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le 3 mars 2003

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N° 635

(1ère partie)

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 février 2003

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (n° 606), relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages,

PAR M. ALAIN VENOT,

Député.

--

Voir les numéros :

Sénat : 116, 143, 154 et T.A. 64 (2002-2003).

Assemblée nationale : 606.

Sécurité publique.

INTRODUCTION 9

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

I.- AUDITION DE MME ROSELYNE BACHELOT, MINISTRE DE L'ÉCOLOGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE 17

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 32

III.- EXAMEN DES ARTICLES 33

TITRE IER - RISQUES TECHNOLOGIQUES 33

CHAPITRE IER - INFORMATION 33

Article 1er : Information du public au cours de l'enquête publique relative à une installation classée « Seveso seuil haut » 33

Article 2 : Création du comité local d'information et de concertation sur les risques 34

Après l'article 2 37

CHAPITRE II : MAÎTRISE DE L'URBANISATION AUTOUR DES ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS À RISQUE 37

Article 3 : Possibilité d'instituer des servitudes d'utilité publique en cas d'installation nouvelle sur un site existant ou de modification d'une installation existante 37

Article 3 bis (nouveau) : Réalisation d'une étude de dangers par le demandeur d'une autorisation d'exploiter une installation classée 39

Article 4 : Plan de prévention des risques technologiques 41

Section 6 : Installations soumises à un plan de prévention des risques technologiques 42

Article L. 515-15 (nouveau) du code de l'environnement : Elaboration des plans de prévention des risques technologiques 42

Article L. 515-16 (nouveau) du code de l'environnement : Contenu des PPRT 45

Article L. 515-17 (nouveau) du code de l'environnement : Cession aux exploitants à l'origine du risque des terrains exposés à celui-ci acquis par les collectivités publiques 51

Article L. 515-18 (nouveau) du code de l'environnement : Mise en œuvre progressive des mesures des PPRT 52

Article L. 515-19 (nouveau) du code de l'environnement : Financement des mesures d'urbanisme des PPRT et gestion des terrains acquis dans ces zones 52

Article L. 515-19-1 (nouveau) du code de l'environnement : Cession aux exploitants à l'origine du risque des terrains exposés à celui-ci acquis par les collectivités publiques 56

Article L. 515-20 (nouveau) du code de l'environnement : Mention dans le PPRT des servitudes d'utilité publique instituées 56

Article L. 515-21 (nouveau) du code de l'environnement : Procédure d'élaboration et de révision des PPRT 57

Article L. 515-22 (nouveau) du code de l'environnement : Valeur juridique des PPRT 58

Article L. 515-23 (nouveau) du code de l'environnement : Constatation et sanction des infractions aux prescriptions du PPRT 58

Article L. 515-24 (nouveau) du code de l'environnement : Décret d'application de l'article 4 du projet de loi et modalités d'information du public pour les installations classées relevant du ministère de la défense et les dépôts de munition 60

CHAPITRE III : MESURES RELATIVES À LA SÉCURITÉ DU PERSONNEL 60

Avant l'article 5 60

Article additionnel avant l'article 5 : Majoration de 50 % du temps laissé aux membres du CHSCT pour exercer leurs fonctions dans les installations « Seveso seuil haut » et les installations de stockage souterrain de gaz, d'hydrocarbures et de produits chimiques 62

Article 5 : Rôle respectif en matière de sécurité du chef de l'entreprise utilisatrice et des chefs des entreprises extérieures intervenant dans les établissements particulièrement dangereux 62

Article 6 : Formation aux risques des intervenants extérieurs dans les établissements particulièrement dangereux 66

Article 7 : Information des autorités publiques lors de la mise en œuvre du droit d'alerte 68

Article 8 (article L. 233-1-1 (nouveau) du code du travail) : Moyens de prévention, de lutte contre l'incendie et de secours 68

Article 8 bis (nouveau) : Information des autorités publiques lors de la mise en œuvre du droit d'alerte 70

Article 9 : Double formation du CHSCT dans les établissements dangereux et création d'un comité interentreprises de santé et de sécurité au travail 71

Article 10 : Renforcement des prérogatives du CHSCT dans certains établissements 73

Article 11 : Formation spécifique aux risques des représentants du personnel des CHSCT des établissements dangereux 77

Article 11 bis (nouveau) : Renforcement des relations entre l'inspecteur des installations classées et le CHSCT des établissements dangereux 77

CHAPITRE IV : INDEMNISATION DES VICTIMES DE CATASTROPHES TECHNOLOGIQUES 78

Article 12 (articles L. 128-1 à L. 128-3 (nouveaux) du code des assurances) : Création d'une garantie d'indemnisation pour les dommages matériels des sinistrés couverts par un contrat d'assurance 78

Article L. 128-1 (nouveau) du code des assurances : Définition de l'état de catastrophe technologique 79

Article L. 128-2 (nouveau) du code des assurances : Garantie d'indemnisation des dommages causés par une catastrophe technologique pour les souscripteurs de certains contrats d'assurance 81

Article L. 128-3 (nouveau) du code des assurances : Subrogation des droits des assurés et conditions d'opposabilité des indemnités allouées sans expertise 83

Article 13 (article L. 421-16 (nouveau) du code des assurances) : Indemnisation plafonnée des sinistrés non couverts par un contrat d'assurance 84

Après l'article 13 85

CHAPITRE V : DISPOSITIONS DIVERSES 86

Article 14 (article L. 515-25 (nouveau) du code de l'environnement) : Obligation de réaliser une évaluation de la probabilité d'accident et du coût des dommages éventuels 86

Article 15 (article L. 104-3-1 (nouveau) du code minier) : Assujettissement des stockages souterrains de produits dangereux aux PPRT et à l'obligation de l'article 14 88

Article 16 (article L. 225-102-2 (nouveau) du code de commerce) : Informations devant figurer dans le rapport annuel des sociétés 88

Après l'article 16 90

Article 16 bis (nouveau) : Contrôle de la capacité de l'exploitant à remettre en état le site lors de la délivrance de l'autorisation d'exploiter 90

Article 16 ter (nouveau) : Possibilité d'édicter des prescriptions complémentaires au cours de l'exploitation d'une installation soumise à autorisation 90

Article 16 quater (nouveau) (article L. 512-17 (nouveau) du code de l'environnement) : Remise en état du site après la fermeture d'une installation classée 91

Article 16 quinquies (nouveau) : Sanction du défaut d'information du préfet en cas de modification substantielle des capacités techniques et financières de l'exploitant 91

Article 16 sexies (nouveau) (article L. 516-2 (nouveau) du code de l'environnement) : Contrôle des capacités techniques et financières au cours de l'exploitation 92

Article 16 septies (nouveau) : Création d'un crédit d'impôt pour les dépenses résultant des travaux réalisés au titre des prescriptions des PPRT 92

Article additionnel après l'article 16 septies : Régime juridique des silos et des installations assimilées 93

TITRE II - RISQUES NATURELS 95

CHAPITRE IER : INFORMATION 95

Article 17 : Information des populations 95

Après l'article 17 97

Article 18 : Surveillance et prévision des crues 98

CHAPITRE IV : PRÉVISION DES CRUES 98

Article L. 564-1 (nouveau) du code de l'environnement : Compétence de l'Etat en matière d'organisation de la surveillance et de la prévision des crues 98

Article L. 564-2 (nouveau) du code de l'environnement : Schéma directeur de prévision des crues et accès aux informations 99

Article L. 564-3 (nouveau) du code de l'environnement : Organisation de la surveillance et de la prévision des crues par arrêtés du préfet 101

Article 19 (article L. 563-3 (nouveau) du code de l'environnement) : Repères de crues 103

Article 19 bis (nouveau) (article L. 125-6 (nouveau) du code de l'environnement) : Commission départementale des risques naturels majeurs 105

Article additionnel après l'article 19 bis (article L. 125-7 (nouveau) du code de l'environnement) : Élaboration de schémas de prévention et de gestion des risques naturels par le préfet 109

Article 19 ter (nouveau) (article L. 213-10 du code de l'environnement) : Établissements publics territoriaux de bassin 110

Article 19 quater (nouveau) (article L. 563-4 (nouveau) du code de l'environnement) : Institution de servitudes à proximité de radars hydrométéorologiques 112

CHAPITRE II : UTILISATION DU SOL ET AMÉNAGEMENT 113

Article 20 (article L. 211-12 (nouveau) du code de l'environnement) : Instauration de servitudes dans les zones de rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement et dans les zones de mobilité d'un cours d'eau 113

Article 21 : Lutte contre l'érosion et bonnes pratiques agricoles 126

CHAPITRE IV : L'AGRICULTURE DE CERTAINES ZONES SOUMISES À DES CONTRAINTES ENVIRONNEMENTALES 127

Article L. 114-1 (nouveau) du code rural : Zones d'érosion 127

Article L. 114-2 (nouveau) du code rural : Décret en Conseil d'Etat 129

Article additionnel après l'article 21 : Délivrance de permis de construire dérogeant aux règles du plan local d'urbanisme pour permettre la reconstruction de bâtiments détruits ou endommagés à la suite d'une catastrophe naturelle conformément à des prescriptions contraires à ces règles 129

Après l'article 21 129

Article 22 : Mise à jour des recueils de coutumes et usages locaux 130

Article 23 : Non application du statut du fermage 131

Après l'article 23 133

CHAPITRE III : TRAVAUX 134

Article 24 : Travaux contre les risques naturels entrepris par les collectivités territoriales 134

Article 24 bis (nouveau) : Composition du comité de gestion du Fonds national pour le développement des adductions d'eau 139

CHAPITRE IV : DISPOSITIONS FINANCIÈRES 140

Article 25 : Mesures de sauvegarde des populations menacées par certains risques naturels majeurs 140

Article 26 : Champ d'intervention du fonds de prévention des risques naturels majeurs 142

Article 26 bis (nouveau) : Périmètre des PPR 147

Article 27 : Prise en compte de la prévention des inondations dans les politiques départementales des espaces naturels sensibles 147

Après l'article 27 148

Article 28 : Elargissement des conditions de saisine du Bureau central de tarification 148

Article 28 bis (nouveau) 149

Article 28 ter (nouveau) 149

CHAPITRE V : DISPOSITIONS RELATIVES À L'OFFICE NATIONAL DES FORÊTS 150

Article 29 (article L. 431-4 du code forestier) : Compétence de l'Office national des forêts en matière de fixation des dunes 150

Article 29 bis (nouveau) : Compétence de l'Office national des forêts pour prévenir les risques naturels en montagne 151

Article L. 424-5 (nouveau) du code forestier : Compétence de l'Office national des forêts en matière de restauration des terrains en montagne 151

Article L. 424-6 (nouveau) du code forestier : Décret en Conseil d'Etat 152

TITRE III - DISPOSITIONS COMMUNES ET TRANSITOIRES 152

Article 30 (article L. 125-5 (nouveau) du code de l'environnement) : Obligation d'information portant sur les risques technologiques et naturels lors des transactions immobilières 152

Article 30 bis (nouveau) (article L. 563-5 (nouveau) du code de l'environnement) : Conditions d'accès aux données élaborées par l'Etat et ses établissements 156

Article 31 : Coordination avec le code de l'urbanisme 156

Article 32 : Exonération des travaux de prévention des taxes d'urbanisme 157

Article 33 : Dispositions transitoires 158

Article 34 (nouveau) : Non application du code des marchés publics pour les contrats conclus pour faire face à des situations d'urgence relevant d'une catastrophe industrielle ou naturelle 159

2ème partie du rapport

TABLEAU COMPARATIF

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

MESDAMES, MESSIEURS,

Le projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages est le premier projet de loi examiné par la XIIème législature de l'Assemblée nationale en matière d'écologie et de développement durable.

La réforme des instruments de prévention des risques s'imposait, évidemment, après la catastrophe survenue à Toulouse le 21 septembre 2001 et les terribles inondations qui ont notamment frappées l'Aude, en 1999, et le Gard, l'Hérault et le Vaucluse en 2002.

Pour autant, au-delà de la réaction légitime à ces évènements tragiques, le fait que le premier projet de loi de la nouvelle majorité dans le secteur de l'écologie concerne la prévention des risques reflète également une nouvelle philosophie, celle d'une écologie humaniste plaçant l'homme, et donc en particulier la protection des vies humaines, au centre de ses préoccupations, conformément aux orientations dégagées par le Président de la République, en mai 2001, à l'occasion de son discours d'Orléans.

Après de telles catastrophes, le risque d'une législation de circonstance, élaborée sous le coup de l'émotion et retenant des réponses simplistes, devait toutefois être écarté. La responsabilité des pouvoirs publics, en particulier vis-à-vis des victimes des tragédies récentes, est, en effet, d'apporter des solutions efficaces, donc réalistes permettant de tout faire pour éviter la répétition de ces drames. C'est bien le choix qui a été fait par le Gouvernement grâce à un travail très important de préparation du projet de loi.

Ainsi, en matière de risques industriels, le Gouvernement s'est d'abord largement inspiré des dispositions préparées par M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, dans le cadre du projet de loi tendant à renforcer la maîtrise des risques technologiques déposé sur le bureau du Sénat en février 2002. Ce projet de loi a toutefois été profondément enrichi en tenant compte, en particulier, des propositions formulées par la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la sécurité des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur, présidée par M. François Loos et dont M. Jean-Yves Le Déaut était le rapporteur. Cette intégration en amont du travail législatif des propositions de l'Assemblée nationale, trop rare, doit être particulièrement saluée.

Elle a notamment permis de compléter les dispositions du projet de loi tendant à renforcer la maîtrise des risques technologiques de février 2002 par un volet relatif à l'indemnisation des victimes des catastrophes technologiques, dont les dysfonctionnements constatés à Toulouse ont souligné la nécessité, et par de nouveaux instruments permettant de résorber l'urbanisation au voisinage des installations dangereuses, dont le droit de délaissement.

De même, en matière de prévention des inondations, le projet de loi propose des dispositions particulièrement innovantes visant à maîtriser l'urbanisation des zones exposées au risque et surtout, en complément des actions de protection des terrains exposés au risque en aval, à créer de nouveaux instruments permettant de prévenir le risque par des mesures portant sur l'amont des zones exposées au risque.

Les principales dispositions du projet de loi, dans sa rédaction initiale, poursuivent ainsi quatre objectifs principaux :

·  Renforcer l'information du public

En matière de risques industriels, il est ainsi prévu, outre l'obligation d'une réunion publique obligatoire lors des enquêtes publiques relatives à des demandes d'autorisation d'installations particulièrement dangereuses, la création de comités locaux d'information et de concertation. Ces comités, financés par l'Etat, ce qui garantira leur indépendance et dotés du droit de faire appel à des experts reconnus, permettront une information réelle du public sur les risques technologiques.

Concernant les risques naturels, le projet de loi met l'accent sur l'information préventive des populations, qui doivent devenir cogestionnaires du risque. Le maire, qui est bien souvent en première ligne en situation d'urgence et constitue l'interlocuteur privilégié sur le plan local, se voit confier sur ce point un rôle essentiel, notamment pour mener des campagnes d'information sur le risque.

Par ailleurs, le projet de loi initial a rendu obligatoires la mention du risque et des sinistres survenus (catastrophe naturelle ou technologique) lorsqu'une transaction est effectuée sur un immeuble dans une zone soumise à un risque, ainsi que l'information des locataires par le bailleur sur l'existence du risque, ce qui devrait, là encore, renforcer la conscience du risque chez les populations exposées.

·  Maîtriser l'urbanisation dans les zones exposées aux risques

En matière de risques industriels, outre l'extension des possibilités d'instituer des servitudes d'utilité publique sur le fondement de l'article L. 515-8 du code de l'environnement, la principale innovation du projet de loi est la création de plans de prévention des risques technologiques. Dans le périmètre de ces plans, créés autour des installations à risques, des mesures permettront de mieux maîtriser l'urbanisation future, de renforcer la protection des riverains et, surtout, de résorber progressivement l'urbanisation existante grâce à la préemption, au délaissement et, si nécessaire, à l'expropriation.

S'agissant des risques naturels, le projet de loi vise également à réduire la vulnérabilité des personnes et des biens, en revenant progressivement sur les situations héritées du passé. Le système actuel ne permet en effet pas de soustraire de manière satisfaisante les populations au risque, les indemnités d'assurance perçues en cas de sinistre dû à un risque naturel n'autorisant qu'une reconstruction à l'identique sur le terrain exposé.

Le projet de loi prévoit donc la possibilité, pour les collectivités publiques, de bénéficier d'un cofinancement du fonds de prévention des risques naturels majeurs (fonds « Barnier ») lorsqu'elles procèdent à l'acquisition amiable de biens exposés et largement endommagés, la procédure d'expropriation pour cause de risque naturel majeur, pour l'instant réservée à l'Etat, étant par ailleurs ouverte aux communes et à leurs groupements. Enfin, le champ des dépenses pouvant être cofinancées par le fonds « Barnier » est étendu aux études et travaux de prévention et de résistance au risque engagés par des personnes privées, afin de rendre plus effectives les mesures prescrites par les plans de prévention des risques naturels prévisibles.

·  Prévenir le risque à la source

En matière de risques industriels, deux grands axes sont retenus pour mieux prévenir le risque à la source. Le premier est de renforcer très significativement l'association des salariés, au travers de leurs représentants au Comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, à la prévention des risques. Le second est d'inciter les entreprises à la réduction du risque à la source. Pour cela, il est prévu de renforcer leur connaissance du coût des sinistres potentiels qui pourra ainsi être mis en balance avec le coût d'investissements de sécurité. D'autre part, il est également prévu de faire participer les exploitants au financement des mesures de reconquête des zones urbanisées exposées aux risques ce qui les incitera directement à réduire les périmètres concernés pour limiter le nombre des délaissements et des expropriations qu'ils cofinanceront.

Le projet de loi entend également donner une nouvelle dimension à la politique des risques naturels en incitant à intervenir sur les terrains suscitant le risque. Il reprend utilement, sur certains points, les propositions qui avaient été émises par la commission d'enquête sur les causes des inondations répétitives ou exceptionnelles, présidée par M. Robert Galley et dont le rapporteur était M. Jacques Fleury. Il s'inspire également, pour partie, des dispositions du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau qui avait été adopté par l'Assemblée nationale lors de la précédente législature.

Concernant la prévention des inondations, le projet de loi crée de nouveaux instruments afin de briser la crue et de ralentir le rythme d'écoulement des eaux en amont des zones urbanisées. Il s'agit donc de faciliter la construction d'ouvrages de régulation des débits, qui auront pour conséquence de créer des zones d'expansion des crues ou de maintenir le caractère inondable de zones d'expansions naturelles des cours d'eau, qui allient de faibles enjeux socio-économiques et sont essentielles pour « casser » le débit des cours d'eau. A cet effet, le projet de loi prévoit que les collectivités maîtres d'ouvrage pourront instituer des servitudes de sur-inondation sur les terrains d'expansion des crues. Ces servitudes seront bien entendu indemnisées, afin d'en renforcer l'acceptabilité par les propriétaires et exploitants situés en amont ; les propriétaires pourront également exercer un droit de délaissement.

Le projet de loi s'attache par ailleurs à rétablir le caractère naturel du lit des cours d'eau, des aménagements en amont pouvant en effet empêcher les rivières ou les fleuves de se répandre dans les terres riveraines et provoquer une élévation du niveau de l'eau ainsi qu'une augmentation de sa vitesse d'écoulement. A cet effet, des servitudes d'utilité publique, elles aussi indemnisées, pourront être instituées par les collectivités publiques pour limiter, voire supprimer, certains de ces aménagements ; un droit de délaissement est également prévu.

Le projet de loi se montre par ailleurs particulièrement innovant, en traitant de la lutte contre l'érosion des sols, qui accélère le ruissellement et favorise les avalanches et les mouvements de terrain. Afin de limiter ce phénomène, il est prévu d'inciter les exploitants à mettre en œuvre de « bonnes pratiques » agricoles dans des zones sensibles. Ces pratiques devront donner lieu à une large concertation, mais pourront, dans certains cas, être imposées par le préfet lorsque cette concertation n'a pas abouti.

·  Mieux garantir l'indemnisation des victimes

Enfin, un volet important relatif à l'indemnisation des victimes de catastrophe technologique est prévu. Il permettra l'indemnisation dans les trois mois des dommages subis par des particuliers, y compris pour certains dommages à des biens non assurés et la simplification de la procédure d'indemnisation, notamment pour ce qui concerne l'expertise de la valeur des biens sinistrés.

Lors de l'examen du projet de loi au Sénat, certains enrichissements ont été apportés au texte. Ainsi, des dispositions importantes ont été adoptées à l'initiative du Gouvernement afin de pallier des vides juridiques mis en évidence par le placement en redressement judiciaire de la société Metaleurop Nord exploitant l'usine de Noyelles-Godault. En outre, la Commission des affaires sociales du Sénat, saisie pour avis des articles du chapitre III du titre Ier, les a profondément améliorés, notamment en simplifiant les dispositions relatives à l'élargissement du CHSCT aux chefs d'entreprises extérieures et à des représentants de leurs salariés.

En matière de risques naturels, les sénateurs ont souhaité renforcer la concertation en créant des commissions départementales des risques naturels, qui associeront un grand nombre d'intervenants représentant à la fois les collectivités locales, les acteurs économiques et sociaux concernés et les administrations compétentes.

Ils ont également accordé une consécration législative aux établissements publics territoriaux de bassin, dont l'utilité est aujourd'hui reconnue de manière consensuelle. Les sénateurs ont, en outre, donné une base légale aux interventions de l'Office national des forêts s'agissant de la restauration des terrains en montagne.

Enfin, ils ont cherché à sécuriser l'intervention des collectivités locales en matière de prévention des inondations, en limitant les possibilités de mise en cause de leur responsabilité par l'Etat lorsque les travaux de ces dernières, en cas de catastrophe naturelle, causent des dommages aux ouvrages de l'Etat.

Certains des choix faits par le Sénat sont, en revanche, plus discutables.

Ainsi, en matière de risques technologiques, les suppressions de l'obligation d'une réunion publique obligatoire lors des enquêtes publiques consécutives à des demandes d'autorisation d'installations particulièrement dangereuses, de la disposition visant à lutter contre la dilution des responsabilités en matière de respect des règles de sécurité en cas de sous-traitance et notamment de sous-traitance en cascade et des dispositions de l'article 14 relatives à l'évaluation du coût des accidents industriels éventuels paraissent particulièrement regrettables car elles affaiblissent le texte dans les trois axes essentiels que sont le renforcement de l'information des populations, la lutte contre les effets pervers de la sous-traitance et l'incitation à la réduction à la source du risque.

En matière de risques naturels, le Sénat a choisi de permettre au préfet d'imposer aux collectivités territoriales la constitution d'un établissement public territorial de bassin. Si l'utilité de ce type d'établissement est indéniable, cette disposition semble pour le moins attentatoire à la libre administration des collectivités locales.

Les sénateurs ont, enfin, s'agissant de l'ensemble des risques naturels et technologiques, fait le choix de supprimer l'information préventive des locataires par le bailleur, au motif que cette disposition était délicate à mettre en œuvre sur le plan pratique pour les baux oraux. La Commission n'a pas souscrit à cette argumentation, qui prive d'informations les locataires disposant de contrats de location écrits, largement majoritaires.

La Commission s'est donc attachée à rétablir l'équilibre du projet de loi. Elle a également jugé nécessaire de l'enrichir sur certains points.

Les principales modifications du texte adopté par le Sénat qu'elle vous propose sont les suivantes :

·  en matière de risques technologiques :

- rétablir l'obligation d'une réunion publique obligatoire lors des enquêtes publiques relatives à des demandes d'autorisation d'installations particulièrement dangereuses ;

- soulever la question des risques liés au transport de matières dangereuses ;

- améliorer l'efficacité des mesures pouvant être prévues dans le cadre des PPRT notamment en précisant la nature des biens pouvant être délaissés ou expropriés ;

- définir un équilibre des dispositions relatives au financement des mesures mises en œuvre dans le cadre des PPRT plus protecteur des collectivités locales ;

- permettre la participation de l'Etat, des collectivités locales ou de leurs groupements aux actions de réduction du risque à la source par les exploitants allant au-delà de leurs obligations réglementaires lorsque cette participation est moins coûteuse que le financement des mesures de maîtrise de l'urbanisme que la réduction du risque à la source permettrait d'éviter ;

- améliorer les dispositions relatives au relogement des occupants des biens délaissés ou expropriés dans les zones exposées à des risques technologiques ;

- majorer le temps laissé aux représentants du personnel au CHSCT des établissements particulièrement dangereux pour exercer leurs attributions ;

- rétablir la disposition visant à lutter contre la dilution des responsabilités en matière de respect des règles de sécurité en cas de sous-traitance et notamment de sous-traitance en cascade ;

- préciser le dispositif relatif à l'élargissement du CHSCT aux chefs d'entreprises extérieures et à des représentants de leurs salariés en limitant cet élargissement aux réunions relatives à la sécurité tenues dans les établissements particulièrement dangereux et en prévoyant les dispositions juridiquement nécessaires pour rendre cet élargissement effectif ;

- rétablir les dispositions de l'article 14 relatives à l'évaluation du coût des accidents industriels éventuels ;

- préciser les obligations de remise en état des sites industriels à la fin de l'exploitation pour garantir la sécurité juridique des exploitants ;

- élargir le crédit d'impôt ouvert pour les dépenses correspondant à des travaux prescrits dans le cadre d'un plan de prévention des risques technologiques aux dépenses correspondant à des travaux prescrits dans le cadre d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles ;

- soulever le problème délicat de la mise aux normes des silos de céréales et des installations de stockage assimilés ;

·  en matière de risques naturels :

- accroître la sécurité juridique du maire dans sa mission d'information préventive des populations sur les risques ;

- élargir la composition de la commission départementale des risques aux établissements publics de l'Etat et aux organismes consulaires, afin d'assurer une concertation la plus large possible ;

- garantir l'égalité de traitement entre les pétitionnaires en simplifiant les procédures de déclaration préalable des travaux pouvant faire obstacle au stockage ou à l'écoulement des eaux dans les zones grevées de servitudes ;

- lever les ambiguïtés existant en matière d'indemnisation des servitudes, en précisant qu'elle ne se limite pas à l'indemnisation de la perte de valeur vénale du terrain, les occupants de terrains devant également être indemnisés du préjudice subi après chaque inondation ;

- garantir à la fois les droits des propriétaires et ceux des collectivités en précisant les conditions de recours au droit de délaissement ;

- permettre la délivrance de permis de construire dérogeant aux règles du plan local d'urbanisme pour permettre la reconstruction de bâtiments détruits ou endommagés à la suite d'une catastrophe naturelle ;

- trouver une solution équilibrée préservant à la fois les intérêts des collectivités et ceux des exploitants agricoles, en limitant au strict nécessaire la dérogation au statut du fermage pour les terrains achetés par les collectivités publiques : le statut du fermage s'y appliquera seulement pour ce qui concerne les conditions de renouvellement et de reprise du bail ;

- étendre la contribution du fonds Barnier aux acquisitions amiables de biens d'entreprises de moins de 20 salariés (et non 10) exposées à un risque naturel majeur et qui sont fortement endommagées ;

- étendre ce cofinancement aux campagnes d'information préventive menées par le maire sur les risques naturels ;

- rétablir l'information des locataires sur les risques naturels et technologiques. Afin de sécuriser la situation des propriétaires, la Commission a également précisé qu'ils sont tenus d'informer les acquéreurs des seuls dommages survenus pendant qu'ils sont propriétaires, cette information devant être mentionnée par l'acte notarié constatant la vente.

L'ensemble de ces modifications devrait permettre d'enrichir substantiellement un texte qui reste néanmoins perfectible au cours des lectures ultérieures.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE MME ROSELYNE BACHELOT, MINISTRE DE L'ÉCOLOGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

La commission a entendu Mme Roselyne Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable lors de sa réunion du jeudi 13 février 2003.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a tout d'abord rappelé que le projet de loi soumis aux commissaires avait été adopté en première lecture par le Sénat dans un cadre consensuel, le seul groupe politique réservé à son propos s'étant abstenu. Elle a estimé qu'il répondait à une préoccupation largement partagée, consistant à œuvrer pour mieux garantir la sécurité des citoyens, non seulement dans le domaine du maintien de l'ordre mais également dans celui de la sécurité sous d'autres formes, en particulier la sécurité industrielle, la sécurité naturelle, la sécurité nucléaire ou encore la sécurité sanitaire.

Elle a précisé que le projet de loi soumis à la Commission concernait la sécurité industrielle et la sécurité naturelle, la question du nucléaire devant être abordée au cours des prochains mois par le biais d'un projet spécifique.

Soulignant que les dispositions du projet de loi pouvaient être reliées à des événements marquants ayant souvent conduit à mettre en cause la santé et la vie des personnes, elle a rappelé que le titre Ier du projet, traitant des risques industriels, tirait les enseignements de la catastrophe survenue à Toulouse le 21 septembre 2001, tandis que le titre II trouvait son origine dans l'analyse des catastrophes naturelles survenues ces dernières années, en particulier les inondations torrentielles de 1999 dans l'Aude et celles qui ont frappé le Gard, l'Hérault et le Vaucluse en 2002. Enfin, elle a ajouté que des dispositions spécifiques aux sols pollués avaient été adjointes sur proposition du Gouvernement lors de l'examen du texte au Sénat, à la suite de la polémique provoquée par « l'affaire Metaleurop ».

La ministre a toutefois jugé que ce texte, bien qu'inspiré par une actualité malheureuse et même dramatique, ne constituait pas pour autant une réaction émotionnelle mais se fondait bien davantage sur des retours d'expériences formalisés et réfléchis. Elle a précisé que les sources d'inspiration du texte gouvernemental provenaient de divers rapports d'expertise, issus notamment des travaux des inspections générales des ministères et surtout de l'Assemblée nationale. Elle a ainsi rappelé l'importance du rapport de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles menée par MM. François Loos et Jean-Yves Le Déaut, ainsi que celle du rapport de la commission d'enquête relative aux inondations présidée par M. Robert Galley. Elle a par ailleurs souligné l'apport de la proposition de loi de MM. Philippe Douste-Blazy et Jean Diébold tendant à garantir l'indemnisation des victimes et accélérer les procédures relatives aux marchés publics en cas de catastrophe industrielle, dont plusieurs articles ont été repris dans le projet de loi.

Elle a par ailleurs indiqué que le projet de loi soumis à la Commission, tout en ayant été élaboré à partir du projet de loi déposé à la fin de la précédente législature, avait été mûrement pesé et profondément remodelé, avec l'objectif de concilier ambition et réalisme. Elle a donc souhaité, sans rentrer dans le détail de chacun des 51 articles du texte issus du Sénat, apporter quelques éclairages permettant de comprendre l'architecture du texte et sa cohérence d'ensemble.

Après avoir jugé qu'un texte législatif n'avait d'intérêt que s'il donnait des instruments à une volonté politique, elle a précisé que le projet de loi confortait les mesures techniques, méthodologiques et financières arrêtées dès sa prise de fonction tant dans le domaine des risques industriels que des risques naturels.

Concernant les risques industriels, elle a rappelé que des actions très diverses étaient engagées, telles que l'harmonisation au plan national des méthodes d'évaluation utilisées par les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), afin que la cohérence territoriale soit maintenue comme l'avaient demandé plusieurs députés lors de sa précédente audition par la Commission, la publication sur Internet des arrêtés d'autorisation et des rapports d'inspection, ou encore le renforcement des effectifs de l'inspection des installations classées décidé par le Premier ministre. Elle a ajouté qu'une action d'envergure consistant à élaborer des plans de réduction des dangers dans chaque établissement « Seveso » allait bientôt aboutir, à travers la remise à jour des études de dangers imposée par la directive n° 96/82/CE du Conseil du 9 décembre 1996 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, dite « Seveso 2 ».

Concernant les risques naturels, elle a précisé que la loi renforçait la portée du plan de prévention des inondations, présenté en septembre 2002, qui comporte deux volets distincts. Elle a ainsi rappelé que ce plan prévoyait, d'une part, le financement à hauteur de 130 millions d'euros des initiatives locales tendant à réguler les débits en amont des bassins versants et, d'autre part, la réforme du système de prévention des crues, consistant à reformuler les missions des services de prévention des crues, pour accroître leur connaissance des caractéristiques des bassins versants, et à les regrouper, pour obtenir des unités mieux dotées en agents capables de se spécialiser.

La ministre a ensuite fait observer que le projet de loi visait prioritairement à traiter les problèmes à leur source.

Elle a ainsi précisé que le titre Ier était destiné à donner une place plus importante aux représentants des salariés, principales victimes des accidents mais jusqu'à présent insuffisamment associés, dans la politique de prévention des risques technologiques menée par chaque entreprise. Elle a souligné que le projet de loi incluait à cet effet un volet « social », préparé et négocié avec les partenaires sociaux par le ministre chargé du travail, visant à élargir aux risques technologiques le rôle du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT). Elle a ajouté que ce dernier pourrait désormais faire appel à un expert en risque technologique, alerter les inspecteurs des installations classées et serait à la fois mieux associé à la procédure d'autorisation par l'Etat et consulté sur les moyens de secours à mettre en place dans l'entreprise.

Elle a indiqué que, dans le même esprit, le titre II du projet de loi donnait de nouveaux instruments à la puissance publique pour agir sur les terrains engendrant les risques et non plus seulement sur les terrains exposés aux risques, qui sont le plus souvent des zones urbanisées.

Elle a, sur ce point, souligné l'exemplarité de la concertation menée avec les principaux représentants du monde agricole pour faire mieux respecter les bonnes pratiques agricoles permettant de limiter l'érosion, notamment par la préservation des haies bocagères ou encore le labour des terres dans le sens perpendiculaire à la pente. Elle a estimé que cet objectif pouvait être atteint par la voie de la conviction et de la négociation, mais pouvait parfois requérir l'institution d'une obligation par les représentants de l'Etat, ce qui permettrait de conjuguer préservation des milieux naturels et prévention des risques.

Elle a ajouté que cinq articles concernant la pollution des sols avaient été introduits par le Gouvernement lors de l'examen du texte par le Sénat, pour prendre en compte l'impact écologique de l'activité d'une entreprise tout au long de sa vie et permettre de faire face aux cas d'insolvabilité d'entreprises cessant leur activité. Elle a précisé que serait en particulier instituée une obligation d'informer le représentant de l'Etat, lorsque la capacité financière de l'entreprise serait modifiée, et que celui-ci pourrait demander des garanties financières, telles que la caution de la maison-mère ou le blocage de sommes déposées dans un établissement bancaire.

Puis, elle a souligné que le projet de loi visait par ailleurs à développer la conscience du risque dans l'esprit des décideurs publics et des citoyens les plus exposés, la suppression complète des risques étant naturellement impossible. Elle a ainsi précisé que l'information de la population, qui doit être considérée comme co-gestionnaire du risque, serait accrue pour développer des comportements préventifs. Soulignant que la volonté de rendre plus transparente l'information sur le risque permettrait également de le rendre plus acceptable, ce qui constituerait une rupture vis-à-vis de l'illusion du « risque zéro », elle a rappelé que la catastrophe survenue à Toulouse le 21 septembre 2001 avait failli aboutir à un rejet par la population de l'industrie dans son ensemble et avait conduit à l'arrêt de la chimie du phosgène à la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) alors que ce site avait résisté à l'explosion.

Elle a précisé que l'information serait portée à la connaissance des personnes concernées dans de meilleures conditions et qu'ainsi l'article 30 instituait l'obligation de mentionner les risques lorsqu'une transaction était effectuée sur un immeuble dans une zone soumise à un risque technologique ou naturel. Elle a rappelé que l'expérience des grandes crues torrentielles survenues en 1999 dans l'Aude et en 2002 dans le Gard, l'Hérault et le Vaucluse avait montré qu'il était nécessaire de mieux faire connaître aux nouvelles populations s'installant en milieu rural les risques auxquelles elles pouvaient être exposées, afin de développer des comportements préventifs. Elle a ajouté que le projet prévoyait également, pour perpétuer la mémoire du risque, la pose obligatoire de repères de crues sur les édifices publics, action qui sera mise à la charge des maires et menée sur le fondement d'informations fournies par les services de l'Etat. Elle a en outre précisé que les populations des communes les plus exposées aux risques naturels devraient être informées sur ceux-ci. Elle a enfin annoncé que des comités locaux d'information et de concertation sur les risques seraient créés autour de chaque site à haut risque industriel, comme cela existe en matière nucléaire et de déchets, et disposeraient de budgets et de capacités d'expertise afin de mener une réelle concertation avec la population.

Puis, la ministre a fait observer que le projet de loi visait également à remédier aux problèmes d'urbanisme hérités du passé. Elle a annoncé que le titre I du projet prévoyait à cet effet la mise en place de plans de prévention de risques technologiques (PPRT) au voisinage des usines classées « Seveso », ces plans déterminant, en fonction du danger, les zones inconstructibles et celles dans lesquelles il est possible d'imposer certains travaux de bon sens aux riverains. Elle a ajouté que les outils de l'expropriation et du délaissement pourraient également être utilisés pour reconquérir progressivement les zones soumises à un risque important, les frais occasionnés étant partagés entre les collectivités locales, les industriels et l'Etat, et a jugé que la patience était préférable en la matière aux grands bouleversements, les réformes en cours ne donnant peut-être leurs pleins effets que dans plusieurs dizaines d'années mais devant malgré tout être menées.

Abordant le titre II du projet de loi, elle a estimé qu'il traduisait la même démarche et partait du constat que, dans de nombreuses zones inondables, telles que la Somme ou le Gard, les indemnisations versées par les assurances ne suffisent pas pour reconstruire les biens fortement endommagés ailleurs que sur leur emplacement initial. Elle a précisé que pour remédier à cette situation, le projet prévoyait de faire intervenir le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds « Barnier », en complément des indemnisations versées par les assureurs, pour financer l'achat, par les propriétaires des habitations ou immeubles d'exploitation de petites entreprises détruites ou endommagées à plus de 50 % de leur valeur, d'un terrain hors de la zone dangereuse.

Elle a par ailleurs annoncé que le fonds « Barnier » pourrait financer les travaux de prévention dans les habitations prévus par les plans de prévention des risques approuvés, ce qui permettrait d'améliorer l'acceptation de ces plans par la population et ainsi de sauver des vies humaines. Elle a précisé que ces travaux pouvaient consister à placer les installations électriques au-dessus du niveau des plus hautes eaux, à sceller les cuves à fioul au sol, à créer des batardeaux devant les entrées ou encore des escaliers intérieurs et des exutoires sur les toits permettant d'être hélitreuillé en cas de crue torrentielle.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a enfin estimé que le projet soumis à la Commission était à la fois modeste et ambitieux et privilégiait le long terme, en insistant sur la négociation et le partenariat local. Elle a ajouté que la stigmatisation de catégories professionnelles, telles que les agriculteurs en matière d'inondation ou les industriels en matière d'accidents technologiques, était évitée, ce qui permettrait d'échapper au refus de l'industrie par la population et aux nouvelles délocalisations qui ne manqueraient pas de l'accompagner. Elle a souhaité que ce projet soit l'objet de discussions vives mais néanmoins constructives, transcendant les groupes politiques, comme cela avait été le cas au Sénat, ce qui permettrait d'en améliorer encore le dispositif. Elle a précisé qu'elle resterait largement disponible et réceptive pour poursuivre ce travail en liaison avec les députés.

M. Alain Venot, rapporteur, a tout d'abord estimé qu'il n'était pas étonnant que les sénateurs, toutes tendances politiques confondues, aient largement approuvé les orientations du projet de loi, celui-ci étant en effet ambitieux. A cet égard, il s'est réjoui de la véritable rupture opérée avec l'idée, trop répandue, selon laquelle les risques majeurs seraient une fatalité dont on pourrait seulement tenter de se protéger, mais dont la prévention ne serait pas envisageable. Il s'est donc déclaré très satisfait de la politique offensive et réaliste choisie par la ministre, visant à résorber progressivement les zones exposées aux risques naturels et technologiques.

Abordant la question des risques technologiques, il a salué les innovations proposées par le projet de loi, notamment concernant l'indemnisation des riverains d'installations « Seveso » pour le préjudice résultant de l'institution de servitudes d'utilité publique à l'occasion de la création d'une installation nouvelle sur un site existant ou de la modification d'une installation existante, mais également s'agissant des mécanismes de délaissement et d'expropriation, ainsi que de l'obligation d'instituer, dans certaines zones, des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Il s'est également réjoui que la ministre, lors de l'élaboration du projet de loi, ait pris en compte les initiatives passées, telles que le projet de loi tendant à renforcer la maîtrise des risques technologiques, présenté par M. Yves Cochet, le rapport de M. Jean-Yves le Déaut dans le cadre de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles, ou encore la proposition de loi tendant à garantir l'indemnisation des victimes et accélérer les procédures relatives aux marchés publics en cas de catastrophe industrielle, déposée par M. Philippe Douste-Blazy. Il s'est par ailleurs réjoui de constater que le projet de loi présenté par la ministre n'était pas pour autant un texte de circonstance, élaboré dans l'émotion et dans l'urgence, et a salué l'ambition de vouloir l'inscrire dans la durée. Il s'est, par ailleurs, interrogé sur la possibilité de mettre en place un parallélisme des formes entre les titres relatifs respectivement aux risques technologiques et aux risques naturels, en tenant bien entendu compte de la nature très différente de ces deux catégories de risques.

Puis, abordant la question des risques naturels, le rapporteur s'est félicité de l'extension par le projet de l'utilisation du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds « Barnier », au financement de travaux de protection et de prévention, dont il a estimé qu'ils constituaient des éléments indispensables de lutte contre les risques.

Il a également salué la volonté manifestée par Mme la Ministre d'associer l'ensemble des acteurs concernés à l'élaboration de la politique de prévention des risques.

Le rapporteur a enfin fait part de pistes de réflexion afin d'améliorer certains points du texte. Concernant les risques technologiques, il a noté que la question de la sous-traitance « en cascade » n'était pas traitée ; soulignant qu'il n'envisageait pas de nier l'utilité d'une telle pratique, il a estimé qu'il convenait néanmoins d'évaluer celle-ci au regard des risques encourus. Par ailleurs, il a regretté que les sénateurs aient supprimé l'article 14 du projet de loi, qui impose aux exploitants d'installations « Seveso seuil haut » de procéder à une évaluation de la probabilité d'occurrence et du coût des dommages matériels potentiels aux tiers en cas d'accident. Sur ce point, il a estimé qu'il fallait éviter de déresponsabiliser les exploitants. Il a en outre souhaité savoir quels seraient le rôle exact et la participation financière des collectivités locales dans la mise en œuvre des mécanismes d'expropriation et de délaissement.

S'agissant des risques naturels, le rapporteur a souligné que le fonds « Barnier » devait permettre de financer 25 % des travaux de prévention. Reconnaissant que ce fonds n'était pas un « puits sans fond », il a souhaité savoir si d'autres mécanismes pourraient intervenir de manière complémentaire pour cofinancer ces travaux, afin de créer un effet de levier plus important. Enfin, il a souhaité savoir si le relèvement du seuil limitant aux entreprises de moins de 10 salariés la possibilité pour une collectivité de bénéficier d'un cofinancement du fonds « Barnier » lors de l'acquisition amiable de leurs biens lorsque ceux-ci sont sinistrés à plus de la moitié de leur valeur, était envisageable.

S'exprimant au nom du groupe UMP, M. André Flajolet a tout d'abord salué le fait que le projet de loi s'inscrive dans la volonté de rompre avec une certaine naïveté en matière de risques. Il a jugé très positif l'équilibre choisi entre la reconnaissance du fait que le « risque zéro » n'existe pas et le refus de la fatalité de l'accident. Puis, il a estimé que la conciliation opérée entre développement économique et impératifs de protection des populations traduisait une conception intelligente du développement durable qui, compte tenu de la profonde transformation de la nature par l'action de l'homme, doit allier l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité.

Il a ensuite noté que le projet de loi permettrait de mieux mettre en œuvre le droit à l'information sur les risques, d'identifier de façon plus précise les territoires exposés dans le cadre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) et d'amorcer, notamment grâce au droit de délaissement, une structuration plus responsable des territoires.

Evoquant les dispositions du projet de loi relatives à la lutte contre les inondations, il a salué la reconnaissance du rôle fondamental joué par les agriculteurs et a souligné la nécessité d'une action portant sur les têtes de bassin d'où partent les crues.

Il a ensuite évoqué les modifications apportées au projet de loi par le Sénat. Il a, tout d'abord, rappelé que l'extension de l'application des prescriptions des PPRT aux installations agricoles ne constituait pas une contrainte pour celles-ci mais qu'elle permettrait, au contraire, de mieux les protéger notamment contre l'urbanisation diffuse. Puis, il a regretté la suppression de l'article 14 par le Sénat en estimant que les dispositions de celui-ci pouvaient être aménagées mais qu'elles étaient nécessaires. Il a également estimé que le champ d'application et les conditions de mise en œuvre des servitudes d'utilité publique prévues en matière de risques naturels et susceptibles d'affecter le droit de propriété pourraient être précisées.

En conclusion, il a jugé que l'homme n'avait pas vocation à retrouver un illusoire Eden originel d'une nature vierge de son action mais qu'il devait continuer à agir sur celle-ci en la respectant davantage. Il a estimé que le projet de loi s'inscrivait dans la recherche de cette nouvelle alliance entre l'homme et la nature et qu'il préfigurait ainsi, à certains égards, la future Charte de l'environnement adossée à la Constitution.

S'exprimant au nom du groupe socialiste, Mme Claude Darciaux a exprimé la satisfaction de celui-ci de voir reprises dans le projet de loi certaines des dispositions du projet de loi tendant à renforcer la maîtrise des risques technologiques présenté par M. Yves Cochet en février 2002 ainsi que plusieurs des propositions du rapport de M. Jean-Yves Le Déaut au nom de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles.

Puis, elle a jugé particulièrement importantes les dispositions du projet de loi tendant à développer la culture du risque afin de susciter des comportements de prévention et de rendre la population co-gestionnaire des risques. Notant que le risque zéro n'existait pas, elle a néanmoins estimé nécessaire de tendre à l'atteindre et a salué cette ambition, présente dans le projet de loi.

Elle a ensuite exprimé des réserves sur certains points de ce dernier. Elle a, tout d'abord, regretté que la plupart des dispositions prévues en matière de risques technologiques concernent les seules installations « Seveso seuil haut » et que le projet de loi concerne davantage les installations existantes que les installations nouvelles.

Elle a ensuite estimé que l'institution de comités locaux d'information et de concertation sur les risques (CLIC) constituait une avancée importante mais que les dispositions relatives à l'information des populations gagneraient à être complétées afin de mieux les associer à l'élaboration des futurs PPRT.

Puis, elle a jugé que le financement des mesures d'expropriation et de délaissement prévu par des conventions passées entre l'Etat, les collectivités territoriales et les industriels devait être précisé pour qu'il n'entraîne pas de difficultés pour de petites collectivités locales. Elle a, en outre, rappelé que le coût de la création de « ceintures vertes » autour des installations présentant des risques était estimé entre 2 et 3 milliards d'euros, montant que les collectivités locales ne seront pas en mesure d'assumer.

Enfin, elle a souligné que la lutte contre les inondations devait être gérée plutôt au niveau des bassins hydrographiques qu'à celui des communes.

M. Yves Cochet a, tout d'abord, exprimé sa satisfaction de voir examiné un projet de loi relatif à la lutte contre les risques et a indiqué que la rédaction initiale du projet de loi, avant les modifications apportées par le Sénat, lui paraissait également en partie satisfaisante.

Il a ensuite rappelé que la prévention des risques technologiques reposait sur trois acteurs, l'exploitant, le contrôleur et l'expert, que le précédent Gouvernement s'était attaché à distinguer de manière claire en matière nucléaire. Jugeant nécessaire de renforcer les moyens des acteurs publics concernés pour rendre plus efficace le contrôle, il a souhaité que la ministre précise l'évolution réalisée pour 2002 et 2003 et prévue pour les exercices ultérieurs du nombre de postes de l'inspection des installations classées, qui est l'organisme de contrôle en matière de risques industriels. Il a également souhaité connaître l'évolution des moyens de l'Institut national de l'environnement et des risques (INERIS), principal expert public dans ce domaine et dont l'expertise concluant au doublement du périmètre des zones de danger du pôle chimique sud de Toulouse rendue publique lors du débat national sur les risques avait mis en évidence l'indépendance. Il a également estimé souhaitable que l'INERIS puisse être saisi par les futurs CLIC.

Puis, soulignant que les citoyens avaient le droit d'être informés non seulement sur les risques mais également sur les conduites à suivre en cas d'accident, il a jugé que cela impliquait que la population ait connaissance des consignes de protection et que celles-ci soient adaptées. Il a estimé que tel n'était pas le cas lorsque ces consignes intimaient de se confiner, ce qui est inapplicable en cas d'explosion ayant détruit les vitres, de ne pas téléphoner et de ne pas aller chercher les enfants dans leurs écoles, à l'encontre des premiers réflexes des populations. Il a donc jugé indispensable de revoir ces consignes inadaptées, en concertation avec les CLIC. Il a également rappelé les problèmes de communication rencontrés y compris par certains services de l'Etat après l'accident de Toulouse en raison de la défaillance des réseaux téléphoniques publics et a estimé nécessaire de mener une action sur ce point.

Puis, M. Yves Cochet a jugé très inopportunes plusieurs des modifications apportées au projet de loi par le Sénat, en regrettant particulièrement le remplacement à plusieurs reprises du mot « prévention » par celui de « protection », dont le sens est profondément différent.

Enfin, en matière de risques naturels, il a estimé qu'il serait souhaitable de renforcer les règles applicables aux activités conduites dans le lit majeur des fleuves et dans les zones inondables, une part importante du risque n'étant pas imputable à la nature mais à l'action de l'homme.

En réponse aux intervenants, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a apporté les précisions suivantes :

- le projet de loi traduit effectivement un refus de la fatalité, concilié avec une approche réaliste des problèmes. M. André Flajolet, qui s'est exprimé avec une grande hauteur de vue, a bien mis en perspective la discussion des dispositions très concrètes du projet de loi qui traduisent effectivement une philosophie dont la future Charte de l'environnement pourra s'inspirer ;

- une meilleure articulation des dispositifs prévus en matière de risques naturels et de risques industriels, voire un certain parallélisme entre eux, peut être recherché ;

- l'utilisation des moyens du fonds « Barnier », qui est un bon instrument, traduit la volonté de mieux mobiliser les fonds publics. En ce qui concerne les aides attribuables par ce fonds, le taux de 25 %, bien que significatif, reste sans doute insuffisant. Le dispositif serait plus efficace si ce taux était, par exemple, de 35 % ;

- l'association des populations à la gestion des risques est essentielle car la culture du risque, qui génère les comportements de prévention, ne peut apparaître spontanément. A cet égard, le rôle des futurs CLIC sera très important. Il est toutefois vrai que la multiplication des réunions publiques n'est pas toujours la meilleure solution, notamment lors des enquêtes publiques, car les commissaires enquêteurs ou les présidents des commissions d'enquête ne disposent pas nécessairement de moyens adaptés pour les organiser efficacement et pour éviter que le débat ne soit confisqué par des perturbateurs refusant de prendre en compte l'intérêt général ;

- en ce qui concerne la sous-traitance dite « en cascade », il importe de rappeler que le projet de loi concerne, contrairement à ce qui est parfois dit, les sous-traitants dont les salariés doivent être bien informés sur les risques, ce à quoi veilleront les CHSCT ;

- les dispositions qui figuraient à l'article 14 du projet de loi, supprimé par le Sénat, sont effectivement importantes ;

- l'extension aux dépenses finançant des travaux de prévention des risques naturels du crédit d'impôt créé par le Sénat pour les dépenses finançant des travaux prescrits pour protéger les personnes contre les risques technologiques présenterait des avantages ;

- le relèvement de dix à vingt salariés de la taille des entreprises dont les biens peuvent être acquis par une collectivité publique avec l'aide du fonds « Barnier » améliorerait l'efficacité du dispositif ;

- la protection des populations contre les risques est un objectif poursuivi par tous ce qui explique que le projet de loi intègre les réflexions importantes réalisées notamment par le précédent gouvernement et par l'Assemblée nationale sous la précédente législature ;

- certaines des dispositions du projet de loi ne concernent que les installations « Seveso seuil haut » car il s'agit de protéger les populations contre les accidents industriels et, in fine, de sauver des vies humaines. Les salariés de nombreuses autres installations sont exposés à des risques mais leur protection relève d'une autre problématique qui est de la compétence du ministre chargé du travail ;

- les dispositions du projet de loi concernent tout autant les nouvelles installations que les installations existantes ;

- la répartition de la charge du financement des opérations d'expropriation et de délaissement réduisant l'exposition des populations aux risques technologiques sera réglée par les conventions prévues à cet effet. Il n'est pas souhaitable de la figer à ce stade compte tenu des différences locales et notamment de l'inégalité des moyens des collectivités locales concernées. Il est donc souhaitable de laisser, pendant environ un an, le système fonctionner dans la souplesse, à titre expérimental, une évolution législative pouvant intervenir ensuite si cela se révèle nécessaire ;

- il importe, en effet, d'agir pour prévenir les inondations au niveau des bassins en veillant particulièrement à ce que les maîtres d'ouvrage disposent des moyens qui leur sont nécessaires, ce que favorise un amendement adopté par le Sénat confortant le rôle des établissements publics territoriaux de bassin ;

il est en effet indispensable de séparer clairement le contrôle de l'Etat et l'expertise d'un organisme indépendant. Ainsi, dans le domaine nucléaire, l'action de la Direction générale de la radioprotection et de la sûreté nucléaire (DGRSR) se distingue-t-elle de la mission d'expertise de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). En matière industrielle, le Gouvernement suit la même logique. Ainsi, le budget de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) a augmenté de 6% en 2003 ;

- l'accident de l'usine AZF a montré que des consignes d'alerte aux populations élaborées au niveau national peuvent être inadaptées aux circonstances locales. Il est donc primordial de décrire les risques pouvant survenir et de bâtir des outils de prévention et d'alerte qui y soient adaptés ;

- le projet de loi prend le parti de renforcer la prévention des risques, même si la protection devient naturellement l'objectif prioritaire lorsque celle-ci a échoué ;

- concernant les emplois d'inspecteurs des installations classées, un concours a été ouvert lors de la prise de fonctions de la ministre en 2002, afin de pourvoir les 150 nouveaux postes créés par le précédent gouvernement. En outre, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) doivent faire l'objet d'une réorganisation en 2003, à l'issue de laquelle la création de 400 postes a été planifiée jusqu'en 2007, ce qui signifie à terme un doublement des effectifs d'inspecteurs des installations classées.

M. Jean-Marc Nudant a alors indiqué qu'il présidait un comité de vallée inondable visant à élaborer un plan de prévention des risques naturels prévisibles, afin de traiter les questions relatives au risque d'inondation, au captage des eaux, aux eaux usées, ainsi qu'aux pratiques agricoles et environnementales. Notant que ce comité de vallée, qui implique 4 régions, 7 départements, 150 communes, près de 700 000 habitants et 400 kilomètres de rivière, doit conclure sous peu un contrat avec le ministère de l'écologie et du développement durable, il a souhaité savoir si le projet de loi permettrait d'aider, sur le plan administratif et financier et en termes de calendrier, l'élaboration de tels contrats. Il a conclu en souhaitant que le débat parlementaire soit l'occasion d'une prise en compte plus large des risques naturels et de leurs conséquences pour l'aménagement du territoire.

M. François Brottes, après avoir souligné que la volonté de prévenir les risques ne constituait pas une mise en cause des industriels, s'est réjoui des propos du rapporteur, qu'il a jugés constructifs. Puis, il a souhaité savoir si les comités locaux d'information et de concertation sur les risques seraient dotés de la personnalité morale, leur permettant ainsi d'avoir recours, de manière autonome, à des expertises. Après avoir remarqué que le projet de loi ne traitait pas du problème du transport des matières dangereuses, il a demandé comment les préfets, dans la cadre des procédures de dépollution, contrôleraient les capacités financières d'une holding dont le siège est parfois à l'étranger. Il a, par ailleurs, regretté que la mesure introduite lors du débat en première lecture au Sénat, visant à assurer le financement de la dépollution, ne précise pas le délai dans lequel celle-ci doit être menée et s'est inquiété qu'une zone soumise à dépollution puisse voir son industrialisation bloquée si ce délai s'étend sur trois ou quatre années.

M. François Brottes a, en outre, souhaité connaître la position du Gouvernement sur la suppression, lors de la première lecture au Sénat, du droit d'information des locataires sur les risques industriels et naturels touchant leur zone d'habitation. Il a enfin demandé quelles étaient les intentions du Gouvernement pour résoudre les difficultés liées à l'incohérence de certaines consignes d'alerte.

M. François-Michel Gonnot a estimé que les pouvoirs publics devaient réduire et, si possible, éliminer les risques naturels et industriels, et a jugé qu'à cet égard le projet de loi manquait d'ambition en n'établissant pas d'outils adaptés pour obliger à réduire ces risques.

Se déclarant réservé sur le rôle donné au préfet coordonnateur de bassin dans la prévention des inondations, il a souligné la nécessité de proximité pour assurer une telle mission, alors que les bassins versants sont extrêmement vastes. Il a ainsi cité, à titre d'exemple, le bassin Seine-Normandie, qui s'étend de la Belgique à l'Atlantique et dont le préfet coordonnateur est le préfet de l'Ile-de-France.

Enfin, il s'est interrogé sur la possibilité d'étendre le rôle de la Commission départementale des risques majeurs, introduite dans le projet de loi par le Sénat en première lecture, aux risques technologiques, et souhaité qu'un bilan de l'utilisation du fonds « Barnier » soit réalisé afin d'aboutir à une plus grande transparence et à un meilleur contrôle parlementaire.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard, soulignant le fait que les établissements publics territoriaux de bassin ne sont pour l'instant que des regroupements de collectivités locales, a estimé qu'il pourrait être bénéfique de les ouvrir aux associations et aux riverains, qui sont pour l'instant exclus de leur organisation dès lors que l'organe gestionnaire du bassin est un établissement public.

Observant par ailleurs que certaines communes peuvent voir l'essentiel de leur surface protégée par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels, ce qui obère largement leurs perspectives de développement, elle s'est demandé s'il ne serait pas opportun que la dotation globale de fonctionnement (DGF) puisse être modulée en leur faveur.

Soulignant enfin que les études visant à déterminer les risques naturels et technologiques devaient être menées dans un souci de transparence, et que les industriels étaient encore souvent réticents à fournir les informations nécessaires aux acteurs de la prévention des risques, elle a insisté sur la nécessité de donner aux CLIC les moyens de remplir leur mission.

M. Serge Poignant s'est tout d'abord félicité que le projet de loi aborde sereinement et non pas dans l'urgence la question des risques technologiques et naturels, en consacrant le principe de la concertation entre partenaires locaux (industriels, agriculteurs, collectivités locales et populations riveraines), l'Etat n'intervenant qu'en cas de carence de ces derniers.

Puis, il a souhaité obtenir des précisions sur les éventuels financements croisés dans le cadre de la procédure de délaissement et a souhaité savoir quelle serait la part maximale du financement engagé par les collectivités locales pour ces acquisitions.

Abordant la question de la prévention des risques naturels, il a fait remarquer qu'un amendement sénatorial consacrait l'existence des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), alors que d'autres expériences pouvaient, par ailleurs, être menées sous une forme différente par des collectivités locales, par exemple en constituant des groupements de communes qui travaillent en concertation avec les riverains. Il a souhaité qu'en conséquence, soit prise en compte la diversité des structures locales pouvant intervenir dans le domaine de la prévention des risques naturels, et a jugé que le recours à la forme juridique de l'établissement public territorial de bassin devait rester facultatif.

Enfin, notant que selon le projet de loi, il incombait au maire d'instaurer des repères de crues, il s'est inquiété de constater qu'il n'avait pas été prévu de charger également d'une telle mission, le cas échéant, des structures intercommunales.

M. David Habib, rappelant qu'il était élu d'une circonscription où se concentrent quatorze sites classés « Seveso » dans le bassin de Lacq, a déploré que le projet de loi ne traite pas, concernant les risques industriels, la question centrale du confinement des risques. Après avoir rappelé que de nombreux industriels souhaitant réaliser des investissements importants pour réduire les risques technologiques sont dans l'incapacité de le faire faute de mécanismes financiers incitatifs suffisants, il a estimé indispensable de compléter le projet de loi afin de définir des mécanismes financiers, notamment par le biais d'incitations fiscales, pour encourager les investissements de réduction à la source des risques industriels. Il a par ailleurs remarqué que sur ce point, le Sénat n'avait que renforcé les insuffisances du texte, en supprimant l'article 14 du projet de loi.

Puis, M. David Habib a insisté sur la nécessité de revoir le fonctionnement concret des plans particuliers d'intervention (PPI), prenant pour exemple le récent exercice d'évacuation qui avait eu lieu dans la commune de Lacq et qui avait révélé de sérieux dysfonctionnements, le système d'alerte de la population par sirènes n'ayant pas fonctionné correctement.

Abordant le problème du droit de délaissement, il a estimé que ce mécanisme, certes nécessaire, devait par ailleurs s'accompagner d'une réduction du risque à la source. En effet, a-t-il estimé, il ne doit pas seulement s'agir de compenser financièrement un préjudice, les exploitants d'installations industrielles à risques pouvant ainsi se constituer un périmètre de protection sans aucune habitation, tandis que les collectivités locales assumeraient seules le coût des expropriations et des délaissements nécessaires.

Enfin, il a souhaité connaître la position de la ministre sur la possibilité d'indemniser le préjudice subi par les riverains par une révision des bases locatives.

Soulignant le caractère récurrent et parfois annuel des inondations, M. Jean-Pierre Grand a souhaité savoir si les dispositions du projet de loi en matière d'urbanisme permettraient aux maires d'intervenir de façon rapide. Abordant le problème de l'ensablement des cours d'eau, il a par ailleurs fait part de la préoccupation de nombreux maires qui ne disposent pas du droit de les curer et a demandé si, en conséquence, des dispositions pourraient être introduites dans le projet de loi pour améliorer l'entretien des cours d'eau.

Constatant que lors des dernières inondations survenues dans le Gard et l'Hérault, les fonds publics avaient été rapidement débloqués, il a fait remarquer que les victimes s'étaient en revanche heurtées à l'inertie des compagnies d'assurances qui ont tardé à leur faire connaître le montant de leur indemnisation. Il a donc estimé indispensable que la loi fixe un délai maximal de notification du montant de l'indemnisation par les compagnies d'assurances.

M. Jean Proriol a tout d'abord fait remarquer que ses questions traduiraient ses préoccupations d'élu local et de maire. Abordant la question des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), il s'est inquiété d'une sollicitation accrue des collectivités locales, qui seront mises financièrement à contribution, auront à diffuser des informations et se verront donner de nouvelles responsabilités. S'agissant notamment de leur intervention en cas d'expropriation ou lors la mise en œuvre du droit de délaissement, il a noté que le projet de loi prévoyait un concours éventuel des industriels et de l'Etat dans le cadre de conventions tripartites et s'est interrogé sur l'opportunité du caractère facultatif de ces conventions, le concours financier des industriels et de l'Etat risquant donc d'être très hypothétique.

Abordant le problème des risques naturels, il a relevé que la délimitation de zones d'expansion des crues ouvrirait droit à l'indemnisation des propriétaires par la collectivité instauratrice de la servitude et a souhaité savoir si le fonds « Barnier » pourrait être sollicité pour contribuer au financement de cette indemnisation.

Il a également fait part de l'inquiétude des collectivités locales en matière d'organisation de la prévision des crues. Notant que le projet de loi prévoyait simplement une mise en cohérence des services de l'Etat et de ceux des collectivités locales, dans le cadre d'un schéma directeur élaboré par l'Etat, il a regretté que ne soit apportée aucune précision concernant les responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités locales.

Il a conclu son propos en soulignant la difficulté, pour les maires, de déterminer le moyen le plus efficace pour informer les populations d'un risque imminent, les maires étant fréquemment sollicités pour recourir à des moyens plus ou moins sophistiqués, comme Internet. Il a souhaité savoir si une réflexion était en cours sur cette question.

Insistant sur la nécessité d'établir une réelle concertation lors de l'application du projet de loi, M. Antoine Herth a fait part de ses doutes quant à l'opportunité de créer, s'agissant des risques naturels, une nouvelle commission ad hoc alors qu'il serait possible d'accroître les compétences d'instances déjà existantes. Par ailleurs, il a souhaité savoir comment serait assurée l'articulation des actions françaises de prévention des inondations avec les initiatives de nos voisins européens, lorsqu'un bassin versant est transfrontalier, comme cela est le cas en Alsace.

Intervenant en application de l'article 38 du Règlement, M. Christian Decocq s'est réjoui que le projet de loi soumis à l'examen de l'Assemblée nationale ne soit pas un simple texte de circonstance et amorce une rupture avec les pratiques antérieures en matière de prévention des risques. Il a toutefois noté qu'il restait nécessaire de le faire avancer sur deux points, relatifs à la réparation et à la prévention.

S'agissant de la réparation, il a estimé nécessaire de renforcer la responsabilité civile des pollueurs, non seulement concernant les effets directs de leurs activités sur les milieux naturels, mais également en raison de l'impact de leurs activités sur l'usage qui est fait de ces milieux. Sur ce point, a-t-il jugé, la mise en jeu de leur responsabilité pénale, qui se traduit par le paiement d'amendes au montant relativement faible, ou le paiement de taxes et de redevances, ne peuvent suffire.

S'agissant de la prévention des risques naturels, il a noté qu'une des principales causes des inondations était l'érosion des sols et a plaidé en faveur d'une pérennisation des dispositifs prévus par le projet de loi en matière d'utilisation des sols, telles que les haies.

En réponse aux différents intervenants, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a précisé les points suivants :

- le projet de loi prévoit effectivement des outils financiers et administratifs en matière de prévention des risques naturels. On peut citer, s'agissant des outils administratifs, la possibilité d'instituer des servitudes de sur-inondation. Quant aux instruments financiers, ils sont également présents dans le projet de loi. Tel est le cas, par exemple, du cofinancement par le fonds « Barnier » de certains travaux de prévention. On doit également souligner la mise en œuvre du plan de lutte contre les inondations, doté de 130 millions d'euros et qui devrait créer un effet de levier important, permettant de réaliser des travaux de prévention et de protection pour un montant de 400 millions d'euros ;

- il ne semble pas indispensable de doter les comités locaux d'information et de concertation sur les risques de la personnalité juridique, ce qui contribuerait à alourdir le dispositif. On doit par ailleurs noter que le projet de loi prévoit que l'Etat pourvoira au financement de leur fonctionnement ;

- le projet de loi ne traite pas de la question du transport de matières dangereuses, ni de celle des ports et gares de triage, qui sont pourtant de réelles zones de danger industriel. Pour autant, le Gouvernement est conscient des problèmes posés. C'est pourquoi la ministre de l'écologie et du développement durable et le ministre chargé de l'équipement ont commandé un rapport sur cette question, qui devrait être remis dans deux mois environ. Il devrait donc être possible d'intégrer ses conclusions dans le projet de loi lors d'une lecture ultérieure ;

- il est vrai que les délais de dépollution de certains sites industriels peuvent poser problème. Afin de limiter les conséquences des comportements « voyous » de certaines entreprises, le Gouvernement a donc introduit au Sénat, par voie d'amendements, des dispositions visant à prévenir ce genre de situation ;

- le Gouvernement reste très attaché à l'information des locataires s'agissant des risques auxquels leur habitation est exposée et se montrera en conséquence très ouvert à toute initiative visant à réintroduire un tel dispositif ;

- on doit souligner que si le projet de loi prévoit de nombreux instruments afin de réduire les risques d'inondations en amont des zones urbanisées, il ne supprime pas les dispositifs existants de protection en aval, tels que les digues, qui restent bien évidemment indispensables ;

- il ne semble pas nécessaire de créer une commission départementale des risques technologiques, qui serait redondante avec le conseil départemental d'hygiène ;

- le Gouvernement n'envisage pas d'ouvrir la possibilité de recourir au fonds « Barnier » en matière de risques technologiques ;

- l'association des populations riveraines est très importante en matière de risques naturels. La création de commissions départementales des risques naturels majeurs, rendue possible par les sénateurs, devrait permettre une telle association. En revanche, il semble moins opportun de rendre possible une telle association concernant les établissements publics territoriaux de bassin, qui sont avant tout des outils de gestion ;

- s'agissant de l'information en matière de risques industriels, on doit noter que le projet de loi prévoit que les CHSCT pourront faire appel à une tierce expertise, par exemple par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) ;

- les sénateurs ont utilement consacré, par voie législative, les EPTB. Ces établissements n'ont évidemment pas vocation à être les uniques intervenants en matière de prévention des risques ; un conseil général, un syndicat mixte peuvent bien sûr assurer eux aussi la maîtrise d'ouvrage de travaux de prévention et de protection contre les crues ;

- s'agissant de la mise en place de repères de crues, elle relève bien du maire et non d'un groupement de communes, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales ;

- le projet de loi insiste, en matière de risques industriels, sur la prévention en amont. Le confinement du risque est évidemment un élément indispensable pour mener une politique efficace en la matière, mais il relève de dispositions de nature réglementaire qui n'ont pas à figurer dans le projet de loi ;

- faire intervenir la révision des bases locatives en matière d'indemnisation pourrait être une mesure intéressante ;

- le projet de loi est très clair concernant les délais d'indemnisation des sinistrés par les assurances, puisqu'il a prévu un délai maximal de trois mois. Certaines compagnies d'assurance ont pu parfois faire preuve d'inertie, mais le Gouvernement est récemment intervenu auprès d'elles, notamment lors des inondations du Gard, afin qu'elles se montrent plus rapides dans le traitement des dossiers ;

- la technique de curage des rivières ressort plus des bonnes pratiques que de la loi. Il convient néanmoins de souligner que, s'il est indispensable de libérer le lit d'un fleuve, la technique du curage peut entraîner une érosion rétrograde, contrairement à certaines techniques plus adaptées comme la méthode « vieux fonds, vieux bords » ;

- concernant le droit de délaissement, il ne pourra être mis en œuvre en l'absence de convention. Par ailleurs, le fonds « Barnier » n'a pas vocation à être réservé au seul financement des acquisitions immobilières ;

- s'agissant du schéma directeur de prévision des crues et des interventions respectives de l'Etat et des communes, il est clair que l'Etat est compétent pour le système d'alerte et les axes importants tels que la Seine ou la Loire ;

- s'agissant des bassins versants « internationaux », la concertation existe sur le bassin de la Meuse et est tout à fait satisfaisante. Les résultats sont moins probants sur le bassin du Rhin. Par ailleurs, il est envisagé de mettre en place un réseau d'échange d'expériences sur le traitement des crues, avec nos voisins européens ;

- concernant le principe de responsabilité environnementale, une directive communautaire est actuellement en cours d'examen ; une initiative isolée en la matière n'est donc pas souhaitable.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de ses réunions des 25 et 26 février 2003, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Alain Venot, le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (n° 606).

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Jean-Marc Ayrault, la Commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

III.- EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER

RISQUES TECHNOLOGIQUES

Chapitre Ier 

Information

Article 1er

Information du public au cours de l'enquête publique relative à une installation classée « Seveso seuil haut »

Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement impose la réalisation d'une enquête publique préalablement à la réalisation d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux susceptibles d'affecter l'environnement.

L'article L. 123-9 du code de l'environnement comprend des dispositions visant à garantir l'association du public à cette enquête publique. Il prévoit notamment que le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête peut organiser « une réunion d'information et d'échange avec le public en présence du maître d'ouvrage ».

L'article premier du projet de loi prévoyait de rendre cette réunion obligatoire lorsque l'enquête publique porte sur une demande d'autorisation concernant une installation susceptible de donner lieu à l'institution de servitudes d'utilité publique, c'est-à-dire une installation classée « Seveso seuil haut ».

Ces dispositions reprenaient l'une des recommandations de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur, présidée par M. François Loos et dont M. Jean-Yves Le Déaut était le rapporteur, qui soulignait la nécessité de « transformer le fonctionnement des enquêtes publiques » (proposition n° 54) en jugeant notamment « indispensable qu'il soit fait obligation aux commissaires enquêteurs d'organiser une réunion publique et contradictoire » (1).

Le Sénat a adopté une rédaction globale de cet article. Celle-ci dispose que lors de l'enquête publique relative à une installation classée « Seveso seuil haut », le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête peut recueillir l'avis du comité local d'information et de concertation (CLIC) créé par l'article 2 du projet de loi. Le Sénat a, en outre, rejeté un sous-amendement du Gouvernement rendant cette consultation obligatoire.

Les débats du Sénat font apparaître que cette rédaction globale de l'article a été motivée par la crainte de voir, à l'occasion de la réunion publique, le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête débordé par des opposants virulents au projet.

Si cette préoccupation est légitime, l'intérêt du nouveau dispositif proposé par le Sénat parait limité. Il n'est, en effet, pas nécessaire que la loi prévoie la possibilité de consultation des CLIC pour que celle-ci soit possible. Une telle disposition peut même se révéler dangereuse. Si la loi dispose que la consultation du CLIC est possible à l'occasion des enquêtes publiques concernant installations « Seveso seuil haut », elle peut être interprétée comme interdisant, a contrario, une telle consultation pour d'autres enquêtes publiques.

En outre, la tenue d'une réunion publique constructive est utile. Elle contribuera, en effet, à l'information des populations et elle peut également contribuer à dissiper des craintes infondées et à apaiser les passions. Il convient également de noter que, comme l'a rappelé M. Yves Détraigne, rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires économiques du Sénat dans son rapport n° 154, « cette obligation met le droit français en conformité avec la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (convention dite d'Aarhus) du 25 juin 1998, approuvée par la loi 2002-285 du 28 février 2002 ».

La Commission a, en conséquence, adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 43) portant rédaction globale de cet article et rétablissant l'obligation d'organisation d'une réunion publique à l'occasion d'une enquête publique portant sur une demande d'autorisation concernant une installation « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain de produits dangereux.

Article 2

Création du comité local d'information et de concertation sur les risques

L'article L. 125-2 du code de l'environnement, issu de l'article 21 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs crée un droit général à l'information des citoyens sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis.

L'article 2 du projet de loi complète cet article L. 125-2 du code de l'environnement pour mettre en œuvre ce droit en prévoyant la création par le préfet d'un comité local d'information et de concertation (CLIC) sur les risques pour tout bassin industriel comprenant une ou plusieurs installations classées « Seveso seuil haut ». La notion de bassin industriel n'est pas définie ce qui permettra aux préfets d'adapter la disposition aux circonstances locales. En tout état de cause, tout établissement comprenant au moins une installation classée « Seveso seuil haut » sera couvert par un CLIC, certains d'entre eux pouvant concerner un seul établissement isolé quand d'autres seront compétents sur un grand nombre d'établissements proches les uns des autres, par exemple sur l'ensemble des établissements installés à proximité de l'étang de Berre.

Le projet de loi prévoit également que ce comité peut faire appel aux compétences d'experts reconnus, c'est-à-dire reconnus par l'ensemble des collèges représentés au sein du comité, et que celui-ci est doté par l'Etat des moyens de remplir sa mission ce qui est un gage de son impartialité vis-à-vis des exploitants. Il précise également qu'un décret fixe la composition de ces comités et les conditions d'application de ces dispositions.

Le rôle des instances locales de concertation a été reconnu par la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur. Celle-ci a, en effet, proposé (proposition n° 49) de créer au moins un secrétariat permanent pour la prévention des pollutions et des risques industriels par département.

La commission d'enquête recommandait, en outre, que ces secrétariats soient constitués de cinq collèges permettant la représentation des exploitants, des salariés, de l'Etat, des élus et des associations (proposition n° 50), que leur président soit élu par l'ensemble de leurs membres (proposition n° 51), qu'ils comprennent, en tant que de besoin, des commissions locales de sites (proposition n° 52) et qu'ils soient financés par les industriels, l'Etat et les collectivités territoriales (proposition n° 53).

Comme on le constate, le dispositif proposé par l'article 2 ne reprend pas l'ensemble de ces recommandations. La plupart d'entre elles ne relève, en effet, pas du domaine de la loi. En outre, le fait que le dispositif proposé soit appelé à être largement précisé par décret, notamment pour ce qui concerne la composition des comités, permettra de tirer parti des enseignements d'une expérience en cours puisqu'une circulaire du 12 juillet dernier de la ministre de l'écologie et du développement durable a demandé aux préfets de mettre en place des groupes de travail devant « permettre l'information et la concertation des différents acteurs sur les risques technologiques et leur appropriation d'une culture commune du risque » et qui seront « la préfiguration de commissions plus structurées ».

Cet article a été adopté par le Sénat sans modification.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. François Brottes, visant à doter les comités locaux d'information et de concertation sur les risques (CLIC) de la personnalité morale, afin qu'ils puissent disposer de droits et de moyens notamment pour être maîtres d'ouvrages.

M. Alain Venot, rapporteur, après avoir indiqué que les CLIC disposaient déjà des moyens financiers de faire appel à des experts reconnus, a souligné le risque de complexité résultant de cette proposition à laquelle il s'est déclaré défavorable.

M. François Brottes a remarqué que le texte de loi restait imprécis et ne prévoyait pas explicitement la possibilité que les CLIC soient maîtres d'ouvrages.

Le rapporteur, a estimé qu'il n'était pas souhaitable de compliquer la loi et a rappelé qu'un décret devait fixer les conditions d'application de cet article, le rôle des CLIC faisant l'objet d'un consensus.

M. Yves Cochet, après avoir indiqué qu'il avait lui-même déposé sur ce projet de loi 35 amendements qui seraient examinés par la Commission en application de l'article 88 du Règlement, s'est interrogé sur l'intérêt de cet amendement. Il a en effet jugé délicat d'accorder aux CLIC une personnalité morale leur permettant de déposer des plaintes en justice alors même que ces comités comprendraient des représentants d'horizons très divers, notamment des représentants de l'Etat et des exploitants. Il a souligné la nécessité que soient conciliées représentativité démocratique et effectivité juridique.

La Commission a rejeté cet amendement.

Puis, elle a examiné un amendement de M. Jean-Pierre Decool précisant que les moyens dont sont dotés les CLIC sont notamment financiers.

Le rapporteur, ayant estimé que cet amendement était inutile et pouvait conduire, du fait de sa rédaction, à jeter un doute sur la mise à la disposition du comité d'autres moyens, par exemple de secrétariat, a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Jean-Yves Le Déaut a jugé que cet amendement apportait une précision utile, dans la mesure où les moyens dont disposaient les CLIC n'étaient pas suffisamment définis pour leur permettre de réaliser, en tant que de besoin, des expertises contradictoires.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné un amendement rédactionnel du rapporteur.

M. Yves Cochet a indiqué qu'il avait déposé un amendement qui serait examiné avant le passage du texte en séance publique précisant que devraient être obligatoirement représentées dans le CLIC, dont la présidence serait confiée à une personnalité indépendante, des représentants d'associations des riverains, d'associations de protection de l'environnement, des exploitants, de l'Etat et des collectivités locales.

M. Alain Venot, rapporteur, a rappelé que l'amendement de M. Yves Cochet serait examiné ultérieurement et n'était pas incompatible avec l'amendement proposé.

M. Jean-Yves Le Déaut a estimé utile d'apporter les précisions évoquées par M. Yves Cochet puis la Commission a adopté l'amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 44) ainsi que l'article 2 ainsi modifié.

Après l'article 2

La Commission a rejeté un amendement de M. Stéphane Demilly visant à rendre obligatoire une information des conseils municipaux par les préfets sur les projets d'installation nouvelle ou soumise à déclaration, le rapporteur ayant indiqué qu'il semblait difficile, sur le plan pratique, d'exiger la transmission de projets encore non arrêtés.

Chapitre II

Maîtrise de l'urbanisation autour
des établissements industriels à risque

Article 3

Possibilité d'instituer des servitudes d'utilité publique en cas d'installation nouvelle sur un site existant ou de modification d'une installation existante

Les articles L. 515-8 et suivants du code de l'environnement permettent l'institution de servitudes d'utilité publique à l'occasion d'une demande d'autorisation relative à une installation classée « Seveso seuil haut ». Ces servitudes peuvent être instituées à l'initiative du préfet, du maire de la commune d'implantation ou du demandeur de l'autorisation d'exploitation. Elles peuvent comporter :

- la limitation ou l'interdiction du droit d'implanter des constructions ou des ouvrages et d'aménager des terrains de camping ou de stationnement de caravanes ;

- la subordination des autorisations de construire au respect de prescriptions techniques tendant à limiter le danger d'exposition aux explosions ou concernant l'isolation des bâtiments au regard des émanations toxiques ; et

- la limitation des effectifs employés dans les installations industrielles et commerciales qui seraient créées ultérieurement.

Comme on le voit, ces servitudes sont variées et peuvent être très contraignantes. Elles constituent donc des outils de maîtrise des risques très puissants. En outre, lorsque leur institution entraîne un préjudice direct, matériel et certain pour les propriétaires concernés, elle ouvre droit à une indemnisation qui est à la charge de l'exploitant. Elles permettent donc également de responsabiliser l'exploitant, incité ainsi à réduire à la source le risque donc le périmètre dans lequel l'institution des servitudes et leur indemnisation est possible.

Toutefois, ces servitudes ne peuvent, en l'état du droit, être instituées que lorsqu'une installation présentant des risques est implantée sur un site nouveau ce qui limite singulièrement leur utilisation. L'extension de leur champ a donc été recommandée à de nombreuses reprises.

Il convient d'ailleurs de rappeler que l'institution de servitudes d'utilité publique autour de certaines installations à risques avait été suggérée par le rapport publié en 1987 d'un groupe de travail sur les problèmes de l'urbanisation autour des établissements industriels dangereux présidé par M. Paul Gardent, conseiller d'Etat. Or, ce rapport recommandait d'appliquer également ce dispositif aux installations existantes.

La Commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles a également jugé que l'élargissement du champ d'utilisation des servitudes d'utilité publiques « apparaissait comme l'amélioration la plus efficace susceptible d'être apportée aux instruments de maîtrise de l'urbanisation dans les zones à risques » (2). Elle a, en outre, souligné que cet élargissement « aux installations existantes, qu'elles soient ou non classées Seveso dès lors qu'elles présentent un danger significatif » permettrait « d'éviter d'accroître les effets de seuil et les risques de contournement » (3).

Il convient toutefois de rappeler que la commission d'enquête avait également souligné que « l'efficacité de tout le dispositif de maîtrise de l'urbanisation repose sur une évaluation pertinente du risque », c'est-à-dire sur les études de dangers. Elle estimait, en conséquence, que ses propositions en matière d'urbanisme n'avaient « pas vocation à être mises en oeuvre sur la base des résultats des études de dangers actuelles mais seulement lorsque le risque aura été identifié d'une manière incontestable » (4).

En outre, la commission d'enquête n'avait pas recommandé l'institution d'un dispositif similaire aux plans de prévention des risques technologiques proposé par l'article 4 du projet de loi et qui apporte une réponse au traitement des difficultés liées à l'urbanisation autour de sites industriels existants.

L'article 3 du projet de loi s'inscrit, en effet, dans un dispositif d'ensemble incluant ces plans de prévention des risques technologiques qui permettront, pour les installations existantes, la mise en œuvre de mesures alternatives à celles qui auraient pu être prises en application de l'article L. 515-8 du code de l'environnement si le champ de celui-ci avait été étendu comme le recommandait notamment la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.

C'est pourquoi l'article 3 propose une extension plus limitée du champ d'application de l'article L.  515-8 du code de l'environnement. Il dispose, en effet, que les servitudes visées par cet article pourront également être instituées « à raison des risques supplémentaires créés par une installation nouvelle sur un site existant ou par la modification d'une installation existante, nécessitant la délivrance d'une nouvelle autorisation. ».

La notion fondamentale dans cet article est celle de risque supplémentaire. Elle ne présente pas de difficulté particulière lorsque la modification envisagée ou la nouvelle installation soumet à un risque une zone qui n'était pas exposée jusqu'alors.

En revanche, la question est plus délicate lorsque ces opérations conduiraient à soumettre à un risque une zone déjà exposée du fait de la même installation, si celle-ci est modifiée, ou d'une autre installation. Il s'agira, en effet, systématiquement d'un risque différent donc nouveau de celui créé par d'éventuelles installations existantes. Ce risque, même s'il concerne le même périmètre que celui soumis aux risques présentés par des installations existantes peut néanmoins être un risque supplémentaire au vu notamment de sa nature, de sa probabilité et de la cinétique de l'accident éventuel. Ainsi, par exemple, une zone exposée à un risque toxique par une installation existante serait exposée à un risque supplémentaire par une installation nouvelle pouvant exploser.

Pour autant, des modifications d'une installation existante ou la création d'une nouvelle installation sur un site existant se substituant à une installation ancienne peuvent également permettre une réduction effective du risque, constatée notamment sur la base des études de dangers, par rapport à celui présenté par l'installation avant sa modification ou par l'installation ancienne à laquelle la nouvelle se substitue. Il ne serait pas équitable, dans ce cas, d'instituer de nouvelles servitudes dont l'indemnisation serait à la charge de l'exploitant, ce qui pourrait même le dissuader de procéder à un investissement permettant pourtant une réduction à la source du risque. La notion de risque supplémentaire retenue par la rédaction proposée permet à l'autorité administrative d'apprécier, au cas par cas, si le risque nouveau est ou non un risque supplémentaire afin d'éviter l'institution de nouvelles servitudes dans l'hypothèse d'une réduction effective du risque ne les rendant pas nécessaires.

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 3 bis (nouveau)

Réalisation d'une étude de dangers par le demandeur d'une autorisation d'exploiter une installation classée

Cet article, issu d'un amendement de la Commission des affaires économiques du Sénat adopté contre l'avis du Gouvernement, complète l'article L. 512-1 du code de l'environnement, qui subordonne à l'obtention d'une autorisation préfectorale l'exploitation d'une installation classée présentant des risques, en prévoyant que le demandeur de cette autorisation doit fournir une étude de dangers « qui donne lieu à une évaluation des risques qui prend en compte la gravité, la probabilité d'occurrence et la cinétique des accidents potentiels ».

A l'heure actuelle, la réalisation de cette étude de dangers est imposée :

- à l'occasion des projets de création d'installations et ouvrages pour lesquels doit être établi un plan particulier d'intervention (PPI) en application de l'article L. 551-1 du code de l'environnement,

- dans le cadre d'une demande d'autorisation de mise en service d'une installation soumise à autorisation en application de l'article 3 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.

L'article 3 bis consacre donc, par voie législative, une obligation qui n'est aujourd'hui que réglementaire pour toutes les installations classées soumise à autorisation mais qui est déjà législative pour celles d'entre elles pour lesquelles doit être établi un PPI.

En second lieu, l'article 3 bis donne une définition législative des études de dangers en précisant que celles-ci donnent « lieu à une évaluation des risques qui prend en compte la gravité, la probabilité d'occurrence et la cinétique des accidents potentiels »

Comme cela a été indiqué, une telle définition existait déjà au niveau réglementaire. En effet, l'article 3 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement dispose que l'étude de dangers « d'une part, expose les dangers que peut présenter l'installation en cas d'accident, en présentant une description des accidents susceptibles d'intervenir, que leur cause soit d'origine interne ou externe, et en décrivant la nature et l'extension des conséquences que peut avoir un accident éventuel, d'autre part, justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets d'un accident, déterminées sous la responsabilité du demandeur. »

Le même article dispose également que « cette étude précise notamment, compte tenu des moyens de secours publics portés à sa connaissance, la nature et l'organisation des moyens de secours privés dont le demandeur dispose ou dont il s'est assuré le concours en vue de combattre les effets d'un éventuel sinistre ».

Comme on le voit, la définition réglementaire des études de dangers est donc précise. En revanche, la méthodologie selon laquelle ces études doivent être conduites n'est pas précisée par ce décret. Il est vrai que cette question est d'une grande technicité de sorte qu'elle ne peut guère être épuisée par un décret, ni, a fortiori, par une loi. Le dispositif adopté par le Sénat n'apporte d'ailleurs, à cet égard, que peu d'éléments.

Celui-ci se contente, en effet, d'évoquer la prise en compte de la probabilité d'occurrence des accidents sans que cela n'impose véritablement la mise en œuvre d'une méthodologie purement probabiliste, au demeurant techniquement fort difficile à élaborer pour des installations qui ne sont pas standardisées.

La Commission a examiné un amendement du rapporteur supprimant cet article.

M. Jean-Yves Le Déaut a estimé nécessaire d'envisager dès à présent à une définition, même sommaire, des études de danger, compte tenu de la diversité des méthodes et des règles dans ce domaine en Europe. Il a ainsi précisé que la Commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles, avait mis en évidence l'existence de variations très importantes dans l'étendue du périmètre de protection qui va de 50 mètres à 1 kilomètres selon les pays de l'Union européenne.

M. Alain Venot, rapporteur, a observé que les industriels souhaitaient disposer de telles études de danger et que l'objectif d'une meilleure définition était partagé par tous. Il a toutefois renouvelé son opposition à l'article introduit par le Sénat, qu'il a jugé inutile en l'état.

La Commission a adopté l'amendement du rapporteur supprimant l'article 3 bis (amendement n° 45) et un amendement de M. Jean-Pierre Decool, précisant que l'étude de dangers donne lieu à une évaluation quantitative et financière des dommages potentiels, est, en conséquence, devenu sans objet.

Article 4

Plan de prévention des risques technologiques

L'article 4 du projet de loi complète le chapitre V du titre Ier du livre V du code de l'environnement par une section 6 instituant des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), principal instrument crée par le projet de loi pour apporter une réponse au problème posé par l'urbanisation au voisinage des installations dangereuses.

Ces plans détermineront autour de chaque installation présentant des risques élevés un périmètre exposé aux risques à l'intérieur duquel des servitudes pourront être instituées, des mesures prises et des recommandations formulées avant de limiter les dangers pour les populations.

Les installations concernées sont, d'une part, les installations classées à la rubrique « AS » dites « Seveso seuil haut » et, d'autre part, les stockages souterrains de produits dangereux définis à l'article 3-1 du code minier, qui ne sont pas mentionnés à l'article 4 mais auxquels l'article 15 du projet de loi rend applicables les dispositions des articles créés par celui-ci dans le code de l'environnement.

Section 6

Installations soumises à un

plan de prévention des risques technologiques

Article L. 515-15 (nouveau) du code de l'environnement

Elaboration des plans de prévention des risques technologiques

Le premier alinéa de l'article L. 515-15 du code de l'environnement créé par l'article 4 du projet de loi dispose que les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) sont élaborés et mis en œuvre par l'Etat.

Il précise ensuite les installations autour desquelles ils peuvent l'être qui sont les installations « existantes » classées « Seveso seuil haut ». La mention de ce mot « existantes » est curieuse. On conçoit bien ce que sont les installations existantes à une date donnée. En revanche, sans une telle précision, cette mention semble superfétatoire.

La question n'est toutefois pas d'ordre purement rédactionnel. L'alternative rédactionnelle qui est de supprimer ce mot ou d'en préciser la portée en indiquant la date à laquelle cette existence doit être appréciée (qui ne peut a priori être que la date de la publication de la loi) emporte, en effet des conséquences assez lourdes.

Dans le premier cas, qui améliorerait la rédaction retenue par le Sénat sans en modifier la portée juridique, des PPRT pourraient, en effet, être mis en œuvre autour d'installations futures. Or, les mesures les plus importantes pouvant être prises dans le périmètre du PPRT, comme la mise en œuvre du droit de délaissement au profit des riverains ou leur expropriation, sont des solutions insatisfaisantes, pénibles pour les riverains et coûteuses pour les finances publiques, qui ne sont justifiés que par la regrettable nécessité de résorber progressivement au voisinage d'installations à risques une urbanisation qui n'aurait pas dû s'y développer. Ces mesures ne doivent donc pas devenir un mode normal de régulation des carences de la maîtrise de l'urbanisation par l'Etat et par les collectivités compétentes. Des instruments, renforcés par la présente loi, existent en effet pour empêcher qu'une urbanisation se développe au voisinage de nouvelles installations présentant des risques. Il n'est donc pas souhaitable de permettre la mise en œuvre des PPRT autour des installations futures ce qui justifie de ne pas en rester à l'esprit de la rédaction du Sénat.

En revanche, d'autres mesures du PPRT, comme la définition de recommandations de protection des populations ou l'institution de servitudes d'utilité publique, pourraient utilement être prises au voisinage d'installations futures sans que le droit existant ne permette de le faire dans les mêmes conditions. Il n'est donc pas, non plus, souhaitable de restreindre le champ des PPRT aux seules installations existantes à la date de publication de la loi en complétant en ce sens la rédaction adoptée par le Sénat.

En conséquence, une solution plus complexe que l'alternative rédactionnelle simple précédemment évoquée est nécessaire pour permettre l'application des PPRT à l'ensemble des installations, y compris les installations implantées après la publication de la loi, tout en excluant l'application de certaines de leurs dispositions pour ces installations nouvelles. Cela implique d'en rester, au premier alinéa de l'article L. 515-15 créé dans le code de l'environnement, à l'esprit de la rédaction du Sénat, en supprimant donc simplement le mot « existantes » inutile et de compléter par ailleurs le dispositif, ce que votre Commission vous proposera par un amendement portant sur l'article L. 515-17 du même code.

Enfin, ce premier alinéa précise que les PPRT ont pour objet de limiter les effets d'accidents susceptibles « d'affecter les populations, tels que les explosions, les incendies, les projections et les rejets de produits dangereux pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques directement ou par pollution du milieu ». Cette énumération non exhaustive des accidents éventuels n'apporte rien et les accidents « pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques » sont, par définition, susceptibles « d'affecter les populations ».

La Commission a donc adopté un amendement de simplification rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 46) et un amendement de M. Jean-Pierre Decool visant à préciser que la dangerosité des produits s'apprécie au regard de leur nature mais aussi de leur concentration est, en conséquence, devenu sans objet.

Puis, la Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Pierre Decool visant à faire référence, pour l'évaluation des dommages causés au milieu, à leurs conséquences sur les usages de celui-ci. M. Christian Decocq a indiqué que cette référence lui semblait nécessaire, le milieu naturel n'ayant pas seulement une valeur intrinsèque. Il a ainsi cité l'exemple des nappes phréatiques, lesquelles ne deviennent une richesse qu'à compter du moment où elles sont exploitées.

M. Michel Piron a apporté son soutien à cette démarche, qu'il a jugé légitime et noble.

M. Alain Venot, rapporteur, a remarqué que le texte examiné traitait des personnes plus que des milieux. Il a ajouté que ce débat sur la définition des dommages aux milieux concernait également les pollutions d'origine agricoles et pourrait donc être poursuivi dans un projet de loi ultérieur traitant de la protection de l'eau. En conséquence, M. Jean-Pierre Decool a retiré son amendement.

Le second alinéa de l'article L. 515-15 du code de l'environnement créé par l'article 4 du projet de loi précise que les PPRT « délimitent un périmètre exposé aux risques en tenant compte de la nature et de l'intensité des risques décrits dans les études de dangers et des mesures de prévention mises en œuvre ». Ces études de dangers sont appelées à être révisées régulièrement et de nouvelles études de dangers peuvent être réalisées à l'occasion de la création de nouvelles installations notamment. Le PPRT intégrera les résultats de ces études de dangers, s'ils conduisent à une modification substantielle des risques, à l'occasion de ses révisions périodiques.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. François Brottes instituant une prise en compte par les PPRT de la réglementation communale sur le transport de matières dangereuses. M. François Brottes a souligné que la limitation des prescriptions des PPRT aux seuls sites ne permettait pas de prendre en compte les risques associés à la circulation de camions chargés de matières dangereuses.

Le rapporteur a estimé nécessaire de mener sur ce sujet une réflexion plus vaste et approfondie, dans l'attente des conclusions du rapport sur le stockage et le transit des matières dangereuses qui devrait être remis au mois de mars aux ministres chargés de l'environnement et des transports. Il a ajouté que, dans ce cadre, certaines propositions pourraient faire l'objet d'amendements lors de l'examen du projet de loi en deuxième lecture.

M. Yves Cochet a estimé nécessaire d'évoquer dès maintenant la question du transport de substances dangereuses et a ajouté que la limitation des mesures de prévention aux sites Seveso serait une erreur, compte tenu de l'existence de risques très importants dans d'autres zones. Il a ainsi remarqué que la gare de Lyon Part-Dieu était probablement la zone la plus dangereuse de la région Rhône-Alpes, puisqu'elle met chaque jour en contact près de 100 000 passagers avec des wagons contenant des substances chimiques toxiques, telles que le chlore ou le phosgène.

M. Jean-Yves Le Déaut a jugé que la gravité de ce problème imposait la constitution d'une commission d'enquête parlementaire, qui avait été recommandée par la Commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles.

M. François Brottes a noté que l'amendement proposé, sans régler le problème dans son ensemble, avait pour intérêt de mentionner la prise en compte par les PPRT de la sécurité du transport des matières dangereuses et de l'accès aux sites. Il a ajouté que l'adoption en première lecture d'un tel amendement témoignerait de l'implication du Parlement sur ces questions.

M. Christian Decocq s'est interrogé sur le contenu des schémas de circulation des matières dangereuses et sur les mesures de sécurité en vigueur dans la gare de Lyon Part-Dieu.

M. Alain Venot, rapporteur, a indiqué qu'il convenait de faire prévaloir dans les textes de loi le contenu normatif sur les simples déclarations d'intention. Il s'est donc opposé à l'adoption immédiate d'un tel amendement mais a jugé possible l'inclusion dans le projet de loi d'une disposition améliorée au cours des prochaines semaines.

M. Yves Cochet a remarqué que le Conseil constitutionnel avait progressivement mis au point une « théorie de l'entonnoir » selon laquelle des dispositions relatives à des questions n'ayant pas été abordées précédemment ne pouvaient pas être adoptées en nouvelle lecture.

M. François Brottes a souligné que le renvoi à un débat ultérieur de cette question risquait de n'être qu'une mesure dilatoire.

La Commission a alors adopté cet amendement (amendement n° 47).

Article L. 515-16 (nouveau) du code de l'environnement

Contenu des PPRT

Cet article prévoit que les PPRT, d'une part, délimiteront, à l'intérieur de leur périmètre, des zones et secteurs à l'intérieur desquels des servitudes pourront être instituées et des mesures prises pour maîtriser l'urbanisation passée et future, et, d'autre part, seront l'occasion de prescrire des mesures et de définir des recommandations pour protéger les populations en cas d'accident.

Le premier alinéa précise que le contenu du PPRT, qui s'appliquera à l'intérieur du périmètre exposé aux risques défini par celui-ci, pourra être adapté à l'occasion de l'élaboration de chaque plan en fonction de la nature des risques et notamment de leur gravité. Il en résulte que tous les PPRT ne comprendront pas nécessairement les cinq catégories de dispositions prévues par le présent article codifié et que le contenu de chacune d'entre elles sera naturellement adapté aux spécificités locales.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 48).

Les trois paragraphes suivants permettent la délimitation de zones et de secteurs exposés à un risque croissant dans lesquels les mesures prises pour mettre fin à une urbanisation dangereuse sont d'autant plus radicales que le risque est important.

Le premier alinéa du paragraphe I permettra ainsi l'institution de servitudes visant à maîtriser l'urbanisation future à proximité des installations dangereuses. Le PPRT pourra en effet délimiter des zones dans lesquelles les constructions seront interdites ou subordonnées au respect de prescriptions. Ces prescriptions pourront être relatives à la construction, ce qui permettra, par exemple, d'imposer la présence de lieux confinés en cas de risque toxiques ou la protection des vitres contre les effets de souffle en cas d'explosion, mais aussi à l'utilisation et à l'exploitation des éléments construits, afin notamment de limiter le nombre de personnes susceptibles d'être accueillies.

Les éléments dont la construction peut être interdite ou subordonnée au respect de prescriptions sont définis d'une manière large puisqu'il s'agit de « tous nouveaux ouvrages, habitations, aménagements, installations artisanales, commerciales, agricoles ou industrielles ou voies de communication ».

Cette rédaction n'est pas pleinement satisfaisante. En premier lieu, les aménagements se réalisent plus qu'ils ne se construisent. En second lieu, l'énumération n'est pas nécessairement la méthode la meilleure pour garantir l'exhaustivité. Ici, par exemple, l'extension de constructions existantes n'est pas visée.

La Commission a donc adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 49).

Le second alinéa de ce paragraphe dispose que, dans ces zones, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents pourront instaurer le droit de préemption urbain dans les conditions définies à l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme. En préemptant les biens cédés dans ces zones, il sera ainsi possible de diminuer progressivement, au rythme des mutations de biens, la présence de populations dans ces zones.

Le paragraphe II dispose que le PPRT pourra délimiter, à l'intérieur des zones visées au I, des secteurs dans lesquels les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents pourront instituer un droit de délaissement.

L'institution d'un tel droit dans les zones exposées aux risques avait été recommandée par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la sûreté des installations industrielles. Le rapport de celle-ci en expliquait clairement le mécanisme :

« Le droit de délaissement est (...) aujourd'hui reconnu à des propriétaires dont le bien est grevé d'une servitude d'urbanisme qui affecte leur droit de propriété. Il leur permet d'exiger l'acquisition de ce bien par la collectivité ou le service public bénéficiaire de cette servitude c'est à dire au bénéfice duquel le terrain a été réservé pour permettre par exemple la construction ou l'installation future d'un ouvrage public, d'une voie publique, d'une installation d'intérêt général ou d'un espace vert.

(...) Régi par les articles L. 230-1 et suivants du Code de l'urbanisme, le droit de délaissement s'exerce à l'initiative du propriétaire qui met en demeure la collectivité ou le service public au bénéfice duquel le terrain a été réservé d'acquérir son bien.

La collectivité ou le service public qui fait l'objet de la mise en demeure doit se prononcer dans le délai d'un an à compter de la réception en mairie de la demande du propriétaire.

A défaut d'accord amiable sur le prix à l'expiration du délai d'un an mentionné au premier alinéa, le juge de l'expropriation, saisi, soit par le propriétaire, soit par la collectivité ou le service public qui a fait l'objet de la mise en demeure, prononce le transfert de propriété et fixe le prix de l'immeuble.

Ce prix, y compris l'indemnité de réemploi, est fixé et payé comme en matière d'expropriation, sans qu'il soit tenu compte des dispositions qui ont justifié le droit de délaissement.

Il s'agit donc d'un dispositif protecteur des intérêts des propriétaires concernés et qui repose sur leur initiative. » (5)

Le projet de loi propose de permettre l'instauration de ce droit par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunales compétents dans des secteurs délimités « en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger grave pour la vie humaine ». L'exposition aux risques des populations y sera donc plus forte que dans les zones mentionnées au I ce qui justifie le délaissement qui permet une prise de possession publique des biens plus rapide qu'avec la procédure de la préemption.

La première phrase du paragraphe II de cet article codifié dispose que peuvent être délaissés les « constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations existants ». La mention du mot « existants », qui n'est pas assortie d'une précision quant à la date à laquelle cette existence doit être appréciée, n'est pas d'un intérêt évident. Il convient donc de préciser que cette existence doit être appréciée à la date d'approbation du PPRT.

En outre, le champ des éléments pouvant être délaissés apparaît excessif. Aux termes de cette rédaction, une commune pourrait, en effet, se voir contrainte d'acquérir des biens dont la présence dans le secteur exposé aux risques n'augmente pas l'exposition des populations à celui-ci. Il importe, en effet, de noter qu'une fois le droit de délaissement instauré, la commune ou l'EPCI concerné ne maîtriseront plus les biens qu'ils devront acquérir, alors qu'ils conserveront, en tout état de cause, l'initiative en matière d'expropriation. Le coût potentiel d'un droit de délaissement trop largement instauré peut donc être insupportable pour la collectivité concernée.

Enfin, et surtout, il ne semble pas que la rédaction actuelle puisse permettre le délaissement de parties de bâtiments, et donc notamment celui des appartements qui sont pourtant les principaux biens pour lesquels il convient d'ouvrir ce droit.

Il convient donc, à la fois, de permettre le délaissement des appartements et d'encadrer les dérives potentielles.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur disposant que pourront être délaissés les bâtiments ou parties de bâtiments abritant un ou plusieurs logements et existants à la date d'approbation du PPRT (amendement n° 50).

La première phrase précise, en outre, que le droit de délaissement s'exerce dans les conditions définies aux articles L. 230-1 et suivants du code de l'urbanisme régissant ce droit.

La dernière phrase du troisième alinéa de l'article L. 230-3 du code de l'urbanisme prévoit que le prix de l'immeuble délaissé « , y compris l'indemnité de réemploi, est fixé et payé comme en matière d'expropriation, sans qu'il soit tenu compte des dispositions qui ont justifié ce droit de délaissement ». L'avant-dernière phrase du paragraphe II de l'article L. 515-16 du code de l'environnement créé, par le projet de loi, dispose que, « toutefois », lors de la mise en œuvre de ce droit, la valeur du bien, pour la détermination du prix d'acquisition, est « appréciée sans tenir compte de la dépréciation supplémentaire éventuelle apportée par l'intervention de la servitude ».

La disposition proposée peut donc paraître inutile. Elle ne l'est pourtant pas. Le code de l'urbanisme renvoie, en effet, à des « dispositions qui ont justifié le droit de délaissement », notion qui n'est pas aisément transposable dans le cas de l'exercice de ce droit lorsqu'il est institué par un PPRT. Il est donc légitime de déroger, sur ce point, au droit commun du délaissement. Il convient toutefois de préciser, dans un souci de clarification, la servitude dont il n'est pas tenu compte dans la détermination de la valeur du bien délaissé. Celle-ci est la servitude instituée par le plan sur le fondement du I du présent article codifié.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 51).

Enfin, la dernière phrase du paragraphe II, ajoutée par le Sénat, précise que la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale ayant instauré le droit de délaissement peuvent confier par convention à un établissement public le soin de réaliser l'acquisition des biens délaissés. Cette rédaction ne conduit donc pas à déléguer de compétence à cet établissement public dont le caractère n'est pas précisé, souplesse permettant notamment qu'il s'agisse, selon les cas, d'un établissement public national ou local.

M. Jean-Yves Le Déaut a présenté un amendement visant à étendre le droit de délaissement aux zones incluses dans les plans de prévention des risques miniers. Il a rappelé que l'instauration du droit de délaissement avait été préconisée par le rapport de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles et qu'il était déjà possible pour les risques naturels. Il a également rappelé que la nécessité d'instaurer un dispositif analogue pour les zones touchées par un risque minier avait été soulignée lors de la discussion de la loi n° 99-245 du 30 mars 1999 relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation. Il a enfin précisé qu'un amendement similaire à celui qu'il proposait avait reçu un accueil favorable au Sénat, mais que le Gouvernement lui avait opposé l'irrecevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution.

M. Alain Venot, rapporteur, après avoir émis des doutes sur l'opportunité de faire figurer un tel dispositif dans ce projet de loi, a noté que rien n'était prévu quant à ses modalités de financement.

M. Jean-Yves Le Déaut a indiqué que le problème du financement concernait l'ensemble des mesures de prévention des risques technologiques prévues par l'article 4 du présent projet.

Le rapporteur, a répondu que le financement n'était prévu que pour des mesures prises dans le cadre des plans de prévention des risques technologiques.

M. Jean-Yves Le Déaut a indiqué que le financement des plans de prévention des risques miniers devait être assuré par des conventions qui n'avaient pas été conclues dans certaines régions. Il a souligné l'intérêt de mettre en place des établissements publics fonciers dédiés, formule qui pourrait également être retenue pour la prévention des risques industriels et qui permettrait notamment de soutenir les industriels faisant un effort particulier de prévention des risques. Il a indiqué que de tels établissements pourraient également gérer les procédures de délaissement, de préemption et d'expropriation prévus par le présent projet de loi.

Le rapporteur s'est dit défavorable à cet amendement qui vise à prévenir les risques miniers et les risques technologiques de la même manière alors qu'ils relèvent de problématiques différentes et que le risque technologique présente, en outre, un danger immédiat pour la sécurité des personnes.

La Commission a rejeté cet amendement.

Le premier alinéa du paragraphe III dispose que le PPRT pourra délimiter, à l'intérieur des zones visées au I, des secteurs dans lesquels l'Etat pourra déclarer d'utilité publique des expropriations par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents et à leur profit.

La procédure suivie pour réaliser cette expropriation n'est nullement précisée.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 52) ainsi qu'un amendement du même auteur (amendement n° 53) précisant que l'expropriation est régie par les dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Le projet de loi propose de permettre cette déclaration d'utilité publique de l'expropriation dans des secteurs qui seront délimités « en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine ». Comme nous l'avons vu, les secteurs délimités conformément au II se caractérisent, eux, par l'existence de risques de même nature mais ne présentant qu'un danger grave pour la vie humaine.

Il est précisé que pourront être expropriés les « constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations ». Cette rédaction, identique à celle retenue au II pour qualifier les biens pouvant être délaissés, présente, ici encore, des inconvénients. Ils ne sont toutefois pas identiques car la collectivité concernée gardant la maîtrise des biens qu'elle souhaite exproprier, le fait que cette rédaction soit, à certains égards, trop large n'est pas une source d'inquiétudes.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur définissant de manière la plus large les biens pouvant être expropriés en employant la rédaction d' « immeubles et droits réels immobiliers » utilisée par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (amendement n° 54).

Enfin, l'expropriation d'un immeuble est conditionnée par le fait que « les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent impossibles ou plus coûteux que l'expropriation », rédaction voisine de celle figurant actuellement à l'article L. 561-1 du code de l'environnement qui régit les expropriations de biens exposés à des risques naturels majeurs.

Le deuxième alinéa ouvre, dans le cas où la gravité des risques potentiels rend nécessaire la prise de possession immédiate, la possibilité d'utiliser dans ces secteurs la procédure d'expropriation d'extrême urgence prévue par les articles L. 15-6 à L. 15-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Cette procédure nécessite un décret rendu sur avis conforme du Conseil d'Etat mais est beaucoup plus rapide. Sa mise en œuvre est également prévue pour les expropriations de biens exposés à des risques naturels majeurs par l'article L. 561-1 du code de l'environnement.

Enfin, le dernier alinéa prévoit que pour la détermination du prix d'acquisition ou du montant des indemnités, il n'est pas tenu compte de la dépréciation supplémentaire éventuelle apportée au bien par l'intervention de la servitude.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 55) précisant que la servitude visée est celle instaurée conformément au I du présent article codifié.

Le premier alinéa du paragraphe IV dispose que le PPRT pourra prescrire des mesures de protection des populations contre les risques. Ces mesures seront relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des installations et des voies de communication existant à la date d'approbation du PPRT. Des servitudes similaires pourront, en effet, être imposées par le PPRT aux constructions nouvelles conformément au I du présent article codifié. La mise en œuvre de ces mesures sera obligatoire dans un délai déterminé par le plan.

Le second alinéa précise que les travaux ainsi prescrits ne peuvent porter que sur des aménagements dont le coût n'excède pas les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. Il a été précisé par le Gouvernement à votre rapporteur que les dispositions de ce décret s'inspireraient, sur ce point, de celles de l'article 5 du décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995 relatif aux plans de prévention des risques naturels prévisibles qui prévoit que le coût des « aménagements limités » prescrits doit être « inférieur à 10 p. 100 de la valeur vénale ou estimée du bien à la date d'approbation du plan », seuil permettant de garantir l'entier respect du droit de propriété protégé par notre Constitution ainsi que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

De tels travaux pourront, par exemple, permettre de renforcer la protection des vitres contre les effets de souffle ou prévoir des dispositifs de confinement.

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos56 et 57).

Le paragraphe V dispose que le plan pourra également définir des recommandations tendant à renforcer la protection des populations. Parmi ces recommandations, on peut envisager que figurent notamment la réalisation de travaux de protection dont le coût serait trop élevé pour qu'ils puissent être imposés aux propriétaires sans porter atteinte à leur droit de propriété.

Article L. 515-17 (nouveau) du code de l'environnement

Cession aux exploitants à l'origine du risque des terrains exposés à celui-ci acquis par les collectivités publiques

Cet article permettait la cession aux exploitants à l'origine du risque des terrains exposés à celui-ci acquis par les collectivités publiques par préemption, délaissement ou expropriation.

Le Sénat a supprimé cet article afin de le déplacer après l'article L. 515-19 relatif notamment au financement des mesures de délaissement et d'expropriation.

Une nouvelle utilisation peut toutefois être trouvée à cet article codifié. En effet, comme cela a été indiqué dans le commentaire des dispositions de l'article L. 515-15 du code de l'environnement, il n'est pas souhaitable de permettre l'application de l'ensemble des dispositions des PPRT autour d'installations nouvelles implantées après la publication de la loi. La mise en œuvre du droit de délaissement au profit des riverains ou leur expropriation, sont, en effet, des solutions insatisfaisantes qui ne sont justifiés que par la regrettable nécessité de résorber progressivement une urbanisation anormale au voisinage d'installations à risques qui n'aurait pas dû s'y développer. Ces mesures ne doivent donc pas devenir un mode normal de régulation des carences de la maîtrise de l'urbanisation par l'Etat et par les collectivités compétentes. Des instruments, renforcés par la présente loi, existent en effet pour empêcher qu'une urbanisation se développe au voisinage de nouvelles installations présentant des risques.

Il n'est donc pas légitime de permettre l'application des mesures prévues au II et au III de l'article L. 515-16 du code de l'environnement en raison de risques créés par des installations nouvelles.

La Commission a examiné un amendement du rapporteur visant à limiter la possibilité de procéder à des expropriations ou à des délaissements aux biens menacés par des risques crées par des installations existantes à la date de publication de la loi. Le rapporteur a indiqué que ces mesures, compte tenu de leurs inconvénients, n'avaient en effet pas vocation à devenir un mode normal de régulation de l'urbanisation autour des sites à risques mais qu'elles devaient se limiter à résorber les situations anormales héritées du passé.

M. David Habib a estimé qu'il fallait cependant réduire le risque à la source, objectif que le projet de loi ne poursuivait pas véritablement.

En réponse, le rapporteur a indiqué qu'il serait favorable à l'adoption d'un amendement présenté par M. François-Michel Gonnot visant à mieux prévenir les risques à la source.

La Commission a adopté l'amendement du rapporteur rétablissant un article L. 515-17 du code de l'environnement disposant que les mesures visées au II et III de l'article L. 515-16 du même code ne peuvent être prises qu'à raison de risques créés par des installations existantes à la date de publication de la présente loi (amendement n° 58).

Article L. 515-18 (nouveau) du code de l'environnement

Mise en œuvre progressive des mesures des PPRT

Dans la rédaction initiale du projet de loi, cet article prévoyait que la mise en oeuvre des mesures prévues par les plans de prévention des risques technologiques, en particulier au II et au III de l'article L. 515-16, devait « tendre à la résorption progressive des situations d'exposition au risque causées par les installations existantes, en fonction notamment de la probabilité, de la gravité et de la cinétique des accidents potentiels ainsi que du rapport entre le coût des mesures envisagées et le gain en sécurité attendu ».

Dans le louable souci de ne retenir dans cet article « que ce qui est juridiquement opératoire », la Commission des affaires économiques du Sénat a proposé à celui-ci, qui l'a suivi, une rédaction globale de cet article aux termes de laquelle « les mesures prévues par les plans de prévention des risques technologiques, en particulier au II et au III de l'article L. 515-16, sont mises en œuvre progressivement en fonction notamment de la probabilité, de la gravité et de la cinétique des accidents potentiels ainsi que du rapport entre le coût des mesures envisagées et le gain en sécurité attendu. »

Cette nouvelle rédaction ne bouleverse donc pas l'équilibre du dispositif. Celui-ci repose sur l'idée d'une mise en oeuvre progressive des PPRT compte tenu de l'ampleur de la tâche de résorption des situations d'urbanisation au voisinage d'installations dangereuses issues du passé et de son coût. Il s'agit donc d'amorcer une reconquête de longue haleine, dont l'exposé des motifs du projet de loi estime qu'elle « s'étendra vraisemblablement sur deux ou trois dizaines d'années » tout en précisant, naturellement, que la priorité devra porter sur les zones où l'exposition des populations est la plus importante.

Article L. 515-19 (nouveau) du code de l'environnement

Financement des mesures d'urbanisme des PPRT et gestion des terrains
acquis dans ces zones

Le paragraphe I règle le financement des mesures de délaissement et d'expropriation mises en œuvre dans le cadre du PPRT.

La rédaction initiale du projet de loi prévoyait que l'État, ainsi que les exploitants des installations à l'origine du risque, pouvaient conclure avec les collectivités territoriales et leurs groupements des conventions fixant leurs contributions respectives au financement de ces mesures.

Elle posait donc le principe d'un cofinancement par l'Etat et l'exploitant des mesures prises par les collectivités locales. Ce principe est sain compte tenu des difficultés inextricables qui résulteraient d'une recherche des responsabilités des différents acteurs dans le développement de l'urbanisation au voisinage des installations dangereuses.

Toutefois, la rédaction retenue n'était pas pleinement satisfaisante car elle faisait reposer, en pratique, la charge du financement sur les seules collectivités sous réserve de la conclusion, possible mais non obligatoire, de conventions avec l'Etat et les exploitants.

Le Sénat a, en conséquence, adopté une rédaction sensiblement différente. Celle-ci pose, dans une première phrase, le principe d'un financement tripartite sans toutefois placer les trois catégories d'intervenants sur un complet pied d'égalité puisque le financement par les collectivités territoriales et leurs groupement n'est prévu qu'en tant que de besoin. Cette distinction n'apparaît pas opportune.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur la supprimant (amendement n° 59).

Il convient également de noter que le coût de la remise en cause de l'urbanisation dans les zones exposées à des risques industriels ne se limitera pas à celui de l'acquisition des biens situés dans ces zones. Dans de nombreux cas, la démolition d'ouvrages et de bâtiments sera, en effet, nécessaire afin de permettre une nouvelle utilisation des terrains concernés.

La Commission a, en conséquence, adopté un amendement du rapporteur élargissant au coût des éventuelles démolitions le champ des dépenses cofinancées dans le cadre des conventions prévues au présent article (amendement n° 60).

La seconde phrase de la rédaction du Sénat règle la mise en œuvre de ce financement tripartite en disposant que les trois catégories d'intervenants pourront conclure une convention fixant leurs contributions respectives.

Là encore, cette rédaction n'est pas pleinement satisfaisante car elle est insuffisamment protectrice des intérêts des collectivités territoriales. Elle ne rend pas obligatoire, en effet, la conclusion des conventions de financement. Or, en l'absence de celles-ci et nonobstant les dispositions de la phrase précédente qui pose un principe dont il s'agit, ici, de décliner les modalités concrètes de mise en œuvre, ce sont les collectivités et elles seules qui auront à financer les mesures de délaissement et d'expropriation qu'une pression politique forte les contraindra, de fait, à mettre en œuvre une fois les secteurs concernés délimités par le plan.

M. Jean-Yves Le Déaut a indiqué qu'un système impliquant une convention risquait de ne pas fonctionner, comme l'illustrait l'exemple des plans de prévention de risques miniers. Il a également jugé qu'un financement reposant sur l'exploitant, l'Etat et la collectivité locale restait en effet souvent trop coûteux pour des petites communes qui ne peuvent financer des mesures de délaissement ou de préemption.

M. Alain Venot, rapporteur, a indiqué qu'un accord tripartite n'impliquait pas un financement par parts égales et n'empêchait pas l'Etat de se substituer aux collectivités locales lorsque ces dernières n'avaient pas les moyens de participer à la mise en œuvre du dispositif.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rendant la conclusion des conventions de financement obligatoire (amendement n° 61).

Il convient de préciser que, compte tenu du caractère inextricable du partage des responsabilités précédemment évoqué et de la grande diversité des situations locales et notamment des moyens des collectivités, il ne parait pas possible de définir par la loi une clé de répartition du financement. Le recours à des conventions locales parait donc inévitable. Même si leur conclusion est obligatoire, celle-ci pourra, de fait, tarder. Si l'expérience met en évidence des situations de blocage persistantes, il sera évidemment envisageable d'adopter de nouvelles dispositions législatives plus contraignantes.

En l'état, et sans même se placer dans un scénario trop pessimiste, il convient au moins de régler la situation pendant l'éventuelle période transitoire entre l'approbation des plans et la conclusion de la convention de financement. Le risque est, là aussi, que durant cette période les collectivités supportent seules la charge du financement des mesures de délaissement et d'expropriation qu'elles pourraient juridiquement refuser de mettre en œuvre mais qui seront sans doute vivement sollicitées par les riverains, une fois les secteurs concernés délimités. On imagine, en effet, la pression qui s'exercera sur les collectivités locales une fois que le préfet aura officiellement estimé qu'un secteur comprenant éventuellement des habitations présente « des risques importants d'accidents à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine » selon les termes du III de l'article L. 515-16 du code de l'environnement. Il est donc préférable que cette pression s'exerce sur l'ensemble des parties à la convention de financement qui sont conjointement responsables de la situation.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur disposant que le délaissement et l'expropriation, sauf dans le cadre de la procédure d'extrême urgence, ne pourront être mis en œuvre par les collectivités territoriales compétentes qu'une fois la convention de financement conclue (amendement n° 62).

M. François-Michel Gonot a ensuite présenté un amendement permettant à l'Etat et aux collectivités territoriales de participer au financement des mesures de prévention des risques de l'exploitant lorsque le coût de cette intervention est moindre que celui des mesures d'expropriation et de délaissement. Il a estimé que cette mesure permettrait d'encourager la prévention du risque à la source et que si les règles communautaires encadraient strictement les aides directes aux entreprises, une contribution de ce type pourrait être acceptable au regard du droit communautaire.

M. Alain Venot, rapporteur, a indiqué qu'il était vivement favorable à un tel amendement.

M. Yves Cochet s'est dit personnellement défavorable à cet amendement dans la mesure où il instaure le principe « pollueur payé ». Il a dénoncé l'idée selon laquelle une entreprise exerçant une activité à risque devrait avoir droit à une aide publique pour procéder à une politique de prévention en estimant qu'elle devrait en supporter seule le coût. Il a également estimé que le financement de la réduction des risques industriels ne saurait reposer sur un strict calcul de rentabilité dans la mesure où les vies sont en jeu.

M. David Habib a affirmé être en désaccord avec le premier argument de M. Yves Cochet dans la mesure où le droit de délaissement correspond, en fait, également une aide de la collectivité à destination de l'entreprise responsable. Il a, par ailleurs, regretté que le dispositif ne permette pas d'inciter les industriels à réaliser des investissements propres à réduire leurs risques industriels.

M. François-Michel Gonnot a indiqué que l'amendement qu'il présentait s'inspirait des propositions du rapport de la commission d'enquête sur la catastrophe de Toulouse. Il a estimé qu'il ne s'agissait nullement d'une sorte de principe « pollueur-payé » dans la mesure où seules des actions de prévention allant au-delà des contraintes imposées par la réglementation pourraient être aidées. Enfin, il a précisé que l'approche, peut-être excessivement comptable de l'amendement, visait à garantir sa compatibilité avec les règles communautaires.

M. Jean-Yves Le Déaut a renouvelé ses réserves sur l'efficacité d'un financement par des conventions. Il a toutefois estimé que l'expropriation et le délaissement ne devaient être que des solutions de dernier recours et que des actions très efficaces étaient possibles en matière de réduction à la source des risques, comme l'avait constaté la Commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles, mais qu'elles se heurtaient aujourd'hui à des obstacles juridiques très lourds. Il a donc estimé que l'amendement proposé, à défaut d'être parfait, lui paraissait intéressant.

Le rapporteur a jugé que des arguments d'ordre moral ne lui paraissaient pas pouvoir être utilement opposés à cet amendement. Il a, en effet, estimé que toutes les mesures prévues par le PPRT visaient le même objectif peu contestable de sécurité des populations et que cet amendement permettait simplement de choisir, lorsqu'elle existe, la solution la moins coûteuse et la moins pénible pour les riverains. Il a, en outre, estimé que l'ensemble du dispositif permettrait d'inciter l'exploitant de réduire les risques à la source afin de limiter le périmètre dans lequel seront mises en œuvre des mesures qu'il cofinancera.

La Commission a adopté l'amendement de M. François-Michel Gonnot (amendement n° 63).

Le paragraphe II règle la gestion des terrains situés dans les zones mentionnées au I de l'article L. 515-16 ou dans les secteurs mentionnés aux II et III du même article. Il prévoit qu'une convention sera conclue dans un délai d'un an à compter de l'approbation du plan par les collectivités territoriales compétentes ou leurs groupements et les exploitants afin de préciser les conditions de gestion et d'aménagement de ces terrains.

Cette convention visera à définir des utilisations de ces terrains permettant d'éviter à la fois qu'ils ne deviennent des friches et, bien sûr, qu'ils n'exposent des populations aux risques.

La Commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos64, 65 et 66).

Le second alinéa de ce paragraphe précise que cette convention peut associer si nécessaire les propriétaires bailleurs afin de définir les conditions de relogement des occupants des immeubles expropriés.

Cette rédaction n'est pas satisfaisante. Dès lors que des occupants sont contraints de quitter leur domicile, l'organisation de leur relogement est une nécessité. La définition du programme de relogement doit donc être obligatoire et non facultative. En revanche, il sera en pratique difficile d'y associer l'ensemble des bailleurs privés concernés sauf à accepter de retarder considérablement la conclusion de la convention.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rendant obligatoire cette convention dès lors que des occupants doivent être relogés, prévoyant que les bailleurs sociaux concernés en sont parties et que les autres bailleurs peuvent également y être associés (amendement n° 67).

Article L. 515-19-1 (nouveau) du code de l'environnement

Cession aux exploitants à l'origine du risque des terrains exposés à celui-ci
acquis par les collectivités publiques

Cet article, créé par le Sénat, reprend les dispositions figurant dans la rédaction initiale du projet de loi à l'article L. 515-17 ainsi déplacées.

Il prévoit que les terrains acquis par l'Etat et les communes ou leurs groupements par préemption, délaissement ou expropriation peuvent être cédés à prix coûtant aux exploitants des installations à l'origine du risque.

Article L. 515-20 (nouveau) du code de l'environnement

Mention dans le PPRT des servitudes d'utilité publique instituées

Cet article prévoit la mention dans le PPRT des servitudes d'utilité publique éventuellement instituées pour des installations nouvelles en application de l'article L. 515-8, qui, tel que modifié par le projet de loi, concerne l'institution de servitude autour des installations nouvelles ou en raison de modifications des installations existantes créant un risque supplémentaire. Cette disposition permettra à un document unique de recenser l'ensemble des servitudes d'utilité publique liées aux risques industriels dans les zones couvertes par un PPRT.

Article L. 515-21 (nouveau) du code de l'environnement

Procédure d'élaboration et de révision des PPRT

Cet article dispose que les PPRT sont approuvés par arrêté préfectoral au terme d'une procédure de concertation et révisés dans les mêmes conditions.

Le premier alinéa dispose que le préfet définit les modalités de la concertation dans les conditions prévues à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme.

Celui-ci précise que le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'EPCI compétent « délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole » avant diverses opérations d'aménagement foncier. Il indique également que les autres personnes publiques ayant l'initiative d'opérations d'aménagement sont tenues aux mêmes obligations et qu'elles doivent organiser la concertation « dans des conditions fixées après avis de la commune ». Le dernier alinéa du I de cet article prévoit, enfin, qu'au terme de la concertation, le dossier définitif du projet est tenu à la disposition du public.

Le deuxième alinéa dispose que « sont associés à l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques, notamment, les exploitants des installations à l'origine des risques, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents, ainsi que les comités locaux d'information et de concertation ».

Il vise donc à associer à l'élaboration du plan les personnes citées en permettant que d'autres puissent l'être. Une lecture attentive conduit toutefois à noter que compte tenu de la curieuse insertion de l'adverbe « notamment », cet alinéa peut être interprété comme disposant que ces personnes, et elles seules, sont associés à cette élaboration et qu'elles peuvent également être associés à d'autres choses. D'autres difficultés rédactionnelles, et notamment le fait que soient visés non le CLIC mais les CLIC alors qu'on voit mal comment plusieurs de ces comités, qui pourront couvrir tout un bassin industriel, pourraient être concernés par un même PPRT, peuvent également être signalées. Il ne parait, en outre, pas inutile de préciser quelles sont les communes concernées, ni quels sont les EPCI visés, peu d'entre eux étant compétents en matière d'élaboration de PPRT.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur proposant une nouvelle rédaction, clarifiée, de cet alinéa (amendement n° 68).

Le troisième alinéa précise que le préfet recueille l'avis des personnes mentionnées au précédent alinéa sur le projet de plan et que celui-ci est ensuite soumis à enquête publique.

Le quatrième alinéa dispose que le plan est approuvé par arrêté préfectoral.

Le dernier alinéa précise qu'il sera révisé selon les mêmes dispositions.

La concertation sur l'élaboration et sur la révision sera donc des plus larges puisque se succéderont :

- une consultation par le préfet des communes concernées sur les modalités de la concertation,

- la conduite de cette concertation, qui, conformément aux dispositions du code de l'urbanisme, doit associer les habitants et toutes les autres personnes concernées, selon les modalités précédemment définies ; les exploitants, les communes ou les EPCI concernés et le CLIC, au sein desquels exploitants et élus locaux notamment devraient être représentés, ainsi qu'éventuellement d'autres personnes étant, en outre, associés à l'élaboration du plan,

- la consultation formelle des personnes associées à l'élaboration du plan sur le projet de plan,

- une enquête publique sur ce projet de plan puis

- l'approbation du plan par arrêté préfectoral.

Comme on le constate, c'est bien le choix d'une association large des intéressés qui a été fait.

Article L. 515-22 (nouveau) du code de l'environnement

Valeur juridique des PPRT

Cet article précise que le PPRT approuvé vaut servitude d'utilité publique, qu'il est porté à la connaissance des maires des communes situées dans le périmètre du plan et qu'il est annexé aux plans locaux d'urbanisme. Ces deux dernières précisions rappellent, dans un souci de lisibilité, des dispositions législatives qui seraient, en tout état de cause, applicables en l'espèce, dans le silence de la présente loi.

Le rapport de la Commission des affaires économiques du Sénat rappelle que, dans l'hypothèse, où le PPRT ne serait pas annexé au PLU en infraction aux dispositions de la présente loi et à celles de l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme, les servitudes qu'il institue ne seraient pas opposables aux demandes d'autorisation d'occupation du sol. Il convient également de rappeler que, dans ce cas, les dispositions pénales prévues à l'article L. 515-23 du code de l'environnement resteraient naturellement applicables et permettraient de sanctionner les infractions aux prescriptions du PPRT.

Article L. 515-23 (nouveau) du code de l'environnement

Constatation et sanction des infractions aux prescriptions du PPRT

Le paragraphe I sanctionne les infractions aux prescriptions du PPRT par les peines prévues à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme c'est-à-dire d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder 6097,96 euros par mètre carré de surface construite, dans le cas de construction d'une surface de plancher, ou 300 000 euros dans les autres cas.

L'article L. 480-4 du code de l'urbanisme précise que ces peines pourront être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou les autres personnes responsables de l'exécution des travaux.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 69).

Le paragraphe II organise la constatation des infractions sanctionnées par le premier paragraphe en leur rendant applicables les dispositions :

- de l'article L. 460-1 du code de l'urbanisme ouvrant un droit de visite des constructions en cours ou achevées depuis moins de deux ans au préfet, au maire ou à ses délégués et à des agents assermentés de l'équipement ;

- de l'article L. 480-1 du même code, d'une part, définissant la procédure de constations des infractions par les officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques assermentés et commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme et, d'autre part, permettant d'exercer les droits reconnus à la partie civile aux communes pour les infractions commises sur leur territoire et aux associations agréées de protection de l'environnement pour les infractions portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre ;

- de l'article L 480-2 du même code instituant une procédure d'interruption des travaux ;

- de l'article L 480-3 du même code sanctionnant la poursuite des travaux dont l'interruption a été ordonnée ;

- de l'article L 480-5 du même code permettant au tribunal d'ordonner, d'une part, la publication des condamnations et, d'autre part, la mise en conformité ou la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur ;

- de l'article L. 480-6 du même code permettant l'application des dispositions de l'article L. 480-5 en cas d'extinction de l'action publique par décès du prévenu ou amnistie ;

- de l'article L. 480-7 du même code permettant d'assortir l'ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation d'un délai et d'une astreinte ;

- de l'article L. 480-8 du même code réglant le recouvrement de ces astreintes ;

- de l'article L. 480-9 du même code permettant la réalisation d'office, aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol, des travaux nécessaires à l'exécution de l'ordre de démolition, de mise en conformité ou de remise en état à l'expiration du délai fixé par le jugement pour les réaliser et

- de l'article L. 480-12 du même code sanctionnant les personnes faisant obstacle à l'exercice du droit de visite prévu à l'article L. 460-1.

L'article L. 515-23 prévoit que, par dérogation aux dispositions des articles du code de l'urbanisme précédemment énumérés, le droit de visite sera également ouvert et la constatation des infractions également réalisée par des agents commissionnés à cet effet par l'autorité administrative compétente et assermentés. Il s'agit de permettre l'intervention des inspecteurs des installations classées, dont le rôle sera évidemment très important dans le contrôle de la mise en œuvre des PPRT.

Le Sénat a, à juste titre, supprimé l'avant-dernier alinéa (2°) de cet article dont les dispositions étaient redondantes avec celles de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, applicables en l'espèce.

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos70 et 71).

Article L. 515-24 (nouveau) du code de l'environnement

Décret d'application de l'article 4 du projet de loi et modalités d'information du public pour les installations classées relevant du ministère de la défense
et les dépôts de munition

Cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application réglementaire des articles codifiés créés par l'article 4 du projet de loi. Il dispose également que ce décret pourra prévoir, si nécessaire, des modalités de consultation et d'information du public adaptées aux exigences de la défense nationale pour les installations classées relevant du ministère de la défense ou spécifiques aux dépôts de munitions anciennes.

La Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Chapitre III

Mesures relatives à la sécurité du personnel

Avant l'article 5

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-Yves Le Déaut portant article additionnel avant l'article 5 et visant à porter de cinquante à vingt le nombre de salariés rendant obligatoire la constitution d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans un établissement.

M. Jean-Yves Le Déaut , après avoir rappelé que la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles avait considéré, à l'unanimité, que le personnel des entreprises n'était pas suffisamment impliqué dans les mesures de sécurité, a souligné que lors des visites de sites industriels effectuées dans le cadre de cette commission, il avait pu constater que de très petites entreprises, ne comportant pas de CHSCT, pouvaient être des entreprises « Seveso seuil haut ». Indiquant qu'il était conscient du fait que son amendement ne constituait peut-être pas la meilleure des solutions pour traiter cette question, il a indiqué qu'il pourrait également être envisagé d'instituer, sur chaque site industriel, l'équivalent de « délégués mineurs », élus par les salariés des entreprises sur le site et ayant pour mission de s'assurer que les règles et les mesures de sécurité sont respectées.

Le rapporteur, après avoir observé que le champ de cet amendement allait bien au-delà du cadre prévu par le projet de loi, car il couvrait l'ensemble des entreprises, y compris celles qui ne relèvent pas de la directive Seveso, a estimé que cet amendement était déjà, pour partie, satisfait par le droit existant, le code du travail permettant en effet à l'inspecteur du travail d'imposer la création d'un CHSCT dans un établissement indépendamment de son nombre de salariés.

M. Jean-Yves Le Déaut a rappelé qu'en raison notamment de l'insuffisance des effectifs des inspecteurs du travail, de telles décisions étaient, en pratique, extrêmement rares.

Se ralliant à son rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement. Puis, elle a rejeté un amendement du même auteur portant article additionnel avant l'article 5 et visant à rendre obligatoire, pour le chef d'un établissement voisin dont l'activité expose les salariés de son ressort à des nuisances particulières, d'informer le CHSCT des suites réservées à ses observations.

Puis, la Commission a examiné un amendement de M. Jean-Yves Le Déaut portant article additionnel avant l'article 5 et visant à instituer une élection directe des membres du CHSCT par les salariés des entreprises. M. Jean-Yves Le Déaut ayant fait remarquer que cette disposition, également proposée par la commission d'enquête précitée, répondait aux attentes à la fois des employés et d'une grande partie des employeurs, le rapporteur s'est déclaré défavorable à cet amendement, non pas sur le fond mais en raison de son insertion dans le projet de loi qui ne lui a pas semblé être le support le plus approprié, un projet de loi relatif à la modernisation des institutions représentatives du personnel devant en effet être discuté prochainement par le Parlement. Suivant son rapporteur, la Commission a alors rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté un amendement de conséquence du même auteur, visant à préciser que les membres du CHSCT bénéficient de la même protection que les membres du comité d'entreprise.

Article additionnel avant l'article 5

Majoration de 50 % du temps laissé aux membres du CHSCT pour exercer leurs fonctions dans les installations « Seveso seuil haut » et les installations de stockage souterrain de gaz, d'hydrocarbures et de produits chimiques

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-Yves Le Déaut portant article additionnel avant l'article 5, et tendant à modifier l'article L. 236-7 du code du travail afin de préciser que le temps laissé aux membres du CHSCT pour exercer leurs fonctions dans les installations « Seveso seuil haut » est majoré de 50 % dans les installations de stockage souterrain de gaz, d'hydrocarbures et de produits chimiques. Après que M. Jean-Yves Le Déaut eut rappelé que la commission d'enquête précitée avait émis une telle proposition à l'unanimité, afin de permettre à certains membres du CHSCT de se spécialiser sur les questions de sécurité, le rapporteur s'est déclaré favorable à ce dispositif. En conséquence, la Commission a adopté cet amendement portant article additionnel avant l'article 5 (amendement n° 72).

Article 5

Rôle respectif en matière de sécurité du chef de l'entreprise utilisatrice et des chefs des entreprises extérieures intervenant dans les établissements particulièrement dangereux

L'article 5 vise à mieux organiser, dans les établissements présentant les risques les plus importants, la coopération entre le chef d'établissement de l'entreprise utilisatrice et ses sous-traitants.

Le paragraphe I modifie à cette fin l'article L. 230-2 du code du travail. Celui-ci organise la responsabilité du chef d'établissement en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs de l'établissement. Lorsque des travailleurs de plusieurs entreprises sont présents, dans un même lieu de travail, il impose à leurs employeurs une obligation de coopération pour la mise en œuvre des dispositions relatives à l'hygiène, à la sécurité et à la santé.

La portée de cette obligation a été précisée par le décret n° 92-158 du 20 février 1992 dont les dispositions sont codifiées aux articles R. 237-1 et suivants du code du travail. Ceux-ci prévoient notamment que le chef de l'entreprise utilisatrice assure la coordination générale des mesures de prévention, chaque chef d'entreprise restant responsable de l'application des mesures de prévention nécessaires à la protection de son personnel, et qu'avant chaque intervention pouvant présenter des risques, les chefs d'entreprises impliquées arrêtent d'un commun accord, sur la base d'une analyse conjointe des risques, les mesures devant être prises par chaque entreprise pour les prévenir dans le cadre d'un plan de prévention dont le chef de l'entreprise utilisatrice s'assure de la mise en œuvre.

Le deuxième alinéa (1°) du paragraphe I de l'article 5 supprime le dernier alinéa du I de l'article L. 230-2 du code du travail, instituant l'obligation de coopération, par coordination avec son déplacement proposé par les alinéas suivants afin de regrouper dans un paragraphe nouveau l'ensemble des dispositions relatives à la prévention des risques professionnels dans les sites où sont présentes plusieurs entreprises.

Les trois derniers alinéas (2°) de ce paragraphe complètent l'article L. 230-2 du code du travail par un nouveau paragraphe IV.

L'avant-dernier alinéa reprend, en premier lieu, dans ce nouveau paragraphe les dispositions figurant aujourd'hui au dernier alinéa du I de l'article L. 230-2, supprimé par le deuxième alinéa du présent article, sans les modifier.

Le dernier alinéa concerne les établissements classés « Seveso seuil haut » ainsi que les stockages souterrains de produits dangereux.

Il institue, en premier lieu, dans ces établissements une obligation de coopération renforcée entre les différents chefs d'entreprises. Celle-ci est applicable aux interventions d'entreprises extérieures pouvant présenter des risques particuliers soit en raison de leur nature soit en raison de leur proximité avec l'installation à risques. La rédaction initiale du projet de loi ne visait que les interventions réalisées par les salariés d'une entreprise extérieure. Le Sénat, à l'initiative de sa Commission des affaires sociales, a utilement complété cette rédaction pour couvrir également les interventions réalisées par les travailleurs indépendants ou, directement, par les chefs d'entreprises extérieures.

Le Sénat a également précisé, là encore à l'initiative de sa Commission des affaires sociales et très utilement, que l'obligation de coopération renforcée prévue n'était pas exclusive de l'obligation générale de coopération applicable dans toutes les entreprises et qu'elle s'ajoutait à celle-ci.

L'obligation de coopération renforcée instituée consiste en une définition conjointe par le chef d'établissement de l'entreprise utilisatrice et le chef de l'entreprise extérieure :

- des mesures de protection de la santé et de la sécurité des salariés prévues par le I de l'article L. 230-2,

- des principes généraux de prévention mentionnés au II du même article ainsi que

- des prescriptions du III du même article qui prévoit une évaluation des risques, la définition d'actions de prévention et de méthodes de travail en tenant compte de la capacité des intervenants à mettre en œuvre les précautions nécessaires pour la sécurité et la santé ainsi que la consultation des salariés ou de leurs représentants sur les conséquences éventuelles sur la sécurité et la santé des travailleurs de l'introduction de nouvelles technologies.

Outre sa nature législative, le principal apport de cette obligation de coopération renforcée dans certains établissements par rapport aux dispositions réglementaires précisant la portée de l'obligation de coopération applicable dans toutes les entreprises consiste en ce que celles-ci se limitent à la prévention des risques « liés à l'interférence entre les activités, les installations et matériels des différentes entreprises présentes sur le même lieu de travail ».

Enfin, la modification la plus substantielle au droit existant prévue par la rédaction initiale du projet de loi consistait en l'institution d'une obligation, pour le chef d'établissement de l'entreprise utilisatrice, de veiller au respect par l'entreprise extérieure des mesures de prévention des risques que celle-ci a la responsabilité d'appliquer.

Cette obligation ne remet pas en cause la responsabilité du chef de l'entreprise sous-traitante. Elle garantit, en revanche, que cette responsabilité n'exonère pas le chef d'établissement de l'entreprise utilisatrice du contrôle de la mise en œuvre par ses sous-traitants des mesures de prévention définies conjointement.

Il s'agit donc d'une avancée très significative pour limiter la dilution des responsabilités liées à la sous-traitance et, a fortiori, à la sous-traitance en cascade. Celle-ci constitue, en effet, un facteur de risques majeur, régulièrement dénoncé par les organisations représentatives des salariés, dont les principales victimes sont d'ailleurs les salariés des sous-traitants. Comme on le sait, 13 des 23 salariés tués sur le site de l'usine AZF le 21 septembre 2001 étaient d'ailleurs des salariés d'entreprises sous-traitantes.

En conséquence, la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la sûreté des installations industrielles avait recommandé l'interdiction pure et simple de la sous-traitance en cascade. Cette solution radicale ne parait pas opportune. Si la sous-traitance en cascade peut être un facteur de risques, elle ne l'est pas nécessairement.

La sous-traitance peut, en effet, être un facteur de sécurité lorsqu'il s'agit du recours à des entreprises particulièrement qualifiées notamment pour l'exécution de tâches peu fréquentes. L'utilisation d'équipements particuliers ou l'intervention sur des installations complexes n'est pas nécessairement maîtrisée par l'entreprise utilisatrice qui doit pouvoir faire appel, par exemple, aux compétences du constructeur des équipements ou installations concernés ou d'un spécialiste de leur entretien. De même qu'il ne serait pas économiquement réaliste d'imposer à l'entreprise utilisatrice l'emploi permanent de salariés appelés à intervenir de manière très peu fréquente, cela ne serait pas non plus opportun du strict point de vue de la sécurité, de tels salariés de l'entreprise utilisatrice étant nécessairement moins qualifiés pour intervenir que des salariés dont le savoir-faire est entretenu par la réalisation régulière de tâches similaires.

La situation est la même pour ce qui concerne la sous-traitance de second degré ou en cascade. Là aussi, le recours par l'intervenant extérieur à des sous-traitants spécialisés peut se révéler profitable en termes de sécurité. Cela sera, par exemple, le cas lorsqu'une intervention sur un équipement à risque sera confiée à son constructeur qui pourra avoir besoin d'utiliser les services du constructeur d'éléments, comme les systèmes de conduite ou de métrologie, de cet équipement ou ceux d'une entreprise spécialisée dans l'utilisation des matériels de levage.

Naturellement, toutes les interventions de sous-traitants, loin s'en faut, n'entrent pas dans ces cas de figure. Parce que c'est le cas de certaines d'entre elles, il n'est pas opportun de les interdire. Parce que ce n'est pas le cas de toutes, il faut néanmoins les encadrer comme le proposait la rédaction initiale du projet de loi en établissant, en tout état de cause, la responsabilité du chef d'établissement de l'entreprise utilisatrice.

Or, le Sénat a supprimé cette disposition. Cette suppression résultait, pour l'essentiel, du souci des sénateurs de ne pas brouiller le partage des responsabilités et de ne pas déresponsabiliser les chefs des entreprises sous-traitantes.

Ces inquiétudes sont compréhensibles mais ne paraissent pas fondées. La disposition proposée par le projet n'exonère d'abord en rien le chef de l'entreprise sous-traitante vis-à-vis de ses salariés ou des tiers. Il est, en effet, explicitement précisé en tête du nouveau paragraphe proposé par le projet de loi que les dispositions de celui-ci s'appliquent « sans préjudice des autres dispositions » du code du travail.

En outre, la disposition proposée ne conduit pas non plus à un quelconque partage de responsabilité, potentielle source de confusion ou de contentieux. Les responsabilités de chacun des intervenants restent pleines et entières, la rédaction initiale du projet de loi ajoutant simplement au droit existant une obligation spécifique de surveillance à la charge du chef d'établissement de l'entreprise utilisatrice. On peut d'ailleurs rappeler qu'une articulation similaire des responsabilités existe d'ores et déjà entre les chefs d'entreprise et leurs salariés. En effet, chaque travailleur doit prendre soin de sa sécurité et de celle des autres personnes, conformément aux dispositions de l'article L. 203-3 du code du travail, sans que cela n'exonère de sa responsabilité son employeur.

Enfin, la disposition proposée n'introduit aucun lien systématique de subordination entre le chef d'établissement de l'entreprise utilisatrice et les salariés des entreprises sous-traitantes qui restent placés sous l'autorité de leur propre encadrement. Elle ne modifie donc pas le droit en vigueur quant à l'appréciation de la réalité d'un éventuel délit de marchandage sanctionné par l'article L. 125-1 du code du travail.

En revanche, la disposition prévue par la rédaction initiale du Gouvernement constitue un garde-fou essentiel contre les dérives de la sous-traitance et la dilution des responsabilités que celle-ci peut entraîner.

Après que M. Jean-Yves Le Déaut se fut interrogé sur l'exclusion des installations de stockage d'explosifs du champ des dispositions du projet de loi, la Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 73) puis un amendement du même auteur rétablissant la disposition de la rédaction initiale du projet de loi supprimée par le Sénat prévoyant que le chef d'établissement de l'entreprise utilisatrice veille au respect par l'entreprise extérieure des mesures de prévention des risques que celle-ci a la responsabilité d'appliquer (amendement n° 74).

Le paragraphe II modifie, par coordination avec les dispositions proposées par le paragraphe I, le 3° de l'article L. 231-2 du code du travail relatif notamment aux conditions d'application réglementaires de diverses dispositions de ce code.

La Commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6

Formation aux risques des intervenants extérieurs dans les établissements particulièrement dangereux

L'article 6 modifie l'article L. 231-3-1 du code du travail pour prévoir une formation aux risques des personnels des sous-traitants intervenant dans les établissements particulièrement dangereux qui est définie et mise en œuvre par l'entreprise utilisatrice.

L'article L. 231-3-1 du code du travail prévoit déjà une obligation à la charge du chef d'établissement de formation en matière de sécurité de ses salariés et des intérimaires auxquels il fait appel.

Les deuxième et troisième alinéas (1°) de l'article 6 du projet de loi ajoutent une obligation nouvelle. Celle-ci ne concerne que les établissements comprenant au moins une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain de produits dangereux.

Dans ces établissements, le chef d'établissement devra définir et mettre en œuvre une formation à l'intention des salariés des entreprises extérieures intervenant dans l'établissement. Le Sénat a précisé que cette formation devait également être dispensée aux chefs des entreprises extérieures et aux travailleurs indépendants.

Il est précisé que les intervenants concernés, travailleurs indépendants et chefs et salariés des entreprises extérieures, sont ceux mentionnés au deuxième alinéa du IV de l'article 230-2 du code du travail, crée par l'article 5 du projet de loi. Il s'agit donc des seules personnes appelées à réaliser une intervention pouvant présenter des risques particuliers en raison de sa nature ou de sa proximité avec l'installation à risques.

Il est également précisé que cette formation doit être « pratique et appropriée » et qu'elle est dispensée aux personnes concernées avant le début de leur première intervention dans l'enceinte de l'établissement.

L'avant-dernière phrase du troisième alinéa dispose que cette formation est dispensée sans préjudice de celle imposée à une entreprise pour ses propres salariés y compris la formation renforcée prévue pour les salariés sous contrat de travail à durée déterminée et les salariés sous contrat de travail temporaire affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, eu égard à la spécificité de leur contrat de travail.

Il en résulte donc que la formation définie par l'entreprise utilisatrice ne dispensera en aucune façon l'entreprise sous-traitante de ses propres obligations de formation vis-à-vis de ses salariés. La formation nouvelle prévue par le projet de loi n'est, en effet, qu'une formation aux risques spécifiques de l'installation, que ne connaît pas nécessairement le sous-traitant et qui ne remet pas en cause la nécessité d'une formation plus générale aux risques de son activité qu'on pourrait qualifier d'ordinaires. Ainsi, le salarié soudeur d'une entreprise sous-traitante sera formé par son employeur aux risques de la soudure et, le cas échéant, recevra, en outre, une formation spécifique, définie par l'entreprise utilisatrice, aux risques de l'installation dangereuse dans laquelle il interviendrait.

Enfin, il est précisé que le contenu et éventuellement les conditions de renouvellement de cette formation pratique pourront être précisées par la négociation collective.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Antoine Herth tendant à préciser que dans les établissements « Seveso seuil haut » et dans les installations de stockage souterrain, l'entreprise utilisatrice a simplement à s'assurer qu'une formation pratique est organisée au bénéfice des salariés des entreprises extérieures, cette tâche lui incombant dans le cas contraire. M. Antoine Herth ayant indiqué qu'il s'agissait ainsi de ne pas alourdir les démarches des entreprises utilisatrices, le rapporteur s'est déclaré défavorable à cet amendement en raison des risques de déresponsabilisation des entreprises utilisatrices. Se ralliant à la position du rapporteur, M. Antoine Herth a alors retiré son amendement.

Outre un amendement rédactionnel (amendement n° 75) et un amendement de précision (amendement n° 76) du rapporteur, la Commission a adopté un amendement du même auteur disposant que la négociation collective pourra également préciser les modalités de mise en œuvre de la formation (amendement n° 77).

Les quatrième et cinquième alinéas (2°) de l'article 6 prévoient que le comité d'entreprise ou d'établissement et le comité d'hygiène et de sécurité ou les délégués du personnel, consultés en l'état du droit sur les formations délivrées par l'entreprise à ses propres salariés et aux intérimaires, doivent également être consultés sur la formation pratique créée par le présent article.

Le sixième alinéa de cet article (2° bis) créé par le Sénat à l'initiative de sa Commission des affaires sociales, vise à régler des problèmes de coordination similaires en précisant clairement que la formation des intervenants extérieurs est à la charge de l'entreprise utilisatrice.

Enfin, les deux derniers alinéas (3°) de cet article assurent la coordination des dispositions d'application réglementaire de l'article L. 231-3-1 du code du travail.

La Commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7

Information des autorités publiques lors de la mise en œuvre du droit d'alerte

L'article 7 du projet de loi complète l'article L. 231-9 du code du travail qui ouvre aux représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) un droit d'alerte de l'employeur lorsqu'il existe une cause de danger grave et imminent.

En l'état du droit, l'exercice de ce droit d'alerte impose à l'employeur de procéder sur le champ à une enquête avec le membre du CHSCT qui lui a signalé le danger et de prendre les mesures nécessaires pour y remédier.

En cas de divergence sur la réalité du danger ou sur la façon de le faire cesser, le CHSCT doit être réuni dans les vingt-quatre heures et l'employeur est tenu d'informer l'inspecteur du travail et l'agent du service de prévention de la caisse régionale d'assurance maladie qui peuvent assister à la réunion du CHSCT.

Comme on le constate, les autorités administratives ne sont donc prévenues de l'exercice du droit d'alerte qu'au terme de l'enquête conduite et seulement en cas de désaccord entre l'employeur et le représentant du personnel au CHSCT ayant exercé le droit d'alerte.

L'article 7 prévoit une information renforcée des autorités administratives dans les établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier. Dans ces établissements, le chef d'établissement devra, dès qu'il est alerté par un représentant du personnel au CHSCT, en informer l'inspecteur du travail, le service de prévention des organismes de sécurité sociale ainsi que l'autorité administrative en charge du contrôle des installations classées en précisant, en outre, les suites qu'il entend donner à ce droit d'alerte. L'information de l'administration sera donc plus précoce. Elle concernera, en outre, également l'autorité administrative en charge du contrôle des installations classées ce qui n'est pas le cas dans l'obligation d'information de droit commun.

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendement nos78 et 79) puis l'article 7 ainsi modifié.

Article 8

(article L. 233-1-1 (nouveau) du code du travail)

Moyens de prévention, de lutte contre l'incendie et de secours

L'article L. 233-1 du code du travail pose un principe général de prévention des risques dans les établissements industriels, agricoles et commerciaux en prévoyant qu'ils doivent être « aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs ». De nombreuses dispositions réglementaires en assurent la mise en œuvre.

L'article 8 du projet de loi vise à le compléter en instituant, par la création d'un nouvel article L. 233-1-1 au sein du même code, une obligation spécifique aux établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier.

Dans ces établissements, des « moyens appropriés, humains et matériels, de prévention, de lutte contre l'incendie et de secours » devront être prévus pour veiller, « en permanence », « à la sécurité des personnes occupées dans l'enceinte de l'établissement ». Il convient de noter que la rédaction retenue par le Sénat à l'initiative de sa Commission des affaires sociales précise, à juste titre, qu'il s'agit de veiller à la sécurité de l'ensemble des personnes présentes alors que la rédaction initiale du projet de loi n'évoquait que la sécurité des travailleurs.

Il est précisé que ces moyens sont définis par le chef d'établissement en fonction du nombre de personnes occupées dans l'enceinte de l'établissement et des risques encourus et après consultation du CHSCT, qui doit également être consulté sur leur modification.

Les plans d'opération internes, dont l'établissement est obligatoire dans les établissements « Seveso seuil haut » conformément à la directive dite « Seveso II », imposent déjà à l'exploitant de définir les moyens nécessaires à la protection des personnels, des populations et de l'environnement.

Comme l'a souligné dans son rapport n° 143, M. André Lardeux, rapporteur pour avis du projet de loi au nom de la Commission des affaires sociales du Sénat, les dispositions proposées par le projet de loi ne sont pas, pour autant redondantes, avec celles d'ores et déjà prévues par la réglementation des installations classées pour plusieurs raisons.

Une avancée particulièrement importante est l'obligation de veille permanente imposée au chef d'établissement sur le caractère approprié de ces moyens, qui devront donc être constamment disponibles et opérationnels.

Il faut également souligner l'obligation législative spécifique instituée de consultation du CHSCT qui, si elle n'est strictement nécessaire au vu des compétences générales dévolues au comité par l'article L. 236-2 du code du travail, souligne opportunément la nécessité d'une étroite association des salariés, au travers de leurs représentants, à un aspect essentiel de la sécurité des établissements à risques.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 80) puis l'article 8 ainsi modifié.

Article 8 bis (nouveau)

Information des autorités publiques lors de la mise en œuvre du droit d'alerte

Cet article résulte d'un amendement adopté par le Sénat à l'initiative de sa Commission des affaires sociales.

Il ouvre au délégué du personnel, dont l'élection est obligatoire dans les établissements occupant plus de dix salariés, la possibilité d'obtenir la mise en place d'un CHSCT dans les établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier qui n'en comportent pas.

Comme on le sait, la constitution du CHSCT n'est en effet obligatoire que dans les établissements occupant au moins cinquante salariés, sans d'ailleurs qu'elle soit, pour autant, effective dans chacun de ceux-là. M. André Lardeux, rapporteur pour avis du projet de loi au nom de la Commission des affaires sociales du Sénat, rappelle, en effet, dans son rapport n° 143 que « plus du quart des établissements assujettis (27 %) n'ont pas de CHSCT » et que « cette proportion atteint 40 % pour les établissements de 50 à 99 salariés ».

Or, le risque n'est pas nécessairement fonction des effectifs employés car certains établissements « Seveso seuil haut », par exemple des stockages de propane, comptent très peu de salariés permanents.

La Commission des affaires sociales du Sénat a estimé que la possibilité ouverte à l'inspecteur du travail par l'article L. 236-1 du code du travail d'imposer la création d'un CHSCT dans les établissements occupant un effectif inférieur à 50 salariés ne répondait que partiellement au problème pour deux raisons. L'inspection du travail, en premier lieu, ne lui est pas apparu «  forcément la plus à même pour apprécier la réalité d'un risque notamment industriel ou technologique, ce qui explique sans doute qu'elle n'utilise cette prérogative qu'extrêmement rarement ». En outre, elle a estimé que le dispositif proposé permettrait également de favoriser la mise en place des CHSCT pour les établissements de plus de 50 salariés qui n'en sont pas dotés alors qu'ils devraient l'être, cas de figure qui n'est pas couvert par l'intervention éventuelle de l'inspection du travail selon la procédure précédemment évoquée.

Votre Commission comprend et partage la préoccupation de la Commission des affaires sociales du Sénat. Elle n'est néanmoins pas convaincue de l'efficacité du dispositif proposé. L'objectif poursuivi est, en effet, de tenter de pallier par le droit les dysfonctionnements de deux dispositifs existants, celui imposant la création d'un CHSCT dans les établissements de plus de cinquante salariés, qui n'est pas systématiquement appliqué, et celui permettant à l'inspecteur d'en imposer la création dans les établissements de plus petite taille, qui est trop peu utilisé.

Or, pour ce qui concerne les établissements de plus de 50 salariés, on ne comprend pas tout à fait pourquoi le fait d'ajouter une nouvelle obligation législative pour pallier à l'irrespect d'une obligation déjà en vigueur permettrait d'améliorer sensiblement la situation.

La solution proposée est plus convaincante pour les établissements comprenant de 10 à 50 salariés. Son intérêt doit toutefois être mis en balance avec la lourdeur que peut constituer, dans les plus petits de ces établissements, l'existence d'un CHSCT, qui devrait, conformément à l'article R. 236-1 du code du travail, comprendre, outre le chef d'établissement, trois représentants des salariés dont un appartenant au personnel de maîtrise ou des cadres. La possibilité qu'une autorité indépendante des parties, ce qui est le cas de l'inspecteur du travail, puisse apprécier, au cas par cas, l'intérêt de la création d'un CHSCT dans des établissements de moins de cinquante salariés apporte donc un élément de souplesse utile. La difficulté provient donc non de l'inadéquation de cet instrument de création administrative du CHSCT mais de sa très faible utilisation. Celle-ci n'appelle pas une réponse législative.

La Commission a été saisie de deux amendements identiques du rapporteur et de M. Antoine Herth visant à supprimer cet article. Le rapporteur ayant expliqué qu'il lui semblait excessif de prévoir la possibilité de créer, dans tous les établissements « Seveso seuil haut », un CHSCT sur simple demande d'un délégué du personnel compte tenu notamment des prérogatives dont dispose l'inspecteur du travail en la matière, Mme Claude Darciaux a souligné l'intérêt de la disposition introduite par le Sénat pour améliorer la sécurité dans les installations à risques. Puis, la Commission a adopté ces deux amendements identiques portant suppression de l'article 8 bis (amendement n° 81).

Article 9

Double formation du CHSCT dans les établissements dangereux et création d'un comité interentreprises de santé et de sécurité au travail

Cet article complète l'article L. 236-1 du code du travail, relatif à la mise en place des CHSCT, pour permettre deux évolutions majeures :

- l'association des chefs d'entreprises sous-traitantes et de leurs salariés aux travaux du CHSCT

- la mise en place d'un comité interentreprises de santé et de sécurité au travail dans le périmètre d'un plan de prévention des risques technologiques.

En ce qui concerne la première de ces évolutions, la rédaction initiale du projet de loi modifiait la composition et l'organisation du CHSCT dans les établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier en prévoyant la mise en place d'une double formation. Il s'agissait, en réalité, d'ajouter à la formation actuelle du CHSCT, devenue sa formation « d'établissement », une nouvelle formation dite « de site » composée de la formation d'établissements élargie à des représentants des chefs et des salariés des entreprises extérieures.

Ce dispositif, dont les modalités pratiques étaient déclinées aux articles 10 et 11, ne se caractérisait pas par sa simplicité. A l'initiative de sa Commission des affaires sociales, le Sénat a donc jugé opportun de le remanier profondément en préférant l'élargissement du CHSCT existant à son dédoublement et en étendant le champ de cet élargissement à tous les établissements comprenant une installation soumise à autorisation à l'initiative des partenaires sociaux, l'élargissement pouvant être organisé par décret, à défaut de convention ou d'accord collectif, dans les seuls établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier.

Votre Commission souscrit pleinement à l'objectif de simplification poursuivi par le Sénat. Les dispositions retenues par celui-ci ne lui paraissent pourtant pas pleinement satisfaisantes.

En premier lieu, l'extension du champ de l'élargissement à l'ensemble des établissements comprenant une installation soumise à autorisation - et il en existe plus de 60 000 - ne lui parait pas nécessaire.

En second lieu, si l'association des entreprises sous-traitantes, et en particulier de leurs salariés aux travaux du CHSCT est évidemment souhaitable lorsque celui-ci évoque des questions de sécurité, toutes les compétences du comité ne concernent pas les sous-traitants. Le rôle du CHSCT en matière d'amélioration des conditions de travail, notamment en ce qui concerne l'accès des femmes à tous les emplois et les problèmes liés à la maternité, doit, en effet, rester, pour l'essentiel, interne à l'entreprise utilisatrice.

Enfin, les modalités de l'élargissement du CHSCT aux chefs des entreprises extérieures intervenant dans l'établissement et à des représentants de leurs salariés ne sont pas précisées dans la rédaction adoptée par le Sénat qui les renvoie à la négociation collective ou à un décret en Conseil d'Etat. Cela soulève des difficultés juridiques.

M. André Lardeux, rapporteur pour avis du projet de loi au nom de la Commission des affaires sociales du Sénat, évoque, dans son rapport n° 143, la décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996 du Conseil constitutionnel dans laquelle celui-ci estimait que, la loi déterminant les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical aux termes de l'article 34 de la Constitution, il appartenait au législateur « de fixer les conditions et garanties de la mise en oeuvre des dispositions à valeur constitutionnelle » mais que « la détermination des modalités concrètes de cette mise en œuvre » pouvait « cependant faire l'objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives », précision qui, selon M. André Lardeux, permet de renvoyer les modalités de l'élargissement du CHSCT à la négociation collective sans risque juridique.

Votre Commission ne partage pas cette analyse. Il ne s'agit pas, ici, d'assurer simplement une « concertation appropriée » sur « la détermination de modalités concrètes » mais bien de « fixer les conditions et garanties » de mise en œuvre d'un droit nouveau reconnu aux salariés des entreprises sous-traitantes au travers de leurs représentants. Il est donc indispensable de les préciser dans la loi davantage que ne le fait le Sénat.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur limitant les établissements concernés par l'élargissement à ceux dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier, disposant que cet élargissement ne concerne que les réunions du CHSCT relatives à la sécurité et en précisant les principes (amendement n° 82). En conséquence, un amendement de M. Antoine Herth, ainsi satisfait, est devenu sans objet.

L'article 9 prévoit, en second lieu, la création par l'autorité administrative d'un comité interentreprises de santé et de sécurité au travail assurant la concertation entre les CHSCT des établissements particulièrement dangereux situés dans le périmètre d'un PPRT. Il précise que ce comité aura pour mission de « contribuer à la prévention des risques professionnels susceptibles de résulter des interférences entre les activités et les installations des différents établissements » donc notamment de l' « effet domino » susceptible d'entraîner des accidents en cascade. Il est également précisé que la composition de ce comité et les modalités de sa création, de la désignation de ses membres et de son fonctionnement seront déterminés par un décret en Conseil d'Etat.

Outre des modifications de coordination avec la suppression de la double formation des CHSCT, le Sénat a, à l'initiative de sa commission des affaires sociales, supprimé une disposition de la rédaction initiale du projet de loi prévoyant que ce comité serait présidé par le chef de l'établissement comprenant le plus de salariés. M. André Lardeux, rapporteur pour avis du projet de loi au nom de la Commission des affaires sociales du Sénat, justifie, dans son rapport n° 143, cette suppression en indiquant, d'une part, que cette précision ne relève pas du domaine de loi, qui ne définit pas, par ailleurs, la composition du comité, et, d'autre part, qu'il n'est pas, en outre, évident que la présidence du comité doive être systématiquement confiée au chef de l'établissement occupant le plus de salariés plutôt qu'au chef de l'établissement présentant le plus grand risque. Votre Commission partage pleinement cette analyse.

La Commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.

Article 10

Renforcement des prérogatives du CHSCT dans certains établissements

Cet article modifie la procédure de consultation du CHSCT en cas de demande d'autorisation d'exploitation d'une installation classée et confie, dans les établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier, de nouvelles attributions aux CHSCT afin de renforcer leur rôle en matière de sécurité.

Le paragraphe I modifie l'article L. 236-2 du code du travail qui définit les attributions du CHSCT.

Les deuxième et troisième alinéas (1°) proposent une nouvelle rédaction du neuvième alinéa de cet article codifié.

Celui-ci prévoit que, dans les établissements comprenant une ou plusieurs installations soumises à autorisation, le CHSCT est consulté par le chef d'établissement sur les documents établis à l'intention des autorités publiques chargées de la protection de l'environnement et est informé des prescriptions imposées par ces mêmes autorités. Il précise que la liste des documents qui doivent être portés à sa connaissance ou soumis pour avis est établie par décret en Conseil d'Etat.

Le présent article modifie cette procédure afin, comme le précise l'exposé des motifs, de mieux l'articuler avec les dispositions du code de l'environnement et de prendre en compte la possibilité ouverte pour le CHSCT, dans les établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier, de faire appel à un expert en risques technologiques introduite au paragraphe II.

M. André Lardeux, rapporteur pour avis du projet de loi au nom de la Commission des affaires sociales du Sénat, précise, dans son rapport n° 143, qu'il s'agit notamment d' « éclaircir une procédure aujourd'hui quasiment inextricable » en raison de la mauvaise articulation des dispositions réglementaires prises en application, d'une part, du code du travail et, d'autre part, du code de l'environnement. Il relève ainsi que « l'article R. 236-10-1 du code du travail prévoit que la consultation du CHSCT a lieu avant l'envoi au préfet des documents joints à la demande d'autorisation » et que « parallèlement, l'article 23-8 du décret du 21 septembre 1977 prévoit que la consultation du CHSCT a lieu dès l'ouverture de l'enquête publique ». Or, précise-t-il, « en application de l'article 5 du même décret, le préfet ne peut lancer l'enquête publique que lorsque le dossier est complet... ».

Une clarification est donc pour le moins opportune même si la nécessité d'une modification législative reste à démontrer. C'est toutefois la voie retenue par le projet de loi et la rédaction proposée, modifiée par le Sénat par coordination avec la suppression de la double formation du CHSCT, vise, à cet effet, à dissocier la phase d'information du CHSCT et celle de sa consultation.

Elle précise ainsi :

- que le CHSCT est informé par le chef d'établissement sur les documents établis à l'intention des autorités publiques chargées de la protection de l'environnement et, notamment, sur les documents joints à la demande d'autorisation qui doivent être portés à sa connaissance avant leur envoi à l'autorité compétente, et

- qu'il est, d'autre part, consulté sur le dossier de demande d'autorisation dans le délai d'un mois suivant la clôture de l'enquête publique.

La rédaction proposée reprend, par ailleurs, sans les modifier, les dispositions de l'actuel neuvième alinéa de l'article L. 236-2 du code de travail prévoyant que le CHSCT est informé des prescriptions imposées par les autorités publiques chargées de la protection de l'environnement et que la liste des documents qui doivent être portés à sa connaissance ou soumis pour avis est établie par décret en Conseil d'Etat.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur proposant une nouvelle rédaction, simplifiée, de ce dispositif (amendement n° 83).

Les trois derniers alinéas (2°) de ce paragraphe I ont été substitués par le Sénat, par coordination avec la suppression de la double formation du CHSCT, aux cinq alinéas de la rédaction initiale du projet de loi précisant les attributions respectives des formations d'établissement et de site du CHSCT. Le Sénat n'a, en fait, conservé que les dispositions de la rédaction initiale étendant les prérogatives du CHSCT en matière consultative dans les établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier.

L'avant-dernier alinéa de ce paragraphe impose ainsi la consultation du comité avant toute décision de sous-traiter une activité à une entreprise extérieure pouvant présenter des risques particuliers en raison de sa nature ou de la proximité de l'installation dangereuse.

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendement nos84 et 85).

Le dernier alinéa de ce paragraphe dispose que le comité est également consulté sur une liste de postes de travail, établie par le chef d'établissement, en raison de leur importance en matière de sécurité. La rédaction initiale du projet de loi précisait qu'il s'agissait des postes « comportant des tâches de conduite, de surveillance et de maintenance de l'installation » et le Sénat a retenu la formule alternative, mieux ciblée, de « postes liés à la sécurité de l'installation ».

Il est prévu que cette liste puisse également déterminer trois catégories de postes, ceux ne pouvant être confiés à des salariés sous contrat de travail temporaire ou à durée déterminée, ceux ne pouvant être confiés à des personnels d'entreprises sous-traitantes et ceux exigeant la présence d'au moins deux « personnes qualifiées », formule judicieusement préféré par le Sénat à celle de « salariés qualifiés » figurant dans la rédaction initiale du projet de loi afin de tenir compte de la situation des entrepreneurs individuels et des artisans qui peuvent intervenir sur le site.

Puis, la Commission a examiné un amendement de M. Antoine Herth visant à supprimer l'obligation, pour le chef d'établissement, de consulter le CHSCT sur la liste des postes de travail liés à la sécurité de l'installation qu'il lui revient d'établir. M. Antoine Herth a indiqué qu'il convenait d'assouplir le dispositif prévu, l'organigramme des entreprises étant souvent très évolutif et cette disposition difficile à appliquer en cas de remplacement d'un salarié par un de ses collègues.

Le rapporteur a souligné que le projet de loi ne prévoyait nullement une consultation du CHSCT dans ce dernier cas, cette consultation devant seulement porter sur la liste des postes de travail liés à la sécurité de l'installation. Il a par ailleurs estimé que le projet de loi n'entraînait pas de formalisme excessif au regard de l'impératif de sécurité. Se ralliant au rapporteur, M. Antoine Herth a alors retiré son amendement.

Le paragraphe I bis a été ajouté, à l'initiative de la Commission des affaires sociales du Sénat, afin de conforter le rôle du CHSCT en matière de retour d'expérience en prévoyant qu'il est, dans les établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier, informé sur tout incident qui aurait pu entraîner des conséquences graves, qu'il procède à son analyse et qu'il peut proposer des mesures visant à prévenir son renouvellement. Il est précisé que le suivi des propositions du comité est assuré dans le cadre de la réunion consacrée à l'examen du bilan et du programme annuel de prévention.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 86) ainsi qu'un amendement de précision du même auteur (amendement n° 87) disposant que le CHSCT ne procède pas à l'analyse des incidents à l'occasion de son information sur leur occurrence.

Le paragraphe II complète l'article L. 236-9 du code du travail qui précise les conditions dans lesquelles le CHSCT peut recourir à un expert en risques technologiques.

Cette disposition reprend ainsi la proposition n° 36 de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la sûreté des installations industrielles qui recommandait d'ouvrir cette possibilité au CHSCT à l'occasion de la réalisation des études de dangers.

A l'heure actuelle, l'article L. 236-9 du code du travail prévoit que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé soit en cas de risque grave constaté dans l'établissement, soit en cas de projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail.

Le présent paragraphe élargit ces possibilités d'expertise en permettant au CHSCT, dans les établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier, de recourir à un expert spécialisé en risques technologiques pour l'éclairer à l'occasion de sa consultation sur une demande d'autorisation d'une installation classée ou en cas de danger grave. Il est précisé qu'un décret en Conseil d'Etat définira les conditions de recours à cet expert.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 88) puis l'article 10 ainsi modifié.

Article 11

Formation spécifique aux risques des représentants du personnel des CHSCT des établissements dangereux

Dans sa rédaction adoptée par le Sénat, qui a supprimé les trois premiers paragraphes de cet article par coordination avec la suppression de la double formation du CHSCT, cet article ne comprend plus que son paragraphe IV qui modifie l'article L. 236-10 du code du travail relatif à la formation des représentants du personnel au CHSCT pour instituer au profit des représentants des salariés des CHSCT des établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier une formation spécifique aux risques particuliers liés à l'activité de l'entreprise.

Il est précisé que les conditions dans lesquelles cette formation est dispensée et renouvelée peuvent être définies par convention ou accord collectif de branche ou par convention ou accord collectif d'entreprise ou d'établissement.

Dans la rédaction initiale du projet de loi, cette formation était prévue également au profit des représentants des salariés des entreprises extérieures qui siègent dans la formation de site du CHSCT et travaillent habituellement dans l'établissement. Le Sénat a supprimé cette formation de site mais a maintenu le droit à la formation spécifique des représentants des salariés des entreprises extérieures en visant curieusement les entreprises participant au comité interentreprises créé par l'article 9.

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendement nos89 et 90) puis l'article 11 ainsi modifié.

Article 11 bis (nouveau)

Renforcement des relations entre l'inspecteur des installations classées et le CHSCT des établissements dangereux

Cet article, introduit par le Sénat à l'initiative de sa Commission des affaires sociales, vise, dans les établissements dangereux parce qu'ils comprennent une installation classée « Seveso seuil haut » ou un stockage souterrain visé à l'article 3-1 du code minier, à informer l'inspecteur des installations classées des réunions du CHSCT en lui permettant d'y assister et, symétriquement, à informer les représentants du personnel au CHSCT de ses visites et de leur permettre de lui présenter des observations à cette occasion.

Il s'agit d'un enrichissement important car la faiblesse des relations entre l'inspection des installations classées et les CHSCT est un fait avéré, régulièrement regretté par les représentants des salariés. Or, les salariés sont évidemment les meilleurs connaisseurs des installations qu'ils exploitent et peuvent donc apporter de nombreuses informations importantes à l'inspecteur des installations classées.

Pour autant, celui-ci n'a pas vocation à se substituer à l'inspecteur du travail. Or, le dispositif proposé risque de conduire à des situations délicates pour l'inspecteur dans lesquelles il serait saisi de conflits sociaux ne relevant pas de sa compétence.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 91). Puis, elle a examiné un amendement de M. Antoine Herth précisant que l'inspecteur des installations classées ne peut assister qu'aux réunions du CHSCT à l'ordre du jour desquelles des questions relatives à la sécurité des installations sont inscrites. M. Antoine Herth a précisé qu'il s'agissait d'un amendement de précision garantissant une participation efficace de l'inspecteur des installations classées aux réunions du CHSCT le concernant. Le rapporteur s'est déclaré favorable à cet amendement sous réserve d'une amélioration rédactionnelle, acceptée par M. Antoine Herth. La Commission a, en conséquence, adopté l'amendement de M. Antoine Herth ainsi rectifié (amendement n° 92).

Elle a ensuite examiné un second amendement de M. Antoine Herth disposant que seul le secrétaire du CHSCT doit être informé de la présence de l'inspecteur des installations classées et peut lui présenter ses observations. Le rapporteur a indiqué qu'il comprenait la préoccupation de M. Antoine Herth et qu'il convenait des effets pervers potentiels du dispositif prévu par le Sénat. Il a estimé que le principal risque lui semblait être que l'inspecteur des installations classées se trouve pris à partie dans des conflits sociaux ne relevant pas de sa compétence et qu'il proposait donc un amendement lui permettant de mieux encadrer cette disposition en prévoyant que les observations adressées à l'inspecteur devaient être formulées par écrit. M. Antoine Herth a, en conséquence, accepté de retirer son amendement.

La Commission a ensuite adopté l'amendement du rapporteur précédemment annoncé par celui-ci et précisant que les observations faites à l'inspecteur des installations classées par les représentants des salariés lui sont transmises par écrit (amendement n° 93) puis l'article 11 bis ainsi modifié.

Chapitre IV

Indemnisation des victimes de catastrophes technologiques

Article 12

(articles L. 128-1 à L. 128-3 (nouveaux) du code des assurances)

Création d'une garantie d'indemnisation pour les dommages matériels des sinistrés couverts par un contrat d'assurance

Cet article créé un chapitre VIII dans le titre II du livre Ier du code des assurances, composé des articles L. 128-1, L. 128-2 et L. 128-3, visant à offrir aux victimes d'un accident technologique la garantie de bénéficier d'une indemnisation de leur assureur pour faire face, dans un délai rapide, aux conséquences matérielles du sinistre.

La nécessité d'un tel dispositif est apparue à la suite de l'explosion de l'usine AZF près de Toulouse en septembre 2001. Le nombre des déclarations de sinistre, proche de 70 000, a en effet occasionné un ralentissement de la procédure d'indemnisation difficilement acceptable par la population à l'approche de l'hiver. Il a par ailleurs été préconisé par le rapport de la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur, créée à la suite de la catastrophe de Toulouse.

Article L. 128-1 (nouveau) du code des assurances

Définition de l'état de catastrophe technologique

Cet article définit la notion de catastrophe technologique, et précise les modalités par lesquelles l'autorité administrative la constate.

Le premier alinéa détermine les éléments constitutifs d'une catastrophe technologique. Il faut d'abord que l'accident soit causé par une installation classée pour la protection de l'environnement, ce qui recouvre 450 000 installations soumises à déclaration et 63 300 installations soumises à autorisation. Conformément à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, il s'agit des usines, des ateliers, des dépôts, des chantiers, et, d'une manière générale, des installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. La Commission a adopté un amendement, présenté par votre Rapporteur, visant à préciser qu'un accident ne doit pas être à proprement parler « causé » par l'une de ces installations pour être qualifié de catastrophe technologique. Il suffit que cet accident survienne « dans » ces installations, considérant en effet que la cause directe peut être une défaillance humaine ou technique (amendement n° 94).

Les exploitations de carrières sont également comprises dans le champ d'application de cet article du code de l'environnement, afin d'inclure les dommages susceptibles d'être occasionnés par la déflagration des explosifs qui peuvent s'y trouver. En revanche, les accidents liés à l'exploitation des barrages en sont exclus, dans la mesure où ce ne sont pas des installations classées au sens du titre Ier du livre V du code de l'environnement.

Le second critère d'une catastrophe technologique tient à la survenance d'un accident endommageant un grand nombre d'habitations. L'explosion de l'usine AZF, qui a touché près de 27 000 logements, a manifestement été à l'origine de cette disposition, qui entend limiter le bénéfice du chapitre VIII aux victimes des catastrophes de grande ampleur. Les entreprises d'assurance ont retenu l'hypothèse de la survenance d'un accident comparable à celui de Toulouse tous les trente ans, et d'une catastrophe de moindre gravité tous les dix ans. Il revient par ailleurs à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions d'application du présent article.

L'état de catastrophe technologique doit être constaté par une décision de l'autorité administrative précisant les zones et la période de survenance des dommages auxquels sont applicables les dispositions du chapitre VIII. L'article L. 128-1 ne précise pas le type de décision nécessaire, mais le régime applicable aux catastrophes naturelles implique un arrêté interministériel. Le Conseil d'Etat a par ailleurs estimé qu'il appartenait à l'autorité administrative seule de conclure à un état de catastrophe naturelle, mais que le refus de prendre une telle décision était constitutif d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.

Le deuxième alinéa étend le bénéfice des dispositions du premier alinéa aux accidents liés au transport de matières dangereuses ou aux installations de stockage souterrain des produits dangereux, comme le gaz naturel, les hydrocarbures liquides, liquéfiés ou gazeux ou de produits chimique à destination industrielle, mentionnées à l'article 3-1 du code minier. La Commission a adopté un amendement de précision, afin de substituer au renvoi à l'article 15 du présent projet de loi un renvoi à l'article 3-1 du code minier définissant le type de stockages souterrains de produits dangereux susceptibles d'être pris en compte (amendement n° 95).

La notion de matière dangereuse est définie par l'arrêté du 5 décembre 1996 comme une substance qui, par ses propriétés physiques ou chimiques, ou bien par la nature des réactions qu'elle est susceptible de mettre en œuvre, peut présenter un danger grave pour l'homme, les biens ou l'environnement. Le transport de telles matières est opéré pour les deux tiers par les voies routières, et pour le dernier tiers par les liaisons ferroviaires ; dans la mesure où la condition relative à l'endommagement d'un grand nombre d'habitations s'applique aussi pour le transport de matières dangereuses, cette disposition se limite en pratique à un accident survenant dans une ville, un port ou une gare entourée d'habitations.

Le troisième alinéa, introduit par voie d'amendement contre l'avis du Gouvernement lors de l'examen en première lecture au Sénat, précise que les dispositions du premier alinéa sont également applicables aux accidents causés par les mines. Il pouvait en effet paraître surprenant de prendre en compte, dans le premier alinéa, les carrières, alors que les mines ne sont pas mentionnées. Le risque n'est pourtant pas de même nature, ce qui explique l'opposition des fédérations d'entreprises d'assurance à cette extension. Dans la mesure où les affaissements miniers sont des risques certains à échéance indéterminée, leur prise en charge par les assureurs se traduira en effet nécessairement par une augmentation proportionnelle des primes d'assurance habitation des zones à risque, ou plus simplement par un refus de contracter. Lors du débat en séance publique au Sénat, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie, a en outre affirmé être défavorable à cette extension, puisque ce dispositif vise à garantir l'indemnisation des dommages « ayant provoqué des victimes », ce qui n'est pas le cas des affaissements miniers. Elle a cependant assuré que le Gouvernement était sensible à la lenteur de ce type d'indemnisation et s'employait à en accélérer le cours.

Le quatrième alinéa exclut du champ d'application du nouveau chapitre VIII les accidents nucléaires définis par la convention relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire signée à Paris le 29 juillet 1990. Cette convention, publiée par le décret n° 69-154 du 6 février 1969, définit un accident nucléaire comme tout fait ayant occasionné des dommages, et trouvant son origine dans les propriétés radioactives d'un combustible nucléaire. Cette exclusion est cependant inutile, dans la mesure où les accidents nucléaires ne rentrent pas dans le champ d'application défini au premier alinéa. La Commission a donc adopté un amendement visant à supprimer cet alinéa (amendement n° 96).

Article L. 128-2 (nouveau) du code des assurances

Garantie d'indemnisation des dommages causés par une catastrophe technologique pour les souscripteurs de certains contrats d'assurance

Le nouvel article L. 128-2 du code des assurances prévoit le principe d'une garantie d'indemnisation des dommages matériels causés par une catastrophe technologique, dès lors que la victime a souscrit certains types de contrats d'assurance.

Le premier alinéa définit les types de contrats d'assurance susceptibles d'ouvrir droit à la garantie. Seuls les titulaires de contrats relatifs aux assurances de biens peuvent en bénéficier, ce qui exclut les contrats relatifs aux assurances de personnes, ainsi que les assurances de responsabilité, qui permettent la réparation des préjudices subis par les victimes d'événements mettant en cause l'assuré.

Par ailleurs, le projet de loi réserve le bénéfice de la garantie d'indemnisation aux contrats souscrits par les personnes physiques en dehors de toute activité professionnelle. Le rapport de la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur avait, pour sa part, préconisé l'indemnisation des pertes d'exploitation des entreprises. Les fédérations d'assureurs ont fait valoir que ces pertes d'exploitation étaient très rarement assurées, ce qui rendait la mesure préconisée inefficace. Par ailleurs, les locaux professionnels ou commerciaux des sociétés ou des entrepreneurs individuels, ainsi que leurs véhicules, sont exclus de la garantie.

Enfin, le champ d'application est volontairement restreint à certains dommages matériels des particuliers, afin de limiter le coût de cette mesure pour les entreprises d'assurance. Seuls les dommages aux biens à usage d'habitation ou placés dans les locaux à usage d'habitation, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, sont pris en compte. La restriction apportée par le Sénat en première lecture, précisant qu'il ne pouvait s'agir de tous les biens mais seulement de ceux touchant l'habitation du sinistré ou les biens qui s'y trouvent, permet notamment d'exclure les dommages aux garages ou aux abris de jardin, qui ne sont pas considérés comme prioritaires en cas de survenance d'une catastrophe technologique.

La garantie de l'assuré pour ce type de dommages signifie que l'assureur est obligé de procéder à l'indemnisation, sans pouvoir se retrancher derrière la nature du sinistre ou une clause d'exclusion de garantie, ce qui a souvent été le cas lors de la catastrophe de Toulouse.

Le deuxième alinéa étend le bénéficie de cette garantie aux contrats d'assurance souscrits par les syndicats de copropriété, ou par leur syndic, contre les dommages aux parties communes de l'immeuble.

Le troisième alinéa précise que cette garantie ouvre droit à la réparation intégrale des dommages. Le deuxième alinéa de l'article L. 121-1 du code des assurances, selon lequel « il peut être stipulé que l'assuré reste obligatoirement son propre assureur pour une somme, ou une quotité déterminée, ou qu'il supporte une déduction fixée d'avance sur l'indemnité du sinistre », est donc inapplicable dans ce type de cas. Sont donc exclues les pratiques de la franchise, par laquelle l'assureur octroie une indemnisation forfaitaire afin d'éviter des frais de dossier pour des dommages modestes, du découvert obligatoire, qui consiste à entretenir le sens de la responsabilité de l'assuré en laissant à sa charge une partie du sinistre, ainsi que la pratique du plafond, fixé par une clause contractuelle, permettant de limiter l'engagement financier de l'assureur pour les risques qu'il couvre.

Conformément à l'article L. 121-1 du code des assurances, l'indemnité due par l'assureur ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre, et varie donc en fonction de la valeur vénale de l'habitation ou du véhicule. Le rapport de la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur a pourtant préconisé un calcul différent : « Pour ce qui concerne les dommages aux meubles et immeubles, la Commission n'estime pas admissible que l'indemnisation prenne en compte l'éventuelle obsolescence sous une forme quelconque ». Mais il est apparu difficile au législateur de remettre en cause un principe fondamental du droit des assurances, qui risque d'avoir des conséquences financières difficilement évaluables pour les entreprises d'assurance. S'agissant des biens mobiliers, ils ne sont indemnisés que dans la limite des valeurs déclarées ou des capitaux assurés.

Le coût de ce dispositif pour les assureurs, bien que difficile à évaluer, est estimé à environ 2,5 % du chiffre d'affaires actuel de l'assurance dommage des biens des particuliers, soit environ 50 millions d'euros. Compte tenu de la forte concurrence qui existe dans le secteur de l'assurance, et de la difficulté pour les assureurs d'évaluer le risque spécifique à chaque assuré, on peut s'attendre à ce que la hausse de la prime soit homogène sur l'essentiel du territoire, et de l'ordre de deux ou trois euros par contrat. Ce surcoût doit permettre, selon les fédérations d'assureurs, de couvrir les frais de gestion supplémentaires occasionnés par une crise de grande ampleur, ainsi que les difficultés des entreprises d'assurance à effectuer leur recours subrogatoire, soit parce que les parties récuseront leur expertise, soit parce que l'exploitant ne sera pas solvable, ce qui devrait arriver, selon les assureurs, dans 25 % des cas.

Le dernier alinéa du nouvel article L. 128-2 dispose que les indemnisations résultant de cette garantie doivent, sauf stipulation plus favorable, être attribuées aux assurés dans un délai de trois mois à compter de la date de remise en l'état estimatif des biens endommagés ou des pertes subies ou de la date de publication, lorsque celle-ci est postérieure, de la décision administrative prévue à l'article L. 128-1.

En l'état actuel du droit, la liberté contractuelle prévaut en matière de délais d'indemnisation des dommages aux biens, conformément à l'article L. 113-5 du code des assurances. Il est donc très rare que le contrat prévoie un délai d'indemnisation en cas de dommage au local d'habitation ou au véhicule du sinistré. La catastrophe de Toulouse a mis en évidence la nécessité d'instituer un délai légal de paiement de l'indemnité due par l'assureur.

M. Serge Poignant a présenté un amendement visant à insérer un nouvel article après l'article L. 128-2, obligeant le syndic d'un immeuble géré en copropriété, dont les parties communes sont endommagées, à convoquer sans délai l'assemblée générale des copropriétaires. Cette réunion se tiendrait dans les deux semaines suivant la catastrophe, et les décisions visant à autoriser le syndic à engager des travaux à la majorité des copropriétaires présents ou représentés. Votre rapporteur ayant estimé que cet amendement permettrait de répondre à un problème important constaté après la catastrophe de Toulouse, mais qu'il convenait d'en retravailler la rédaction, afin d'éviter, notamment, qu'il ouvre la possibilité au syndic d'engager des dépenses importantes après un vote à la majorité des suffrages exprimés par les copropriétaires présents, M. Serge Poignant l'a retiré.

M. François-Michel Gonnot a, par ailleurs, précisé qu'il conviendrait sans doute d'élargir le champ de ce dispositif aux sinistres liés à des catastrophes naturelles, mais que le délai prévu de deux semaines était trop réduit, compte tenu des délais d'expertise, souvent trop longs.

Article L. 128-3 (nouveau) du code des assurances

Subrogation des droits des assurés et conditions d'opposabilité
des indemnités allouées sans expertise

Le premier alinéa du nouvel article L. 128-3 prévoit un dispositif de subrogation de l'assureur dans les droits des assurés indemnisés. Dans le droit commun, le principe de la subrogation, institué par l'article L. 121-12 du même code, permet à l'assureur de se retourner contre le responsable du dommage. Aux termes de cet article, la subrogation est également possible pour l'assureur contraint d'indemniser les victimes d'une catastrophe technologique, dès lors que le responsable est connu.

Par ailleurs, le deuxième alinéa de cet article, dont la rédaction a été modifiée dans un souci de clarification par la Commission des Affaires Économiques du Sénat, prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les plafonds en dessous desquels le montant des indemnités versées par une entreprise d'assurance ou par le fonds de garantie, prévu par l'article 13 du présent projet, est opposable aux responsables de la catastrophe et à leurs assureurs même s'il est déterminé sans expertise ou à la suite d'une expertise réalisée à la seule initiative des entreprises d'assurance ou du fonds de garantie.

Cette disposition devrait permettre d'éviter les retards d'indemnisation constatés après l'explosion de l'usine AZF, résultant notamment des désaccords entre les assureurs des sinistrés et les assureurs des responsables de la catastrophe sur le montant des indemnisations à octroyer. L'évolution des seuils en deçà desquels une expertise ou une expertise contradictoire n'a pas été sollicitée, a permis d'accélérer le processus d'indemnisation. A l'exception de dégâts particuliers (dommages aux véhicules, dommages constitués exclusivement de vitrages brisés), l'indemnisation a, dans un premier temps, été possible sans expertise pour les sinistres d'un montant inférieur à 1524 euros (10 000 francs), et avec une expertise unique de l'assureur de la victime, pour les sinistres d'un montant inférieur à 15 245 euros (100 000 francs). A la fin du mois d'octobre, le montant des sinistres indemnisés sans contre-expertise a été relevé à près de 45 000 euros (300 000 francs).

Cet alinéa vise donc à instituer un dispositif qui a été appliqué de manière empirique au moment de la catastrophe de Toulouse. Il permet d'accélérer le processus d'indemnisation, sans pour autant porter atteinte au droit que conservent les différentes parties en présence de contester en justice l'expertise effectuée.

La commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

Article 13

(article L. 421-16 (nouveau) du code des assurances)

Indemnisation plafonnée des sinistrés non couverts par un contrat d'assurance

Cet article introduit une section X dans le chapitre Ier du titre II du livre IV du code des assurances, intitulée « Dispositions spéciales aux catastrophes technologiques » et composée d'un article unique, prévoyant une indemnisation plafonnée des victimes d'une catastrophe technologique non assurées contre les dommages matériels de leur habitation principale.

Le premier alinéa de cet article précise que cette indemnisation sera assurée par le fonds de garantie automobile institué par l'article L. 421-1 du code des assurances. En l'état actuel du droit, il revient à ce fonds d'indemniser les victimes d'accidents de la circulation quand aucune assurance ne peut intervenir, en se substituant à l'auteur de l'accident resté inconnu, à l'auteur de l'accident non assuré ou non garanti par son assureur, ou à l'assureur totalement ou partiellement insolvable. En outre, le fonds prend en charge l'indemnisation des dommages corporels occasionnés par les actes de chasse ou de destruction d'animaux nuisibles.

Les ressources du fonds proviennent d'abord du versement de 0,1 % des primes d'assurance de responsabilité civile automobile des assurés. En outre, les entreprises d'assurances contribuent à 1 % des charges du fonds, et les responsables d'accidents non assurés à hauteur de 10 % des indemnités restées à leur charge. Cette contribution est ramenée à 5 % lorsque l'accident implique un véhicule de l'Etat ou les bénéficiaires d'une assurance avec franchise. Enfin, toute condamnation pénale pour défaut d'assurance est majorée de 50 % en faveur du fonds de garantie automobile.

Aux termes de ce nouvel article, le fonds de garantie devra prendre en charge l'indemnisation des dommages causés par une catastrophe technologique, dans les conditions prévues au deuxième alinéa. Ne sont pris en compte que les dommages immobiliers des sinistrés non assurés qui touchent leur habitation principale, dans la limite d'un plafond fixé par décret en Conseil d'Etat, ce qui exclut les dommages aux habitations secondaires, aux biens mobiliers de ces habitations, et aux véhicules de ces sinistrés. Ce dispositif s'inspire de celui qui s'applique en matière d'accidents de la circulation, puisque l'indemnisation des dommages aux biens causés par un accident de la circulation supporte un abattement de 300 euros par victime et ne peut excéder la somme de 460 000 euros par événement.

L'instauration d'un tel dispositif doit permettre d'apporter une solution aux personnes n'assurant pas leur habitation principale, souvent par manque de moyens, tout en limitant l'indemnisation dans son montant, par l'instauration d'un plafond, et dans son champ, en ne prenant en compte que les dommages matériels de l'habitation principale. Cette limitation permet de réduire au maximum l'incitation à ne pas s'assurer que pourrait créer ce dispositif.

Le coût d'un contrat d'assurance multirisque pour le local d'habitation étant d'environ 150 euros par an, le pourcentage d'habitations non assurées est limité à 10 % environ en moyenne nationale. Les zones d'habitations proches des usines sont cependant souvent plus défavorisées, ce qui explique que ce taux y soit plus proche de 15 à 20 %, comme c'était le cas dans les zones d'habitations entourant l'usine AZF. Sur cette base, le coût de la mesure devrait être de l'ordre de 60 millions d'euros par an en moyenne, qui seront financés par un prélèvement de 7 % sur la surprime de 2 ou 3 euros prévue pour la garantie instituée à l'article 12 du présent projet de loi.

La Commission a adopté l'article 13 sans modification.

Après l'article 13

Après que le rapporteur eût indiqué que le représentant de l'Etat disposait déjà de tels pouvoirs, M. Serge Poignant a retiré un amendement visant à permettre au préfet de prendre toute mesure nécessaire à la protection des personnes et des biens, au relogement des sinistrés, à la mise en place d'aides d'urgence, et à l'organisation des secours, en procédant, au besoin, à la réquisition.

Chapitre V

Dispositions diverses

Article 14

(article L. 515-25 (nouveau) du code de l'environnement)

Obligation de réaliser une évaluation de la probabilité d'accident et du coût des dommages éventuels

Dans la rédaction initiale du projet de loi, l'article 14, supprimé par le Sénat, créait, au sein du code de l'environnement, un nouvel article L. 515-25 prévoyant que les exploitants des établissements comprenant des installations classées « Seveso seuil haut » doivent réaliser une évaluation de la probabilité d'occurrence et du coût des dommages matériels potentiels aux tiers en cas d'accident survenant dans cette installation.

Le projet de loi prévoyait de rendre également applicable cette disposition aux stockages de produits souterrains.

Il était prévu que cette évaluation soit transmise au préfet et au président du comité local d'information et de concertation et qu'elle soit réalisée pour chacun des accidents majeurs identifiés dans l'étude des dangers de l'établissement et révisé au même rythme que les études de dangers.

Enfin, un décret en Conseil d'Etat devait préciser les conditions d'application de cet article.

Le Sénat, à l'initiative de sa Commission des affaires économiques, a supprimé cet article. Votre rapporteur regrette vivement cette décision.

Il estime, en effet, que la réalisation de cette évaluation représenterait une charge limitée pour les exploitants compte tenu des informations déjà à leur disposition.

Elle aurait, en contrepartie, des avantages importants tant pour la collectivité que pour l'exploitant lui-même.

Comme l'a rappelé la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la sûreté des installations industrielles, « dans la quasi-totalité des cas, l'approche coût-avantages montre, en intégrant la totalité des coûts, directs et indirects, des accidents, que les investissements de sûreté ont, dans les pays développés, un coût d'opportunité inférieur à celui de tout autre investissement ». Encore faut-il pour que chacun en soit conscient que le coût potentiel de l'accident soit approximativement connu.

Cette estimation ouvre, en outre, la voie à une incitation par des mécanismes de marché à la réduction à la source du risque. Comme l'a rappelé, au Sénat, la ministre de l'écologie et du développement durable, « les analystes et les assureurs disposeraient de cette information et sauraient, mieux que l'Etat, poser les bonnes questions sur la couverture financière du risque et inciter les entreprises, en modulant les primes ou la valeur des actions » à garantir leur solvabilité et, surtout, à réduire à la source ce risque.

M. Yves Détraigne, rapporteur du projet de loi au Sénat, a justifié la suppression de cet article par plusieurs arguments.

Il a souligné, en premier lieu, lors de la séance publique, son souci de « ne pas alourdir les contraintes et obligations déjà importantes qui pèsent sur les entreprises, notamment les industries à risques qui doivent déjà réaliser une étude d'impact sur l'environnement, une étude de danger ». Or, c'est justement parce que de telles études doivent d'ores et déjà être réalisées que les dispositions de l'article 14, qui visent en réalité, pour l'essentiel, la connaissance du risque obtenue par les études de dangers, paraissent réalisables sans contrainte excessive pour les exploitants.

M. Yves Détraigne a, en second lieu, indiqué dans son rapport écrit n° 154 que la réalisation des études prévues par l'article 14 pourrait « provoquer des paniques inutiles dans les populations qui vivent aux alentours de ces industries ». Compte tenu de la nécessité, largement reconnue, de renforcer l'information des populations, notamment afin de développer la conscience du risque, chacun jugera de la pertinence de l'argument.

En troisième lieu, M. Yves Détraigne a estimé, en séance, que l'évaluation réalisée aurait un « caractère hautement approximatif du fait des difficultés qui pourraient apparaître s'agissant de l'estimation de la valeur des biens susceptibles d'être endommagés ». Cette remarque parait largement fondée. Il est évident que l'évaluation ne fournira qu'un ordre de grandeur du coût potentiel des sinistres, ne serait-ce d'ailleurs que parce qu'elle ne prendra pas en compte les dommages aux personnes. Est-ce pourtant une raison pour ne pas la réaliser ? Une connaissance imprécise vaut mieux qu'une ignorance complète. Elle doit toutefois être reconnue comme telle et c'est pourquoi il serait plus opportun de la qualifier d'estimation plutôt que d'évaluation.

En quatrième lieu, M. Yves Détraigne a jugé que la réalisation de ces études ne rentrait pas « dans le strict champ des compétences des industries ». Là encore, l'argument peine à convaincre pour deux raisons principales. La première est qu'il semble que la connaissance du risque créé par son activité relève bien de la compétence d'un exploitant, la seconde étant que rien ne l'empêche de faire appel, en tant que de besoin, à un tiers expert pour l'assister comme cela est souvent le cas pour les études de dangers.

Enfin, M. Yves Détraigne a estimé que les comités locaux d'information et de concertation seraient le cadre le plus approprié pour réaliser de telles estimations, sans pour autant leur confier la tâche de le faire.

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Yves Le Déaut visant à rétablir l'article 14 du projet de loi , supprimé par le Sénat, dans sa rédaction initiale et un amendement du rapporteur ayant le même objet mais imposant la réalisation d'une estimation et non d'une évaluation du coût des sinistres, étendant le champ du dispositif aux stockages souterrains de produits dangereux et comportant quelques autres modifications d'ordre rédactionnel par rapport au dispositif initialement prévu par le projet de loi.

Le rapporteur a indiqué que l'article 14 constituait une disposition essentielle car la connaissance, même imprécise, du coût du risque est nécessaire, et a jugé que l'obligation faite aux exploitants de réaliser cette estimation n'était donc pas illégitime. Il a, par contre, insisté sur la nécessité d'utiliser le terme d'estimation et non celui d'évaluation, trop contraignant et évoquant une précision qui ne sera pas réellement atteinte. M. Jean-Yves Le Déaut s'étant rallié à la position du rapporteur et ayant retiré son amendement, la Commission a adopté l'amendement du rapporteur rétablissant l'article 14 (amendement n° 97).

Article 15

(article L. 104-3-1 (nouveau) du code minier)

Assujettissement des stockages souterrains de produits dangereux
aux PPRT et à l'obligation de l'article 14

Cet article, réécrit par le Sénat pour tirer les conséquences de la promulgation de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie qui a unifié les régimes de stockage souterrain de produits dangereux, modifie le code minier afin de rendre applicable aux stockages visés à l'article 3-1 de ce code les dispositions créés dans le code de l'environnement par l'article 4 du projet de loi et relatives aux PPRT.

La Commission a adopté l'article 15 sans modification.

Article 16

(article L. 225-102-2 (nouveau) du code de commerce)

Informations devant figurer dans le rapport annuel des sociétés

Cet article introduit dans le code de commerce un nouvel article L. 225-102-2 prévoyant, dans la rédaction initiale du projet de loi, que les sociétés qui exploitent au moins une installation classée « Seveso seuil haut » devront, dans le rapport annuel présenté par le conseil d'administration ou par le directoire à l'assemblée générale des actionnaires :

- informer de la politique de prévention du risque d'accident technologique menée par la société ;

- rendre compte de la capacité de la société à couvrir sa responsabilité civile vis-à-vis des biens et des personnes du fait de l'exploitation de telles installations. La Commission a adopté, contre l'avis du rapporteur, un amendement de M. Jean Pierre Decool ajoutant la responsabilité civile liée aux dommages causés aux milieux naturels et aux usages qui en découlent aux éléments pour lesquels une société doit rendre compte de sa capacité à couvrir sa responsabilité dans son rapport annuel (amendement n° 98).

- informer des moyens prévus par la société pour assurer la gestion de l'indemnisation des victimes en cas d'accident technologique engageant sa responsabilité.

Cette dernière catégorie d'informations a été supprimée par le Sénat à l'initiative de sa Commission des affaires économiques qui la jugeait contradictoire avec les dispositions des articles 12 et 13 du projet de loi réglant l'indemnisation des victimes de catastrophes technologiques.

Comme l'a rappelé la ministre de l'écologie et du développement durable, lors de la séance du Sénat, le dispositif proposé par ces articles 12 et 13 ne couvre toutefois pas toutes les indemnisations possibles. Il ne concerne, en effet, que les particuliers et, même pour ceux-ci, il ne concerne que les biens assurés et les résidences principales et non les autres biens non assurés, ni les dommages immatériels.

La Commission a examiné un amendement du rapporteur et un amendement de M. Serge Poignant, rétablissant dans des rédactions légèrement différentes, la disposition du projet de loi initial supprimée par le Sénat, prévoyant que les sociétés doivent également rendre compte dans leur rapport annuel des moyens prévus pour assurer la gestion de l'indemnisation des victimes en cas d'accident technologique engageant leur responsabilité.

Le rapporteur a précisé que le Sénat avait jugé cette disposition contradictoire avec celles des articles 12 et 13 du projet de loi mais que tel n'était pas le cas, compte tenu du champ limité aux biens des particuliers assurés et aux résidences principales non assurées de ces articles et donc de l'absence de régime d'indemnisation spécifique pour les autres dommages notamment ceux subis par des professionnels. Puis, le rapporteur ayant modifié son amendement pour prendre en compte les apports rédactionnels proposés par l'amendement de M. Serge Poignant, M. Serge Poignant a retiré son amendement et la Commission a adopté l'amendement du rapporteur ainsi rectifié (amendement n° 99).

M. François-Michel Gonnot s'étant, ensuite, inquiété de la nécessité de provisionner dans les comptes de l'entreprise les différents risques devant être mentionnés dans le rapport annuel. M. Alain Venot a indiqué que le projet de loi n'imposait pas ce provisionnement et qu'il ne modifiait pas les règles générales comptables applicables en matière de provisions.

Puis, la Commission a adopté l'article 16 ainsi modifié.

Après l'article 16

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean Lassalle, soumettant à la réalisation d'études de dangers les infrastructures de transport.

Article 16 bis (nouveau)

Contrôle de la capacité de l'exploitant à remettre en état le site
lors de la délivrance de l'autorisation d'exploiter

Cet article, ainsi que les quatre suivants, ont été ajoutés au projet de loi par le Sénat à l'initiative du Gouvernement. Ils visent tous à pallier des vides juridiques mis en évidence par le placement en redressement judiciaire de la société Metaleurop Nord exploitant l'usine de Noyelles-Godault.

Il complète l'article L. 512-1 du code de l'environnement, relatif aux conditions auxquelles une installation classée soumise à autorisation peut l'être, pour prévoir qu'au moment de la demande de l'autorisation, l'exploitant doit justifier de sa capacité à remettre en état le site à sa cessation d'activité.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 16 ter (nouveau)

Possibilité d'édicter des prescriptions complémentaires au cours de l'exploitation d'une installation soumise à autorisation

Cet article complète l'article L. 512-7 du code de l'environnement. Celui-ci permet aujourd'hui au préfet, afin de protéger les intérêts défendus par la législation des installations classées et visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, de prescrire la réalisation d'évaluations ou la mise en œuvre de remèdes soit en cas d'accident ou d'incident soit en cas d'infraction à la réglementation.

L'article 16 ter ouvre la possibilité d'édicter les mêmes prescriptions en raison de « tout autre danger ou inconvénient portant ou menaçant de porter atteinte » aux intérêts protégés par la législation des installations classées. Il sera ainsi possible d'édicter des prescriptions complémentaires, au cours de l'exploitation, afin de prévenir des infractions sans attendre la réalisation de celles-ci.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 16 quater (nouveau)

(article L. 512-17 (nouveau) du code de l'environnement)

Remise en état du site après la fermeture d'une installation classée

Cet article complète le chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement par un nouvel article L. 512-17 relatif à la remise en état des sites industriels à la fin de l'exploitation.

Il s'agit, pour l'essentiel, de reprendre dans la loi les dispositions de l'article 34-1 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, toujours en vigueur, qui prévoient que lorsqu'une installation classée est mise à l'arrêt définitif, son exploitant doit remettre son site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 codifié à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Une précision supplémentaire est toutefois apportée pour indiquer que l'état dans lequel l'exploitation doit être placée lors de son arrêt définitif tient compte de l'usage du site. Celui-ci pouvant ensuite évoluer en fonction des intentions de ses propriétaires ultérieurs, il pourrait résulter de cette rédaction une incertitude juridique pour l'exploitant, qu'il est délicat de tenir pour responsable de décisions de tiers.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur précisant que l'usage du site doit être apprécié au moment de l'arrêt de l'exploitation (amendement n° 100).

Il est également précisé que les conditions d'application réglementaires du nouvel article L. 512-17 créé par le présent article seront précisées par décret en Conseil d'Etat.

La Commission a adopté l'article 16 quater ainsi modifié.

Article 16 quinquies (nouveau)

Sanction du défaut d'information du préfet en cas de modification substantielle des capacités techniques et financières de l'exploitant

Cet article complète l'article L. 514-11 du code de l'environnement sanctionnant pénalement diverses infractions à la législation sur les installations classées par un nouveau paragraphe IV punissant de six mois d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait pour l'exploitant de ne pas informer le préfet en cas de modification substantielle de ses capacités techniques et financières, en violation des dispositions prévues par l'article 16 sexies du projet de loi.

La peine d'emprisonnement prévue par la rédaction initiale de l'amendement proposé par le Gouvernement était d'un an, ramenée à six mois par le Sénat à l'initiative de sa Commission des affaires économiques.

La Commission a adopté l'article 16 quinquies sans modification.

Article 16 sexies (nouveau)

(article L. 516-2 (nouveau) du code de l'environnement)

Contrôle des capacités techniques et financières
au cours de l'exploitation

L'article 16 sexies complète le chapitre VI du titre Ier du livre V du code de l'environnement par un nouvel article L. 516-2.

Celui-ci impose aux exploitants des installations dont la mise en activité est subordonnée à la constitution de garanties financières d'informer le préfet en cas de modification substantielle de leurs capacités techniques et financières.

Les installations concernées sont celles visées à l'article L. 516-1 du même code, c'est-à-dire les installations de stockage des déchets, les carrières et d'autres installations présentant des risques importants de pollution et d'accident définies par décret en Conseil d'Etat, dont les installations classées « Seveso seuil haut ».

Informé de l'évolution des capacités techniques et financières de l'exploitant, le préfet pourra, s'il constate que celle-ci risque de ne pas permettre à l'exploitant de satisfaire aux obligations auxquelles l'exploitation de son installation a été subordonnée, y compris en matière de remise en état du site à la fin de l'exploitation, imposer la constitution de nouvelles garanties financières ou la révision des garanties financières existantes.

Enfin, il est précisé qu'un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'application du présent article codifié et celles de l'article L. 516-1 déjà en vigueur ainsi que les conditions de leur application aux installations existantes.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 101) puis l'article 16 sexies ainsi modifié.

Article 16 septies (nouveau)

Création d'un crédit d'impôt pour les dépenses résultant des travaux réalisés au titre des prescriptions des PPRT

Cet article, issu d'un amendement adopté par le Sénat à l'initiative de sa Commission des affaires économiques, complète l'article 200 quater du code général des impôts instituant un crédit d'impôt sur le revenu à raison des dépenses engagées pour l'acquisition de certains gros équipements.

Il s'agit d'accorder le même crédit d'impôt pour les dépenses correspondantes à des travaux prescrits, dans le cadre des PPRT, en application du IV de l'article L. 515-16 du code de l'environnement, concernant la résidence principale du contribuable.

L'idée est évidemment bonne mais la rédaction retenue soulève de multiples problèmes de forme. Outre une erreur matérielle de référence conduisant à viser un article du code de l'environnement qui n'existe pas, elle précise que ces travaux doivent concerner une résidence « située dans un périmètre couvert par un plan de prévention des risques technologiques », ce qui est inutile puisque les prescriptions du PPRT ne peuvent concerner que de telles résidences, et elle s'applique aux dépenses réalisés « sur des logements dont la construction est achevée au plus tard à la date de publication de l'arrêté préfectoral approuvant le plan de prévention des risques technologiques dans le périmètre duquel ils sont situés », précision également redondante avec les dispositions du IV de l'article L. 515-16 du code de l'environnement qui prévoit que les travaux ne peuvent être prescrits que sur des constructions existantes à la date d'approbation du plan.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur de rédaction globale de cet article visant à simplifier la rédaction du dispositif ouvrant droit au crédit d'impôt pour les dépenses correspondant à des travaux prescrits dans le cadre d'un plan de prévention des risques technologiques et, surtout, à l'étendre aux dépenses correspondant à des travaux prescrits dans le cadre d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles (amendement n° 102).

Article additionnel après l'article 16 septies

Régime juridique des silos et des installations assimilées

La Commission a examiné un amendement portant article additionnel de Mme Catherine Vautrin reportant l'entrée en vigueur des dispositions du dernier alinéa de l'article 34 de l'arrêté du 29 juillet 1998 relatif aux silos et aux installations assimilées à un délai déterminé en fonction d'une classification en quatre catégories des silos soumis à autorisation au vu de laquelle des mesures différentes pour chaque catégorie seront prescrites par voie réglementaire.

Mme Catherine Vautrin a expliqué les difficultés rencontrées par les entreprises, et plus particulièrement par les coopératives agricoles, pour mettre aux normes les installations de stockage telles que prévues par l'arrêté du 29 juillet 1998, de nombreuses entreprises ayant été pénalement sanctionnées pour n'avoir pu procéder aux investissements nécessaires dans les délais impartis. Elle a donc souligné la nécessité de revoir les normes relatives aux silos et aux installations assimilées en prévoyant une classification de ces installations selon le degré de risque qu'elles présentent afin d'imposer aux installations de stockage des mesures de protection et de prévention des risques adaptées à leur dangerosité.

M. Jean-Yves Le Déaut a souligné que l'idée de diviser les stockages était pertinente et il a cité pour exemple les dispositions applicables en Allemagne qui, si elles avaient été appliquées en France, auraient rendu obligatoires des mesures très contraignantes pour le stockage du nitrate d'ammonium, évitant ainsi la catastrophe de l'usine AZF de Toulouse. Il a conclu son propos en suggérant qu'un amendement soit préparé en ce sens pour l'examen du projet de loi au titre de l'article 88.

Le rapporteur a tout d'abord souligné qu'il existait un véritable problème concernant la prévention des risques pour les installations de stockage de céréales mais qu'il ne pouvait accepter l'amendement présenté par Mme Catherine Vautrin pour des raisons juridiques, une disposition législative ne pouvant modifier des dispositions qui relèvent du domaine réglementaire. Il a donc invité l'auteur de l'amendement à le retirer pour lui donner le temps de travailler à une nouvelle rédaction de cet amendement maintenant le principe de la classification des installations de stockage selon leur dangerosité et prévoyant des dispositions de protection adaptées à chaque type de risque.

Mme Catherine Vautrin a maintenu son amendement en raison des graves difficultés rencontrées par les professionnels du stockage, lourdement pénalisés en raison d'une réglementation manifestement inadaptée.

Après que le rapporteur s'en fut remis à la sagesse de la Commission, l'amendement de Mme Catherine Vautrin portant article additionnel a été adopté par la Commission (amendement n° 103).

TITRE II

RISQUES NATURELS

Chapitre ier

Information

Article 17

Information des populations

L'article L. 125-2 du code de l'environnement pose le principe général d'un droit à l'information des citoyens sur les risques majeurs, tant technologiques que naturels, auxquels ils sont soumis, ainsi que sur les mesures de sauvegarde qui les concernent.

L'affirmation d'un droit à l'information en matière de risques majeurs est bien évidemment essentielle. On doit en effet garder à l'esprit que plus de deux millions de personnes sont directement concernées par le risque d'inondation ; il est donc indispensable de renforcer, au sein des populations concernées, la conscience du risque.

Pour autant, les dispositions actuelles du code de l'environnement s'apparentent davantage à une déclaration de principe qu'à un dispositif réellement normatif. Le Gouvernement, conscient de la nécessité de donner un contenu plus précis au principe d'information s'agissant des risques naturels, a donc prévu, dans l'article 17 du projet de loi, d'insérer un nouvel alinéa à l'article L. 125-2 du code de l'environnement afin d'améliorer l'information préventive au niveau local.

A cet effet, ce nouvel alinéa prévoit que les maires des communes couvertes par un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPR) prescrit ou approuvé seront tenus d'informer la population au moins une fois tous les deux ans, « par des réunions communales ou tout autre moyen approprié », sur différents éléments relatifs aux risques encourus. Il s'agit :

- des caractéristiques du ou des risques naturels « connus » dans la commune (risque d'inondations, d'éboulements, de glissements de terrains, par exemple) ;

- des mesures de prévention et de sauvegarde possibles, qui concernent notamment les mesures de prévention et de sauvegardes pouvant être mises en œuvre à l'échelon individuel, en matière de construction parasismique, d'implantation des pièces habitables au dessus des plus hautes eaux par exemple en ce qui concerne les mesures de prévention, ou de mise à l'abri en cas de cyclone en ce qui concerne les mesures de sauvegarde ;

- des dispositions du plan de prévention des risques naturels ;

- de l'organisation des secours. Celle-ci correspond aux plans de secours, élaborés soit à l'échelon départemental par le préfet, soit à l'échelon local par la commune ;

- des mesures prises par la commune pour gérer le risque, à savoir l'institution éventuelle d'un plan de secours communal, mais aussi la prise en compte du risque dans le plan local d'urbanisme ou encore les travaux collectifs éventuels de protection ou de réduction partielle de l'aléa ;

- des garanties prévues par le code des assurances en matière de catastrophe naturelle.

On peut s'interroger à ce stade sur le choix qui a été fait d'imposer cette nouvelle obligation au maire, qui n'est pas forcément la personne la plus compétente pour délivrer ce genre d'informations.

Votre rapporteur comprend bien le souci du Gouvernement qui a considéré que le maire, souvent « en première ligne » en cas d'accident ou de catastrophe naturelle, constitue l'intervenant le plus approprié pour délivrer une information préventive permettant à chacun d'être mieux préparé.

Ce choix peut être justifié par les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit dans son 5° qu'il revient à la police municipale de « prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, (...) de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ».

Toutefois, le dispositif prévu par le Gouvernement pourrait, alors que tel n'en est manifestement pas l'objectif, mettre les maires dans des situations délicates, ceux-ci n'étant pas forcément détenteurs de l'ensemble des informations que le projet de loi les charge de diffuser en application du présent article.

Tel est le cas, par exemple, des « caractéristiques du ou des risques naturels connus dans la commune ». Que faut-il entendre par la notion de « risques connus » ? Un administré pourrait-il se retourner contre le maire au motif que celui-ci n'aurait pas informé correctement la population sur certains risques ? Il est également prévu que le maire aura à informer les populations sur l'organisation des secours. Or, si l'organisation des secours relève au premier chef du maire au titre de ses pouvoirs de police, on doit noter que le préfet est également compétent en matière de sécurité civile, notamment en application de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs. En outre, le maire n'est pas forcément compétent s'agissant des mesures de prévention et de sauvegarde possibles.

Il s'agit donc pour le maire de diffuser des informations dont certaines sont en pratique détenues par le préfet, ce qui traduit d'ailleurs bien l'enchevêtrement des compétences en matière de prévention et de lutte contre les risques naturels. La proximité du maire avec la population est bien évidemment un élément à utiliser au profit d'une meilleure information des citoyens. Pour autant, il ne doit pas être mis en porte-à-faux vis-à-vis des administrés.

C'est pourquoi il semblerait préférable de préciser que le maire sera assisté des services de l'Etat compétents et bénéficiera des éléments portés à sa connaissance par le préfet, pour ce qui concerne notamment les questions relatives à la sécurité civile, afin de lui donner la garantie de disposer de l'ensemble des données indispensables à la bonne information des citoyens, comme le prévoit un amendement du rapporteur.

La Commission a adopté, sur avis favorable du rapporteur, un amendement de M. Jean-Pierre Decool visant à préciser que l'information préventive délivrée par le maire en matière de risques naturels doit également porter sur les modalités d'alerte des habitants (amendement n° 104).

Puis, la Commission a adopté un amendement du rapporteur visant à préciser le caractère public des réunions communales d'information (amendement n° 105). La Commission a également adopté un amendement du même auteur précisant que l'information est délivrée par le maire avec l'assistance des services de l'Etat et à partir des éléments portés à sa connaissance par le préfet, lorsqu'elle porte sur l'organisation des secours et la sécurité civile (amendement n° 106). M. Alain Venot, rapporteur, a indiqué que cet amendement répondait à un souci de sécurité juridique accrue, les maires n'ayant pas forcément la maîtrise de telles informations qui portent sur des mesures relevant des compétences du préfet.

La Commission a ensuite rejeté, sur avis défavorable du rapporteur, un amendement de M. Antoine Herth visant à mettre à la charge du maire la diffusion directe de l'information auprès des propriétaires fonciers de la commune lorsque ceux-ci n'y résident pas.

La Commission a adopté l'article 17 ainsi modifié.

Après l'article 17

La Commission a examiné un amendement de M. Yves Cochet portant article additionnel après l'article 17 et ayant pour objet de préciser d'une part, que l'information diffusée à la population résidant ou transitant dans une zone couverte par un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPR) doit être claire, totale, transparente, actualisée et ne souffrir d'aucune ségrégation sociale ou géographique, d'autre part que la consigne se doit d'être applicable. M. Yves Cochet a indiqué que cet amendement permettrait d'améliorer la qualité de l'information fournie aux populations, notamment isolées géographiquement, en cas d'alerte de crues comme en cas de marnières ou de risque d'effondrement de terrain. Il a ajouté que la consigne donnée à la population devait être opérationnelle.

M. Alain Venot, rapporteur, a regretté le caractère plus déclaratif que normatif de cet amendement et a estimé qu'il était difficile, sur le plan pratique, de délivrer une information à une population en transit sans générer un risque important et permanent de contentieux. Il a donc émis un avis défavorable.

M. Jean Launay a jugé possible d'apporter dans le texte de la loi ce type de précision pour des populations en transit, des dispositions réglementaires existant déjà pour traiter la question des consignes à appliquer dans les campings en cas d'alerte.

M. Alain Venot, rapporteur, a estimé que l'existence de telles dispositions, comme les plans de secours, témoignait bien du caractère inutile de l'amendement. Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement portant article additionnel après l'article 17.

Article 18

Surveillance et prévision des crues

L'article 18 du projet de loi initial, relatif à la surveillance et à la prévision des crues, se limitait à insérer un nouvel article L. 563-3 dans le code de l'environnement. Les sénateurs ont procédé à une réécriture globale de cet article du projet de loi, afin d'aller plus loin dans la clarification des compétences respectives de l'Etat et des collectivités territoriales. A cet effet, ils ont donc complété le titre VI (relatif à la prévention des risques naturels) du livre V du code de l'environnement (portant sur la prévention des pollutions, des risques et des nuisances) par un chapitre IV relatif à la prévision des crues, comportant les nouveaux articles L. 564-1 à L. 564-3.

Chapitre IV

Prévision des crues

Article L. 564-1 (nouveau) du code de l'environnement

Compétence de l'Etat en matière d'organisation
de la surveillance et de la prévision des crues

Ce nouvel article du code de l'environnement a été introduit par voie d'amendement de la commission des affaires économiques du Sénat, afin de préciser explicitement qu'il revient à l'Etat, avec le concours des collectivités locales ou de leurs groupements et dans le respect de leur libre administration, d'organiser la surveillance et la prévision des crues. Ce nouvel article précise en outre que l'Etat doit assurer la diffusion des données recueillies et des prévisions établies.

On ne peut que se réjouir d'un tel ajout par les sénateurs, le projet de loi initial étant en effet muet sur ce point. Il était indispensable d'identifier clairement les compétences respectives de l'Etat et des collectivités territoriales, le système actuel étant caractérisé par une confusion d'autant plus dommageable qu'elle peut conduire, en cas de contentieux, à la mise en cause de la responsabilité par défaut des collectivités publiques touchées par une catastrophe naturelle.

Le choix de désigner l'Etat comme responsable de l'organisation de la surveillance et de la prévision des crues permettra ainsi de mettre en place un système homogène et cohérent au plan national, tandis que les collectivités locales ou leurs groupements qui souhaiteraient s'impliquer dans la prévision des crues bénéficieront d'une base légale pour le faire.

Article L. 564-2 (nouveau) du code de l'environnement

Schéma directeur de prévision des crues et accès aux informations

Le nouvel article L. 564-2 du code de l'environnement, introduit par les sénateurs, reprend, en les réorganisant et en les précisant, les dispositions contenues dans l'article L. 563-2 proposé par l'article 18 du projet de loi initial.

Dans son paragraphe I, ce nouvel article L. 564-2 reprend intégralement les dispositions du paragraphe I de l'article L. 563-3 proposé par le projet de loi. Il dispose que pour chaque bassin versant (6), un schéma directeur de prévision des crues doit être arrêté par le préfet coordonnateur de bassin (7), afin d'assurer la cohérence des dispositifs mis en place par d'une part, l'Etat et ses établissements publics et, d'autre part, les collectivités ou leurs groupements sous leur responsabilité et pour leurs besoins propres, afin de surveiller certains cours d'eau ou zones estuariennes. Il s'agit donc de coordonner, d'un point de vue territorial, les initiatives en la matière afin d'éviter tout doublon inutile : en matière de surveillance et de prévision des crues, l'Etat est le chef de file, les collectivités étant par ailleurs libres de mettre en place leurs propres services d'annonce des crues.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, le schéma directeur de bassin devra donc définir les grandes lignes du dispositif mis en place par l'Etat (délimitation des cours d'eau faisant l'objet d'une prévision des crues par l'Etat dans le bassin, rôle des établissements publics de l'Etat tels que Météo-France, Voies navigables de France ou le Bureau de recherches géologiques et minières, organisation géographique des services de prévision des crues, liste des communes concernées, objectifs envisagés pour l'échéance des prévisions suivant les types de cours d'eau surveillés, ou encore principes d'organisation de la diffusion de l'information et de l'alerte).

Il devra en outre identifier la place pouvant être prise par les dispositifs mis en place à l'initiative des collectivités territoriales ou des groupements de ces collectivités dans le bassin. Ce schéma sera arrêté après consultation des collectivités territoriales concernées.

Les sénateurs ont, par ailleurs, interverti les paragraphes II et III prévus par le projet de loi initial pour l'article L. 563-3 du code de l'environnement, dans un souci de clarification rédactionnelle.

Le paragraphe II prévu pour le nouvel article L. 564-2 du code de l'environnement reprend donc intégralement, s'agissant de l'information des collectivités locales en matière de surveillance des crues, les dispositions contenues dans le projet de loi initial. Il s'agit d'assurer aux collectivités un accès gratuit aux données recueillies et aux prévisions élaborées par l'Etat et ses établissements publics, pour les besoins du fonctionnement de leurs propres systèmes de surveillance. Cette précision est importante, certains établissements publics pouvant d'ores et déjà fournir de telles informations, contre rémunération. La gratuité constitue donc une réelle avancée.

Il convient de noter que dans la rédaction choisie, ce droit d'accès gratuit aux données ne constitue qu'une simple faculté offerte aux collectivités locales ; il est donc exclu qu'elles bénéficient d'une transmission systématique des prévisions élaborées par l'Etat et ses établissements publics. Ce choix est motivé par le fait que les collectivités n'auront pas forcément besoin de l'ensemble des prévisions élaborées par l'Etat et ses établissements publics tout au long de l'année. Par ailleurs, l'obligation de transmission systématique pourrait se révéler particulièrement lourde pour les services de l'Etat.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur visant à inclure les informations délivrées par les exploitants d'ouvrages hydrauliques au sein des informations dont l'accès est gratuit pour les collectivités locales (amendement n° 107), après que le rapporteur eut indiqué que l'activité de ces derniers pouvait contribuer à modifier le régime des eaux et donc avoir un impact, parfois significatif, sur le débit des cours d'eau.

Quant au paragraphe III de ce nouvel article, il reprend, avec quelques modifications d'ordre rédactionnel, les dispositions prévues initialement au paragraphe II de l'article L. 563-3 du code de l'environnement par le projet de loi. Il prévoit une transmission automatique, de la part des collectivités ou de leurs groupements, des informations qu'ils ont recueillies et des prévisions qu'ils ont élaborées grâce à leurs dispositifs de surveillance, au bénéfice des autorités détentrices d'un pouvoir de police (le maire, le préfet) ainsi qu'aux responsables des équipements ou exploitations « susceptibles d'être intéressés par ces informations ». La rédaction ainsi retenue ne semble pas tout à fait satisfaisante : en effet, comment une collectivité territoriale pourra-t-elle identifier l'ensemble de ces responsables, s'ils sont simplement susceptibles d'être intéressés par les informations qu'elles détiennent ? La transmission d'informations par les collectivités prévue dans ce paragraphe devant être systématique, il est tout à fait concevable qu'un maire soit pris à parti au motif qu'il n'aurait pas délivré ces informations à l'ensemble des acteurs concernés.

Pour sécuriser la position des collectivités territoriales, votre rapporteur estime donc judicieux d'inverser la logique du dispositif prévu par ce paragraphe, en précisant que les responsables susceptibles d'être intéressés par les informations détenues par la collectivité « ont accès » à ces dernières. Il leur reviendra donc de faire la démarche de s'adresser à la collectivité.

La Commission a, en conséquence, examiné un amendement du rapporteur substituant à l'obligation de transmission d'informations par les collectivités locales une faculté d'information gratuite par celles-ci, sur simple demande des responsables des équipements ou exploitations concernés.

Après que le rapporteur eut indiqué qu'il s'agissait ainsi d'assurer une plus grande sécurité juridique aux collectivités locales, qui n'auront pas à identifier d'elles-mêmes les « responsables d'équipements susceptibles d'être intéressés » par leurs informations, M. François-Michel Gonnot s'est interrogé sur la mise en œuvre pratique d'une telle disposition, dont il a regretté le caractère imprécis. Il a souhaité savoir si l'information mentionnée devait être automatiquement transmise dès lors qu'une demande était formulée, ou si une demande générale et préalable d'information en cas de crues devait avoir été adressée préalablement par le responsable de l'équipement concerné. Dans cette dernière hypothèse, il a suggéré que les maires établissent une liste des personnes à informer.

M. André Flajolet a souligné les risques inhérents à toute obligation de transmission d'informations envers des associations parfois à la source de contentieux.

M. Alain Venot, rapporteur, a estimé que le texte de l'amendement était précis et indiqué qu'il ne prévoyait pas d'instituer une information obligatoire et automatique des personnes concernées, celles-ci ne pouvant, par ailleurs, pas être des associations. Il a en outre jugé délicat l'établissement d'une liste par les maires. Il a enfin accepté de réfléchir à une éventuelle amélioration de la rédaction de cet amendement avant le passage du texte en séance publique. Puis, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 108).

Article L. 564-3 (nouveau) du code de l'environnement

Organisation de la surveillance et de la prévision des crues
par arrêtés du préfet

Les sénateurs ont repris, dans ce nouvel article du code de l'environnement, les dispositions contenues dans les paragraphes IV et V de l'article L. 563-3 du code de l'environnement prévu par le projet de loi initial.

Il précise, dans son paragraphe I, que l'organisation de la surveillance, de la prévision et de la transmission de l'information sur les crues par l'Etat et, le cas échéant, les collectivités locales ou leurs groupements, fait l'objet de règlements arrêtés par le préfet.

Ces règlements auront trait à l'organisation opérationnelle au niveau départemental de la surveillance, de la prévision, de la mise à disposition de l'information et de l'organisation de l'alerte, qui peut varier d'un département à l'autre, compte tenu de la variabilité des types de crues observées. En effet, certaines crues se développent en quelques heures, d'autres peuvent être anticipées un, deux, voire trois ou quatre jours à l'avance. Il convient également de tenir compte des périodes pendant lesquelles le risque est faible (débits faibles, pas de pluie, nappes peu élevées) et de celles pendant lesquelles le risque est plus important (débits élevés, sols saturés, nappes hautes, temps pluvieux).

Il est fréquent que les dispositifs mis en place par l'Etat (Météo-France notamment) et ceux des collectivités locales (suivi des apports de petits bassins versants) soient complémentaires. Il est donc important de synchroniser, chaque fois que nécessaire, les échanges d'informations et d'harmoniser leur contenu, en particulier pour éviter des erreurs d'interprétation.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, les arrêtés préfectoraux devraient être finalisés après concertation entre les acteurs concernés, les collectivités pouvant avoir des demandes vis-à-vis des services de l'Etat et de ses établissements publics et réciproquement.

Ces arrêtés seront en outre pris après consultation du préfet coordonnateur de bassin, qui devra vérifier leur cohérence avec le schéma directeur de bassin et s'assurer de la cohérence des dispositifs mis en œuvre par les différents départements situés sur un même bassin ou sous-bassin.

En contrepartie de leur acceptation d'une discipline commune, les collectivités s'impliquant dans la prévision des crues bénéficieront, comme cela est prévu au paragraphe II du nouvel article L. 564-2 du code de l'environnement (voir supra) d'un accès gratuit aux données recueillies par l'Etat et ses établissements publics.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur visant à préciser, par coordination avec les autres dispositions de l'article 18 du projet de loi, que les arrêtés préfectoraux portant sur l'organisation de la surveillance et la prévision des crues concernent également les établissements publics de l'Etat (amendement n° 109).

Quant au paragraphe II de ce nouvel article, il renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les modalités de mise en œuvre du nouveau chapitre introduit par les sénateurs dans le titre IV du livre V du code de l'environnement.

La Commission a adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article 19

(article L. 563-3 (nouveau) du code de l'environnement)

Repères de crues

Les sénateurs ont apporté quelques modifications à cet article, visant d'une part à rectifier une erreur de référence et d'autre part à préciser le dispositif, sans en modifier notablement le fond, qui vise à entretenir la mémoire du risque. On ne doit pas minimiser l'importance de cet objectif. En effet, il n'est pas rare de constater, notamment en zone rurale, que les populations nouvellement arrivées sur le territoire d'une commune ignorent les sinistres ayant pu la toucher, ce qui peut conduire, dans certains cas, à une incompréhension (voire le non respect) des prescriptions qui peuvent leur être faites. Ainsi que l'a souligné Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable lors de son audition par la Commission, il est pourtant indispensable que les populations deviennent cogestionnaires du risque. A cet égard, perpétuer la mémoire du risque est primordial et constitue un élément essentiel de l'information préventive.

C'est pourquoi, dans son paragraphe I, ce nouvel article du code de l'environnement prévoit qu'il revient au maire, avec l'assistance des services de l'Etat compétents, de procéder à l'inventaire des repères de crues existant sur le territoire communal et d'établir les repères correspondant aux crues historiques, aux nouvelles crues exceptionnelles ou aux submersions marines. D'après les informations communiquées à votre rapporteur, la crue historique est typiquement la crue centennale, mais il convient de souligner qu'elle est avant tout la plus importante : dès lors qu'une nouvelle crue est plus haute qu'une crue dite historique, elle supplante cette dernière pour être, à son tour, qualifiée d'historique.

Le même paragraphe dispose en outre qu'il revient à la commune de matérialiser, entretenir et protéger les repères. On doit noter que le projet de loi initial chargeait le maire de cette tâche. Les sénateurs ont modifié le dispositif, afin de le clarifier en distinguant d'une part la mission du maire au titre de son pouvoir de police générale (inventaire et établissement des repères de crues) et d'autre part l'intervention des services municipaux pour les tâches qui ne relèvent pas de ce pouvoir de police (matérialisation, entretien et protection des repères).

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Serge Poignant visant à donner la possibilité à des structures intercommunales d'intervenir en matière d'inventaire, d'établissement et d'entretien des repères de crues. M. Alain Venot, rapporteur, s'y est déclaré défavorable, deux phases devant en effet être distinguées sur le plan juridique : d'une part, l'inventaire des repères de crues, relevant des pouvoirs de police du maire et ne pouvant par conséquent pas être délégué, d'autre part, la matérialisation et l'entretien de ces repères, pouvant effectivement être délégués. Il a ajouté que le Sénat avait d'ailleurs modifié la rédaction initiale de cet article, afin de bien procéder à cette distinction.

M. André Flajolet a estimé judicieux d'ajouter la notion d'intercommunalité au texte du projet de loi pour tenir compte des responsabilités déjà prises par les syndicats intercommunaux en matière d'entretien des repères de crues, les pouvoirs de police restant naturellement de la compétence du maire.

M. Léonce Deprez a souligné que si les transferts de compétence devaient être globaux et non partiels, il était néanmoins nécessaire de prendre en compte l'intervention des groupements de communes en matière de prévention des inondations et M. François-Michel Gonnot s'est demandé, pour sa part, si l'établissement de l'inventaire des repères de crues relevait réellement des pouvoirs de police du maire.

M. Serge Poignant a alors suggéré de rectifier son amendement afin de préciser que les groupements de collectivités territoriales compétents n'ont à intervenir que pour ce qui concerne la matérialisation, l'entretien et la protection des repères de crues, sans remettre en cause la compétence exclusive du maire en matière d'inventaire et d'établissement de ces repères.

M. Alain Venot, rapporteur, s'est rallié à la modification rédactionnelle proposée par M. Serge Poignant. La Commission a alors adopté, sur avis favorable du rapporteur, l'amendement ainsi rectifié (amendement n° 110).

La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 111).

Puis, la Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-Pierre Decool visant à renvoyer à un décret la détermination les conditions d'application du nouvel article L. 563-3 du code de l'environnement. M. Jean-Pierre Decool a souligné qu'il fallait éviter de faire reposer la nouvelle charge, relative aux repères de crues, sur les collectivités locales ; il a estimé qu'à cet égard, un décret permettrait d'assurer des moyens matériels et financiers adéquats.

M. Alain Venot, rapporteur, a fait part de son scepticisme quant à l'efficacité et l'utilité d'un tel renvoi, la parution d'un décret ne garantissant pas nécessairement une participation financière de l'Etat. M. Jean-Pierre Decool a alors retiré cet amendement.

Puis, la Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur donnant aux maires pour mission d'établir les repères d'avalanches historiques, la commune ayant par ailleurs à matérialiser, entretenir et protéger ces repères. Après que le rapporteur eut indiqué qu'il rectifiait son amendement afin d'y faire référence aux groupements de collectivités territoriales compétents, par cohérence avec l'amendement précédemment adopté de M. Serge Poignant, M. François-Michel Gonnot s'est interrogé sur la notion de repère correspondant à une avalanche historique.

M. Alain Venot, rapporteur, ayant précisé qu'il ne s'agissait pas d'un repère indiquant un niveau, comme cela est le cas pour les crues, M. Jean-Marie Binetruy a estimé qu'il paraissait difficile de matérialiser l'étendue d'une avalanche dans un site donné.

M. Alain Venot, rapporteur, a indiqué que l'esprit du texte était précisément d'entretenir la mémoire du risque, ce qui l'avait conduit à proposer deux amendements du rapporteur portant sur l'article 30 visant à rétablir l'obligation, pour les bailleurs, d'informer les acquéreurs d'un bien immobilier ou les nouveaux locataires sur les catastrophes naturelles passées.

Après que M. Jean-Marie Binetruy eut demandé de remplacer ces repères par un registre de ce type de catastrophe et se fut inquiété des difficultés d'application de cette disposition pour les communes de montagne, le rapporteur, se rangeant aux arguments développés par les commissaires, a retiré son amendement.

Le paragraphe II du même article prévoit, par ailleurs, que sont applicables les dispositions de la loi n° 43-374 du 6 juillet 1943 relative à l'exécution des travaux géodésiques et cadastraux et à la conservation des signaux, bornes et repères. Les propriétaires ne peuvent ainsi s'opposer à la mise en place de repères de crues sur leurs terrains, cette mise en place pouvant se traduire par une servitude de droit public si la commune entend leur donner un caractère permanent. En outre, la destruction, la détérioration ou le déplacement des repères donne lieu à l'application des dispositions de l'article 322-2 du code pénal (peine maximale de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende).

La Commission a adopté l'article 19 ainsi modifié.

Article 19 bis (nouveau)

(article L. 125-6 (nouveau) du code de l'environnement)

Commission départementale des risques naturels majeurs

Ce nouvel article résulte de l'adoption, par le Sénat, d'un amendement de M. Eric Doligé et vise, dans son 1°, à compléter le chapitre V du titre II du livre Ier du code de l'environnement par un nouvel article L. 125-6.

Il s'agit, afin d'assurer une information de qualité sur les risques naturels, d'instituer une commission départementale des risques naturels majeurs, comme il a été procédé en matière de risques technologiques avec l'institution des comités locaux de concertation et d'information. On peut noter que la rédaction du nouvel article L. 125-6 du code de l'environnement reprend, pour partie, des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale lors de la première lecture du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau, sur proposition de la commission d'enquête sur les causes des inondations répétitives ou exceptionnelles. Votre rapporteur salue cette initiative, qui va dans le sens d'un renforcement de l'information préventive et de la concertation, l'échelon départemental semblant, de ce point de vue, particulièrement bien adapté.

Ces commissions auront vocation à se substituer aux cellules d'analyse des risques et d'information préventive (CARIP), constituées par le préfet. Présidées par ce dernier, elles devraient être très ouvertes et permettre à l'ensemble des acteurs concernés d'y participer. Il est ainsi prévu qu'elles seront constituées de trois collèges, comprenant respectivement :

_ des représentants élus des collectivités territoriales et des établissements publics locaux situés en tout ou partie dans le département ;

_ des représentants d'organisations professionnelles (dont un représentant des organisations d'exploitants agricoles, un représentant des assurances et un représentant des notaires - dont la présence est en effet indispensable compte tenu de l'information sur les risques en cas de mutation immobilière, rendue obligatoire par l'article 30 du projet de loi), des représentants d'associations dont un représentant d'associations de sinistrés (se pose alors le problème des départements où n'existe pas une telle association - un amendement du rapporteur vise à préciser que de telles associations ne doivent être représentées que lorsqu'elles existent, afin que ne soit pas contestée la composition de la commission), des représentants de la propriété foncière et forestière et des personnalités qualifiées dont un représentant de la presse écrite ou audiovisuelle locale (le rôle des media est effectivement essentiel en matière d'information préventive).

La Commission a examiné trois amendements identiques de MM. Jean-Pierre Decool, Jean Lassalle et Antoine Herth, visant d'une part à porter de un à trois le nombre minimal de représentants des exploitants agricoles au sein des commissions départementales des risques naturels et d'autre part à introduire des représentants des organismes consulaires concernés dans ces commissions

M. Alain Venot, rapporteur, s'est déclaré défavorable à ces amendements dans la mesure où chaque catégorie professionnelle pourrait ensuite s'estimer insuffisamment représentée. Par ailleurs, il a souligné qu'il proposait un amendement à ce même article permettant de mieux intégrer le monde agricole dans ces commissions, sans pour autant en alourdir le fonctionnement, en y ajoutant un représentant des organismes consulaires.

M. Antoine Herth a estimé que ce projet de loi, en limitant partiellement le droit de propriété au profit d'une gestion concertée des risques naturels, constituait une rupture importante pour les usagers nécessitant, en retour, une transparence des organes chargés de cette gestion. Il a par ailleurs émis la crainte que la présence d'un seul représentant des organisations d'exploitants agricoles contribue à accentuer certaines tensions locales, dans la mesure où les organisations professionnelles agricoles n'ont pas toutes le même avis sur les questions relatives à l'environnement.

M. Alain Venot, rapporteur, s'est dit sensible à la prise en compte des différents intérêts des exploitants agricoles, mais n'a pas estimé souhaitable de relayer les divergences locales au sein des commissions départementales des risques naturels majeurs. En effet, a-t-il fait observer, il reviendra en dernier ressort au préfet d'adapter la composition de ces commissions aux situations concrètes, dans le cadre d'un dispositif légal imposant seulement la présence, en nombre égal, de représentants élus des collectivités territoriales, de représentants d'organisations professionnelles et de représentants des administrations concernées.

M. Léonce Deprez, après avoir estimé que le projet de loi visait à responsabiliser les préfets, les sous-préfets et les maires, a jugé qu'un dispositif législatif trop contraignant risquait de rendre particulièrement difficile la mission de synthèse des différents intérêts professionnels, incombant à l'élu local.

M. Christian Decocq a alors souligné qu'il convenait d'impliquer au mieux les exploitants agricoles dans la gestion des risques naturels, dans la mesure où le présent projet de loi tend à modifier profondément leurs pratiques culturales afin de lutter contre l'érosion des sols.

Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté ces trois amendements.

Elle a ensuite examiné un amendement du rapporteur visant à ouvrir les commissions départementales des risques naturels majeurs à un représentant des organismes consulaires.

Après que M. Jean Launay eut observé que cet amendement ne visait pas à permettre la représentation des différentes tendances des organisations d'exploitants agricoles sur les questions liées à l'environnement dans ces commissions, M. François-Michel Gonnot a demandé si le préfet pourrait choisir entre un représentant d'une chambre d'agriculture ou d'une chambre de commerce et d'industrie.

M. Alain Venot, rapporteur, a indiqué qu'il appartiendrait au préfet d'apprécier la composition optimale de la commission et notamment de décider s'il est nécessaire d'y faire figurer un représentant de la chambre de commerce et d'industrie. Puis, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 112).

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. François-Michel Gonnot visant à porter de un à deux le nombre de représentants des associations de sinistrés au sein de ces mêmes commissions.

Elle a adopté un amendement de M. Alain Venot, rapporteur, visant à préciser, dans un souci de sécurité juridique, que les commissions départementales des risques naturels majeurs comprennent des représentants des associations de sinistrés, lorsque de telles associations existent (amendement n° 113).

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Antoine Herth visant à assurer la représentation des organisations de la propriété agricole et rurale dans les commissions départementales des risques naturels majeurs ;

_ des représentants des administrations concernées, notamment l'inspection d'académie (afin de renforcer la sensibilisation aux risques dans les écoles) et les services de secours. Il conviendrait également que les établissements publics de l'Etat soient associés à la commission départementale, Météo France, Electricité de France ou le Bureau de recherches géologiques et minières pouvant utilement participer à la concertation.

En conséquence, la Commission a adopté un amendement du rapporteur, visant à étendre la composition de cette commission à certains établissements publics de l'État (amendement n° 114).

On doit noter que les trois collèges doivent comprendre un nombre égal de membres. Cela signifie que la commission sera composée au minimum de 33 membres, le deuxième collège (accueillant les représentants d'associations et d'organisations professionnelles) devant être composé, au minimum, de onze membres si l'on prend en compte l'ajout d'un représentant des organismes consulaires.

Les commissions départementales auront pour mission de donner un avis sur la politique de prévention des risques naturels dans le département. Ce nouvel article prévoit, à cet effet, une liste non exhaustive des points sur lesquels ces avis pourront porter :

- les actions à mener pour développer la connaissance des risques et notamment les programmes de sensibilisation des maires à la prévention des risques naturels ;

- les documents d'information sur les risques élaborés en application de l'article L. 125-2 du code de l'environnement et notamment ceux prévus par le décret n° 90-918 du 11 octobre 1990 qui définit en particulier les conditions d'application du droit à l'information. Ces documents sont le dossier synthétique (informations sur les risques) établi par le préfet et le document d'information (mesures de sauvegarde) établi par le maire ;

- la délimitation des zones d'érosion et les programmes d'action correspondants définis dans les conditions prévues par l'article L. 114-1 du code rural (8), qui portent sur les pratiques agricoles à mettre en œuvre pour lutter contre l'érosion des sols.

La Commission a adopté un amendement de M. Jean-Pierre Decool visant à préciser que les commissions départementales des risques naturels majeurs peuvent émettre un avis sur l'application des programmes d'action pour lutter contre l'érosion (amendement n° 115).

La Commission a ensuite adopté un amendement de M. Antoine Herth visant à préciser que les commissions départementales donnent leur avis sur les obligations mises à la charge des propriétaires et des exploitants des terrains situés dans des zones de rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement (amendement n° 116) ;

- la délimitation des zones de rétention temporaire des eaux de crue ou de ruissellement ou des zones de mobilité d'un cours d'eau visées à l'article L. 211-12 du code de l'environnement (9), dans lesquelles des servitudes d'utilité publique peuvent être instituées pour réguler le débit des cours d'eau. Cette précision a été introduite sur demande du Gouvernement ;

- la procédure de mise en oeuvre des plans de prévention des risques, qui va de leur programmation dans le temps à leur actualisation. Il convient de préciser que sont ici visés les plans de prévention des risques naturels prévisibles, et non les plans de prévention des risques technologiques. La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 117) ;

- les aides aux travaux permettant de réduire le risque ;

- les expropriations pour cause de risque naturel majeur et autres opérations auxquelles contribue le fonds de prévention des risques naturels majeurs (on doit noter que le recours à de telles procédures est très rare) ;

- les retours d'expériences suite à des catastrophes. La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 118) ;

- tout rapport, projet ou programme ayant trait à la prévention des risques naturels et qui lui est soumis par le préfet.

Il est en outre prévu que ces commissions seront informées annuellement des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Elles seront donc largement informées et constitueront un lieu de concertation indispensable pour mener à bien les opérations de prévention des risques naturels.

Enfin, les sénateurs ont procédé à la modification de l'article L. 131-1 du code de l'environnement, dans le 2° de l'article 19 bis du projet de loi, afin de préciser que la commission départementale des risques naturels majeurs fera partie du conseil départemental de l'environnement. La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 119).

Elle a ensuite adopté l'article 19 bis ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 19 bis

(article L. 125-7 (nouveau) du code de l'environnement)

Élaboration de schémas de prévention et de gestion des risques naturels
par le préfet

La Commission a été saisie d'un amendement du Président Patrick Ollier, défendu par M. Alain Venot, rapporteur, qui y a émis un avis favorable, en précisant que celui-ci visait à instaurer une coordination entre les différents intervenants en matière de risques naturels. Il a indiqué qu'il reviendrait au préfet d'établir des schémas de prévention des risques naturels précisant les actions à conduire dans le département en matière de connaissance du risque, de surveillance et de prévision des phénomènes, d'information et d'éducation sur les risques, de prise en compte des risques dans l'aménagement et la gestion du territoire, de travaux permettant de réduire le risque, et de retour d'expériences. En outre, la commission départementale des risques naturels majeurs sera appelée à donner son avis sur ces schémas.

La Commission a adopté cet amendement portant article additionnel après l'article 19 bis (amendement n° 120).

Article 19 ter (nouveau)

(article L. 213-10 du code de l'environnement)

Établissements publics territoriaux de bassin

Le nouvel article 19 ter du projet de loi résulte de l'adoption, par le Sénat, d'un amendement de M. Eric Doligé, qui s'inspire également des amendements suscités par la commission d'enquête sur les causes des inondations répétitives ou exceptionnelles, lors de l'examen du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau, lors de la précédente législature. Il vise à substituer aux actuels articles L. 213-10 à L. 213-12 du code de l'environnement, un unique article L. 213-10, afin de tirer les conséquences de l'inadéquation de ces dispositions aux besoins des collectivités territoriales et reconnaître le rôle des établissements publics territoriaux de bassin.

Les actuels articles L. 213-10 à L. 213-12 du code de l'environnement prévoient en effet la possibilité de créer, par décret en Conseil d'Etat, des établissements publics administratifs à vocation de maîtrise d'ouvrage sous tutelle de l'Etat ; en pratique, aucun établissement n'a été créé, notamment en raison de la lourdeur de leur procédure de constitution. Leur création n'intervient qu'après consultation des personnes intéressées, une consultation préalable des conseils généraux étant par ailleurs obligatoire si une majorité des communes concernées émet un avis défavorable. Quant à leur organisme directeur, il doit comprendre des « représentants de toutes les catégories de personnes publiques et privées intéressées à l'accomplissement de son objet ».

Alors que la lourdeur de cette procédure conduisait les collectivités à se détourner de ces établissements, certaines d'entre elles ont pris des initiatives de manière autonome, afin de créer des « établissements publics territoriaux de bassin » (EPTB), notamment afin d'aménager les cours d'eau et prévenir les inondations. Cette formule a connu un réel succès ; tous les acteurs locaux s'accordent à reconnaître aujourd'hui l'utilité de ces structures.

Il est donc proposé de procéder à un « toilettage législatif » en supprimant les actuels articles L. 213-10 à L. 213-12 du code de l'environnement et d'élaborer une nouvelle rédaction de l'article L. 213-10, afin de consacrer législativement les établissements publics territoriaux de bassin, qui couvrent aujourd'hui de 85 % à 90 % du territoire français et jouent un rôle essentiel en matière de prévention des inondations et de coordination des actions des collectivités locales situées sur leurs bassins.

Dans son premier alinéa, l'article L. 213-10 dans sa nouvelle rédaction dispose que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent s'associer au sein d'un EPTB afin de faciliter, à l'échelle d'un bassin ou d'un sous-bassin hydrographique, la prévention des inondations. L'objet des EPTB devrait donc être relativement restreint, mais il est vrai que la quasi-totalité d'entre eux ont pour mission de prévenir les inondations ; aussi cette disposition ne devrait-elle pas, en pratique, limiter le périmètre d'intervention des établissements publics territoriaux de bassin existants.

Le deuxième alinéa précise, quant à lui, la forme juridique que peuvent prendre ces établissements publics, en renvoyant, pour leur constitution et leurs modalités de fonctionnement, aux articles L. 5421-1 à L. 5421-6 du code général des collectivités territoriales (institutions et organismes interdépartementaux) et aux articles L. 5721-1 à L. 5721-7 du même code (syndicats mixtes « ouverts », c'est-à-dire associant des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales).

Par ailleurs, le troisième alinéa de cet article prévoit que le préfet coordonnateur de bassin délimite, par arrêté et après avis du comité de bassin et des collectivités territoriales concernées et, si elle existe, de la commission locale de l'eau, le périmètre d'intervention de l'établissement public.

Le quatrième alinéa de l'article permet au préfet de délimiter le périmètre d'un nouvel EPTB si un tel établissement public n'existe pas, ou de modifier le périmètre d'un EPTB existant si celui-ci ne lui apparaît pas pertinent. Cette disposition pose problème, car elle est en contradiction avec le premier alinéa de l'article, aux termes duquel les collectivités sont libres de s'associer, ou pas, au sien d'un établissement public territorial de bassin. Il semble difficile de concilier ce principe de base avec la possibilité pour le préfet d'imposer la création d'un EPTB, sans que les collectivités manifestent la moindre volonté en ce sens.

On comprend bien le souci qui a animé le Sénat en adoptant ce dispositif : il s'agit de garantir que le périmètre de l'EPTB est effectivement pertinent. Pour autant, il ne semble pas que les sénateurs aient souhaité permettre au préfet d'imposer la création d'un établissement public aux collectivités, ce qui constituerait une atteinte excessive au principe de leur libre administration. En effet, M. Eric Doligé, auteur de l'amendement insérant le nouvel article 19 ter dans le projet de loi, a bien précisé que « l'adhésion des collectivités restera, bien entendu, facultative » (10).

En tout état de cause, il convient que le périmètre d'intervention de l'EPTB suive une logique hydrographique afin que l'établissement public puisse coordonner les grands travaux des collectivités sur ce bassin, y compris ceux de communes, de syndicats de communes ou de départements non adhérents à la structure mais qui sont situés dans son périmètre d'intervention. En revanche, si l'on peut estimer que ces collectivités auraient « vocation » à adhérer à l'EPTB, il ne parait aucunement souhaitable de leur imposer une telle adhésion, l'établissement public territorial de bassin ayant simplement vocation à jouer un rôle de chef de file. Dans le cas où un tel établissement n'existerait pas, il ne semble pas souhaitable, au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, de permettre au préfet d'imposer la création d'un établissement public. Tout au plus, celui-ci devrait-il souligner auprès des collectivités l'intérêt qu'elles auraient à se regrouper dans un EPTB. C'est pourquoi il semble préférable de supprimer le quatrième alinéa de cet article.

Enfin, le dernier alinéa de cet article précise qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application de cet article L. 213-10 du code de l'environnement.

M. Antoine Herth a présenté un amendement visant à rendre obligatoire l'association des collectivités territoriales intéressées et de leurs groupements au sein d'un établissement public territorial de bassin, estimant que la réussite de cet organisme supposait un engagement réel des collectivités locales.

M. Alain Venot, rapporteur, s'est déclaré défavorable à cet amendement, le principe de libre administration des collectivités locales s'opposant à ce que ces dernières soient contraintes à participer à de tels établissements publics et M. Serge Poignant a également jugé que l'on ne pouvait obliger celles-ci à s'associer à un EPTB.

Après que M. Antoine Herth eut estimé que le problème des bassins situés sur deux départements risquait de ne pas être réglé si la participation à ces établissements publics, destinés à les gérer, n'était pas obligatoire, le rapporteur a indiqué que l'amendement relatif aux schémas de prévention et de gestion des risques naturels permettrait de régler partiellement ce problème. M. Antoine Herth a alors retiré son amendement.

Puis, la Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 121).

Elle a ensuite été saisie d'un amendement du rapporteur visant à supprimer la possibilité, pour le préfet, de délimiter le périmètre d'un établissement public territorial de bassin lorsqu'un tel établissement n'existe pas. Le rapporteur ayant souligné que la disposition dont la suppression était demandée permettait, en pratique, au préfet d'obliger les collectivités locales à créer ce type d'établissement, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 122).

La Commission a ensuite adopté l'article 19 ter ainsi modifié.

Article 19 quater (nouveau)

(article L. 563-4 (nouveau) du code de l'environnement)

Institution de servitudes à proximité de radars hydrométéorologiques

L'article 19 quater du projet de loi, qui tend à insérer un nouvel article L. 563-4 dans le code de l'environnement, a été adopté sur initiative de M. Yves Détraigne, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques du Sénat.

Il vise à étendre aux radars hydrométéorologiques les dispositions des articles L. 54 à L. 56-1 du code des postes et télécommunications, afin de supprimer, par l'institution de servitudes, les obstacles entrant dans le cône d'action de ces radars qui sont essentiels en matière de surveillance des gros orages.

En conséquence, lorsque ces servitudes entraîneront la suppression ou la modification de bâtiments et à défaut d'accord amiable, il pourra être recouru à l'expropriation. Dans les autres cas, les servitudes instituées sur les propriétés voisines des radars (telles que le défrichement notamment) ouvriront droit à indemnités s'il en résulte une modification de l'état antérieur des lieux, déterminant un dommage direct, matériel et certain.

Enfin, pour ne pas avoir à mettre en place ces servitudes sur l'ensemble des propriétés voisines de radars, il est précisé que la liste des radars concernés sera dressée par arrêté conjoint du ministre chargé des transports et du ministre chargé de l'environnement.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Chapitre II

Utilisation du sol et aménagement

Article 20

(article L. 211-12 (nouveau) du code de l'environnement)

Instauration de servitudes dans les zones de rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement et dans les zones de mobilité d'un cours d'eau

L'article 20 du projet de loi vise à compléter le chapitre Ier (Régime général et gestion de la ressource) du titre II (Eau et milieux aquatiques) du livre II (Milieux physiques) du code de l'environnement, en y insérant un nouvel article L. 211-12. Celui-ci ouvre la possibilité à l'Etat, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements d'instaurer des servitudes d'utilité publique en vue de réduire les crues ou les ruissellements en aval des cours d'eau et favoriser la mobilité des cours d'eau, afin de limiter les risques d'inondations en amont, grâce à un ralentissement dynamique des crues.

On peut noter que ce nouvel article s'inspire fortement des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale à l'article 28 du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau, en vue d'assurer une gestion plus efficace et plus « douce » des cours d'eau : il s'agit d'aller au-delà de la simple logique de protection des zones urbanisées par la réalisation d'ouvrages souvent importants et coûteux tant en matière d'investissement que pour leur entretien, en privilégiant une intervention située le plus en amont possible. L'imposition de servitudes permet en outre d'éviter le recours à la procédure, relativement lourde, de l'expropriation des terrains et de maintenir des activités, notamment agricoles, compatible avec ces servitudes. Par ailleurs, le projet de loi ouvre la possibilité de recourir au droit de délaissement et au droit de préemption urbain, ces deux outils devant permettre aux collectivités de gérer au mieux leur politique de prévention des inondations.

Le paragraphe I du nouvel article L. 211-12 de l'environnement ouvre la possibilité à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, d'instituer des servitudes d'utilité publique, en précisant quels sont les terrains pouvant être grevés de ces servitudes. Il s'agit des « terrains riverains d'un cours d'eau » (domanial ou pas), ou de la dérivation d'un cours d'eau, ou de ceux situés dans son bassin versant. S'agissant de ces derniers, le bassin versant peut être défini comme le territoire à l'intérieur duquel toutes les gouttes de pluie qui tombent s'écoulent, puis se rejoignent en un même endroit pour former une rivière qui débouche sur un fleuve ou dans la mer. Il correspond donc à un phénomène physique. De manière pratique, chaque bassin versant peut donc être déterminé à partir d'une base de données référentielle.

Notons qu'à l'heure actuelle, peuvent être instituées, afin de réguler les cours d'eau, des servitudes d'entretien à la charge des propriétaires riverains (article L. 211-14 du code de l'environnement notamment), les collectivités pouvant par ailleurs, dans certains cas, mettre à la charge des propriétaires des travaux d'entretien des cours d'eau en application de l'article L. 151-36 du code rural. Par ailleurs, les plans de prévention des risques naturels prévisibles peuvent contenir des prescriptions qui ont alors valeur de servitudes, non indemnisées. Enfin, une servitude spécifique a été instituée en Alsace par la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 portant dispositions diverses en matière de transport, afin de stocker les crues du Rhin grâce à la réalisation du polder d'Erstein.

La Commission a rejeté, conformément à l'avis du rapporteur, un amendement présenté par M. Antoine Herth tendant à préciser que les servitudes visant à créer des zones de rétention temporaire des eaux ou des zones de mobilité d'un cours d'eau devaient être prioritairement conventionnelles, des servitudes d'utilité publique ne pouvant être instituées qu'à défaut d'accord amiable des propriétaires concernés.

Le paragraphe II du même article précise quel peut être l'objet de ces servitudes.

Le 1° de ce paragraphe définit la première catégorie de servitudes qui peuvent être instituées : ce sont celles qui ont pour objet de créer des « zones de rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement », par des aménagements permettant d'accroître artificiellement la capacité de stockage des eaux de ces zones, afin de réduire les crues ou les ruissellements des secteurs situés en aval. Il s'agit donc de retenir artificiellement et de manière temporaire en période de crues une partie des eaux dont l'écoulement pourrait causer des dommages graves à l'aval, comme cela est déjà le cas sur le Rhin, notamment à Erstein, où plus de 600 hectares de forêt ont été transformés en zones de rétention des crues, en application de l'article 7 de la convention signée le 6 décembre 1982 entre l'Allemagne et la France. Les aménagements ainsi réalisés (digues, remblais, fossés, etc.) doivent donc permettre de réguler le débit des cours d'eau en surinondant les zones grevées de servitude, l'impact de ces aménagements étant par ailleurs neutre lorsque le débit du cours d'eau est normal.

Le dispositif prévu est tout à fait satisfaisant, mais mériterait, aux yeux de votre rapporteur, d'être plus précis quant à l'objectif de ces zones. Aux termes du projet de loi, elles doivent permettre de réduire les crues ou les ruissellements dans des « secteurs situés en aval ». L'intention du Gouvernement est, sans conteste, de protéger les zones urbanisées des risques d'inondations, ce qui ne figure pas de manière explicite dans cette rédaction. Dans un souci de précision rédactionnelle et afin d'éviter toute ambiguïté, il semblerait donc plus judicieux de faire référence aux secteurs « situés en aval et comprenant des constructions, ouvrages ou installations dont la protection présente un intérêt particulier ». Sont ainsi visés non seulement les secteurs urbanisés, mais également ceux accueillant des infrastructures ou équipements dont l'inondation doit pouvoir être évitée grâce aux zones de rétention temporaire, et qui ne sont pas forcément situés en zone urbanisée (c'est typiquement le cas des autoroutes).

La Commission a en conséquence adopté un amendement du rapporteur précisant que les secteurs protégés des crues par les zones de rétention temporaire des eaux doivent comprendre des constructions, des ouvrages ou des installations dont la protection présente un intérêt particulier (amendement n° 123), après que le rapporteur eut estimé que les contraintes imposées en amont ne lui semblaient pouvoir être justifiées que par le souci de protéger, en aval, des zones déjà urbanisées, des ouvrages, notamment des voies de communication ou des installations comme des usines dangereuses.

Le 2° du même paragraphe ouvre la possibilité d'instituer un second type de servitudes, ayant pour objet de « créer ou restaurer des zones de mobilité du lit mineur » des cours d'eau, afin de préserver ou de restaurer leurs caractères hydrologiques (relatifs à la composition et aux propriétés des eaux) et géomorphologiques (concernant notamment le relief) essentiels.

Il s'agit donc de créer des zones à l'intérieur desquelles les rivières peuvent évoluer librement lorsque leur lit « mineur » (c'est-à-dire leur lit « habituel », par opposition au lit majeur qui est constitué en période de forte crue et délimité par le niveau des plus hautes eaux) est mobile, comme c'est le cas pour la Durance. Ces servitudes nécessitent donc que soient éventuellement supprimés certains aménagements, tels que des digues, des enrochements ou des remblais, réalisés par les propriétaires afin de protéger leurs terrains des crues, qui ont pour conséquence de retreindre le lit mineur et donc contribuent à accroître le débit du cours d'eau ainsi que les risques d'inondations dans les secteurs urbanisés situés en aval.

On doit noter que dans le projet initial, devait être restauré, outre le caractère hydrologique et le caractère géomorphologique du cours d'eau, son caractère écologique. Les sénateurs ont supprimé cette précision, il est vrai déjà partiellement satisfaite par la mention des caractères hydrologiques et géomorphologiques, au motif justifié que le caractère écologique ne répond pas strictement à l'objet initial de la servitude, qui consiste à limiter le risque d'inondation.

Les sénateurs ont, par ailleurs, apporté une précision indispensable, en spécifiant que les servitudes prévues au 2° de cet article visent à restaurer ou créer des zones de mobilité « en amont des zones urbanisées ». Dans un souci de coordination rédactionnelle avec le 1°, votre rapporteur propose de viser non pas les zones urbanisées mais les « secteurs comprenant des constructions, ouvrages ou installations dont la protection présente un intérêt particulier », rédaction qui permet de couvrir, outre les zones urbanisées, celles qui sont peu ou pas urbanisées mais accueillent des équipements importants dont la protection est indispensable.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur, précisant que les secteurs protégés par les zones de mobilité d'un cours d'eau devront également comprendre des constructions, des ouvrages ou des installations dont la protection présente un intérêt particulier (amendement n° 124).

Le paragraphe III de cet article précise, quant à lui, que les zones soumises aux deux types de servitudes exposés ci-dessus doivent être délimitées par arrêté préfectoral, pris après enquête publique menée conformément au code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le commissaire-enquêteur pourra donc entendre toutes personnes qu'il lui paraît utile de consulter, organiser une réunion d'information ou faire communiquer au public tout document utile à sa bonne information, sous réserve du respect des secrets protégés par la loi. Il pourra enfin prolonger l'enquête publique pour une durée maximale de quinze jours.

Les paragraphes IV et V de cet article précisent les obligations particulières qui peuvent être imposées aux propriétaires ou exploitants dont les terrains sont situés soit en zone de rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement, soit en zone de mobilité d'un cours d'eau.

Le cas des zones de rétention temporaire des eaux de crues est traité au paragraphe IV. Celui-ci prévoit que l'arrêté préfectoral délimitant le périmètre de la servitude peut obliger les propriétaires et exploitants à s'abstenir de tout acte de nature à nuire au bon fonctionnement et à la conservation des ouvrages destinés à permettre l'inondation de ces zones. A cet effet, ce même arrêté préfectoral peut soumettre à déclaration préalable des travaux et ouvrages n'entrant pas dans le champ d'application des autorisations ou déclarations d'urbanisme (permis de construire et déclaration de travaux notamment) mais qui sont susceptibles de faire obstacle au stockage ou à l'écoulement des eaux en raison de leur nature, de leur importance ou de leur localisation.

On doit noter que le projet de loi initial n'envisageait ce régime de déclaration préalable que pour les travaux non soumis à permis de construire ; les sénateurs ont élargi le dispositif à des travaux moins importants, qui ne sont pas soumis à déclaration de travaux au titre du code de l'urbanisme.

Par ailleurs, le projet de loi initial ouvrait la possibilité au préfet de s'opposer à l'exécution des travaux soumis à déclaration préalable ou de prescrire les modifications nécessaires « dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat », les travaux ne pouvant commencer avant l'expiration de ce délai. Les sénateurs ont souhaité préciser que le délai pendant lequel le préfet peut s'opposer aux travaux est d'une durée de trois mois à compter de la réception de la déclaration. Par ailleurs, le projet de loi initial limitait l'objet des modifications susceptibles d'être imposées par le préfet au seul « écoulement des eaux ». Les sénateurs ont supprimé la référence à l'écoulement des eaux, au motif, justifié, que le préfet doit également pouvoir prescrire des modifications pour ne pas contrevenir au stockage des eaux.

Votre rapporteur, s'il estime tout à fait justifié de soumettre des travaux, même mineurs, à déclaration préalable, s'interroge sur l'éventuelle différence de traitement qui pourrait résulter de ces dispositions. En effet, des travaux qui ne sont actuellement soumis à aucune procédure d'autorisation ou de déclaration préalable au titre du code de l'urbanisme (travaux de faible incidence) pourront désormais être soumis à une procédure de déclaration préalable auprès du préfet qui aura trois mois pour autoriser les travaux. En revanche, les travaux d'une importance plus conséquente relèveront toujours du code de l'urbanisme et le pétitionnaire aura à s'adresser au maire qui aura deux mois pour autoriser ou pas les travaux.

Même si la plupart des travaux visés dans le présent paragraphe devraient être, en pratique, de caractère agricole ou forestier (plantation de haies, ensemencement par exemple), on ne peut exclure que ce nouveau régime de déclaration préalable concerne des travaux mineurs, non soumis à déclaration de travaux, mais entrant dans le champ d'application du code de l'urbanisme.

Certes, ce dernier soumet, en matière d'utilisation du sol, une très grande variété de travaux à autorisation ou à déclaration. En application de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme, la déclaration de travaux concerne en effet les constructions ou travaux n'ayant pas pour effet de changer la destination d'une construction existante et qui ont notamment pour effet de créer, sur un terrain déjà bâti, une surface de plancher hors œuvre brute inférieure ou égale à 20 mètres carrés. Néanmoins, il reste probable que certains travaux de faible importance, tels que la construction d'une cabane au fond d'un jardin, seront soumis à déclaration préalable auprès du préfet alors qu'ils sont exemptés de toute procédure de demande d'autorisation ou de déclaration préalable au titre du code de l'urbanisme.

En tout état de cause, le risque existe que cette disposition entraîne une réelle différence de traitement s'agissant du délai dans lequel l'autorité compétente pour instruire la demande devra statuer : un ou deux mois dans le cas des travaux soumis à autorisation ou déclaration d'urbanisme et trois mois pour les autres. Sur ce point, une harmonisation semble nécessaire.

Dans un souci de simplification des démarches, votre rapporteur propose donc que les travaux entrant dans le champ du code de l'urbanisme mais ne relevant ni de la procédure du permis de construire, ni de celle de la déclaration de travaux, soient soumis à déclaration préalable auprès du maire et non auprès du préfet, le maire ayant alors à recueillir l'accord de ce dernier. Par ailleurs, le préfet aurait à instruire les déclarations préalables pour les ouvrages ne relevant pas du code de l'urbanisme et, dans un souci d'harmonisation des procédures, le délai dont il disposerait pour s'opposer aux travaux ou pour prescrire des modifications serait ramené de trois mois à deux mois, délai de droit commun en matière d'urbanisme.

La Commission a en conséquence examiné un amendement du rapporteur simplifiant la procédure encadrant la réalisation de travaux et d'ouvrages dans les zones de rétention temporaire des eaux. Le rapporteur a rappelé que, dans ces zones, le dispositif adopté par le Sénat, d'une part, prévoyait que le maire devrait recueillir l'accord du préfet avant d'autoriser ou de laisser engager la réalisation de travaux et d'ouvrages soumis à déclaration préalable au titre du code de l'urbanisme et susceptibles de faire obstacle au stockage ou à l'écoulement des eaux et, d'autre part, permettait de soumettre à déclaration préalable auprès du préfet la réalisation des travaux et ouvrages pouvant avoir les mêmes conséquences et n'entrant pas dans le champ d'application des autorisations ou déclarations instituées par le code de l'urbanisme, le préfet pouvant s'opposer à leur réalisation dans un délai de trois mois. Il a indiqué qu'en conséquence, la réalisation de travaux qui, en raison de leur faible importance (comme une cabane au fond du jardin), ne nécessitaient pas de déclaration en application du code l'urbanisme, serait subordonnée à une déclaration auprès du préfet et que ces travaux ne pourraient donc commencer avant l'expiration d'un délai de trois mois alors que d'autres plus importants, relevant du régime de la déclaration de travaux réalisée auprès du maire, pourraient être entrepris au terme d'un délai de deux mois.

Il a indiqué que son amendement visait à mettre un terme à ces différences de traitement. Ainsi, a-t-il souligné, il faut, en premier lieu, que soit soumise à déclaration préalable auprès du maire la réalisation de « travaux » d'une incidence trop faible pour être soumis à déclaration de travaux, et susceptibles de faire obstacle au stockage ou à l'écoulement des eaux ; la réalisation d'« ouvrages » n'entrant pas dans le champ d'application des autorisations ou déclarations instituées par le code de l'urbanisme et susceptibles d'avoir les mêmes conséquences, devrait, quant à elle, être soumise à déclaration préalable auprès du préfet.

Il a indiqué, en second lieu, que son amendement prévoyait, dans un souci d'harmonisation, que le préfet disposerait d'un délai de deux mois pour s'opposer à la réalisation des ouvrages déclarés auprès de lui, délai pendant lequel les travaux ne pourront commencer. La Commission a adopté cet amendement du rapporteur (amendement n° 125).

Enfin, il est prévu que l'arrêté préfectoral fixe « dans un délai déterminé » les dispositions nécessaires pour évacuer tout engin mobile pouvant provoquer ou subir des dommages (cette dernière précision étant justifiée par le fait qu'en cas de dommage au véhicule, il reviendrait à la collectivité publique ayant institué la servitude d'indemniser le propriétaire). Il semble, dans ce cas, tout à fait justifié de ne pas fixer dans la loi de délai s'imposant au préfet dans la loi, une adaptation aux circonstances locales étant, dans ce cas, indispensable.

Le paragraphe V du même article précise les obligations particulières pesant sur les propriétaires et occupants des terrains grevés d'une servitude liée à l'instauration d'une zone de mobilité d'un cours d'eau.

En premier lieu, est énoncé un principe général d'interdiction de tous les travaux ou ouvrages susceptibles de faire obstacle au déplacement naturel du cours d'eau ; il s'agit notamment des travaux de protection des berges, des remblais, des endiguements et affouillements ou encore de diverses constructions ou installations.

Afin de garantir que l'ensemble de ces travaux ne seront pas réalisés, ce qui suppose qu'ils puissent être identifiés, il est prévu, selon une logique identique à celle du paragraphe précédent, que l'arrêté préfectoral peut soumettre à déclaration préalable les travaux et ouvrages qui sont susceptibles de faire obstacle au déplacement naturel du cours d'eau en raison de leur nature, de leur importance ou de leur localisation, s'ils ne sont pas soumis à autorisation ou déclaration instituée par le code de l'urbanisme. Comme cela est prévu au paragraphe IV, le préfet pourra alors, par décision motivée, s'opposer ou travaux ou prescrire des modifications dans un délai de trois mois (cette précision ayant été introduite par le Sénat), les travaux ne pouvant commencer avant l'expiration de ce délai.

Les mêmes observations que celles émises concernant le précédent paragraphe peuvent être faites : notamment, seuls les travaux entrant dans le champ du code de l'urbanisme devraient être soumis à déclaration préalable auprès du maire, qui aurait à recueillir l'accord du préfet, les autres ouvrages devant être soumis à déclaration préalable auprès du préfet qui aurait un délai ramené à deux mois pour s'opposer aux travaux ou prescrire des modifications, afin d'éviter des inégalités de traitement des pétitionnaires.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur simplifiant, de manière identique à celle prévue au précédent paragraphe, la procédure encadrant la réalisation de travaux et d'ouvrages dans les zones de mobilité d'un cours d'eau (amendement n° 126).

Le paragraphe V bis a été introduit par les sénateurs afin de simplifier les démarches des administrés. Il dispose que lorsque les travaux et ouvrages pouvant faire obstacle au stockage ou à l'écoulement des eaux, ou susceptibles de faire obstacle au déplacement naturel du cours d'eau, sont soumis à une autorisation ou à une déclaration d'urbanisme, l'autorité compétente pour statuer (en règle générale, le maire) devra recueillir l'accord du préfet. Les administrés devront donc s'adresser à leur interlocuteur « habituel », ce qui constitue une initiative louable de simplification.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant le V bis de cet article par coordination, les dispositions de ce paragraphe ayant en effet été reprises dans les deux précédents amendements (amendement n° 127).

En conséquence, un amendement de M. Antoine Herth disposant que le préfet recueille l'avis de la commission départementale des risques naturels majeurs avant de se prononcer sur la réalisation de travaux et d'ouvrages dans les zones de rétention des eaux ou dans les zones de mobilité des cours d'eau, est devenu sans objet.

Les cas dans lesquels l'instauration de servitudes dans les zones de rétention temporaire ou dans les zones de mobilité d'un cours d'eau nécessite la suppression, la modification ou l'instauration de certains éléments sont traités dans le paragraphe VI. Celui-ci prévoit qu'il revient à l'arrêté préfectoral d'identifier ces éléments (par exemple des digues ou des talus), la charge financière des travaux incombant à la collectivité qui a demandé l'institution de la servitude.

Les sénateurs ont par ailleurs précisé par voie d'amendement que sont à la charge de l'Etat ou de ses établissements publics les travaux portant sur les ouvrages leur appartenant, ce qui semble en effet justifié, la commune ne devant pas avoir à financer la suppression ou la modification d'ouvrages dont l'Etat avait décidé la construction dans des zones éventuellement inondables.

S'il se rallie bien évidemment au dispositif retenu, votre rapporteur s'interroge néanmoins sur les modalités d'indemnisation du préjudice qui sera subi par les propriétaires du fait de la suppression ou de la modification d'éléments implantés sur leurs terrains. En effet, si le paragraphe VIII du présent article (voir infra) prévoit que « l'instauration des servitudes » ouvre droit à indemnités, un doute subsiste quant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la suppression d'éléments faisant obstacle à l'objet de la servitude, en l'absence de disposition précisant explicitement un tel mécanisme. C'est pourquoi votre rapporteur estime opportun de préciser que l'indemnisation du préjudice pouvant résulter des travaux est également à la charge de la collectivité qui a demandé l'instauration de la servitude.

La Commission a examiné deux amendements de M. Antoine Herth, le premier subordonnant à leur indemnisation préalable la réalisation de travaux prescrits en vue de la suppression, de la modification ou de l'instauration d'éléments existants ou manquants faisant obstacle à l'objet des servitudes et le second précisant que cette indemnisation est à la charge de la collectivité ayant demandé l'institution de la servitude. Le rapporteur ayant indiqué qu'il présentait un amendement ayant un objet similaire, M. Antoine Herth a retiré ses amendements.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur disposant que le préjudice pouvant résulter de travaux prescrits en vue de la suppression, de la modification ou de l'instauration d'éléments existants ou manquants, faisant obstacle à l'objet des servitudes instituées en application de l'article 20 du projet de loi, est indemnisé par la collectivité ayant demandé l'institution de ces servitudes (amendement n° 128).

Le paragraphe VII s'inspire largement des dispositions de l'article L. 215-19 du code de l'environnement relatif aux obligations des propriétaires en matière d'entretien des cours d'eau : lorsque la servitude implique la réalisation de travaux par la collectivité publique, les propriétaires et exploitants doivent permettre en tout temps aux agents chargés de l'entretien, de l'aménagement ou de l'exploitation, d'accéder aux terrains inclus dans le périmètre des zones soumises à servitude.

Le paragraphe VIII pose le principe général selon lequel l'instauration des servitudes visant à créer des zones de rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement ou des zones de mobilité d'un cours d'eau, ouvre droit à indemnités pour les propriétaires ou occupants des zones grevées, lorsqu'elles créent un préjudice matériel, direct et certain. Il est précisé que ces indemnités sont à la charge de la collectivité qui a demandé l'instauration de la servitude.

Les sénateurs ont par ailleurs ajouté que les litiges concernant le calcul de l'indemnité relèvent du juge de l'expropriation, dans le souci d'assurer des règles communes de calcul et d'évaluation des préjudices subis. Cette précision était en effet indispensable, mais elle contribue, en raison du caractère très général des dispositions qui la précèdent, à créer une ambiguïté.

En effet, deux cas doivent être distingués. Pour les propriétaires, il paraît en effet justifié que l'indemnisation compense la diminution de la valeur vénale de leur bien grevé par la servitude, et dans ce cas la rédaction choisie est tout à fait appropriée.

En revanche, les règles d'indemnisation du préjudice subi par les exploitants agricoles en raison de l'instauration de la servitude sont beaucoup moins évidentes. En effet, il est indispensable que ceux-ci soient indemnisés après chaque inondation, en fonction du préjudice subi lorsque le terrain est cultivé (notamment en cas de perte de récolte causée par la surinondation). Telle semble d'ailleurs être l'intention du Gouvernement. Votre rapporteur estime que la rédaction retenue n'est pas claire sur ce point pourtant essentiel, alors que l'on comprend bien que s'agissant des propriétaires non exploitants, l'indemnité, perçue une seule fois, couvrira la perte de valeur vénale de leur terrain. L'ajout du Sénat relatif à la fixation des indemnités par le juge de l'expropriation à défaut d'accord amiable renforce cette incertitude, le juge de l'expropriation ayant bien à apprécier la valeur vénale du terrain.

Afin de supprimer toute incertitude, votre rapporteur estime donc nécessaire de modifier ce paragraphe VIII, afin que n'y soit traitée que la question de l'indemnisation des propriétaires en raison du préjudice subi du fait de la dépréciation de leur terrain qui résulte de l'instauration de la servitude.

S'agissant des occupants des terrains grevés de servitudes, il convient de prévoir par ailleurs un principe général d'indemnisation des dommages matériels subis du fait d'une inondation, assorti d'un « verrou de sécurité » afin que les personnes ayant contribué par leur fait ou par leur négligence à la réalisation des dommages soient exclues du bénéfice de l'indemnisation dans la proportion où ces dommages peuvent leur être imputables. Ces indemnités doivent être à la charge de la collectivité qui a demandé l'institution de la servitude grevant la zone.

Les dommages touchant les sols, les récoltes, les cultures, les bâtiments et le cheptel mort ou vif affectés aux exploitations agricoles devront, quant à eux, être évalués dans les conditions prévues par l'article L. 361-10 du code rural, à savoir selon le barème des calamités agricoles.

La Commission a examiné trois amendements identiques présentés par MM. Antoine Herth, Jean-Pierre Decool et Jean Lassalle, précisant que l'indemnisation des servitudes instituées en application du présent article compensent, pour les propriétaires, la perte de la valeur vénale du fonds concerné et, lorsque les parcelles sont louées, les dégâts liés à chaque inondation dont ils ont à supporter la charge et, pour les exploitants agricoles, les changements de conditions d'exploitation ainsi que les préjudices subis après chaque inondation des parcelles.

Le rapporteur a indiqué que le dispositif d'indemnisation prévu par la rédaction actuelle du projet de loi n'était pas satisfaisant et qu'il était très elliptique quant au droit à l'indemnisation pour les préjudices subis par les occupants des terrains grevés des servitudes, en raison des inondations régulières qu'ils auront à supporter. Il a estimé nécessaire de garantir cette indemnisation en dissociant clairement le préjudice subi par le propriétaire du fait de l'institution de la servitude et les préjudices subis par les occupants du fait d'inondations contre lesquelles les servitudes les empêchent de se prémunir. Il a donc annoncé qu'il présentait deux amendements en ce sens.

En conséquence, MM. Antoine Herth et Jean-Pierre Decool ont retiré leurs amendements et la Commission a rejeté l'amendement de M. Jean Lassalle.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur excluant les occupants des terrains grevés par les servitudes du régime d'indemnisation prévu pour les propriétaires de ceux-ci (amendement n° 129).

Elle a ensuite été saisie d'un amendement du même auteur visant à créer un paragraphe VIII bis et posant le principe de l'indemnisation, par la collectivité ayant demandé l'institution de la servitude, des dommages matériels pour les occupants des terrains grevés par celle-ci, excluant de cette indemnisation les dommages auxquels les occupants ont contribué par leur fait ou par leur négligence et précisant que les dommages subis par les exploitations agricoles sont évalués dans le cadre de protocoles d'accords locaux ou, à défaut, conformément aux règles applicables en matière de calamités agricoles.

M. Antoine Herth a jugé que l'exclusion de l'indemnisation des dommages auxquels les occupants ont contribué par leur fait ou par leur négligence était légitime mais qu'elle risquait de poser de nombreuses difficultés d'application.

Le rapporteur a précisé qu'une telle disposition était prévue en matière de calamités agricoles et qu'elle n'avait pas soulevé, à sa connaissance, de difficultés majeures d'application dans le cadre de ce régime d'indemnisation.

La Commission a adopté l'amendement du rapporteur (amendement n° 130).

Le paragraphe IX de l'article L. 211-12 du code de l'environnement instaure un mécanisme de délaissement profitant aux propriétaires de terrains grevés de servitudes dans les zones de rétention temporaire des crues ou de ruissellement et dans les zones de mobilité d'un cours d'eau.

Ce droit de délaissement peut être utilisé par le propriétaire pour requérir l'acquisition totale ou partielle d'une parcelle de son terrain par la collectivité qui a institué la servitude. Celle-ci est alors tenue de procéder à l'acquisition du terrain. Ce droit de délaissement est encadré dans le temps, puisqu'il ne peut être utilisé que dans un délai de dix ans à compter de la constatation par arrêté préfectoral de la mise en œuvre de la servitude. On doit noter que le projet de loi initial limitait ce délai à cinq ans, délai doublé par les sénateurs au motif qu'une durée de cinq ans semblait trop brève pour apprécier correctement les transformations dues à la mise en place de la servitude, tandis qu'un dispositif pérenne aurait placé les collectivités publiques dans une situation excessivement incertaine.

Ce choix est tout à fait légitime, mais il est néanmoins probable qu'il contribuera à fragiliser la situation financière des collectivités ayant institué des servitudes pour créer des zones de rétention temporaire des crues ou des zones de mobilité d'un cours d'eau. Il leur faudra donc constituer des réserves financières pour pouvoir faire face aux éventuelles demandes de délaissement.

Par ailleurs, ce même paragraphe précise que les propriétaires peuvent dans le même temps faire jouer un droit de délaissement sur d'autres parties du terrain ou sur la totalité du terrain « si l'existence de servitudes compromet leur exploitation ou leur usage dans des conditions similaires à celles existant avant l'institution de la servitude ». Certes, la rédaction de cette dernière disposition peut sembler un peu vague, mais elle est destinée à traiter des situations extrêmement variées qu'il reviendra, en pratique, d'apprécier au cas par cas en fonction des circonstances locales ; il paraît donc délicat de recourir à des critères plus précis.

Les sénateurs ont modifié ce dispositif, d'une part afin d'y apporter une précision rédactionnelle et d'autre part pour prévoir qu'à défaut d'accord amiable sur le prix dans un délai de deux ans à compter de la demande d'acquisition, le juge de l'expropriation saisi par le propriétaire ou par la collectivité concernée prononce le transfert de propriété et fixe le prix du bien, ce qui constitue un complément utile afin de garantir à la fois les droits des propriétaires faisant jouer leur droit de délaissement et ceux des collectivités devant acquérir le bien.

Malgré cette initiative des sénateurs, le droit de délaissement institué par cet article est sensiblement différent de celui prévu par l'article L. 230-1 du code de l'urbanisme. Alors que ce dernier encadre fortement la procédure de délaissement, la rédaction choisie dans le projet de loi reste extrêmement elliptique, ce qui fragilise d'autant la sécurité juridique du dispositif.

Notons ainsi que l'article L. 230-1 du code de l'urbanisme prévoit que la mise en demeure de procéder à l'acquisition d'un terrain, adressée à la commune par le propriétaire, doit mentionner les fermiers, locataires, ainsi que ceux qui ont des droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes.

Par ailleurs, l'article L. 230-3 du même code est également essentiel, puisqu'il précise que la collectivité qui fait l'objet de la mise en demeure doit se prononcer dans le délai d'un an à compter de la réception en mairie de la demande du propriétaire. Ce même article prévoit en outre qu'en cas d'accord amiable, le prix d'acquisition doit être payé au plus tard deux ans à compter de la réception en mairie de cette demande. A défaut d'accord amiable à l'expiration du délai d'un an, le juge de l'expropriation, saisi soit par le propriétaire, soit par la collectivité qui a fait l'objet de la mise en demeure, prononce le transfert de propriété et fixe le prix de l'immeuble. Il est également précisé que ce prix, y compris l'indemnité de réemploi, est fixé et payé comme en matière d'expropriation, sans qu'il soit tenu compte des dispositions qui ont justifié le droit de délaissement.

L'article L. 230-5 du même code précise, quant à lui, que l'acte ou la décision portant transfert de propriété éteint par lui-même et à sa date tous droits réels ou personnels existants sur les immeubles cédés même en l'absence de déclaration d'utilité publique antérieure.

Votre rapporteur estime peu opportun de se priver du bénéfice de ces dispositions, particulièrement précises et tout à fait adaptées aux situations visées par le présent article du projet de loi. Par ailleurs, on doit noter que l'article 4 du projet de loi, qui ouvre la possibilité d'instaurer un droit de délaissement dans les PPRT, fait explicitement référence à la procédure prévue par le code de l'urbanisme. Afin de garantir la plus grande sécurité juridique et dans un souci de parallélisme des formes, votre rapporteur vous propose donc de viser explicitement la procédure de délaissement prévue dans les articles L. 230-1 et suivants du code de l'urbanisme.

Il estime également nécessaire de mieux préciser la date à partir de laquelle les propriétaires pourront exercer leur droit de délaissement. Le projet de loi fixe cette date à celle de la « mise en œuvre » de la servitude, notion relativement floue. Il peut certes s'agir de celle à laquelle les travaux rendus nécessaires pour instituer la servitude sont achevés, mais de tels travaux ne seront pas forcément nécessaires. Votre rapporteur, estimant indispensable de déterminer avec précision à partir de quelle date le droit de délaissement pourra être exercé, propose donc que soient visées la date de publication de l'arrêté constatant l'achèvement des travaux et, si de tels travaux ne sont pas nécessaires, la date de publication de l'arrêté préfectoral instituant la servitude.

La Commission a été saisie de deux amendements relatifs à la mise en œuvre du droit de délaissement, le premier du rapporteur visant à permettre l'exercice de ce droit selon la procédure prévue par les articles L. 230-1 et suivants du code de l'urbanisme dans une période de dix ans suivant la publication de l'arrêté préfectoral constatant l'achèvement d'éventuels travaux liés à la servitude ou, en l'absence de tels travaux, l'institution de la servitude et le second de M. Antoine Herth permettant l'exercice de ce droit à tout moment sous réserve d'une juste et réelle motivation par le propriétaire.

Le rapporteur a précisé que son amendement visait essentiellement à préciser le dispositif en indiquant clairement la date à partir de laquelle court le délai de dix ans et en précisant la procédure suivie, de la même manière que dans le cadre du droit de délaissement pouvant être instauré dans un secteur d'un plan de prévention des risques technologiques.

M. Antoine Herth a jugé que la fixation d'un délai pour exercer le droit de délaissement pourrait créer des difficultés, notamment dans l'hypothèse de successions.

La Commission a adopté l'amendement du rapporteur (amendement n° 131) et l'amendement de M. Antoine Herth est, en conséquence, devenu sans objet.

Le paragraphe X permet aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents d'instaurer, dans les zones de rétention temporaire et dans les zones de mobilité d'un cours d'eau, un droit de préemption urbain dans les conditions prévues à l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme, qui permet aux collectivités publiques d'acquérir par priorité un bien qui leur est nécessaire pour mener leur politique d'aménagement. Cet instrument d'intervention foncière, plus souple que l'expropriation, devrait se révéler particulièrement utile et largement complémentaire, avec le droit de délaissement institué au précédent paragraphe, des servitudes pouvant être instituées pour prévenir les inondations.

Le paragraphe X assigne donc au droit de préemption urbain un nouvel objet, ce droit ne pouvant en effet être utilisé à l'heure actuelle qu'en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, d'opérations d'aménagement foncier au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme (mise en oeuvre d'un projet urbain, d'une politique locale de l'habitat, maintien, extension ou accueil des activités économiques, actions visant à développer le tourisme et les loisirs, réalisation d'équipements collectifs, lutte contre l'insalubrité, renouvellement urbain) ou afin de créer des réserves foncières permettant de réaliser de telles opérations.

En application de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme auquel il est fait référence, ce droit de préemption ne pourra par ailleurs être exercé que par les communes dotées d'un plan local d'urbanisme approuvé ou d'un plan d'occupation des sols rendu public, et uniquement sur les zones urbaines et les zones d'urbanisation future délimitées par ces documents d'urbanisme (avec la possibilité de l'utiliser également sur le territoire couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur rendu public ou approuvé) ; ce droit de préemption ne pourra être utilisé sur les zones d'aménagement différé. Il pourra également être exercé par les établissements de coopération intercommunale compétents en matière d'urbanisme. Il est en outre prévu que ceux-ci et les communes pourront déléguer ce droit à la collectivité qui a demandé l'institution de la servitude.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 132).

Elle a ensuite rejeté, conformément à l'avis du rapporteur, un amendement de M. Antoine Herth rendant obligatoire l'instauration du droit de préemption urbain par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents dans les zones de rétention des eaux ou de mobilité d'un cours d'eau, puis un second amendement du même auteur prévoyant que le décret d'application de l'article L. 211-12 du code de l'environnement créé par l'article 20 du projet de loi fixe notamment les modalités de concertation avec les représentants de la propriété agricole et rurale.

Enfin, le paragraphe XI de cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions d'application du nouvel article L. 211-12 du code de l'environnement.

La Commission a adopté l'article 20 ainsi modifié.

Article 21

Lutte contre l'érosion et bonnes pratiques agricoles

Certaines pratiques agricoles peuvent favoriser l'érosion des sols et accélérer l'écoulement des eaux de ruissellement. C'est notamment le cas du labour dans le sens de la pente, de l'arrachage des haies, de l'arasement des talus, ou encore du retournement des prairies qui renforce les phénomènes de ruissellement. Ainsi que le souligne l'étude d'impact du projet de loi, ce risque d'érosion est particulièrement préoccupant dans certaines régions telles que la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne ou les Pays de la Loire.

Une politique de prévention des inondations efficace doit donc, au-delà des mesures prises pour réguler le débit des cours d'eau, qui constituent déjà une innovation majeure, lutter contre ces phénomènes d'érosion, en encourageant le recours à des pratiques agricoles appropriées. Tel est l'objet de l'article 21 du projet de loi, qui intègre dans le code rural un nouveau dispositif de mesures incitatives pouvant être rendues obligatoires, sous forme de programmes d'actions concertés destinés à limiter ou à interdire les pratiques agricoles qui pourraient se révéler nuisibles dans des zones sensibles à l'érosion. Il complète ainsi le dispositif de prévention des inondations constitué par les zones de rétention temporaire des crues et les zones de mobilité d'un cours d'eau, en concentrant davantage les efforts sur les terrains engendrant le risque.

Dans son paragraphe I, l'article 21 du projet de loi vise à intégrer, dans les objectifs assignés à la politique agricole et qui sont déclinés à l'article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, l'entretien des cours d'eau et la prévention des inondations et de l'érosion des sols. Cette nouveauté, de nature peut-être un peu symbolique, permet de mettre l'accent sur l'importance de bonnes pratiques agricoles en matière de prévention des risques, les agriculteurs ne devant pas être montrés du doigt, comme cela a été souvent le cas, mais au contraire associés, dans une logique de cogestion des risques.

Le paragraphe II de cet article vise à compléter le titre Ier (développement et aménagement de l'espace rural) du livre Ier (aménagement et équipement de l'espace rural) du code rural par un nouveau chapitre intitulé « L'agriculture de certaines zones soumises à des contraintes environnementales », comprenant les nouveaux articles L. 114-1 et L. 114-2.

Chapitre IV

L'agriculture de certaines zones soumises
à des contraintes environnementales

Article L. 114-1 (nouveau) du code rural

Zones d'érosion

Ce nouvel article du code rural prévoit que le préfet délimite des zones d'érosion, dans lesquelles l'érosion des sols agricoles peut créer des dommages importants en aval. Il reviendra bien évidemment au préfet d'apprécier si la délimitation de telles zones est nécessaire. Selon les informations fournies à votre rapporteur, il n'est nullement dans l'intention du Gouvernement de couvrir l'ensemble des départements de zones d'érosion, ces nouveaux outils devant être utilisés avec discernement.

Est par ailleurs posé le principe d'une concertation avec les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi qu'avec les représentants des propriétaires et exploitants des terrains compris dans ces zones. C'est dans ce cadre que le préfet devra établir un programme d'actions visant à réduire l'érosion des sols de ces zones. Cette association est essentielle et permettra ainsi de s'appuyer sur la connaissance concrète du terrain par les agriculteurs.

Le programme d'actions permettra de dresser la liste des bonnes pratiques agricoles à promouvoir pour réduire les risques d'érosion (labour perpendiculaire au sens de la pente, couverture hivernale des sols, prairies non retournées afin de limiter les ruissellements, maîtrise des défrichements, maintien de certains murets par exemple). Ce programme devra également préciser quels sont les moyens prévus pour favoriser la généralisation de ces pratiques. Il s'agit notamment de dispositifs incitatifs tels que les contrats territoriaux d'exploitation (CTE, futurs contrats d'agriculture durable) ou les mesures agri-environnementales.

Le principe général est que les mesures visant à réduire les risques d'érosion seront facultatives. Toutefois, une véritable innovation doit être soulignée : il sera possible au préfet de rendre certaines de ces pratiques obligatoires, ce qui constitue une réelle avancée en matière de prévention du risque d'inondations lié au phénomène d'érosion.

Les sénateurs ont, par ailleurs, souhaité préciser que ces bonnes pratiques pourront bénéficier d'aides lorsqu'elles induiront des surcoûts ou des pertes de revenus. Ce complément permet ainsi de viser certains dispositifs incitatifs comme les CTE, mais également des aides octroyées par les conseils généraux, compétents en matière d'aménagement rural.

Enfin, cet article précise que lorsque le programme comprend des plantations de haies, il pourra également prévoir une dérogation aux distances de plantation prévues par l'article 671 du code civil, après avis de la chambre d'agriculture et du conseil général. En conséquence, les arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine pourront déroger à la distance prescrite par les règlements particuliers ou par des usages constants et reconnus.

A défaut de tels règlements et usages, il pourra également être dérogé à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations. Cette disposition permettra donc d'éviter des pertes de surface agricole utile trop importantes.

M. Antoine Herth a retiré un amendement précisant que la délimitation des zones d'érosion des sols est également réalisée par le préfet en concertation avec les représentants des organisations de la propriété agricole et rurale, des organisations de la propriété forestière et des organisations d'exploitants agricoles.

La Commission a rejeté, conformément à l'avis du rapporteur, un amendement de M. Jean-Pierre Decool disposant que des aides sont systématiquement octroyées aux pratiques permettant de réduire les risques d'érosion induisant des surcoûts ou des pertes de revenus.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. André Flajolet précisant que les haies plantées afin de limiter les risques d'érosion des sols et pour lesquelles des financements publics ont été perçus sont soumises à des servitudes de nature à en assurer la pérennité.

M. Christian Decocq, intervenant en application de l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale, a rappelé que la prise de conscience des dommages résultant d'une érosion excessive des sols avait conduit à des mesures de lutte contre l'érosion mobilisant des financements publics. Il a estimé que la pérennité des plantations réalisées dans ce but conditionnait évidemment l'efficacité de cette action et que l'amendement de M. André Flajolet visait à garantir cette pérennité par l'instauration de servitudes conventionnelles correspondantes.

Après avoir souligné l'importance de cette question, M. François-Michel Gonnot a jugé que le même raisonnement conduirait à exiger la pérennité de tous les biens ayant bénéficié d'aides publiques ce qui semblait difficile, notamment dans le domaine industriel. Il s'est ensuite interrogé sur l'efficacité de servitudes conventionnelles en cas de vente ultérieure du fonds sur lequel sont plantées les haies.

Le rapporteur a déclaré que chacun convenait de l'importance de la question posée par l'amendement de M. André Flajolet mais que la solution proposée ne lui paraissait pas pleinement satisfaisante. Il a donc invité M. André Flajolet à retirer cet amendement pour permettre, d'ici la séance publique, l'élaboration d'un dispositif plus efficace. M. André Flajolet a retiré son amendement.

Article L. 114-2 (nouveau) du code rural

Décret en Conseil d'Etat

Ce nouvel article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir les conditions d'application du nouveau chapitre relatif à l'agriculture de certaines zones soumises à des contraintes environnementales introduit dans le code rural.

La Commission a adopté l'article 21 sans modification.

Article additionnel après l'article 21 

Délivrance de permis de construire dérogeant aux règles du plan local d'urbanisme pour permettre la reconstruction de bâtiments détruits ou endommagés à la suite d'une catastrophe naturelle conformément
à des prescriptions contraires à ces règles

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Pierre Grand portant article additionnel et insérant à l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme des dispositions permettant la délivrance de permis de construire, sous réserve de l'accord du préfet et, si ce ne sont eux qui délivrent le permis, du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plan local d'urbanisme, pour permettre la reconstruction de bâtiments détruits ou endommagés depuis moins d'un an par une catastrophe naturelle dérogeant à une ou plusieurs règles du plan local d'urbanisme lorsque les prescriptions imposées aux constructeurs en vue d'assurer la sécurité des biens et des personnes sont contraires à ces règles.

M. Jean-Pierre Grand a indiqué qu'en permettant d'autoriser la reconstruction en un même lieu de bâtiments détruits ou endommagés, sous réserve du respect de prescriptions particulières, cet amendement permettait de donner aux maires une certaine latitude pour régler des difficultés ponctuelles.

Conformément à l'avis du rapporteur, la Commission a adopté cet amendement portant article additionnel après l'article 21 (amendement n° 133).

Après l'article 21

La Commission a examiné un amendement portant article additionnel de M. Jean-Pierre Grand visant à compléter l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme afin de permettre, pour prévenir les inondations, une modification d'urgence du plan local d'urbanisme rendant constructible, sans changer la destination des zones concernées, une zone dont la superficie n'excède pas de plus de 50 % celle de la zone construite en terrain inondable, après notification du projet au préfet du département, au président du conseil régional, au président du conseil général et au président de l'EPCI concerné, dont les avis sont réputés favorables dans le mois qui suit cette notification s'ils n'ont pas fait connaître leur position.

M. Jean-Pierre Grand a précisé qu'il s'agissait de déplacer des constructions en ouvrant de nouvelles zones à la constructibilité afin d'éviter la reconstruction permanente sur des terrains situés en zone inondable.

M. Roland Chassain a jugé que cet amendement allait dans le bon sens.

Après avoir déclaré comprendre le souci à l'origine de cet amendement, le rapporteur a exprimé ses réserves quant au dispositif proposé, qu'il a jugé excessif, et a souligné qu'il ne comprenait pas son intérêt si la modification n'entraînait pas de changement de destination des zones du plan local d'urbanisme.

M. Serge Poignant a rappelé que le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction en cours d'examen par le Sénat réformait les procédures de révision et de modification des plans locaux d'urbanisme et jugé que l'amendement de M. Jean-Pierre Grand trouverait mieux sa place dans ce texte, appelé à revenir très prochainement à l'Assemblée nationale. En conséquence, M. Jean-Pierre Grand a retiré son amendement.

Article 22

Mise à jour des recueils de coutumes et usages locaux

L'article 671 du code civil (voir supra) prévoit que les plantations de haies doivent respecter des usages locaux constants et reconnus ou, à défaut, être implantées à 2 mètres de la limite de propriété. Chaque fois que les usages locaux le permettent, il est donc souhaitable d'implanter les haies à proximité de la limite de propriété afin de ne pas décourager les collectivités ou agriculteurs volontaires par une trop grande perte de terrain. Or, dans de nombreux secteurs où des replantations sont nécessaires, ces usages locaux n'ont pas encore été codifiés.

C'est pourquoi l'article 22 du projet de loi vise à compléter l'article L. 511-3 du code rural, qui prévoit actuellement que les chambres départementales d'agriculture donnent aux pouvoirs publics les renseignements et avis qui leur sont demandés sur les questions agricoles et qu'elles sont à ce titre appelées par l'autorité administrative à grouper, coordonner, codifier les coutumes et usages locaux à caractère agricole qui servent ordinairement de base aux décisions judiciaires, ces usages codifiés étant soumis à l'approbation du conseil général.

L'article 22 du projet de loi tire la conséquence de la création des zones d'érosion, en précisant que ces recueils des coutumes et usages locaux doivent être régulièrement mis à jour, notamment dans ces zones. Les pratiques agricoles visant à limiter l'érosion des sols afin de prévenir les ruissellements et les inondations pourront ainsi y être consignées et cette simple mise à jour permettra ainsi de planter des haies en dérogeant aux dispositions de distances minimales prévues par le code civil.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 23

Non application du statut du fermage

Comme on l'a vu plus haut, le projet de loi introduit de nouveaux mécanismes visant à renforcer la prévention des inondations en régulant le débit des cours d'eau en amont. Alors qu'à l'heure actuelle, une collectivité souhaitant surinonder certaines zones doit avoir recours soit à la procédure de l'expropriation, soit à une négociation de gré à gré avec les propriétaires ou exploitants des terrains concernés, il lui sera désormais possible d'instituer, dans les zones de rétention temporaire des eaux de crues et de ruissellement, ainsi que dans les zones de mobilité d'un cours d'eau, des servitudes en contrepartie desquelles un droit de délaissement des propriétaires pourra être exercé.

Les collectivités publiques auront ainsi à s'impliquer fortement dans la politique de prévention et deviendront détentrices de terrains délaissés, parfois pour une grande superficie, susceptibles d'être occasionnellement inondés. On conviendra que telle n'est pas leur vocation première. Il n'est donc pas souhaitable aux yeux du Gouvernement, et le rapporteur partage complètement cette approche, que ces terrains deviennent des friches inutilisées ou donnent lieu à des plantations systématiques de peupleraies et, d'une manière générale, qu'il n'en soit fait aucune valorisation économique. Les collectivités publiques doivent donc pouvoir en maintenir l'usage agricole - en tout état de cause, ces terrains ne seront pas systématiquement inondés - les alluvions déposées pouvant d'ailleurs être particulièrement bénéfiques à cet égard.

Le Gouvernement a donc souhaité assurer à ces collectivités publiques des droits en regard de leur implication financière ; rappelons que la mise en œuvre de leur droit de délaissement par les propriétaires peut être exercée pendant une période de dix ans, au cours de laquelle les collectivités auront à consigner des sommes d'argent parfois importantes pour pouvoir faire face aux demandes d'acquisition.

Compte tenu de cette implication financière, le Gouvernement a jugé que les collectivités devaient pouvoir exercer un droit de regard sur les pratiques agricoles mises en œuvre sur les terrains qu'elles auront acquis par la voie du délaissement, afin de veiller à ce que ces pratiques ne soient pas contradictoires avec la politique de prévention des inondations qu'elles entendent mener. Il n'est en effet pas souhaitable que des exploitants occupant des terrains délaissés puissent y pratiquer des retournements de prairies ou des arrachages de haies qui nuiraient à l'efficacité des servitudes mises en place.

En outre, on doit souligner que les collectivités, qui auront déjà participé financièrement en achetant ces terrains, seront également amenées à indemniser les exploitants à raison des préjudices subis du fait de l'instauration des servitudes. S'il est bien évidemment hors de question qu'elles puissent en quoi que ce soit imposer aux exploitants les cultures à planter, on comprendra en revanche aisément la nécessité de préserver les finances locales en veillant à ce que des pâturages ne soient pas transformés en plantations de maïs, par exemple.

Il convient donc que les collectivités publiques puissent s'assurer que les pratiques agricoles sont compatibles avec leur politique de prévention des inondations. A cet égard, le statut du fermage, d'ordre public et qui pose le principe d'une liberté d'exploitation pour le fermier, pourrait constituer un véritable frein aux initiatives visant à instaurer des zones de rétention temporaire ou des zones de mobilité.

C'est pourquoi l'article 23 du projet de loi initial visait à compléter la liste des conventions non soumises au statut du fermage, dressée à l'article L. 411-2 du code rural, pour y insérer les conventions portant sur l'exploitation des terrains appartenant aux collectivités publiques situées dans les zones de rétention temporaire des eaux de crue ou de ruissellement, les zones de mobilité d'un cours d'eau ou dans les zones d'érosion.

Les sénateurs ont modifié le projet de loi initial, d'une part pour y apporter une précision rédactionnelle et d'autre part pour supprimer la non application du statut du fermage aux conventions portant sur l'exploitation des terrains situés en zones d'érosion.

Le Sénat a en effet estimé qu'il convenait, en matière d'érosion des sols, d'en rester au dispositif proposé par l'article 21 du projet de loi. Le droit de délaissement et le droit de préemption urbain ne s'y appliquant pas, il a été jugé que la maîtrise de l'utilisation du sol par la collectivité publique ne constituait pas le même enjeu. Votre rapporteur souscrit à cette approche, la question des pratiques agricoles dans de telles zones étant en effet traitée dans le programme d'actions établi par le préfet en concertation avec les collectivités territoriales et les représentants des propriétaires et exploitants des terrains.

Votre rapporteur est conscient de la charge financière qui pourrait être supportée par les collectivités publiques si l'on supprimait la possibilité pour elles d'avoir un droit de regard sur les pratiques agricoles dans les terrains qu'elles ont acquis dans les zones de mobilité ou de rétention. Pour autant, une dérogation totale au statut du fermage ne lui apparaît pas souhaitable, afin notamment de limiter les différences de traitement entre propriétaires et surtout entre exploitants, selon la nature, publique ou privée, du propriétaire du terrain qu'ils cultivent. Le statut du fermage recouvre en effet, outre le principe de liberté d'exploitation pour le fermier, d'autres éléments essentiels concernant notamment les conditions de renouvellement du bail, dont la non application ne semble pas justifiée.

Votre rapporteur propose donc de limiter autant que possible les atteintes au statut du fermage, en préservant celui-ci s'agissant du renouvellement du bail mais en y dérogeant pour ce qui concerne la liberté d'exploitation. Ainsi, dans les zones de rétention des eaux de crues ou de ruissellement, ainsi que dans les zones de mobilité, et seulement pour les terrains détenus par les collectivités publiques, l'application du statut du fermage serait limitée aux seules dispositions relatives au renouvellement et à la reprise des baux ruraux.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Antoine Herth visant à supprimer l'article 23 du projet de loi. M. Antoine Herth a indiqué qu'il avait déposé cet amendement afin d'obtenir de plus amples informations, auprès du rapporteur et de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur les motivations des auteurs de cet article du projet de loi, qui remet en cause le statut du fermage. Il a souhaité notamment s'assurer que l'équilibre entre préservation des intérêts des collectivités publiques et préservation des intérêts des exploitants agricoles était maintenu.

Le rapporteur a souligné qu'il présentait lui-même un amendement visant à concilier la protection des agriculteurs dans le cadre du statut du fermage et les prérogatives des collectivités publiques. Soulignant que celles-ci auront à acquérir, notamment par la voie du délaissement, des terrains agricoles dans les zones d'expansion de crues, il a estimé justifié qu'elles puissent veiller au respect, par les détenteurs de baux ruraux, de certaines pratiques culturales, notamment en raison de leur implication dans l'indemnisation des exploitants en cas de surinondation. Il a indiqué que pour autant, une dérogation totale au statut du fermage pour les terrains acquis par les collectivités publiques lui semblait excessive et a signalé que son amendement prévoyait en conséquence l'application, aux terrains acquis par des collectivités publiques, des dispositions de ce statut relatives au renouvellement du bail. Il a ajouté qu'ainsi, les intérêts, parfois divergents, des collectivités publiques et des agriculteurs seraient protégés.

M. Antoine Herth, se ralliant à l'amendement du rapporteur, a alors retiré son amendement portant suppression de l'article 23. Il a également retiré un amendement prévoyant une dérogation totale au statut du fermage pour l'ensemble des terrains, quelle que soit la nature, publique ou privée, de leur propriétaire, dès lors que ces terrains sont situés dans des zones de rétention temporaire des eaux de crues ou dans des zones de mobilité d'un cours d'eau. Puis, la Commission a adopté l'amendement du rapporteur précisant que pour ces terrains, seules les dispositions du statut du fermage relatives au renouvellement du bail sont applicables (amendement n° 134). M. Antoine Herth a alors retiré un amendement prévoyant que le bail rural est résilié de plein droit dès lors qu'un terrain se voit imposer une servitude relative à la mise en place de champs d'expansion des crues.

La Commission a adopté l'article 23 ainsi modifié.

Après l'article 23 

La Commission a été saisie d'un amendement de M. André Flajolet, visant à réglementer plus strictement le défrichement des haies et bosquets. Après que M. Christian Decocq, usant de la faculté offerte par l'article 38 du Règlement, eut défendu cet amendement en soulignant la nécessité de pérenniser les haies qui permettent de lutter contre l'érosion, le rapporteur a proposé à MM. André Flajolet et Christian Decocq de mener une réflexion conjointe sur cette question importante afin de proposer, en vue de la séance publique, un dispositif satisfaisant. M. André Flajolet, acceptant cette proposition, a alors retiré cet amendement, sous réserve qu'une nouvelle rédaction soit examinée lors de la prochaine réunion de la Commission dans le cadre de la procédure de l'article 88 du Règlement afin que soit prise en compte, dans le code forestier, la protection des haies et des bosquets pour éviter l'érosion des sols.

Chapitre III

Travaux

Article 24

Travaux contre les risques naturels entrepris par les collectivités territoriales

Le présent article vise à remédier aux lacunes actuelles constatées dans la définition du champ et des modalités d'application des articles L. 151-36 et  151-37 du code rural et de l'article L 211-7 du code de l'environnement, relatifs aux possibilités d'intervention des collectivités en matière de travaux de prévention des inondations.

A cet effet, le paragraphe I de l'article 24 du projet de loi modifie et complète les dispositions du code rural relatives aux travaux menés par les collectivités.

·  Le 1° de ce paragraphe vise à abroger certaines dispositions de l'article L. 151-36 du code rural. Ce dernier dispose que les départements, les communes ainsi que les groupements de ces collectivités et les syndicats mixtes peuvent prescrire ou exécuter certains travaux, lorsqu'ils présentent du point de vue agricole ou forestier, un caractère d'intérêt général ou d'urgence. Il revient aux collectivités publiques ayant prescrit ou exécuté les travaux de les prendre en charge, mais elles peuvent solliciter une participation des personnes qui ont rendu ces travaux nécessaires ou qui y ont trouvé un intérêt.

Sont actuellement visés les travaux de lutte contre l'érosion et les avalanches, de défense contre les torrents, de reboisement et d'aménagement des versants, de défense contre les incendies et de réalisation de travaux de desserte forestière, de débroussaillement, de curage, d'approfondissement, de redressement et de régularisation des cours d'eau non domaniaux, de dessèchement des marais, d'assainissement des terres humides et insalubres et enfin les travaux d'irrigation, épandage, colmatage et limonage.

Le projet de loi supprime de cette liste les travaux de dessèchement des marais (4° de l'article L. 151-36) et d'assainissement des terres humides et insalubres (5° du même article), car ces opérations tendent à réduire les champs naturels d'expansion des crues.

La Commission a examiné un amendement de M. Antoine Herth visant à rétablir la possibilité pour les communes d'user des dispositions de l'article L. 151-36 du code rural afin de mener des travaux de dessèchement des marais ou d'assainissement des terres humides. Après que M. Antoine Herth se fut étonné de la suppression de ces dispositions par le projet de loi, de tels travaux pouvant se révéler nécessaires, le rapporteur s'est déclaré défavorable à cet amendement, soulignant que le rôle des marais en tant que zones de surinondations naturelles n'empêcherait pas de mener des travaux de démoustication. La Commission a alors rejeté cet amendement.

·  Le 2° du même paragraphe vise à modifier l'article L. 151-37 du code rural, tout d'abord dans un souci de déconcentration et de simplification administrative. Ce dernier dispose en effet que le caractère d'intérêt général ou d'urgence des travaux entrepris en application de l'article L. 151-36 du code rural ainsi que, s'il y a lieu, l'utilité publique des opérations, acquisitions ou expropriations nécessaires à leur réalisation sont prononcés par décision préfectorale ou, si les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sont défavorables, par décret en Conseil d'Etat.

Le a) du 2° du présent paragraphe déconcentre cette procédure en prévoyant que le caractère d'intérêt général ou d'urgence des travaux ou l'utilité publique des opérations sont prononcés « par arrêté ministériel ou par arrêté préfectoral ». Contrairement à ce qui est prévu dans le droit existant, les cas dans lesquels il est recouru à l'une ou l'autre de ces procédures ne sont pas précisés. Ce choix est volontaire et reprend la rédaction de l'article L. 11-2 du code de l'expropriation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Le décret d'application de ce texte n'étant pas totalement finalisé, le Gouvernement a préféré reprendre la même rédaction pour l'article L. 151-37 du code rural, en laissant le soin au décret de préciser dans quels cas il sera recouru à l'arrêté ministériel ou à l'arrêté préfectoral. D'après les informations fournies à votre rapporteur, le recours à des arrêtés ministériels devrait être exceptionnel.

Par ailleurs, le b) du 2° du présent paragraphe vise à compléter le même article L. 151-37 du code rural, afin de dispenser d'enquête publique certains travaux particulièrement urgents. Il s'agit de ceux qui remplissent cumulativement les conditions suivantes :

- ils sont nécessaires pour faire face à des situations de péril imminent ;

- ils n'entraînent aucune expropriation ;

- le maître d'ouvrage ne prévoit pas de demander de participation financière aux personnes intéressées.

Il pourra donc être fait appel à une procédure allégée en cas d'intervention dans l'urgence, notamment pour remédier aux conséquences de catastrophes naturelles imprévisibles comme des tempêtes, des inondations ou des glissements de terrain.

Il est par ailleurs précisé qu'il est procédé comme indiqué à l'article 3 de la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics. En conséquence, lorsqu'il y aura lieu d'occuper temporairement un terrain, cette occupation sera autorisée par le préfet, son arrêté devant indiquer d'une façon précise les travaux en raison desquels l'occupation est ordonnée, les surfaces sur lesquelles elle doit porter, la nature et la durée de l'occupation, ainsi que la voie d'accès.

Les sénateurs ont par ailleurs complété ces dispositions afin de préciser qu'elles s'appliquent également aux travaux portant sur un cours d'eau couvert par un schéma d'aménagement et de gestion des eaux, lorsque ces travaux, directement liés à une inondation déclarée catastrophe naturelle, sont réalisés dans un délai de trois ans à compter de cette catastrophe et visent à rétablir le cours d'eau dans ses caractéristiques naturelles. La notion de péril imminent est donc écartée dans ce cas, les sénateurs l'ayant considérée trop restrictive, car elle ne peut s'appliquer à la période qui suit l'inondation, lors de laquelle il est pourtant indispensable de réaliser certains travaux. La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 135).

·  Par ailleurs, le 3° du même paragraphe I de l'article 24 du projet de loi vise à insérer un nouvel article L. 151-37-1 dans le code rural, afin de permettre aux collectivités d'instituer des servitudes de passage permanentes. Celles-ci doivent permettre l'exécution des travaux mentionnés à l'article L. 151-36 du code rural (voir supra), ainsi que l'exploitation et l'entretien des ouvrages. Même si des accords amiables sont généralement obtenus, il peut être par ailleurs nécessaire d'assurer la continuité du passage pour la collectivité, à moindre dommage, pour éviter que l'opposition d'un ou plusieurs riverains ne fasse échec à cette compétence.

Il est prévu que le projet d'institution de ces servitudes de passage soit soumis à enquête publique. Dans un souci de simplification des procédures, l'enquête publique prévue à l'article L. 151-37 du code rural, préalable à la réalisation des travaux pour lesquels une servitude de passage est nécessaire, peut en tenir lieu.

Cette servitude de passage ouvrira droit à une indemnité des propriétaires ou des occupants des terrains grevés, cette indemnité devant être proportionnée au dommage qu'ils subissent et calculée en tenant compte des avantages que peuvent leur procurer l'exécution des travaux et l'existence des ouvrages pour lesquels la servitude a été instituée. Dans la pratique, il est en effet probable que la plupart des travaux bénéficiera, au premier chef, aux propriétaires ou occupants des terrains grevés. Ce sera par exemple le cas de l'entretien par la commune de digues protégeant des terrains riverains d'un cours d'eau : il ne semble pas justifié que les propriétaires bénéficient, outre de cette protection accrue, d'une indemnisation réparant le préjudice pouvant résulter de la servitude de passage. Il est enfin prévu que les contestations relatives à cette indemnité seront jugées comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Le paragraphe II de l'article 24 du projet de loi vise à modifier l'article L. 211-7 du code de l'environnement, qui permet aux collectivités territoriales, à leurs groupements, aux syndicats mixtes et à la communauté locale de l'eau, d'utiliser les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural pour entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de certains « travaux, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence, dans le cadre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe ». Ces travaux peuvent concerner :

- l'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ;

- l'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau non domanial, y compris les accès à ce cours d'eau ;

- l'approvisionnement en eau ;

- la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ;

- la défense contre les inondations et contre la mer ;

- la lutte contre la pollution ;

- la protection et la conservation des eaux superficielles et souterraines ;

- la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides et des formations boisées riveraines ;

- les aménagements hydrauliques concourant à la sécurité civile.

·  Le 1° de ce paragraphe vise à étendre le champ des travaux pouvant être menés par les collectivités afin de prévenir les risques d'inondations.

Partant du constat que le champ actuel d'application de l'article L. 211-7 du code de l'environnement privilégie les travaux neufs, alors que l'intervention des collectivités publiques est tout aussi importante en matière de gestion, le a) du 1° du présent paragraphe vise à préciser qu'il pourra être également recouru aux articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural pour des « actions », cette notion renvoyant notamment à l'entretien ou à l'exploitation de certains ouvrages.

Par ailleurs, le champ géographique actuel de l'article L. 211-7 du code de l'environnement ne couvre que les « cours d'eau non domaniaux », ce qui est particulièrement restrictif. Le b) du 1° du présent paragraphe vise donc à préciser que l'intérêt général de l'intervention des collectivités publiques peut également être reconnu sur des cours d'eau domaniaux, ainsi que sur des canaux, lacs ou plans d'eau.

L'objet des travaux ou actions pour lesquels les collectivités peuvent avoir recours aux articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural est en outre élargi à la lutte contre l'érosion des sols, à l'exploitation, l'entretien et l'aménagement d'ouvrages hydrauliques existants, à la mise en place et à l'exploitation de dispositifs de surveillance, ainsi qu'à l'animation et à la concertation en matière de gestion et de protection de la ressource aquatique. On peut noter que de nombreuses collectivités publiques interviennent déjà dans ces domaines. Cette extension de l'article L. 211-7 du code de l'environnement offre la possibilité aux maîtres d'ouvrages d'y faire désormais participer financièrement les bénéficiaires.

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Pierre Grand permettant aux collectivités locales d'user des facultés offertes par l'article L. 211-7 du code de l'environnement pour déblayer et désensabler les cours d'eau. M. Jean-Pierre Grand a souligné que cet entretien était très important pour prévenir les inondations et a indiqué qu'un tel dispositif était attendu par un grand nombre de maires. Après que M. Roland Chassain se fut associé à ces propos, la Commission a adopté cet amendement, avec l'avis favorable du rapporteur (amendement n° 136).

·  Les sénateurs ont, par ailleurs, inséré un 1° bis dans le présent paragraphe de cet article du projet de loi, afin de préciser, dans l'article L. 211-7 du code de l'environnement, que lorsqu'un projet d'aménagement de bassin, d'entretien et d'aménagement d'un cours d'eau non domanial ou d'approvisionnement en eau dépasse un seuil financier fixé par décret, le préfet doit saisir pour avis le président de l'établissement public territorial de bassin dans le périmètre duquel le projet est situé. A défaut de réponse dans un délai de deux mois, l'avis est réputé favorable. Il s'agit ainsi de consacrer le rôle de chef de file des EPTB en matière de maîtrise d'ouvrage, complémentairement aux dispositions prévues plus haut au nouvel article 19 ter du projet de loi.

·  Le 2° du présent paragraphe procède à une renumérotation formelle au sein de l'article L. 211-7 du code de l'environnement. Le 3° insère, par ailleurs, une nouvelle disposition dans cet article, afin de valider les nombreuses servitudes existantes de libre passage des engins mécaniques et de faucardement dans le lit ou sur les berges des cours d'eau non domaniaux, instaurées par le décret n° 59-96 du 7 janvier 1959, qui a été invalidé par une décision du Conseil d'Etat du 22 mai 1996.

La rédaction retenue pose problème, puisqu'il est disposé que sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, « sont maintenues » ces servitudes, dont il est précisé qu'elles valent servitudes au sens de l'article L. 151-37-1 du code rural (voir supra). Le maintien de ces servitudes aurait donc une valeur législative, ce qui nécessiterait, dans l'hypothèse où l'on voudrait supprimer certaines d'entre elles, de passer par la loi. Il est donc préférable de simplement prévoir qu'elles « valent servitudes au sens de l'article L. 151-37-1 du code rural ».

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-Pierre Decool, visant à supprimer la validation des servitudes instituées en application du décret n° 59-96 du 7 janvier 1959 relatif aux servitudes de libre passage sur les berges des cours d'eau et à modifier l'article L. 215-19 du code de l'environnement afin de préciser que la largeur des bandes de terrain grevées des servitudes de passage que celui-ci instaure est fixée par décret.

M. Jean-Pierre Decool a souligné que le décret du 7 janvier 1959 prévoyait une largeur de quatre mètres, qui s'est révélée en pratique souvent insuffisante, une largeur de six mètres semblant plus appropriée. Le rapporteur a indiqué qu'il était défavorable à cet amendement, qui lui a semblé traiter de questions de nature réglementaire, et a estimé que la ministre de l'écologie et du développement durable pourrait utilement être interrogée par M. Jean-Pierre Decool sur cette question. La Commission a alors rejeté cet amendement.

Puis, la Commission a adopté un amendement du rapporteur visant à rectifier l'erreur rédactionnelle du projet de loi, qui prévoit, outre la validation des servitudes instituées en application du décret du 7 janvier 1959 précité, leur maintien, ce qui supposerait de passer par la voie législative pour les supprimer (amendement n° 137).

Il est enfin précisé que l'ensemble des dispositions de l'article L. 211-7 du code de l'environnement sont applicables aux travaux, actions, ouvrages ou installations de l'Etat. A l'heure actuelle, celui-ci peut en effet intervenir sans que son intervention soit soumise à une reconnaissance de son intérêt général après enquête publique ; il s'agit donc de le soumettre aux mêmes règles que celles s'imposant aux autres collectivités publiques, une telle différence n'étant pas justifiée concernant la gestion et l'aménagement des cours d'eau.

La Commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article 24 bis (nouveau)

Composition du comité de gestion du Fonds national
pour le développement des adductions d'eau

Ce nouvel article, introduit au Sénat, vise à doubler la représentation parlementaire au sein du comité consultatif de gestion du Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE). A l'heure actuelle, celui-ci comprend un représentant de chacune des commissions des deux chambres du Parlement chargées de l'agriculture. Les sénateurs ont estimé nécessaire de doubler cette représentation, afin de tenir compte des nouvelles missions des collectivités en matière de prévention des inondations et de lutte contre les inondations qui résulteront de l'adoption du présent projet de loi.

La Commission a examiné un amendement de M. Antoine Herth visant à prévoir que le comité de gestion consultatif assiste le ministre chargé des affaires rurales et non celui chargé de l'agriculture, et à préciser que ce comité est compétent pour la gestion du Fonds national de l'eau (FNE) et non pour celle du Fonds national de développement des adductions d'eau (FNDAE). Le rapporteur s'y est déclaré défavorable, le comité consultatif de gestion étant effectivement rattaché au FNDAE, qui constitue désormais une section du FNE. M. Antoine Herth a alors retiré son amendement.

Puis, la Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur ainsi qu'un amendement du même auteur, de coordination, ayant fait l'objet d'une rectification rédactionnelle demandée par M. François-Michel Gonnot et tendant à ce que l'ordre protocolaire entre l'Assemblée nationale et le Sénat soit respecté dans le membre de phrase décrivant la composition du comité consultatif (amendements n° 138 et 139).

La Commission a adopté l'article 24 bis ainsi modifié.

Chapitre IV

Dispositions financières

Article 25

Mesures de sauvegarde des populations menacées
par certains risques naturels majeurs

L'article L. 561-1 du code de l'environnement est relatif à la procédure d'expropriation en matière de risques naturels majeurs. Il prévoit ainsi que lorsqu'un risque prévisible de mouvement de terrain ou d'affaissement de terrain du à une cavité souterraine ou à une marnière, d'avalanches ou de crues torrentielles menace gravement des vies humaines, les biens exposés à ce risque peuvent être expropriés par l'Etat dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation. La détermination du montant de ces indemnités ne tient pas compte de l'existence du risque. On peut souligner que dans la pratique, on compte peu de cas d'expropriation pour cause de risque naturel majeur menaçant gravement des vies humaines : environ quinze sites au total sont concernés, ce qui correspond à moins de dix demandes nouvelles par an en moyenne.

Dans son 1°, l'article 25 du projet de loi prévoit d'étendre aux communes et à leurs groupements la possibilité de prendre l'initiative et d'être bénéficiaires de l'expropriation pour cause de risque naturel majeur mettant en péril la vie humaine. Leur équilibre financier ne devrait pas en être affecté puisqu'elles bénéficieront de l'intervention du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds « Barnier », qui est chargé de financer, en application de l'article L. 561-3 du code de l'environnement, les indemnités allouées dans le cadre de cette procédure d'expropriation.

Ainsi que le souligne l'étude d'impact du projet de loi, cette mesure permettra de prendre en compte l'intervention des collectivités locales dans la procédure d'expropriation, les maires étant dans la pratique souvent à l'origine du signalement des situations de menace grave et des demandes d'expropriation. Elle devrait donc favoriser une accélération des procédures.

Le 2° du présent article vise à insérer un nouvel alinéa dans l'article L. 561-1 du code de l'environnement, afin de prévoir que dans les cas où des biens ayant fait l'objet d'une expropriation pour risque ont déjà été endommagés par une catastrophe naturelle, le montant des indemnités d'assurance perçues par les sinistrés en contrepartie de ces dommages est déduit du montant des indemnités d'expropriation lorsque les travaux de reconstruction ou de réparation n'ont pas été réalisés.

Cette précision répond, comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, au souci de ne pas créer dans certains cas une situation d'enrichissement sans cause des assurés expropriés qui seraient amenés à cumuler l'indemnité d'assurance destinée à la réparation ou à la reconstruction de leurs biens et l'indemnité d'expropriation, calculée hors risque, destinée au remplacement de ces mêmes biens.

Aux yeux de votre rapporteur, la crainte d'un enrichissement sans cause n'est pas justifiée. En effet, les rédacteurs du projet de loi se sont manifestement placés dans une logique de risque potentiel, alors qu'il s'agit de traiter les cas où le risque est réalisé et où il y a donc préjudice.

En effet, si l'on prend l'exemple d'un propriétaire d'un bien, d'une valeur initiale de 150 000 euros, endommagé par une catastrophe naturelle, lui faisant subir un préjudice de 50 000 euros, l'assurance lui versera une indemnité correspondant au préjudice subi, à savoir 50 000 euros. Au moment de l'expropriation, deux cas peuvent se présenter :

- soit il a réalisé les travaux de reconstruction et de réparation, auquel cas son bien retrouve sa valeur vénale initiale s'il n'est pas tenu compte des risques ultérieurs de catastrophe naturelle, à savoir 150 000 euros ;

- soit il n'a pas réalisé les travaux, et la valeur de son bien est dépréciée à hauteur du montant du préjudice subi. S'il n'est pas tenu compte des risques ultérieurs, cette valeur est donc de 100 000 euros et correspond aux indemnités d'expropriation. Si l'on appliquait alors les dispositions du présent article, le montant des indemnités d'assurance perçues par les sinistrés en contrepartie du dommage subi (50 000 euros) devrait être déduit du montant des indemnités d'expropriation et le sinistré ne percevrait finalement plus que 50 000 euros, alors que la valeur initiale de son bien était, sans qu'il soit tenu compte du risque, de 150 000 euros.

Les indemnités d'assurances ont pour vocation d'indemniser le préjudice subi du fait de dommages et non du fait d'un risque potentiel. Elles n'ont aucun rapport avec l'estimation de la valeur du bien s'il n'est pas tenu compte du risque. La crainte que certains assurés puissent bénéficier d'un enrichissement sans cause n'est donc pas fondée ; il conviendrait de préciser, à tout le moins, que ce mode de calcul ne s'impose que lorsque la valeur du bien a été estimée sans tenir compte des dommages subis.

La Commission a examiné un amendement de M. François-Michel Gonnot, visant à supprimer la possibilité de déduire des indemnités d'expropriation les indemnités d'assurance perçues pour catastrophe naturelle lorsque les travaux de réparation liés au sinistre n'ont pas été réalisés. Le rapporteur, après avoir indiqué que la rédaction du projet de loi pourrait en effet conduire à léser gravement certains propriétaires, les indemnités d'assurance n'ayant pas vocation à indemniser un risque mais un sinistre, a signalé qu'il présentait un amendement visant à résoudre le problème d'une autre manière, en précisant qu'il est recouru à ce mode de calcul lorsque la valeur du bien a été estimée sans tenir compte du dommage subi. M. François-Michel Gonnot, se ralliant à ce dispositif, a alors retiré son amendement et la Commission a adopté l'amendement du rapporteur (amendement n° 140).

La Commission a adopté l'article 25 ainsi modifié.

Article 26

Champ d'intervention du fonds de prévention des risques naturels majeurs

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds « Barnier », est un fonds privé. En application de l'article L. 561-3 du code de l'environnement, il est alimenté par un prélèvement sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles, versé par les entreprises d'assurances. Le taux de ce prélèvement est fixé par arrêté interministériel dans la limite de 2,5 % et la gestion comptable et financière du fonds est assurée par la caisse centrale de réassurance.

Les dépenses éligibles à une intervention du fonds « Barnier » sont également précisées par le même article L. 561-3.

Il s'agit en premier lieu des indemnités allouées dans le cadre de l'expropriation pour risque naturel majeur, des dépenses liées à la limitation de l'accès et à la démolition éventuelle des biens exposés afin d'en empêcher toute occupation future et des dépenses de prévention liées aux évacuations temporaires et au relogement des personnes exposées.

Le fonds peut également « contribuer au financement » :

- des opérations de reconnaissance des cavités souterraines et des marnières dont les dangers pour les constructions ou les vies humaines sont avérés ;

- de l'acquisition amiable d'un immeuble exposé à des risques d'effondrement du sol qui menacent gravement des vies humaines, ou du traitement ou du comblement des cavités souterraines et des marnières qui occasionnent ces mêmes risques, dès lors que ce traitement est moins coûteux que l'expropriation pour cause de risque naturel majeur.

Le présent article du projet de loi a pour objectif d'élargir le champ d'intervention du fond afin de contribuer au financement de mesures destinées à renforcer et compléter le dispositif existant en matière de mesures de sauvegarde, de prévention et d'indemnisation en matière de risques naturels.

Dans son paragraphe I, il procède à une renumérotation au sein de l'article L. 561-3 du code de l'environnement, afin de tenir compte de l'insertion, dans cet article, de nouvelles dispositions.

Le paragraphe II de l'article 26 du projet de loi vise à modifier profondément ce même article en substituant un nouveau dispositif à ses deuxième, troisième et quatrième alinéas, qui sont relatifs au financement, exposé plus haut, des opérations de reconnaissance des cavités souterraines et des marnières, à celui de l'acquisition amiable d'immeubles exposés à des risques d'effondrement menaçant gravement des vies humaines, et à celui du traitement ou du comblement des cavités souterraines et des marnières qui occasionnent ces mêmes risques.

Il s'agit d'élargir les possibilités d'intervention du fonds « Barnier » en définissant les mesures de prévention, intéressant des biens couverts par un contrat d'assurance, qu'il peut contribuer à financer.

Afin de compléter les moyens d'intervention des collectivités, il est donc prévu que le fonds pourra contribuer au financement de l'acquisition amiable, par ces dernières, de certains biens exposés au risque.

La procédure de l'acquisition amiable permettra de mettre en oeuvre une démarche locale plus souple plus rapide, à des fins similaires, c'est-à-dire la protection des populations. Elle devrait également contribuer à promouvoir, à terme, un rééquilibrage des territoires urbanisés en faveur de zones moins exposées, les biens acquis ayant vocation à être détruits ou à ne pas être reconstruits.

En effet, les indemnités versées par les assureurs au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles ne suffisent parfois pas à reconstruire les biens fortement endommagés par les inondations ailleurs que sur leur terrain d'assiette exposé au risque ; de même, elles ne permettent pas d'augmenter la résistance des bâtiments reconstruits face aux événements futurs.

Le fonds « Barnier » pourra, aux termes du présent paragraphe, financer deux types d'acquisitions amiables.

Il s'agit en premier lieu de l'acquisition amiable par une commune, un groupement de communes ou l'Etat d'un bien exposé à un risque prévisible naturel majeur menaçant gravement des vies humaines (1°). Les risques visés correspondent à ceux mentionnés à l'article L. 561-1 du code de l'environnement relatif à l'expropriation pour cause de risque naturel majeur : mouvement de terrain ou affaissement de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, avalanche, crue torrentielle.

Les sénateurs ont complété la liste des risques pour lesquels il peut y avoir acquisition amiable par les crues « à montée rapide », la notion de « crues torrentielles » leur ayant semblé trop restrictive, notamment au regard des dernières inondations survenues dans l'Aude.

Il est en outre précisé que cette acquisition amiable ne peut intervenir que si son prix s'avère moins coûteux que « les moyens de sauvegarde et de protection des populations ». Il peut s'agir, par exemple, des moyens engagés pour conforter une carrière.

Le fonds pourra également contribuer à financer (2°) des dépenses d'acquisition amiable par une commune, un groupement de communes ou l'Etat, des biens d'habitation et des biens d'entreprises industrielles, commerciales, agricoles ou artisanales de moins de dix salariés et de leurs terrains d'assiette lorsque ces biens ont été sinistrés à plus de la moitié de leur valeur et indemnisés.

D'après l'étude d'impact du projet de loi, le coût estimatif du financement de l'acquisition amiable de biens exposés à une menace grave pour les vies humaines devrait conduire à rester dans les limites de la dépense actuelle constatée en matière d'expropriation.

Le coût du financement de l'acquisition amiable de biens fortement endommagés à la suite d'une catastrophe naturelle, compte tenu de l'évaluation des dommages constatés dans les départements les plus sinistrés et de la fréquence des catastrophes reconnues durant ces dernières années, pourrait, selon les estimations du Gouvernement, atteindre 7 millions d'euros par an.

Le volume global de transferts de propriétés fortement menacées ou sinistrées en faveur des collectivités publiques devrait, selon les mêmes estimations, rester modeste, au regard des acquisitions réalisées à ce jour dans le cadre de l'expropriation pour risques naturels majeurs (depuis 1995, ont été expropriées 174 propriétés totalisant 114 hectares pour un coût total d'environ 27 millions d'euros).

Votre rapporteur se réjouit de cette mesure qui permettra d'aider financièrement les propriétaires d'habitations ou d'entreprises de petite taille aux ressources financières limitées et dont les biens sont fortement endommagés à la suite d'une catastrophe naturelle, pour les inciter ou les aider à reconstruire ailleurs qu'en zone exposée. Néanmoins, il s'interroge sur la pertinence du seuil de dix salariés, qui lui semble relativement faible et susceptibles de donner lieu à des effets de seuil importants entre des entreprises de taille très modeste. Si de tels effets ne peuvent être supprimés, il lui semble néanmoins plus judicieux de fixer à vingt salariés la taille maximale de l'entreprise pour l'acquisition de laquelle la collectivité pourra bénéficier de l'intervention du fonds « Barnier ».

La Commission a en conséquence examiné un amendement du rapporteur visant à porter de 10 salariés à 20 salariés la taille des entreprises dont l'acquisition des biens, par une collectivité publique, peut donner lieu à un cofinancement par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (fonds « Barnier »). Après que le rapporteur eut indiqué que si le critère de la taille des entreprises n'était pas totalement satisfaisant, son amendement permettrait néanmoins de réduire les effets de seuil entre les plus petites d'entre elles, M. Léonce Deprez s'est félicité de cette initiative dont il a estimé qu'elle pourrait être très efficace. M. Max Roustan s'est étonné que l'on fixe un seuil de taille, compte tenu des réserves importantes du fonds Barnier ; puis, M. François-Michel Gonnot, s'étonnant de l'absence de contrôle parlementaire sur ce fonds, a suggéré qu'un amendement du rapporteur soit préparé, en vue de la séance publique, afin de prévoir que le fonds Barnier aura à remettre un rapport d'activité annuel auprès du Parlement.

La Commission a alors adopté l'amendement du rapporteur (amendement n° 141).

Il est en outre prévu que les terrains acquis devront être rendus inconstructibles dans un délai de trois ans, celui-ci ayant été déterminé afin de laisser le temps nécessaire aux collectivités pour modifier ou réviser leurs documents d'urbanisme.

Le 3° du même paragraphe reprend le droit existant, en disposant que le fonds « Barnier » peut contribuer au financement du traitement ou du comblement des cavités souterraines et des marnières qui occasionnent des risques d'effondrement du sol menaçant gravement des vies humaines. Il y ajoute la possibilité de faire financer par le fonds « les opérations de reconnaissance » de ces cavités et marnières, dont le coût devrait être compris entre 7 et 10 millions d'euros.

Le 4° permet au fonds « Barnier » de contribuer au financement des études et travaux de prévention définis et rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPR) approuvé sur des biens à usage d'habitation ou sur des biens d'entreprises industrielles, commerciales, agricoles ou artisanales de moins de dix salariés - la mention des entreprise agricoles résulte d'un ajout du Sénat visant à réparer un oubli du projet de loi initial. Par coordination avec le 3°, votre rapporteur estime nécessaire de viser les entreprises de moins de vingt salariés.

D'après l'étude d'impact du projet de loi, une estimation de la charge ainsi supportée par le fonds « Barnier » peut être réalisée sur la base de 500 communes dotées de plans de prévention des risques approuvés chaque année, comportant en moyenne 100 bâtiments dans les zones réglementées, dont 10 % font en moyenne l'objet d'études et de travaux de préventions obligatoires. Les travaux rendus obligatoires représentant en moyenne 5 % de la valeur des biens, la contribution du fonds pourrait s'élever annuellement à environ 5 millions d'euros. Cette aide devrait rendre plus effectives certaines mesures souvent rendues obligatoires, telles que la mise hors d'eau ou l'arrimage de sources potentielles de pollution (cuves, citernes, et autres dépôts de matériaux polluants).

La Commission a adopté un amendement du rapporteur, visant, par coordination, à porter de 10 salariés à 20 salariés la taille maximale des entreprises pouvant bénéficier d'un cofinancement du fonds Barnier pour réaliser les études et travaux prescrits par un plan de prévention des risques naturels prévisibles (amendement n° 142).

Enfin, le 5° permet une intervention financière du fonds « Barnier » en faveur des campagnes d'information sur les garanties existant en matière d'assurance contre les catastrophes naturelles. Le coût estimé de cette mesure ne devrait pas dépasser 1 million d'euros par an. Votre rapporteur estime qu'on pourrait judicieusement élargir cette dernière disposition aux campagnes d'information que devra désormais mener le maire en matière de risques naturels (cf. article 17 du projet de loi). La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur permettant aux communes de bénéficier d'une contribution du fonds pour financer les campagnes d'information préventive menées par les maires sur les risques naturels (amendement n° 143).

Les deux derniers alinéas de ce paragraphe précisent les conditions de financement, par le fonds, des acquisitions amiables, des opérations de reconnaissance des marnières et cavités, ainsi que des études et travaux rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

S'agissant des acquisitions amiables, le dispositif prévu pose le même problème que celui exposé plus haut à l'article 25 concernant les indemnités d'expropriation pour cause de risque naturel majeur. Il dispose en effet que le prix fixé pour ces acquisitions ne doit pas excéder le montant des indemnités d'expropriation, (dont a déjà vu que le mode de calcul proposé par le projet de loi posait problème), nettes du montant des indemnités d'assurance pour catastrophe naturelle lorsque les travaux de réparation liés au sinistre n'ont pas été réalisés. Il faudrait donc retrancher deux fois le montant des indemnités d'assurance, alors que celles-ci sont destinées à dédommager un sinistre. Il est donc nécessaire de revoir la rédaction de cette disposition, afin que ne soient pas déduites les indemnités d'assurance.

La Commission a en conséquence adopté un amendement du rapporteur tendant à corriger le même type d'incohérence que celui relevé à l'article 25 et visant à éviter de déduire deux fois de suite les indemnités d'assurance (amendement n° 144).

Il est par ailleurs prévu que lorsqu'une collectivité publique autre que l'État a bénéficié d'un financement pour l'acquisition amiable de biens sinistrés à plus de 50 % et que les terrains acquis n'ont pas été rendus inconstructibles dans le délai de trois ans, elle est tenue de rembourser le fonds, l'objectif étant en effet de réduire, à terme, le nombre de personnes exposées au risque.

Concernant les opérations de reconnaissance de marnières et les études et travaux rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, leur financement par le fonds sera réalisé déduction faite du montant des indemnités d'assurance pour catastrophe naturelle.

Le paragraphe III vise à opérer une renumérotation au sein de l'article L. 561-3 du code de l'environnement, dans un souci de coordination.

Le paragraphe IV tire les conséquences des nouvelles missions assignées au fonds « Barnier » en augmentant ses ressources. Il ouvre ainsi la possibilité à l'autorité administrative de fixer à 4 % au maximum le taux de prélèvement (aujourd'hui de 2,5 %) sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles, comme le proposait d'ailleurs la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les causes des inondations répétitives ou exceptionnelles. Au total, la charge supplémentaire que devrait représenter, pour le fonds de prévention des risques naturels majeurs, l'ensemble de ces nouveaux postes de dépenses s'élève, selon le Gouvernement, à environ 20 millions d'euros par an. Notons qu'un taux de 2 % correspondait à des ressources de l'ordre de 20 millions d'euros par an. La fixation du taux à 4 % devrait donc permettre au fonds de remplir ses nouvelles missions.

La Commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.

Article 26 bis (nouveau)

Périmètre des PPR

Ce nouvel article, introduit par les sénateurs, vise à préciser, dans l'article L. 562-1 du code de l'environnement, que s'agissant du risque inondation, le périmètre des plans de prévention des risques naturels prévisibles doit recouvrir « soit un bassin ou une fraction de celui-ci, soit l'ensemble d'un cours d'eau ou une section de celui-ci ».

Votre rapporteur comprend bien le souci qui a animé les sénateurs, à savoir que le PPR doit pouvoir dépasser les limites administratives d'une commune, voire d'un groupement de communes, pour être établi à l'échelon géophysique pertinent. Pour autant, la rédaction de ce nouvel article ne lui semble pas satisfaisante, un PPR étant, en tout été de cause, toujours situé sur « une fraction de bassin », ce qui vide de son sens et de son intérêt le présent article. En conséquence, il a présenté un amendement de suppression de cet article, que la Commission a adopté (amendement n° 145).

Article 27

Prise en compte de la prévention des inondations dans les politiques départementales des espaces naturels sensibles

Cet article, non modifié par le Sénat, vise à modifier l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, qui prévoit que dans un but de préservation de la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et afin d'assurer la sauvegarde des habitats naturels, le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non.

A cet effet, il dispose des ressources tirées de la taxe départementale des espaces naturels sensibles, qui peuvent être utilisées pour acquérir, aménager et gérer des terrains en vue de leur ouverture au public, sauf exception justifiée par la fragilité du milieu.

Le présent article vise à préciser, dans cet article L. 142-1, que le département doit prendre en compte les champs naturels d'expansion des crues dans sa politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles.

Le département pourra donc utiliser les ressources tirées de la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles, afin d'acquérir des terrains ayant vocation à servir de champ d'expansion des crues. On doit noter que certains départements ont déjà mis en place de telles pratiques, auxquelles il convient de donner une base légale.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Après l'article 27

M. Jean-Pierre Grand, présentant un amendement ayant pour objet de réduire à deux mois le délai dans lequel les indemnités d'assurance sont versées en cas de catastrophe naturelle, a souligné que cette réduction des délais était très importante afin que les financements publics d'indemnisation complémentaire puissent être mobilisés. En effet, a-t-il souligné, les victimes ne peuvent en bénéficier tant que les compagnies d'assurance n'ont pas fait connaître le montant de leur indemnisation ; or, ces dernières peuvent faire preuve d'une véritable inertie, extrêmement préjudiciable aux sinistrés. Il a déploré que ces lenteurs inadmissibles aient conduit de nombreuses petites entreprises à la liquidation, celles-ci n'ayant pas les moyens d'autofinancer les réparations nécessaires au redémarrage de leur activité.

Le rapporteur, rappelant que le projet de loi prévoyait un délai d'indemnisation de trois mois pour les catastrophes technologiques, a estimé qu'il convenait donc de garder un dispositif cohérent et harmonisé entre les deux types de risques et s'est déclaré en conséquence défavorable à l'amendement.

M. Max Roustan a rejoint l'analyse de M. Jean-Pierre Grand qui a alors suggéré que le rapporteur propose, pour l'examen du projet de loi en séance publique, un amendement qui s'applique aussi bien aux particuliers qu'aux entreprises et qui contraigne les compagnies d'assurance à réduire leurs délais d'instruction des sinistres. Le rapporteur ayant accepté cette proposition, M. Jean-Pierre Grand a retiré son amendement.

Article 28

Elargissement des conditions de saisine du Bureau central de tarification

L'actuel article L. 125-6 du code des assurances prévoit que dans les terrains classés inconstructibles par un PPR approuvé, l'obligation d'insérer dans les contrats une clause étendant la garantie aux catastrophes naturelles ne s'impose pas aux entreprises d'assurance, sauf pour ce qui concerne les biens et activités existant antérieurement à la publication de ce plan. Cette obligation ne s'impose pas non plus à l'égard des immeubles construits et des activités exercées en violation des règles administratives en vigueur lors de leur mise en place, si ces règles tendaient à prévenir les dommages causés par une catastrophe naturelle

Le même article prévoit également qu'exceptionnellement, la garantie instituée pour couvrir les catastrophes naturelles peut excepter certains biens mentionnés au contrat ou opérer des abattements différents de ceux fixés dans les clauses types, sur décision du bureau central de tarification, lorsque le propriétaire ou l'exploitant ne s'est pas conformé dans un délai de cinq ans aux mesures prescrites par un PPR. Le bureau central de tarification (BCT), organisme régulateur, peut alors fixer des abattements spéciaux.

L'article 28 du projet de loi, non modifié par les sénateurs, vise à compléter cet article L. 125-6, afin de préciser que le préfet, garant de l'intérêt général, ou le président de la caisse centrale de réassurance, garant de l'équilibre financier du régime des catastrophes naturelles, peuvent saisir le BCT lorsque les conditions dans lesquelles un bien ou une activité bénéficie d'une garantie contre les catastrophes naturelles leur paraissent injustifiées. Les critères sont à cet égard le comportement de l'assuré ou l'absence de mesure de précaution visant à réduire la vulnérabilité du bien ou de l'activité. Le bureau central de tarification fixera, dans ces cas, des abattements spéciaux dans le calcul des indemnités versées.

Cette disposition avait été proposée par la commission d'enquête sur les causes des inondations répétitives ou exceptionnelles. Il s'agit, en pratique, de saisir le Bureau central de tarification de cas « discutables » de reconstruction à l'identique sans aucune mesure de précaution. Cette mesure complète donc celles prises pour inciter à réduire la vulnérabilité de zones faisant l'objet d'inondations répétées et qui font l'objet d'indemnisations au titre du régime des catastrophes naturelles.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 28 bis (nouveau)

Coordination

Ce nouvel article vise à modifier l'article L. 125-6 du code des assurances, afin de tenir compte de l'insertion, dans le code de l'environnement, des dispositions de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs concernant les PPR, par l'ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l'environnement.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 28 ter (nouveau)

Exonération partielle de responsabilité pour les collectivités territoriales
en cas de catastrophe naturelle

Ce nouvel article, introduit par le Sénat sur initiative de M. Philippe Marini, vise à interdire à l'Etat et à ses établissements publics de mettre en cause la responsabilité d'une collectivité territoriale, hormis le cas de faute commise par le maître d'ouvrage ou par ses préposés, pour des travaux d'aménagement hydraulique entrepris en cas de catastrophe naturelle, si les ouvrages de l'Etat ont subi des dommages, dès lors que ces travaux ont été cofinancés par l'Etat.

On ne peut que souscrire à l'objectif du Sénat, qui vise à garantir plus de sécurité aux collectivités maîtres d'ouvrage. Celles-ci réalisent parfois des aménagements susceptibles de créer des dommages, telles des digues qui cèdent, par exemple. Dans de tels cas, les collectivités peuvent parfois avoir du mal à trouver un assureur pour couvrir les risques potentiels, contrairement à l'Etat qui est son propre assureur.

La solution proposée par le Sénat consiste donc à limiter les possibilités de recours de la part de l'Etat à l'encontre de ces collectivités, s'il a participé au financement des travaux. Ainsi, elles devraient avoir plus de facilité à trouver un assureur acceptant de couvrir leur responsabilité civile.

La Commission a adopté un amendement de M. François-Michel Gonnot tendant à réduire aux seuls cas de faute lourde les possibilités de mise en cause de la responsabilité des collectivités locales par l'Etat pour les dommages causés sur ses ouvrages par des travaux d'aménagements hydrauliques visant à prévenir les inondations, en cas de catastrophe naturelle, lorsque ces aménagements ont bénéficié d'une intervention financière de l'Etat (amendement n° 146). Elle a également adopté un amendement du même auteur étendant le bénéfice de ces dispositions aux groupements de collectivités territoriales (amendement n° 147).

La Commission a ensuite adopté l'article 28 ter ainsi modifié.

Chapitre V

Dispositions relatives à l'Office national des forêts

Article 29

(article L. 431-4 du code forestier)

Compétence de l'Office national des forêts en matière de fixation des dunes

L'article 29 du projet de loi est relatif aux interventions de l'Office nationale des forêts (ONF) en matière de fixation des dunes par la culture de plantes aréneuses.

Il vise à compléter, par un nouvel article L. 431-4, le chapitre Ier (portant dispositions générales) du titre III (relatif à la fixation des dunes) du livre IV du code forestier (portant sur les forêts de protection et la lutte contre l'érosion).

Ce nouvel article du code forestier précise qu'il revient à l'ONF de réaliser les travaux de fixation des dunes, en application des mesures arrêtées par le ministre chargé des forêts, lorsque ces travaux sont effectués sur des dunes littorales du domaine privé de l'Etat remises en gestion à l'Office.

Il s'agit ainsi de garantir la sécurité juridique nécessaire à l'exercice de ces travaux, qui sont pour l'instant dépourvus de base légale et pourraient donc donner lieu à des contentieux. Ce nouvel article permet en effet de préciser que la mission de fixation des dunes par l'ONF sur le domaine privé de l'Etat est une mission d'intérêt général et ne relève donc pas du domaine concurrentiel.

Les sénateurs ont, par ailleurs, ajouté que l'ONF doit être indemnisé de cette mission dans les conditions prévues par l'article L. 121-4 du code forestier, qui permet à l'établissement de réaliser des travaux en vue de la protection, de l'aménagement et du développement des ressources naturelles, en vertu de conventions passées avec des personnes publiques ou privées.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 29 bis (nouveau)

Compétence de l'Office national des forêts
pour prévenir les risques naturels en montagne

Ce nouvel article, introduit par le Sénat, vise à compléter par deux nouveaux articles le chapitre IV (restauration des terrains en montagne) du titre II (conservation et restauration des terrains en montagne) du livre IV (forêts de protection et lutte contre l'érosion) du code forestier, afin d'assurer une plus grande sécurité juridique aux interventions de l'ONF dans le domaine de la prévention des risques naturels en montagne.

Article L. 424-5 (nouveau) du code forestier

Compétence de l'Office national des forêts
en matière de restauration des terrains en montagne

Ainsi que l'a souligné M. Yves Détraigne, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques lors des débats au Sénat, les interventions effectuées par l'ONF au titre du service de restauration des terrains en montagne se sont progressivement diversifiées, à la fois à la demande des administrations centrales et des services déconcentrés de l'Etat en raison de la capacité d'expertise de cet établissement. Ainsi, l'Office est appelé à émettre des avis dans le cadre de l'application du code de l'urbanisme (par exemple, pour la préparation des plans locaux d'urbanisme) et du code de l'environnement (par exemple, concernant la mise en œuvre des PPR).

A l'heure actuelle, ces interventions sont dépourvues de toute base légale, ce qui conduit à de réels risques de contentieux.

Afin de garantir une plus grande sécurité juridique à ces interventions, ce nouvel article du code forestier reconnaît donc la compétence de l'Office pour instruire, au nom de l'Etat et, le cas échéant, à la demande des collectivités territoriales, les dossiers nécessaires à l'application des dispositions législatives en matière de mise en valeur et de restauration des terrains de montagne. Il est également prévu que l'Office peut être sollicité par les autorités publiques pour contribuer à la mise en œuvre des missions de service public relatives à la prévention des risques naturels en application du code de l'urbanisme (élaboration des règles d'urbanisme et modes d'utilisation du sol en zones de montagne) ou du code de l'environnement (élaboration des PPR notamment).

Article L. 424-6 (nouveau) du code forestier

Décret en Conseil d'Etat

Ce nouvel article du code forestier renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application du nouvel article L. 424-5 du code forestier.

La Commission a adopté cet article sans modification.

TITRE III

DISPOSITIONS COMMUNES ET TRANSITOIRES

Article 30

(article L. 125-5 (nouveau) du code de l'environnement)

Obligation d'information portant sur les risques technologiques et naturels
lors des transactions immobilières

Cet article a été profondément remanié par le Sénat, qui l'a, sur certains points, quelque peu privé de sa portée.

Le premier alinéa de son paragraphe I vise à améliorer l'information des acquéreurs de biens immobiliers situés dans une zone exposée au risque. Le projet de loi initial prévoyait qu'ils devaient être informés par le vendeur de l'existence des risques, dès lors que ces biens étaient situés « dans des zones exposées à des risques naturels et technologiques prévisibles », notamment celles couvertes par un PPRT ou par un PPR.

Les sénateurs ont souhaité restreindre le champ de cette disposition, en précisant qu'elle s'applique aux biens « situés dans des zones couvertes par un PPRT ou par un PPR », dans un souci de sécurité juridique accrue, afin d'éviter toute contestation relative à la définition du zonage. Le vendeur n'ayant pas forcément connaissance des risques qui ne donnent pas lieu à un plan de prévention des risques naturels ou un plan de prévention des risques technologiques, les sénateurs ont également précisé que les vendeurs des biens situés dans une zone couverte par un de ces plans n'ont obligation d'informer l'acquéreur que sur les risques visés par le plan, la rédaction du projet de loi initial étant en effet relativement vague sur ce point.

Votre rapporteur se rallie à la volonté d'assurer un cadre juridique solide à l'obligation faite aux vendeurs de biens exposés à un risque d'informer sur l'existence de ce dernier. Pour autant, il estime qu'il pourrait utilement être précisé que cette disposition s'applique aux biens immobiliers situés dans une zone couverte par un PPRT « prescrit ou approuvé », la prescription du plan signifiant qu'il y a d'ores et déjà connaissance du risque. Il serait également judicieux d'étendre cette obligation d'information aux bailleurs vis-à-vis de leurs locataires.

Le deuxième alinéa du même paragraphe disposait par ailleurs, dans le projet de loi initial, qu'un état des risques se fondant sur les « informations publiques disponibles rassemblées par le préfet » devait être annexé à toute promesse unilatérale de vente ou d'achat et à tout contrat réalisant ou constatant la vente. Toujours afin de garantir la plus grande sécurité juridique au dispositif, les sénateurs ont souhaité que cet état des risques soit fondé sur « les informations mises à disposition par le préfet », ce qui paraît en effet être une utile précision.

Enfin, ce paragraphe I dispose, dans son dernier alinéa, qu'un arrêté préfectoral doit fixer, pour chaque commune, la liste des risques et des documents à prendre en compte. Cette disposition est à rapprocher du paragraphe III prévu par le projet de loi initial, qui prévoyait que le préfet devait arrêter la liste des communes dans lesquelles est obligatoire l'information des acquéreurs et des locataires de biens immobiliers exposés à un risque naturel ou technologique, ainsi que la liste des risques et des documents à prendre en compte. Les sénateurs ayant par ailleurs supprimé l'obligation d'informer les locataires qui figurait au paragraphe II du projet de loi initial, ils ont réintroduit dans le présent paragraphe ces dispositions en les limitant à la seule information des acquéreurs.

Votre rapporteur est tout à fait défavorable à la suppression de l'information des locataires par un état des risques annexé au contrat de location, qui était prévue dans le projet de loi initial. Les sénateurs ont motivé cette suppression par la difficulté qu'il y aurait à procéder à une telle information en cas de baux oraux, notamment en cas de baux ruraux qui sont renouvelés tacitement.

Si l'on peut comprendre la volonté de s'assurer que la mise en œuvre pratique de ces dispositions ne sera pas trop complexe, il semble difficile d'accepter, à ce titre, de supprimer purement et simplement l'information de tous les autres locataires détenteurs d'un bail écrit et qui sont largement majoritaires. Une suppression de ces dispositions semble d'autant plus inopportune que les biens exposés à un risque technologique seront en règle générale situés dans des quartiers modestes, habités principalement par des locataires.

Votre rapporteur estime donc indispensable de rétablir les dispositions du projet de loi initial concernant l'information des locataires, en précisant, afin d'éviter toute difficulté d'application, que l'état des risques doit être annexé au contrat « écrit » de location.

La Commission a rejeté un amendement de M. Yves Cochet visant à rétablir le projet de loi initial et disposant que, dans des communes déterminées par le préfet, les acquéreurs et les locataires d'immeubles situés dans des zones exposées à des risques prévisibles sont informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence du risque et qu'un état du risque est annexé aux actes de vente ou d'achat et aux contrats de location.

Puis, la Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que les acquéreurs et les locataires d'un bien immobilier situé dans les zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans les zones de sismicité sont informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence des risques (amendement n° 148).

En conséquence, un amendement de M. Jean-Pierre Grand disposant que les acquéreurs des biens situés dans les zones exposés à des risques technologiques et naturels prévisibles sont informés par le vendeur de cette situation est devenu sans objet.

Puis, M. Jean-Pierre Grand a retiré un amendement disposant que les locataires des biens situés dans les zones exposées à des risques naturels prévisibles sont informés par le bailleur de cette situation et qu'un état de ces risques est annexé au contrat de location, cet amendement étant satisfait par un amendement ultérieur du rapporteur.

La Commission a ensuite adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 149) et un amendement du même auteur précisant les modalités pratiques d'information des locataires en disposant que l'état des risques prévu au I de l'article L. 125-5 du code de l'environnement créé par l'article 30 du projet de loi est annexé aux contrats de location écrits et que la liste des communes concernées par l'obligation d'information des acquéreurs et des locataires est arrêtée par le préfet qui précise, dans celles-ci, la liste des risques et des documents à prendre en compte (amendement n° 150).

Le paragraphe II de cet article reprend, sans les modifier, les dispositions du paragraphe IV prévu par le projet de loi initial, selon lequel lorsqu'un immeuble bâti a subi un sinistre ayant donné lieu au versement d'une indemnité pour catastrophe naturelle ou pour catastrophe technologique, le vendeur ou le bailleur de l'immeuble est tenu, pour autant qu'il connaisse l'existence et l'importance des dommages, d'en informer par écrit l'acquéreur ou le locataire. Ce dispositif reprend une mesure prévue à l'article L. 514-20 du code de l'environnement s'agissant de la vente d'un terrain sur lequel a été exploitée une installation classée soumise à autorisation.

Afin de renforcer à la fois les droits des vendeurs et ceux des acquéreurs, votre rapporteur estime qu'il serait utile de préciser que cette obligation ne vaut que pour les sinistres survenus durant la période à laquelle le vendeur était propriétaire et que l'information est annexée à l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, ainsi qu'aux actes authentiques de même nature ultérieurs.

La Commission a rejeté un amendement de M. François Brottes disposant que les locataires des biens situés dans les zones exposées à des risques naturels prévisibles sont informés par le bailleur de cette situation et qu'un état de ces risques est annexé au contrat de location, celui-ci étant satisfait.

La Commission a ensuite examiné deux amendements identiques présentés par MM. Antoine Herth et Jean-Pierre Decool disposant que le vendeur ou le bailleur d'un immeuble ayant subi un sinistre dû à une inondation et ayant donné lieu au versement d'une indemnité au titre de l'assurance des risques de catastrophes naturelles est tenu, lorsqu'il connaît l'existence et l'importance des dommages, d'en informer par écrit l'acquéreur ou le locataire.

Le rapporteur ayant indiqué qu'il présentait un amendement ayant un objet similaire, M. Antoine Herth et M. Jean-Pierre Decool ont retiré leurs amendements pour se rallier à l'amendement du rapporteur.

Puis, la Commission a examiné un amendement du rapporteur imposant, d'une part, à tout vendeur ou bailleur d'un immeuble frappé par un sinistre ayant donné lieu à une indemnisation au titre de l'assurance des risques de catastrophes naturelles ou technologiques d'en informer l'acquéreur ou le locataire si le sinistre est survenu durant la période où il a été propriétaire de l'immeuble ou s'il en a été informé par un vendeur précédent et prévoyant, d'autre part, qu'en cas de vente de l'immeuble, cette information est annexée à l'acte authentique constatant la réalisation de la vente.

M. François-Michel Gonnot a estimé délicate la mise en œuvre d'une telle disposition, reposant sur la bonne foi du vendeur et alourdissant le travail des notaires.

M. Alain Venot, rapporteur, a indiqué que le notaire devrait mentionner dans l'acte authentique le sinistre passé, la dissimulation d'informations par le vendeur pouvant constituer un dol viciant le consentement de l'acheteur.

M. François-Michel Gonnot a jugé nécessaire de mieux préciser le déroulement de la procédure d'information, en association avec le notariat, notamment afin d'éviter la multiplication des contentieux. Il a suggéré d'indiquer dans le texte que le notaire a l'obligation de demander au vendeur s'il a connaissance de sinistres passés, la responsabilité d'une omission reposant alors sur le seul vendeur.

M. Alain Venot a observé que l'information de l'acheteur ou du locataire par le propriétaire était une obligation, justifiant un écrit dans l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, comme cela était le cas pour des servitudes telles que des droits de passage.

M. Christian Decocq, intervenant en application de l'article 38 du Règlement, a approuvé la démarche consistant à donner une référence juridique pour sanctionner les infractions commises par les propriétaires lors de ces transactions et ainsi protéger plus efficacement les acheteurs et locataires.

M. François-Michel Gonnot a suggéré que l'information ne soit pas annexée à l'acte authentique mais mentionnée dans celui-ci.

M. Antoine Herth a observé qu'il serait nécessaire d'examiner le contenu du droit local existant en Alsace-Moselle sur ces questions.

Le rapporteur a accepté de rectifier son amendement conformément à la proposition de M. François-Michel Gonnot puis la Commission a adopté cet amendement ainsi rectifié (amendement n° 151).

Le paragraphe III reprend, sans modification, les dispositions du paragraphe V prévu par le projet de loi initial, aux termes desquelles, en cas de non respect des dispositions qui précèdent en matière d'information, l'acquéreur ou le locataire peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix. Il s'agit de règles de droit commun sanctionnant le défaut de conformité d'un contrat. La résolution n'ayant pas d'effet rétroactif, le bailleur ne sera pas tenu de rembourser les loyers déjà perçus.

Enfin, le paragraphe IV renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application de ce nouvel article L. 125-5 du code de l'environnement.

La Commission a adopté l'article 30 ainsi modifié.

Article 30 bis (nouveau)

(article L. 563-5 (nouveau) du code de l'environnement)

Conditions d'accès aux données élaborées par l'Etat et ses établissements

Ce nouvel article, introduit par les sénateurs sur initiative de M. Philippe Marini, vise à créer dans le code de l'environnement un nouvel article L. 563-5 afin de définir les conditions d'accès des collectivités territoriales et de leurs groupements aux données établies par l'Etat et ses établissements publics afin de garantir la sécurité des personnes et des biens.

Il s'agit notamment de clarifier les conditions d'accès aux données météorologiques, les collectivités ayant à jouer un rôle important en matière de prévention et de mise en œuvre de toutes les précautions nécessaires pour parer à des risques d'inondations. Il convient donc qu'elles aient gratuitement accès aux informations qui leur sont nécessaires, notamment s'agissant des prévisions de pluviométrie élaborées par Météo France.

A cet effet, le paragraphe I de ce nouvel article précise que les collectivités territoriales ou leurs groupements ont un accès gratuit à ces données, sur demande motivée par la sécurité des personnes et des biens. Toutefois, l'Etat et ses établissements publics peuvent mettre à la charge des demandeurs les frais de reproduction et de transmission de ces données.

Le paragraphe II renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions d'application de ce nouvel article du code de l'environnement.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 31

Coordination avec le code de l'urbanisme

Cet article, non modifié par les sénateurs, vise à modifier l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme, qui précise dans quelles zones les communes peuvent instituer le droit de préemption urbain. Il s'agit donc de compléter les dispositions de cet article, afin de mentionner désormais :

- les périmètres définis par un plan de prévention des risques technologiques ;

- les zones de rétention temporaire des eaux de crues et de ruissellement, ainsi que les zones de mobilité d'un cours d'eau.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 32

Exonération des travaux de prévention des taxes d'urbanisme

Le paragraphe I de cet article vise à compléter l'article 1585 C du code général des impôts, qui dresse la liste des constructions exclues du champ d'application de la taxe locale d'équipement, pour y ajouter les aménagements prescrits par un PPR ou un PPRT sur des biens construits et aménagés conformément aux dispositions du code de l'urbanisme avant l'approbation du plan, et dont le financement est supporté par les propriétaires et exploitants.

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 152).

Dans la même logique, le paragraphe II de cet article tend à modifier l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme, qui a trait à la taxe départementale des espaces naturels sensibles et précise notamment quelles sont les constructions qui sont exclues du champ de cette taxe. Il complète le dispositif existant pour inclure, dans les constructions exonérées de la taxe, les mêmes aménagements prescrits par un PPR ou un PPRT.

D'après l'étude d'impact du projet de loi, les incidences financières de ces exonérations devraient être faibles pour les collectivités territoriales bénéficiaires du produit de la taxe locale d'équipement et de la taxe départementale des espaces naturels sensibles. Le Gouvernement estime en effet que dans la pratique, les surfaces hors œuvre nettes créées correspondront surtout à des reconstructions après sinistre avec rehaussement de la surface de plancher, ainsi qu'à l'aménagement de niveaux refuges pour les zones exposées à des inondations. Partant de l'hypothèse qu'une centaine de bâtiments devraient être reconstruits et 3 000 niveaux refuges créés chaque année, la perte de recettes devrait être inférieure à un million d'euros pour la taxe locale d'équipement et à deux millions pour la taxe départementale des espaces naturels sensibles.

Puis, elle a examiné un amendement de M. Antoine Herth visant à exonérer de la taxe sur le foncier non bâti les agriculteurs dont le terrain est surinondé pour mieux lutter contre les crues.

M. Alain Venot, rapporteur, ayant indiqué qu'une indemnisation de ces agriculteurs était déjà prévue et estimé qu'il convenait de préserver les finances des collectivités locales, a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Léonce Deprez s'est étonné de l'idée proposée de financer cette exonération d'impôt local par une hausse de la taxe sur les jeux, qu'il a jugé inopportune.

La Commission a rejeté cet amendement.

M. Jean-Pierre Decool a alors retiré, par cohérence, un amendement de même nature.

Puis, la Commission a adopté l'article 32 ainsi modifié.

Article 33

Dispositions transitoires

Le paragraphe I de cet article prévoit que les dispositions de l'article 1er du projet de loi instaurant une réunion publique obligatoire dans le cadre de l'enquête publique portant sur un projet d'installation classée « Seveso seuil haut » ne s'appliquent pas aux enquêtes publiques ordonnées avant la publication de la loi.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à étendre aux enquêtes publiques ordonnées mais non ouvertes avant la publication de la loi, la mise en place d'une réunion publique obligatoire en application de l'article 1er du projet de loi (amendement n° 153). Puis, elle a rejeté un amendement de M. Yves Cochet visant à étendre cette obligation à toutes les enquêtes publiques non closes à la date de publication de la loi.

Le paragraphe II prévoit que les PPRT devront être élaborés et approuvés dans un délai de cinq ans suivant la publication de la loi.

Le paragraphe III précise que les dispositions de l'article L. 128-2 du code des assurances prévu par l'article 12 du projet de loi, et qui ont trait à l'extension de la garantie d'assurance en cas de catastrophe technologique, sont applicables aux contrats d'assurance en cours, ce qui permettra une indemnisation rapide, sans qu'il y ait à renouveler les contrats, en cas de sinistre d'origine industrielle.

La Commission a adopté l'article 33 ainsi modifié.

Article 34 (nouveau)

Non application du code des marchés publics
pour les contrats conclus pour faire face à des situations d'urgence
relevant d'une catastrophe industrielle ou naturelle

Ce nouvel article, introduit par les sénateurs sur initiative de M. Jean Arthuis, vise à compléter l'article 3 du code des marchés publics qui dresse la liste des contrats qui ne sont pas soumis au dispositions de ce code, en y intégrant les contrats relatifs à des fournitures, des travaux ou des services, conclus pour faire face à des situations d'urgence relevant d'une catastrophe industrielle ou naturelle.

Il est vrai qu'en situation de crise, les collectivités ont parfois été amenées à mobiliser des moyens considérables, s'exposant ainsi au risque d'enfreindre le code des marchés publics. Il peut donc être utile d'instaurer une procédure dérogatoire pour faire face aux situations de catastrophe naturelle ou technologique.

Bien évidemment, il convient que ce dispositif ne soit pas détourné de son objet. Mais on doit souligner que le préfet pourra toujours exercer un contrôle de légalité sur la décision de la collectivité d'utiliser cette procédure dérogatoire ; il pourra notamment apprécier s'il est effectivement nécessaire de faire face à « des situations d'urgence », ce qui devrait éviter tout risque de recours abusif à ce dispositif.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 154) et l'article 34 ainsi modifié.

·

· ·

Puis, la Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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· ·

En conséquence, la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire vous demande d'adopter le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (n° 606), modifié par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après.

 2ème partie du rapport

N° 0635 - Rapport sur le projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (Sénat, 1ère lecture) (M. Alain Venot)

1 () Rapport n° 3559, tome I, page 92.

2 () Ibid., page 114.

3 () Ibid., page 116.

4 () Ibid., page 107.

5 () Ibid., pages 119 et 120.

6 () Rappelons que le territoire national est divisé en six bassins versants : Adour-Garonne, Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée-Corse et Seine-Normandie.

7 () Le préfet coordonnateur de bassin est défini, à l'article L. 213-3 du code de l'environnement, comme le préfet de la région où le comité de bassin a son siège. Il lui revient d'animer et de coordonner la politique de l'Etat en matière de police et de gestion des ressources en eau.

8 () Voir infra le commentaire de l'article 21 du projet de loi.

9 () Voir infra le commentaire de l'article 20 du projet de loi.

10 () Voir JO des débats au Sénat n° 11 du 6 février 2003, p. 680.


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