// N° 1156 - Avis de M. François GOULARD au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 1106)

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N° 1156

(1ère partie)

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 octobre 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR
LE PROJET
de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 1106),

PAR M. François GOULARD,

Député.

Santé et protection sociale.

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE

LES COMPTES ET LES RECETTES :
LES EFFETS D'UNE CROISSANCE RALENTIE

CHAPITRE PREMIER : L'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL 13

I.- L'ÉQUILIBRE RÉVISÉ DE 2003 : UNE DÉGRADATION SENSIBLE 13

A.- UNE NOUVELLE DIMINUTION DES RECETTES RÉVISÉES 13

B.- LA POURSUITE DE LA DÉGRADATION DES OBJECTIFS DE DÉPENSES 15

II.- L'ÉQUILIBRE PRÉVISIONNEL DE 2004 15

A.- UNE CROISSANCE DES DÉPENSES EN PARTIE CONTENUE 15

B.- DES RECETTES CONTRAINTES PAR LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE 17

C.- LE TABLEAU D'ÉQUILIBRE DES MESURES NOUVELLES 18

D.- LA CONSOLIDATION DU DÉFICIT 20

III.- LE RÉGIME GÉNÉRAL : LE CREUSEMENT DU DÉFICIT 20

IV.- DES PRÉVISIONS DE RECETTES STRUCTURELLEMENT IMPRÉCISES 21

V.- QUELQUES ÉLÉMENTS D'INFORMATION ENCORE À PRÉCISER 23

CHAPITRE II : UNE SIMPLIFICATION PARTICULIÈREMENT ATTENDUE DU SCHÉMA GLOBAL DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 25

I.- LA CADES DE NOUVEAU MOBILISÉE POUR FINANCER LE SOLDE DE LA DETTE DE L'ÉTAT ENVERS L'ACOSS AU TITRE DU FOREC 25

II.- LA REBUDGÉTISATION DU FOREC : UNE SIMPLIFICATION LONGTEMPS ATTENDUE 26

A.- LA BUDGÉTISATION DES DÉPENSES ET LA RÉAFFECTATION AU BUDGET GÉNÉRAL DES RESSOURCES FISCALES AFFECTÉES 27

1.- La budgétisation des dépenses 27

2.- La réaffectation des recettes du FOREC 27

B.- LA LIQUIDATION DU FONDS 30

III.- LES PRINCIPALES MESURES DE RECETTES 30

A.- LA POURSUITE DE LA POLITIQUE DE RELÈVEMENT PLURIANNUEL DES DROITS DE CONSOMMATION SUR LE TABAC 30

B.- L'ACCÉLÉRATION DU VERSEMENT DU PRODUIT DE LA CSSS 33

IV.- DES MODIFICATIONS PLUS PONCTUELLES DU PROJET EN MATIÈRE DE RECETTES 34

A.- DIVERSES MESURES D'AMÉLIORATION DU PRODUIT ET DE SON  RECOUVREMENT 34

1.- La fiscalité pesant sur les dépenses de promotion 34

2.- Les autres mesures nouvelles de recettes 35

3.- Une mesure absente du projet : l'abrogation de la taxe sur  les bières fortes 36

B.- DES MESURES D'ALLÈGEMENTS DES CHARGES ET CONTRIBUTIONS  SOCIALES 36

CHAPITRE III : LES MESURES DE TRÉSORERIE ET DE RECOUVREMENT 39

I.- DES PLAFONDS DE BESOINS DE TRÉSORERIE QUI TRADUISENT L'AMPLIFICATION PRÉVISIBLE DU CREUSEMENT DU DÉFICIT 39

A.- LE RELÈVEMENT DU PLAFOND DE 2,5 MILLIARDS D'EUROS DE DÉCOUVERT DU RÉGIME GÉNÉRAL POUR 2003 39

B.- UN NOUVEAU RELÈVEMENT IMPORTANT PROPOSÉ POUR 2004 40

1.- Le doublement du plafond pour le régime général 40

2.- La situation du BAPSA : les conséquences de la  mensualisation des retraites pour le régime des exploitants  agricoles 41

3.- Les autres régimes : le maintien du plafond d'emprunt 42

II.- LE RÉGIME DES AVANCES DE TRÉSORERIE 43

III.- LES MESURES DE RECOUVREMENT DES RESSOURCES FISCALES SOCIALES 45

DEUXIÈME PARTIE

LES DÉPENSES : UNE DIFFICILE MAÎTRISE

CHAPITRE PREMIER : LA BRANCHE MALADIE : FACE À L'IMPASSE FINANCIÈRE, LA PRÉPARATION D'UNE RÉFORME D'AMPLEUR 49

I.- LA TENDANCE EN 2002 ET 2003 MONTRE QUE LE RYTHME DES DÉPENSES N'EST PLUS SOUTENABLE 49

A.- LA CROISSANCE DES DÉPENSES DE 7,2 % EN 2002 EST DUE POUR PARTIE À DES FACTEURS CONJONCTURELS 50

1.- La mesure des dépassements fait apparaître un dérapage sur tous les postes 50

2.- Certaines décisions ont aggravé la tendance spontanée 52

B.- LA TENDANCE POUR 2003, MOINS ALARMANTE, DEMEURE PRÉOCCUPANTE 56

1.- Le dynamisme des dépenses reste globalement élevé 56

2.- Des phénomènes particuliers méritent attention 58

a) L'explosion des indemnités journalières 58

b) Les effets pervers du tiers payant 58

c) L'ONDAM progresserait de 6,4 % en 2003 59

II.- LA TARIFICATION À L'ACTIVITÉ DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ : LA MISE EN œUVRE D'UNE GRANDE AMBITION 60

A.- L'EXPÉRIMENTATION A ÉTÉ LANCÉE EN 2003 60

1.- Les enjeux de la réforme sont cruciaux 60

2.- Le succès rencontré par l'expérimentation 62

B.- L'ÉCHÉANCIER ET LES MODALITÉS DE LA GÉNÉRALISATION 63

1.- Le champ de la réforme est bien circonscrit 63

2.- Principes et calendrier sont arrêtés 63

a) La réforme met en œuvre cinq grandes modalités de financement 63

b) La transition a été planifiée 65

c) La nouvelle régulation des dépenses des établissements 65

C.- LE PLAN « HÔPITAL 2007 » DÉSORMAIS BIEN ENGAGÉ 67

1.- L'ordonnance de simplification est déjà en vigueur 67

2.- Les fonds de financement permettront la montée en charge des investissements 68

III.- LA POURSUITE DE LA RESPONSABILISATION DES ACTEURS ET USAGERS DES SOINS DE VILLE 69

A.- LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME EST AMÉLIORÉE EN PROMOUVANT L'ÉCHELON LOCAL 69

B.- DIVERS LEVIERS D'ACTION CONCRÉTISENT LA RESPONSABILISATION DES ACTEURS 71

1.- La poursuite d'une ferme politique du médicament 71

a) Le bien-fondé des orientations adoptées en 2002 et 2003 71

b) De nouvelles mesures en 2004 72

2.- Les autres axes de la maîtrise médicalisée 73

a) Un meilleur contrôle des admissions en affection de longue durée 73

b) Des mesures de rationalisation bienvenues 73

Accès à la 2ème partie du rapport

IV.- RETROUVER DEMAIN L'ÉQUILIBRE DE LA BRANCHE MALADIE APPELLE UNE RÉFORME MAJEURE

A.- L'ONDAM POUR 2004 EST FIXÉ EN HAUSSE DE 4 %

B.- LE CHANTIER DE LA RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE EST LANCÉ

CHAPITRE II : LA BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES : SOLIDARITÉ ET CONTINUITÉ

I.- DES COMPTES DÉSORMAIS DÉSÉQUILIBRÉS

A.- LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

B.- LES DONNÉES COMPTABLES

1.- Pour 2002 et 2003

2.- Pour 2004

II.- DES CHARGES MARQUÉES PAR LA SOLIDARITÉ ENVERS LES VICTIMES DE L'AMIANTE

A.- LE FONDS DE CESSATION ANTICIPÉE D'ACTIVITÉ DES TRAVAILLEURS DE L'AMIANTE

B.- LE FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

C.- L'AVENIR ET LES ENJEUX DE L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

CHAPITRE III : LA BRANCHE FAMILLE : SIMPLIFICATION ET RENFORCEMENT DES AIDES AUX FAMILLES

I.- UNE POLITIQUE GLOBALE AU SERVICE DES FAMILLES

II.- UN CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE EN PLEINE ÉVOLUTION

III.- UN ÉQUILIBRE DE LA BRANCHE FAMILLE MAINTENU

IV.- DE NOUVELLES CHARGES POUR LA BRANCHE MAIS AU BÉNÉFICE DES FAMILLES

A.- LES CHARGES DE LA BRANCHE

B.- L'IMPACT FINANCIER DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT  DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2004

1.- Le dispositif de la prestation d'accueil du jeune enfant

2.- L'impact financier du dispositif

V.- UN EFFORT SUBSTANTIEL EN FAVEUR DE L'ACCUEIL DES JEUNES ENFANTS

CHAPITRE IV : LA BRANCHE VIEILLESSE : APRÈS LA RÉFORME

I.- L'ÉVOLUTION DES PRESTATIONS VIEILLESSE DES RÉGIMES DE BASE

II.- LE FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE

A.- UN DÉFICIT HISTORIQUE EN 2002

B.- UNE AMÉLIORATION LIMITÉE EN 2003

C.- UN RETOUR À L'EXCÉDENT EN 2004 ?

III.- LE FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES (FRR)

A.- L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE ET FINANCIÈRE DU FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES EST ENFIN ACHEVÉE

B.- L'ÉVOLUTION DU COMPTE DU FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES RESTE INCERTAINE

C.- DES INCERTITUDES À ÉCLAIRCIR

IV.- LES MÉCANISMES DE COMPENSATION

A.- LE MÉCANISME ACTUEL

B.- UN SYSTÈME TRÈS IMPARFAIT

1.- Le champ de la compensation

a) Les réversions

b) La place des régimes complémentaires obligatoires

2.- La mise en œuvre effective de la compensation

a) La prestation de référence

b) Le décompte des retraités et des cotisants

3.- Des problèmes de principe

a) Le partage entre contributivité et solidarité

b) Les revenus des non-salariés

c) La compensation spécifique

C.- LES RÉFORMES EN COURS

1.- Les modifications intervenues en 2003

a) La réévaluation par l'INSEE des effectifs de cotisants actifs salariés pour 2002 sur la base des données du dernier recensement

b) L'exclusion des prestations de référence retenues pour la compensation généralisée vieillesse, des sommes déjà prises en charge par le FSV (majorations pour conjoint et pour enfants à charge)

c) L'inclusion des effectifs dont les cotisations sont prises en charge par le FSV

d) La baisse de trois points du taux de la compensation spécifique vieillesse

2.- Les dispositions de la loi du 21 août 2003

EXAMEN EN COMMISSION

A.- AUDITION DES MINISTRES

B.- EXAMEN DU PROJET DE LOI

INTRODUCTION

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est soumis s'inscrit dans un contexte de profondes mutations pour notre protection sociale en général, et pour chacune des trois grandes branches traditionnelles que sont la branche Vieillesse, la branche Famille et la branche Maladie, en particulier.

S'agissant des retraites, nous verrons dans la loi de financement pour 2004 les premières traductions de la loi du 21 août 2003. Ce texte est d'une importance capitale. Il résulte d'une double volonté : celle d'adapter nos régimes de protection sociale à des évolutions majeures qui peuvent, si rien n'est fait, les menacer dans leurs fondements ; celle de conduire les adaptations nécessaires dans un esprit d'équité, en visant à corriger un certain nombre d'inégalités. Pour les retraites, le choc démographique appelait une réforme majeure : elle a été largement engagée, même si nous ne ferons pas l'économie de rendez-vous ultérieurs. L'équité a voulu que des améliorations sensibles soient apportées au sort de certaines catégories, notamment celle des salariés ayant commencé à travailler très jeunes : la loi du 21 août 2003 a ainsi comme conséquence de détériorer temporairement, toutes choses égales par ailleurs, l'équilibre du régime général. Mais on doit principalement retenir que dans le moyen terme, nos régimes de retraite sont consolidés et ne poseront pas de problèmes de financement majeurs. Ceci constitue une avancée considérable, si on se reporte deux ans en arrière, où l'on pouvait craindre une véritable explosion du besoin de financement de la branche Vieillesse. Reste à traiter le cas des régimes spéciaux, certes beaucoup moins importants en nombre de ressortissants, dont on ne comprendrait pas qu'ils demeurent très longtemps aussi dérogatoires.

La branche Famille comporte une réforme importante des aides versées pour les jeunes enfants : la création de la prestation d'accueil du jeune enfant est une mesure de simplification puisque cette nouvelle prestation regroupe cinq dispositifs existants. C'est aussi une mesure de liberté donnée aux familles dans le choix du mode de garde des jeunes enfants. C'est enfin un accroissement des moyens consacrés aux familles, la politique familiale constituant, on le sait, une des priorités du Gouvernement.

Si les branches Vieillesse et Famille ne posent pas ou plus de problème de financement aigu, tel n'est pas le cas de l'assurance maladie. Les quelque 10 milliards de déficit annuel atteints par la Sécurité sociale lui sont très largement imputables. Avec une croissance des dépenses sensiblement plus forte que celle de la richesse nationale, la divergence avec le rythme de progression des recettes est inévitable. Ce phénomène, temporairement masqué par la progression exceptionnelle de la masse salariale à la fin des années 90, est à l'origine actuellement d'un accroissement du déficit de 5 milliards d'euros chaque année. S'il existe des raisons objectives à la progression des dépenses de santé, il est aussi incontestable que leur gestion est loin d'être optimale. C'est donc un impératif absolu pour les Pouvoirs publics d'entreprendre une réforme de l'assurance maladie. Le Gouvernement en est parfaitement conscient et a lancé, dès cet automne, une phase de concertation qui doit aboutir avant l'été prochain, à l'annonce de nouvelles orientations pour notre système de santé et la prise en charge collective de ses dépenses.

Cependant, dès l'année 2004, une modification importante du financement de l'hôpital est engagée, sous la forme d'un début de tarification à l'activité. Si cette réforme est conduite avec persévérance, elle peut aboutir à introduire une rationalité aujourd'hui largement absente dans l'attribution des ressources à l'hôpital. Elle devrait aussi à terme permettre d'avoir pour le secteur public et le secteur privé les mêmes modalités de financement, la différence de traitement actuelle - au détriment d'ailleurs du second - étant totalement injustifiée.

La réforme devra aussi avoir pour ambition de rapprocher la médecine de ville de l'hôpital, aujourd'hui séparés dans leur gestion, à rebours de l'intérêt des patients et de tout objectif économique. Enfin, il conviendra d'avoir en permanence à l'esprit que les assureurs maladie, qu'il s'agisse des assureurs de base ou des assureurs complémentaires, devront se comporter, suivant l'expression usitée en économie de la santé, en acheteurs intelligents de soins, alors que les règles actuelles de fonctionnement de notre assurance maladie leur confèrent un rôle de payeurs aveugles.

Le projet de loi de financement comporte, sur un autre plan, une disposition importante qui est la budgétisation du FOREC. Ce mécanisme complexe, contraire aux principes traditionnels de nos finances publiques, tendait à masquer le coût considérable des politiques d'allègement de charges sociales liées à la réduction du temps de travail. C'est désormais le budget de l'État qui le supportera.

PREMIÈRE PARTIE

LES COMPTES ET LES RECETTES :
LES EFFETS D'UNE CROISSANCE RALENTIE

CHAPITRE PREMIER : L'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

Les données présentées dans le présent projet de loi de financement pour 2004 traduisent des comptes déséquilibrés, en 2003 et plus encore en 2004, en raison du dérapage des dépenses de maladie, et du ralentissement de la croissance des cotisations et contributions sociales.

Pour la seconde fois, le projet de loi de financement prévoit une révision des prévisions de recettes et de dépenses de l'exercice en cours, ce qui présente l'avantage significatif de permettre au législateur de mieux apprécier les prévisions pour l'exercice à venir.

I.- L'ÉQUILIBRE RÉVISÉ DE 2003 : UNE DÉGRADATION SENSIBLE

A.- UNE NOUVELLE DIMINUTION DES RECETTES RÉVISÉES

Les prévisions de recettes pour 2003 sont révisées à la baisse, comme pour les exercices 2001 et 2002, mais avec un écart sensiblement supérieur puisqu'il atteint 4,5 milliards d'euros, soit 1,4 % des prévisions initiales, contre 1,27 % l'an passé.

Il convient, par ailleurs, de signaler deux points :

- les recettes révisées ne sont plus présentées qu'avec une précision d'un chiffre après la virgule (soit 100 millions d'euros !), contrairement aux prévisions initiales qui présentaient deux décimales. En conséquence, le calcul de l'écart n'est lui-même significatif que pour sa première décimale ;

- la présentation a maintenu la distinction entre cotisations prises en charge par l'État, et autres contributions publiques, nouveauté pertinemment introduite dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement pour 2003.

Les principaux écarts sur les recettes sont les suivants :

- cotisations effectives : + 0,6 milliard d'euros. Cette augmentation est la résultante de deux effets jouant en sens inverse : d'une part, la révision à la baisse de l'hypothèse de croissance de la masse salariale du secteur privé (de 4,1 % à 2,3 %), d'autre part la requalification comptable des cotisations fictives d'EDF en cotisations effectives (représentant en 2003 une masse de 2,6 milliards d'euros) ;

- cotisations fictives : - 2,6 milliards d'euros. Cette importante baisse est due au reclassement des cotisations fictives d'EDF en cotisations effectives, contrepartie du mouvement précité ;

- cotisations prises en charge par l'État : + 0,2 milliard d'euros. L'agrégat révisé intègre les coûts des nouvelles mesures incluses dans la loi de programme de l'outre-mer, ainsi que les exonérations supplémentaires liées à l'ouverture de nouvelles zones franches urbaines ;

- contributions publiques : + 0,2 milliard d'euros. L'augmentation de cet agrégat provient de la révision à la hausse de la contribution d'équilibre versée au régime des exploitants agricoles ;

- impôts et taxes affectés : - 3,2 milliards d'euros. Les causes de révision à la baisse de cet agrégat sont multiples : baisse du rendement de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus d'activité suite au ralentissement de la croissance de la masse salariale (- 0,7 milliard d'euros), baisse du rendement de la CSG sur les revenus du patrimoine et de placement suite à la dégradation de la situation sur les marchés financiers (- 0,7 milliard d'euros), recettes supplémentaires liées à l'augmentation du prix du tabac moins élevées que prévu en raison d'une baisse de la consommation (- 0,8 milliard d'euros), baisse (- 0,4 milliard d'euros) du rendement de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (CSSS), du prélèvement de 2 % sur le capital (- 0,2 milliard d'euros) et de la taxe pharmaceutique (- 0,14 milliard d'euros).

- autres ressources : + 0,3 milliard d'euros. L'augmentation de cet agrégat porte principalement sur les produits de gestion courante de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), soit 0,2 milliard d'euros.

ÉVOLUTION DES RECETTES PRÉVUES POUR 2003

(en milliards d'euros - en droits constatés)

Prévisions
initiales LFSS 2003

(article 20 de la LFSS 2003) (1)

LFSS 2003
révisée

(article 14 du PLFSS 2004)
(2)

Écart 2003 révisées/2003 initiales

(en montant)

(2)-(1)

Écart 2003

révisées/

2003

initiales

(en %)

Écart 2002 révisées/

2002

initiales (3)

(en montant)

Écart 2002 révisées/

2002

initiales

(en %)

Cotisations effectives

181,87

182,5

0,63

0,3

- 0,9

- 0,5

Cotisations fictives

32,48

29,9

- 2,58

- 7,9

- 0,17

- 0,5

Cotisations prises en charges par l'État

2,33

2,5

0,17

7,3

Ns

Ns

Autres contributions publiques

11,40

11,7

0,3

2,6

Ns

Ns

Impôts et taxes affectés

94,11

90,9

- 3,21

- 3,4

- 0,08

- 0,1

Transferts reçus

0,21

0,2

- 0,01

- 4,8

0,03

20,0

Revenus des capitaux

1,04

1,0

- 0,04

- 3,8

- 0,05

- 6,0

Autres ressources

4,07

4,3

0,23

5,7

- 0,97

- 14,0

Total des recettes

327,51

323,0

- 4,51

- 1,4

- 1,27

- 0,4

Source : PLFSS 2003 et 2004.

B.- LA POURSUITE DE LA DÉGRADATION DES OBJECTIFS DE DÉPENSES

Parallèlement aux révisions de recettes, le projet de loi de financement pour 2004 prévoit, comme l'an passé, la révision des objectifs de dépenses pour l'année en cours, c'est-à-dire 2003.

En l'occurrence, la révision des montants correspond à un supplément d'objectifs de dépenses de 2,3 milliards d'euros, soit un écart de 0,7 %, imputable pour l'essentiel à la branche Maladie (+ 1,7 milliard d'euros, soit + 1,26 %), ainsi, que, pour des montants moindres d'environ 300 à 400 millions d'euros, aux branches famille et vieillesse.

ÉVOLUTION DES OBJECTIFS DE DÉPENSES PRÉVUS POUR 2003

(en milliards d'euros, en droits constatés)

Prévisions
initiales LFSS 2003

LFSS 2003
révisée

Écart 2003 révisées/2003 initiales

Écart 2003 révisées/2003 initiales

(en %)

Écart 2002 révisées/2002 initiales

Écart 2002 révisées/2002 initiales

(en %)

Maladie, maternité, invalidité et décès

136,35

138,07

1,72

1,26

3,87

3,1

Vieillesse

140,36

140,68

0,32

0,23

- 0,12

- 0,1

Accidents du travail

9,4

9,39

- 0,01

- 0,11

0,49

5,7

Famille

43,62

43,98

0,36

0,83

- 0,53

- 1,3

Total des dépenses

329,73

332,12

2,39

0,72

3,71

1,2

Source : Projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 et 2004.

Votre Rapporteur pour avis vous renvoie, pour une analyse plus détaillée des évolutions des dépenses des différents risques, aux parties du présent rapport consacrées respectivement à chacun de ces risques.

II.- L'ÉQUILIBRE PRÉVISIONNEL DE 2004

Les prévisions pour 2004 se caractérisent par des prévisions de recettes encore dynamiques, qui ne pourront toutefois suffire à financer entièrement des dépenses en augmentation encore soutenue.

A.- UNE CROISSANCE DES DÉPENSES EN PARTIE CONTENUE

Les objectifs de dépenses pour 2004 croissent, globalement, en euros courants, de 4,8 % par rapport aux objectifs fixés pour 2003, et de 4 % par rapport aux prévisions révisées pour la même année, ce qui constitue le véritable point de comparaison.

PRÉVISIONS D'ÉVOLUTION DES DÉPENSES

(en milliards d'euros, en droits constatés)

Branche
Maladie

Branche
Vieillesse

Branche Accidents
du travail

Branche
Famille

Total

LFSS 2002

125,37

136,08

8,53

42,01

311,99

LFSS 2003

136,35

140,36

9,4

43,62

329,73

LFSS 2003 révisée

138,1

140,7

9,5

44,0

332,3

PLFSS 2004

143,6

146,6

9,7

45,5

345,4

Taux de croissance (en %)

-PLFSS 2004/LFSS 2003

-PLFSS 2004/LFSS 2003 révisée

5,3

4,0

4,4

4,2

3,2

2,1

4,3

3,4

4,8

3,9

Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, lois de financement pour 2003 et 2002.

L'augmentation des dépenses prévues résulte de plusieurs facteurs structurels bien connus :

- pour la maladie, peuvent être mentionnés le vieillissement de la population, l'incidence financière des progrès médicaux, mais aussi sinon surtout l'absence de mécanismes efficaces de régulation de l'offre et de la demande de soins, suffisamment consensuels pour être effectivement appliqués par tous les acteurs, patients et prescripteurs. Le rapport 2003 de la Cour des comptes sur la sécurité sociale souligne notamment les limites des différents outils mis en oeuvre dans ce cadre. La poursuite, apparemment sans limite, de la croissance des dépenses de maladie implique une réforme difficile, que le Gouvernement a prévu d'élaborer durant le premier semestre de l'année 2004. La croissance « normée » des dépenses de santé pour 2004, par rapport aux objectifs révisés pour 2003, a été fixée à 4 % (taux qui s'élèverait à 5,3 % par rapport aux objectifs de la loi de financement, fixés à la fin de l'année 2003) ;

- vieillissement de la population pour les dépenses de retraite.

Par ailleurs, à ces contraintes structurelles s'ajoutent des mécanismes d'augmentation réguliers :

- pour les prestations de vieillesse, une revalorisation, limitée en 2004 à 1,7  %, soit 0,2 % de plus que le taux prévisionnel de l'inflation, compensant un écart en sens contraire en 2003 ;

- pour les dépenses de la branche Famille, le relèvement de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF), qui devrait être de 1,7 %, la création de la nouvelle allocation d'accueil du jeune enfant, ainsi que, surtout, la prise en charge progressive de majorations de pensions pour enfants à charge. Celle-ci sera cependant maintenue, en 2004, au taux atteint en 2003, soit 60 %.

Les raisons plus précises qui justifient l'augmentation des objectifs de dépenses des différentes branches sont analysées dans les parties du présent rapport afférentes à chacun des risques.

B.- DES RECETTES CONTRAINTES PAR LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE

La croissance globale des recettes de 2004, qu'il est demandé au législateur d'approuver, serait de 12,1 milliards d'euros. L'essentiel de cette évolution, apparemment favorable, doit cependant être relativisé, car cette augmentation traduit surtout les conséquences de la rebudgétisation du FOREC.

En effet, l'augmentation de 17 milliards d'euros des cotisations prises en charge par l'État, correspond à la budgétisation des dépenses du FOREC, qui deviennent donc des ressources de la sécurité sociale.

En contrepartie, le produit des impôts et taxes affectées diminue de 10 milliards d'euros, la différence résultant en partie de la modification de répartition des droits sur le tabac, car les autres taxes antérieurement affectées au FOREC sont intégralement réaffectées au budget général. La budgétisation du FOREC ne modifie en effet pas par elle-même les agrégats : seuls jouent les changements de clés de répartition des ressources fiscales qui demeurent affectées à la CNAMTS.

Enfin, les cotisations effectives (pour 4,8 milliards d'euros) et fictives (pour 1,5 milliard d'euros) augmentent également sensiblement, en liaison avec les hypothèses d'évolution de la masse salariale découlant des hypothèses de croissance de 1,7 % retenues pour le projet de loi de finances.

ÉVOLUTION DES RECETTES PRÉVUES EN 2004

(en milliards d'euros, en droits constatés)

LFSS 2003
révisée

(2)

Prévisions PLFSS 2004 (2)

Écart prévisions PLFSS 2004/LFSS 2003 révisée

Écart
prévisions PLFSS 2004/LFSS 2003 révisée

(en %)

Cotisations effectives

182,5

187,3

4,8

2,6

Cotisations fictives

29,9

31,4

1,5

5,0

Cotisations prises en charge par l'État

2,5

19,5

17

Ns

Autres contributions publiques

11,7

12

0,3

2,6

Impôts et taxes affectés

90,9

80,7

- 10,2

- 11,2

Transferts reçus

0,2

0,1

- 0,1

- 50,0

Revenus des capitaux

1

0

- 1

Ns

Autres ressources

4,3

4,1

- 0,2

- 4,7

Total des recettes

323

335,1

12,1

3,7

Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, loi de financement pour 2003.

Le tableau ci-après rappelle, de manière exhaustive, les modifications d'affectations et de montants de recettes prévues par le présent projet.

MONTANT DES RECETTES AFFECTÉES PRÉVUES DANS LES AGRÉGATS
DES PROJETS DE LOI DE FINANCEMENT

(en millions d'euros)

graphique

Source : annexe c du PLFSS 2004.

C.- LE TABLEAU D'ÉQUILIBRE DES MESURES NOUVELLES

Les dépenses nouvelles, ainsi que l'incidence des mesures de recettes, sont partiellement retracées par le tableau d'équilibre contenu dans l'annexe c du présent projet. Celui-ci ne doit pas cependant tromper le lecteur : il ne s'agit naturellement que des évolutions apportées par le projet de loi de financement à l'évolution tendancielle prévue par la Commission des comptes de la sécurité sociale.

En l'occurrence, les suppléments de recettes s'élèveraient globalement à 2,27 milliards d'euros, dont la moitié au titre du remboursement du solde de la dette envers le FOREC pour l'exercice 2000, et 800 millions d'euros au titre du relèvement des droits de consommation sur les tabacs.

Inversement, les dépenses diminueraient de 400 millions d'euros, solde d'évolutions de sens contraire entre la maladie, branche pour laquelle le Gouvernement propose de premières mesures de maîtrise de la croissance des dépenses, et les branches vieillesse-famille, pour lesquelles les décisions arrêtées au printemps et au début de l'été seront favorables, en 2004, aux assurés, avec :

- une diminution des dépenses de maladie de 1,8 milliard d'euros ;

- une hausse des dépenses de retraite de 1,2 milliard d'euros en application de la loi portant réforme des retraites adoptée par le Parlement en juillet dernier ;

- une hausse des dépenses de la branche Famille pour 200 millions d'euros, conformément aux orientations présentées lors de la dernière conférence de la famille.

TABLEAU D'ÉQUILIBRE DES MESURES NOUVELLES

graphique

Source : annexe c du PLFSS 2004.

D.- LA CONSOLIDATION DU DÉFICIT

La consolidation du déficit sur la base des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses présente un intérêt symbolique, mais sa signification doit être relativisée. En effet, les périmètres des agrégats diffèrent sensiblement, notamment en ce que les agrégats de dépenses excluant les régimes de moins de 20.000 cotisants. De même, les agrégats d'objectifs de dépenses n'intègrent pas les dépenses en capital.

ÉVOLUTION DES PRÉVISIONS DE RECETTES ET DE DÉPENSES POUR 2004

(en milliards d'euros)

Recettes
(1)

Objectifs de dépenses
(2)

Écart

(1) - (2)

Loi de financement de la sécurité sociale 2002 initiale

316,5

311,99

+ 5,5

Loi de financement de la sécurité sociale 2002 révisée

315,2

315,7

- 0,5

Loi de financement de la sécurité sociale 2003 initiale

327,5

329,7

- 2,2

Loi de financement de la sécurité sociale 2003 révisée

322,9

332,2

- 9,3

Projet de loi de financement pour 2004

335,1

345,4

- 10,3

Globalement, sur la base des objectifs de dépenses, notamment de maladie, et des prévisions de croissance de la masse salariale retenus pour 2004, les recettes prévues par le présent projet devraient être inférieures aux dépenses des régimes obligatoires de base de plus de 20.000 cotisants de l'ordre de 10 milliards d'euros, soit à peine plus qu'en 2003, sur la base des données révisées.

L'évolution globalement préoccupante, constatée sur les deux dernières années, apparaît donc quasiment stabilisée.

III.- LE RÉGIME GÉNÉRAL : LE CREUSEMENT DU DÉFICIT

Le déficit du régime général croît depuis 2001 de 5 milliards d'euros par an. Ce déficit en 2004, résultante de plusieurs mesures d'effets contraires, devrait atteindre 11,2 milliards d'euros :

- le déficit tendanciel, sans les mesures de redressement prévues par le présent projet de loi de financement, représenterait 13,6 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter l'impact des mesures de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, d'un coût de 1,1 milliard d'euros. Compte tenu de ce coût, le déficit du régime général devrait atteindre 14,7 milliards d'euros ;

- le plan de stabilisation du déficit de l'assurance maladie doit permettre de réduire de 3,1 milliards d'euros ce déficit. Par ailleurs, l'impact du remboursement de la deuxième moitié de la dette FOREC s'élève à 600 millions d'euros. Enfin, la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant aura un coût en 2004 de 200 millions d'euros. Dans ces conditions, le déficit du régime général devrait être réduit de 3,5 milliards d'euros en 2004.

COMPTES DU RÉGIME GÉNÉRAL AVANT LES MESURES DE LA LOI DE FINANCEMENT

(en milliards d'euros)

2001

2002

2003

2004

Croissance annuelle moyenne (2001-2004)
(en  %)

Charges

225,0

234,5

248,0

257,8

4,6

Produits

226,1

231,0

239,0

244,2

2,4

Résultat

1,2

- 3,5

- 8,9

- 13,6

-

Source : ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

La quasi-totalité du déficit global provient de celui de la branche assurance maladie. En effet, c'est cette branche dont les dépenses croissent le plus rapidement (5,7 % en moyenne) alors que ses recettes n'augmentent qu'à peu près au même rythme que celles des autres branches.

La branche retraite était en excédent jusqu'en 2003. En 2004, elle supportera le coût de la mesure relative au départ anticipé des travailleurs âgés. Cette mesure, prévue dans le cadre de la réforme des retraites, permet d'apporter plus d'équité et de justice sociale dans le régime de retraite. En 2004, la branche retraite devrait être, avant les mesures de la loi portant réforme des retraites du 21 août 2003, en excédent de 569 millions d'euros.

Pour leur part, les branches famille et accidents du travail devraient être quasiment à l'équilibre en 2003, et en 2004, grâce, toutefois, pour la première, au versement de la CADES.

IV.- DES PRÉVISIONS DE RECETTES STRUCTURELLEMENT IMPRÉCISES

Les importantes erreurs d'estimation sur les prévisions de cotisations sociales, qui pourraient soulever des interrogations légitimes, appellent un commentaire particulier, que votre Rapporteur appuiera sur les éléments indiqués par la Commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2003.

En l'occurrence, les prévisions de recettes sont naturellement assises en majeure partie sur les hypothèses d'évolution de la masse salariale, puisque 70 % des recettes du régime général sont elles-mêmes assises sur les salaires. Ces hypothèses découlent :

- de l'hypothèse de croissance retenue dans le cadre du projet de loi de finances, étayée par les éléments mentionnés dans le rapport économique et financier qui lui est annexé. De cette hypothèse de croissance économique découle une hypothèse de croissance de l'emploi ;

- de l'hypothèse d'évolution du salaire moyen, encore plus imprécise, puisque dépendant de nombreux facteurs d'effets différents.

En l'occurrence, la masse salariale avait connu en 2000 et 2001 des taux de croissance exceptionnels, de respectivement 6,3 % et 6,4 %, dépassant sensiblement leurs rythmes de moyen terme, qui avaient permis un retour à une situation excédentaire du régime malgré une croissance continue des dépenses.

Depuis 2002, la croissance de la masse salariale, sans redescendre aux niveaux très bas de 1993 et 1994, s'est néanmoins fortement ralentie, à 3,3 % en 2002, puis 2,3 % en 2003, - soit la plus faible progression en valeur réelle, à hauteur de + 0,6 %, depuis 1996 -, et 3,1 % dans la prévision pour 2004. Cette croissance est donc devenue insuffisante pour couvrir l'évolution des charges, dont la dynamique est déterminée par d'autres paramètres que la croissance économique. La croissance très faible retenue pour 2003 a été justifiée presque en totalité par la hausse du salaire moyen, la progression de l'emploi n'étant que de 0,1 point.

Pour 2004, avec l'hypothèse d'un début de reprise, avec une croissance à hauteur de 1,7 %, l'évolution de la masse salariale a été retenue au niveau de 3,1 %, soit 1,6 % en euros constants, compte tenu de l'hypothèse d'une inflation de 1,5 %. Cette croissance en termes réels serait ainsi approximativement égale à la croissance économique en volume. Elle se décomposerait en une hausse de 2,7 % du salaire moyen, et une croissance de 0,4 % de l'emploi.

Par ailleurs, la décélération de la masse salariale se répercute sur les cotisations sociales et sur la CSG, avec toutefois des divergences ponctuelles. En effet, les produits de cotisation subissent d'autres influences, liées principalement aux exonérations, mais aussi aux produits à recevoir. C'est ainsi que s'explique le fait que les produits de cotisations progressent sensiblement plus vite que la masse salariale en 2003, et moins vite en 2004. Il existe également des effets internes, entre régimes. Ainsi, la CSG reçue par le régime général a été freinée sur la période 2002-2003 par les règles de répartition de la CSG-maladie, qui se sont traduites par de fortes augmentations de la CSG attribuée aux autres régimes que la CNAM, celle-ci ne recevant que le solde. Au niveau de l'ensemble de l'agrégat des recettes de la loi de financement, cet effet interne ne joue cependant évidemment pas.

D'autres recettes, assises sur d'autres assiettes, ont également ralenti sur la période considérée, notamment les prélèvements sur les revenus du patrimoine et de placement, qui ont subi en 2002 les conséquences de la crise boursière. De même, certaines recettes, à l'instar des droits de consommation sur les tabacs, pâtissent de difficultés croissantes d'appréhension de leur élasticité-tarif.

Enfin, et peut-être est-ce là l'un des effets les plus considérables, l'énormité des montants en jeu se traduit, pour une erreur proportionnellement très faible, par des écarts de produits fort importants. Une erreur d'un point de base (soit 0,1 %) sur la prévision de croissance des cotisations et contributions sociales représente, sur un an, 182 millions d'euros, et une erreur de dix points de base (soit 1 %) un écart, sur un an, de 1,8 milliard d'euros. Compte tenu de l'ampleur des erreurs de prévision constatées sur la croissance économique, en raison d'évolutions intervenues en cours d'année, il va de soi que les prévisions de recettes, et donc de déficit, à évolution des dépenses inchangées et dépendant, en tout état de cause, de facteurs exogènes à l'économie pour la partie maladie, sont nécessairement entachées, par construction, d'une imprécision difficilement évitable dans un monde moderne qui ne se caractérise pas par la prévisibilité économique.

V.- QUELQUES ÉLÉMENTS D'INFORMATION ENCORE À PRÉCISER

À la demande de l'Assemblée nationale, et en parfaite cohérence avec les conclusions du rapport 2002 de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, et du rapport du Conseil des impôts pour 2003 présenté ultérieurement, l'article 9 de la loi de financement pour 2003 a prévu le dépôt, tous les cinq ans, mais sans date initiale, d'un rapport présentant ce qui pourrait être qualifié de dépenses sociales, c'est-à-dire les pertes d'assiette de cotisations sociales, équivalent au tome II de l'annexe des « Voies et moyens » au projet de loi de finances qui recense les dépenses fiscales.

L'administration n'a pas été en mesure de présenter le premier rapport de ce type. Elle ne pourra le faire que l'an prochain, ou plus vraisemblablement l'année suivante, car les données disponibles pour établir ce document sont encore insuffisantes. Votre Rapporteur insistera sur la nécessité de ne pas perdre cet objectif de vue, car ledit document s'avère absolument indispensable pour avoir une vision claire des moins-values de recettes des régimes sociaux, et juger, à intervalle régulier, de l'opportunité de les maintenir.

De même, votre Rapporteur souhaite que les conclusions du rapport conjoint de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale, prévu par l'article 8 de la loi de financement pour 2003 et transmis très récemment à la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, fassent l'objet d'une large diffusion, de manière à ce que les conclusions en soient tirées, en termes juridiques et financiers, dès 2005, dans le sens de l'équilibre et de la transparence. Pour autant, il conviendra naturellement de tenir compte des évolutions intervenues depuis lors, notamment la budgétisation du FOREC et la réintégration de plusieurs recettes fiscales au sein du budget de l'État, ainsi que le transfert, financièrement compensé, de la charge du RMI aux départements.

CHAPITRE II : UNE SIMPLIFICATION PARTICULIÈREMENT ATTENDUE DU SCHÉMA GLOBAL DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Depuis la création des lois des financement, se pose la question récurrente de leur contenu, en particulier compte tenu de l'apparition de nouveaux mécanismes de protection sociale qui ne peuvent, par leur construction, correspondre aux critères originels déterminant le champ des lois de financement. Tel est notamment le cas des nouveaux régimes obligatoires mais complémentaires (retraite complémentaire des exploitants agricoles, couverture maladie universelle complémentaire, ...).

Deux des mesures financières les plus importantes contenues dans le présent projet vont dans le sens de l'amélioration de la transparence et de la lisibilité des comptes et des flux financiers. L'une règle le solde de la dette de l'État datant maintenant de trois ans. L'autre consiste à réintégrer le FOREC dans le budget général, sur le budget du travail et de l'emploi, avec la réaffectation parallèle des recettes fiscales correspondantes.

I.- LA CADES DE NOUVEAU MOBILISÉE POUR FINANCER LE SOLDE DE LA DETTE DE L'ÉTAT ENVERS L'ACOSS AU TITRE DU FOREC

La disposition du projet de loi de financement pour 2002 tendant à l'annulation de la créance des organismes de sécurité sociale sur le FOREC au titre de l'exercice 2000 a été censurée, après son adoption, par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2001-453 du 18 décembre 2001 considérant notamment « qu'eu égard au montant de cette créance, à la situation financière de ces régimes, ainsi qu'à l'exigence constitutionnelle qui s'attache à l'équilibre financier de la sécurité sociale, le souci de remédier aux difficultés financières du fonds créé par l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale ne constitue pas un motif d'intérêt général suffisant pour remettre en cause rétroactivement les résultats d'un exercice clos » (considérant 28).

À la suite de cette décision, le Gouvernement précédent a réaffirmé son intention de ne pas honorer la créance de l'exercice 2000. Une lettre des ministres de l'économie des finances et de l'industrie et de l'emploi et de la solidarité du 21 février 2002 a, en effet, donné pour instruction aux agents comptables de l'ACOSS et des caisses nationales de passer dans leurs comptes 2001 des provisions pour le montant total de la créance non compensée en 2000.

Ces provisions ont été inscrites dans les comptes des régimes par les agents comptables pour un montant total de 2.325 millions d'euros (2.194 millions d'euros pour le régime général et de 131 millions d'euros pour la Caisse centrale de MSA) correspondant aux données comptables définitives. Les conseils d'administration des caisses ont par la suite arrêté les comptes de l'exercice 2001.

Souhaitant apurer intégralement la considérable créance enregistrée en 2000 par les organismes de sécurité sociale au titre des exonérations de cotisations entrant dans le champ du FOREC, le présent projet intègre la seconde mesure permettant d'annuler le solde de la provision pour le régime général, après une première mesure prise dans le cadre de la précédente loi de financement. La totalité de la dette a, pour sa part, été intégralement annulée en 2003 pour les autres régimes de salariés concernés.

Le solde de la prise en charge de cette dette sera, comme en 2003, prélevé sur la CADES qui versera un total de 1.097  millions d'euros en 2004, complétant le montant de 1.097 millions d'euros effectué en 2003.

Pour cette année, ce versement sera réparti entre les caisses nationales des trois branches du régime général au prorata de leurs créances sur le FOREC. Il est à noter que cette recette, qui permet par exemple d'équilibrer les comptes de la CNAV, n'est évidemment pas reconductible.

VENTILATION DES VERSEMENTS AUX DIFFÉRENTES BRANCHES

(en millions d'euros)

CNAM

AT-MP

CNAV

CNAF

Total

Versement dette FOREC

474

90

329

204

1.097

Source : ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

COMPTES DE RÉSULTAT SIMPLIFIÉ DE LA CADES DE 2001 À 2003

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

Produit net de la CDRS

4.599

4.708

4.863

Produits de la vente d'immeubles

4

5

0

Frais financiers nets et autres charges

- 1.583

- 1.478

- 1.430

Remboursement à l'état

- 1.852

- 3.000

- 3.000

Versement au titre du FOREC

- 1.283

- 1.097

Résultat (*)

1.168

- 1.048

- 664

Source : annexe f du présent projet.

(*) Le résultat positif est affecté à l'amortissement de la dette de la CADES.

II.- LA REBUDGÉTISATION DU FOREC : UNE SIMPLIFICATION LONGTEMPS ATTENDUE

La budgétisation du FOREC traduit la première grande réforme de simplification des flux de financement des régimes de sécurité sociale entrant dans le champ des lois de financement. Cette mesure, qui présente l'immense avantage de la clarification des relations entre le budget de l'État et les comptes de la sécurité sociale, représente le retour à une situation que beaucoup, dont votre Rapporteur, appelaient chaque année de leurs vœux : à savoir la suppression de la fiction financière de l'équilibre du FOREC. De surcroît, une fois ce transfert légitime opéré, le débat sur le projet de loi de financement pourra être intelligemment recentré sur ce qui doit faire son contenu substantiel, à savoir la problématique de l'évolution du coût et du financement du risque maladie, à laquelle tous les pays développés sont confrontés.

La budgétisation du Fonds prend, naturellement deux formes : la rebudgétisation des dépenses, et la réaffectation en recettes du budget général des ressources fiscales directement affectées au FOREC à leur création, ou transférées précédemment du budget général pour couvrir les dépenses du fonds de financement. Les dispositifs normatifs traduisant cette réforme sont partagés entre le présent projet de loi de financement et la première partie du projet de loi de finances.

A.- LA BUDGÉTISATION DES DÉPENSES ET LA RÉAFFECTATION AU BUDGET GÉNÉRAL DES RESSOURCES FISCALES AFFECTÉES

1.- La budgétisation des dépenses

La budgétisation du FOREC comprend, en premier lieu, la réintégration des charges de remboursement des exonérations de cotisations sociales dans le budget de l'emploi, pour un montant, en 2004, de 17,1 milliards d'euros, après 16,6 milliards d'euros prévus en 2003.

Cette opération est cohérente avec l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, introduit par la loi du 25 juillet 1994, qui prévoit que les exonérations de cotisations sociales doivent être compensées par l'État.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, a instauré, depuis le 1er juillet 2003, un nouveau dispositif d'allègement de cotisations qui se substitue à la réduction dégressive sur les bas salaires, dite « ristourne Juppé », ainsi qu'à l'allègement de charge dit « Aubry II », créé par la loi du 19 janvier 2000. Ce nouveau dispositif, dit « dispositif Fillon », va progressivement monter en charge sur une période transitoire de deux années.

L'allègement Fillon devrait représenter un montant de 6,6 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales compensées par le FOREC, en 2003, pour le seul régime général. Le chiffrage précis des effectifs n'est pour l'heure pas disponible.

2.- La réaffectation des recettes du FOREC

Parallèlement, cette opération de transparence budgétaire et des comptes s'accompagne naturellement de la réaffectation au budget général des recettes fiscales qui avaient été progressivement affectées au fonds. En l'occurrence, celle-ci a été prévue par l'article 24 du projet de loi de finances.

Sont ainsi sortis du périmètre des lois de financement les taxes et les montants correspondant suivants :

ÉVOLUTION DES RESSOURCES DU FOREC ENTRE 2001 ET 2004 (PRÉVISIONS)

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004
(recette FOREC affectée à l'Etat)

Droits sur les alcools

2.851

2.627

2.510

2.535

Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)

522

640

500

510

Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (CSB)

1.056

785

740

740

Taxe sur les conventions d'assurance

1.054

1.504

2.260

2.375

Taxe sur les véhicules de société

701

756

770

780

Taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire

-

579

490

505

Taxe sur les primes d'assurance automobile

-

947

965

965

Droits sur les tabacs (voir plus bas pour la répartition des recettes entre l'Etat, le BAPSA et le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles)

8.497

7.798

7.432

7.432

Total

14.681

15.639

15.667

15.842

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Seuls les droits de consommation sur les tabacs prévus à l'article 575 du code général des impôts n'ont pas été intégralement réaffectés : en effet, alors qu'ils étaient affectés à 100 % à la sécurité sociale (pour 84,45 % au FOREC, pour 15,20 % à la CNAMTS, et pour 0,35 % au FCAATA (1)), le projet de loi de finances prévoit pour 2004 la répartition suivante :

- 22,27 % demeurent à la CNAMTS ;

- 50,16 % sont affectés au BAPSA, en recettes de l'État, mais également en recettes de la sécurité sociale ;

- 0,32 % vont au FCAATA ;

- 0,31 % au FIPSA (2), fonds de financement que le projet de loi de finances propose de créer en contrepartie de la suppression du BAPSA exigée par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

- et 26,94 % au budget général, sortant donc du périmètre des lois de financement, soit 2.587 millions d'euros.

Le choix de ces fractions vise :

- à laisser à l'État (budget général et BAPSA) un montant gelé au niveau de celui affecté au FOREC en 2003, soit 7.342 millions d'euros ;

- à affecter l'intégralité du produit supplémentaire résultant du relèvement des taux prévu par l'article 5 du présent projet de loi de financement, soit 800 millions d'euros, à la CNAMTS.

Par ailleurs, en contrepartie, le projet de loi de finances prévoit de réaffecter au budget de l'État (donc hors loi de financement), la part de recettes de TVA revenant jusqu'alors au BAPSA (4.646 millions d'euros de produit net), ainsi que, beaucoup plus marginalement, une fraction des droits de consommation finale d'alcool auparavant affectée au BAPSA (19 millions d'euros). Disparaît également, en 2004, la subvention budgétaire d'équilibre du BAPSA de 150 millions d'euros.

Globalement, la rebudgétisation du fonds se traduit en 2004 par une charge nette, pour le budget de l'État, de 1,25 milliard d'euros. Cette charge n'est évidemment que très partiellement compensée par le versement en recettes non fiscales de 382 millions d'euros provenant du fonds de roulement du FOREC.

Après 2004, le budget général devra supporter la charge croissante résultant de la différence de dynamique de l'assiette des impositions réaffectées au budget (soit 2 à 3 % par an), - à taux constant de ces différentes taxes -, et des allègements de charges sociales. Ainsi, selon le rapport général sur le projet de loi de finances pour 2004, l'impact de cet effort d'allègement de charges supplémentaires a d'ores et déjà été évalué à 3,2 milliards d'euros.

Sur un point plus particulier, votre Rapporteur soulignera que les changements de mode de recouvrement de deux des taxes réaffectées au budget général, - la taxe sur les contributions au financement des prestations de prévoyance complémentaire et la contribution sur les contrats d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur -, évoquées par l'exposé des motifs de l'article 3 du projet de loi de financement, ne seront en réalité prévues qu'après l'année 2004. Si leur objet est connu (transfert du recouvrement de l'ACOSS et des URSSAF aux services de l'État), elles ne sont présentées ni dans le présent projet de loi de financement, ni dans le projet de loi de finances.

B.- LA LIQUIDATION DU FONDS

L'opération de liquidation du fonds est juridiquement partagée entre :

- le projet de loi de finances pour 2004, dont l'article 18 pose le principe du transfert des biens, droits et obligations du FOREC à l'État à compter du 1er janvier prochain, y compris les 382 millions d'euros de fonds de roulement. Cette disposition est naturellement indispensable en première partie du projet de loi de finances, dans la mesure où elle a une incidence directe sur le montant des recettes non fiscales ;

- le présent projet de loi de financement, dont l'article 3 abroge l'ensemble des dispositifs qui fondent l'existence, les règles et le fonctionnement du fonds, à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi de finances (habituellement promulguée plus tardivement que la loi de financement, le 30 ou le 31 décembre de l'année).

Votre Commission des finances a décidé, pour sa part, de supprimer de l'article du projet de loi de finances les dispositions redondantes avec celles du projet de loi de financement (abrogation des articles L. 131-8 à L. 131-11 du code de la sécurité sociale).

III.- LES PRINCIPALES MESURES DE RECETTES

Contrairement aux années précédentes, et en raison de la rebudgétisation du FOREC, le présent projet se limite à proposer des mesures d'une relative simplicité, consistant pour l'essentiel à modifier quelques clefs de répartition sur des produits d'impositions déjà partiellement transférées.

A.- LA POURSUITE DE LA POLITIQUE DE RELÈVEMENT PLURIANNUEL DES DROITS DE CONSOMMATION SUR LE TABAC

Les mesures relatives aux droits de consommation sur les tabacs constituent l'un des volets importants du présent projet de loi de financement, et du projet de loi de finances, en raison du nouveau partage du produit entre le budget de l'État.

L'article 4 du présent projet prévoit une nouvelle hausse des droits de consommation, applicable à compter du 5 janvier 2004, après l'augmentation prévue par la loi n° 2003-715 du 31 juillet 2003 visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes.

Celle-ci a intégré, à la demande du Gouvernement, une hausse des droits de consommation sur le tabac, qui interviendra à compter du 20 octobre 2003, au moment de la parution de l'arrêté indiquant les relèvements de prix de vente des cigarettes au détail. Outre son dispositif central d'interdiction de vente aux mineurs de seize ans, et de suppression de la possibilité de vendre des paquets de moins de vingt cigarettes, la loi précitée aura pour effet d'augmenter :

- le taux normal applicable aux cigarettes de la classe la plus demandée de 58,99 euros à 62 euros (+ 5 %) ;

- le minimum de perception, d'une ampleur limitée, demandé et obtenu par votre Rapporteur en juillet dernier, de 106 euros à 108 euros, de façon à éviter l'effet bien connu de report des jeunes vers les cigarettes les moins chères.

Le nouveau relèvement proposé par le projet de loi de financement a été évoqué, lors de la discussion de la proposition de loi précitée, le 10 juillet 2003, comme une nécessité pour la cohérence de la fiscalité des tabacs au regard des effets recherchés sur les habitudes de consommation des fumeurs. Pour garantir la lisibilité de la politique du Gouvernement par les consommateurs, il est en effet indispensable d'éviter de voir les prix des cigarettes les moins chères demeurer inchangés. Il faut également éviter que les prix des cigares d'entrée de gamme passent en dessous de ceux des cigarettes, et limiter les effets de report excessifs des cigarettes manufacturées vers les tabacs à rouler.

La hausse proposée au Parlement prend les deux formes complémentaires indispensables pour assurer cette cohérence :

- le relèvement du taux normal applicable aux cigares (de 20 euros à 25 euros, soit + 20 %), aux tabacs fine coupe à rouler (de 51,69 euros à 56 euros), aux autres tabacs à fumer (de 47,43 euros à 49,85 euros), aux tabacs à priser (de 40,89 euros à 43 euros), et aux tabacs à mâcher (de 28,16 euros à 29,6 euros) ;

- la hausse très sensible du minimum de perception par 1.000 cigarettes (de 108 euros à 128 euros, soit + 18,5 %), par kilogramme de tabacs de fine coupe à rouler (de 56 euros à 68 euros, soit + 21 %), pour les autres tabacs à fumer (de 45 euros à 60 euros, soit + 33 %), et pour 1.000 cigares (de 55 euros à 89 euros, soit + 62 %). Le relèvement de 20 euros du minimum de perception est le plus élevé a priori compatible avec le maintien à 4,10 euros du paquet de cigarettes les moins chères.

(en euros)

Montant du minimum

Prix plancher correspondant

Prix cigarettes la moins chère

Avant la hausse du 20 octobre

106

3,57

3,4

Après le 20 octobre

108

3,41

4,1

Après le projet de loi de financement pour 2004

128

4,1

4,1

Source : Ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie.

Globalement, la hausse du produit attendu atteindrait 800 millions d'euros, selon les hypothèses de répercussion sur les prix au détail, et d'élasticité-prix de la consommation, retenues par le Gouvernement. Elle serait intégralement affectée à la CNAMTS.

Mais le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003 relève des difficultés importantes dans la détermination de l'impact financier global.

En effet, la loi de financement pour 2003 avait prévu une hausse du produit des droits de consommation sur les tabacs de 900 millions d'euros, - de 8,7 milliards d'euros à 9,6 milliards d'euros - à la suite du passage de 87 euros à 106 euros pour les cigarettes brunes et de 90 euros à 106 euros pour les cigarettes blondes du minimum de perception. Le gain de produit attendu avait été estimé sur la base de l'élasticité-prix retenue par l'INSEE à la suite d'une étude de 1997 (3), de - 0,3, c'est-à-dire d'une diminution de la consommation de 0,3 % pour une hausse du prix de 1 %.

Or, la prévision de produit de l'imposition pour l'année 2003 n'atteindrait, aujourd'hui, que 100 à 200 millions d'euros. Cette faible croissance du produit s'explique par deux phénomènes cumulatifs :

- la répercussion sur les prix au détail de la hausse de la fiscalité n'a été que de 11 %, au lieu des 17 % attendus ;

- le volume de cigarettes consommées est également plus faible : l'élasticité constatée se serait réduite à - 0,8. La commission des comptes ajoute d'ailleurs que la baisse des volumes aurait été encore plus forte si la revalorisation des prix au détail avait été aussi forte qu'initialement prévu (soit 17 %).

Les industriels, pour leur part, mentionnent actuellement la possibilité qu'ait été atteint un niveau d'élasticité-prix de - 1, ce qui correspondrait à une diminution du produit d'un pourcentage égal à la hausse des prix, et donc se traduirait par un niveau de recettes fiscales qui aurait atteint son plafond en valeur absolu, toute augmentation du prix étant strictement compensée par une diminution du volume (donc du produit des taxes) d'un pourcentage égal, voire supérieur.

Par ailleurs, le projet de loi de finances intègre un relèvement de la taxe sur les tabacs fabriqués, prévue par l'article 1609 unvicies du code général des impôts, représentant environ un euro par paquet, permettant de faire croître le produit de cette imposition, affectée au BAPSA, de 81 millions d'euros à 382 millions d'euros, avec un passage du taux applicable de 0,74 % à 3,17 %.

L'ensemble conduirait à un relèvement des tarifs, sur les douze mois de janvier 2003 à janvier 2004, de l'ordre de 45 %, qui pourrait conduire d'une part à une multiplication des circuits parallèles de ventes en fraudes, et, d'autre part, à une forte diminution du volume consommé. Cette dernière constitue cependant, s'il faut le rappeler, précisément l'un des objectifs de la hausse de la fiscalité sur les tabacs, affectée à la CNAMTS.

L'estimation d'un supplément de produit de 800 millions d'euros précitée est fondée sur l'hypothèse d'une élasticité intermédiaire entre celle habituellement utilisée et celle constatée empiriquement en 2002, à hauteur de - 0,6.

B.- L'ACCÉLÉRATION DU VERSEMENT DU PRODUIT DE LA CSSS

Le produit de la CSSS est affecté à quatre régimes d'assurance vieillesse de base, au BAPSA, au Fonds de réserve des retraites, ainsi qu'au Fonds de solidarité vieillesse.

Sont détaillées ci-dessous les attributions effectuées de 1997 à 2002 et les prévisions pour 2003 et 2004. Ce tableau retrace le fait que, à partir de 2004, le versement de la CSSS au FSV au titre de l'exercice courant lui sera attribué à la fin de l'exercice et non lors de l'exercice suivant. Il s'ensuit un supplément de recettes très significatif pour l'année 2004, qui intègre le versement du solde au titre de deux exercices. Ce gain n'est cependant évidemment pas reconductible.

ÉQUILIBRE EMPLOIS-RESSOURCES DE LA CSSS

(en millions d'euros)

EMPLOIS

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

CANAM

548,8

798,5

269,8

159,2

598,4

703,5

909,4

1.328,0

CANCAVA

599,3

718,5

626,3

287,6

476,5

321,5

259,8

312,0

ORGANIC

896,9

943,1

129,5

512,7

818,4

730,6

-81,0

532,0

CNREBTP

43,8

54,7

45,0

39,9

43,2

40,0

39,4

42,0

BAPSA

152,5

152,4

567,4

520,0

650,0

775,0

FRR

305

Charges de recouvrement

9,6

9,7

9,8

9,7

10,0

12.4

12,4

12,5

TOTAL

2.098

2.525

2.438

2.262

2.514

2.328

1.790,0

3.001,5

RESSOURCES

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

C3S

2.360,5

2.491,8

2.612,0

2.760,6

3.043,6

3.220,7

3.269,0

3.357,0

placement de la trésorerie

21,0

25,9

25,6

52,2

37,0

28,8

25,0

25,0

TOTAL

2.382

2.518

2.638

2.813

3.081

3.249,5

3.294,0

3.382,0

RÉSULTAT

283

-7

200

551

567

921,5

1.504,0

380,5

Transfert au FSV

623

551

567

921,5

1.884,5

Source : Direction de la sécurité sociale.

IV.- DES MODIFICATIONS PLUS PONCTUELLES DU PROJET
EN MATIÈRE DE RECETTES

Le présent projet comprend diverses mesures relatives aux recettes prises en compte dans les agrégats des lois de financement, d'importance toutefois plus mineure.

A.- DIVERSES MESURES D'AMÉLIORATION DU PRODUIT ET DE SON  RECOUVREMENT

1.- La fiscalité pesant sur les dépenses de promotion

La réforme de la fiscalité pesant sur les dépenses de promotion médicales (articles 9 et 10) pourrait produire un supplément de 170 millions d'euros, dont 150 millions d'euros au titre de l'augmentation de la taxe existante sur les dépenses de promotion des laboratoires, et 20 millions au titre de l'extension du dispositif aux équipements médicaux (prothèses, ...).

En ce qui concerne la première, elle a déjà fait l'objet en 2003 d'une première simplification de l'assiette et du taux. Le dispositif proposé par le présent projet modifie pour sa part le barème, en le rendant progressif par tranche de dépenses de promotion.

Le barème proposé conduirait à une augmentation, considérable, de 65 %, et permettrait de lever une inéquité, souvent critiquée, du fait que le mécanisme actuel avantage les laboratoires les plus importants, en mesure de moduler leur politique promotionnelle sur un nombre important de médicaments remboursables, alors que les laboratoires plus petits qui n'exploitent qu'un nombre réduit de spécialités sont contraints de maintenir un fort niveau de promotion sur l'ensemble des médicaments qu'ils exploitent.

DISPOSITIF APPLIQUÉ EN 2002 ET 2003

Assiette en fonction du facteur R = dépenses /chiffre d'affaires HT
(en %)

Montant constaté en 2002
(en millions d'euros)

Taux

applicable en 2002

(en %)

Taux

applicable en 2003

(en %)

Tranche 1 : R < 10 %

147,8

9,5

13

Tranche 2 : 10 % = ou < R < 12 %

19,6

17

19

Tranche 3 : 12 % = ou < R < 14 %

16,1

25

27

Tranche 4 : R > 14 %

30,3

31

32

Total

213,7

DISPOSITIF PROPOSÉ À COMPTER DE 2004

Part de l'assiette

(en millions d'euros)

Taux

applicable

(en %)

Tranche 1 :P < 2,5

17

Tranche 2 : 2,5<P<6

20

Tranche 3 : 6<P<18

24

Tranche 4 : P>18

28

Le produit attendu de la seconde contribution, nouvelle, est pour sa part relativement incertain, compte tenu du peu de données disponibles sur le chiffre d'affaires et les dépenses de promotion du secteur des équipements médicaux. Si l'on se réfère à l'importance relative de ces dépenses dans le secteur hospitalier, au nombre élevé de congrès divers, le montant de 20 millions d'euros n'apparaît cependant pas irréaliste, et pourrait même être dépassé.

2.- Les autres mesures nouvelles de recettes

L'élargissement du recours contre tiers en cas d'accidents (article 5) devrait permettre un supplément de recettes estimé à 100 millions d'euros, compte tenu surtout d'ailleurs de mesures de même nature, mais de niveau réglementaire ou conventionnel, avec les assurances, en matière d'accidents de la circulation. En effet, la CNAM a constaté, en la matière, un déficit d'information important de la part des assurances, pourtant normalement sanctionnées en cas de carence de déclaration. Ainsi, en 2002, sur 8.696 dossiers ouverts, seulement 918 ont été détectés par transmission des assureurs. Compte tenu de la nature de la mesure, il va de soi que ce montant ne constitue toutefois qu'un ordre de grandeur vraisemblable, en proportion du rendement global de la procédure, qui, pour le régime général, en 2002, s'élevait à 866 millions d'euros.

Le montant attendu de l'amélioration du régime de la contribution sur la distribution en gros de médicaments due par les grossistes-répartiteurs et par les laboratoires assurant la vente directe de leurs produits (article 11) n'est pas indiqué dans le tableau d'équilibre des mesures nouvelles. En effet, le dispositif proposé ne modifie pas le produit attendu, mais le répartit différemment entre les redevables. Le taux, actuellement défini sur la base de la croissance globale du secteur, avec six tranches d'imposition selon la croissance constatée du chiffre d'affaires de trimestre à trimestre,  - indépendamment de l'entreprise redevable -, deviendrait une contribution individualisée, plus juste, assise sur la croissance annuelle de chaque entreprise assujettie.

Enfin, le produit attendu de la fixation du taux K pour 2004 est de 125 millions d'euros (article 12). Le taux K est l'un des paramètres de calcul de la contribution définie aux articles L.138-10 et suivants du code de la sécurité sociale, dite de « clause de sauvegarde ». Cette contribution est calculée et payée au début de l'année suivante. Elle est versée, dans les faits, par un très petit nombre d'entreprises. En effet, la plupart des laboratoires concernés préfèrent passer convention, selon une option prévue par le texte précité, avec le comité économique des produits de santé (CEPS) en vue du paiement de remises quantitatives de fin d'année. Le projet de loi de financement prévoit d'abaisser le taux K de 4 %, valeur fixée pour 2003, à 3 %. Le produit correspondant sera versé en 2005.

3.- Une mesure absente du projet : l'abrogation de la taxe sur  les bières fortes

Le présent projet de loi de financement n'a pas prévu la disposition, pourtant annoncée par le Gouvernement, d'abrogation de la taxe sur les bières fortes titrant plus de 8,5° d'alcool instituée par l'article 13 de la précédente loi de financement à hauteur de 200 euros par hectolitre de produit.

Ainsi que le mentionne l'annexe portant sur la mise ne œuvre des dispositions de la loi de financement pour 2003, la Commission européenne, considérant cette nouvelle taxe comme une mesure protectionniste, a en effet envoyé le 2 avril 2003 une lettre mettant en demeure la France de renoncer à cette mesure. Au vu des arguments présentés, le Gouvernement lui a répondu en mai en précisant qu'il n'appliquerait pas cette mesure et proposerait au Parlement de la supprimer dès que possible.

B.- DES MESURES D'ALLÈGEMENTS DES CHARGES ET CONTRIBUTIONS  SOCIALES

Le présent projet prévoit deux mesures d'exonérations de cotisations sociales :

- l'exonération sociale des jeunes entreprises innovantes (article 7), qui complète le dispositif fiscal prévu par l'article 6 du projet de loi de finances pour 2004. L'incidence de ce dispositif, qui en tout état de cause n'est pas majeure, - mais estimée néanmoins à 50 millions d'euros -, devrait être marginale pour la sécurité sociale, car cette exonération est destinée à être prise en charge par le budget de l'État : le tableau des mesures nouvelles à l'annexe c du projet de loi de financement ne prévoit d'ailleurs qu'un coût strictement nul. En conséquence, il serait judicieux que ce dispositif soit supprimé du présent projet, et transféré en deuxième partie du projet de loi de finances, en article rattaché au budget Travail, santé et solidarité ou Charges communes ;

- les exonérations transitoires de contribution sur les institutions de retraite supplémentaires (article 8), qui correspondent à la mise en œuvre d'une mesure prévue dans le cadre de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

CHAPITRE III : LES MESURES DE TRÉSORERIE
ET DE RECOUVREMENT

Le projet de loi prévoit, dans son titre V, deux articles relatifs à la trésorerie et au recouvrement des recettes de la sécurité sociale. Le premier est obligatoire, puisqu'il s'agit de déterminer les plafonds d'emprunt des régimes sociaux, conformément aux exigences de la loi organique. Le second comprend un ensemble de mesures de modernisation du recouvrement de diverses taxes collectées par l'ACOSS.

I.- DES PLAFONDS DE BESOINS DE TRÉSORERIE QUI TRADUISENT L'AMPLIFICATION PRÉVISIBLE DU CREUSEMENT DU DÉFICIT

A.- LE RELÈVEMENT DU PLAFOND DE 2,5 MILLIARDS D'EUROS DE DÉCOUVERT DU RÉGIME GÉNÉRAL POUR 2003

Conformément à la procédure définie à l'article L.O. 111-5 du Code de la sécurité sociale, l'article 60 du présent projet propose au Parlement de ratifier le relèvement de 2,5 milliards d'euros du plafond d'emprunt autorisé pour le régime général, tel qu'il a été déterminé par le décret du 30 septembre 2003. Le rapport du Gouvernement accompagnant cette demande de ratification en application de la loi organique a été transmis au Parlement, et n'appelle pas de commentaire particulier sur l'opportunité de satisfaire à la demande du Gouvernement, qui paraît malheureusement incontournable en raison de l'évolution moins rapide que prévue de la masse salariale et la croissance plus forte que prévue des dépenses de santé.

La trésorerie du régime général enregistrera sur cet exercice un solde moyen estimé à - 5,1 milliards d'euros. Elle connaîtra sur l'exercice une variation négative de - 11,6 milliards d'euros, atteignant en fin d'année un solde de - 13,2 milliards d'euros (contre - 1,6 milliards d'euros au 31 décembre 2002). Cette variation de trésorerie sera inférieure de 2,1 milliards d'euros à l'estimation qui en avait été faite au moment de la préparation de la loi de financement pour 2003.

Le profil de trésorerie de l'exercice présente une situation dégradée par rapport à celui de 2002. Il se caractérise notamment par une augmentation sensible du nombre de jours négatifs : 311 jours contre 114 en 2002. La trésorerie du régime général n'a connu des soldes positifs significatifs qu'au cours du premier trimestre. Depuis lors, le solde se dégrade continûment. Á la mi-septembre 2003, il était envisagé que le point le plus bas de la trésorerie pour cette année soit atteint le 13 octobre avec - 13,3 milliards d'euros. Ce point bas se situe 2,7 milliards d'euros en dessous de celui qui avait été estimé lors de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Le relèvement à 15 milliards d'euros permet une marge d'erreur prudente et utile, d'ici la fin de l'année.

graphique

Source : annexe c du projet de loi de financement.

B.- UN NOUVEAU RELÈVEMENT IMPORTANT PROPOSÉ POUR 2004

1.- Le doublement du plafond pour le régime général

Le profil du régime général pour 2004 est construit sur la base des hypothèses de la Commission des comptes de la sécurité sociale et intègre les mesures proposées en projet de loi de financement pour l'année prochaine. Dans ces conditions, la trésorerie 2004 partirait du point d'entrée négatif de 13,2 milliards d'euros.

La variation annuelle de trésorerie serait de - 19,3 milliards d'euros, le solde au 31 décembre atteignant donc - 32,5 milliards d'euros. Le solde moyen sur cet exercice est estimé à - 19,0 milliards d'euros. Le point le plus haut est prévu au mois de janvier avec - 5,4  milliards d'euros tandis que le besoin de trésorerie le plus élevé serait de 32,5 milliards d'euros à la fin du mois de décembre. Cette prévision justifie la revalorisation du montant du plafond en 2003, à 33 milliards d'euros, pour prendre en compte d'éventuelles erreurs de prévision.

graphique

Source : annexe c du projet de loi de financement.

En effet, les prévisions de trésorerie du régime général sont effectuées par l'ACOSS. Elles dépendent d'hypothèses macroéconomiques et des hypothèses qui sont faites sur le positionnement jour par jour des flux d'encaissements et de tirages. Ces hypothèses sont très sensibles à des décalages concernant la mise en paiement de certaines dépenses : un décalage d'une journée sur l'échéance mensuelle des pensions du régime général peut faire varier le solde journalier des opérations de trésorerie de plusieurs milliards d'euros. Elles dépendent également des aléas de recouvrement : un décalage d'une journée sur l'encaissement par les URSSAF d'une échéance mensuelle de paiement des cotisations peut également faire varier le solde journalier des opérations de trésorerie de plusieurs milliards d'euros. L'ensemble de ces éléments crée une incertitude importante et oblige à une certaine prudence dans la fixation du montant du plafond de trésorerie autorisé.

2.- La situation du BAPSA : les conséquences de la  mensualisation des retraites pour le régime des exploitants  agricoles

Pour le BAPSA, le plafond de découvert autorisé est également doublé, pour être porté de 2,1 milliards d'euros à 4,1 milliards d'euros, de façon à tenir compte du déficit prévisionnel 2003 du régime, des réformes intervenant dans le financement des prestations sociales agricoles et de l'impact de la mensualisation des retraites agricoles (aujourd'hui versées trimestriellement), dont le principe a été adopté dans le cadre de la réforme des retraites intervenue en juillet dernier.

La mensualisation des pensions de retraite a un coût estimé à 1,4 milliard d'euros, car elle induit la première année le paiement de 14 mois de pensions au lieu de 12, en raison du paiement en janvier 2004 du dernier trimestre 2003, de 11 échéances mensuelles entre février et décembre. Les besoins de trésorerie correspondants seront financés par un emprunt spécifique dont les intérêts seront pris en charge par le nouvel établissement public prévu par l'article 23 du projet de loi de finances pour financer les prestations sociales des exploitants agricoles, et qui se substituera définitivement au BAPSA en 2005.

Par ailleurs, la substitution de droits tabac versés par douzièmes à la subvention d'équilibre de l'État et à la rétrocession de TVA se traduit en trésorerie en début d'année par une diminution des ressources du régime. Pour plus de détails, votre Rapporteur renverra le lecteur au rapport spécial sur le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2004 de notre collègue M. Yves Censi.

Dans l'hypothèse où les produits attendus des droits de consommation et de la taxe sur les tabacs fabriqués seraient inférieurs aux estimations retenues, il serait alors nécessaire de prévoir un relèvement, par décret, en cours d'année, du plafond de recours aux avances pour le BAPSA.

graphique

Source : annexe c du projet de loi de financement.

3.- Les autres régimes : le maintien du plafond d'emprunt

Pour la CNRACL, la CANSSM et le FSPOEIE, il est proposé - compte tenu des prévisions de trésorerie de ces régimes - de fixer des plafonds d'emprunt pour 2004 identiques à ceux de 2003.

ÉVOLUTION DES PLAFONDS DE TRÉSORERIE

(en milliards d'euros)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

LFSS

Révision par décret

LFSS

LFSS

LFSS

LFSS

Révision par décret

PLFSS

Régime général

3,659

4,421

4,421

n.m.

4,42

12,5

15,0

33,0

Régime des exploitants agricoles

1,601

n.m.

1,906

n.m.

2,21

n.m.

n.m.

4,10

CNRACL

0,381

n.m.

0,381

n.m.

0,5

n.m.

n.m.

n.m.

CANSSM

0,351

n.m.

0,351

n.m.

0,350

n.m.

n.m.

0,200

FSPOEIE

0,076

n.m.

n.m.

n.m.

0,080

n.m.

n.m.

n.m.

Le relèvement très marqué du plafond d'emprunt de trésorerie à court terme du régime général traduit la poursuite de la dégradation prévisible de l'équilibre de celui-ci.

II.- LE RÉGIME DES AVANCES DE TRÉSORERIE

Les avances de trésorerie consenties au régime général de sécurité sociale sont régies par une convention - liant l'ACOSS et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) - signée le 16 octobre 2001. Cette convention, qui remplace celle de 1980, a un champ beaucoup plus large. Elle a amélioré les conditions de rémunération des excédents de trésorerie, - ce qui a sensiblement perdu de son intérêt depuis le creusement du déficit du régime général -, et diminué le coût des avances par rapport à ce qui existait auparavant, et a contribué à mieux organiser le partenariat bancaire entre l'ACOSS et la CDC.

En particulier, les conditions de taux appliquées aux avances consenties par la CDC ont été modifiées dans un sens plus avantageux pour le régime social. Dans le cadre de la convention de 1980, les avances étaient consenties sur la base d'un calendrier trimestriel élaboré par l'ACOSS et soumis à l'approbation expresse des ministres de tutelle, en distinguant les avances normales jusqu'au 21ème jour facturées à EONIA (4) + 0,5 %, et, au delà, les avances exceptionnelles facturées à EONIA + 1 %. Dans l'actuelle convention, la notion d'avances normales et exceptionnelles a disparu. L'ACOSS informe chaque mois la CDC du montant prévisionnel des avances qu'elle entend solliciter pour le mois en cours et le mois suivant. Le coût de ces avances au jour le jour s'établit à EONIA + 0,20 % lorsque leur montant est inférieur à 3 milliards d'euros et à EONIA + 0,25 % au delà. Dans le cas où le montant de l'avance dont l'ACOSS a besoin excède sa prévision, l'avance est facturée au taux EONIA + 0,70 % pour la part de dépassement supérieure à 500 millions d'euros.

Par ailleurs, ce dispositif d'avances au jour le jour est complété depuis le mois de juin 2003 par la mise en place par la CDC d'avances prédéterminées. L'ACOSS peut désormais emprunter à l'avance, pour une période donnée, un certain montant (au minimum 500 millions d'euros). Le taux de référence reste l'EONIA, mais la marge est plus faible (0,10 point de pourcentage) du fait de la réduction de l'incertitude pour le prêteur (l'ACOSS s'engage un mois à l'avance sur le montant et la durée exacts de l'emprunt).

Ce mode de financement complète les avances au jour le jour pour les périodes où le besoin de trésorerie est élevé et certain : afin d'éviter le risque de sur-mobilisation des avances, le montant des avances prédéterminées ne représente en effet qu'une partie du besoin prévisionnel de trésorerie d'une période donnée, l'ajustement quotidien aux besoins se faisant grâce aux avances au jour le jour.

Enfin, en dehors de ces dispositifs ordinaires d'avances, l'ACOSS peut recourir à des facilités de trésorerie. Ce terme désigne les emprunts complémentaires dont peut bénéficier l'ACOSS en cas de révision en cours d'année (par décret) du plafond des avances fixé par la loi de financement, comme à l'automne 2003. Ces facilités obéissent à un régime spécifique qui doit être déterminé par protocole d'accord entre l'ACOSS et la CDC, approuvé par les ministères de tutelle.

Au total, le tableau ci-après retrace les avances consenties (au jour le jour) par la CDC selon ces différentes modalités. Il permet de constater l'incidence sur la trésorerie et sur les charges financières du régime général du creusement du déficit en 2003. Depuis le mois de mars 2003, l'ACOSS est en situation de trésorerie insuffisante quasiment tous les jours, et de manière permanente depuis juin. Elle le sera sur toute l'année 2004.

AVANCES DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS

2000

2001

2002

2003

Nombre de jours de recours aux avances

Montant moyen

(millions d'euros)

Nombre de jours de recours aux avances

Montant moyen

(millions d'euros)

Nombre de jours de recours aux avances

Montant moyen (millions d'euros)

Nombre de jours de recours aux avances

Montant moyen (millions d'euros)

Janvier

5

457

3

117

0

0

13

1711

Février

0

0

0

0

0

0

13

948

Mars

0

0

0

0

0

0

25

2892

Avril

3

249

0

0

0

0

26

3542

Mai

0

0

0

0

0

0

29

3253

Juin

16

1425

2

335

10

1049

30

5341

Juillet

13

1490

6

407

15

1995

31

6418

Août

3

152

0

0

9

463

21**

5652**

Septembre

13

1206

6

1390

25

1667

Octobre

23

1314

14

1480

22

2179

Novembre

14

943

1

686

18

2255

Décembre

21

1058

4

678

21

2237

Total

111

1144

36

998

120

1848

188

4102

* du 1er janvier au 21 août inclus.

** au 21 août inclus.

Lecture : en janvier 1999, l'ACOSS a eu recours à des avances pendant 5 jours, pour un montant moyen de 799 millions d'euros.

Source : Direction de la sécurité sociale.

Par ailleurs, votre Rapporteur soulignera avec intérêt que, compte tenu du montant particulièrement important du découvert du régime général autorisé, il est vraisemblable que l'ACOSS devra recourir à d'autres opérateurs que la Caisse des dépôts, ce qui présentera l'avantage de mettre celle-ci en concurrence tant sur le plan des taux que, éventuellement, sur celui des services bancaires rendus actuellement par la Caisse des dépôts.

III.- LES MESURES DE RECOUVREMENT DES RESSOURCES FISCALES SOCIALES

Le présent projet prévoit plusieurs mesures, d'importance moindre, concernant le recouvrement des ressources des régimes sociaux. Parmi celles-ci, peuvent être mentionnées :

- la simplification de la procédure d'admission en non-valeur des créances sociales (article 55), de façon à éviter des circuits inutilement longs. Cette disposition constitue une simplification qu'il convient de saluer, en supprimant des procédures d'examen préalable par la tutelle qui ont fait la preuve de leur inefficacité. Ce dispositif pourrait conduire à un apurement accéléré des bilans des caisses, qui pourrait lui-même se traduire par des charges plus importantes en 2004. Mais cette simplification ouvre la voie possible d'un rapprochement de la comptabilité et du fonctionnement des organismes de sécurité sociale de l'univers des organismes privés, soumis à des contrôles des commissaires aux comptes, et non plus à des examens du type de ceux prévus aujourd'hui par les CODEC, pour le compte indirect de la Cour des comptes, qui monopolisent le travail d'une part non négligeable des effectifs des directions régionales des affaires sociales. Naturellement, un passage à un contrôle a posteriori n'exclurait pas le rôle normal de la Cour des comptes sur la bonne gestion des deniers publics ;

- l'homogénéisation des mesures applicables aux prescriptions des créances sociales (article 56). Cette mesure, qui pourrait ne pas paraître essentielle par son caractère apparemment technique, mérite d'être justement soulignée. En effet, elle a pour effet d'allonger de trois mois à six mois le délai dans lequel les organismes de sécurité sociale sont tenus d'inscrire leurs créances de cotisations et contributions sociales sous peine de leur faire perdre leur caractère privilégié. Ce faisant, cette mesure permettra aux URSSAF d'allonger le délai de négociation des mesures de recouvrement amiable, et donc d'assouplir le recouvrement des créances sociales en cas de difficultés de l'entreprise, sans précipiter sa mise en difficulté financière et son entrée dans une démarche collective ;

- la procédure de déclaration des employeurs établis à l'étranger (article 57).

Par ailleurs, sans que cette mesure soit intégrée dans le présent projet de loi de financement, en raison de son caractère réglementaire, il est également prévu, et ce dès l'automne 2004 pour permettre de tenir le plafond de 15 milliards d'euros de découvert autorisés du régime général, d'avancer la date de recouvrement de la CSG et les 2 % sur les revenus du patrimoine du 15 décembre au 25 novembre.

DEUXIÈME PARTIE

LES DÉPENSES : UNE DIFFICILE MAÎTRISE

CHAPITRE PREMIER

LA BRANCHE MALADIE : FACE À L'IMPASSE FINANCIÈRE,
LA PRÉPARATION D'UNE RÉFORME D'AMPLEUR

S'il est une constante des analyses actuelles de la situation de l'assurance maladie − en particulier celles publiées par la Cour des comptes et par la Commission des comptes de la sécurité sociale −, c'est le caractère historiquement élevé des déficits enregistrés, et la tendance plus que préoccupante des dépenses de la branche Maladie.

Face à une telle situation, il importe certes de dresser le diagnostic ; la Commission des comptes de la sécurité sociale, et plus encore la Cour des comptes, se sont montrées très sévères dans cet exercice. Il importe également de tracer des pistes de réforme susceptibles de remédier au plus vite à cette situation très dégradée. Le présent projet de loi de financement s'y attache, dans ses articles 15 à 17 - relatifs à la politique du médicament - et 31 à 35 - qui proposent diverses mesures de responsabilisation des acteurs du système de soins.

L'ambition de ce projet est toutefois plus large, puisque des réformes à caractère structurel sont proposées, au premier rang desquelles la généralisation de la tarification à l'activité des établissements de santé (articles 18 à 29). Diverses mesures améliorant la gouvernance du système sont également prévues aux articles 30, 36, 37 et 41.

Quant aux articles 38 à 40 et 42 à 45, qui fixent les dotations de divers fonds de financement et les objectifs de dépenses soumis au vote du Parlement, ils concourent à illustrer la dérive des dépenses que seule une réforme globale telle que celle prochainement mise en chantier pour aboutir à l'horizon 2005 permettra d'enrayer. L'enjeu n'est autre que la sauvegarde de notre système de protection sociale.

I.- LA TENDANCE EN 2002 ET 2003 MONTRE QUE LE RYTHME DES DÉPENSES N'EST PLUS SOUTENABLE

La simple lecture du tableau suivant suffit à prendre la mesure du dérapage :

ÉVOLUTION DU SOLDE DU RÉGIME GÉNÉRAL (en droits constatés)

(en milliards d'euros)

2001

2002

2003 (1)

2004 (2)

Branche Maladie

- 2,1

- 6,1

- 10,6

- 14,1

Régime général

1,1

- 3,3

- 8,9

- 13,6

(1) prévisions.

(2) prévisions, compte non tenu des mesures qui seront adoptées dans la loi de financement pour 2004.

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

Ainsi, le déficit de l'assurance maladie, soit 10,6 milliards d'euros en 2003, représente déjà 10 % de ses dépenses annuelles de prestations, l'équivalent de 1,2 mois de ces dépenses. En l'absence de mesures correctrices, il atteindrait plus de 14 milliards d'euros en 2004. La branche est la principale responsable de la dégradation de la situation du régime général et a concentré jusqu'en 2003 l'intégralité de son déficit.

Au terme d'une accélération continue depuis 2000, les dépenses d'assurance maladie ont connu en 2002 et 2003 des augmentations particulièrement fortes. Comme le souligne la Commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2003, il importe donc de casser la dynamique négative qui est à l'œuvre depuis trois ans. Tout scénario de redressement passe d'abord par une stabilisation du déficit avant d'engager sa résorption. La conjoncture économique, même si elle commence à s'améliorer en 2004, ne paraît guère susceptible de contribuer encore au redressement des comptes sociaux, qui devra donc s'appuyer sur des actions structurelles.

A.- LA CROISSANCE DES DÉPENSES DE 7,2 % EN 2002 EST DUE POUR PARTIE À DES FACTEURS CONJONCTURELS

1.- La mesure des dépassements fait apparaître un dérapage sur tous les postes

Les craintes dont votre Rapporteur s'était fait l'écho dans son précédent rapport à propos des résultats prévisionnels des dépenses du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour 2002 étaient justifiées. Les termes employés dans le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de septembre 2003 pour qualifier la gestion des dépenses de la branche Maladie en 2002 sont particulièrement durs :

« L'exercice 2002 s'est en réalité déroulé hors de tout système de régulation et même hors de tout cadre de référence, aucune loi de financement rectificative n'étant venue, en cours d'année, adapter les objectifs et les moyens à l'évolution des dépenses, de la conjoncture économique et de la politique des pouvoirs publics.

« L'accélération des dépenses et l'écart entre l'objectif et le résultat montrent à la fois que l'objectif n'avait pas été fixé de manière réaliste par rapport aux moyens de régulation mis en œuvre et que les instruments eux-mêmes étaient insuffisants. »

Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 avait fixé un ONDAM à 112,8 milliards d'euros, en augmentation de 4 % par rapport à la base 2001 alors estimée. Bien que cette augmentation ait été prévue à un niveau plus élevé que les années antérieures, c'est le dépassement le plus élevé depuis la création de l'ONDAM qui aura été enregistré, avec 116,7 milliards d'euros de dépenses, soit une hausse de 7,2 %.

Cette accélération des dépenses est intervenue alors même que les recettes fléchissaient, ce qui contribue à expliquer les évolutions retracées dans le tableau suivant :

ONDAM 2002 ET RÉALISATIONS DÉFINITIVES

(après déduction de la remise de l'industrie pharmaceutique) (1)

(en milliards d'euros)

Réalisations 2001

Objectif 2002

Réalisations 2002

Dépassement

Évolution 2002/2001
(en  %)

Contribution à la croissance
(en  %)

Total soins de ville

50,51

51,68

54,46

2,78

7,8

50,6

dont ODD (2)

23,41

24,98

6,7

20,1

dont autres soins de ville

27,1

29,48

8,8

30,5

Total établissements

55,75

58,46

59,33

0,87

6,4

45,9

dont établissements sanitaires publics

41,5

43,17

43,94

0,77

5,9

31,2

dont médico-social

7,62

8,29

8,28

- 0,02

8,7

8,4

dont cliniques privées

6,63

7

7,11

- 0,11

7,3

6,2

ONDAM métropole

106,26

110,14

113,79

3,65

7,1

96,5

Prestations DOM

2,44

2,47

2,71

0,24

10,9

3,4

Ressortissants français à l'étranger

0,21

0,15

0,21

0,06

2,5

0,1

ONDAM total

108,91

112,9

116,72

3,92

7,2

100

(1) cette remise s'impute sur la ligne « autres soins de ville ». Elle représente 274 millions d'euros en 2001 et 183 millions d'euros en 2002.

(2) objectif délégué de soins de ville.

Source : ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Votre Rapporteur précise en outre que, alors qu'en 2001 les dépenses étaient inférieures aux objectifs pour deux des quatre enveloppes de l'ONDAM (établissements médico-sociaux et cliniques privées), elles ont été, en 2002, en dépassement pour l'ensemble des composantes de l'objectif. Le graphique suivant illustre l'évolution de la part prise par les composantes de l'ONDAM dans la croissance des dépenses :

CONTRIBUTION DES SOUS-ENVELOPPES DE L'ONDAM À LA CROISSANCE TOTALE

graphique

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

La Cour des comptes note, dans son rapport précité, que « dès le départ, le respect de l'objectif 2002 était peu vraisemblable. [...] Les effets en année pleine sur 2002 des augmentations de dépenses intervenues en 2001 rendaient à eux seuls ce respect impossible. »

Dès le mois de juin, la CNAM indiquait quant à elle, que l'acquis de croissance pour 2002 était déjà supérieur à l'objectif, avant même l'effet des hausses tarifaires prévues par l'accord du 5 juin conclu avec les généralistes. Outre le fait qu'un tel constat aurait pu suffire à soumettre au Parlement une loi de financement rectificative, il importe de souligner à ce stade que cet accord, parmi d'autres mesures, n'a pas peu contribué à accélérer la croissance des dépenses en 2002.

2.- Certaines décisions ont aggravé la tendance spontanée

Les principales mesures ayant affecté l'exercice 2002 sont les suivantes :

- l'intégration dans le champ de l'ONDAM, en vertu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, des dépenses de soins et les indemnités journalières du nouveau régime des accidents du travail des exploitants agricoles ;

- des mesures de revalorisation tarifaire au bénéfice des professionnels de santé ;

- pour les établissements, la mise en place de l'aménagement et réduction du temps de travail (ARTT) dans la fonction publique hospitalière ;

- la signature d'un accord de revalorisation tarifaire des cliniques de 3,93 % ;

- l'achèvement des plans de création de places dans les établissements pour personnes handicapées ;

- la montée en charge de la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;

- en sens inverse, un plan de baisse du taux de remboursement des médicaments et de baisse du prix des médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant.

Le tableau suivant détaille ces mesures dans le champ des soins de ville :

PRINCIPALES MESURES AYANT PESÉ SUR L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE SOINS DE VILLE EN 2002

(en millions d'euros)

Effet en année pleine

Effet en 2002

Omnipraticiens (dont revalorisation du C et du V)

605,4

363

Spécialistes (dont mesures pour les professionnels de la naissance)

81,5

48,2

Sages-femmes

2,1

0,7

Infirmières

199,9

134,3

Masseurs-kinésithérapeutes

55

52,7

Orthophonistes

24,7

20,8

Orthoptistes

4,1

1,8

Biologistes

89,5

36,5

Transports sanitaires

44,2

29,5

Total des mesures dans le champ des dépenses déléguées

1.106,4

687,5

Médicaments (dont baisse de taux de remboursement et baisse de prix des médicaments à SMR insuffisant)

- 136,1

- 65,3

Total des mesures dans le champ des soins de ville

970,3

622,2

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

Alors que l'attention s'est focalisée sur ce point, il est intéressant, sur la question des revalorisations d'honoraires, de retracer l'évolution du revenu des professionnels libéraux de santé. Tel est l'objet du tableau suivant :

ÉVOLUTION DU REVENU DES PROFESSIONNELS LIBÉRAUX DE SANTÉ ENTRE 1993 ET 2000

(en % annuel moyen, par praticien)

Montant moyen des charges

Taux de croissance du revenu courant

Revenu annuel en euros courants en 2000

Omnipraticiens

3,6

1,4

52.603

Anesthésistes

5,1

1,8

115.010

Cardiologues

3,2

2,7

86.369

Chirurgiens

3,3

1,1

93.309

Dermatologues

3,3

0

52.026

Gastro-entérologues

1,9

1,4

74.198

Gynécologues

3,5

1,7

64.414

Ophtalmologues

4,5

2,9

87.841

ORL

3,1

0,7

68.110

Pédiatres

4

1,4

48.398

Pneumologues

2,8

2,2

57.570

Psychiatres

4,2

1,8

47.776

Radiologues

1,3

5,4

170.384

Rhumatologues

3,1

1,7

56.269

Stomatologues

2,9

1,1

78.873

Total des spécialistes étudiés

3

2,7

81.446

Total général

3,2

2,1

65.836

Source : Direction de la recherche, de l'évaluation, des étude set des statistiques, in Études et résultats, n° 200, novembre 2002.

Par ailleurs, la Cour des comptes estime que les honoraires des généralistes libéraux ont augmenté de 0,2 % en 2001 et de 6,2 % en 2002, leur pouvoir d'achat ayant progressé d'1,8 % par an entre 1997 et 2000. Pour les spécialistes libéraux, ces indicateurs s'établissent respectivement à 2 %, 5 % et 2,1 %.

Au total, les dépenses de soins de ville ont augmenté de 7,8 % en 2002, pour s'établir à près de 54,5 milliards d'euros. Elles n'avaient crû « que » de 5,7 % en 2001. Leur rythme d'augmentation s'accélère donc très nettement, tandis que la tendance des « autres soins de ville » se maintient à un niveau très élevé : + 9,8 % en 2002 contre + 9,5 % en 2001. En effet, le léger ralentissement des dépenses de médicaments (7,2 % contre 9,2 % en 2001) a été compensé par une très forte accélération des dépenses d'indemnités journalières (14,4 % contre 9,5 % en 2001), et l'accélération des dépenses de dispositifs médicaux (14,9 % contre 12,5 % en 2001).

Le tableau suivant détaille cette évolution :

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE SOINS DE VILLE
(Montants bruts de la remise de l'industrie pharmaceutique)

(en %)

2002/2001

Contribution à la croissance

Honoraires des professions de santé

7,8

40,9

dont : généralistes libéraux

7,2

7,7

spécialistes libéraux

5,8

9,4

dentistes libéraux

6,6

3,6

masseurs kinésithérapeutes libéraux

8,4

3,7

infirmiers libéraux

9,8

5,2

laboratoires d'analyses médicales

11

5,9

frais de transport des malades

10,6

4,4

Autres soins de ville

9,8

59,1

dont : médicaments

7,2

26,2

dispositifs médicaux

14,9

9,7

prestations en espèces (indemnités journalières)

14,4

21,8

Ensemble des soins de ville

8,9

100

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

Concernant les établissements sanitaires publics, la majeure partie du dépassement d'environ 770 millions se décompose comme suit :

- une enveloppe de 300 millions d'euros accordée en juillet 2002 pour faire face aux insuffisances de financement des hôpitaux ;

- une enveloppe de 370 millions d'euros supplémentaires correspondant à la provision du financement de la RTT dans les hôpitaux de la métropole, au titre du compte épargne-temps.

Concernant les cliniques privées, la forte progression des volumes, en particulier sur la fin de l'année, conduit à une évolution annuelle de 7,3 %.

Enfin, les dépenses des établissements médico-sociaux ont augmenté de 8,7 % en 2002. L'enveloppe « personnes handicapées » a progressé plus vite que prévu, de 5,5 %, du fait d'une montée rapide des dépenses en raison de création de places. Les dépenses des établissements pour personnes âgées ont augmenté de 15 %. Ce taux élevé est néanmoins inférieur à ce qui était prévu, en raison d'une montée en charge relativement lente de la réforme de la tarification des EHPAD. Le second semestre 2002 est marqué - et votre Rapporteur s'en réjouit - par une accélération du nombre de conventions signées, dont l'impact devrait se reporter en grande partie sur 2003.

En résumé, alors que la croissance des dépenses de soins de ville dénote une nette prédominance de l'effet volume, l'effet prix est prépondérant dans la hausse des dépenses des établissements.

Pour être complet, votre Rapporteur doit à la vérité de dire que les engagements pris par le précédent Gouvernement pour augmenter les rémunérations des professionnels de santé libéraux et mettre en œuvre l'ARTT à l'hôpital ont représenté au total 681 millions d'euros en 2001 et au début de 2002, non financés alors, et que l'actuel Gouvernement a dû honorer.

B.- LA TENDANCE POUR 2003, MOINS ALARMANTE, DEMEURE PRÉOCCUPANTE

1.- Le dynamisme des dépenses reste globalement élevé

Outre la répercussion sur 2003 des mesures adoptées en 2002, l'exercice est marqué par les mesures propres à 2003, ainsi que par une série de transferts modifiant le périmètre de l'ONDAM. Celui-ci s'était accru de 702 millions d'euros en 2002. En 2003, les mouvements les plus importants peuvent être ainsi résumés :

− l'enveloppe réseaux, créée en 2002 dans le champ de l'ONDAM par redéploiement, double par rapport à 2002, atteignant 46 millions d'euros ;

− un transfert de prise en charge s'effectue entre l'État et l'assurance maladie, pour un montant total de 544 millions d'euros. Ce montant correspond au solde de plusieurs transferts : les protocoles hospitaliers financés depuis 2000 sur le budget de l'État sont désormais financés par l'assurance maladie, ce qui correspond à 273 millions d'euros pour les établissements sanitaires publics de métropole et 10 millions d'euros pour les départements d'outre-mer (DOM) ;

− la rémunération des résidents en médecine n'est plus assurée par l'assurance maladie, mais par l'État, cette mesure représentant pour l'assurance maladie une économie de 33 millions d'euros au titre des établissements sanitaires publics de métropole et de 2 millions d'euros au titre des DOM ;

− les centres de soins spécialisés aux toxicomanes sont financés sur l'enveloppe médico-sociale « personnes handicapées » à partir de 2003, à hauteur de 108 millions d'euros ;

− les prestations relatives à l'interruption volontaire de grossesse sont financées par l'assurance maladie dès 2003 à hauteur de 7 millions d'euros.

S'agissant plus spécifiquement des soins de ville, le tableau suivant retrace les principaux postes d'évolution des dépenses en 2003 :

PRINCIPALES MESURES PESANT SUR L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE SOINS DE VILLE EN 2003

(en millions d'euros)

Effet en 2003 des mesures 2002

Effet en 2003 des mesures 2003

Total des effets en 2003

Omnipraticiens (dont revalorisation du C et du V)

242,4

242,4

Spécialistes (dont mesures en faveur des professionnels de la naissance et règlement conventionnel minimal)

33,3

73,7

84

Chirurgiens-dentistes

62,6

62,6

Sages-femmes

1,4

0,7

2,1

Infirmières

65,6

68,7

134,3

Masseurs-kinésithérapeutes

2,3

16,7

19

Orthophonistes

3,9

2,7

6,6

Orthoptistes

2,3

0

2,3

Biologistes

53

53

Transports sanitaires

14,7

40

54,7

Total des mesures dans le champ des dépenses déléguées

418,9

265,1

661

Centres de santé (médecin référent)

10,4

10,4

Médicaments (dont baisse de taux de remboursement et baisse de prix des médicaments à SMR insuffisant)

− 70,8

− 281,4

− 352,2

Total des mesures dans le champ des soins de ville

348,1

− 6

319,2

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

Quant à la sous-enveloppe de l'ONDAM correspondant aux établissements médicaux-sociaux, elle mérite attention, car depuis plusieurs années, son taux d'évolution a été supérieur à celui de l'ONDAM global, afin de répondre à l'évolution quantitative et qualitative des besoins de la population et à la diversification des interventions sociales et médico-sociales.

Pour 2003, l'objectif prévisionnel était fixé à 9.041 millions d'euros, soit une progression de + 9,02 %. Le montant des dépenses encadrées a été quant à lui fixé à 9.565 millions d'euros (ils étaient fixés respectivement à 8.293 et 8.769 millions d'euros en 2002).

L'évolution de l'objectif de dépenses tient compte notamment, en 2003 :

− dans le secteur des personnes handicapées, d'un doublement du nombre de places nouvelles pour résorber le déficit de places d'accueil en maisons d'accueil spécialisées et en foyers d'accueil médicalisé, pour développer des activités d'accueil spécifiques à certains publics (autistes, traumatisés crâniens, handicapés vieillissants, enfants lourdement handicapés), et pour favoriser le maintien à domicile (création de places en centres d'action médico-sociale précoce, en services d'éducation spéciale et de soins à domicile, etc.) ;

− dans le secteur des personnes âgées, d'un plan quinquennal de création de places dans le cadre des services de soins infirmiers à domicile, mis en œuvre depuis plusieurs années. Depuis 2001, le rythme de création est passé de 2.000 à 4.000 places nouvelles par an. Par ailleurs, dans le cadre du plan quinquennal de développement d'une offre de soins alternative à l'hébergement permettant de prendre en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées, 1.750 places d'accueil de jour et 750 places d'hébergement temporaire ont été financées en 2003.

Au-delà de ce panorama, votre Rapporteur souhaite également pointer deux phénomènes concourant à une évolution particulièrement inquiétante des dépenses de l'assurance maladie.

2.- Des phénomènes particuliers méritent attention

Si les postes de dépense traditionnellement mis en lumière pour leur rythme de progression trop élevé semblent connaître une évolution un peu moins déraisonnable, à l'instar des dépenses de médicaments, d'autres en revanche, comme les indemnités journalières, croissent dans des proportions alarmantes. Il est temps également de prendre conscience des effets pervers de la généralisation du tiers payant.

a) L'explosion des indemnités journalières

Le poste des indemnités journalières, rangé parmi les « autres soins de ville », connaît depuis peu une forte croissance, ce qui constitue un renversement de la tendance de long terme. Cette progression a été de 14,4 % en 2002, alors que le taux de croissance annuel moyen entre 1998 et 2000 s'élevait à 9,2 %. La cause d'une telle évolution est incertaine, selon la Cour des comptes. La Commission des comptes de la sécurité sociale établit quant à elle une corrélation entre, d'une part, l'augmentation du nombre d'indemnités journalières de courte durée et l'augmentation de l'effectif salarié, et d'autre part, entre la multiplication des indemnités de longue durée et la hausse de l'âge moyen de la population active. Les indemnités journalières de plus de trois mois ont ainsi progressé de 19 % en 2002, contre 6,6 % l'année précédente.

Compte tenu du fait que les médecins libéraux prescrivent 85 % des arrêts maladie - les omnipraticiens en prescrivant 74 % à eux seuls -, il est regrettable que ce poste ne figure pas dans les accords de bon usage des soins. C'est pourquoi votre Rapporteur se félicite de la décision du Gouvernement de confier conjointement à l'Inspection générale des affaires sociales et à l'Inspection générale des finances une mission chargée de définir un plan de renforcement du suivi des indemnités journalières. Dans l'immédiat, le service du contrôle médical de l'assurance maladie a toute sa place dans l'examen attentif qui doit être porté à ces dépenses. D'ailleurs, dès le début de l'année 2004, la nouvelle convention d'objectifs et de gestion que l'État signera avec la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés permettra à celle-ci de progresser dans son rôle de régulateur et de contrôle, s'agissant notamment des arrêts de travail.

b) Les effets pervers du tiers payant

Comme le relève la Cour des comptes, l'extension du tiers payant a changé le sens même de la notion de remboursement dans un grand nombre de cas : l'assuré ne paie plus un prix brut, dont il est ensuite remboursé, mais un prix net, qui constitue pour lui la référence réelle. Avec le passage progressif des complémentaires au tiers payant, un stade supplémentaire sera franchi, conduisant à la suppression pure et simple de tout paiement. C'était déjà le cas de certaines mutuelles. Les compagnies d'assurance, pour leur part, y sont venues progressivement.

Même en l'absence de tiers payant, l'accélération des remboursements, induite par la télétransmission des feuilles de soins aux régimes obligatoires, et depuis peu aux complémentaires, atténue la perception que le patient pouvait avoir du coût de sa consommation. Les pouvoirs publics ont contribué à ces évolutions, en étendant les incitations fiscales à tous les contrats « solidaires », en incitant à l'extension du tiers payant, notamment au profit des abonnés des médecins référents, et en incitant au développement du système électronique de saisie de l'assurance maladie dénommé SESAM-Vitale.

Toutes ces évolutions constituent évidemment des progrès de la protection sociale. Mais, alors que leurs effets se cumulent progressivement, ils n'ont pas été équilibrés par la mise en place de dispositifs ou de mesures se substituant à la disparition progressive de la régulation par les prix. Votre Rapporteur est convaincu que la responsabilisation du patient passe par une prise de conscience individuelle du coût réel des soins et biens médicaux, à laquelle la réforme prochaine de notre système de protection sociale devra faire sa place.

c) L'ONDAM progresserait de 6,4 % en 2003

Compte tenu des éléments qui précèdent, la Commission des comptes de la sécurité sociale évalue comme suit l'évolution de l'ONDAM en 2003 :

PRÉVISIONS DE DÉPENSES DANS LE CHAMP DE L'ONDAM EN 2003

(en milliards d'euros)

Objectif 2003

Prévisions

Dépassement prévisionnel

2003/2002

(en  %)

Total soins de ville

57,76

58,63

0,87

7,7

dont ODD

26,91

7,7

dont autres soins de ville

31,72

7,6

Total établissements

62,66

62,97

0,31

5,2

dont établissements sanitaires publics

46,07

46,15

0,08

4,6

dont cliniques privées

7,54

7,73

0,19

6,1

dont médico-social

9,04

9,09

0,05

7,6

Réseaux

0,05

0,05

0

n.s.

ONDAM métropole

120,46

121,64

1,18

6,4

Prestations DOM

2,85

2,87

0,02

5,5

Ressortissants français à l'étranger

0,21

0,21

0

− 2,5

ONDAM total

123,52

124,72

1,2

6,4

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

Pour vive qu'elle soit encore, la croissance des dépenses s'atténue néanmoins. Il faut y voir, comme M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, l'a fort légitimement souligné lors de son audition devant votre commission et celle des Affaires culturelles, familiales et sociales, le 8 octobre dernier, les premiers fruits de la politique de responsabilisation et de maîtrise médicalisée mise en place par la loi de financement pour 2003.

Ce n'est pas le moindre mérite du projet de loi de financement que de poursuivre cet effort, en permettant de passer d'une tendance de 6,4 % à une progression de l'ONDAM fixée à 4 % pour 2004.

II.- LA TARIFICATION À L'ACTIVITÉ DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ : LA MISE EN œUVRE D'UNE GRANDE AMBITION

A.- L'EXPÉRIMENTATION A ÉTÉ LANCÉE EN 2003

La loi de financement pour 2003 fait de la réforme de la tarification à l'activité des établissements de santé un levier essentiel de modernisation de l'offre hospitalière, à travers le plan « Hôpital 2007 ». Cette réforme, et votre Rapporteur insiste sur l'importance de cet enjeu, vise à rendre équitable et transparent le mode de financement entre les secteurs d'hospitalisation public et privé, afin de faciliter les coopérations entre les établissements de ces deux secteurs. Elle est rendue possible, s'agissant des mesures de niveau législatif, par les articles 18 à 29 du projet de loi de financement pour 2004.

Le ministère a prévu en 2003 une phase d'expérimentation, sur la base du volontariat. À cet effet, par arrêté du 4 décembre 2002, une mission opérationnelle pour l'expérimentation et la mise en place de la tarification à l'activité a été créée. Sont associés à cette réforme, outre les différents services de l'État concernés - y compris l'Agence technique d'information sur l'hospitalisation -, les agences régionales de l'hospitalisation, l'assurance maladie et les fédérations d'établissements de soins.

1.- Les enjeux de la réforme sont cruciaux

Il existe à l'heure actuelle deux systèmes de financement pour les structures de soins. D'une part, le système de la dotation globale qui concerne les hôpitaux publics et les hôpitaux privés participant au service public hospitalier (PSPH) et, d'autre part, un système de tarification à la journée et de forfait lié aux actes réalisés, pour les cliniques privées, dans le cadre de l'objectif quantifié national (OQN).

Ces deux systèmes engendrent des effets pervers :

− la dotation globale de financement (DGF), en ne liant que très faiblement le budget à l'activité réalisée, conduit soit à la constitution de rentes de situation, soit à un manque de financement pour les structures les plus actives ;

− le montant des prestations pour le même acte dans le secteur privé (sous OQN) varie sur l'ensemble du territoire et peut aboutir de ce fait, aussi, à la constitution de rentes ou à des sous-financements pour certaines activités.

Les deux systèmes ne sont ni comparables, ni compatibles et freinent, en conséquence, les coopérations nécessaires entre les deux secteurs et la recomposition du paysage hospitalier.

En s'appuyant sur le recueil de l'information du PMSI (programme de médicalisation des systèmes d'information), le Gouvernement s'engage dans l'harmonisation des modes de financement dont le début de la généralisation interviendra en 2004. Après quelque dix ans de travaux préparatoires, l'allocation de ressources aux établissements de soins s'orientera résolument vers une tarification à l'activité.

Les bénéfices attendus d'une tarification à l'activité sont les suivants :

− une plus grande médicalisation du financement ;

− une responsabilisation des acteurs qui générera une incitation à s'adapter ;

− une équité de traitement entre les secteurs ;

− le développement des outils de pilotage « médico-économiques » au sein des hôpitaux publics et privés.

Pour atteindre ces objectifs, le Gouvernement a choisi la voie du pragmatisme. Il s'agit d'utiliser toute la connaissance capitalisée par les hôpitaux et les cliniques depuis la mise en œuvre du PMSI.

2.- Le succès rencontré par l'expérimentation

Suite à l'appel à candidature lancé par le ministère auprès des 1.600 établissements susceptibles d'y prendre part, 280 établissements publics et privés ont répondu pour participer à l'expérimentation en 2003 ; 60 d'entre eux ont été retenus, alors que l'objectif initial était de 40. Par ailleurs, des travaux de simulations d'impact du schéma de tarification seront réalisés sur la totalité des établissements de six régions : Ile-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes- Côte d'Azur, Aquitaine, Bretagne, La Réunion.

Les schémas suivants détaillent les étapes du programme de travail :

Pour les établissements sous DGF Pour les établissements sous OQN

graphique

Source : ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

B.- L'ÉCHÉANCIER ET LES MODALITÉS DE LA GÉNÉRALISATION

1.- Le champ de la réforme est bien circonscrit

Le champ de la tarification à l'activité couvre quasiment l'ensemble des établissements publics et privés, mais est restreint aux activités dites MCO (médecine, chirurgie, obstétrique), tant en hospitalisation qu'en solutions alternatives : hospitalisation à temps partiel, hospitalisation à domicile, chirurgie ambulatoire, etc. Sont maintenus hors du champ les domaines de la psychiatrie, des soins de suite ou de réadaptation et des soins de longue durée. Il faut noter également l'exclusion du secteur médico-social.

Le reste de l'activité demeure financé selon le modèle d'allocation des ressources actuellement en vigueur pour les établissements sous OQN. Pour les établissements publics et les autres établissements privés, dans un souci de cohérence et de simplification et afin de préparer l'extension progressive de la tarification à l'activité aux activités non MCO, une « dotation annuelle de financement » se substitue au dispositif actuel de la dotation globale.

Par ailleurs, sont exclus du champ d'application de la réforme les hôpitaux locaux, les établissements du service de santé des armées, les établissements nationaux de Fresnes et de l'Institut national des invalides, ainsi que les établissements de Saint-Pierre et Miquelon et de Mayotte, jusqu'à leur intégration dans le régime de financement de droit commun.

2.- Principes et calendrier sont arrêtés

a) La réforme met en œuvre cinq grandes modalités de financement

· Trois modalités générales de financement directement lié à l'activité réalisée coexisteront :

− le paiement d'un tarif par séjour (les « groupes homogènes de séjours » ou GHS, et les suppléments) des activités d'hospitalisation avec ou sans hébergement ;

− le paiement des activités de consultations et actes externes (hospitalisation publique) ou d'urgence ainsi que l'hospitalisation à domicile (activités non décrites par les GHS) ;

− le paiement de certains consommables en sus des tarifs de prestation (certains médicaments et dispositifs médicaux (DM)) ;

· Une modalité particulière de financement mixte, pour certaines activités de soins, correspondant à un montant de ressources annuelles fixe mais déterminé en fonction de l'activité réalisée : le versement d'un forfait annuel pour financer les coûts fixes d'une activité (les urgences et les prélèvements d'organes ou PO).

· Une modalité de financement par dotations fixées indépendamment de l'activité réalisée : le versement d'une enveloppe de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC). Les missions d'intérêt général recouvrent essentiellement l'enseignement universitaire, la recherche, l'innovation et l'accueil des populations précaires. L'aide à la contractualisation vise à encourager cette pratique mise en œuvre avec les Agences régionales de l'hospitalisation.

LES 5 MODALITÉS DE FINANCEMENT DE LA TARIFICATION À L'ACTIVITÉ

graphique

Source : mission « tarification à l'activité » du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Votre Rapporteur précise que la réforme s'inscrit dans une démarche de financement hors honoraires dans le secteur privé. Par conséquent, les échelles relatives de tarifs seront spécifiques à chaque secteur, et indépendantes l'une de l'autre. Le rapprochement entre secteurs public et privé s'effectuera progressivement, sur une dizaine d'années.

En marge de ces grandes lignes directrices, un certain nombre de points ont fait l'objet de travaux techniques coordonnés par la Mission « tarification à l'activité ». Ces travaux concernent notamment le traitement des séjours extrêmes, la réanimation et les soins palliatifs, les médicaments très coûteux, les prothèses, les prestations inter établissements et la prise en compte des surcoûts structurels tels que l'isolement géographique, ou l'installation en zone à fortes contraintes financières − liées par exemple au coût du foncier. La prise en compte de l'impact de la réforme sur la qualité des pratiques sera également assurée.

b) La transition a été planifiée

La mise en œuvre d'une réforme d'une telle ampleur est forcément complexe.

Les établissements privés factureront les GHS et les autres prestations sur la base d'un tarif national affecté d'un « coefficient correcteur MCO », intégrant à la fois le caractère plus ou moins technique des actes pratiqués, la zone géographique de l'établissement, et un coefficient de lissage de la transition dans le temps.

Quant aux établissements publics et aux établissements privés participant au secteur public hospitalier, ils seront financés sur la base d'un tarif national sans coefficient correcteur. La transition s'effectuera par le maintien d'une part, décroissante dans le temps, de ressources allouées forfaitairement. Cette part de ressources est appelée « dotation annuelle complémentaire ». Les prestations d'hospitalisation seront donc prises en charge par les organismes d'assurance maladie sous la double forme d'une fraction du tarif et d'une dotation annuelle complémentaire correspondant à la fraction non couverte par le tarif. Pour ces établissements, la phase de transition pourrait débuter comme suit :

LE PASSAGE À LA TARIFICATION À L'ACTIVITÉ D'UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC OU PSPH EN 3 ÉTAPES

Régime budgétaire et comptable

Recettes à l'activité

Modalité de financement de

la part financée à l'activité

2004

Maintien du dispositif actuel

10 % (exemple)

DGF

2005

État prévisionnel de recettes et de dépenses

20 % (exemple)

Versement globalisé

des recettes

2006

État prévisionnel de recettes et de dépenses

30 % (exemple)

Facturation directe à l'assurance maladie

Source : ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

c) La nouvelle régulation des dépenses des établissements

Sous l'empire du nouveau mode de tarification, les dépenses correspondant jusqu'ici aux dotations globales hospitalières ou au champ de l'OQN seraient réparties en trois ensembles :

− un objectif de dépenses MCO commun aux secteurs public et privé, assorti d'un mécanisme de sanction financière en cas de fraude (article 20) ;

− une enveloppe de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) commune aux secteurs public et privé (article 20) ;

− une enveloppe de dépenses non-MCO (soins de suite et de réadaptation et psychiatrie dans le public et le privé, et activités particulières du public, articles 19 et 21).

Le schéma proposé est le suivant :

L'ÉVOLUTION DES MODALITÉS DE RÉGULATION DES DÉPENSES D'ÉTABLISSEMENT

graphique
graphique

Source : mission « tarification à l'activité » du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

C.- LE PLAN « HÔPITAL 2007 » DÉSORMAIS BIEN ENGAGÉ

1.- L'ordonnance de simplification est déjà en vigueur

M. Jean-François Mattéi a présenté, mercredi 3 septembre en Conseil des ministres, une ordonnance (5) portant simplification de l'organisation administrative et du fonctionnement du système de santé ainsi que des procédures de création d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation. Cette ordonnance s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du plan « Hôpital 2007 ». Elle comprend quatre grandes catégories de mesures :

− le rôle des directeurs des agences régionales de l'hospitalisation est renforcé par transfert de certaines compétences préfectorales ou ministérielles, notamment en matière de contrôle du fonctionnement des établissements de santé ;

− l'organisation sanitaire est simplifiée : la carte sanitaire est supprimée et le secteur sanitaire est remplacé par le « territoire de santé » visant à une plus grande souplesse dans la définition des territoires de planification. Le régime des autorisations est sensiblement simplifié, et le groupement de coopération sanitaire, désormais ouvert aux professionnels libéraux et aux établissements médico-sociaux, devient l'outil de référence de l'adaptation hospitalière, pour faciliter, améliorer et développer les coopérations entre établissements et la prise en charge des patients ;

− l'ordonnance permet aussi d'accélérer et de faciliter les opérations d'investissement immobilier des établissements de santé, dans le cadre du programme de relance de l'investissement de 6 milliards d'euros prévu dans le plan « Hôpital 2007 ». Le recours aux baux emphytéotiques et aux marchés globaux (conception, réalisation, maintenance) est rendu possible, facilitant ainsi l'intervention des entreprises privées, des collectivités territoriales, des sociétés d'économie mixte et des offices de HLM dans ces opérations de construction et d'aménagement immobilier ;

− enfin, les démarches administratives des professions médicales, accomplies lors de leur installation, sont simplifiées.

2.- Les fonds de financement permettront la montée en charge des investissements

L'article 38 du projet de loi de financement pour 2004 vise à prévoir les ressources du fonds d'aide à la qualité des soins de ville, conformément à l'article 25 de la loi de financement pour 1999, ainsi que le plafond de dépenses. Ces montants s'élèveraient respectivement à 106 millions d'euros et 15 millions d'euros. Le fonds a dépensé 50 millions d'euros en 2002.

En outre, les missions du fonds seraient élargies, en vue du financement des infrastructures nécessaires à la mise en œuvre du dossier médical partagé, à travers une expérimentation qui débutera en 2004 dans quatre régions pilotes.

Quant à l'article 39, il étend le bénéfice des aides du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés aux groupements de coopération sanitaire, aux établissements de santé participant à l'expérimentation de l'évaluation des pratiques professionnelles qui sera au cœur de la nouvelle version de la procédure d'accréditation de l'ANAES, et enfin aux établissements de santé de la collectivité départementale de Mayotte.

Le montant de la participation des régimes obligatoires d'assurance maladie au financement du fonds serait fixé, pour 2004, en progression de 4,4 %, à 470 millions d'euros, décomposés comme suit :

− 135 millions d'euros au titre des actions de modernisation sociale et de promotion professionnelle ;

− 15 millions d'euros au titre du financement des missions nationales mises en place pour l'accompagnement du plan « Hôpital 2007 » (mission nationale d'appui à l'investissement hospitalier, mission d'expertise et d'audit hospitaliers, mission « tarification à l'activité ») ;

− 320 millions d'euros pour le financement du plan d'investissement « Hôpital 2007 », dont 20 millions d'euros par transfert, en provenance du budget de l'État, du financement des opérations reposant sur les chapitres 66-11 − Subventions d'équipement sanitaire, et 66-12 − Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers de la section budgétaire « Santé, famille, personnes handicapées et solidarité ».

III.- LA POURSUITE DE LA RESPONSABILISATION DES ACTEURS ET USAGERS DES SOINS DE VILLE

Engagée dans la loi de financement pour 2003, la responsabilisation des parties prenantes de notre système de soins est une condition sine qua non de la pérennité de ce système ; elle ne se conçoit pas non plus sans que soient renoués les liens de la confiance entre les professionnels de santé et l'assurance maladie.

A.- LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME EST AMÉLIORÉE EN PROMOUVANT L'ÉCHELON LOCAL

L'accord de bon usage des soins (AcBUS) est un engagement collectif pour l'optimisation des pratiques. Fixé par les partenaires conventionnels, il prévoit un « objectif médicalisé d'évolution des pratiques ». Les AcBUS sont apparus dans la loi de financement pour 2000. Le Gouvernement avait alors ouvert la possibilité de négocier des accords dans des champs limités : une seule profession ou spécialité, un seul thème. Cette possibilité a été élargie par la loi n° 2002-322 du 6 mars 2002 portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie (articles L.162-12-17 et L.162-12-19 du code de la sécurité sociale). Chaque convention doit comporter au moins un AcBUS. Ces accords, qui peuvent désormais être conclus au niveau national avec la CNAM, ou au niveau régional avec les URCAM (6), connaissent un essor important, dont il faut se féliciter.

Les contrats de bonne pratique, en revanche, ne peuvent être conclus qu'au niveau national. Un contrat de bonne pratique est un ensemble d'engagements mutuels entre le professionnel adhérant et l'assurance maladie, portant notamment sur la formation continue conventionnelle, sur l'utilisation d'outils facilitant la pratique et la coordination, et sur le respect des recommandations de bonne pratique. Il donne lieu à un suivi spécifique de l'activité. Le respect des engagements du contrat par le professionnel ouvre droit, chaque année, à une rémunération forfaitaire.

L'article 35 du projet de loi de financement prévoit de permettre l'élaboration au plan régional de ces contrats. Cette même possibilité est ouverte, par l'article 37, pour les contrats de santé publique, engagements individuels des professionnels avec l'assurance maladie, qui portent sur des actions de permanence et de coordination des soins, ou sur des actions de prévention.

Le tableau suivant présente les accords conclus jusqu'en mai 2003 :

ACCORDS CONCLUS ENTRE LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET L'ASSURANCE MALADIE

Profession

AcBUS (1)

CBP (2)

CSP (3)

Médecins généralistes

Visite à domicile
Prescription en DCI (4)

Test de dépistage de l'angine

Médecin référent

 

Chirurgiens-dentistes

Reconstitutions pré-prothétiques à ancrage radiculaire

Formation
Suivi

 

Sages-femmes

Séances de préparation à la naissance

Formation, suivi
Prescription en DCI

 

Masseurs-kinésithérapeutes

Promotion de la fiche de synthèse du bilan-diagnostic kinésithérapique

Formation, suivi
Information des assurés

 

Infirmières

Promotion de la démarche de soins infirmiers

Formation, suivi
Information des assurés

Suivi des patients insulino-dépendants de plus de 75 ans

Orthophonistes

Promotion du bilan orthophonique

Formation, suivi
Information des assurés

 

Orthoptistes

Promotion de la fiche de traitement orthoptiste

Formation, suivi
Information des assurés

 

Directeurs de laboratoire

Dépistage de l'insuffisance rénale par la formule de Cockcroft-Gault

Démarche qualité

Suivi biologique des patients traités par anti-vitamine K

Transporteurs sanitaires

Promotion de la fiche clinique du patient

Certification  des entreprises

 

(1) Accord de bon usage des soins.

(2) Contrat de bonne pratique.

(3) Contrat de santé publique.

(4) Dénomination commune internationale.

Source : MG France.

Par ailleurs, deux critiques peuvent être formulées à l'encontre de ces accords et contrats. D'une part, ils ne sont assortis d'aucune légitimité médicale ou scientifique. C'est pourquoi il est prévu que ces accords et contrats reçoivent l'avis favorable de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). D'autre part, leur mise en œuvre est actuellement retardée par un dispositif lourd d'approbation ministérielle. Celui-ci serait abandonné au profit d'une application directe après approbation de la CNAM. Un tel aménagement, couplé avec une possibilité nouvelle de modulation des contreparties financières des engagements, permettra de redynamiser et de généraliser ces dispositifs et de leur donner une plus grande légitimité médicale.

Enfin, toujours dans l'optique d'améliorer la gouvernance du système, l'article 36 prévoit d'ouvrir la possibilité de conventions entre les URCAM et des groupements organisés de professionnels de santé conventionnés exerçant à titre libéral dans une aire géographique définie, aux fins d'évaluation et d'amélioration des pratiques. L'article 30 permet quant à lui l'expérimentation pendant trois ans de modalités dérogatoires de rémunération des praticiens hospitaliers et médecins libéraux participant à un groupement de coopération sanitaire.

B.- DIVERS LEVIERS D'ACTION CONCRÉTISENT LA RESPONSABILISATION DES ACTEURS

Sans préjudice des mesures qui naîtront de la concertation engagée sur l'avenir de l'assurance maladie, le Gouvernement manquerait à ses devoirs s'il ne proposait dès à présent les moyens d'urgence qui s'imposent pour pallier la dérive des comptes. Comme l'a indiqué M. Jean-François Mattéi lors de son audition précitée, le Gouvernement a choisi pour 2004 de stabiliser le déficit de l'assurance maladie, ce qui représente la première étape vers un retour à l'équilibre prévu à l'horizon 2007.

Les mesures d'urgence devraient limiter le déficit de la branche à 10,9 milliards d'euros en 2004, grâce à un effort de 3,1 milliards d'euros en recettes et en dépenses. Ces dernières devraient être freinées par la poursuite de la politique menée dans le secteur du médicament et par une série d'actions de rationalisation de la consommation de soins.

1.- La poursuite d'une ferme politique du médicament

La politique volontariste visant à modérer la progression des dépenses de médicament repose essentiellement sur des baisses de taux de remboursement, des baisses de prix de médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant, et la promotion des génériques.

a) Le bien-fondé des orientations adoptées en 2002 et 2003

Entre les mesures décidées en 2002 et celles prises en 2003, ce sont quelque 350 millions d'euros d'économies qui sont attendues cette année sur ce poste. Parmi ces mesures, votre Rapporteur tient à souligner l'impact significatif du respect par les omnipraticiens de leurs engagements en termes de prescription en dénomination commune internationale. Le Gouvernement a eu raison de compter sur leur responsabilisation : en nombre de boîtes vendues, la part des génériques dans le répertoire des médicaments pour lesquels il existe au moins un générique est passée de 35 % en janvier 2002 à près de 50 % en janvier 2003. La Commission des comptes de la sécurité sociale estime à 70 millions d'euros en année pleine cette croissance du marché des médicaments génériques. 2003 a donc représenté une inflexion par rapport à l'exercice 2002, légitimement critiqué par la Cour des comptes en termes de régulation des dépenses de médicaments.

Le tableau suivant retrace la progression du générique en France :

ÉVOLUTION DE LA PART DE MARCHÉ DES GÉNÉRIQUES

(en %)

1999

2000

2001

2002

2003

En volume

3,5

5,2

6,9

8

9,8

En valeur

1,8

2,6

3,2

n.d.

5

Source : Cour des comptes.

Votre Rapporteur se doit toutefois d'apporter ici deux tempéraments. Tout d'abord, les progrès à accomplir en matière de politique du médicament restent de très grande ampleur, si l'on réalise que la France est le pays où 400.000 personnes consomment plus d'une boîte par jour − un record. La Cour des comptes note d'ailleurs que « la France est le seul pays européen qui poursuive simultanément un aussi grand nombre d'objectifs : le réseau de répartition et de distribution le plus dense, protégé par un encadrement des marges et des remises commerciales à tous les stades, une protection de l'industrie contre l'importation dite " parallèle ", un rapprochement des prix industriels les plus chers, un taux moyen de remboursement élevé et croissant, un nombre de présentations admises au remboursement très important, et cela dans un contexte où les quantités consommées par habitant sont parmi les plus élevées au monde. »

D'autre part, il faut prendre conscience de la très forte prépondérance de l'effet de structure dans la hausse des dépenses de médicament : en 2002, pour une évolution globale du chiffre d'affaire des médicaments de 3,6 %, l'effet prix a joué pour − 1,5 %, l'effet volume pour 0,3 %, et l'effet de structure, c'est-à-dire la déformation vers les spécialités les plus coûteuses (qui sont souvent les plus récentes et/ou les plus innovantes), pour 4,9 %.

b) De nouvelles mesures en 2004

Les trois axes de maîtrise des dépenses sont renforcés dans le projet de loi de financement, ou le seront directement par la voie réglementaire :

− l'article 15 prévoit une procédure accélérée d'autorisation de mise sur le marché pour les nouveaux génériques, exonérant l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de l'obligation de s'assurer de l'expiration des droits de propriété intellectuelle attachés à la spécialité de référence ou « princeps ». L'économie attendue est de 22 millions d'euros ;

− l'article 16 propose de valider, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les arrêtés de baisse du taux de remboursement de certains médicaments pris avant le 1er juillet 2003, que des laboratoires pourraient attaquer pour défaut de motivation. Il importe de garantir la sécurité juridique d'arrêtés qui ont permis 500 millions d'euros d'économies ;

− sont prévus le déremboursement de la deuxième vague de médicaments à SMR insuffisant, l'alignement du remboursement de l'homéopathie sur celui des médicaments à SMR faible ou modéré (soit 35 %), l'accroissement du nombre de groupes génériques sous tarif forfaitaire de responsabilité et le réexamen des conditions de vente et de remboursement de certains médicaments ou dispositifs médicaux dont le service médical rendu paraît moindre aujourd'hui qu'au moment où ils ont été mis sur le marché.

2.- Les autres axes de la maîtrise médicalisée

a) Un meilleur contrôle des admissions en affection de longue durée

Les assurés atteints d'une maladie nécessitant un traitement prolongé ou une thérapie particulièrement coûteuse peuvent bénéficier d'une exonération du ticket modérateur pour les actes et prescriptions en rapport avec cette maladie. Ces affections de longue durée (ALD), au nombre de trente, sont inscrites sur une liste établie à l'article D.322-1 du code de la sécurité sociale.

Comme le note la Commission des comptes de la sécurité sociale, le nombre d'admissions a fortement augmenté au cours des dernières années : si au cours de la période 1990-1999, le nombre d'admissions en ALD s'est accru de 3,2 % en moyenne par an, depuis 1999 la croissance est de près de 10 %. Les plus fortes augmentations s'observent pour les maladies de l'appareil circulatoire et le diabète. La Commission des comptes estime que le vieillissement de la population, l'augmentation épidémiologique de certaines pathologies, l'élargissement des critères d'admission peuvent expliquer cette forte augmentation du nombre d'admissions en ALD.

Les dépenses des patients en ALD représentent plus de la moitié des dépenses d'assurance maladie, et deux tiers des dépenses de soins de ville, alors que ces patients ne représentent que 12 % environ de la population couverte par les régimes d'assurance maladie. Trois facteurs principaux expliquent cette concentration des dépenses : un recours au système de soins plus fréquent pour ces patients, une consommation unitaire en moyenne deux fois plus importante, et un taux de prise en charge plus élevé du fait de l'exonération du ticket modérateur.

866.653 admissions en ALD ont été enregistrées en 2001. Le tableau suivant illustre la progression rapide des dépenses d'assurance maladie liée à la croissance de la population en ALD et de la consommation unitaire associée :

ÉVOLUTION DES DÉPENSES MOYENNES ET DES EFFECTIFS DE PATIENTS EN AFFECTION DE LONGUE DURÉE

(en %)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Effectif en ALD

0,9

2,8

3,2

3,3

4

6,1

6,2

Montant par patient (1)

7,5

− 1,9

5,4

4,8

5,1

5

4,1

Dépense totale

8,5

0,9

8,8

8,3

9,4

11,4

10,6

(1) y compris les dépenses sans rapport avec l'ALD elle-même.

Source : CNAMTS.

L'article 31 du projet de loi de financement doit permettre d'infléchir nettement cette l'envolée des dépenses liées au régime des ALD, d'une part en donnant une base législative au protocole de soins servant de fondement à l'exonération du ticket modérateur, d'autre part en permettant une définition plus précise des actes devant être exonérés à 100 %. Les caisses devront également, comme le précisera la prochaine convention d'objectifs et de gestion de la CNAMTS, mieux contrôler les admissions en ALD.

La limitation de la prise en charge à 100 % des actes liés à une opération chirurgicale aux plus coûteux d'entre eux, essentiellement ceux réalisés dans le cadre des séjours hospitaliers, représenterait 500 millions d'euros d'économies.

b) Des mesures de rationalisation bienvenues

C'est non seulement au détriment du budget des caisses d'assurance maladie, mais également en dépit du bon sens, que sont remboursés comme des actes ou consultations pour des malades ceux effectués en dehors de toute justification médicale, par exemple en vue de l'obtention d'une licence sportive ou encore d'un brevet de pilote. L'article 32 prévoit donc logiquement leur déremboursement.

Par conséquent, pour ce type d'actes et prestations, l'obligation d'inscription d'un non-remboursement sur l'ordonnance est prévue à l'article 33, lequel élargit d'ailleurs cette obligation à toutes les professions de santé.

En cohérence avec ces mesures, l'article 34 est destiné à permettre de moduler la prise en charge des actes ou prestations à raison du contexte de leur réalisation ou de l'état du patient. Cet article prépare la mise en œuvre de la nouvelle classification commune des actes médicaux.

Au total, la maîtrise médicalisée en actes que permettent ce projet de loi de financement ainsi que les mesures réglementaires associées doit engendrer des économies d'1,62 milliard d'euros, selon les prévisions mentionnées dans le tableau suivant :

IMPACT SUR L'ONDAM DES MESURES D'ÉCONOMIE LIÉES AU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT POUR 2004

(en millions d'euros)

Impact financier

Impact en points d'ONDAM

(en  %)

Évolution spontanée de l'ONDAM soins de ville

62.117

6

Maîtrise médicalisée

- 800

- 1,4 

dont : - baisse de 3 % de la croissance des exonérations de ticket modérateur au titre d'une affection de longue durée

- 105

- 0,18

- exclusion des actes non médicalement justifiés

- 35

- 0,06

- engagements de bonnes pratiques, AcBUS

- 120

- 0,2

Sous-total (baisse de 1 % de la croissance du volume des actes)

- 260

- 0,44

- baisse de 3 % de la croissance des exonérations de ticket modérateur au titre d'une affection de longue durée

- 195

- 0,3

- baisse de 2 % de la croissance des indemnités journalières

- 160

- 0,27

- progression des génériques hors tarif forfaitaire de responsabilité

- 35

- 0,06

- réduction des prescriptions inutiles (0,5 % des prescriptions)

- 150

- 0,26

Sous-total (baisse de 1,6 % de la croissance des prescriptions)

- 540

- 0,92

Évolution de la marge des grossistes (1)

- 100

- 0,17

Prix des médicaments et dispositifs médicaux (1)

- 100

- 0,17

Baisse du remboursement de l'homéopathie (1)

- 70

- 0,12

Évolution de l'exonération du ticket modérateur pour les actes coûteux (1)

- 550

- 0,94

Total des mesures d'économie

- 1.620

- 2,8

Évolution de l'ONDAM soins de ville après économies

60.497

3,2

(1) mesure réglementaire.

Source : ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

 

N° 1156 - Rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 de M. François Goulard

1 () FCAATA : Fonds de cessation anticipé d'activité des travailleurs de l'amiante.

2 () FIPSA : Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles.

3 () Selon un modèle économétrique de l'INSEE présenté dans INSEE Première n°551, d'octobre 1997.

4 () L'EONIA (Euro OverNight Interest Average), taux de référence au jour le jour, a remplacé le TMP (taux moyen pondéré), taux de l'argent au jour le jour du marché interbancaire, calculé et diffusé quotidiennement par la Banque de France, depuis le 1er janvier 1999. Le nom francisé, mais peu usité, de l'EONIA est le TEMPE.

5 () Ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 portant simplification de l'organisation et du fonctionnement du système de santé ainsi que des procédures de création d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation.

6 () Unions régionales des caisses d'assurance maladie.


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