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le 16 décembre 2002

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N° 455

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 décembre 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal,

PAR Mme MARTINE AURILLAC,

Députée

--

Voir les numéros :

Sénat : 31, 298 et T.A. 98 (2001-2002)

Assemblée nationale : 44

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - DES RELATIONS FRANCO-SÉNÉGALAISES FAVORABLES
      AUX ÉCHANGES
7

A - UNE DÉMOCRATIE APAISÉE MALGRÉ LES DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES 7

1) Une alternance démocratique marquée par une série d'élections 7

2) Des difficultés en Casamance 8

3) Une situation économique et sociale délicate 8

B - DES RELATIONS BILATÉRALES TRÈS ÉTROITES 9

1) Des échanges fréquents au niveau politique 9

2) Une coopération française active 10

II - UNE APPROBATION OPPORTUNE DE LA NOUVELLE CONVENTION         D'ÉTABLISSEMENT 12

A - LE CONTEXTE DE LA RENÉGOCIATION DES ACCORDS
      FRANCO SÉNÉGALAIS
12

B - L'IMPORTANCE DES COMMUNAUTÉS CONCERNÉES
PAR LA CONVENTION D'ÉTABLISSEMENT
12

1) La présence sénégalaise en France 12

2) La présence française au Sénégal 13

C - LES APPORTS DE LA CONVENTION D'ÉTABLISSEMENT 14

1) L'affirmation de l'égalité du traitement 14

2) Les conditions de l'entrée régulière sur le territoire
     et le respect de l'ordre public 13

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

La convention d'établissement entre la France et le Sénégal signée le 25 mai 2000 soumise à examen a été approuvée par le Sénat le 10 juillet dernier. Le Sénégal ne l'a pas encore ratifiée. Elle modernise la convention d'établissement de 1974 et complète la série d'accords franco-sénégalais notamment la convention relative à la circulation et au séjour signée le 1er août 1995 et entrée en vigueur le 1er avril 2002.

S'inscrivant dans un contexte favorable aux échanges, la nouvelle convention d'établissement confère un cadre juridique stable dont bénéficient les ressortissants français comme sénégalais.

I - DES RELATIONS FRANCO-SÉNÉGALAISES
FAVORABLES AUX ÉCHANGES

A - Une démocratie apaisée malgré les difficultés économiques

1) Une alternance démocratique marquée par une série d'élections

Le scrutin présidentiel de février-mars 2000 a permis au pays de connaître sa première alternance politique depuis l'indépendance, avec la victoire de Me Abdoulaye Wade face au Président Abdou Diouf, Président de la République depuis 1981 (celui-ci préside depuis le 20 octobre dernier l'Organisation internationale de la Francophonie).

L'Assemblée nationale, dominée par le Parti socialiste (PS), a été dissoute par le Président Wade le 15 février 2001, comme l'autorisait la nouvelle constitution approuvée massivement lors du referendum du 7 janvier 2001. Tous les grands partis avaient appelé à voter « oui ». Le 3 mars, le limogeage du Premier ministre, M. Moustapha Niasse, a mis un terme à la collaboration des deux principaux artisans de l'alternance. La nomination d'une femme, Mme Madior Boye, pour le remplacer, a constitué une première en Afrique de l'Ouest.

Aux élections législatives anticipées du 29 avril 2001, le Président Wade a remporté un nouveau succès. Il s'était investi personnellement dans la campagne électorale. Sa liste a obtenu 49,6% des voix et remporté près de trois quarts des sièges de députés.

L'opposition a cependant profité des élections locales du 12 mai dernier pour se renforcer. Regroupée dans le Cadre Permanent de Concertation (CPC) elle a enlevé plusieurs communes significatives et les régions de Kaolack et de Tambacounda. Cependant, la coalition présidentielle, Convergence autour du Président pour le 21ème siècle (CAP 21), favorisée par le mode de scrutin, l'a emporté nettement (9 régions sur 11 et 41 communes sur 67), limitant ainsi le vote-sanction à la zone du bassin arachidier.

La catastrophe du Joola, le 25 septembre 2002, qui a fait plus de 1200 victimes, a été vécue comme un drame national et un profond traumatisme. De nombreuses familles ont été touchées dans ce pays de 10 millions d'habitants. Elle a entraîné une prise de conscience de l'irresponsabilité de certaines autorités. Le Ministre des transports et celui des forces armées ont immédiatement démissionné, ainsi que le Chef d'état-major des armées. Après la remise du rapport de la commission d'enquête sur cette catastrophe, le 4 novembre 2002, le Premier ministre, Mme Madior Boye, a été limogée. Son directeur de cabinet, M. Idrissa Seck, lui a succédé, en tant que Premier ministre, avec la mission de « donner un nouveau souffle au régime issu de l'alternance ».

Le Gouvernement a été remanié le 7 novembre dernier. Il reste que le naufrage du Joola, seul bateau à assurer une liaison entre Ziguinchor et Dakar, aggrave les difficultés de liaison Sud-Nord, c'est-à-dire entre la Casamance et le reste du pays.

2) Des difficultés en Casamance

En Casamance, région troublée depuis 1982 par l'action séparatiste du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), le processus de paix a permis à la signature d'un accord de cessez-le-feu le 26 décembre 1999 à Banjul. Le Président Wade a obtenu la reprise de contacts publics entre le gouvernement et le MFDC le 16 décembre 2000.

Toutefois, malgré la signature de deux accords, les 16 et 23 mars 2001, puis la tenue de nouvelles assises du MFDC à Banjul en juin et en août 2001, les perspectives d'une paix durable restent éloignées, faute d'interlocuteur politique représentatif et de réelle volonté gouvernementale. L'armée semble, en revanche, marquer des points contre les maquis grâce au succès de l'opération « Kilaye » en juin-juillet 2002.

3) Une situation économique et sociale délicate

L'économie sénégalaise est dans une phase de croissance durable depuis 1995 avec un taux moyen annuel de 5%, supérieur à la croissance démographique (2,7% par an). L'inflation s'est élevée en 2001 à 3%. Les principaux moteurs de la croissance sont les grands secteurs pourvoyeurs de recettes en devises (pêche, tourisme, phosphates), celui du bâtiment et des travaux publics. Les nouvelles technologies (télécommunications, informatique) se développent.

Cependant, des handicaps structurels subsistent (coût des facteurs de production, productivité insuffisante, déficit énergétique...). Le dossier des privatisations a peu évolué depuis l'élection du Président Wade, et les entreprises publiques sont en situation critique. C'est notamment le cas de la société nationale d'électricité (SENELEC). La libéralisation difficile de la filière arachide touche très durement les populations rurales. Le nord du pays a été frappé par de graves intempéries en janvier dernier et la sécheresse de l'été a eu des incidences graves dans les campagnes, déjà éprouvées par les mécontentements liés à la gestion aléatoire de la filière arachide. Le gouvernement a du lancer un appel à l'aide internationale d'urgence, afin de faire face à la menace de « famine » dans les campagnes. Les besoins alimentaires ont été évalués à 250 000 tonnes de vivres par le ministère sénégalais de l'agriculture.

Les indicateurs sociaux du Sénégal, qui à sa demande est devenu un pays moins avancé (PMA) depuis le début 2001, ne s'améliorent que très lentement. Le PNB par habitant s'élève à 482 dollars. La grogne sociale gagne du terrain, dans un contexte budgétaire détérioré. Le chômage affecte environ 30% de la population et 40% des jeunes de 20 à 35 ans en milieu urbain. 65% de la population vivrait en dessous du seuil de pauvreté. Le taux d'alphabétisation des adultes est faible : 35,7% ; cependant le taux de scolarisation dans l'enseignement élémentaire atteint 70%.

Les institutions financières internationales considèrent que la politique de lutte contre la pauvreté est peu dynamique, qu'il subsiste de fortes inégalités entre les villes et les campagnes. Elles s'interrogent sur les médiocres performances des administrations et du secteur public, la lenteur des réformes, les difficultés d'exécution des projets de la Banque mondiale. Elles doutent de la volonté de réforme et expriment de fortes incertitudes sur la conduite de la politique économique. Le FMI a relevé l'inquiétant endettement de certaines entreprises publiques, entraînant un déficit budgétaire évalué à 197 Millions d'euros.

Or, l'aide des bailleurs de fonds internationaux reste essentielle. Elle devrait, outre le secteur social, se concentrer sur l'appui au secteur privé, désormais le principal acteur économique, ainsi que sur la réalisation d'infrastructures (transports, énergie). Le Sénégal est éligible à l'initiative « pays pauvre très endetté » (PPTE). La dette du Sénégal, estimée fin 2000 à 3,797 milliards de dollars, pourrait alors être réduite de 800 millions de dollars.

Les principaux bailleurs multilatéraux (FMI, Banque mondiale et Union européenne) ne reprendront le versement de leurs aides que si l'Etat sénégalais s'engage à privatiser rapidement la SENELEC ainsi que la filière arachidière, et à prendre en charge les déficits des principales entreprises publiques.

B - Des relations bilatérales très étroites

1) Des échanges fréquents au niveau politique

Les relations sont étroites et les rencontres entre responsables des deux pays sont très fréquentes. Le Président Wade a effectué en France sa première visite hors d'Afrique après son élection, et s'est rendu à Paris en visite officielle en juin 2001. Il se déplace souvent en France à titre privé pour participer à des manifestations culturelles.

Le 25 mai 2000, une convention de codéveloppement franco-sénégalaise a été signée à Paris, elle a pour objectif de mettre en _uvre une politique de développement liée à la régulation concertée des flux migratoires. Le comité mixte franco-sénégalais de codéveloppement s'est réuni pour la première fois le 7 février 2001 à Dakar. Il s'agit de favoriser le retour des migrants en les encourageant à créer des entreprises sur place grâce à un système de prêt.

Par ailleurs, la visite de Mme Alliot-Marie, Ministre de la Défense, le 7 septembre dernier, a permis d'évoquer le dossier de la décristallisation des pensions d'anciens combattants qui concerne 5000 Sénégalais. La réouverture de ce dossier suscite beaucoup d'espoirs.

2) Une coopération française active

La France est le premier fournisseur du Sénégal où environ 250 entreprises françaises sont implantées. L'aide publique au développement (APD) bilatérale nette française a représenté en 2000 147,2 millions de dollars sur un total estimé par le Comité d'aide au développement de l'OCDE à 423,5 millions de dollars. En 2000, la France a ainsi été, de loin, le premier bailleur du Sénégal avec 34,8 % du total de l'APD.

La formation est depuis l'indépendance la priorité effective de l'aide française (35% des moyens alloués ces dernières années et 60% de l'assistance technique), suivie de la santé, du développement rural, du secteur productif, des infrastructures et de l'appui institutionnel qui s'exerce en direction de l'Etat comme des nouvelles collectivités territoriales. Des moyens financiers importants sont consacrés aux populations les plus vulnérables avec le concours de la coopération décentralisée et non gouvernementale, cofinancée par le Ministère des Affaires étrangères.

Lors de la 12ème session de la commission mixte franco-sénégalaise qui s'est tenue les 4 et 5 mars 2002 à Dakar, quatre axes stratégiques de partenariat entre les deux pays ont été définis : la valorisation des ressources humaines, l'appui à la bonne gouvernance, l'amélioration de la compétitivité de l'économie et du développement des services collectifs. Pour 2002, l'enveloppe programmée par la DGCID en faveur du Sénégal s'élève à 14,153 400 millions d'euros. C'est la troisième après celles du Maroc et de la Côte d'Ivoire. Quatre projets du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) sont programmés pour 2002 pour un montant indicatif de 5,6 millions d'euros dans les domaines de l'agriculture, la formation professionnelle, la justice et la santé.

L'assistance technique a diminué passant de 170 assistants en 2000 à 128 en 2002, ce qui est regrettable. Elle se maintient essentiellement à l'hôpital principal de Dakar et dans les écoles dispensant un enseignement bi-culturel. Les crédits d'appui aux administrations, notamment pour le financement de bourses d'études et de stage, accompagnent cette évolution.

En ce qui concerne l'Agence française de développement (AFD), la moyenne annuelle de ses engagements pour la période 1995-2001 se situe à 30,4 millions d'euros. L'intervention de l'Agence au Sénégal se concentre sur deux axes : le soutien à la croissance, l'amélioration de la compétitivité de l'économie, l'aménagement du territoire, le renforcement des services collectifs. En outre, l'AFD s'intéresse à la filière arachidière et à la mise en valeur et la gestion des aménagements de la vallée du fleuve Sénégal.

Dans le cadre de l'accord de défense (1974), la France dispose d'un millier de soldats au Sénégal et entretient une coopération militaire importante avec une aide initiale de 2,265 millions d'euros programmée pour 2002 à laquelle s'ajoutent 25 assistants techniques militaires.

La volonté réciproque de renforcer la coopération rend l'application de la nouvelle convention d'établissement opportune.

II - UNE APPROBATION OPPORTUNE
DE LA NOUVELLE CONVENTION D'ÉTABLISSEMENT

La convention d'établissement du 25 mai 2000 modernise celle de 1974. Elle s'inscrit dans le contexte de la renégociation des accords existants avec les pays francophones.

A - Le contexte de la renégociation des accords franco sénégalais

La convention d'établissement de 2000 constitue la troisième génération d'accord de ce type conclu avec le Sénégal. Après les premiers instruments des années soixante qui ont suivi l'indépendance du Sénégal, une deuxième génération de convention avait en 1974 rapproché le statut des ressortissants sénégalais du droit commun des étrangers. Ceux-ci se voyaient opposer la situation de l'emploi en France comme restreignant leur établissement.

La renégociation des conventions de 1974 s'est avérée nécessaire quand en 1986 la France a exigé unilatéralement l'obtention d'un visa pour l'entrée en France des ressortissants sénégalais comme de ceux des autres Etats d'Afrique francophone. Dès lors la convention relative à la circulation et au séjour des personnes a dû être renégociée conformément d'ailleurs aux obligations de la France dans le cadre des accords de Schengen. Les discussions se sont avérées délicates car il a fallu clarifier les conditions du regroupement familial et les conditions d'entrée des étudiants. Signée le 1er août 1995, cette convention, ratifiée par la France en 1997, n'est entrée en vigueur que le 1er avril 2002, car la partie sénégalaise a tardé à la ratifier. Or, la convention d'établissement du 25 mai 2000, signée lors de la première visite en France du Président Abdoulaye Wade, s'inscrit dans la logique de la convention de circulation et de séjour. Elle place les ressortissants sénégalais établis en France dans la situation du droit commun des étrangers, mais maintient un cadre spécifique témoignant du caractère privilégié des relations franco-sénégalaises et de la prise en considération de l'importance des communautés concernées.

B - L'importance des communautés concernées par la convention d'établissement

1) La présence sénégalaise en France

Au 31 décembre 2000, la communauté sénégalaise en France était forte d'environ 42 000 résidents réguliers. Cette population a cru de 4,8% par rapport à l'année précédente. Sur une plus longue période, la communauté sénégalaise en situation régulière en France a doublé entre 1975 (21 000 personnes) et 2000 (42 000 personnes) mais elle est relativement stable depuis quinze ans. Ainsi, on comptait 40 000 titulaires d'autorisations de séjour en 1984 et en 1990. D'après la direction de la population et des migrations du ministère du travail, la communauté sénégalaise compte deux tiers d'hommes. Un tiers des ressortissants sénégalais sont des étudiants.

Les Sénégalais représentent environ 22% des ressortissants d'Afrique subsaharienne titulaires d'une autorisation de séjour, leur nombre étant sensiblement supérieur à celui des Maliens, des Congolais ou des Camerounais. En effet, le nombre total des ressortissants des pays d'Afrique anciennement sous administration française (hors Maghreb) comptabilisés en France métropolitaine en 2000 était de 188 000 personnes, soit 5,8% des 3,245 millions d'étrangers en situation régulière.

Ces données ne prennent évidemment pas en compte l'immigration clandestine, qui est avec l'immigration malienne l'une des plus importantes : de l'ordre d'environ 40 000 personnes, dépassant celle en provenance d'Afrique du Nord. Des filières d'immigration clandestine et des trafics de faux documents ont été découverts par les consulats de France à Dakar et à Saint Louis. L'usurpation d'identité sur la base de filiation fictive avec un double national, l'utilisation de documents d'état-civil erronés ou falsifiés, de faux visas sont des fraudes fréquemment découvertes.

2) La présence française au Sénégal

La communauté française au Sénégal compte entre 20 000 et 25 000 personnes et réside à 80 % dans la région de Dakar ; elle est composée de 40 % de doubles nationaux. Au 1er janvier 2001, le nombre des Français immatriculés auprès des consulats au Sénégal s'élevait à 14 171. Il s'agit pour l'essentiel de français expatriés qui se font immatriculer de manière de plus en plus systématique. Les personnes non immatriculées ont été estimées à 10 000, chiffre qui recouvre des situations diverses.

La communauté française reste la plus importante par rapport aux autres communautés étrangères. Elle joue un rôle considérable dans l'économie du pays. Plus de 250 entreprises françaises y sont recensées dont 47 % sont des implantations, 53 % des filiales, 61 % des entreprises sont des PME de moins de 50 salariés.

Les actifs (37 % des immatriculés) travaillent à plus de 90 % dans le secteur tertiaire. Dans la région de Dakar, les cadres représentent la plus grande partie des actifs (33 %), les professions les plus représentées étant ensuite les professions intellectuelles (25 %) et les commerçants, chefs d'entreprises ou artisans (22 %). On compte aussi 223 religieux et 200 médecins français au Sénégal. Les personnels employés par l'Etat français sont au nombre de 1800, dont 800 militaires.

Il convient de souligner qu'il existe de grandes différences de niveau social, de revenus et de mode de vie entre les Français établis au Sénégal, qu'ils soient mono-nationaux ou binationaux. Les difficultés économiques du Sénégal et la dévaluation du franc CFA ont réduit le niveau de vie des Français salariés locaux et retraités. Il se rapproche désormais de celui des Sénégalais. L'aide sociale française et les bourses scolaires, en augmentation, bénéficient essentiellement aux binationaux. En outre, on compte 63 % d'inactifs au sein de la communauté française et 7 % des immatriculés sont des inactifs.

Le Président Wade, comme l'ensemble des autorités sénégalaises, n'ont de cesse d'encourager l'établissement de Français au Sénégal, car les entreprises françaises assurent près de la moitié du chiffre d'affaires du pays et donc participent largement à son développement et à sa modernisation. L'investissement privé, tout autant que l'aide publique, sont des vecteurs essentiels de développement. L'approbation de la Convention d'établissement pourrait être un signe encourageant pour la communauté française.

C - Les apports de la convention d'établissement

Calquée sur l'accord type élaboré en 1991, la nouvelle convention reprend pour l'essentiel les dispositions de celle de 1974 en les modernisant et les complétant.

1) L'affirmation de l'égalité du traitement

La convention réaffirme le principe de l'égalité de traitement pour les ressortissants des deux communautés. Elle renforce les droits existants dans la convention de 1974. Ainsi l'article 1er qui concerne les garanties en matière de libertés publiques énumère une liste non limitative de ces droits garantis : libre exercice des activités culturelles, religieuses, économiques, professionnelles, sociales, liberté d'opinion d'association de réunion. Cette nouvelle rédaction parait plus protectrice de celle de 1974.

L'égalité de traitements en matière d'accès aux juridictions et d'exercice des droits patrimoniaux comme les investissements et les acquisitions, est affirmée par l'article 3, sous réserve, dans ce domaine, des dérogations imposées pour des motifs d'ordre public. Cette clause a été introduite dans l'accord-type de 1991, à la demande du ministère de l'Intérieur français, pour empêcher l'utilisation de ressources illicites en France.

L'article 6 qui interdit toute mesure discriminatoire à l'encontre des biens ou intérêts de la personne établie sur le territoire de l'une des deux parties contractantes précise que les mesures d'expropriation pour cause d'utilité publique ou liées à une opération de nationalisation ne sont possibles qu'à une double condition : le paiement d'une indemnité juste et préalable. C'est le caractère préalable de l'indemnité qui représente une innovation et un progrès significatif par rapport au texte de 1974. Il répond aux préoccupations de nombreux Français établis sur le continent africain et parfois confrontés aux vicissitudes de la politique économique de leur pays d'accueil.

La convention garantit également la reconnaissance par chacune des parties de la personnalité juridique des sociétés civiles et commerciales légalement constituées sur le territoire de l'autre. Les personnes morales disposent pour les droits dont elles peuvent être titulaires de garanties identiques à celles prévues par la convention pour les personnes physiques (article 7).

2) Les conditions de l'entrée régulière sur le territoire et le respect de l'ordre public

La garantie de ces droits est expressément subordonnée à une entrée régulière sur le territoire de chacune des parties. Ainsi les articles 2 et 8 font expressément référence aux conditions d'entrée et de séjour réguliers définis par la Convention franco sénégalaise relative à la circulation et au séjour du 1er août 1995.

En outre, chacune des parties conserve la capacité d'expulser un ressortissant de l'autre partie. L'obligation d'information préalable de l'autorité consulaire compétente a été assouplie pour laisser place à un devoir d'information « sans délai » (article 9). La Convention de 1974 contenait des dispositions plus contraignantes.

Selon l'article 5 de la Convention, l'accès aux professions salariées et non salariées est certes garanti, sauf dérogation justifiée par la situation économique et sociale de l'Etat d'accueil. Cette clause permettant d'opposer la situation de l'emploi figurait déjà dans la convention de 1974. L'exercice d'une profession libérale peut être autorisé dans le cadre des règles définies par la législation du pays d'établissement.

Toutefois cette disposition ne supprime pas l'obligation de détenir la carte de commerçant étranger que doivent détenir les Congolais, les Maliens et les Sénégalais. Cette carte est délivrée automatiquement sauf si pour des motifs d'ordre public les personnes concernées ne remplissent pas les conditions requises pour exercer l'activité commerciale prévue, ou si la situation économique et sociale du lieu d'établissement ne le permet pas.

CONCLUSION

La Commission se doit d'approuver cette convention d'établissement classique entre la France et le Sénégal qui contribue à favoriser les échanges entre les deux pays. Cette approbation constituera un signe supplémentaire d'intérêt, tant à l'égard des Français installés au Sénégal que des Sénégalais résidant en France.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 4 décembre 2002.

Après l'exposé de la Rapporteure, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 44).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention d'établissement figure en annexe au projet de loi (n° 44).

N° 0455 - Rapport sur le projet de loi autorisant la convention d'établissement entre France et Sénégal (Mme Martine Aurillac)


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