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le 27 janvier 2003

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N° 562

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 janvier 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 396) de Mme Geneviève COLOT, tendant à créer une commission d'enquête sur les mineurs en danger arrivant en France,

PAR Mme Cécile Gallez ,

Députée.

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Enfants.

INTRODUCTION 5

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 7

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 9

TRAVAUX DE LA COMMISSION 13

INTRODUCTION

Le 4 décembre 2002, a été mise en distribution la proposition de résolution (n° 396) déposée par Mme Geneviève Colot tendant à créer une commission d'enquête sur les mineurs en danger arrivant en France.

Cette commission serait chargée de dresser « un état des lieux » de leur situation et « d'élaborer des propositions concernant ce problème ».

Selon l'usage, le rapporteur examinera la recevabilité de la proposition de résolution, avant de s'interroger sur l'opportunité de créer une telle commission d'enquête.

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires  et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première exigence posée par ces textes est de déterminer avec précision dans la proposition de résolution, les faits pouvant donner lieu à enquête. En l'occurrence, la proposition de résolution apparaît suffisamment précise quand à son champ d'investigation : ampleur du phénomène, nationalité des arrivants, conditions matérielles, prise en charge sur le territoire français.

La seconde exigence concerne la mise en _uvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

Par lettre du 20 décembre dernier, M. Dominique Perben, garde des sceaux et ministre de la justice, a fait savoir à M. le président de l'Assemblée nationale que, si plusieurs procédures, fondées notamment sur des faits de vols aggravés, de proxénétisme et de mauvais traitements, sont en cours, les faits qui ont motivé le dépôt de la présente proposition de résolution ne font pas l'objet de poursuites judiciaires.

La proposition de résolution est donc recevable.

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

L'opportunité de la création d'une commission d'enquête sur la situation des mineurs arrivant en France est par contre contestable.

En effet, si nul ne peut se désintéresser de ce sujet et des problèmes que pose l'arrivée en nombre croissant de mineurs seuls et sans ressources sur notre territoire, leur situation n'est pas pour autant méconnue ou négligée.

Il n'est pas question de minimiser les problèmes posés par cette situation : ces mineurs arrivant sans représentant légal, fréquemment sans personne pour les accueillir, sont guettés par de nombreux dangers liés à l'errance, à la promiscuité dans les zones d'attente ou aux réseaux criminels qui les utilisent. Or malheureusement il s'agit d'un phénomène qui va plutôt croissant comme le montre l'augmentation du nombre de mineurs étrangers en situation irrégulière à l'arrivée à l'aéroport de Roissy : 849 d'entre eux avait demandé l'asile en 2000, leur nombre est passé à 1 070 en 2001.

Il faut par contre rappeler que, d'une part, cette question a déjà fait l'objet d'investigations poussées lors de la mission parlementaire d'information commune sur l'esclavage moderne qui a conclu ses travaux en décembre 2001 et que, d'autre part, un certain nombre de mesures récentes ont été prises pour améliorer la prise en charge de ces mineurs. Ce travail vient en outre d'être très récemment complété par une étude effectuée à la demande de la direction des populations et des migrations et dont la presse s'est faite l'écho.

1. Les constats récents de la situation des mineurs isolés arrivant en France

Même si son objet, « l'esclavage en France », était plus large que la seule question des mineurs étrangers, au cours de ses travaux la mission d'information commune s'est longuement penchée sur les réseaux, maintenant bien connus, de mineurs délinquants, généralement originaires des Balkans, pratiquant les vols à la tire ou le pillage des horodateurs ainsi que sur la question des mineurs prostitués d'origines diverses.

La situation des mineurs d'origine asiatique travaillant dans les ateliers de confection et qui sont donc déscolarisés a aussi été évoquée. On constate une augmentation du nombre de ces mineurs qui, pour une part d'entre eux, arrivent en France dans le cadre d'un regroupement familial sauvage par le biais de filières clandestines et qui après quelques années de travail se retrouvent dans un pays dont ils ne connaissent ni la langue ni la vie hors de leur communauté.

La mission d'information commune a en conséquence formulé des propositions sur les moyens de lutter contre les organisateurs de ces trafics et sur la protection des mineurs qui y participent. Certaines d'entre elles ont fait l'objet d'une proposition de loi adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale visant à renforcer la lutte contre les différentes formes d'esclavage aujourd'hui considérant la situation de victimes des personnes objet de « traite » et aggravant les sanctions lors que celle-ci concerne des mineurs. D'autres sont d'ores et déjà devenues effectives.

Une étude récente de la direction des populations eu des migrations dresse également un bilan critique de la prise en charge de ces mineurs : méconnaissance de leur nombre, carences de la prise en charge, obstacles au bon fonctionnement des dispositifs de protection.

2. Les mesures de protection des mineurs étrangers

De façon générale, la protection des mineurs relève à la fois du juge des enfants, des services de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'aide sociale à l'enfance ainsi que, en tant qu'étrangers, du service social d'aide aux migrants (SSAE).

En effet, le dispositif législatif d'accueil des mineurs repose sur deux volets complémentaires : la protection judiciaire liée aux dangers qu'ils courent et la protection administrative en cas d'absence de représentant légal. Ce système, même s'il n'a pas été conçu à l'origine pour venir en aide à des mineurs étrangers errants mais à des enfants abandonnés, est normalement appelé à fonctionner à leur égard.

Il appartient, d'abord, au procureur de la République du lieu où le mineur a été retrouvé d'ordonner en urgence une mesure d'assistance éducative, sachant que, comme la confirmé la Cour de cassation en 19991, la notion de « milieu » duquel le mineur peut devoir être retiré ne se limite pas au seul milieu familial et s'applique donc aux mineurs en errance (articles 375 et suivants du code civil).

D'autre part, les mineurs sans représentant légal bénéficient de la protection administrative de l'aide sociale à l'enfance organisée par le code de l'action sociale et des familles.

Il est vrai que la mise en oeuvre de ces dispositifs aux mineurs étrangers isolés ne va pas toujours sans difficultés et peut même être considérée comme insuffisante. Ces difficultés ont été soulignées par la mission d'information commune et par le rapport précités.

En outre, des avancées concrètes récentes ont permis une meilleure prise en compte de leur situation tant d'un point de vue matériel que juridique au moins sur deux points :

- tout d'abord par l'adoption de dispositions renforcées en matière de prostitution des mineurs de quinze ans ;

- ensuite en réglant la question de la situation des mineurs en zone d'attente. Ceux-ci, en effet, en l'absence de capacité juridique ne pouvaient ni être maintenus dans les zones d'attente, ni faire valoir leurs droits.

La loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a donc organisé une représentation légale des mineurs isolés se présentant à la frontière pour mettre fin à leur incapacité juridique dès leur maintien en zone d'attente. Ainsi, en l'absence d'un représentant légal accompagnant le mineur, le procureur de la République, avisé dès l'entrée du mineur en zone d'attente, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. Celui-ci assiste le mineur durant son maintien en zone d'attente, assure sa représentation dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien.

L'administrateur ad hoc assiste, par ailleurs, la représentation du mineur dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles afférentes à son entrée sur le territoire national.

L'adoption de cette mesure permet le maintien des mineurs étrangers dans des zones d'attente et, le cas échéant, leur reconduite à la frontière. En effet, le contexte juridique prévalant antérieurement conduisait souvent à l'annulation par le juge des procédures de rétention des mineurs étrangers en zone d'attente. Ces personnes risquent alors de se retrouver sur le territoire national sans encadrement particulier et, du fait de l'irrégularité de leur situation, de devenir la proie des divers réseaux de travail clandestin, de prostitution ou de mendicité sur la voie publique.

Il importe donc sur ce dernier point que le décret d'application, actuellement en cours de concertation, puisse être pris dans les délais les plus brefs.

En réalité, ce problème est très liée aux questions de droit d'asile, du droit des étrangers et de la coopération internationale dans le cadre duquel elle devrait être replacée, les passeurs pouvant toujours être tentés de jouer sur le fait que tout mineur entré en France est inexpulsable.

En ce sens, un accord avec la Roumanie a été signé en octobre dernier prévoyant la mise en _uvre de dispositions spécifiques visant au retour volontaire et à la réintégration en Roumanie des mineurs en situation d'errance ou de grande difficulté en France.

Par ailleurs, le projet de loi pour la sécurité intérieure, actuellement en discussion renforce les moyens de lutte contre les réseaux ainsi que ceux de la protection des victimes.

Certaines des solutions proposées au cours de l'année passée doivent sans doute être réexaminées et les procédures existantes mieux coordonnées, pour autant la création d'une commission d'enquête sur ce sujet ne parait pas opportune compte tenu des travaux déjà effectués.

Au bénéfice des observations qui viennent d'être formulées, le rapporteur conclut au rejet de la proposition de résolution n° 396.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la présente proposition de résolution au cours de sa séance du 21 janvier 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que la création d'une mission d'évaluation sur ce sujet dans un délai de deux ans aurait plus de sens. Il faut en effet attendre que les mesures gouvernementales qui vont être prises en ce domaine, à la suite de l'adoption du projet de loi pour la sécurité intérieure, puissent porter leurs fruits avant de pouvoir effectuer un véritable travail d'évaluation.

M. Pierre-Christophe Baguet a insisté sur l'importance de cette question et notamment de celle des enfants étrangers errant autour de certains lieux publics comme les gares. Leur situation doit faire l'objet d'une étude sérieuse et le cadre d'une mission d'évaluation s'y prêterait tout à fait.

Mme Geneviève Colot a estimé que le délai de deux ans est peut-être un peu long.

M. Simon Renucci a plaidé pour qu'une évaluation puisse être réalisée dans des délais brefs.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission a rejeté la proposition de résolution.

N° 0562 - Rapport sur la proposition de résolution créant une commission d'enquête sur les mineurs en danger arrivant en rance (Mme Cécile Gallez)

1 Cour de cassation, chambre civile, 16 janvier 1999.


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