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le 24 juin 2003

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N° 940

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 juin 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 519), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) ,

PAR M. HENRI SICRE,

Député

--

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES       INVESTISSEMENTS 7

A - LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD 7

1) Investissements et investisseurs concernés 7

2) Le champ d'application géographique 7

B - UNE PROTECTION CLASSIQUE ENCOURAGEANT
      LES INVESTISSEMENTS RÉCIPROQUES
8

1) L'encouragement des investissements 8

2) La protection des investissements : trois principes traditionnels 8

C - UN MODE TRADITIONNEL DE RÈGLEMENT DES CONFLITS 10

1) Différends entre l'une des parties et un investisseur de l'autre Etat 10

2) Différends relatifs à l'interprétation et à l'application du présent accord 10

II - DES RELATIONS BILATÉRALES SUIVIES AVEC UN PAYS FRAGILISÉ 12

A - DES RELATIONS BILATÉRALES SUIVIES 12

1) Un dialogue politique fondé sur des échanges nombreux 12

2) Des échanges commerciaux importants 12

3) Des flux d'investissements notables entre les deux pays 13

4) Une coopération culturelle, scientifique et technique en progression 14

B - UNE SITUATION POLITIQUE, ÉCONOMIQUE ET SOCIALE
      MARQUÉE PAR DES DIFFICULTÉS
14

1) Une situation politique et sociale fragile 14

2) Une économie dépendante des cours du pétrole 15

CONCLUSION 16

EXAMEN EN COMMISSION 18

ANNEXE : Etude d'impact 20

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé le 26 juin 2002 avec le Royaume d'Arabie Saoudite.

Cet accord comporte des dispositions très voisines de celles des quelque quatre-vingt dix textes analogues qui lient déjà la France à des pays tiers. Il s'agit donc d'un dispositif extrêmement classique.

Il offrira aux investisseurs français une protection complète contre les risques politiques dès que l'Arabie Saoudite aura ratifié l'accord.

I - UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION
RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS

A - Le champ d'application de l'accord

1) Investissements et investisseurs concernés

Les investissements recouvrent l'ensemble des avoirs vise à l'article 1.1 qui comprend notamment les biens meubles et immeubles ainsi que les autres droits réels (hypothèque, usufruit, cautionnement...), les actions, les obligations, les droits de propriété intellectuelle, commerciale et industrielle, les concessions accordés par la loi ou en vertu d'un contrat.

La protection joue pour les investissements conformes à la législation de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils sont réalisés, quelle que soit la date de leur réalisation, antérieure ou postérieure à l'entrée en vigueur de l'accord (article 1 et 10). Toutefois, l'accord ne s'applique à aucun différend soumis aux tribunaux avant son entrée en vigueur.

Les revenus visés recouvrent « toutes les sommes produites par un investissement », telles que bénéfices, plus-values de capital, dividendes, redevances ou intérêts (article 1.4).

Quant aux investisseurs, il convient de distinguer selon l'article 1.2, d'une part, les personnes physiques qui doivent posséder la nationalité de l'une des parties contractantes et, d'autre part, les sociétés constituées conformément à la législation de l'Etat contractant et y possédant leur siège social ou contrôlées directement ou indirectement par des nationaux de l'une des parties ou par des personnes morales de cette partie.

2) Le champ d'application géographique

Conformément à l'article 1.4, il comprend le territoire, y compris les zones maritimes, de chacune des parties, les eaux intérieures, les îles et îlots, la zone économique exclusive et la plate-forme continentale sur laquelle elles détiennent, en conformité avec le droit international, un pouvoir de juridiction et des droits souverains de prospection, d'exploitation et de préservation des ressources naturelles.

B - Une protection classique encourageant les investissements réciproques

1) L'encouragement des investissements

L'encouragement des investissements, dont le principe est posé par l'article 2, revêt deux formes :

- l'octroi d'un traitement « juste et équitable» pour ces investissements conformément aux principes du droit international, ce qui couvre également l'achat et le transport de biens liés à un investissement.

- l'application par chaque partie d'un traitement au moins aussi favorable aux investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses propres investisseurs, ou l'octroi de la clause de la nation la plus favorisée, si celle-ci se révèle plus avantageuse. Ce régime d'encouragement ne s'étend pas cependant aux avantages consentis dans le cadre d'accords particuliers à l'image d'une zone de libre-échange, d'une union douanière, d'un marché commun ou d'une autre forme d'organisation économique régionale ce qui vise l'Union européenne.

Le principe d'un traitement aussi favorable pour les investissements nationaux que pour les investissements de l'autre partie, ne s'applique pas dans le domaine fiscal.

2) La protection des investissements : trois principes traditionnels

Selon l'article 4, les investisseurs de l'autre partie doivent d'abord bénéficier, en cas de dépossession pour cause d'utilité publique (nationalisations, expropriations...), d'une « indemnité prompte et adéquate », dont le montant est évalué par rapport à une situation économique antérieure à toute menace de dépossession.

En cas de dommages et pertes provoqués par des circonstances exceptionnelles telles qu'un conflit armé, une révolution, l'état d'urgence, les investisseurs étrangers ont droit à un traitement aussi favorable que celui des investisseurs nationaux ou de la nation la plus favorisée.

Le principe de la liberté des transferts, essentiel pour les investisseurs, se trouve garanti à l'article 5 de l'accord. Il s'applique sans réserve notamment aux revenus et aux produits de la cession ou de la liquidation de l'investissement et aux plus-values.

C - Un mode traditionnel de règlement des conflits

1) Différends entre l'une des parties et un investisseur de l'autre Etat

La convention prévoit deux dispositifs distincts de règlement des conflits. L'article 6 de l'accord prévoit qu'à défaut de règlement amiable dans les six mois, le différend est soumis à la demande de l'investisseur soit aux tribunaux compétents du pays dans lequel l'investissement a été réalisé, soit à l'arbitrage international du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).

2) Différends relatifs à l'interprétation et à l'application du présent accord

A défaut de règlement amiable par la voie diplomatique dans un délai de six mois, ces différends sont soumis à un tribunal d'arbitrage ad hoc dont les décisions sont définitives et exécutoires de plein droit (article 11).

Les dispositions finales prévoient que les règles plus favorables issues de la législation interne ou d'accords bilatéraux prévaudront sur celles de l'accord. La convention est conclue pour une durée initiale de dix ans et sera reconduite tacitement après ce terme sauf dénonciation par l'une des parties avec préavis d'un an. Elle prévoit de prolonger pendant vingt ans la protection des investissements effectués pendant sa période de validité.

Cet instrument est donc très classique dans ses dispositions, et similaire pour l'essentiel aux autres accords de ce type signés par la France. Les dispositions qui lui sont propres sont contenues dans le protocole additionnel qui explicite les mesures de droit ou de fait qui, au titre de l'article 2, pourraient être considérées comme des entraves aux activités des investisseurs.

II - DES RELATIONS BILATÉRALES SUIVIES AVEC UN PAYS FRAGILISÉ

A - Des relations bilatérales suivies

1) Un dialogue politique fondé sur des échanges nombreux

Le dialogue politique franco-saoudien repose sur des échanges nombreux. La visite du Président de la République en novembre 2001 avait été précédée en octobre 2001 de celle du Ministre des Affaires étrangères. Le Prince héritier s'est rendu à Evian dans le cadre du G8 élargi et s'est entretenu avec le Président de la République le 1er juin 2003. C'est à Riyad que M. Dominique de Villepin a effectué son premier déplacement dans le Golfe le 26 juin 2002.

La France a appuyé l'initiative de paix au Proche-Orient du Prince Abdallah. Cependant, la situation des droits de l'homme et le prosélytisme saoudien en France reste un des sujets de préoccupation.

2) Des échanges commerciaux importants

Les échanges commerciaux sont caractérisés par un déficit structurel du fait de l'importance des achats français d'hydrocarbures. En 2002, les exportations françaises ont atteint un niveau record à hauteur de 1 551 millions d'Euros et les importations 2 244 millions d'Euros. Avec une part de marché évoluant entre 4 et 5 %, la France se situe au 7ème rang des fournisseurs du Royaume qui est son 2ème client dans la région après les Emirats Arabes Unis et son premier partenaire commercial dans la péninsule arabique.

Les exportations françaises, soumises à la conjoncture locale ont connu un pic en 2001. Les principaux produits exportés sont les volailles, les parfums, le lait et les produits laitiers, le matériel de distribution et les préparations pharmaceutiques. Ils représentent 25 % des exportations françaises. En 2001, on dénombrait 4 341 entreprises exportant vers l'Arabie saoudite, sur ce total, 3 492 PME en réalisaient 40 %.

Les importations françaises sont quasi exclusivement constituées de pétrole brut et accessoirement de produits pétroliers raffinés. Elles évoluent essentiellement en fonction de leur cours, les achats en volume restant relativement stables. L'Arabie saoudite se classe au 2ème rang des fournisseurs de brut après la Norvège.

3) Des flux d'investissements notables entre les deux pays

Ces flux sont difficilement quantifiables car ils sont fréquemment effectués au travers de filiales et échappent aux statistiques.

a) Les investissements français en Arabie Saoudite

Placée au 8ème rang des pays investisseurs étrangers en Arabie saoudite avec 275 millions de dollars d'investissements directs étrangers (IDE) dans 88 filiales, la France s'était cantonnée au secteur bancaire, jusqu'à la reprise par Danone en octobre 2000 de la majorité du capital de la société laitière Al Safi, puis l'investissement de Perrier dans Al Minhal (eau minérale) et de Saint-Gobain dans Al Obeikan (textiles techniques).

Les investissements du Crédit agricole-Indosuez dans la Bank al Saudi al Fransi, 6ème banque du pays, et de Danone dans Al Safi, concentrent à eux seuls près des trois quarts des investissements français. Trop peu présente dans l'industrie, la France est restée à l'écart de secteurs aussi importants que la pétrochimie, qui a pourtant attiré la majeure partie des investissements étrangers en Arabie saoudite. Cependant, Stesa, filiale de Thalès spécialisée dans le secteur des télécommunications, et Schneider, qui fabrique du matériel électrique, ont investi en Arabie Saoudite.

Dans le secteur des services à l'industrie pétrolière, la Compagnie générale de géophysique a créé une filiale, Argas, qui réalise des campagnes de prévention des séismes sismiques. Deux projets devraient être réalisés : Bouygues devrait investir dans la création d'un centre de loisirs à Djeddah et Total négocie avec les autorités saoudiennes les modalités de sa participation au développement du secteur gazier saoudien.

b) Les investissements saoudiens en France

En millions de dollars

1999

2000

2001

Flux d'IDE saoudiens en France

10

--

20

RANG

193e

190e

33e

Les investissements saoudiens en France en stock ont atteint 20 millions de dollars en 2001. Ils sont essentiellement effectués dans le secteur immobilier, et de ce fait difficiles à évaluer avec précision.

4) Une coopération culturelle, scientifique et technique en progression

La coopération culturelle, scientifique et technique en progression est orientée de manière à répondre aux besoins prioritaires du Royaume en matière de développement économique, technique et humain d'où sa concentration dans des secteurs de pointe comme la médecine, l'environnement, l'eau, la qualité de l'air, la santé, et la formation. La coopération inter-universitaire se développe. Le français est enseigné dans les trois centres franco-saoudiens de Riyad, Djeddah et Damman.

B - Une situation politique, économique et sociale marquée par des difficultés

1) Une situation politique et sociale fragile

La forte croissance démographique (+ de 3%), a entraîné la paupérisation relative des classes moyennes en raison d'une redistribution des richesses moins généreuse et inégalitaire y compris pour les Princes. Les frustrations de la jeunesse (65 % de moins de 25 ans) en quête d'emploi et de reconnaissance, les tiraillements entre modernistes et conservateurs, le sort de la minorité chiite concentrée dans la riche province orientale, le fort mécontentement de la population vis-à-vis de la présence militaire américaine, l'influence croissante des religieux, la dissidence de quelques-uns pèsent sur la situation politique et sociale. En outre, les attentats du 11 septembre ont soumis le régime aux pressions contradictoires des Etats Unis, de l'opinion et des réseaux islamistes.

Après les attentats de Riyad en 1995 et de Dahran en 1996 qui visaient des militaires américains, les trois attaques terroristes du 12 mai 2003 ont pris pour cible des résidences civiles fréquentées principalement par des occidentaux. Elles ont eu lieu alors que les autorités américaines avaient annoncé le transfert vers le Qatar de leur principale base militaire dans le Royaume. Cette série d'attentats a renforcé la volonté saoudienne de lutter contre le terrorisme qui s'est manifestée par un contrôle des extrémistes religieux et des associations caritatives, notamment de leur action extérieure, une intensification des mesures sécuritaires comme le gel de comptes, et la signature de la convention contre la répression du financement du terrorisme. Le fort sentiment antiaméricain est lié à la situation dans les Territoires palestiniens et à la présence américaine en Irak, il constitue l'un des ressorts des activistes radicaux liés à Al Qaida.

Toutefois, ces tensions semblent contenues par la loyauté des tribus au Prince Abdallah, le contrôle de la famille Saoud sur les structures administratives, le maillage sécuritaire et l'absence d'opposition structurée. L'autorité du Prince héritier, régent de fait depuis 1995 avec depuis peu le titre de « Vice-Gardien des Lieux Saints », est incontestée. Il n'a pas craint de rendre publique son initiative de paix avec Israël au risque de mécontenter les éléments les plus radicaux. Les risques de dérapage mis en évidence par les attentats du 11 septembre ont entraîné une réflexion sur l'organisation de la société, le système éducatif, la place des religieux. Les réactions de la société civile à travers le manifeste de 104 intellectuels réformistes dont certains ont été reçus par le Prince Abdallah paraissent être prises en compte. Le discours du roi Fahd Ben Abdelaziz à l'occasion de l'ouverture de la troisième session du Conseil consultatif à la mi-mai confirme ces évolutions. De profondes réformes sont exigées dans tous les secteurs et notamment l'administration.

2) Une économie dépendante des cours du pétrole

Les exportations de l'Arabie saoudite se sont élevées à 58 milliards de dollars en 2002 et ses importations à 31,5 millions de dollars. L'Arabie Saoudite est le premier producteur et exportateur mondial de pétrole. L'Asie est son principal débouché, et l'Union européenne son premier fournisseur.

L'année 2002 lui a été plus favorable que prévu sur le plan économique et financier. En raison de l'évolution des cours du pétrole grâce à un prix du baril de 23 dollars/baril en moyenne sur l'année en 2002, et un dépassement des quotas de production OPEP, les comptes financiers du pays ont été équilibrés.

Le PIB a crû de 0,7 % sur l'année en termes réels. Le solde commercial est resté largement positif, malgré une hausse des importations. L'évolution des prix est restée négative (-0,7 % en 2002). En 2003, la situation devrait de même être largement dépendante de l'évolution du marché pétrolier. Le PIB devrait croître en 2003 de 3,8 % en termes réels. La principale inconnue repose sur les conséquences pour le marché pétrolier de la remise à niveau de la production irakienne. Néanmoins le déficit budgétaire persiste malgré des recettes en forte hausse. Le budget initial 2003 prévoit un déficit de 10,4 milliards de dollars.

CONCLUSION

La ratification de cette convention protectrice des investissements français en Arabie Saoudite est opportune. Elle a été conclue à un moment où le Royaume s'ouvrait davantage aux investissements étrangers.

Comme le souligne l'étude d'impact annexée au rapport, elle permet de modifier la perception du risque par les entreprises françaises et de ce fait de développer les investissements français dans ce pays au potentiel économique important.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 17 juin 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président Edouard Balladur a souhaité des précisions sur le discours du roi Fahd et sur les dispositions de cet accord qui garantissent contre le risque de nationalisation.

M. Henri Sicre a répondu que selon toute vraisemblance ce discours avait été transmis au Conseil Consultatif par le Prince héritier et que les garanties contre le risque de nationalisation figuraient dans l'article 4 de la convention et leur respect résultait de l'ensemble des dispositions concernant le règlement des différends figurant dans la convention.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 519).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 519).

ANNEXE

ETUDE D'IMPACT


N° 0940 - Rapport sur le projet de loi sur l'approbation de l'accord France-Arabie saoudite sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (M. Henri Sicre)


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