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le 15 janvier 2003

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N° 524

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 janvier 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relative à la coopération administrative,

PAR M. HENRI SICRE,

Député

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Voir les numéros :

Sénat : 282, 384 (2001-2002) et T.A. 10 (2002-2003)

Assemblée nationale : 269

Traités et conventions.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - UN ACCORD TENANT COMPTE DU PARTICULARISME ANDORRAN 6

A - UNE PRINCIPAUTÉ TRÈS PROSPÈRE 6

1) Des institutions marquées par la tradition 6

2) Une situation économique très florissante 6

B - DES RELATIONS BILATÉRALES MARQUÉES PAR UNE FORTE ACTIVITÉ CONVENTIONNELLE 7

II - UNE CONVENTION FORMALISANT UNE COOPÉRATION
      ADMINISTRATIVE LIMITÉE
10

A - UN CHAMP D'APPLICATION RESTREINT 10

B - UN CADRE JURIDIQUE DE COOPÉRATION 10

1) Une convention nécessaire 10

2) Des dispositions claires 11

EXAMEN EN COMMISSION 12

Mesdames, Messieurs,

Les gouvernements français et andorran ont signé le 14 février 2001 une convention relative à la coopération administrative entre les deux Etats qui a été publiée au bulletin officiel andorran le 8 août 2001, ce qui vaut ratification aux termes de la législation de la Principauté d'Andorre.

Cette convention a pour objectif de conférer un cadre juridique stable et clair aux fonctionnaires français appelés à occuper un emploi en Andorre et à leurs homologues andorrans en France. Cette coopération existe depuis longtemps mais était jusqu'ici organisée au cas par cas.

Cet accord s'insère dans le cadre des relations bilatérales entre la France et Andorre et prend en compte les besoins du dispositif institutionnel andorran.

I - UN ACCORD TENANT COMPTE DU PARTICULARISME ANDORRAN

A - Une Principauté très prospère

La Principauté d'Andorre (462 km2) compte actuellement 65 000 habitants, dont près de 23 000 Andorrans (35 % de la population totale), 27 000 Espagnols (41,3 %), 6 800 Portugais (10,4 %), et 4 300 Français (6,6 %). Elle est répartie en sept « paroisses » représentées et administrées par les « Comùs » sortes de collectivités publiques. La langue officielle est le catalan.

1) Des institutions marquées par la tradition

Un premier acte de paréage (8 septembre 1278) attribua à l'Evêque d'Urgell et au Comte de Foix des droits identiques sur Andorre. Les droits du Comte de Foix passèrent au cours des siècles au Roi de France et enfin au Président de la République, qui est Co-Prince. Les Andorrans obtinrent en 1419 des Co-Princes le droit de s'administrer par la création du Conseil de la Terre qui deviendra le Conseil général dont le rôle et la composition seront précisés par la Constitution adoptée lors de l'indépendance en 1993.

Les Co-Princes actuels sont le Président de la République française et l'Evêque d'Urgell Mgr Joan Marti y Alanis qui sont de manière indivise les Chefs de l'Etat andorran. Ils jouent un rôle d'arbitre et de modérateurs des institutions, ils promulguent les lois, signent les traités et peuvent saisir le Tribunal constitutionnel. Le pouvoir législatif est confié au Conseil Général composé de vingt-huit membres élus au suffrage universel tous les quatre ans ; le chef du gouvernement est également élu pour quatre ans. Le gouvernement dirige la politique intérieure et extérieure de l'Etat sous le contrôle du Conseil Général. Le gouvernement actuel, celui de M. Forne (Parti libéral) a été constitué le 12 avril 2001.

La gestion des paroisses est confiée à des Conseils de « Comù »dont les membres sont élus pour quatre ans au suffrage universel. Ces conseils jouissent de la libre administration sur leur territoire.

Le Conseil supérieur de la Justice est l'organe de direction et d'administration de l'organisation judiciaire.

2) Une situation économique très florissante

Les finances publiques sont alimentées essentiellement (83 %) par la taxe à l'importation (3 à 5 % pour les marchandises, 7 % pour les véhicules...). Cependant la Principauté d'Andorre est l'un des sept pays qui demeurent inscrits sur la « liste des paradis fiscaux non coopératifs » établie par l'OCDE...

Les principaux partenaires commerciaux d'Andorre sont les membres de l'Union européenne : 85 % de son commerce extérieur (dont les deux tiers avec la France et l'Espagne).

Par ailleurs un accord signé le 28 juin 1990 renouvelé le 1er janvier 1996, associe la Principauté à l'Union européenne avec des particularités avantageuses pour Andorre : union douanière industrielle sauf pour le tabac, régime de pays tiers pour l'agriculture, franchises touristiques. La très forte augmentation de contrebande de tabac entre 1996 et 1998 a conduit la Principauté d'Andorre à adopter une loi de contrôle des marchandises, le 4 mars 1999.

La Principauté d'Andorre a établi des relations diplomatiques avec 74 Etats et des relations consulaires avec 18 d'entre eux. Elle dispose de 9 Ambassadeurs accrédités dans le monde. La Principauté d'Andorre a été admise dès le 29 juillet 1993 aux Nations Unies et au Conseil de l'Europe en novembre 1994. Elle sera bientôt membre de l'OMC. Elle envisage son adhésion à diverses organisations internationales : CICR, OMS....

B - Des relations bilatérales marquées par une forte activité conventionnelle

La France, l'Espagne et la Principauté d'Andorre ont signé, après la création de l'Etat andorran en 1993, un traité tripartie, qui permet à la Principauté, reconnue comme un Etat indépendant, d'instaurer des relations diplomatiques équilibrées avec ses deux voisins. En outre, ce traité lui apporte une garantie en cas de menace ou de violation de sa souveraineté ou de l'intégrité de son territoire, ainsi que la faculté de se faire représenter auprès de pays tiers par la France ou l'Espagne. La France est représentée en Andorre par un ambassadeur résident depuis septembre 1993. De même, un ambassadeur d'Andorre a été nommé à Paris en avril 1995.

La situation particulière de la Principauté d'Andorre, enclavée entre la France et l'Espagne et au sein de l'espace Schengen, a justifié la conclusion de deux accords trilatéraux (4 décembre 2000) réglementant la circulation, le séjour et l'établissement des ressortissants andorrans ainsi que la circulation et le séjour en Andorre des ressortissants d'Etats tiers.

Les relations de la Principauté avec la France et avec l'Espagne sont déséquilibrées au profit de ce dernier pays. La configuration géographique locale rend l'Espagne plus accessible que la France. De plus la communauté de langage et de culture entre Andorre et la Catalogne, l'attrait de Barcelone et la réticence des exportateurs français à investir en Andorre, pour utiliser leurs filiales ou leurs relais en Espagne, accroît l'influence de cette dernière.

Le commerce franco-andorran porte sur 305 millions d'euros d'exportations françaises et 9,1 millions d'euros d'importations. Andorre représente ainsi notre 30ème excédent commercial. C'est aussi notre 67ème client. La part relative des produits français dans le total des importations andorranes se réduit au profit de la part des produits espagnols.

Un dispositif éducatif français important a été mis en place depuis plus de vingt ans. Il a été confirmé par l'accord franco-andorran du 19 mars 1993 : quatorze écoles maternelles et primaires, un collège et le lycée Comte de Foix. L'ensemble emploie 248 enseignants et accueille environ 2 600 élèves, soit 40 % de la population scolaire. Héritage des « établissements du Co-Prince français en Andorre », ce dispositif est soutenu par la France à hauteur de 13,72 millions d'euros par an. Pourtant une majorité d'étudiants choisit de poursuivre des études supérieures en Espagne.

Les relations bilatérales franco-andorranes sont marquées par une importante activité conventionnelle : signature d'une convention sur la Sécurité sociale, d'une convention pour la création d'un Bureau commun de douanes à « contrôle juxtaposé » notamment.

La convention de coopération administrative est l'un de ces nombreux accords bilatéraux liant Andorre et la France.

II - UNE CONVENTION FORMALISANT UNE COOPÉRATION ADMINISTRATIVE LIMITÉE

A - Un champ d'application restreint

La constitution andorrane et la loi sur l'organisation judiciaire de la Principauté prévoient que, tant qu'Andorre ne disposera pas de personnels judiciaires suffisants pour occuper les postes de magistrat et de procureur général, il pourra être fait appel à des fonctionnaires espagnols et français pour y suppléer. En France, l'article 26 de la loi du 25 juillet 1994 relative aux recrutements et mutations dans la fonction publique a étendu aux ressortissants andorrans les dispositions de la loi du 13 juillet 1983 organisant l'accès à la fonction publique française des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne.

Le nombre de postes de fonctionnaires bénéficiant de la possibilité découlant de ces deux textes législatifs combinés est très restreint, puisque l'on compte aujourd'hui six magistrats français exerçant une charge juridictionnelle en Andorre, et cinq ressortissants andorrans titulaires de la fonction publique française.

Les fonctionnaires andorrans sont des cadres du ministère français de l'éducation nationale qui occupent les emplois suivants : outre Mme l'Ambassadeur d'Andorre en France, qui est professeur agrégé, on compte le directeur d'une école élémentaire à Foix, un député andorran qui occupe un emploi de professeur de lettres et deux instituteurs qui sont, respectivement, juge de première instance, et greffier en chef.

La Convention exclut de son champ d'application les magistrats relevant de l'ordre judiciaire français et ne concerne que ceux relevant de la fonction publique andorrane.

B - Un cadre juridique de coopération

1) Une convention nécessaire

La mise à disposition de magistrats ou de fonctionnaires de l'Etat français pour occuper un emploi public en Andorre ainsi que le détachement de fonctionnaires de l'Etat français pour exercer un mandat électif ou une fonction de membre du gouvernement au sein de la Principauté ne sont pas possibles légalement dans le cadre du droit commun français.

Cet accord vise à apporter une solution institutionnelle aux difficultés ponctuelles rencontrées par les fonctionnaires français pour occuper un emploi en Andorre leur offrir un cadre juridique encourageant leur implantation. En effet, la présence française en Andorre est déséquilibrée dans tous les domaines par rapport à celle de l'Espagne. Il en est ainsi en matière judiciaire, où les fonctionnaires espagnols sont plus nombreux que les français. Faciliter l'accès de ces derniers à l'appareil judiciaire andorran est donc l'un des objectifs de cet instrument.

2) Des dispositions claires

S'agissant de la situation des fonctionnaires andorrans exerçant dans la fonction publique française, les articles 6, 7 et 8 de la Convention régularisent leur situation statutaire. Ceux d'entre eux qui souhaiteraient exercer un mandat électif, une fonction de membre du gouvernement ou une haute charge pour le compte de la Principauté d'Andorre peuvent recevoir les indemnités y afférentes et être placés en position de détachement, ce qui n'était pas possible auparavant avec un Etat tiers. De même, la position de mise en disponibilité est prévue pour l'exercice de haute charge pour le compte de la Principauté.

L'article 8 exclut les magistrats relevant de l'ordre judiciaire français puisqu'il ne concerne que les agents relevant de la fonction publique française tout en ayant la nationalité andorrane (condition pour être élu en Andorre, y occuper une fonction exécutive ou exercer une haute charge pour le compte de la Principauté, en application du droit andorran). La nationalité andorrane étant exclusive de toute autre et la magistrature n'étant pas ouverte en France aux non nationaux, il n'existe pas de magistrats relevant de l'ordre judiciaire français de nationalité andorrane et donc pas de magistrat susceptible d'être concerné par l'article 8 de la convention.

En ce qui concerne les fonctionnaires français exerçant en Andorre, les articles 6 et 7 de l'accord permettent de lever le risque impliqué par les dérogations au droit de la fonction publique, qui pourraient créer un précédent susceptible de mettre en cause le droit positif français. En effet, le règlement au cas par cas des situations individuelles supposait, sinon, d'agir en contradiction avec le droit positif à chaque fois que l'Etat français encourageait et autorisait un de ses agents à occuper un emploi ou une fonction publics en Andorre. Aux termes de la convention un fonctionnaire français exerçant en Andorre peut bénéficier d'une position soit de détachement, soit de mise en disponibilité.

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On ne peut qu'être favorable à une convention qui clarifie des situations réglées au cas par cas, renforce la présence française en Andorre à travers une coopération administrative mieux définie.

Il est nécessaire de rééquilibrer nos relations avec une Principauté qui se tourne de plus en plus vers l'Espagne.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 14 janvier 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, M. René André a demandé quelles étaient les relations entre Andorre et l'Union européenne.

M. Henri Sicre a répondu qu'un accord signé le 28 juin 1990 renouvelé le 1er janvier 1996, associe la Principauté à l'Union européenne avec des particularités avantageuses pour Andorre : union douanière industrielle sauf pour le tabac, régime de pays tiers pour l'agriculture, franchises touristiques.

Le Président Edouard Balladur a souligné qu'à certains égards la situation d'Andorre n'était pas sans rappeler celle de la Principauté de Monaco qui n'est pas membre de l'Union européenne et où des fonctionnaires français exercent les principales fonctions administratives et judiciaires.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 269).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 269).

N° 0524 - Rapport sur le projet de loi d'approbation de la convention de coopération administrative avec Andorre (Sénat, 1ère lecture) (M. Henri Sicre)


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