dossier correspondant


Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document mis

en distribution

le 25 novembre 2003

graphique

N° 1236 - 2ème partie

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 novembre 2003.

RAPPORT - 2ème partie

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT (N° 1109), portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalté.

PAR M. Jean-Luc WARSMANN,

Député.

--

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1re lecture : 784, 856, 864 et T.A. 140.

2e lecture : 1109.

Sénat : 1re lecture : 314, 441, 445 (2002-2003) et T.A. 1 (2003-2004).

Justice - Sécurité.

1re partie du rapport

INTRODUCTION

I. la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées

II. -  L'entraide judiciaire internationale

III. -  la lutte contre les infractions en matière économique, financière et douanière et relatives au terrorisme, à la santé publique et à la pollution maritime

Iv. -  La lutte contre les discriminations et les infractions sexuelles

V. -  Les dispositions relatives à l'action publique et à l'enquete

Vi. -  les dispositions relatives à l'instruction et au jugement

vii. -  la nouvelle architecture de l'application des peines

Examen des articles : articles 1er à 6 ( art 695 -32 )

2ème partie du rapport

Article 695-33 [nouveau] du code de procédure pénale Demande d'informations complémentaires-Report des délais 9

Article 695-34 [nouveau] du code de procédure pénale Demande de mise en liberté 9

Article 695-35 [nouveau] du code de procédure pénale Levée ou modification du contrôle judiciaire 10

Article 695-36 [nouveau] du code de procédure pénale Mandat d'arrêt décerné par la chambre de l'instruction 11

Article 695-37 [nouveau] du code de procédure pénale Remise de la personne recherchée par le procureur général 11

Article 695-38 [nouveau] du code de procédure pénale Report de la remise de la personne recherchée pour des raisons humanitaires 12

Article 695-39 [nouveau] du code de procédure pénale Remise différée ou conditionnelle de la personne recherchée 13

Article 695-40 [nouveau] du code de procédure pénale Déduction de la période de détention subie 13

Paragraphe 5 Cas particuliers 13

Article 695-41 [nouveau] du code de procédure pénale Remise d'objets 13

Article 695-42 [nouveau] du code de procédure pénale Décision en cas de pluralité de mandats d'arrêt européen 14

Article 695-43 [nouveau] du code de procédure pénale Information en cas de retard dans l'exécution du mandat d'arrêt européen 15

Articles 695-44 et 695-45 [nouveaux] du code de procédure pénale Audition ou transfèrement temporaire de la personne recherchée 15

Article 695-46 [nouveau] du code de procédure pénale Compétence de la chambre de l'instruction pour la poursuite d'autres infractions et pour la remise à un autre État membre 16

Section 4 Transit 18

Article 695-47 [nouveau] du code de procédure pénale Autorisation de transit 18

Article 695-48 [nouveau] du code de procédure pénale Contenu de la demande de transit 18

Article 695-49 [nouveau] du code de procédure pénale Transmission des informations au ministre de la Justice 19

Article 695-50 [nouveau] du code de procédure pénale Utilisation de la voie aérienne 19

Article 695-51 [nouveau] du code de procédure pénale Transit en cas d'extradition 19

Chapitre V (nouveau) De l'extradition 20

Article 696 [nouveau] du code de procédure pénale Dispositions générales 21

Section 1 Des conditions de l'extradition 21

Article 696-1 [nouveau] du code de procédure pénale Champ d'application de l'extradition 21

Article 696-2 [nouveau] du code de procédure pénale Conditions tenant au lieu de commission de l'infraction 22

Article 696-3 [nouveau] du code de procédure pénale Conditions tenant à la nature de l'infraction 22

Article 696-4 [nouveau] du code de procédure pénale Cas de refus obligatoire de l'extradition 23

Article 696-5 [nouveau] du code de procédure pénale Demandes concurrentes 24

Article 696-6 [nouveau] du code de procédure pénale Principe de la spécialité 25

Article 696-7 [nouveau] du code de procédure pénale Extradition différée 25

Section 2 De la procédure d'extradition de droit commun 25

Article 696-8 [nouveau] du code de procédure pénale Forme de la demande d'extradition 25

Article 696-9 [nouveau] du code de procédure pénale Transmission de la demande au procureur de la République territorialement compétent 26

Article 696-10 [nouveau] du code de procédure pénale Arrestation de la personne réclamée 26

Article 696-11 [nouveau] du code de procédure pénale Incarcération à la maison d'arrêt 27

Article 696-12 [nouveau] du code de procédure pénale Présentation au procureur général 28

Articles 696-13 et 696-14 [nouveaux] du code de procédure pénale Comparution devant la chambre de l'instruction lorsque la personne consent à son extradition 28

Article 696-15 [nouveau] du code de procédure pénale Comparution devant la chambre de l'instruction lorsque la personne réclamée ne consent pas à son extradition 29

Article 696-16 [nouveau] du code de procédure pénale Intervention à l'audience de l'État requérant 30

Article 696-17 [nouveau] du code de procédure pénale Effet d'un avis négatif de la chambre de l'instruction 30

Article 696-18 [nouveau] du code de procédure pénale Effet d'un avis favorable de la chambre de l'instruction 30

Article 696-19 [nouveau] du code de procédure pénale Mise en liberté de la personne réclamée 31

Article 696-20 [nouveau] du code de procédure pénale Levée ou modification du contrôle judiciaire 32

Article 696-21 [nouveau] du code de procédure pénale Mandat d'arrêt décerné par la chambre de l'instruction 32

Article 696-22 [nouveau] du code de procédure pénale Remise de la personne recherchée 33

Article 696-23 [nouveau] du code de procédure pénale Arrestation provisoire en cas d'urgence 33

Article 696-24 [nouveau] du code de procédure pénale Délai de transmission de la demande officielle 34

Section 3 De la procédure simplifiée d'extradition entre les États membres de l'Union européenne 34

Article 696-25 [nouveau] du code de procédure pénale Délai de comparution devant le procureur général de la personne réclamée 35

Article 696-26 [nouveau] du code de procédure pénale Comparution devant le procureur général 35

Article 696-27 [nouveau] du code de procédure pénale Délais de comparution devant la chambre de l'instruction 35

Article 696-28 [nouveau] du code de procédure pénale Comparution devant la chambre de l'instruction de la personne qui consent à son extradition 36

Article 696-29 [nouveau] du code de procédure pénale Arrêt autorisant l'extradition 36

Article 696-30 [nouveau] du code de procédure pénale Effets d'un pourvoi en cassation 37

Article 696-31 [nouveau] du code de procédure pénale Délai de remise de la personne réclamée 37

Article 696-32 [nouveau] du code de procédure pénale Demande de mise en liberté ou de levée du contrôle judiciaire 38

Article 696-33 [nouveau] du code de procédure pénale Consentement donné après l'expiration du délai de dix jours 38

Section 4 Des effets de l'extradition 38

Articles 696-34 et 695-35 [nouveaux] du code de procédure pénale Renonciation à la règle de la spécialité. 38

Article 696-36 [nouveau] du code de procédure pénale Nullité de l'extradition obtenue par le Gouvernement français 39

Article 696-37 [nouveau] du code de procédure pénale Qualification des faits ayant motivé l'extradition 40

Article 696-38 [nouveau] du code de procédure pénale Effets de l'annulation de l'extradition 40

Article 696-39 [nouveau] du code de procédure pénale Exception à la règle de la spécialité 41

Article 696-40 [nouveau] du code de procédure pénale Renonciation à la règle de la spécialité après l'extradition 41

Article 696-41 [nouveau] du code de procédure pénale Réextradition vers un État tiers 42

Section 5 Dispositions diverses 42

Article 696-42 [nouveau] du code de procédure pénale Transit 42

Article 696-43 [nouveau] du code de procédure pénale Remise d'objets 42

Article 696-44 [nouveau] du code de procédure pénale Notification d'un acte de procédure ou d'un jugement à un résident français 43

Article 696-45 [nouveau] du code de procédure pénale Communication de documents à la demande d'un gouvernement étranger 43

Articles 696-46 et 696-47 [nouveaux] du code de procédure pénale Comparution d'un témoin et confrontation à l'étranger de personnes résidant en France 44

Article 696-48 [nouveau] du code de procédure pénale Compétence des juridictions françaises en cas de refus d'extradition 44

Article 6 ter (nouveau) (art. 113-8-1 [nouveau] du code pénal) Jugement en France des personnes dont l'extradition est refusée 47

Article 6 quater (nouveau) (Loi du 10 mars 1927) Abrogation de la loi relative à l'extradition 48

Chapitre III Dispositions concernant la lutte contre les infractions en matière économique, financière et douanière et en matière de terrorisme, de santé publique et de pollution maritime 48

Section 1 Dispositions relatives aux infractions en matière économique et financière 48

Article 7 (art. 704, 705-1, 705-2 [nouveaux] et art 706 du code de procédure pénale) Des juridictions spécialisées en matière économique et financière 48

Article 705-1 du code de procédure pénale Procédure de dessaisissement de la juridiction de droit commun au profit de la juridiction spécialisée 48

Article 705-2 du code de procédure pénale Recours contre l'ordonnance du juge d'instruction 49

Article 706 du code de procédure pénale Des assistants spécialisés 49

Après l'article 7 (art. 706-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale) Coordination de l'action publique en matière économique et financière par le Procureur Général près la cour d'appel 51

Article 7 bis (art. 7-1 [nouveau] de la loi du 21 mai 1836) Clarification du régime applicable aux loteries 51

Article 7 ter (nouveau) (art. L. 650-1 à L. 650-3 du code de l'organisation judiciaire) Désignation de magistrats spécialisés dans les juridictions prévues par les articles 704 et 706-75 52

Section 2 Dispositions relatives aux infractions en matière de santé publique 54

Article 8 (art. 706-2 du code de procédure pénale) De la compétence et des moyens dévolus aux juridictions spécialisées en matière de santé publique 54

Article 8 bis (nouveau) (art. L. 4122-1, L. 4123-1 et L. 4161-4 du code de la santé publique) Exercice des droits réservés à la partie civile par les conseils des ordres de certaines professions médicales en cas d'atteinte à l'intérêt collectif de la profession 54

Section 2 bis Dispositions relatives aux actes de terrorisme 55

Article 8 ter (nouveau) (art. 706-18 et 706-22 du code de procédure pénale) Procédure de dessaisissement au profit de la juridiction parisienne spécialisée en matière terroriste 55

Section 3 Dispositions relatives aux infractions en matière de pollution des eaux maritimes par rejets des navires 56

Article 9 (art. 706-102 à 706-106 [nouveaux] du code de procédure pénale) De la procédure applicable en cas de pollution des eaux maritimes par rejets des navires 56

Article 706-102 [nouveau] du code de procédure pénale Compétence des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime 57

Articles 706-105 et 706-106 [nouveaux] du code de procédure pénale Procédure de dessaisissement du juge non spécialisé au profit des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime 58

Article 10 (art. L. 218-10, L. 218-22, L. 218-24, L 218-25 et L. 218-29 du code de l'environnement) Aggravation de la répression des infractions en matière de pollution maritime 59

Section 3 bis Dispositions relatives aux infractions en matière d'incendie de forêts 61

Article 10 bis (nouveau) (art. 322-5 du code pénal) Aggravation du quantum des peines en cas d'incendies de forêts provoqués par le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence 62

Article 10 ter (nouveau) (art. 322-6 à 322-9 du code pénal) Aggravation du quantum des peines en cas d'incendies de forêts de nature à créer un danger pour les personnes 63

Section 4 Dispositions relatives aux infractions en matière douanière 63

Article 11 (art. 28-1 du code de procédure pénale et art. 67 bis du code des douanes) Amélioration de l'efficacité de la douane judiciaire et de la douane administrative 63

Section 5 Dispositions relatives à la contrefaçon 66

Article 11 bis (art. L. 716-9 et L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle) Dispositions relatives aux délits de contrefaçon 66

Article 11 ter (nouveau) (art. 225-25 du code pénal) Suppression de la peine de confiscation du patrimoine en cas de racolage passif 66

Article 11 quater (nouveau) (art. 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer) Qualification de l'infraction de fausse déclaration auprès des agents assermentés de la police des chemins de fer 67

Section 6 Dispositions relatives à la lutte contre le travail dissimulé 67

Article 11 quinquies (nouveau) (art. 2 ter [nouveau] de la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995 relative à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi et art. 23 de la loi n° 2003-239du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure) Création de l'infraction d'exercice illégal de la profession de chauffeur de taxi 67

Chapitre IV Dispositions concernant la lutte contre les discriminations 69

Section 1 Dispositions relatives à la répression des discriminations et des atteintes aux personnes ou aux biens présentant un caractère raciste 69

Article 15 (art. 2-1 du code de procédure pénale) Constitution de partie civile par certaines associations 69

Section 2 Dispositions relatives à la répression des messages racistes ou xénophobes 69

Article 16 (art. 65 de la loi du 29 juillet 1881) Modification du délai de prescription pour les messages racistes ou xénophobes publiés par voie de presse 69

Après l'article 16 70

Chapitre V Dispositions concernant la prévention et la répression des infractions sexuelles 71

Article 16 bis A (nouveau) (art. 131-36-1 du code pénal) Allongement de la durée du suivi socio-judiciaire 71

Articles 16 bis B et C (nouveaux) (art. 706-47 et 706-47-1 [nouveau] art 706-53-1 à 706-53-8 [nouveaux] du code de procédure pénale) Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles 72

a) Les infractions sexuelles : une délinquance en augmentation 73

b) Le FIJAIS : un fichier à la finalité et au champ d'application spécifiques placé sous le contrôle d'un magistrat. 74

b) Des modalités d'accès et de consultation qui garantissent la réactivité du fichier 77

c) Une obligation de déclaration des changements d'adresse qui ne prévoit pas le suivi des délinquants sexuels les plus dangereux 78

d) Une durée de conservation des informations excessive et des modalités d'effacement trop complexes 78

Article 16 bis D (nouveau) (art. 706-56 du code de procédure pénale) Prélèvement d'empreintes génétiques 81

Après l'article 16 bis 82

Chapitre VI Dispositions diverses 83

Article 16 ter (nouveau) (art. 2 de la loi du 2 juillet 1931 et art. 32-1 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881) Divulgation d'informations relatives à une constitution de partie civile 83

Article 16 quater (nouveau) (art. 121-2 du code pénal) Généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales 84

Article additionnel après l'article 16 quater (art. 131-38 du code pénal ; art. 706-45 du code de procédure pénale ; art. 43-1 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) Amendes applicables aux personnes morales - Application du principe de la responsabilité pénale des personnes morales aux délits de presse 85

Article additionnel après l'article 16 quater (art. L.221-2 du code de la route) Création d'un délit de conduite sans permis 85

Article additionnel après l'article 16 quater (art. L.324-2 [nouveau] du code de la route) Création d'un délit de conduite sans assurance 86

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À L'ACTION PUBLIQUE, AUX ENQUÊTES, À L'INSTRUCTION, AU JUGEMENT ET À L'APPLICATION DES PEINES 86

Chapitre Ier Dispositions relatives à l'action publique 86

Section 1 Dispositions générales 86

Article 17 (art. 30 du code de procédure pénale) Attributions du ministre de la Justice en matière de politique pénale 86

Article 18 (art. 35 du code de procédure pénale) Rôle des procureurs généraux en matière de politique pénale 87

Article 19 (art. 36 du code de procédure pénale) Injonction des procureurs généraux en matière d'engagement des poursuites 88

Article 19 bis (nouveau) (art. 37 du code de procédure pénale) Coordination 89

Article 20 (art. 40-1 du code de procédure pénale) Coordination 89

Article 21 (art. 40-1, 40-2 et 40-3 [nouveaux] du code de procédure pénale) Principe de la réponse judiciaire systématique 89

Après l'article 21 90

Section 2 Dispositions relatives à la composition pénale et aux autres procédures alternatives aux poursuites 90

Article 22 A (nouveau) (art. 41-1 du code de procédure pénale) Possibilité d'utiliser la procédure d'injonction de payer en cas de médiation pénale 90

Article 23 (art. 41-2 du code de procédure pénale) Extension du champ d'application de la composition pénale et de la liste des mesures susceptibles d'être proposées 91

Section 3 Dispositions diverses et de coordination 92

Article 24 A (art. 706-53-1 [nouveau] du code de procédure pénale) Prescription des infractions sexuelles 92

Article 24 (art. L. 2211-2 et L. 2211-3 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) Rappel de certaines dispositions relatives aux échanges d'informations sur les infractions entre les maires et les parquets 93

Après l'article 24 95

Article 25 bis (nouveau) (art. 48-1 et 11-1 [nouveaux] du code de procédure pénale) Création d'un bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires 95

Article 25 ter (nouveau) (art. 2-15 du code de procédure pénale) Constitution de partie civile des fédérations d'associations de défense des victimes d'accidents collectifs 97

3ème partie du rapport

Examen des articles : articles 26 a 88

4ème partie du rapport

TABLEAU COMPARATIF

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Article 695-33 [nouveau] du code de procédure pénale

Demande d'informations complémentaires-Report des délais

Conformément au paragraphe 2 de l'article 15 de la décision-cadre, l'article 695-33 prévoit que lorsque la chambre de l'instruction estime qu'elle ne dispose pas d'informations suffisantes pour statuer, elle peut demander à l'autorité judiciaire de l'État membre d'émission de lui fournir, dans un délai de dix jours, les informations complémentaires nécessaires.

Comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 20 de la décision-cadre, lorsque la personne recherchée bénéficie d'un privilège ou d'une immunité en France, les délais de dix jours (consentement à la remise) et vingt jours (absence de consentement), prévus à l'article 695-31, ne commencent à courir qu'à compter du jour où l'autorité judiciaire française a été informée de la levée de ce privilège ou de cette immunité.

De même, lorsque le consentement d'un autre État à l'origine de l'extradition en France de la personne recherchée est nécessaire (article 695-26), les délais ne commencent à courir qu'à compter du jour où l'autorité judiciaire française a été informée de la décision de cet État (article 21 de la décision-cadre)

La Commission a adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement de coordination avec le transfert à l'article 695-31 de deux dispositions du présent article (amendement n° 57).

Article 695-34 [nouveau] du code de procédure pénale

Demande de mise en liberté

L'article 12 de la décision-cadre prévoit que la mise en liberté provisoire est possible à tout moment conformément au droit interne de l'État membre d'exécution, à condition que l'autorité compétente dudit État membre prenne toute mesure qu'elle estimera nécessaire en vue d'éviter la fuite de la personne recherchée.

Transposant ces dispositions, l'article 695-34 dispose que la mise en liberté peut être demandée à tout moment à la chambre de l'instruction selon les formes prévues par les articles 148-6 et 148-7 (déclaration au greffe de la juridiction d'instruction ou après du chef de l'établissement pénitentiaire).

Lors de la demande de mise en liberté, la personne recherchée doit faire connaître à la chambre de l'instruction l'avocat choisi ou commis d'office, qui recevra les actes qui lui sont destinés. Le ministère de l'avocat sera donc obligatoire.

Comme en matière de détention provisoire (article 197 du code de procédure pénale), l'avocat de la personne recherchée est convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception quarante-huit heures au moins avant la date de l'audience. La chambre de l'instruction statue par décision motivée dans les plus brefs délais, et au plus tard dans les quinze jours, après avoir entendu le ministère public et la personne recherchée ou son avocat.

On observera qu'à la différence des décisions rendues en matière détention provisoire, l'audience de la chambre de l'instruction sera publique, et non pas en chambre du conseil.

Lorsque la personne recherchée n'a pas encore comparu devant la chambre de l'instruction, le délai de quinze jours ne commence à courir qu'à compter de la première comparution devant cette juridiction

Lorsqu'elle ordonne la mise en liberté de la personne recherchée, la chambre de l'instruction peut soumettre celle-ci à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire.

Justifiant la désignation obligatoire d'un avocat, le dernier alinéa de l'article 695-34 dispose que lorsque la mise en liberté est décidée, la personne recherchée est avisée que toute notification ou signification faite à son avocat sera réputée lui être délivrée. Mention de cet avis, ainsi que le nom et l'adresse de l'avocat désigné, est portée sur l'arrêt rendu.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant les dispositions relatives à la désignation obligatoire d'un avocat, dont le seul but est de permettre les notifications ou les significations à personne, et les remplaçant par une déclaration d'adresse, sur le modèle de ce que prévoit l'article 148-3 dans le cadre d'une instruction (amendement n° 58). Elle a ensuite adopté deux amendements du même auteur, le premier supprimant une disposition inutile (amendement n° 59) et le second précisant que les demandes de mise en liberté formulées dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen sont examinées en chambre du conseil, sauf si la personne recherchée ou son avocat demande une audience publique (amendement n° 60).

Article 695-35 [nouveau] du code de procédure pénale

Levée ou modification du contrôle judiciaire

Reprenant les dispositions de l'article 140 du code de procédure pénale sur la levée du contrôle judiciaire par le juge d'instruction, le premier alinéa de l'article 695-35 dispose que la mainlevée ou la modification du contrôle judicaire peut être ordonnée à tout moment par la chambre de l'instruction, d'office, sur réquisitions du procureur général ou à la demande de l'intéressé après avis du procureur général.

L'audience est en principe publique, sauf si cette publicité est de nature à nuire au bon déroulement de la procédure, aux intérêts d'un tiers ou à la dignité de la personne (deuxième alinéa).

Comme le prévoit l'article 627-7 du code de procédure pénale pour les demandes de la Cour pénale internationale, le ministère public et la personne recherchée sont entendus, cette dernière assistée, le cas échéant, par un avocat et, s'il y a lieu, d'un interprète.

La chambre de l'instruction doit alors statuer dans les quinze jours, comme en matière de mise en liberté, par un arrêt motivé rendu en séance publique.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur supprimant l'audience publique systématique pour la mainlevée ou la modification des obligations du contrôle judiciaire (amendements nos 61 et 62).

Article 695-36 [nouveau] du code de procédure pénale

Mandat d'arrêt décerné par la chambre de l'instruction

Cet article donne la possibilité à la chambre de l'instruction de décerner, par une décision motivée rendue en séance publique, un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne recherchée qui, mise en liberté, entend manifestement se soustraire à l'exécution du mandat d'arrêt européen ou qui ne respecte pas les obligations de son contrôle judiciaire.

Lorsque l'intéressé a été appréhendé, l'affaire doit venir à la première audience publique ou au plus tard dans les dix jours de sa mise sous écrou, à défaut de quoi l'intéressé est mis d'office en liberté.

La chambre de l'instruction ordonne, s'il y a lieu, la révocation du contrôle judiciaire et l'incarcération de l'intéressé par une décision motivée rendue en audience publique.

Enfin, l'article 695-36 précise, comme précédemment, que le ministère public et la personne recherchée ou son avocat sont entendus, en présence, s'il y a lieu, d'un interprète.

Après avoir adopté un amendement du rapporteur supprimant l'audience publique pour la délivrance du mandat d'arrêt et la révocation du contrôle judiciaire (amendement n° 63), la Commission a adopté un amendement de coordination rédactionnelle du même auteur (amendement n° 64).

Paragraphe 4
Remise de la personne recherchée

Article 695-37 [nouveau] du code de procédure pénale

Remise de la personne recherchée par le procureur général

Cet article organise les modalités de remise de la personne recherchée à la suite de la décision de la chambre de l'instruction autorisant cette remise.

Le procureur général doit prendre les mesures nécessaires pour remettre la personne à l'autorité judiciaire requérante, cette remise devant intervenir au plus tard dans les dix jours suivant la décision définitive de la chambre de l'instruction, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 23 de la décision-cadre (premier alinéa).

Si la personne recherchée est en liberté lorsque la décision de la chambre de l'instruction autorisant la remise est prononcée, le procureur général peut ordonner son arrestation et son placement sous écrou. Le procureur général doit aviser sans délai l'autorité judiciaire de l'État d'émission de cette arrestation, conformément à l'article 22 de la décision-cadre (deuxième alinéa).

Lorsque la personne ne peut être remise dans le délai de dix jours pour une raison de force majeure, le procureur général en informe immédiatement l'autorité judiciaire de l'État d'émission et convient ave elle d'une nouvelle date de remise, cette dernière devant alors intervenir dans les dix jours suivant cette nouvelle date (troisième alinéa).

Le troisième alinéa de l'article 695-37 reprend les dispositions du paragraphe 3 de l'article 23, qui prévoit que si la remise de la personne s'avère impossible dans le délai de dix jours en vertu d'un cas de force majeure, l'autorité judiciaire d'émission et l'autorité judiciaire d'exécution prennent immédiatement contact et conviennent d'une nouvelle date de remise, cette dernière devant avoir lieu dans les dix jours suivant cette nouvelle date.

Enfin, conformément au paragraphe 5 de l'article 23 de la décision-cadre, le dernier alinéa prévoit qu'à l'expiration des délais mentionnés, la personne recherchée est remise d'office en liberté, sauf si elle est doit purger une peine en raison de faits autres que ceux visés par le mandat d'arrêt européen.

La Commission a adopté un amendement d'harmonisation rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 65).

Article 695-38 [nouveau] du code de procédure pénale

Report de la remise de la personne recherchée pour des raisons humanitaires

Transposant le paragraphe 4 de l'article 23 de la décision-cadre, l'article 695-38 autorise la chambre de l'instruction à surseoir temporairement, pour des raisons humanitaires sérieuses, à la remise de la personne recherchée notamment lorsque la remise est susceptible d'avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle en raison de l'âge ou de l'état de santé de la personne recherchée.

On observera que la référence à l'âge ne figure pas dans la décision-cadre, mais la présence de l'adverbe « notamment » permet aux États membres de définir les critères retenus, à partir du moment où ce sursis temporaire reste lié à des raisons humanitaires sérieuses.

Le procureur général doit en informer immédiatement l'autorité judiciaire de l'État d'émission et convenir avec elle d'une nouvelle date, la remise devant intervenir dans les dix jours suivant cette nouvelle date, faute de quoi l'intéressé est remis d'office en liberté, sauf si elle est détenue pour une autre cause (article 695-39).

La Commission a adopté trois amendements du rapporteur, de cohérence et de simplification rédactionnelles (amendements nos 66, 67 et 68).

Article 695-39 [nouveau] du code de procédure pénale

Remise différée ou conditionnelle de la personne recherchée

L'article 24 de la décision-cadre autorise l'autorité judiciaire d'exécution à différer la remise de la personne recherchée pour que cette dernière puisse être poursuivie ou, si elle a déjà été condamnée, pour qu'elle puisse exécuter sur le territoire national la peine prévue pour un fait autre que celui visé par le mandat d'arrêt européen.

L'autorité judiciaire d'exécution peut également remettre temporairement la personne recherchée dans des conditions déterminées par écrit d'un commun accord.

L'article 695-39 transpose ces dispositions en prévoyant que, lorsque la personne recherchée est poursuivie en France ou doit y purger une peine en raison d'un fait autre que celui visé par le mandat d'arrêt européen, la chambre de l'instruction peut, après avoir statué sur l'exécution du mandat d'arrêt européen, différer la remise de l'intéressé. Le procureur général en avise alors immédiatement l'autorité judiciaire d'émission.

La chambre de l'instruction peut décider également de remettre temporairement la personne recherchée. Le procureur général en informe immédiatement l'autorité judiciaire d'émission et convient avec elle, par écrit, des conditions et des délais de la remise.

La Commission a adopté un amendement de simplification rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 69).

Article 695-40 [nouveau] du code de procédure pénale

Déduction de la période de détention subie

Cet article précise que le procureur général doit mentionner, lors de la remise, la durée de détention subie sur le territoire national du fait de l'exécution du mandat d'arrêt européen.

L'autorité judiciaire de l'État d'émission pourra ainsi, conformément à l'article 26 de la décision-cadre, déduire de la durée totale de privation de liberté résultant de la condamnation de la personne recherchée la période de détention liée à l'exécution du mandat d'arrêt européen.

Paragraphe 5
Cas particuliers

Article 695-41 [nouveau] du code de procédure pénale

Remise d'objets

Transposant l'article 29 de la décision-cadre, l'article 695-41 autorise, à la demande de l'autorité judiciaire d'émission, la saisie d'objets, dans les formes prévues par le code de procédure pénale pour les saisies et les perquisitions en enquête de flagrance.

Les objets concernés sont ceux qui peuvent servir de pièces à conviction ou ceux qui constituent le produit de l'infraction (alinéas a) et b) du paragraphe 1 de l'article 29).

La chambre de l'instruction ordonne la remise des objets saisis lorsqu'elle statue sur la remise de la personne recherchée, après, le cas échéant, s'être prononcée sur la contestation formulée par le bâtonnier en application du deuxième alinéa de l'article 56-1 lorsque la saisie a été opérée dans un cabinet d'avocats.

La remise a lieu même si le mandat d'arrêt européen ne peut pas être exécuté à la suite de l'évasion ou du décès de la personne recherchée (paragraphe 2 de l'article 29).

La chambre de l'instruction peut également retenir temporairement ces objets ou les remettre sous condition de restitution lorsqu'ils sont utiles pour une procédure pénale en cours (paragraphe 3 de l'article 29).

Enfin, reprenant presque mot pour mot le paragraphe 4 de l'article 29 de la décision-cadre, le dernier alinéa de l'article 695-41 précise que les droit que l'État français ou les tiers auraient acquis sur ces objets sont réservés et que les objets sont rendus le plus tôt possible sans frais à l'État français à la fin des poursuites exercées sur le territoire de l'État d'émission.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur matérielle (amendement n° 70).

Article 695-42 [nouveau] du code de procédure pénale

Décision en cas de pluralité de mandats d'arrêt européen

Transposant mot pour mot l'article 16 de la décision-cadre, cet article détermine la procédure à suivre en cas de pluralité de mandats d'arrêt européen concernant la même personne pour un même fait ou un fait différent.

La chambre de l'instruction détermine alors le choix du mandat d'arrêt européen à exécuter, le cas échéant après consultation d'Eurojust, en tenant compte de toutes les circonstances, notamment du degré de gravité et du lieu de commission des infractions, des dates respectives des différents mandats d'arrêt européen ainsi que du fait que le mandat d'arrêt a été émis pour la poursuite ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté.

Lorsqu'il existe un conflit entre un mandat d'arrêt européen et une demande d'extradition présentée par un État tiers, la chambre de l'instruction décide de la priorité à donner compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles citées ci-dessus et de celles figurant dans la convention ou l'accord applicable.

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 71).

Article 695-43 [nouveau] du code de procédure pénale

Information en cas de retard dans l'exécution du mandat d'arrêt européen

Reprenant les dispositions des paragraphes 4 et 7 de l'article 17 de la décision-cadre, l'article 695-43 définit les conditions dans lesquelles l'exécution d'un mandat d'arrêt européen peut être retardée au-delà du délai de soixante jours fixé par le paragraphe 3 de l'article 17.

Lorsque le mandat d'arrêt européen ne peut pas être exécuté dans le délai de soixante jours à compter de l'arrestation de la personne recherchée, notamment en raison d'un pourvoi en cassation, le procureur général territorialement compétent en informe immédiatement l'autorité judiciaire de l'État membre d'émission en lui indiquant les raisons de ce retard.

Lorsque le mandat d'arrêt européen ne peut pas non plus être exécuté dans le délai de quatre-vingt-dix jours en raison de circonstances exceptionnelles, notamment à la suite d'une cassation de l'arrêt de la chambre de l'instruction avec renvoi de l'affaire, le procureur général en informe le ministre de la Justice qui, à son tour, en informe Eurojust, en précisant les raisons de ce retard

Enfin, l'article 695-43 précise que la chambre de l'instruction dispose d'un délai de vingt jours pour statuer sur une affaire qui lui est renvoyée à la suite de la cassation de l'arrêt de remise. Cette même chambre connaît des éventuelles demandes de mise en liberté formulées par la personne recherchée.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur faisant figurer explicitement dans le code de procédure pénale le délai d'exécution de 30 jours supplémentaires prévu par l'article 17 de la décision cadre, avant d'adopter un amendement rédactionnel du même auteur (amendements nos 72 et 73).

Articles 695-44 et 695-45 [nouveaux] du code de procédure pénale

Audition ou transfèrement temporaire de la personne recherchée

L'article 18 de la décision-cadre prévoit que lorsque le mandat d'arrêt européen a été émis pour l'exercice de poursuites pénales, l'autorité judiciaire d'exécution doit accepter soit qu'il soit procédé à l'audition de la personne recherchée, assistée d'une autre personne désignée selon le droit de l'État membre d'émission, soit que la personne recherchée soit temporairement transférée.

En cas de transfèrement temporaire, la personne doit pouvoir retourner dans l'État membre d'exécution pour assister aux audiences la concernant dans le cadre de la procédure de remise.

L'article 19 prévoit que l'audition de la personne recherchée est exécutée conformément au droit de l'État membre d'exécution.

Les articles 695-44 et 695-45 transposent ces dispositions en prévoyant une audition obligatoire de la personne recherchée, la chambre de l'instruction pouvant également décider, lorsque c'est possible et que la personne recherchée y consent, son transfèrement temporaire.

L'article 695-44 prévoit que lorsque le mandat d'arrêt européen a été émis pour l'exercice de poursuites pénales, la chambre de l'instruction accède à toute demande d'audition de la personne recherchée présentée par l'autorité judiciaire d'émission (premier alinéa).

Reprenant les dispositions de l'article 114 du code de procédure pénale relatives à l'audition des parties par le juge d'instruction, les deuxième et troisième alinéas prévoient que, sauf si la personne recherchée y renonce expressément, l'audition se déroule en présence de son avocat ou celui-ci dûment appelé. L'avocat de la personne recherchée est convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, télécopie avec récépissé ou verbalement avec émargement au dossier de la procédure.

L'audition de la personne recherchée est effectuée par le seul président de la chambre de l'instruction, en présence, le cas échéant, d'un interprète et d'une personne habilitée par l'autorité judiciaire d'émission (quatrième alinéa).

Ces informations sont mentionnées au procès-verbal, qui est aussitôt transmis à l'autorité judiciaire d'émission.

La Commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 74).

L'article 695-45 dispose que la chambre de l'instruction peut également accepter le transfèrement temporaire de la personne recherchée, lorsque celle-ci y consent, dans les conditions prévues pour décider de la remise. L'audience n'est cependant pas publique, pour préserver la procédure en cours, et l'État membre d'émission ne peut pas intervenir à l'audience (exclusion des deuxième et quatrième alinéas de l'article 695-30) L'autorité judiciaire d'émission doit alors renvoyer la personne pour qu'elle puisse assister aux audiences la concernant.

La décision est rendue à l'audience. Elle est exécutoire immédiatement.

Article 695-46 [nouveau] du code de procédure pénale

Compétence de la chambre de l'instruction pour la poursuite d'autres infractions et pour la remise à un autre État membre

L'article 695-46 détermine les conditions dans lesquelles la chambre de l'instruction autorise la poursuite d'autres infractions ou la remise à un autre État membre d'une personne remise à la suite de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen.

Le premier alinéa de l'article 695-46 donne compétence à la chambre de l'instruction pour écarter l'application du principe de la spécialité et consentir à des poursuites pour d'autres infractions que celles ayant motivé la demande. La chambre de l'instruction compétente est celle devant laquelle la personne recherchée a comparu.

Le deuxième alinéa confie également à la chambre de l'instruction le soin de décider, sur demande des autorités compétentes de l'État d'émission, la remise de la personne recherchée à un autre État membre pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure privatives de liberté pour un fait antérieur à la remise et différent de l'infraction ayant motivé celle-ci

Dans les deux cas, le procès-verbal consignant les déclarations faites par la personne remise doit être transmis à la chambre de l'instruction. Ces déclarations peuvent, le cas échéant, être complétées par les observations de l'avocat choisi par la personne recherchée ou désigné d'office par le bâtonnier (troisième alinéa).

La chambre de l'instruction statue sans recours, après avoir vérifié que la demande comporte les renseignements énumérés à l'article 695-13 (identité de la personne recherchée, qualification juridique de l'infraction..). Elle doit également s'assurer que la personne recherchée peut former opposition lorsque le jugement a été rendu en son absence, ou qu'elle peut être renvoyée en France pour y subir sa peine lorsqu'elle est de nationalité française. La réponse à ces questions doit parvenir à la chambre de l'instruction dans un délai de trente jours à compter de la demande (quatrième alinéa). Ce délai est fixé par référence à celui figure au paragraphe 4 de l'article 27 de la décision-cadre, qui prévoit que la décision sur la poursuite d'autres infractions doit être prise au plus tard trente jours après réception de la demande.

La décision de la chambre de l'instruction est soumise aux mêmes règles que pour l'exécution du mandat d'arrêt européen.

Le cinquième alinéa dispose que le consentement de la chambre de l'instruction doit être donné lorsque les faits objets de la demande entrent dans le champ d'application du mandat d'arrêt européen (articles 695-12 et 695-23).

De même, le consentement doit être refusé lorsque les faits auraient conduits à refuser l'exécution d'un mandat d'arrêt européen (articles 695-22 et 695-23).

En revanche, lorsque les faits entrent dans le champ d'application de l'article 695-24, qui donne la possibilité de refuser l'exécution du mandat d'arrêt européen, le consentement de la chambre de l'instruction est facultatif.

La Commission a adopté trois amendements du rapporteur d'harmonisation et de précision rédactionnelles (amendements nos 75, 76 et 77).

Section 4

Transit

Article 695-47 [nouveau] du code de procédure pénale

Autorisation de transit

En application du paragraphe 2 de l'article 25 de la décision-cadre, qui dispose que chaque État membre désigne une autorité chargée de recevoir les demandes de transit et les documents nécessaires, le premier alinéa de l'article 695-47 confie cette responsabilité au ministre de la Justice.

Le deuxième alinéa transpose le paragraphe 1 de ce même article 25 en prévoyant que, lorsque la personne recherchée est de nationalité française, l'autorisation de transit peut être subordonnée à la condition que cette personne, après avoir été entendue, soit renvoyée sur le territoire français pour y purger la peine éventuellement prononcée par l'autorité judiciaire d'émission.

En revanche, lorsque le mandat d'arrêt européen a été émis pour l'exécution d'une peine et que la personne recherchée est de nationalité française, le transit est refusé (troisième alinéa). Le paragraphe 1 de l'article 25 de la décision-cadre autorise en effet les États membres à refuser le transit d'un de leurs ressortissants lorsque celui-ci est demandé pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier supprimant la référence aux « mesures de sûreté privatives de liberté », qui n'existent pas en droit français (amendement n° 78), le second rédactionnel (amendement n° 79).

Article 695-48 [nouveau] du code de procédure pénale

Contenu de la demande de transit

Reprenant les dispositions du paragraphe 1 de l'article 25 de la décision-cadre, l'article 695-48 précise que la demande de transit doit être accompagnée des renseignements suivants :

· L'identité et la nationalité de la personne objet du mandat d'arrêt européen ;

· L'indication de l'existence du mandat d'arrêt européen ;

· La nature et la qualification juridique de l'infraction ;

· La date, le lieu et les circonstances de la commission de l'infraction, ainsi que le degré de participation de la personne recherchée.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur d'harmonisation rédactionnelle avec la terminologie du code de procédure pénale (amendement n° 80).

Article 695-49 [nouveau] du code de procédure pénale

Transmission des informations au ministre de la Justice

Transposant le paragraphe 3 de l'article 25 de la décision-cadre, l'article 695-49 précise que la demande d'autorisation de transit et les renseignements mentionnés à l'article précédent sont transmis au ministre de la Justice « par tout moyen permettant d'en conserver la trace écrite ».

La décision du ministre de la Justice devra être transmise par le même procédé.

Article 695-50 [nouveau] du code de procédure pénale

Utilisation de la voie aérienne

Le paragraphe 4 de l'article 25 de la décision-cadre dispose que celle-ci ne s'applique pas en cas d'utilisation de la voie aérienne sans escale prévue. Toutefois, lorsque survient un atterrissage fortuit, l'État membre d'émission fournit à l'autorité désignée les renseignements accompagnant la demande d'autorisation de transit.

L'article 695-50 prévoit, lui, que lorsqu'un atterrissage est prévu sur le territoire national ou en cas d'atterrissage fortuit, il est fait application des articles 695-47 à 695-49, c'est-à-dire que le ministre de la Justice autorise le transit à partir des renseignements fournis.

Ces dispositions sont à la fois inutiles et trop contraignantes. En effet, lorsqu'un atterrissage est prévu, il est bien évident que l'on se trouve dans un cas de transit justifiant l'application des articles 695-47 à 695-49. En revanche, lorsque l'atterrissage est fortuit, la décision-cadre exige simplement la communication d'un certain nombre de renseignements et non pas la présentation d'une demande de transit.

C'est pourquoi la Commission, sur proposition du rapporteur, a adopté une nouvelle rédaction de l'article prévoyant simplement la communication de renseignements en cas d'atterrissage fortuit (amendement n° 81).

Article 695-51 [nouveau] du code de procédure pénale

Transit en cas d'extradition

Appliquant le paragraphe 5 de l'article 25 de la décision-cadre, qui prévoit que les dispositions sur le transit s'appliquent pour l'extradition d'une personne d'un pays tiers vers un État membre, l'article 695-51 prévoit que les articles 695-47 à 695-50, qui déterminent les modalités d'autorisation du transit, sont applicables aux demandes de transit présentées par un État membre pour l'extradition d'une personne en provenance d'un État non membre de l'Union européenne.

Chapitre V (nouveau)

De l'extradition

La loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers constitue le droit commun de l'extradition applicable aux relations entre la France et les États qui n'ont pas conclu avec elle de convention d'extradition, ainsi qu'un droit supplétif qui s'applique aux points non réglementés par les conventions.

L'extradition n'est possible que lorsque la personne réclamée n'est pas un ressortissant français, que les faits en cause sont punis d'au moins deux ans d'emprisonnent ou que la peine prononcée est supérieure ou égale à deux mois d'emprisonnement, que les faits constituent en France une infraction (principe de la double incrimination) à caractère non politique.

La procédure comporte deux phases, l'une administrative avec l'intervention du ministre des Affaires étrangères et du ministre de la Justice, l'autre judiciaire avec la comparution de la personne réclamée devant la chambre de l'instruction, qui rend un avis motivé sur la demande d'extradition. Le Gouvernement est lié par un avis défavorable, mais conserve sa liberté en cas d'avis favorable. Lorsque l'extradition est décidée, le ministre de la Justice soumet à la signature du Premier ministre un décret autorisant l'extradition, susceptible de recours devant le Conseil d'État.

Cette procédure est longue et complexe, le délai moyen d'extradition étant d'environ six mois lorsque la personne consent à sa remise.

La procédure d'extradition entre les États membres de l'Union européenne est actuellement régie pour l'essentiel par la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, signée dans le cadre du Conseil de l'Europe. Cette convention a cependant fait l'objet de nombreuses réserves de la part des États membres.

Afin d'accélérer et de simplifier l'extradition entre les États membres, deux conventions ont été élaborées : celle du 10 mars 1995 instaure une procédure simplifiée d'extradition lorsque la personne réclamée consent à sa remise et celle du 27 septembre 1996 modifie les conditions de fond de l'extradition, en abaissant notamment le quantum de la peine d'emprisonnement encourue permettant l'extradition. Ces deux conventions ne sont toujours pas entrées en vigueur, faute d'avoir été ratifiées par la France et par l'Italie.

Le Gouvernement a néanmoins déposé au Sénat en mai 2002, dans la perspective de la ratification de ces conventions, un projet de loi modifiant la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers, qui prévoit la mise en place d'une procédure simplifiée d'extradition lorsque la personne réclamée consent à sa remise et instaure des délais de procédure devant la chambre de l'instruction et pour le recours pour excès de pouvoir contre le décret d'extradition.

Malgré l'entrée en vigueur de la décision-cadre le 1er janvier 2004, il demeure nécessaire de modifier la loi du 10 mars 1927 pour tenir compte des conventions de 1995 et 1996. En effet, comme la décision-cadre lui en donnait la possibilité, la France a décidé d'appliquer la procédure classique d'extradition aux faits commis avant le 1er novembre 1993, date d'entrée en vigueur du Traité de Maastricht.

C'est pourquoi le Sénat, sur proposition de sa commission des Lois, a adopté un amendement reprenant dans une large mesure le projet de loi déposé en mai 2002. Le texte adopté ne se contente pas de modifier la loi de 1927, mais la réécrit en l'intégrant dans le code de procédure pénale dans un nouveau chapitre V, consacré à l'extradition.

Le rapporteur regrette néanmoins que, dans la plupart des cas, le Sénat ait repris quasiment littéralement les dispositions de la loi de 1927, avec ses imprécisions et ses lourdeurs de rédaction, sans procéder une réécriture pourtant nécessaire.

Le nouveau chapitre V consacré à l'extradition se compose de cinq sections. La section 1, qui regroupe les articles 696-1 à 696-7, traite des conditions de l'extradition. La section 2, qui rassemble les articles 696-8 à 696-24, détermine les conditions de droit commun de l'extradition. La section 3, composé des articles 696-25 à 696-33, organise la procédure simplifiée d'extradition entre les États membres de l'Union européenne, conformément à la convention du 10 mars 1995. La section 4 (articles 696-34 à 696-41) rappelle les effets de l'extradition. Quant à la section 5, elle regroupe, dans les articles 696-42 à 696-48, les dispositions diverses (transit, remise d'objets...).

Article 696 [nouveau] du code de procédure pénale

Dispositions générales

Reprenant intégralement l'article 1er de la loi du 10 mars 1927, l'article 696 rappelle qu'en l'absence de convention internationale en stipulant autrement, les conditions, la procédure et les effets de l'extradition sont déterminées par les dispositions du chapitre V et précise que ces dernières s'appliquent également aux points qui n'auraient pas été réglementés par les conventions internationales.

Section 1

Des conditions de l'extradition

Article 696-1 [nouveau] du code de procédure pénale

Champ d'application de l'extradition

L'article 696-1 rappelle que la remise à un État étranger n'est possible que lorsque la personne a fait l'objet de poursuites ou d'une condamnation pour une infraction prévue par la section.

La rédaction proposée reprend, au mot près, celle figurant à l'article 2 de la loi du 10 mars 1927.

Article 696-2 [nouveau] du code de procédure pénale

Conditions tenant au lieu de commission de l'infraction

Reprenant l'article 3 de la loi du 10 mars 1927, l'article 696-2 détermine le champ d'application « rationae loci » de l'extradition.

Après avoir rappelé que le Gouvernement français ne peut remettre que les personnes n'ayant pas la nationalité française, trouvées sur le territoire de la République et objets d'une poursuite ou d'une condamnation, il précise que l'extradition n'est accordée que si l'infraction en cause a été commise :

· sur le territoire de l'État requérant par un sujet de cet État ou un étranger ;

· en dehors du territoire de l'État requérant par un sujet de cet État ;

· en dehors du territoire de l'État requérant par une personne étrangère à cet État, lorsque l'infraction est au nombre de celles dont la loi française autorise la poursuite en France, alors même qu'elles ont été commises à l'étranger par un étranger.

Si l'auteur de l'amendement a pensé à supprimer la référence aux possessions coloniales, qui figurait à l'article 3, il a en revanche laissé l'expression de « sujet de l'État requérant », qui date pourtant quelque peu.

Sur proposition du rapporteur, la Commission a donc adopté un amendement afin de remplacer cette expression par celle de ressortissant.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 82).

Article 696-3 [nouveau] du code de procédure pénale

Conditions tenant à la nature de l'infraction

L'article 696-3 reprend l'ensemble des dispositions de l'article 4 de la loi de la loi du 10 mars 1927, qui détermine les conditions de l'extradition tenant à la nature de l'infraction.

L'extradition est possible lorsque :

· Les faits sont punis d'une peine criminelle par la loi de l'État requérant ;

· Les faits sont punis d'une peine correctionnelle : le maximum de la peine encourue doit alors être supérieur ou égal à deux ans ; lorsqu'il s'agit d'un condamné, la peine prononcée doit être supérieure ou égale à deux mois d'emprisonnement.

Le quatrième alinéa de l'article 696-3 rappelle le principe de la double incrimination, selon lequel aucune extradition ne peut être accordée lorsque le fait n'est pas puni par la loi française d'une peine criminelle ou correctionnelle.

Ces dispositions sont également applicables aux faits constitutifs de tentative ou de complicité, à condition qu'ils répondent au principe de la double incrimination.

Lorsque la personne réclamée a commis plusieurs infractions qui n'ont pas encore été jugées, l'extradition ne peut être accordée que si le maximum de la peine encourue, pour l'ensemble de ces infractions, est supérieur ou égal à deux ans d'emprisonnement.

Lorsque la personne réclamée a déjà fait l'objet, dans quelque pays que ce soit, d'une condamnation à au moins deux mois d'emprisonnement pour un délit de droit commun, c'est-à-dire un délit qui n'est ni politique, ni militaire, ni fiscal, l'extradition est accordée quel que soit le quantum de la peine encourue ou prononcée pour la dernière infraction.

Même si elle figure actuellement au septième alinéa de l'article 4 de la loi du 10 mars 1927, cette disposition ne semble pas conforme au principe de présomption d'innocence garanti notamment par la convention européenne des droits de l'homme. C'est pourquoi la Commission, sur proposition du rapporteur, a adopté un amendement la supprimant (amendement n° 83).

Le dernier alinéa de l'article 696-3 précise que ces dispositions s'appliquent également aux infractions de droit commun commises par les militaires.

Article 696-4 [nouveau] du code de procédure pénale

Cas de refus obligatoire de l'extradition

Cet article reprend les différents cas de refus obligatoire de l'extradition mentionnés à l'article 5 de la loi du 10 mars 1927.

Il s'agit des cas suivants :

· Lorsque la personne réclamée a la nationalité française, cette condition étant appréciée au moment de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise a été commise.

· Lorsque le crime ou le délit a un caractère politique ou lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un but politique.

Rappelons que cette règle a été considérée par le Conseil d'État comme un principe à valeur constitutionnelle. L'absence d'une telle règle dans les cas de refus obligatoire d'exécution du mandat d'arrêt européen a conduit la haute juridiction administrative à estimer que la transposition de la décision-cadre du 13 juin 2002 nécessitait, au préalable, une modification de la Constitution.

· Lorsque l'infraction a été commise sur le territoire de la République.

· Lorsque l'infraction a été commise hors du territoire de la République mais a été poursuivie et jugée en France ;

· Lorsque la prescription de l'action publique ou de la peine a été acquise antérieurement à la demande d'extradition ou à l'arrestation de la personne réclamée et, d'une manière générale, chaque fois que l'action publique de l'État requérant est éteinte.

L'article 696-4 a par ailleurs ajouté deux autres cas de refus obligatoire de l'extradition, qui ne figurent pas dans la loi du 10 mars 1927, mais qui ressortent de la jurisprudence du Conseil d'État en matière d'extradition.

· Lorsque le fait pour lequel l'extradition est demandée est puni par la législation de l'État requérant d'une peine ou d'une mesure de sûreté contraire à l'ordre public français, comme par exemple la peine de mort (CE 27 février 1987) ou encore les travaux forcés.

· Lorsque la personne réclamée risque d'être jugée par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense, prévues par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CE, 9 mai 1994).

La Commission a adopté un amendement du rapporteur inscrivant dans le code de procédure pénale le principe selon lequel les infractions militaires ne peuvent donner lieu à extradition (amendement n° 84).

Afin d'éviter que les infractions, objets de l'extradition, demeurent impunies, alors même qu'il peut s'agir d'infractions graves, l'article 6 ter du projet de loi donne compétence aux juridictions françaises pour juger les personnes qui n'ont pas été extradées pour ces deux dernières raisons.

Article 696-5 [nouveau] du code de procédure pénale

Demandes concurrentes

L'article 696-5 reprend, au mot près, les dispositions actuelles de l'article 6 de la loi du 10 mars 1927.

Il prévoit que lorsque l'extradition est demandée concurremment par plusieurs États pour une infraction unique, elle est accordée de préférence à celui contre les intérêts duquel l'infraction était dirigée ou à celui sur le territoire duquel elle a été commise.

Lorsque les demandes portent sur de infractions différentes, il est tenu compte, pour décider quelle demande sera prioritaire, de toutes les circonstances de fait, et notamment de la gravité et du lieu de l'infraction, de date de la demande ou de l'engagement éventuel de procéder à la réextradition.

Article 696-6 [nouveau] du code de procédure pénale

Principe de la spécialité

L'article 696-6 reprend les dispositions relatives au principe de la spécialité figurant à l'article 7 de la loi du 10 mars 1927.

Il dispose que sous réserve des exceptions prévues ci-après, l'extradition n'est accordée qu'à la seule condition que la personne extradée ne sera ni poursuivie, ni punie pour une infraction autre que celle ayant motivé l'extradition.

La Commission a adopté deux amendements de précision du rapporteur (amendements nos 85 et 86).

Article 696-7 [nouveau] du code de procédure pénale

Extradition différée

Reprenant l'article 8 de la loi du 10 mars 1927, l'article 696-7 détermine les conditions dans lesquelles la remise de la personne réclamée peut être différée.

Ainsi, lorsqu'un étranger est poursuivi ou a été condamné sur le territoire national et que son extradition est demandée pour une infraction différente, sa remise n'est effectuée qu'une fois la poursuite terminée et, en cas de condamnation, après que la peine a été exécutée.

L'étranger peut néanmoins être remis temporairement pour comparaître devant les tribunaux de l'État requérant, à condition qu'il soit renvoyé dès que la justice de cet État a statué.

Ces dispositions s'appliquent lorsque l'étranger est soumis à la contrainte judiciaire, créé par l'article 73 du projet de loi et qui remplace la contrainte par corps.

La Commission a adopté un amendement d'harmonisation rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 87).

Section 2

De la procédure d'extradition de droit commun

Article 696-8 [nouveau] du code de procédure pénale

Forme de la demande d'extradition

L'article 696-8 reprend les dispositions de l'article 9 de la loi du 10 mars 1927, qui pose le principe d'une transmission des demandes d'extradition par voie diplomatique.

Sauf lorsqu'il s'agit d'une demande émanant d'un État membre de l'Union européenne, les demandes d'extradition sont adressées au Gouvernement français par voie diplomatique et doivent être accompagnées d'un jugement ou d'un arrêt de condamnation, même par défaut, d'un acte de procédure décrétant formellement ou opérant de plein doit le renvoi de la personne poursuivie devant la juridiction répressive ou d'un mandat d'arrêt décerné par l'autorité judiciaire, ces actes devant contenir l'indication précise du fait pour lesquels ils sont délivrés et la date de ce fait.

On observera que le terme de contumace, qui figure à l'article 9 de la loi du 10 mars 1927, n'est pas repris, cette procédure ayant été supprimée par l'article 66 du projet de loi et remplacée par le défaut en matière criminelle.

Les pièces exigées doivent être produites en orignal ou en expédition authentique. Le gouvernement à l'origine de la demande doit produire en même temps les textes de loi applicables et peut joindre un exposé des faits en cause.

Le dispositif de l'article 9 de la loi du 10 mars 1927 a été complété par un alinéa rappelant que, lorsque la demande émane d'un État membre de l'Union européenne, elle est adressée directement au ministre de la Justice et ne transite donc pas par la voie diplomatique.

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 88 et 89).

Article 696-9 [nouveau] du code de procédure pénale

Transmission de la demande au procureur de la République
territorialement compétent

Reprenant le principe posé à l'article 10 de la loi du 10 mars 1927, l'article 696-9 dispose que la demande d'extradition est transmise, après vérification des pièces, du ministre des Affaires étrangères au ministre de la Justice.

L'article 696-9 ajoute, par rapport au texte actuel de l'article 10, une précision relative aux suites données par le ministre de la Justice à la demande.

Celui-ci l'adresse en effet au procureur général territorialement compétent, qui la transmet à son tour, pour exécution, au procureur de la République territorialement compétent.

Article 696-10 [nouveau] du code de procédure pénale

Arrestation de la personne réclamée

L'article 11 de la loi du 10 mars 1927 dispose que dans les vingt-quatre heures de son arrestation, il est procédé par les soins du procureur de la République ou d'un membre de son parquet à un interrogatoire d'identité de la personne réclamée, dont il est dressé procès-verbal.

L'article 696-10 reprend ces principes, en y apportant des précisions, notamment quant aux droits dont dispose la personne arrêtée. La rédaction proposée reprend en grande partie celle prévue à l'article 695-27 pour l'exécution d'un mandat d'arrêt européen.

La personne arrêtée à la suite d'une demande d'extradition est conduite dans les vingt-quatre heures devant le procureur de la République. Pendant ce délai, elle bénéficie des droits garantis par les articles 63-1 à 63-5 (information sur la nature de l'infraction, droit de prévenir sa famille, de bénéficier d'un avocat et d'être examinée par un médecin.).

Le délai pour le déferrement devant le procureur de la République a été maintenu à vingt-quatre heures, celui de quarante-huit heures prévu pour l'exécution d'un mandat d'arrêt européen étant justifié par le fait que la personne recherchée doit être déférée directement devant le procureur général, sans passer par le procureur de la République.

Après avoir vérifié son identité, le procureur de la République doit l'informer, dans une langue qu'elle comprend, qu'elle fait l'objet d'une demande d'extradition et devra comparaître dans un délai de sept jours devant le procureur général.

Ce magistrat l'informe également qu'elle peut bénéficier d'un avocat, le cas échéant commis d'office, et qu'elle pourra s'entretenir immédiatement avec lui.

Ces informations doivent figurer, à peine de nullité, au procès-verbal, qui est aussitôt transmis au procureur général

Le dernier alinéa de l'article 696-10 précise que le procureur de la République ordonne l'incarcération de la personne réclamée, sauf si ce magistrat considère qu'elle bénéficie de garanties de représentation suffisantes.

Après avoir adopté deux amendements d'harmonisation rédactionnelle et de précision du rapporteur (amendements nos 90 et 91), la Commission a adopté un amendement de M. Thierry Mariani remplaçant l'expression « sans délai » par « les meilleurs délais » (amendement n° 92).

Article 696-11 [nouveau] du code de procédure pénale

Incarcération à la maison d'arrêt

L'article 12 de la loi du 10 mars 1927 dispose que l'étranger est transféré dans le plus bref délai et écroué à la maison d'arrêt du chef lieu de la cour d'appel dans le ressort de laquelle il a été arrêté.

Reprenant ces dispositions, l'article 696-11 prévoit que lorsque le procureur de la République a ordonné son incarcération, la personne réclamée est transférée et placée sous écrou extraditionnel à la maison d'arrêt du siège de la cour d'appel dans le ressort de laquelle elle a été arrêtée.

Il fixe par ailleurs un délai de quatre jours à compter de la présentation au procureur de la République pour effectuer ce transfèrement, soit un délai identique à celui prévu pour les transfèrements dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt (articles 130 et 133 du code de procédure pénale).

Article 696-12 [nouveau] du code de procédure pénale

Présentation au procureur général

Reprenant l'article 13 de la loi du 10 mars 1927, le premier alinéa de l'article 696-12 prévoit que les pièces produites à l'appui de la demande d'extradition sont transmises par le procureur de la République au procureur général.

Alors que l'article 13 prévoit un délai de vingt-quatre heures pour la notification à la personne réclamée du titre en vertu duquel l'arrestation a eu lieu, l'article 696-12 fixe ce délai à sept jours, soit le délai prévu par l'article 696-10 pour la comparution de la personne recherchée devant le procureur général.

Reprenant les dispositions prévues par les articles 695-27 et 695-28 pour l'exécution du mandat d'arrêt européen, l'article 696-12 dispose que le procureur général notifie à la personne réclamée, dans une langue qu'elle comprend, ce titre d'arrestation et l'informe de sa faculté de consentir ou de s'opposer à son extradition, ainsi que des conséquences juridiques résultant d'un éventuel consentement.

Le procureur général reçoit les déclarations de la personne réclamée et éventuellement celles de son conseil par procès-verbal.

Dans les autres cas, le procureur général lui rappelle qu'elle peut bénéficier d'un avocat, éventuellement commis d'office, qui pourra communiquer librement avec elle.

La Commission a adopté un amendement de M. Thierry Mariani remplaçant l'expression « sans délai » par « dans les meilleurs délais » (amendement n° 93).

Articles 696-13 et 696-14 [nouveaux] du code de procédure pénale

Comparution devant la chambre de l'instruction
lorsque la personne consent à son extradition

Les articles 696-13 et 696-14 fixent les modalités de comparution de la personne réclamée devant la chambre de l'instruction lorsqu'elle consent à son extradition.

Alors qu'actuellement l'article 14 de la loi du 10 mars 1927 fixe un délai de huit jours pour la comparution devant la chambre de l'instruction, l'article 696-13 ramène ce délai à cinq jours ouvrables à compter de la présentation de la personne réclamée devant le procureur général, lorsque celle-ci a déclaré à ce magistrat consentir à son extradition.

La procédure est alors en tout point identique à celle prévue à l'article 695-30 pour l'exécution d'un mandat d'arrêt européen : la chambre de l'instruction constate l'identité de la personne réclamée et recueille des déclarations, dont il est dressé procès-verbal ; l'audience est publique, sauf si cette publicité est de nature à nuire au bon déroulement de la procédure, aux intérêts d'un tiers ou à la dignité de la personne ; le ministère public et la personne réclamée sont entendus, ainsi que, le cas échéant, son avocat, s'il y a lieu en présence d'un interprète.

L'article 696-14, reprenant le principe posé par l'article 15 de la loi du 10 mars 1927, précise que lorsque la personne déclare devant la chambre de l'instruction consentir à son extradition, cette juridiction lui en donne acte.

La rédaction proposée est cependant plus complète et reprend une partie du dispositif prévu par l'article 695-31 pour l'exécution du mandat européen : la chambre de l'instruction doit informer au préalable la personne réclamée des conséquences juridiques de son consentement ; le délai fixé à la chambre de l'instruction pour rendre sa décision, qui n'est pas susceptible de recours, est sept jours ouvrables à compter de la comparution de la personne, sauf si un complément d'information a été demandé.

Ce délai est donc inférieur à celui prévu pour l'exécution du mandat d'arrêt européen, que la décision-cadre fixe à dix jours.

Après avoir adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 94), la Commission a adopté un amendement du même auteur alignant le délai fixé à la chambre de l'instruction pour statuer sur la remise sur celui prévu pour le mandat d'arrêt européen (amendement n° 95).

Article 696-15 [nouveau] du code de procédure pénale

Comparution devant la chambre de l'instruction lorsque
la personne réclamée ne consent pas à son extradition

Cet article détermine la procédure applicable devant la chambre de l'instruction lorsque la personne réclamée a déclaré au procureur général ne pas consentir à son extradition.

La personne réclamée doit alors comparaître devant la chambre de l'instruction dans le délai de dix jours à compter de la date de sa présentation au procureur général, au lieu de cinq jours ouvrables lorsqu'elle consent à son extradition.

La procédure devant la chambre de l'instruction est alors la même que celle prévue à l'article 696-13 : constatation d'identité, recueil des déclarations par procès-verbal, audience publique et audition du ministère public, de la personne réclamée et de son avocat, s'il y a lieu en présence d'un interprète.

Lorsque la personne renouvelle devant la chambre de l'instruction son opposition à l'extradition, la juridiction, comme le prévoit l'actuel article 16 de la loi du 10 mars 1927, donne un avis motivé sur la demande d'extradition, qui est défavorable lorsque la juridiction estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou qu'il y a erreur évidente.

L'article 696-15 ne prévoit pas, contrairement à la loi du 10 mars 1927, que l'avis de la chambre de l'instruction n'est susceptible d'aucun recours, la Cour de cassation ayant considéré depuis 1984 que l'absence de recours n'excluait pas le pourvoi en cassation.

Sauf si un complément d'information a été ordonné, cet avis doit être rendu dans le délai d'un mois à compter de la comparution de la personne réclamée.

Comme le prévoit le dernier alinéa de l'article 16 de la loi du 10 mars 1927, le dossier est alors envoyé dans les meilleurs délais au ministre de la Justice.

Après avoir adopté un amendement de M. Thierry Mariani remplaçant l'expression « sans délai » par « dans les meilleurs délais » (amendement n° 96), la Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant une précision inutile (amendement n° 97).

Article 696-16 [nouveau] du code de procédure pénale

Intervention à l'audience de l'État requérant

L'article 696-16 reprend le dispositif prévu par le dernier alinéa de l'article 695-30 relatif à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, qui autorise, sur décision de la chambre de l'instruction, l'État requérant à intervenir au cours de l'audience par l'intermédiaire d'une personne habilitée.

Article 696-17 [nouveau] du code de procédure pénale

Effet d'un avis négatif de la chambre de l'instruction

Reprenant l'article 17 de la loi du 10 mars 1927, l'article 695-17 dispose que lorsque l'avis de la chambre de l'instruction est défavorable à la demande d'extradition et que cet avis est définitif, l'extradition ne peut pas être accordée.

Ce même article ajoute une précision qui ne figure pas actuellement expressément à l'article 17 : lorsque l'avis est définitif, la personne réclamée est mise d'office en liberté, sauf si elle est détenue pour une autre cause.

Article 696-18 [nouveau] du code de procédure pénale

Effet d'un avis favorable de la chambre de l'instruction

Cet article précise les effets d'un avis favorable de la chambre de l'instruction à la demande d'extradition.

L'extradition est alors autorisée par décret pris sur le rapport du ministre de la Justice.

Lorsque dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce décret à l'État requérant, la personne réclamée n'a pas été reçue par les agents de cet État, elle est, sauf cas de force majeure, mise d'office en liberté et ne peut plus être réclamée pour les mêmes faits.

Ces dispositions reprennent celles de l'article 18 de la loi du 10 mars 1927, à l'exception de la référence à la signature du décret par le Président de la République.

L'article 696-18 précise par ailleurs que le recours pour excès de pouvoir contre le décret autorisant l'extradition doit, à peine de forclusion, être formé dans le délai d'un mois, l'exercice d'un recours gracieux contre ce décret n'interrompant pas le délai de recours contentieux. Ce délai est inférieur au délai de droit commun des recours pour excès de pouvoir, fixé à deux mois.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rappelant que le décret d'extradition est signé par le Premier ministre (amendement n° 98).

Article 696-19 [nouveau] du code de procédure pénale

Mise en liberté de la personne réclamée

Cet article précise les conditions d'examen des demandes de mise en liberté formulées par la personne réclamée, sur le modèle de ce que prévoit l'article 695-34 pour les demandes de mise en liberté formulées dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen.

La procédure est exactement la même : demandes formulées conformément aux articles 148-6 et 148-7, notification obligatoire de l'avocat choisi, convocation de l'avocat quarante-huit heures avant la date de l'audience, audition du ministère public, de la personne réclamée et de son avocat, possibilité de soumettre la personne à l'un des obligations du contrôle judiciaire...

Seuls les délais sont différents : alors que l'article 695-34 prévoit un délai de quinze jours à compter de la réception de la demande pour statuer, l'article 696-19 fixe ce délai à vingt jours. La chambre de l'instruction dispose néanmoins de quinze jours lorsque la demande de mise en liberté a été formée dans les quarante-huit heures de la mise sous écrou extraditionnel.

La Commission a adopté trois amendements du rapporteur qui ont pour objets : de remplacer la désignation obligatoire d'un avocat pour l'examen des demandes de mise en liberté par la chambre de l'instruction par une déclaration d'adresse, sur le modèle de ce que prévoit l'article 148-3 du code de procédure pénale pour les demandes de mise en liberté formulées dans le cadre d'une instruction (amendement n° 99) ; de supprimer une disposition redondante (amendement n° 100) ; de prévoir que les demandes de mise en liberté formulées dans le cadre d'une extradition, comme les demandes de mise en liberté formulées dans le cadre d'une instruction, sont examinées en chambre du conseil, sauf si la personne réclamée ou son avocat demande une audience publique (amendement n° 101).

Article 696-20 [nouveau] du code de procédure pénale

Levée ou modification du contrôle judiciaire

Cet article, qui détermine les modalités d'examen des demandes de mainlevée ou de modification du contrôle judiciaire, reprend intégralement les dispositions de l'article 695-35 sur les demandes de mainlevée ou de modification du contrôle judiciaire formulées dans le cadre de l'exécution du mandat d'arrêt européen : audience publique, audition du ministère public et de la personne réclamée...

Seul le délai imparti à la chambre de l'instruction pour statuer est différent, l'article 696-20 fixant ce délai à vingt jours, au lieu de quinze jours pour le mandat d'arrêt européen.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur supprimant l'audience publique obligatoire (amendements n os 102 et 103).

Article 696-21 [nouveau] du code de procédure pénale

Mandat d'arrêt décerné par la chambre de l'instruction

Reprenant intégralement les dispositions prévues par l'article 695-36 pour l'exécution du mandat d'arrêt européen, l'article 696-21 donne la possibilité à la chambre de l'instruction de décerner en audience publique un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne qui se soustrait aux obligations du contrôle judiciaire ou qui entend manifestement se dérober à la demande d'extradition.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant l'audience publique (amendement n° 104).

Article 696-22 [nouveau] du code de procédure pénale

Remise de la personne recherchée

Cet article fixe un délai pour la remise de la personne recherchée lorsque celle-ci se trouve en liberté quand l'autorisation d'extradition devient définitive.

Le procureur général peut alors ordonner la recherche et l'arrestation de la personne réclamée et son placement sous écrou extraditionnel. Le ministre de la Justice est informé sans délai de cette arrestation.

La Commission a adopté un amendement de M. Thierry Mariani remplaçant l'expression « sans délai » par « dans les meilleurs délais » (amendement n°105).

La remise de la personne réclamée doit avoir lieu dans les sept jours de son arrestation, à défaut de quoi elle est remise d'office à liberté.

Ces dispositions sont à rapprocher de celles prévues à l'article 695-37 pour l'exécution d'un mandat d'arrêt européen.

Article 696-23 [nouveau] du code de procédure pénale

Arrestation provisoire en cas d'urgence

L'article 19 de la loi du 10 mars 1927 dispose qu'en cas d'urgence et sur demande directe des autorités judiciaires du pays requérant, les procureurs de la République peuvent, sur simple avis transmis, soit par la poste, soit par tout mode de transmission plus rapide laissant une trace écrite ou matériellement équipollente de l'existence des pièces exigées pour les demandes en bonne et due forme, ordonner l'arrestation provisoire de l'étranger. Un avis régulier de la demande doit néanmoins être transmis en même temps par voie diplomatique, par tout moyen laissant une trace écrite, au ministre des Affaires étrangères. Les procureurs de la République doivent informer le ministre de la Justice et le procureur général de cette arrestation.

L'article 696-23 reprend ces dispositions en les précisant, notamment s'agissant des documents à fournir avec la demande d'arrestation provisoire.

En cas d'urgence et sur demande directe des autorités compétentes de l'État requérant, le procureur de la République territorialement compétent pourra ordonner l'arrestation provisoire d'une personne réclamée aux fins d'extradition et son placement sous écrou extraditionnel (premier alinéa).

Le deuxième alinéa précise que la demande d'arrestation provisoire, outre l'existence d'une des pièces accompagnant la demande d'extradition prévue à l'article 696-8, doit mentionner l'intention de l'État requérant d'envoyer une demande officielle d'extradition, comporter un bref exposé des faits en cause et mentionner l'identité et la nationalité de la personne réclamée, l'infraction pour laquelle l'extradition sera demandée, la date et le lieu où elle a été commise, le quantum de la peine encourue ou de la peine prononcée et, le cas échéant, de celle restant à purger, ainsi que, s'il y a lieu, la nature et la date des actes interruptifs de prescription.

Ces dispositions reprennent celles prévues à l'article 16 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, complétées par les réserves émises par la France et portant sur l'existence d'un bref exposé des faits mis à la charge de la personne réclamée.

Comme actuellement, une copie de cette demande devra être adressée par l'État requérant au ministre des Affaires étrangères. Le procureur de la République devra informer sans délai le ministre de la Justice et le procureur général de cette arrestation (troisième alinéa).

Après avoir adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 106 et 107), la Commission a adopté un amendement de M. Thierry Mariani remplaçant l'expression « sans délai » par « dans les meilleurs délais » (amendement n° 108).

Article 696-24 [nouveau] du code de procédure pénale

Délai de transmission de la demande officielle

L'article 20 de la loi du 10 mars 1927 fixe à respectivement vingt jours, un mois et trois mois à compter de l'arrestation provisoire le délai, applicable aux États limitrophes, non limitrophes et hors de l'Union européenne, pour recevoir la demande officielle d'extradition.

L'article 696-24 ne reprend pas ces distinctions et fixe ce délai de manière uniforme à trente jours à compter de l'arrestation provisoire, sous peine d'une remise en liberté de l'intéressé.

Il précise par ailleurs que si une demande officielle parvient ultérieurement, la procédure est reprise dans les conditions de droit commun, fixée aux articles 696-9 et suivants.

Section 3

De la procédure simplifiée d'extradition
entre les États membres de l'Union européenne

Cette section transpose la convention du 10 mars 1995 relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les États membres de l'Union européenne.

Rappelons que ces dispositions auront vocation à s'appliquer aux demandes émanant des États membres et portant sur des faits antérieurs au 1er novembre 1993, les autres demandes relevant du champ d'application du mandat d'arrêt européen.

Article 696-25 [nouveau] du code de procédure pénale

Délai de comparution devant le procureur général de la personne réclamée

Cet article rappelle que, sauf dans les cas où les dispositions sur le mandat d'arrêt européen s'appliquent, lorsqu'une demande d'arrestation provisoire en vue d'une extradition émane d'un État membre de l'Union européenne, les articles 696-10 et 696-11, relatifs à la comparution de la personne réclamée devant le procureur de la République et à son incarcération, s'appliquent.

Afin de respecter le délai de dix jours après l'arrestation provisoire fixé par la convention du 10 mars 1995 pour communiquer à l'État requérant le consentement éventuel de la personne réclamée à son extradition, l'article 696-25 abaisse de sept à trois jours le délai fixé pour la comparution de l'intéressé devant le procureur général. Il prévoit par ailleurs que la personne est informée dès ce stade par le procureur de la République de la possibilité de consentir à son extradition selon la procédure simplifiée.

Article 696-26 [nouveau] du code de procédure pénale

Comparution devant le procureur général

Cet article définit les modalités de comparution de la personne réclamée devant le procureur général.

Lors de cette comparution, qui doit, conformément à l'article 696-25, intervenir dans un délai de trois jours, le procureur général doit notifier à l'intéressé, dans une langue qu'il comprend, les pièces ayant servi de base juridique à l'arrestation. Il l'informe à nouveau qu'il peut consentir à son extradition selon la procédure simplifiée et qu'il peut également renoncer à la rège de la spécialité. Ces informations doivent, à peine de nullité, figurer au procès-verbal.

Comme les deuxième et troisième alinéas de l'article 696-12 le prévoient pour la procédure d'extradition de droit commun, l'intéressé a droit à l'assistance d'un avocat.

Article 696-27 [nouveau] du code de procédure pénale

Délais de comparution devant la chambre de l'instruction

Cet article fixe les délais de comparution devant la chambre de l'instruction.

Lorsque la personne réclamée consent à son extradition, elle doit comparaître devant la chambre de l'instruction dans le délai de cinq jours ouvrables à compter de sa présentation au procureur général, soit un délai identique à celui prévu par l'article 696-13 pour la procédure d'extradition de droit commun.

Lorsqu'elle ne consent pas à son extradition, la procédure de droit commun, prévue par les articles 696-15 et suivants, s'applique et le délai de comparution devant la chambre de l'instruction est porté à dix jours.

Article 696-28 [nouveau] du code de procédure pénale

Comparution devant la chambre de l'instruction
de la personne qui consent à son extradition

Cet article détermine les modalités de comparution devant la chambre de l'instruction de la personne qui a consenti, devant le procureur général, à son extradition.

Après avoir constaté son identité et recueilli ses déclarations par procès-verbal, le président de la chambre de l'instruction informe la personne réclamée des conséquences juridiques de son consentement et lui demande si elle consent toujours à son extradition.

En cas de réponse négative, la chambre de l'instruction renvoie le procureur général à appliquer les dispositions du deuxième alinéa de l'article 696-27, qui correspond à un retour à la procédure de droit commun.

Lorsque la personne concernée maintient son consentement, la chambre de l'instruction lui demande, conformément à l'article 9 de la convention du 10 mars 1995, si elle renonce également à la règle de la spécialité, après l'avoir informée des conséquences juridiques d'une telle renonciation.

Le consentement à l'extradition et la renonciation à la règle de la spécialité sont recueillis par procès-verbal, signé par l'intéressé.

L'audience est publique et le ministère public et la personne réclamée, ainsi que, le cas échéant, son avocat, sont entendus, en présence, s'il y a lieu, d'un interprète.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur de précision et de simplification rédactionnelles (amendement nos 109 et 110).

Article 696-29 [nouveau] du code de procédure pénale

Arrêt autorisant l'extradition

Comme le prévoit l'article 696-14 dans la procédure de droit commun, l'article 696-29 dispose que lorsque la chambre de l'instruction constate que les conditions légales de l'extradition sont remplies, elle rend un arrêt donnant acte du consentement de la personne réclamée à l'extradition, ainsi que, le cas échéant, de sa renonciation à la règle de la spécialité, et autorisant l'extradition.

La chambre de l'instruction doit statuer en audience publique dans un délai de sept jours à compter de la comparution devant elle de la personne réclamée, soit un délai identique à celui prévu dans la procédure de droit commun.

A l'initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement de coordination avec les modalités prévues par l'article 696-14 pour la procédure d'extradition de droit commun (amendement n° 111).

Article 696-30 [nouveau] du code de procédure pénale

Effets d'un pourvoi en cassation

Cet article détermine les effets d'un pourvoi en cassation contre un arrêt de la chambre de l'instruction donnant acte du consentement de la personne et autorisant l'extradition.

Le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation ou le conseiller délégué par lui rend alors, dans les quinze jours du dépôt du pourvoi, une ordonnance par laquelle il constate que la personne réclamée a souhaité retirer son consentement à l'extradition et, le cas échéant, qu'elle a renoncé à la règle de la spécialité.

Lorsque la personne fait l'objet d'une demande officielle d'extradition, la procédure de droit commun pour les personnes ne consentant pas à leur extradition, prévue aux articles 696-15 et suivants, s'applique.

Article 696-31 [nouveau] du code de procédure pénale

Délai de remise de la personne réclamée

Cet article définit les effets de l'arrêt de la chambre de l'instruction accordant l'extradition de la personne consentante et fixe des délais pour sa remise à l'État requérant.

A la différence de la procédure de droit commun, qui prévoit l'intervention d'un décret d'extradition, l'article 696-31 dispose que lorsque l'arrêt de la chambre de l'instruction est définitif, le procureur général en informe le ministre de la Justice qui, à son tour, en informe l'État requérant et prend les mesures nécessaires pour que l'intéressé soit remis à cet État dans le délai de vingt jours suivant la notification de la décision d'extradition.

Ce délai, inférieur à celui d'un mois prévu par l'article 696-18 dans la procédure de droit commun, est prévu par l'article 11 de la convention du 10 mars 1995.

Transposant le paragraphe 3 de ce même article, le dernier alinéa de l'article 696-31 prévoit que lorsque la personne réclamée ne peut être remise dans le délai de vingt jours pour un cas de force majeure, le ministre de la Justice en informe les autorités compétentes de l'État requérant et convient avec elles d'une autre date, la personne réclamée devant être remise au plus tard dans les vingt jours suivant cette nouvelle date.

Enfin, l'article 696-31 précise que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne extradée est détenue en France pour une autre cause.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur transférant dans cet article les dispositions sur les conséquences du non-respect des délais de remise de la personne extradée, qui figurent actuellement à l'article 696-2 (amendement n° 112).

Article 696-32 [nouveau] du code de procédure pénale

Demande de mise en liberté ou de levée du contrôle judiciaire

L'article 696-32 précise que les dispositions de l'article 696-19 sur les demandes de mise en liberté, et celles de l'article 696-20, relatives à la mainlevée ou la modification des obligations du contrôle judiciaire, prévues pour la procédure de droit commun, sont applicables dans le cadre de la procédure simplifiée.

Il rappelle par ailleurs, conformément au paragraphe 3 de l'article 11 de la convention du 10 mars 1995, que lorsque le délai de vingt jours prévus à l'article 696-31 n'est pas respecté, la personne est remise d'office en liberté, sauf si elle est détenue pour une autre cause.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant, par coordination, les dispositions transférées à l'article 696-31 (amendement n° 113).

Article 696-33 [nouveau] du code de procédure pénale

Consentement donné après l'expiration du délai de dix jours

L'article 12 de la convention du 10 mars 1995 dispose que l'État requis met en œuvre la procédure simplifiée d'extradition lorsque la personne a donné son consentement après l'expiration du délai de dix jours à compter de son arrestation si aucune demande d'extradition ne lui est encore parvenue. Il s'agit d'une simple possibilité lorsque la demande d'extradition est parvenue entre temps ou si le consentement a été donné après la réception de la demande d'extradition, chaque État membre devant indiquer si il a l'intention d'appliquer cette possibilité.

La France ayant déclaré appliquer ces dispositions, l'article 696-33 prévoit que la procédure simplifiée est applicable lorsque la personne dont l'arrestation provisoire a été demandée fait l'objet d'une demande d'extradition et consent à son extradition plus de dix jours après son arrestation, mais au plus tard le jour de sa première comparution devant la chambre de l'instruction, ou si la personne dont l'extradition est demandée consent à son extradition au plus tard le jour de sa première comparution dans les mêmes conditions.

Section 4

Des effets de l'extradition

Cette section reprend les dispositions du titre III de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers.

Articles 696-34 et 695-35 [nouveaux] du code de procédure pénale

Renonciation à la règle de la spécialité.

Les articles 696-34 et 696-35 reprennent les dispositions des articles 21 et 22 de la loi du 10 mars 1927 relatives aux modalités par lesquelles le Gouvernement français et la personne extradée peuvent renoncer à la règle de la spécialité.

Après avoir rappelé la règle de la spécialité, l'article 696-34 précise que la personne réclamée peut y renoncer dans le cadre de la procédure simplifiée, avant son extradition (article 696-28) ou après celle-ci, dans les conditions fixées par l'article 696-40. Il précise également que le Gouvernement français peut renoncer à l'application de ce principe, même pour une infraction ne pouvant faire l'objet d'une extradition (article 696-3).

L'article 696-35 détermine les conditions dans lesquelles le Gouvernement français peut renoncer à l'application de la règle de la spécialité et donner son consentement à la poursuite d'une infraction antérieure à la remise.

La chambre de l'instruction devant laquelle la personne réclamée a comparu rend alors un avis, qui peut être pris sur la seule production des pièces transmises à l'appui de la nouvelle demande. La chambre de l'instruction est également saisie des éventuelles observations de l'intéressé, l'avocat de ce dernier pouvant compléter ces observations.

La Commission a adopté deux amendements de simplification et de précision rédactionnelles du rapporteur (amendements nos 114 et 115).

Article 696-36 [nouveau] du code de procédure pénale

Nullité de l'extradition obtenue par le Gouvernement français

Après avoir rappelé, conformément au premier alinéa de l'article 23 de la loi du 10 mars 1927, que toute extradition obtenue par le Gouvernement français en dehors des cas prévus par le chapitre V est nulle, l'article 696-36 détermine les conditions dans lesquelles cette nullité peut être prononcée.

Le procureur de la République doit informer la personne extradée, dès son incarcération, qu'elle a le droit de demander que soit prononcée la nullité de l'extradition et de choisir un avocat (dernier alinéa de l'article 23 de la loi du 10 mars 1927).

Reprenant le deuxième alinéa de l'article 23, le troisième alinéa de l'article 696-36 dispose que la nullité de l'extradition est prononcée, même d'office par la juridiction de jugement dont relève la personne extradée. Il précise également, lorsqu'aucune juridiction de jugement n'est saisie, que la nullité est prononcée par la chambre de l'instruction compétente qui est, lorsque l'extradition a été accordée pour l'exécution d'un mandat d'arrêt dans le cadre d'une information, celle dans le ressort duquel a lieu la remise.

Rappelons que la chambre criminelle de la Cour de cassation considère que la nullité de l'extradition ne peut être constatée que si celle-ci est intervenue hors des cas prévus par la loi du 10 mars 1927 ou s'il y a eu une volonté d'éluder les règles extraditionnelles, mais que la personne extradée ne peut invoquer des nullités entachant la procédure suivie dans l'État requis.

L'article 696-36 fixe également des conditions de forme et de délais pour le dépôt des requêtes en nullité.

La requête en nullité devra, à peine d'irrecevabilité, être motivée et déposée au greffe de la juridiction compétente dans les dix jours suivants l'avis du procureur de la République. Ce délai, supérieur au délai actuel de trois jours prévu par le dernier alinéa de l'article 23, est identique à celui prévu en matière d'appel.

La déclaration auprès du greffe devra faire l'objet d'un procès-verbal signé par le greffier et par le demandeur ou son avocat. Lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffe peut être faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Lorsque le demandeur est détenu, la requête peut être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire ; cette déclaration fait l'objet d'un procès-verbal signé par le chef de l'établissement et le demandeur, qui est envoyé sans délai au greffe de la juridiction saisie ; si ce dernier ne peut pas signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement.

Ces formalités, qui ne figurent pas dans l'article 23 de la loi du 10 mars 1927, reprennent, au mot près, celles prévues à l'article 173 du code de procédure pénale pour le dépôt des requêtes en nullité.

Après avoir adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 116), la Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani remplaçant l'expression « sans délai » par « dans les meilleurs délais », le rapporteur ayant fait valoir que cette expression figurait à l'article 173 du code de procédure pénale.

Article 696-37 [nouveau] du code de procédure pénale

Qualification des faits ayant motivé l'extradition

Reprenant intégralement l'article 24 de la loi du 10 mars 1927, l'article 696-37 rappelle que les juridictions chargées de prononcer la nullité de l'extradition sont juges de la qualification donnée aux faits qui ont motivé la demande d'extradition, ce qui leur permet d'apprécier l'éventuelle nullité de la mesure.

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 117).

Article 696-38 [nouveau] du code de procédure pénale

Effets de l'annulation de l'extradition

Reprenant intégralement l'article 25 de la loi du 10 mars 1927, l'article 696-38 dispose qu'en cas d'annulation de l'extradition, lorsqu'elle n'est pas réclamée par le gouvernement requis, la personne extradée est mise en liberté et ne peut être reprise pour les faits ayant motivé son extradition ou pour des faits antérieurs, sauf si dans les tente jours suivant sa mise en liberté, elle est arrêtée sur le territoire français.

Article 696-39 [nouveau] du code de procédure pénale

Exception à la règle de la spécialité

L'article 696-39 rappelle l'exception à la règle de la spécialité posée par l'article 26 de la loi du 10 mars 1927, selon laquelle l'État requérant peut poursuivre et condamner une personne extradée pour un fait antérieur à l'extradition et différent de celui ayant motivé cette mesure si, alors qu'elle en a eu la possibilité, elle se trouve toujours sur le territoire de l'État requérant trente jours après son élargissement.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 118).

Article 696-40 [nouveau] du code de procédure pénale

Renonciation à la règle de la spécialité après l'extradition

Cet article transpose l'article 10 de la convention du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les États membres de l'Union européenne, qui prévoit que la personne extradée peut renoncer à la règle de la spécialité, sans qu'il soit nécessaire de recueillir le consentement de l'État membre requis.

Il prévoit que, lorsque le Gouvernement français a obtenu l'extradition d'une personne en application de la convention du 27 septembre 1996, cette personne peut être poursuivie ou condamnée pour une infraction antérieure à sa remise et autre que celle ayant motivé l'extradition si elle renonce expressément au bénéfice de la règle de la spécialité.

Comme le précise l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article 10 de la convention de 1996, la renonciation, qui présente un caractère irrévocable, doit porter sur des faits précis antérieurs à la remise. Elle est donnée devant la chambre de l'instruction dans le ressort de laquelle l'intéressé est incarcéré ou a sa résidence.

La procédure est alors similaire à celle prévue par l'article 696-28 pour la renonciation à la règle de la spécialité avant l'extradition dans le cadre de la procédure simplifiée : audience publique, recueil des déclarations par procès-verbal, présence éventuelle d'un avocat et d'un interprète, information sur les conséquences juridiques de sa renonciation. La chambre de l'instruction devra également l'informer du caractère irrévocable de la renonciation.

Lorsque la personne extradée déclare renoncer à la règle de la spécialité, la chambre de l'instruction lui en donne acte, après avoir entendu le ministère public et l'avocat, et précise les faits objets de la renonciation.

La Commission a adopté un amendement d'harmonisation rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 119).

Article 696-41 [nouveau] du code de procédure pénale

Réextradition vers un État tiers

Reprenant intégralement les dispositions de l'article 27 de la loi du 10 mars 1927, l'article 696-41 dispose que lorsque le gouvernement d'un pays tiers sollicite, pour un fait antérieur à cette extradition et non connexe à celle-ci, l'extradition d'une personne extradée vers la France, le Gouvernement français n'accède à cette demande que si l'État à l'origine de l'extradition y consent.

Ce consentement n'est toutefois pas nécessaire lorsque la personne extradée n'a pas quitté le territoire national trente jours après sa mise en liberté, alors qu'il en avait la possibilité.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur matérielle (amendement n° 120).

Section 5

Dispositions diverses

La section 5 reprend l'ensemble des dispositions du titre IV de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers

Article 696-42 [nouveau] du code de procédure pénale

Transit

Reprenant intégralement l'article 28 de la loi du 10 mars 1927, cet article dispose que le transit d'une personne n'ayant pas la nationalité française est autorisé sur simple demande transmise par voie diplomatique, la demande devant néanmoins être accompagnée de pièces établissant que l'infraction en cause n'est pas politique ou militaire. Cette autorisation n'est toutefois donnée que sous réserve de réciprocité.

Le transit s'effectue sous la conduite d'agents français et aux frais du gouvernement requérant.

La Commission a adopté deux amendements de précision du rapporteur (amendement nos 121 et 122).

Article 696-43 [nouveau] du code de procédure pénale

Remise d'objets

Cet article reprend les dispositions de l'article 29 de la loi du 10 mars 1927 sur la remise des objets saisis à l'État requérant.

C'est la chambre de l'instruction qui décide s'il a lieu de remettre, en tout ou partie, les titres, valeurs ou objets saisis au gouvernement requérant, cette remise pouvant avoir lieu même en cas de mort ou d'évasion de l'intéressé avant son extradition.

Cette même juridiction ordonne la restitution des objets qui ne se rapportent pas à l'infraction et statue, le cas échéant, sur les réclamations des tiers et autres ayant droit.

On observera que l'alinéa relatif à l'absence de recours pour les décisions de la chambre de l'instruction n'a pas été repris, ces décisions devant pouvoir faire l'objet de recours.

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 123 et 124).

Article 696-44 [nouveau] du code de procédure pénale

Notification d'un acte de procédure ou d'un jugement à un résident français

Reprenant l'article 31 de la loi du 10 mars 1927, cet article définit les modalités de notification d'un acte de procédure ou d'un jugement à un individu résidant sur le territoire national.

La pièce, accompagnée le cas échéant d'une traduction en français, doit être transmise selon les modalités prévues par les articles 696-8 et 696-9 pour les demandes d'extradition : transmission au ministre des Affaires étrangères, qui communique la pièce au ministre de la Justice ; ce dernier saisit le procureur général compétent, qui lui-même la communique au procureur de la République. Lorsque la demande émane d'un État membre de l'Union européenne, la demande est adressée directement au ministre de la Justice.

La signification de l'acte de procédure ou du jugement est faite à personne par les soins d'un officier compétent, l'original constatant cette signification étant renvoyé par la même voie au gouvernement requérant.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant une disposition inutile et ambiguë (amendement n° 125).

Article 696-45 [nouveau] du code de procédure pénale

Communication de documents à la demande d'un gouvernement étranger

Cet article reprend les dispositions de l'article 32 de la loi du 10 mars 1927, relative à la communication des pièces à conviction ou de documents à la demande d'un gouvernement étranger.

Il précise qu'il est donné suite à cette demande, transmise par la voie diplomatique, sauf si des considérations particulières s'y opposent et sous réserve de l'obligation de renvoyer ces pièces et documents dans les plus brefs délais.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant, dans un souci de simplification, que la demande de communication de documents sera transmise comme les demandes d'extradition (amendement n°126).

Articles 696-46 et 696-47 [nouveaux] du code de procédure pénale

Comparution d'un témoin et confrontation
à l'étranger de personnes résidant en France

Reprenant intégralement les articles 33 et 34 de la loi du 10 mars 1927, les articles 696-46 et 696-47 traitent des demandes d'audition ou de confrontation à l'étranger d'une personne résidant ou détenue en France.

L'article 696-46 précise que le Gouvernement français, saisi d'une demande d'audition de témoin par voie diplomatique, engage l'intéressé à se rendre à l'invitation qui lui est adressée. La signification de cette demande est toutefois soumise à la condition que le témoin ne pourra pas être poursuivi ou détenu pour des faits ou une condamnation antérieure à son audition.

L'article 696-47 dispose que le Gouvernement français donne suite aux demandes de confrontation concernant une personne détenue transmises par voie diplomatique, sauf si des considérations particulières s'y opposent et à condition que l'intéressé soit renvoyé en France dans les plus brefs délais.

La Commission a adopté deux amendements de précision du rapporteur (amendements nos 127 et 128).

Article 696-48 [nouveau] du code de procédure pénale

Compétence des juridictions françaises en cas de refus d'extradition

Les articles 113-6 et 113-7 du code pénal donnent compétence aux juridictions françaises pour juger les infractions commises hors du territoire de la République lorsque l'infraction a été commise par un Français ou que la victime est française.

L'article 113-8-1 du code pénal, créé par l'article 6 ter du projet de loi, prévoit un nouveau cas de compétence des juridictions françaises. Appliquant la règle aut dedere, aut judicare (extrader ou juger), il dispose que la loi pénale française sera applicable pour les crimes et les délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement commis hors du territoire de la République par un étranger dont l'extradition a été refusée par les autorités françaises parce que l'infraction est punie d'une peine contraire à l'ordre public français ou parce que son auteur n'aurait pas été jugé dans des conditions assurant la protection des droits de la défense.

L'article 696-48 détermine la procédure applicable pour poursuivre ces infractions.

Le ministre de la Justice peut, sur dénonciation officielle du pays où l'infraction a été commise et qui a demandé l'extradition, envoyer cette dénonciation au procureur général près la cour d'appel saisie de la demande d'extradition. La dénonciation doit viser les seuls faits objets de la demande d'extradition. Il est par ailleurs précisé que le procureur de la République compétent est celui près le tribunal de grande instance du siège de la cour d'appel.

Ces dispositions constituent une dérogation, dont on perçoit mal la justification, au principe selon lequel le procureur de la République compétent est celui du lieu de l'infraction, de la résidence de la personne soupçonnée d'avoir participé à l'infraction ou du lieu d'arrestation (article 43 du code de procédure pénale). Il peut en effet, dans certains cas, être plus simple de désigner le magistrat du lieu de résidence de l'intéressé, plutôt que celui de l'arrestation, afin d'éviter des déplacements trop longs.

Enfin, comme le fait l'article 113-8 du code pénal pour la poursuite des infractions commises à l'étranger, l'article 696-48 rappelle que l'action publique ne peut être mise en mouvement que par le ministère public.

Signalons enfin que les sénateurs ont supprimé le paragraphe III de l'article 6, qui prévoyait l'abrogation de l'article 30 de la loi du 10 mars 1927, cette loi faisant l'objet d'une abrogation complète à l'article 6 quater.

La Commission a adopté un amendement de suppression, présenté par le rapporteur, qui a jugé inutile de prévoir une règle spécifique de compétence du procureur de la République chargé d'instruire les faits commis par une personne dont l'extradition a été refusée (amendement n° 129).

La Commission a ensuite adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 6 bis (nouveau)

(art. 568-1, 574-2 [nouveaux] et 716-4 du code de procédure pénale)


Pourvoi en cassation contre l'arrêt de la chambre de l'instruction autorisant la remise - Peine privative de liberté exécutée dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen.

L'article 17 de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen prévoit que, lorsque la personne ne consent pas à sa remise, la décision définitive sur l'exécution du mandat d'arrêt européen doit en principe intervenir dans les soixante jours de l'arrestation, un délai supplémentaire de trente jours existant lorsque, « dans des cas spécifiques », le mandat d'arrêt européen ne peut être exécuté dans le délai de soixante jours.

L'utilisation par la décision-cadre du conditionnel rend ces délais indicatifs, et non pas impératifs.

Afin toutefois de se rapprocher le plus près possible de ces délais, l'article 6 bis fixe des délais plus court pour l'examen des pourvois en cassation contre l'arrêt de la chambre de l'instruction autorisant la remise.

Le paragraphe I de l'article 6 bis insère, après l'article 568 du code de procédure pénale, qui fixe le délai de pourvoi à cinq jours francs à compter du prononcé de la décision attaquée, un nouvel article 568-1.

Cet article dispose que, par dérogation au délai de cinq jours fixé par l'article 568, le délai de pourvoi contre un arrêt de la chambre de l'instruction autorisant la remise alors que la personne n'a pas donné son consentement (quatrième alinéa de l'article 695-31) est ramené à trois jours.

Il précise par ailleurs que le dossier doit être transmis au greffe de la Cour de cassation, le cas échéant par télécopie, dans un délai de quarante-huit heures à compter du dépôt du pourvoi.

Rappelons qu'actuellement, le greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée dispose d'un délai de vingt jours pour transmettre le dossier au greffe de la Cour de cassation (article 586).

Le paragraphe II insère un nouvel article 574-2, après les dispositions sur l'examen des pourvois contre les arrêts de mise en accusation de la chambre de l'instruction, qui détermine les modalités d'examen des pourvois contre les arrêts de remise.

La chambre criminelle de la Cour de cassation disposera d'un délai de quarante jours à compter du dépôt du pourvoi pour statuer sur celui-ci.

Le délai de dépôt du mémoire exposant les moyens de la cassation est, quant à lui, de cinq jours à compter de la réception du dossier à la Cour de cassation, soit sept jours à compter de la déclaration de pourvoi. A l'expiration de ce délai, aucun moyen nouveau ne pourra être soulevé et il ne pourra plus être déposé de mémoire.

Ce délai est bien inférieur à celui fixé l'article 585-1, qui est d'un mois à compter de la date du pourvoi.

Dès réception du mémoire, le président de la chambre criminelle devra fixer la date de l'audience.

Ces nouveaux délais, quoique relativement contraignants pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, permettront de respecter les délais fixés par la décision-cadre, comme l'illustre le tableau ci-dessous :

Présentation devant
le procureur général

Comparution devant la chambre de l'instruction

Décision de la chambre de l'instruction

Délai de pourvoi

Décision de
la Cour de cassation

TOTAL

48 heures

5 jours
ouvrables

20 jours + 10 jours si informations complémentaires nécessaires

3 jours

40 jours

70 (80 en cas d'informations complémentaires)

Enfin, le paragraphe III transpose l'article 26 de la décision-cadre, qui dispose que l'État membre d'émission doit déduire de la durée totale de la peine à subir la période de détention résultant de l'exécution du mandat d'arrêt européen.

Il complète à cet effet l'article 716-4 du code de procédure pénale, qui dispose que la détention provisoire doit être déduite de la durée de la peine prononcée, afin d'appliquer cette disposition à la détention effectuée à la suite de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur prévoyant une transmission, par tout moyen permettant d'en conserver une trace écrite, du dossier et du mémoire à la Cour de cassation (amendements nos 130 et 131).

Puis elle a adopté l'article 6 bis ainsi modifié.

Article 6 ter (nouveau)

(art. 113-8-1 [nouveau] du code pénal)


Jugement en France des personnes dont l'extradition est refusée

Cet article insère dans le code pénal, à la suite des dispositions consacrées à la compétence des juridictions françaises lorsque l'infraction est commise hors du territoire de la République, un nouvel article 113-8-1, qui crée un nouveau cas de compétence.

Cet article prévoit que la loi pénale française sera également applicable aux crimes et aux délits punis de cinq ans d'emprisonnement commis hors du territoire de la République par un étranger dont l'extradition a été refusée par les juridictions françaises pour un des motifs visés aux 6° et 7° de l'article 696-4 (infraction punie d'une peine contraire à l'ordre public français ou procès dans des conditions n'assurant pas la protection des droits de la défense).

L'article 696-48, auquel renvoie l'article 113-8-1, détermine la juridiction compétente et les modalités de la poursuite : compétence de la juridiction saisie de la demande d'extradition, nécessité d'une dénonciation officielle de l'État à l'origine de la demande d'extradition et mise en mouvement de l'action publique par le ministère public.

L'objet de cette disposition est d'éviter que les auteurs de crimes ou de délits, qui ne peuvent être renvoyés dans leur pays d'origine parce qu'ils encourent la peine de mort ou que leur procès risque de ne pas être équitable, demeurent impunis malgré la gravité des faits qu'ils ont commis.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur transférant les dispositions de l'article 696-48 sur les modalités de poursuite des infractions commises par une personne dont l'extradition a été refusée (amendement n° 132).

Puis elle a adopté l'article 6 ter ainsi modifié.

Article 6 quater (nouveau)

(Loi du 10 mars 1927)


Abrogation de la loi relative à l'extradition

Par coordination avec l'insertion de ses dispositions dans le code de procédure pénale, prévue par l'article 6 du projet de loi, l'article 6 quater abroge la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers.

La Commission a adopté l'article 6 quater sans modification.

Chapitre III

Dispositions concernant la lutte contre les infractions
en matière économique, financière et douanière
et en matière de terrorisme, de santé publique et de pollution maritime

Le présent chapitre unifie les règles de procédure applicables aux juridictions spécialisées existantes, en cohérence avec les règles établies par le projet de loi dans les nouvelles juridictions spécialisées dans la criminalité organisée. Il traite par ailleurs des loteries, des infractions douanières et de la contrefaçon. Le Sénat y a enfin adjoint des dispositions relatives à l'exercice des droits de la partie civile par certains ordres professionnels médicaux, à la procédure devant les juridictions spécialisées en matière de terrorisme, aux incendies de forêt et à l'activité clandestine de chauffeur de taxi.

Section 1

Dispositions relatives aux infractions en matière économique et financière

Article 7

(art. 704, 705-1, 705-2 [nouveaux] et art 706 du code de procédure pénale)


Des juridictions spécialisées en matière économique et financière

L'article 7 du projet de loi vise à adapter la procédure applicable aux juridictions spécialisées en matière économique et financière à l'évolution de la délinquance dans ce domaine. Les règles de procédure devant ces juridictions sont calquées sur celles instaurées en matière de criminalité organisée.

Article 705-1 du code de procédure pénale

Procédure de dessaisissement de la juridiction de droit commun
au profit de la juridiction spécialisée

L'article 705-1 détermine les modalités de dessaisissement du juge d'instruction d'une juridiction de droit commun au profit des juridictions d'instruction régionales et interrégionales spécialisées en matière économique et financière.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale prévoit : qu'il appartient au procureur de la République près le tribunal de grande instance de droit commun de requérir le dessaisissement ; que les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations ; que l'ordonnance du juge d'instruction est rendue 8 jours au plus tôt après cet avis.

Le Sénat n'a pas modifié substantiellement cette procédure mais y a apporté deux précisions utiles :

-  il appartient au juge d'instruction d'informer les parties, le texte adopté par l'Assemblée nationale étant silencieux sur ce point ;

-  afin de garantir l'efficacité de la procédure, le juge d'instruction doit rendre son ordonnance huit jours au plus et « un mois au plus tard » à compter de l'avis aux parties. Cet ajout comble une lacune, le dispositif initialement proposé ne permettant pas au ministère public de surmonter l'éventuelle inertie du juge d'instruction, que rien n'obligeait à répondre à la sollicitation du procureur de la République.

Article 705-2 du code de procédure pénale

Recours contre l'ordonnance du juge d'instruction

L'ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de droit commun ordonnant ou refusant le dessaisissement requis par le procureur de la République est susceptible de recours, dont les modalités sont déterminées par le présent article. Deux hypothèses doivent être distinguées :

-  soit le juge requis se situe dans le ressort de la même Cour d'appel que la juridiction spécialisée au profit de laquelle son dessaisissement a été ordonné ou refusé, auquel cas le recours est examiné par la chambre de l'instruction ;

-  soit le juge d'instruction requis ne se trouve pas dans le de la même Cour d'appel que la juridiction spécialisée, auquel cas le recours relève de la compétence de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Outre une modification visant à clarifier la rédaction, le Sénat, ayant prévu à l'article 705-1 que le juge d'instruction requis par le procureur de la République devait rendre son ordonnance un mois au plus tard après l'avis aux parties, a, en conséquence, complété les modalités de recours. Il est ainsi précisé que le ministère public peut également saisir directement la chambre de l'instruction ou la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d'instruction n'a pas rendu son ordonnance dans ces délais.

Article 706 du code de procédure pénale

Des assistants spécialisés

Le renforcement du statut des assistants spécialisés proposé à l'article 706 constitue l'une des clés de voûte de l'efficacité des juridictions spécialisées. Dès lors, le rapporteur ne peut que se féliciter que, dans la logique des modifications qu'il avait lui-même proposées à l'Assemblée nationale, le Sénat ait encore précisé le statut et les fonctions de ces indispensables auxiliaires du service public de la justice, en introduisant deux modifications dans le texte proposé pour la rédaction de l'article 706 du code de procédure pénale :

-  tout d'abord, les assistants spécialisés seront désormais autorisés à mettre en oeuvre le droit de communication reconnu aux magistrats par l'article 132-22 du code pénal. L'Assemblée, en autorisant ces personnels à signer des réquisitions judiciaires correspondant à des tâches matérielles de recueil d'informations et de documents, avait souhaité harmoniser la pratique et le droit. En effet, les assistants sont d'ores et déjà, la plupart du temps, les rédacteurs de ces réquisitions, même s'ils ne les signent pas. C'est le même souci pratique qui a inspiré le Sénat, les assistants spécialisés se rendant en effet souvent seuls dans les administrations concernées pour obtenir les informations ;

-  en second lieu, ils devront, préalablement à leur entrée en fonction, suivre une formation.

À cet égard, le Sénat s'est appuyé sur le constat unanime de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, qu'il avait constituée en son sein en 2002 (1) : les assistants spécialisés eux-mêmes, souvent ignorants des règles de fonctionnement de l'institution judiciaire et de la matière pénale, sont demandeurs d'une telle formation. Dans le même esprit, le groupe de suivi des pôles économiques et financiers mis en place au ministère de la Justice en 2001 avait mis en avant l'atout que représenterait une formation pour ces personnels, notamment lors de leur réintégration dans leur administration d'origine. Par ricochet donc, cette mesure favoriserait leur embauche.

Cette dernière disposition s'inscrit enfin dans la logique du renforcement du statut et des fonctions des assistants spécialisés voulu et par l'Assemblée nationale et par le Sénat. C'est à ce titre qu'elle a été pleinement approuvée par le Gouvernement qui, en séance publique, a fait valoir qu'il fallait que « que nous mettions tout en oeuvre pour que les assistants spécialisés soient davantage motivés, que le contenu de leur travail soit le plus intéressant possible et qu'ils assument un vrai rôle auprès des magistrats » (2). En pratique, l'acquisition de notions sur les grands principes de l'organisation judiciaire et de la procédure pénale aura lieu au cours d'une formation accélérée de quelques jours dispensée par l'école nationale de la magistrature.

Après avoir rejeté un amendement de M. Thierry Mariani permettant aux tribunaux de recruter des assistants de justice comme assistants spécialisés, le rapporteur ayant fait valoir que ces deux catégories n'avaient pas du tout le même profil ni la même expérience professionnelle, la Commission a adopté un amendement de coordination présenté par le rapporteur (amendement n° 133).

Puis elle a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Après l'article 7

(art. 706-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale)


Coordination de l'action publique en matière économique et financière
par le Procureur Général près la cour d'appel

En conséquence de ses décisions précédentes, la Commission a adopté un amendement de M. Georges Fenech donnant compétence au procureur général près la cour d'appel pour coordonner l'action publique en matière économique et financière (amendement n°134). En effet, l'institution de juridictions interrégionales spécialisées pour les infractions en matière économique et financière pose avec acuité la question du rôle exact dévolu au procureur général interrégional. Or, si une procédure complexe de dessaisissement est formalisée au stade de l'instruction et du jugement des infractions susceptibles de relever des juridictions interrégionales spécialisées, il n'en est pas de même au stade des enquêtes préliminaires ou flagrantes, ni au stade de la poursuite engagée par le Ministère public. Dès lors, il devient indispensable de coordonner, dans ce processus difficile de procédure pénale, l'exercice de l'action publique et de veiller à une application cohérente de la loi pénale.

Le Procureur général de la cour d'appel, dans le ressort de laquelle se trouvent les juridictions interrégionales spécialisées, est assurément l'institution déconcentrée la mieux placée pour assurer, sur un plan pratique, cette mise en cohérence. Il lui incombera ainsi d'articuler naturellement la liaison fonctionnelle entre les services de l'administration centrale du ministère de la Justice et de la pluralité des parquets et juridictions susceptibles d'être concernés par une compétence concurrente avec les juridictions interrégionales spécialisées.

Cette reconnaissance d'une fonction de coordination du Procureur général, au niveau interrégional, n'obère en rien les attributions conférées par la loi aux autres parquets généraux. Elle constitue un gage d'efficacité en évitant, si nécessaire, la multiplication des interlocuteurs pour les services du garde des Sceaux, tout en générant une réelle économie d'échelle. De même, le choix d'une coordination au niveau interrégional, par le Procureur général concerné, correspond mieux à l'implantation géographique des services d'enquête spécialisés notamment en matière d'infractions économiques et financières complexes.

Article 7 bis

(art. 7-1 [nouveau] de la loi du 21 mai 1836)


Clarification du régime applicable aux loteries

Hormis un amendement rédactionnel supprimant des mentions inutiles, le Sénat n'est pas revenu sur le dispositif de clarification des règles applicables aux loteries et d'assouplissement de la dérogation particulière prévue pour les lotos traditionnels, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture. La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 ter (nouveau)

(art. L. 650-1 à L. 650-3 du code de l'organisation judiciaire)


Désignation de magistrats spécialisés
dans les juridictions prévues par les articles 704 et 706-75

L'affectation de moyens suffisants et adéquats aux nouvelles juridictions spécialisées représente la condition de leur succès : comme l'avait abondamment souligné le rapporteur lors du débat en première lecture, la logique des pôles relève avant tout d'une logique d'affectation optimale des moyens. Moyens matériels certes - locaux, matériels informatiques, véhicules - mais aussi humains : c'est d'ailleurs à ce titre que les dispositions concernant les assistants spécialisés ont été renforcés par l'Assemblée nationale d'abord, par le Sénat ensuite.

Restait cependant la question des magistrats. La spécialisation de certains magistrats en matière économique et financière est d'ores et déjà une réalité, ainsi qu'avait pu le constater le rapporteur au cours des auditions qu'il avait conduites en première lecture. Celle-ci est toujours le fruit de l'expérience dans la mesure où la formation des magistrats affectés à ces pôles est plus que sommaire : ces derniers peuvent, s'ils le souhaitent, bénéficier d'une formation de huit jours avant leur entrée en fonction effective. La durée comme la nature facultative de cette formation paraissent effectivement quelque peu en décalage par rapport à la nature des affaires en cause, dont chacun s'accorde à souligner la complexité.

Si ce problème, de nature extra législative, reste à traiter au sein du ministère de la Justice - à cet égard, le rapporteur ne peut que souscrire aux conclusions de la mission d'information sénatoriale sur l'évolution des métiers de la justice, appelant à l'établissement d'une formation initiale obligatoire et à l'instauration d'une formation continue déconcentrée - c'est, en revanche, au législateur qu'il revient de prévoir une adéquation entre l'affectation des magistrats et les besoins des pôles que le projet de loi instaure ou conforte. Il y va certes de l'intérêt de ces juridictions, mais également des magistrats concernés qui, tous, aspirent à voir reconnues leurs compétences spécifiques. Ainsi que le rappelle M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois du Sénat, le rapport du groupe de suivi des pôles économiques et financiers publié en mai 2001 s'était fait l'écho de ce besoin d'« une politique de nomination des magistrats prenant en compte leur spécialisation acquise à l'occasion d'actions de formation ou dans de précédentes fonctions, et valorisant celle-ci par des affectations ciblées, c'est-à-dire par la consécration d'une véritable filière économique et financière » (3). Or, il faut bien reconnaître que les nominations dans les pôles économiques et financiers ont trop souvent été le « fruit du hasard », ainsi que le rappelle le rapporteur du Sénat.

Pleinement conscient de cette lacune du dispositif, le Gouvernement a proposé au Sénat, qui l'a accepté, d'inscrire dans la loi la spécialisation de certains magistrats des pôles « criminalité organisée », d'une part, économiques et financiers d'autre part. Dans la mesure où la carte des juridictions interrégionales spécialisées dans ces deux domaines devrait coïncider et où le nombre des affaires potentiellement concernées justifient l'affectation de moyens humaines spécifiques, on comprend que le choix n'ait pas été fait d'étendre cette procédure aux pôles compétents en matière de santé publique et de pollution maritime.

Aux termes du dispositif proposé, pour pouvoir être affectés au traitement des affaires relevant de cette criminalité organisée ou de la grande délinquance économique et financière, ces magistrats devront être habilités par le Premier président pour les magistrats du siège ou par le procureur général pour les magistrats du parquet après avis, selon le cas, du président du tribunal ou du procureur de la République. L'habilitation par le chef de cour a plusieurs avantages : elle est souple, permet de garantir des choix éclairés et est respectueuse des règles qui régissent le statut des magistrats.

C'est l'article L. 650-1 nouveau du titre V nouveau introduit dans le livre VI du code de l'organisation judiciaire qui régit cette procédure s'agissant des magistrats spécialisés dans l'enquête, la poursuite, l'instruction des crimes et délits entrant dans le champ de compétence des juridictions spécialisées en matière économique et financière (art. 704 du code de procédure pénale) et de criminalité organisée (art. 706-73 et 706-74 du même code). Sont toutefois exclus de ce champ les crimes et délits mentionnés au 9° de l'article 706-73 (actes de terrorisme). L'article L. 650-2 du code de l'organisation judiciaire instaure cette procédure s'agissant du jugement des délits. Enfin, l'article L. 650-3 traite de la procédure applicable en matière de jugement des crimes. Il convient de rappeler à cet égard que seules les juridictions nouvelles créées par l'article 706-75 du code de procédure pénale en matière de criminalité organisée sont concernées puisque les pôles économiques et financiers n'ont, en vertu de l'article 704, à connaître que de faits délictuels.

L'objet de cette nouvelle disposition est clair : comme l'a expliqué le garde des Sceaux lors du débat au Sénat, il s'agit bien de créer un vivier de magistrats, « une véritable filière assurant la réussite de ce que j'ai appelé des " plateaux techniques " lors de mon intervention dans la discussion générale » (4). De fait, devraient apparaître progressivement de véritables profils de magistrats spécialisés et, avec eux, une culture et une mémoire administratives propres à renforcer l'efficacité de l'institution judiciaire dans ces domaines particuliers. Afin de disposer, dans chaque pôle, des meilleures compétences, il est souhaitable que soient habilités les seuls magistrats qui apparaîtront les plus qualifiés, tant pour les fonctions du siège que pour celles du parquet. Si le législateur n'a certainement pas à intervenir dans d'affectation des magistrats, il est toutefois certain que seule une gestion active des ressources humaines, y compris en amont, au stade de l'avis du csm, permettra à la spécialisation judiciaire d'avoir rapidement des résultats probants.

Après avoir examiné conjointement deux amendements, l'un présenté par le rapporteur, l'autre par M. Georges Fenech, modifiant l'intitulé du nouveau titre introduit dans le code de l'organisation judiciaire, la Commission a adopté l'amendement du rapporteur corrigeant un oubli du texte, rectifié pour prendre en compte la coordination de l'action publique dans les juridictions spécialisées en matière de santé publique proposée par l'amendement de M. Georges Fenech (amendement n° 135). Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 136), elle a, en effet, également adopté un amendement de M. Georges Fenech donnant compétence au procureur général près la cour d'appel pour coordonner l'action publique en matière économique et financière, de santé publique et de criminalité organisée (amendement n° 137). De la sorte, le code l'organisation judiciaire reprend le principe de la coordination de l'action publique par le procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouvent les juridictions interrégionales spécialisées en matière de criminalité organisée, de délinquance économique et financière et de santé publique.

La Commission a adopté l'article 7 ter ainsi modifié.

Section 2

Dispositions relatives aux infractions en matière de santé publique

Article 8

(art. 706-2 du code de procédure pénale)


De la compétence et des moyens dévolus aux juridictions
spécialisées en matière de santé publique

L'article 8, qui vise à accroître l'efficacité des juridictions compétentes en matière de santé publique, n'a été modifié que ponctuellement par le Sénat. Ainsi, en cohérence avec le renforcement du statut des assistants nommés dans les juridictions spécialisées en matière économique et financière, le Sénat a étendu l'obligation de formation pour les assistants spécialisés affectés dans les pôles compétents en matière de santé publique. Après avoir rejeté, par cohérence, un amendement de M. Thierry Mariani permettant aux tribunaux de recruter des assistants de justice comme assistants spécialisés, la Commission a adopté cet article sans modification.

Après l'article 8

(
art. L. 706-2-1 [nouveau] du code de procédure pénale)
Coordination de l'action publique en matière de santé publique par le
Procureur Général près la cour d'appel

Par cohérence avec les amendements similaires adoptés en matière de criminalité organisée et en matière économique et financière, la Commission a adopté un amendement de M. Georges Fenech donnant compétence au procureur général près la cour d'appel pour coordonner l'action publique en matière de santé publique (amendement n° 138).

Article 8 bis (nouveau)

(art. L. 4122-1, L. 4123-1 et L. 4161-4 du code de la santé publique)


Exercice des droits réservés à la partie civile par
les conseils des ordres de certaines professions médicales
en cas d'atteinte à l'intérêt collectif de la profession

Sur proposition du sénateur Nicolas About, le Sénat a étendu aux conseils des ordres - nationaux et départementaux - des sages-femmes, des médecins et des chirurgiens-dentistes la faculté, jusqu'alors réservée à l'ordre des pharmaciens, de se porter partie civile en cas d'atteinte, directe ou indirecte, à l'intérêt collectif de la profession. Cette dernière notion doit s'entendre comme incluant les « cas de menaces ou de violences commises en raison de l'appartenance à l'une de ces professions ». Tel est l'objet des paragraphes I et II de ce nouvel article 8 bis :

-  le paragraphe I complète l'article L. 4122-1 du code de la santé publique, relatif aux missions des conseils nationaux des ordres des trois professions précitées ;

-  le paragraphe II insère un nouvel alinéa à l'article L. 4123-1 de ce même code, qui traite des conseils départementaux.

Jusqu'alors, ce droit n'était reconnu aux ordres précités qu'en cas d'exercice illégal de la médecine, en vertu de l'article L. 4161-4 du code de la santé publique. La notion de « préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession » couvre ce cas de figure : c'est pourquoi le paragraphe III propose de supprimer, dans l'article qui traite de l'exercice illégal des professions précitées, la référence aux conseils ordinaux.

La Commission a adopté l'article 8 bis sans modification.

Section 2 bis

Dispositions relatives aux actes de terrorisme

[Division et intitulé nouveaux]

Cette division additionnelle après l'article 8 bis du projet de loi a été créée par le Sénat en vue d'y insérer des dispositions relatives aux infractions en matière de terrorisme, présentées ci-après sous le commentaire de l'article 8 ter (nouveau).

Article 8 ter (nouveau)

(art. 706-18 et 706-22 du code de procédure pénale)


Procédure de dessaisissement au profit de la juridiction parisienne
spécialisée en matière terroriste

Ce nouvel article introduit par le Sénat, sur proposition de la commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, vise à renforcer l'efficacité de la procédure de dessaisissement de la juridiction d'origine au profit de la juridiction parisienne spécialisée en matière de terrorisme.

En ce domaine, s'il s'est inspiré largement des règles applicables en matière économique et financière, le législateur s'en est écarté sur un point en confiant à une juridiction spécialisée unique, la juridiction parisienne, le soin de traiter les affaires terroristes. Ainsi, la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme a mis en place une centralisation des affaires relevant du terrorisme afin de lutter plus efficacement contre cette forme particulièrement violente de délinquance et de criminalité. Au sein du TGI de Paris, sont donc compétentes deux sections spécialisées, l'une au sein du parquet (terrorisme et atteintes à la sûreté de l'État, section A 6) et l'autre du côté de l'instruction (quatrième section). En revanche, le jugement de ces affaires relève, pour les délits, d'une juridiction de droit commun et, pour les crimes, d'une cour d'assises composée uniquement de magistrats professionnels.

La compétence de ce tribunal spécialisé n'est toutefois pas exclusive, mais concurrente de celle qui résulte des règles de droit commun (article 706-17 du code de procédure pénale). Une procédure de dessaisissement spécifique au profit de la juridiction spécialisée est donc prévue (articles 706-18 et 706-22 du code de procédure pénale), quasiment analogue à celles instituées en matière de criminalité organisée, économique et financière, de santé publique et de pollution des navires. La seule différence avec les dispositifs proposés par le projet de loi réside dans la compétence exclusive de la chambre criminelle de la Cour de cassation pour connaître des appels formés à l'encontre des ordonnances rendues par le juge d'instruction.

Or, cette procédure présente les mêmes lacunes que celle instaurée par le présent projet de loi, dans sa rédaction initiale. Ainsi :

-  d'une part, si une obligation d'informer les parties est prévue par la loi, aucune précision quant à l'autorité chargée d'informer les parties n'est apportée ;

-  d'autre part, le dispositif n'envisage pas le cas d'une inertie du juge d'instruction qui refuserait de répondre à des réquisitions du parquet tendant à son dessaisissement au profit de la juridiction parisienne. Le ministère public n'aurait alors pas la possibilité de saisir la chambre criminelle de la Cour de cassation en application de l'article 702-22 et le dessaisissement ne pourrait avoir lieu.

Par coordination, le Sénat propose donc, dans un paragraphe I, de préciser qu'il appartient au juge d'instruction d'informer les parties et d'obliger le juge d'instruction à répondre dans un délai d'un mois ; dans un paragraphe II, de préciser qu'à défaut de réponse de sa part, la chambre criminelle de la Cour de cassation pourra être directement saisie par le ministère public pour ordonner, si elle l'estime opportun, le dessaisissement du magistrat instructeur.

La Commission a adopté l'article 8 ter sans modification.

Section 3

Dispositions relatives aux infractions en matière
de pollution des eaux maritimes par rejets des navires

Article 9

(art. 706-102 à 706-106 [nouveaux] du code de procédure pénale)


De la procédure applicable en cas de pollution des eaux maritimes
par rejets des navires

Le volet environnemental de ce projet de loi se veut la traduction judiciaire de la sensibilité croissante de notre société aux phénomènes de pollution maritime. C'est dans cet esprit que le rapporteur s'était attaché, lors de l'examen du présent projet en première lecture à l'Assemblée nationale, à renforcer les moyens d'action juridictionnelle contre les « voyous des mers ». A cette fin, il avait proposé que le tribunal de grande instance de Paris soit compétent pour traiter des affaires d'une grande complexité, selon les règles de compétence suivantes :

les règles de compétence applicables en matière de pollution maritime

Lieu de commission de l'infraction

eaux territoriales

zone économique exclusive :

rejets volontaires

zone économique exclusive :

rejets accidentels

haute mer

Poursuite

tgi littoral(1)

tgi littoral(1)

tgi Paris (2)

tgi Paris (2)

Instruction

tgi littoral(1)

tgi littoral(1)

tgi Paris (2)

tgi Paris (2)

Jugement

tgi littoral(1)

tgi littoral(1)

tgi Paris (2)

tgi Paris (2)

(1) : compétence concurrente : TGI Paris si grande complexité

(2) : compétence exclusive

Le Sénat, tout en arguant d'une certaine complexité du dispositif, n'est pas revenu sur le profond remaniement du dispositif initial qu'avait proposé l'Assemblée nationale : il faut s'en réjouir, le schéma proposé étant le seul permettant de concilier efficacité et proximité. Le rapporteur comprend les inquiétudes des parlementaires des façades littorales, soucieux de voir mis en place les outils les plus adéquats pour lutter contre ceux qui souillent l'environnement : mais, en l'occurrence, il n'existe pas de lien systématique entre proximité et efficacité, faute, pour les tribunaux littoraux, de disposer des moyens suffisants pour mener à bien leur tâche. Comme l'a expliqué le garde des Sceaux lors du débat au Sénat, « lorsqu'un tribunal n'a pas, au cours d'une année, l'occasion de traiter à plusieurs reprises un dossier ayant une dimension internationale, il arrive que le juge d'instruction ne sache pas comment s'y prendre. (...) Il m'est arrivé de constater que des actes n'étaient pas accomplis ou que des contacts n'étaient pas pris, bref, que des affaires ne se déroulaient pas de façon normale à cause du manque d'expérience. Avec qui faut-il prendre contact en Espagne ? Comment traite-t-on ce type de dossier ? Quelle est la procédure à mettre en oeuvre ? Ce sont à des questions aussi simples que sont confrontés les tribunaux qui n'ont pas l'occasion de traiter assez souvent ces cas pour "se faire la main"(5). »

Article 706-102 [nouveau] du code de procédure pénale

Compétence des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime

Si ce raisonnement vaut pour les rejets polluants des navires, volontaires ou accidentels - ce sont effectivement ces cas de pollution maritime qui sont à l'origine des catastrophes récentes - les autres sources de pollution n'ont pas à entrer dans le champ de juridictions spécialisées.

Le Gouvernement a donc proposé au Sénat, qui l'a accepté, d'exclure de la compétence matérielle des tribunaux spécialisés en matière de pollution maritime les cas de pollution due aux opérations d'exploration ou d'exploitation des fonds et sous-sols marins, d'immersion et d'incinération d'objets. Le rapporteur approuve pleinement ce recentrage de la compétence des tribunaux spécialisés en matière de pollution, qui représente une garantie supplémentaire de leur efficacité.

Articles 706-105 et 706-106 [nouveaux] du code de procédure pénale

Procédure de dessaisissement du juge non spécialisé
au profit des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime

Au-delà de cette modification de fond relative à la compétence des tribunaux spécialisés, le Sénat a, par coordination avec les modifications introduites dans les juridictions spécialement compétentes en matière de criminalité organisée, terrorisme, délinquance économique et financière et de santé publique, clarifié la procédure de dessaisissement du juge « naturel » au profit du juge spécialisé en matière de pollution maritime.

A cette fin, quatre modifications ont été apportées aux articles 706-105 et 706-106, visant à :

-  obliger le juge d'instruction à répondre dans un délai d'un mois aux réquisitions du parquet tendant à son dessaisissement, la chambre de l'instruction pouvant, à défaut de réponse, être directement saisie par le ministère public pour ordonner si elle l'estime opportun le dessaisissement du magistrat instructeur ;

-  préciser que c'est le juge d'instruction qui informerait les parties et les inviterait à faire connaître leurs observations avant de rendre son ordonnance ;

-  assurer une cohérence rédactionnelle ;

-  préciser que le dessaisissement interviendrait au profit de la juridiction spécialisée et que la chambre de l'instruction serait saisie lorsque les ressorts de la juridiction spécialisée et de la juridiction de droit commun se recoupent au niveau de la même cour d'appel, comme précédemment s'agissant des juridictions spécialisées en matière économique et financière et en matière de santé.

Enfin, sur proposition du Gouvernement, le Sénat a supprimé le paragraphe II de l'article 9, introduit par l'Assemblée nationale sur proposition du rapporteur afin de préserver, pour le traitement des procédures en cours, la compétence des juridictions saisies avant la promulgation de la loi du 15 avril 2003 relative à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes. Ceci visait notamment à permettre au tribunal de grande instance de Paris de mener à son terme l'affaire de l'Erika, dans la mesure où, en vertu de la loi précitée, les infractions commises dans la zone économique exclusive n'étaient plus du ressort du tribunal de grande instance de Paris. Cette disposition transitoire ayant déjà été adoptée à l'identique par le Parlement lors de l'examen de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, le Gouvernement a, à juste titre, proposé la suppression de ce paragraphe devenu sans objet.

La Commission a adopté l'article 9 ter sans modification.

Article 10

(art. L. 218-10, L. 218-22, L. 218-24, L 218-25 et L. 218-29 du code de l'environnement)


Aggravation de la répression des infractions en matière de pollution maritime

L'article 10 modifie le code de l'environnement, où sont actuellement regroupées les dispositions relatives à la répression de la pollution de la mer et aux tribunaux spécialisés du littoral maritime, pour y intégrer les modifications introduites dans le code de procédure pénale relatives aux règles de procédure applicables aux infractions en matière de pollution maritime. Le Sénat a donc introduit, par coordination, des modifications semblables à celles qu'il a apportées à l'article 9.

Quant aux autres dispositions de l'article 10, elles ont fait l'objet d'âpres débats au Sénat. Rappelons que l'objet principal de cet article réside dans l'aggravation des peines prévues en cas d'infraction à la législation en matière de pollution maritime. Notamment, six peines complémentaires répriment les auteurs de rejets volontaires ou accidentels. Il s'agit de :

-  l'interdiction, à titre définitif ou pour cinq ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise (1°) ;

-  la fermeture, définitive ou pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l'un ou plusieurs établissements ayant servi à commettre l'infraction (2°) ;

-  l'exclusion des marchés publics, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus (3°) ;

-  la confiscation du navire ou de l'engin ayant servi à commettre l'infraction (4°) ;

-  l'affichage ou la publication de la décision, dans les conditions de l'article 131-35 du code pénal (5°) ;

-  la confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis (6°).

Dans la mesure où, en application de l'article 230 de la convention de Montego Bay, les seules peines pouvant être infligées à des armateurs étrangers en dehors des eaux territoriales sont des peines d'amende, les peines complémentaires, qui vont de la confiscation du navire à la dissolution de la compagnie d'armement, ne pourront s'appliquer qu'aux armateurs et commandants français.

Arguant de ce que ces derniers n'étaient pas les vrais pollueurs de nos mers, M. Henri de Richemont, sénateur, a proposé au Sénat d'exclure du champ de ces peines l'infraction définie à l'article L. 218-22, c'est-à-dire l'accident de mer, cause de toutes les grandes pollutions récentes. La seule peine complémentaire prévue en l'occurrence serait, comme c'est déjà le cas dans le droit actuel, une peine d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée. Dans la même veine, un amendement a également été déposé visant à ne pas appliquer ces peines entravant l'activité économique des personnes morales.

L'auteur de ces amendements, suivi par le Sénat, à la sagesse duquel s'en est remis le garde des Sceaux, a considéré que cette discrimination à l'encontre de la flotte française n'était pas de nature à en favoriser le développement : « notre flotte ne représente que 0,5 % de la flotte mondiale. Nous ne pesons donc rien au sein de l'organisation maritime internationale, l'omi. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement prend des dispositions pour tenter de rapatrier des navires sous pavillon français, mais il est bien évident qu'un tel texte, loin d'encourager des armateurs à revenir sous pavillon français, poussera ceux qui le sont à "dépavilloner" leurs navires ! De surcroît, monsieur le ministre, plus aucune banque n'acceptera de financer des navires sous pavillon français, puisque ce seront les seuls sur lesquels pèsera un risque de confiscation. La situation serait absolument kafkaïenne ! Il est bon que nous légiférions contre les pollueurs des mers, mais, si cette législation ne se retourne que contre nos armateurs, contre nos commandants, contre nos navires, contre notre pavillon, nous empêcherons notre nation de redevenir une grande puissance maritime. » (6).

La protection de l'environnement doit être conciliée avec la protection des intérêts nationaux en matière économique. La France s'efforçant de promouvoir le pavillon national, il serait effectivement pour le moins contradictoire de soumettre les seuls nationaux à des peines de confiscation du navire ou d'interdiction d'exercer, dans la mesure où la Convention de Montego Bay relative au droit de la mer limite les sanctions contre les pollueurs étrangers à des peines d'amende.

Si le rapporteur comprend donc pleinement qu'il soit difficile de revenir au dispositif initial, il estime cependant toujours nécessaire d'afficher un message de fermeté vis-à-vis de tous les pollueurs, qu'ils soient Français ou étrangers. Sous l'égide du ministère de la Justice, une concertation active est actuellement conduite avec les professionnels du secteur - armateurs, capitaines, établissements bancaires - et il est encore prématuré de proposer un dispositif définitif. Toutefois, la solution consistant à prévoir des peines d'amende très importantes, qui pourraient, par exemple, être liées à la valeur du bateau et de sa cargaison, pourrait fournir une piste de réflexions utiles en vue de l'examen du texte en séance publique. Une telle approche aurait en outre le mérite de faire écho aux propositions contenues dans la décision-cadre présentée par la Commission européenne le 2 mai dernier, notamment à l'article 3, qui fonde le montant des amendes sur la valeur du chiffre d'affaires ou du patrimoine de la société propriétaire du navire ou de celle qui détient la cargaison.

Dans l'attente d'une telle solution, permettant d'éviter toute discrimination envers le pavillon français tout en préservant le principe d'une aggravation substantielle des peines encourues en cas de pollution, la Commission, saisie d'un amendement présenté par M. Didier Quentin, substituant une peine d'affichage aux peines complémentaires prévues par le projet de loi en cas de pollution par rejets volontaires des navires, a, sur proposition de son rapporteur, rejeté cet amendement.

La Commission a donc adopté l'article 10 sans modification.

Section 3 bis

Dispositions relatives aux infractions en matière d'incendie de forêts

[Division et intitulé nouveaux]

Au cours de l'été 2003, ce sont plus de 63 000 hectares de forêts qui ont été détruits en France par des incendies, dont 10 000 hectares par le seul incendie du massif des Maures. Si ces incendies sont souvent la conséquence de comportements insouciants ou inconscients, ils sont aussi le fruit d'actes malveillants, voire criminels. Dans tous les cas, ils portent atteinte à la sécurité des biens et des personnes, qu'il s'agisse des résidents, des vacanciers ou des sauveteurs et ont aussi des conséquences graves, voire irréversibles pour notre patrimoine naturel, économique et culturel.

Comme l'a rappelé à plusieurs reprises le Président de la République, notamment lors de sa visite à l'unité de sécurité civile de Brignoles ou lors du conseil des ministres du 21 juillet dernier, « les pyromanes comptent parmi les délinquants les plus dangereux parce que leurs actes criminels mettent en péril l'avenir de notre environnement et la richesse de notre patrimoine, détruisent en quelques heures ce que des hommes et des femmes ont mis toute une vie à construire, une vie qu'ils perdent parfois au plus fort des incendies. Contre ces destructeurs de vie qui ne sont pas aujourd'hui sanctionnés, la justice doit s'exercer sans faiblesse. La sanction est le corollaire indispensable de la prévention. »

Devant ce phénomène qui prend chaque année plus d'ampleur, le Sénat a jugé nécessaire d'adapter le quantum des peines encourues. Les dispositions actuelles du code forestier prévoient des sanctions graduées en fonction de la gravité de l'acte, de son caractère volontaire ou involontaire et du fait qu'il porte ou non atteinte aux personnes et qu'il mette ou non en danger la vie d'autrui. Lors du débat au Sénat, M. Jean-Claude Carle a estimé qu'il convenait « désormais, devant ce véritable fléau, de prendre en compte ce que j'appellerai un délit d'atteinte au patrimoine de l'humanité, tant les conséquences en sont graves, voire irréversibles, et privent parfois plusieurs générations de la jouissance de fabuleux acquis naturels, culturels ou économiques, préservés et développés par nos pères. » (7).

Le garde des Sceaux a approuvé le durcissement des peines proposées, qu'il a considéré comme « un signal supplémentaire en matière de vigilance et de dissuasion, pour éviter que, dans les années à venir, ne se renouvelle la catastrophe écologique que nous avons connue cet été et qui a provoqué des dégâts considérables et trop de pertes en vies humaines. » (8) Il a cependant rappelé que la clé de la lutte contre les pyromanes reposait, en amont, sur une bonne coopération entre les magistrats et les services d'enquête de la police et de la gendarmerie. C'est à cette fin que le ministre de la Justice a, cet été, envoyé deux circulaires aux procureurs de la République pour les inviter, d'une part, à prescrire des fouilles de véhicules dans les zones à risque et, d'autre part, à requérir en utilisant au maximum les possibilités offertes par le code pénal. Le bilan en a été positif, le ministre ayant rappelé que « plus d'une vingtaine de personnes se trouvent aujourd'hui sous les verrous. » (9)

Article 10 bis (nouveau)

(art. 322-5 du code pénal)


Aggravation du quantum des peines en cas d'incendies de forêts
provoqués par le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence

Cet article a pour objet de compléter l'article 322-5 du code pénal relatif à la destruction, la dégradation ou la détérioration involontaire d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'un incendie provoqué par le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence. Aux termes de l'article précité du code pénal, si cette infraction est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (premier alinéa), la peine est portée à deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende en cas de violation manifestement délibérée de cette obligation (deuxième alinéa).

Le présent article complète cette disposition du code pénal par quatre alinéas ayant pour objet d'aggraver le quantum des peines lorsque l'incendie volontaire concerne des « bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui » :

-  dans le cas prévu par le premier alinéa de l'article 322-5, la peine est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ; la circonstance aggravante prévue au deuxième alinéa dudit article porte la peine à trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ;

-  si cet incendie est intervenu dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel ou à créer un dommage irréversible à l'environnement, les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende dans le cas prévu par le premier alinéa, et à cinq ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende dans le cas prévu par le deuxième alinéa ;

-  si l'incendie a provoqué pour autrui une incapacité totale de travail pendant huit jours au plus, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende dans le cas prévu par le premier alinéa, et à sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende dans le cas prévu par le deuxième alinéa ;

-  s'il a provoqué la mort d'une ou plusieurs personnes, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende dans le cas prévu par le premier alinéa, et à dix ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende dans le cas prévu par le deuxième alinéa.

La Commission a adopté l'article 10 bis sans modification.

Article 10 ter (nouveau)

(art. 322-6 à 322-9 du code pénal)


Aggravation du quantum des peines en cas d'incendies de forêts
de nature à créer un danger pour les personnes

Le présent article a pour objet de compléter les articles 322-6, 322-7, 322-8 et 322-9 du code pénal, relatifs à la répression des incendies de nature à créer un danger pour les personnes.

Le paragraphe I crée une circonstance aggravante lorsque l'incendie affecte des « bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui » et intervient dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel ou à créer un dommage irréversible à l'environnement. Dans cette hypothèse, les peines prévus à l'article 322-6 du code pénal - dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende - sont portées à quinze ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende.

Le paragraphe II complète l'article 322-7 du code pénal, qui porte la peine à quinze ans de réclusion et 150 000 euros d'amende lorsque l'infraction visée par l'article 322-6 entraîne pour autrui une incapacité totale de travail de huit jours maximum. Dans ce cas de figure, l'incendie de forêt serait désormais puni de vingt ans de réclusion et 200 000 euros d'amende.

Dans le paragraphe III, qui complète l'article 322-8 du code pénal, cette peine est portée à trente ans de réclusion et 200 000 euros d'amende lorsque l'incendie de forêt a été commis en bande organisée ou a entraîné pour autrui une incapacité totale de travail de plus de huit jours.

Enfin, complétant l'article 322-9 du même code, le paragraphe IV prévoit la réclusion criminelle à perpétuité et 200 000 euros d'amende pour l'incendie de forêt ayant entraîné pour autrui une infirmité ou une mutilation permanente.

La Commission a adopté l'article 10 ter sans modification.

Section 4

Dispositions relatives aux infractions en matière douanière

Article 11

(art. 28-1 du code de procédure pénale et art. 67 bis du code des douanes)


Amélioration de l'efficacité de la douane judiciaire
et de la douane administrative

Dans cet article essentiellement consacré aux modalités d'action de la douane judiciaire, les modifications apportées par le Sénat font écho à celles qu'il a adoptées s'agissant des procédures de surveillance et d'infiltration mises en œuvre par les officiers de police judiciaire, les procédures mises en œuvre en la matière par les policiers et les douaniers étant alignées dans le présent projet de loi. La seule exception concerne l'amendement apporté au paragraphe I, prévoyant que les assistants spécialisés ne peuvent assister les agents de la douane judiciaire que sur délégation des magistrats spécialisés, comme c'est le cas s'agissant des officiers de police judiciaire. S'il approuve pleinement cette précision sur le fond, le rapporteur a néanmoins proposé à la Commission, qui l'a suivi, d'adopter un amendement visant à corriger une erreur matérielle (amendement n° 139).

Par coordination avec les modifications apportées à la procédure d'infiltration et de surveillance définie à l'article 1er, la procédure de livraisons surveillées et contrôlées mise en œuvre par la douane judiciaire est donc modifiée sur trois points.

· Exonération de responsabilité de personnes requises par les agents infiltrés (paragraphe III de l'article 67 bis du code des douanes)

Le paragraphe III de l'article 67 bis du code des douanes énumère limitativement les actes que les agents des douanes infiltrés sont autorisés à commettre sans voir leur responsabilité pénale engagée. Toutefois, par souci de pragmatisme, puisque les opérations d'infiltration mobilisent bien souvent des personnes qui ne sont pas des agents des douanes, le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que ces personnes bénéficient également de l'exonération de responsabilité pénale.

Sans remettre en cause ce principe, le Sénat a néanmoins souhaité en préciser le champ d'application. A cet effet, il a limité l'exonération de responsabilité pénale des personnes requises par les officiers de police judiciaire aux actes « commis à la seul fin de procéder à l'opération d'infiltration », ce qui, tout en étant plus rigoureux, semblait néanmoins d'évidence.

· Protection des agents infiltrés et des membres de leur famille (paragraphe V de l'article 67 bis du code des douanes)

Le rapporteur note que le Sénat a omis une coordination entre le régime des livraisons surveillées de la douane et celui de l'infiltration policière ; en effet, à son initiative, l'Assemblée nationale a adopté des dispositions renforçant la protection des agents infiltrés et de leur famille en prévoyant que la révélation de l'identité de l'agent infiltré ayant causé, « même indirectement », des blessures, des violences ou bien la mort des ces personnes, était punie d'une peine allant de sept ans et 100 000 euros d'amende à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. Tout en approuvant ces dispositions, le Sénat a néanmoins, s'agissant de l'infiltration par les policiers, supprimé les termes « même indirectement », les auteurs de l'amendement excipant, à juste titre, du fait que le « lien de causalité entre l'acte et sa conséquence dans le cadre d'une infraction est toujours laissé à l'appréciation du juge » (10). Par coordination, le rapporteur propose d'apporter la même modification au paragraphe V de l'article 67 bis du code des douanes. La Commission a donc adopté un amendement de coordination supprimant ces termes (amendement n° 140).

· Interruption de l'opération d'infiltration (paragraphe VI de l'article 67 bis du code des douanes)

Afin de tenir compte des spécificités des opérations d'infiltration et des dangers encourus par les agents qui la mettent en œuvre, le paragraphe VI de l'article 67 bis du code des douanes, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, prévoit qu'à l'issue du délai fixé par le juge ayant autorisé l'infiltration, l'agent peut poursuivre ses activités sans être pénalement responsable le temps strictement nécessaire pour lui permettre de cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité. De surcroît et afin de conforter le contrôle du juge précité, l'Assemblée nationale a complété ces dispositions en prévoyant qu'il en est informé « dans les meilleurs délais ».

Jugeant ce dispositif insuffisamment précis, le Sénat a préféré confier au magistrat ayant autorisé l'opération d'infiltration le soin de fixer « par une décision renouvelable, un délai pendant lequel l'agent infiltré peut poursuivre ses activités » sans être pénalement responsable. Comme le rapporteur l'a fait remarquer sous le commentaire de l'article 706-85 du code de procédure pénale dans sa rédaction proposée par l'article 1er du présent projet de loi, cette disposition soulève davantage d'interrogations qu'elle n'en résout.

C'est pourquoi, sur proposition du rapporteur, la Commission a adopté un amendement rétablissant le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, seule solution juridiquement équilibrée et pratiquement viable (amendement n° 141). Toutefois, afin de prendre en compte la double préoccupation du Sénat relative à la délimitation du délai de prorogation et à l'intervention active du juge, le rapporteur a proposé, dans ce même amendement, qu'au-delà d'une première prolongation de quatre mois, décidée par l'agent infiltré qui en informe le magistrat ayant autorisé l'opération, ce dernier soit compétent pour décider d'une nouvelle prolongation de quatre mois au plus si la sécurité de l'agent le nécessite.

· Condamnation sur le seul fondement des déclarations des agents infiltrés (paragraphe IX de l'article 67 bis du code des douanes)

Estimant que l'agent infiltré est avant tout un agent des douanes dont les déclarations et les constations peuvent constituer à, elles seules, le fondement d'une condamnation, l'Assemblée nationale, suivant son rapporteur, a supprimé les dispositions du projet de loi initial prévoyant, à l'inverse, qu'aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de telles déclarations.

Le Sénat n'a pas suivi l'Assemblée sur ce point :

-  il a rétabli la disposition du projet de loi initial ;

-  il l'a complété par un nouvel alinéa qui dispose qu'une personne peut être condamnée sur le seul fondement des déclarations d'un agent infiltré dès lors que ledit agent dépose sous sa véritable identité.

L'argumentation du Sénat peut prêter à débat. Toutefois, le rapporteur s'en remet au dispositif proposé par le Sénat, sous réserve que soit retenu en seconde hypothèse dans laquelle une condamnation peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations de l'infiltré, le cas où la confrontation prévue au VII a eu lieu. Cette solution concilie le respect des droits de la défense et celui de la qualité d'agent de la douane judiciaire. La Commission a adopté un amendement répondant à cette préoccupation (amendement n° 142).

Puis elle a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Section 5

Dispositions relatives à la contrefaçon

Article 11 bis

(art. L. 716-9 et L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle)


Dispositions relatives aux délits de contrefaçon

L'article 11 bis, introduit par l'Assemblée nationale sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des finances, M. François d'Aubert, vise à renforcer l'arsenal juridique de lutte contre la contrefaçon. Le Sénat a approuvé ce dispositif modifié à la marge par deux modifications rédactionnelles, sur proposition de M. Hubert Haenel. La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 11 ter (nouveau)

(art. 225-25 du code pénal)


Suppression de la peine de confiscation du patrimoine
en cas de racolage passif

Introduit par un amendement de M. Schosteck, qui a reçu un avis favorable du gouvernement, l'article 11 ter [nouveau] corrige une erreur de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui, tout en créant le délit de racolage public (prévu par l'article 225-10-1 du code pénal), a prévu que cette infraction serait punie de la peine complémentaire de confiscation de l'ensemble du patrimoine (prévue par l'article 225-25 de ce code), peine qui n'a en réalité été instituée que pour réprimer, en raison de leur gravité, les crimes et délits de traite des êtres humains et de proxénétisme. Cette conséquence, évidemment non voulue par le législateur, résulte en effet d'un renvoi général opéré par l'article 225-25 aux infractions figurant dans la section relative aux faits de proxénétisme, dans laquelle a été inséré l'article 225-10-1 réprimant le racolage public. Il convient donc de compléter l'article 225-25, afin d'exclure de ce renvoi général le délit de racolage. La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 11 quater (nouveau)

(art. 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer)


Qualification de l'infraction de fausse déclaration auprès des agents
assermentés de la police des chemins de fer

Introduit par un amendement du même auteur, et adopté dans les mêmes conditions, l'article 11 quater [nouveau] permet également de corriger une erreur de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui, tout en créant l'infraction de fausse déclaration auprès des agents assermentés de la police des chemins de fer, a prévu pour cette infraction une peine d'amende de 3000 euros. Or, cette amende n'étant ni une peine contraventionnelle (le maximum de l'amende pour les contraventions de la cinquième classe étant de 1500 euros), ni une peine délictuelle (le minimum de l'amende délictuelle étant de 3750 euros), il n'est pas possible de qualifier avec certitude cette infraction pour savoir si elle relève du tribunal de police ou du tribunal correctionnel. Il convient donc de remplacer l'amende par celle encourue pour les délits les moins réprimés, soit 3750 euros. La Commission a adopté cet article sans modification.

Section 6

Dispositions relatives à la lutte contre le travail dissimulé

[Division et intitulé nouveaux]

C'est à l'initiative du gouvernement qu'a été introduite cette dernière section du chapitre III, afin de créer une nouvelle incrimination réprimant l'exercice illégal de l'activité de taxi. Le phénomène des taxis clandestins, en recrudescence, constitue une préoccupation majeure pour les professionnels et les pouvoirs publics. Ce sont notamment les zones aéroportuaires qui sont concernées par cette pratique illégale de la profession de chauffeur de taxi. Compte tenu de l'ampleur prise par l'activité clandestine de taxi sur certains sites, et des pratiques qui s'y développent notamment, sur les emprises des aéroports parisiens, il convient d'adapter la répression à cette forme nouvelle de délinquance dans des zones sensibles, en la rendant ainsi plus dissuasive.

Article 11 quinquies (nouveau)

(art. 2 ter [nouveau] de la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995
relative à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi
et art. 23 de la loi n° 2003-239du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure)


Création de l'infraction d'exercice illégal de la profession de chauffeur de taxi

L'objet du présent article est de créer une incrimination autonome qui réprime l'exercice illégal de l'activité professionnelle de taxi, comme c'est déjà le cas pour la profession de transporteurs routiers de marchandises et de voyageurs, de diversifier les peines complémentaires susceptibles d'être prononcées par la juridiction de jugement et de pouvoir mettre en cause la responsabilité pénale des personnes morales.

Deux cas de figure sont visés par cet article :

-  le fait d'effectuer à la demande et à titre onéreux le transport particulier de personnes et de bagages sans être titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle ;

-  le fait d'exercer l'activité de conducteur de taxi sans être titulaire du certificat de capacité professionnelle. A cet égard, le rapporteur s'interroge sur la pertinence du choix retenu, dans la mesure où nombre de taxis clandestins, opérant dans les aéroports parisiens notamment, sont d'anciens taxis « officiels » ayant été radiés à la suite de comportements délictueux et possédant, par conséquent, un certificat de capacité professionnel. Afin de pouvoir réprimer l'ensemble des comportements clandestins, il paraît plus judicieux de viser également les personnes ne possédant pas de carte professionnelle en cours de validité. La Commission a adopté un amendement du rapporteur en ce sens (amendement n° 143).

Pour les personnes physiques, la peine principale encourue est fixée à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Quant aux peines complémentaires, elles vont de la suspension temporaire du permis de conduire à l'immobilisation, voire la confiscation, du véhicule, en passant par l'interdiction de pénétrer dans les zones sensibles de type aéroports ou gares. A cet égard, il serait souhaitable de prévoir une durée maximale : le rapporteur propose de la fixer à cinq ans au plus. Sur proposition du rapporteur, la Commission a donc adopté un amendement à cette fin (amendement n° 144). Le président Pascal Clément a douté de l'applicabilité d'une telle mesure, tandis que M. Robert Pandraud a regretté l'atteinte aux libertés contenue dans ces dispositions, position que Mme Maryse Joissains-Masini n'a pas partagée.

Quant aux personnes morales, elles encourent une peine d'amende ainsi que les peines de confiscation du véhicule et l'affichage de la condamnation.

Le dispositif proposé par le Gouvernement prévoit enfin que les personnes interdites d'entrée et de séjour dans l'enceinte des aéroports et des gares soient inscrites au fichier des personnes recherchées au titre des décisions judiciaires.

La Commission a adopté l'article 11 quinquies ainsi modifié.

Chapitre IV

Dispositions concernant la lutte contre les discriminations

Section 1

Dispositions relatives à la répression des discriminations et des atteintes aux personnes ou aux biens présentant un caractère raciste

Article 15

(art. 2-1 du code de procédure pénale)


Constitution de partie civile par certaines associations

Cet article modifie les dispositions relatives à la possibilité pour les associations combattant le racisme ou assistant les victimes de discriminations d'exercer les droits reconnus à la partie civile afin, d'une part, de compléter la liste des infractions ouvrant ce droit (1°) et, d'autre part, de préciser que, lorsque l'infraction a été commise envers une personne considérée individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de l'intéressé (2°).

Le Sénat a ajouté les menaces à la liste des infractions ouvrant le droit aux associations de lutte contre le racisme de se constituer partie civile, par coordination avec l'article 12 du projet de loi.

La Commission a adopté l'article 15 sans modification.

Section 2

Dispositions relatives à la répression
des messages racistes ou xénophobes

Article 16

(art. 65 de la loi du 29 juillet 1881)


Modification du délai de prescription pour les messages racistes
ou xénophobes publiés par voie de presse

L'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse fixe à trois mois révolus à compter du jour où elles ont été commises le délai de prescription de l'action publique et de l'action civile des infractions prévues par la loi sur la presse.

Afin de prendre en compte la spécificité des infractions à caractère raciste ou discriminatoire et le développement de cette criminalité par internet, l'article 16 du projet de loi créée un nouvel article 65-3 portant de trois mois à un an le délai de prescription pour les délits suivants : provocation à la discrimination et à la haine raciales (huitième alinéa de l'article 24), contestation des crimes contre l'humanité (article 24 bis), diffamation raciale (deuxième alinéa de l'article 32) et injure raciale (troisième alinéa de l'article 33).

En première lecture, le Sénat, sur proposition de M. Michel Dreyfus-Schmidt et avec le soutien du rapporteur, a adopté une nouvelle rédaction de cet article afin de maintenir à trois mois à compter du jour où elles auront été commises le délai de prescription de l'ensemble des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 (paragraphe I).

Lorsqu'un acte d'instruction ou de poursuite a été effectué dans ce délai de trois mois, le délai de prescription serait d'un an à compter du dernier acte (paragraphe II).

L'objet de cette modification, selon son auteur, est d'éviter les cas dans lesquels une affaire poursuivie dans le délai de trois mois est renvoyée à une audience ultérieure, puis prescrite, parce que plus de trois mois se sont écoulés sans que le tribunal ne soit à nouveau saisi.

Sans nier son utilité, force est de constater que la rédaction proposée par le Sénat est sans rapport avec l'objet du texte initial du Gouvernement, qui était de prendre en compte la spécificité des infractions à caractère raciste et le développement des sites d'incitation à la discrimination et à la haine raciales sur internet.

Il convient, en effet, de rappeler que, depuis 2001, la Cour de cassation estime que le point de départ du délai de prescription de l'action publique prévu par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 doit être fixé, s'agissant d'internet, à la date du « premier acte de publication », c'est-à-dire à la date à laquelle le message est mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau, ce qui rend très difficile la répression des messages à caractère raciste ou xénophobe.

La Commission, sur proposition du rapporteur, a rétabli le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture allongeant le délai de prescription des infractions à caractère raciste (amendement n° 145).

Après l'article 16

La Commission a examiné un amendement de M. Rudy Salles précisant explicitement que le génocide arménien était inclus dans le champ des dispositions répressives de la loi de 1881 visant les crimes contre l'humanité. M. André Vallini a fait valoir que, par solidarité avec la cause arménienne, le groupe socialiste soutenait cet amendement. Le rapporteur, approuvé par le président Pascal Clément, s'est déclaré défavorable à cette disposition, au motif qu'elle n'avait pas sa place dans le projet de loi. La Commission a alors rejeté cet amendement.

Selon le même principe, elle a rejeté un amendement du même auteur sanctionnant la propagande révisionniste.

Chapitre V

Dispositions concernant la prévention et la répression
des infractions sexuelles

[Division et intitulé nouveaux]

Article 16 bis A (nouveau)

(art. 131-36-1 du code pénal)


Allongement de la durée du suivi socio-judiciaire

L'article 131-36-1 du code pénal, issu de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, permet à la juridiction de jugement d'ordonner un suivi socio-judiciaire pour certaines infractions sexuelles, qui emporte pour le condamné l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement, à des mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive.

Les mesures du suivi socio-judiciaire sont les mesures de contrôle et d'assistance du sursis avec mise à l'épreuve, l'interdiction de fréquenter les lieux accueillant des mineurs ou d'entrer en relation avec des mineurs et l'injonction de soins, mise en œuvre par un médecin traitant sous la responsabilité d'un médecin coordonnateur.

Le deuxième alinéa de l'article 131-36-1 fixe à dix ans en matière délictuelle et à vingt ans en matière criminelle la durée maximale du suivi socio-judiciaire.

La juridiction qui détermine la durée du suivi socio-judiciaire fixe également la durée maximum de l'emprisonnement encouru en cas d'inobservation de ce suivi. Cette durée ne peut excéder deux ans en matière délictuelle et cinq ans en matière criminelle (troisième alinéa de l'article 131-36-1).

Sur proposition du rapporteur, le Sénat a inséré dans le projet de loi un nouvel article 16 bis A, qui complète le deuxième alinéa de l'article 131-36-1 afin de porter à respectivement vingt ans et trente ans la durée maximale du suivi socio-judiciaire en matière correctionnelle et criminelle, la juridiction de jugement devant alors motiver spécialement sa décision. Lorsque le crime est puni de la réclusion criminelle à perpétuité, la cour d'assises pourra décider d'appliquer le suivi socio-judiciaire sans limitation de durée ; le tribunal de l'application des peines, créé par l'article 68 B du projet de loi, pourra néanmoins mettre fin à ce suivi-socio-judiciaire à l'issue d'une période de trente ans, selon les modalités prévues par le nouvel article 712-7 du code de procédure pénale (paragraphe I)

Par coordination, le paragraphe II porte de deux à trois ans et de cinq à sept ans les peines maximum d'emprisonnement encourues en cas d'inobservation des obligations du suivi socio-judiciaire.

Bien qu'en vigueur depuis 1998, le suivi socio-judiciaire est rarement prononcé par les juridictions. Ainsi, en 2001, seulement 417 suivis socio-judiciaires ont été prononcés, alors que dans le même temps, le nombre de condamnés incarcérés pour atteintes sexuelles s'élevait à 7 101.

La mise en place du suivi socio-judiciaire rencontre en effet de nombreuses difficultés.

Les médecins coordonnateurs, chargés d'assurer l'interface entre les juges de l'application des peines et les médecins traitants chargés de mettre en œuvre l'injonction de soins, sont en nombre insuffisant, en raison de difficultés de recrutement, de problèmes de compatibilité entre la qualité d'expert et celle de médecin coordonnateur et du manque de médecins formés dans ce domaine. Cette difficulté est accentuée par le fait que chaque médecin coordonnateur ne peut suivre que quinze personnes au maximum.

Un groupe de travail interministériel, chargé de réfléchir sur la prise en charge des auteurs d'infractions sexuelles soumis à une injonction de soins dans le cadre d'une mesure de suivi socio-judiciaire, a rendu récemment un rapport soulignant les difficultés actuelles et proposant des pistes de réflexion.

Dans ces conditions, il peut paraître un peu prématuré d'étendre une mesure qui n'a pas encore fait ses preuves.

Le ministre s'étant engagé au Sénat à affecter des moyens supplémentaires à cette mesure, le rapporteur a considéré qu'il était préférable de maintenir la modification apportée par le Sénat, même si celle-ci n'a pas d'effets dans l'immédiat.

La Commission a adopté l'article 16 bis A sans modification.

Articles 16 bis B et C (nouveaux)

(art. 706-47 et 706-47-1 [nouveau] art 706-53-1 à 706-53-8 [nouveaux] du code de procédure pénale)


Fichier judiciaire national automatisé des auteurs
d'infractions sexuelles

Comme l'a indiqué le rapporteur de la commission des Lois du Sénat en séance publique : « De récentes affaires ont montré que notre législation était insuffisante en matière de suivi des condamnés pour infractions sexuelles. [..] Le présent projet de loi, qui tend à adapter la justice aux évolutions de la criminalité, nous semble particulièrement adapté pour accueillir des dispositions relatives à la prévention et à la répression des infractions sexuelles. Plutôt que de créer un fichier entièrement nouveau, la commission des lois vous propose de créer un nouveau relevé au sein du casier judiciaire, relevé qui serait spécifiquement consacré aux auteurs d'infractions sexuelles. (11) » Tel est l'objet de ces articles du projet de loi qui tendent à doter les services en charge des investigations et de la répression des infractions sexuelles d'un instrument adapté aux spécificités de cette forme croissante de délinquance.

a) Les infractions sexuelles : une délinquance en augmentation

Les données communiquées au rapporteur par l'administration pénitentiaire sont sans équivoque : les infractions sexuelles constituent depuis de nombreuses années la première cause d'incarcération en France.

En effet, avec 8 109 condamnés en 2003, les infractions sexuelles précèdent les coups et blessures volontaires (5 217 condamnés) et les infractions à la législation sur les stupéfiants qui ont, rappelons-le, représenté la première cause d'incarcération jusqu'en 1998. Au cours des huit dernières années, le nombre des condamnés « sexuels » incarcérés a crû de 105,6 % tandis que celui des condamnés incarcérés pour vol simple ou pour infraction à la législation sur les stupéfiants a respectivement diminué de 38 % et 35 %. Le tableau suivant récapitule ces évolutions.

EFFECTIFS DE LA POPULATION CARCÉRALE
PAR TYPE D'INFRACTION PRINCIPALE AU 1er JANVIER
(Champ : métropole et outre-mer)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Évolution en %
entre 1995 et 2003

Vol simple

6 208

6 541

5 678

5 062

4 675

4 040

3 470

3 737

3 850

- 38,0

Vol qualifié

2 886

3 089

3 367

3 887

4 107

4 198

3 765

3 894

3 481

20,6

Recel, escroquerie, abus de confiance

1 317

1 372

1 108

1 246

1 472

1 280

1 374

1 645

2 009

52,5

Homicide volontaire : meurtre, assassinat, parricide, infanticide, empoisonnement

3 120

3 230

3 221

3 268

3 382

3 492

3 357

3325

3 293

5,5

Coups et blessures volontaires (y compris sur mineur)

1 997

2 124

2 082

2 366

2 636

2 953

3 368

4 059

5 217

161,2

Infraction à la législation sur les stupéfiants

6 361

6 772

6 377

5 875

5 412

4 910

4 373

3 936

4 127

- 35,1

Viol, attentat aux mœurs

3 945

4 759

5 218

6 044

6 760

7 499

7 895

7 779

8 109

105,6

Police des étrangers

1 329

1 487

1 515

1 056

965

878

778

896

870

- 34,5

Autres

3 396

3 518

2 940

3 180

2 852

3 876

3 251

3 173

3 573

5,2

Ensemble

30 559

32 892

31 506

31 984

32 261

33 126

31 631

32 444

34 529

13,0

Source : statistique trimestrielle.

A cette inquiétante statistique s'ajoute une donnée caractéristique de la délinquance sexuelle qui ne l'est pas moins : le taux de récidive élevé des condamnés.

Selon les informations figurant dans le Bulletin d'information statistique du ministère de la Justice (12) parmi les récidivistes de l'année 2001, près d'un tiers d'entre eux avait déjà commis une infraction en matière de mœurs. En valeur absolue, sur les 6 939 condamnés pour une affaire de mœurs en 2001, 1 013 sont des récidivistes sur les cinq dernières années et 357 d'entre eux ont commis la même infraction.

Parmi les 137 condamnés récidivistes pour crime en 2001, 28 l'ont été pour viol. Si le taux de récidive pour ce type de crime est comparativement moins élevé qu'en matière de vol aggravé (1,8 % contre 14,7 %), en revanche près de 80 % des récidivistes condamnés pour viols l'avaient déjà été au cours des cinq dernières années.

Confronté à cette situation, le Gouvernement a d'ores et déjà fait adopter par le Parlement un certain nombre de dispositions spécifiques améliorant l'efficacité des instruments au service de la manifestation de la vérité. C'est le cas de la réforme du fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) opérée par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. En effet, avant l'entrée en vigueur de cette loi, le FNAEG avait pour principal objet de conserver les empreintes des personnes définitivement condamnées pour une infraction de nature sexuelle. Dès lors, ce fichier relevait plus de la base de données permettant, le cas échéant de réprimer a posteriori la récidive d'un délinquant sexuel que de l'instrument au service de la manifestation de la vérité.

C'est pourquoi, la loi du 18 mars 2003 a profondément réformé le FNAEG en autorisant l'inscription des empreintes des personnes soupçonnées d'avoir commis un certain nombre de crimes et délits, limitativement énumérés par l'article 706-55 du code de procédure pénale, et qui ne sont plus uniquement de nature sexuelle(13). Selon les déclarations devant l'Assemblée nationale du ministre de l'Intérieur (14), le nombre des empreintes figurant dans ce fichier serait passé de 1 500 en 2002 à 13 000 à la fin de cette année et devrait atteindre 150 000 à la fin de l'année 2004. Toutefois, si cette spectaculaire progression du nombre des empreintes génétiques devrait, sans conteste, permettre d'améliorer le taux d'élucidation des affaires, elle ne sera d'aucune utilité en matière de prévention des crimes et des délits. Cette situation n'est donc pas pleinement satisfaisante et plaide en faveur de l'adoption d'un instrument informatique spécifique dédié à la prévention et à l'identification des délinquants sexuels : tel est l'objet de ces articles du projet de loi qui proposent la création du Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS).

b) Le FIJAIS : un fichier à la finalité et au champ d'application spécifiques placé sous le contrôle d'un magistrat.

Comme l'indique l'article 706-53-1 nouveau du code de procédure pénale, le FIJAIS a pour finalité de « prévenir le renouvellement des infractions » de nature sexuelle et de « faciliter l'identification de leurs auteurs ». Ce faisant, il s'agit de respecter les dispositions de la loi du 6 janvier 1978, dite « informatique et liberté », qui prévoit que les traitements d'informations nominatives doivent avoir une finalité précise et ne pas être utilisés à d'autres fins.

En outre, ce même article dispose que le fijais, tenu par les services du casier judiciaire national, sis à Nantes, est placé sous l'autorité du ministre de la Justice et « sous le contrôle d'un magistrat ». Cette dernière disposition reprend d'ailleurs en grande partie celle, de nature réglementaire, applicable au casier judiciaire en application des dispositions de l'article R. 62 du code de procédure pénale.

En ce qui concerne les infractions dont il s'agit de prévenir le renouvellement et de faciliter l'identification des auteurs, l'article 706-53-1 se réfère à la liste figurant à l'article 706-47 du même code. Cet article regroupe dans le droit en vigueur l'ensemble des infractions à caractère sexuel dont les auteurs doivent, préalablement à tout jugement, être soumis à une expertise médicale ayant pour objet de déterminer l'opportunité de prescrire une injonction de soins dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire. Il s'agit, d'une part, des crimes de meurtre ou d'assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ou, d'autre part, des exhibitions et agressions sexuelles, du viol, de la corruption d'un mineur, de la diffusion d'images à caractère pornographique d'un mineur, des atteintes sexuelles sur un mineur.

Toutefois, désireux de préciser le champ d'application des infractions relevant du fijais, le Sénat a modifié la liste des infractions de l'article 706-47 (15) de la façon suivante :

-  en excluant du fichier les exhibitions sexuelles (article 222-32 du code pénal). Cette exclusion a été décidée par la seconde assemblée avec l'accord du Gouvernement, à l'issue d'un débat particulièrement intense au cours duquel M. Robert Badinter a expliqué que, « telle qu'elle est interprétée par la jurisprudence, l'exhibition peut viser le cas d'un jeune homme et d'une jeune femme qui profitent d'une belle soirée d'été pour faire l'amour sous les étoiles ! Est-ce vraiment ceux-là que vous voulez ficher ? » (16. S'il est vrai que la jurisprudence inclut des actes de cette nature, elle concerne également des modalités de l'exhibition plus inquiétante, par exemple devant les écoles. Dans ces conditions, son exclusion systématique du fijais est contestable et il semblerait préférable de prévoir que de tels faits puissent être inscrits dans le fichier sur décision expresse du juge ;

-  en intégrant dans le fichier le recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables prévu par l'article 225-12-1 du code pénal introduit dans le droit en vigueur par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

Le champ des infractions étant déterminé, il importe désormais de préciser la nature des décisions de justice permettant l'inscription au fijais. Tel est l'objet de l'article 706-53-2 nouveau du code de procédure pénale qui prévoit que sont inscrites dans le fichier les informations concernant « l'identité et l'adresse, ou la dernière adresse connue » des personnes ayant fait l'objet pour une ou plusieurs des infractions mentionnées à l'article 706-47 :

-  d'une condamnation, y compris par défaut non frappée d'opposition ou d'une déclaration de culpabilité assortie d'une dispense ou d'un ajournement de peine. Il convient de relever que la condamnation n'a pas à être définitive pour pouvoir figurer dans le fijais, ce qui est un gage de pertinence et d'exactitude des informations y figurant ;

-  d'une décision de placement, de remise aux parents, d'interdiction de paraître dans certains lieux ou de rencontrer la victime, d'obligation de suivre un stage de formation civique, de mise sous protection judiciaire lorsqu'il s'agit d'un mineur auteur de l'une de ces infractions (17;

-  d'une composition pénale prévue par l'article 41-2 du code de procédure pénale dont l'exécution a été constatée par le procureur de la République ;

-  d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement fondée sur l'irresponsabilité pénale de la personne « atteinte, aux moments des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes » en application des dispositions du 1er alinéa de l'article 122-1 du code pénal. Cette disposition mérite d'être relevée car elle permettra l'inscription dans le fichier des personnes qui, en quelque sorte, sont les plus dangereuses et qui n'y auraient pas figurées si le critère retenu par le fijais avait été celui des décisions inscrites au casier judiciaire ;

-  d'une décision de même nature que celles précédemment énumérées mais prononcée par une juridiction étrangère qui, en application d'une convention internationale, a fait l'objet d'un avis aux autorités françaises ou a été exécutée en France.

Cette liste des décisions emportant l'inscription dans le fijais ne comprend pas, et le rapporteur le regrette, les décisions de mise en examen assorti du contrôle judiciaire, alors même que ces dernières ne peuvent être prononcées qu'à l'encontre des personnes pour lesquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblables qu'elles aient pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions (article 80-1 du code de procédure pénale).

Somme toute, et selon les informations communiquées au rapporteur par le service du casier judiciaire, le nombre des personnes concernées par le fijais serait d'environ 10 000 par an et le nombre des celles dont les données figurent actuellement au casier judiciaire et qui devraient être intégrées dans ce nouveau fichier atteindrait près de 100 000.

b) Des modalités d'accès et de consultation qui garantissent la réactivité du fichier

L'efficacité des investigations menées par les services de la police et de la gendarmerie nationales suppose que les informations auxquelles ils ont accès soient rapidement accessibles et actualisées. A cette aune, le fijais propose des modalités performantes d'inscription et de consultation des informations.

En effet, l'article 706-53-3 nouveau du code de procédure pénale dispose que les informations du fijais sont « directement inscrites, par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication sécurisé », par le procureur de la République compétent. En outre, les informations relatives à la dernière adresse de la personne, gage de l'exactitude et de la performance des informations figurant au fijais, peuvent être inscrites dans le fichier par les personnels de la police habilités à cette fin.

A cet égard, le rapporteur tient à faire état des inquiétudes exprimées devant lui par la cnil, qui estime que l'inscription directe par les personnes précitées comporte un risque d'erreur de saisine, par exemple du nom patronymique, dont les conséquences peuvent être lourdes pour les intéressés. C'est pourquoi, à l'instar des dispositions applicables au casier judiciaire, une vérification préalable de l'identité de la personne dont l'inscription est demandée devrait être envisagée.

S'agissant des personnes ayant accès aux informations du fijais, il s'agit, comme le prévoit l'article 706-53-6 nouveau :

- des procureurs de la République, juges d'instruction, juges des enfants, et juges de l'application des peines ;

- des officiers de police judiciaire dans le cadre des procédures portant sur une infraction sexuelle au sens de l'article 706-47 ;

- des préfets pour l'examen des « demandes d'agrément concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ». La consultation par une autorité administrative d'un fichier judiciaire n'est pas nouvelle. En effet, le droit en vigueur permet d'ores et déjà la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire aux préfets et aux administrations publiques de l'État saisis de demandes d'emplois publics (article 776 du code de procédure pénale) et prévoit la consultation du « stic » (système de traitement des infractions constatées), fichier mis en œuvre par les services de la police nationale, par certains services préfectoraux, notamment en charge du de la délivrance des titres de séjour.

Si la disposition proposée par le présent article s'inscrit donc dans une continuité certaine, sa rédaction soulève toutefois des interrogations. En effet, si l'objet du fijais est d'éviter que certaines administrations ne recrutent des personnes au passé douteux qui sont amenées à être en contact avec des mineurs, la notion de demande d'agrément proposée par le texte de la seconde assemblée n'est pas adaptée, puisqu'il s'agit du recrutement d'une personne en particulier et non de l'agrément de la structure qui l'emploie. En outre, compte tenu de la nature particulièrement sensible des informations contenues dans le fijais, il importe que l'accès des administrations soit extrêmement contrôlé, limité à des demandes de renseignements sur une personne physique nommément désignée et que la traçabilité de toute consultation soit assurée, à l'instar de ce qui est prévu pour le stic.

c) Une obligation de déclaration des changements d'adresse qui ne prévoit pas le suivi des délinquants sexuels les plus dangereux

Afin de garantir la pertinence des informations figurant au FIJAIS, il importe que les adresses des personnes concernées soient systématiquement modifiées dès lors qu'un changement intervient. Tel est l'objet de l'article 706-53-5 nouveau du code de procédure pénale, qui prévoit que la personne dont l'identité est inscrite dans le fichier est informée, d'une part, de cette inscription et, d'autre part, « qu'elle est tenue de déclarer ses changements d'adresse dans un délai de deux mois, auprès du gestionnaire du fichier ». Lorsque la personne est détenue, cette information lui est communiquée au moment de sa libération définitive ou préalablement à la première mesure d'aménagement de sa peine.

L'efficacité de cette obligation est assurée par le fait que le défaut de déclaration est puni d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Ce faisant, l'inscription s'apparente à une mesure de sûreté dont la méconnaissance est pénalement sanctionnée et la loi devrait expressément l'indiquer.

Si l'actualisation des informations contenues dans le FIJAIS est une condition nécessaire de la performance de ce fichier, elle n'est pas suffisante au regard des finalités qui lui sont assignées. En effet, s'agissant de délinquants sexuels dangereux, cette disposition n'assure aucun suivi ni contrôle de leurs agissements et donc ne permet pas de lutter plus efficacement contre la récidive. Dès lors, au-delà de la seule déclaration du changement d'adresse, il conviendrait de prévoir un mécanisme obligatoire de déclaration périodique des criminels les plus dangereux [, soit auprès du gestionnaire du fichier soit] par l'intermédiaire des services de la police et de la gendarmerie nationales. Seule cette nouvelle modalité de « suivi judiciaire » serait en mesure d'exercer une certaine forme de contrôle et de contrainte à l'encontre de personnes, certes libres, mais dont le profil criminel et psychologique atteste de leur dangerosité pour la société.

d) Une durée de conservation des informations excessive et des modalités d'effacement trop complexes

Pour tout fichier, qu'il soit judiciaire ou privé, la durée de conservation des données est une variable déterminante de la qualité des analyses et des recherches qu'il va permettre de développer. Toutefois, comme le prévoit la loi « informatique et liberté » du 6 janvier 1978, la durée de conservation doit être proportionnée aux finalités du fichier. A cette aune, le texte adopté par le Sénat n'est pas pleinement satisfaisant.

En effet, l'article 706-53-4 nouveau dispose que les informations inscrites au fijais sont retirées « au décès de l'intéressé ou à l'expiration d'un délai de quarante ans à compter du jour où l'ensemble des décisions enregistrées ont cessé de produire tout effet ». Or, le champ des infractions du FIJAIS intègre tout autant des crimes punis de la réclusion à perpétuité, à l'instar du viol précédé ou accompagné de tortures ou d'actes de barbarie (article 222-26 du code pénal) que des délits passibles d'une peine de trois ans d'emprisonnement, comme le fait de diffuser, de transporter ou de fabriquer un message à caractère violent ou pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur (article 227-23 du même code). En outre, le texte adopté par le Sénat prévoit que l'amnistie ou la réhabilitation n'entraîne pas l'effacement des informations figurant au FIJAIS.

La loi ne saurait prévoir une seule et même durée de conservation des informations quelle que soit l'infraction, puisqu'elle méconnaîtrait le principe constitutionnel de proportionnalité entre la gravité des faits et ses conséquences juridiques. Le rapporteur souhaite donc, à l'instar des dispositions en vigueur pour le casier judiciaire ou le STIC, que les durées de conservation varient en fonction de la nature de l'infraction. Le système envisagé pourrait être le suivant : inscription des informations pendant 30 ans à compter du jour ou les décisions ont cessé de produire tout effet s'agissant des crimes et des délits punis de 10 ans d'emprisonnement ; conservation pendant 20 ans des données concernant les délits punis d'une peine supérieure à sept ans d'emprisonnement, cette durée étant réduite à 10 ans pour les délits punis d'une peine de cinq ans d'emprisonnement.

Par ailleurs, il importe que la personne dont les données figurent au fichier possède un droit d'accès et de rectification de celles-ci. A cet effet, l'article 706-53-7 nouveau du code de procédure pénale indique que toute personne justifiant de son identité obtient, sur demande adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance dan le ressort duquel elle réside, « communication de l'intégralité des informations la concernant ». Il prévoit également que la personne peut demander la rectification ou la suppression d'une mention la concernant. Le texte adopté par la seconde assemblée dispose que la procédure applicable est celle prévue à l'article 778 du code de procédure pénale, relatif au casier judiciaire.

Cet article prévoit que, lorsque le procureur de la République ou le juge d'instruction constate qu'une information du fichier est erronée ou lorsqu'ils sont saisis à cette fin par toute personne, il est immédiatement procédé d'office, à la diligence du procureur, aux rectifications nécessaires. Celle-ci est demandée par requête au président du tribunal ou de la cour qui a rendu la décision. Si la décision a été rendue par une cour d'assises, la requête est soumise à la chambre de l'instruction. Le président communique la requête au ministère public et commet un magistrat pour faire le rapport. Les débats ont lieu et le jugement est rendu en chambre du conseil. Le tribunal ou la cour peut assigner la personne ayant été condamnée. Si la requête est admise, les frais sont supportés par celui qui a été la cause de l'inscription reconnue erronée.

On le voit, cette procédure, particulièrement complexe et très peu utilisée en pratique, n'est pas adaptée un fichier comme le FIJAIS qui doit être particulièrement réactif et actualisé en permanence. De surcroît, le contraste est frappant entre l'inscription directe par les magistrats des informations au FIJAIS et le renvoi à cette procédure qui requiert un jugement du président du tribunal de grande instance ou de la chambre de l'instruction. Des modalités de rectification plus simples seraient préférables et pourraient utilement s'inspirer celles prévues par la loi du 18 mars 2003 pour le FNAEG. En effet, l'article 706-54 du code de procédure pénale prévoit que la personne dont les empreintes figurent au FNAEG peut saisir le procureur de la République d'une demande d'effacement de celles-ci. Ce magistrat peut ordonner directement l'effacement ou bien le refuser, auquel cas le requérant peut saisir le juge des libertés et de la détention, dont la décision est susceptible d'être contestée devant le président de la chambre de l'instruction. Outre les arguments en faveur de la simplification du droit, l'adoption pour le FIJAIS de modalités identiques à celles prévues pour le FNAEG aurait le mérite d'unifier les procédures de saisine des fichiers.

Enfin, et il s'agit d'une disposition essentielle, le dernier alinéa de l'article 706-53-4 dispose que les informations figurant au fijais « ne peuvent, à elles seules, servir de preuve à la constatation de l'état de récidive ». Il s'agit d'affirmer clairement que le fijais ne sera qu'un instrument au service de la manifestation de la vérité, qui n'a pas vocation à se substituer aux procédures traditionnelles d'enquête mais bien de les compléter. Dès lors, les dispositions de l'article 2 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, auxquelles le Conseil constitutionnel a conféré une valeur constitutionnelle dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 sur la loi pour la sécurité intérieure, et qui disposent qu'aucune décision ne peut être prise sur le seul fondement d'une information figurant dans un traitement automatisé d'information sont pleinement respectées. L'article 706-53-8 nouveau du code de procédure pénale renvoie d'ailleurs à un décret en Conseil d'État, pris après avis de la cnil, le soin de préciser les modalités et conditions d'application des articles portant création du fijais.

La Commission a tout d'abord adopté un amendement du rapporteur replaçant la référence à l'exhibition sexuelle dans la liste des infractions de caractère sexuel, étant précisé que l'inscription dans le fichier serait subordonnée à une décision expresse de la justice, comme pour toutes les infractions punies de cinq d'emprisonnement au plus (amendement n° 146).

Puis, après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. Michel Vaxès, la Commission a examiné un amendement du rapporteur renforçant à la fois l'efficacité du fichier des auteurs d'infractions sexuelles et les droits des personnes inscrites. Au titre du premier objectif, le rapporteur a cité : l'inscription des condamnations même non définitives - avec effacement automatique si intervient ensuite une décision de non lieu, de relaxe ou d'acquittement définitif - et des mises en examen avec contrôle judiciaire, si le juge d'instruction le décide ; la transmission sans délai des informations par les procureurs de la République au gestionnaire du fichier ; l'obligation de déclaration de changement d'adresse soit auprès des services du casier judiciaire soit auprès des policiers ou gendarmes, le choix étant laissé à l'intéressé, l'obligation pesant sur l'intéressé de justifier de son adresse une fois par an, cette obligation intervenant, pour les condamnés punis de dix ans d'emprisonnement, une fois tous les six mois ; enfin, l'inscription au fichier des personnes recherchées en cas de disparition de la personne.

Au titre des éléments accroissant les garanties accordées aux personnes inscrites au fichier, le rapporteur a cité la limitation du champ d'application du fichier aux infractions sexuelles visées par l'article 706-47, à l'exception des délits punis de cinq ans d'emprisonnement ou moins, sauf décision expresse de la juridiction ordonnant l'inscription ; la limitation de la durée de conservation de l'inscription à 30 ans pour les crimes et les délits punis de dix ans d'emprisonnement, à 20 ans pour les délits punis de 7 ans d'emprisonnement et à 10 ans pour les délits punis de cinq ans d'emprisonnement ou moins ; la possibilité, sous conditions, de demander la radiation de l'inscription auprès du procureur de la République puis du juge des libertés et de la détention ou du président de la chambre de l'instruction. Il a ajouté que si, dans le cadre d'une enquête, les officiers de police judiciaire bénéficiaient d'un droit de consultation, l'autorité administrative ne disposerait que d'un droit de vérification ponctuelle concernant une personne nommément désignée. Il a précisé enfin qu'il proposerait à la Commission, au cours d'une prochaine réunion, un amendement permettant de faire figurer dans le fichier les 100 000 personnes d'ores et déjà inscrites au casier judiciaire et rentrant dans le cadre de ce nouveau fichier, sans que l'absence de fiabilité de l'adresse représente un obstacle dirimant à cette mise à jour.

M. Robert Pandraud, évoquant l'obligation faite aux personnes condamnées pour un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement de déclarer un changement d'adresse au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie, a mis en garde contre les risques d'atteinte à la vie privée, voire de chantage. En écho à ces propos, Mme Maryse Joissains-Masini et M. Gérard Léonard se sont prononcés en faveur d'une réflexion approfondie sur ce sujet d'ici à l'examen en séance publique. M. André Vallini, déclarant partager cette préoccupation, a évoqué le contre-exemple britannique en la matière, l'affichage des photos des délinquants sexuels dans ce pays pouvant mettre en danger leur intégrité physique. Après que le rapporteur eut indiqué que le dispositif permettrait la traçabilité de toute personne ayant consulté le fichier, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 147), avant de rejeter, sur proposition du rapporteur, quatre amendements présentés par M. Francis Delattre, les deux premiers étant satisfaits par le dispositif proposé, le troisième et le quatrième alourdissant le fonctionnement du fichier en instaurant une obligation d'habilitation pour l'accès des officiers de police judiciaire au fichier.

La Commission a adopté les articles 16 bis B et 16 bis C ainsi modifiés.

Article 16 bis D (nouveau)

(art. 706-56 du code de procédure pénale)


Prélèvement d'empreintes génétiques

L'article 706-56 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, dispose que l'officier de police judiciaire peut procéder ou faire procéder, sous son contrôle, à l'égard de certains condamnés ou de certains suspects, à un prélèvement biologique destiné à permettre l'identification de leur empreinte génétique (paragraphe I).

Le fait de refuser de se soumettre à ce prélèvement biologique est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende, ces peines étant porté à deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende lorsque les faits sont commis par une personne condamnée pour crime (paragraphe II).

Le Sénat, sur proposition du rapporteur, a modifié ces dispositions.

Le 1° de l'article 16 bis D complète le paragraphe I de l'article 706-56 afin, d'une part, d'autoriser l'identification de l'empreinte génétique d'une personne à partir d'un matériel biologique qui se serait naturellement détaché du corps de l'intéressé, et d'autre part, de permettre un prélèvement sans l'accord de la personne, sur réquisitions écrites du procureur de la République, lorsque celle-ci a été condamnée pour crime.

Rappelons que dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 sur la loi pour la sécurité intérieure, le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité de la prise de sang sur l'auteur d'une agression sexuelle sans l'accord de ce dernier pour déterminer si l'intéressé n'est pas atteint d'une maladie sexuellement transmissible, considérant que « la contrainte à laquelle est soumise la personne concernée n'entraîne aucune rigueur qui ne serait pas nécessaire au regard des autres exigences constitutionnelles en cause ».

Le 2° complète le paragraphe II de l'article 706-56 par un alinéa sanctionnant de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait de chercher à substituer à son propre matériel biologique le matériel biologique d'une tierce personne, avec ou sans son accord.

Enfin, le 3° prévoit une nouvelle sanction pour les personnes ne respectant pas les dispositions de l'article 706-56 : en cas de refus de se soumettre au prélèvement ou de « fraude à l'empreinte génétique » par une personne condamnée, les réductions de peines sont retirées de plein droit et la personne ne peut se voir octroyer de nouvelles réductions de peines.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier de précision (amendement n° 148), le second étendant le prélèvement forcé des empreintes génétiques, limité par le projet de loi aux crimes, ainsi qu'aux délits punis de dix ans d'emprisonnement (amendement n°149).

Elle a adopté l'article 16 bis D ainsi modifié.

Après l'article 16 bis

La Commission a rejeté un amendement de M. Michel Vaxès tendant à punir de cinq ans d'emprisonnement et de 350.000 euros d'amende l'employeur qui aura désorganisé son entreprise, notamment en augmentant le passif, en diminuant ses ressources ou en dissimulant certains de ses biens.

Chapitre VI

Dispositions diverses

[Division et intitulé nouveaux]

Article 16 ter (nouveau)

(art. 2 de la loi du 2 juillet 1931
et art. 32-1 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881)


Divulgation d'informations
relatives à une constitution de partie civile

L'article 2 de la loi du 2 juillet 1931 modifiant l'article 70 du code d'instruction criminelle punit d'une amende de 18 000 € le fait de publier, avant décision judiciaire, toute information relative à des constitutions de partie civile.

Par un arrêt du 16 janvier 2001, la chambre criminelle de la Cour de cassation a tenu compte de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 3 octobre 2000 condamnant la France et a décidé que l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931, « par l'interdiction générale et absolue qu'il édicte, instaure une restriction à la liberté d'expression qui n'est pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes énumérés par l'article 10-2 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'étant incompatible avec ces dispositions conventionnelles, il ne saurait servir de fondement à une condamnation pénale ».

Dans son rapport annuel pour 2000, la Cour de cassation a donc suggéré l'abrogation de cet article incompatible avec la Convention européenne des droits de l'homme.

Le Sénat, sur proposition de sa commission des Lois, a donc inséré dans le projet de loi un nouvel article 16 ter, dont le paragraphe I abroge l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931.

En contrepartie de cette abrogation, le paragraphe II aggrave la répression de la diffamation lorsqu'elle est accompagnée d'informations sur une plainte avec constitution de partie civile.

Il insère à cet effet dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les dispositions sur la diffamation, un nouvel article 32-1, qui porte de 12 000 à 45 000 € d'amende la diffamation lorsqu'elle est accompagnée d'une référence relative à une constitution de partie civile portant sur les faits objets des allégations diffamatoires et sur lesquels aucune décision judiciaire n'est intervenue.

La Commission a rejeté un amendement de M. Michel Vaxès tendant à supprimer cet article, le rapporteur ayant indiqué que cet amendement serait satisfait par un amendement présenté par le président, puis adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 150). Elle a ensuite adopté un amendement du président Pascal Clément, supprimant les dispositions, introduites par le Sénat, faisant de la divulgation d'information sur une constitution de la partie civile une circonstance aggravante de la diffamation et la punissant d'une peine de 45 000 euros, l'auteur de l'amendement ayant jugé que cet alourdissement des sanctions était disproportionné par rapport à l'infraction commise et qu'elle était préjudiciable à la liberté de la presse (amendement n°151).

Puis la Commission a adopté l'article 16 ter ainsi modifié.

Article 16 quater (nouveau)

(art. 121-2 du code pénal)


Généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales

Principale innovation du code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, l'article 121-2 de ce code pose le principe de la responsabilité pénale des personnes morales, à l'exclusion de l'État, pour les infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants, « dans les cas prévus par la loi ou le règlement ».

Comme le soulignent Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec dans leur traité de droit pénal général, « redoutant sans doute de donner d'emblée la portée la plus large à un principe totalement nouveau dans notre droit, le législateur n'a pas prévu que la responsabilité pénale des personnes morales serait générale et concernerait l'ensemble des infractions ».

Applicable lors de l'entrée en vigueur du nouveau code pénal à environ un tiers des crimes et délits contre les personnes, la responsabilité pénale des personnes morales a été progressivement étendue, notamment avec la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements secteurs, qui l'a appliquée au meurtre, à l'empoisonnement, au viol, à la provocation au suicide ou encore à la violation de l'obligation scolaire. S'agissant des infractions contre les biens, la responsabilité pénale des personnes morales est quasiment systématiquement prévue.

Pour les infractions ne figurant pas dans le code pénal, le législateur n'a bien évidemment pas procédé en 1994 à un examen d'ensemble, mais a étendu ce principe au gré des opportunités.

De nombreux auteurs, par lesquels Mme Mireille Delmas-Marty, ont critiqué la limite apportée à la responsabilité pénale des personnes morales par le principe de spécialité. Pour Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec, « le principe de spécialité est nécessairement source de lacunes et d'incohérences en raison, d'une part, de la difficulté de dégager des critères rationnels permettant de désigner les infractions pour lesquelles la responsabilité pénale des personnes morales doit être prévue, et, d'autre part, de l'impossibilité de régler cette question de manière globale, le législateur étant contraint de procéder, comme on l'a indiqué, au coup par coup. »

Les arguments en faveur du principe de spécialité, aux termes desquels certaines infractions ne pourraient pas être imputées à une personne morale, procèdent d'une analyse juridique inexacte du mécanisme de mise en œuvre de la responsabilité pénale des personnes morales : celle-ci n'est pas directe et ne peut être engagées que pour des infractions commises par des personnes physiques pour le compte de la personne morale ; dès lors, toutes les infractions susceptibles d'être commises par une personne physique peuvent être imputées à des personnes morales.

C'est pourquoi le Sénat, sur proposition de M. Pierre Fauchon, a supprimé le principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales : désormais, même en l'absence de dispositions spécifiques, le juge pourra condamner pénalement la personne morale.

Seule la peine d'amende pourra être prononcée, les autres peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal n'étant applicables que « dans les cas prévus par la loi ».

Ainsi que l'ont souligné un certain nombre de sénateurs en séance publique, la suppression du principe de spécialité nécessitera un important travail de coordination visant à supprimer dans l'ensemble des textes législatifs et réglementaires les dispositions prévoyant la responsabilité pénale des personnes morales et à rendre applicables les peines mentionnées à l'article 131-39.

La Commission a adopté l'article 16 quater sans modification.

Article additionnel après l'article 16 quater

(
art. 131-38 du code pénal ; art. 706-45 du code de procédure pénale ; art. 43-1 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)

Amendes applicables aux personnes morales - Application du principe de la responsabilité pénale des personnes morales aux délits de presse

La Commission a adopté un amendement du rapporteur ayant pour objet : de compléter l'article 131-38 du code pénal, afin de fixer à 1.000.000 d'euros le montant de l'amende encourue par une personne morale lorsqu'il s'agit d'un crime pour lequel aucune peine d'amende n'est prévue par la loi ; de compléter l'article 706-45 du code de procédure pénale en imposant à la personne morale placée sous contrôle judiciaire de verser une caution ou de constituer une sûreté, ce qui est de nature à renforcer les droits des victimes ; de modifier la loi du 29 juillet 1881 pour écarter le principe de la responsabilité pénale des personnes morales pour les délits de presse, un régime spécifique de responsabilité étant d'ores et déjà prévu (amendement n°152).

Article additionnel après l'article 16 quater

(art. L.221-2 du code de la route)


Création d'un délit de conduite sans permis

La Commission a été saisie de deux amendements tendant à faire de la conduite sans permis un délit, le premier présenté par M. Thierry Mariani, prévoyant une peine de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende, les peines encourues étant portées à trois ans d'emprisonnement et 9 000 euros d'amende en cas de récidive, le second du rapporteur, tendant à prévoir une peine d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende puis deux ans d'emprisonnement et 4 500 euros d'amende en cas de récidive. Le rapporteur a rappelé que la conduite sans permis est aujourd'hui une simple contravention de la cinquième classe et souligné que son amendement, contrairement à celui présenté par M. Thierry Mariani, préservait l'échelle des peines en maintenant un emprisonnement de deux ans en cas de récidive, déjà prévu par le code de la route. La Commission a adopté l'amendement du rapporteur (amendement n°153) et rejeté celui de M. Thierry Mariani.

Article additionnel après l'article 16 quater

(art. L.324-2 [nouveau] du code de la route)


Création d'un délit de conduite sans assurance

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à faire de la conduite sans assurance, qui n'est aujourd'hui qu'une simple contravention de la cinquième classe, un délit (amendement n°154). Par coordination, elle a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani ayant le même objet et prévoyant une peine de deux ans d'emprisonnement et 4 500 euros d'amende.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ACTION PUBLIQUE,
AUX ENQUÊTES, À L'INSTRUCTION, AU JUGEMENT
ET À L'APPLICATION DES PEINES

Chapitre Ier

Dispositions relatives à l'action publique

Section 1

Dispositions générales

Article 17

(art. 30 du code de procédure pénale)


Attributions du ministre de la Justice en matière de politique pénale

Cet article consacre et définit le rôle du garde des Sceaux en matière de politique pénale.

Dans sa rédaction initiale, il rappelait que le garde des Sceaux, ministre de la Justice, veille à la cohérence de l'application de la loi pénale sur l'ensemble du territoire de la République.

Ces dispositions complétaient l'actuel article 36 du code de procédure pénale, qui dispose que « le ministre de la Justice peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes ».

Dans un souci de cohérence et de lisibilité, les sénateurs ont adopté une nouvelle rédaction de l'article 30 dont l'objet est double :

· elle précise que le ministre de la Justice, non seulement veille à l'application de la politique pénale sur le territoire de la République, mais aussi détermine ses priorités en conduisant « la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement » (premier alinéa). Rappelons que l'article 20 de la Constitution dispose que le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ;

· elle inscrit dans la loi la possibilité pour le garde des Sceaux d'adresser des instructions générales d'action publique aux magistrats du parquet, consacrant ainsi la pratique actuelle (deuxième alinéa) ;

· elle transfère au sein de l'article 30 les dispositions de l'article 36 relatives aux instructions individuelles du garde des Sceaux, qui figurent aujourd'hui parmi les dispositions relatives aux procureurs généraux  (troisième aliéna).

La nouvelle rédaction de l'article 30 du code de procédure pénale permet donc de définir de manière plus complète le rôle du garde des Sceaux et de préciser les moyens mis à sa disposition (instructions générales et individuelles) pour exercer ses attributions.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n°155) tendant à substituer aux termes de « politique d'action publique » les termes de « politique pénale », M. Gérard Léonard ayant souligné la portée de cet amendement et le président Pascal Clément ayant observé que cette formulation était plus claire. Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n°156), la Commission a adopté l'article 17 ainsi modifié.

Article 18

(art. 35 du code de procédure pénale)


Rôle des procureurs généraux en matière de politique pénale

Cet article modifie l'article 35 du code de procédure pénale, relatif au rôle des procureurs généraux en matière de politique pénale, sur trois points :

· il précise que le procureur général veille non seulement à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel, mais aussi au bon fonctionnement des parquets de son ressort ;

· il rappelle que le procureur général anime et coordonne l'action des procureurs de la République ainsi que la conduite des différentes politiques publiques par les parquets de son ressort ;

· il substitue à l'obligation faite aux procureurs d'adresser tous les mois au procureur général un état des affaires de leur ressort l'obligation d'envoyer un rapport annuel sur l'activité et la gestion de leur parquet, ainsi que sur l'application de la loi.

Le Sénat a considéré que ces modifications contribuaient à clarifier le rôle du procureur général, mais souhaité supprimer la référence aux « différentes politiques publiques » et la remplacer par la « politique d'action publique », rappelant que la seule politique conduite par les procureurs généraux était la politique d'action publique définie par le garde des Sceaux.

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n°157), puis l'article 18 ainsi modifié

Article 19

(art. 36 du code de procédure pénale)


Injonction des procureurs généraux en matière d'engagement des poursuites

Dans sa rédaction initiale, cet article complétait l'article  37 du code de procédure pénale, relatif à l'autorité du procureur général sur les officiers du ministère public du ressort de la cour d'appel, pour prévoir que le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République d'engager des poursuites à la suite d'un recours hiérarchique formé par la victime contre une décision de classement.

En première lecture, l'Assemblée nationale a proposé une nouvelle rédaction de ces dispositions, calquée sur celle prévue par l'article 36 pour les instructions données par le garde des Sceaux aux procureurs généraux, qui fait notamment référence aux instructions écrites versées au dossier.

Tout en approuvant ces dispositions sur le fond, le Sénat a considéré qu'elles soulevaient des problèmes de forme, notamment en raison de leur place dans un article consacré à l'autorité des procureurs généraux sur les officiers du ministère public.

Il a donc adopté une nouvelle rédaction de l'article qui :

· insère les dispositions relatives aux instructions adressées par les procureurs généraux aux procureurs au sein de l'article 36 du code de procédure pénale, dont les dispositions ont été reprises à l'article 30 (article 17 du projet de loi) ;

· supprime la référence au recours hiérarchique contre les décisions de classement, qui n'a pas sa place dans un article consacré aux instructions données par le procureur général, cette notion étant reprise à l'article 21 du projet de loi ;

· précise que les réquisitions que les procureurs généraux peuvent enjoindre aux procureurs de prendre seront écrites, comme les réquisitions du garde des Sceaux.

La Commission a adopté l'article 19 sans modification.

Article 19 bis (nouveau)

(art. 37 du code de procédure pénale)


Coordination

Par coordination avec le transfert à l'article 30 du code de procédure pénale des dispositions de l'article 36, le Sénat a adopté un article additionnel supprimant le deuxième alinéa de l'article 37, qui dispose que le procureur général a les mêmes prérogatives à l'égard des officiers du ministère public que celles reconnues au ministre de la Justice à l'article précédent.

Cette disposition devient en effet inutile, compte tenu de la nouvelle rédaction de l'article 36.

La Commission a adopté l'article 19 bis sans modification.

Article 20

(art. 40-1 du code de procédure pénale)


Coordination

Dans sa rédaction initiale, cet article transférait dans un article 40-3 les dispositions figurant actuellement à l'article 40-1 et relatives aux modalités de désignation de l'avocat de la victime qui s'est constituée partie civile.

Par coordination avec les modifications proposée à l'article 21 du projet de loi, le Sénat a transféré ces dispositions dans un nouvel article 40-4.

La Commission a adopté l'article20 sans modification

Article 21

(art. 40-1, 40-2 et 40-3 [nouveaux] du code de procédure pénale)


Principe de la réponse judiciaire systématique

Dans sa rédaction initiale, cet article insérait dans le code de procédure pénale deux nouveaux articles 40-1 et 40-2, afin, d'une part, de consacrer dans la loi les possibilités offertes au procureur de la République en matière d'exercice de l'action publique et, d'autre part, de prévoir une information des victimes sur les suites réservées aux plaintes qu'elles déposent.

À l'article 40-1, le Sénat n'a apporté qu'une modification rédactionnelle, tendant à remplacer la notion de délit par celle, plus générale, d'infraction.

À l'article 40-2, les sénateurs ont prévu la notification aux victimes et la motivation de l'ensemble des décisions de classement sans suite, et non pas seulement celles prises lorsque l'auteur est identifié.

Tout en approuvant l'esprit qui a présidé à cette modification, qui tend à une amélioration de l'information des victimes, le rapporteur constate que son application est impossible, en l'état actuel de l'informatisation des bureaux d'ordre. Le rapporteur du Sénat l'a d'ailleurs reconnu, puisqu'il a indiqué que « l'amendement proposé par votre commission impliquera vraisemblablement une réorganisation des bureaux d'ordre des juridictions qui pourrait nécessiter un certain délai ».

C'est pourquoi, tout en maintenant l'extension proposée, la Commission a adopté un amendement avant l'article 76 repoussant son application au 1er janvier 2007.

L'article 40-3, créé par le Sénat, reprend, en les précisant, les dispositions de l'article 19 du projet de loi relatives au recours hiérarchique contre les décisions de classement sans suite.

Il prévoit que toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République peut former un recours auprès du procureur général contre une décision de classement sans suite prise à la suite de cette dénonciation. Le procureur général peut alors, dans les conditions prévues à l'article 36, enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites. S'il estime le recours infondé, il en informe l'intéressé.

La Commission a adopté l'article 21 sans modification

Après l'article 21

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Thierry Mariani tendant à modifier les dispositions de l'article 803 du code de procédure pénale pour prévoir que les personnels d'escorte d'une personne menottée ou entravée prennent les mesures utiles pour empêcher les photographies ou les enregistrements audiovisuels par la presse. Le rapporteur ayant indiqué qu'un amendement identique avait déjà été rejeté en première lecture, la Commission a rejeté cet amendement.

Section 2

Dispositions relatives à la composition pénale
et aux autres procédures alternatives aux poursuites

Article 22 A (nouveau)

(art. 41-1 du code de procédure pénale)


Possibilité d'utiliser la procédure d'injonction de payer
en cas de médiation pénale

Cet article, introduit dans le projet de loi par le Sénat, modifie l'article 41-1 du code de procédure pénale, qui énumère les mesures alternatives aux poursuites susceptibles d'être proposées, directement ou par délégation, par le procureur de la République.

Le 1° précise les personnes concernées par la délégation du procureur : il s'agit des officiers de police judiciaire, des délégués du procureur et des médiateurs.

Le 2° autorise à la victime à recourir à la procédure d'injonction de payer, définie par les articles 1405 et suivants du code de procédure civile, pour recouvrer les dommages et intérêts obtenus dans le cadre d'une médiation pénale. A cet effet, un procès-verbal, signé par le procureur de la République ou le médiateur et par les parties, est établi et pourra être utilisé par la victime pour récupérer les sommes dues.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n°158) précisant que la mesure alternative aux poursuites peut consister dans l'accomplissement d'un stage au sein d'une structure sanitaire et sociale, puis l'article 22 A ainsi modifié.

Article 23

(art. 41-2 du code de procédure pénale)


Extension du champ d'application de la composition pénale
et de la liste des mesures susceptibles d'être proposées

Cet article étend substantiellement le champ d'application de la procédure de la composition pénale et élargit l'éventail des mesures susceptibles d'être proposées dans ce cadre.

En première lecture, l'Assemblée nationale a encore étendu ce champ d'application, en prévoyant que cette procédure pourrait également être applicable aux personnes ayant commis un délit puni à titre principal d'une peine d'amende.

S'agissant des mesures susceptibles d'être prononcées, les députés, sur proposition du rapporteur, ont supprimé tout plafond pour l'amende de composition, fixé par le texte initial à la moitié de l'amende encourue ou 3 750 €, et ont prévu une nouvelle mesure de remise du véhicule à des fins d'immobilisation pour une période maximale de six mois.

Le Sénat a poursuivi la démarche de l'Assemblée en étendant la procédure de composition pénale, limitée aux contraventions de la cinquième classe, à l'ensemble des contraventions. Il a en effet estimé, à juste titre, que cette procédure était tout à fait adaptée aux petites infractions pour lesquelles la procédure de l'ordonnance pénale n'apparaît pas opportune.

Par cohérence, afin d'éviter que ces infractions ne soient sanctionnées plus sévèrement en composition pénale que devant le tribunal de police, les sénateurs ont exclu la possibilité de prononcer, pour les contraventions des quatre premières classes, un travail non rémunéré (5° de l'article 41-2), ainsi que la confiscation du produit de l'infraction (2°du même article), la remise du permis de chasser (4°) et l'interdiction d'émettre des chèques (7°), sauf si la contravention est punie de la suspension du permis de conduire, de l'interdiction et de la confiscation des armes, du retrait du permis de chasser ou de la confiscation du produit de l'infraction (1°à 5° de l'article131-16 du code pénal).

Le Sénat a par ailleurs fixé à six mois, au lieu de quatre actuellement, la durée maximale de remise au greffe du permis de chasser, par coordination avec la durée maximale de remise du véhicule.

En revanche, il a souhaité rétablir un plafond pour l'amende de composition, qu'il a fixé à la moitié de l'amende encourue ou 7 500 €, au lieu de 3 750 € dans le texte initial.

Enfin, les sénateurs ont complété l'article 41-2, afin de permettre à la victime, au vu de l'ordonnance validant de la composition pénale, de demander le recouvrement des dommages et intérêts obtenus suivant la procédure d'injonction de payer.

La Commission a adopté quatre amendements du rapporteur, le premier étendant la composition pénale délictuelle aux contraventions connexes au délit qui fait l'objet de cette mesure (amendement n°159), le second supprimant les dispositions limitant l'amende proposée dans le cadre d'une composition pénale (amendement n°160), le rapporteur ayant indiqué qu'il maintenait sur ce point sa position initiale, l'intéressé pouvant toujours refuser la mesure de composition, le troisième étant un amendement de cohérence (amendement n° 161), le dernier supprimant la couverture sociale spécifique prévue pour les personnes qui suivent un stage dans le cadre d'une composition pénale (amendement n° 162).

Puis elle a adopté l'article 23 ainsi modifié.

Section 3

Dispositions diverses et de coordination

Article 24 A

(art. 706-53-1 [nouveau] du code de procédure pénale)


Prescription des infractions sexuelles

Cet article, inséré dans le projet de loi sur proposition de notre collègue Gérard Léonard, crée un nouvel article 706-53-1 qui allonge la durée de la prescription de l'action publique et de la peine pour certaines infractions sexuelles.

Le premier alinéa de l'article 706-53-1 fixe le délai de prescription de l'action publique et de la peine à trente ans, au lieu de respectivement dix ans et vingt ans actuellement, pour les infractions sexuelles de nature criminelle.

Le deuxième alinéa allonge le délai de prescription de l'action publique de trois à vingt ans pour les infractions délictuelles, le délai de prescription de la peine passant de cinq à vingt ans.

Rappelons par ailleurs que les articles 7 et 8 du code de procédure pénale prévoient que le délai de prescription de l'action publique des crimes et de certains délits (18) commis contre les mineurs ne commence à courir qu'à compter de la majorité de ces derniers.

Les infractions concernées par cet allongement de la prescription sont celles définies à l'article 706-47 : meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné de tortures ou d'actes de barbarie, viol et autres agressions sexuelles, corruption de mineur, fixation ou diffusion d'images pornographiques et atteintes sexuelles.

En présentant son amendement, M. Gérard Léonard a souligné que c'était souvent quelques années après l'expiration des délais actuels de prescription, notamment au moment de l'arrivée du premier enfant, que les victimes d'infractions sexuelles souhaitaient dénoncer les violences subies dans leur enfance. Il a également fait valoir que la reconnaissance publique des souffrances endurées, qui est un élément essentiel de la reconstruction des victimes, passait par la condamnation pénale de l'auteur des faits.

Tout en reconnaissant que les progrès réalisés en matière scientifique permettent désormais de poursuivre certaines infractions longtemps après leur commission, le Sénat a supprimé ces dispositions, considérant qu'il était préférable d'examiner cette question dans le cadre d'une révision globale des règles de prescription.

La Commission a adopté un amendement de M. Gérard Léonard tendant à rétablir cet article (amendement n°163), avec une rédaction de portée plus limitée, son auteur ayant souligné qu'un accord avec le Sénat sur cette question était envisageable d'ici à la fin de la navette, les sénateurs ne l'ayant supprimé, non pour des raisons de fond, mais parce qu'ils estiment qu'il est nécessaire de revoir l'ensemble des règles de prescription.

Article 24

(art. L. 2211-2 et L. 2211-3 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales)


Rappel de certaines dispositions relatives aux échanges d'informations
sur les infractions entre les maires et les parquets

Dans sa rédaction initiale, l'article 24 insérait dans le code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 2211-2 reprenant certains principes figurant dans le code de procédure pénale sur l'échange d'informations entre les maires et les parquets.

Le Sénat a modifié cet article, afin de supprimer la référence aux éléments d'information rendus publics en application de l'article 11 du code de procédure pénale. Rappelons que ce dernier article donne la possibilité au parquet de divulguer certains éléments de la procédure pour éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes. Désormais, le procureur de la République pourra communiquer au maire les éléments d'information qu'il choisit, que ceux-ci aient été ou non rendus publics.

Par ailleurs, les sénateurs ont créé, sur proposition de leur commission des Lois, un nouvel article L. 2211-3 dans le code général des collectivités territoriales, qui prévoit que les maires sont informés sans délai par les responsables locaux de la police et de la gendarmerie des infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune.

Si ces dispositions reprennent en partie l'article 4 du décret 2002-999 du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance, qui prévoit que « les maires sont informés sans délai des actes graves de délinquance commis sur leur commune », elles vont plus loin puisqu'elles visent toutes les infractions causant un trouble à l'ordre public, et non pas seulement les actes graves de délinquance.

Par ailleurs, l'article L. 2211-3 fait référence aux « responsables locaux de la police ou de la gendarmerie », sans qu'on sache exactement ce que cette expression recouvre.

Ces modifications apparaissent un peu prématurées, alors même que la Chancellerie a constitué un groupe de travail réunissant un procureur général, des procureurs de la République et des représentants de l'Association des maires de France, chargé de réfléchir aux modalités d'information des maires.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Thierry Mariani précisant que les maires sont tenus de signaler les crimes ou délits dont ils acquièrent la connaissance dans l'exercice de leur fonction au procureur de la République, non plus « sans délai » mais « dans les meilleurs délais ». Le rapporteur s'étant opposé à cette modification, en rappelant que la rédaction proposée par le projet de loi pour l'article L. 2211-2 du code général des collectivités territoriales reprenait les termes de l'article 40 du code de procédure pénale, M. Thierry Mariani a retiré son amendement.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Thierry Mariani tendant à assurer l'information systématique du maire par le procureur de la République sur les crimes et délits commis sur le territoire de sa commune, par le représentant de l'État sur l'état de la délinquance et à prévoir que le maire est autorisé à diffuser des informations concernant les crimes et trafics de stupéfiants commis sur le territoire communal ainsi que les suites judiciaires donnée à ces infractions. Le président Pascal Clément s'est interrogé sur la possibilité de mettre en œuvre cette obligation d'information, Mme Maryse Joissains-Masini ayant indiqué que certaines juridictions informent déjà les avocats des condamnations prononcées et qu'une information identique pouvait être délivrées aux élus locaux, M. André Vallini a souligné la nécessité d'encadrer l'utilisation que les maires pourraient éventuellement faire de ces informations. Le rapporteur ayant indiqué que le ministre de la Justice avait constitué un groupe de travail avec des représentants des élus locaux sur cette question et qu'il proposerait d'ici la séance publique des amendements, qui tout en répondant aux attentes exprimées dans l'amendement de M. Thierry Mariani, respecteraient les dispositions relatives au secret de l'instruction, la Commission a rejeté cet amendement ainsi qu'un amendement voisin du même auteur.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur tendant à donner une nouvelle rédaction à l'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales afin de remplacer l'information « sans délai » des maires par une information « dans les meilleurs délais », de limiter cette information aux infractions causant un trouble grave à l'ordre public et de rappeler que cette information doit respecter les dispositions du code de procédure pénale relatives au secret de l'enquête (amendement n°164). Puis la Commission a rejeté par coordination un amendement de M. Thierry Mariani, prévoyant la communication au maire des suites données aux crimes et délits punis d'une peine de 10 ans d'emprisonnement, commis sur le territoire communal et précisant les conditions dans lesquelles le maire peut les rendre publiques. Elle a également rejeté un amendement de M. Thierry Mariani prévoyant une obligation d'information du maire dans les meilleurs délais, cet amendement ayant été satisfait par un amendement du rapporteur précédemment adopté.

La Commission a ensuite adopté l'article 24 ainsi modifié.

Après l'article 24

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani étendant l'information des maires sur les actes de délinquance les plus graves commis par les mineurs.

Article 25 bis (nouveau)

(art. 48-1 et 11-1 [nouveaux] du code de procédure pénale)


Création d'un bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires

Introduit au Sénat par un amendement du Gouvernement, cet article a pour objet, comme l'a indiqué en séance publique le ministre, de « consacrer dans la loi l'existence d'un bureau d'ordre national automatisé des procédures. L'institution judiciaire pourra alors avoir connaissance des procédures judiciaires d'un tribunal à l'autre. A l'instar de ce qui a été fait pour les fichiers de police judiciaire, il paraît indispensable de donner un cadre législatif à cette application automatisée. »

A cette fin, le paragraphe I du présent article insère une nouvelle section au sein du code de procédure pénale composée du seul article 48-1.

Son premier alinéa précise que le Bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires (BONAPJ), placé sous le contrôle d'un magistrat, contient des informations nominatives relatives aux plaintes et dénonciations reçues par les procureurs de la République ou les juges d'instruction, ainsi qu'aux suites qui leur ont été réservées. La finalité de ce fichier est de « faciliter la gestion et le suivi des procédures judiciaire par les juridictions compétentes, l'information des victimes et la connaissance réciproque entre les juridictions des procédures concernant les mêmes faits ou mettant en cause les mêmes personnes, afin notamment d'éviter les doubles poursuites. »

Les données inscrites dans ce fichier concernent :

-  les dates, lieux et qualification juridique des faits ;

-  lorsqu'ils sont connus, les nom, prénoms, date et lieu de naissance ou la raison sociale s'il s'agit d'une personne morale, des personnes mises en cause par les victimes ;

-  les décisions sur l'action publique et les informations relatives au déroulement de l'instruction, à la procédure de jugement et aux modalités d'exécution de la peine ;

-  la situation judiciaire de la personne mise en cause, poursuivie ou condamnée.

La durée de conservation des données est précisée par le 8e alinéa de l'article 48-1 du code de procédure pénale qui dispose qu'elle est de dix années à compter de la dernière mise à jour. Toutefois, dans l'hypothèse ou la durée de prescription de l'action publique ou de la peine est supérieure à ces dix années, par exemple en cas de crime contre l'humanité, le texte prévoit que les données sont conservées pendant une durée égale à ces délais de prescription.

Les données sont enregistrées « sous la responsabilité », selon les cas, du procureur de la République, du juge d'instruction, du juge pour enfants ou du juge de l'application des peines, par les greffiers ou les personnes habilitées qui assistent ces magistrats. En revanche, elles sont « directement » accessibles à ces mêmes personnes « pour les nécessités liées au seul traitement des infractions ou des procédures » dont elles sont saisies. Ces informations sont également accessibles, mais non plus, directement, ce qui peut paraître curieux, aux procureurs généraux pour le traitement des procédures dont sont saisies les cours d'appel.

C'est pourquoi la Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que les informations du bureau d'ordre national des procédures judiciaires seraient directement accessibles aux procureurs généraux et aux magistrats des pôles spécialisés (amendement n° 166).

En outre, par coordination avec la création par le projet de loi des juridictions interrégionales spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée, la délinquance économique et financière ou sanitaire, les magistrats oeuvrant dans ces juridictions auront également accès aux données du BONAPJ.

L'avant dernier alinéa de l'article 48-1 précise que les informations figurant au fichier « ne sont accessibles qu'aux autorités judiciaires ». Toutefois, il convient de relever que le paragraphe II du présent article du projet prévoit l'accès au fichier « d'autorités et d'organismes habilités à cette fin », des associations de victimes par exemple. C'est pourquoi, l'avant dernier alinéa de l'article 48-1 y fait expressément référence.

Enfin, un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL, déterminera les modalités d'application de cet article et précisera, notamment, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès aux données les concernant.

Le paragraphe II de cet article du projet de loi insère un article 11-1 nouveau dans le code de procédure pénale qui prévoit que, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, des éléments concernant des « procédures judiciaires en cours » peuvent être communiqués à des autorités ou organismes habilités à cette fin par arrêté du ministre de la Justice afin de « de réaliser des recherches ou des enquêtes scientifiques ou techniques destinées, notamment à prévenir la commission d'accident ou de faciliter l'indemnisation des victimes ou la prise en charge de la réparation de leur préjudice. »

Ces informations pouvant porter sur des procédures en cours, il importe que les personnes desdits organismes y ayant accès soient astreintes au secret professionnel. La dernière phrase de l'article 11-1 le précise et rend passible le non-respect de ce secret d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende en application des dispositions de l'article 226-13 du code pénal.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 165), la Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 25 ter (nouveau)

(art. 2-15 du code de procédure pénale)


Constitution de partie civile des fédérations d'associations de défense des victimes d'accidents collectifs

L'article 2-15 du code de procédure pénale autorise les associations ayant pour objet statutaire la défense des victimes d'un accident survenu dans les transports collectifs, dans un local ouvert au public ou dans une propriété privée à usage d'habitation ou à usage professionnel, lorsqu'elles ont été agréées à cette fin, à exercer les droits reconnus à la partie civile quand l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.

Rien n'est en revanche prévu pour les fédérations d'associations de victimes d'accidents collectifs.

C'est pourquoi l'article 25 ter, adopté par le Sénat sur proposition du Gouvernement, complète l'article 2-15 pour autoriser les fédérations d'associations de défense des victimes d'accidents collectifs à se constituer partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.

Comme le prévoit l'article 2-11 pour les associations d'anciens combattants, cette possibilité est réservée aux fédérations déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et inscrite auprès du ministère de la Justice dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, cette dernière condition permettant de garantir la représentativité de la fédération souhaitant se constituer partie civile.

La Commission a adopté l'article 25 ter sans modification.

Voir la suite du rapport

Rapport n° 1236 de M. Jean-Luc Warsmann sur le projet de loi modifié par le Sénat n° 1109 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité

1 () Rapport Sénat n° 345, « L'évolution des métiers de la justice », établi par M. Christian Cointat au nom de la commission des Lois, 3 juillet 2002.

2 () JO Débats Sénat, séance du 2 octobre 2003.

3 () Rapport Sénat n° 441, présenté par M. François Zocchetto, p. 178.

4 () JO Débats Sénat, séance du 2 octobre 2003.

5 () JO Débats Sénat, séance du 2 octobre 2003.

6 () JO Débats Sénat, séance du 2 octobre 2003.

7 () JO Débats Sénat, séance du 2 octobre 2003.

8 () Ibid.

9 () Ibid.

10 () JO Débats Sénat, séance du 2 octobre 2003.

11 () JO débats, Sénat, séance du 2 octobre 2003, page 6283.

12 () N° 68 d'Août 2003d' Infostat Justice portant sur les condamnés de 2001 en état de récidive

13 () Ainsi, aux côtés des infractions de nature sexuelle, peuvent également être inscrites au FNAEG, les empreintes des auteurs de traite des êtres humains, de violences volontaires, de trafic de stupéfiants, d'exploitation de la mendicité, d'extorsion de fonds ou de vol pour ne citer que ces quelques exemples.

14 () Séance des questions au Gouvernement du 22 octobre 2003.

15 () Par coordination les dispositions de l'actuel article 706-47 sont reprises dans un article 706-47-1 nouveau.

16 () JO Débats, Sénat, séance du 2 octobre 2003, page 6281.

17 () Ces mesures sont prévues aux articles 8, 15, 15-1, 16, 16 bis et 28 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

18 () Violences, agressions sexuelles, proxénétisme, corruption de mineur et atteintes sexuelles.


© Assemblée nationale