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le 3 juin 2003

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N° 886

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 mai 2003

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION :

- (n° 567 rectifié) de M. ALAIN BOCQUET, tendant à la création d'une commission d'enquête chargée d'examiner les causes et conséquences de la décision de fermeture du site de Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), prise unilatéralement par le groupe industriel Metaleurop, ainsi que les responsabilités sociales et financières qu'il lui appartient d'assumer,

- (n° 568) de M. JEAN-JACQUES GUILLET, tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de fermeture de l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault, ses conséquences sociales et environnementales et sur les responsabilités de ses dirigeants et actionnaires,

PAR M. CLAUDE GATIGNOL

Député.

--

Entreprises.

INTRODUCTION 5

EXAMEN EN COMMISSION 9

ANNEXES 17

MESDAMES, MESSIEURS,

La Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a été saisie de deux propositions de résolution déposées le 23 janvier 2003 tendant à créer une commission d'enquête sur des faits liés à la fermeture de l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault.

La proposition de résolution n° 567 présentée par M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues tend à créer une commission d'enquête « chargée d'établir l'ensemble des effets entraînés par l'annonce du groupe Metaleurop de fermer son site de Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais et de définir avec toutes les parties concernées les conséquences économiques, sociales, écologiques et humaines d'une telle décision, et les responsabilités en cause, notamment au regard des enjeux de préservation de l'activité économique et de l'emploi, de protection sanitaire des populations et de dépollution du site ».

La proposition de résolution n° 568 présentée par M. Jean-Jacques Guillet et plusieurs de ses collègues tend à créer une commission d'enquête « sur les conditions de fermeture de l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault, ses conséquences sociales et environnementales et sur les responsabilités de ses dirigeants et actionnaires ».

Le dépôt de ces deux propositions de résolution témoigne de l'émotion légitime de leurs auteurs. Chacun la partage. L'attitude des dirigeants du groupe Metaleurop a, en effet, été inacceptable et les plus hautes autorités de l'Etat ont eu l'occasion de le dire de la manière la plus ferme.

Le rappel des faits est d'ailleurs particulièrement accablant. Le 17 janvier 2003, Metaleurop S.A a annoncé sa décision de ne plus soutenir financièrement sa filiale Metaleurop Nord qui avait enregistré des résultats négatifs en 2001 et 2002 en raison d'une conjoncture difficile et d'une absence totale d'investissements de modernisation. En conséquence, la liquidation judiciaire a été prononcée par le tribunal de commerce de Béthune le 10 mars 2003.

La brutalité de la décision du groupe Metaleurop, abandonnant purement et simplement les 830 salariés de Metaleurop Nord, est donc particulièrement choquante compte tenu de la responsabilité de ce groupe, qui n'a pas procédé aux investissements nécessaires, dans les difficultés de sa filiale.

Enfin, la situation est particulièrement préoccupante puisque s'ajoute à ce drame social, la question épineuse de la dépollution du site, l'usine ayant, depuis 1894, rejeté de grandes quantités de métaux lourds qui ont entraîné une pollution des sols de l'usine et des communes limitrophes. Le groupe Metaleurop a donc abandonné la charge de la dépollution des sols rendue nécessaire par l'activité de sa filiale à la collectivité.

Le comportement des dirigeants et des actionnaires du groupe Metaleurop ne peut donc qu'être moralement condamné avec la plus grande force. Notre Commission n'a toutefois pas à se prononcer sur ces faits mais bien sur les propositions de résolution dont elle est saisie.

Or, notre Commission ne peut naturellement adopter que des propositions de résolution recevables au regard de notre Règlement.

Il résulte des dispositions combinées de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale que la recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est soumise à deux conditions :

- les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ne doivent pas faire l'objet de poursuites judiciaires ;

- la proposition doit déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d'enquête doit examiner la gestion.

La seconde question ne pose pas, en l'espèce, de difficultés particulières encore que le champ d'investigation d'une éventuelle commission d'enquête pourrait être précisée.

En revanche, les deux propositions de résolution ne sont manifestement pas recevables au regard de la première condition. Le deuxième alinéa de l'article 141 du Règlement dispose, en effet, que « si le Garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion». Or, par deux lettres en date du 24 février 2003 (1), le Garde des sceaux a informé le Président de l'Assemblée nationale « qu'une procédure pénale, relative à d'éventuelles infractions qui auraient pu être commises à l'occasion de ce dépôt de bilan, est actuellement en cours devant le Tribunal de grande instance de Paris sur des faits ayant motivé le dépôt » des deux propositions de résolution nos 567 et 568.

Les deux propositions de résolution ne sont donc pas recevables dans la mesure où elles prévoient que la commission d'enquête dont elles proposent la création aurait à étudier « les responsabilités en cause » (proposition de résolution n° 567) ou « les conditions » de la fermeture de l'usine (proposition de résolution n° 568).

Votre rapporteur a donc le regret de vous appeler à les rejeter.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 28 mai 2003, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Claude Gatignol, les propositions de résolution :

- de M. Alain Bocquet (n° 567 rectifié) tendant à la création d'une commission d'enquête chargée d'examiner les causes et conséquences de la décision de fermeture du site de Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), prise unilatéralement par le groupe industriel Métaleurop, ainsi que les responsabilités sociales et financières qu'il lui appartient d'assumer,

- de M. Jean-Jacques Guillet (n° 568) tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de fermeture de l'usine Métaleurop de Noyelles-Godault, ses conséquences sociales et environnementales et sur les responsabilités de ses dirigeants et actionnaires.

Après l'exposé du rapporteur, M. Daniel Paul, s'exprimant au nom du groupe Député-e-s communistes et républicains, a tout d'abord souligné que « l'affaire Metaleurop » était symbolique de la dégradation de la situation dans certains bassins industriels. Il a ainsi rappelé la situation préoccupante du site de Noyelles-Godault en termes de pollution des sols après plus de 100 ans de rejets de plomb et de titanium.

Notant que la décision d'un groupe multinational laissait aujourd'hui le bassin d'emploi de Noyelles-Godault économiquement sinistré avec un taux de chômage plus de trois fois supérieur à la moyenne nationale, il a jugé tout à fait justifié que la représentation nationale constitue une commission d'enquête afin de tirer les conséquences de cette situation. Il a par ailleurs estimé que le dépôt de deux propositions de résolution en ce sens, par des députés membres de groupes politiques différents, témoignait de l'émotion suscitée et de la convergence de vues s'agissant de la nécessité d'une réaction politique.

Il s'est étonné que dans ce contexte, le rapporteur propose le rejet de ces deux propositions de résolution, position qu'il a jugée paradoxale. Soulignant qu'il comprenait bien l'argument tiré de l'existence d'une procédure judiciaire sur la question, il a également estimé que certains pouvaient y trouver un intérêt : la procédure en cours devant probablement durer des années, l'Assemblée nationale ne pourra ainsi, pendant cette période, exercer son pouvoir d'investigation, quelles que soient par ailleurs les évolutions de la procédure judiciaire. Il a en outre déploré que ce soit l'Etat lui-même, en étant partie prenante dans les poursuites judiciaires en cours, qui conduise à interdire aux parlementaires d'enquêter.

M. Daniel Paul a protesté contre une telle situation et a plaidé pour que soit trouvé un moyen permettant de surmonter ces difficultés. Estimant qu'il n'était pas juste qu'une procédure judiciaire empêche l'Assemblée nationale d'enquêter sur une question d'une telle importance, il a jugé nécessaire d'en tirer les conséquences en modifiant les dispositions prévoyant une telle restriction.

Il a souligné que les propositions de résolution n'avaient pas pour objet de mettre en cause des responsabilités administratives ou politiques, les pratiques de « voyous » de l'entreprise multinationale en cause, afin que de tels comportements soient stigmatisés, ce que seule l'Assemblée nationale pourra faire.

Enfin, il a fait part de ses doutes quant à l'efficacité des dispositions prévues par le projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, notamment concernant la capacité des pouvoirs publics à faire payer les responsables de la pollution de sites industriels délaissés.

Puis, M. Jean-Yves Le Déaut a déclaré que, s'il partageait l'analyse générale du rapporteur, il ne pouvait souscrire à ses conclusions, qui conduiraient, selon lui, à ne quasiment jamais créer de commission d'enquête. Or, a-t-il indiqué, de nombreuses commissions d'enquête ont été créées par le passé alors que des procédures judiciaires étaient parallèlement en cours. Il a ainsi cité à titre d'exemple les commissions d'enquête portant respectivement sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur, sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants, sur le recours aux farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage, la lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine et les enseignements de la crise en termes de pratiques agricoles et de santé publique ou encore sur le Sida.

Estimant que la conclusion du rapporteur visant à rejeter les deux propositions de résolution traduisait la volonté politique d'empêcher les députés de travailler sur ce sujet, il a déploré que l'Assemblée nationale soit ainsi dessaisie de son pouvoir de contrôle, pourtant garanti par la Constitution et a jugé qu'une décision de rejet porterait un véritable coup au prérogatives du Parlement.

Après avoir proposé d'éviter tout conflit de compétences entre le Parlement et le pouvoir judiciaire en modifiant l'article unique d'une des propositions de résolution, il a rappelé qu'un accident survenu à l'usine Total de La Mède n'avait donné lieu à un jugement que dix années plus tard et a jugé qu'il n'était pas envisageable d'attendre aussi longtemps pour proposer des modifications législatives ou réglementaires.

M. François Brottes a tenu à rappeler que les députés, représentants du peuple, étaient juges de l'opportunité du contrôle qu'ils souhaitaient engager. Il a par ailleurs estimé que ces derniers ne pouvaient à la fois regretter régulièrement de voir leurs pouvoirs limités, notamment par les instances européennes, et se retrancher ensuite derrière le Règlement de l'Assemblée nationale pour ne pas se saisir d'un problème d'une grande importance.

Afin de lever l'obstacle juridique invoqué par le rapporteur, il a donc proposé un amendement tendant à rédiger l'article unique de la proposition de résolution n° 567 de la manière suivante : « En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d'enquête de trente membres chargée d'établir l'ensemble des effets entraînés par la fermeture brutale de sites industriels dans la région Nord-Pas-de-calais et de définir avec toutes les parties concernées les conséquences économiques, sociales, écologiques et humaines de telles décisions, et leurs impacts à moyen terme, notamment au regard des enjeux de préservation de l'activité économique et de l'emploi, de protection sanitaire des populations et de dépollution des sites concernés».

S'exprimant au nom du groupe UMP, M. André Flajolet a tenu à souligner le fait que la fermeture de l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault mettait de nouveau en lumière le rôle des prédateurs financiers, déjà illustré, dans la même région, par la liquidation de Testut par le groupe Mettler-Toledo, dans la mesure où cette fermeture correspond à des décisions de la société Pennaroya. Il a précisé que de telles pratiques financières, faisant le choix délibéré de la liquidation judiciaire afin de ne pas assumer les conséquences du passé, devaient être bien distinguées des opérations de restructuration industrielle.

Puis, il a tenu à saluer la formidable réactivité du Gouvernement attestée par l'action de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, qui s'est rendue sur le site puis qui a proposé, dans le cadre du projet de loi relatif à la prévention des risques naturels et technologiques et à la réparation des dommages, les dispositions propres à empêcher que telles situations ne se reproduisent, et de MM. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, et François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui ont pris les mesures nécessaires au reclassement des salariés de l'entreprise. Il a, en outre, rappelé que les questions environnementales n'étaient pas au premier plan des préoccupations de ces salariés qui ont parfois contesté les choix gouvernementaux en matière d'environnement dans la mesure où ils risquaient de mettre en péril leur outil de travail.

En conclusion, M. André Flajolet a indiqué que le groupe UMP désirait établir toute la vérité sur les conditions de la fermeture de l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault, qui heurtent les valeurs de solidarité et de participation de la majorité, et surtout sur l'avenir du site, point sur lequel il a salué l'initiative du Gouvernement annoncée dans le cadre du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 26 mai 2003 et visant à revitaliser les territoires touchés par les plans sociaux.

En conséquence, il a indiqué que le groupe UMP était sensible aux arguments juridiques avancés mais qu'il souhaitait, au-delà de la seule affaire Metaleurop, qu'une enquête soit conduite sur les comportements des prédateurs financiers afin d'en tirer des conclusions pour la conduite d'une politique industrielle garantissant la pérennité des emplois créés.

En réponse aux différents intervenants, M. Claude Gatignol, rapporteur, a, tout d'abord, remarqué l'accord unanime pour condamner le comportement du groupe Metaleurop.

Puis, il a indiqué que les députés étaient tenus de respecter le Règlement de l'Assemblée nationale et a rappelé qu'une commission d'enquête ne pouvait être constituée sur des fait faisant l'objet de poursuites judiciaires en application du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs issu de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

Il a en outre estimé que l'amendement de M. François Brottes, visant à réécrire l'article unique de la proposition de résolution, méritait réflexion mais qu'il aboutirait à focaliser les travaux de la commission d'enquête sur les conséquences des décisions de fermeture de sites industriels.

Or, il a estimé qu'il serait difficilement justifiable auprès de l'opinion d'étudier les conséquences de la fermeture de l'usine Metaleurop sans rechercher également les responsabilités en cause de sorte que, quelle que soit la rédaction de la proposition de résolution, le risque serait grand qu'un détournement de procédure aboutisse à violer les dispositions de l'article 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

Il a en outre précisé que l'urgence face à la fermeture de l'usine Metaleurop Nord de Noyelles-Godault n'était pas d'enquêter sur ses conséquences sociales, économiques et écologiques, qui sont, au demeurant, d'ores et déjà connues, mais de leur faire face par des mesures concrètes. Or, il a rappelé que de telles mesures avaient été prises par le Gouvernement qui a mis en oeuvre un plan d'accompagnement social et d'aide au reclassement, signé par l'intersyndicale des salariés, et un contrat de site, comportant un volet économique, un volet relatif à l'emploi et la formation, et un volet environnemental, et qui a également proposé, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, d'adapter la législation afin d'éviter que ne se reproduisent de tels évènements. Il a estimé que ces mesures, qui devaient être prises sans attendre l'aboutissement des travaux d'une commission d'enquête, diminuaient l'intérêt de celle-ci et qu'il était, en outre, trop tôt pour évaluer leur efficacité.

En conclusion, M. Claude Gatignol, rapporteur, a, à nouveau, proposé le rejet des deux propositions de résolutions.

M. François Brottes a fait part de son admiration pour le talent du rapporteur qui a réussi à faire un long exposé alors que son propos aurait pu être résumé d'une formule : « Circulez, il n'y a rien à voir ». Il s'est donc déclaré scandalisé par cette position et a demandé au rapporteur de lui préciser en quoi le champ d'investigation proposé pour la commission d'enquête par son amendement était irrecevable.

Jugeant qu'il ne l'était manifestement pas, il a regretté que la majorité s'appuie artificiellement sur le Règlement pour justifier une décision politique de refus de création d'une commission d'enquête. Il a rappelé, en outre, que la rédaction qu'il proposait, en ne visant plus exclusivement la fermeture de l'usine de Noyelles-Godault, satisfaisait la préoccupation de M. André Flajolet que d'autres opérations soient également étudiées.

Enfin, il a estimé que l'argumentation du rapporteur selon laquelle il n'était pas possible d'étudier les conséquences des fermetures sans enquêter sur leurs causes aboutissait à empêcher de préparer les réformes nécessaires pour éviter que ne se reproduisent de telles situations et remettait donc en cause le rôle du Parlement.

M. Daniel Paul a remarqué que la conclusion négative du rapporteur aurait pu l'amener à écourter son exposé. Puis, il a observé que la séparation des pouvoirs ne devait pas conduire à dessaisir systématiquement le Parlement de ses prérogatives.

Il a, en outre, rappelé que les moyens juridiques ne manquaient pas pour prolonger très longuement les procédures judiciaires engagées et empêcher ainsi le Parlement de jouer son rôle.

Il a, en outre, indiqué que la commission d'enquête sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants avait pu fonctionner malgré l'ouverture d'une procédure judiciaire dans l'affaire du naufrage de l'Erika et l'emprisonnement du capitaine du navire. Il a considéré que, dans une telle situation, les parlementaires devaient seulement veiller à ne pas empiéter sur le travail judiciaire.

Il a également rappelé que les propositions figurant dans le rapport de la commission d'enquête sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants, comme dans celui de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur, étaient aujourd'hui mises en œuvre ou en voie de l'être.

Il a estimé qu'il revenait au Parlement d'examiner les cas de fermetures brutales d'usines afin de distinguer d'une part les pratiques inadmissibles de certains voyous et, d'autre part, les mesures pouvant être nécessaires pour rétablir la compétitivité d'une entreprise face à ses concurrents internationaux.

Il a estimé que la volonté affichée de rechercher la vérité en s'en remettant à la seule action de la justice conduirait en réalité à créer les conditions pour qu'elle ne soit jamais mise en lumière. Il a donc vivement regretté que la condamnation en apparence unanime de tels agissements par les députés ne leur permette pas de se saisir du dossier et a estimé qu'une telle attitude ne pouvait qu'alimenter l'incompréhension des citoyens vis-à-vis de leurs élus.

M. André Flajolet a jugé nécessaire d'approfondir l'analyse afin d'éviter les confusions. Après avoir souligné la volonté partagée des parlementaires d'établir la vérité, il a rappelé que les propositions de résolution évoquaient l'ensemble des conséquences de la fermeture de l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault et que le rapporteur opposait à leur adoption la règle, effectivement fondamentale en démocratie de la séparation des pouvoirs.

Il a toutefois observé que les deux propositions de résolutions examinées devaient mieux prendre en compte l'analyse financière de la situation, afin de déterminer si les transferts de richesse entre établissements, filiales et entreprises-mères étaient conformes aux règles du droit commercial. Il a ajouté que les parlementaires pouvaient ressentir une frustration légitime face au risque d'une attente longue avant la fin des poursuites judiciaires.

M. Jean-Yves Le Déaut, après s'être étonné des conclusions du rapporteur, a souligné que la séparation des pouvoirs exécutif et législatif n'empêchait pas le contrôle du Gouvernement par le Parlement. Il a également rappelé que de nombreuses commissions d'enquête avaient été menées parallèlement à la tenue d'une procédure judiciaire, même lorsqu'elles portaient sur des événements très graves, mentionnant à titre d'exemple la commission portant sur le Sida et celle consécutive à l'explosion de l'usine AZF qui a occasionné plus de 30 morts. Après avoir souligné que sur ces sujets, les commissions d'enquête avaient toujours pris le plus grand soin de ne pas empiéter sur le travail du juge, il a déploré qu'il ait été d'ores et déjà décidé, comme le lui avaient indiqué les journalistes de LCP-AN, qu'aucune commission d'enquête ne serait créée pour étudier la fermeture de l'usine Metaleurop.

Le président Jean Proriol a déploré que des journalistes se permettent de préjuger des décisions de la Commission.

M. Jean-Yves Le Déaut a estimé que ce choix de ne pas enquêter sur ce dossier s'expliquait par le fait que, quels qu'aient été les Gouvernements, les précédentes commissions d'enquête avaient toujours réussi à identifier des dysfonctionnements administratifs. Il a donc regretté la décision de la majorité de ne pas créer cette commission d'enquête au nom de l'indépendance du Parlement.

Après avoir rappelé que l'actuelle commission d'enquête sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et l'évaluation de leur efficacité faisait suite au naufrage du Prestige, pour lequel plusieurs procédures judiciaires sont en cours, Mme Marylise Lebranchu a fait observer que l'existence d'une telle procédure pour l'affaire Metaleurop ne faisait pas obstacle à l'examen par une commission d'enquête des questions sociales et environnementales qui ne seront pas évoquées par l'enquête judiciaire.

Elle a donc jugé la création d'une commission d'enquête tout à fait justifiée, son champ d'investigation étant beaucoup plus large et ne remettant pas en cause la séparation des pouvoirs.

M. Jacques Le Guen ayant fait remarquer que l'intitulé de la commission d'enquête créée à la suite du naufrage du Prestige avait été défini strictement afin de ne pas empiéter sur les procédures judiciaires, Mme Marylise Lebranchu a observé que tel était justement l'objet de l'amendement présentée par M. François Brottes.

Le président Jean Proriol, après avoir donné lecture du deuxième alinéa de l'article 141 du Règlement de l'Assemblée nationale, a estimé souhaitable de s'en tenir à la stricte application de cette disposition.

M. Claude Gatignol, rapporteur, a souligné à l'intention de M. Jean-Yves Le Déaut que le problème ne concernait pas les rapports entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif, mais ceux du Parlement avec l'autorité judiciaire.

Rappelant qu'il ne pouvait être envisagé d'enquêter sur les responsabilités en cause dans la fermeture de l'usine Metaleurop, il a jugé inopportun de mener une investigation sur les seules conséquences de cette fermeture. En effet, a-t-il observé, si celles-ci sont incontestablement dramatiques, elles sont connues et des mesures, acceptées par les partenaires sociaux, sont d'ores et déjà mises en œuvre pour y faire face. Il a, en effet, estimé que la réaction des pouvoirs publics ne pouvait pas attendre la fin des investigations d'une commission d'enquête parlementaire.

Par ailleurs, il a réitéré sa conviction qu'une commission d'enquête initialement chargée de travailler sur les conséquences de la fermeture du site ne pourrait qu'étendre son champ d'intervention à une recherche des responsabilités, pourtant interdite du fait de l'existence d'une procédure judiciaire.

Il a donc, à nouveau, appelé au rejet de ces propositions de résolution tout en rappelant que le dépôt de la proposition de résolution de M. Jean-Jacques Guillet et de plusieurs de ses collègues, membres, comme lui, de la majorité, attestait que la volonté d'enquêter sur ces faits n'était pas liée à une appartenance partisane.

M. François Brottes, soulignant son désir d'être constructif et de prendre en compte les remarques émises par M. André Flajolet, a alors proposé de rectifier son amendement afin de préciser que la commission d'enquête aurait également à étudier les causes de la fermeture brutale des sites industriels.

A la demande de M. André Flajolet, la Commission a suspendu sa réunion.

A la reprise de la réunion, M. Claude Gatignol, rapporteur, a rappelé que le règlement de l'Assemblée écartait la possibilité de rechercher des responsabilités sur des faits faisant l'objet de poursuites judiciaires.

Puis, il a estimé que l'amendement de M. François Brottes présentait un intérêt certain bien que l'élargissement du champ d'investigation de la commission d'enquête à l'ensemble de la région Nord-Pas-de-calais rende celui-ci imprécis. Il a jugé qu'en tout état de cause, l'adoption de cet amendement aboutirait à une proposition de résolution tout à fait nouvelle et nécessitait donc un examen approfondi.

M. André Flajolet a déclaré partager l'analyse du rapporteur selon laquelle l'article 141 du Règlement de l'Assemblée nationale interdit à une commission d'enquête de conduire des investigations sur des faits faisant l'objet de poursuites judiciaires.

Il a également convenu avec le rapporteur que le dispositif proposé par M. François Brottes était différent des deux propositions de résolutions, initialement soumises à l'examen de la Commission et justifierait le dépôt d'une nouvelle proposition de résolution.

Il a donc indiqué son intention de déposer une nouvelle proposition de résolution permettant, sans empiéter sur les prérogatives de l'autorité judiciaire, de faire la lumière sur les pratiques prédatrices de certains groupes et a proposé à l'ensemble des commissaires intéressés de collaborer avec lui à la rédaction de cette proposition de résolution.

M. Daniel Paul a estimé que la réécriture de la proposition de résolution proposée par M. François Brottes correspondait à la mise en œuvre normale du droit d'amendement et permettait d'aboutir à un texte plus consensuel et conforme au Règlement de l'Assemblée nationale.

M. François Brottes a également estimé que l'élaboration d'une proposition de résolution différente de celle soumise à l'examen de la Commission afin de prendre en compte les remarques du rapporteur et de certains commissaires faisait partie du travail de celle-ci. Il a toutefois indiqué qu'il était néanmoins d'accord pour cosigner une nouvelle proposition permettant d'apporter, dans le respect du règlement de l'Assemblée nationale, une réponse politique constructive à un problème dépassant les clivages partisans.

M. Jean-Yves Le Déaut s'est interrogé sur la possibilité de reporter le vote de cette proposition de résolution à la semaine suivante, dans la mesure où le dépôt d'une nouvelle proposition de résolution impliquerait nécessairement des délais supplémentaires.

Ayant écarté cette possibilité, M. Jean Proriol, président a ensuite proposé à la Commission de passer au vote de l'amendement et des deux propositions de résolution.

La Commission a rejeté l'amendement présenté par M. François Brottes puis les deux propositions de résolutions nos 567 et 568.

 

N° 0886 - Rapport sur les propositions de résolution créant une commission d'enquête sur Metaleurop (M. Claude Gatignol)

1 () Ces lettres sont jointes en annexe au présent rapport.

 

ANNEXES

 

 


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