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le 16 juillet 2003

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N° 1013

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juillet 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 811) de MM. Jean-Marie LE GUEN, Jean-Marc AYRAULT, et plusieurs de leurs collègues, tendant à créer une commission d'enquête sur le dispositif français et la coopération internationale en matière de veille sanitaire et notamment de lutte contre la pneumonie atypique,

PAR M. Bertho AUDIFAX,

Député.

--

Santé.

INTRODUCTION 5

I.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE CRÉATION DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE EST RECEVABLE 7

II.- IL SEMBLE PEU OPPORTUN D'UTILISER LA FORME JURIDIQUE DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE 9

A. LES AUTORITÉS FRANÇAISES S'ÉTAIENT PRÉPARÉES À UNE CRISE SANITAIRE DE CETTE AMPLEUR 9

B. LES TROIS PILIERS DU DISPOSITIF FRANÇAIS : MOBILISATION, COORDINATION, RAPIDITÉ 10

C. LA MÉTHODE SUIVIE : INFORMER LE PUBLIC, DÉTECTER LES CAS PROBABLES ET PROCÉDER AUX MESURES D'ISOLEMENT NÉCESSAIRES 11

1. L'information des personnes 11

a) L'information du grand public 11

b) Des efforts spécifiques 11

2. L'identification des cas et la prise en charge 12

a) Aspects internationaux 12

b) Diagnostic et prise en charge 12

D. L'ÉPIDÉMIE DE SRAS A DONNÉ LIEU À UNE INTENSE COOPÉRATION INTERNATIONALE ET BILATÉRALE DONT LES EFFETS S'ÉTENDRONT AU-DELÀ DE LA LUTTE CONTRE CETTE ÉPIDÉMIE 12

1. La coopération multilatérale : le succès de l'OMS 12

2. La coopération bilatérale menée par la France 13

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

ANNEXE 17

INTRODUCTION

Le 2 mai 2003 a été mise en distribution la proposition de résolution (n° 811) déposée par MM. Jean-Marie Le Guen, Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à créer une commission d'enquête sur le dispositif français et la coopération internationale en matière de veille sanitaire et notamment de lutte contre la pneumonie atypique.

Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), première épidémie du XXIe siècle née dans la province du Guangdong en Chine à la fin de l'année 2002, a constitué un véritable test « grandeur nature » pour les dispositifs de sécurité et de veille sanitaires nationaux et internationaux, systèmes déjà éprouvés par les attaques au bacille du charbon intervenues à la fin de l'année 2001.

Le fait que l'épidémie apparaisse maintenant comme relativement maîtrisée, notamment grâce aux mesures prises par les autorités nationales et internationales, ne diminue pas l'intérêt du sujet, bien au contraire. En effet, le bilan de la lutte contre l'épidémie du SRAS permet de tirer des conclusions quant à l'efficacité des dispositifs de veille sanitaire et de coopération internationale, alors même que les experts prédisent l'irruption de nouvelles maladies transmissibles, provoquées par exemple par des virus mutants, et que la menace « biotox » est toujours d'actualité.

La question posée par la proposition de résolution est de savoir si la forme juridique de la commission d'enquête, avec les prérogatives qui lui sont attachées et l'organisation qu'elle exige, est le meilleur outil dont disposeraient les députés pour s'informer sur ce sujet. A cette fin, le Rapporteur a procédé à l'audition de responsables nationaux ayant joué un rôle majeur dans la gestion de la crise (cf. liste des personnes auditionnées en annexe).

Selon l'usage, le rapporteur examinera la recevabilité de la proposition de résolution, avant de s'interroger sur l'opportunité de créer une telle commission d'enquête.

I.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE CRÉATION DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE EST RECEVABLE

La recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première exigence posée par ces textes est de déterminer avec précision dans la proposition de résolution les faits pouvant donner lieu à enquête. En l'espèce, le champ de l'éventuelle commission d'enquête paraît bien circonscrit.

Selon le texte de la proposition, cette commission serait chargée de « voir comment fonctionnent les instruments de veille sanitaire dans une pareille crise », « comment est organisée au niveau international la coopération entre les Etats et entre les organisations médicales », de « savoir si toutes les mesures de protection sont prises et lesquelles » et enfin « de tirer toutes les leçons sur le fonctionnement des instruments de veille sanitaire afin d'améliorer la gestion de telles crises sanitaires ».

Le Rapporteur remarque qu'une partie des faits cités concerne des pays étrangers et des organisations internationales (dont l'Organisation mondiale de la santé), envers lesquels une éventuelle commission d'enquête constituée par l'Assemblée nationale ne pourrait exercer pleinement toutes les prérogatives qui lui sont conférées par les normes de droit interne.

La seconde exigence posée par les textes concerne le respect du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire, principe qui interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires, aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Par une lettre du 26 mai 2003, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait savoir à M. le Président de l'Assemblée nationale qu'à sa connaissance « aucune procédure n'est en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition ».

La proposition de résolution est donc recevable.

II.- IL SEMBLE PEU OPPORTUN D'UTILISER LA FORME JURIDIQUE
DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Si les conditions de la recevabilité de la proposition sont réunies, il reste à déterminer s'il convient, en opportunité, de créer ou non une commission d'enquête sur le dispositif français et la coopération internationale en matière de veille sanitaire et notamment de lutte contre la pneumonie atypique.

Qu'est ce que le SRAS ? Il s'agit d'une pneumopathie (infection pulmonaire) sévère pouvant évoluer vers une insuffisance respiratoire. L'agent responsable est un coronavirus, dont le génome a été séquencé. La maladie se transmettrait de personne à personne par contact étroit avec le malade. La durée d'incubation est comprise entre 2 et 10 jours. Quelques points restent obscurs, notamment le mode précis de contamination ou les circonstances du passage à l'homme d'un virus sans doute d'origine animale. Il ne revient pas au Rapporteur de rendre compte de l'historique de la propagation de la maladie ainsi que de ses caractéristiques : toute personne intéressée pourra se reporter utilement au numéro spécial du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'Institut de veille sanitaire1.

Lors du dépôt de la proposition de résolution, le nombre de personnes infectées et de décès était en constante augmentation. Une grande inquiétude, à certains égards irrationnelle, commençait à se répandre dans les populations de certains pays, menaçant la croissance économique mondiale via les effets de l'épidémie sur l'activité touristique ou les transports aériens.

Cependant, en deux mois, le nombre de cas et de décès a très fortement diminué. Le mardi 24 juin dernier, l'OMS a levé sa recommandation d'éviter la région de Pékin, dernière zone encore considérée comme risquée. A cette date, l'organisation a recensé 8 458 cas, dont 807 mortels.

Les auditions menées par le Rapporteur ont permis de mettre en évidence que les dispositifs français de veille sanitaire et de coopération internationale ont montré leur efficacité à l'épreuve d'une crise potentiellement très grave.

A. LES AUTORITÉS FRANÇAISES S'ÉTAIENT PRÉPARÉES À UNE CRISE SANITAIRE DE CETTE AMPLEUR

La loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme a suscité un profond effort de réorganisation de la veille sanitaire, permettant à la France de rattraper en partie un retard certain, notamment par rapport au Royaume-Uni et surtout aux États-Unis.

Ainsi, au ministère de la santé, le bureau « Alerte et problèmes émergents » a été créé au sein de la direction générale de la santé en 2000, grâce à la création nette de quatre postes budgétaires.

En outre, la menace bioterroriste a conduit l'administration de la santé à élaborer des scénarios de crise et à renforcer le dispositif existant via la création de centres nationaux de référence et la désignation de centres hospitaliers de référence.

Enfin, la région du Sud-Est asiatique était déjà considérée comme une zone à risque et à surveiller, en raison de ses particularités géographiques (élevage intensif d'animaux différents dans des zones très peuplées) et de ses précédents épidémiologiques (irruption de la « fièvre du poulet » à Hong-Kong en 1999). Des cas de fièvres atypiques dans la région ont attiré l'attention dès le mois de novembre 2002.

B. LES TROIS PILIERS DU DISPOSITIF FRANÇAIS : MOBILISATION, COORDINATION, RAPIDITÉ

En raison du développement de l'épidémie à l'hôpital français de Hanoï, l'Institut national de veille sanitaire (InVS), dans la soirée du 11 mars 2003, a lancé l'alerte « pneumonie atypique » en direction de la direction générale de la santé (DGS). Cette alerte a constitué l'élément déclencheur de la gestion de la crise dont la cheville ouvrière fut la DGS et son bureau des alertes et des risques émergents. Ce bureau s'est coordonné avec les centres nationaux de référence (CNR), notamment avec les deux centres nationaux de référence de la grippe, à Paris et à Lyon.

La division du travail entre les différentes autorités publiques a été guidée par les principes suivants :

- la crise est gérée par une coordination interministérielle animée par les services du Premier ministre et surtout par la DGS, dont le travail de synthèse a été essentiel ;

- l'expertise épidémiologique et la surveillance sanitaire sont assurées par l'Institut de veille sanitaire (InVS) ;

- l'Institut Pasteur et les centres nationaux de référence réalisent l'expertise biologique (analyse des prélèvements notamment).

Tous les témoignages entendus par le Rapporteur confirment l'exceptionnelle mobilisation des personnels des différentes administrations concernées, particulièrement de la DGS, de l'Institut Pasteur et de l'InVS, personnels auxquels le rapporteur souhaite rendre un hommage appuyé pour le travail accompli en mars et en avril derniers, souvent la nuit et les week-ends.

Les auditions ont également souligné la qualité de la coordination entre les autres autorités impliquées : ministère des Affaires étrangères (au sein duquel un « coordinateur SRAS » a été nommé), Équipement et transports, Éducation nationale, Sports et Tourisme. Un « comité permanent » s'est réuni quotidiennement à la DGS et chaque semaine une réunion interministérielle s'est tenue à Matignon.

La centralisation du système de santé français, parfois décriée, a été bénéfique dans cette crise. En effet, l'action publique contre l'épidémie du SRAS dans les pays doté d'un système de santé régionalisé comme l'Allemagne ou l'Italie a connu des problèmes de coordination et d'information.

C. LA MÉTHODE SUIVIE : INFORMER LE PUBLIC, DÉTECTER LES CAS PROBABLES ET PROCÉDER AUX MESURES D'ISOLEMENT NÉCESSAIRES

La pneumonie atypique a mis en évidence le paradoxe suivant. La lutte contre le SRAS a utilisé - pour la première fois à une si grande échelle s'agissant d'une crise sanitaire - les nouvelles technologies de l'information et de la communication et particulièrement les réseaux électroniques. Cependant, faute de traitements adaptés et de moyens de diagnostics rapides, la lutte contre le SRAS a recouru à des techniques traditionnelles de détection des cas probables et d'isolement respiratoire des personnes susceptibles d'avoir été contaminées.

Suivant l'expression d'un des membres de la DGS entendu par le Rapporteur, la France a mis en application un « principe de précaution raisonnable », traduisant une forte mobilisation et une vigilance extrême, mais sans inquiéter de manière excessive nos compatriotes, surtout ceux résidant dans les zones contaminées.

1. L'information des personnes

a) L'information du grand public

L'information du public a été au cœur du dispositif français, principalement grâce à des communiqués de presse, des dispositifs « numéros verts » (80 000 appels à la DGS en deux mois) et via les sites Internet du ministère des affaires étrangères et de la DGS (site mis en place dès le 16 mars 2003). Ces sources d'information étaient calées en temps réel sur le site Internet de l'OMS. Le site du ministère des affaires étrangères a été élaboré avec grand soin en raison de la portée à la fois diplomatique et pratique de la section « informations utiles aux voyageurs ». A cet égard, la France a été l'un des premiers pays à dissuader les voyageurs de se rendre vers les zones suspectes.

b) Des efforts spécifiques

Les autorités ont insisté sur l'information de deux catégories de personnes.

Il s'agissait d'abord des voyageurs en provenance et en partance des zones affectées : s'agissant des vols en provenance de ces zones, les compagnies ont distribué aux voyageurs et aux personnels de bord, à la demande de la DGS, un message d'information sur la conduite à tenir en cas de survenue de signes évocateurs du SRAS. Il a été nécessaire d'appeler tous les passagers ayant pris le même vol qu'une personne contaminée afin de les informer du risque qu'elles couraient et qu'elles faisaient courir aux personnes avec qui elles étaient en contact étroit. A cette fin, les configurations des sièges des vols, recueillies par les compagnies aériennes, étaient archivées par les DDASS, ce qui a représenté un travail énorme : lors de la crise, près de quatre mille personnes par jour arrivaient des zones à risque !

Des efforts spécifiques d'information ont concerné les professionnels de santé, grâce à la DGS et la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins.

L'information des Français à l'étranger a été assurée avec diligence par les services de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France du ministère des affaires étrangères.

2. L'identification des cas et la prise en charge

a) Aspects internationaux

A l'attention de nos compatriotes résidant dans les zones à risque, les services du ministère des affaires étrangères ont développé des techniques de télédiagnostic en coopération avec le service de santé des armées du ministère de la défense (7 unités pilotes avec l'hôpital de Toulon).

Une procédure particulière de surveillance et de contrôle a été mise en place dans les zones d'attente pour les personnes en instance à l'aéroport Charles de Gaulle.

b) Diagnostic et prise en charge

La première prise en charge des personnes susceptibles d'être malades a été réalisée par le SAMU (centres 15) et par les médecins des groupements régionaux d'observation de la grippe (GROG).

Les personnes considérées comme des cas possibles ont été transférées dans des hôpitaux de référence, seuls capables d'assurer les mesures d'isolation nécessaires (chambres à pression négative). Les éventuels prélèvements ont été envoyés pour expertise dans les centres nationaux de référence.

En ce qui concerne les Français de l'étranger, des médecins - conseils supplémentaires ont été missionnés auprès des consulats et du matériel sanitaire (gants, masques...) a été envoyé.

D. L'ÉPIDÉMIE DE SRAS A DONNÉ LIEU À UNE INTENSE COOPÉRATION INTERNATIONALE ET BILATÉRALE DONT LES EFFETS S'ÉTENDRONT AU-DELÀ DE LA LUTTE CONTRE CETTE ÉPIDÉMIE

1. La coopération multilatérale : le succès de l'OMS

En ce qui concerne la coopération multilatérale, la gestion de la crise a souligné l'importance de l'action de l'Organisation mondiale de la santé.

Après avoir lancé, pour la première fois de son histoire, une alerte mondiale le 14 mars 2003, elle a su fournir très rapidement les informations adéquates sur la maladie, informations constamment actualisées grâce à de fréquents messages de mises à jour. En particulier, l'OMS a élaboré des protocoles, des guides et des recommandations dont les autorités publiques nationales pouvaient invoquer l'autorité pour imposer des mesures parfois impopulaires. L'OMS a notamment défini les cas de SRAS (cas « possible », « probable » ou « exclu »). Elle a organisé de multiples télé- et visioconférences, constituant un groupe de surveillance de onze laboratoires (dont l'Institut Pasteur).

L'OMS est une organisation internationale, dont les membres sont des Etats. Ses pouvoirs sont donc précisément circonscrits ; l'évaluation de son action et de son efficacité doit prendre en compte la limitation de son champ de compétence. La France a appuyé l'action de l'OMS grâce à l'envoi d'experts opérant dans le cadre de missions menées par l'organisation (dont deux missions en République populaire de Chine).

2. La coopération bilatérale menée par la France

En ce qui concerne la France, la coopération bilatérale a surtout consisté dans l'envoi en Asie de spécialistes concernés (épidémiologistes, virologues). Ainsi, un épidémiologiste de l'InVS puis une unité du service de santé des armées se sont rendus à Hanoi. Des scientifiques, des responsables de la DGS et des épidémiologistes se sont rendus en Chine. En ce qui concerne l'InVS, il a développé son département international et a particulièrement travaillé avec l'OMS.

Il est à noter que la visite officielle du Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, en République populaire de Chine le 25 et 26 avril 2003 a donné une forte impulsion à la coopération sanitaire franco-chinoise, en ce qui concerne non seulement la lutte contre le SRAS, mais aussi d'autres pathologies infectieuses.

*

Quel bilan tirer de la lutte contre la pneumonie atypique ?

Selon les données de l'InVS, le nombre de « cas probables » de SRAS (selon la définition de l'OMS) en France se monte à sept, dont trois considérés comme certains. Il est remarquable qu'aucune contamination n'a eu lieu sur le sol français, marquant l'efficacité du dispositif mis en place, même si le SRAS n'a finalement pas atteint le haut degré de contagiosité craint au début de l'épidémie. Selon M. Gilles Brücker, directeur général de l'InVS, le SRAS a été une « épreuve sans précédent pour l'InVS et la DGS ».

L'épisode du SRAS a montré, d'une part, que la France disposait d'un réseau réactif et performant (ayant rattrapé son retard sur le Royaume - Uni dans ce domaine) et, d'autre part, que la coopération européenne a été très longue à se mettre en place, malgré le rôle moteur joué par la France.

Il a souligné également la nécessité de pérenniser les subventions versées aux centres nationaux de référence. Ces derniers, bien que débordés, ont néanmoins rempli leur tâche ; mais quel aurait été le résultat si le nombre de cas avait atteint des dizaines de milliers ?

Que pourraient apprendre de plus les députés s'intéressant à la lutte contre le SRAS au cours de six mois d'auditions ? La formule de la commission d'enquête ne semble guère adaptée au souci d'information - par ailleurs tout à fait légitime - exprimé par les auteurs de la proposition de résolution.

Il est en revanche tout à fait souhaitable que l'Assemblée nationale puisse, sur ces questions graves et évolutives, jouer pleinement un rôle de veille, de vigilance et le cas échéant d'aiguillon. En effet, si l'épidémie du SRAS semble être maîtrisée, il ne faut pas écarter d'autres risques sanitaires, comme ceux liés à la menace « Biotox ». On peut aussi craindre des épidémies provoquées par des virus mutants, d'abord circulant au sein d'espèces animales puis « sautant » la barrière de l'espèce. C'est par exemple le cas d'une variante de la « grippe aviaire », dont est décédé un vétérinaire néerlandais au printemps de l'année 2003.

En outre, l'aspect international de ce type de crise sanitaire doit être pris en compte. Il y aurait ainsi nécessité à créer un centre européen de veille sanitaire et de problème émergents pour faire contrepoids aux centers for disease control and prevention des Etats-Unis. En outre, il faudrait accroître le nombre de laboratoires sécurisés du type P3 ou P4.

Enfin, une réforme du règlement sanitaire international accroissant le rôle de l'OMS serait indispensable. Il reste en effet à construire la mondialisation de la sécurité sanitaire.

Au bénéfice des observations qui viennent d'être formulées, le rapporteur conclut donc au rejet de la proposition de résolution n° 811.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné, sur le rapport de M. Bertho Audifax, la présente proposition de résolution au cours de sa séance du 9 juillet 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler a d'abord souligné le rôle majeur joué par le SAMU dans la gestion de la crise en France. Son expérience a sans doute évité qu'intervienne une contamination sur le sol français et a empêché le virus de se répandre dans les établissements de santé, à l'inverse de la situation canadienne.

Evoquant son expérience d'élue de Besançon, ville ayant connu une certaine panique liée à la découverte d'un cas présumé de SRAS, elle a considéré que la constitution d'une commission d'enquête serait l'occasion d'approfondir la question et de formuler des propositions. Elle a regretté que le dispositif de la commission d'enquête, certes lourd, soit toujours considéré par le Parlement comme un moyen de faire des investigations sur des problèmes. Constituer une commission sur le SRAS serait l'occasion d'identifier les points forts comme les points faibles du dispositif, le cas échéant en s'inscrivant dans une perspective internationale pour favoriser la réflexion sur la création d'un center for disease control (CDC) européen.

Enfin on peut s'interroger sur l'opportunité du choix du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées de laisser à la direction générale de santé et à son directeur le soin de délivrer, tout au long de la crise, l'information relative au fonctionnement du dispositif français. Quelle a été l'efficacité de ce choix de communication ?

Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité rendre hommage à la mémoire du cardiologue français décédé des suites du SRAS à Tourcoing. Ce médecin qui exerçait dans une clinique du Nord-Pas-de-Calais a été l'un des premiers soignants à s'occuper des patients victimes de cette maladie, au moment où toutes les précautions n'étaient pas encore prises.

Le rapporteur a répondu que le succès de la gestion de l'épidémie du SRAS a tenu certes à l'efficacité du SAMU mais aussi à une excellente organisation du système. Ainsi, le repérage des personnes à risque a été organisé dès leur départ des zones suspectes et les voyageurs ont été très bien informés. Les personnes présumées malades ont été immédiatement prises en charge par les équipes du SAMU et les centres de référence. En ce qui concerne l'information du public, assurer une communication de nature politique aurait fait courir le risque de la controverse avec l'opposition, alors même qu'une information la plus objective possible était nécessaire.

*

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

ANNEXE

Personnes auditionnées par le Rapporteur

¬ Institut national de veille sanitaire (InVS)

M. Gilles Brücker, directeur général

¬ Institut Pasteur

M. Jean-Paul Lévy, directeur médical de l'Institut Pasteur

¬ Ministère de la santé, direction générale de la santé

M. Jean-Baptiste Brunet, responsable de la cellule des affaires internationales et européennes

M. Yves Coquin, chef du service « Prévention, programmes de santé et gestion des risques »

Mme Martine Le Quellec-Nathan, sous directrice de la 5ème sous - direction « Pathologie et santé »

¬ Ministère des affaires étrangères, direction des Français à l'étranger et des étrangers en France

M. Eric Lebédel, coordinateur de la cellule de crise « SRAS »

M. Bertrand Cochery, sous-directeur de la sécurité et de la protection des personnes

N° 1013 - Rapport sur la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur la veille sanitaire et la lutte contre la pneumonie atypique (M Bertho Audifax)

1 BEH n°24-25/2003, 3 juin 2003


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