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le 6 mai 2003

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N° 822

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 avril 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 735) de M. JEAN-PIERRE GIRAN ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES relative à la représentation au sein du conseil d'administration et des instances représentatives des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN, en application de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001,

PAR M. Philippe VITEL,

Député.

--

Défense.

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. - LA MUTATION DE DCN EN UNE VÉRITABLE ENTREPRISE : UN DÉFI IMPORTANT 7

A. L'ABOUTISSEMENT D'UNE RÉFORME CONTINUE, MENÉE DEPUIS PLUS DE DIX ANS 7

1. Une modernisation de grande ampleur, qui ne date pas d'hier 7

2. La mise en place d'un statut de société de droit privé, au capital intégralement détenu par l'Etat 8

B. UNE ÉVOLUTION NÉCESSAIRE AU REGARD DU CONTEXTE INDUSTRIEL EUROPÉEN 9

1. Les restructurations du secteur de la construction navale en Europe 10

a) Le secteur de la conception de sous-marins 10

b) La construction de bâtiments de surface 11

c) Les activités liées à la fabrication de torpilles 11

2. Les atouts de DCN pour réussir sa transformation 12

a) Des perspectives de plan de charge 12

b) L'alliance commerciale avec Thales 13

c) Des accords de coopération en vue avec d'autres industriels 14

II. - L'ACCOMPAGNEMENT SOCIAL DE L'ÉVOLUTION DE DCN : UNE EXIGENCE QUI A ÉTÉ PRISE EN COMPTE JUSQU'À PRÉSENT 15

A. LA MULTIPLICITÉ DES CATÉGORIES D'EFFECTIFS DE DCN 15

1. Les personnels à statut militaire 15

2. Les fonctionnaires civils 16

3. Les contractuels 16

4. Le cas particulier des ouvriers de l'Etat 16

B. LES GARANTIES OFFERTES AUX PERSONNELS RECRUTÉS AVANT LE CHANGEMENT DE STATUT DE DCN 17

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 23

INTRODUCTION

Héritier des arsenaux de l'ancien régime, le service à compétence nationale issu de la direction des constructions navales (DCN) du ministère de la défense s'apprête à connaître un changement majeur, pour ne pas dire une véritable révolution culturelle, en devenant, le 1er juin 2003, une société de droit privé à capitaux publics.

Maîtrisant l'ensemble des métiers de la construction navale militaire pour la conception, le développement et la production des bâtiments de surface et des sous-marins destinés à la marine nationale, DCN est également présent à l'exportation. Il assume, de surcroît, la majeure partie de l'entretien, des réparations et des refontes des bâtiments de la flotte française. Au cours du XXème siècle, la localisation et la spécialisation de ses établissements ont peu évolué, à l'exception des fermetures de certains arsenaux ou ateliers d'Afrique du nord et d'outre-mer et des sites industriels de Rochefort, en 1926, puis de Guérigny, en 1970. Les sites de Brest, Toulon, Lorient et Cherbourg (ce dernier étant plus particulièrement chargé de la fabrication des sous-marins nucléaires ou classiques), constituent les principales implantations industrielles. D'autres établissements, hors les ports, exercent des activités de haute technologie ; ils se situent notamment à Ruelle, un établissement charentais fondé en 1751, pour la canonnerie et, aujourd'hui, les lanceurs de missiles, l'usinage de pièces de grande dimension et l'électronique, à Indret, en Loire-Atlantique, pour les systèmes de propulsion, et à Saint Tropez, dans le Var, pour les torpilles. Le site de Papeete demeure la dernière implantation outre-mer de DCN.

Du point de vue de son organisation administrative, DCN a assez peu évolué au long des quarante dernières années, alors que ses produits et ses techniques ont constamment intégré les technologies de pointe. Jusqu'à la publication du décret n° 2000-326 du 12 avril 2000, DCN a fait partie de la délégation générale pour l'armement (DGA). En outre, sa gestion a relevé, jusqu'à son changement de statut, d'un compte spécial du Trésor, le compte de commerce n° 904-05, régi par les lois de finances n° 67-1114, du 21 décembre 1967, et n° 78-1239, du 29 décembre 1978. Cette organisation administrative fortement marquée par les principes particuliers à la comptabilité publique ne correspondait plus aux impératifs tenant à des activités industrielles et commerciales qui exigent une forte réactivité dans tous les domaines de la vie d'une entreprise ; il a donc été décidé, dans la loi de finances rectificative pour 2001 (1), de donner la personnalité juridique à DCN, en lui attribuant le statut de société nationale en 2003.

Désormais, DCN pourra se confronter à armes égales à ses concurrents européens et nouer des alliances industrielles indispensables pour son avenir. Il était temps.

Il reste que, si la réforme adoptée à travers l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 était pour le moins bienvenue, après de nombreuses années d'inertie dangereuse pour la survie du savoir-faire de DCN, elle se heurte à quelques difficultés de mise en œuvre, qui ont trait notamment à la définition des droits de certaines catégories de personnels. En effet, si la loi a prévu de concilier la préservation des acquis statutaires des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat avec la liberté de choix d'affiliation, ou non, à la convention collective qui s'appliquera lors de l'entrée en activité de la société, elle n'a pas résolu tous les problèmes. Et pour cause, puisque les dispositions votées tenaient en un seul article !

Le dialogue social au sein de DCN a été privilégié tout au long de l'année 2002, afin notamment de définir les étapes de la transition et, plus accessoirement, les modalités de représentation des personnels. Ce dernier point a achoppé sur la question du droit de vote et de l'éligibilité aux futures instances de la société des personnels mis à disposition par l'Etat. Faute d'un accord unanime des organisations syndicales, qui aurait pu permettre d'associer les fonctionnaires, les agents sous contrat et les ouvriers de l'Etat aux institutions représentatives des salariés, la solution passe donc par l'adoption de dispositions législatives dérogatoires.

Un traitement approprié du volet social de la réforme de DCN est une condition déterminante du succès du changement de statut de l'entreprise. Etant donné que les ouvriers de l'Etat, les fonctionnaires et les agents sous contrat représentent la majorité de l'effectif global, il serait pour le moins contreproductif de les écarter et de les marginaliser, au moment où la mobilisation de tous est plus que jamais nécessaire à la réussite de la transformation de DCN en société. Les dispositions de la proposition de loi n° 735, déposée par M. Jean-Pierre Giran et plusieurs de ses collègues, visent donc opportunément à répondre au problème soulevé, en prévoyant un régime spécifique pour DCN. Les ouvriers de l'Etat, les fonctionnaires et les agents sous contrat pourront ainsi être associés, comme les personnels salariés, au fonctionnement de l'entreprise.

I. - LA MUTATION DE DCN EN UNE VÉRITABLE ENTREPRISE : UN DÉFI IMPORTANT

Pour l'Etat, les enjeux liés à l'avenir de DCN sont stratégiques, car il s'agit du concepteur des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), mais ils sont aussi économiques, parce que DCN a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 1,5 milliard d'euros en 2002, et industriels, puisque l'Europe de l'armement comportera inéluctablement une dimension navale. Il était donc urgent de donner à cet industriel un statut d'entreprise lui permettant de participer aux restructurations européennes qui s'accélèrent, sous peine de provoquer sa marginalisation.

A. L'ABOUTISSEMENT D'UNE RÉFORME CONTINUE, MENÉE DEPUIS PLUS DE DIX ANS

Depuis 1991, la direction des constructions navales, à l'image de tout le secteur industriel français de la défense, a été engagée sur la voie d'une transformation très importante. Les réformes, effectuées par touches successives, en ont considérablement modifié le format industriel et humain. Toutes ces restructurations ont eu une influence très significative sur le moral de personnels dont aujourd'hui encore les marins reconnaissent la qualité. Elles ont également eu de grandes incidences sur les compétences de DCN, avec pour corollaire un recours accru à la sous-traitance.

1. Une modernisation de grande ampleur, qui ne date pas d'hier

Les restructurations de l'ancienne direction des constructions navales n'ont pas cessé depuis dix ans, comme l'illustre l'énumération ci-après :

- en 1991, création de DCN International, société au capital entièrement détenu par l'Etat, pour commercialiser les produits de la direction des constructions navales à l'exportation ;

- en 1992, distinction des tâches à caractère régalien, assurées par les centres d'expertises et les équipes de maîtrise d'ouvrage, et des travaux à caractère industriel réalisés par le service industriel et le service technique ;

- au début de 1997, séparation des activités étatiques, transférées au service des programmes navals et à la direction des centres d'études de la DGA, et industrielles, seules attributions restantes de la direction des constructions navales ;

- en mai 1999, mise en œuvre d'un plan d'entreprise se fondant sur une démarche comptable d'entreprise, une spécialisation en trois branches d'activité, une contractualisation des relations avec le service des programmes navals et une maîtrise des coûts ;

- en avril 2000, transformation de la direction des constructions navales en service à compétence nationale dénommé « DCN ».

Depuis 1991, l'activité de DCN a diminué de 40 %. Face à cette évolution du plan de charge, les effectifs ont été réduits à due proportion, c'est-à-dire de 40 %.

A la fin de l'année 2002,14 168 personnes travaillaient pour DCN, soit près de 9 000 de moins qu'en 1993. Une partie de ces emplois est aujourd'hui affectée dans d'autres administrations ou services de l'Etat.

évolution des effectifs de DCN (par sites)

Année

DCN

Siège

Cherbourg

Brest

Lorient

Toulon

Indret

Ruelle

Papeete

Ingénierie (1)

1993

23 225

-

4 318

6 224

3 305

4 703

1 939

1 496

400

840

1995

21 839

-

4 039

5 823

3 005

4 345

1 534

1 373

366

1 354

1996

20 860

-

3 950

5 595

2 786

4 057

1 484

1 312

332

1 344

1997

19 214

292

3 627

4 950

2 487

3 728

1 374

1 186

284

1 286

1998

17 515

316

3 363

4 581

2 307

3 240

1 255

1 018

270

1 165

1999

16 332

334

3 137

4 278

2 159

2 932

1 212

925

261

1 094

2000

15 095

414

2 824

3 906

1 861

2 669

1 141

853

257

1 170

2001

14 762

475

2 570

3 642

1 634

2 579

1 102

826

245

1 689

2002 (2)

14 515

489

2 521

3 552

1 595

2 515

1 083

829

254

1 677

(1) Ingénieries des établissements de Brest, Lorient et Cherbourg et systèmes de combats à Saint Tropez, Toulon et Brest.

(2) Effectifs au 30 juin 2002.

Source : DCN.

Les effectifs devront de nouveau diminuer, afin de passer à 12 300 personnes fin 2005. Des embauches permettront néanmoins de compenser les départs en retraite naturels ou négociés, à hauteur d'un millier de salariés.

2. La mise en place d'un statut de société de droit privé, au capital intégralement détenu par l'Etat

Le 1er juin 2003, DCN ne sera plus un service administratif du ministère de la défense, conformément aux prescriptions du législateur. L'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 dispose en effet que l'entreprise nationale « régie par le code du commerce, dont le capital est détenu en totalité par l'Etat » doit entrer en activité deux ans après la promulgation de la loi, au plus tard. A cet effet, l'Etat et DCN ont préparé un contrat pluriannuel, qui fixera leurs relations financières, les objectifs économiques et sociaux de l'entreprise et un certain niveau de commandes du ministère de la défense en contrepartie.

Une société de préfiguration, DCN développement, a été créée fin janvier 2002, afin de préparer le transfert des actifs et les conditions juridiques de l'entrée en activité de l'entreprise nationale. Le contrat pluriannuel, qui devait être signé au plus tard à la fin du premier trimestre 2003, a été rendu public au cours du mois de mars. Il y est précisé que l'entreprise devra réaliser un chiffre d'affaires moyen de 1,8 milliard d'euros sur la période 2003-2008 et atteindre un résultat net de 4 % en 2008, l'objectif étant de présenter des comptes positifs dès 2005. Pour ce faire, les coûts de production seront réduits de 12 % et l'Etat s'engagera à investir quelque 860 millions d'euros dans l'outil de production.

La société nationale DCN ne sera plus soumise aux contraintes administratives et juridiques (le code des marchés publics, entre autres), qui entravaient le bon déroulement de son activité industrielle du temps de son statut d'administration. Sous réserve que les recrutements nécessaires en cadres et en main-d'œuvre qualifiée interviennent rapidement, sa réactivité et la qualité de ses prestations, notamment dans le domaine de l'entretien de la flotte, devraient progressivement s'améliorer et correspondre aux niveaux atteints par ses principaux concurrents. Il reste que DCN devra désormais s'acquitter de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des impôts locaux, ce qui se traduira par des surcoûts, de l'ordre de 700 millions d'euros sur cinq ans, sous réserve de la neutralité fiscale de la réforme.

Au regard de son plan de charge à l'exportation, l'entreprise est capable d'acquérir rapidement un niveau de compétitivité suffisant pour redresser sa situation financière sans porter préjudice au montant des crédits d'équipement des armées. Encore faut-il qu'elle bénéficie, à titre transitoire, d'un certain nombre de commandes inscrites dans la loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003, relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008. Le projet de contrat d'entreprise comporte des assurances sur ce point.

B. UNE ÉVOLUTION NÉCESSAIRE AU REGARD DU CONTEXTE INDUSTRIEL EUROPÉEN

Le secteur de la construction navale militaire est, aux niveaux européen et international, en complète mutation alors que l'étendue des besoins aujourd'hui exprimés par les marines de guerre laisse augurer l'émergence durable de très importants marchés de renouvellement et de renforcement des capacités. Des alliances s'ébauchent ou se concrétisent. Pour que DCN conserve l'un des premiers rôles européens de son secteur d'activité, il lui faudra approfondir ses coopérations. Telle est en tout cas l'une des possibilités offertes par son changement de statut.

panorama du secteur de la construction navale militaire

Pays

Industriels

Chiffre d'affaires total 2002 (1)

Part du chiffre d'affaires dans le
naval militaire en 2001

ROYAUME-UNI

BAe Systems (naval)

9 041

78,0 %

Vosper Thornycroft

479

non connue

FRANCE

DCN

1 500

100,0 %

Alstom marine

1 240

non connue

ALLEMAGNE

HDW

461

64,0 %

Thyssen Werften

860

non connue

ESPAGNE

Izar

1 403

36,0 %

ITALIE

Fincantieri

2 188

18,3 %

ETATS-UNIS

Northrop Grumann

17 206 (2)

14,0 %

General Dynamics

13 829 (2)

26,0 %

(1) En millions d'euros.

(2) Sur la base d'une parité monétaire d'un euro pour un dollar.

Source : DGA.

1. Les restructurations du secteur de la construction navale en Europe

Jusqu'à présent, les chantiers navals militaires ont été modernisés sur des bases nationales, alors que les industriels de l'électronique et des systèmes de défense ont largement engagé un processus d'alliances européennes. Ces restructurations du secteur de la construction navale ont pris la forme de privatisations, d'abord en Allemagne et au Royaume-Uni. Cette première phase a conduit à l'émergence de deux modes d'organisation industrielle en Europe :

- le regroupement de chantiers navals intégrant l'ensemble des fonctions de conception des bâtiments et d'intégration des systèmes d'armes, comme en atteste le rapprochement des chantiers Blohm und Voss, spécialisés dans les navires de surface, avec Howaldtswerke Deutsche Werfte (HDW), au premier rang européen de la construction de sous-marins, en Allemagne ;

- le rachat de chantiers navals cantonnés à des fonctions de réalisation des coques par des entreprises d'électronique de défense, ce qui s'est produit au Royaume-Uni, BAe Systems possédant les chantiers britanniques de Barrow-in-Furness, Scotstoun et Govan.

Ainsi, les électroniciens de défense, Thales et BAe Systems, sont devenus des intervenants majeurs du fait de l'importance croissante des systèmes de combat dans les navires militaires de nouvelle génération, lesquels représentent 50 % du coût des navires. Néanmoins, les chantiers navals restent des acteurs clés du marché, ne serait-ce que pour assembler les différentes parties des bâtiments.

Or, le mouvement de restructuration du secteur de la construction navale militaire en Europe n'est pas terminé.

a) Le secteur de la conception de sous-marins

Le secteur des sous-marins conventionnels illustre assez bien les enjeux d'alliances et de coopérations transnationales qui caractérisent le marché de la construction navale militaire. Près de cinquante pays disposent actuellement de quelque cent trente-cinq sous-marins conventionnels, dont près des deux tiers ont dépassé vingt années d'activité. Un important marché de renouvellement est donc ouvert. Par ailleurs, d'autres pays souhaitent acquérir ce type de bâtiments notamment en Asie (Inde, Thaïlande et Singapour). Le constructeur allemand HDW occupe la première place mondiale quant à l'offre de sous-marins à propulsion classique. Il propose une famille évolutive de bâtiments U 209 et le nouveau sous-marin U 214, dérivé d'un modèle développé pour la marine allemande.

A ce jour, les constructeurs américains sont absents de ce marché qui ne concerne pas l'US Navy. Toutefois, leur intérêt devient perceptible. A cet égard, Lockheed Martin s'est rapproché d'Izar et un fonds de pension américain (One Equity Partner) a pris le contrôle de HDW, dont il n'est pas exclu que le groupe Northrop Grumann rachète tout ou partie du capital. En Asie, le conglomérat coréen Daewoo construit des sous-marins de la famille U 209.

En partenariat avec Izar, DCN a développé le sous-marin Scorpène, qui succède au modèle Agosta. Deux Scorpène ont récemment été vendus, avec un Agosta d'occasion, à la Malaisie, en plus des deux premiers exemplaires exportés au Chili. DCN doit impérativement être à même de poursuivre cette coopération pour acquérir de nouvelles positions, mais ce partenariat apparaît fragile face à la perspective d'un nouvel accord entre le chantier espagnol et Lockheed Martin au sujet du programme espagnol de sous-marins S80, qui pourrait être dérivé du Scorpène. L'aboutissement rapide de la transformation du statut de DCN apparaît donc essentiel.

b) La construction de bâtiments de surface

Sur ce marché, de grands groupes ont défini une stratégie d'acquisition de filiales locales, ces dernières leur permettant d'obtenir des contrats dans les pays où leur influence économique et industrielle est devenue dominante. L'émergence d'un puissant pôle réunissant BAe Systems et les chantiers allemands n'est pas exclue, d'autant plus que ceux-ci ne sont pas présents dans les systèmes de combat. DCN dispose, néanmoins, d'atouts en raison des coopérations développées avec Thales, qui occupe un des premiers rangs mondiaux pour les systèmes de combat et de communication, ainsi que pour les radars et les sonars.

En ce qui concerne les systèmes de combat et l'électronique de défense, Lockheed Martin et Raytheon ont noué des alliances avec Izar et Alenia Marconi. C'est d'ailleurs grâce à une coopération avec le chantier américain Bath Iron Works (BIW, qui appartient au groupe General Dynamics) et Lockheed Martin, pour la fourniture de systèmes de combat dit mini-Aeagis, que le chantier naval Izar vient d'accéder, pour la première fois, au statut d'exportateur de frégates fortement armées, en concluant une vente de cinq bâtiments de ce type à la Norvège. Cette coopération hispano-américaine se poursuit sur le programme de quatre frégates F100 destinées à la marine espagnole.

Aux Etats-Unis, les chantiers navals sont désormais réunis en deux entités : General Dynamics et Northrop-Grumman. Ces deux groupes se consacrent majoritairement à leur marché domestique, tout en effectuant la totalité des travaux de refonte des bâtiments d'occasion vendus par les Etats-Unis.

Comme les grandes marines ont de plus en plus tendance à s'adresser à des entreprises proposant une offre globale de conception-réalisation, les principaux groupes européens d'électronique de défense, à savoir BAe Systems, EADS et Thales, ont fréquemment une responsabilité dite de « prime contractor », c'est-à-dire de maître d'œuvre principal qui supervise et répartit la charge de travail entre chantiers navals. Le resserrement des liens de DCN avec un systémier comme Thales est donc à la fois logique et opportun dans le contexte général du marché de la construction navale militaire.

c) Les activités liées à la fabrication de torpilles

Dans le cadre du groupement d'intérêt économique européen Eurotorp, DCN est associé à Thales et à Whithead Alenia Sistemi Subacquei (WASS), filiale du groupe italien Finmecanica, afin de commercialiser les torpilles légères et leurs systèmes associés en assurant la maîtrise d'œuvre d'ensemble des commandes. La France, l'Italie, l'Allemagne et le Danemark ont, à ce jour, conclu des marchés de fourniture de torpilles légères de type MU 90 et de diverses prestations annexes. En juillet 2000, WASS et DCN ont posé le principe d'une coopération dans le domaine des torpilles lourdes (torpilles « black shark IF 21 »), dont le développement intéresse la marine italienne. Un premier contrat a d'ailleurs été conclu entre WASS et la marine chilienne, mais la partie française pourrait finalement se retirer du projet.

Dans le secteur de la fabrication de torpilles, les principaux concurrents de DCN sont la société allemande STN-Atlas-Elektronik, le groupe suédois SAAB Dynamics (anciennement Bofors Underwater Systems), le groupe britannique BAe Systems et la société d'armement américaine Raytheon. Ces acteurs ont des dimensions et un poids commercial très supérieurs à l'entreprise française, qui ne peut rester isolée. Des partenariats sont donc, là aussi, indispensables pour DCN.

2. Les atouts de DCN pour réussir sa transformation

La future société DCN possède des avantages réels qui devraient lui permettre de se positionner favorablement aux niveaux européen et mondial. Elle maîtrise l'ensemble des activités liées à la construction et à l'entretien de tous types de bâtiments, qu'il s'agisse de sous-marins ou de navires de surface. Elle bénéficiera également d'une amélioration de son activité à moyen terme. Enfin, DCN a déjà noué des partenariats industriels prometteurs, avec les chantiers espagnols Izar pour la fabrication des sous-marins conventionnels, avec Thales pour l'exportation et la commercialisation de ses produits, et avec Fincantieri pour la construction des frégates antiaériennes Horizon (2). Il reste à valoriser ces atouts.

a) Des perspectives de plan de charge

D'ores et déjà, DCN bénéficie d'un carnet de commandes important en faveur de la marine nationale : construction des trois frégates antiaériennes Horizon, des deux bâtiments de projection et de commandement -BPC- et perspectives des frégates multimissions et des sous-marins nucléaires d'attaque de nouvelle génération, que le projet de contrat d'entreprise a confirmées. L'entreprise possède également des débouchés non négligeables à l'exportation, grâce notamment à la réalisation de six frégates de type La Fayette en faveur de Singapour, après celles de l'Arabie saoudite et de Taïwan, et à la récente obtention d'un contrat de trois sous-marins en Malaisie.

Ainsi, son carnet de commandes global s'élève, en valeur, à plus de 10 milliards d'euros, dont 1,9 milliard d'euros obtenu en 2002. L'année 2001 semble avoir constitué le point le plus bas de l'activité de DCN. A présent, les perspectives de plan de charge permettent d'envisager un résultat d'exploitation plus favorable. Le projet de contrat d'entreprise entre l'Etat et DCN, portant sur la période 2003-2008, offre des perspectives de commandes d'un montant de près de 9 milliards d'euros.

evolution du chiffre d'affaires de DCN depuis 1999.

(En millions d'euros)

1999

2000

2001

2002 (1)

France

1 275

1 217

813

1 095

Exportation

448

405

437

405

TOTAL

1 723

1 622

1 250

1 500

(1) Estimations.

perspectives d'activité pour dcn sur la période 2003-2008,
aux termes du contrat d'entreprise

(En millions d'euros)

Programmes de maintien en condition opérationnelle

Programmes d'équipements neufs pour la marine nationale

Programmes d'exportation nouveaux (Inde, Arabie Saoudite, Singapour, Portugal)

2 800

4 200

1 900

Source : DCN.

L'objectif de DCN est d'assurer, dans un premier temps, au moins 25 % de son chiffre d'affaires à l'exportation, puis de hisser ces activités à des niveaux supérieurs à 30 %. Pour ce faire, il lui sera nécessaire d'engager sur fonds propres des études de développement relatives à des productions n'intéressant pas son marché domestique, mais pour lesquelles existe une demande à l'exportation. C'est déjà le cas sur le marché des corvettes de 1 800 à 2 000 tonnes, où DCN entend être un acteur de poids.

Ces éléments distinguent fortement la situation de DCN de celle de Giat Industries, qui opère sur un marché de mécanique lourde où l'intégration des systèmes complexes ne représente pas la même part du travail et dont les perspectives d'évolution, au niveau mondial et sur le marché intérieur, se caractérisent par une forte décroissance.

b) L'alliance commerciale avec Thales

Thales et DCN coopèrent depuis quelques années déjà dans domaine des torpilles, en association avec l'italien WASS depuis 1992, et dans les systèmes de combat, à l'occasion de la réalisation du contrat Sawari II, portant sur la vente de trois frégates à l'Arabie Saoudite, en 1996. Le 10 février 2000, les deux industriels ont annoncé un approfondissement de leur partenariat par la création d'une société commune chargée de la commercialisation des grands programmes et détenue à parts égales entre l'Etat et Thales. Cette filiale, Armaris, fonctionne depuis plusieurs mois maintenant.

La société Armaris satisfait un intérêt mutuel entre Thales et DCN : le réseau international du groupe d'électronique de défense devrait permettre de contrebalancer l'activisme commercial des concurrents de DCN à l'exportation ; en contrepartie, Thales pourra acquérir une stature de systémier dans le domaine de l'armement naval, tout en bénéficiant des retombées commerciales des contrats obtenus. Le premier grand contrat géré par Armaris est la réalisation, pour la France, des deux frégates antiaériennes du programme de coopération franco-italien Horizon. Le programme de frégates multimissions pourrait être supervisé selon les mêmes modalités.

Dans le contexte actuel de restructuration des industries européennes de la construction navale, l'ensemble DCN-Thales est appelé à resserrer ses liens, afin de constituer un groupe naval de stature internationale et de participer avec des chances de succès aux concentrations qui s'esquissent sur le continent. Armaris a également vocation à nouer des partenariats avec les autres acteurs français du secteur de la construction navale : les constructions mécaniques de Normandie (CMN) et le groupe Alsthom (Alsthom Leroux naval ; chantiers de l'Atlantique).

c) Des accords de coopération en vue avec d'autres industriels

La polyvalence des activités de DCN lui permet d'espérer nouer de nombreux partenariats industriels. En plus des alliances déjà conclues pour la construction de bâtiments et leur commercialisation, DCN est en passe de formaliser, voire d'élargir des accords sur les systèmes de propulsion :

- avec Technicatome, filiale de la société Areva, en ce qui concerne les aspects nucléaires ;

- avec Rolls-Royce, pour les moyens de propulsion conventionnelle (3).

L'attrait de telles sociétés, dont la rentabilité et la compétitivité internationales sont reconnues, pour des coopérations avec DCN ne saurait passer inaperçu. Il faut y voir un signe du potentiel des anciens arsenaux de la marine et, partant, l'assurance qu'ils participeront aux restructurations qui s'engagent, à la condition toutefois que le changement de statut aboutisse à des résultats tangibles.

II. - L'ACCOMPAGNEMENT SOCIAL DE L'ÉVOLUTION DE DCN : UNE EXIGENCE QUI A ÉTÉ PRISE EN COMPTE JUSQU'À PRÉSENT

La transformation du statut de DCN constitue une réforme majeure qui ne peut réussir sans l'implication totale des personnels. Si des réticences, nées de la crainte d'une remise en cause des acquis statutaires des effectifs en place, ont pu se faire jour parmi les personnels, la loi y a apporté des réponses positives en prévoyant des garde-fous.

A. LA MULTIPLICITÉ DES CATÉGORIES D'EFFECTIFS DE DCN

Les effectifs de DCN sont répartis, d'un point de vue fonctionnel, entre :

- le niveau I, qui correspond à des fonctions de direction, de conception et d'encadrement supérieur, attributions similaires à celles du personnel d'encadrement selon le droit et la jurisprudence du travail ;

- le niveau II, qui comporte des emplois de responsabilités hiérarchiques et techniques ;

- le niveau III, qui renvoie aux postes d'exécution majoritairement confiés à des ouvriers.

Le particularisme et, d'une certaine manière, la complexité de la situation des emplois de DCN résultent d'une forte disparité des statuts, liée au brassage de personnels militaires (ingénieurs, techniciens et officiers de l'armement) avec des agents civils (fonctionnaires et ouvriers de l'Etat, notamment) et des contractuels.

1. Les personnels à statut militaire

Les effectifs de DCN qui ont un statut militaire ne sont pas les plus nombreux, mais ils remplissent des missions clés. Au 31 décembre 2002, on en dénombrait 1 707. Pour ce qui concerne les fonctions d'encadrement, il s'agit principalement des ingénieurs de l'armement, des ingénieurs d'études et techniques de l'armement et des officiers du corps technique et administratif de l'armement. Ces corps sont propres à la DGA.

Les travaux intermédiaires dans les ateliers sont principalement assurés par des techniciens supérieurs d'études et de fabrications (TSEF), recrutés par un concours ouvert aux titulaires d'un diplôme universitaire de technologie (DUT) ou d'un brevet de technicien supérieur (BTS). Les TSEF craignent de se voir quelque peu déclassés au regard des critères d'encadrement qui découleront de la mise en œuvre de la convention collective des industries métallurgiques, celle-ci devant effectivement s'appliquer aux personnels nouvellement embauchés. Or, les fonctions des TSEF sont par nature différentes de celles des employés, techniciens et agents de maîtrise visés par les conventions collectives des secteurs industriels. Cette difficulté semble néanmoins pouvoir être dépassée, dans le cadre de l'accord d'entreprise.

S'ajoutent à ces techniciens, les ingénieurs d'études et de fabrications. Ce corps était initialement un débouché pour les TSEF, mais, depuis 1995, il a vu son recrutement se diversifier.

2. Les fonctionnaires civils

La proportion des fonctionnaires civils au sein de DCN (931 personnes au 31 décembre 2002) est relativement faible au regard de l'effectif total.

Les attachés et chefs de services administratifs sont des fonctionnaires de catégorie A recrutés à l'issue d'une formation en instituts régionaux d'administration. Ils représentent le corps administratif supérieur et sont chargés de fonctions auprès des organes de direction. Ils sont beaucoup moins nombreux que les secrétaires administratifs, qui sont des fonctionnaires de catégorie B.

Aux niveaux d'exécution, on trouve les adjoints et les agents administratifs, de catégorie C, qui sont majoritaires au sein de cette catégorie de personnels.

3. Les contractuels

Les personnels à statut contractuel n'ont jamais été très nombreux jusqu'à présent : au 31 décembre 2002, ils étaient 1 069. Ils exercent pourtant d'ores et déjà des responsabilités à tous les échelons fonctionnels.

Il existe en effet des ingénieurs contractuels, qui exécutent des tâches d'encadrement supérieur. Si leur statut d'emploi (ingénieur sur contrat) est longtemps resté proche de celui des fonctionnaires, un décret du 4 mai 1988 a modifié leur situation afin de rapprocher leurs conditions de gestion de celles des ingénieurs d'entreprises nationales ou privées. Ils relèvent de la convention collective de la métallurgie.

Par ailleurs, des agents et techniciens (de première, deuxième et troisième catégories) sur contrat exercent des fonctions d'encadrement de niveau II.

4. Le cas particulier des ouvriers de l'Etat

Les ouvriers de l'Etat ne sont pas des fonctionnaires. Ces personnels, au nombre de 10 461 le 31 décembre 2002, soit 73,8 % des emplois de DCN, ne relèvent pas à proprement parler d'un statut, mais d'un ensemble de dispositions législatives et réglementaires qui leur accorde de fortes garanties pour le déroulement de leurs carrières, les modes de détermination et d'évolution de leurs salaires, leur protection sociale, leurs pensions (affiliation à un fonds spécifique) et le régime disciplinaire qui leur est opposable.

Les textes qui régissent cette catégorie de personnels sont un décret du 26 février 1897, relatif à la situation du personnel civil d'exploitation des établissements militaires, et un décret du 1er avril 1920, relatif au « personnel ouvrier des arsenaux et établissements de la marine ».

Une commission consultative paritaire ouvrière (CCPO) est saisie de toute question particulière à la catégorie. Les ouvriers de l'Etat ont droit, dès qu'ils ont atteint l'âge de soixante ans et qu'ils justifient d'au moins quinze années de services civils et militaires effectifs, à une pension à jouissance immédiate, pleine ou proportionnelle. Cet âge est ramené à cinquante-cinq ans pour les ouvriers ayant exercé leurs fonctions dans des conditions particulières d'insalubrité ou encore ceux qui sont concernés par des mesures de dégagement des cadres, sous réserve, dans les deux cas, de quinze années d'activité au minimum. Ces mesures de dégagement des cadres autorisent des départs anticipés dès cinquante-deux ans ou des reclassements dans d'autres administrations ou services de l'Etat, notamment dans la marine, voire dès cinquante ans, lorsque les personnels ont été en contact avec l'amiante. Elles ont et auront encore des conséquences sur la structure des emplois de l'entreprise du fait de leurs effets mécaniques : dans certaines spécialités il existe, d'ores et déjà, des sous-effectifs que la nouvelle société devra combler dans les meilleurs délais.

La situation particulière des personnels ouvriers est visée par l'article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984. Ces professions sont par ailleurs répertoriées dans une nomenclature fixée par l'instruction n° 154/DEF/SGA du 20 février 1995. En pratique et bien que non fonctionnaires, les ouvriers de l'Etat reçoivent des bulletins de salaire à en-tête du ministère de la défense, mais leur gestion courante se caractérise par une large déconcentration dans le cadre du décret n° 81-937 du 12 octobre 1981 : ils sont recrutés au niveau de chacun des sites, qui dispose d'une certaine latitude d'embauche dès lors qu'il existe une vacance d'emploi budgétaire.

B. LES GARANTIES OFFERTES AUX PERSONNELS RECRUTÉS AVANT LE CHANGEMENT DE STATUT DE DCN

Des garanties statutaires pour les ouvriers de l'Etat, les agents contractuels et les fonctionnaires civils et militaires actuellement employés par DCN sont inscrites dans la loi n° 2001-1276. Les modalités de leur mise à disposition ont été précisées par le décret n° 2002-832 du 3 mai 2002 (4). Elles ne concernent que les personnels en poste antérieurement à l'entrée en activité de la société nationale.

De cet ensemble de dispositions, il ressort que la totalité des personnels relevant de la catégorie des ouvriers de l'Etat au jour de la transformation de DCN en société sera mise à la disposition de l'entreprise sans limitation de durée. Cette formule dont la portée est permanente leur offre, à l'évidence, toute garantie pour poursuivre leur activité en conservant le bénéfice de l'ensemble des acquis sociaux et des règles particulières à ce statut, jusqu'à la date du départ en retraite. Leur affiliation à des régimes particuliers de protection sociale s'en trouve ainsi confirmée.

Les fonctionnaires, militaires et agents sous contrat seront mis collectivement à disposition de la société DCN ou des filiales qu'elle contrôlera pour une durée maximale de deux années. D'ici là, ils devront opter soit pour leur détachement, position leur offrant les meilleures garanties d'avancement et de continuité d'affiliation aux régimes sociaux spécifiques, soit pour une mise en disponibilité, qui leur permettra d'être recrutés dans le cadre de la convention collective et de relever des dispositions du code du travail.

Des garanties analogues ont été consenties aux personnels contractuels : au-delà d'une période maximale de deux années de mise à disposition, chacun d'eux devra avoir conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec la société. Leur rémunération annuelle nette ne pourra être inférieure et l'ancienneté acquise au sein du ministère de la défense sera validée. Les agents refusant cette proposition se verront offrir trois possibilités d'affectation dans un autre service de l'Etat susceptible de les accueillir, comme cela sera également le cas pour les fonctionnaires et militaires non désireux de poursuivre leur carrière au sein de DCN après la première période de mise à disposition.

Les agents contractuels conserveront également un droit au retour au sein du ministère de la défense ou de l'un des établissements qui lui sont rattachés, sur un emploi vacant et correspondant à leur qualification, dans les cinq années suivant leur recrutement par contrat de travail.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné, sur le rapport de M. Philippe Vitel, la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 30 avril 2003.

Après l'exposé du rapporteur, M. Gilbert Le Bris a souligné que le volet social de la réforme de DCN était l'une des clés de sa réussite. Puis, il s'est félicité de la présentation de la proposition de loi, qui apporte des clarifications tout à fait positives aux réponses déjà apportées à la commission par M. Jean-Marie Poimboeuf, directeur de DCN, lors de son audition du 30 octobre 2002. Une bonne prise en compte de l'ensemble des partenaires sociaux est indispensable à la nécessaire réforme de DCN.

M. Jean-Louis Bernard a demandé des précisions sur la répartition par statuts des 14 000 personnels de DCN.

Le rapporteur a répondu que, au 31 décembre 2002, DCN employait 1 707 militaires, 931 fonctionnaires civils, 1 069 agents sous contrat et 10 461 ouvriers de l'Etat, ces derniers représentant 73,8 % des personnels. Cette dernière catégorie est plus particulièrement concernée par la proposition de loi puisque, aux termes de la loi de finances rectificative pour 2001, d'ici deux ans, les fonctionnaires et les militaires devront choisir entre le régime de la convention collective et leur assimilation à des salariés ou leur réintégration dans leurs corps d'origine, de sorte que, dans les deux cas, le problème de leur représentation au conseil d'administration ou de surveillance et aux instances représentatives du personnel de DCN ne se posera plus.

La commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.

Article unique

Représentation des fonctionnaires, des agents sous contrat
et des ouvriers de l'Etat mis à disposition de DCN
au conseil d'administration ou de surveillance
et aux instances représentatives du personnel

Les conseils d'administration ou de surveillance délibèrent sur les grandes orientations stratégiques, économiques, financières ou technologiques des entreprises, avant que toute décision ne soit prise. Il s'agit donc d'organes importants pour le fonctionnement desdites sociétés.

Le droit applicable aux conseils d'administration ou de surveillance des entreprises nationales, catégorie dont DCN relèvera à compter du 1er juin 2003, résulte des dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, relative à la démocratisation du secteur public. Aux termes de l'article 5 de cette loi, ces instances comprennent :

- des représentants nommés par décret et, le cas échéant, des représentants des autres actionnaires nommés par l'assemblée générale ;

- des personnalités choisies en raison de leur compétence, de leurs connaissances des activités en cause, de leur qualité de représentants des consommateurs ou des usagers. Ils sont nommés par décret pris, le cas échéant, après consultation d'organismes représentatifs des activités concernées ;

- des représentants des salariés qui sont « élus par les salariés » et doivent « remplir les conditions requises pour être électeur au comité d'entreprise ou à l'organe en tenant lieu, soit dans l'entreprise elle-même, soit dans l'une de ses filiales [...], dont le siège social est fixé sur le territoire français » (5).

Par ailleurs, dans toute entreprise, qu'elle soit privée ou publique, le code du travail prévoit l'existence d'instances représentatives du personnel. Il s'agit du comité d'entreprise (CE), obligatoirement mis en place dès que le seuil de l'établissement ou de l'entreprise dépasse 50 salariés, des délégués du personnel, élus dans les établissements de plus de 11 salariés et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), dont la création est obligatoire dans tout établissement de plus de 50 salariés.

Le comité d'entreprise comprend l'employeur et éventuellement ses assesseurs (deux au plus), des représentants désignés par les organisations syndicales et des représentants élus pour deux ans par « les salariés des deux sexes, âgés de seize ans accomplis, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise » (6), dont le nombre varie en fonction de la taille de l'entreprise (7). Pour les grandes sociétés, comme le sera DCN, l'existence du comité d'entreprise se décline au niveau de chaque établissement (comités d'établissement) tout en conservant un échelon centralisé (comité central d'entreprise). Aux termes du code du travail, le comité d'entreprise assure ou contrôle la gestion de toutes les activités sociales ou culturelles établies dans l'entreprise, prioritairement au bénéfice des salariés et de leurs familles, et il est informé, voire consulté, dans une multitude de domaines touchant à l'organisation professionnelle avant que le chef d'entreprise ne prenne des décisions définitives. Enfin, ce comité doit obligatoirement être informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise.

Les délégués du personnel, quant à eux, sont élus pour deux ans par les « salariés des deux sexes âgés de seize ans accomplis, ayant travaillé trois mois au moins dans l'entreprise » (8). Ils peuvent présenter des réclamations individuelles et collectives à l'employeur. Ils sont également les correspondants locaux de l'inspection du travail. Ils sont aussi les délégués aux libertés individuelles depuis 1992.

Enfin, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est composé, outre le chef d'entreprise, de membres élus par un collège unique comprenant tous les élus titulaires de l'entreprise, c'est-à-dire les délégués du personnel et les membres du comité d'entreprise (9). Leur nombre varie en fonction de la taille de l'établissement (10). Il est également possible d'instituer plusieurs comités, en fonction notamment de la nature, la fréquence et la gravité des risques. Cette instance est destinée à assurer le respect des prescriptions en matière d'hygiène et de sécurité des conditions de travail.

Les personnels mis à la disposition de DCN par l'Etat ne seront pas salariés par l'entreprise, ils continueront de recevoir un traitement ou une rémunération de l'Etat. A l'exception des fonctionnaires et des militaires qui choisiront une position de détachement, ils ne seront pas liés à la future société par un contrat de travail. Paradoxalement, alors que dans un premier temps ils constitueront la plus grande partie des effectifs de DCN, ils ne pourront donc pas désigner de représentants ni être élus aux organes collectifs les plus importants de l'entreprise nationale.

Il était a priori juridiquement possible de remédier à cette situation par voie d'accord collectif avec les organisations syndicales. Le droit du travail permet en effet à certaines règles de nature conventionnelle de compléter les normes législatives. En vertu de ce principe, un accord d'entreprise aurait pu prévoir la représentation des personnels conservant leur statut public au conseil d'administration ou de surveillance ainsi qu'aux instances représentatives du personnel au sein de la future société, sous réserve de l'unanimité des organisations syndicales.

Entre l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2001 et la mise au point du contrat d'entreprise entre l'Etat et DCN, qui vient de s'achever, la direction n'a cessé de privilégier le dialogue avec les organisations syndicales, afin de trouver des solutions acceptables pour tous. Un comité de négociation sociale avait même été créé à cette fin. Toutefois, aucun accord unanime n'a pu être trouvé. Mais même si la négociation avait abouti, l'exigence de l'unanimité aurait fragilisé la pérennité de la garantie contractuelle accordée aux personnels sous statut.

La proposition de loi n° 735 vise à répondre plus durablement au problème, en prévoyant expressément que les fonctionnaires, les agents sous contrat et les ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN, en application de la loi de finances rectificative pour 2001, sont électeurs et éligibles au conseil d'administration ou de surveillance, ainsi qu'aux instances représentatives du personnel prévues par le code du travail.

Dans les faits, ces dispositions ne s'appliqueront que pendant deux ans pour les fonctionnaires et les agents sous contrat, puisqu'aux termes de ce délai, ces derniers seront soit réintégrés au sein du ministère de la défense, soit embauchés sous le régime de la convention collective de l'entreprise, en qualité de salariés. En revanche, elles resteront en vigueur plus longuement pour les ouvriers de l'Etat, aucun terme n'ayant été fixé à leur mise à la disposition de DCN.

Il reste que le texte de la proposition de loi, dans sa version initiale, est assez ambigu en ce qui concerne les attributions et les droits dont pourront se prévaloir les personnels de l'Etat mis à disposition de DCN vis-à-vis du conseil d'administration ou de surveillance et des institutions représentatives du personnel. Il apparaît donc utile de préciser que les fonctionnaires, les agents sous contrat et les ouvriers de l'Etat de DCN bénéficieront non seulement d'une représentation aux instances les plus importantes de l'entreprise nationale, mais que de surcroît ils auront accès aux mêmes informations, aux mêmes procédures et aux mêmes prestations que les autres personnels. Cette clarification de bon sens serait de nature à associer davantage les personnels sous statut aux performances et à la vie de leur entreprise.

*

* *

La commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

Puis, elle a examiné un amendement du même auteur complétant l'article unique par un renvoi aux dispositions pertinentes de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, relative à la démocratisation du secteur public, et aux titres deuxième et troisième du livre IV ainsi qu'au chapitre VI du titre troisième du livre II du code du travail, afin de clarifier les attributions et les droits dont pourront se prévaloir des personnels de l'Etat mis à la disposition de la future société nationale DCN.

La commission a adopté cet amendement.

Titre de la proposition de loi

La commission a adopté un amendement du rapporteur proposant une nouvelle rédaction du titre de la proposition de loi.

La commission a ensuite adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

En conséquence, la commission de la défense nationale et des forces armées demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de loi dans le texte ci-après.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA REPRÉSENTATION DES FONCTIONNAIRES, DES AGENTS SOUS CONTRAT ET DES OUVRIERS DE L'ETAT MIS À LA DISPOSITION DE L'ENTREPRISE NATIONALE DCN AU SEIN DE SON CONSEIL D'ADMINISTRATION OU DE SURVEILLANCE ET DE SES INSTANCES REPRÉSENTATIVES DU PERSONNEL.

Article unique

Les fonctionnaires, les agents sous contrat et les ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN en application de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) sont électeurs et éligibles au conseil d'administration ou au conseil de surveillance, ainsi qu'aux instances représentatives du personnel prévues par le code du travail. Ils bénéficient des droits reconnus aux salariés par les articles 5, 7 à 13, 15 à 28, 37, 40-1 et 40-2 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, relative à la démocratisation du secteur public, les titres deuxième et troisième du Livre IV, ainsi que le chapitre VI du titre troisième du Livre II du code du travail.

 

N° 0822 - Rapport sur la proposition de loi sur la représentation au sein des instances représentatives des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN (M. Philippe Vitel)

1 () Article 78 de la loi n° 2001-1276, du 28 décembre 2001.

2 () Cette coopération devrait se prolonger sur le programme de frégates multimissions, conformément à l'accord bilatéral signé en ce sens par les ministres français et italien de la défense, lors du sommet de Rome, le 7 novembre 2002.

3 () DCN et Rolls-Royce coopèrent déjà sur la fabrication de turbines à Gaz WR21, destinées à équiper les frégates antiaériennes britanniques T 45. L'objet d'une nouvelle collaboration portera sur le mode de propulsion des frégates multimissions.

4 () Décret n° 2002-832 du 3 mai 2002, relatif à la situation des personnels de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale prévue à l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001, Journal officiel du 5 mai 2002, p. 8813.

5 () Article 14 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983.

6 () Article L. 433-4 du code du travail.

7 () A titre d'exemple, ils sont quatre titulaires et quatre suppléants pour une entreprise de moins de 100 salariés et quinze titulaires et autant de suppléants pour une entreprise de plus de 10 000 salariés.

8 () Article L. 423-7 du code du travail.

9 () Article L. 236-5 du code du travail.

10 () A titre d'exemple, ils sont trois, dont un cadre, pour une entreprise de moins de 200 salariés et neuf, dont trois cadres, pour une entreprise de 1 500 salariés et plus.


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