritaient, évidemment, d'être traités avec respect et considération. Les auteurs de la loi de modernisation sociale n'ont pas eu conscience que le fait de multiplier les obstacles et les freins aux procédures de licenciements a surtout eu pour effet de dissuader la création d'emplois. Or, on omet souvent de parler des emplois qui ne se créent pas à cause de dispositions trop contraignantes : plus il y a de freins à débaucher, plus il y en a à embaucher.

Puis, il a posé les questions suivantes :

- Comment peut-on traiter de la même manière les petites entreprises avec de grands groupes tels que Vivendi universal ou Danone ? Pourquoi, les mêmes dispositions du code du travail s'appliquent-t-elles à des entreprises artisanales et à de grandes multinationales ? Ne faut-il pas tenter en amont de répondre aux réticences et aux craintes de certains employeurs qui hésitent aujourd'hui beaucoup à embaucher en contrat à durée indéterminée ?

- Pourquoi la formule des groupements d'employeurs, qui permettrait pourtant d'éviter bon nombre de licenciements, est-elle si peu développée ?

Mme Muriel Marland-Militello, après avoir relevé l'impact particulièrement négatif qu'a eu l'adoption de la loi dite de modernisation sociale sur l'attractivité du territoire pour les investisseurs étrangers, s'est interrogée sur le caractère plus ou moins représentatif des organisations syndicales pouvant être amenées à signer des accords engageant la collectivité des salariés. Les salariés ne se sentent parfois pas véritablement représentés par les organisations censées parler en leur nom. La question de l'appréciation de la représentativité des syndicats est donc cruciale pour l'application de ce projet de loi.

M. Bernard Depierre a considéré que la loi improprement dénommée de modernisation sociale ne correspondait ni aux réalités des entreprises, ni aux attentes des salariés et des organisations syndicales. C'est pourquoi on peut se demander si la suspension de seulement neuf articles est suffisante et s'il ne faudrait pas l'étendre à d'autres dispositions. On pourrait notamment réfléchir au coût des licenciements économiques, les indemnités légales de licenciement ayant été multipliées par deux par la loi précitée.

Il ne faut pas oublier qu'un employeur ne procède jamais à un licenciement par plaisir. Imposer trop de contraintes aux entreprises finit pas se révéler défavorable au monde du travail lui-même car les grands groupes ne peuvent plus faire face à la concurrence européenne, tandis que les petites entreprises sont soumises à des formalités disproportionnées par rapport à leur activité. Si elle était maintenue, la loi de modernisation sociale risquerait de conduire les entreprises qui le peuvent à se délocaliser.

Il faut saluer la formule retenue par le projet de loi qui favorise la négociation au niveau des entreprises. Celles-ci seront donc en capacité de gérer de manière simple l'emploi et l'activité. D'une manière générale, l'objectif poursuivi est que le droit du travail ne soit plus perçu par les chefs d'entreprise comme une « turpitude ».

M. Jean Le Garrec a formulé les observations suivantes :

- Le licenciement est un sujet très difficile auquel aucun gouvernement depuis plus de vingt ans n'a trouvé de réponse véritablement adaptée. Les discours idéologiques en la matière ou destinés à effrayer, comme du temps de l'autorisation administrative de licenciement, doivent être prescrits.

- Il est exact que la précédente majorité a légiféré trop tardivement sur ce sujet, à la suite de débats difficiles en son sein. Ces conditions particulières expliquent que les textes d'application de la loi soit n'ont toujours pas été pris, soit ont été pris très tard.

- Le volet du licenciement économique de la loi de modernisation sociale ne concerne pas les petites entreprises mais plutôt celles qui ont plus de cinquante salariés et sont donc susceptibles de devoir élaborer des plans sociaux.

- On peut s'interroger sur la capacité des partenaires sociaux à négocier et surtout à déboucher sur des résultats tangibles s'agissant des licenciements économiques, quand on constate que la « refondation sociale », lancée par le MEDEF il y a maintenant près de deux ans, n'a abouti sur aucun sujet y compris en matière de formation professionnelle. Ce constat inquiétant sur la capacité de s'entendre des partenaires sociaux avait suscité l'organisation par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sous la précédente législature, d'un colloque consacré à la démocratie sociale. Il a en outre justifié l'intervention décisive du législateur sur de nombreux dossiers sociaux.

- L'incertitude juridique créée par le projet de loi semble particulièrement préjudiciable dans le contexte actuel caractérisé par de fortes incertitudes économiques. On peut d'ailleurs se demander ce qu'il va advenir des avancées jurisprudentielles en droit du travail consacrées par la loi de modernisation sociale. Le projet de loi n'indique pas clairement quel droit va s'appliquer pendant une période pouvant atteindre trente mois au maximum.

- La loi de modernisation sociale vise à donner de nouveaux droits aux salariés pour que toutes les pistes possibles soient envisagées lors d'un débat préalable à l'élaboration d'un plan social. Une telle démarche est en France d'autant plus nécessaire que force est de constater la qualité en général mauvaise de la gestion prévisionnelle des emplois dans les entreprises, qu'il s'agisse d'actions de formation comme de prévention des licenciements. Une telle démarche apparaît certes compliquée à mettre en _uvre mais indispensable pour éviter qu'un licenciement économique ne constitue la seule variable d'ajustement utilisée.

Mme Irène Tharin s'est indignée du procès d'intention fait à la majorité qui est accusée par l'opposition de ne pas être à l'écoute des personnes licenciées. Au contraire, les élus s'impliquent pour s'efforcer d'accompagner au mieux les restructurations économiques des entreprises et leurs conséquences sociales souvent dramatiques. Si les licenciements font bien partie de la vie économique, ils sont parfois trop brutaux et il faut tout faire pour les anticiper, ce que ne permettait nullement la loi dite de modernisation sociale.

M. Jean-Marie Geveaux a fait les remarques suivantes :

- Il faut rappeler que le texte ne remet en cause qu'une partie de la loi de modernisation sociale, même s'il s'agit en l'occurrence de dispositions très importantes. Seront suspendues les mesures qui représentent un véritable frein pour les entreprises, les empêchant de trouver des solutions raisonnables à leurs difficultés. Il est tout à fait légitime que les salariés aient des droits dans l'entreprise, mais il est paradoxal que ces droits se retournent contre eux.

- Procéder à un licenciement n'est jamais une solution de confort pour les employeurs. Mais il faut que la procédure puisse se dérouler dans des délais assez courts pour trouver des solutions rapides.

- Il convient de garantir la sécurité juridique des entreprises pendant la période, assez longue, où les dispositions de la loi de modernisation sociale seront suspendues et dans l'attente de la conclusion d'un accord national interprofessionnel par les partenaires sociaux

- Des attentes fortes se sont manifestées, tant pendant la campagne électorale que de la part des organisations syndicales et patronales, sur l'assurance emploi-formation. Qu'en est-il ? Par ailleurs, les procédures prévues par la loi de modernisation sociale n'étaient particulièrement pas adaptées aux petites entreprises.

M. Dominique Tian a indiqué que certaines entreprises préféraient aujourd'hui déposer leur bilan plutôt que de procéder à des licenciements économiques selon les procédures imposées par la loi du 17 janvier 2002. Or on sait qu'un dépôt de bilan a des conséquences en chaîne très graves, tant en matière de préservation des droits des salariés que vis-à-vis des fournisseurs. Des procédures d'alerte devraient être développées, notamment par les tribunaux de commerce, dans un but de prévention des licenciements et des cessations d'activités.

Peut-on légitimement avoir les mêmes exigences vis-à-vis de toutes les entreprises, alors que certaines ont bénéficié d'aides publiques et d'autres pas ? On ne peut pas en effet demander aux élus d'intervenir deux fois, d'abord en octroyant des aides à des entreprises en difficultés et, dans un deuxième temps, si ces mêmes entreprises recourent malgré tout à des licenciements économiques.

En réponse aux intervenants, le ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

- La suspension de certains articles de la loi de modernisation sociale ne crée pas de vide juridique. Il n'y a en effet aucun doute sur la législation qui va s'appliquer pendant la période de suspension : comme le prévoit le paragraphe III de l'article premier du projet de loi, s'appliqueront les règles en vigueur avant la loi de modernisation sociale. Ces règles seront à peu de choses près celles qui étaient applicables en 1986, au moment de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement.

- La durée de suspension de dix-huit mois répond effectivement à un impératif de grande prudence dans le souci de laisser aux partenaires sociaux un temps suffisant pour négocier. Bien entendu, si les partenaires sociaux parvenaient à un accord avant la fin de la période des dix-huit mois, le projet de loi qui devra être présenté au Parlement pourrait l'être plus rapidement que prévu. Le temps laissé à la négociation collective sera d'autant plus nécessaire que, au début de l'année 2003, doivent se dérouler d'autres discussions de grande importance comme celles sur les retraites. De surcroît, le champ de la négociation ouvert aux partenaires sociaux ne saurait se limiter aux articles suspendus et doit être le plus large possible. Il aurait d'ailleurs été souhaitable que ces discussions puissent s'articuler avec celles sur l'assurance emploi.

- Il est vrai que la majeure partie des licenciements économiques auxquels procèdent les petites et moyennes entreprises s'effectue sans que des plans sociaux soient mis en place. La loi dite de modernisation sociale ne leur est d'ailleurs pas applicable sur ce point. Il faudra donc que, par la négociation, les possibilités de reconversion et de reclassement des salariés de ces entreprises soient améliorées.

- Le champ de l'expérimentation qui est ouvert par l'article 2 reste volontairement limité. Les accords dérogatoires ne pourront pas remettre en cause l'ordre public social mais simplement modifier les modalités de consultation du comité d'entreprise.

- L'essentiel du projet de loi consiste moins à suspendre des articles qui complexifient inutilement les règles applicables qu'à renvoyer à la négociation collective la définition des règles adéquates. En réalité, cette démarche aurait dû être entreprise avant l'adoption de la loi de modernisation sociale.

- L'examen du projet de loi fait l'objet d'une procédure d'urgence. Il est en effet impératif de suspendre au plus vite les articles les plus nocifs ; la perspective même de leur application incite certains chefs d'entreprise à effectuer un dépôt de bilan ou une délocalisation et freine les investissements étrangers sur notre territoire. Il est logiquement proposé aux partenaires sociaux de définir un nouvel équilibre, par la recherche d'accords, lorsque dans l'entreprise des licenciements économiques sont nécessaires. Il ne s'agit en aucun cas d'une régression mais au contraire d'un moyen d'inciter à la conclusion d'accords collectifs.

- Toutes les organisations syndicales ne sont pas hostiles à ce projet. La CFDT malgré sa position critique est prête à remplir son rôle d'interlocuteur et la proximité des élections prud'homales ne saurait constituer en ce domaine un élément dissuasif.

- La réalité de la situation économique prouve combien les dispositifs coercitifs de limitation des licenciements se sont avérés inefficaces. Mieux vaut renvoyer aujourd'hui aux accords d'entreprise expérimentaux la recherche de solutions innovantes et utiles. Il est faux de prétendre que cette démarche ne serait pas juridiquement strictement encadrée : il n'y a par exemple aucune remise en cause de la hiérarchie des normes, contrairement à ce que d'aucuns prétendent.

- Il n'est pas question de remettre en cause les dispositions légales relatives à l'obligation d'adaptation des salariés qui sont venues conforter une jurisprudence bien établie. Cette disposition de la loi de modernisation sociale ne fait donc pas partie de celles qui sont suspendues.

- La mission confiée à M. Claude Viet permettra de mieux coordonner l'action des services de l'Etat afin que ceux-ci puissent de façon plus efficace anticiper l'établissement de plans sociaux. Dans certains cas, ces plans peuvent être l'instrument de la relance économique d'un bassin d'emplois en déclin. Les périodes de crise permettent parfois en effet de réveiller les énergies, sous l'impulsion de quelques personnes déterminées, en mesure de mobiliser les compétences et les volontés. Il faut se réjouir de ce que la mission menée par M. Claude Viet est d'ores et déjà à pied d'_uvre et à la disposition des élus.

- Les difficultés actuelles ne seront pas surmontées avec des solutions politiques imposées. Il faut privilégier la voie consistant à renforcer le plus possible les corps intermédiaires. Les partenaires sociaux sont désormais au pied du mur sur la question tant des licenciements économiques que de la formation professionnelle.

- Un problème de méthode s'est posé s'agissant de l'assurance-emploi. Tous les partenaires sociaux ont été saisis d'une demande les engageant à entamer des discussions sur ce point. Le gouvernement fera part, au fur et à mesure de ces discussions, de son point de vue, l'objectif étant que tous les salariés, y compris les moins qualifiés, puissent bénéficier d'une formation qualifiante qui leur ouvrira l'accès à l'emploi. L'idéal serait que puisse être mis en place, dès l'entrée dans la vie active, un compte de formation professionnelle qui serait utilisable tout au long de celle-ci.

- Il est difficile de dénombrer les emplois qui ne se créent pas en raison d'une législation sociale dissuasive. Cela renvoie au débat sur l'attractivité du territoire français sur lequel le Conseil économique et social, saisi du problème, n'est pas encore parvenu à élaborer un avis. Il existe cependant déjà des synthèses intéressantes telles que celle élaborée par M. Michel Charzat, qui ayant souligné le décalage existant entre la législation française et celle des partenaires européens, a relevé la nécessité d'une modernisation sociale. Il y a effectivement nécessité d'une action coordonnée au sein de l'Union européenne sur ces questions.

- S'agissant de la représentativité des organisations syndicales, les accords expérimentaux prévus par le projet de loi devront être conclus avec le soutien de la ou des organisations ayant recueilli la majorité des voix lors des dernières élections au comité d'entreprise. S'agissant de la modification des règles de représentativité, le véritable débat sera ouvert au début de l'année 2003.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné en première lecture, sur le rapport de M. Dominique Dord, le présent projet de loi au cours de ses séances du mercredi 20 novembre 2002.

Un débat s'est engagé à l'issue de l'exposé du rapporteur.

M. Maxime Gremetz a tout d'abord tenu à dénoncer le manque de temps laissé aux parlementaires pour examiner un texte qui porte sur des points aussi essentiels que le licenciement économique et la négociation collective. Le projet de loi vise à revenir sur un certain nombre de dispositions de la loi de modernisation sociale qui fit, quant à elle, l'objet de larges discussions à l'Assemblée nationale. Puis, il a demandé au rapporteur s'il était déjà arrivé dans le passé qu'un gouvernement décide de suspendre ainsi l'application de dispositions législatives.

Il a ensuite fait les remarques suivantes :

- Il faut se souvenir que, lors de la discussion du texte de la loi de modernisation sociale, le groupe communiste a mené une bataille très forte pour que le gouvernement et le parlement ne demeurent pas impuissants face aux licenciements qui se disent économiques et sont en réalité boursiers.

- La loi de modernisation sociale a représenté pour le groupe communiste un texte de compromis, ce groupe ayant défendu en vain au cours de la précédente législature une proposition de loi relative aux licenciements économiques, qui allait plus loin encore que la loi de modernisation sociale dans le sens de la protection des salariés.

- Le projet de loi est clairement inspiré de la philosophie du MEDEF et son président, M. Ernest-Antoine Seillière, a d'ailleurs publiquement salué le dépôt de ce texte. La majorité semble opposée à tout ce qui peut protéger les salariés. Il est pourtant normal de fournir aux organisations syndicales le maximum d'armes pour pouvoir défendre au mieux les intérêts des salariés.

- Il est certain que la liberté d'entreprendre doit être conciliée avec la liberté de travailler. Les politiques doivent être conscients de leurs responsabilités en ce domaine et ne pas ignorer les attentes légitimes des salariés qui aspirent à une véritable citoyenneté dans l'entreprise.

En conclusion, M. Maxime Gremetz a considéré que les débats à l'Assemblée nationale allaient donner lieu à une rude bataille qui trouvera sans doute des échos dans le monde du travail en dehors de l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. Gaëtan Gorce s'est tout d'abord insurgé contre les méthodes de travail imposées aux parlementaires. Le temps laissé à ces derniers et notamment à ceux issus de l'opposition est notoirement insuffisant pour permettre un examen sérieux et complet du projet de loi. De fait, les conditions dans lesquelles se déroulent au Parlement les débats sur tous les textes sociaux depuis plusieurs mois sont déplorables. A l'instar de ce qui s'est produit pour le texte relatif aux contrats jeunes en entreprise, le fait que le gouvernement déclare l'urgence sur ce projet de loi ne saurait se justifier.

Puis, il a fait les observations suivantes :

- Le texte présenté vise à suspendre des dispositions qui commencent à peine à entrer en application, étant donné que les décrets d'application du texte n'ont pas tous été pris. Le rapporteur s'est livré dans son exposé à une présentation caricaturale de la loi de modernisation sociale qu'on ne peut accuser d'être à l'origine de l'augmentation du nombre des faillites ou des délocalisations. Il est donc particulièrement injuste de prétendre qu'à cause de cette loi, certaines entreprises ont choisi de déposer leur bilan pour ne pas avoir à respecter les nouvelles procédures.

- Jamais en matière sociale un projet de loi n'a eu pour objet de suspendre des dispositions en vigueur. Cette procédure législative, inédite pour ce type de sujets, n'a guère été utilisée que dans le domaine pénal. La période de suspension crée un vide juridique fort inquiétant : les salariés comme les employeurs ignoreront quel sera le droit applicable. En outre, le texte remet en cause la notion même de hiérarchie des normes en matière sociale.

- Avec ce projet de loi, la majorité engage sa pleine et entière responsabilité alors même que les licenciements économiques ont malheureusement tendance à se multiplier. On peut constater que le gouvernement s'est de fait aligné sur les positions du MEDEF. Il faut se souvenir en effet que le président du MEDEF, M. Ernest-Antoine Seillière, avait indiqué au lendemain de l'adoption de la loi de modernisation sociale que, en cas de changement de majorité, il demanderait l'abrogation des dispositions de cette loi. Il a obtenu ce qu'il souhaitait.

- Les dispositions de la loi de modernisation sociale ont leur propre cohérence et, contrairement à ce qu'affirment certains membres de la majorité, elles concernent surtout les grandes entreprises. Il est donc parfaitement erroné de dire que les petits artisans ont pâti de l'application de ces nouvelles dispositions.

Pour conclure, M. Gaëtan Gorce a considéré que si le politique ne peut se substituer à l'économique, il a néanmoins pour rôle fondamental de créer un contexte favorable aux progrès sociaux et de garantir les droits des salariés. S'ils s'exonèrent de leurs responsabilités, les acteurs politiques dans leur ensemble encourent le risque du discrédit.

Mme Chantal Bourragué a salué la qualité du projet de loi qui permet à la fois de garantir les droits des salariés et la liberté d'entreprendre, tout en simplifiant les procédures relatives au licenciement économique rendues trop complexes par la loi de modernisation sociale. Il convient, sans diminuer d'aucune manière les nécessaires protections des salariés, de mettre fin à un certain nombre de lourdeurs bureaucratiques. Il n'est pas normal qu'il faille discuter pendant d'interminables mois de plans de licenciement qui auront de toutes façons lieu. On peut saluer, enfin, le rôle dévolu par le projet de loi aux négociations au sein de l'entreprise, qui devraient permettre aux acteurs sociaux de définir de nouvelles règles du jeu plus équilibrées et satisfaisantes pour chacun des partenaires.

M. René Couanau a fait les remarques suivantes :

- L'actuelle opposition, qui aujourd'hui adopte une position systématiquement critique sur tous les aspects du projet de loi, semble avoir oublié dans quel contexte politique la loi du 17 janvier 2002 a été adoptée. Les dispositions les plus contestables de cette loi ont été votées sous la pression du groupe communiste. Il faut se souvenir que quelques semaines seulement avant leur adoption, la ministre de l'emploi de l'époque avait pourtant marqué son désaccord avec le principe même des dispositions souhaitées ce groupe politique.

- Il est curieux que l'opposition semble s'offusquer de la logique retenue par le projet de loi consistant à laisser les partenaires sociaux négocier sur des questions qui les concernent au premier chef. Pour sa part, la majorité privilégie résolument la voie du dialogue social.

Après avoir noté que l'interrogation quant à l'éventuel vide juridique qu'aurait créé le projet de loi a déjà fait l'objet d'une réponse de la part du ministre, M. René Couanau a demandé au rapporteur des précisions complémentaires quant à la procédure juridique suivie.

M. Francis Vercamer, après avoir évoqué son expérience au sein des tribunaux prud'homaux, a estimé que les règles applicables en matière de relations du travail sont devenues au fil du temps pléthoriques et complexes. Il est temps de mettre en place un nouveau code du travail tant il est vrai que l'empilement des textes est contraire à la compréhension du droit.

Il a ensuite fait les remarques suivantes :

- La loi de modernisation sociale n'a fait aucune différence entre les entreprises légitimement amenées à procéder à des licenciements dans un but de préservation de leurs activités et d'un maximum d'emplois, et celles qui abusent manifestement de la pratique des plans sociaux et réalisent des restructurations dans le seul but d'accroître les profits financiers.

- Il faut saluer ce projet de loi qui se borne à fixer les règles du jeu et laisse place à un dialogue social plus libre. Le texte aurait pu être encore plus audacieux : on peut déplorer qu'il n'aille pas encore assez loin.

En conclusion, M. Francis Vercamer a annoncé qu'il avait, au nom du groupe UDF, déposé un amendement visant à abroger les dispositions de la loi de modernisation sociale afin d'instaurer une situation juridique claire, ce que ne permet pas la simple suspension.

M. Jean-Paul Anciaux, après avoir estimé qu'il était impérieux de restaurer le rôle du politique, a stigmatisé l'appétence de l'opposition pour les seules normes législatives en matière de relations du travail. Il est temps de conférer aux partenaires sociaux la place qui leur revient en laissant ouvert le champ de la négociation. Les politiques ne sauraient décider de tout, pas plus qu'ils n'ont vocation à se substituer aux acteurs sociaux.

La conjoncture économique actuelle impose que les entreprises préservent leur compétitivité, ce qui n'est guère possible avec le carcan législatif imposé par la loi du 17 janvier 2002.

M. Gaëtan Gorce a déploré que, au lieu de s'attacher à présenter le projet de loi, la majorité préfère se livrer à des attaques contre l'opposition. Il a précisé que celle-ci était, pour sa part, prête à engager un vrai débat avec la majorité sur ce texte. Il semble à cet égard que des lignes de divergence commencent à se faire jour au sein même de la majorité. Aussi, les débats à venir devraient-ils se dérouler dans un contexte particulier, dépassant celui d'une simple confrontation binaire entre la droite et la gauche.

M. Maxime Gremetz, après avoir jugé que la polémique systématique sur ce texte serait parfaitement inutile, a considéré que le projet de loi remet en cause des principes fondamentaux du droit du travail. Une règle doit prévaloir : si un accord de branche ou d'entreprise est conclu, cela doit être dans un sens plus favorable aux salariés. Le texte présenté propose d'inverser ce principe.

Pour ce qui concerne la loi de modernisation sociale, il semble paradoxal d'en critiquer abondamment les effets puisque bon nombre de dispositions n'ont pas encore été mises en _uvre. A cet égard, il faut rappeler que certaines grandes entreprises ont pu procéder à des licenciements massifs sans que puisse s'appliquer complètement la loi du 17 janvier 2002.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que la loi de modernisation sociale a été votée dans un contexte tout à fait particulier. La décision d'en modifier tout ou partie appelle désormais, plus que des débats polémiques, un véritable travail législatif.

M. Dominique Tian s'est étonné que l'on applique les mêmes règles aux entreprises privées vivant de leur seule activité et à celles qui bénéficient abondamment d'aides publiques. Le recours par ces dernières à des procédures de licenciements pose un problème de responsabilité politique quant à l'usage des deniers publics. Il pourrait être opportun de différencier les procédures applicables à chacune de ces catégories.

Le rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

- Il existe quelques exemples de suspension de la loi, notamment en matière pénale, mais aussi dans une moindre mesure en matière sociale. Ces exemples sont certes rares mais il n'est en rien choquant d'innover dans la méthode.

- On ne peut que se réjouir de l'annonce faite par certains d'une « dure bataille » si celle-ci se traduit par un véritable débat d'idées toujours riche d'enseignements.

- Le recours à la procédure d'urgence se justifie pleinement : dès lors que les dispositions en vigueur sont mauvaises, on ne voit pas quelle serait l'utilité de les maintenir le plus longtemps possible. La majorité ne souhaite pas encourir le même reproche que l'opposition actuelle, en attendant les derniers jours de la législature pour adopter un texte sur la procédure de licenciement. Par ailleurs, l'urgence ne saurait être assimilée à de la précipitation puisqu'aux dix-huit mois prévus pour la négociation s'ajoute un délai d'un an après le dépôt d'un futur projet de loi précisément pour laisser le temps nécessaire à un travail parlementaire serein. La réforme définitive du droit du licenciement devrait donc intervenir en milieu de législature.

- On ne peut qualifier la présentation du rapport de « caricaturale » : celui-ci essaie au contraire d'éviter tous les excès et, dans un esprit d'ouverture, se fonde sur l'audition de l'ensemble des partenaires sociaux, du côté patronal comme syndical.

- On ne peut que difficilement distinguer la prétendue cohérence des dispositions suspendues, d'autant que ceux qui plaident aujourd'hui pour leur maintien les ont autrefois combattues pendant des mois, avant de céder à la pression du groupe communiste.

- Ce texte cherche à traduire de façon pragmatique les aspirations des Français telles qu'elles se sont exprimées lors des dernières consultations électorales. Cela explique que le projet de loi s'inspire d'une philosophie nouvelle, tournée vers le dialogue social. Contrairement à ce qui s'est produit pour la loi du 17 janvier 2002, le texte n'est pas discuté sous la pression de l'opinion et dans l'urgence, le gouvernement s'efforçant de réunir les conditions favorables à un règlement efficace et durable de ces questions essentielles.

- Le licenciement se trouve au c_ur de la relation de travail, il en constitue probablement une des expériences les plus difficiles. Il n'apparaît donc nullement choquant mais, au contraire, indispensable de chercher par le dialogue social à rapprocher les points de vue des différents acteurs.

- Le texte répond au double objectif de clarification et de simplification du droit dans le respect du principe fondamental de la liberté d'entreprendre. La suspension n'entraîne aucun vide juridique puisque, notamment à la suite de l'examen du projet par le Conseil d'Etat, le texte comporte dans le paragraphe III de l'article premier des dispositions visant à rétablir explicitement le droit antérieur à la loi de modernisation sociale.

- La volonté affichée par certains d'abroger les dispositions de la loi du 17 janvier 2002, au lieu de les suspendre, peut se comprendre. On sait que cette démarche aurait notamment eu la préférence de certaines organisations patronales. Toutefois, le projet de loi, qui renvoie à la négociation collective le débat sur les procédures de licenciement, se veut le plus équilibré possible. La suspension n'a pas une valeur identique à celle de l'abrogation ; elle constitue en effet un appel plus pressant à la négociation. L'abrogation ou l'ajout d'autres articles dans le champ de la suspension déséquilibreraient cette négociation. Il en va de même de l'idée évoquée par certains consistant à permettre la conclusion d'accords dérogatoires sur le fondement de l'article 2 au niveau de la branche. Cela risquerait de conduire à un gel de la négociation au niveau des entreprises qui pourraient attendre qu'un accord de branche soit conclu avant d'entamer leurs propres négociations, ce qui n'est évidemment pas le but recherché.

- Le projet de loi vise également à préserver la compétitivité des entreprises dans une période relativement difficile. Malgré l'application limitée des dispositions de la loi de modernisation sociale, la seule menace qu'elles font peser sur les procédures à venir ont déjà un effet dissuasif pour les grandes entreprises, notamment étrangères, qui choisissent de ne pas s'implanter sur le territoire français. Par ailleurs, même si certaines entreprises recourent certainement au dépôt de bilan pour contourner la législation sur le licenciement, ce phénomène est difficile à quantifier et à démontrer. Il convient donc de s'en tenir à des éléments objectifs.

- Il y a sans aucun doute des actions à mener à l'encontre des entreprises qui recourent de façon abusive aux licenciements alors qu'elles ont bénéficié de fonds publics importants.

- Le présent projet constitue une proposition équilibrée entre, d'une part, ceux qui voudraient aller plus loin et préconisent une abrogation pure et simple de la loi de modernisation sociale ou bien l'extension du champ de la suspension et, d'autre part, ceux qui souhaiteraient le maintien voire le durcissement de la législation en vigueur et pour lesquels la suspension proposée de neuf articles semble inacceptable.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

*

III.- EXAMEN DES ARTICLES

Avant l'article premier

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz permettant au tribunal de prononcer la nullité du licenciement et d'ordonner la poursuite du contrat de travail sous astreinte lorsque le licenciement est dépourvu de cause réellement sérieuse ou est irrégulier.

M. Maxime Gremetz a souligné que sa démarche ne se cantonnait pas à un simple retour aux dispositions de la loi de modernisation sociale, celles-ci pouvant encore être améliorées. Il faut garder à l'esprit que les faits précèdent toujours la loi et que celle-ci ne constitue qu'une tentative pour les traduire en droit.

M. Gaëtan Gorce a indiqué que les amendements qu'il allait défendre suivent, quant à eux, une logique de retour au texte en vigueur ou visent à des aménagements ponctuels.

Soulignant que cet amendement vise à étendre les possibilités de poursuite du contrat de travail, actuellement limitées au seul cas d'absence de plan de sauvegarde de l'emploi, à tout licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ou irrégulier, le rapporteur a rappelé que le licenciement abusif est déjà sanctionné.

M. Maxime Gremetz a objecté que ces sanctions ne permettent pas systématiquement la réintégration du salarié et que son amendement vise précisément à remédier à une situation qu'il juge anormale.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à interdire l'achat par des entreprises donneuses d'ordre de biens vendus à perte par des entreprises sous-traitantes.

M. Maxime Gremetz a rappelé que cette proposition n'est aucunement improvisée mais résulte, au contraire, d'une longue réflexion et de multiples consultations de juristes qui furent notamment menées dans le cadre de l'examen en janvier 2000 de la proposition de loi relative aux licenciements pour motif économique déposée par les députés communistes. Le présent amendement vise à éviter, en les responsabilisant, que les donneurs d'ordre mettent leurs sous-traitants en difficulté.

Le rapporteur a objecté que cet amendement avait pour effet de s'immiscer dans les relations commerciales unissant deux sociétés indépendantes. Par ailleurs, on ne voit pas quelle pourrait en être la portée pratique : quels seraient les critères permettant de définir le juste prix ? Qui serait chargé de cette définition ? Outre ses difficultés d'application, cet amendement revêt donc un caractère dangereux.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à définir et interdire la sous-traitance abusive.

M. Maxime Gremetz a dénoncé le dogme régnant de l'efficacité économique. Même M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'Observatoire français de la conjoncture économique, dénonce le poids du lobbying des multinationales en faveur de la déréglementation. Si l'on avait une vraie participation des salariés aux choix de gestion dans l'entreprise, on pourrait combattre le dumping social dans les grandes entreprises.

Le rapporteur a jugé que l'argumentation développée par M. Gremetz relevait davantage de considérations morales que juridiques. La sous-traitance n'est pas condamnable par nature et permet au contraire, en externalisant des tâches qui ne relèvent pas du c_ur de métier d'une entreprise, de créer dans les entreprises sous-traitantes de véritables métiers. L'amendement proposé est généreux mais pourrait s'avérer dangereux et risquerait de provoquer de nombreux contentieux.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz proposant une nouvelle définition du licenciement pour motif économique revenant à n'autoriser le licenciement que lorsque les difficultés économiques n'ont pu être surmontées par tout autre moyen que la réduction des coûts salariaux ou lorsque des mutations technologiques sont indispensables à la pérennité de l'entreprise.

M. Maxime Gremetz a souligné que cet amendement constitue le c_ur d'un débat engagé sous la précédente législature. Il convient de définir de façon plus restrictive le licenciement pour motif économique car il constitue trop souvent une variable d'ajustement, y compris dans les entreprises qui bénéficient de fonds publics. A cet égard, il a relevé que la loi relative au contrôle des fonds publics n'est toujours pas appliquée de façon correcte puisque, en dépit de ses demandes répétées, il n'a pu obtenir la réunion de la commission régionale de contrôle de ces fonds. D'ailleurs, cette loi constituera sans doute la prochaine cible de l'actuelle majorité, tant le MEDEF y est hostile.

Le rapporteur a rappelé que la dernière définition du licenciement économique, adoptée sous l'influence du groupe communiste, a fait l'objet d'une censure par le Conseil constitutionnel. La décision rendue en janvier 2000 a d'ailleurs suscité de la part de l'actuelle opposition des commentaires extrêmement choquants à l'encontre de la juridiction. Il n'est pas question de rééditer cette expérience.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz disposant que lorsqu'un salarié se voit proposer une modification de son contrat de travail, son silence pendant le délai de réflexion d'un mois vaut refus et non plus, comme aujourd'hui, acceptation de cette modification.

La commission a rejeté l'amendement après que le rapporteur s'est opposé à l'amendement en considérant que la situation actuelle, qui laisse au salarié un mois pour accepter la modification de son contrat de travail, est satisfaisante.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant que dans les entreprises où les élections des institutions représentatives du personnel n'ont pas été organisées - tout licenciement pour motif économique s'effectuant, de ce fait, sans que les obligations d'information, de réunion et de consultation de ces institutions puissent être respectées - est nul.

M. Maxime Gremetz a précisé que cet amendement vise à introduire dans le code du travail une jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation datant de 1999, selon laquelle l'employeur ne peut se prévaloir de l'absence d'institutions représentatives du personnel pour échapper à ses obligations.

Le rapporteur s'est opposé à l'amendement en soulignant que celui-ci pose deux problèmes. En premier lieu, le dispositif proposé ne prévoit pas le défaut de constat de carence : or un employeur qui a dressé un constat de carence - parce qu'aucun salarié ne s'est présenté aux élections par exemple - ne doit pas être sanctionné comme un employeur qui n'a pas cherché à mettre en place les institutions représentatives du personnel. En second lieu, l'article 110 de la loi de modernisation sociale, dont l'application n'est pas suspendue par le projet de loi, prévoit déjà que, en cas de non-existence d'institutions représentatives du personnel - alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été dressé - et par conséquent de non-respect des obligations de consultation, les salariés victimes d'un licenciement économique bénéficient d'une indemnité. De plus, la jurisprudence évoquée par M. Gremetz ne tend pas à annuler purement et simplement le licenciement : elle se contente de constater son irrégularité.

M. Maxime Gremetz a souligné que son amendement ne propose pas une indemnité au bénéfice du salarié mais a pour but de mettre l'employeur à l'origine de la non-organisation des élections sociales face à ses responsabilités.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz ayant pour objet de rendre obligatoire, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi dès lors qu'il est envisagé de licencier sur une même période de trente jours deux salariés, au lieu de dix actuellement.

M. Maxime Gremetz a expliqué que son amendement a pour objectif d'étendre le champ d'application des dispositions relatives à l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi à un maximum de licenciements économiques. Aujourd'hui 85 % des licenciements économiques sont réalisés sans qu'un tel plan ait dû être élaboré et discuté par les représentants du personnel.

Le rapporteur a donné un avis défavorable à l'amendement, tout en saluant la constance de son auteur qui a déjà présenté, sans succès, des amendements similaires à de nombreuses reprises au cours de la précédente législature. Le dispositif proposé paraît cependant un peu « surréaliste » car tout le monde s'accorde à considérer que, en cas de licenciement de deux personnes, il est préférable de chercher directement un reclassement ou une reconversion.

M. Maxime Gremetz a alors observé que son amendement cherche à prendre en compte la réalité actuelle des licenciements. Deux personnes licenciées un million de fois, cela fait beaucoup de monde et l'on sait que le traitement qui leur est réservé est beaucoup moins favorable que celui des salariés pouvant bénéficier de mesures prévues dans le plan de sauvegarde de l'emploi.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz conférant un caractère suspensif aux actions de contestation du plan de sauvegarde de l'emploi devant le juge.

M. Maxime Gremetz a considéré qu'il était nécessaire de vérifier la réalité et la pertinence des solutions proposées par l'employeur avant la mise en _uvre des licenciements. Aujourd'hui, les décisions de réintégration prononcées par le juge interviennent souvent trop tard, alors que l'entreprise n'existe plus.

Après que le rapporteur s'est opposé à l'amendement en rappelant que la logique du projet de loi n'est pas d'entretenir une guerre stérile entre les salariés et leurs employeurs ou de conduire à un blocage absolu du droit de licencier, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz disposant que les mesures de reclassement prévues par le plan de sauvegarde doivent être « pertinentes au regard des objectifs recherchés ».

Après que le rapporteur a considéré que l'amendement était inutile puisque les objectifs des mesures du plan de sauvegarde, qui consistent à permettre le reclassement des salariés, sont déjà clairement énoncés dans la loi, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz proposant, dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, de transférer les pouvoirs de contrôle de l'action de l'employeur aux unions locales, ou à défaut départementales, des syndicats représentatifs au niveau national.

Le rapporteur a souligné le décalage entre le contenu de l'amendement et l'argumentaire développé par son auteur, le dispositif de transfert de compétences ne se limitant pas dans l'amendement aux entreprises dépourvues de représentants syndicaux. Le bon sens amène à penser que, dans ces cas là, c'est aux salariés de se doter de représentants syndicaux. Le transfert des pouvoirs de contrôle des licenciements économiques aux « apparatchiks » des sections locales apparaît illogique.

M. Francis Vercamer a constaté que l'insertion dans le code du travail d'une telle disposition n'est de plus pas nécessaire car, dans les faits, lorsqu'il n'existe pas de section syndicale dans l'entreprise, les représentants des unions locales sont toujours disposés à venir conseiller les salariés.

M. Dominique Tian a observé que le premier tour des élections sociales est toujours réservé aux candidats des organisations syndicales. Si il n'y en a pas, cela signifie simplement que les salariés n'en veulent pas.

Après que le rapporteur a considéré que l'adoption d'un tel amendement pourrait aller à l'encontre des intérêts défendus par M. Maxime Gremetz, puisqu'il inciterait encore moins qu'aujourd'hui à la mise en place des délégués syndicaux dans les entreprises, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz accordant aux délégués du personnel ou au comité d'entreprise un droit d'opposition, à caractère suspensif, aux licenciements dont le motif économique ne leur paraîtrait pas justifié.

M. Maxime Gremetz a expliqué que cet amendement donne aux représentants des salariés un droit nouveau qui, sans être une interdiction des licenciements, crée les conditions d'une véritable concertation en instaurant une sanction éventuelle à l'encontre de l'employeur, en amont de la rupture des contrats de travail. Lorsqu'ils jugeront que la motivation invoquée par l'employeur n'est pas conforme à la loi, les représentants des salariés pourront s'opposer aux licenciements jusqu'à ce que le juge se prononce sur leur justification. Ce droit d'opposition permettra également aux représentants des salariés de présenter des contre-propositions économiques destinées à éviter le cas échéant les licenciements.

Le rapporteur s'est opposé à l'amendement en constatant qu'il revient, quoi qu'en dise son auteur, à bloquer de fait toute procédure de licenciement. Il érige le salarié en juge de son employeur puisqu'il lui confère un pouvoir d'appréciation sur le motif même des licenciements.

M. Dominique Tian a observé que si les licenciements sont rendus impossibles du fait des représentants des salariés et qu'une telle opposition conduit l'entreprise au dépôt de bilan, il n'y a pas de doute qu'un tribunal de commerce démontrerait la responsabilité des représentants des salariés qui se seraient mis en situation de gestion de fait.

M. Maxime Gremetz a souligné que les dispositions en vigueur, issues de la loi de modernisation sociale, n'ont pas empêché la société Whirpool de licencier plusieurs centaines de salariés pour des raisons de rentabilité financière et pour délocaliser une partie de son activité.

Le rapporteur a relevé que le droit d'opposition tel qu'il est proposé par l'amendement ne figure pas dans la loi de modernisation sociale. Celle-ci prévoit simplement que le comité d'entreprise peut demander l'intervention d'un médiateur.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant la nullité du licenciement dans le cas où l'employeur aurait manqué à l'obligation de reclassement du salarié, après que le rapporteur a fait observer que l'article 108 de la loi de modernisation sociale, dont l'application n'est pas suspendue par le projet de loi, prévoit déjà que le licenciement économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement du salarié n'est pas possible.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz disposant que l'employeur doit mettre à l'étude « les avis, objections et suggestions formulées par les représentants du personnel » sur les mesures économiques et sociales qu'il envisage et que ces mesures doivent par ailleurs faire l'objet d'un accord collectif.

Le rapporteur a relevé que si l'employeur devait, afin de mettre en _uvre toutes les mesures économiques qu'il entend prendre, signer préalablement un accord avec les syndicats, cela signifierait qu'il ne disposerait plus de son pouvoir de direction. Or il s'agit d'un principe à valeur constitutionnelle. En outre, les syndicats ne sont certainement pas demandeurs d'une telle cogestion.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz tendant à faire du donneur d'ordre et de ses sous-traitants une entité économique pertinente pour l'appréciation du motif économique du licenciement et des obligations de reclassement.

M. Maxime Gremetz a précisé que, trop souvent, les donneurs d'ordre se sentent déliés de toute obligation quant à la situation économique de leurs sous-traitants alors que, en réalité, ces entreprises constituent une seule et même entité économique.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à la création de cette fiction juridique à deux têtes : les deux entreprises restent en droit totalement indépendantes même si elles entretiennent des relations commerciales. L'intention poursuivie par l'auteur de l'amendement est certes louable, mais un tel mécanisme paraît impraticable.

La commission a rejeté cet amendement.

Article 1er

(articles 97, 98, 99, 101, 102, 104, 106, 109 et 116 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002)

Suspension de certains articles

de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002

relatifs à la procédure des licenciements économiques

L'article premier comporte trois paragraphes.

Le premier cite les articles de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 - dite de modernisation sociale - dont l'application est suspendue.

Le deuxième annonce l'élaboration d'un futur projet de loi fixant de nouvelles procédures en matière de licenciement économique, au vu des résultats de la négociation interprofessionnelle devant s'engager prochainement sur ce sujet.

Le troisième prévoit le rétablissement, durant la période de suspension des articles de la loi du 17 janvier 2002, des articles du code du travail dans leur rédaction antérieure aux modifications introduites par cette loi.

1. Le premier paragraphe tend à suspendre l'application de neuf articles de la loi de modernisation sociale.

a) La logique de la suspension plutôt que celle de l'abrogation

Le rapporteur a rencontré certains responsables qui, dans les milieux patronaux, eussent a priori souhaité une abrogation pure et simple des articles les plus nuisibles de la loi de modernisation sociale. La logique de la suspension a été privilégiée par le gouvernement pour deux raisons majeures :

- Le fait de suspendre pendant une période déterminée les dispositions les plus préjudiciables de la loi précitée revient en réalité à une abrogation temporaire de celles-ci ; le droit antérieur à la loi du 17 janvier 2002, qui certes n'était pas parfait en tous points mais qui ne faisait pas non plus l'objet de critiques majeures de la part des organisations syndicales, trouvera à nouveau à s'appliquer.

- La période de retour au droit antérieur est de nature à inciter les partenaires sociaux à définir de manière concertée les évolutions souhaitables du droit du licenciement économique. C'est par la négociation collective que pourront se dégager les solutions à la fois les plus pragmatiques et les plus efficaces pour améliorer les reclassements des salariés concernés.

Ainsi la démarche retenue par le gouvernement semble la plus appropriée pour rénover de manière concertée les règles applicables à des procédures devenues au fil du temps toujours plus complexes.

Au total, neuf articles de la loi de modernisation sociale sont suspendus : six de ces articles concernent le déroulement des procédures collectives. Il s'agit des articles 97, 98 (association des organes de direction et de surveillance de l'entreprise au processus de restructuration et de licenciement économique), 99 (nécessité d'organiser des réunions du comité d'entreprise de façon séparée pour examiner le projet de restructuration puis le projet de licenciement), 101 et 106 (moyens d'action du comité d'entreprise), 116 (pouvoirs dévolus à l'inspecteur du travail). Deux articles, les articles 102 et 104, sont des articles de cohérence rédactionnelle tirant les conséquences de l'article 101. Enfin, le dernier article, l'article 109, relatif à l'ordre des licenciements, concerne le sort individuel des salariés.

Notons que ce ne sont pas à proprement parler les articles de la loi du 17 janvier 2002 qui sont suspendus, mais « l'application des dispositions du code de commerce et du code du travail dans leur rédaction issue des articles 97, 98, 99, 101, 102, 104, 106, 109 et 116 » de la loi précitée.

Aux termes du premier paragraphe de l'article 1er, la durée de la suspension est de dix-huit mois maximum à compter de la promulgation de la loi « sous réserve des dispositions prévues au II ci-dessous ». En effet, selon le deuxième paragraphe, la période de suspension, d'une durée maximale de dix-huit mois, est prolongée d'un an à compter du dépôt d'un autre projet de loi sur ce sujet.

Ainsi si le nouveau projet de loi est déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale à l'échéance de la période de dix-huit mois, les articles précités de la loi du 17 janvier 2002 resteront suspendus pour douze mois supplémentaires, soit au total, trente mois au maximum.

b) Le contenu des articles suspendus

Afin de bien comprendre la portée de ce premier paragraphe, il convient de revenir sur le contenu des articles faisant l'objet d'une suspension. Deux de ces articles, les articles 97 et 98, complètent le code de commerce, tandis que les sept autres modifient le code du travail.

_ Les articles 97 et 98 complètent le titre III du livre II du code de commerce par un chapitre IX relatif aux licenciements économiques.

L'article 97 insère un nouvel article dans le code de commerce, l'article L. 239-1, prévoyant de faire précéder toute cessation totale ou partielle d'activité concernant au moins cent salariés d'une décision des organes de direction et de surveillance de l'établissement ou de l'entreprise concernée.

Cette décision doit être prise après la phase décrite dans le livre IV du code du travail sur les restructurations, mais avant celle prévue dans le livre III relative aux licenciements économiques à proprement parler. Le chef d'entreprise doit fournir à ces organes de direction et de surveillance une étude d'impact social et territorial « portant sur les conséquences directes ou indirectes qui découlent de la fermeture de l'établissement ou de l'entité économique autonome et sur les suppressions d'emplois qui en résultent. »

Dans la logique de l'article précédent, l'article 98 crée quant à lui un article L. 239-2 dans le code de commerce faisant obligation au chef d'entreprise de fournir une étude d'impact social et territorial aux organes de direction et de surveillance saisis de tout projet de développement stratégique, à partir du moment où ce projet est « susceptible d'affecter de façon importante les conditions d'emploi et de travail » dans l'entreprise concernée.

Rappel du contenu de l'article L. 239-1
du code de commerce

Rappel du contenu de l'article L. 239-2 du code de commerce

Champ du dispositif

Sont visés deux types de cessations d'activités : partielles ou totales à condition qu'elles aient pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois. En dessous de ce seuil, l'employeur n'est pas tenu de fournir une fiche d'impact social et territorial.

Sont visés tous les projets de développements stratégiques qui doivent être examinés par les organes de direction de l'entreprise à la condition que ces projets aient des répercussions importantes sur l'emploi.

Auteur de la fiche d'impact social et territorial

Le chef d'entreprise doit présenter aux organes de direction la fiche d'impact social et territorial qu'il a lui-même établie.

Le chef d'entreprise doit joindre aux documents explicatifs du projet de développement stratégique la fiche d'impact social et territorial qu'il a lui-même établie.

Nature de la fiche d'impact social et territorial

La fiche porte :

- sur les conséquences directes et indirectes qui découlent de la fermeture de l'établissement ou de l'entité économique autonome ;

- sur les suppressions d'emplois qui en résultent.

La fiche porte sur les conséquences directes et indirectes du projet.

Moment de la transmission de la fiche

La fiche est transmise après l'élaboration du plan de restructuration de l'entreprise mais avant l'élaboration de tout plan de licenciement.

La fiche est transmise au moment où le projet de développement stratégique doit être examiné par les organes de direction. La fiche constitue donc l'une des pièces du dossier fourni à chaque membre de ces organes.

Nécessité de suspendre ces dispositions

Ces dispositions de la loi de modernisation sociale doivent être suspendues pour plusieurs raisons :

- Au moment de l'adoption de cette loi, les partenaires sociaux, qui n'avaient pas été associés par le précédent gouvernement à la réflexion sur cette question, ont exprimé leurs scepticisme quant à l'efficacité d'un tel dispositif en matière de prévention des licenciements.

- Le fait de confier un rôle nouveau et relativement peu explicite aux organes de direction et de surveillance, alors que la même loi vise par ailleurs à accroître les pouvoirs du comité d'entreprise, est de nature à brouiller les responsabilités des uns et des autres. Ce sont bien les institutions représentatives du personnel, et aucune autre autorité, qui doivent être l'interlocuteur privilégié de l'employeur en cas de restructuration ayant des incidences sur l'emploi.

Lors des débats de deuxième lecture du projet de loi de modernisation sociale, au cours de la séance du 23 mai 2001, M. Germain Gengenwin avait clairement déclaré à propos de l'amendement du précédent gouvernement visant à insérer de nouvelles disposons dans le code de commerce : « Nous pourrions qualifier cette proposition d'amendement Marks et Spencer pis d'amendement Danone ! En effet, nous allons introduire de telles dispositions dans notre législation à cause d'événements récents. Or, elles vont alourdir considérablement les procédures. »

Lors de la même séance, M. Hervé Morin s'est insurgé contre l'amendement : « Quel est le contenu de ces dispositions ? On nous parle d'une étude d'impact, que sais-je... Si l'on regarde les attributions du comité d'entreprise, on va compliquer un peu plus les choses, c'est-à-dire compliquer les procédures, allonger un peu les délais. Or aujourd'hui, un comité d'entreprise doit se faire communiquer les informations relatives aux perspectives économiques de la société, à l'évolution des structures juridiques de l'entreprise, à la répartition du capital, aux évolutions en termes d'emploi. Tout cela est déjà du domaine du comité d'entreprise qui a, par ailleurs, parfaitement le droit de demander la nomination d'un expert pour réaliser n'importe quelle étude. (...) Une fois de plus, on fait dans le trompe-l'_il, on donne l'impression de vouloir améliorer les choses, alors qu'on se borne à les compliquer un peu plus. »

_ L'article 99, qui réécrit le deuxième alinéa de l'article 321-3 du code du travail, est suspendu.

L'article 99 a pour objet de distinguer de façon très nette les deux phases de consultation du comité d'entreprise : la première relative au projet de restructuration (livre IV) et la seconde portant sur la procédure du licenciement économique (livre III). Ces dispositions contrecarrent la jurisprudence selon laquelle les deux phases pouvaient ne pas être séparées et faire l'objet de réunions groupées.

Il faut rappeler que c'est au cours de la deuxième lecture du projet de loi de modernisation sociale que le gouvernement a présenté un amendement visant à séparer les deux phases d'information et de consultation du comité d'entreprise. Lors de la séance du 23 mai 2001, M. François Goulard s'est opposé en vain à cet amendement :

« Ce que nous souhaitons pour notre part, c'est, évidemment sans toucher au niveau de protection des salariés, tendre vers une simplification des procédures. Ni l'entreprise ni les salariés ne trouveront à gagner à la complexité de notre droit du travail, toujours plus difficile à comprendre, difficile à appliquer. Cette difficulté d'interprétation, génératrice de conflits et de contentieux, en vient à compliquer la vie de tous les acteurs de la vie économique et sociale. Or, au lieu d'aller dans le sens de la simplification, comme nous le proposons, l'amendement du gouvernement, sous prétexte d'une clarification, aggrave une anomalie qui tient à cette double procédure de consultation. »

Dans un article paru dans la revue de Droit social de mars 2002, M. Jean-Emmanuel Ray, professeur à l'université de Paris I, estime pour sa part que la séparation désormais obligatoire entre les réunions du livre IV et du livre III est « abracadabrant sur le plan logique comme social ». Selon ce spécialiste du droit du travail, que le rapporteur a rencontré, il n'est pas de l'intérêt des salariés de devoir attendre plusieurs réunions avant de pouvoir obtenir de l'employeur des informations concernant le projet de licenciement lui-même. Or, au cours des consultations prévues dans le cadre du livre IV, l'employeur n'a pas le droit d'évoquer les mesures sociales du livre III, pourtant les plus importantes aux yeux des salariés voulant rapidement connaître leur sort.

Le fait de suspendre l'application de l'article 99 permettra de revenir au droit antérieur. Grâce au projet de loi, les partenaires sociaux pourront par accord d'entreprise, et uniquement s'ils le jugent opportun, organiser la consultation du comité d'entreprise selon deux phases bien distinctes. Mais cela n'est plus obligatoire. Les acteurs de terrain sont en la matière les plus à même de déterminer les règles adaptées et leur situation. On peut supposer que pour bon nombre de représentants du personnel, la logique de la multiplication des réunions ne sera pas forcément celle qu'ils privilégieront, l'objectif étant non pas de discuter longuement d'un projet de restructuration puis de licenciement, mais au contraire de trouver rapidement les solutions les plus adéquates dans l'intérêt des salariés et de l'entreprise.

_ L'article 101, qui remplace le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail par six nouveaux alinéas, a accru les pouvoirs du comité d'entreprise. En lien avec ce premier article, l'article 106, qui a inséré dans le code du travail un nouvel article L. 432-1-3, a pour objet de décrire précisément le rôle dévolu au médiateur.

Il est proposé de suspendre ces nouvelles dispositions, qui ont eu pour effet de compliquer à l'excès la procédure, sont désormais suspendues.

Parmi les incohérences contenues dans les dispositions introduites par la loi du 17 janvier 2002 en matière de pouvoirs du comité d'entreprise, il faut notamment citer celle selon laquelle le comité d'entreprise disposerait d'un prétendu « droit d'opposition » sur les projets de restructuration et de compression des effectifs. Or une lecture attentive de l'article L. 432-1-3 nouveau tel qu'issu de l'article 106 de la loi du 17 janvier 2002 montre que ce droit ne permet pas une véritable opposition au projet de l'employeur mais correspond en fait à un simple droit de saisine d'un médiateur dans les seuls cas où le comité d'entreprise est saisi d'un « projet de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois ».

Le champ de saisine du médiateur est donc très circonscrit par la loi de janvier 2002 : s'il faut attendre, pour appliquer ces dispositions, d'être face à un projet de cessation d'activité, cela signifie que les chances d'éviter des licenciements sont particulièrement minces. La portée réelle de cette disposition semble donc plus symbolique que concrète. Le fait de faire appel à un médiateur apparaît davantage comme un moyen de retarder des licenciements inéluctables que comme une façon d'améliorer la qualité des solutions de reclassement proposées aux salariés. Cette mesure d'affichage politique - qui, comme on le sait, fut introduite dans la loi à la suite de tractations entre les différentes composantes de la majorité plurielle alors au pouvoir - ne répondait en outre à aucune demande des organisations syndicales.

Il faut rappeler qu'aux termes de l'article L. 432-1-3 du code du travail - tel que rédigé par l'article 106 de la loi du 17 janvier 2002 - le médiateur est censé intervenir en cas de « divergence importante entre le projet présenté par l'employeur et la ou les propositions alternatives présentées par le comité d'entreprise ». Il est saisi par l'une ou l'autre partie : c'est-à-dire l'employeur ou le comité d'entreprise. Il est indiqué que « cette saisine a lieu au plus tard dans les huit jours suivant l'issue de la procédure d'information et de consultation prévue aux deuxième et cinquième alinéas de l'article L. 432-1. »

Si aucun accord n'est trouvé entre le chef d'entreprise et la majorité des membres du comité d'entreprise sur le choix du médiateur, cette « décision est prise par le président du tribunal de grande instance saisi par la partie la plus diligente. Il statue en urgence. » On le voit, les dispositions vont dans le sens de la judiciarisation des procédures, ce qui est d'autant plus paradoxal que la voie de la médiation est par définition supposée éviter cet écueil. Les auteurs de la loi du 17 janvier 2002 ont ainsi maladroitement mélangé deux logiques : la judiciarisation et la médiation, pour un résultat pour le moins aléatoire.

D'après le quatrième alinéa de l'article L. 432-1-3 du code du travail, la durée de la mission du médiateur fait l'objet d'un accord entre les parties ; mais à défaut d'accord, cette mission ne peut excéder un mois.

Le médiateur est amené à faire une recommandation : dans un délai de cinq jours, les parties font connaître leur acceptation ou leur refus de cette recommandation. En cas d'acceptation, la recommandation du médiateur emporte les effets juridiques d'un accord au sens des articles L. 132-1 et suivants. En cas de refus, la procédure du licenciement suit son cours.

Dans un article paru dans la Semaine sociale (Lamy, hebdomadaire n° 1073, 29 avril 2002), M. Sylvain Niel, président du cercle des directeurs des ressources humaines, avocat en droit social, notait à juste titre : « la recommandation formulée par le médiateur emporte les effets juridiques d'un accord dès lors qu'elle a été acceptée par le comité d'entreprise. Sans doute n'a t-on pas mesuré tout le potentiel du nouvel article L. 432-1-3 du code du travail, qui ouvre la porte à une nouvelle conception des rapports collectifs. » En effet « le principe selon lequel l'accord collectif est conclu avec un ou plusieurs syndicats figure dans le marbre de la loi. Or, pour la première fois, un texte ébranle le socle juridique de la négociation collective, l'un des piliers du droit du travail en France ». Il est pour le moins curieux, dans le système français, d'admettre que l'acceptation par le chef d'entreprise et le comité d'entreprise de la recommandation du médiateur entraîne les mêmes conséquences que celles attachées à la conclusion d'un accord collectif, alors qu'à aucun moment de la procédure, une organisation syndicale n'est intervenue.

Enfin, on peut relever que les termes retenus dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 432-1-3 manquent de clarté : il est ainsi indiqué que « le comité d'entreprise peut saisir le juge statuant en la forme des référés en vue de vérifier si les propositions émises pour éviter les licenciements par le comité d'entreprise ou le cas échéant par le médiateur ont été formulées dans les formes prévues ci-dessus ». Cette rédaction imprécise n'indique pas clairement sur quoi pourrait, le cas échéant, porter le contrôle du juge.

Le fait de suspendre l'application de l'article 106 constitue une mesure salutaire qui va dans le sens de la simplification des règles du licenciement et répond à un souhait des organisations syndicales qui ont dès la promulgation de la loi dite de modernisation sociale, exprimé leur scepticisme quant à l'efficacité de telles dispositions.

_ Même s'il n'a pas directement trait aux procédures collectives, l'article 109, qui modifie la fin du premier alinéa de l'article L. 321-1-1 du code du travail s'agissant de l'ordre des licenciements, est également suspendu.

Cet article a pour objet d'éliminer le critère des qualités professionnelles de la liste des critères inscrits dans le code du travail. Mais cela ne signifie pas que les employeurs ne peuvent plus du tout prendre en considération ce critère pour l'établissement de cet ordre.

Plus qu'une modification de fond, le fait de suspendre l'article 109 représente une mesure symbolique de nature à rééquilibrer la pratique en ce domaine. Certes, les qualités professionnelles ne sauraient valablement être le seul critère décisif, mais ce critère peut être pris en compte au même titre que les caractéristiques sociales rendant la réinsertion des salariés concernés particulièrement difficile, « notamment des personnes handicapées et des salariés âgés. »

_ Enfin, est suspendue l'application de l'article 116, qui a remplacé les deux derniers alinéas de l'article L. 321-7 du code du travail par cinq nouveaux alinéas, dans le but affiché d'accroître les pouvoirs dévolus à l'inspecteur du travail.

Les auteurs de la loi du 17 janvier 2002 ont cherché à augmenter de façon démesurée la marge de man_uvre laissée à l'inspecteur du travail. Ce faisant, ils ont accordé des pouvoirs exorbitants à l'administration, ce qui apparaît d'autant plus hypocrite qu'ils n'ignoraient pas que, dans les faits, les inspecteurs du travail manquaient déjà cruellement de moyens pour mener à bien l'ensemble des tâches leur revenant en temps normal.

Les inspecteurs du travail sont, d'après l'article L. 321-7 tel que modifié par la loi du 17 janvier 2002, compétents pour « tout au long de la procédure, présenter toute proposition destinée à compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l'emploi, en tenant compte de la situation économique et des capacités financières de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel l'entreprise appartient ».

La réponse motivée de l'employeur doit parvenir à l'inspecteur du travail avant la fin du délai prévu pour l'envoi des lettres de licenciement. Tant que l'inspecteur du travail n'a pas reçu les réponses motivées de l'employeur à ses objections ou remarques, les lettres de licenciement ne peuvent pas être envoyées.

Dans un délai de huit jours après sa réception, l'inspecteur du travail peut constater la carence du plan de sauvegarde de l'emploi définitivement arrêté. Cette carence est notifiée à l'employeur. Si le comité d'entreprise ou les délégués du personnel le lui demandent, celui-ci est alors tenu « d'organiser une réunion supplémentaire du comité d'entreprise ou à défaut, des délégués du personnel, en vue d'un nouvel examen du plan de sauvegarde de l'emploi. »

Il convient de revenir au droit antérieur en matière de pouvoirs de l'inspecteur du travail : la logique de la surenchère - toujours plus de pouvoirs accordés à l'administration face à l'employeur - paraît datée et ne correspond ni aux souhaits des inspecteurs du travail qui effectuent aujourd'hui leur mission dans des conditions difficiles, ni surtout aux attentes légitimes des salariés.

L'article 116 de la loi du 17 janvier 2002 étant suspendu, c'est donc l'article L. 321-7 dans sa version antérieure qui s'appliquera. Cela signifie que l'inspecteur du travail :

- peut « présenter toute proposition pour compléter ou modifier » le plan de sauvegarde de l'emploi, « en tenant compte de la situation économique de l'entreprise. » ;

- doit formuler ses propositions en tout état de cause « avant la dernière réunion du comité d'entreprise ».

2. Le deuxième paragraphe de l'article premier annonce le dépôt prochain d'un projet de loi sur les procédures de licenciement prenant notamment en compte les résultats de la négociation interprofessionnelle sur ce sujet

Pendant la période de suspension, les partenaires sociaux sont invités à conduire des négociations interprofessionnelles en vue de déterminer les voies et moyens permettant de faciliter le dialogue social au sein de l'entreprise sur les projets de restructurations et leurs incidences en matière d'emploi.

Le deuxième paragraphe de l'article premier est composé de deux phrases. La première indique que le gouvernement doit déposer un projet de loi au cours de la période des dix-huit mois « au vu des résultats de la négociation interprofessionnelle engagée entre les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national ». Cela ne signifie pas que le projet de loi futur devra reprendre intégralement ou exclusivement les résultats de cette négociation, mais que le gouvernement s'engage naturellement à respecter le dialogue social.

Ce projet de loi portera sur trois types de dispositions :

- les procédures relatives à la prévention des licenciements économiques ;

- les règles d'information et de consultation des représentants du personnel ;

- les règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi.

Selon la deuxième phrase, un avis publié au Journal officiel fera mention de la date de dépôt de ce projet de loi. L'annonce officielle de cette date s'impose en effet dans la mesure où c'est à partir de celle-ci que courra la période de suspension complémentaire d'un an.

Au total, la durée de suspension pourrait en effet se prolonger jusqu'à trente mois (dix-huit mois puis douze mois supplémentaires pour le travail parlementaire jusqu'à l'adoption du projet de loi).

3. Le troisième paragraphe précise quel est le droit applicable pendant la période de suspension des dispositions aujourd'hui en vigueur

Pendant la période de suspension - qui peut durer, on l'a vu, pendant trente mois au maximum - seront applicables les articles L. 321-1-1, L. 321-3, L. 321-7, L. 432-1 bis, L. 434-6, L. 435-3 et L. 439-2 du code du travail dans leur rédaction antérieure à leur modification par la loi du 17 janvier 2002.

La liste de ces articles répond logiquement à celles des articles de la loi de modernisation sociale suspendus. En effet, l'article 99 de cette loi a modifié l'article L. 321-3 du code du travail, l'article 101 l'article L. 432-1, l'article 106 l'article L. 432-1-3, l'article 109 l'article L. 321-1-1 et l'article 116 l'article L. 321-7.

Notons en outre que les articles 102 et 104, de cohérence avec l'article 101, font également partie des articles suspendus dans la mesure où ils visent à mettre en cohérence des références à plusieurs alinéas de l'article L. 432-1 dans les articles L. 435-3, L. 439-2 et L. 432-1 bis du code du travail.

Le tableau ci-après permet d'identifier les différences importantes entre le droit applicable avant la loi de modernisation sociale rétabli pendant la période de suspension et le droit issu de cette loi.

Droit antérieur à la loi du 17 janvier 2002

(à nouveau applicable pendant la période de suspension)

Dispositions issues de la loi du 17 janvier 2002 et suspendues

par le projet de loi

Droit applicable pendant la période de suspension

En matière d'association des organes de direction et de surveillance de l'entreprise

Avant la loi de modernisation sociale, les organes de direction et de surveillance des entreprises n'étaient pas obligatoirement informés des conséquences directes ou indirectes découlant de la fermeture d'un établissement en matière d'emploi ou des conséquences en matière d'emploi des projets de développement stratégique de l'entreprise.

Les articles 97 et 98 ont inséré dans le code de commerce les articles L. 239-1 et L. 239-2, qui prévoient la transmission systématique aux organes de direction et de surveillance des entreprises d'une étude d'impact social et territorial dans deux cas :

- lorsqu'une cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome aurait pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois ;

- lorsqu'un projet de développement stratégique serait susceptible d'affecter de façon importante les conditions d'emploi et de travail.

L'application des articles 97 et 98 étant suspendue, l'employeur n'aura plus d'obligation légale de transmission des études d'impact social et territorial.

En matière de phases d'information et de consultation du comité d'entreprise

Avant la loi de modernisation sociale, les phases de consultation du comité d'entreprise sur les restructurations et sur les licenciements pouvaient être réunies. La jurisprudence avait conforté cette pratique.

La loi de modernisation sociale a strictement distingué la phase de consultation relative au projet de restructuration (livre IV du code du travail) et celle relative à la procédure de licenciement (livre III).

L'article 99 étant suspendu, les deux phases pourront à nouveau être réunies.

En matière de pouvoirs du comité d'entreprise sur le projet de restructuration

et de compression des effectifs

Avant la loi de modernisation sociale, le comité d'entreprise « obligatoirement saisi en temps utile » émettait « un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application ».

La loi de modernisation sociale a prévu que le comité d'entreprise, « obligatoirement informé et consulté », « émet un avis » et « peut formuler des propositions alternatives » au projet présenté par l'employeur.

L'employeur est « tenu de fournir au comité d'entreprise une réponse motivée » à ses avis. Tant qu'il n'a pas apporté de telles réponses, il ne peut présenter un plan de sauvegarde de l'emploi.

Le comité d'entreprise peut, lors de sa première réunion, recourir à un expert-comptable.

Le comité d'entreprise ou l'employeur peuvent saisir un médiateur en cas de cessation d'activité ayant pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois.

Pendant la période de suspension des articles101 et 106, le comité d'entreprise ne pourra plus automatiquement :

- faire des propositions alternatives au projet de l'employeur ;

- recourir à un expert-comptable dès la première réunion ;

- saisir un médiateur dans les cas visés à l'article L. 432-1-3 tel qu'issu de la loi de modernisation sociale.

En matière d'ordre des licenciements

Avant la loi de modernisation sociale, l'article L. 321-1-1 prévoyait que l'ordre des licenciements devaient prendre en compte « les charges de famille, en particulier celles de parents isolés, l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment des personnes handicapées et des salariés âgés, les qualités professionnelles appréciées par catégorie. »

L'article 109 de la loi de modernisation sociale a éliminé des critères cités dans l'article L. 321-1-1 celui des qualités professionnelles. L'objectif poursuivi était d'opérer une distinction forte entre les licenciements effectués pour motif personnel (qui concernent notamment les qualités professionnelles des salariés concernés) et les licenciements effectués pour un motif économique devant être par définition non inhérent à la personne du salarié.

La modification opérée par la loi dite de modernisation sociale à l'article L. 321-1-1 du code du travail était pour les auteurs de cette loi une manière d'inciter les employeurs et les partenaires sociaux à prendre davantage en compte les critères sociaux liés à la difficulté de réinsertion éventuelle que les critères de la performance individuelle des salariés. En aucun cas, la loi précitée n'a cependant cherché à éliminer toute possibilité de prise en compte de ce dernier critère.

La nouvelle rédaction de l'article L. 321-1-1 n'empêche nullement les employeurs le souhaitant de prendre en considération les qualités professionnelles des salariés, à condition que ce critère ne soit pas le seul pertinent.

Le fait de suspendre l'article 109, et donc de revenir à la rédaction antérieure de l'article L. 321-1-1 du code du travail, ne va pas modifier la pratique observée à la suite de l'adoption de la loi de modernisation sociale car, comme on l'a vu, il était toujours possible de prendre en compte dans l'ordre des licenciements le critère des qualités professionnelles.

En matière de pouvoirs de l'inspection du travail

Tel que rédigé antérieurement à la loi de modernisation sociale, l'article L. 321-7 du code du travail prévoyait :

- que l'inspecteur du travail pouvait « présenter toute proposition pour compléter ou modifier le plan social, en tenant compte de la situation économique de l'entreprise » ;

- qu'il devait présenter des propositions « avant la dernière réunion du comité d'entreprise » ;

- que ces propositions, communiquées au comité d'entreprise et à l'employeur, devaient faire l'objet d'une réponse motivée de la part de l'employeur.

L'article 116 de la loi de modernisation sociale a remplacé les deux derniers alinéas de l'article L. 321-7 par cinq nouveaux alinéas prévoyant :

- la possibilité pour l'inspecteur du travail de présenter toute proposition « tout au long de la procédure et jusqu'à la dernière réunion du comité d'entreprise » ;

- la possibilité pour l'inspecteur du travail de tenir compte dans ses propositions non seulement de la situation économique de l'entreprise, mais plus largement « de la situation économique et des capacités financières de l'entreprise, et, le cas échéant, du groupe auquel l'entreprise appartient » ;

- le fait que ces propositions font l'objet d'une réponse motivée de l'employeur, devant parvenir à l'inspecteur du travail « avant la fin du délai prévu au premier alinéa de l'article L. 321-6 pour l'envoi des lettres de licenciement.  Lesdites lettres ne peuvent pas être adressées aux salariés, une fois ce délai passé, tant que l'employeur n'a pas fait parvenir sa réponse motivée à l'autorité administrative compétente. » ;

- l'inspecteur du travail dispose d'un délai de huit jours après la transmission par l'employeur du plan de sauvegarde de l'emploi pour en constater la carence éventuelle. Dans ce cas, « cette carence est notifiée à l'employeur qui doit en informer immédiatement les représentants du personnel ». Si ces derniers le lui demandent, l'employeur est alors tenu « d'organiser une réunion supplémentaire du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, en vue d'un nouvel examen du plan de sauvegarde de l'emploi. »

La suspension de l'article 116 a pour effet de rendre inapplicables les nouveaux alinéas introduits à l'article L. 321-7 du code du travail. Continueront de s'appliquer les dispositions antérieures. L'inspecteur du travail ne pourra donc émettre un constat de carence qu'« en l'absence de plan social au sens de l'article L. 321-4 » au plus tard huit jours après la transmission par l'employeur du projet de plan social.

Il ne pourra plus dresser le cas échéant un deuxième constat de carence sur le plan définitivement arrêté.

*

La commission a examiné deux amendements de suppression de cet article, l'un de M. Gaëtan Gorce et l'autre de M. Maxime Gremetz.

M. Gaëtan Gorce a rappelé, en préalable, que la déclaration d'urgence pour l'examen de ce texte ne se justifie pas. Par ailleurs, alors que la suspension porte sur un ensemble de mesures dont on ne peut nier la cohérence, l'issue de la négociation à laquelle le gouvernement renvoie et la prise en compte ultérieure de ses résultats par le législateur sont pour le moins incertaines. On peut, en outre, constater que le recours à la suspension de dispositions législatives n'a été que fort peu utilisé dans le passé et jamais dans le champ social. En effet, cette procédure n'a été appliquée qu'à trois reprises : pour les sanctions pénales applicables à l'interruption volontaire de grossesse avant la loi de 1975, pour le service national et pour certaines dispositions du code rural dans la loi relative à la chasse.

M. Maxime Gremetz a rappelé son opposition à la suspension de certaines dispositions de la loi de modernisation sociale. Cette procédure vise en réalité à remettre en cause une loi qui a pour objet de dissuader les entrepreneurs de recourir à des licenciements économiques et, plus largement, de préserver l'emploi en France. En effet, son dispositif dépasse la seule question des relations dans l'entreprise entre les salariés et leur employeur. Elle contient des dispositions essentielles, telle l'obligation pour l'employeur de transmettre aux organes de direction et de surveillance une fiche d'impact social et territorial lorsque ces organes sont amenés à prendre des décisions ayant des incidences fortes sur l'emploi. D'autres dispositions mettent en place des obligations de réindustrialisation lorsque, par leur ampleur, les licenciements économiques d'un grand groupe affectent l'équilibre économique du bassin d'emploi lui-même.

Le rapporteur a observé que le caractère novateur de la procédure de suspension ne constitue pas en soi un obstacle. Définir des moyens nouveaux pour revenir, sans dogmatisme et après discussion avec les partenaires sociaux, sur des dispositions législatives aujourd'hui très critiquées est une démarche très constructive.

Il a ensuite précisé que le projet de loi ne suspend pas l'application de l'article 118 de la loi de modernisation sociale relatif à la réactivation économique des bassins d'emploi concernés et a relevé que, lors des auditions qu'il a menées, les représentants des organisations syndicales n'ont pas jugé particulièrement préoccupante la suspension de certains des articles de la loi relatifs aux procédures des licenciements économiques, surtout lorsque ces dispositions ne sont pas encore réellement entrées en application.

La commission a rejeté ces deux amendements.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer tendant à abroger, et non pas suspendre, certains articles de la loi de modernisation sociale relatifs à la procédure de licenciement économique.

M. Francis Vercamer a rappelé que les dispositions que le projet de loi entend suspendre ont été adoptées, peu avant les élections législatives, dans la précipitation et sous la pression des événements : plusieurs décisions de délocalisations venaient en effet d'être annoncées. Ce texte dogmatique a cherché à contrecarrer l'attitude de quelques entreprises procédant à des restructurations ou des délocalisations dans le but d'obtenir des profits supplémentaires. Ce faisant, il pénalise de multiples entreprises qui, elles, connaissent de véritables difficultés économiques et peuvent être finalement contraintes au dépôt de bilan. Ce texte, enfin, accroît encore l'effet de seuil de cinquante salariés qui peut se révéler un frein à la croissance.

Dans ce contexte, soit le gouvernement considère que les dispositions de la loi de modernisation sociale sont mauvaises et elles doivent être abrogées, soit il considère qu'elles peuvent être aménagées et la suspension ne se justifie pas. La solution retenue par le gouvernement ne satisfait personne. L'important est, en effet, de savoir quelle sera la législation applicable à l'issue de la période réservée à la négociation.

Le fait de suspendre seulement les dispositions les plus critiquables de cette loi pèsera, en outre, sur les conditions dans lesquelles va pouvoir se dérouler le dialogue social. L'état actuel du droit risque en effet de servir de base aux discussions ; les représentants des syndicats vont négocier dans la perspective d'obtenir des avantages supplémentaires par rapport au texte de la loi du 17 janvier 2002, et cela conduira à l'échec des négociations. Seule l'abrogation des dispositions concernées permettrait la négociation la plus ouverte possible entre les partenaires sociaux sur des dispositions nouvelles en matière de prévention des licenciements économiques. Le futur projet de loi devrait, quant à lui, se concentrer principalement sur l'encadrement des restructurations ou des délocalisations opérées dans une perspective strictement financière.

M. Gaëtan Gorce a observé que la procédure retenue par le gouvernement s'apparentait à de la « filouterie juridique » : la suspension n'aurait eu de sens que si le gouvernement avait déclaré son intention d'appliquer à nouveau les articles de la loi de modernisation sociale si les négociations interprofessionnelles n'aboutissaient pas. Comme cela ne semble pas être le scénario retenu, il serait plus franc de prévoir l'abrogation des dispositions concernées.

M. Maxime Gremetz a rappelé que les articles de la loi de modernisation sociale relatifs aux études d'impact social et territorial font bien partie des dispositions suspendues. Or ces dispositions auraient pu avoir un effet dissuasif pour certaines restructurations ayant des conséquences particulièrement lourdes sur l'emploi.

Il faut saluer le groupe UDF qui fait au moins preuve de cohérence dans sa démarche, ce qui n'est pas le cas du gouvernement. La suspension est une procédure inhabituelle dont l'issue n'est pas précisée. Le gouvernement souhaiterait certes que les syndicats négocient sur la gestion des licenciements économiques, alors que ceux-ci ont un rôle inverse, celui de défendre l'emploi et les salariés.

En réponse, le rapporteur a considéré que la procédure de la suspension constituait une innovation en matière sociale et qu'il convenait de ne pas être trop conservateur sur la forme. Cette solution a été préférée à l'abrogation car elle semble au gouvernement plus propice à l'instauration d'un climat de confiance avec les partenaires sociaux qui sont appelés à négocier. Le gouvernement a choisi volontairement une position plus neutre que celle souhaitée par le MEDEF, par exemple.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Gaëtan Gorce visant à soustraire du champ de la suspension l'article 97 de la loi de modernisation sociale.

M. Gaëtan Gorce a rappelé que l'article 97 de la loi prévoit la transmission aux organes de direction et de surveillance de l'entreprise d'une étude d'impact social et territorial en cas de projet de cessation totale ou partielle d'activité. Il a ensuite estimé que le gouvernement n'a toujours pas précisé quel est l'objet de la suspension, c'est-à-dire quel sera le sort des articles visés à l'issue de la période de suspension.

S'agissant en particulier de l'article 97, il est essentiel de prévoir une information des organes décisionnaires la plus large possible avant la mise en _uvre de plans de licenciements importants. Il paraît indispensable de prévoir que les organes de décision de l'entreprise doivent, avant de donner leur accord à un projet de cessation d'activité, avoir au moins pris connaissance de l'étude d'impact social et territorial. Ainsi ils n'ignoreront rien des conséquences de leurs décisions sur le bassin d'emplois. Il faut éviter que le recours aux licenciements soit la solution la plus facile à mettre en _uvre, sans aucune prise en compte des incidences parfois dramatiques de ces décisions pour l'environnement de l'entreprise, les collectivités locales et bien sûr l'emploi.

Le rapporteur a rappelé que, pendant la période de la suspension, les partenaires sociaux sont appelés à négocier. S'ils parviennent ensemble à la conclusion que telle ou telle disposition, aujourd'hui suspendue, doit absolument être maintenue, le futur projet de loi mettra sans doute fin à sa suspension pour la rendre à nouveau applicable. Cependant, concernant l'étude d'impact social et territorial, il est douteux que les partenaires sociaux se mettent d'accord pour garder une mesure qui aboutit principalement à un alourdissement inutile des procédures de licenciement.

La commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Gaëtan Gorce visant à soustraire du champ de la suspension l'article 98 de la loi de modernisation sociale, lequel prévoit la transmission aux organes de direction et de surveillance d'une étude d'impact social et territorial pour tout projet de développement stratégique affectant les conditions d'emploi et de travail.

Après que le rapporteur a indiqué que cette disposition n'était d'aucune utilité pour les personnels concernés, lesquels attendent principalement des mesures de reclassement, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Gaëtan Gorce visant à soustraire du champ de la suspension l'article 99 de la loi de modernisation sociale, lequel prévoit que la consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel se fait en respectant deux phases distinctes, consistant d'abord à examiner le projet de restructuration (livre IV du code du travail) et seulement ensuite à discuter du plan de licenciement (livre III).

M. Gaëtan Gorce a estimé qu'il convient de ne pas aborder la question centrale de la consultation des institutions représentatives du personnel de façon dogmatique et qu'il est préférable de donner à ces dernières tous les moyens d'information leur permettant de mesurer la situation économique de l'entreprise et la nature du plan de sauvegarde de l'emploi.

Après que le rapporteur a considéré que les partenaires sociaux pourront parfaitement rétablir cette disposition, s'ils l'estiment utile, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Gaëtan Gorce visant à soustraire du champ de la suspension l'article 101 de la loi de modernisation sociale, lequel prévoit la consultation obligatoire du comité d'entreprise sur tout projet de restructuration et de concentration des effectifs et la possibilité pour lui de saisir un médiateur dans certains cas.

M. Gaëtan Gorce a expliqué que l'idée de donner aux représentants du personnel des droits pour s'opposer au projet de restructuration de l'entreprise n'était pas une tradition française. Il convient cependant de fournir au comité d'entreprise des moyens d'action pour qu'il puisse participer pleinement au débat économique et social et formuler des contre-propositions. La remise en cause de cette disposition constitue une régression des droits à l'information et à la consultation des représentants des salariés.

Après que le rapporteur a donné un avis défavorable, la commission a rejeté cet amendement, ainsi que deux amendements de conséquence présentés par M. Gaëtan Gorce visant à soustraire du champ de la suspension les articles 102 et 104 de la loi de modernisation sociale.

La commission a examiné un amendement de M. Gaëtan Gorce visant à soustraire du champ de la suspension l'article 106 de la loi de modernisation sociale, lequel prévoit la possibilité de saisir un médiateur en cas de divergence importante entre le projet de l'employeur et les propositions alternatives du comité d'entreprise.

M. Gaëtan Gorce a estimé très positif le fait que la loi de modernisation ait permis l'institution du médiateur, organe extérieur à l'entreprise. Celui-ci agit dans le but de rapprocher les points de vue de l'employeur et du comité d'entreprise ; il émet une recommandation pouvant avoir la valeur juridique d'un accord en cas d'acceptation par les parties.

Il a également interrogé le rapporteur quant à la volonté du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité de prendre rapidement le décret d'application relatif à la réindustrialisation des bassins d'emplois, étant donné que l'article 118 ne figure pas dans la liste des articles suspendus.

Le rapporteur a rappelé que la liste des médiateurs n'avait pas été publiée par le précédent gouvernement, ce qui témoigne du peu d'empressement que ce dernier a mis à traduire dans les faits des dispositions votées dans les circonstances que l'on sait. S'agissant de la sortie du décret d'application de l'article 118, la question doit en toute logique être posée directement au ministre lors des débats en séance publique.

M. Gaëtan Gorce a précisé que le décret relatif au médiateur a, lui, bien été pris par le précédent gouvernement et que seule la liste nominative des médiateurs n'avait pas encore pu être établie. Il revient au rapporteur d'un texte de faire pression pour obtenir du ministère des informations quant à la publication de tel ou tel décret d'application. S'agissant de la procédure de médiation, elle existe dans des pays comme la Suède, l'Italie et l'Espagne en cas de conflits entre les employeurs et les salariés.

Le rapporteur a indiqué que la procédure de médiation à proprement parler existe bien en Allemagne, mais qu'elle obéit à des règles différentes de celles posées par la loi du 17 janvier 2002.

M. Maxime Gremetz a déclaré que le rôle du médiateur en Allemagne consiste à faire un rapport sur la base des propositions des uns et des autres et à vérifier le bien-fondé économique des projets de licenciements. Cette procédure en amont est préférable à la tradition française où le juge compétent se contente de trancher sur le fond, une fois la décision de licencier prise. Il faut donner aux représentants des salariés des moyens d'action forts pour intervenir contre les projets de licenciements collectifs. On ne peut pas laisser les forces économiques dominantes imposer leurs règles sans que les représentants du personnel puissent rien proposer en contrepartie.

M. René Couanau a rappelé que c'est l'inadaptation des dispositions législatives en vigueur qui conduit le gouvernement à encourager la reprise du dialogue social avant de faire lui-même des propositions.

M. Maxime Gremetz a souligné l'inconséquence de la démarche du gouvernement qui consiste à suspendre tous les moyens d'agir pour revenir au droit antérieur - qui a prouvé son manque d'efficacité - alors que se multiplient les plans sociaux.

Après que le rapporteur a rappelé que la suspension constitue une voie médiane entre les deux solutions extrêmes, consistant l'une à abroger purement et simplement la loi de modernisation sociale et l'autre à rajouter encore des complications au droit issu de cette loi, la commission a rejeté cet amendement.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Gaëtan Gorce visant à soustraire du champ de la suspension l'article 109 de la loi du 17 janvier 2002.

M. Gaëtan Gorce a rappelé que cet article avait pour objet de supprimer la référence aux « qualités professionnelles » dans la liste indicative des critères pouvant servir à établir l'ordre des licenciements entre les salariés. Il a estimé que la prise en compte prioritaire de ce critère est facteur d'exclusion. La suspension de cet article constitue un signal défavorable pour l'emploi des personnes les moins qualifiées qui auront le plus de difficultés à retrouver un emploi.

Le rapporteur a considéré que les débats sur cette question n'étaient pas exempts d'une certaine hypocrisie, car la loi de modernisation sociale n'interdit nullement la prise en compte de ce critère. Celui-ci peut continuer d'être retenu par les employeurs comme par les partenaires sociaux. La jurisprudence a en effet bien souligné le caractère non exclusif de la liste des critères « notamment » cités par la loi.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Gaëtan Gorce visant à soustraire du champ de la suspension l'article 116 de la loi du 17 janvier 2002.

M. Gaëtan Gorce a rappelé que cet article ouvre à l'inspecteur du travail la possibilité d'intervenir jusqu'à la fin de la procédure de consultation du comité d'entreprise et de présenter toute proposition visant à compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l'emploi ou d'en constater l'éventuelle carence à deux moments de la procédure.

Après que le rapporteur a relevé à quel point ces dispositions avaient contribué à alourdir les procédures, en accroissant démesurément le pouvoir de censeur attribué à l'inspecteur du travail, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Gaëtan Gorce visant à réduire de dix-huit à douze mois la période de suspension des dispositions concernées de la loi de modernisation sociale.

Après que le rapporteur a souligné la nécessité d'un délai suffisamment long pour permettre aux partenaires sociaux de travailler sereinement, la commission a rejeté cet amendement.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Francis Vercamer fixant à dix-huit mois le délai pour déposer un projet de loi après la négociation interprofessionnelle.

M. Francis Vercamer a observé que cet amendement, qui vient en complément de son précédent amendement demandant l'abrogation plutôt que la suspension des dispositions en cause, prévoit que le gouvernement doit présenter dans un délai de dix-huit mois un projet de loi relatif à la prévention des licenciements économiques. Aucune nouvelle période de suspension n'est prévue ensuite.

Tout en se déclarant en accord avec l'idée selon laquelle un nouveau projet de loi devrait le plus tôt possible venir en discussion au Parlement afin de fixer de nouvelles règles en matière de licenciement économique, le rapporteur a jugé qu'il n'était pas opportun de limiter d'emblée la période de la suspension.

La commission a ensuite rejeté cet amendement.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Gaëtan Gorce visant à inclure la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans le champ de la négociation interprofessionnelle à venir.

Après que le rapporteur et M. René Couanau ont rappelé le caractère non limitatif du champ de la négociation interprofessionnelle, qui peut bien entendu être étendue à tous les sujets relatifs à l'emploi, à la formation professionnelle et à la prévention des licenciements, et ont considéré que l'adoption de cet amendement aboutirait même à l'inverse de l'effet recherché, la commission a rejeté cet amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz tendant à conditionner la validité des accords collectifs en matière sociale à leur signature par des syndicats majoritaires.

M. Maxime Gremetz a estimé que le projet de loi comporte un effet pervers en permettant que, par accord d'entreprise, il puisse être dérogé aux règles légales en matière de licenciement. Certes ces accords doivent être signés par des organisations syndicales majoritaires - et le groupe communiste est de longue date très favorable au principe de l'accord majoritaire - mais en l'occurrence, cela n'est guère acceptable.

La France s'est dotée d'un code du travail efficace qui, hérité de l'histoire, constitue un socle minimal de protection des salariés. S'applique en effet le principe selon lequel les règles fixées par les accords collectifs sont forcément plus favorables aux salariés que celles fixées par la loi. Ce principe de faveur s'applique à tous les échelons de la négociation, des conventions de branches à celles d'entreprises.

Le projet de loi veut limiter le champ des accords majoritaires à la seule question des licenciements, alors qu'il faudrait au contraire étendre ce principe à tous les sujets pouvant donner lieu à négociation. Par ailleurs, il ne faut pas que le projet de loi aboutisse à l'adoption d'accords dérogatoires dont les clauses seraient moins favorables aux intérêts des salariés que le droit actuel.

Le rapporteur a considéré que, en toute logique, M. Gremetz devrait se réjouir de l'introduction dans le code du travail du principe de l'accord majoritaire. Il est indéniable que celui-ci reste, pour l'heure, limité à la question des licenciements économiques sur laquelle porte exclusivement le projet de loi. Il serait maladroit de fixer dès à présent dans le code du travail la règle générale selon laquelle tout accord, sur n'importe quel sujet, doit désormais être signé par le ou les syndicats majoritaires pour être valable. Il faut rappeler en effet que tous les syndicats représentatifs ne se sont pas encore mis complètement d'accord sur ce qu'ils entendent par accord majoritaire. Le désaccord porte notamment sur la nature de la majorité à retenir : nombre de suffrages exprimés lors des élections de référence, nombre de voix par rapport aux salariés inscrits ou majorité en nombre de syndicats signataires.

M. Maxime Gremetz a protesté en rappelant que le principe de l'accord majoritaire a été introduit pour la première fois en droit du travail dans le cadre des lois sur les trente-cinq heures, cela afin de déterminer le régime applicable en matière d'exonération de cotisations sociales patronales.

Le rapporteur a rappelé que, dans la loi relative à la réduction négociée du temps de travail, le fait que l'accord soit ou non signé par des syndicats majoritaires revêt une importance pour l'ouverture ou non du droit au bénéfice des allègements de charges mais n'entre pas en ligne de compte pour valider le contenu même de l'accord. Le projet de loi va donc beaucoup plus loin car seuls les accords majoritaires pourront valablement comporter des dispositions innovantes sur les procédures du licenciement en vertu de l'article 2.

La commission a rejeté l'amendement.

Puis la commission a adopté l'article premier sans modification.

suite du rapport

N° 0386 -Rapport sur le projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations (M. Dominique Dord)

1 Cf article également paru dans la revue Droit social de mars 2002.

2 Cf Premières informations et premières synthèses de la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, août 2002, n° 35.3.

3 Délai minimum de 15 jours entre les deux réunions.

4 Dans les 8 jours de la notification du projet.

5 Délai entre les deux réunions : 14 jours.

6 Uniquement dans les entreprise ou groupe d'au moins 1 000 salariés.

7 21 jours à compter de la notification du projet de licenciement.

8 8 jours à compter de la transmission du plan de sauvegarde de l'emploi définitif.

9 Demande du CE dans les 2 jours de la notification du constat de carence.

10 30 jours après la notification du projet de licenciement à la DDTEFP sans pouvoir être antérieure à l'éventuelle3ème réunion livre III.

11 Délai minimum de 15 jours entre les deux réunions.

12 2ème réunion au plus tôt le 20e jour et au plus tard le 22e jour après la première réunion.

13 Dans les 8 jours à compter du lendemain de la 2ème réunion.

14 14 jours au maximum après la 2ème réunion.

15 Uniquement dans les entreprises ou groupe d'au moins 1 000 salariés.

16 21 jours à compter du lendemain de la 2ème réunion

17 8 jours à compter de la transmission du plan de sauvegarde de l'emploi définitif.

18 Demande du CE dans les 2 jours de la notification du constat de carence.

19 30 jours à compter du 14ème jour suivant la notification du projet de licenciement à la DDTEFP sans pouvoir être antérieure à l'éventuelle 4ème réunion

20 Selon qu'une 4ème réunion CE - Livre III a lieu ou pas.

21 Au plus tard 8 jours avant la date de la 2ème réunion

22 Au maximum 21 jours après la 1ère réunion

23 Dans les 8 jours à compter de la notification du projet de licenciement.

24 Délai entre les deux réunions : 14 jours.

25 Uniquement dans les entreprise ou groupe d'au moins 1 000 salariés.

26 21 jours à compter de la notification du projet de licenciement.

27 8 jours à compter de la transmission du plan de sauvegarde de l'emploi définitif.

28 Demande du CE dans les 2 jours de la notification du constat de carence.

29 30 jours après la notification du projet de licenciement à la DDTEFP sans pouvoir être antérieure à l'éventuelle3ème réunion livre III.

30 Au plus tard 8 jours avant la date de la 2ème réunion.

31 Au maximum 21 jours après la 1ère réunion.

32 2ème réunion au plus tôt le 2e jour et au plus tard le 22e jour après la 1ère réunion.

33 Dans les 8 jours à compter du lendemain de la 2ème réunion.

34 14 jours maximum après la 2ème réunion.

35 Uniquement dans les entreprise ou groupe d'au moins 1 000 salariés.

36 21 jours à compter de la notification du projet de licenciement.

37 8 jours à compter de la transmission du plan de sauvegarde de l'emploi définitif.

38 Demande du CE dans les 2 jours de la notification du constat de carence.

39 30 jours à compter du 14ème jour suivant la notification du projet de licenciement à la DDTEFP sans pouvoir être antérieure à l'éventuelle 4ème réunion.

40 Selon qu'une 4ème réunion CE - Livre III a lieu ou pas.

41 On peut relever que la Position commune a été signée du côté patronal par le MEDEF, la CGPME et l'UPA et du côté des organisations syndicales par la CFDT, la CFTC, FO, la CGC. Seule la CGT a refusé de signer ce texte.


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