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Document

mis en distribution

le 27 octobre 2003

Zone de Texte:

 

N°  1157

 

 

 

 

 

 

(1ère partie)

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

 

DOUZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 octobre 2003.

 

 

 

 

 

 

 

RAPPORT

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 1106),

 

 

 

TOME  I


RECETTES ET ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

 

 

 

 

PAR  M. Pierre MORANGE,

 

Député.

 

 

 

 

                                                                                                                                                  

Santé et protection sociale.

 

 


 

1ère partie

introduction......................................................................................................................................           9

i.- les comptes sociaux : une situation très difficile résultant d’un lourd héritage            13

a. des comptes plombés par une mauvaise croissance économique.............         13

b. les conséquences désastreuses de la politique dispendieuse de la gauche                        15

1. Les pertes de recettes..........................................................................................................         15

2. Les dépenses supplémentaires.........................................................................................         16

iI.- le financement de la sécurité sociale pour 2004 : une réelle clarification pour préparer l’avenir                     19

a. ÉVITER une plus grande détérioration des comptes sociaux......................         19

1. Un cadrage tendu...................................................................................................................          19

2. L’impact des mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale                         20

B. les mesures de recettes...................................................................................................         21

1. La suppression du FOREC..................................................................................................         21

a) La disparition d’un fonds sans fonds bien mal nommé...............................................         21

b) La réelle simplification des flux de financement de la sécurité sociale...................         24

2. La situation financière des autres fonds de financement...........................................         28

a) Le Fonds de solidarité vieillesse.....................................................................................         29

b) Le Fonds de réserves pour les retraites.........................................................................         30

c) Le Fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles......         32

d) La Caisse d'amortissement de la dette sociale.............................................................         33

e) Le Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.....................         35

3. L’aggravation de la fiscalité du tabac................................................................................         36

a) L’estimation du produit perçu au titre des droits sur les tabacs..............................         36

b) La modification de l’affectation des droits sur les tabacs..........................................         38

 

 

 

IiI.- la stabilisation du déficit de l’assurance maladie : un préalable indispensable à la réforme                               41

a. mettre en ½uvre la maîtrise médicalisée des dépenses ambulatoires..         41

1. Les mesures de maîtrise médicalisée des dépenses.................................................         42

a) La promotion des accords de bon usage des soins......................................................         42

b) L’expérimentation de la gestion du risque par des groupements de médecins......         42

c) Un meilleur suivi des affections de longue durée.........................................................         42

d) L’amélioration de la gestion des indemnités journalières.........................................         43

2. Les mesures de responsabilisation des assurés sociaux.........................................         44

a) La responsabilisation des assurés en matière de prise en charge des actes remboursables                      44

b) La clarification des règles d’exonération du ticket modérateur..............................         44

c) L’augmentation du forfait journalier à l’hôpital.........................................................         45

B. mettre en place les instruments d’une nécessaire modernisation des hôpitaux                                46

1. La mise en ½uvre du plan « Hôpital 2007 »...................................................................         46

2. La mise en ½uvre de la tarification à l’activité dans les établissements de santé publics et privés                    47

travaux de la commission......................................................................................................         49

I.- AUDITIONs..............................................................................................................................................         49

A. AUDITION DU PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES......................         49

B. AUDITION DU ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, du ministre délégué À la famille et de la secrétaire d’état aux personnes handicapées.........         65

II.- examen du rapport........................................................................................................................         85

2ème partie

III.- EXAMEN DES ARTICLES

titre Ier - Orientations et objectifs de la politique de santé  et de sécurité sociale

titre II - Dispositions relatives aux ressources

titre III - Dispositions relatives à l’assurance maladie

Titre IV - Dispositions relatives aux autres politiques de sécurité sociale

TITRE V - OBJECTIFS DE DÉPENSES RÉVISÉS POUR 2003

Titre VI - mesures diverses et Dispositions relatives à la trésorerie

ANNEXE : auditions du rapporteur

 

 

 

 

 


 

introduction

 

Après une loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 qualifiée de texte de transition, transition difficile compte tenu de la gestion calamiteuse des finances sociales par le gouvernement précédent, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 est la première étape de l’adaptation de l’assurance maladie, adaptation rendue possible par la clarification des financements et la stabilisation du déficit de la sécurité sociale qu’il concrétise dans un contexte financier pourtant extrêmement difficile.

La première pierre d’une politique de santé responsable a été posée avec la discussion à l’ouverture de la session parlementaire, avant donc le débat sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, du projet de loi relatif à la politique de santé publique : des objectifs en termes de prévention, d’éducation à la santé et de dépistage ont été fixés, à charge pour le système de santé de les mettre en ½uvre au mieux.

La qualité de notre système d’assurance maladie est reconnue par tous. Pourtant, il connaît d’importants dysfonctionnements, la Cour des comptes ayant notamment rappelé dans son rapport de septembre 2003 sur la sécurité sociale les limites des dispositifs de régulation des dépenses mis en ½uvre jusqu’à présent et les conséquences lourdes de décisions prises par le précédent gouvernement, notamment en ce qui concerne les trente-cinq heures. La gouvernance de l’assurance maladie pose également problème : les responsabilités des acteurs ne sont pas définies de façon suffisamment claire, ce qui est dommageable pour le pilotage du système. Surtout, la situation financière est grave. Le déficit a atteint un niveau record, et, sans adaptation en profondeur, il est condamné à croître. Or les déficits d’aujourd’hui, qui correspondent à des prestations de soins au profit des générations actuelles, sont de fait financés par l’emprunt, c'est-à-dire que les générations de demain devront en payer le prix.

La sauvegarde de l’assurance maladie passe par sa nécessaire modernisation et son adaptation aux enjeux d’aujourd’hui et de demain, à savoir en premier lieu l’égalité d’accès à des soins de qualité dont l’Etat est le garant, dans le cadre d’un système géré de manière plus autonome par des partenaires sociaux véritablement responsabilisés, en tenant compte du vieillissement de la population et du progrès technique.

La réforme de l’assurance maladie constitue donc un chantier prioritaire pour les mois à venir. La méthode retenue par le gouvernement a été présentée par le Premier ministre lors de l’installation, le 13 octobre 2003, du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. L’ensemble des acteurs de l’assurance maladie (partenaires sociaux, professionnels de santé libéraux, représentants des établissements de santé, usagers et patients, représentants des régimes complémentaires, parlementaires et représentants de l’Etat) vont d’abord participer à une phase de diagnostic, avant que ne s’engage la concertation dans le cadre de groupes de travail pilotés par M. Jean‑François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Parmi les sujets qui feront l’objet de ces groupes figurent la coordination entre la ville et l’hôpital, la gouvernance, les relations conventionnelles, la clarification des responsabilités entre l’Etat et l’assurance maladie, le renouveau de la politique conventionnelle…

Le présent projet de loi de financement crée un cadre favorable à cette concertation, en clarifiant les relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale, en stabilisant le déficit de l’assurance maladie et en mettant à disposition de l’ensemble des acteurs un certain nombre d’outils de maîtrise des dépenses par une responsabilisation partagée.

Toutes les mesures proposées, qu’elles soient d’ordre structurel ou conjoncturel, ont pour ambition de relever les défis sanitaires et financiers auxquels le pays est confronté et qui appellent la responsabilisation de tous les acteurs du système de soins et la responsabilité de l’ensemble de la représentation nationale. C’est à ces conditions que les principes fondateurs d’universalité et de solidarité de la sécurité sociale auxquels nous sommes tous, sans exception, attachés pourront être pérennisés.

 

*

Pour préparer l’examen de ce projet de loi de financement, de nombreuses auditions, ouvertes à tous les membres de la commission, ont été organisées par le rapporteur dès le printemps dernier. A ce titre, pas moins de trente représentants d’organismes ou experts ont été auditionnés et pour certains à deux reprises, au printemps et à l’automne. C’est une première pour la commission d’avoir pu procéder à autant d’auditions sur le financement de la sécurité sociale, et surtout autant en amont du débat.

La commission a examiné le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 pendant cinq séances, dont deux auditions, totalisant treize heures quinze de réunion. Elle a été saisie de 220 amendements sur les 59 articles du projet. Elle a adopté 113 amendements, dont 100 émanant des rapporteurs, 9 du groupe UDF, 3 du groupe UMP et 1 du gouvernement. Les plus importants sont les suivants :

Sur les dispositions relatives aux recettes :

– Création d’un Comité des finances sociales ;

– Mise en place, jusqu’au 30 juin 2004, d’un service de liquidation du FOREC ;

– Habilitation donnée aux caisses de sécurité sociale pour conclure un nouvel accord conventionnel avec les assureurs, afin de renforcer l’efficacité des recours contre tiers ;

– Réduction de la C3S payée par les détaillants acheteurs fermes de carburants ;

– Modification du mode de prélèvement portant sur l’industrie pharmaceutique en 2004, à rendement constant (150 millions d'euros) ;

– Adaptation de la nouvelle contribution sur la promotion des dispositifs médicaux, en réduisant l’assiette et le taux et en augmentant le seuil d’exonération ;

– Adaptation de la contribution sur la vente en gros de médicaments, en limitant l’assiette (pour en exclure les médicaments coûteux) et en modulant le taux entre part variable et part fixe ;

– Réduction du délai de reversement à la sécurité sociale par les services fiscaux du produit perçu au titre de la CSG et de la CRDS sur les revenus du patrimoine ;

Sur les dispositions relatives à l’assurance maladie :

– Institution d’un délai de soixante jours avant l’inscription d’un médicament au répertoire des groupes génériques, afin d’informer le laboratoire fabricant du princeps de la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché d’un générique et lui permettre ainsi d’organiser la défense de ses droits de propriété intellectuelle ;

– Consultation des organisations représentatives des établissements de santé publics et privés avant que l'Etat ne fixe ou modifie les tarifs nationaux, les forfaits annuels ou les dotations finançant les missions d'intérêt général et les aides à la contractualisation ;

– Analyse en fonction des pratiques médicales et des besoins de la population des évolutions des charges des régimes d'assurance maladie, préalablement à la régulation par modulation des tarifs ;

– Précision des sanctions applicables aux établissements de santé en cas de manquement aux règles de codage ou de facturation ;

– Report de l'application de la réforme portant tarification à l'activité dans l'hospitalisation privée de mai à octobre 2004 ;

– Mise en place d’un dispositif organisant dans un cadre contractuel la prescription et la délivrance des traitements de substitution à destination des toxicomanes ;

– Obligation pour les pharmaciens d’informer l’assuré social porteur de la carte Vitale du coût des dépenses de médicaments pour les régimes d’assurance maladie ;

– Allègement de la procédure de mise en ½uvre des accords de bon usage des soins et des contrats de bonne pratique, en prévoyant un avis simple de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé ;

– Transmission pour avis des nouveau contrats qui pourront être signés entre les réseaux de professionnels de santé et les unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM), en matière de gestion du risque, aux unions régionales des médecins libéraux (URML) ;

– Fixation préalable par les ministres de tutelle du taux de croissance de la masse salariale pour la négociation des conventions collectives du  secteur médico-social ;

– Réduction de 100 millions d'euros supplémentaires des dépenses de gestion de la branche maladie ;

Sur les dispositions relatives à la famille :

– Maintien pendant trois mois de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) en cas de décès de celui-ci ;

– Versement de la prime à la naissance de la prestation d’accueil du jeune enfant en janvier 2004 aux personnes ayant perçu moins de trois mensualités d’APJE avant le 1er janvier 2004.

 


 

i.- les comptes sociaux : une situation très difficile résultant d’un lourd héritage

 

a. des comptes plombés par une mauvaise croissance économique

La sécurité sociale se trouve dans une situation financière extrêmement préoccupante, qui est pour beaucoup la conséquence de décisions prises par le gouvernement précédent. Le déficit du régime général devrait atteindre 8,9 milliards d’euros en 2003, soit une dégradation de 5 milliards d’euros par rapport à la loi de financement votée l’an dernier. En 2004, il devrait être ramené de 13,6 milliards d’euros en tendanciel selon les chiffres de la Commission des comptes de la sécurité sociale à 11,2 milliards d’euros grâce aux mesures du présent projet de loi de financement. A titre de comparaison et pour bien prendre la mesure des choses, le déficit le plus important qu’avait connu la sécurité sociale jusqu’alors était, avant la mise en ½uvre du plan Juppé, de « seulement » 10,3 milliards d'euros en 1995.

La branche maladie est la seule à porter ce déficit, car toutes les autres s’équilibrent à peu près autour d’un solde nul. La branche vieillesse doit en effet « absorber » financièrement la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, ce qui se traduit d’abord par des dépenses supplémentaires, liées notamment aux départs anticipés à la retraite des personnes ayant commencé à travailler jeunes. La branche famille est également mise à contribution pour financer la traduction de l’engagement fort du Président de la République que constitue la prestation d’accueil du jeune enfant.

Comment expliquer cette évolution préoccupante ?

La sécurité sociale est certes confrontée à un classique effet de ciseaux. Avec une faible croissance économique, les recettes s’effondrent : alors qu’on attendait 4,1 % de croissance de la masse salariale l’an dernier, le taux ne devrait être au mieux que de 2,3 % pour 2003. Dans le même temps, les dépenses continuent d’augmenter sur une pente plus forte que celle de la richesse nationale. Les dépenses de protection sociale ont naturellement un effet contracyclique en période économique difficile.

Cette dégradation de la situation financière de la sécurité sociale est la traduction de l’écart important qui est apparu depuis 2002 entre la croissance des charges et celle des produits du régime général. Le rythme d’augmentation des dépenses s’est accéléré à partir de 2001, pour atteindre 6 % en 2003, alors que la progression des recettes ralentissait nettement à partir de 2002. Il en résulte un écart de croissance qui est chaque année supérieur à 2 % depuis 2002, et qui tend même à augmenter.


 

Solde des opérations courantes du régime général

(hors opérations en capital)

 

(en milliards d’euros et en droits constatés)

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Maladie

- 0,7

- 1,6

- 2,1

- 6,1

- 10,6

- 10,9

Accidents du travail

0,2

0,4

0

0,0

- 0,1

- 0,1

Vieillesse

0,8

0,5

1,5

1,7

1,5

- 0,2

Famille

0,2

1,4

1,7

1,0

0,3

0,0

Total régime général

0,5

0,7

1,2

- 3,5

- 8,9

- 11,2

 

 



b. les conséquences désastreuses de la politique dispendieuse de la gauche

Parallèlement, et pour parler clairement, les caisses sont vides, le précédent gouvernement ayant dispendieusement dilapidé les fruits de la croissance des années 1999-2001. Ces années de forte augmentation des recettes, qui ont permis mécaniquement un retour à un équilibre uniquement conjoncturel, n’ont été accompagnées d’aucune réforme structurelle permettant d’infléchir le rythme d’évolution naturelle des dépenses. La masse salariale avait connu des taux de croissance exceptionnels en 2000 et 2001 (6,3 % et 6,4 %), au-delà des rythmes de moyen terme, qui avaient permis le retour à une situation excédentaire du régime général malgré une accélération de la croissance des dépenses.

Aucune réserve n’a pourtant été constituée pour préparer l’avenir et faire face à un toujours probable retournement de la conjoncture. Bien au contraire, de nombreuses dépenses ont été mises à la charge de la sécurité sociale : les trente-cinq heures, la couverture maladie universelle (CMU), l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Comme le souligne la Cour des comptes, la réduction du temps de travail est venue au plus mauvais moment par rapport aux évolutions de la démographie médicale, compte tenu notamment de l’effet du « papy boom » sur les professions de santé à partir de 2006, ce qui constitue un défi sanitaire et financier supplémentaire à relever. Avec les protocoles Aubry (remplacements hospitaliers), la réduction du temps de travail, les revalorisations d’honoraires, l’absence de déremboursement des médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant et la CMU, il y a là quelques 7,8 milliards d’euros par an de manque à gagner pour le régime général. Ces 7,8 milliards d’euros ne sont pas compensés par les cotisations perçues, au plus 4 milliards d’euros, au travers de supposées créations ou préservations d’emplois au titre des trente-cinq heures. Si ces mesures avaient été abondées, la situation financière de la sécurité sociale serait loin d’être aussi abyssale que celle qui a été aujourd’hui léguée.

Il faut également mentionner la situation du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui a été littéralement pillé, à hauteur de 3,7 milliards d'euros, pour financer les promesses électorales de la gauche, notamment l’allocation personnalisée d’autonomie, au détriment du financement du minimum vieillesse et de la retraite des chômeurs. Le FSV a ainsi une dette cumulée sur 2002-2003 de 1,4 milliard d'euros à l’égard de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), correspondant aux périodes de chômage qui devraient être validées.

1. Les pertes de recettes

On peut tout d’abord détailler les ponctions opérées sur les ressources de la sécurité sociale pour financer le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Le gouvernement précédent a prélevé sur la sécurité sociale la taxe sur les primes d’assurance automobile, soit 985 millions d'euros de pertes de recettes à partir de 2003 pour la CNAM, et le droit de consommation sur les alcools, pour 2,9 milliards d'euros de pertes de recettes en 2003 (à savoir 760 millions d'euros pour la CNAM et 2,16 milliards d'euros pour le FSV).

En réalité, la perte de recettes de 2,16 milliards d'euros pour le FSV, à laquelle se sont ajoutés 2,2 milliards d'euros liés aux transferts de CSG au profit de la CNAM et du Fonds de financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (FFAPA), a été compensée pour partie par le transfert de la prise en charge de 60 % du coût de la majoration de pensions pour enfants à la CNAF, pour un coût d’1,9 milliard d'euros en 2003). On peut donc estimer qu’une partie de cette perte de recettes a affecté la CNAF (50 %, soit 1,1 milliard d'euros, si l’on considère que l’apport de la CNAF a compensé pour moitié la perte des droits sur les alcools et pour moitié le transfert de CSG).

Les pertes de recettes de la CNAM ont été aussi en partie compensées par un transfert de droits sur les tabacs (+ 6,1 %) en provenance du budget de l’Etat et d’une augmentation des taxes et des prix, soit un gain de 540 millions d'euros en 2003. La perte nette pour la CNAM associée à la création du FOREC est donc d’environ 1,2 milliard d'euros. Ajoutée au coût pour la CNAF, on aboutit à une perte de recettes égale, chaque année à partir de 2003, à au moins 2,3 milliards d'euros.

Pour le FSV, la diminution permanente des recettes de 3,7 milliards d'euros entre 2000 et 2002 se décompose ainsi : perte d’1,7 milliard d'euros de droits perçus sur les boissons en 2000 au profit du FOREC ; perte de 0,15 point de CSG en 2001 dans le cadre de l’équilibrage du FOREC, avec en compensation la prise en charge par la CNAF de 15 % des majorations de pension et une affectation de prélèvement social de 2 % sur le capital mais avec une dépense supplémentaire au titre de la dette de l’Etat vis-à-vis de l’AGIRC et de l’ARRCO, soit un bilan net de – 900 millions d'euros pour cette année ; et enfin une perte de 0,1 point de CSG en 2002 pour financer l’APA et du produit de la taxe sur la prévoyance au profit du FOREC, ainsi que de C3S au profit du BAPSA, avec pour seule compensation une part de majorations de pensions prises en charge par la CNAF portée à 30 %, soit un bilan net pour 2002 de – 1,1 milliard d'euros.

2. Les dépenses supplémentaires

En ce qui concerne les dépenses supplémentaires supportées par l’assurance maladie, on se référera au coût de 5,5 milliards d'euros pour 2003 figurant dans le rapport sur la sécurité sociale de septembre 2003 de la Cour des comptes. Les protocoles Aubry signés en 2000 et 2001, concernant notamment le remplacement des personnels hospitaliers et dont le financement a été transféré en 2003 du budget de l’Etat à la charge de l’assurance maladie, comme prévu initialement, correspondent à un coût en année pleine de 1,566 milliard d'euros. Les montants afférents aux créations d’emplois consécutives à la réduction du temps de travail, entrés en base dans l’ONDAM, représentent un total cumulé de 1,817 milliard d'euros pour les seuls établissements de santé. Les accords agréés par le gouvernement précédent (revalorisation d’honoraires des médecins généralistes et mise en place d’un système conventionnel de visite à tarif majoré) ont eu des conséquences financières à hauteur de 1,220 milliard d'euros. Enfin, la renonciation au déremboursement des médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant aurait coûté un milliard d’euros à la sécurité sociale.

Plus précisément, la réduction du temps de travail à l’hôpital a pris la forme d’un protocole d’accord national signé le 27 septembre 2001 entre la fonction publique hospitalière et quatre organisations syndicales. Il était mis à disposition des établissements publics de santé 45 000 postes supplémentaires, dont le financement a été échelonné sur trois exercices annuels et dont la répartition entre les établissements a été établie et notifiée par les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) dès 2002. Au plan budgétaire, le coût global prévisionnel de la création de ces emplois s’élève à 1,865 milliard d’euros en 2003 en tenant compte des établissements sociaux et médico-sociaux publics.

Le détail de cette somme est le suivant : en 2002, le coût des créations d’emplois non médicaux à la charge de l’assurance maladie dans les établissements publics sanitaires, sociaux et médico-sociaux s’est élevé à 506 millions d'euros (permettant de créer 28 % des 45 000 emplois) ; celui des postes médicaux créés a été de 106,71 millions d'euros. En 2003, le coût des emplois non médicaux créés dans ces établissements a été de 619 millions d'euros (correspondant à 50 % des emplois) et celui des emplois médicaux de 122,65 millions d'euros. En 2004, le coût des créations d’emplois non médicaux sera de 410 millions d'euros (soit le financement du solde des emplois de jour ainsi que de la totalité des emplois de nuit) et celui des créations d’emplois médicaux de 50 millions d'euros. Enfin, en 2005, 50 millions d'euros seront consacrés à la création des emplois médicaux restant.

Il convient d’y ajouter les crédits non pérennes consacrés au financement du compte épargne-temps (CET), soit 1,364 milliard d’euros en 2005 avec les établissements sociaux et médicaux sociaux publics (pour les seuls établissements de santé, 400 millions d'euros en base en 2002, 320 millions d'euros supplémentaires en 2003 et encore 320 millions en 2004). Ces crédits sont destinés à financer, pour la période 2002‑2004 pour les médecins et 2002‑2003 pour les personnels non médicaux, les droits à congés non pris ou portés dans un CET du fait de l’étalement sur trois ans (quatre ans pour les médecins) des créations d’emplois au titre de la réduction du temps de travail. Ce financement permettra aux établissements de remplacer les agents qui utiliseront ces droits, qui représentent un volume de plus de 30 000 équivalents temps plein sur la période 2002‑2004.

A la fin de la période de mise en ½uvre de la réduction du temps de travail à l’hôpital, en 2005, le coût total se montera ainsi à près de 3,5 milliards d’euros par an. On peut encore ajouter à cette somme la mise en ½uvre des accords de réduction du temps de travail dans les organismes de sécurité sociale, qui ont abouti à 8 297 créations de postes pour un coût en année pleine de 112 millions d'euros en 2003.

Ce montant total (pertes de recettes et augmentation de dépenses) de 7,8 milliards d'euros mérite d’être rapproché du montant des déficits actuels du régime général : 3,5 milliards d'euros en 2002, 8,9 milliards d'euros en 2003 et 11,2 milliards d'euros en 2004. Pour être plus explicite encore, le rapporteur présente une courbe simulée de ce qu’aurait été le solde du régime général sans prise en compte des mesures du gouvernement précédent. Il s’est référé au solde présenté par les rapports des commissions des comptes de la sécurité sociale de septembre, avant mesures des lois de financement de la sécurité sociale, et en défalquant le cas échéant sur les années correspondantes les mesures de recettes et de dépenses susmentionnées. On constate que des réserves beaucoup plus importantes auraient pu être constituées en période vaches grasses (excédents d’1 milliard d'euros en 2000, 2,3 milliards d'euros en 2001 et 2 milliards d'euros en 2002), et que les déficits actuels serait atténués, bien loin du gouffre financier (seulement ‑ 1,1 milliard d'euros en 2003 et ‑ 2,6 milliards d'euros en 2004).


 

Estimation sans prise en compte
des mesures non financées
par le gouvernement précédent

 

 

 


 

iI.- le financement de la sécurité sociale pour 2004 : une réelle clarification pour préparer l’avenir

 

Face à la situation très dégradée des comptes sociaux, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 est un véritable projet de clarification, qui permet d’engager sur des bases assainies la concertation préalable à l’adaptation de l’assurance maladie en 2004, laquelle fera suite à la réforme réussie des retraites par M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

a. ÉVITER une plus grande détérioration des comptes sociaux

1. Un cadrage tendu

Selon les hypothèses économiques communes retenues par le gouvernement pour bâtir le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PIB devrait augmenter au mieux de 3,4 % en 2004, après seulement 2,5 % en 2003. En conséquence, la masse salariale du secteur privé, qui est l’élément prépondérant de l’assiette des prélèvements sociaux, n’augmenterait que de 3,1 % en 2004, alors que cette croissance ne devrait être que de 2,3 % en 2003.

Ces éléments créent un contexte macro-économique peu favorable au redressement de la situation financière de la sécurité sociale : les recettes sont moins dynamiques et la progression des dépenses est accélérée. Il s’agit du classique effet de ciseaux.

Les comptes tendanciels sur lesquels sont basés le présent projet, avant intégration des mesures nouvelles, sont issus du rapport de septembre 2003 de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Cette commission s’est fondée sur les hypothèses économiques et sociales suivantes :

– masse salariale du secteur privé : + 3,1 % (soit 2,7 % au titre de l’évolution du salaire moyen par tête et 0,4 % pour les effectifs salariés) ;

– prix à la consommation hors tabac : + 1,5 % ;

– revalorisation des pensions et de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) : + 1,7 %, soit  l’augmentation des prix prévue pour 2003 ;

– revalorisation du plafond de la sécurité sociale : + 1,8 % ;

– taux de croissance de l’ONDAM : + 5,5 %.

La Commission des comptes de la sécurité sociale a intégré dans ses prévisions la suppression du FOREC, qui dépend d’un vote du Parlement en projet de loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale, et les dotations à divers fonds (hospitaliers, amiante) mais elle n’a pas intégré les effets financiers pour 2004 de la loi, pourtant déjà votée, du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Cela prouve la nécessité d’une plus grande indépendance dans la définition des modes de construction des comptes, car le gouvernement décide lui-même de la présentation des comptes et de l’affichage des mesures qu’il prend. Il est tout à fait dans le rôle de l’exécutif de déterminer les comptes servant de base au projet de loi de financement de la sécurité sociale qu’il prépare mais, par souci de transparence et de lisibilité, il faudrait mieux distinguer l’équivalent des services votés (à savoir l’évolution tendancielle des comptes) et les mesures nouvelles proposées au vote du Parlement. La création du Comité des finances sociales devrait permettre d’atteindre cet objectif de clarification des rôles.

En revanche, il faut noter un progrès notable en ce qui concerne l’ONDAM, qui va dans le sens de la médicalisation de cet objectif souhaitée lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Ainsi, pour la première fois cette année depuis qu’existent des lois de financement, le taux de croissance de l’ONDAM proposé au vote du Parlement diffère de celui retenu par le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale. En effet, la commission des comptes a présenté une prévision tendancielle d’évolution de 5,5 %, en tenant compte des objectifs proposés par le gouvernement pour les seuls postes « budgétaires » de l’ONDAM, à savoir notamment les établissements de santé sous dotation globale, mais en évaluant les autres postes, essentiellement les soins de ville, en fonction des tendances de consommation de soins en volume et des effets des mesures décidées les années précédentes (revalorisations tarifaires, déremboursement …). A partir de cette évolution tendancielle de l’ONDAM à 5,5 %, le gouvernement propose l’adoption, à l’article 44 du présent projet, d’un ONDAM à 4 % qui est la traduction d’un certain nombre de mesures d’économie, détaillées plus loin.

Les montants prévus par le projet de loi de finances pour 2004 ont été repris dans les comptes de la sécurité sociale, s’agissant notamment des cotisations prises en charge par l’Etat (essentiellement sur le budget de l’emploi, compte tenu de la suppression du FOREC), des recettes fiscales rebudgétées, des remboursements de prestations par l’Etat et des subventions d’équilibre versées.

2. L’impact des mesures nouvelles du projet de loi de financement

Les effets attendus des mesures nouvelles de financement qui sont proposées au vote du Parlement dans le cadre du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale sont retracés dans le tableau suivant.

Comme dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, les comptes de l’année en cours ne sont pas modifiés. Il s’agit d’une preuve de la volonté de clarification du gouvernement, en ne pratiquant aucune manipulation comptable, à la différence des errements du gouvernement précédent, qui n’hésitait pas à rouvrir des comptes clos. Si les comptes devaient être substantiellement modifiés en cours d’année, ils le seront dans le cadre d’une loi de financement rectificative déposée en tant que telle, en bonne et due forme et le moment venu, sans attendre une simple ratification par le Parlement à la fin de l’année de mesures déjà prises par l’exécutif.


 

Solde des opérations courantes du régime général en 2004

(en millions d’euros)

 

Maladie

AT/MP

Vieillesse

Famille

Total

Solde du compte tendanciel

‑ 14 054

‑ 164

+ 569

+ 23

‑ 13 626

Remboursement dette du FOREC par la CADES (art. 2 plfss )

+ 474

+ 90

+ 329

+ 204

+ 1 097

Modifications des droits sur les tabacs (art. 4 plfss et art. 24 plf)

+ 800

 

 

 

+ 800

Renforcement efficacité recours contre tiers (art. 5 plfss)

+ 100

 

 

 

+ 100

Augmentation rendement taxes promotion (art. 9 et 10 plfss)

+ 170

 

 

 

+ 170

Limitation exonérations liées aux actes côtés en K50

+ 530

 

 

 

+ 530

Augmentation du forfait hospitalier

+ 159

 

 

 

+ 159

Mesures de maîtrise médicalisée des dépenses ambulatoires

+ 706

 

 

 

+ 706

Mesures concernant le médicament

+ 256

 

 

 

+ 256

Economies de gestion des caisses d’assurance maladie

+ 60

 

 

 

+ 60

Contribution au financement CMU complémentaire (art. 82 plf)

 ‑ 140

 

 

 

‑ 140

Création de la PAJE et autres mesures famille (art. 50 plfss)

 

 

 

 ‑ 200

‑ 200

Mise en ½uvre loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites

 

 

‑ 1 090

 

‑ 1 090

Solde après mesures nouvelles prévues dans le PLFSS 2004

‑ 10 939

‑ 74

  192

+ 27

‑ 11 178

A la suite de l’ensemble de ces mesures, le déficit du régime général devrait atteindre 11,1 milliards d’euros à la fin de l’année 2004. La situation financière de la sécurité sociale est ainsi stabilisée par rapport à l’évolution tendancielle décrite dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

B. les mesures de recettes

1. La suppression du FOREC

a) La disparition d’un fonds sans fonds bien mal nommé

L’article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a créé le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), dont la mission consiste à prendre en charge les mesures d’allègements généraux de cotisations patronales portant sur les bas salaires ou liés à la réduction du temps de travail. Le FOREC prend aujourd’hui en charge la plus grande partie des exonérations de cotisations, pour 15,9 milliards d'euros en 2003. Il a été substitué à l’Etat pour rembourser aux organismes de sécurité sociale le coût de ces exonérations de cotisations qui relèvent de la politique de l’emploi. Il a été ainsi baptisé en raison de cette mission et de son mode de financement, car le gouvernement précédent considérait bien naïvement que l’alimentation du fonds par des recettes fiscales diverses suffirait pour réformer le mode de financement de la sécurité sociale.

Le FOREC est un établissement public de l’Etat à caractère administratif. Il est doté d’un conseil de surveillance comprenant notamment des représentants du Parlement et des partenaires sociaux, qui ne s’est réuni qu’une fois sous la précédente législature. Le fonds est placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé de l’emploi et du ministre chargé du budget. Compte tenu de la proximité des procédures appliquées et dans un souci de maîtrise des frais de gestion, le FOREC est géré par le Fonds de solidarité vieillesse (même président du conseil d’administration, composé uniquement de représentants de l’Etat, même directeur et même agent comptable).

Le première année d’existence réelle du fonds n’a été que l’exercice 2001 car le gouvernement précédent doutait lui-même de la fiabilité de l’outil qu’il venait de créer. Il lui a fallu en effet un an de tergiversations avant de prendre le décret officialisant la création du fonds. Entre temps, la sécurité sociale n’avait pas été remboursée des exonérations de cotisations sociales correspondantes, ce qui a laissé subsister sur l’Etat une dette de plus de 2 milliards d'euros.

L’année 2003 constituera la dernière année d’existence du FOREC. En effet comme le prévoient, de manière un peu redondante juridiquement il est vrai l’article 3 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale et l’article 18 du projet de loi de finances pour 2004, à compter du 1er janvier prochain, les allègements de cotisations sociales aujourd’hui pris en charge par le fonds seront intégralement compensés, en application de l’article L. 137-1 du code de la sécurité sociale, par le budget de l’Etat (budget du ministère chargé de l’emploi).

La clarification tant attendue des relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale est ainsi enfin réalisée. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 avait déjà rompu avec les pratiques précédentes, d’une part, en mettant en ½uvre l’engagement de l’Etat de compenser intégralement les nouveaux allégements de charge (l’allègement Fillon qui remplace la ristourne Juppé et les aides Aubry II depuis le 1er juillet 2003) et, d’autre part, en réaffectant à la sécurité sociale une partie des recettes qui avaient été naguère utilisées pour le financement du FOREC, en particulier les droits sur les tabacs. En 2004, le FOREC est définitivement supprimé et la dette que le précédent gouvernement avait laissée en 2000 se trouve soldée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).

Ainsi sera de nouveau appliquée la règle fondamentale posée par la loi du 25 juillet 1994, à savoir que la politique de l’emploi relève de l’Etat et que les exonérations de cotisations qui en sont le vecteur principal sont financées par le budget de l’Etat. Il en résulte un transfert sur le budget du travail et de l’emploi de 16 milliards d'euros, montant correspondant aux charges du FOREC en 2003. Ce transfert correspond aux dépenses actuelles du fonds. Du 1er janvier 2000 au 30 juin 2003, le fonds a ainsi pris en charge :

– Les allègements dans le cadre de la réduction négociée du temps de travail à trente-cinq heures (loi du 19 janvier 2000 dite « loi Aubry II »). Ce dispositif intègre : les allègements de droit commun accordés dans le cadre des 35 heures (à condition qu’un accord d’entreprise ait été signé par les organisations syndicales majoritaires ou approuvé par les salariés en cas d’accord minoritaire), les allègements Aubry II accordés en complément d’autres aides incitatives à la réduction du temps de travail (Aubry I et de Robien) et les sept majorations d’allègements pour les entreprises passées aux 32 heures, les entreprises en zone de revitalisation rurale, les entreprises en zone de redynamisation urbaine, les entreprises en Corse (mesure pérenne), les entreprises en zone franche Corse (mesure non pérenne), les entreprises dont les salariés relèvent des caisses de congés payés, les entreprises du secteur routier.

– La réduction dégressive sur les bas salaires instituée par la loi du 4 août 1995, dite « ristourne Juppé ».

– L’aide incitative à la réduction du temps de travail créée par la loi du 13 juin 1998 (dite « loi Aubry I ») au profit des entreprises ayant choisi d’anticiper l’application des trente-cinq heures et versée indépendamment du niveau des salaires. Pour accélérer sa disparition progressive d’ici 2006, l’article 80 du projet de loi de finances pour 2004 propose qu’à compter du 1er avril 2004, cette aide ne soit plus cumulable avec le nouvel allègement unifié sur les bas salaires (cf. infra).

– L’allègement en faveur de l’incitation à la réduction collective du temps de travail institué par la loi du 11 juin 1996 (dite loi « de Robien »).

– Les exonérations de cotisations d’allocations familiales en faveur de certains régimes spéciaux (depuis le 1er janvier 1994) et les salariés agricoles (depuis le 1er janvier 1996).

A compter du 1er juillet 2003, le fonds a pris en charge le nouveau dispositif unifié d’allègement général de cotisations patronales de sécurité sociale, qui se substitue à la réduction dégressive sur les bas salaires, dite « ristourne Juppé », ainsi qu’à l’allègement de charge dit « Aubry II ». Ce nouveau dispositif, issu de la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi, monte progressivement en charge sur une période transitoire de deux années. Il n’est plus conditionné à la réduction du temps de travail et permet de compenser le coût pour les entreprises de l’alignement des différents SMIC vers le haut.

Pour financer ces exonérations de cotisations, le FOREC a disposé des produits suivants, les plus divers qui soient :

- une fraction des droits de consommation sur les tabacs manufacturés ;

- une fraction des droits de consommation sur les alcools, ainsi que la totalité des autres droits indirects portant sur les boissons ;

- la taxe générale sur les activités polluantes ;

- la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés ;

- une fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances ;

- la taxe sur les véhicules des sociétés ;

- la taxe sur les contributions des employeurs au bénéfice des salariés pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance ;

- le prélèvement sur les contrats d’assurance des véhicules terrestres à moteur.

Compte tenu de la suppression du FOREC, l’intégralité du produit de ces taxes est réaffecté au budget de l’Etat par l’article 24 du projet de loi de finances pour 2004. Des recettes « traditionnelles » de la sécurité sociale, notamment les droits sur les alcools (affectés au FSV depuis 1993), la contribution sur les primes d’assurance automobile (affectée à la CNAM depuis sa création en 1967) et la contribution sur la prévoyance (affectée au FSV depuis sa création en 1996), sont ainsi « récupérées » au profit du budget de l’Etat, sans conserver un lien entre la taxation et l’affectation du produit de la taxe, ce qui est regrettable mais indispensable dans le contexte budgétaire actuel. Il faut également rappeler que le fonds bénéficie toujours de réserves disponibles au titre des excédents des gestions 2001 et 2002, pour 307 millions d'euros compte tenu du déficit prévisionnel 2003. Ce solde sera aussi récupéré par l’Etat dans le cadre de la rebudgétisation du fonds, sur le poste des recettes non fiscales 2004.

L’évolution des dépenses et celle des recettes du fonds étant complètement indépendante, les gouvernements successifs ont été obligés chaque année de trouver de nouveaux mécanismes d’équilibrage, essentiellement par le transfert de recettes fiscales en provenance du budget de l’Etat ou de la sécurité sociale. L’avantage fondamental de la budgétisation en la matière est de faire jouer le principe d’universalité du budget de l’Etat : l’ensemble des recettes couvrent l’ensemble des dépenses. Il n’y a donc plus besoin de se livrer au petit jeu d’équilibrage annuel d’un fonds spécifique, que résume maintenant à titre historique le tableau de financement suivant.

Compte de résultat du FOREC

(en millions d'euros et en droits constatés)

 

2000 (*)

2001

2002

2003

2004 (**)

PRODUITS.............................................................................

9 000

14 681

15 658

15 727

16 499

Droits tabacs..........................................................................

5 855

8 497

7 798

7 432

8 107

Droits alcools.........................................................................

1 662

2 851

2 627

2 554

2 500

CSB..........................................................................................

430

1 056

785

740

470

TGAP.......................................................................................

398

522

640

500

510

Taxe sur les conventions d’assurances.............................

-

1 054

1 504

2 260

2 375

Taxe sur les véhicules des sociétés....................................

-

701

756

770

780

Taxe sur les primes d’assurance auto.................................

-

-

947

965

965

Taxe contributions de prévoyance.....................................

-

-

579

490

505

Contribution budgétaire de l’Etat........................................

656

-

-

-

 

Produits financiers.................................................................

-

-

17

16

17

 

 

 

 

 

 

CHARGES..............................................................................

11 460

14 416

15 434

15 909

17 100

Allègement Fillon...................................................................

-

-

-

6 969

15 792

Ristourne Juppé.....................................................................

5 560

5 049

4 320

2 138

-

Allégement Aubry II avec majorations..............................

3 600

6 372

8 191

4 190

-

Aide incitative Aubry I.........................................................

2 300

2 423

2 362

2 073

890

Exonération de Robien..........................................................

-

506

539

530

408

Exonérations cotisations AF................................................

-

67

13

?

10

Charges de gestion................................................................

-

-

9

9

-

 

 

 

 

 

 

RESULTAT NET

‑ 2 460

+ 265

+ 224

- 182

- 601

(*) : fonds non constitué
(**) : fonds supprimé, simulation fictive à législation constante par rapport à 2003 (sauf article 80 plf)
b) La réelle simplification des flux de financement de la sécurité sociale

Par rapport aux précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale, notamment à ceux de la précédente majorité, il n’y a aucun changement apporté aux mécanismes de répartition des impositions affectées ni aucune modification des transferts entre régimes ou branches. La suppression du FOREC permet en effet d’éviter de procéder à des ajustements strictement comptables, à travers une tuyauterie complexe, pour tenter d’équilibrer des dépenses par des recettes dont la dynamique d’évolution n’a aucun rapport. C’est pourquoi le présent projet de loi de financement ne comporte que des mesures d’équilibrage financier internes à la branche maladie, justifiées par sa situation financière, qui sont présentées dans la troisième partie du présent rapport.

Les clefs de répartition des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale (ITAF) étaient auparavant modifiées chaque année, parfois même deux fois par an, ce qui aboutissait à faire perdre tout son sens à la notion même de déficit d’un régime, d’un fonds ou d’une branche. L’ajustement en continu a été pratiqué par le précédent gouvernement en raison d’une absence de vision structurelle du financement de la sécurité sociale. La stabilisation des clefs de financement que permet la suppression du FOREC permettra de responsabiliser les acteurs, de mieux suivre l’évolution des recettes et des dépenses, ce qui contribue bien à la clarification du financement de la sécurité sociale.

Toute la tuyauterie qui avait été savamment mise en place pour masquer le détournement des recettes de la sécurité sociale est ainsi supprimée d’un coup. Le diagramme sagittal des flux de financement de la sécurité sociale conçu par M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général sous la précédente législature, pour aider la représentation nationale à décrypter cette machinerie infernale, n’a plus lieu d’être : d’un coup d’½il, tout est plus simple ! Chacun retrouve son rôle. Pour preuve, il n’y a aucun nouveau tuyau mis en place dans ce texte, ce qui est une première depuis quatre ans. En effet, la sécurité sociale est garantie d’une prise en charge directe et intégrale des exonérations de charges, assurée par l’universalité des recettes du budget de l’Etat.

Simplification et clarification doivent aller de pair avec un effort de transparence. C’est pourquoi la commission a voté à l’unanimité la création d’un Comité des finances sociales pour accompagner la suppression du FOREC. Ce comité pourrait remplacer la Commission des comptes de la sécurité sociale et aurait pour modèle d’indépendance et de sérieux le Comité des finances locales. Il permettrait de mettre en ½uvre la démocratie sociale en associant les membres composant actuellement la Commission des comptes à des représentants des autres compétences de la protection sociale (APA, CMU, chômage). Un comité exécutif réunissant parlementaires et partenaires sociaux aurait pour vocation de permettre un meilleur suivi et un contrôle plus opérationnel de toutes les recettes et dépenses sociales dans leurs relations financières avec l’Etat.


 

LES FLUX DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE en 2003

(hors Etat et BAPSA)

_________________

 

RESSOURCES AFFECTÉES                         FONDS DE FINANCEMENT                                                                    RÉGIMES DE BASE

 

 

Contributions pharma

Zone de Texte: MALADIE
 
CNAM
 
CANAM
 
Autres régimes

 

Droits tabacs

 

Zone de Texte: Fonds préretraite amiante

 

Taxe auto

 

Taxe assurance

Taxe véhicules sociétés

Zone de Texte: FOREC

 

Droits alcools

 

Zone de Texte: ACCIDENTS DU TRAVAIL

 

TGAP

 

Zone de Texte: FSV

 

CSB

 

Zone de Texte: FAMILLE - CNAF

 

CSG

 

Zone de Texte: VIEILLESSE
 
CNAV
 
Autres régimes

 

Zone de Texte: Fonds de réserve

 

Taxe prévoyance

 

C3S

Prélèvement social 2 %

 

Zone de Texte: CADES

 

CRDS

 


 

LES FLUX DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE en 2004

(hors Etat et BAPSA)

_________________

 

RESSOURCES AFFECTÉES                         FONDS DE FINANCEMENT                                                                    RÉGIMES DE BASE

 

 

Zone de Texte: MALADIE
 
CNAM
 
CANAM
 
Autres régimes

 

Contributions pharma

 

Droits tabacs

Zone de Texte: Fonds préretraite amiante

 

 

 


 

Taxe boissons

 

Zone de Texte: FSV
Zone de Texte: ACCIDENTS DU TRAVAIL

 

 

 


 

Zone de Texte: FAMILLE - CNAF

 

CSG

 

Zone de Texte: Fonds de réserve
Zone de Texte: VIEILLESSE
 
CNAV
 
Autres régimes

 

 

 


 

C3S

Prélèvement social 2 %

 

Zone de Texte: CADES

 

CRDS

 


 

Clefs de répartition des principaux impôts et taxes
affectés à la sécurité sociale jusqu’en 2004

 

2000

2001

2002

2003

2004

CSG

- CNAF

- Maladie

- FSV

- APA

 

1,1 %

5,1 %

1,3 %

0 %

 

1,1 %

5,25 %

1,15 %

0 %

 

1,1 %

5,25 %

1,05 %

0,1 %

Non modifié

Non modifié

2 % capital

- CNAM

- CNAF

- CNAV

- FRR

- FSV

 

8 %

13 %

30 %

49 %

0 %

 

0 %

0 %

30 %

50 %

20 %

 

0 %

0 %

15 %

65 %

20 %

Non modifié

Non modifié

droits tabacs

- CNAM

- FOREC

- Fonds amiante

- Etat/BAPSA

 

16 %

79 %

0,39 %

5,9 %

 

2,61 %

97 %

0,39 %

0 %

 

8,84 %

90,77 %

0,39 %

0 %

 

15,2 %

84,45 %

0,35 %

0 %

 

22,27 %

0 %

0,32 %

77,41 %

droits alcools

- CNAM

- FOREC

- Etat

 

45 %

55 %

0 %

 

0 %

100 %

0 %

Non modifié

Non modifié

 

0 %

0 %

100 %

taxe prévoyance

- FSV

- FOREC

- Etat

 

100 %

0 %

0 %

Non modifié

 

0 %

100 %

0 %

Non modifié

 

0 %

0 %

100 %

taxe automobile

- CNAM

- FOREC

- Etat

 

100 %

0 %

0 %

Non modifié

 

0 %

100 %

0 %

Non modifié

 

0 %

0 %

100 %

taxe assurances

- FOREC

- Etat

 

0 %

100 %

 

24,7 %

75,3 %

 

30,56 %

69,44 %

 

44,07 %

55,93 %

 

0 %

100 %


 

2. La situation financière des autres fonds de financement

Indépendamment de la suppression du FOREC, il convient d’examiner comment les autres fonds de financement de la sécurité sociale vont être équilibrés en 2004 dans le cadre du présent projet de loi.

a) Le Fonds de solidarité vieillesse

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est un établissement public national à caractère administratif créé par la loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale. Il est chargé de financer les avantages vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale servis par le régime général, les régimes alignés sur lui (salariés agricoles, ORGANIC et CANCAVA) et, à partir de 2001, les régimes complémentaires (AGIRC et ARRCO).

La situation du FSV est devenue déficitaire en raison notamment des multiples détournements de recettes opérés par le précédent gouvernement, au bénéfice du FOREC pour les trente-cinq heures et du FFAPA pour la mise en place de la nouvelle allocation destinée aux personnes âgées dépendantes, toutes dépenses nouvelles qui n’étaient bien évidemment pas financées. Ce déficit n’a pas pu être couvert par les réserves accumulées, qui ont ainsi été complètement dilapidées alors qu’elles devaient servir à alimenter le Fonds de réserve des retraites, demeuré ainsi assez largement une coquille vide par la faute même du précédent gouvernement.

Il n’y a donc guère de marge de man½uvre budgétaire pour équilibrer le FSV. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 n’a aucun impact sur les produits et charges actuelles du FSV, hormis l’effet mécanique de la revalorisation réglementaire des pensions de vieillesse à hauteur de 1,7 % qui accroît les charges du FSV en 2004 à hauteur de 100 millions d’euros. Néanmoins, le solde 2004 va se trouver très fortement amélioré car la procédure d’affectation de C3S au FSV sera accélérée par rapport aux années antérieures : outre les excédents de C3S constatés en 2003 après couverture des déficits de la CANAM, de l’ORGANIC et de la CANCAVA et après versement au BAPSA, les excédents prévisionnels pour 2004 seront également affectés au Fonds de solidarité vieillesse dès 2004, sans attendre l’année 2005.

Il faut noter que l’article 51 du présent projet n’augmente pas par rapport à l’année dernière la prise en charge par la CNAF des dépenses liées à la majoration de pension pour enfants. Pour l’année 2004, comme pour 2003, la fraction des majorations de pensions pour enfants prise en charge par la branche famille est fixée à 60 %. Les charges exceptionnelles constatées dans les comptes du FSV en 2003, à hauteur de 174 millions d'euros, correspondent d’ailleurs à la régularisation d'une erreur de comptabilisation des transferts de la CNAF opérés au titre de son financement de la majoration pour enfants.

Malgré sa situation déficitaire en 2003, le FSV continue cette année à régler les sommes qu’il doit aux régimes vieillesse par acomptes déterminés dans les conventions conclues avec ces régimes. Cependant, les acomptes versés à la CNAV sont minorés par rapport aux prévisions des dépenses réelles sur le poste "prise en charge des cotisations représentant les périodes de chômage validées". Le cumul 2002-2003 sur ce poste représente une "dette" de 1,36 milliard d'euros envers la CNAV. Les flux de trésorerie sont minorés d’autant sur ces années, et il faudra bien les rattraper assez vite.

Le tableau suivant présente les conditions générales de l’équilibre financier du FSV. Le montant prévisionnel des produits et des charges s'élèverait en 2004 respectivement à 13,9 milliards d’euros et 13,2 milliards d’euros, ce qui donne un résultat net d'exercice bénéficiaire de 683 millions d’euros.

Compte de résultat du FSV

(en millions d’euros)

 

2001

2002

2003

2004

PRODUITS.........................................................

11 566

11 010

12 446

13 860

CSG.......................................................................

9 719

9 078

9 263

9 530

Taxe contributions prévoyance.......................

384

-

-

-

C3S.......................................................................

551

567

922

1 894

Prélèvement social 2 % capital.........................

383

350

356

464

Versement de la CNAF......................................

478

1 000

1 890

1 957

Produits financiers.............................................

51

15

15

15

 

 

 

 

 

CHARGES..........................................................

11 652

12 368

13 308

13 177

Minimum vieillesse............................................

2 497

2 485

2 513

2 569

Majorations de pensions de retraite...............

2 995

3 118

3 240

3 357

Cotisations prises en charge (chômage)........

5 585

6 202

6 800

6 723

Versement à l’AGIRC et a l’ARRCO................

441

448

457

465

Autres charges...................................................

102

115

298

63

 

 

 

 

 

RESULTAT NET................................................

- 86

- 1 353

- 862

683

Versement au fonds de réserve

- 287

0

0

0

SOLDE CUMULÉ..............................................

1 230

- 123

- 985

- 302

b) Le Fonds de réserve pour les retraites

Le Fonds de réserve pour les retraites a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Etablissement public autonome depuis le 1er janvier 2002, il est censé accumuler des réserves pour payer les retraites lors du choc démographique lié au départ en retraite des enfants du « baby-boom », après 2020. Il devrait donc, avant cette date, être alimenté régulièrement par des ressources pérennes.

Or la réalité financière est très loin des objectifs affichés par le précédent gouvernement, à savoir atteindre 152 milliards d’euros d’ici 2020. En effet, on peut estimer, compte tenu de son mode d’alimentation actuel, que le fonds n’aura pas accumuler plus de 90 milliards d'euros d’ici 2020, ce qui ne permettra guère de lisser plus de cinq ou six années de déficit des régimes d’assurance vieillesse à ce moment là. Ces projections font sérieusement douter de l’intérêt de conserver un tel instrument financier inadapté à sa mission originelle.

En effet, les produits du fonds sont constitués par :

- le versement de tout ou partie des excédents du FSV (qui hélas n’en a plus, notamment à cause du FOREC),

- le versement de l’excédent de la CNAV au titre du dernier exercice clos (ce versement devant se tarir dès l’année prochaine avec la mise en ½uvre de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites),

- une fraction de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S), qui n’a été versée qu’une fois, en 1999,

- une fraction du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement,

- la contribution de 8,2 % sur la part de l’abondement patronal au plan partenarial d’épargne salariale volontaire (PPESV) et les montants d’intéressement et de participation non réclamés par les salariés et reçus par la Caisse des dépôts et consignations, au terme du délai de prescription trentenaire (dont le rendement statistique est pudiquement qualifié « d’épsilonesque »),

- le versement d’une fraction du produit des licences UMTS (téléphonie mobile de troisième génération), dont tous les espoirs de croissance rapide se sont vite envolés et ont en revanche mis France telecom en grave difficulté financière

- et enfin les produits des placements du fonds, qui ne peuvent guère rapporter plus que ce qui y a été investi. Depuis le début de l’année 2002, et dans l’attente de la mise en place de la délégation de gestion financière aux établissements financiers d’ici la fin de l’année 2003, les sommes collectées par le fonds sont gérées sur un compte de dépôt du Trésor, rémunéré sur la base du taux moyen des bons du Trésor à taux fixe (BTF à trois mois) moins 0,05 % émis au cours de la période. Ces sommes sont progressivement transférées sur des comptes à terme (trois ou six mois) ouverts auprès de la Caisse des dépôts et consignations (7,6 milliards d’euros à compter du 1er juillet 2003 et 5,5 milliards d’euros à compter du 2 novembre 2003). La rémunération de ces placements varie actuellement autour de 2 %.

Entre 1999 et 2003, le fonds a accumulé 16,5 milliards d'euros, ainsi répartis :

- recettes fiscales (prélèvement sur les revenus du capital pour l’essentiel) : 4,7 milliards d'euros, soit 29 % ;

- excédents de la CNAV (c'est-à-dire produit des cotisations vieillesse) : 4,4 milliards d'euros, soit 27 % ;

- recettes de privatisations (y compris UMTS et caisses d’épargne) : 6,6 milliards d'euros, soit 40 % ;

- produit des intérêts des placements financiers : 800 millions d'euros, soit 5 %.

Le tableau suivant présente les conditions générales de l’équilibre financier du FRR. En 2004, les recettes du Fonds de réserve devraient s’élever, à législation constante, à 3,2 milliards d’euros. Elles seraient composées de 1,1 milliard d’euros de prélèvement social de 2 %, de 1,52 milliard d’euros d’excédent en droits constatés de la CNAV au titre de 2003, et enfin de 517 millions d’euros de produits financiers. Les comptes du FSV affichant un nouveau déficit en 2003, aucun reversement n’interviendra à ce titre en 2004. En outre, l’opération de souscription des parts sociales des sociétés locales d’épargne arrive à son terme en 2003. En l’absence de mesure nouvelle de recette, les réserves du FRR devraient ainsi atteindre 19,7 milliards d’euros à la fin de l’année 2004.

 

Compte de résultat du Fonds de réserve pour les retraites

(en millions d’euros)

 

2002

2003

2004

RESSOURCES nettes.........................................

5 835

3 707

3 182

Prélèvement 2 % capital.......................................

1 116

1 156

1 166

Versement CNAV..................................................

1 518

1 662

1 520

Opération souscription parts caisses d’épargne         

718

493

0

Privatisations (ASF, Crédit lyonnais)................

1 600

500

0

UMTS.....................................................................

619

0

0

Divers (C3S, CDC, FSV, réserves Mayotte)......

0

82

0

Produits financiers................................................

267

334

517

Frais de gestion.....................................................

- 4

- 20

- 20

 

 

 

 

SOLDE CUMULÉ.................................................

12 844

16 550

19 732

c) Le Fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles

Le Fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles (FFIPSA) sera un nouveau fonds de financement de la sécurité sociale au sens de la loi organique du 22 juillet 1996, qui relèvera donc de la loi de financement de la sécurité sociale et qui figure déjà au sein de l’annexe f. Ce fonds est créé par l’article 23 du projet de loi de finances pour 2004 en vue de se substituer au budget annexe des prestations sociales des non salariés agricoles (BAPSA).

En effet, la mise en ½uvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) implique la disparition du BAPSA, qui ne répond pas aux critères définis par ce texte pour les budgets annexes. En conséquence le nouveau fonds, institué sous forme d’établissement public national à caractère administratif, sera chargé de reprendre la mission du BAPSA, à savoir assurer le financement des prestations sociales des exploitants agricoles, qui sont des dépenses des régimes obligatoires de base au sens de la loi de financement.

L’organisation du fonds sera définie par décret en Conseil d’Etat, notamment la composition de son conseil d’administration et de son conseil de surveillance. Les principales dépenses du fonds seront constituées des prestations familiales, des prestations d’assurance maladie, des prestations d’assurance vieillesse et veuvage, ainsi que du versement de la participation financière de l’Etat au profit du régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire des exploitant agricoles.

Les recettes du fonds seront de nature distinctes :

- les cotisations des assujettis au régime affectées au service des prestations,

- la part de CSG maladie affectée au régime des exploitants agricoles,

- les financements publics constitués par les divers impôts et taxes affectés (droits de consommation sur les tabacs, taxe sur les fabricants de tabacs, C3S) et la « traditionnelle » subvention d’équilibre du budget de l’Etat au régime agricole,

- les participations des autres régimes, à savoir la compensation démographique et la contribution de la CNAF,

- et les subventions du Fonds spécial d’invalidité (FSI) et du Fonds solidarité vieillesse (FSV).

Le fonds ne pouvant être opérationnel dès le 1er janvier 2004, une disposition transitoire du projet de loi de finances prolonge le BAPSA jusqu’au 31 décembre 2004 au plus tard, afin d’assurer la continuité du financement des prestations du régime des non salariés agricoles. Les missions du fonds seront donc limitées en 2004 à la prise en charge des intérêts de l’emprunt de 1,3 milliard d'euros contracté par la Caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) en 2004 pour financer la mensualisation des pensions des exploitants agricoles prévue par l’article 105 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Cette charge est évaluée à 30 millions d'euros par an. Le fonds sera également chargé de la liquidation des droits et obligations du BAPSA.

Il n’est donc pas encore pertinent de présenter un tableau de financement du fonds pour 2004. Il faudra pourtant prévoir d’organiser une discussion spécifique sur la protection sociale des exploitants agricoles dans le cadre des prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale, car la discussion correspondante du BAPSA pendant l’examen du projet de loi de finances n’aura plus lieu d’être.

d) La Caisse d’amortissement de la dette sociale

L’ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale a créé à cette fin une caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Cet établissement public national à caractère administratif est chargé d’assurer l’apurement de la dette sociale. Il a d’abord été créé avec un terme fixé au 31 janvier 2009. Sa durée de vie a été prolongée jusqu’au 31 janvier 2014 par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, pour faire face au nouveau transfert de dette auquel il a alors été procédé.

La CADES ne figure pas dans les dispositions pouvant normalement relever de la loi de financement de la sécurité sociale en vertu de la loi organique car elle ne participe pas directement à son financement. Pour autant, elle y figure lorsqu’un nouveau flux financier est mis en place entre elle et les régimes obligatoires de base, ce qui est le cas en 2003 et 2004. Elle figure par ailleurs toujours au sein de l’annexe f, à titre d’information du Parlement.

Pour apurer la dette sociale qui lui a été transférée, la CADES dispose de ressources propres. Le produit de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), dont la durée de perception a été prolongée jusqu’en 2014 par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, lui est intégralement reversé. Elle bénéficie aussi du produit de la vente du patrimoine privé à usage locatif de la CNAV et de la CNAM. Le résultat d’exploitation annuel de la CADES est affecté exclusivement à la réduction de la dette sociale.

L’excédent annuel de la CADES lui permet d’amortir sa dette. La croissance de la CRDS a été tellement importante que, même dans les hypothèses les plus prudentes, la CADES devrait pouvoir rembourser sa dette une à deux années avant terme. Ainsi, sa situation nette devrait être à terme de l’ordre de plusieurs milliards d’euros. Cette excellente situation financière a déjà été partiellement utilisée par le précédent gouvernement : pour des mesures d’exonération de CRDS sur les indemnités des chômeurs non imposables (article 89 de la loi de finances pour 2001) et par l’accélération des remboursements de la CADES à l’Etat au titre de la dette sociale précédemment prise en charge par le budget de l’Etat (l’article 38 de la loi de finances pour 2002 a remplacé les sept derniers versements de 1,85 milliard d’euros de la caisse à l’Etat par quatre versements de 3 milliards d’euros, la fin du versement à l’Etat étant ainsi ramenée de 2008 à 2005).

Sans aucun risque financier pour la CADES, sans allonger la durée de vie ou le niveau de la CRDS, l’article 2 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale peut donc prévoir la fin de l’apurement par la caisse de la créance enregistrée en 2000 par les organismes de sécurité sociale au titre des exonérations de cotisation entrant dans le champ du FOREC, soit un versement au 1er avril 2004 d’une somme de 1 097 millions d’euros à l’ACOSS au profit de la CNAM, de la CNAF et de la CNAV. La caisse a déjà remboursé en 2003 à ce titre la première moitié de la dette du FOREC. Ce nouveau versement en 2004, correspondant de fait à une reprise de dette, accroît la dette sociale totale à rembourser de 52,7 à 53,8 milliards d'euros.

Le tableau suivant présente les conditions générales de l’équilibre financier de la CADES. Selon le président du conseil d’administration de la caisse, auditionné par le rapporteur, la valeur finale de la CADES au 31 janvier 2014 s’élèverait à un peu plus de 10 milliards d’euros avec un scénario central reposant sur une hypothèse de croissance de la CRDS de 3,5 % par an et sur la courbe des taux actuelle. La sensibilité de ce modèle est de l’ordre de 2,3 milliards d’euros par point de croissance de CRDS et de 1,4 milliard d’euros pour une variation des taux d’intérêt de 100 points de base.

Compte de résultat de la CADES

(en millions d’euros)

 

2001

2002

2003

2004

PRODUITS............................................................

4 879

4 890

4 713

4 863

CRDS......................................................................

4 633

4 653

4 708

4 863

Produits immobiliers.............................................

12

43

5

0

Produits financiers................................................

234

194

?

?

 

 

 

 

 

CHARGES.............................................................

3 710

4 664

5 761

5 527

Versement à l’Etat.................................................

1 852

3 000

3 000

3 000

Versement à la sécurité sociale (dette FOREC )           

 

 

1 283

1 097

Charge de la dette (intérêts)................................

1 787

1 618

1 478

1 430

Commissions bancaires.......................................

7

9

?

?

Frais de recouvrement..........................................

36

34

?

?

Autres charges......................................................

28

3

?

?

 

 

 

 

 

SOLDE (Ressources – Emplois).......................

1 169

227

- 1 048

- 664

SITUATION NETTE BILANTIELLE

- 29 223

- 28 997

- 30 045

- 30 709

e) Le Fonds de financement de l’allocation personnalisée  d’autonomie

Le Fonds de financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) dispose, en recettes, d’une fraction de 0,1 point de CSG et d’une contribution des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse, correspondant à une fraction (50 %) des sommes consacrées par chacun d’eux en 2000 aux dépenses d’aide ménagère à domicile au profit des personnes âgées dépendantes remplissant les conditions fixées pour bénéficier de l’APA. La recette de CSG prévue en 2004 est de 915 millions d’euros.

Les dépenses du fonds sont constituées par un concours  aux départements, qui versent l’allocation aux bénéficiaires, d’un versement au Fonds de modernisation de l’aide à domicile, qui constitue la deuxième section du Fonds de financement de l’APA, laquelle se voit attribuer comme unique recette une fraction (fixée par arrêté) comprise entre 3 % et 10 % (6,123 % en 2002) du produit total de la CSG affecté au fonds. et d’un versement au Fonds de solidarité vieillesse au titre des frais de gestion.

L’existence d’un résultat positif substantiel en 2002 est lié au fait que le montant du concours annuel aux départements dépend des recettes encaissées au cours de l’exercice, alors que celles-ci sont comptabilisées en produits conformément au principe de la comptabilité en droits constatés (rattachement à l’exercice au cours duquel est née la créance). Le décalage entre les deux est nécessairement important pour la première année de fonctionnement du fonds : en effet, le produit de CSG comptabilisé en 2002 inclut la CSG perçue en janvier 2003 au titre de 2002, alors que le concours aux départements est calculé sur l’équivalent de onze mois d’encaissements seulement, aucun montant de CSG n’ayant été encaissé en janvier 2002, puisqu’ils se rattachaient à un exercice (2001) sur lequel le fonds n’avait aucun droit. Au cours des exercices suivants, cet écart tendra mécaniquement à se réduire.

Le déficit prévisionnel apparent de 453 millions d'euros en 2003 sera financé par une partie de l’excédent 2002 (pour 59 millions d'euros) et par l’emprunt exceptionnel de 400 millions d'euros qui sera contracté fin 2003 en application de l’article 5 de la loi du 31 mars 2003. Les questions du financement futur du FFAPA et du remboursement de l’emprunt seront traitées dans le cadre du plan « vieillissement et solidarité ». Le rapporteur regrette toutefois de ne pas encore disposer de plan de financement du fonds pour 2004.

Il est fort dommageable qu’il ne soit pas possible pour le Parlement d’évoquer ce sujet en loi de financement.

En effet, le Fonds de financement de l’APA ne se retrouve nulle part : ni en loi de finances, ni en loi de financement. Il s’agit d’une entorse grave au principe du consentement à l’impôt par le Parlement, le fonds étant pourtant alimenté par de la CSG. Il n’existe pas de support législatif régulier permettant d’aborder ce sujet.

Il faudra y remédier au plus vite, dans le cadre de la réforme à venir de la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Le tableau suivant présente les conditions générales de l’équilibre financier du FFAPA pour le premier exercice clos et pour l’exercice en cours.

Compte de résultat du FFAPA

(en millions d'euros)

 

2002

2003

PRODUITS............................................................

915

1 409

CSG.........................................................................

853

888

Versement des caisses de retraite......................

61

61

Produits financiers................................................

1

1

Report à nouveau ................................................

-

59

Emprunt..................................................................

-

400

 

 

 

CHARGES.............................................................

843

1 403

Concours versé aux départements.....................

798

1 343

Fonds de modernisation de l’aide à domicile...

39

53

Charges diverses et frais de gestion..................

6

6

 

 

 

RÉSULTAT NET

72

6

3. L’aggravation de la fiscalité du tabac

L’augmentation des prix du tabac, souhaitée par le gouvernement dans le cadre de sa politique de santé publique et pour la mise en ½uvre du plan cancer, ne peut être obtenue qu’en incitant les fabricants, par une modification du régime fiscal, à augmenter leurs prix. Le montant du droit pour les cigarettes a été porté de 58,99 % à 62 % par l’article 9 de la loi du 31 juillet 2003 visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes. Le montant du droit pour les autres catégories de tabacs n’ayant pas été augmenté à due concurrence à cette occasion, l’article 4 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale procède à cette augmentation.

a) L’estimation du produit perçu au titre des droits sur les tabacs

En 2003, le produit total attendu par le gouvernement devrait être de 8,8 milliards d'euros, soit 200 millions d'euros d’augmentation par rapport à 2002, alors que le gouvernement escomptait l’année dernière une hausse d’un milliard d'euros. Cependant, les fabricants de tabacs considèrent que cette estimation est sous-évaluée et prévoient plutôt un produit de 9,1 milliards d'euros, soit une hausse sur l’année 2003 de 500 millions d'euros.

L’« erreur de prévision » initiale du gouvernement peut s’expliquer par deux facteurs :

– une hausse du prix des cigarettes inférieure à celle souhaitée (11 % au lieu de 17 %), notamment en raison d’un trop faible relèvement des minima de perception l’année dernière ;

– un volume de consommation de cigarettes plus faible que prévu, en raison d’une élasticité prix de la consommation de tabac plus proche de ‑ 0,8 que du ‑ 0,3 utilisé dans les modèles économétriques. Si l’élasticité atteignait ‑ 1, l’augmentation des prix provoquée par la fiscalité provoquerait une diminution telle du marché que les recettes fiscales elles-mêmes diminueraient, ce qui serait un cas d’école d’application de la « courbe de Laffer » selon laquelle : « trop d’impôt tue l’impôt » !

La nouvelle hausse des prix (+ 19 % en moyenne) au 20 octobre 2003, conséquence de la loi du 31 juillet 2003 majorant le taux normal du droit de consommation de 3,01 %, n’aura quasiment aucun impact sur la recette fiscale 2003, car le circuit de distribution par les débitants de tabac entraîne un retard de deux mois entre la vente d’un produit et le recouvrement de la recette correspondante par l’Etat, soit seulement à la fin du mois de décembre en l’espèce.

En 2004, le produit total attendu par le gouvernement serait de 9,6 milliards d'euros, soit le montant déjà prévu pour 2003 par la loi de financement de la sécurité sociale de l’année dernière ! L’augmentation de 800 millions d'euros pour l’année prochaine devrait être la conséquence de trois hausses de prix :

– l’augmentation de 19 % du 20 octobre 2003,

– l’augmentation corrélative de 9 % annoncée pour juillet 2004 par les fabricants pour retrouver leur niveau de marge unitaire,

– l’augmentation de 20 % au 1er janvier 2004 devant résulter de l’article 25 du projet de loi de finances pour 2004, lequel relève de 0,74 % à 3,17 % (soit une hausse de 2,43 points) la taxe additionnelle à la TVA perçue sur les tabacs au profit du BAPSA.

Cette dernière augmentation a pour but d’obtenir directement 300 millions d'euros supplémentaires pour le BAPSA. Cependant, elle se répercutera sur le niveau des prix de vente (+ 8 %, en plus des effets de la hausse du 20 octobre 2003), entraînant une augmentation induite du produit perçu au titre du droit de consommation. A cet égard, il faut préciser que la hausse des prix est la conséquence des stratégies commerciales des fabricants de tabac, qui ne souhaitent pas perdre sur leurs marges, alors même que leurs résultats demeurent encore largement excédentaires.

Si on constate une diminution réelle de la consommation (‑ 8 % entre les huit premiers mois de 2003 et les huit premiers mois de 2002) et du volume de cigarettes vendues (63 millions d’unités en 2004, contre 73 millions en 2003), conséquence souhaitée de la politique promue de hausse des prix, on peut légitimement douter d’un effet important des augmentations de prix sur la contrebande et les ventes transfrontalières.

En effet, la France reste, pour l’instant, un pays de transit dans lequel la contrebande est assez peu développée, notamment en raison du rôle joué par les débitants de tabacs. Les quantités de cigarettes saisies au cours des cinq dernières années, y compris début 2003, ne permettent pas d’étayer l’hypothèse d’une recrudescence significative du phénomène de contrebande. La direction générale des douanes et des droits indirects estime qu’il représente 2 % à 3 % des volumes de produits du tabac vendus en France. De plus, les constatations réalisées par les services douaniers se rattachent, dans la quasi-totalité des cas, à des opérations de trafics illicites de grande envergure visant à alimenter le marché parallèle d’autres Etats membres de l’Union européenne (le Royaume-Uni principalement).

De même, les achats transfrontaliers de cigarettes, effectués lors de déplacements de particuliers et destinés à leur consommation personnelle, sont légaux dans le cadre communautaire. En effet, les différences de taxation qui existent entre Etats membres favorisent le développement des achats de tabac dans les pays où la fiscalité est moins élevée (avec par exemple des prix estimés pour la Marlboro en 2004 à 2,65 euros en Espagne, 3,90 euros en Allemagne ou 3,60 euros en Italie). Conformément au principe de la libre circulation des personnes et des marchandises, ces achats sont légaux dès lors qu’ils sont réalisés par un particulier pour sa consommation personnelle.

La direction générale des douanes et des droits indirects estime actuellement les ventes transfrontalières entre 3 % à 4 % des volumes vendus en France. Alors que les ventes de tabac ont diminué de 8 % sur les huit premiers mois de 2003, le nombre de fumeurs n’aurait diminué que de 4 %. La différence trouve pour l’essentiel son origine dans l’approvisionnement à l'étranger, régulier pour un Français sur dix et pour 22 % de ceux qui habitent en zone frontalière.

Afin que les débitants de tabac ne soient pas pénalisés par la diminution de la consommation de tabac et les ventes transfrontalières, le gouvernement a annoncé le 10 octobre 2003 un plan de 120 millions d'euros qui comporte deux volets : un volet général qui permettra d'accroître de 10 % le revenu de chaque débitant de tabac, et un volet supplémentaire en faveur des frontaliers. Des aides individuelles pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros pour ceux qui sont les plus touchés par le recul des ventes seront ainsi accordées par l’Etat. Des discussion sont également en cours avec les débitants pour définir les termes d’une charte étendant les services qu’ils rendent à la population. Par ailleurs, des mesures de lutte contre la fraude et la contrebande seront discutées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, afin de renforcer les peines applicables. Le rapporteur estime toutefois opportun d’établir une évaluation précise de ces dispositions afin de mesurer l’impact réel de la majoration des prix du tabac sur ces acteurs économiques de proximité.

b) La modification de l’affectation des droits sur les tabacs

Les droits sur les tabacs sont traditionnellement un impôt d’Etat, héritage de l’ancien monopole concédé à la SEITA.

Il a été décidé de transférer en partie les droits sur les tabacs à l’assurance maladie pour compenser le coût du tabagisme pour les dépenses de santé. Ainsi, fin 1996, 6 % de ces droits ont été affectés au Fonds national de prévention, d'éducation et d’information sanitaires  (FNPEIS) de la CNAMTS.

A partir de 2000, l’Etat a décidé de participer au financement des exonérations de cotisations sociales en transférant au FOREC une de ses recettes fiscales, en l’occurrence les droits sur les tabacs : 91 % ont ainsi été affectés au FOREC. L’opposition d’alors avait dénoncé le détournement de cette recette fiscale, qui n’aurait eu de justification qu’en abondant la branche maladie.

La loi de finances pour 2001 a affecté l’intégralité du produit du droit de consommation sur les tabacs aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale et aux organismes créés pour concourir à leur financement. Il revenait alors à la loi de financement de la sécurité sociale de répartir ce produit chaque année.

Compte tenu de la suppression et de la rebudgétisation du FOREC, la loi de financement de la sécurité sociale perd l’intégralité de sa compétence au profit de la loi de finances, en vertu de l’article 36 de la LOLF, en matière d’affection d’une imposition redevenue impôt d’Etat. C’est pourquoi l’article 24 du projet de loi de finances pour 2004 définit une nouvelle clef de répartition pour le droit de consommation sur les tabacs.

 

Bénéficiaire

LFI 1997

LFI 1998

LFI 2000

LFSS 2001

LFSS 2002

LFSS 2003

PLF 2004

Etat

93,61 %

90,9 %

5,9 %

-

-

-

26,94 %

CNAMTS

6,39 %

9,1 %

16 %

2,61 %

8,84 %

15,2 %

22,27 %

FOREC

-

-

77,7 %

97 %

90,77 %

84,45 %

-

Fonds préretraites amiante

-

-

0,39 %

0,39 %

0,39 %

0,35 %

0,32 %

BAPSA

-

-

-

-

-

-

50,16 %

FFIPSA

-

-

-

-

-

-

0,31 %

 

Le rapporteur se félicite qu’une part toujours plus importante des droits sur les tabacs soit affectée à l’assurance maladie, mais il souhaite que ce mouvement se poursuive car une des conditions de la crédibilité des hausses de prix au nom de la politique de santé publique dépend de la légitimité de ce prélèvement supplémentaire. Il faut donc bien pouvoir dire, à chaque hausse des cigarettes, que les recettes correspondantes n’alimenteront pas les caisses de l’Etat mais permettront à la CNAM de mener des actions de prévention.

 

 


 

IiI.- la stabilisation du déficit de l’assurance maladie : un préalable indispensable à la réforme

 

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 affiche une volonté ambitieuse d’optimisation du budget de l’assurance maladie. Sans préjuger de la concertation sur l’avenir de l’assurance maladie, lancée avec la mise en place du Haut conseil par le Premier ministre le 13 octobre 2003, le présent projet de loi est la première étape du nécessaire retour à l’équilibre des comptes de l’assurance maladie. Ce Haut conseil pourrait d’ailleurs être ultérieurement pérennisé sous la forme d’un Conseil d’orientation pour la santé, à l’instar du Conseil d’orientation des retraites (COR).

En matière de recettes, toute hausse de CSG ou prolongement de CRDS a été exclu dans le contexte économique actuel. Il est essentiellement proposé trois mesures permettant d’augmenter les recettes de la branche maladie d’un montant d’un milliard d’euros en 2004 : un prélèvement sur l’industrie pharmaceutique pour 150 millions d'euros, l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours contre tiers pour 100 millions d’euros et la hausse des prix du tabac, votée en juillet dernier et effective en octobre, dont le produit sera intégralement affecté à l’assurance maladie, soit 800 millions d’euros.

Les mesures d’économies portent essentiellement sur les dépenses. Elles s’accompagnent de réformes structurelles, qui porteront leurs fruits dans plusieurs années.

Sur le plan financier, par croisement des mesures sur les recettes et les dépenses, l’objectif du présent projet de loi de financement est de stabiliser le déficit de la branche maladie, à savoir passer d’une tendance à – 14 milliards d’euros à un déficit de 11 milliards, soit autant qu’en 2003. Il faut rappeler que ce niveau de déficit pour la branche maladie engendre des frais financiers considérables, à hauteur de 600 millions d'euros en 2004.

Cet effort significatif de 3,1 milliards d'euros sera justement réparti entre les professionnels de santé, les assurés sociaux et les caisses, tant le rythme spontané des recettes est inférieur à la pente naturelle des dépenses.

a. mettre en ½uvre la maîtrise médicalisée des dépenses ambulatoires

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoit un nombre important d’outils pour que la maîtrise médicalisée des dépenses ambulatoires permette une inflexion réelle des comportements, et partant de la progression des dépenses d’assurance maladie. Les économies liées à la maîtrise médicalisée sont chiffrées à 800 millions d'euros en 2004 par le gouvernement.

Les assurés sont aussi responsabilisés, avec un meilleur contrôle des affections de longue durée, des exonérations liées aux actes chirurgicaux cotés K50 et des indemnités journalières et avec la non-prise en charge des actes dont l’objet est extérieur au système de santé, par exemple la délivrance de certificats pour la pratique d’un sport. Enfin, le forfait journalier à l’hôpital, qui n’a pas été réévalué depuis 1996 alors même que les coûts de l’hôpital ont fortement progressé, sera augmenté à 13 euros, ce qui rapportera 180 millions d'euros.

1. Les mesures de maîtrise médicalisée des dépenses

La croissance des dépenses de soins de ville à un rythme toujours trop rapide (+ 7,7 % en 2003) doit s’accompagner du développement des outils de maîtrise médicalisée. Cette voie de la responsabilisation est la seule voie possible, ainsi que le Président de la République l’a réaffirmé lors du trente-septième congrès de la Mutualité  Française le 12 juin 2003 : « Il faut sans plus attendre généraliser les outils de maîtrise médicalisée des dépenses. […] L’Etat et les acteurs du système de santé doivent engager le travail nécessaire à la mise en place, au plus tard au terme des douze mois à venir, de cette politique indispensable à la qualité et à la pérennité de notre système de santé. » Cette volonté trouve un certain nombre d’illustrations dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

a) La promotion des accords de bon usage des soins

Quarante accords de bon usage de soins (AcBUS) ont été approuvés par le ministre chargé de la santé depuis mai 2002. Si le plus important est celui signé le 1er juillet 2002 entre les caisses nationales d’assurance maladie et les syndicats de médecins généralistes, portant sur la bonne utilisation des visites au domicile du patients, trente-neuf autres accords de portée nationale ou régionale ont également été signés par d’autres professions de santé, médicales ou para-médicales.

Le projet de loi prévoit des dispositions qui renforcent la qualité des accords, via l’intervention de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES), et simplifient leur mise en ½uvre en conférant à la CNAM un pouvoir de mise en ½uvre directe des AcBUS régionaux et en lui transférant, pour les AcBUS nationaux, le pouvoir d’approbation actuellement exercé par le ministre.

b) L’expérimentation de la gestion du risque par des groupements de médecins

L’article 36 du projet donne la possibilité aux unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM) de déléguer par contrat certaines de leur compétences de gestion du risque à des groupements de médecins libéraux. L’objectif est de favoriser ainsi les échanges de bonnes pratiques entre médecins et un suivi cohérent des patients.

c) Un meilleur suivi des affections de longue durée

Les dépenses des patients admis en affection de longue durée (ALD) représentent près de la moitié des dépenses remboursées par les régimes d’assurance maladie. La progression de ces dépenses d’ALD est plus rapide que celle des autres bénéficiaires. Cela s’explique par une progression rapide du nombre de personnes admises en ALD, de l’ordre de 6 % par an pour le régime général, et une croissance de la dépense unitaire rapide liée à l’augmentation du coût des traitements.

L’objectif poursuivi par le gouvernement est de rationaliser le suivi des ALD au travers de deux types de mesures : recentrer le contrôle médical sur l’admission à exonération de certaines pathologies et de certaines prestations et améliorer le suivi en renforçant le rôle du Protocole Inter Régime d'Examen Spécial (PIRES).

Ainsi l’article 31 du projet prévoit-il d’appliquer la limitation ou l’exonération du ticket modérateur liées à l’ALD uniquement aux actes et prestations qui seront spécifiés dans le PIRES, sur la base d’un accord entre le contrôle médical de l’assurance maladie et le médecin traitant.

d) L’amélioration de la gestion des indemnités journalières

La progression des indemnités journalières (IJ) est forte depuis trois ans. Si cela peut s’expliquer par certains facteurs conjoncturels (remontée du chômage) mais aussi structurels (problématique des travailleurs âgés), certaines évolutions montrent qu’il est nécessaire de renforcer le suivi des indemnités journalières. La CNAM, qui a la responsabilité première du suivi des IJ via les services du contrôle médical, a engagé des actions permettant de mieux identifier les raisons de certaines dérives et les moyens pour y remédier. Les négociations entre la CNAM et l’Etat pour le renouvellement de la convention d’objectifs et de gestion en 2004 devront permettre de fixer des objectifs ambitieux à la CNAM dans ce domaine. En effet, au moins 6 % des indemnités journalières ne sont pas justifiés, ce qui correspond à 400 millions d'euros de dépenses inutiles.

Pour 2004, l’objectif du projet de loi de financement en matière de maîtrise médicalisée est de réduire la croissance des soins de villes de 800 millions d'euros. Cet objectif est ambitieux mais réaliste. Il peut se décomposer de la manière suivante : une réduction de 1 % de la croissance des volumes d’actes (4,5 % par an actuellement) et une réduction de 1,6 % de la croissance des prescriptions (7 % environ actuellement).

Ventilation des économies liées à la maîtrise médicalisée en 2004

(en millions d’euros)

Economies liées à la maîtrise médicalisée

800

 

 

Dont

 

 

 

Baisse de 1 % de la croissance du volume des actes

(soit des honoraires à + 4,9 % avant autres mesures d’économies)

260

Dont

 

Baisse de 3 % de la croissance des exonérations de ticket modérateur au titre des ALD

105

Exclusion des actes non remboursables (certificats…)

35

Engagements de bonnes pratiques, AcBUS

(portant sur 0,5 % des actes)

120

 

 

Baisse de 1,6 % de la croissance des prescriptions

(soit des prescriptions à + 5 % avant autres mesures d’économies)

540

Dont

 

Baisse de 3 % de la croissance des exonérations de ticket modérateur au titre des ALD

195

Baisse de 2 % de la croissance des IJ

(par rapport à une croissance des IJ de 10 % en 2002)

160

Progression des génériques hors TFR

35

Réduction des prescription inutiles

(soit 0,5 % des prescriptions)

150

2. Les mesures de responsabilisation des assurés sociaux

« La santé n’a pas de prix mais elle a un coût ». Mais savons-nous réellement ce que nous payons chaque année pour financer, au travers des cotisations et contributions sociales, nos droits dans le domaine de la protection sanitaire et sociale ? Nous pouvons affirmer que non. C’est pourquoi, afin de responsabiliser l’ensemble des Français qui financent leur protection sociale, il semble nécessaire de les informer en retour sur l’argent qu’ils consacrent sans vraiment le savoir à ce poste si important de dépenses au titre de la solidarité nationale. Le rapporteur proposera, dans le cadre de cette démarche de responsabilisation, d’envoyer à chacun, une fois par an, un relevé indicatif de l’utilisation du prélèvement social entre la branche maladie, la branche accidents du travail, la branche famille, la branche vieillesse (assurance et solidarité) et la dépendance.

Les mesures de responsabilisation proposées par le gouvernement sont les suivantes :

a) La responsabilisation des assurés en matière de prise en charge des actes remboursables

L’assurance maladie rembourse les soins nécessaires des assurés sociaux. Ce principe, constamment rappelé, implique qu’une prestation n’a vocation à être prise en charge au titre de l’assurance maladie que si elle correspond à un besoin effectif de soins et a pour objet le traitement d’une maladie. Par dérogation à ce principe, certains actes de prévention ou de dépistage peuvent être pris en charge, à condition que cela soit expressément prévu par les textes.

Or, le code de la sécurité sociale, et en particulier son article L. 321-1, se limite à décrire le contenu du panier de soins pris en charge, sans prévoir explicitement ce principe. Ce manque de précision a pu avoir pour effet une prise en charge indue de certains actes effectués dans le seul but d’obtenir un certificat médical censé autoriser l’obtention d’une licence sportive, un brevet de pilote ou le droit de conduire au-delà d’un certain âge. Parfois, des actes sont effectués ou prescrits non en raison de l’état du patient mais pour répondre à des exigences provenant d’une réglementation extérieure.

Afin d’éviter ces pratiques, l’article 32 du présent projet exclut du remboursement par l’assurance maladie les actes effectués en dehors de toute justification médicale. Ainsi les prestations qui auront été indûment remboursées à ce titre pourront faire l’objet d’un remboursement par l’assuré.

b) La clarification des règles d’exonération du ticket modérateur

Les dépenses en ville exonérées de ticket modérateur ont augmenté de 11,2 % en 2002, soit deux fois plus vite que les dépenses non exonérées. Un tel différentiel conduit à s’interroger sur les règles actuelles de l’attribution des exonérations et notamment celles liées à un acte ou une série d’actes dont le coefficient global est égal ou supérieur à 50. D’après un arrêté du 27 juin 1955, la participation de l’assuré est supprimée à l’occasion de tout acte (ou série d’actes) affecté à la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) d’un coefficient global supérieur ou égal à 50.

Cette disposition vise essentiellement les actes thérapeutiques de nature chirurgicale et quelques actes de diagnostic. L’exonération concerne non seulement l’acte (ou la série d’actes) dont le coefficient global est supérieur ou égal à 50, mais également tous les soins directement liés et nécessaires à cet acte, y compris l’hospitalisation. Par exemple, lorsque l’acte exonérant est réalisé au cours d’une hospitalisation, l’exonération couvre aussi bien la période d’hospitalisation que les actes et prestations (médicaments, transport, hospitalisation) consécutifs pour autant qu’ils aient un lien avec l’acte exonérant.

Les ordonnances Jeanneney de réforme de la sécurité sociale en 1967 ont fixé les conditions d’exonération du ticket modérateur. Des décrets en Conseil d’Etat devaient préciser clairement les règles. En l’absence de ces décrets, les règles de 1955 continuent à s’appliquer. Depuis 1967, cette situation a perduré. La croissance forte des actes exonérés de ticket modérateur ces dernières années nécessite un réexamen et une rationalisation de règles d’exonération de plus en plus coûteuses et appliquées de manière inégale.

C’est pourquoi le gouvernement proposera, par voie réglementaire, de clarifier le champ de l’exonération en la ciblant pour les actes les plus coûteux, c’est-à-dire les actes dont la cotation est supérieure à 50, sur les soins réalisés dans les seules périodes d’hospitalisation au cours de laquelle l’acte est réalisé ou consécutives à cette hospitalisation, lorsque l’acte initial est réalisé à l’hôpital. En effet, ce sont ces soins de suite qui sont les plus coûteux, puisque le ticket modérateur moyen pour un séjour hospitalier est de 100 euros alors que le ticket modérateur d’une consultation en ville est de l’ordre de 6 à 7 euros.

Cette révision des règles d’exonération ne remettra pas en cause le bénéfice de l’exonération du ticket modérateur à un autre titre (titulaire d’une pension d’invalidité, ALD). La mesure est donc notamment sans impact sur les personnes atteintes de maladies graves qui demeurent exonérées de ticket modérateur au titre de leur ALD.

c) L’augmentation du forfait journalier à l’hôpital

Le forfait journalier correspond à la participation financière des patients aux frais d’hébergement et d’entretien liés à l’hospitalisation lorsque celle-ci dure plus d’une journée. Il est aujourd’hui fixé à 10,67 euros. Ce forfait n'est pas pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale, sauf dans certains cas particuliers (les enfants et adolescents handicapés hébergés dans des établissements d'éducation spéciale ou professionnelle, les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, les bénéficiaires de l'assurance maternité).

Le forfait a été augmenté pour la dernière fois le 1er janvier 1996. Son montant n’a pas évolué avec l’inflation. Le gouvernement envisage donc de procéder à une revalorisation de son montant à 13 euros, ce qui constitue principalement un rattrapage par rapport à l’évolution de la richesse nationale.

Dans une période où les hôpitaux doivent faire face à des contraintes organisationnelles et financières très fortes notamment du fait de la mise en ½uvre des trente-cinq heures, il est logique de faire contribuer, de façon raisonnable, l’ensemble des usagers du service public hospitalier pour accompagner la modernisation de l’hôpital et lui permettre de faire face aux besoins de santé de la population. Cette mesure ne remet cependant pas en cause l’égal accès aux soins puisque les bénéficiaires de la CMU complémentaire, c’est-à-dire les plus défavorisés, n’en supporteront pas la charge. De même, le forfait journalier pour une hospitalisation en hôpital psychiatrique devrait diminuer à 9 euros pour ne pas pénaliser les malades qui alternent hospitalisation et intégration sociale en ville.

B. mettre en place les instruments d’une nécessaire modernisation des hôpitaux

La modernisation hospitalière sera réalisée grâce à la mise en place d’une tarification à l’activité commune pour les établissements hospitaliers. Ce projet maintes fois prôné sera progressivement mis en place et permettra d’allouer les ressources de l’assurance maladie aux établissements qui en ont réellement besoin et qui ont fait la preuve de leur efficacité en termes de qualité des soins. Cette réforme s’accompagne de la mise en application du plan « Hôpital 2007 », qui permet de financer des investissements à hauteur de 10 milliards d'euros. Il importera cependant de tenir compte des propositions sur la gouvernance interne des établissements de santé formulées par la mission d’information de la commission présidée par M. René Couanau pour que ces outils soient réellement efficaces.

1. La mise en ½uvre du plan « Hôpital 2007 »

Le plan d’investissement national « Hôpital 2007 », mis en ½uvre dans le cadre d’une circulaire de mars 2003, prévoit de réaliser 6 milliards d'euros d’investissements supplémentaires dans les hôpitaux entre 2003 et 2007, correspondant à une augmentation de l’investissement moyen annuel de 30 %, aussi bien dans les établissements publics de santé que dans les établissements de santé privés, participant ou non au service public hospitalier.

Le plan repose sur deux sources de financement :

– Des aides en fonctionnement versées dans le cadre de l’ONDAM, destinées aux établissements publics et privés sous dotation globale, pour un montant annuel de 90 millions d'euros (70 millions d'euros en 2003) permettant de financer 4,5 milliards d'euros d’investissements.

– Des aides en capital, à hauteur d’1,5 milliard d'euros sur cinq ans, versées par le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP), destinées prioritairement aux établissements privés ne participant pas au service public hospitalier qui ne peuvent recevoir de subvention de fonctionnement. Près de 30 % de ces subventions en moyenne seront versées aux établissements de santé privés financés sous objectif quantifié national (OQN).

Les objectifs régionaux pluriannuels d’investissement ont fait l’objet d’une élaboration concertée au niveau régional, entre les établissements de santé, les fédérations représentatives, les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et les élus locaux. L’objectif initial de 6 milliards d'euros d’investissements supplémentaires sur cinq ans a été largement dépassé puisque les ARH ont présenté une liste de plans d'investissement dont le montant total s’établit à 10,2 milliards d'euros et comporte 937 opérations.

Les aides ont fait l’objet d’une notification aux ARH le 12 septembre 2003. Ces notifications comportent :

– le montant des investissements régionaux qui seront réalisés dans le cadre du plan « Hôpital 2007 » ;

– le montant indicatif des aides allouées pour la durée du plan (en capital et en fonctionnement) ;

– le montant opposable des aides allouées au titre de l’année 2003 ;

– diverses précisions intéressant la part des aides attribuées aux établissements de santé à but lucratif, le plan cancer ou les investissements liés au systèmes d’information.

Dès 2003, le FMESPP versera 300 millions d'euros aux établissements de santé. Les subventions attribuées au titre du FMESPP seront payées par la Caisse des dépôts et consignations sur présentation d’une facture attestant du début de réalisation des travaux ou de pièces justificatives attestant de l’acquisition du matériel.

2. La mise en ½uvre de la tarification à l’activité dans les établissements de santé publics et privés

La réforme du mode de financement des structures hospitalières opérée par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à libérer le dynamisme des établissements de santé et leur potentiel d’adaptation dans un environnement en mutation. En effet, la dotation globale a aujourd’hui montré ses limites. Il est nécessaire de mettre en ½uvre un mécanisme de financement qui prenne davantage en compte l’activité médicale et le service rendu. De plus, la dichotomie des règles de financement entre les secteurs public et privé freine les coopérations indispensables et rend difficile la mise en place d’une régulation médicalisée.

En rapprochant les ressources des établissements de l’activité médicale réellement produite, la tarification à l’activité contribuera à la réduction des dépenses injustifiées et incitera les établissements à développer les outils de contrôle de gestion médicalisée. Fondée sur le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), la tarification à l’activité introduira des nouveautés essentielles pour la bonne prise en charge des patients. Ainsi, les activités de réanimation, de soins palliatifs et les séjours très longs seront-ils mieux valorisés et permettront aux établissements d’accueillir tous les patients sans distinction. Il reviendra aux gestionnaires et aux médecins de mieux organiser la prise en charge dans ses différentes dimensions afin de qu’elle soit efficiente.

Le service public sera consolidé car les missions d’intérêt général, garantes à la fois du progrès médical et de l’accès de tous au système de soins, seront financées forfaitairement et leur rôle sera consacré à travers les contrats d’objectifs et de moyens. De même, les activités médicales liées à la permanence des soins comme les urgences bénéficieront d’un financement mixte comprenant à la fois un forfait et une rémunération liée à l’activité. La distinction ainsi opérée entre les différentes activités et missions se traduira par trois enveloppes dont les résultats pourront être évalués séparément.

Par ailleurs, la régulation médicalisée, induite par la réforme, assure le lien entre la production hospitalière et les objectifs de santé publique du gouvernement. En effet, la fixation annuelle des tarifs ouvre la possibilité de prendre en compte les priorités sanitaires nationales et d’inciter, ainsi, les établissements à y répondre.

Enfin, la tarification à l’activité met en ½uvre une harmonisation des modalités de financement entre les secteurs publics et privés dans le respect de leurs identités respectives et pour le grand bénéfice des patients. En premier lieu, l’harmonisation des modalités de financement entre les secteurs public et privé d’hospitalisation sera progressive. Pour 2004, l’instauration d’un coefficient correcteur pour les établissements privés et la mise en ½uvre d’un financement partiel (10 %) à l’activité, dans le cadre de la dotation globale, sont représentatives de la volonté du gouvernement d’allier modernisme et progressivité. La période de convergence pour ces deux mécanismes est fixée par la loi à dix ans. En deuxième lieu, l’harmonisation porte sur les modalités de régulation des dépenses d’assurance maladie consacrées à l’hospitalisation et sur le dispositif de contrôle des établissements. L’enveloppe tarifaire, qui comprendra aussi les dépenses médicales, fera l’objet d’une régulation de type prix/volume commune à l’ensemble des établissements. De cette manière, la réforme assure la fongibilité des ressources entre les deux secteurs à l’inverse du cloisonnement existant aujourd’hui.

Le rapporteur attend beaucoup de la mise en ½uvre de cette réforme fondamentale pour dynamiser la gestion hospitalière. C’est à ces conditions que pourront s’effectuer la modernisation et la pérennisation de notre système de soins, basé sur les principes de solidarité et d’universalité.

 


 

 

travaux de la commission

 

I.- AUDITIONs

 

A.  audition du premier président de la cour des comptes

La commission a entendu M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, et M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, sur le rapport annuel de la Cour sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, au cours de sa séance du jeudi 18 septembre 2003.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est devenue un exercice traditionnel depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale en 1997. Pour autant, cet exercice n’a rien perdu de son intérêt, compte tenu de la richesse habituelle du document. L’expertise de la Cour est particulièrement utile en raison de l’ampleur et de la complexité des sujets à traiter dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale, et tout particulièrement cette année où le rapport traite à la fois de la régulation des dépenses d’assurance maladie et de la situation des personnes âgées, sujets brûlants et d’actualité s’il en est.

Les rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale vont rencontrer les magistrats de la sixième chambre pour étudier dans le détail le volumineux rapport présenté aujourd’hui : Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l’assurance vieillesse, organisera une réunion de travail sur le thème « Retraites et santé des personnes âgées ». M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, et M. Bruno Gilles, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail, ont de leur côté prévu de rencontrer les magistrats le mercredi 8 octobre à 14 h 30, sur le thème du financement et de la gouvernance de l’assurance maladie. Bien entendu, ces réunions de travail sont ouvertes à tous les membres de la commission.

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a tout d’abord rappelé que cette audition constitue le sixième rendez-vous de la Cour des comptes avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et que le rapport de la Cour sur la sécurité sociale constitue désormais l’un des trois rapports publics annuels de la Cour.

Le présent rapport consacre, selon le plan habituel, sa première partie à l’examen de la situation des comptes sociaux pour l’année 2002. Il dresse le bilan de la façon dont les principales dispositions financières de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, qu’elles portent sur les recettes ou les dépenses, ont été mises en ½uvre.

Sur ce premier point, deux observations peuvent être faites.

Il faut tout d’abord souligner – car les sujets de satisfaction ne sont pas très nombreux – les progrès qui ont été réalisés en matière de normalisation des méthodes comptables. La présentation de comptes consolidés du régime général ou de l’ensemble des régimes obligatoires entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale est un exercice complexe, beaucoup plus complexe que pour les comptes de l’Etat. Il s’agit en effet d’agréger les comptes d’un millier d’organismes locaux, en dépenses pour l’ensemble des risques couverts et en recettes. La mise en place progressive d’une comptabilité en droits constatés pour l’ensemble de ces organismes a représenté un progrès décisif, mais il faut maintenant, et la Cour y veille régulièrement, harmoniser les méthodes de provisionnement et de calcul des charges à payer et produits à recevoir pour que cet exercice soit totalement fiable. C’est sur ce terrain que des progrès sensibles ont été notés. La Cour n’a donc pas eu à procéder, à l’inverse de ce que qui se faisait jusqu’à présent, à la correction des comptes présentés à la Commission des comptes de la sécurité sociale, même si certains retraitements comptables pratiqués par la direction de la sécurité sociale mériteraient d’être traités avec plus de rigueur.

En second lieu, sur le fond, la caractéristique principale de l’année 2002 est le retour des déficits. Dans son rapport de l’an dernier, la Cour avait déjà souligné la fragilité du redressement des comptes. En 2002, après trois années d’excédents, les comptes sociaux ont renoué avec le déficit, avec un montant de 3,4 milliards d’euros pour le régime général et de 3,8 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes de base obligatoires. Le point crucial est la persistance d’un rythme élevé – certains pourraient dire excessif – de progression des dépenses d’assurance maladie, qui explique que le déficit soit concentré sur cette seule branche et qu’il atteigne des niveaux inconnus jusqu’alors. En 2002, une nouvelle fois, l’ONDAM a dépassé, de près de 4 milliards d’euros, le montant voté par le Parlement. C’est devenu malheureusement une sorte d’habitude qui engendre des interrogations fortes sur ce système complexe, dont la logique initiale a été dégradée au fil des années. Par rapport à 1998, le poids de l’ONDAM dans la richesse nationale est passé de 7 % à 7,8 %, et la Nation consacre aujourd’hui plus de 20 % des prélèvements obligatoires à couvrir le poids des dépenses de santé.

La deuxième partie du rapport de la Cour est, en écho à la crise financière de l’assurance maladie, consacré précisément à l’évolution et à la régulation des dépenses d’assurance maladie depuis 1990.

Le rapport fait le point des facteurs structurels qui expliquent l’accélération régulière de l’évolution des dépenses d’assurance maladie : sur prescription de médicaments, progression forte des dépenses d’indemnités journalières, accès croissant de certains assurés au bénéfice de l’affection de longue durée (qui concerne aujourd’hui six millions de personnes). Des facteurs plus conjoncturels sont aussi mis en évidence : certaines décisions récentes, qu’il s’agisse de la succession des protocoles hospitaliers ou des revalorisations substantielles d’honoraires, ont encore accéléré les dépenses et dégradé les comptes.

Au-delà de ces constats simples assis sur des observations chiffrées, le rapport souligne le caractère aujourd’hui inopérant des mécanismes de régulation des dépenses mis en place depuis le début des années quatre-vingt dix, qu’il s’agisse des instruments de maîtrise comptable des dépenses, c’est-à-dire des enveloppes de dépenses par profession de santé, ou des instruments de maîtrise médicalisée, dont l’impact est des plus limités. Notre système de santé n’est aujourd’hui plus régulé et c’est une situation qui n’est pas tenable longtemps.

Enfin, la dernière partie du rapport aborde certains problèmes liés au vieillissement de la population. Bien évidemment, en lançant ces études spécifiques il y a un an, la Cour des comptes n’imaginait pas que certains de ses constats coïncideraient avec une actualité tragique.

Sous l’angle des retraites d’abord, le rapport revient sur l’ampleur des enjeux financiers du vieillissement à l’horizon de 2040 – les dépenses devraient représenter entre 4 % et 4,5 % du PIB – et met en évidence les grandes disparités de notre système de retraites, en particulier des règles de liquidation des retraites. Il analyse également des facteurs propres à la gestion de certains régimes.

Sous l’angle de la santé ensuite, plusieurs développements relatifs aux réseaux de santé, à la prescription de médicaments ou au fonctionnement des urgences montrent l’inadaptation de notre système de santé aux enjeux majeurs de l’allongement de la durée de la vie. Les événements de l’été semblent largement confirmer ce constat tiré d’enquêtes effectuées antérieurement à ces événements. S’agissant en particulier du traitement en urgence des personnes âgées, la Cour ne peut évidemment pas présenter une analyse des événements récents. Dans ces conditions, il est extrêmement difficile de porter une quelconque appréciation sur les « dysfonctionnements » ou « erreurs » qui auraient pu être commis et la Cour ne peut pour l’instant qu’apporter ces matériaux de réflexion, fondés sur ses constats antérieurs, à la mission d’information constituée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur les conséquences de la canicule.

En conclusion, il faut tout d’abord redire que la méthode de travail de la Cour repose essentiellement sur l’analyse contradictoire. Dans le cadre de ce rapport, outre les réponses des ministres eux-mêmes – M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, M. Jean François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Francis Mer, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire –, intégralement publiées à la fin du rapport, plus de 140 organismes, administrations et établissements ont été associés aux travaux et ont réagi aux constats faits par la Cour. Les réponses envoyées par écrit sont également publiées.

D’autre part, il est tout à fait souhaitable de poursuivre les méthodes de travail existant entre la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et la Cour des comptes. Si la commission souhaite que la Cour, dans ses prochains rapports annuels, voire dans des rapports publics particuliers, examine certains points spécifiques, la chambre compétente peut y répondre favorablement. Bien entendu, de telles demandes devraient prendre place dans le programme de travail de la chambre compétente de la Cour, ce qui suppose qu’elles soient formulées en temps utile, au moment où ce programme est formalisé.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a situé le rapport pour 2003 dans la continuité des rapports précédents ainsi que dans la perspective des préoccupations et demandes exprimées par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Cette continuité apparaît de façon évidente pour les trois « figures imposées » que constituent l’analyse des comptes sociaux, le suivi de l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et le compte rendu de l’activité des comités régionaux d’examen des comptes dont la Cour des comptes pilote les travaux. Il s’agit d’obligations législatives auxquelles la Cour s’efforce de répondre au mieux.

Le rapport poursuit également le développement de thèmes figurant déjà dans les rapports précédents. A titre d’exemple peuvent être cités le médicament et les soins aux personnes âgées qui font l’objet d’un chapitre particulier. Sur ces points, le rapport 2003 prolonge et conforte les constats exposés dans le rapport 2002. Ainsi, en ce qui concerne l’accueil des personnes âgées dans les services d’urgence, le rapport confirme les observations, déjà faites par la Cour, sur la relative inadéquation du dispositif aux besoins constatés comme l’a, malheureusement, illustré l’épisode de la canicule de cet été.

Il en est ainsi, également, des réflexions et observations relatives à l’assurance maladie, qui reprennent en partie les observations des rapports antérieurs. On constate ainsi à quel point sa situation est préoccupante. Dans ce contexte, le rôle de la Cour est d’éclairer les travaux et les débats sur la maîtrise des dépenses.

L’effort de maîtrise des dépenses de santé a été engagé à travers différents dispositifs depuis 1990 et, particulièrement, en 1996. A cet égard, le rapport dresse un bilan sans pour autant formuler de recommandations spécifiques. Il n’en établit pas moins un certain nombre de constats s’agissant de lacunes qu’il conviendrait de combler, de dysfonctionnements auxquels il conviendrait de mettre un terme rapide, de dispositions inapplicables ou excessivement coûteuses dont on pourrait faire l’économie ou de dispositifs existants mais trop souvent inappliqués.

L’analyse de la Cour montre que, dans ce domaine, l’ensemble des moyens de régulation est connu et que l’on sait ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. A titre d’exemple, l’action sur les comportements se révèle efficace à long terme. Ainsi, le chapitre IX du rapport consacré à l’accréditation et à l’évaluation montre un développement trop lent et des blocages trop nombreux. De même, la faiblesse du cadre institutionnel et financier empêche le Parlement de jouer pleinement son rôle, la pratique du rebasage de l’ONDAM concourant ainsi à maintenir une certaine obscurité.

Dans le domaine du médicament, le rapport appelle à des réorientations majeures tant il est vrai que la France est le seul pays qui poursuit autant d’objectifs à la fois (encadrement de la distribution, protection de l’industrie pharmaceutique, remboursement de beaucoup de spécialités à des taux élevés).

Dans le domaine des retraites, la loi du 21 août 2003 offre de meilleures perspectives financières sans répondre aux questions à long terme. Le rapport fait état de trop grandes disparités et inégalités dans l’organisation et la gestion des différents régimes. A la demande de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, la sixième chambre de la Cour des comptes a approfondi sa réflexion sur les aspects comptables et particulièrement sur les mécanismes de compensation interrégimes.

La Cour est en train de mener des études sur l’organisation territoriale de la sécurité sociale, la gestion du risque en maladie, la certification des comptes. La cinquième et la sixième chambres mènent, avec le concours des chambres régionales des comptes, des travaux relatifs à l’hébergement des personnes âgées, lesquels feront l’objet d’un rapport particulier en 2005. La fonction publique hospitalière ainsi que l’ensemble des professions hospitalières font aussi l’objet d’une étude en cours. Enfin, le rapport public de la Cour pour 2004 comportera une partie consacrée à la politique familiale et, plus particulièrement, à la politique de la petite enfance.

M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, a rappelé que le rapport 2003 est principalement axé sur l’évaluation des dispositifs de régulation et de maîtrise des dépenses de santé ainsi que sur l’enjeu que constitue le vieillissement de la population.

L’assurance maladie n’a jamais connu un déficit équivalent à celui d’aujourd’hui. Il est constaté que, quelle que soit la situation de l’économie, le déficit persiste ; cela prouve, si besoin était, qu’il s’agit d’un problème de dépenses et non pas d’un problème de recettes. La priorité est donc bien celle de la maîtrise des dépenses.

Entre 1990 et 2000, une relative modération des dépenses est constatée puis, à partir de l’année 2000, les dépenses s’emballent. Cette évolution s’explique par des tendances de fond comme la croissance des indemnités journalières, des affections de longue durée (ALD) ou des dépenses de médicament. Des décisions plus politiques et conjoncturelles concourent, elles aussi, à l’augmentation des dépenses. Ainsi, le report répété de décisions de déremboursement de médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant, à l’encontre des travaux de la commission de transparence, empêche d’économiser 1 milliard d’euros par an. De même, le coût des protocoles hospitaliers et de la réduction du temps de travail à l’hôpital a majoré l’ONDAM de 3,4 milliards d'euros par rapport à 1999. Par ailleurs, la revalorisation des honoraires pour les généralistes en 2002 s’est traduite par un coût en année pleine de 690 millions d’euros.

Dans le domaine des mécanismes de régulation mis en ½uvre depuis les années 1970, trois palettes d’actions existent mais n’ont pas produit les effets escomptés :

– L’ajustement par les prélèvements obligatoires et les déremboursements est contrebalancé par le fait que 90 % de la population bénéficie d’une complémentaire santé et que six millions de malades en ALD bénéficient d’une prise en charge à 100 %.

– La limitation des dépenses par la détermination d’enveloppes ou de lettres clé flottantes a été largement obérée par l’impossibilité de mettre en application des dispositifs instables et contestés sur le plan juridique.

– La politique conventionnelle avec les professions de santé, devant permettre de dépenser mieux comme le proposait le plan Veil de 1993, aurait dû être le support de la maîtrise médicalisée des dépenses. Divers instruments, malheureusement peu opératoires, ont ainsi été mis en place, tels l’accréditation de seulement 400 établissements de santé sur 3 000, la formation médicale continue obligatoire mais sans texte d’application, l’évaluation des pratiques médicales fondée sur le volontariat qui ne concerne que 180 praticiens sur 130 000 en exercice.

On peut donc considérer que la « crise de la régulation » des instruments de maîtrise des dépenses conduit à ce que tout le poids de la régulation de l’assurance maladie soit reporté sur le seul instrument financier qui constituent les prélèvement obligatoires.

Le rapport analyse enfin l’impact du vieillissement de la population sur les dépenses de santé. Première observation, de portée générale : cet impact est mal connu  et les études disponibles contradictoires. Quand on regarde des pays, comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, qui connaissent un vieillissement plus rapide que la France, on ne constate pas d’accélération similaire des dépenses de santé.

Trois points particuliers sont développés par le rapport :

– Premier point, les réseaux de soins destinés aux personnes âgées. Il y a une impression générale de foisonnement, un grand nombre d’initiatives étant prises, avec une efficacité variable selon l’implication des acteurs locaux. Le constat de la Cour porte principalement sur le manque de coordination de ces réseaux, qui nuit à leur développement harmonieux.

– Deuxième point, la consommation de médicaments par les personnes âgées. En premier lieu, la Cour relève un défaut général de coordination des prescriptions, sachant que les personnes âgées souffrent souvent de multiples pathologies, les statistiques faisant d’ailleurs apparaître qu’elles prennent en moyenne 3,6 médicaments différents par jour. D’autres pays sont beaucoup mieux organisés que la France ; ainsi, aux Etats-Unis des médecins référents font le point tous les ans avec les personnes âgées sur les prescriptions médicamenteuses et gèrent le risque iatrogène qui en résulte. Autre constat de la Cour, également assez spécifique à notre pays, la très grande insuffisance des effets thérapeutiques sur les personnes âgées. Il est significatif que les notices des médicaments ne comportent que très rarement des prescriptions spécifiques aux personnes âgées. Enfin, il y a trop de prescriptions aux personnes âgées de médicaments à service médical rendu insuffisant, de même que de prescriptions effectuées en dehors des pathologies visées par les autorisations de mise sur le marché.

– Dernier point, l’accueil des personnes âgées dans les services d’urgence. Le problème se pose à la fois en amont et en aval. En amont, la coordination est particulièrement difficile entre les différents intervenants dans le cas de personnes fragilisées, dépendantes et atteintes de pathologies multiples. En aval, on constate un manque de lits de médecine générale et de long séjour. Il faut savoir que 50 % des personnes âgées admises en urgence doivent être ensuite hospitalisées ; dans la mesure où il existe globalement une capacité hospitalière excédentaire de 30 000 lits, les lits de suite destinés aux personnes âgées devraient être créés en redéployant des lits des services de spécialité.

Le président Jean-Michel Dubernard a considéré que le tableau fait par la Cour des comptes de la situation de la sécurité sociale est à la hauteur de l’inquiétude des membres de la commission. Il a souhaité connaître l’état d’avancement des travaux de la Cour en réponse aux demandes de la commission, notamment sur les politiques de prévention, la certification des comptes sociaux et les aides au logement, et s’est interrogé sur les modalités d’une coopération entre la Cour et l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé (OPEPS), avant de poser deux questions :

– Face au constat d’échec de toutes les politiques de régulation des dépenses d’assurance maladie, ne faut-il pas une révolution intellectuelle qui substitue au mythe de la « grande réforme » la recherche d’un très grand nombre de petits ajustements, inspirés par l’expérience du terrain ?

– Au regard du drame sanitaire vécu cet été, que peut-on dire de l’adaptation de notre système d’urgences à l’accueil des personnes âgées ? Plus crûment, un système plus efficace et mieux coordonné entre ville et hôpital aurait-il permis d’éviter des morts cet été ?

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a observé que le développement d’échanges de travail entre la Cour et l’OPEPS est soumis aux mêmes contraintes que celui des échanges avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales : afin de mener des travaux sérieux et de conduire la contradiction avec les organismes audités, la Cour a besoin de temps. Par ailleurs, la Cour a essentiellement une compétence en matière de gestion et certaines demandes peuvent être à la limite de cette compétence qui n’est pas totalement pluridisciplinaire, s’agissant par exemple d’appréciations médicales où la Cour s’en remet aux études existantes et reconnues.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné la complémentarité possible des travaux de la Cour et de l’OPEPS sur des sujets tels que le dépistage du cancer et la périnatalité.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a indiqué que les analyses demandées sur les politiques de prévention et les aides au logement pourraient être inscrites dans la programmation 2004 de la Cour ; au demeurant ces questions ne relèvent pas uniquement de la sixième chambre. S’agissant de la certification des comptes sociaux, il s’agit d’un sujet très complexe : il existe plus de mille organismes de sécurité sociale. Par ailleurs, la Cour souhaite conduire parallèlement ses travaux à ce sujet et ceux sur la certification des comptes de l’Etat dont elle sera chargée en application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Ce sujet majeur sera donc programmé pour 2005.

L’échec des différents systèmes de régulation des dépenses d’assurance maladie a conduit tous les gouvernements à avoir recours à des solutions fiscales ou parafiscales pour équilibrer les comptes. C’est pourquoi il semble nécessaire d’agir plutôt sur la structure de l’offre de soins et sur les comportements des usagers. A cet égard, les actions modestes engagées sur le terrain sont tout à fait pertinentes, à condition de s’inscrire dans la durée, d’être soutenues financièrement et généralisées. Il faut en effet tenir compte de la large part de liberté existant au sein du système français de santé, sans vouloir s’aligner sur le modèle britannique qui, s’il est plus rigoureux, n’est pas exempt d’effets pervers en termes de file d’attente par exemple.

En ce qui concerne les conséquences sanitaires de la canicule, il s’agit d’un sujet que la Cour n’a pas vocation à traiter, s’agissant d’une situation de crise non prévisible, mais qui trouve néanmoins un écho dans la partie du rapport consacrée à la politique de santé envers les personnes âgées.

M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, a formulé les observations suivantes :

– En ce qui concerne les systèmes de régulation, toutes les idées ont déjà été testées, que ce soit le médecin référent ou l’évaluation, mais le passage à l’acte fait défaut.

– La politique conventionnelle est appliquée à des domaines où il ne s’agit pas d’un instrument juridiquement adapté et sans lien entre les différentes professions médicales concernées.

– La politique d’évaluation des médicaments est fondamentale et il faut en tirer au plus vite les conséquences en termes de déremboursement.

– Il convient de développer l’information indépendante des patients et des professionnels de santé en matière de prescriptions. Les logiciels de prescription sont aujourd’hui développés par les laboratoires pharmaceutiques, ce qui n’est pas satisfaisant alors qu’il existe un outil public qui est le Fonds de promotion de l’information médicale et médico-économique (FOPIM).

– Il est nécessaire de réfléchir à l’évolution de la loi de financement de la sécurité sociale dans le sens d’un meilleur contrôle du Parlement.

M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, s’est félicité de ce que les conclusions du rapport de la Cour en matière de retraites rejoignent les solutions inscrites dans la loi du 21 août 2003. Il a souligné que les problèmes de l’assurance maladie s’inscrivent dans la durée, depuis le début des années 1990, et qu’ils sont fortement tributaires des variations de la situation économique nationale et internationale. A cet égard, les critiques de l’actuelle opposition doivent donc être tempérées par le rappel de la situation économique exceptionnelle qui a accompagné son passage dispendieux aux affaires.

Il a ensuite posé les questions suivantes :

– La Cour partage avec le Parlement le souhait d’avoir une information claire et lisible sur le financement de la sécurité sociale. Estime-t-elle que ses recommandations en ce sens ont été suivies et qu’il est possible de simplifier les flux de financement existant, notamment entre l’Etat et la sécurité sociale ?

– Avant la conclusion de ses travaux sur la certification des comptes, la Cour a-t-elle déjà des suggestions à faire et est-elle prête à travailler de concert avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour préparer une révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, comme cela s’est fait entre la commission des finances et la Cour pour la loi organique relative aux lois de finances ?

– La Cour dresse un sévère constat d’échec de toutes les politiques de régulation menées ces dernières années en matière d’assurance maladie, tous gouvernements confondus, sans pour autant avancer de recommandations en ce domaine. Est-ce parce que cette carence est structurelle ou pour conserver la nécessaire neutralité dans ce débat en cours ?

– La Cour estime le coût pour l’hôpital de la mise en place de la réduction du temps de travail à hauteur de 3,5 milliards d’euros. Dans la mesure ou de nombreux protocoles ne sont pas encore finalisés, serait-il possible de disposer  d’une estimation exhaustive afin de mesurer l’impact sur les budgets de fonctionnement et d’investissements des établissements, l’augmentation de la masse salariale limitant d’autant les capacités d’adaptation des structures.

– La Cour a mené une étude très intéressante sur l’impact du vieillissement de la population sur les dépenses de santé. Ses conclusions diffèrent de l’opinion commune en la matière. Il convient donc de préciser quelles sont ses hypothèses de travail, pourquoi elle estime que l’impact du vieillissement est parfois surestimé et dans quelles proportions chiffrées cela peut-il se mesurer ?

– Pour mieux prendre en charge la dépendance des personnes âgées, il est parfois proposé de créer une cinquième branche de la sécurité sociale. Que pensez-vous de cette idée récurrente alors que d’autres possibilités existent telles que le recours à un fonds de financement ou la délégation de gestion à une branche déjà existante ? Faire financer handicap et dépendance par une même branche peut effectivement améliorer le fonctionnement et le contrôle du secteur médico-social, mais isoler les dépenses maladie des personnes âgées n’est peut-être par très opportun en termes de solidarité intergénérationnelle, ni très facile techniquement.

Mme Paulette Guinchard‑Kunstler, rapporteure pour l’assurance vieillesse, a fait les remarques suivantes :

– L’équilibre financier de la branche vieillesse du régime général doit être étudié compte tenu de l’impact lourd des règles de compensation interrégimes.

– En ce qui concerne l’accompagnement des personnes âgées, il est urgent de savoir pourquoi les consignes spécifiques de soins à ces personnes ne sont pas mieux appliquées ni enseignées aux personnels soignants. L’accompagnement de ces personnes doit se faire en lien avec l’évolution des pratiques générales du secteur médical.

– La crise sanitaire liée à la canicule a été précédée d’un phénomène qui aurait pu servir d’alerte, à savoir la montée en charge de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

– En ce qui concerne la création d’une cinquième branche, il faut prendre garde à ne pas séparer les problèmes sociaux des problèmes sanitaires. La diversité des acteurs au sein des réseaux de soins renforce l’acuité de cette question. Il ne faudrait pas qu’une séparation des rôles entraîne une moins bonne prise en charge de certaines maladies chroniques.

– Le recours au secteur privé lucratif pour le financement de l’hébergement des personnes âgées devrait être étudié par la Cour, car il y a de l’argent public en jeu dans la prise en charge du tarif hébergeant. A cet égard, il serait important de connaître la part des amortissements des travaux qui sont inclus dans le coût de l’hébergement.

M. Maxime Gremetz a estimé que l’examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique donne lieu à un débat sur les institutions nationales de santé publique, mais qu’on ne peut pas demander à la Cour des comptes d’intervenir dans un tel débat car ce n’est pas son rôle. En revanche, il convient de donner toute leur valeur à ses travaux en matière de sécurité sociale et, de ce point de vue, le groupe communiste et républicain s’efforce d’être, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le « porte-parole » de la Cour, s’appuyant sur la « bible » que constituent ses recommandations et essaie, avec difficultés, de promouvoir celles-ci.

Il faudrait que la Cour elle-même s’assure du suivi de ses recommandations et réaffirme celles qui n’ont pas été suivies d’effet les année suivantes. Il est dommage que l’on ne sache pas quel a été le sort de certaines recommandations formulées en 2002, par exemple celles relatives : à la lisibilité des comptes, à l’urgence d’une normalisation comptable et d’une stabilisation des règles de financement, à l’assiette des cotisations – de plus en plus réduite par la multiplication des dispositifs d’exonération, privilégiés par les entreprises, et constituant selon la Cour  une « menace pour les régimes de base » – et à la nécessité de publier en annexe au projet de loi de financement la liste des dispositifs d’exonération ainsi que leur coût.

M. Maxime Gremetz a ensuite posé les questions suivantes :

– Quel est le manque à gagner pour les organismes de sécurité sociale induit par les exonérations de cotisations sociales ? Celles-ci ont-elles été complètement compensées ?

– Quel est le manque à gagner pour ces mêmes organismes résultant de la hausse du chômage ?

– Quel est l’impact des déremboursements de médicaments sur le budget de la sécurité sociale ? Quel est l’impact de la politique des génériques ?

– Quelle est la part respective des impôts et des taxes d’un côté et des cotisations de l’autre dans le financement de la sécurité sociale ?

– Y a-t-il une baisse des recettes liées aux taxes sur le tabac, en dépit de la hausse de ces taxes ?

– Quelle est la situation financière de la branche famille ? La nouvelle prestation unique pourra‑t‑elle être financée ? Comment les crédits destinés aux crèches ont-ils été utilisés ?

– Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), mis à contribution pour financer le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), est-il déficitaire ?

M. Jean-Marie Le Guen, après avoir relevé la qualité du rapport rendu par la Cour sur les personnes âgées et le médicament, s’est étonné que ce soit la Cour des comptes, a priori peu outillée pour une telle analyse, qui en soit à l’origine. Sur un sujet purement médical et social, on peut regretter que les corps d’inspection, les agences et les institutions concernées n’aient pas procédé eux-mêmes à une telle réflexion. Est encore plus regrettable le fait que cette problématique ne soit pas prise en compte dans l’élaboration des politiques publiques.


 

Il a ensuite formulé les remarques suivantes :

– Le constat que les recettes affectées à l’assurance maladie ne couvrent pas les dépenses correspondantes depuis le début des années 1990 ne semble pas être le critère d’analyse pertinent. En effet, il ne tient pas compte du caractère arbitraire de l’affectation de telle part des recettes à l’assurance maladie. Il est plus intéressant d’analyser l’adéquation globale des recettes sociales aux dépenses de la sécurité sociale.

– L’approche faite par la Cour des différentes politiques de régulation de l’assurance maladie est a priori contestable. On ne peut pas parler de continuité ni globaliser l’analyse. En 1992 et 1993, il y a eu une amorce de régulation médicalisée ; le reste du temps, les gouvernements mais également la plupart des acteurs se sont focalisés sur la maîtrise comptable et financière des dépenses. La critique sur la régulation doit donc porter sur la seule maîtrise comptable qui s’est avérée sans efficacité, et non sur tous les modes de régulation possibles.

– La sécurité sociale va connaître de graves difficultés de trésorerie. Qu’en a t-il été pour 2002 ? Qu’en est-il pour 2003 et quelles sont les prévisions pour 2004 ? Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte en effet des autorisations d’emprunt. Quel jugement la Cour porte-t-elle sur ces dispositifs ?

M. Jean-Paul Anciaux a souligné la difficulté de maîtriser les dépenses d’assurance maladie en l’absence de volonté à la fois individuelle et collective et d’une prise de conscience par la population. Qu’en est-il en particulier de la surconsommation des soins liée à la couverture maladie universelle (CMU) ? Est-elle stabilisée ? Quel jugement la Cour porte-t-elle sur ce dispositif appliqué sans aucun contrôle ?

M. Yves Bur a formulé les observations et posé les questions suivantes :

– Les constats alarmants de la Cour ne font pas encore assez « mal » pour que les gouvernements tiennent compte de ses recommandations.

– De quelle façon serait-il possible de renforcer l’efficacité des instruments de régulation des dépenses d’assurance maladie, en particulier de régulation par les prix, pour responsabiliser davantage les assurés ?

– La gestion du risque par les caisses d’assurances maladie s’avère insuffisante, notamment en l’absence de réelle mise en ½uvre du codage des actes qui en constitue l’une des conditions premières.

– L’évaluation de l’efficacité thérapeutique des médicaments n’est-elle pas trop laxiste, comme le suggère l’arrivée sur le marché de nouveaux produits dont le service médical rendu paraît pour le moins contestable ?

– Le système conventionnel actuel doit être réformé, comme le souligne le rapport de la Cour. Dès lors, n’est-il pas souhaitable de lui substituer des contrats individuels avec les professionnels de santé permettant de transcrire de réels engagements ?

– Serait-il possible d’avoir des précisions sur la croissance des indemnités journalières et des affections de longue durée (ALD), dans la mesure où les réponses apportées sur  ces questions semblent par trop conjoncturelles ?

– S’agissant des personnes âgées, il est nécessaire de renforcer la prise en charge par les services d’urgence en y associant les centres locaux d’information et de coordination gérontologique (CLIC), qui fonctionnent bien et permettent de faciliter l’hospitalisation à domicile.

– Compte tenu de la progression des charges et de la réduction du nombre de cotisants qu’implique le vieillissement de la population, la création d’un fonds de réserve et de régulation des cotisations maladie, comme cela va être mis en place en Allemagne, ne devrait–t-elle pas être envisagée, afin éviter d’insupportables transferts intergénérationnels ?

Soulignant le poids du médicament dans l’ensemble des dépenses de santé, M. Bruno Gilles, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail, a souhaité avoir des précisions sur les réorientations majeures qu’implique, selon la Cour, la dégradation des comptes de l’assurance maladie. Quelles sont, d’autre part, les voies de réforme de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ?

M. Pierre-Louis Fagniez a estimé que la situation financière actuelle de l’assurance maladie doit être appréciée au regard des évolutions intervenues au cours des années 1990, avec la mise en place des instruments de régulation, comptables et médicalisés. En effet, malgré plusieurs efforts réalisés dans ce domaine, ces instruments de régulation se sont révélés insuffisants. Ainsi l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) n’a-t-elle accrédité qu’environ 350 établissements.

Il serait cependant utile d’avoir des indications chiffrées sur la prise en compte du principe de précaution par l’assurance maladie, s’agissant par exemple des dépenses de biologie moléculaire visant à supprimer le risque viral ou transfusionnel, ainsi que de la mise en place de nouvelles normes sanitaires.

Mme Muguette Jacquaint a souhaité savoir s’il est possible de distinguer les catégories d’arrêts du travail qui sont à l’origine de la progression importante des indemnités journalières (+ 11 % en 2002). En effet, des salariés employés à durée déterminée ou en intérim sont parfois soumis à une pression très forte pour conserver leur emploi ou ne pas déclarer des accidents du travail. Il serait également utile d’avoir des informations sur la fréquence des accidents du travail selon le degré de pénibilité du travail. Enfin, il paraît pour le moins contestable de continuer à inclure les congés maternité dans les indemnités journalières, dans la mesure où la maternité ne peut pas s’apparenter à une maladie.

En réponse aux intervenants, M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, s’est tout d’abord félicité du vif intérêt suscité par le rapport de la Cour auprès des parlementaires, dont témoignent la richesse et la diversité des questions abordées.


 

Celles-ci appellent les observations d’ordre général suivantes :

– En premier lieu, la Cour dispose de moyens modestes. La sixième chambre ne comprend que 40 personnes en équivalent temps plein. La Cour est par ailleurs tributaire des informations obtenues auprès des administrations.

– Si la création des lois de financement de la sécurité sociale a constitué un progrès, dans la mesure où pour la première fois le Parlement a été amené à se prononcer sur des dépenses qui représentent la moitié des dépenses publiques, cet instrument présente aujourd’hui d’incontestables limites. La Cour se tient donc à l’entière disposition du Parlement pour préparer, s’il le juge nécessaire, une révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, comme cela s’est fait pour la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

– La Cour est très attentive aux suites données à ses recommandations, mais celles-ci ne peuvent pas toujours être immédiatement appliquées. Le champ des questions abordées par les rapports de la Cour est par ailleurs tellement large – comme par exemple l’analyse présentée dans le rapport 2001 sur les relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale –qu’il n’est pas possible d’en présenter un suivi exhaustif chaque année.

– La proposition de création d’une cinquième branche, qui permettrait au minimum de décrire les flux financiers des actions en faveur des personnes âgées, soulève, à titre personnel, plusieurs réserves. Alors que pour les retraites la population bénéficiaire est facilement identifiable, tel n’est pas le cas pour les personnes âgées. En outre, l’âge n’apparaît pas comme un critère suffisamment discriminant pour distinguer très clairement ce qui relève ou non de l’assurance maladie. Enfin, il existe un risque sociopolitique important à créer une catégorie d’ayants droits particuliers, qui seraient ainsi discriminés.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a répondu, s’agissant du suivi des recommandations de la Cour, qu’il est plus facile de les mettre en ½uvre dans le domaine comptable que lorsque des réformes importantes de nature politique sont préconisées. Dans ce dernier cas, l’objectif de la Cour est d’apporter des informations et de susciter une prise de conscience.

La création d’une cinquième branche serait un facteur de complexité peut-être inutile. Une étude de la Cour se déroule actuellement sur le problème des personnes âgées et du financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), incluant les problèmes d’hébergement et de personnel. La Cour n’est cependant pas compétente pour conduire des investigations sur les investissements du secteur privé à but lucratif et doit se contenter d’observer les flux financiers correspondants.

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a précisé sur ce point que la seule existence d’un financement public ne suffit pas à déterminer la compétence de la Cour. En effet, si une loi de 1950 établit la compétence de la Cour en matière de contrôle des organismes de sécurité sociale, les fonds versés par ceux-ci ont le caractère de deniers privés réglementés et non de deniers publics.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a indiqué que les cotisations représentent les deux tiers des ressources de la sécurité sociale, les impôts et taxes affectés 30 %, les contributions publiques 4 % et les placements financiers et autres 1 %.

L’augmentation significative des indemnités journalières (+ 11 %) a déjà été abordée dans le rapport particulier de la Cour sur les accidents du travail, paru en 2002. La Cour ne s’est pas penchée sur les causes de cette augmentation, si ce n’est en pointant le lien avec les restrictions en matière de préretraites dans la mesure où les indemnités journalières ont surtout augmenté pour la tranche d’âge des 56-59 ans.

M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, a apporté les réponses suivantes :

– Les conséquences financières de la réduction du temps de travail à l’hôpital sont évaluées à 3,4 milliards d’euros pour la période 1999-2003. Les perspectives pour 2004 et 2005 sont respectivement de 881 millions d’euros et 355 millions d’euros, ces coûts étant essentiellement liés au compte épargne-temps. L’ensemble des protocoles représente donc une dépense de 4,6 milliards d’euros, soit 10 % de l’ensemble des dépenses hospitalières, avec la création de 43 000 emplois.

– Le Gouvernement a, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, l’obligation d’établir un rapport faisant le point de l’application des recommandations de la Cour. Ce rapport aurait dû être transmis au Parlement pour le 15 juillet.

– S’agissant du cinquième risque, il existe certes des dépenses d’assurance maladie spécifiques aux personnes âgées, mais mettre en place une nouvelle « tuyauterie » pour assurer leur financement ne semble pas prioritaire. Les prestations liées à la dépendance (APA) sont servies par le réseau efficace de proximité que constituent les départements. En revanche, il est urgent d’évaluer les besoins, de planifier les actions et d’organiser la formation d’un personnel qualifié d’accompagnement des personnes âgées.

– Les manques à gagner pour la sécurité sociale, résultant des « trous » dans l’assiette des cotisations, s’élèvent à dix milliards d’euros, non compensés.

– Les exonérations de cotisations liées aux aides à l’emploi ont représenté un coût de 20,5 milliards d’euros en 2002, compensé par l’Etat et le FOREC à hauteur de 18,2 milliards d’euros, soit un reliquat non compensé de 2,3 milliards d’euros correspondant à des dispositifs antérieurs à la loi Veil de 1994.

– Le manque à gagner lié à l’augmentation du chômage est difficile à évaluer même si on peut estimer que 100 000 chômeurs représentent une perte de ressources d’un milliard d’euros.

– Le déremboursement des médicaments à SMR insuffisant représente une économie d’un milliard d’euros par an.

– Les règles d’affectation des taxes sont moins fluctuantes que lors de la mise en place du FOREC et une plus grande stabilité dans la répartition de leur produit a été constatée en 2002.

– Les comptes du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) font apparaître un solde négatif de 1,4 milliard en 2002.

– Une recommandation de la Cour préconise la révision de l’ensemble des mécanismes de compensation entre les différents régimes d’assurance vieillesse, tout en maintenant le principe de solidarité entre régimes. Il faut noter la suppression, à terme, de la surcompensation, prévue par la loi du 21 août 2003.

– La Cour a entrepris un bilan de la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes et de l’APA, qui sera disponible dans le courant de l’année 2005.

– La rémanence du déficit de l’assurance maladie et son évolution à long terme ont déjà été évoquées dans plusieurs rapports de la Cour. On constate qu’entre 1990 et 2003 les dépenses d’assurance maladie ont augmenté une fois et demie plus vite que la richesse nationale. La Nation doit donc bien se demander quelle part de la richesse produite elle accepte de consacrer à la prise en charge collective des soins.

– Il faut utiliser conjointement l’instrument de la maîtrise financière et l’instrument de la maîtrise médicalisée des dépenses d’assurance maladie. Ce dernier consiste à pourchasser la mauvaise dépense, comme les médicaments inefficaces, afin de favoriser la bonne dépense, par exemple pour les traitements de pathologies lourdes et les traitements innovants.

– Aucun des régimes de sécurité sociale autorisés en 2002 à recourir aux avances de trésorerie n’aura dépassé les plafonds fixés par la loi de financement pour cette année.

– Il ne peut être apporté aujourd’hui de réponse à la question sur le coût de la CMU ; de même, on ne sait pas évaluer le coût du principe de précaution ou du renforcement de certaines normes sanitaires, à l’exception de quelques indices disponibles dans le domaine de la transfusion sanguine.

– Il faut encourager le renouveau de la politique contractuelle dans le fonctionnement de l’assurance maladie.

– Les indemnités journalières ont augmenté de 11 % en 2002, ce qui représente une dépense totale de 7 milliards d’euros, sans qu’il soit possible d’apporter une explication précise à cette augmentation. En revanche, un ralentissement est constaté en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles. On peut rappeler l’hypothèse établie par la CNAMTS d’un lien avec le resserrement  des dispositifs de préretraites.

– Le produit des taxes sur le tabac a augmenté en 2002 mais, en 2003, on peut observer que l’augmentation des taxes a eu un effet sensible sur le volume de consommation de tabac et le développement de la contrebande, ce produit étant fiscalisé à hauteur de 70 %.

Le président Jean-Michel Dubernard a conclu en remerciant les magistrats de la Cour des comptes et en réaffirmant la nécessité de renforcer la collaboration entre la Cour et la commission, le plus en avant possible des travaux respectifs de l’une et de l’autre.


 

B. AUDITION DU ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, du ministre délégué À la famille et de la secrétaire d’état aux personnes handicapées

La commission a procédé à l’audition conjointe avec la commission des finances, de l’économie générale et du plan de M. Jean‑François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, et Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, sur le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, au cours de sa séance du mercredi 8 octobre 2003.

Le Président Jean-Michel Dubernard a remercié les ministres de venir présenter devant l’Assemblée nationale, juste après son adoption par le Conseil des ministres, le deuxième projet de loi de financement de la sécurité sociale préparé par le gouvernement Raffarin. Après un projet de loi de financement pour 2003 de transition, le projet de loi de financement procède à une clarification qui permet d’engager sur des bases assainies l’adaptation de notre système d’assurance maladie l’année prochaine.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a d’abord rappelé que la sécurité sociale est au c½ur du contrat social. Elle constitue un élément essentiel du pacte républicain et elle est le principal garant de la justice sociale et de la solidarité dans notre pays. Le devoir et la mission du gouvernement est de sauvegarder et de conforter la sécurité sociale en l’adaptant aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. C’est pourquoi, alors que la page de la réforme des retraites est tournée, il est indispensable de conduire aussi vite que possible une modernisation ambitieuse, déterminée et négociée de l’assurance maladie. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 s’inscrit totalement dans cette logique : il s’agit de remettre de l’ordre dans la sécurité sociale et de préparer l’avenir sans pour autant anticiper les résultats de la concertation déjà entamée depuis septembre.

Le régime général traverse une période de difficile tension financière. Son déficit atteindra 8,9 milliards d’euros en 2003, soit une dégradation d’un milliard d’euros par rapport aux hypothèses de la Commission des comptes de la sécurité sociale de mai dernier. En 2004, les projections tendancielles, c’est-à-dire en dehors de toute action du gouvernement, conduiraient à un déficit de 13,6 milliards d’euros, la branche maladie étant à l’origine pour l’essentiel de ce déficit. La branche vieillesse est en excédent de 600 millions d’euros avant prise en compte de la loi portant réforme des retraites en 2004. Les autres branches, famille et accidents du travail, sont proches de l’équilibre en 2003 et en 2004.

Cette évolution est le résultat d’un classique effet de ciseaux dont les mécanismes et les conséquences sont connus : la sécurité sociale a connu plusieurs années de croissance forte de ses recettes qui sont grosso modo indexées sur l’évolution de la richesse nationale. Ces années n’ont malheureusement pas été mises à profit comme elles auraient dû l’être pour préparer l’avenir. Il est en effet plus facile de moderniser l’assurance maladie quand le taux de croissance des recettes est supérieur à 6 %. Or, les dépenses ont recommencé à croître à un rythme rapide depuis 1998 et pendant quatre années il ne s’est rien passé. Aucune mesure de réforme n’a été engagée et une grave crise de confiance s’est installée avec l’ensemble des acteurs, professionnels de santé et partenaires sociaux. Par ailleurs, de nouvelles dépenses ont été décidées sans financement prévu.

Aujourd’hui, la croissance est faible, la masse salariale ne devant croître que de 2,3 %. La croissance économique se situe à un niveau historiquement bas, le plus modéré depuis dix ans : le PIB ne devant progresser que d’un demi pour cent environ en volume cette année. Au total, le ralentissement des recettes est responsable des deux tiers de l’aggravation du déficit. L’horizon économique international commence certes à s’éclaircir, laissant envisager une dynamique plus forte des recettes de la sécurité sociale en 2004, mais il est difficile d’en dire davantage aujourd’hui.

La vivacité de la croissance des dépenses d’assurance maladie constitue la deuxième cause des déficits actuels. Il a été dit et répété que la santé est un bien collectif, qu’il faut protéger ensemble, qu’un haut niveau de santé est un facteur de richesse pour un pays, un atout et un investissement, non un frein, et qu’il faut accepter d’assumer une part inéluctable d’augmentation des dépenses de santé, liée au vieillissement de nos sociétés et au progrès médical.

Le vieillissement a un coût. Les dépenses de santé des plus de soixante ans sont trois fois plus élevées que celles des trentenaires. Les personnes âgées de plus de soixante–dix ans consomment 30 % des dépenses totales. Avant les mesures préparées dans le cadre du plan « Vieillissement et solidarités », le gouvernement a prévu d’inscrire une enveloppe de 3,5 milliards d’euros au profit des établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), soit 300 millions d’euros de plus que l’an dernier.

En ville, une part très importante de la croissance rapide des dépenses s’explique par la mise sur le marché de nouveaux médicaments et par le remboursement de nouveaux types de soins. Depuis janvier 2002, 519 spécialités pharmaceutiques ont été inscrites au remboursement. Certaines sont particulièrement remarquables mais aussi coûteuses, comme le Glivec, médicament traitant les leucémies. Cela représente 750 millions d’euros de dépenses supplémentaires. Les dépenses d’assurance maladie en faveur des personnes handicapées croissent également. Les seules dépenses des centres médico-sociaux atteindront en 2004 6,2 milliards d’euros, en progression de 6 %, soit 350 millions d’euros supplémentaires.

Il ne faut pas cacher ces réalités et s’abriter derrière la seule raison comptable sous peine de se tromper gravement dans les solutions qu’il faut apporter : croissance des dépenses de santé et meilleure satisfaction des besoins sont les deux faces d’une même réalité. Il faut en tirer surtout une détermination d’autant plus forte pour lutter contre les abus injustifiables, les gaspillages injustifiés et la non-qualité que tolère, ou même qu’encourage parfois, notre système de soins et d’assurance maladie.

La Cour des Comptes a raison. Chaque euro de nos cotisations n’est ni bien, ni justement dépensé. Il existe des rentes de situation injustifiables. L’efficience de notre système de santé et d’assurance maladie est perfectible. Les dépenses d’assurance maladie croissent à un rythme qui n’est pas soutenable à très long terme pour les finances publiques et qui doit être infléchi. Ainsi, en 2003, les dépenses d’assurance maladie dans le champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) devraient progresser à un rythme de 6,4 %, un chiffre à mettre en regard avec l’objectif de 5,3 % proposé l’an dernier par le Parlement.

Cette évolution est trop rapide et, pour partie, injustifiée au regard de l’utilité médicale, des besoins de santé publique et des moyens comptés dont l’assurance maladie dispose. Le dérapage de certaines prescriptions comme les indemnités journalières l’expliquent en partie. Mais ce n’est pas le seul facteur. Comme le souligne la Cour des comptes, les cotisants paient tous le prix fort de la politique mal conçue et mal mise en oeuvre de réduction du temps de travail au moment même où la démographie médicale s’infléchissait : 3,4 milliards d’euros sur I’ONDAM, soit 150 euros par cotisant et par an pour les seuls établissements hospitaliers.

Deux signes d’optimisme peuvent tout de même être soulignés en 2003 : tout d’abord, cette année marque une première décélération de la croissance des dépenses d’assurance maladie par rapport à 2002 (+ 7,2 %). Ensuite, le dépassement de I’ONDAM est fortement réduit par rapport aux années antérieures : il ne sera que de 1,2 milliard d’euros en 2003, contre plus de 3 milliards d’euros en 2001 et presque 4 en 2002. Voilà le résultat d’une politique de vérité et du choix de la confiance. C’est l’amorce de changements structurels qui doivent désormais faire jouer tous leurs effets.

Pour la première fois depuis quelques années, le comportement des acteurs a commencé à évoluer réellement. Ainsi, la part de marché des génériques augmente rapidement, les sur-prescriptions d’antibiotiques diminuent et le nombre de visites inutiles chute. Ce sont les premiers signes du fait qu’un partenariat conventionnel avec les professionnels de santé, autour d’une logique de responsabilité partagée, peut avoir prise sur le rythme d’évolution des dépenses, qu’il est possible de ralentir significativement.

Face aux difficultés que connaît la sécurité sociale, l’ambition première du gouvernement est de préparer l’avenir. Il en va de la sauvegarde de notre sécurité sociale.

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites est le résultat de cette volonté ferme de traiter, dans la concertation, les difficultés structurelles de notre protection sociale de manière adaptée et non par des mesures transitoires. La mesure relative au départ anticipé des travailleurs âgés est ainsi un investissement pour l’avenir. Elle a permis d’apporter plus d’équité et de justice sociale dans notre régime de retraite.

L’ambition est également claire dans les objectifs et le contenu de la politique familiale. M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, présentera les mesures très importantes du présent projet de loi qui concrétisent l’engagement pris par le Président de la République en faveur des familles.

Concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles, des travaux de modernisation de cette branche ont été poursuivis. Par ailleurs, l’indemnisation des victimes de l’amiante progresse maintenant rapidement, conformément aux engagements du gouvernement. Depuis l’adoption par le conseil d’administration du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) du barème indicatif d’indemnisation, les dépenses du fonds augmentent régulièrement. La dotation prévue pour 2004, de 100 millions d’euros, portera la capacité financière totale du fonds à près d’un milliard d’euros.

L’ambition est aussi évidente pour le système de santé et d’assurance maladie. Sa qualité, son excellence même, est reconnue. Comme l’a souligné récemment le Président de la République, les principes de liberté et de solidarité qui animent notre système de santé et d’assurance maladie sont inscrits au fronton de la République et sont ancrés au coeur de chacun de nos concitoyens. Mais pour sauvegarder ce système, il faut le moderniser.

Le fondement nécessaire de la politique de soins et d’assurance maladie est la santé publique, à savoir la prévention, l’éducation à la santé et le dépistage. Le gouvernement a présenté un projet de loi relatif à la politique de santé publique qui est en ce moment même discuté au Parlement. Il permettra d’orienter l’activité de l’ensemble des acteurs de soins dans un but commun de santé publique et de repositionner l’Etat comme garant.

Ensuite, le gouvernement a engagé résolument la modernisation de l’hôpital. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoit le passage à la tarification à l’activité. Cette mesure ambitieuse a été longtemps annoncée et toujours retardée, notamment au moyen de groupes de travail et de mission sans fin mis en place par le gouvernement précédent. Cette réforme indispensable à l’hôpital est enfin lancée comme l’engagement en avait été pris l’an dernier. Les travaux conduits par la mission « tarification à l’activité » ont permis de définir un schéma opérationnel et pragmatique pour un passage progressif à la tarification à l’activité, à partir de 2004, des établissements de santé publics et privés.

L’ordonnance n° 2003-846 du 4 septembre 2003 portant simplification de l’organisation et du fonctionnement du système de santé va permettre d’assouplir les règles d’organisation hospitalière afin que les établissements de santé puissent plus facilement s’adapter aux changements de tous ordres qui les concernent. Par ailleurs, un effort exceptionnel d’investissement de 10 milliards d’euros a été engagé que permet notamment la dotation du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés prévue dans le présent projet de loi de financement. Il s’agit d’un véritable espoir pour l’hôpital. L’adaptation de la gouvernance est le dernier dossier clé de la modernisation de l’hôpital qui est en cours de concertation.

Enfin, la modernisation de la santé passe par celle de l’assurance maladie, modernisation qui ne peut se faire qu’à certaines conditions : répondre aux attentes de nos concitoyens en termes de soins et adapter une méthode et un calendrier qui laissent toute leur place au diagnostic partagé, à la concertation et à la négociation avec les partenaires sociaux et les autres acteurs.

Certains proposent d’augmenter dès cette année les recettes. Mais qui réussit à remplir un tonneau percé ? Faire 14 milliards d’euros d’économies en une année n’est pas non plus une solution envisageable. C’est pourquoi le gouvernement a choisi pour 2004 de stabiliser le déficit de l’assurance maladie, ce qui représente un effort de 3 milliards d’euros de redressement. Il s’agit d’un véritable effort équilibré entre tous de redressement de notre sécurité sociale. C’est la première étape du retour à l’équilibre d’ici à 2007 que le gouvernement est déterminé à conduire.

Pour réussir ce plan de stabilisation, sans préempter le résultat de la concertation et de la négociation, le gouvernement a décidé de remettre de la cohérence dans le système d’assurance maladie. Première action de cohérence : la clarification tant attendue des relations financières entre 1’Etat et la sécurité sociale. La loi de financement pour 2003 entamait cette clarification. En 2004, le gouvernement, aidé de façon tout à fait remarquable par le travail des deux assemblées, poursuivra et amplifiera la clarification financière demandée par tous les acteurs.

Cette clarification passe d’abord par la suppression du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Le FOREC a été mis en place avec retard par le gouvernement précédent, ce qui l’a conduit à faire supporter par le régime général une dette de 2 milliards d’euros. Il s’agissait de compenser les allègements de charges liés aux trente-cinq heures, ou plus justement de tenter de cacher à tous le coût des trente–cinq heures que la « majorité plurielle » n’était pas prête à assumer. Les partenaires sociaux et les parlementaires de l’opposition d’alors l’avaient compris et le critiquaient, mais ils n’ont pas été entendus, ce qui a aggravé la crise de la sécurité sociale.

En supprimant une fois pour toute ce fonds, le projet de loi de financement pour 2004 revient à la logique originelle de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale votée à l’initiative de Mme Simone Veil, alors ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, qui veut que l’Etat compense l’intégralité des exonérations de charges. Pour 2004, la somme versée par l’Etat (sur le budget du ministère du travail) à la sécurité sociale sera de 17 milliards d’euros. Cette suppression montre que la majorité parlementaire a entendu ses partenaires et qu’elle est déterminée à simplifier les circuits et à strictement identifier ce qui relève des finances de l’Etat et des finances de la sécurité sociale. C’est une condition nécessaire pour que la responsabilité des gestionnaires de la sécurité sociale puisse pleinement s’affirmer.

La clarification des relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale passe aussi par l’attribution de l’intégralité de l’augmentation des droits sur les tabacs à l’assurance maladie. Cette hausse souhaitée pour des raisons de santé publique participera au redressement de la sécurité sociale. Nos concitoyens le comprennent alors qu’il ne voyait pas la logique du financement des trente-cinq heures par les droits sur les tabacs voulue par le gouvernement précédent.

Une autre mesure de cohérence mise en ½uvre consiste à s’appuyer sur les professionnels de santé et les patients pour développer la maîtrise médicalisée. Le Président de la République a instamment demandé au gouvernement de généraliser sans plus attendre les outils de maîtrise médicalisée des dépenses, en s’engageant pleinement dans l’ère des réalisations concrètes. Il s’agit d’un dossier prioritaire pour 2004. Il repose sur la responsabilisation et l’implication individuelle et collective de l’ensemble des acteurs, caisses d’assurance maladie, professionnels de santé et usagers du système de soins. La médecine rationnelle est une médecine économe des efforts des médecins, du temps des patients et des deniers publics.

Les résultats des accords conventionnels de 2002 montrent que les professionnels et les caisses y sont prêts et que la maîtrise médicalisée peut réussir. De même, les propositions communes des caisses d’assurance maladie et de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), qui ouvrent la voie à la publication du règlement conventionnel minimum, ainsi que l’adhésion du Syndicat des médecins libéraux (SML) à la convention des généralistes sont un signe d’espoir. On ne peut pas faire, en effet, de juste médecine sans les médecins.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoit dans cet esprit un nombre important d’outils pour que la maîtrise médicalisée prenne véritablement effet et que 2004 soit une année d’inflexion réelle de la progression des dépenses d’assurance maladie, amplifiant une tendance perceptible ces derniers mois. On peut ainsi citer :

– la possibilité pour les unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM) de passer des conventions, avec des groupements de professionnels de santé, aux termes desquelles ceux-ci s’engageraient sur des améliorations de leurs pratiques ;

– la simplification des dispositifs d’incitation aux bonnes pratiques, pour qu’ils puissent être conclus plus rapidement entre les partenaires et validés par une instance scientifique ;

– l’amélioration du contenu du protocole de soins qui fonde les exonérations des malades en affection de longue durée (ALD) ;

– la précision des règles de non-remboursement pour les actes dont l’objet est extérieur au système de santé ;

– l’expérimentation du dossier médical partagé.

La nouvelle convention d’objectifs et de gestion que l’Etat signera avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) au début de l’année 2004 permettra à celle-ci de progresser dans son rôle de régulateur et de contrôle, notamment pour les arrêts de travail et les admissions en ALD, mais également dans son rôle de conseil et de service aux professionnels de santé.

La politique du médicament menée par le gouvernement, tournée vers l’innovation, sera amplifiée. Elle vise à permettre aux patients d’avoir accès aux nouveaux traitements dont ils ont besoin tout en recherchant une évolution de la dépense globale compatible avec l’équilibre des comptes sociaux. La politique menée en 2003 sera poursuivie en 2004, avec le déremboursement de la deuxième vague de médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant, l’alignement du remboursement de l’homéopathie sur celui des médicaments à SMR faible ou modéré, l’accroissement du nombre de groupes génériques sous tarif forfaitaire de responsabilité et le réexamen des conditions de ventes et de remboursement de certains médicaments ou dispositifs médicaux dont le service médical rendu paraît moindre aujourd’hui qu’au moment où ils ont été mis sur le marché. Parallèlement, l’accord‑cadre conclu avec l’industrie pharmaceutique et les budgets accordés à l’hôpital ont réellement permis d’améliorer l’accès de tous à de nouveaux médicaments. Dans le cadre de la tarification à l’activité, l’utilisation à l’hôpital des médicaments les plus innovants sera favorisée.

Il a été constaté que les actes exonérés de ticket modérateur croissent très rapidement. Ainsi, leur progression a été de 11,2 % en 2002. Or, certaines exonérations totales de ticket modérateur liées à un acte coté en K 50 et plus ont donné lieu, au fil des années, à des interprétations extensives très coûteuses et inégales par les caisses. Il faut dire que les bases juridiques de ces règles sont floues. Elles reposent sur un arrêté de 1955 qu’un décret prévu par les ordonnances de 1967 devait abroger. Ce décret en Conseil d’Etat n’a encore jamais été pris, il le sera en 2004. Il ne reviendra pas sur l’exonération totale de l’acte lui-même, cela va de soi. Il clarifiera simplement le champ des exonérations totales des autres actes qui sont aujourd’hui, dans une totale obscurité, liées à l’acte exonérant. Celles-ci seront, comme c’était l’esprit de l’ordonnance de 1967, limitées aux actes les plus coûteux, essentiellement ceux réalisés dans le cadre des séjours hospitaliers. Les autres actes seront remboursés selon le droit commun. Cette mesure de rationalisation devrait permettre de dégager environ 500 millions d’euros d’économies pour 1’assurance maladie.

Le forfait journalier à l’hôpital n’a pas été réévalué depuis 1996, alors même que les coûts de l’hôpital ont fortement progressé. Le gouvernement a donc décidé une hausse du forfait journalier de 10,67 euros à 13 euros. Cette hausse ne pénalisera pas les personnes les plus pauvres, qui sont prises en charge par la couverture maladie universelle (CMU). En outre, une réduction de 9 euros est prévue pour les séjours psychiatriques afin d’éviter de pénaliser les malades qui alternent hospitalisation et intégration sociale en ville. Cette mesure est très attendue.

Par ailleurs, une hausse de la taxe sur la promotion pharmaceutique de 150 millions d'euros permettra de réduire la promotion excessive de certains produits. Les visiteurs médicaux ont un rôle souvent utile pour diffuser de l’information aux médecins, mais l’excès de visites médicales est aussi un facteur inflationniste reconnu internationalement. Or, nous sommes le pays recordman du monde de consommation de médicaments par habitant : 400 000 de nos concitoyens environ en consomment plus d’une boîte par jour !

Enfin, il est prévu de demander aux caisses d’améliorer l’efficacité du recours contre les tiers afin de mieux responsabiliser les auteurs d’accidents et leurs assureurs. Le rendement de cette mesure serait de 100 millions d’euros pour l’assurance maladie.

Face à la dégradation des comptes sociaux, le gouvernement fait tout ce qu’il est possible de faire pour stabiliser le déficit de l’assurance maladie, tant en recettes qu’en dépenses, avec courage et détermination. Mais il ne veut pas sacrifier aux problèmes conjoncturels, ni la reprise de la croissance, ni la santé de nos concitoyens, ni la nécessaire modernisation de la sécurité sociale qui sera menée dans le respect du dialogue social. Plus encore, le gouvernement a entamé la modernisation de la sécurité sociale dans le domaine des retraites, de la famille, de la santé publique et de l’hôpital. En remettant de l’ordre dans l’assurance maladie et en engageant la concertation, il a posé les jalons de la modernisation de l’assurance maladie. Aujourd’hui et pour les mois à venir, chacun – patients, professionnels de santé, caisses d’assurance maladie et Etat – est placé devant ses responsabilités, qui sont lourdes, tant l’enjeu est déterminant pour la collectivité nationale et la complexité de la tâche grande.

Pour sauvegarder notre sécurité sociale solidaire, offrir de nouvelles sécurités à nos concitoyens et offrir le meilleur de la santé pour tous, le dialogue social est absolument indispensable. Le chantier est bel et bien lancé. L’année à venir sera chargée mais déterminante.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a indiqué que le volet famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 matérialise les annonces faites par le Premier ministre lors de la Conférence de la famille du 29 avril dernier. La simplification des prestations, l’élargissement des modes de garde et les mesures facilitant la conciliation de la garde d’enfants et de l’activité professionnelle sont les grands axes de la politique mise en ½uvre.

Le projet de loi de financement institue ainsi, au 1er janvier 2004, la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) qui va regrouper, dans un souci de simplification et de lisibilité pour les familles, les cinq prestations existant en faveur de la petite enfance, et même six si l’on tient compte de l’intégration de l’allocation d’adoption dans la nouvelle prestation.

La PAJE comprendra, d’une part, une prime à la naissance qui sera suivie d’une allocation de base versée dès la naissance pendant trois ans et, d’autre part, un complément de libre choix pour la garde et l’éducation des enfants.

La prime à la naissance, d’un montant d’environ 800 euros, sera versée lors du septième mois de la grossesse. Puis, à partir de la naissance, 160 euros par mois environ seront versés jusqu’aux trois ans de l’enfant. 90 % des parents percevront la prime à la naissance puis l’allocation de base, soit 200.000 familles nouvelles.

Le complément de libre choix du mode de garde s’adressera aux parents qui choisissent de continuer à exercer une activité professionnelle, en leur permettant de financer un mode de garde pour leurs jeunes enfants. Les efforts ont été ciblés en direction des familles à revenus modestes et moyens, pour leur permettre de choisir librement leur mode de garde. L’objectif est que le coût des modes de garde ne dépasse pas 10 % à 12 % du revenu des familles. Le complément du libre choix d’activité s’adressera également aux parents qui font le choix d’arrêter leur activité professionnelle pour élever leurs jeunes enfants. Ce complément sera versé dès le premier enfant pendant les six mois suivants le congé de maternité ou de paternité.

Le dispositif de la PAJE devrait monter en charge sur trois ans. En 2007, elle mobilisera des crédits supplémentaires à hauteur d’environ 850 millions d’euros par an. Son coût sera, dès 2004, de près de 150 millions d’euros.

Six autres mesures accompagnent la création de la PAJE. Afin de simplifier les procédures, le complément de garde de la PAJE sera proposé aux familles sous la forme d’un « chéquier PAJE », fortement inspiré du chèque emploi-service actuel. Les rubriques à remplir par les familles seront en nombre limité et le remboursement des frais de garde sera accéléré puisque il sera effectué en un mois et non après trois mois.

Par ailleurs, l’allocation d’adoption devrait être intégrée dans la PAJE. Les familles adoptantes auront ainsi droit à une prime d’adoption de 800 euros ainsi qu’à l’allocation de base de la PAJE. Les droits des familles adoptant, par exemple, un enfant de trois ou quatre ans vont quasiment doubler par rapport à la situation actuelle : aujourd’hui, ces familles perçoivent 160 euros par mois pendant vingt-et-un mois soit 3 360 euros ; avec la PAJE, elles recevront la prime d’adoption, soit 800 euros, plus 160 euros par mois pendant trente-six mois.

Dans les départements d’outre-mer, la PAJE sera versée dans les mêmes conditions qu’en métropole. Les plafonds de ressources d’allocation de base de la PAJE seront donc complètement alignés.

Afin de soutenir les familles faisant face aux difficultés provenant de naissances multiples, l’allocation de base sera versée pour chaque enfant et sera cumulable avec le complément de libre choix d’activité qui remplace l’allocation parentale d’éducation. Cette disposition qui devrait conduire à un versement de 160 euros supplémentaires par enfant né bénéficiera aux 12 000 familles qui connaissent des naissances multiples chaque année. Ainsi, le parent de triplés qui décide de cesser temporairement d’arrêter de travailler percevra, avec la PAJE, environ 820 euros par mois pendant six ans au lieu de 500 euros par mois aujourd’hui.

En matière de conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle, le gouvernement est fermement attaché à la liberté de choix des modes de garde. Aujourd’hui seul un cumul de l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED) et d’une allocation parentale d’éducation à taux partiel est possible. Il n’est donc pas possible de cumuler l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA) et une allocation parentale d’éducation à taux partiel. Avec la PAJE, il sera possible de cumuler un complément d’activité à temps partiel avec le complément de garde qui remplacera l’AGED et l’AFEAMA. Les familles recourant à une assistante maternelle tout en maintenant une activité à temps partiel seront gagnantes. Seront plus particulièrement favorisés les parents qui souhaitent maintenir une activité professionnelle élevée (entre 50 % et 80 %) puisqu’ils percevront dans ce cas le complément de garde à taux plein. Le travail à temps partiel devrait en être favorisé.

Il convient de souligner que la PAJE sera versée pour tous les enfants nés à compter du 1er janvier 2004, ainsi que pour les enfants nés prématurément avant cette date mais dont la naissance devait intervenir après le 1er janvier 2004.

S’agissant des modes de garde, un nouveau plan crèches sera lancé dès le 1er janvier 2004. Doté de 200 millions d’euros, il devrait permettre la création de 20 000 places supplémentaires. L’engagement de l’Etat sera inscrit dans un avenant à la convention d’objectif et de gestion qui sera signé d’ici la fin de l’année avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Alors que 13 millions d’euros avaient été prévus pour la première année de mise en ½uvre du précédent plan crèches, 50 millions d’euros seront mis de côté pour financer les dépenses effectives du nouveau plan en 2004.

Dans le même esprit, un soin tout particulier sera apporté à l’extension des horaires d’accueil, à l’accueil des enfants handicapés ou encore à l’ouverture aux entreprises et aux financements mixtes publics/privés. Le gouvernement souhaite en effet élargir le nombre des acteurs intervenant dans le secteur de la petite enfance. Le besoin d’offres de garde est en effet suffisamment élevé dans notre pays pour que l’on ne se prive d’aucune source de financement.

Afin de développer l’offre de garde, le gouvernement souhaite en outre mettre en place un vrai statut pour les assistantes maternelles. Un projet de loi spécifique sera déposé au Parlement au début de l’année prochaine. Dès 2004, la branche famille prendra en charge des cotisations pour la création d’un fonds de formation professionnelle ainsi que d’un fonds du paritarisme. Le coût est estimé à 10 millions d’euros pour 2004. En 2005, ce sera au tour des cotisations sociales de prévoyance d’être prises en charge avec la création d’une complémentaire santé et accidents du travail.

La création d’un crédit d’impôt familles, proposée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004, participe de la même politique. Ce crédit d’impôt devrait permettre la prise en charge fiscale de 60 % des sommes versées par les entreprises en faveur des familles. L’objectif, en termes de dépense fiscale, est de 50 millions d’euros à l’horizon 2007.

Au total, les mesures proposées impliqueront un effort financier supplémentaire d’un milliard d’euros par an à l’horizon 2007, dont 200 millions d’euros dès 2004. La Conférence de la famille de 2004 devrait prolonger les efforts entrepris. Elle mettra l’accent sur l’adolescence.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, a précisé l’objet des crédits d’assurance maladie consacrés aux personnes handicapées en 2004. Ces crédits sont essentiellement destinés au financement des établissements médico-sociaux comportant une dimension soignante, à savoir les instituts médico-éducatifs pour les enfants, les maisons d’accueil spécialisées ou les foyers d’accueil médicalisés pour adultes, ainsi qu’au financement des services de soins infirmiers à domicile.

Le taux d’évolution de l’enveloppe consacrée au handicap dans l’ONDAM pour 2004 traduit la poursuite de l’engagement du gouvernement d’apporter des réponses aux attentes des familles concernées. Pour la deuxième année consécutive, ce taux est fixé à 6 %, ce qui représente un effort net de 370 millions d’euros, soit 750 millions en deux ans. Dans le contexte général de la branche maladie, cet effort a d’ores et déjà été accueilli favorablement par le secteur associatif.

L’année 2003 a marqué la fin d’une programmation pluriannuelle de créations de places en établissements. Sans que se démente l’effort du gouvernement, 2004 est une année de transition ; elle devrait être marquée par l’examen d’un projet de loi réformant la loi du 30 juin 1975, lequel s’accompagnera de programmes concrets, applicables dès 2005. Durant cette année de transition, l’objectif est double : soutenir les opérateurs locaux pour la création de nouvelles places, essentiellement pour adultes handicapés, et, dans le même temps, veiller à ce que se développent des formules d’accueil plus souples et personnalisées pour soulager les familles faisant actuellement face à des situations dramatiques.

S’agissant des créations de places en 2004, deux priorités ont été fixées aux services : achever des opérations jusqu’alors partiellement financées et lancer des opérations nouvelles pour l’accueil des personnes lourdement handicapées et des autistes. En outre, la répartition des dotations régionales tiendra compte, comme en 2003, des déficits propres à certaines régions, comme l’Ile-de-France, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Nord-Pas-de-Calais et le Languedoc-Roussillon.

Pour les adultes, 2 200 places nouvelles en maisons d’accueil spécialisées et en foyers d’accueil médicalisés vont pouvoir être mises en chantier, soit autant qu’en 2003. Grâce à une mobilisation sans précédent des associations, des élus locaux et des services de l’Etat, les créations de places financées en 2003 sont réalisées à 75 % à ce jour, ce qui est remarquable. L’effort sera poursuivi en 2004.

Pour les enfants, si l’heure n’est pas au développement des instituts médico‑éducatifs polyvalents, il reste à compenser notre retard pour l’accueil des autistes, ainsi que l’a souligné M. Jean-François Chossy dans le rapport qu’il a remis la semaine dernière, et à accompagner le développement de l’intégration scolaire par l’accélération de la création de places de service d’éducation spéciale et de soins à domicile. Il s’agit ainsi d’accompagner la politique d’éducation nationale et de développer l’intégration d’handicapés dans le milieu scolaire.

Dans le même temps, et sans surestimer la très grande attention que portent les promoteurs à la conception d’établissements de qualité, l’accent sera mis en 2004 sur la nécessaire diversification des formules d’accueil et d’accompagnement. Tout le monde s’accorde, par exemple, à reconnaître l’importance du travail en réseau : les établissements médico-sociaux sont appelés, de plus en plus, à coopérer avec les services à domicile, les municipalités et les praticiens libéraux. Ce partenariat sera encouragé et soutenu.

Pour soulager les familles en attente de solutions, priorité sera donnée au développement de l’accueil temporaire, afin de permettre à ces familles de « souffler » de temps en temps. Ainsi, un décret donnera, avant la fin de cette année, une base juridique à l’accueil temporaire d’ores et déjà pratiqué avec succès dans certains établissements.

Enfin, la parution des textes d’application de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale va faciliter la mise en place des conseils de la vie sociale et le Conseil national de l’évaluation devrait être installé début 2004.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 témoigne de la volonté du gouvernement de mieux répondre aux besoins des personnes handicapées et aux attentes de leurs familles. Il confirme la priorité donnée par le Président de la République à la politique en faveur des personnes handicapées. Il apporte un premier élément de réponse à la compensation collective attendue par les associations, laquelle constituera un volet important du projet de loi qui sera présenté au début de l’année 2004.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, a estimé que, pour que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne soit pas suivi d’un vingt-troisième plan de sauvetage de la sécurité sociale, le seul fil directeur doit être celui de la responsabilité : responsabilité des médecins, alors que les mesures prévues en ce sens n’ont pas donné satisfaction cette année ; responsabilité des individus, sans toutefois que cet effort pèse sur le travail et en s’efforçant de s’inspirer de l’exemple allemand pour développer la pédagogie à l’égard des patients ; responsabilité des pilotes enfin, car l’exemple de la canicule de l’été dernier a montré, s’agissant de la politique en faveur des personnes âgées, que la pluralité des pilotes confine à l’absence de responsable. Sur ce sujet en particulier, il convient de se tourner vers les régions, qui sont l’échelon pertinent. La position de la commission des finances, de l’économie générale et du plan est de favoriser l’emploi et de réhabiliter le travail.

M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, a félicité le ministre pour l’effort de clarification que marque ce projet de loi, à travers notamment la suppression du FOREC, et pour l’ambition des politiques mises en ½uvre dans les différentes branches, mais aussi par l’intermédiaire d’autres instruments, comme le projet de loi relatif à la politique de santé publique, et ce malgré un cadre budgétaire contraint. Il a ensuite formulé les remarques et questions suivantes :

– Il faut saluer l’effort remarquable accompli dans le traitement du questionnaire de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, avec un taux de réponse de 90 % au 6 octobre. En revanche, le gouvernement n’a pas complètement répondu aux demandes de rapports votés par le Parlement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 : le rapport prévu à l’article 4, sur le suivi des recommandations de la Cour des comptes, qui aurait dû être remis le 15 juillet, n’est toujours pas disponible ; le rapport prévu à l’article 8, sur les coûts de gestion des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, aurait dû être déposé le 1er octobre, mais il l’a été avec un mois de retard. Qu’en est-il des trois autres rapports, qui doivent arriver avant le 15 octobre, sur la médicalisation de l’ONDAM, les réductions d’assiette de cotisations sociales et l’amiante ?

– Le gouvernement a négocié avec les fabricants de tabacs une nouvelle augmentation des prix des cigarettes, de 19 % au 20 octobre. Comment escompte-t-il obtenir 800 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2004, alors qu’il n’a, semble-t-il, obtenu que 200 millions d’euros sur le milliard d’euros attendu pour 2003 ? L’impact de la hausse des prix sur la consommation pourra-t-il être précisément évalué ? Quels moyens seront mis en ½uvre pour éviter la contrebande et les ventes transfrontalières ?

– En demandant à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) de rembourser la deuxième moitié de la dette de l’Etat au titre du FOREC, le gouvernement lui fait ainsi indirectement reprendre pour un peu plus d’un milliard d’euros de dette du régime général. Pour autant, la dette accumulée reste trop importante, plus de 24 milliards d’euros à la fin de l’année 2004, entraînant des charges d’intérêt de 600 millions d’euros. Comment apurer au mieux et au plus vite la dette actuelle de la sécurité sociale, très élevée ?

– La « tuyauterie » de la sécurité sociale a été délibérément rendue illisible par le précédent gouvernement pour masquer les dépenses nouvelles non financées, notamment les trente-cinq heures. Un effort de clarification sans précédent est accompli en supprimant le FOREC, mais comment garantir à la sécurité sociale que les exonérations de cotisations seront bien compensées ? Ne serait-il pas opportun de créer un comité des finances sociales, associant parlementaires et partenaires sociaux, pour garantir la plus grande transparence possible en la matière ?

– Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie que le Premier ministre doit installer le 13 octobre a-t-il vocation, comme le Conseil d’orientation des retraites, à devenir une véritable instance de réflexion, une instance stratégique pérenne ?

– Comment passe-t-on d’un taux prévisionnel de progression de l’ONDAM de 5,5 % prévu par la Commission des comptes de la sécurité sociale, à un taux de 4 % dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Comment la maîtrise médicalisée va-t-elle être mise en ½uvre, notamment au niveau régional avec les unions régionales des caisses d’assurance maladie ? Et quelle sera la déclinaison de l’ONDAM en enveloppes (ville, hôpital, cliniques privées, médico-social, réseaux) ?

– La tarification à l’activité, dont la généralisation est proposée par le présent projet, pourra-t-elle être opérationnelle dès le mois de mai 2004, notamment pour les cliniques privées ?

M. Bruno Gilles, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail, a félicité le ministre pour sa présentation, en insistant sur la louable volonté de mettre en ½uvre une politique de maîtrise des dépenses juste et équitable. Il y faudra du courage. S’agissant de la tarification à l’activité, quel en sera le calendrier de mise en place, et selon quelles modalités de transition, dans le secteur public comme dans le secteur privé ? A-t-on bien pris conscience du fait que très peu d’établissements de santé disposent d’une comptabilité analytique ? Par ailleurs, la conclusion à l’échelle régionale de contrats de bonne pratique et de contrats de santé publique ne risque-t-elle pas d’amoindrir la portée des conventions nationales ?

M. François Goulard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, a rappelé que le problème financier rencontré par la sécurité sociale tient au décalage entre le rythme de progression des dépenses et celui des recettes, surtout dans un contexte de croissance faible. L’augmentation des dépenses ne s’explique pas uniquement par le vieillissement de la population et le progrès des techniques médicales, d’où la nécessité de réformes de structure, sans lesquelles tout effort de meilleure gestion sera vain. Comme l’a rappelé le Président Pierre Méhaignerie, un rééquilibrage du financement par la hausse des prélèvements obligatoires serait néfaste à notre économie. La méthode du gouvernement est donc la bonne, qui consiste à poser le bon diagnostic et à lancer un grand débat, en favorisant d’emblée ce débat par un effort de clarification : la rebudgétisation du FOREC.

La nécessaire responsabilisation des acteurs du système de santé appelle des mesures concrètes. Les patients ont leur part de responsabilité dans la dérive des dépenses ; des études sur l’effet inflationniste du tiers payant seraient utiles à cet égard. Les médecins sont comptables de l’augmentation déraisonnable des indemnités journalières. Quelles mesures sont prévues, en liaison avec la CNAMTS, pour enrayer cette tendance ? Alors que les dépenses des établissements de santé représentent la moitié du total de l’ONDAM, il faut insister, à l’heure de la généralisation de la tarification à l’activité, sur le besoin de transparence dans les coûts du secteur hospitalier public et privé.

En réponse à ces interventions, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a apporté les précisions suivantes :

– La généralisation de la tarification à l’activité représente un atout considérable pour le fonctionnement de l’hôpital. Le système de la dotation globale avait certes son utilité lors de sa mise en  place en 1983, lorsque les hôpitaux demandaient régulièrement des rallonges budgétaires en cours d’année. Mais il comporte des effets pervers, en pénalisant les établissements innovants et en récompensant les moins entreprenants. Des pistes de réforme ont été lancées, tels les groupes homogènes de malades ou la tarification à la pathologie, mais ces mécanismes n’englobent pas l’ensemble des missions de l’hôpital ; c’est chose faite avec la tarification à l’activité.

La mise en ½uvre de cette réforme n’est pas aisée. L’expérimentation lancée en 2003 a produit des résultats remarquables, et le nombre d’établissements candidats a été beaucoup plus important que prévu ; 2004 sera l’année du début de la généralisation du système. Mais il importe de ne pas brusquer les choses, d’accompagner le mouvement en s’appuyant sur des missions d’audit, de ne pas fragiliser les établissements. Ainsi, en 2004, seules les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) seront concernées à hauteur de 10 %. Les autres activités seront financées au forfait – missions d’intérêt général, d’enseignement, d’accueil des populations précaires notamment –, ou sur un mode mixte. La convergence entre secteurs public et privé sera progressive, de sorte que deux échelles de calcul coexisteront au sein de la même enveloppe, pendant dix ans environ. La mobilisation est générale dans les hôpitaux, 2004 ne sera qu’une première étape.

– La loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 était placée sous le signe de la transition ; celle de 2004 poursuit un objectif de clarification ; 2005 sera probablement l’année de la responsabilisation.

– Pour séduisante que soit la réforme allemande de l’assurance maladie, elle n’est pas transposable en France. En effet, les 300 caisses de base fonctionnent différemment outre-Rhin, le système est financé uniquement par les cotisations sociales – et non par l’équivalent de la CSG –, les transferts de charges avec le budget de l’Etat ne changeraient rien, en France, à la comptabilisation des déficits au sens du Traité de Maastricht, et l’Allemagne découvre le ticket modérateur que notre système connaît depuis longtemps.

– Le rapport sur la médicalisation de l’ONDAM est transmis ce jour au Parlement. Les autres rapports prévus seront disponibles le 15 octobre.

– Les droits sur les tabacs doivent rapporter 8,8 milliards d'euros en 2003. Ce montant est inférieur aux prévisions, du fait d’une moindre répercussion par les fabricants des hausses de taxes (les prix n’ont crû que de 11 % au lieu de 17 %), et d’une baisse de la consommation en volume de 8 % au moins. Les mesures prévues pour 2004 tiennent compte de ces enseignements. Ainsi, la part du produit des droits sur les tabacs affectée à l’assurance maladie passera-t-elle de 15,2 % à 22,27 %, et l’éventuelle baisse de la consommation, d’ailleurs espérée, a été anticipée.

– La CADES a été créée en 1996 pour neuf ans, mais le gouvernement de M. Lionel Jospin en a prolongé le terme de cinq ans, jusqu’en février 2014, suite au transfert à la caisse de 13,3 milliards d’euros de dettes supplémentaires en 1998. Il serait inconséquent de s’engager plus avant dès aujourd’hui sur l’avenir de la CADES, sans concertation globale avec l’ensemble des partenaires concernés.

– La progression de l’ONDAM pour 2003 avait été fixée à 5,3 %, pour être révisée à 6,4 %. Pour 2004, le chiffre de 4 % a été retenu. Ce chiffre résulte de la mesure de l’évolution spontanée de l’ONDAM, soit 6 % pour les soins de ville, et des économies contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour un montant d’1,62 milliard d’euros, soit – 2,8 %. A cette prévision d’évolution de 3,2 % dans le domaine des soins ambulatoires correspond un ONDAM global à + 4 %.

– Les contrats de bonne pratique à l’échelle régionale existent déjà, par exemple pour les médecins de montagne. Cette expérience est riche d’enseignements. Le gouvernement n’entend rien imposer, mais permettre aux unions régionales des caisses d’assurance maladie qui le souhaitent de montrer le chemin.

– Une nouvelle convention d’objectifs et de gestion sera signée avec la CNAM au début de l’année 2004.

– Le souci de ne pas alourdir les prélèvements obligatoires est légitime. Il aurait été aisé de présenter cette année un projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’équilibre, en augmentant d’un point la CSG. Cette mesure est d’ailleurs préconisée par l’opposition comme par les syndicats. Mais telle n’est pas la bonne solution : plutôt que de remettre de l’eau dans un bassin qui fuit, il faut colmater les fuites et revoir la tuyauterie. En outre, la hausse des prélèvements nuit à la croissance économique. Le gouvernement n’a pas choisi la facilité, mais l’efficacité.

– De nombreux témoignages indiquent que la carte Vitale masque, pour l’usager, le coût du système de soins. Mais revenir sur ce dispositif serait un élément de complexité inutile et il est des patients qui ne peuvent pas assumer l’avance de frais. Cependant, une réflexion est à mener sur la part des dépenses que les patients, ou certains d’entre eux, pourraient prendre à leur charge.

– On ne peut pas faire grief aux médecins libéraux de l’augmentation des indemnités journalières. Le refus opposé par un médecin n’empêche pas un autre médecin d’ouvrir droit à ces indemnités. Ainsi, ce n’est pas au médecin lui-même que doit incomber le contrôle de ces dépenses, mais au service du contrôle médical de la CNAM. L’autre moyen d’enrayer ces dépenses consisterait à les soumettre à un accord préalable.

M. Jean-Luc Préel a formulé les remarques et questions suivantes :

– Il convient tout d’abord de relever l’exercice délicat que constitue la présentation de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, compte tenu du contexte conjoncturel de baisse des recettes.

– On ne peut que se féliciter de la suppression du FOREC mais il conviendra d’être particulièrement vigilant s’agissant de la réalité de la compensation des exonérations de cotisations sociales par l’Etat et de l’affectation des droits sur les tabacs et les alcools à l’assurance maladie.

– La politique familiale proposée va dans le bon sens.

– La hausse du plafond de découvert de trésorerie du régime général proposée par le présent projet de loi de financement de sécurité sociale atteint le niveau abyssal de 33 milliards d’euros. Quels en seront les frais financiers et comment ceux-ci seront-ils financés ?

– Il est essentiel de régler la question de la gouvernance de l’assurance maladie.

– En ce qui concerne l’ONDAM, on ne peut que constater qu’il n’est toujours pas fixé sur une base médicalisée et s’interroger sur la hausse de 4 % en valeur affichée dans le projet. Une telle prévision est-elle réaliste ? Un nouveau dépassement de l’ONDAM ne risque-t-il pas de le déconsidérer encore davantage ?

– Comment la tarification à l’activité sera-t-elle mise en place dans les établissements déficitaires sans rebasage à l’origine ? La question vaut également pour les cliniques, déficitaires pour 35 % à 40 % d’entre elles. Comment peut-on voter un budget en équilibre sans avoir de base saine ?

– En ce qui concerne le médicament, les mesures de déremboursement nécessiteront beaucoup de pédagogie. Par ailleurs, tout le monde s’est félicité de l’accord‑cadre du printemps dernier signé avec l’industrie pharmaceutique, mais l’augmentation du rendement de la taxe sur les dépenses de promotion des laboratoires proposée par le présent projet de loi en faisait-elle partie ? Si non, n’est-ce pas là une remise en cause directe de cet accord ?

M. Claude Evin a rappelé que le ministre a, il y a un an, annoncé pour cette année des réformes d’une ampleur comparable à celles de 1945 et 1967. Aujourd’hui, il tient le même discours. Pour autant, a-t-on fait le moindre choix ? Où en est la maîtrise fondée sur la confiance faite aux professionnels de santé qui avait été annoncée ? Ou plutôt, n’y a-t-il pas de maîtrise du tout ? Celle-ci peut certes se faire selon des modalités différentes mais l’absence de choix par le gouvernement risque de remettre en cause profondément la solidarité nationale.

Comment les dépenses seront-elles contenues en 2004, alors que le gouvernement annonce seulement quelques recettes de poche ? Comme l’a souligné le ministre, à propos des indemnités journalières, le comportement des professionnels de santé n’est pas vertueux. On ne peut pas continuer à ne pas traiter le problème structurel de l’organisation de la médecine libérale en France : quelle amélioration apporte-t-elle à la qualité du système de santé ? A défaut de mesures sur l’offre de soins, on peut prendre le pari qu’il n’y aura pas de stabilisation naturelle des dépenses.

Force est par ailleurs de constater que, pour l’essentiel, la stabilisation du déficit repose sur les assurés sociaux. Si les professionnels de santé ont bénéficié de 840 millions d’euros en 2003, ce qui n’est pas choquant en soi, il faut noter que les assurés devront, quant à eux, débourser bien plus que cette somme en 2004. Pour autant, le pouvoir d’achat des premiers a augmenté de 39 % sur les vingt dernières années et celui des seconds seulement de 15 %. Il y a là matière à débat.

M. Claude Evin a ensuite formulé les questions suivantes :

– Qui va devoir supporter les conséquences de la suppression du FOREC, laquelle se traduit par une diminution des recettes fiscales affectées à la sécurité sociale ?

– Si l’on est dans une logique de clarification des relations financières entre l’Etat et l’assurance maladie, pourquoi n’y aura-t-il plus de remboursement intégral des dépenses engagées par les caisses d’assurance maladie au titre de la CMU complémentaire ?

– Que recouvre le taux de 10 % évoqué pour la mise en ½uvre de la tarification à l’activité ?

– Est-il envisagé de revenir par amendement gouvernemental au cours du débat sur la question de l’assurabilité des professionnels de santé dans le cadre de la responsabilité civile médicale ? Son financement serait-il assuré par la solidarité nationale ? Il faut sur ce point se méfier de la manipulation orchestrée par les sociétés d’assurances car les difficultés d’assurabilité ne tiennent certainement pas à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui a, au contraire, amélioré la situation.

M. René Couanau a estimé que ce projet de loi de financement pour la sécurité sociale constitue un texte de clarification et de dynamisme : il engage des réformes de fond, par exemple la très importante avancée que constitue la mise en place de la tarification à l’activité. Celle-ci nécessite cependant de préciser les points suivants :

– Le taux de 10 % évoqué par le ministre s’applique-t-il à l’ensemble des activités MCO ? Il faut être conscient que cette réforme constitue un effort considérable pour les établissements de santé non équipés. Certes, il est impossible de rebaser préalablement à la réforme mais il faudra accompagner celle-ci.

– Va-t-on enfin aller vers un budget unique pour l’année dans les hôpitaux ? Il faudra préciser que l’adaptation du budget en cas de dépassement constituera en fait une révision de l’activité de l’établissement, avec les conséquences sanitaires y afférentes. Par ailleurs, si l’on va vers un budget annuel, il ne faut pas que le ministère de la santé édicte de nouvelles normes en cours d’année, comme cela a par exemple été le cas encore cet été pour la réanimation, sans qu’une étude d’impact financier ait été effectuée.

– Enfin, le plan d’investissement Hôpital 2007 constitue un levier d’un intérêt considérable dans l’entreprise de modernisation du système hospitalier engagée par le gouvernement : il faut en profiter pour développer une politique de contractualisation avec les établissements, et non pas distribuer les yeux bandés une sorte de manne financière.

M. Pierre Forgues a relevé que l’on évoque de façon permanente la nécessaire baisse des dépenses mais que rien n’est dit sur les recettes, sinon qu’elles ralentissent, alors qu’elles sont responsables des deux tiers du déficit. Il faut agir. On n’échappera pas à la nécessité de modifier l’assiette des cotisations sociales. Alors que le gouvernement va surtout diminuer le taux de remboursement des médicaments, créant ainsi une médecine à plusieurs vitesses, la solidarité apparaît dans ce projet comme un simple mot et non comme une réalité.

M. Maxime Gremetz a contesté les références constamment faites aux prétendus modèles ou exemples étrangers s’agissant de la réforme de la sécurité sociale. La sécurité sociale française est sans comparaison dans le monde : c’est un système unique et original.

Quel modèle inspire aujourd’hui le gouvernement ? En dépit de sa générosité avec certains, son idée est qu’il y a trop de dépenses et qu’il faut les contrôler. Rien n’est fait en revanche sur les recettes, amputées de 21 milliards d’euros par les exonérations de cotisations sociales. Au contraire, on annonce une hausse de 2 milliards d’euros supplémentaires du montant des allègements de charges pour 2004. Tout cela constitue un manque à gagner pour les caisses de sécurité sociale, sans même parler des conséquences de l’augmentation du chômage.

Le gouvernement a bien une réforme en vue. Il ne peut cependant pas la mettre en place aussi vite qu’il le souhaiterait à cause des difficultés qu’il a rencontrées sur les retraites. Cette réforme n’est pas encore en application, mais toutes les mesures du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale vont, en filigrane, dans le sens de la diminution des dépenses : les assurés sociaux paieront davantage du fait des déremboursements de médicaments et du forfait journalier, à la différence des entreprises qui seront toujours plus exonérées.

Le c½ur de cette réforme repose sur la tarification à l’activité qui va remplacer la dotation globale. On est là dans l’hypocrisie la plus totale : plus les hôpitaux réaliseront d’activité, plus leur dotation sera élevée. On imagine bien ce que cela donnera.

Le diagnostic fait par le gouvernement est bon. Sont actuellement en discussion, une politique de santé publique pavée de bonne intention. De grands principes sont affirmés, mais comment les financera-t-on ? Il faut aller chercher les recettes là où elles sont, c’est-à-dire dans les entreprises puisque la part du capital dans la valeur ajoutée est passée de 25 % en 1982 à un tiers aujourd’hui, au détriment bien sûr des salaires, de la croissance et de l’emploi.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a apporté les précisions suivantes :

– Le présent projet de loi de financement permet pour la première fois un suivi de l’évolution tendancielle des dépenses retracées dans le cadre de l’ONDAM. En effet, les économies ayant été identifiées ligne par ligne, il sera possible de suivre l’évolution de cet objectif tout au long de l’année.

– La charge de la dette de la sécurité sociale s’élèvera à 600 millions d’euros en 2004.

– Il n’y a aucune entorse à l’accord cadre avec l’industrie pharmaceutique concernant la taxe sur les dépenses de promotion des laboratoires.

– Le gouvernement n’a prévu aucune mesure nouvelle concernant la responsabilité civile médicale.

– Le financement du projet de loi relatif à la politique de santé publique figure à la fois en projet de loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

– Pour la mise en ½uvre concrète de la tarification à l’activité, une mission d’audit et d’expertise sera à la disposition des établissements de santé qui rencontreront des difficultés. Ce nouveau mode de financement permettra une meilleure allocation des ressources et sera donc avant tout favorable aux établissements qui ont besoin de revenus supplémentaires en raison de leur dynamisme. Il s’accompagnera d’une rénovation des règles budgétaires et comptables des hôpitaux. En 2004, il ne concernera que 10 % de l’activité MCO.

– La réforme de la gestion budgétaire des hôpitaux passera par la mise en place d’une contractualisation tant externe, entre les hôpitaux et les agences régionales de l’hospitalisation (ARH), qu’interne, entre les pôles d’activité des établissements.

– Il n’y aura pas de normes nouvelles imposées aux établissements de santé sans évaluation préalable de leurs implications financières.

– Le gouvernement a décidé d’appliquer le même forfait de remboursement des dépenses de CMU complémentaire pour les caisses d’assurance maladie et pour les mutuelles.

– La modernisation de la sécurité sociale nécessite l’effort de tous et si chacun s’inscrit dans une logique d’affrontement et de critique systématiques, comme viennent de le faire les parlementaires de l’opposition, cette réforme ne pourra pas aboutir. Si beaucoup de reproches ont été faits à l’actuel gouvernement, on pourrait aussi rappeler que le gouvernement précédent a ponctionné 4,7 milliards d’euros sur les recettes de la sécurité sociale pour financer les trente-cinq heures. On pourrait aussi évoquer la charge de la réduction du temps de travail à l’hôpital ou encore les engagements pris pour augmenter les rémunérations des professionnels de santé libéraux, soit 684 millions d’euros au total en 2001 et au début de l’année 2002, qui ont été tenus par l’actuel gouvernement alors que non financés par le précédent. Pour autant, il y a eu des grèves de médecins désorganisant la permanence des soins et une absence totale de vie conventionnelle pendant la gestion du système de santé par le précédent gouvernement.

– Que ce soit sur l’hôpital, la médecine de ville ou le médicament, les problèmes ne datent pas d’aujourd’hui. Sur les vingt dernières années, les erreurs et les responsabilités sont bien partagées, même s’il est incontestable que le gouvernement précédent a délaissé le système de santé pour financer les trente-cinq heures.

– Il est évidemment bien plus facile d’assurer le financement de la sécurité sociale lorsque la croissance économique est de 3 % ou 4 %, mais le nombre de malades et la qualité des soins ne sont pas fonction de la conjoncture. Il faut donc revoir l’intégralité du système pour ne plus dépendre des aléas de la croissance.

– Il n’est pas acceptable de dire que le déremboursement de certains médicaments va créer une médecine à deux vitesses. Seuls seront déremboursés les spécialités inefficaces, qui avaient d’ailleurs déjà été évaluées comme telles en 1999. En revanche, les nouvelles molécules et les produits innovants seront mieux pris en charge par la solidarité nationale, au bénéfice de tous les patients.

– Les nouvelles exonérations de cotisations patronales seront intégralement compensées à la sécurité sociale et n’auront donc pas de conséquences sur le déficit. Quant à leur incidence économique, on rappellera qu’une étude menée sur les allègements de charges décidés en 1994 a montré que ceux-ci ont permis 300 000 créations d’emplois.

En conclusion, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a considéré qu’il ne faut pas être pessimiste car, si l’on considère le taux moyen de remboursement des dépenses de santé engagées par les ménages, celui-ci s’élève aujourd’hui à 78 % contre 76 % en 1995. Si la sécurité sociale doit être modernisée pour pouvoir être préservée, nous sommes donc loin de la catastrophe décrite, puisque le système n’a jamais été aussi équitable. Par contre, il est clair que nous n’avons pas à chercher de modèles ailleurs : le système français de protection sociale est unique et sa spécificité sera garantie.

 

 


 

II.- examen du rapport

 

La commission a examiné le rapport de M. Pierre Morange pour les recettes et l’équilibre général au cours de sa séance du mardi 21 octobre 2003.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Yves Bur a relevé l’importance du nouveau chantier que constitue le maintien du système de solidarité, après la réforme des retraites menée à bon port par l’actuel gouvernement à la différence du précédent. Le traditionnel effet de ciseaux a en effet creusé le déficit, qui doit inciter à une réforme de fond du système de santé.

On ne saurait se contenter d’une nouvelle répartition des responsabilités de gestion. Des actes forts sont nécessaires pour réduire le déficit. Il faut une véritable responsabilisation de l’ensemble des acteurs du système de santé et ses modalités doivent être débattus dès le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Parmi eux, on peut évoquer :

– la responsabilisation des professionnels de santé à partir d’une véritable contractualisation ;

– l’adaptation de l’hôpital public sous la pression de la tarification à l’activité, sur laquelle on pourrait être plus ambitieux en termes de délais, et par la mise en ½uvre des pistes évoquées en matière de gouvernance interne par le rapport de la mission d’information présidée par M. René Couanau, avec l’aide du plan « Hôpital 2007 » qui doit constituer le levier de cette modernisation.

Il faut par ailleurs saluer la suppression du FOREC, même s’il convient d’être vigilant quant à la compensation par l’Etat de toutes les exonérations de cotisations patronales. De ce point de vue, la création d’un Comité des finances sociales paraît opportune.

En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pose les premiers éléments de maîtrise des déficits, même si cette première étape devra être complétée en 2004.

M. Jean-Marie Le Guen a regretté que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue une occasion manquée de plus. On ne voit aucune raison d’attendre encore une année supplémentaire pour agir face à une situation de déficit sans précédent.

M. Claude Evin a rappelé que les comptes n’ont jamais été aussi dégradés dans toute l’histoire de la sécurité sociale. Or, les mesures promises l’an dernier par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, pour restaurer la situation sont singulièrement absentes du projet de loi de financement pour 2004. Les dispositions financières présentées n’ont rien de structurant et reprennent même des mesures de recettes utilisées par le gouvernement précédent et qui avaient, à l’époque, été sévèrement critiquées par ceux qui les approuvent aujourd’hui.

S’agissant de la clarification des relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale dont il est fait grand cas par la majorité, il convient de ne pas exagérer la portée des mesures proposées, car la disparition du FOREC ne fait pas tout. Sa dette est reprise par la CADES et non par l’Etat. Rien n’est également prévu pour le remboursement à la CNAMTS du coût de la couverture complémentaire au titre de la CMU compte tenu de la mesure prévue à l’article 82 du projet de loi de finances pour 2004. Si tout le monde peut être d’accord sur l’objectif de clarification, les mesures proposées ne permettent en fin de compte qu’une transparence très partielle.

M. Jean-Luc Préel a constaté que le déficit cumulé s’élève à 33 milliards d’euros sur trois ans et le projet de loi ne prévoit pour son financement qu’une facilité de trésorerie supplémentaire pour l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). On évoque un coût annuel de 800 millions d’euros pour financer cette « dette ». Qu’en est-il en réalité ?

M. Jean Le Garrec a regretté la disparition du FOREC car ce fonds présentait l’avantage de bien identifier les politiques de baisse des cotisations sociales, politiques qui n’ont pas vocation à disparaître, bien au contraire. En ce domaine, le remboursement de la dette par la CADES n’est pas satisfaisant.

En réponse aux intervenants, M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, a apporté les précisions suivantes :

– La suppression du FOREC se justifie car ce fonds était devenu une véritable « usine à gaz ». Afin d’assurer à l’avenir la transparence des flux financiers entre l’Etat et la sécurité sociale, un amendement instituant un Comité des finances sociales, inspiré du Comité des finances locales, sera présenté.

– La reprise par la CADES de la dette 2000 du FOREC vis-à-vis des régimes de sécurité sociale est la stricte conséquence de l’insuffisance de financement par le gouvernement précédent des mesures qu’il avait adoptées. Globalement, ces insuffisances de financement peuvent être chiffrées à 7,8 milliards d’euros par an.

– La charge des intérêts pour la CNAMTS s’élèvera à 600 millions d’euros en 2004.

– Il est faux de dire que ce projet de loi de financement ne comporte pas d’éléments structurants, au regard des nombreuses mesures qu’il propose en matière de développement du médicament générique, de déremboursement, de bon usage des soins ou encore de tarification à l’activité. Comment peut-on d’ailleurs critiquer le report d’une année de la réforme de l’assurance maladie après toutes les années d’immobilisme du gouvernement précédent, notamment en matière de retraites ?

N° 1157 - tome I :: rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale : recettes et équilibre général. (M. Pierre Morange)

 

Document

mis en distribution

le 27 octobre 2003

Zone de Texte:

 

N°  1157

 

______

(1ère partie)

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

 

DOUZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 octobre 2003.

 

 

 

 

 

 

 

RAPPORT

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 1106),

 

 

 

TOME  I


RECETTES ET ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

 

 

 

 

PAR  M. Pierre MORANGE,

 

Député.

 

 

 

 

                                                                                                                                                  

Santé et protection sociale.

 

 


 

1ère partie

introduction......................................................................................................................................           9

i.- les comptes sociaux : une situation très difficile résultant d’un lourd héritage            13

a. des comptes plombés par une mauvaise croissance économique.............         13

b. les conséquences désastreuses de la politique dispendieuse de la gauche                        15

1. Les pertes de recettes..........................................................................................................         15

2. Les dépenses supplémentaires.........................................................................................         16

iI.- le financement de la sécurité sociale pour 2004 : une réelle clarification pour préparer l’avenir                     19

a. ÉVITER une plus grande détérioration des comptes sociaux......................         19

1. Un cadrage tendu...................................................................................................................          19

2. L’impact des mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale                         20

B. les mesures de recettes...................................................................................................         21

1. La suppression du FOREC..................................................................................................         21

a) La disparition d’un fonds sans fonds bien mal nommé...............................................         21

b) La réelle simplification des flux de financement de la sécurité sociale...................         24

2. La situation financière des autres fonds de financement...........................................         28

a) Le Fonds de solidarité vieillesse.....................................................................................         29

b) Le Fonds de réserves pour les retraites.........................................................................         30

c) Le Fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles......         32

d) La Caisse d'amortissement de la dette sociale.............................................................         33

e) Le Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.....................         35

3. L’aggravation de la fiscalité du tabac................................................................................         36

a) L’estimation du produit perçu au titre des droits sur les tabacs..............................         36

b) La modification de l’affectation des droits sur les tabacs..........................................         38

 

 

 

IiI.- la stabilisation du déficit de l’assurance maladie : un préalable indispensable à la réforme                               41

a. mettre en ½uvre la maîtrise médicalisée des dépenses ambulatoires..         41

1. Les mesures de maîtrise médicalisée des dépenses.................................................         42

a) La promotion des accords de bon usage des soins......................................................         42

b) L’expérimentation de la gestion du risque par des groupements de médecins......         42

c) Un meilleur suivi des affections de longue durée.........................................................         42

d) L’amélioration de la gestion des indemnités journalières.........................................         43

2. Les mesures de responsabilisation des assurés sociaux.........................................         44

a) La responsabilisation des assurés en matière de prise en charge des actes remboursables                      44

b) La clarification des règles d’exonération du ticket modérateur..............................         44

c) L’augmentation du forfait journalier à l’hôpital.........................................................         45

B. mettre en place les instruments d’une nécessaire modernisation des hôpitaux                                46

1. La mise en ½uvre du plan « Hôpital 2007 »...................................................................         46

2. La mise en ½uvre de la tarification à l’activité dans les établissements de santé publics et privés                    47

travaux de la commission......................................................................................................         49

I.- AUDITIONs..............................................................................................................................................         49

A. AUDITION DU PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES......................         49

B. AUDITION DU ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, du ministre délégué À la famille et de la secrétaire d’état aux personnes handicapées.........         65

II.- examen du rapport........................................................................................................................         85

2ème partie

III.- EXAMEN DES ARTICLES

titre Ier - Orientations et objectifs de la politique de santé  et de sécurité sociale

titre II - Dispositions relatives aux ressources

titre III - Dispositions relatives à l’assurance maladie

Titre IV - Dispositions relatives aux autres politiques de sécurité sociale

TITRE V - OBJECTIFS DE DÉPENSES RÉVISÉS POUR 2003

Titre VI - mesures diverses et Dispositions relatives à la trésorerie

ANNEXE : auditions du rapporteur

 

 

 

 

 


 

introduction

 

Après une loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 qualifiée de texte de transition, transition difficile compte tenu de la gestion calamiteuse des finances sociales par le gouvernement précédent, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 est la première étape de l’adaptation de l’assurance maladie, adaptation rendue possible par la clarification des financements et la stabilisation du déficit de la sécurité sociale qu’il concrétise dans un contexte financier pourtant extrêmement difficile.

La première pierre d’une politique de santé responsable a été posée avec la discussion à l’ouverture de la session parlementaire, avant donc le débat sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, du projet de loi relatif à la politique de santé publique : des objectifs en termes de prévention, d’éducation à la santé et de dépistage ont été fixés, à charge pour le système de santé de les mettre en ½uvre au mieux.

La qualité de notre système d’assurance maladie est reconnue par tous. Pourtant, il connaît d’importants dysfonctionnements, la Cour des comptes ayant notamment rappelé dans son rapport de septembre 2003 sur la sécurité sociale les limites des dispositifs de régulation des dépenses mis en ½uvre jusqu’à présent et les conséquences lourdes de décisions prises par le précédent gouvernement, notamment en ce qui concerne les trente-cinq heures. La gouvernance de l’assurance maladie pose également problème : les responsabilités des acteurs ne sont pas définies de façon suffisamment claire, ce qui est dommageable pour le pilotage du système. Surtout, la situation financière est grave. Le déficit a atteint un niveau record, et, sans adaptation en profondeur, il est condamné à croître. Or les déficits d’aujourd’hui, qui correspondent à des prestations de soins au profit des générations actuelles, sont de fait financés par l’emprunt, c'est-à-dire que les générations de demain devront en payer le prix.

La sauvegarde de l’assurance maladie passe par sa nécessaire modernisation et son adaptation aux enjeux d’aujourd’hui et de demain, à savoir en premier lieu l’égalité d’accès à des soins de qualité dont l’Etat est le garant, dans le cadre d’un système géré de manière plus autonome par des partenaires sociaux véritablement responsabilisés, en tenant compte du vieillissement de la population et du progrès technique.

La réforme de l’assurance maladie constitue donc un chantier prioritaire pour les mois à venir. La méthode retenue par le gouvernement a été présentée par le Premier ministre lors de l’installation, le 13 octobre 2003, du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. L’ensemble des acteurs de l’assurance maladie (partenaires sociaux, professionnels de santé libéraux, représentants des établissements de santé, usagers et patients, représentants des régimes complémentaires, parlementaires et représentants de l’Etat) vont d’abord participer à une phase de diagnostic, avant que ne s’engage la concertation dans le cadre de groupes de travail pilotés par M. Jean‑François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Parmi les sujets qui feront l’objet de ces groupes figurent la coordination entre la ville et l’hôpital, la gouvernance, les relations conventionnelles, la clarification des responsabilités entre l’Etat et l’assurance maladie, le renouveau de la politique conventionnelle…

Le présent projet de loi de financement crée un cadre favorable à cette concertation, en clarifiant les relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale, en stabilisant le déficit de l’assurance maladie et en mettant à disposition de l’ensemble des acteurs un certain nombre d’outils de maîtrise des dépenses par une responsabilisation partagée.

Toutes les mesures proposées, qu’elles soient d’ordre structurel ou conjoncturel, ont pour ambition de relever les défis sanitaires et financiers auxquels le pays est confronté et qui appellent la responsabilisation de tous les acteurs du système de soins et la responsabilité de l’ensemble de la représentation nationale. C’est à ces conditions que les principes fondateurs d’universalité et de solidarité de la sécurité sociale auxquels nous sommes tous, sans exception, attachés pourront être pérennisés.

 

*

Pour préparer l’examen de ce projet de loi de financement, de nombreuses auditions, ouvertes à tous les membres de la commission, ont été organisées par le rapporteur dès le printemps dernier. A ce titre, pas moins de trente représentants d’organismes ou experts ont été auditionnés et pour certains à deux reprises, au printemps et à l’automne. C’est une première pour la commission d’avoir pu procéder à autant d’auditions sur le financement de la sécurité sociale, et surtout autant en amont du débat.

La commission a examiné le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 pendant cinq séances, dont deux auditions, totalisant treize heures quinze de réunion. Elle a été saisie de 220 amendements sur les 59 articles du projet. Elle a adopté 113 amendements, dont 100 émanant des rapporteurs, 9 du groupe UDF, 3 du groupe UMP et 1 du gouvernement. Les plus importants sont les suivants :

Sur les dispositions relatives aux recettes :

– Création d’un Comité des finances sociales ;

– Mise en place, jusqu’au 30 juin 2004, d’un service de liquidation du FOREC ;

– Habilitation donnée aux caisses de sécurité sociale pour conclure un nouvel accord conventionnel avec les assureurs, afin de renforcer l’efficacité des recours contre tiers ;

– Réduction de la C3S payée par les détaillants acheteurs fermes de carburants ;

– Modification du mode de prélèvement portant sur l’industrie pharmaceutique en 2004, à rendement constant (150 millions d'euros) ;

– Adaptation de la nouvelle contribution sur la promotion des dispositifs médicaux, en réduisant l’assiette et le taux et en augmentant le seuil d’exonération ;

– Adaptation de la contribution sur la vente en gros de médicaments, en limitant l’assiette (pour en exclure les médicaments coûteux) et en modulant le taux entre part variable et part fixe ;

– Réduction du délai de reversement à la sécurité sociale par les services fiscaux du produit perçu au titre de la CSG et de la CRDS sur les revenus du patrimoine ;

Sur les dispositions relatives à l’assurance maladie :

– Institution d’un délai de soixante jours avant l’inscription d’un médicament au répertoire des groupes génériques, afin d’informer le laboratoire fabricant du princeps de la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché d’un générique et lui permettre ainsi d’organiser la défense de ses droits de propriété intellectuelle ;

– Consultation des organisations représentatives des établissements de santé publics et privés avant que l'Etat ne fixe ou modifie les tarifs nationaux, les forfaits annuels ou les dotations finançant les missions d'intérêt général et les aides à la contractualisation ;

– Analyse en fonction des pratiques médicales et des besoins de la population des évolutions des charges des régimes d'assurance maladie, préalablement à la régulation par modulation des tarifs ;

– Précision des sanctions applicables aux établissements de santé en cas de manquement aux règles de codage ou de facturation ;

– Report de l'application de la réforme portant tarification à l'activité dans l'hospitalisation privée de mai à octobre 2004 ;

– Mise en place d’un dispositif organisant dans un cadre contractuel la prescription et la délivrance des traitements de substitution à destination des toxicomanes ;

– Obligation pour les pharmaciens d’informer l’assuré social porteur de la carte Vitale du coût des dépenses de médicaments pour les régimes d’assurance maladie ;

– Allègement de la procédure de mise en ½uvre des accords de bon usage des soins et des contrats de bonne pratique, en prévoyant un avis simple de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé ;

– Transmission pour avis des nouveau contrats qui pourront être signés entre les réseaux de professionnels de santé et les unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM), en matière de gestion du risque, aux unions régionales des médecins libéraux (URML) ;

– Fixation préalable par les ministres de tutelle du taux de croissance de la masse salariale pour la négociation des conventions collectives du  secteur médico-social ;

– Réduction de 100 millions d'euros supplémentaires des dépenses de gestion de la branche maladie ;

Sur les dispositions relatives à la famille :

– Maintien pendant trois mois de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) en cas de décès de celui-ci ;

– Versement de la prime à la naissance de la prestation d’accueil du jeune enfant en janvier 2004 aux personnes ayant perçu moins de trois mensualités d’APJE avant le 1er janvier 2004.

 


 

i.- les comptes sociaux : une situation très difficile résultant d’un lourd héritage

 

a. des comptes plombés par une mauvaise croissance économique

La sécurité sociale se trouve dans une situation financière extrêmement préoccupante, qui est pour beaucoup la conséquence de décisions prises par le gouvernement précédent. Le déficit du régime général devrait atteindre 8,9 milliards d’euros en 2003, soit une dégradation de 5 milliards d’euros par rapport à la loi de financement votée l’an dernier. En 2004, il devrait être ramené de 13,6 milliards d’euros en tendanciel selon les chiffres de la Commission des comptes de la sécurité sociale à 11,2 milliards d’euros grâce aux mesures du présent projet de loi de financement. A titre de comparaison et pour bien prendre la mesure des choses, le déficit le plus important qu’avait connu la sécurité sociale jusqu’alors était, avant la mise en ½uvre du plan Juppé, de « seulement » 10,3 milliards d'euros en 1995.

La branche maladie est la seule à porter ce déficit, car toutes les autres s’équilibrent à peu près autour d’un solde nul. La branche vieillesse doit en effet « absorber » financièrement la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, ce qui se traduit d’abord par des dépenses supplémentaires, liées notamment aux départs anticipés à la retraite des personnes ayant commencé à travailler jeunes. La branche famille est également mise à contribution pour financer la traduction de l’engagement fort du Président de la République que constitue la prestation d’accueil du jeune enfant.

Comment expliquer cette évolution préoccupante ?

La sécurité sociale est certes confrontée à un classique effet de ciseaux. Avec une faible croissance économique, les recettes s’effondrent : alors qu’on attendait 4,1 % de croissance de la masse salariale l’an dernier, le taux ne devrait être au mieux que de 2,3 % pour 2003. Dans le même temps, les dépenses continuent d’augmenter sur une pente plus forte que celle de la richesse nationale. Les dépenses de protection sociale ont naturellement un effet contracyclique en période économique difficile.

Cette dégradation de la situation financière de la sécurité sociale est la traduction de l’écart important qui est apparu depuis 2002 entre la croissance des charges et celle des produits du régime général. Le rythme d’augmentation des dépenses s’est accéléré à partir de 2001, pour atteindre 6 % en 2003, alors que la progression des recettes ralentissait nettement à partir de 2002. Il en résulte un écart de croissance qui est chaque année supérieur à 2 % depuis 2002, et qui tend même à augmenter.


 

Solde des opérations courantes du régime général

(hors opérations en capital)

 

(en milliards d’euros et en droits constatés)

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Maladie

- 0,7

- 1,6

- 2,1

- 6,1

- 10,6

- 10,9

Accidents du travail

0,2

0,4

0

0,0

- 0,1

- 0,1

Vieillesse

0,8

0,5

1,5

1,7

1,5

- 0,2

Famille

0,2

1,4

1,7

1,0

0,3

0,0

Total régime général

0,5

0,7

1,2

- 3,5

- 8,9

- 11,2

 

 



b. les conséquences désastreuses de la politique dispendieuse de la gauche

Parallèlement, et pour parler clairement, les caisses sont vides, le précédent gouvernement ayant dispendieusement dilapidé les fruits de la croissance des années 1999-2001. Ces années de forte augmentation des recettes, qui ont permis mécaniquement un retour à un équilibre uniquement conjoncturel, n’ont été accompagnées d’aucune réforme structurelle permettant d’infléchir le rythme d’évolution naturelle des dépenses. La masse salariale avait connu des taux de croissance exceptionnels en 2000 et 2001 (6,3 % et 6,4 %), au-delà des rythmes de moyen terme, qui avaient permis le retour à une situation excédentaire du régime général malgré une accélération de la croissance des dépenses.

Aucune réserve n’a pourtant été constituée pour préparer l’avenir et faire face à un toujours probable retournement de la conjoncture. Bien au contraire, de nombreuses dépenses ont été mises à la charge de la sécurité sociale : les trente-cinq heures, la couverture maladie universelle (CMU), l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Comme le souligne la Cour des comptes, la réduction du temps de travail est venue au plus mauvais moment par rapport aux évolutions de la démographie médicale, compte tenu notamment de l’effet du « papy boom » sur les professions de santé à partir de 2006, ce qui constitue un défi sanitaire et financier supplémentaire à relever. Avec les protocoles Aubry (remplacements hospitaliers), la réduction du temps de travail, les revalorisations d’honoraires, l’absence de déremboursement des médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant et la CMU, il y a là quelques 7,8 milliards d’euros par an de manque à gagner pour le régime général. Ces 7,8 milliards d’euros ne sont pas compensés par les cotisations perçues, au plus 4 milliards d’euros, au travers de supposées créations ou préservations d’emplois au titre des trente-cinq heures. Si ces mesures avaient été abondées, la situation financière de la sécurité sociale serait loin d’être aussi abyssale que celle qui a été aujourd’hui léguée.

Il faut également mentionner la situation du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui a été littéralement pillé, à hauteur de 3,7 milliards d'euros, pour financer les promesses électorales de la gauche, notamment l’allocation personnalisée d’autonomie, au détriment du financement du minimum vieillesse et de la retraite des chômeurs. Le FSV a ainsi une dette cumulée sur 2002-2003 de 1,4 milliard d'euros à l’égard de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), correspondant aux périodes de chômage qui devraient être validées.

1. Les pertes de recettes

On peut tout d’abord détailler les ponctions opérées sur les ressources de la sécurité sociale pour financer le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Le gouvernement précédent a prélevé sur la sécurité sociale la taxe sur les primes d’assurance automobile, soit 985 millions d'euros de pertes de recettes à partir de 2003 pour la CNAM, et le droit de consommation sur les alcools, pour 2,9 milliards d'euros de pertes de recettes en 2003 (à savoir 760 millions d'euros pour la CNAM et 2,16 milliards d'euros pour le FSV).

En réalité, la perte de recettes de 2,16 milliards d'euros pour le FSV, à laquelle se sont ajoutés 2,2 milliards d'euros liés aux transferts de CSG au profit de la CNAM et du Fonds de financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (FFAPA), a été compensée pour partie par le transfert de la prise en charge de 60 % du coût de la majoration de pensions pour enfants à la CNAF, pour un coût d’1,9 milliard d'euros en 2003). On peut donc estimer qu’une partie de cette perte de recettes a affecté la CNAF (50 %, soit 1,1 milliard d'euros, si l’on considère que l’apport de la CNAF a compensé pour moitié la perte des droits sur les alcools et pour moitié le transfert de CSG).

Les pertes de recettes de la CNAM ont été aussi en partie compensées par un transfert de droits sur les tabacs (+ 6,1 %) en provenance du budget de l’Etat et d’une augmentation des taxes et des prix, soit un gain de 540 millions d'euros en 2003. La perte nette pour la CNAM associée à la création du FOREC est donc d’environ 1,2 milliard d'euros. Ajoutée au coût pour la CNAF, on aboutit à une perte de recettes égale, chaque année à partir de 2003, à au moins 2,3 milliards d'euros.

Pour le FSV, la diminution permanente des recettes de 3,7 milliards d'euros entre 2000 et 2002 se décompose ainsi : perte d’1,7 milliard d'euros de droits perçus sur les boissons en 2000 au profit du FOREC ; perte de 0,15 point de CSG en 2001 dans le cadre de l’équilibrage du FOREC, avec en compensation la prise en charge par la CNAF de 15 % des majorations de pension et une affectation de prélèvement social de 2 % sur le capital mais avec une dépense supplémentaire au titre de la dette de l’Etat vis-à-vis de l’AGIRC et de l’ARRCO, soit un bilan net de – 900 millions d'euros pour cette année ; et enfin une perte de 0,1 point de CSG en 2002 pour financer l’APA et du produit de la taxe sur la prévoyance au profit du FOREC, ainsi que de C3S au profit du BAPSA, avec pour seule compensation une part de majorations de pensions prises en charge par la CNAF portée à 30 %, soit un bilan net pour 2002 de – 1,1 milliard d'euros.

2. Les dépenses supplémentaires

En ce qui concerne les dépenses supplémentaires supportées par l’assurance maladie, on se référera au coût de 5,5 milliards d'euros pour 2003 figurant dans le rapport sur la sécurité sociale de septembre 2003 de la Cour des comptes. Les protocoles Aubry signés en 2000 et 2001, concernant notamment le remplacement des personnels hospitaliers et dont le financement a été transféré en 2003 du budget de l’Etat à la charge de l’assurance maladie, comme prévu initialement, correspondent à un coût en année pleine de 1,566 milliard d'euros. Les montants afférents aux créations d’emplois consécutives à la réduction du temps de travail, entrés en base dans l’ONDAM, représentent un total cumulé de 1,817 milliard d'euros pour les seuls établissements de santé. Les accords agréés par le gouvernement précédent (revalorisation d’honoraires des médecins généralistes et mise en place d’un système conventionnel de visite à tarif majoré) ont eu des conséquences financières à hauteur de 1,220 milliard d'euros. Enfin, la renonciation au déremboursement des médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant aurait coûté un milliard d’euros à la sécurité sociale.

Plus précisément, la réduction du temps de travail à l’hôpital a pris la forme d’un protocole d’accord national signé le 27 septembre 2001 entre la fonction publique hospitalière et quatre organisations syndicales. Il était mis à disposition des établissements publics de santé 45 000 postes supplémentaires, dont le financement a été échelonné sur trois exercices annuels et dont la répartition entre les établissements a été établie et notifiée par les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) dès 2002. Au plan budgétaire, le coût global prévisionnel de la création de ces emplois s’élève à 1,865 milliard d’euros en 2003 en tenant compte des établissements sociaux et médico-sociaux publics.

Le détail de cette somme est le suivant : en 2002, le coût des créations d’emplois non médicaux à la charge de l’assurance maladie dans les établissements publics sanitaires, sociaux et médico-sociaux s’est élevé à 506 millions d'euros (permettant de créer 28 % des 45 000 emplois) ; celui des postes médicaux créés a été de 106,71 millions d'euros. En 2003, le coût des emplois non médicaux créés dans ces établissements a été de 619 millions d'euros (correspondant à 50 % des emplois) et celui des emplois médicaux de 122,65 millions d'euros. En 2004, le coût des créations d’emplois non médicaux sera de 410 millions d'euros (soit le financement du solde des emplois de jour ainsi que de la totalité des emplois de nuit) et celui des créations d’emplois médicaux de 50 millions d'euros. Enfin, en 2005, 50 millions d'euros seront consacrés à la création des emplois médicaux restant.

Il convient d’y ajouter les crédits non pérennes consacrés au financement du compte épargne-temps (CET), soit 1,364 milliard d’euros en 2005 avec les établissements sociaux et médicaux sociaux publics (pour les seuls établissements de santé, 400 millions d'euros en base en 2002, 320 millions d'euros supplémentaires en 2003 et encore 320 millions en 2004). Ces crédits sont destinés à financer, pour la période 2002‑2004 pour les médecins et 2002‑2003 pour les personnels non médicaux, les droits à congés non pris ou portés dans un CET du fait de l’étalement sur trois ans (quatre ans pour les médecins) des créations d’emplois au titre de la réduction du temps de travail. Ce financement permettra aux établissements de remplacer les agents qui utiliseront ces droits, qui représentent un volume de plus de 30 000 équivalents temps plein sur la période 2002‑2004.

A la fin de la période de mise en ½uvre de la réduction du temps de travail à l’hôpital, en 2005, le coût total se montera ainsi à près de 3,5 milliards d’euros par an. On peut encore ajouter à cette somme la mise en ½uvre des accords de réduction du temps de travail dans les organismes de sécurité sociale, qui ont abouti à 8 297 créations de postes pour un coût en année pleine de 112 millions d'euros en 2003.

Ce montant total (pertes de recettes et augmentation de dépenses) de 7,8 milliards d'euros mérite d’être rapproché du montant des déficits actuels du régime général : 3,5 milliards d'euros en 2002, 8,9 milliards d'euros en 2003 et 11,2 milliards d'euros en 2004. Pour être plus explicite encore, le rapporteur présente une courbe simulée de ce qu’aurait été le solde du régime général sans prise en compte des mesures du gouvernement précédent. Il s’est référé au solde présenté par les rapports des commissions des comptes de la sécurité sociale de septembre, avant mesures des lois de financement de la sécurité sociale, et en défalquant le cas échéant sur les années correspondantes les mesures de recettes et de dépenses susmentionnées. On constate que des réserves beaucoup plus importantes auraient pu être constituées en période vaches grasses (excédents d’1 milliard d'euros en 2000, 2,3 milliards d'euros en 2001 et 2 milliards d'euros en 2002), et que les déficits actuels serait atténués, bien loin du gouffre financier (seulement ‑ 1,1 milliard d'euros en 2003 et ‑ 2,6 milliards d'euros en 2004).


 

Estimation sans prise en compte
des mesures non financées
par le gouvernement précédent

 

 

 


 

iI.- le financement de la sécurité sociale pour 2004 : une réelle clarification pour préparer l’avenir

 

Face à la situation très dégradée des comptes sociaux, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 est un véritable projet de clarification, qui permet d’engager sur des bases assainies la concertation préalable à l’adaptation de l’assurance maladie en 2004, laquelle fera suite à la réforme réussie des retraites par M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

a. ÉVITER une plus grande détérioration des comptes sociaux

1. Un cadrage tendu

Selon les hypothèses économiques communes retenues par le gouvernement pour bâtir le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PIB devrait augmenter au mieux de 3,4 % en 2004, après seulement 2,5 % en 2003. En conséquence, la masse salariale du secteur privé, qui est l’élément prépondérant de l’assiette des prélèvements sociaux, n’augmenterait que de 3,1 % en 2004, alors que cette croissance ne devrait être que de 2,3 % en 2003.

Ces éléments créent un contexte macro-économique peu favorable au redressement de la situation financière de la sécurité sociale : les recettes sont moins dynamiques et la progression des dépenses est accélérée. Il s’agit du classique effet de ciseaux.

Les comptes tendanciels sur lesquels sont basés le présent projet, avant intégration des mesures nouvelles, sont issus du rapport de septembre 2003 de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Cette commission s’est fondée sur les hypothèses économiques et sociales suivantes :

– masse salariale du secteur privé : + 3,1 % (soit 2,7 % au titre de l’évolution du salaire moyen par tête et 0,4 % pour les effectifs salariés) ;

– prix à la consommation hors tabac : + 1,5 % ;

– revalorisation des pensions et de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) : + 1,7 %, soit  l’augmentation des prix prévue pour 2003 ;

– revalorisation du plafond de la sécurité sociale : + 1,8 % ;

– taux de croissance de l’ONDAM : + 5,5 %.

La Commission des comptes de la sécurité sociale a intégré dans ses prévisions la suppression du FOREC, qui dépend d’un vote du Parlement en projet de loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale, et les dotations à divers fonds (hospitaliers, amiante) mais elle n’a pas intégré les effets financiers pour 2004 de la loi, pourtant déjà votée, du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Cela prouve la nécessité d’une plus grande indépendance dans la définition des modes de construction des comptes, car le gouvernement décide lui-même de la présentation des comptes et de l’affichage des mesures qu’il prend. Il est tout à fait dans le rôle de l’exécutif de déterminer les comptes servant de base au projet de loi de financement de la sécurité sociale qu’il prépare mais, par souci de transparence et de lisibilité, il faudrait mieux distinguer l’équivalent des services votés (à savoir l’évolution tendancielle des comptes) et les mesures nouvelles proposées au vote du Parlement. La création du Comité des finances sociales devrait permettre d’atteindre cet objectif de clarification des rôles.

En revanche, il faut noter un progrès notable en ce qui concerne l’ONDAM, qui va dans le sens de la médicalisation de cet objectif souhaitée lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Ainsi, pour la première fois cette année depuis qu’existent des lois de financement, le taux de croissance de l’ONDAM proposé au vote du Parlement diffère de celui retenu par le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale. En effet, la commission des comptes a présenté une prévision tendancielle d’évolution de 5,5 %, en tenant compte des objectifs proposés par le gouvernement pour les seuls postes « budgétaires » de l’ONDAM, à savoir notamment les établissements de santé sous dotation globale, mais en évaluant les autres postes, essentiellement les soins de ville, en fonction des tendances de consommation de soins en volume et des effets des mesures décidées les années précédentes (revalorisations tarifaires, déremboursement …). A partir de cette évolution tendancielle de l’ONDAM à 5,5 %, le gouvernement propose l’adoption, à l’article 44 du présent projet, d’un ONDAM à 4 % qui est la traduction d’un certain nombre de mesures d’économie, détaillées plus loin.

Les montants prévus par le projet de loi de finances pour 2004 ont été repris dans les comptes de la sécurité sociale, s’agissant notamment des cotisations prises en charge par l’Etat (essentiellement sur le budget de l’emploi, compte tenu de la suppression du FOREC), des recettes fiscales rebudgétées, des remboursements de prestations par l’Etat et des subventions d’équilibre versées.

2. L’impact des mesures nouvelles du projet de loi de financement

Les effets attendus des mesures nouvelles de financement qui sont proposées au vote du Parlement dans le cadre du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale sont retracés dans le tableau suivant.

Comme dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, les comptes de l’année en cours ne sont pas modifiés. Il s’agit d’une preuve de la volonté de clarification du gouvernement, en ne pratiquant aucune manipulation comptable, à la différence des errements du gouvernement précédent, qui n’hésitait pas à rouvrir des comptes clos. Si les comptes devaient être substantiellement modifiés en cours d’année, ils le seront dans le cadre d’une loi de financement rectificative déposée en tant que telle, en bonne et due forme et le moment venu, sans attendre une simple ratification par le Parlement à la fin de l’année de mesures déjà prises par l’exécutif.


 

Solde des opérations courantes du régime général en 2004

(en millions d’euros)

 

Maladie

AT/MP

Vieillesse

Famille

Total

Solde du compte tendanciel

‑ 14 054

‑ 164

+ 569

+ 23

‑ 13 626

Remboursement dette du FOREC par la CADES (art. 2 plfss )

+ 474

+ 90

+ 329

+ 204

+ 1 097

Modifications des droits sur les tabacs (art. 4 plfss et art. 24 plf)

+ 800

 

 

 

+ 800

Renforcement efficacité recours contre tiers (art. 5 plfss)

+ 100

 

 

 

+ 100

Augmentation rendement taxes promotion (art. 9 et 10 plfss)

+ 170

 

 

 

+ 170

Limitation exonérations liées aux actes côtés en K50

+ 530

 

 

 

+ 530

Augmentation du forfait hospitalier

+ 159

 

 

 

+ 159

Mesures de maîtrise médicalisée des dépenses ambulatoires

+ 706

 

 

 

+ 706

Mesures concernant le médicament

+ 256

 

 

 

+ 256

Economies de gestion des caisses d’assurance maladie

+ 60

 

 

 

+ 60

Contribution au financement CMU complémentaire (art. 82 plf)

 ‑ 140

 

 

 

‑ 140

Création de la PAJE et autres mesures famille (art. 50 plfss)

 

 

 

 ‑ 200

‑ 200

Mise en ½uvre loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites

 

 

‑ 1 090

 

‑ 1 090

Solde après mesures nouvelles prévues dans le PLFSS 2004

‑ 10 939

‑ 74

  192

+ 27

‑ 11 178

A la suite de l’ensemble de ces mesures, le déficit du régime général devrait atteindre 11,1 milliards d’euros à la fin de l’année 2004. La situation financière de la sécurité sociale est ainsi stabilisée par rapport à l’évolution tendancielle décrite dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

B. les mesures de recettes

1. La suppression du FOREC

a) La disparition d’un fonds sans fonds bien mal nommé

L’article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a créé le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), dont la mission consiste à prendre en charge les mesures d’allègements généraux de cotisations patronales portant sur les bas salaires ou liés à la réduction du temps de travail. Le FOREC prend aujourd’hui en charge la plus grande partie des exonérations de cotisations, pour 15,9 milliards d'euros en 2003. Il a été substitué à l’Etat pour rembourser aux organismes de sécurité sociale le coût de ces exonérations de cotisations qui relèvent de la politique de l’emploi. Il a été ainsi baptisé en raison de cette mission et de son mode de financement, car le gouvernement précédent considérait bien naïvement que l’alimentation du fonds par des recettes fiscales diverses suffirait pour réformer le mode de financement de la sécurité sociale.

Le FOREC est un établissement public de l’Etat à caractère administratif. Il est doté d’un conseil de surveillance comprenant notamment des représentants du Parlement et des partenaires sociaux, qui ne s’est réuni qu’une fois sous la précédente législature. Le fonds est placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé de l’emploi et du ministre chargé du budget. Compte tenu de la proximité des procédures appliquées et dans un souci de maîtrise des frais de gestion, le FOREC est géré par le Fonds de solidarité vieillesse (même président du conseil d’administration, composé uniquement de représentants de l’Etat, même directeur et même agent comptable).

Le première année d’existence réelle du fonds n’a été que l’exercice 2001 car le gouvernement précédent doutait lui-même de la fiabilité de l’outil qu’il venait de créer. Il lui a fallu en effet un an de tergiversations avant de prendre le décret officialisant la création du fonds. Entre temps, la sécurité sociale n’avait pas été remboursée des exonérations de cotisations sociales correspondantes, ce qui a laissé subsister sur l’Etat une dette de plus de 2 milliards d'euros.

L’année 2003 constituera la dernière année d’existence du FOREC. En effet comme le prévoient, de manière un peu redondante juridiquement il est vrai l’article 3 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale et l’article 18 du projet de loi de finances pour 2004, à compter du 1er janvier prochain, les allègements de cotisations sociales aujourd’hui pris en charge par le fonds seront intégralement compensés, en application de l’article L. 137-1 du code de la sécurité sociale, par le budget de l’Etat (budget du ministère chargé de l’emploi).

La clarification tant attendue des relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale est ainsi enfin réalisée. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 avait déjà rompu avec les pratiques précédentes, d’une part, en mettant en ½uvre l’engagement de l’Etat de compenser intégralement les nouveaux allégements de charge (l’allègement Fillon qui remplace la ristourne Juppé et les aides Aubry II depuis le 1er juillet 2003) et, d’autre part, en réaffectant à la sécurité sociale une partie des recettes qui avaient été naguère utilisées pour le financement du FOREC, en particulier les droits sur les tabacs. En 2004, le FOREC est définitivement supprimé et la dette que le précédent gouvernement avait laissée en 2000 se trouve soldée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).

Ainsi sera de nouveau appliquée la règle fondamentale posée par la loi du 25 juillet 1994, à savoir que la politique de l’emploi relève de l’Etat et que les exonérations de cotisations qui en sont le vecteur principal sont financées par le budget de l’Etat. Il en résulte un transfert sur le budget du travail et de l’emploi de 16 milliards d'euros, montant correspondant aux charges du FOREC en 2003. Ce transfert correspond aux dépenses actuelles du fonds. Du 1er janvier 2000 au 30 juin 2003, le fonds a ainsi pris en charge :

– Les allègements dans le cadre de la réduction négociée du temps de travail à trente-cinq heures (loi du 19 janvier 2000 dite « loi Aubry II »). Ce dispositif intègre : les allègements de droit commun accordés dans le cadre des 35 heures (à condition qu’un accord d’entreprise ait été signé par les organisations syndicales majoritaires ou approuvé par les salariés en cas d’accord minoritaire), les allègements Aubry II accordés en complément d’autres aides incitatives à la réduction du temps de travail (Aubry I et de Robien) et les sept majorations d’allègements pour les entreprises passées aux 32 heures, les entreprises en zone de revitalisation rurale, les entreprises en zone de redynamisation urbaine, les entreprises en Corse (mesure pérenne), les entreprises en zone franche Corse (mesure non pérenne), les entreprises dont les salariés relèvent des caisses de congés payés, les entreprises du secteur routier.

– La réduction dégressive sur les bas salaires instituée par la loi du 4 août 1995, dite « ristourne Juppé ».

– L’aide incitative à la réduction du temps de travail créée par la loi du 13 juin 1998 (dite « loi Aubry I ») au profit des entreprises ayant choisi d’anticiper l’application des trente-cinq heures et versée indépendamment du niveau des salaires. Pour accélérer sa disparition progressive d’ici 2006, l’article 80 du projet de loi de finances pour 2004 propose qu’à compter du 1er avril 2004, cette aide ne soit plus cumulable avec le nouvel allègement unifié sur les bas salaires (cf. infra).

– L’allègement en faveur de l’incitation à la réduction collective du temps de travail institué par la loi du 11 juin 1996 (dite loi « de Robien »).

– Les exonérations de cotisations d’allocations familiales en faveur de certains régimes spéciaux (depuis le 1er janvier 1994) et les salariés agricoles (depuis le 1er janvier 1996).

A compter du 1er juillet 2003, le fonds a pris en charge le nouveau dispositif unifié d’allègement général de cotisations patronales de sécurité sociale, qui se substitue à la réduction dégressive sur les bas salaires, dite « ristourne Juppé », ainsi qu’à l’allègement de charge dit « Aubry II ». Ce nouveau dispositif, issu de la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi, monte progressivement en charge sur une période transitoire de deux années. Il n’est plus conditionné à la réduction du temps de travail et permet de compenser le coût pour les entreprises de l’alignement des différents SMIC vers le haut.

Pour financer ces exonérations de cotisations, le FOREC a disposé des produits suivants, les plus divers qui soient :

- une fraction des droits de consommation sur les tabacs manufacturés ;

- une fraction des droits de consommation sur les alcools, ainsi que la totalité des autres droits indirects portant sur les boissons ;

- la taxe générale sur les activités polluantes ;

- la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés ;

- une fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances ;

- la taxe sur les véhicules des sociétés ;

- la taxe sur les contributions des employeurs au bénéfice des salariés pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance ;

- le prélèvement sur les contrats d’assurance des véhicules terrestres à moteur.

Compte tenu de la suppression du FOREC, l’intégralité du produit de ces taxes est réaffecté au budget de l’Etat par l’article 24 du projet de loi de finances pour 2004. Des recettes « traditionnelles » de la sécurité sociale, notamment les droits sur les alcools (affectés au FSV depuis 1993), la contribution sur les primes d’assurance automobile (affectée à la CNAM depuis sa création en 1967) et la contribution sur la prévoyance (affectée au FSV depuis sa création en 1996), sont ainsi « récupérées » au profit du budget de l’Etat, sans conserver un lien entre la taxation et l’affectation du produit de la taxe, ce qui est regrettable mais indispensable dans le contexte budgétaire actuel. Il faut également rappeler que le fonds bénéficie toujours de réserves disponibles au titre des excédents des gestions 2001 et 2002, pour 307 millions d'euros compte tenu du déficit prévisionnel 2003. Ce solde sera aussi récupéré par l’Etat dans le cadre de la rebudgétisation du fonds, sur le poste des recettes non fiscales 2004.

L’évolution des dépenses et celle des recettes du fonds étant complètement indépendante, les gouvernements successifs ont été obligés chaque année de trouver de nouveaux mécanismes d’équilibrage, essentiellement par le transfert de recettes fiscales en provenance du budget de l’Etat ou de la sécurité sociale. L’avantage fondamental de la budgétisation en la matière est de faire jouer le principe d’universalité du budget de l’Etat : l’ensemble des recettes couvrent l’ensemble des dépenses. Il n’y a donc plus besoin de se livrer au petit jeu d’équilibrage annuel d’un fonds spécifique, que résume maintenant à titre historique le tableau de financement suivant.

Compte de résultat du FOREC

(en millions d'euros et en droits constatés)

 

2000 (*)

2001

2002

2003

2004 (**)

PRODUITS.............................................................................

9 000

14 681

15 658

15 727

16 499

Droits tabacs..........................................................................

5 855

8 497

7 798

7 432

8 107

Droits alcools.........................................................................

1 662

2 851

2 627

2 554

2 500

CSB..........................................................................................

430

1 056

785

740

470

TGAP.......................................................................................

398

522

640

500

510

Taxe sur les conventions d’assurances.............................

-

1 054

1 504

2 260

2 375

Taxe sur les véhicules des sociétés....................................

-

701

756

770

780

Taxe sur les primes d’assurance auto.................................

-

-

947

965

965

Taxe contributions de prévoyance.....................................

-

-

579

490

505

Contribution budgétaire de l’Etat........................................

656

-

-

-

 

Produits financiers.................................................................

-

-

17

16

17

 

 

 

 

 

 

CHARGES..............................................................................

11 460

14 416

15 434

15 909

17 100

Allègement Fillon...................................................................

-

-

-

6 969

15 792

Ristourne Juppé.....................................................................

5 560

5 049

4 320

2 138

-

Allégement Aubry II avec majorations..............................

3 600

6 372

8 191

4 190

-

Aide incitative Aubry I.........................................................

2 300

2 423

2 362

2 073

890

Exonération de Robien..........................................................

-

506

539

530

408

Exonérations cotisations AF................................................

-

67

13

?

10

Charges de gestion................................................................

-

-

9

9

-

 

 

 

 

 

 

RESULTAT NET

‑ 2 460

+ 265

+ 224

- 182

- 601

(*) : fonds non constitué
(**) : fonds supprimé, simulation fictive à législation constante par rapport à 2003 (sauf article 80 plf)
b) La réelle simplification des flux de financement de la sécurité sociale

Par rapport aux précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale, notamment à ceux de la précédente majorité, il n’y a aucun changement apporté aux mécanismes de répartition des impositions affectées ni aucune modification des transferts entre régimes ou branches. La suppression du FOREC permet en effet d’éviter de procéder à des ajustements strictement comptables, à travers une tuyauterie complexe, pour tenter d’équilibrer des dépenses par des recettes dont la dynamique d’évolution n’a aucun rapport. C’est pourquoi le présent projet de loi de financement ne comporte que des mesures d’équilibrage financier internes à la branche maladie, justifiées par sa situation financière, qui sont présentées dans la troisième partie du présent rapport.

Les clefs de répartition des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale (ITAF) étaient auparavant modifiées chaque année, parfois même deux fois par an, ce qui aboutissait à faire perdre tout son sens à la notion même de déficit d’un régime, d’un fonds ou d’une branche. L’ajustement en continu a été pratiqué par le précédent gouvernement en raison d’une absence de vision structurelle du financement de la sécurité sociale. La stabilisation des clefs de financement que permet la suppression du FOREC permettra de responsabiliser les acteurs, de mieux suivre l’évolution des recettes et des dépenses, ce qui contribue bien à la clarification du financement de la sécurité sociale.

Toute la tuyauterie qui avait été savamment mise en place pour masquer le détournement des recettes de la sécurité sociale est ainsi supprimée d’un coup. Le diagramme sagittal des flux de financement de la sécurité sociale conçu par M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général sous la précédente législature, pour aider la représentation nationale à décrypter cette machinerie infernale, n’a plus lieu d’être : d’un coup d’½il, tout est plus simple ! Chacun retrouve son rôle. Pour preuve, il n’y a aucun nouveau tuyau mis en place dans ce texte, ce qui est une première depuis quatre ans. En effet, la sécurité sociale est garantie d’une prise en charge directe et intégrale des exonérations de charges, assurée par l’universalité des recettes du budget de l’Etat.

Simplification et clarification doivent aller de pair avec un effort de transparence. C’est pourquoi la commission a voté à l’unanimité la création d’un Comité des finances sociales pour accompagner la suppression du FOREC. Ce comité pourrait remplacer la Commission des comptes de la sécurité sociale et aurait pour modèle d’indépendance et de sérieux le Comité des finances locales. Il permettrait de mettre en ½uvre la démocratie sociale en associant les membres composant actuellement la Commission des comptes à des représentants des autres compétences de la protection sociale (APA, CMU, chômage). Un comité exécutif réunissant parlementaires et partenaires sociaux aurait pour vocation de permettre un meilleur suivi et un contrôle plus opérationnel de toutes les recettes et dépenses sociales dans leurs relations financières avec l’Etat.


 

LES FLUX DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE en 2003

(hors Etat et BAPSA)

_________________

 

RESSOURCES AFFECTÉES                         FONDS DE FINANCEMENT                                                                    RÉGIMES DE BASE

 

 

Contributions pharma

Zone de Texte: MALADIE
 
CNAM
 
CANAM
 
Autres régimes

 

Droits tabacs

 

Zone de Texte: Fonds préretraite amiante

 

Taxe auto

 

Taxe assurance

Taxe véhicules sociétés

Zone de Texte: FOREC

 

Droits alcools

 

Zone de Texte: ACCIDENTS DU TRAVAIL

 

TGAP

 

Zone de Texte: FSV

 

CSB

 

Zone de Texte: FAMILLE - CNAF

 

CSG

 

Zone de Texte: VIEILLESSE
 
CNAV
 
Autres régimes

 

Zone de Texte: Fonds de réserve

 

Taxe prévoyance

 

C3S

Prélèvement social 2 %

 

Zone de Texte: CADES

 

CRDS

 


 

LES FLUX DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE en 2004

(hors Etat et BAPSA)

_________________

 

RESSOURCES AFFECTÉES                         FONDS DE FINANCEMENT                                                                    RÉGIMES DE BASE

 

 

Zone de Texte: MALADIE
 
CNAM
 
CANAM
 
Autres régimes

 

Contributions pharma

 

Droits tabacs

Zone de Texte: Fonds préretraite amiante

 

 

 


 

Taxe boissons

 

Zone de Texte: FSV
Zone de Texte: ACCIDENTS DU TRAVAIL

 

 

 


 

Zone de Texte: FAMILLE - CNAF

 

CSG

 

Zone de Texte: Fonds de réserve
Zone de Texte: VIEILLESSE
 
CNAV
 
Autres régimes

 

 

 


 

C3S

Prélèvement social 2 %

 

Zone de Texte: CADES

 

CRDS

 


 

Clefs de répartition des principaux impôts et taxes
affectés à la sécurité sociale jusqu’en 2004

 

2000

2001

2002

2003

2004

CSG

- CNAF

- Maladie

- FSV

- APA

 

1,1 %

5,1 %

1,3 %

0 %

 

1,1 %

5,25 %

1,15 %

0 %

 

1,1 %

5,25 %

1,05 %

0,1 %

Non modifié

Non modifié

2 % capital

- CNAM

- CNAF

- CNAV

- FRR

- FSV

 

8 %

13 %

30 %

49 %

0 %

 

0 %

0 %

30 %

50 %

20 %

 

0 %

0 %

15 %

65 %

20 %

Non modifié

Non modifié

droits tabacs

- CNAM

- FOREC

- Fonds amiante

- Etat/BAPSA

 

16 %

79 %

0,39 %

5,9 %

 

2,61 %

97 %

0,39 %

0 %

 

8,84 %

90,77 %

0,39 %

0 %

 

15,2 %

84,45 %

0,35 %

0 %

 

22,27 %

0 %

0,32 %

77,41 %

droits alcools

- CNAM

- FOREC

- Etat

 

45 %

55 %

0 %

 

0 %

100 %

0 %

Non modifié

Non modifié

 

0 %

0 %

100 %

taxe prévoyance

- FSV

- FOREC

- Etat

 

100 %

0 %

0 %

Non modifié

 

0 %

100 %

0 %

Non modifié

 

0 %

0 %

100 %

taxe automobile

- CNAM

- FOREC

- Etat

 

100 %

0 %

0 %

Non modifié

 

0 %

100 %

0 %

Non modifié

 

0 %

0 %

100 %

taxe assurances

- FOREC

- Etat

 

0 %

100 %

 

24,7 %

75,3 %

 

30,56 %

69,44 %

 

44,07 %

55,93 %

 

0 %

100 %


 

2. La situation financière des autres fonds de financement

Indépendamment de la suppression du FOREC, il convient d’examiner comment les autres fonds de financement de la sécurité sociale vont être équilibrés en 2004 dans le cadre du présent projet de loi.

a) Le Fonds de solidarité vieillesse

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est un établissement public national à caractère administratif créé par la loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale. Il est chargé de financer les avantages vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale servis par le régime général, les régimes alignés sur lui (salariés agricoles, ORGANIC et CANCAVA) et, à partir de 2001, les régimes complémentaires (AGIRC et ARRCO).

La situation du FSV est devenue déficitaire en raison notamment des multiples détournements de recettes opérés par le précédent gouvernement, au bénéfice du FOREC pour les trente-cinq heures et du FFAPA pour la mise en place de la nouvelle allocation destinée aux personnes âgées dépendantes, toutes dépenses nouvelles qui n’étaient bien évidemment pas financées. Ce déficit n’a pas pu être couvert par les réserves accumulées, qui ont ainsi été complètement dilapidées alors qu’elles devaient servir à alimenter le Fonds de réserve des retraites, demeuré ainsi assez largement une coquille vide par la faute même du précédent gouvernement.

Il n’y a donc guère de marge de man½uvre budgétaire pour équilibrer le FSV. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 n’a aucun impact sur les produits et charges actuelles du FSV, hormis l’effet mécanique de la revalorisation réglementaire des pensions de vieillesse à hauteur de 1,7 % qui accroît les charges du FSV en 2004 à hauteur de 100 millions d’euros. Néanmoins, le solde 2004 va se trouver très fortement amélioré car la procédure d’affectation de C3S au FSV sera accélérée par rapport aux années antérieures : outre les excédents de C3S constatés en 2003 après couverture des déficits de la CANAM, de l’ORGANIC et de la CANCAVA et après versement au BAPSA, les excédents prévisionnels pour 2004 seront également affectés au Fonds de solidarité vieillesse dès 2004, sans attendre l’année 2005.

Il faut noter que l’article 51 du présent projet n’augmente pas par rapport à l’année dernière la prise en charge par la CNAF des dépenses liées à la majoration de pension pour enfants. Pour l’année 2004, comme pour 2003, la fraction des majorations de pensions pour enfants prise en charge par la branche famille est fixée à 60 %. Les charges exceptionnelles constatées dans les comptes du FSV en 2003, à hauteur de 174 millions d'euros, correspondent d’ailleurs à la régularisation d'une erreur de comptabilisation des transferts de la CNAF opérés au titre de son financement de la majoration pour enfants.

Malgré sa situation déficitaire en 2003, le FSV continue cette année à régler les sommes qu’il doit aux régimes vieillesse par acomptes déterminés dans les conventions conclues avec ces régimes. Cependant, les acomptes versés à la CNAV sont minorés par rapport aux prévisions des dépenses réelles sur le poste "prise en charge des cotisations représentant les périodes de chômage validées". Le cumul 2002-2003 sur ce poste représente une "dette" de 1,36 milliard d'euros envers la CNAV. Les flux de trésorerie sont minorés d’autant sur ces années, et il faudra bien les rattraper assez vite.

Le tableau suivant présente les conditions générales de l’équilibre financier du FSV. Le montant prévisionnel des produits et des charges s'élèverait en 2004 respectivement à 13,9 milliards d’euros et 13,2 milliards d’euros, ce qui donne un résultat net d'exercice bénéficiaire de 683 millions d’euros.

Compte de résultat du FSV

(en millions d’euros)

 

2001

2002

2003

2004

PRODUITS.........................................................

11 566

11 010

12 446

13 860

CSG.......................................................................

9 719

9 078

9 263

9 530

Taxe contributions prévoyance.......................

384

-

-

-

C3S.......................................................................

551

567

922

1 894

Prélèvement social 2 % capital.........................

383

350

356

464

Versement de la CNAF......................................

478

1 000

1 890

1 957

Produits financiers.............................................

51

15

15

15

 

 

 

 

 

CHARGES..........................................................

11 652

12 368

13 308

13 177

Minimum vieillesse............................................

2 497

2 485

2 513

2 569

Majorations de pensions de retraite...............

2 995

3 118

3 240

3 357

Cotisations prises en charge (chômage)........

5 585

6 202

6 800

6 723

Versement à l’AGIRC et a l’ARRCO................

441

448

457

465

Autres charges...................................................

102

115

298

63

 

 

 

 

 

RESULTAT NET................................................

- 86

- 1 353

- 862

683

Versement au fonds de réserve

- 287

0

0

0

SOLDE CUMULÉ..............................................

1 230

- 123

- 985

- 302

b) Le Fonds de réserve pour les retraites

Le Fonds de réserve pour les retraites a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Etablissement public autonome depuis le 1er janvier 2002, il est censé accumuler des réserves pour payer les retraites lors du choc démographique lié au départ en retraite des enfants du « baby-boom », après 2020. Il devrait donc, avant cette date, être alimenté régulièrement par des ressources pérennes.

Or la réalité financière est très loin des objectifs affichés par le précédent gouvernement, à savoir atteindre 152 milliards d’euros d’ici 2020. En effet, on peut estimer, compte tenu de son mode d’alimentation actuel, que le fonds n’aura pas accumuler plus de 90 milliards d'euros d’ici 2020, ce qui ne permettra guère de lisser plus de cinq ou six années de déficit des régimes d’assurance vieillesse à ce moment là. Ces projections font sérieusement douter de l’intérêt de conserver un tel instrument financier inadapté à sa mission originelle.

En effet, les produits du fonds sont constitués par :

- le versement de tout ou partie des excédents du FSV (qui hélas n’en a plus, notamment à cause du FOREC),

- le versement de l’excédent de la CNAV au titre du dernier exercice clos (ce versement devant se tarir dès l’année prochaine avec la mise en ½uvre de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites),

- une fraction de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S), qui n’a été versée qu’une fois, en 1999,

- une fraction du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement,

- la contribution de 8,2 % sur la part de l’abondement patronal au plan partenarial d’épargne salariale volontaire (PPESV) et les montants d’intéressement et de participation non réclamés par les salariés et reçus par la Caisse des dépôts et consignations, au terme du délai de prescription trentenaire (dont le rendement statistique est pudiquement qualifié « d’épsilonesque »),

- le versement d’une fraction du produit des licences UMTS (téléphonie mobile de troisième génération), dont tous les espoirs de croissance rapide se sont vite envolés et ont en revanche mis France telecom en grave difficulté financière

- et enfin les produits des placements du fonds, qui ne peuvent guère rapporter plus que ce qui y a été investi. Depuis le début de l’année 2002, et dans l’attente de la mise en place de la délégation de gestion financière aux établissements financiers d’ici la fin de l’année 2003, les sommes collectées par le fonds sont gérées sur un compte de dépôt du Trésor, rémunéré sur la base du taux moyen des bons du Trésor à taux fixe (BTF à trois mois) moins 0,05 % émis au cours de la période. Ces sommes sont progressivement transférées sur des comptes à terme (trois ou six mois) ouverts auprès de la Caisse des dépôts et consignations (7,6 milliards d’euros à compter du 1er juillet 2003 et 5,5 milliards d’euros à compter du 2 novembre 2003). La rémunération de ces placements varie actuellement autour de 2 %.

Entre 1999 et 2003, le fonds a accumulé 16,5 milliards d'euros, ainsi répartis :

- recettes fiscales (prélèvement sur les revenus du capital pour l’essentiel) : 4,7 milliards d'euros, soit 29 % ;

- excédents de la CNAV (c'est-à-dire produit des cotisations vieillesse) : 4,4 milliards d'euros, soit 27 % ;

- recettes de privatisations (y compris UMTS et caisses d’épargne) : 6,6 milliards d'euros, soit 40 % ;

- produit des intérêts des placements financiers : 800 millions d'euros, soit 5 %.

Le tableau suivant présente les conditions générales de l’équilibre financier du FRR. En 2004, les recettes du Fonds de réserve devraient s’élever, à législation constante, à 3,2 milliards d’euros. Elles seraient composées de 1,1 milliard d’euros de prélèvement social de 2 %, de 1,52 milliard d’euros d’excédent en droits constatés de la CNAV au titre de 2003, et enfin de 517 millions d’euros de produits financiers. Les comptes du FSV affichant un nouveau déficit en 2003, aucun reversement n’interviendra à ce titre en 2004. En outre, l’opération de souscription des parts sociales des sociétés locales d’épargne arrive à son terme en 2003. En l’absence de mesure nouvelle de recette, les réserves du FRR devraient ainsi atteindre 19,7 milliards d’euros à la fin de l’année 2004.

 

Compte de résultat du Fonds de réserve pour les retraites

(en millions d’euros)

 

2002

2003

2004

RESSOURCES nettes.........................................

5 835

3 707

3 182

Prélèvement 2 % capital.......................................

1 116

1 156

1 166

Versement CNAV..................................................

1 518

1 662

1 520

Opération souscription parts caisses d’épargne         

718

493

0

Privatisations (ASF, Crédit lyonnais)................

1 600

500

0

UMTS.....................................................................

619

0

0

Divers (C3S, CDC, FSV, réserves Mayotte)......

0

82

0

Produits financiers................................................

267

334

517

Frais de gestion.....................................................

- 4

- 20

- 20

 

 

 

 

SOLDE CUMULÉ.................................................

12 844

16 550

19 732

c) Le Fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles

Le Fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles (FFIPSA) sera un nouveau fonds de financement de la sécurité sociale au sens de la loi organique du 22 juillet 1996, qui relèvera donc de la loi de financement de la sécurité sociale et qui figure déjà au sein de l’annexe f. Ce fonds est créé par l’article 23 du projet de loi de finances pour 2004 en vue de se substituer au budget annexe des prestations sociales des non salariés agricoles (BAPSA).

En effet, la mise en ½uvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) implique la disparition du BAPSA, qui ne répond pas aux critères définis par ce texte pour les budgets annexes. En conséquence le nouveau fonds, institué sous forme d’établissement public national à caractère administratif, sera chargé de reprendre la mission du BAPSA, à savoir assurer le financement des prestations sociales des exploitants agricoles, qui sont des dépenses des régimes obligatoires de base au sens de la loi de financement.

L’organisation du fonds sera définie par décret en Conseil d’Etat, notamment la composition de son conseil d’administration et de son conseil de surveillance. Les principales dépenses du fonds seront constituées des prestations familiales, des prestations d’assurance maladie, des prestations d’assurance vieillesse et veuvage, ainsi que du versement de la participation financière de l’Etat au profit du régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire des exploitant agricoles.

Les recettes du fonds seront de nature distinctes :

- les cotisations des assujettis au régime affectées au service des prestations,

- la part de CSG maladie affectée au régime des exploitants agricoles,

- les financements publics constitués par les divers impôts et taxes affectés (droits de consommation sur les tabacs, taxe sur les fabricants de tabacs, C3S) et la « traditionnelle » subvention d’équilibre du budget de l’Etat au régime agricole,

- les participations des autres régimes, à savoir la compensation démographique et la contribution de la CNAF,

- et les subventions du Fonds spécial d’invalidité (FSI) et du Fonds solidarité vieillesse (FSV).

Le fonds ne pouvant être opérationnel dès le 1er janvier 2004, une disposition transitoire du projet de loi de finances prolonge le BAPSA jusqu’au 31 décembre 2004 au plus tard, afin d’assurer la continuité du financement des prestations du régime des non salariés agricoles. Les missions du fonds seront donc limitées en 2004 à la prise en charge des intérêts de l’emprunt de 1,3 milliard d'euros contracté par la Caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) en 2004 pour financer la mensualisation des pensions des exploitants agricoles prévue par l’article 105 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Cette charge est évaluée à 30 millions d'euros par an. Le fonds sera également chargé de la liquidation des droits et obligations du BAPSA.

Il n’est donc pas encore pertinent de présenter un tableau de financement du fonds pour 2004. Il faudra pourtant prévoir d’organiser une discussion spécifique sur la protection sociale des exploitants agricoles dans le cadre des prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale, car la discussion correspondante du BAPSA pendant l’examen du projet de loi de finances n’aura plus lieu d’être.

d) La Caisse d’amortissement de la dette sociale

L’ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale a créé à cette fin une caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Cet établissement public national à caractère administratif est chargé d’assurer l’apurement de la dette sociale. Il a d’abord été créé avec un terme fixé au 31 janvier 2009. Sa durée de vie a été prolongée jusqu’au 31 janvier 2014 par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, pour faire face au nouveau transfert de dette auquel il a alors été procédé.

La CADES ne figure pas dans les dispositions pouvant normalement relever de la loi de financement de la sécurité sociale en vertu de la loi organique car elle ne participe pas directement à son financement. Pour autant, elle y figure lorsqu’un nouveau flux financier est mis en place entre elle et les régimes obligatoires de base, ce qui est le cas en 2003 et 2004. Elle figure par ailleurs toujours au sein de l’annexe f, à titre d’information du Parlement.

Pour apurer la dette sociale qui lui a été transférée, la CADES dispose de ressources propres. Le produit de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), dont la durée de perception a été prolongée jusqu’en 2014 par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, lui est intégralement reversé. Elle bénéficie aussi du produit de la vente du patrimoine privé à usage locatif de la CNAV et de la CNAM. Le résultat d’exploitation annuel de la CADES est affecté exclusivement à la réduction de la dette sociale.

L’excédent annuel de la CADES lui permet d’amortir sa dette. La croissance de la CRDS a été tellement importante que, même dans les hypothèses les plus prudentes, la CADES devrait pouvoir rembourser sa dette une à deux années avant terme. Ainsi, sa situation nette devrait être à terme de l’ordre de plusieurs milliards d’euros. Cette excellente situation financière a déjà été partiellement utilisée par le précédent gouvernement : pour des mesures d’exonération de CRDS sur les indemnités des chômeurs non imposables (article 89 de la loi de finances pour 2001) et par l’accélération des remboursements de la CADES à l’Etat au titre de la dette sociale précédemment prise en charge par le budget de l’Etat (l’article 38 de la loi de finances pour 2002 a remplacé les sept derniers versements de 1,85 milliard d’euros de la caisse à l’Etat par quatre versements de 3 milliards d’euros, la fin du versement à l’Etat étant ainsi ramenée de 2008 à 2005).

Sans aucun risque financier pour la CADES, sans allonger la durée de vie ou le niveau de la CRDS, l’article 2 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale peut donc prévoir la fin de l’apurement par la caisse de la créance enregistrée en 2000 par les organismes de sécurité sociale au titre des exonérations de cotisation entrant dans le champ du FOREC, soit un versement au 1er avril 2004 d’une somme de 1 097 millions d’euros à l’ACOSS au profit de la CNAM, de la CNAF et de la CNAV. La caisse a déjà remboursé en 2003 à ce titre la première moitié de la dette du FOREC. Ce nouveau versement en 2004, correspondant de fait à une reprise de dette, accroît la dette sociale totale à rembourser de 52,7 à 53,8 milliards d'euros.

Le tableau suivant présente les conditions générales de l’équilibre financier de la CADES. Selon le président du conseil d’administration de la caisse, auditionné par le rapporteur, la valeur finale de la CADES au 31 janvier 2014 s’élèverait à un peu plus de 10 milliards d’euros avec un scénario central reposant sur une hypothèse de croissance de la CRDS de 3,5 % par an et sur la courbe des taux actuelle. La sensibilité de ce modèle est de l’ordre de 2,3 milliards d’euros par point de croissance de CRDS et de 1,4 milliard d’euros pour une variation des taux d’intérêt de 100 points de base.

Compte de résultat de la CADES

(en millions d’euros)

 

2001

2002

2003

2004

PRODUITS............................................................

4 879

4 890

4 713

4 863

CRDS......................................................................

4 633

4 653

4 708

4 863

Produits immobiliers.............................................

12

43

5

0

Produits financiers................................................

234

194

?

?

 

 

 

 

 

CHARGES.............................................................

3 710

4 664

5 761

5 527

Versement à l’Etat.................................................

1 852

3 000

3 000

3 000

Versement à la sécurité sociale (dette FOREC )           

 

 

1 283

1 097

Charge de la dette (intérêts)................................

1 787

1 618

1 478

1 430

Commissions bancaires.......................................

7

9

?

?

Frais de recouvrement..........................................

36

34

?

?

Autres charges......................................................

28

3

?

?

 

 

 

 

 

SOLDE (Ressources – Emplois).......................

1 169

227

- 1 048

- 664

SITUATION NETTE BILANTIELLE

- 29 223

- 28 997

- 30 045

- 30 709

e) Le Fonds de financement de l’allocation personnalisée  d’autonomie

Le Fonds de financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) dispose, en recettes, d’une fraction de 0,1 point de CSG et d’une contribution des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse, correspondant à une fraction (50 %) des sommes consacrées par chacun d’eux en 2000 aux dépenses d’aide ménagère à domicile au profit des personnes âgées dépendantes remplissant les conditions fixées pour bénéficier de l’APA. La recette de CSG prévue en 2004 est de 915 millions d’euros.

Les dépenses du fonds sont constituées par un concours  aux départements, qui versent l’allocation aux bénéficiaires, d’un versement au Fonds de modernisation de l’aide à domicile, qui constitue la deuxième section du Fonds de financement de l’APA, laquelle se voit attribuer comme unique recette une fraction (fixée par arrêté) comprise entre 3 % et 10 % (6,123 % en 2002) du produit total de la CSG affecté au fonds. et d’un versement au Fonds de solidarité vieillesse au titre des frais de gestion.

L’existence d’un résultat positif substantiel en 2002 est lié au fait que le montant du concours annuel aux départements dépend des recettes encaissées au cours de l’exercice, alors que celles-ci sont comptabilisées en produits conformément au principe de la comptabilité en droits constatés (rattachement à l’exercice au cours duquel est née la créance). Le décalage entre les deux est nécessairement important pour la première année de fonctionnement du fonds : en effet, le produit de CSG comptabilisé en 2002 inclut la CSG perçue en janvier 2003 au titre de 2002, alors que le concours aux départements est calculé sur l’équivalent de onze mois d’encaissements seulement, aucun montant de CSG n’ayant été encaissé en janvier 2002, puisqu’ils se rattachaient à un exercice (2001) sur lequel le fonds n’avait aucun droit. Au cours des exercices suivants, cet écart tendra mécaniquement à se réduire.

Le déficit prévisionnel apparent de 453 millions d'euros en 2003 sera financé par une partie de l’excédent 2002 (pour 59 millions d'euros) et par l’emprunt exceptionnel de 400 millions d'euros qui sera contracté fin 2003 en application de l’article 5 de la loi du 31 mars 2003. Les questions du financement futur du FFAPA et du remboursement de l’emprunt seront traitées dans le cadre du plan « vieillissement et solidarité ». Le rapporteur regrette toutefois de ne pas encore disposer de plan de financement du fonds pour 2004.

Il est fort dommageable qu’il ne soit pas possible pour le Parlement d’évoquer ce sujet en loi de financement.

En effet, le Fonds de financement de l’APA ne se retrouve nulle part : ni en loi de finances, ni en loi de financement. Il s’agit d’une entorse grave au principe du consentement à l’impôt par le Parlement, le fonds étant pourtant alimenté par de la CSG. Il n’existe pas de support législatif régulier permettant d’aborder ce sujet.

Il faudra y remédier au plus vite, dans le cadre de la réforme à venir de la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Le tableau suivant présente les conditions générales de l’équilibre financier du FFAPA pour le premier exercice clos et pour l’exercice en cours.

Compte de résultat du FFAPA

(en millions d'euros)

 

2002

2003

PRODUITS............................................................

915

1 409

CSG.........................................................................

853

888

Versement des caisses de retraite......................

61

61

Produits financiers................................................

1

1

Report à nouveau ................................................

-

59

Emprunt..................................................................

-

400

 

 

 

CHARGES.............................................................

843

1 403

Concours versé aux départements.....................

798

1 343

Fonds de modernisation de l’aide à domicile...

39

53

Charges diverses et frais de gestion..................

6

6

 

 

 

RÉSULTAT NET

72

6

3. L’aggravation de la fiscalité du tabac

L’augmentation des prix du tabac, souhaitée par le gouvernement dans le cadre de sa politique de santé publique et pour la mise en ½uvre du plan cancer, ne peut être obtenue qu’en incitant les fabricants, par une modification du régime fiscal, à augmenter leurs prix. Le montant du droit pour les cigarettes a été porté de 58,99 % à 62 % par l’article 9 de la loi du 31 juillet 2003 visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes. Le montant du droit pour les autres catégories de tabacs n’ayant pas été augmenté à due concurrence à cette occasion, l’article 4 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale procède à cette augmentation.

a) L’estimation du produit perçu au titre des droits sur les tabacs

En 2003, le produit total attendu par le gouvernement devrait être de 8,8 milliards d'euros, soit 200 millions d'euros d’augmentation par rapport à 2002, alors que le gouvernement escomptait l’année dernière une hausse d’un milliard d'euros. Cependant, les fabricants de tabacs considèrent que cette estimation est sous-évaluée et prévoient plutôt un produit de 9,1 milliards d'euros, soit une hausse sur l’année 2003 de 500 millions d'euros.

L’« erreur de prévision » initiale du gouvernement peut s’expliquer par deux facteurs :

– une hausse du prix des cigarettes inférieure à celle souhaitée (11 % au lieu de 17 %), notamment en raison d’un trop faible relèvement des minima de perception l’année dernière ;

– un volume de consommation de cigarettes plus faible que prévu, en raison d’une élasticité prix de la consommation de tabac plus proche de ‑ 0,8 que du ‑ 0,3 utilisé dans les modèles économétriques. Si l’élasticité atteignait ‑ 1, l’augmentation des prix provoquée par la fiscalité provoquerait une diminution telle du marché que les recettes fiscales elles-mêmes diminueraient, ce qui serait un cas d’école d’application de la « courbe de Laffer » selon laquelle : « trop d’impôt tue l’impôt » !

La nouvelle hausse des prix (+ 19 % en moyenne) au 20 octobre 2003, conséquence de la loi du 31 juillet 2003 majorant le taux normal du droit de consommation de 3,01 %, n’aura quasiment aucun impact sur la recette fiscale 2003, car le circuit de distribution par les débitants de tabac entraîne un retard de deux mois entre la vente d’un produit et le recouvrement de la recette correspondante par l’Etat, soit seulement à la fin du mois de décembre en l’espèce.

En 2004, le produit total attendu par le gouvernement serait de 9,6 milliards d'euros, soit le montant déjà prévu pour 2003 par la loi de financement de la sécurité sociale de l’année dernière ! L’augmentation de 800 millions d'euros pour l’année prochaine devrait être la conséquence de trois hausses de prix :

– l’augmentation de 19 % du 20 octobre 2003,

– l’augmentation corrélative de 9 % annoncée pour juillet 2004 par les fabricants pour retrouver leur niveau de marge unitaire,

– l’augmentation de 20 % au 1er janvier 2004 devant résulter de l’article 25 du projet de loi de finances pour 2004, lequel relève de 0,74 % à 3,17 % (soit une hausse de 2,43 points) la taxe additionnelle à la TVA perçue sur les tabacs au profit du BAPSA.

Cette dernière augmentation a pour but d’obtenir directement 300 millions d'euros supplémentaires pour le BAPSA. Cependant, elle se répercutera sur le niveau des prix de vente (+ 8 %, en plus des effets de la hausse du 20 octobre 2003), entraînant une augmentation induite du produit perçu au titre du droit de consommation. A cet égard, il faut préciser que la hausse des prix est la conséquence des stratégies commerciales des fabricants de tabac, qui ne souhaitent pas perdre sur leurs marges, alors même que leurs résultats demeurent encore largement excédentaires.

Si on constate une diminution réelle de la consommation (‑ 8 % entre les huit premiers mois de 2003 et les huit premiers mois de 2002) et du volume de cigarettes vendues (63 millions d’unités en 2004, contre 73 millions en 2003), conséquence souhaitée de la politique promue de hausse des prix, on peut légitimement douter d’un effet important des augmentations de prix sur la contrebande et les ventes transfrontalières.

En effet, la France reste, pour l’instant, un pays de transit dans lequel la contrebande est assez peu développée, notamment en raison du rôle joué par les débitants de tabacs. Les quantités de cigarettes saisies au cours des cinq dernières années, y compris début 2003, ne permettent pas d’étayer l’hypothèse d’une recrudescence significative du phénomène de contrebande. La direction générale des douanes et des droits indirects estime qu’il représente 2 % à 3 % des volumes de produits du tabac vendus en France. De plus, les constatations réalisées par les services douaniers se rattachent, dans la quasi-totalité des cas, à des opérations de trafics illicites de grande envergure visant à alimenter le marché parallèle d’autres Etats membres de l’Union européenne (le Royaume-Uni principalement).

De même, les achats transfrontaliers de cigarettes, effectués lors de déplacements de particuliers et destinés à leur consommation personnelle, sont légaux dans le cadre communautaire. En effet, les différences de taxation qui existent entre Etats membres favorisent le développement des achats de tabac dans les pays où la fiscalité est moins élevée (avec par exemple des prix estimés pour la Marlboro en 2004 à 2,65 euros en Espagne, 3,90 euros en Allemagne ou 3,60 euros en Italie). Conformément au principe de la libre circulation des personnes et des marchandises, ces achats sont légaux dès lors qu’ils sont réalisés par un particulier pour sa consommation personnelle.

La direction générale des douanes et des droits indirects estime actuellement les ventes transfrontalières entre 3 % à 4 % des volumes vendus en France. Alors que les ventes de tabac ont diminué de 8 % sur les huit premiers mois de 2003, le nombre de fumeurs n’aurait diminué que de 4 %. La différence trouve pour l’essentiel son origine dans l’approvisionnement à l'étranger, régulier pour un Français sur dix et pour 22 % de ceux qui habitent en zone frontalière.

Afin que les débitants de tabac ne soient pas pénalisés par la diminution de la consommation de tabac et les ventes transfrontalières, le gouvernement a annoncé le 10 octobre 2003 un plan de 120 millions d'euros qui comporte deux volets : un volet général qui permettra d'accroître de 10 % le revenu de chaque débitant de tabac, et un volet supplémentaire en faveur des frontaliers. Des aides individuelles pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros pour ceux qui sont les plus touchés par le recul des ventes seront ainsi accordées par l’Etat. Des discussion sont également en cours avec les débitants pour définir les termes d’une charte étendant les services qu’ils rendent à la population. Par ailleurs, des mesures de lutte contre la fraude et la contrebande seront discutées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, afin de renforcer les peines applicables. Le rapporteur estime toutefois opportun d’établir une évaluation précise de ces dispositions afin de mesurer l’impact réel de la majoration des prix du tabac sur ces acteurs économiques de proximité.

b) La modification de l’affectation des droits sur les tabacs

Les droits sur les tabacs sont traditionnellement un impôt d’Etat, héritage de l’ancien monopole concédé à la SEITA.

Il a été décidé de transférer en partie les droits sur les tabacs à l’assurance maladie pour compenser le coût du tabagisme pour les dépenses de santé. Ainsi, fin 1996, 6 % de ces droits ont été affectés au Fonds national de prévention, d'éducation et d’information sanitaires  (FNPEIS) de la CNAMTS.

A partir de 2000, l’Etat a décidé de participer au financement des exonérations de cotisations sociales en transférant au FOREC une de ses recettes fiscales, en l’occurrence les droits sur les tabacs : 91 % ont ainsi été affectés au FOREC. L’opposition d’alors avait dénoncé le détournement de cette recette fiscale, qui n’aurait eu de justification qu’en abondant la branche maladie.

La loi de finances pour 2001 a affecté l’intégralité du produit du droit de consommation sur les tabacs aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale et aux organismes créés pour concourir à leur financement. Il revenait alors à la loi de financement de la sécurité sociale de répartir ce produit chaque année.

Compte tenu de la suppression et de la rebudgétisation du FOREC, la loi de financement de la sécurité sociale perd l’intégralité de sa compétence au profit de la loi de finances, en vertu de l’article 36 de la LOLF, en matière d’affection d’une imposition redevenue impôt d’Etat. C’est pourquoi l’article 24 du projet de loi de finances pour 2004 définit une nouvelle clef de répartition pour le droit de consommation sur les tabacs.

 

Bénéficiaire

LFI 1997

LFI 1998

LFI 2000

LFSS 2001

LFSS 2002

LFSS 2003

PLF 2004

Etat

93,61 %

90,9 %

5,9 %

-

-

-

26,94 %

CNAMTS

6,39 %

9,1 %

16 %

2,61 %

8,84 %

15,2 %

22,27 %

FOREC

-

-

77,7 %

97 %

90,77 %

84,45 %

-

Fonds préretraites amiante

-

-

0,39 %

0,39 %

0,39 %

0,35 %

0,32 %

BAPSA

-

-

-

-

-

-

50,16 %

FFIPSA

-

-

-

-

-

-

0,31 %

 

Le rapporteur se félicite qu’une part toujours plus importante des droits sur les tabacs soit affectée à l’assurance maladie, mais il souhaite que ce mouvement se poursuive car une des conditions de la crédibilité des hausses de prix au nom de la politique de santé publique dépend de la légitimité de ce prélèvement supplémentaire. Il faut donc bien pouvoir dire, à chaque hausse des cigarettes, que les recettes correspondantes n’alimenteront pas les caisses de l’Etat mais permettront à la CNAM de mener des actions de prévention.

 

 


 

IiI.- la stabilisation du déficit de l’assurance maladie : un préalable indispensable à la réforme

 

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 affiche une volonté ambitieuse d’optimisation du budget de l’assurance maladie. Sans préjuger de la concertation sur l’avenir de l’assurance maladie, lancée avec la mise en place du Haut conseil par le Premier ministre le 13 octobre 2003, le présent projet de loi est la première étape du nécessaire retour à l’équilibre des comptes de l’assurance maladie. Ce Haut conseil pourrait d’ailleurs être ultérieurement pérennisé sous la forme d’un Conseil d’orientation pour la santé, à l’instar du Conseil d’orientation des retraites (COR).

En matière de recettes, toute hausse de CSG ou prolongement de CRDS a été exclu dans le contexte économique actuel. Il est essentiellement proposé trois mesures permettant d’augmenter les recettes de la branche maladie d’un montant d’un milliard d’euros en 2004 : un prélèvement sur l’industrie pharmaceutique pour 150 millions d'euros, l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours contre tiers pour 100 millions d’euros et la hausse des prix du tabac, votée en juillet dernier et effective en octobre, dont le produit sera intégralement affecté à l’assurance maladie, soit 800 millions d’euros.

Les mesures d’économies portent essentiellement sur les dépenses. Elles s’accompagnent de réformes structurelles, qui porteront leurs fruits dans plusieurs années.

Sur le plan financier, par croisement des mesures sur les recettes et les dépenses, l’objectif du présent projet de loi de financement est de stabiliser le déficit de la branche maladie, à savoir passer d’une tendance à – 14 milliards d’euros à un déficit de 11 milliards, soit autant qu’en 2003. Il faut rappeler que ce niveau de déficit pour la branche maladie engendre des frais financiers considérables, à hauteur de 600 millions d'euros en 2004.

Cet effort significatif de 3,1 milliards d'euros sera justement réparti entre les professionnels de santé, les assurés sociaux et les caisses, tant le rythme spontané des recettes est inférieur à la pente naturelle des dépenses.

a. mettre en ½uvre la maîtrise médicalisée des dépenses ambulatoires

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoit un nombre important d’outils pour que la maîtrise médicalisée des dépenses ambulatoires permette une inflexion réelle des comportements, et partant de la progression des dépenses d’assurance maladie. Les économies liées à la maîtrise médicalisée sont chiffrées à 800 millions d'euros en 2004 par le gouvernement.

Les assurés sont aussi responsabilisés, avec un meilleur contrôle des affections de longue durée, des exonérations liées aux actes chirurgicaux cotés K50 et des indemnités journalières et avec la non-prise en charge des actes dont l’objet est extérieur au système de santé, par exemple la délivrance de certificats pour la pratique d’un sport. Enfin, le forfait journalier à l’hôpital, qui n’a pas été réévalué depuis 1996 alors même que les coûts de l’hôpital ont fortement progressé, sera augmenté à 13 euros, ce qui rapportera 180 millions d'euros.

1. Les mesures de maîtrise médicalisée des dépenses

La croissance des dépenses de soins de ville à un rythme toujours trop rapide (+ 7,7 % en 2003) doit s’accompagner du développement des outils de maîtrise médicalisée. Cette voie de la responsabilisation est la seule voie possible, ainsi que le Président de la République l’a réaffirmé lors du trente-septième congrès de la Mutualité  Française le 12 juin 2003 : « Il faut sans plus attendre généraliser les outils de maîtrise médicalisée des dépenses. […] L’Etat et les acteurs du système de santé doivent engager le travail nécessaire à la mise en place, au plus tard au terme des douze mois à venir, de cette politique indispensable à la qualité et à la pérennité de notre système de santé. » Cette volonté trouve un certain nombre d’illustrations dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

a) La promotion des accords de bon usage des soins

Quarante accords de bon usage de soins (AcBUS) ont été approuvés par le ministre chargé de la santé depuis mai 2002. Si le plus important est celui signé le 1er juillet 2002 entre les caisses nationales d’assurance maladie et les syndicats de médecins généralistes, portant sur la bonne utilisation des visites au domicile du patients, trente-neuf autres accords de portée nationale ou régionale ont également été signés par d’autres professions de santé, médicales ou para-médicales.

Le projet de loi prévoit des dispositions qui renforcent la qualité des accords, via l’intervention de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES), et simplifient leur mise en ½uvre en conférant à la CNAM un pouvoir de mise en ½uvre directe des AcBUS régionaux et en lui transférant, pour les AcBUS nationaux, le pouvoir d’approbation actuellement exercé par le ministre.

b) L’expérimentation de la gestion du risque par des groupements de médecins

L’article 36 du projet donne la possibilité aux unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM) de déléguer par contrat certaines de leur compétences de gestion du risque à des groupements de médecins libéraux. L’objectif est de favoriser ainsi les échanges de bonnes pratiques entre médecins et un suivi cohérent des patients.

c) Un meilleur suivi des affections de longue durée

Les dépenses des patients admis en affection de longue durée (ALD) représentent près de la moitié des dépenses remboursées par les régimes d’assurance maladie. La progression de ces dépenses d’ALD est plus rapide que celle des autres bénéficiaires. Cela s’explique par une progression rapide du nombre de personnes admises en ALD, de l’ordre de 6 % par an pour le régime général, et une croissance de la dépense unitaire rapide liée à l’augmentation du coût des traitements.

L’objectif poursuivi par le gouvernement est de rationaliser le suivi des ALD au travers de deux types de mesures : recentrer le contrôle médical sur l’admission à exonération de certaines pathologies et de certaines prestations et améliorer le suivi en renforçant le rôle du Protocole Inter Régime d'Examen Spécial (PIRES).

Ainsi l’article 31 du projet prévoit-il d’appliquer la limitation ou l’exonération du ticket modérateur liées à l’ALD uniquement aux actes et prestations qui seront spécifiés dans le PIRES, sur la base d’un accord entre le contrôle médical de l’assurance maladie et le médecin traitant.

d) L’amélioration de la gestion des indemnités journalières

La progression des indemnités journalières (IJ) est forte depuis trois ans. Si cela peut s’expliquer par certains facteurs conjoncturels (remontée du chômage) mais aussi structurels (problématique des travailleurs âgés), certaines évolutions montrent qu’il est nécessaire de renforcer le suivi des indemnités journalières. La CNAM, qui a la responsabilité première du suivi des IJ via les services du contrôle médical, a engagé des actions permettant de mieux identifier les raisons de certaines dérives et les moyens pour y remédier. Les négociations entre la CNAM et l’Etat pour le renouvellement de la convention d’objectifs et de gestion en 2004 devront permettre de fixer des objectifs ambitieux à la CNAM dans ce domaine. En effet, au moins 6 % des indemnités journalières ne sont pas justifiés, ce qui correspond à 400 millions d'euros de dépenses inutiles.

Pour 2004, l’objectif du projet de loi de financement en matière de maîtrise médicalisée est de réduire la croissance des soins de villes de 800 millions d'euros. Cet objectif est ambitieux mais réaliste. Il peut se décomposer de la manière suivante : une réduction de 1 % de la croissance des volumes d’actes (4,5 % par an actuellement) et une réduction de 1,6 % de la croissance des prescriptions (7 % environ actuellement).

Ventilation des économies liées à la maîtrise médicalisée en 2004

(en millions d’euros)

Economies liées à la maîtrise médicalisée

800

 

 

Dont

 

 

 

Baisse de 1 % de la croissance du volume des actes

(soit des honoraires à + 4,9 % avant autres mesures d’économies)

260

Dont

 

Baisse de 3 % de la croissance des exonérations de ticket modérateur au titre des ALD

105

Exclusion des actes non remboursables (certificats…)

35

Engagements de bonnes pratiques, AcBUS

(portant sur 0,5 % des actes)

120

 

 

Baisse de 1,6 % de la croissance des prescriptions

(soit des prescriptions à + 5 % avant autres mesures d’économies)

540

Dont

 

Baisse de 3 % de la croissance des exonérations de ticket modérateur au titre des ALD

195

Baisse de 2 % de la croissance des IJ

(par rapport à une croissance des IJ de 10 % en 2002)

160

Progression des génériques hors TFR

35

Réduction des prescription inutiles

(soit 0,5 % des prescriptions)

150

2. Les mesures de responsabilisation des assurés sociaux

« La santé n’a pas de prix mais elle a un coût ». Mais savons-nous réellement ce que nous payons chaque année pour financer, au travers des cotisations et contributions sociales, nos droits dans le domaine de la protection sanitaire et sociale ? Nous pouvons affirmer que non. C’est pourquoi, afin de responsabiliser l’ensemble des Français qui financent leur protection sociale, il semble nécessaire de les informer en retour sur l’argent qu’ils consacrent sans vraiment le savoir à ce poste si important de dépenses au titre de la solidarité nationale. Le rapporteur proposera, dans le cadre de cette démarche de responsabilisation, d’envoyer à chacun, une fois par an, un relevé indicatif de l’utilisation du prélèvement social entre la branche maladie, la branche accidents du travail, la branche famille, la branche vieillesse (assurance et solidarité) et la dépendance.

Les mesures de responsabilisation proposées par le gouvernement sont les suivantes :

a) La responsabilisation des assurés en matière de prise en charge des actes remboursables

L’assurance maladie rembourse les soins nécessaires des assurés sociaux. Ce principe, constamment rappelé, implique qu’une prestation n’a vocation à être prise en charge au titre de l’assurance maladie que si elle correspond à un besoin effectif de soins et a pour objet le traitement d’une maladie. Par dérogation à ce principe, certains actes de prévention ou de dépistage peuvent être pris en charge, à condition que cela soit expressément prévu par les textes.

Or, le code de la sécurité sociale, et en particulier son article L. 321-1, se limite à décrire le contenu du panier de soins pris en charge, sans prévoir explicitement ce principe. Ce manque de précision a pu avoir pour effet une prise en charge indue de certains actes effectués dans le seul but d’obtenir un certificat médical censé autoriser l’obtention d’une licence sportive, un brevet de pilote ou le droit de conduire au-delà d’un certain âge. Parfois, des actes sont effectués ou prescrits non en raison de l’état du patient mais pour répondre à des exigences provenant d’une réglementation extérieure.

Afin d’éviter ces pratiques, l’article 32 du présent projet exclut du remboursement par l’assurance maladie les actes effectués en dehors de toute justification médicale. Ainsi les prestations qui auront été indûment remboursées à ce titre pourront faire l’objet d’un remboursement par l’assuré.

b) La clarification des règles d’exonération du ticket modérateur

Les dépenses en ville exonérées de ticket modérateur ont augmenté de 11,2 % en 2002, soit deux fois plus vite que les dépenses non exonérées. Un tel différentiel conduit à s’interroger sur les règles actuelles de l’attribution des exonérations et notamment celles liées à un acte ou une série d’actes dont le coefficient global est égal ou supérieur à 50. D’après un arrêté du 27 juin 1955, la participation de l’assuré est supprimée à l’occasion de tout acte (ou série d’actes) affecté à la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) d’un coefficient global supérieur ou égal à 50.

Cette disposition vise essentiellement les actes thérapeutiques de nature chirurgicale et quelques actes de diagnostic. L’exonération concerne non seulement l’acte (ou la série d’actes) dont le coefficient global est supérieur ou égal à 50, mais également tous les soins directement liés et nécessaires à cet acte, y compris l’hospitalisation. Par exemple, lorsque l’acte exonérant est réalisé au cours d’une hospitalisation, l’exonération couvre aussi bien la période d’hospitalisation que les actes et prestations (médicaments, transport, hospitalisation) consécutifs pour autant qu’ils aient un lien avec l’acte exonérant.

Les ordonnances Jeanneney de réforme de la sécurité sociale en 1967 ont fixé les conditions d’exonération du ticket modérateur. Des décrets en Conseil d’Etat devaient préciser clairement les règles. En l’absence de ces décrets, les règles de 1955 continuent à s’appliquer. Depuis 1967, cette situation a perduré. La croissance forte des actes exonérés de ticket modérateur ces dernières années nécessite un réexamen et une rationalisation de règles d’exonération de plus en plus coûteuses et appliquées de manière inégale.

C’est pourquoi le gouvernement proposera, par voie réglementaire, de clarifier le champ de l’exonération en la ciblant pour les actes les plus coûteux, c’est-à-dire les actes dont la cotation est supérieure à 50, sur les soins réalisés dans les seules périodes d’hospitalisation au cours de laquelle l’acte est réalisé ou consécutives à cette hospitalisation, lorsque l’acte initial est réalisé à l’hôpital. En effet, ce sont ces soins de suite qui sont les plus coûteux, puisque le ticket modérateur moyen pour un séjour hospitalier est de 100 euros alors que le ticket modérateur d’une consultation en ville est de l’ordre de 6 à 7 euros.

Cette révision des règles d’exonération ne remettra pas en cause le bénéfice de l’exonération du ticket modérateur à un autre titre (titulaire d’une pension d’invalidité, ALD). La mesure est donc notamment sans impact sur les personnes atteintes de maladies graves qui demeurent exonérées de ticket modérateur au titre de leur ALD.

c) L’augmentation du forfait journalier à l’hôpital

Le forfait journalier correspond à la participation financière des patients aux frais d’hébergement et d’entretien liés à l’hospitalisation lorsque celle-ci dure plus d’une journée. Il est aujourd’hui fixé à 10,67 euros. Ce forfait n'est pas pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale, sauf dans certains cas particuliers (les enfants et adolescents handicapés hébergés dans des établissements d'éducation spéciale ou professionnelle, les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, les bénéficiaires de l'assurance maternité).

Le forfait a été augmenté pour la dernière fois le 1er janvier 1996. Son montant n’a pas évolué avec l’inflation. Le gouvernement envisage donc de procéder à une revalorisation de son montant à 13 euros, ce qui constitue principalement un rattrapage par rapport à l’évolution de la richesse nationale.

Dans une période où les hôpitaux doivent faire face à des contraintes organisationnelles et financières très fortes notamment du fait de la mise en ½uvre des trente-cinq heures, il est logique de faire contribuer, de façon raisonnable, l’ensemble des usagers du service public hospitalier pour accompagner la modernisation de l’hôpital et lui permettre de faire face aux besoins de santé de la population. Cette mesure ne remet cependant pas en cause l’égal accès aux soins puisque les bénéficiaires de la CMU complémentaire, c’est-à-dire les plus défavorisés, n’en supporteront pas la charge. De même, le forfait journalier pour une hospitalisation en hôpital psychiatrique devrait diminuer à 9 euros pour ne pas pénaliser les malades qui alternent hospitalisation et intégration sociale en ville.

B. mettre en place les instruments d’une nécessaire modernisation des hôpitaux

La modernisation hospitalière sera réalisée grâce à la mise en place d’une tarification à l’activité commune pour les établissements hospitaliers. Ce projet maintes fois prôné sera progressivement mis en place et permettra d’allouer les ressources de l’assurance maladie aux établissements qui en ont réellement besoin et qui ont fait la preuve de leur efficacité en termes de qualité des soins. Cette réforme s’accompagne de la mise en application du plan « Hôpital 2007 », qui permet de financer des investissements à hauteur de 10 milliards d'euros. Il importera cependant de tenir compte des propositions sur la gouvernance interne des établissements de santé formulées par la mission d’information de la commission présidée par M. René Couanau pour que ces outils soient réellement efficaces.

1. La mise en ½uvre du plan « Hôpital 2007 »

Le plan d’investissement national « Hôpital 2007 », mis en ½uvre dans le cadre d’une circulaire de mars 2003, prévoit de réaliser 6 milliards d'euros d’investissements supplémentaires dans les hôpitaux entre 2003 et 2007, correspondant à une augmentation de l’investissement moyen annuel de 30 %, aussi bien dans les établissements publics de santé que dans les établissements de santé privés, participant ou non au service public hospitalier.

Le plan repose sur deux sources de financement :

– Des aides en fonctionnement versées dans le cadre de l’ONDAM, destinées aux établissements publics et privés sous dotation globale, pour un montant annuel de 90 millions d'euros (70 millions d'euros en 2003) permettant de financer 4,5 milliards d'euros d’investissements.

– Des aides en capital, à hauteur d’1,5 milliard d'euros sur cinq ans, versées par le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP), destinées prioritairement aux établissements privés ne participant pas au service public hospitalier qui ne peuvent recevoir de subvention de fonctionnement. Près de 30 % de ces subventions en moyenne seront versées aux établissements de santé privés financés sous objectif quantifié national (OQN).

Les objectifs régionaux pluriannuels d’investissement ont fait l’objet d’une élaboration concertée au niveau régional, entre les établissements de santé, les fédérations représentatives, les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et les élus locaux. L’objectif initial de 6 milliards d'euros d’investissements supplémentaires sur cinq ans a été largement dépassé puisque les ARH ont présenté une liste de plans d'investissement dont le montant total s’établit à 10,2 milliards d'euros et comporte 937 opérations.

Les aides ont fait l’objet d’une notification aux ARH le 12 septembre 2003. Ces notifications comportent :

– le montant des investissements régionaux qui seront réalisés dans le cadre du plan « Hôpital 2007 » ;

– le montant indicatif des aides allouées pour la durée du plan (en capital et en fonctionnement) ;

– le montant opposable des aides allouées au titre de l’année 2003 ;

– diverses précisions intéressant la part des aides attribuées aux établissements de santé à but lucratif, le plan cancer ou les investissements liés au systèmes d’information.

Dès 2003, le FMESPP versera 300 millions d'euros aux établissements de santé. Les subventions attribuées au titre du FMESPP seront payées par la Caisse des dépôts et consignations sur présentation d’une facture attestant du début de réalisation des travaux ou de pièces justificatives attestant de l’acquisition du matériel.

2. La mise en ½uvre de la tarification à l’activité dans les établissements de santé publics et privés

La réforme du mode de financement des structures hospitalières opérée par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à libérer le dynamisme des établissements de santé et leur potentiel d’adaptation dans un environnement en mutation. En effet, la dotation globale a aujourd’hui montré ses limites. Il est nécessaire de mettre en ½uvre un mécanisme de financement qui prenne davantage en compte l’activité médicale et le service rendu. De plus, la dichotomie des règles de financement entre les secteurs public et privé freine les coopérations indispensables et rend difficile la mise en place d’une régulation médicalisée.

En rapprochant les ressources des établissements de l’activité médicale réellement produite, la tarification à l’activité contribuera à la réduction des dépenses injustifiées et incitera les établissements à développer les outils de contrôle de gestion médicalisée. Fondée sur le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), la tarification à l’activité introduira des nouveautés essentielles pour la bonne prise en charge des patients. Ainsi, les activités de réanimation, de soins palliatifs et les séjours très longs seront-ils mieux valorisés et permettront aux établissements d’accueillir tous les patients sans distinction. Il reviendra aux gestionnaires et aux médecins de mieux organiser la prise en charge dans ses différentes dimensions afin de qu’elle soit efficiente.

Le service public sera consolidé car les missions d’intérêt général, garantes à la fois du progrès médical et de l’accès de tous au système de soins, seront financées forfaitairement et leur rôle sera consacré à travers les contrats d’objectifs et de moyens. De même, les activités médicales liées à la permanence des soins comme les urgences bénéficieront d’un financement mixte comprenant à la fois un forfait et une rémunération liée à l’activité. La distinction ainsi opérée entre les différentes activités et missions se traduira par trois enveloppes dont les résultats pourront être évalués séparément.

Par ailleurs, la régulation médicalisée, induite par la réforme, assure le lien entre la production hospitalière et les objectifs de santé publique du gouvernement. En effet, la fixation annuelle des tarifs ouvre la possibilité de prendre en compte les priorités sanitaires nationales et d’inciter, ainsi, les établissements à y répondre.

Enfin, la tarification à l’activité met en ½uvre une harmonisation des modalités de financement entre les secteurs publics et privés dans le respect de leurs identités respectives et pour le grand bénéfice des patients. En premier lieu, l’harmonisation des modalités de financement entre les secteurs public et privé d’hospitalisation sera progressive. Pour 2004, l’instauration d’un coefficient correcteur pour les établissements privés et la mise en ½uvre d’un financement partiel (10 %) à l’activité, dans le cadre de la dotation globale, sont représentatives de la volonté du gouvernement d’allier modernisme et progressivité. La période de convergence pour ces deux mécanismes est fixée par la loi à dix ans. En deuxième lieu, l’harmonisation porte sur les modalités de régulation des dépenses d’assurance maladie consacrées à l’hospitalisation et sur le dispositif de contrôle des établissements. L’enveloppe tarifaire, qui comprendra aussi les dépenses médicales, fera l’objet d’une régulation de type prix/volume commune à l’ensemble des établissements. De cette manière, la réforme assure la fongibilité des ressources entre les deux secteurs à l’inverse du cloisonnement existant aujourd’hui.

Le rapporteur attend beaucoup de la mise en ½uvre de cette réforme fondamentale pour dynamiser la gestion hospitalière. C’est à ces conditions que pourront s’effectuer la modernisation et la pérennisation de notre système de soins, basé sur les principes de solidarité et d’universalité.

 


 

 

travaux de la commission

 

I.- AUDITIONs

 

A.  audition du premier président de la cour des comptes

La commission a entendu M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, et M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, sur le rapport annuel de la Cour sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, au cours de sa séance du jeudi 18 septembre 2003.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est devenue un exercice traditionnel depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale en 1997. Pour autant, cet exercice n’a rien perdu de son intérêt, compte tenu de la richesse habituelle du document. L’expertise de la Cour est particulièrement utile en raison de l’ampleur et de la complexité des sujets à traiter dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale, et tout particulièrement cette année où le rapport traite à la fois de la régulation des dépenses d’assurance maladie et de la situation des personnes âgées, sujets brûlants et d’actualité s’il en est.

Les rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale vont rencontrer les magistrats de la sixième chambre pour étudier dans le détail le volumineux rapport présenté aujourd’hui : Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l’assurance vieillesse, organisera une réunion de travail sur le thème « Retraites et santé des personnes âgées ». M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, et M. Bruno Gilles, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail, ont de leur côté prévu de rencontrer les magistrats le mercredi 8 octobre à 14 h 30, sur le thème du financement et de la gouvernance de l’assurance maladie. Bien entendu, ces réunions de travail sont ouvertes à tous les membres de la commission.

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a tout d’abord rappelé que cette audition constitue le sixième rendez-vous de la Cour des comptes avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et que le rapport de la Cour sur la sécurité sociale constitue désormais l’un des trois rapports publics annuels de la Cour.

Le présent rapport consacre, selon le plan habituel, sa première partie à l’examen de la situation des comptes sociaux pour l’année 2002. Il dresse le bilan de la façon dont les principales dispositions financières de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, qu’elles portent sur les recettes ou les dépenses, ont été mises en ½uvre.

Sur ce premier point, deux observations peuvent être faites.

Il faut tout d’abord souligner – car les sujets de satisfaction ne sont pas très nombreux – les progrès qui ont été réalisés en matière de normalisation des méthodes comptables. La présentation de comptes consolidés du régime général ou de l’ensemble des régimes obligatoires entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale est un exercice complexe, beaucoup plus complexe que pour les comptes de l’Etat. Il s’agit en effet d’agréger les comptes d’un millier d’organismes locaux, en dépenses pour l’ensemble des risques couverts et en recettes. La mise en place progressive d’une comptabilité en droits constatés pour l’ensemble de ces organismes a représenté un progrès décisif, mais il faut maintenant, et la Cour y veille régulièrement, harmoniser les méthodes de provisionnement et de calcul des charges à payer et produits à recevoir pour que cet exercice soit totalement fiable. C’est sur ce terrain que des progrès sensibles ont été notés. La Cour n’a donc pas eu à procéder, à l’inverse de ce que qui se faisait jusqu’à présent, à la correction des comptes présentés à la Commission des comptes de la sécurité sociale, même si certains retraitements comptables pratiqués par la direction de la sécurité sociale mériteraient d’être traités avec plus de rigueur.

En second lieu, sur le fond, la caractéristique principale de l’année 2002 est le retour des déficits. Dans son rapport de l’an dernier, la Cour avait déjà souligné la fragilité du redressement des comptes. En 2002, après trois années d’excédents, les comptes sociaux ont renoué avec le déficit, avec un montant de 3,4 milliards d’euros pour le régime général et de 3,8 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes de base obligatoires. Le point crucial est la persistance d’un rythme élevé – certains pourraient dire excessif – de progression des dépenses d’assurance maladie, qui explique que le déficit soit concentré sur cette seule branche et qu’il atteigne des niveaux inconnus jusqu’alors. En 2002, une nouvelle fois, l’ONDAM a dépassé, de près de 4 milliards d’euros, le montant voté par le Parlement. C’est devenu malheureusement une sorte d’habitude qui engendre des interrogations fortes sur ce système complexe, dont la logique initiale a été dégradée au fil des années. Par rapport à 1998, le poids de l’ONDAM dans la richesse nationale est passé de 7 % à 7,8 %, et la Nation consacre aujourd’hui plus de 20 % des prélèvements obligatoires à couvrir le poids des dépenses de santé.

La deuxième partie du rapport de la Cour est, en écho à la crise financière de l’assurance maladie, consacré précisément à l’évolution et à la régulation des dépenses d’assurance maladie depuis 1990.

Le rapport fait le point des facteurs structurels qui expliquent l’accélération régulière de l’évolution des dépenses d’assurance maladie : sur prescription de médicaments, progression forte des dépenses d’indemnités journalières, accès croissant de certains assurés au bénéfice de l’affection de longue durée (qui concerne aujourd’hui six millions de personnes). Des facteurs plus conjoncturels sont aussi mis en évidence : certaines décisions récentes, qu’il s’agisse de la succession des protocoles hospitaliers ou des revalorisations substantielles d’honoraires, ont encore accéléré les dépenses et dégradé les comptes.

Au-delà de ces constats simples assis sur des observations chiffrées, le rapport souligne le caractère aujourd’hui inopérant des mécanismes de régulation des dépenses mis en place depuis le début des années quatre-vingt dix, qu’il s’agisse des instruments de maîtrise comptable des dépenses, c’est-à-dire des enveloppes de dépenses par profession de santé, ou des instruments de maîtrise médicalisée, dont l’impact est des plus limités. Notre système de santé n’est aujourd’hui plus régulé et c’est une situation qui n’est pas tenable longtemps.

Enfin, la dernière partie du rapport aborde certains problèmes liés au vieillissement de la population. Bien évidemment, en lançant ces études spécifiques il y a un an, la Cour des comptes n’imaginait pas que certains de ses constats coïncideraient avec une actualité tragique.

Sous l’angle des retraites d’abord, le rapport revient sur l’ampleur des enjeux financiers du vieillissement à l’horizon de 2040 – les dépenses devraient représenter entre 4 % et 4,5 % du PIB – et met en évidence les grandes disparités de notre système de retraites, en particulier des règles de liquidation des retraites. Il analyse également des facteurs propres à la gestion de certains régimes.

Sous l’angle de la santé ensuite, plusieurs développements relatifs aux réseaux de santé, à la prescription de médicaments ou au fonctionnement des urgences montrent l’inadaptation de notre système de santé aux enjeux majeurs de l’allongement de la durée de la vie. Les événements de l’été semblent largement confirmer ce constat tiré d’enquêtes effectuées antérieurement à ces événements. S’agissant en particulier du traitement en urgence des personnes âgées, la Cour ne peut évidemment pas présenter une analyse des événements récents. Dans ces conditions, il est extrêmement difficile de porter une quelconque appréciation sur les « dysfonctionnements » ou « erreurs » qui auraient pu être commis et la Cour ne peut pour l’instant qu’apporter ces matériaux de réflexion, fondés sur ses constats antérieurs, à la mission d’information constituée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur les conséquences de la canicule.

En conclusion, il faut tout d’abord redire que la méthode de travail de la Cour repose essentiellement sur l’analyse contradictoire. Dans le cadre de ce rapport, outre les réponses des ministres eux-mêmes – M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, M. Jean François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Francis Mer, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire –, intégralement publiées à la fin du rapport, plus de 140 organismes, administrations et établissements ont été associés aux travaux et ont réagi aux constats faits par la Cour. Les réponses envoyées par écrit sont également publiées.

D’autre part, il est tout à fait souhaitable de poursuivre les méthodes de travail existant entre la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et la Cour des comptes. Si la commission souhaite que la Cour, dans ses prochains rapports annuels, voire dans des rapports publics particuliers, examine certains points spécifiques, la chambre compétente peut y répondre favorablement. Bien entendu, de telles demandes devraient prendre place dans le programme de travail de la chambre compétente de la Cour, ce qui suppose qu’elles soient formulées en temps utile, au moment où ce programme est formalisé.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a situé le rapport pour 2003 dans la continuité des rapports précédents ainsi que dans la perspective des préoccupations et demandes exprimées par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Cette continuité apparaît de façon évidente pour les trois « figures imposées » que constituent l’analyse des comptes sociaux, le suivi de l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et le compte rendu de l’activité des comités régionaux d’examen des comptes dont la Cour des comptes pilote les travaux. Il s’agit d’obligations législatives auxquelles la Cour s’efforce de répondre au mieux.

Le rapport poursuit également le développement de thèmes figurant déjà dans les rapports précédents. A titre d’exemple peuvent être cités le médicament et les soins aux personnes âgées qui font l’objet d’un chapitre particulier. Sur ces points, le rapport 2003 prolonge et conforte les constats exposés dans le rapport 2002. Ainsi, en ce qui concerne l’accueil des personnes âgées dans les services d’urgence, le rapport confirme les observations, déjà faites par la Cour, sur la relative inadéquation du dispositif aux besoins constatés comme l’a, malheureusement, illustré l’épisode de la canicule de cet été.

Il en est ainsi, également, des réflexions et observations relatives à l’assurance maladie, qui reprennent en partie les observations des rapports antérieurs. On constate ainsi à quel point sa situation est préoccupante. Dans ce contexte, le rôle de la Cour est d’éclairer les travaux et les débats sur la maîtrise des dépenses.

L’effort de maîtrise des dépenses de santé a été engagé à travers différents dispositifs depuis 1990 et, particulièrement, en 1996. A cet égard, le rapport dresse un bilan sans pour autant formuler de recommandations spécifiques. Il n’en établit pas moins un certain nombre de constats s’agissant de lacunes qu’il conviendrait de combler, de dysfonctionnements auxquels il conviendrait de mettre un terme rapide, de dispositions inapplicables ou excessivement coûteuses dont on pourrait faire l’économie ou de dispositifs existants mais trop souvent inappliqués.

L’analyse de la Cour montre que, dans ce domaine, l’ensemble des moyens de régulation est connu et que l’on sait ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. A titre d’exemple, l’action sur les comportements se révèle efficace à long terme. Ainsi, le chapitre IX du rapport consacré à l’accréditation et à l’évaluation montre un développement trop lent et des blocages trop nombreux. De même, la faiblesse du cadre institutionnel et financier empêche le Parlement de jouer pleinement son rôle, la pratique du rebasage de l’ONDAM concourant ainsi à maintenir une certaine obscurité.

Dans le domaine du médicament, le rapport appelle à des réorientations majeures tant il est vrai que la France est le seul pays qui poursuit autant d’objectifs à la fois (encadrement de la distribution, protection de l’industrie pharmaceutique, remboursement de beaucoup de spécialités à des taux élevés).

Dans le domaine des retraites, la loi du 21 août 2003 offre de meilleures perspectives financières sans répondre aux questions à long terme. Le rapport fait état de trop grandes disparités et inégalités dans l’organisation et la gestion des différents régimes. A la demande de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, la sixième chambre de la Cour des comptes a approfondi sa réflexion sur les aspects comptables et particulièrement sur les mécanismes de compensation interrégimes.

La Cour est en train de mener des études sur l’organisation territoriale de la sécurité sociale, la gestion du risque en maladie, la certification des comptes. La cinquième et la sixième chambres mènent, avec le concours des chambres régionales des comptes, des travaux relatifs à l’hébergement des personnes âgées, lesquels feront l’objet d’un rapport particulier en 2005. La fonction publique hospitalière ainsi que l’ensemble des professions hospitalières font aussi l’objet d’une étude en cours. Enfin, le rapport public de la Cour pour 2004 comportera une partie consacrée à la politique familiale et, plus particulièrement, à la politique de la petite enfance.

M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, a rappelé que le rapport 2003 est principalement axé sur l’évaluation des dispositifs de régulation et de maîtrise des dépenses de santé ainsi que sur l’enjeu que constitue le vieillissement de la population.

L’assurance maladie n’a jamais connu un déficit équivalent à celui d’aujourd’hui. Il est constaté que, quelle que soit la situation de l’économie, le déficit persiste ; cela prouve, si besoin était, qu’il s’agit d’un problème de dépenses et non pas d’un problème de recettes. La priorité est donc bien celle de la maîtrise des dépenses.

Entre 1990 et 2000, une relative modération des dépenses est constatée puis, à partir de l’année 2000, les dépenses s’emballent. Cette évolution s’explique par des tendances de fond comme la croissance des indemnités journalières, des affections de longue durée (ALD) ou des dépenses de médicament. Des décisions plus politiques et conjoncturelles concourent, elles aussi, à l’augmentation des dépenses. Ainsi, le report répété de décisions de déremboursement de médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant, à l’encontre des travaux de la commission de transparence, empêche d’économiser 1 milliard d’euros par an. De même, le coût des protocoles hospitaliers et de la réduction du temps de travail à l’hôpital a majoré l’ONDAM de 3,4 milliards d'euros par rapport à 1999. Par ailleurs, la revalorisation des honoraires pour les généralistes en 2002 s’est traduite par un coût en année pleine de 690 millions d’euros.

Dans le domaine des mécanismes de régulation mis en ½uvre depuis les années 1970, trois palettes d’actions existent mais n’ont pas produit les effets escomptés :

– L’ajustement par les prélèvements obligatoires et les déremboursements est contrebalancé par le fait que 90 % de la population bénéficie d’une complémentaire santé et que six millions de malades en ALD bénéficient d’une prise en charge à 100 %.

– La limitation des dépenses par la détermination d’enveloppes ou de lettres clé flottantes a été largement obérée par l’impossibilité de mettre en application des dispositifs instables et contestés sur le plan juridique.

– La politique conventionnelle avec les professions de santé, devant permettre de dépenser mieux comme le proposait le plan Veil de 1993, aurait dû être le support de la maîtrise médicalisée des dépenses. Divers instruments, malheureusement peu opératoires, ont ainsi été mis en place, tels l’accréditation de seulement 400 établissements de santé sur 3 000, la formation médicale continue obligatoire mais sans texte d’application, l’évaluation des pratiques médicales fondée sur le volontariat qui ne concerne que 180 praticiens sur 130 000 en exercice.

On peut donc considérer que la « crise de la régulation » des instruments de maîtrise des dépenses conduit à ce que tout le poids de la régulation de l’assurance maladie soit reporté sur le seul instrument financier qui constituent les prélèvement obligatoires.

Le rapport analyse enfin l’impact du vieillissement de la population sur les dépenses de santé. Première observation, de portée générale : cet impact est mal connu  et les études disponibles contradictoires. Quand on regarde des pays, comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, qui connaissent un vieillissement plus rapide que la France, on ne constate pas d’accélération similaire des dépenses de santé.

Trois points particuliers sont développés par le rapport :

– Premier point, les réseaux de soins destinés aux personnes âgées. Il y a une impression générale de foisonnement, un grand nombre d’initiatives étant prises, avec une efficacité variable selon l’implication des acteurs locaux. Le constat de la Cour porte principalement sur le manque de coordination de ces réseaux, qui nuit à leur développement harmonieux.

– Deuxième point, la consommation de médicaments par les personnes âgées. En premier lieu, la Cour relève un défaut général de coordination des prescriptions, sachant que les personnes âgées souffrent souvent de multiples pathologies, les statistiques faisant d’ailleurs apparaître qu’elles prennent en moyenne 3,6 médicaments différents par jour. D’autres pays sont beaucoup mieux organisés que la France ; ainsi, aux Etats-Unis des médecins référents font le point tous les ans avec les personnes âgées sur les prescriptions médicamenteuses et gèrent le risque iatrogène qui en résulte. Autre constat de la Cour, également assez spécifique à notre pays, la très grande insuffisance des effets thérapeutiques sur les personnes âgées. Il est significatif que les notices des médicaments ne comportent que très rarement des prescriptions spécifiques aux personnes âgées. Enfin, il y a trop de prescriptions aux personnes âgées de médicaments à service médical rendu insuffisant, de même que de prescriptions effectuées en dehors des pathologies visées par les autorisations de mise sur le marché.

– Dernier point, l’accueil des personnes âgées dans les services d’urgence. Le problème se pose à la fois en amont et en aval. En amont, la coordination est particulièrement difficile entre les différents intervenants dans le cas de personnes fragilisées, dépendantes et atteintes de pathologies multiples. En aval, on constate un manque de lits de médecine générale et de long séjour. Il faut savoir que 50 % des personnes âgées admises en urgence doivent être ensuite hospitalisées ; dans la mesure où il existe globalement une capacité hospitalière excédentaire de 30 000 lits, les lits de suite destinés aux personnes âgées devraient être créés en redéployant des lits des services de spécialité.

Le président Jean-Michel Dubernard a considéré que le tableau fait par la Cour des comptes de la situation de la sécurité sociale est à la hauteur de l’inquiétude des membres de la commission. Il a souhaité connaître l’état d’avancement des travaux de la Cour en réponse aux demandes de la commission, notamment sur les politiques de prévention, la certification des comptes sociaux et les aides au logement, et s’est interrogé sur les modalités d’une coopération entre la Cour et l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé (OPEPS), avant de poser deux questions :

– Face au constat d’échec de toutes les politiques de régulation des dépenses d’assurance maladie, ne faut-il pas une révolution intellectuelle qui substitue au mythe de la « grande réforme » la recherche d’un très grand nombre de petits ajustements, inspirés par l’expérience du terrain ?

– Au regard du drame sanitaire vécu cet été, que peut-on dire de l’adaptation de notre système d’urgences à l’accueil des personnes âgées ? Plus crûment, un système plus efficace et mieux coordonné entre ville et hôpital aurait-il permis d’éviter des morts cet été ?

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a observé que le développement d’échanges de travail entre la Cour et l’OPEPS est soumis aux mêmes contraintes que celui des échanges avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales : afin de mener des travaux sérieux et de conduire la contradiction avec les organismes audités, la Cour a besoin de temps. Par ailleurs, la Cour a essentiellement une compétence en matière de gestion et certaines demandes peuvent être à la limite de cette compétence qui n’est pas totalement pluridisciplinaire, s’agissant par exemple d’appréciations médicales où la Cour s’en remet aux études existantes et reconnues.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné la complémentarité possible des travaux de la Cour et de l’OPEPS sur des sujets tels que le dépistage du cancer et la périnatalité.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a indiqué que les analyses demandées sur les politiques de prévention et les aides au logement pourraient être inscrites dans la programmation 2004 de la Cour ; au demeurant ces questions ne relèvent pas uniquement de la sixième chambre. S’agissant de la certification des comptes sociaux, il s’agit d’un sujet très complexe : il existe plus de mille organismes de sécurité sociale. Par ailleurs, la Cour souhaite conduire parallèlement ses travaux à ce sujet et ceux sur la certification des comptes de l’Etat dont elle sera chargée en application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Ce sujet majeur sera donc programmé pour 2005.

L’échec des différents systèmes de régulation des dépenses d’assurance maladie a conduit tous les gouvernements à avoir recours à des solutions fiscales ou parafiscales pour équilibrer les comptes. C’est pourquoi il semble nécessaire d’agir plutôt sur la structure de l’offre de soins et sur les comportements des usagers. A cet égard, les actions modestes engagées sur le terrain sont tout à fait pertinentes, à condition de s’inscrire dans la durée, d’être soutenues financièrement et généralisées. Il faut en effet tenir compte de la large part de liberté existant au sein du système français de santé, sans vouloir s’aligner sur le modèle britannique qui, s’il est plus rigoureux, n’est pas exempt d’effets pervers en termes de file d’attente par exemple.

En ce qui concerne les conséquences sanitaires de la canicule, il s’agit d’un sujet que la Cour n’a pas vocation à traiter, s’agissant d’une situation de crise non prévisible, mais qui trouve néanmoins un écho dans la partie du rapport consacrée à la politique de santé envers les personnes âgées.

M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, a formulé les observations suivantes :

– En ce qui concerne les systèmes de régulation, toutes les idées ont déjà été testées, que ce soit le médecin référent ou l’évaluation, mais le passage à l’acte fait défaut.

– La politique conventionnelle est appliquée à des domaines où il ne s’agit pas d’un instrument juridiquement adapté et sans lien entre les différentes professions médicales concernées.

– La politique d’évaluation des médicaments est fondamentale et il faut en tirer au plus vite les conséquences en termes de déremboursement.

– Il convient de développer l’information indépendante des patients et des professionnels de santé en matière de prescriptions. Les logiciels de prescription sont aujourd’hui développés par les laboratoires pharmaceutiques, ce qui n’est pas satisfaisant alors qu’il existe un outil public qui est le Fonds de promotion de l’information médicale et médico-économique (FOPIM).

– Il est nécessaire de réfléchir à l’évolution de la loi de financement de la sécurité sociale dans le sens d’un meilleur contrôle du Parlement.

M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, s’est félicité de ce que les conclusions du rapport de la Cour en matière de retraites rejoignent les solutions inscrites dans la loi du 21 août 2003. Il a souligné que les problèmes de l’assurance maladie s’inscrivent dans la durée, depuis le début des années 1990, et qu’ils sont fortement tributaires des variations de la situation économique nationale et internationale. A cet égard, les critiques de l’actuelle opposition doivent donc être tempérées par le rappel de la situation économique exceptionnelle qui a accompagné son passage dispendieux aux affaires.

Il a ensuite posé les questions suivantes :

– La Cour partage avec le Parlement le souhait d’avoir une information claire et lisible sur le financement de la sécurité sociale. Estime-t-elle que ses recommandations en ce sens ont été suivies et qu’il est possible de simplifier les flux de financement existant, notamment entre l’Etat et la sécurité sociale ?

– Avant la conclusion de ses travaux sur la certification des comptes, la Cour a-t-elle déjà des suggestions à faire et est-elle prête à travailler de concert avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour préparer une révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, comme cela s’est fait entre la commission des finances et la Cour pour la loi organique relative aux lois de finances ?

– La Cour dresse un sévère constat d’échec de toutes les politiques de régulation menées ces dernières années en matière d’assurance maladie, tous gouvernements confondus, sans pour autant avancer de recommandations en ce domaine. Est-ce parce que cette carence est structurelle ou pour conserver la nécessaire neutralité dans ce débat en cours ?

– La Cour estime le coût pour l’hôpital de la mise en place de la réduction du temps de travail à hauteur de 3,5 milliards d’euros. Dans la mesure ou de nombreux protocoles ne sont pas encore finalisés, serait-il possible de disposer  d’une estimation exhaustive afin de mesurer l’impact sur les budgets de fonctionnement et d’investissements des établissements, l’augmentation de la masse salariale limitant d’autant les capacités d’adaptation des structures.

– La Cour a mené une étude très intéressante sur l’impact du vieillissement de la population sur les dépenses de santé. Ses conclusions diffèrent de l’opinion commune en la matière. Il convient donc de préciser quelles sont ses hypothèses de travail, pourquoi elle estime que l’impact du vieillissement est parfois surestimé et dans quelles proportions chiffrées cela peut-il se mesurer ?

– Pour mieux prendre en charge la dépendance des personnes âgées, il est parfois proposé de créer une cinquième branche de la sécurité sociale. Que pensez-vous de cette idée récurrente alors que d’autres possibilités existent telles que le recours à un fonds de financement ou la délégation de gestion à une branche déjà existante ? Faire financer handicap et dépendance par une même branche peut effectivement améliorer le fonctionnement et le contrôle du secteur médico-social, mais isoler les dépenses maladie des personnes âgées n’est peut-être par très opportun en termes de solidarité intergénérationnelle, ni très facile techniquement.

Mme Paulette Guinchard‑Kunstler, rapporteure pour l’assurance vieillesse, a fait les remarques suivantes :

– L’équilibre financier de la branche vieillesse du régime général doit être étudié compte tenu de l’impact lourd des règles de compensation interrégimes.

– En ce qui concerne l’accompagnement des personnes âgées, il est urgent de savoir pourquoi les consignes spécifiques de soins à ces personnes ne sont pas mieux appliquées ni enseignées aux personnels soignants. L’accompagnement de ces personnes doit se faire en lien avec l’évolution des pratiques générales du secteur médical.

– La crise sanitaire liée à la canicule a été précédée d’un phénomène qui aurait pu servir d’alerte, à savoir la montée en charge de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

– En ce qui concerne la création d’une cinquième branche, il faut prendre garde à ne pas séparer les problèmes sociaux des problèmes sanitaires. La diversité des acteurs au sein des réseaux de soins renforce l’acuité de cette question. Il ne faudrait pas qu’une séparation des rôles entraîne une moins bonne prise en charge de certaines maladies chroniques.

– Le recours au secteur privé lucratif pour le financement de l’hébergement des personnes âgées devrait être étudié par la Cour, car il y a de l’argent public en jeu dans la prise en charge du tarif hébergeant. A cet égard, il serait important de connaître la part des amortissements des travaux qui sont inclus dans le coût de l’hébergement.

M. Maxime Gremetz a estimé que l’examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique donne lieu à un débat sur les institutions nationales de santé publique, mais qu’on ne peut pas demander à la Cour des comptes d’intervenir dans un tel débat car ce n’est pas son rôle. En revanche, il convient de donner toute leur valeur à ses travaux en matière de sécurité sociale et, de ce point de vue, le groupe communiste et républicain s’efforce d’être, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le « porte-parole » de la Cour, s’appuyant sur la « bible » que constituent ses recommandations et essaie, avec difficultés, de promouvoir celles-ci.

Il faudrait que la Cour elle-même s’assure du suivi de ses recommandations et réaffirme celles qui n’ont pas été suivies d’effet les année suivantes. Il est dommage que l’on ne sache pas quel a été le sort de certaines recommandations formulées en 2002, par exemple celles relatives : à la lisibilité des comptes, à l’urgence d’une normalisation comptable et d’une stabilisation des règles de financement, à l’assiette des cotisations – de plus en plus réduite par la multiplication des dispositifs d’exonération, privilégiés par les entreprises, et constituant selon la Cour  une « menace pour les régimes de base » – et à la nécessité de publier en annexe au projet de loi de financement la liste des dispositifs d’exonération ainsi que leur coût.

M. Maxime Gremetz a ensuite posé les questions suivantes :

– Quel est le manque à gagner pour les organismes de sécurité sociale induit par les exonérations de cotisations sociales ? Celles-ci ont-elles été complètement compensées ?

– Quel est le manque à gagner pour ces mêmes organismes résultant de la hausse du chômage ?

– Quel est l’impact des déremboursements de médicaments sur le budget de la sécurité sociale ? Quel est l’impact de la politique des génériques ?

– Quelle est la part respective des impôts et des taxes d’un côté et des cotisations de l’autre dans le financement de la sécurité sociale ?

– Y a-t-il une baisse des recettes liées aux taxes sur le tabac, en dépit de la hausse de ces taxes ?

– Quelle est la situation financière de la branche famille ? La nouvelle prestation unique pourra‑t‑elle être financée ? Comment les crédits destinés aux crèches ont-ils été utilisés ?

– Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), mis à contribution pour financer le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), est-il déficitaire ?

M. Jean-Marie Le Guen, après avoir relevé la qualité du rapport rendu par la Cour sur les personnes âgées et le médicament, s’est étonné que ce soit la Cour des comptes, a priori peu outillée pour une telle analyse, qui en soit à l’origine. Sur un sujet purement médical et social, on peut regretter que les corps d’inspection, les agences et les institutions concernées n’aient pas procédé eux-mêmes à une telle réflexion. Est encore plus regrettable le fait que cette problématique ne soit pas prise en compte dans l’élaboration des politiques publiques.


 

Il a ensuite formulé les remarques suivantes :

– Le constat que les recettes affectées à l’assurance maladie ne couvrent pas les dépenses correspondantes depuis le début des années 1990 ne semble pas être le critère d’analyse pertinent. En effet, il ne tient pas compte du caractère arbitraire de l’affectation de telle part des recettes à l’assurance maladie. Il est plus intéressant d’analyser l’adéquation globale des recettes sociales aux dépenses de la sécurité sociale.

– L’approche faite par la Cour des différentes politiques de régulation de l’assurance maladie est a priori contestable. On ne peut pas parler de continuité ni globaliser l’analyse. En 1992 et 1993, il y a eu une amorce de régulation médicalisée ; le reste du temps, les gouvernements mais également la plupart des acteurs se sont focalisés sur la maîtrise comptable et financière des dépenses. La critique sur la régulation doit donc porter sur la seule maîtrise comptable qui s’est avérée sans efficacité, et non sur tous les modes de régulation possibles.

– La sécurité sociale va connaître de graves difficultés de trésorerie. Qu’en a t-il été pour 2002 ? Qu’en est-il pour 2003 et quelles sont les prévisions pour 2004 ? Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte en effet des autorisations d’emprunt. Quel jugement la Cour porte-t-elle sur ces dispositifs ?

M. Jean-Paul Anciaux a souligné la difficulté de maîtriser les dépenses d’assurance maladie en l’absence de volonté à la fois individuelle et collective et d’une prise de conscience par la population. Qu’en est-il en particulier de la surconsommation des soins liée à la couverture maladie universelle (CMU) ? Est-elle stabilisée ? Quel jugement la Cour porte-t-elle sur ce dispositif appliqué sans aucun contrôle ?

M. Yves Bur a formulé les observations et posé les questions suivantes :

– Les constats alarmants de la Cour ne font pas encore assez « mal » pour que les gouvernements tiennent compte de ses recommandations.

– De quelle façon serait-il possible de renforcer l’efficacité des instruments de régulation des dépenses d’assurance maladie, en particulier de régulation par les prix, pour responsabiliser davantage les assurés ?

– La gestion du risque par les caisses d’assurances maladie s’avère insuffisante, notamment en l’absence de réelle mise en ½uvre du codage des actes qui en constitue l’une des conditions premières.

– L’évaluation de l’efficacité thérapeutique des médicaments n’est-elle pas trop laxiste, comme le suggère l’arrivée sur le marché de nouveaux produits dont le service médical rendu paraît pour le moins contestable ?

– Le système conventionnel actuel doit être réformé, comme le souligne le rapport de la Cour. Dès lors, n’est-il pas souhaitable de lui substituer des contrats individuels avec les professionnels de santé permettant de transcrire de réels engagements ?

– Serait-il possible d’avoir des précisions sur la croissance des indemnités journalières et des affections de longue durée (ALD), dans la mesure où les réponses apportées sur  ces questions semblent par trop conjoncturelles ?

– S’agissant des personnes âgées, il est nécessaire de renforcer la prise en charge par les services d’urgence en y associant les centres locaux d’information et de coordination gérontologique (CLIC), qui fonctionnent bien et permettent de faciliter l’hospitalisation à domicile.

– Compte tenu de la progression des charges et de la réduction du nombre de cotisants qu’implique le vieillissement de la population, la création d’un fonds de réserve et de régulation des cotisations maladie, comme cela va être mis en place en Allemagne, ne devrait–t-elle pas être envisagée, afin éviter d’insupportables transferts intergénérationnels ?

Soulignant le poids du médicament dans l’ensemble des dépenses de santé, M. Bruno Gilles, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail, a souhaité avoir des précisions sur les réorientations majeures qu’implique, selon la Cour, la dégradation des comptes de l’assurance maladie. Quelles sont, d’autre part, les voies de réforme de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ?

M. Pierre-Louis Fagniez a estimé que la situation financière actuelle de l’assurance maladie doit être appréciée au regard des évolutions intervenues au cours des années 1990, avec la mise en place des instruments de régulation, comptables et médicalisés. En effet, malgré plusieurs efforts réalisés dans ce domaine, ces instruments de régulation se sont révélés insuffisants. Ainsi l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) n’a-t-elle accrédité qu’environ 350 établissements.

Il serait cependant utile d’avoir des indications chiffrées sur la prise en compte du principe de précaution par l’assurance maladie, s’agissant par exemple des dépenses de biologie moléculaire visant à supprimer le risque viral ou transfusionnel, ainsi que de la mise en place de nouvelles normes sanitaires.

Mme Muguette Jacquaint a souhaité savoir s’il est possible de distinguer les catégories d’arrêts du travail qui sont à l’origine de la progression importante des indemnités journalières (+ 11 % en 2002). En effet, des salariés employés à durée déterminée ou en intérim sont parfois soumis à une pression très forte pour conserver leur emploi ou ne pas déclarer des accidents du travail. Il serait également utile d’avoir des informations sur la fréquence des accidents du travail selon le degré de pénibilité du travail. Enfin, il paraît pour le moins contestable de continuer à inclure les congés maternité dans les indemnités journalières, dans la mesure où la maternité ne peut pas s’apparenter à une maladie.

En réponse aux intervenants, M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, s’est tout d’abord félicité du vif intérêt suscité par le rapport de la Cour auprès des parlementaires, dont témoignent la richesse et la diversité des questions abordées.


 

Celles-ci appellent les observations d’ordre général suivantes :

– En premier lieu, la Cour dispose de moyens modestes. La sixième chambre ne comprend que 40 personnes en équivalent temps plein. La Cour est par ailleurs tributaire des informations obtenues auprès des administrations.

– Si la création des lois de financement de la sécurité sociale a constitué un progrès, dans la mesure où pour la première fois le Parlement a été amené à se prononcer sur des dépenses qui représentent la moitié des dépenses publiques, cet instrument présente aujourd’hui d’incontestables limites. La Cour se tient donc à l’entière disposition du Parlement pour préparer, s’il le juge nécessaire, une révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, comme cela s’est fait pour la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

– La Cour est très attentive aux suites données à ses recommandations, mais celles-ci ne peuvent pas toujours être immédiatement appliquées. Le champ des questions abordées par les rapports de la Cour est par ailleurs tellement large – comme par exemple l’analyse présentée dans le rapport 2001 sur les relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale –qu’il n’est pas possible d’en présenter un suivi exhaustif chaque année.

– La proposition de création d’une cinquième branche, qui permettrait au minimum de décrire les flux financiers des actions en faveur des personnes âgées, soulève, à titre personnel, plusieurs réserves. Alors que pour les retraites la population bénéficiaire est facilement identifiable, tel n’est pas le cas pour les personnes âgées. En outre, l’âge n’apparaît pas comme un critère suffisamment discriminant pour distinguer très clairement ce qui relève ou non de l’assurance maladie. Enfin, il existe un risque sociopolitique important à créer une catégorie d’ayants droits particuliers, qui seraient ainsi discriminés.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a répondu, s’agissant du suivi des recommandations de la Cour, qu’il est plus facile de les mettre en ½uvre dans le domaine comptable que lorsque des réformes importantes de nature politique sont préconisées. Dans ce dernier cas, l’objectif de la Cour est d’apporter des informations et de susciter une prise de conscience.

La création d’une cinquième branche serait un facteur de complexité peut-être inutile. Une étude de la Cour se déroule actuellement sur le problème des personnes âgées et du financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), incluant les problèmes d’hébergement et de personnel. La Cour n’est cependant pas compétente pour conduire des investigations sur les investissements du secteur privé à but lucratif et doit se contenter d’observer les flux financiers correspondants.

M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, a précisé sur ce point que la seule existence d’un financement public ne suffit pas à déterminer la compétence de la Cour. En effet, si une loi de 1950 établit la compétence de la Cour en matière de contrôle des organismes de sécurité sociale, les fonds versés par ceux-ci ont le caractère de deniers privés réglementés et non de deniers publics.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a indiqué que les cotisations représentent les deux tiers des ressources de la sécurité sociale, les impôts et taxes affectés 30 %, les contributions publiques 4 % et les placements financiers et autres 1 %.

L’augmentation significative des indemnités journalières (+ 11 %) a déjà été abordée dans le rapport particulier de la Cour sur les accidents du travail, paru en 2002. La Cour ne s’est pas penchée sur les causes de cette augmentation, si ce n’est en pointant le lien avec les restrictions en matière de préretraites dans la mesure où les indemnités journalières ont surtout augmenté pour la tranche d’âge des 56-59 ans.

M. Denis Morin, rapporteur général chargé du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, a apporté les réponses suivantes :

– Les conséquences financières de la réduction du temps de travail à l’hôpital sont évaluées à 3,4 milliards d’euros pour la période 1999-2003. Les perspectives pour 2004 et 2005 sont respectivement de 881 millions d’euros et 355 millions d’euros, ces coûts étant essentiellement liés au compte épargne-temps. L’ensemble des protocoles représente donc une dépense de 4,6 milliards d’euros, soit 10 % de l’ensemble des dépenses hospitalières, avec la création de 43 000 emplois.

– Le Gouvernement a, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, l’obligation d’établir un rapport faisant le point de l’application des recommandations de la Cour. Ce rapport aurait dû être transmis au Parlement pour le 15 juillet.

– S’agissant du cinquième risque, il existe certes des dépenses d’assurance maladie spécifiques aux personnes âgées, mais mettre en place une nouvelle « tuyauterie » pour assurer leur financement ne semble pas prioritaire. Les prestations liées à la dépendance (APA) sont servies par le réseau efficace de proximité que constituent les départements. En revanche, il est urgent d’évaluer les besoins, de planifier les actions et d’organiser la formation d’un personnel qualifié d’accompagnement des personnes âgées.

– Les manques à gagner pour la sécurité sociale, résultant des « trous » dans l’assiette des cotisations, s’élèvent à dix milliards d’euros, non compensés.

– Les exonérations de cotisations liées aux aides à l’emploi ont représenté un coût de 20,5 milliards d’euros en 2002, compensé par l’Etat et le FOREC à hauteur de 18,2 milliards d’euros, soit un reliquat non compensé de 2,3 milliards d’euros correspondant à des dispositifs antérieurs à la loi Veil de 1994.

– Le manque à gagner lié à l’augmentation du chômage est difficile à évaluer même si on peut estimer que 100 000 chômeurs représentent une perte de ressources d’un milliard d’euros.

– Le déremboursement des médicaments à SMR insuffisant représente une économie d’un milliard d’euros par an.

– Les règles d’affectation des taxes sont moins fluctuantes que lors de la mise en place du FOREC et une plus grande stabilité dans la répartition de leur produit a été constatée en 2002.

– Les comptes du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) font apparaître un solde négatif de 1,4 milliard en 2002.

– Une recommandation de la Cour préconise la révision de l’ensemble des mécanismes de compensation entre les différents régimes d’assurance vieillesse, tout en maintenant le principe de solidarité entre régimes. Il faut noter la suppression, à terme, de la surcompensation, prévue par la loi du 21 août 2003.

– La Cour a entrepris un bilan de la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes et de l’APA, qui sera disponible dans le courant de l’année 2005.

– La rémanence du déficit de l’assurance maladie et son évolution à long terme ont déjà été évoquées dans plusieurs rapports de la Cour. On constate qu’entre 1990 et 2003 les dépenses d’assurance maladie ont augmenté une fois et demie plus vite que la richesse nationale. La Nation doit donc bien se demander quelle part de la richesse produite elle accepte de consacrer à la prise en charge collective des soins.

– Il faut utiliser conjointement l’instrument de la maîtrise financière et l’instrument de la maîtrise médicalisée des dépenses d’assurance maladie. Ce dernier consiste à pourchasser la mauvaise dépense, comme les médicaments inefficaces, afin de favoriser la bonne dépense, par exemple pour les traitements de pathologies lourdes et les traitements innovants.

– Aucun des régimes de sécurité sociale autorisés en 2002 à recourir aux avances de trésorerie n’aura dépassé les plafonds fixés par la loi de financement pour cette année.

– Il ne peut être apporté aujourd’hui de réponse à la question sur le coût de la CMU ; de même, on ne sait pas évaluer le coût du principe de précaution ou du renforcement de certaines normes sanitaires, à l’exception de quelques indices disponibles dans le domaine de la transfusion sanguine.

– Il faut encourager le renouveau de la politique contractuelle dans le fonctionnement de l’assurance maladie.

– Les indemnités journalières ont augmenté de 11 % en 2002, ce qui représente une dépense totale de 7 milliards d’euros, sans qu’il soit possible d’apporter une explication précise à cette augmentation. En revanche, un ralentissement est constaté en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles. On peut rappeler l’hypothèse établie par la CNAMTS d’un lien avec le resserrement  des dispositifs de préretraites.

– Le produit des taxes sur le tabac a augmenté en 2002 mais, en 2003, on peut observer que l’augmentation des taxes a eu un effet sensible sur le volume de consommation de tabac et le développement de la contrebande, ce produit étant fiscalisé à hauteur de 70 %.

Le président Jean-Michel Dubernard a conclu en remerciant les magistrats de la Cour des comptes et en réaffirmant la nécessité de renforcer la collaboration entre la Cour et la commission, le plus en avant possible des travaux respectifs de l’une et de l’autre.


 

B. AUDITION DU ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, du ministre délégué À la famille et de la secrétaire d’état aux personnes handicapées

La commission a procédé à l’audition conjointe avec la commission des finances, de l’économie générale et du plan de M. Jean‑François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, et Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, sur le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, au cours de sa séance du mercredi 8 octobre 2003.

Le Président Jean-Michel Dubernard a remercié les ministres de venir présenter devant l’Assemblée nationale, juste après son adoption par le Conseil des ministres, le deuxième projet de loi de financement de la sécurité sociale préparé par le gouvernement Raffarin. Après un projet de loi de financement pour 2003 de transition, le projet de loi de financement procède à une clarification qui permet d’engager sur des bases assainies l’adaptation de notre système d’assurance maladie l’année prochaine.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a d’abord rappelé que la sécurité sociale est au c½ur du contrat social. Elle constitue un élément essentiel du pacte républicain et elle est le principal garant de la justice sociale et de la solidarité dans notre pays. Le devoir et la mission du gouvernement est de sauvegarder et de conforter la sécurité sociale en l’adaptant aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. C’est pourquoi, alors que la page de la réforme des retraites est tournée, il est indispensable de conduire aussi vite que possible une modernisation ambitieuse, déterminée et négociée de l’assurance maladie. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 s’inscrit totalement dans cette logique : il s’agit de remettre de l’ordre dans la sécurité sociale et de préparer l’avenir sans pour autant anticiper les résultats de la concertation déjà entamée depuis septembre.

Le régime général traverse une période de difficile tension financière. Son déficit atteindra 8,9 milliards d’euros en 2003, soit une dégradation d’un milliard d’euros par rapport aux hypothèses de la Commission des comptes de la sécurité sociale de mai dernier. En 2004, les projections tendancielles, c’est-à-dire en dehors de toute action du gouvernement, conduiraient à un déficit de 13,6 milliards d’euros, la branche maladie étant à l’origine pour l’essentiel de ce déficit. La branche vieillesse est en excédent de 600 millions d’euros avant prise en compte de la loi portant réforme des retraites en 2004. Les autres branches, famille et accidents du travail, sont proches de l’équilibre en 2003 et en 2004.

Cette évolution est le résultat d’un classique effet de ciseaux dont les mécanismes et les conséquences sont connus : la sécurité sociale a connu plusieurs années de croissance forte de ses recettes qui sont grosso modo indexées sur l’évolution de la richesse nationale. Ces années n’ont malheureusement pas été mises à profit comme elles auraient dû l’être pour préparer l’avenir. Il est en effet plus facile de moderniser l’assurance maladie quand le taux de croissance des recettes est supérieur à 6 %. Or, les dépenses ont recommencé à croître à un rythme rapide depuis 1998 et pendant quatre années il ne s’est rien passé. Aucune mesure de réforme n’a été engagée et une grave crise de confiance s’est installée avec l’ensemble des acteurs, professionnels de santé et partenaires sociaux. Par ailleurs, de nouvelles dépenses ont été décidées sans financement prévu.

Aujourd’hui, la croissance est faible, la masse salariale ne devant croître que de 2,3 %. La croissance économique se situe à un niveau historiquement bas, le plus modéré depuis dix ans : le PIB ne devant progresser que d’un demi pour cent environ en volume cette année. Au total, le ralentissement des recettes est responsable des deux tiers de l’aggravation du déficit. L’horizon économique international commence certes à s’éclaircir, laissant envisager une dynamique plus forte des recettes de la sécurité sociale en 2004, mais il est difficile d’en dire davantage aujourd’hui.

La vivacité de la croissance des dépenses d’assurance maladie constitue la deuxième cause des déficits actuels. Il a été dit et répété que la santé est un bien collectif, qu’il faut protéger ensemble, qu’un haut niveau de santé est un facteur de richesse pour un pays, un atout et un investissement, non un frein, et qu’il faut accepter d’assumer une part inéluctable d’augmentation des dépenses de santé, liée au vieillissement de nos sociétés et au progrès médical.

Le vieillissement a un coût. Les dépenses de santé des plus de soixante ans sont trois fois plus élevées que celles des trentenaires. Les personnes âgées de plus de soixante–dix ans consomment 30 % des dépenses totales. Avant les mesures préparées dans le cadre du plan « Vieillissement et solidarités », le gouvernement a prévu d’inscrire une enveloppe de 3,5 milliards d’euros au profit des établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), soit 300 millions d’euros de plus que l’an dernier.

En ville, une part très importante de la croissance rapide des dépenses s’explique par la mise sur le marché de nouveaux médicaments et par le remboursement de nouveaux types de soins. Depuis janvier 2002, 519 spécialités pharmaceutiques ont été inscrites au remboursement. Certaines sont particulièrement remarquables mais aussi coûteuses, comme le Glivec, médicament traitant les leucémies. Cela représente 750 millions d’euros de dépenses supplémentaires. Les dépenses d’assurance maladie en faveur des personnes handicapées croissent également. Les seules dépenses des centres médico-sociaux atteindront en 2004 6,2 milliards d’euros, en progression de 6 %, soit 350 millions d’euros supplémentaires.

Il ne faut pas cacher ces réalités et s’abriter derrière la seule raison comptable sous peine de se tromper gravement dans les solutions qu’il faut apporter : croissance des dépenses de santé et meilleure satisfaction des besoins sont les deux faces d’une même réalité. Il faut en tirer surtout une détermination d’autant plus forte pour lutter contre les abus injustifiables, les gaspillages injustifiés et la non-qualité que tolère, ou même qu’encourage parfois, notre système de soins et d’assurance maladie.

La Cour des Comptes a raison. Chaque euro de nos cotisations n’est ni bien, ni justement dépensé. Il existe des rentes de situation injustifiables. L’efficience de notre système de santé et d’assurance maladie est perfectible. Les dépenses d’assurance maladie croissent à un rythme qui n’est pas soutenable à très long terme pour les finances publiques et qui doit être infléchi. Ainsi, en 2003, les dépenses d’assurance maladie dans le champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) devraient progresser à un rythme de 6,4 %, un chiffre à mettre en regard avec l’objectif de 5,3 % proposé l’an dernier par le Parlement.

Cette évolution est trop rapide et, pour partie, injustifiée au regard de l’utilité médicale, des besoins de santé publique et des moyens comptés dont l’assurance maladie dispose. Le dérapage de certaines prescriptions comme les indemnités journalières l’expliquent en partie. Mais ce n’est pas le seul facteur. Comme le souligne la Cour des comptes, les cotisants paient tous le prix fort de la politique mal conçue et mal mise en oeuvre de réduction du temps de travail au moment même où la démographie médicale s’infléchissait : 3,4 milliards d’euros sur I’ONDAM, soit 150 euros par cotisant et par an pour les seuls établissements hospitaliers.

Deux signes d’optimisme peuvent tout de même être soulignés en 2003 : tout d’abord, cette année marque une première décélération de la croissance des dépenses d’assurance maladie par rapport à 2002 (+ 7,2 %). Ensuite, le dépassement de I’ONDAM est fortement réduit par rapport aux années antérieures : il ne sera que de 1,2 milliard d’euros en 2003, contre plus de 3 milliards d’euros en 2001 et presque 4 en 2002. Voilà le résultat d’une politique de vérité et du choix de la confiance. C’est l’amorce de changements structurels qui doivent désormais faire jouer tous leurs effets.

Pour la première fois depuis quelques années, le comportement des acteurs a commencé à évoluer réellement. Ainsi, la part de marché des génériques augmente rapidement, les sur-prescriptions d’antibiotiques diminuent et le nombre de visites inutiles chute. Ce sont les premiers signes du fait qu’un partenariat conventionnel avec les professionnels de santé, autour d’une logique de responsabilité partagée, peut avoir prise sur le rythme d’évolution des dépenses, qu’il est possible de ralentir significativement.

Face aux difficultés que connaît la sécurité sociale, l’ambition première du gouvernement est de préparer l’avenir. Il en va de la sauvegarde de notre sécurité sociale.

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites est le résultat de cette volonté ferme de traiter, dans la concertation, les difficultés structurelles de notre protection sociale de manière adaptée et non par des mesures transitoires. La mesure relative au départ anticipé des travailleurs âgés est ainsi un investissement pour l’avenir. Elle a permis d’apporter plus d’équité et de justice sociale dans notre régime de retraite.

L’ambition est également claire dans les objectifs et le contenu de la politique familiale. M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, présentera les mesures très importantes du présent projet de loi qui concrétisent l’engagement pris par le Président de la République en faveur des familles.

Concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles, des travaux de modernisation de cette branche ont été poursuivis. Par ailleurs, l’indemnisation des victimes de l’amiante progresse maintenant rapidement, conformément aux engagements du gouvernement. Depuis l’adoption par le conseil d’administration du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) du barème indicatif d’indemnisation, les dépenses du fonds augmentent régulièrement. La dotation prévue pour 2004, de 100 millions d’euros, portera la capacité financière totale du fonds à près d’un milliard d’euros.

L’ambition est aussi évidente pour le système de santé et d’assurance maladie. Sa qualité, son excellence même, est reconnue. Comme l’a souligné récemment le Président de la République, les principes de liberté et de solidarité qui animent notre système de santé et d’assurance maladie sont inscrits au fronton de la République et sont ancrés au coeur de chacun de nos concitoyens. Mais pour sauvegarder ce système, il faut le moderniser.

Le fondement nécessaire de la politique de soins et d’assurance maladie est la santé publique, à savoir la prévention, l’éducation à la santé et le dépistage. Le gouvernement a présenté un projet de loi relatif à la politique de santé publique qui est en ce moment même discuté au Parlement. Il permettra d’orienter l’activité de l’ensemble des acteurs de soins dans un but commun de santé publique et de repositionner l’Etat comme garant.

Ensuite, le gouvernement a engagé résolument la modernisation de l’hôpital. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoit le passage à la tarification à l’activité. Cette mesure ambitieuse a été longtemps annoncée et toujours retardée, notamment au moyen de groupes de travail et de mission sans fin mis en place par le gouvernement précédent. Cette réforme indispensable à l’hôpital est enfin lancée comme l’engagement en avait été pris l’an dernier. Les travaux conduits par la mission « tarification à l’activité » ont permis de définir un schéma opérationnel et pragmatique pour un passage progressif à la tarification à l’activité, à partir de 2004, des établissements de santé publics et privés.

L’ordonnance n° 2003-846 du 4 septembre 2003 portant simplification de l’organisation et du fonctionnement du système de santé va permettre d’assouplir les règles d’organisation hospitalière afin que les établissements de santé puissent plus facilement s’adapter aux changements de tous ordres qui les concernent. Par ailleurs, un effort exceptionnel d’investissement de 10 milliards d’euros a été engagé que permet notamment la dotation du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés prévue dans le présent projet de loi de financement. Il s’agit d’un véritable espoir pour l’hôpital. L’adaptation de la gouvernance est le dernier dossier clé de la modernisation de l’hôpital qui est en cours de concertation.

Enfin, la modernisation de la santé passe par celle de l’assurance maladie, modernisation qui ne peut se faire qu’à certaines conditions : répondre aux attentes de nos concitoyens en termes de soins et adapter une méthode et un calendrier qui laissent toute leur place au diagnostic partagé, à la concertation et à la négociation avec les partenaires sociaux et les autres acteurs.

Certains proposent d’augmenter dès cette année les recettes. Mais qui réussit à remplir un tonneau percé ? Faire 14 milliards d’euros d’économies en une année n’est pas non plus une solution envisageable. C’est pourquoi le gouvernement a choisi pour 2004 de stabiliser le déficit de l’assurance maladie, ce qui représente un effort de 3 milliards d’euros de redressement. Il s’agit d’un véritable effort équilibré entre tous de redressement de notre sécurité sociale. C’est la première étape du retour à l’équilibre d’ici à 2007 que le gouvernement est déterminé à conduire.

Pour réussir ce plan de stabilisation, sans préempter le résultat de la concertation et de la négociation, le gouvernement a décidé de remettre de la cohérence dans le système d’assurance maladie. Première action de cohérence : la clarification tant attendue des relations financières entre 1’Etat et la sécurité sociale. La loi de financement pour 2003 entamait cette clarification. En 2004, le gouvernement, aidé de façon tout à fait remarquable par le travail des deux assemblées, poursuivra et amplifiera la clarification financière demandée par tous les acteurs.

Cette clarification passe d’abord par la suppression du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Le FOREC a été mis en place avec retard par le gouvernement précédent, ce qui l’a conduit à faire supporter par le régime général une dette de 2 milliards d’euros. Il s’agissait de compenser les allègements de charges liés aux trente-cinq heures, ou plus justement de tenter de cacher à tous le coût des trente–cinq heures que la « majorité plurielle » n’était pas prête à assumer. Les partenaires sociaux et les parlementaires de l’opposition d’alors l’avaient compris et le critiquaient, mais ils n’ont pas été entendus, ce qui a aggravé la crise de la sécurité sociale.

En supprimant une fois pour toute ce fonds, le projet de loi de financement pour 2004 revient à la logique originelle de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale votée à l’initiative de Mme Simone Veil, alors ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, qui veut que l’Etat compense l’intégralité des exonérations de charges. Pour 2004, la somme versée par l’Etat (sur le budget du ministère du travail) à la sécurité sociale sera de 17 milliards d’euros. Cette suppression montre que la majorité parlementaire a entendu ses partenaires et qu’elle est déterminée à simplifier les circuits et à strictement identifier ce qui relève des finances de l’Etat et des finances de la sécurité sociale. C’est une condition nécessaire pour que la responsabilité des gestionnaires de la sécurité sociale puisse pleinement s’affirmer.

La clarification des relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale passe aussi par l’attribution de l’intégralité de l’augmentation des droits sur les tabacs à l’assurance maladie. Cette hausse souhaitée pour des raisons de santé publique participera au redressement de la sécurité sociale. Nos concitoyens le comprennent alors qu’il ne voyait pas la logique du financement des trente-cinq heures par les droits sur les tabacs voulue par le gouvernement précédent.

Une autre mesure de cohérence mise en ½uvre consiste à s’appuyer sur les professionnels de santé et les patients pour développer la maîtrise médicalisée. Le Président de la République a instamment demandé au gouvernement de généraliser sans plus attendre les outils de maîtrise médicalisée des dépenses, en s’engageant pleinement dans l’ère des réalisations concrètes. Il s’agit d’un dossier prioritaire pour 2004. Il repose sur la responsabilisation et l’implication individuelle et collective de l’ensemble des acteurs, caisses d’assurance maladie, professionnels de santé et usagers du système de soins. La médecine rationnelle est une médecine économe des efforts des médecins, du temps des patients et des deniers publics.

Les résultats des accords conventionnels de 2002 montrent que les professionnels et les caisses y sont prêts et que la maîtrise médicalisée peut réussir. De même, les propositions communes des caisses d’assurance maladie et de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), qui ouvrent la voie à la publication du règlement conventionnel minimum, ainsi que l’adhésion du Syndicat des médecins libéraux (SML) à la convention des généralistes sont un signe d’espoir. On ne peut pas faire, en effet, de juste médecine sans les médecins.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoit dans cet esprit un nombre important d’outils pour que la maîtrise médicalisée prenne véritablement effet et que 2004 soit une année d’inflexion réelle de la progression des dépenses d’assurance maladie, amplifiant une tendance perceptible ces derniers mois. On peut ainsi citer :

– la possibilité pour les unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM) de passer des conventions, avec des groupements de professionnels de santé, aux termes desquelles ceux-ci s’engageraient sur des améliorations de leurs pratiques ;

– la simplification des dispositifs d’incitation aux bonnes pratiques, pour qu’ils puissent être conclus plus rapidement entre les partenaires et validés par une instance scientifique ;

– l’amélioration du contenu du protocole de soins qui fonde les exonérations des malades en affection de longue durée (ALD) ;

– la précision des règles de non-remboursement pour les actes dont l’objet est extérieur au système de santé ;

– l’expérimentation du dossier médical partagé.

La nouvelle convention d’objectifs et de gestion que l’Etat signera avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) au début de l’année 2004 permettra à celle-ci de progresser dans son rôle de régulateur et de contrôle, notamment pour les arrêts de travail et les admissions en ALD, mais également dans son rôle de conseil et de service aux professionnels de santé.

La politique du médicament menée par le gouvernement, tournée vers l’innovation, sera amplifiée. Elle vise à permettre aux patients d’avoir accès aux nouveaux traitements dont ils ont besoin tout en recherchant une évolution de la dépense globale compatible avec l’équilibre des comptes sociaux. La politique menée en 2003 sera poursuivie en 2004, avec le déremboursement de la deuxième vague de médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant, l’alignement du remboursement de l’homéopathie sur celui des médicaments à SMR faible ou modéré, l’accroissement du nombre de groupes génériques sous tarif forfaitaire de responsabilité et le réexamen des conditions de ventes et de remboursement de certains médicaments ou dispositifs médicaux dont le service médical rendu paraît moindre aujourd’hui qu’au moment où ils ont été mis sur le marché. Parallèlement, l’accord‑cadre conclu avec l’industrie pharmaceutique et les budgets accordés à l’hôpital ont réellement permis d’améliorer l’accès de tous à de nouveaux médicaments. Dans le cadre de la tarification à l’activité, l’utilisation à l’hôpital des médicaments les plus innovants sera favorisée.

Il a été constaté que les actes exonérés de ticket modérateur croissent très rapidement. Ainsi, leur progression a été de 11,2 % en 2002. Or, certaines exonérations totales de ticket modérateur liées à un acte coté en K 50 et plus ont donné lieu, au fil des années, à des interprétations extensives très coûteuses et inégales par les caisses. Il faut dire que les bases juridiques de ces règles sont floues. Elles reposent sur un arrêté de 1955 qu’un décret prévu par les ordonnances de 1967 devait abroger. Ce décret en Conseil d’Etat n’a encore jamais été pris, il le sera en 2004. Il ne reviendra pas sur l’exonération totale de l’acte lui-même, cela va de soi. Il clarifiera simplement le champ des exonérations totales des autres actes qui sont aujourd’hui, dans une totale obscurité, liées à l’acte exonérant. Celles-ci seront, comme c’était l’esprit de l’ordonnance de 1967, limitées aux actes les plus coûteux, essentiellement ceux réalisés dans le cadre des séjours hospitaliers. Les autres actes seront remboursés selon le droit commun. Cette mesure de rationalisation devrait permettre de dégager environ 500 millions d’euros d’économies pour 1’assurance maladie.

Le forfait journalier à l’hôpital n’a pas été réévalué depuis 1996, alors même que les coûts de l’hôpital ont fortement progressé. Le gouvernement a donc décidé une hausse du forfait journalier de 10,67 euros à 13 euros. Cette hausse ne pénalisera pas les personnes les plus pauvres, qui sont prises en charge par la couverture maladie universelle (CMU). En outre, une réduction de 9 euros est prévue pour les séjours psychiatriques afin d’éviter de pénaliser les malades qui alternent hospitalisation et intégration sociale en ville. Cette mesure est très attendue.

Par ailleurs, une hausse de la taxe sur la promotion pharmaceutique de 150 millions d'euros permettra de réduire la promotion excessive de certains produits. Les visiteurs médicaux ont un rôle souvent utile pour diffuser de l’information aux médecins, mais l’excès de visites médicales est aussi un facteur inflationniste reconnu internationalement. Or, nous sommes le pays recordman du monde de consommation de médicaments par habitant : 400 000 de nos concitoyens environ en consomment plus d’une boîte par jour !

Enfin, il est prévu de demander aux caisses d’améliorer l’efficacité du recours contre les tiers afin de mieux responsabiliser les auteurs d’accidents et leurs assureurs. Le rendement de cette mesure serait de 100 millions d’euros pour l’assurance maladie.

Face à la dégradation des comptes sociaux, le gouvernement fait tout ce qu’il est possible de faire pour stabiliser le déficit de l’assurance maladie, tant en recettes qu’en dépenses, avec courage et détermination. Mais il ne veut pas sacrifier aux problèmes conjoncturels, ni la reprise de la croissance, ni la santé de nos concitoyens, ni la nécessaire modernisation de la sécurité sociale qui sera menée dans le respect du dialogue social. Plus encore, le gouvernement a entamé la modernisation de la sécurité sociale dans le domaine des retraites, de la famille, de la santé publique et de l’hôpital. En remettant de l’ordre dans l’assurance maladie et en engageant la concertation, il a posé les jalons de la modernisation de l’assurance maladie. Aujourd’hui et pour les mois à venir, chacun – patients, professionnels de santé, caisses d’assurance maladie et Etat – est placé devant ses responsabilités, qui sont lourdes, tant l’enjeu est déterminant pour la collectivité nationale et la complexité de la tâche grande.

Pour sauvegarder notre sécurité sociale solidaire, offrir de nouvelles sécurités à nos concitoyens et offrir le meilleur de la santé pour tous, le dialogue social est absolument indispensable. Le chantier est bel et bien lancé. L’année à venir sera chargée mais déterminante.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a indiqué que le volet famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 matérialise les annonces faites par le Premier ministre lors de la Conférence de la famille du 29 avril dernier. La simplification des prestations, l’élargissement des modes de garde et les mesures facilitant la conciliation de la garde d’enfants et de l’activité professionnelle sont les grands axes de la politique mise en ½uvre.

Le projet de loi de financement institue ainsi, au 1er janvier 2004, la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) qui va regrouper, dans un souci de simplification et de lisibilité pour les familles, les cinq prestations existant en faveur de la petite enfance, et même six si l’on tient compte de l’intégration de l’allocation d’adoption dans la nouvelle prestation.

La PAJE comprendra, d’une part, une prime à la naissance qui sera suivie d’une allocation de base versée dès la naissance pendant trois ans et, d’autre part, un complément de libre choix pour la garde et l’éducation des enfants.

La prime à la naissance, d’un montant d’environ 800 euros, sera versée lors du septième mois de la grossesse. Puis, à partir de la naissance, 160 euros par mois environ seront versés jusqu’aux trois ans de l’enfant. 90 % des parents percevront la prime à la naissance puis l’allocation de base, soit 200.000 familles nouvelles.

Le complément de libre choix du mode de garde s’adressera aux parents qui choisissent de continuer à exercer une activité professionnelle, en leur permettant de financer un mode de garde pour leurs jeunes enfants. Les efforts ont été ciblés en direction des familles à revenus modestes et moyens, pour leur permettre de choisir librement leur mode de garde. L’objectif est que le coût des modes de garde ne dépasse pas 10 % à 12 % du revenu des familles. Le complément du libre choix d’activité s’adressera également aux parents qui font le choix d’arrêter leur activité professionnelle pour élever leurs jeunes enfants. Ce complément sera versé dès le premier enfant pendant les six mois suivants le congé de maternité ou de paternité.

Le dispositif de la PAJE devrait monter en charge sur trois ans. En 2007, elle mobilisera des crédits supplémentaires à hauteur d’environ 850 millions d’euros par an. Son coût sera, dès 2004, de près de 150 millions d’euros.

Six autres mesures accompagnent la création de la PAJE. Afin de simplifier les procédures, le complément de garde de la PAJE sera proposé aux familles sous la forme d’un « chéquier PAJE », fortement inspiré du chèque emploi-service actuel. Les rubriques à remplir par les familles seront en nombre limité et le remboursement des frais de garde sera accéléré puisque il sera effectué en un mois et non après trois mois.

Par ailleurs, l’allocation d’adoption devrait être intégrée dans la PAJE. Les familles adoptantes auront ainsi droit à une prime d’adoption de 800 euros ainsi qu’à l’allocation de base de la PAJE. Les droits des familles adoptant, par exemple, un enfant de trois ou quatre ans vont quasiment doubler par rapport à la situation actuelle : aujourd’hui, ces familles perçoivent 160 euros par mois pendant vingt-et-un mois soit 3 360 euros ; avec la PAJE, elles recevront la prime d’adoption, soit 800 euros, plus 160 euros par mois pendant trente-six mois.

Dans les départements d’outre-mer, la PAJE sera versée dans les mêmes conditions qu’en métropole. Les plafonds de ressources d’allocation de base de la PAJE seront donc complètement alignés.

Afin de soutenir les familles faisant face aux difficultés provenant de naissances multiples, l’allocation de base sera versée pour chaque enfant et sera cumulable avec le complément de libre choix d’activité qui remplace l’allocation parentale d’éducation. Cette disposition qui devrait conduire à un versement de 160 euros supplémentaires par enfant né bénéficiera aux 12 000 familles qui connaissent des naissances multiples chaque année. Ainsi, le parent de triplés qui décide de cesser temporairement d’arrêter de travailler percevra, avec la PAJE, environ 820 euros par mois pendant six ans au lieu de 500 euros par mois aujourd’hui.

En matière de conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle, le gouvernement est fermement attaché à la liberté de choix des modes de garde. Aujourd’hui seul un cumul de l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED) et d’une allocation parentale d’éducation à taux partiel est possible. Il n’est donc pas possible de cumuler l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA) et une allocation parentale d’éducation à taux partiel. Avec la PAJE, il sera possible de cumuler un complément d’activité à temps partiel avec le complément de garde qui remplacera l’AGED et l’AFEAMA. Les familles recourant à une assistante maternelle tout en maintenant une activité à temps partiel seront gagnantes. Seront plus particulièrement favorisés les parents qui souhaitent maintenir une activité professionnelle élevée (entre 50 % et 80 %) puisqu’ils percevront dans ce cas le complément de garde à taux plein. Le travail à temps partiel devrait en être favorisé.

Il convient de souligner que la PAJE sera versée pour tous les enfants nés à compter du 1er janvier 2004, ainsi que pour les enfants nés prématurément avant cette date mais dont la naissance devait intervenir après le 1er janvier 2004.

S’agissant des modes de garde, un nouveau plan crèches sera lancé dès le 1er janvier 2004. Doté de 200 millions d’euros, il devrait permettre la création de 20 000 places supplémentaires. L’engagement de l’Etat sera inscrit dans un avenant à la convention d’objectif et de gestion qui sera signé d’ici la fin de l’année avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Alors que 13 millions d’euros avaient été prévus pour la première année de mise en ½uvre du précédent plan crèches, 50 millions d’euros seront mis de côté pour financer les dépenses effectives du nouveau plan en 2004.

Dans le même esprit, un soin tout particulier sera apporté à l’extension des horaires d’accueil, à l’accueil des enfants handicapés ou encore à l’ouverture aux entreprises et aux financements mixtes publics/privés. Le gouvernement souhaite en effet élargir le nombre des acteurs intervenant dans le secteur de la petite enfance. Le besoin d’offres de garde est en effet suffisamment élevé dans notre pays pour que l’on ne se prive d’aucune source de financement.

Afin de développer l’offre de garde, le gouvernement souhaite en outre mettre en place un vrai statut pour les assistantes maternelles. Un projet de loi spécifique sera déposé au Parlement au début de l’année prochaine. Dès 2004, la branche famille prendra en charge des cotisations pour la création d’un fonds de formation professionnelle ainsi que d’un fonds du paritarisme. Le coût est estimé à 10 millions d’euros pour 2004. En 2005, ce sera au tour des cotisations sociales de prévoyance d’être prises en charge avec la création d’une complémentaire santé et accidents du travail.

La création d’un crédit d’impôt familles, proposée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004, participe de la même politique. Ce crédit d’impôt devrait permettre la prise en charge fiscale de 60 % des sommes versées par les entreprises en faveur des familles. L’objectif, en termes de dépense fiscale, est de 50 millions d’euros à l’horizon 2007.

Au total, les mesures proposées impliqueront un effort financier supplémentaire d’un milliard d’euros par an à l’horizon 2007, dont 200 millions d’euros dès 2004. La Conférence de la famille de 2004 devrait prolonger les efforts entrepris. Elle mettra l’accent sur l’adolescence.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, a précisé l’objet des crédits d’assurance maladie consacrés aux personnes handicapées en 2004. Ces crédits sont essentiellement destinés au financement des établissements médico-sociaux comportant une dimension soignante, à savoir les instituts médico-éducatifs pour les enfants, les maisons d’accueil spécialisées ou les foyers d’accueil médicalisés pour adultes, ainsi qu’au financement des services de soins infirmiers à domicile.

Le taux d’évolution de l’enveloppe consacrée au handicap dans l’ONDAM pour 2004 traduit la poursuite de l’engagement du gouvernement d’apporter des réponses aux attentes des familles concernées. Pour la deuxième année consécutive, ce taux est fixé à 6 %, ce qui représente un effort net de 370 millions d’euros, soit 750 millions en deux ans. Dans le contexte général de la branche maladie, cet effort a d’ores et déjà été accueilli favorablement par le secteur associatif.

L’année 2003 a marqué la fin d’une programmation pluriannuelle de créations de places en établissements. Sans que se démente l’effort du gouvernement, 2004 est une année de transition ; elle devrait être marquée par l’examen d’un projet de loi réformant la loi du 30 juin 1975, lequel s’accompagnera de programmes concrets, applicables dès 2005. Durant cette année de transition, l’objectif est double : soutenir les opérateurs locaux pour la création de nouvelles places, essentiellement pour adultes handicapés, et, dans le même temps, veiller à ce que se développent des formules d’accueil plus souples et personnalisées pour soulager les familles faisant actuellement face à des situations dramatiques.

S’agissant des créations de places en 2004, deux priorités ont été fixées aux services : achever des opérations jusqu’alors partiellement financées et lancer des opérations nouvelles pour l’accueil des personnes lourdement handicapées et des autistes. En outre, la répartition des dotations régionales tiendra compte, comme en 2003, des déficits propres à certaines régions, comme l’Ile-de-France, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Nord-Pas-de-Calais et le Languedoc-Roussillon.

Pour les adultes, 2 200 places nouvelles en maisons d’accueil spécialisées et en foyers d’accueil médicalisés vont pouvoir être mises en chantier, soit autant qu’en 2003. Grâce à une mobilisation sans précédent des associations, des élus locaux et des services de l’Etat, les créations de places financées en 2003 sont réalisées à 75 % à ce jour, ce qui est remarquable. L’effort sera poursuivi en 2004.

Pour les enfants, si l’heure n’est pas au développement des instituts médico‑éducatifs polyvalents, il reste à compenser notre retard pour l’accueil des autistes, ainsi que l’a souligné M. Jean-François Chossy dans le rapport qu’il a remis la semaine dernière, et à accompagner le développement de l’intégration scolaire par l’accélération de la création de places de service d’éducation spéciale et de soins à domicile. Il s’agit ainsi d’accompagner la politique d’éducation nationale et de développer l’intégration d’handicapés dans le milieu scolaire.

Dans le même temps, et sans surestimer la très grande attention que portent les promoteurs à la conception d’établissements de qualité, l’accent sera mis en 2004 sur la nécessaire diversification des formules d’accueil et d’accompagnement. Tout le monde s’accorde, par exemple, à reconnaître l’importance du travail en réseau : les établissements médico-sociaux sont appelés, de plus en plus, à coopérer avec les services à domicile, les municipalités et les praticiens libéraux. Ce partenariat sera encouragé et soutenu.

Pour soulager les familles en attente de solutions, priorité sera donnée au développement de l’accueil temporaire, afin de permettre à ces familles de « souffler » de temps en temps. Ainsi, un décret donnera, avant la fin de cette année, une base juridique à l’accueil temporaire d’ores et déjà pratiqué avec succès dans certains établissements.

Enfin, la parution des textes d’application de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale va faciliter la mise en place des conseils de la vie sociale et le Conseil national de l’évaluation devrait être installé début 2004.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 témoigne de la volonté du gouvernement de mieux répondre aux besoins des personnes handicapées et aux attentes de leurs familles. Il confirme la priorité donnée par le Président de la République à la politique en faveur des personnes handicapées. Il apporte un premier élément de réponse à la compensation collective attendue par les associations, laquelle constituera un volet important du projet de loi qui sera présenté au début de l’année 2004.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, a estimé que, pour que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne soit pas suivi d’un vingt-troisième plan de sauvetage de la sécurité sociale, le seul fil directeur doit être celui de la responsabilité : responsabilité des médecins, alors que les mesures prévues en ce sens n’ont pas donné satisfaction cette année ; responsabilité des individus, sans toutefois que cet effort pèse sur le travail et en s’efforçant de s’inspirer de l’exemple allemand pour développer la pédagogie à l’égard des patients ; responsabilité des pilotes enfin, car l’exemple de la canicule de l’été dernier a montré, s’agissant de la politique en faveur des personnes âgées, que la pluralité des pilotes confine à l’absence de responsable. Sur ce sujet en particulier, il convient de se tourner vers les régions, qui sont l’échelon pertinent. La position de la commission des finances, de l’économie générale et du plan est de favoriser l’emploi et de réhabiliter le travail.

M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, a félicité le ministre pour l’effort de clarification que marque ce projet de loi, à travers notamment la suppression du FOREC, et pour l’ambition des politiques mises en ½uvre dans les différentes branches, mais aussi par l’intermédiaire d’autres instruments, comme le projet de loi relatif à la politique de santé publique, et ce malgré un cadre budgétaire contraint. Il a ensuite formulé les remarques et questions suivantes :

– Il faut saluer l’effort remarquable accompli dans le traitement du questionnaire de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, avec un taux de réponse de 90 % au 6 octobre. En revanche, le gouvernement n’a pas complètement répondu aux demandes de rapports votés par le Parlement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 : le rapport prévu à l’article 4, sur le suivi des recommandations de la Cour des comptes, qui aurait dû être remis le 15 juillet, n’est toujours pas disponible ; le rapport prévu à l’article 8, sur les coûts de gestion des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, aurait dû être déposé le 1er octobre, mais il l’a été avec un mois de retard. Qu’en est-il des trois autres rapports, qui doivent arriver avant le 15 octobre, sur la médicalisation de l’ONDAM, les réductions d’assiette de cotisations sociales et l’amiante ?

– Le gouvernement a négocié avec les fabricants de tabacs une nouvelle augmentation des prix des cigarettes, de 19 % au 20 octobre. Comment escompte-t-il obtenir 800 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2004, alors qu’il n’a, semble-t-il, obtenu que 200 millions d’euros sur le milliard d’euros attendu pour 2003 ? L’impact de la hausse des prix sur la consommation pourra-t-il être précisément évalué ? Quels moyens seront mis en ½uvre pour éviter la contrebande et les ventes transfrontalières ?

– En demandant à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) de rembourser la deuxième moitié de la dette de l’Etat au titre du FOREC, le gouvernement lui fait ainsi indirectement reprendre pour un peu plus d’un milliard d’euros de dette du régime général. Pour autant, la dette accumulée reste trop importante, plus de 24 milliards d’euros à la fin de l’année 2004, entraînant des charges d’intérêt de 600 millions d’euros. Comment apurer au mieux et au plus vite la dette actuelle de la sécurité sociale, très élevée ?

– La « tuyauterie » de la sécurité sociale a été délibérément rendue illisible par le précédent gouvernement pour masquer les dépenses nouvelles non financées, notamment les trente-cinq heures. Un effort de clarification sans précédent est accompli en supprimant le FOREC, mais comment garantir à la sécurité sociale que les exonérations de cotisations seront bien compensées ? Ne serait-il pas opportun de créer un comité des finances sociales, associant parlementaires et partenaires sociaux, pour garantir la plus grande transparence possible en la matière ?

– Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie que le Premier ministre doit installer le 13 octobre a-t-il vocation, comme le Conseil d’orientation des retraites, à devenir une véritable instance de réflexion, une instance stratégique pérenne ?

– Comment passe-t-on d’un taux prévisionnel de progression de l’ONDAM de 5,5 % prévu par la Commission des comptes de la sécurité sociale, à un taux de 4 % dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Comment la maîtrise médicalisée va-t-elle être mise en ½uvre, notamment au niveau régional avec les unions régionales des caisses d’assurance maladie ? Et quelle sera la déclinaison de l’ONDAM en enveloppes (ville, hôpital, cliniques privées, médico-social, réseaux) ?

– La tarification à l’activité, dont la généralisation est proposée par le présent projet, pourra-t-elle être opérationnelle dès le mois de mai 2004, notamment pour les cliniques privées ?

M. Bruno Gilles, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail, a félicité le ministre pour sa présentation, en insistant sur la louable volonté de mettre en ½uvre une politique de maîtrise des dépenses juste et équitable. Il y faudra du courage. S’agissant de la tarification à l’activité, quel en sera le calendrier de mise en place, et selon quelles modalités de transition, dans le secteur public comme dans le secteur privé ? A-t-on bien pris conscience du fait que très peu d’établissements de santé disposent d’une comptabilité analytique ? Par ailleurs, la conclusion à l’échelle régionale de contrats de bonne pratique et de contrats de santé publique ne risque-t-elle pas d’amoindrir la portée des conventions nationales ?

M. François Goulard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, a rappelé que le problème financier rencontré par la sécurité sociale tient au décalage entre le rythme de progression des dépenses et celui des recettes, surtout dans un contexte de croissance faible. L’augmentation des dépenses ne s’explique pas uniquement par le vieillissement de la population et le progrès des techniques médicales, d’où la nécessité de réformes de structure, sans lesquelles tout effort de meilleure gestion sera vain. Comme l’a rappelé le Président Pierre Méhaignerie, un rééquilibrage du financement par la hausse des prélèvements obligatoires serait néfaste à notre économie. La méthode du gouvernement est donc la bonne, qui consiste à poser le bon diagnostic et à lancer un grand débat, en favorisant d’emblée ce débat par un effort de clarification : la rebudgétisation du FOREC.

La nécessaire responsabilisation des acteurs du système de santé appelle des mesures concrètes. Les patients ont leur part de responsabilité dans la dérive des dépenses ; des études sur l’effet inflationniste du tiers payant seraient utiles à cet égard. Les médecins sont comptables de l’augmentation déraisonnable des indemnités journalières. Quelles mesures sont prévues, en liaison avec la CNAMTS, pour enrayer cette tendance ? Alors que les dépenses des établissements de santé représentent la moitié du total de l’ONDAM, il faut insister, à l’heure de la généralisation de la tarification à l’activité, sur le besoin de transparence dans les coûts du secteur hospitalier public et privé.

En réponse à ces interventions, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a apporté les précisions suivantes :

– La généralisation de la tarification à l’activité représente un atout considérable pour le fonctionnement de l’hôpital. Le système de la dotation globale avait certes son utilité lors de sa mise en  place en 1983, lorsque les hôpitaux demandaient régulièrement des rallonges budgétaires en cours d’année. Mais il comporte des effets pervers, en pénalisant les établissements innovants et en récompensant les moins entreprenants. Des pistes de réforme ont été lancées, tels les groupes homogènes de malades ou la tarification à la pathologie, mais ces mécanismes n’englobent pas l’ensemble des missions de l’hôpital ; c’est chose faite avec la tarification à l’activité.

La mise en ½uvre de cette réforme n’est pas aisée. L’expérimentation lancée en 2003 a produit des résultats remarquables, et le nombre d’établissements candidats a été beaucoup plus important que prévu ; 2004 sera l’année du début de la généralisation du système. Mais il importe de ne pas brusquer les choses, d’accompagner le mouvement en s’appuyant sur des missions d’audit, de ne pas fragiliser les établissements. Ainsi, en 2004, seules les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) seront concernées à hauteur de 10 %. Les autres activités seront financées au forfait – missions d’intérêt général, d’enseignement, d’accueil des populations précaires notamment –, ou sur un mode mixte. La convergence entre secteurs public et privé sera progressive, de sorte que deux échelles de calcul coexisteront au sein de la même enveloppe, pendant dix ans environ. La mobilisation est générale dans les hôpitaux, 2004 ne sera qu’une première étape.

– La loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 était placée sous le signe de la transition ; celle de 2004 poursuit un objectif de clarification ; 2005 sera probablement l’année de la responsabilisation.

– Pour séduisante que soit la réforme allemande de l’assurance maladie, elle n’est pas transposable en France. En effet, les 300 caisses de base fonctionnent différemment outre-Rhin, le système est financé uniquement par les cotisations sociales – et non par l’équivalent de la CSG –, les transferts de charges avec le budget de l’Etat ne changeraient rien, en France, à la comptabilisation des déficits au sens du Traité de Maastricht, et l’Allemagne découvre le ticket modérateur que notre système connaît depuis longtemps.

– Le rapport sur la médicalisation de l’ONDAM est transmis ce jour au Parlement. Les autres rapports prévus seront disponibles le 15 octobre.

– Les droits sur les tabacs doivent rapporter 8,8 milliards d'euros en 2003. Ce montant est inférieur aux prévisions, du fait d’une moindre répercussion par les fabricants des hausses de taxes (les prix n’ont crû que de 11 % au lieu de 17 %), et d’une baisse de la consommation en volume de 8 % au moins. Les mesures prévues pour 2004 tiennent compte de ces enseignements. Ainsi, la part du produit des droits sur les tabacs affectée à l’assurance maladie passera-t-elle de 15,2 % à 22,27 %, et l’éventuelle baisse de la consommation, d’ailleurs espérée, a été anticipée.

– La CADES a été créée en 1996 pour neuf ans, mais le gouvernement de M. Lionel Jospin en a prolongé le terme de cinq ans, jusqu’en février 2014, suite au transfert à la caisse de 13,3 milliards d’euros de dettes supplémentaires en 1998. Il serait inconséquent de s’engager plus avant dès aujourd’hui sur l’avenir de la CADES, sans concertation globale avec l’ensemble des partenaires concernés.

– La progression de l’ONDAM pour 2003 avait été fixée à 5,3 %, pour être révisée à 6,4 %. Pour 2004, le chiffre de 4 % a été retenu. Ce chiffre résulte de la mesure de l’évolution spontanée de l’ONDAM, soit 6 % pour les soins de ville, et des économies contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour un montant d’1,62 milliard d’euros, soit – 2,8 %. A cette prévision d’évolution de 3,2 % dans le domaine des soins ambulatoires correspond un ONDAM global à + 4 %.

– Les contrats de bonne pratique à l’échelle régionale existent déjà, par exemple pour les médecins de montagne. Cette expérience est riche d’enseignements. Le gouvernement n’entend rien imposer, mais permettre aux unions régionales des caisses d’assurance maladie qui le souhaitent de montrer le chemin.

– Une nouvelle convention d’objectifs et de gestion sera signée avec la CNAM au début de l’année 2004.

– Le souci de ne pas alourdir les prélèvements obligatoires est légitime. Il aurait été aisé de présenter cette année un projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’équilibre, en augmentant d’un point la CSG. Cette mesure est d’ailleurs préconisée par l’opposition comme par les syndicats. Mais telle n’est pas la bonne solution : plutôt que de remettre de l’eau dans un bassin qui fuit, il faut colmater les fuites et revoir la tuyauterie. En outre, la hausse des prélèvements nuit à la croissance économique. Le gouvernement n’a pas choisi la facilité, mais l’efficacité.

– De nombreux témoignages indiquent que la carte Vitale masque, pour l’usager, le coût du système de soins. Mais revenir sur ce dispositif serait un élément de complexité inutile et il est des patients qui ne peuvent pas assumer l’avance de frais. Cependant, une réflexion est à mener sur la part des dépenses que les patients, ou certains d’entre eux, pourraient prendre à leur charge.

– On ne peut pas faire grief aux médecins libéraux de l’augmentation des indemnités journalières. Le refus opposé par un médecin n’empêche pas un autre médecin d’ouvrir droit à ces indemnités. Ainsi, ce n’est pas au médecin lui-même que doit incomber le contrôle de ces dépenses, mais au service du contrôle médical de la CNAM. L’autre moyen d’enrayer ces dépenses consisterait à les soumettre à un accord préalable.

M. Jean-Luc Préel a formulé les remarques et questions suivantes :

– Il convient tout d’abord de relever l’exercice délicat que constitue la présentation de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, compte tenu du contexte conjoncturel de baisse des recettes.

– On ne peut que se féliciter de la suppression du FOREC mais il conviendra d’être particulièrement vigilant s’agissant de la réalité de la compensation des exonérations de cotisations sociales par l’Etat et de l’affectation des droits sur les tabacs et les alcools à l’assurance maladie.

– La politique familiale proposée va dans le bon sens.

– La hausse du plafond de découvert de trésorerie du régime général proposée par le présent projet de loi de financement de sécurité sociale atteint le niveau abyssal de 33 milliards d’euros. Quels en seront les frais financiers et comment ceux-ci seront-ils financés ?

– Il est essentiel de régler la question de la gouvernance de l’assurance maladie.

– En ce qui concerne l’ONDAM, on ne peut que constater qu’il n’est toujours pas fixé sur une base médicalisée et s’interroger sur la hausse de 4 % en valeur affichée dans le projet. Une telle prévision est-elle réaliste ? Un nouveau dépassement de l’ONDAM ne risque-t-il pas de le déconsidérer encore davantage ?

– Comment la tarification à l’activité sera-t-elle mise en place dans les établissements déficitaires sans rebasage à l’origine ? La question vaut également pour les cliniques, déficitaires pour 35 % à 40 % d’entre elles. Comment peut-on voter un budget en équilibre sans avoir de base saine ?

– En ce qui concerne le médicament, les mesures de déremboursement nécessiteront beaucoup de pédagogie. Par ailleurs, tout le monde s’est félicité de l’accord‑cadre du printemps dernier signé avec l’industrie pharmaceutique, mais l’augmentation du rendement de la taxe sur les dépenses de promotion des laboratoires proposée par le présent projet de loi en faisait-elle partie ? Si non, n’est-ce pas là une remise en cause directe de cet accord ?

M. Claude Evin a rappelé que le ministre a, il y a un an, annoncé pour cette année des réformes d’une ampleur comparable à celles de 1945 et 1967. Aujourd’hui, il tient le même discours. Pour autant, a-t-on fait le moindre choix ? Où en est la maîtrise fondée sur la confiance faite aux professionnels de santé qui avait été annoncée ? Ou plutôt, n’y a-t-il pas de maîtrise du tout ? Celle-ci peut certes se faire selon des modalités différentes mais l’absence de choix par le gouvernement risque de remettre en cause profondément la solidarité nationale.

Comment les dépenses seront-elles contenues en 2004, alors que le gouvernement annonce seulement quelques recettes de poche ? Comme l’a souligné le ministre, à propos des indemnités journalières, le comportement des professionnels de santé n’est pas vertueux. On ne peut pas continuer à ne pas traiter le problème structurel de l’organisation de la médecine libérale en France : quelle amélioration apporte-t-elle à la qualité du système de santé ? A défaut de mesures sur l’offre de soins, on peut prendre le pari qu’il n’y aura pas de stabilisation naturelle des dépenses.

Force est par ailleurs de constater que, pour l’essentiel, la stabilisation du déficit repose sur les assurés sociaux. Si les professionnels de santé ont bénéficié de 840 millions d’euros en 2003, ce qui n’est pas choquant en soi, il faut noter que les assurés devront, quant à eux, débourser bien plus que cette somme en 2004. Pour autant, le pouvoir d’achat des premiers a augmenté de 39 % sur les vingt dernières années et celui des seconds seulement de 15 %. Il y a là matière à débat.

M. Claude Evin a ensuite formulé les questions suivantes :

– Qui va devoir supporter les conséquences de la suppression du FOREC, laquelle se traduit par une diminution des recettes fiscales affectées à la sécurité sociale ?

– Si l’on est dans une logique de clarification des relations financières entre l’Etat et l’assurance maladie, pourquoi n’y aura-t-il plus de remboursement intégral des dépenses engagées par les caisses d’assurance maladie au titre de la CMU complémentaire ?

– Que recouvre le taux de 10 % évoqué pour la mise en ½uvre de la tarification à l’activité ?

– Est-il envisagé de revenir par amendement gouvernemental au cours du débat sur la question de l’assurabilité des professionnels de santé dans le cadre de la responsabilité civile médicale ? Son financement serait-il assuré par la solidarité nationale ? Il faut sur ce point se méfier de la manipulation orchestrée par les sociétés d’assurances car les difficultés d’assurabilité ne tiennent certainement pas à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui a, au contraire, amélioré la situation.

M. René Couanau a estimé que ce projet de loi de financement pour la sécurité sociale constitue un texte de clarification et de dynamisme : il engage des réformes de fond, par exemple la très importante avancée que constitue la mise en place de la tarification à l’activité. Celle-ci nécessite cependant de préciser les points suivants :

– Le taux de 10 % évoqué par le ministre s’applique-t-il à l’ensemble des activités MCO ? Il faut être conscient que cette réforme constitue un effort considérable pour les établissements de santé non équipés. Certes, il est impossible de rebaser préalablement à la réforme mais il faudra accompagner celle-ci.

– Va-t-on enfin aller vers un budget unique pour l’année dans les hôpitaux ? Il faudra préciser que l’adaptation du budget en cas de dépassement constituera en fait une révision de l’activité de l’établissement, avec les conséquences sanitaires y afférentes. Par ailleurs, si l’on va vers un budget annuel, il ne faut pas que le ministère de la santé édicte de nouvelles normes en cours d’année, comme cela a par exemple été le cas encore cet été pour la réanimation, sans qu’une étude d’impact financier ait été effectuée.

– Enfin, le plan d’investissement Hôpital 2007 constitue un levier d’un intérêt considérable dans l’entreprise de modernisation du système hospitalier engagée par le gouvernement : il faut en profiter pour développer une politique de contractualisation avec les établissements, et non pas distribuer les yeux bandés une sorte de manne financière.

M. Pierre Forgues a relevé que l’on évoque de façon permanente la nécessaire baisse des dépenses mais que rien n’est dit sur les recettes, sinon qu’elles ralentissent, alors qu’elles sont responsables des deux tiers du déficit. Il faut agir. On n’échappera pas à la nécessité de modifier l’assiette des cotisations sociales. Alors que le gouvernement va surtout diminuer le taux de remboursement des médicaments, créant ainsi une médecine à plusieurs vitesses, la solidarité apparaît dans ce projet comme un simple mot et non comme une réalité.

M. Maxime Gremetz a contesté les références constamment faites aux prétendus modèles ou exemples étrangers s’agissant de la réforme de la sécurité sociale. La sécurité sociale française est sans comparaison dans le monde : c’est un système unique et original.

Quel modèle inspire aujourd’hui le gouvernement ? En dépit de sa générosité avec certains, son idée est qu’il y a trop de dépenses et qu’il faut les contrôler. Rien n’est fait en revanche sur les recettes, amputées de 21 milliards d’euros par les exonérations de cotisations sociales. Au contraire, on annonce une hausse de 2 milliards d’euros supplémentaires du montant des allègements de charges pour 2004. Tout cela constitue un manque à gagner pour les caisses de sécurité sociale, sans même parler des conséquences de l’augmentation du chômage.

Le gouvernement a bien une réforme en vue. Il ne peut cependant pas la mettre en place aussi vite qu’il le souhaiterait à cause des difficultés qu’il a rencontrées sur les retraites. Cette réforme n’est pas encore en application, mais toutes les mesures du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale vont, en filigrane, dans le sens de la diminution des dépenses : les assurés sociaux paieront davantage du fait des déremboursements de médicaments et du forfait journalier, à la différence des entreprises qui seront toujours plus exonérées.

Le c½ur de cette réforme repose sur la tarification à l’activité qui va remplacer la dotation globale. On est là dans l’hypocrisie la plus totale : plus les hôpitaux réaliseront d’activité, plus leur dotation sera élevée. On imagine bien ce que cela donnera.

Le diagnostic fait par le gouvernement est bon. Sont actuellement en discussion, une politique de santé publique pavée de bonne intention. De grands principes sont affirmés, mais comment les financera-t-on ? Il faut aller chercher les recettes là où elles sont, c’est-à-dire dans les entreprises puisque la part du capital dans la valeur ajoutée est passée de 25 % en 1982 à un tiers aujourd’hui, au détriment bien sûr des salaires, de la croissance et de l’emploi.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a apporté les précisions suivantes :

– Le présent projet de loi de financement permet pour la première fois un suivi de l’évolution tendancielle des dépenses retracées dans le cadre de l’ONDAM. En effet, les économies ayant été identifiées ligne par ligne, il sera possible de suivre l’évolution de cet objectif tout au long de l’année.

– La charge de la dette de la sécurité sociale s’élèvera à 600 millions d’euros en 2004.

– Il n’y a aucune entorse à l’accord cadre avec l’industrie pharmaceutique concernant la taxe sur les dépenses de promotion des laboratoires.

– Le gouvernement n’a prévu aucune mesure nouvelle concernant la responsabilité civile médicale.

– Le financement du projet de loi relatif à la politique de santé publique figure à la fois en projet de loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

– Pour la mise en ½uvre concrète de la tarification à l’activité, une mission d’audit et d’expertise sera à la disposition des établissements de santé qui rencontreront des difficultés. Ce nouveau mode de financement permettra une meilleure allocation des ressources et sera donc avant tout favorable aux établissements qui ont besoin de revenus supplémentaires en raison de leur dynamisme. Il s’accompagnera d’une rénovation des règles budgétaires et comptables des hôpitaux. En 2004, il ne concernera que 10 % de l’activité MCO.

– La réforme de la gestion budgétaire des hôpitaux passera par la mise en place d’une contractualisation tant externe, entre les hôpitaux et les agences régionales de l’hospitalisation (ARH), qu’interne, entre les pôles d’activité des établissements.

– Il n’y aura pas de normes nouvelles imposées aux établissements de santé sans évaluation préalable de leurs implications financières.

– Le gouvernement a décidé d’appliquer le même forfait de remboursement des dépenses de CMU complémentaire pour les caisses d’assurance maladie et pour les mutuelles.

– La modernisation de la sécurité sociale nécessite l’effort de tous et si chacun s’inscrit dans une logique d’affrontement et de critique systématiques, comme viennent de le faire les parlementaires de l’opposition, cette réforme ne pourra pas aboutir. Si beaucoup de reproches ont été faits à l’actuel gouvernement, on pourrait aussi rappeler que le gouvernement précédent a ponctionné 4,7 milliards d’euros sur les recettes de la sécurité sociale pour financer les trente-cinq heures. On pourrait aussi évoquer la charge de la réduction du temps de travail à l’hôpital ou encore les engagements pris pour augmenter les rémunérations des professionnels de santé libéraux, soit 684 millions d’euros au total en 2001 et au début de l’année 2002, qui ont été tenus par l’actuel gouvernement alors que non financés par le précédent. Pour autant, il y a eu des grèves de médecins désorganisant la permanence des soins et une absence totale de vie conventionnelle pendant la gestion du système de santé par le précédent gouvernement.

– Que ce soit sur l’hôpital, la médecine de ville ou le médicament, les problèmes ne datent pas d’aujourd’hui. Sur les vingt dernières années, les erreurs et les responsabilités sont bien partagées, même s’il est incontestable que le gouvernement précédent a délaissé le système de santé pour financer les trente-cinq heures.

– Il est évidemment bien plus facile d’assurer le financement de la sécurité sociale lorsque la croissance économique est de 3 % ou 4 %, mais le nombre de malades et la qualité des soins ne sont pas fonction de la conjoncture. Il faut donc revoir l’intégralité du système pour ne plus dépendre des aléas de la croissance.

– Il n’est pas acceptable de dire que le déremboursement de certains médicaments va créer une médecine à deux vitesses. Seuls seront déremboursés les spécialités inefficaces, qui avaient d’ailleurs déjà été évaluées comme telles en 1999. En revanche, les nouvelles molécules et les produits innovants seront mieux pris en charge par la solidarité nationale, au bénéfice de tous les patients.

– Les nouvelles exonérations de cotisations patronales seront intégralement compensées à la sécurité sociale et n’auront donc pas de conséquences sur le déficit. Quant à leur incidence économique, on rappellera qu’une étude menée sur les allègements de charges décidés en 1994 a montré que ceux-ci ont permis 300 000 créations d’emplois.

En conclusion, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a considéré qu’il ne faut pas être pessimiste car, si l’on considère le taux moyen de remboursement des dépenses de santé engagées par les ménages, celui-ci s’élève aujourd’hui à 78 % contre 76 % en 1995. Si la sécurité sociale doit être modernisée pour pouvoir être préservée, nous sommes donc loin de la catastrophe décrite, puisque le système n’a jamais été aussi équitable. Par contre, il est clair que nous n’avons pas à chercher de modèles ailleurs : le système français de protection sociale est unique et sa spécificité sera garantie.

 

 


 

II.- examen du rapport

 

La commission a examiné le rapport de M. Pierre Morange pour les recettes et l’équilibre général au cours de sa séance du mardi 21 octobre 2003.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Yves Bur a relevé l’importance du nouveau chantier que constitue le maintien du système de solidarité, après la réforme des retraites menée à bon port par l’actuel gouvernement à la différence du précédent. Le traditionnel effet de ciseaux a en effet creusé le déficit, qui doit inciter à une réforme de fond du système de santé.

On ne saurait se contenter d’une nouvelle répartition des responsabilités de gestion. Des actes forts sont nécessaires pour réduire le déficit. Il faut une véritable responsabilisation de l’ensemble des acteurs du système de santé et ses modalités doivent être débattus dès le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Parmi eux, on peut évoquer :

– la responsabilisation des professionnels de santé à partir d’une véritable contractualisation ;

– l’adaptation de l’hôpital public sous la pression de la tarification à l’activité, sur laquelle on pourrait être plus ambitieux en termes de délais, et par la mise en ½uvre des pistes évoquées en matière de gouvernance interne par le rapport de la mission d’information présidée par M. René Couanau, avec l’aide du plan « Hôpital 2007 » qui doit constituer le levier de cette modernisation.

Il faut par ailleurs saluer la suppression du FOREC, même s’il convient d’être vigilant quant à la compensation par l’Etat de toutes les exonérations de cotisations patronales. De ce point de vue, la création d’un Comité des finances sociales paraît opportune.

En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pose les premiers éléments de maîtrise des déficits, même si cette première étape devra être complétée en 2004.

M. Jean-Marie Le Guen a regretté que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue une occasion manquée de plus. On ne voit aucune raison d’attendre encore une année supplémentaire pour agir face à une situation de déficit sans précédent.

M. Claude Evin a rappelé que les comptes n’ont jamais été aussi dégradés dans toute l’histoire de la sécurité sociale. Or, les mesures promises l’an dernier par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, pour restaurer la situation sont singulièrement absentes du projet de loi de financement pour 2004. Les dispositions financières présentées n’ont rien de structurant et reprennent même des mesures de recettes utilisées par le gouvernement précédent et qui avaient, à l’époque, été sévèrement critiquées par ceux qui les approuvent aujourd’hui.

S’agissant de la clarification des relations financières entre l’Etat et la sécurité sociale dont il est fait grand cas par la majorité, il convient de ne pas exagérer la portée des mesures proposées, car la disparition du FOREC ne fait pas tout. Sa dette est reprise par la CADES et non par l’Etat. Rien n’est également prévu pour le remboursement à la CNAMTS du coût de la couverture complémentaire au titre de la CMU compte tenu de la mesure prévue à l’article 82 du projet de loi de finances pour 2004. Si tout le monde peut être d’accord sur l’objectif de clarification, les mesures proposées ne permettent en fin de compte qu’une transparence très partielle.

M. Jean-Luc Préel a constaté que le déficit cumulé s’élève à 33 milliards d’euros sur trois ans et le projet de loi ne prévoit pour son financement qu’une facilité de trésorerie supplémentaire pour l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). On évoque un coût annuel de 800 millions d’euros pour financer cette « dette ». Qu’en est-il en réalité ?

M. Jean Le Garrec a regretté la disparition du FOREC car ce fonds présentait l’avantage de bien identifier les politiques de baisse des cotisations sociales, politiques qui n’ont pas vocation à disparaître, bien au contraire. En ce domaine, le remboursement de la dette par la CADES n’est pas satisfaisant.

En réponse aux intervenants, M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, a apporté les précisions suivantes :

– La suppression du FOREC se justifie car ce fonds était devenu une véritable « usine à gaz ». Afin d’assurer à l’avenir la transparence des flux financiers entre l’Etat et la sécurité sociale, un amendement instituant un Comité des finances sociales, inspiré du Comité des finances locales, sera présenté.

– La reprise par la CADES de la dette 2000 du FOREC vis-à-vis des régimes de sécurité sociale est la stricte conséquence de l’insuffisance de financement par le gouvernement précédent des mesures qu’il avait adoptées. Globalement, ces insuffisances de financement peuvent être chiffrées à 7,8 milliards d’euros par an.

– La charge des intérêts pour la CNAMTS s’élèvera à 600 millions d’euros en 2004.

– Il est faux de dire que ce projet de loi de financement ne comporte pas d’éléments structurants, au regard des nombreuses mesures qu’il propose en matière de développement du médicament générique, de déremboursement, de bon usage des soins ou encore de tarification à l’activité. Comment peut-on d’ailleurs critiquer le report d’une année de la réforme de l’assurance maladie après toutes les années d’immobilisme du gouvernement précédent, notamment en matière de retraites ?

2ème partie

 

N° 1157 - tome I :: rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale : recettes et équilibre général. (M. Pierre Morange)