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N° 1346

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 janvier 2004.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

sur le projet de loi (n° 1107) autorisant la ratification des protocoles au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Bulgarie, de la République d'Estonie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la Roumanie, de la République slovaque et de la République de Slovénie

PAR M. Richard MALLIÉ,

Député.

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Voir le numéro : 1369

S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 5

I. - UN NOUVEL ÉLARGISSEMENT DE L'OTAN VERS L'EST DE L'EUROPE 7

1. Le processus d'adhésion 7

2. Une étape supplémentaire de l'extension de l'OTAN 7

3. Un élargissement préparé 8

II. - DES ETATS AUX SITUATIONS HÉTÉROGÈNES, MAIS PARTICIPANT DÉJÀ À DES OPÉRATIONS MILITAIRES EXTÉRIEURES 10

1. Le poids relatif des nouveaux membres 10

2. De nombreuses participations à des opérations multinationales 12

III. - LES STRATÉGIES DE RÉFORME ET D'ADAPTATION DE L'OUTIL MILITAIRE 13

1. Des réformes relativement aisées pour les armées de petite taille 14

2. L'adaptation plus difficile des armées de style soviétique 16

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

1. Audition de M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères 19

2. Examen du rapport pour avis 24

ANNEXE 27

INTRODUCTION

L'adhésion de sept nouveaux Etats à l'organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) s'inscrit dans la ligne des conséquences politiques et militaires de l'effondrement du bloc soviétique. Elle suit une première phase d'élargissement, opérée en 1999, qui avait permis l'entrée dans l'Alliance de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque.

Pour la France, ce processus a constitué très tôt une priorité politique.

La nécessité de l'élargissement pour la stabilité et la sécurité de l'Europe a été affirmée avec constance. La France a activement participé aux opérations de coopération et de formation militaires destinées à préparer les forces armées des futurs membres à leurs nouvelles responsabilités. L'élargissement de l'OTAN est concomitant de celui de l'Union européenne pour cinq des nouveaux membres de l'Alliance, la Bulgarie et la Roumanie devant rejoindre l'Union plus tard.

Les sept nouveaux membres apparaissent relativement mieux préparés que leurs trois prédécesseurs immédiats. Ces derniers n'ayant pas eu vraiment le temps de transformer en profondeur leurs outils militaires, ce processus a de fait eu lieu une fois leur adhésion réalisée. Toutefois, l'apport capacitaire que représente le présent élargissement est limité, tant en raison de la faible taille des forces armées des pays baltes et de la Slovénie que du fait des difficultés rencontrées par la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie pour assurer conjointement la professionnalisation et la modernisation de leurs forces dans un cadre financier contraint.

I. - UN NOUVEL ÉLARGISSEMENT DE L'OTAN VERS L'EST DE L'EUROPE

1. Le processus d'adhésion

L'article 10 du traité de l'Atlantique Nord, signé à Washington le 4 avril 1949, stipule que « les parties peuvent, par accord unanime, inviter à accéder au Traité tout autre Etat européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent Traité et de contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord. »

Lors du sommet de l'OTAN qui s'est tenu à Prague le 21 novembre 2002, les chefs d'Etat et de gouvernement ont « décidé d'inviter la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie à engager des pourparlers d'adhésion afin de se joindre à notre Alliance. [...] L'adhésion de ces nouveaux membres renforcera la sécurité pour tous dans la zone euro-atlantique et nous aidera à atteindre notre objectif commun d'une Europe entière et libre, unie dans la paix et par des valeurs communes. L'OTAN restera ouverte aux démocraties européennes désireuses et capables d'assumer les responsabilités et les obligations liées au statut de membre conformément à l'article 10 du Traité de Washington. »

A la suite de cette invitation officielle, de décembre 2002 à mars 2003, une série de réunions a eu lieu entre l'OTAN et chacun des pays invités afin d'examiner et de confirmer officiellement leur volonté et leur capacité de respecter les obligations et engagements politiques, juridiques et militaires liés au statut de membre de l'OTAN.

Le 26 mars 2003, les ambassadeurs auprès de l'OTAN et les représentants des pays candidats ont signé les protocoles additionnels au Traité de l'Atlantique Nord qui, une fois ratifiés par les dix-neuf Etats membres de l'OTAN, permettront aux Etats invités de devenir parties au Traité et membres de l'OTAN. Les nouveaux membres devraient rejoindre l'Alliance dès la conclusion des procédures de ratification, sans attendre le prochain sommet de l'OTAN qui se tiendra à Istanbul en mai 2004.

Sur les dix-neuf Etats membres de l'OTAN, seuls l'Espagne, la France et les Pays-Bas n'ont pas encore ratifié les protocoles d'accession.

Lorsque la procédure d'adhésion aura été menée à son terme, les sept deviendront des Etats membres à part entière de l'OTAN, soumis aux mêmes obligations et bénéficiant des mêmes garanties, tout particulièrement celles de défense collective offertes par l'Alliance (article 5 du Traité de l'Atlantique Nord).

2. Une étape supplémentaire de l'extension de l'OTAN

Les possibilités d'extension de l'OTAN ont été utilisées à de nombreuses reprises (Grèce et Turquie en 1952, République fédérale d'Allemagne en 1955 et Espagne en 1982). Depuis la fin du bloc soviétique, une première vague d'élargissement a eu lieu en 1999, avec l'adhésion de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque. L'adhésion de sept nouveaux Etats membres issus du Pacte de Varsovie, de l'ex-Union soviétique et de l'ex-Yougoslavie prolonge ce mouvement.

Lors du sommet de Prague, la candidature de la Croatie a été enregistrée en vue d'un élargissement ultérieur. Compte tenu de son état de préparation assez avancé et de sa volonté de rejoindre l'Alliance, exprimée dès 2001, la Croatie pourrait rejoindre l'OTAN à moyen terme. La perspective d'une intégration en 2006 a été évoquée.

Les candidatures de l'Albanie et de la Macédoine ont été écartées lors du sommet de Prague, tant en raison du faible avancement de la réforme de leurs structures militaires que de questions de stabilité politique.

A plus ou moins long terme, d'autres extensions sont envisageables. L'Azerbaïdjan et la Géorgie, membres du partenariat pour la paix, ont exprimé leur souhait de rejoindre l'Alliance, à terme, et souhaitent bénéficier de dispositifs de coopération renforcés pour se mettre à niveau en vue de l'intégration. L'Ukraine a exprimé son souhait de devenir membre de l'OTAN début 2002, mais la dégradation de la situation politique intérieure a conduit les Alliés à reconnaître sa vocation à rejoindre l'Alliance sans toutefois s'engager sur un calendrier. Ils devraient réévaluer la situation, en particulier l'opportunité de faire accéder l'Ukraine au plan d'action pour l'adhésion, après l'élection présidentielle de 2004. Enfin, pour l'instant, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie-Monténégro sont seulement formellement candidates au partenariat pour la paix et ont évoqué leur intention de rejoindre l'Alliance, avec prudence et conditionnalité.

La France a fait de l'élargissement de l'OTAN aux pays d'Europe centrale et orientale une priorité politique au cours des années 1990, afin d'éviter la création de nouvelles lignes de fractures sur le continent européen. Elle avait souhaité un élargissement ambitieux de l'Alliance lors du sommet de Madrid en 1997 et a soutenu dès cette date l'entrée de la Roumanie et de la Slovénie dans l'Alliance. Par ailleurs, la France a directement œuvré à la préparation militaire des sept candidats par le biais de programmes de coopération militaire spécialement adaptés à leurs besoins.

De plus, pour les pays baltes, la Slovaquie et la Slovénie, l'élargissement de l'OTAN coïncide avec le prochain élargissement de l'Union européenne. La Roumanie et la Bulgarie sont candidates pour une adhésion ultérieure à l'Union européenne. Ces deux engagements, européen et dans l'Alliance atlantique, apparaissent compatibles et complémentaires.

3. Un élargissement préparé

La préparation des nouveaux Etats membres de l'OTAN a été assurée au travers du partenariat pour la paix (PpP), créé en 1994. Celui-ci s'inscrit dans le cadre plus général du « partenariat euro-atlantique », visant à conforter la stabilité dans cette zone et à réduire les risques de conflit. Principalement consacré à la coopération en matière de défense, le partenariat pour la paix en constitue le volet opérationnel. Trente pays ont rejoint le PpP, dont les trois Etats ayant bénéficié du précédent élargissement et les sept candidats actuels (depuis 1994).

Le PpP a pour enjeu principal d'accroître la capacité des pays membres et partenaires à agir de concert. Il met en place une série de mécanismes en vue d'aider les pays partenaires à mettre sur pieds des forces capables d'opérer avec celles de l'OTAN lors d'opérations conjointes.

Les pays candidats ont participé aux trois instruments de coopération proposés par l'OTAN dans le cadre du PpP.

Le programme de travail du partenariat (PWP) regroupe l'ensemble des activités proposées par les organismes de l'OTAN ou par les pays membres du partenariat, lesquelles couvrent vingt-quatre domaines. Comme les autres pays partenaires, les sept pays candidats ont choisi chaque année de participer à certaines activités, en fonction de leurs besoins propres de spécialisation, mais aussi de priorités définies par l'Alliance dans la perspective de l'adhésion, en particulier dans six domaines (défense aérienne ; contrôle de l'espace aérien ; logistique ; formation linguistique ; système de commandement, contrôle, communication et information ; formation, entraînement et doctrine).

Le processus de planification et d'examen (PARP) vise d'une part l'amélioration de la transparence de la planification de défense et, d'autre part, la coopération des forces des partenaires avec celles de l'Alliance. Le PARP implique la formulation d'objectifs de planification évalués tous les deux ans. En tant que pays invités, les sept pays de l'actuel élargissement ont été soumis à un cycle d'examen annuel de leur PARP et ont dû formuler des objectifs de planification plus exigeants que les autres pays partenaires. Tous les enseignements tirés du PARP ont été intégrés dans les plans d'action pour l'adhésion.

Le plan d'action pour l'adhésion (MAP) constitue le cadre de coopération le plus complet et le plus approfondi. Ses principales caractéristiques sont les suivantes :

- soumission par les pays candidats de programmes nationaux annuels individuels de préparation à une éventuelle adhésion, portant sur les questions politiques et économiques, les questions militaires et de défense, les questions de ressources, les questions de sécurité et les questions juridiques ;

- mécanisme de retour d'information sur les progrès réalisés par les pays candidats, comprenant la fourniture de conseils d'ordre politique et technique ainsi que la tenue de réunions annuelles au niveau du Conseil afin d'évaluer les progrès ;

- centre d'échanges destinés à faciliter la coordination de l'aide fournie par l'OTAN et ses Etats membres aux pays candidats dans le domaine militaire de la défense ;

- formule de planification de la défense applicable aux pays candidats, prévoyant l'élaboration et l'examen d'objectifs de planification agréés.

Outre les sept pays invités, l'Albanie et la Macédoine participent au MAP.

Les critères retenus pour l'adhésion portent tout d'abord sur des questions politiques (règlement pacifique des conflits ; respect des règles de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe concernant le traitement des minorités nationales ; respect des principes de base du Traité de Washington que sont la démocratie, la liberté individuelle et l'Etat de droit), juridiques (nécessité pour les pays candidats de veiller à ce que les dispositions juridiques et accords régissant la coopération au sein de l'OTAN soient compatibles avec leur propre législation) et de sécurité (nécessité pour les pays candidats de veiller à l'instauration de procédures garantissant la sécurité des informations sensibles). Ces critères concernent également les questions militaires et de défense, tout particulièrement la capacité des pays de contribuer à la défense collective et aux nouvelles missions de l'Alliance. Enfin, les questions financières portent sur la nécessité pour tout pays candidat de consacrer à la défense suffisamment de ressources pour lui permettre de remplir les obligations qu'imposeraient à de futurs membres les engagements collectifs de l'OTAN.

Ce sont ces deux derniers critères qui seront davantage détaillés dans le présent rapport pour avis, en étudiant notamment l'état d'avancement des réformes menées par les sept futurs membres de l'OTAN.

II. - DES ETATS AUX SITUATIONS HÉTÉROGÈNES, MAIS PARTICIPANT DÉJÀ À DES OPÉRATIONS MILITAIRES EXTÉRIEURES

Le précédent élargissement de l'OTAN concernait trois Etats présentant une certaine homogénéité quant à leurs niveaux de vie, leurs capacités militaires et leur proximité géographique. Tel n'est pas le cas de l'élargissement actuel, qui comprend des pays très différents par la taille, l'implantation géographique et les capacités économiques et militaires. En revanche, ces derniers sont sans doute davantage préparés que leurs prédécesseurs immédiats à participer aux actions de l'OTAN dès leur adhésion, comme en témoignent leurs nombreuses participations à des opérations militaires extérieures.

1. Le poids relatif des nouveaux membres

Parmi les sept nouveaux membres, une première distinction peut être opérée selon l'importance de la population entre, d'une part, les pays baltes et la Slovénie et, d'autre part, la Slovaquie, la Bulgarie et surtout la Roumanie, plus peuplés.

Le tableau ci-après détaille un certain nombre de caractéristiques des Etats candidats.

Principaux indicateurs concernant les futurs Etats membres de l'OTAN

Bulgarie

Estonie

Lettonie

Lituanie

Roumanie

Slovaquie

Slovénie

Population (a)

7 537 929

1 408 556

2 406 000 (b)

3 592 561

22 271 839

5 430 033

1 935 677

PIB en 2000 (c)

46 630

13 780

16 711

26 257

144 098

60 735

34 526

PIB par habitant en 2000 (d)

5 710

10 066

7 045

7 106

6 423

11 243

17 367

Dépenses de défense en  % du PIB (a)

2,7 (b)

2,00

2,00

1,97

2,5 (b)

1,83

1,55

Dont : dépenses en capital

n.d.

0,72

0,60

0,53

n.d.

0,34

0,30

Effectifs militaires (b)

51 000

5 510

4 880

12 700

97 200

22 000

6 650

dont : (conscrits)

(49 000)

(1 310)

(1 600)

(4 700)

(29 600)

(3 500)

(1 200)

dont : armée de terre

25 000

2 250

4 000

7 950

66 000

13 700

6 550

marine

4 370

440

620

650

7 200

-

7

aviation

13 100

220

250

1 150

14 000

7 000

530

a) Estimation 2003.

b) En 2003.

c) En millions de dollars parité de pouvoir d'achat.

d) En dollars parité de pouvoir d'achat.

Sources : encyclopédie Encarta ; ECODEF n° 30, novembre 2003 ; L'état du monde 2003 ; ministère des affaires étrangères.

En termes de richesse par habitant, la Slovénie arrive largement en tête, suivie par la Slovaquie et les pays baltes. La Roumanie et la Bulgarie, si elles sont les deux futurs membres les plus peuplés, apparaissent aussi comme les plus pauvres.

En ce qui concerne les budgets de défense, les disparités sont également importantes. Si des Etats comme la Bulgarie et la Roumanie y ont consacré respectivement 2,7 % et 2,5 % de leur PIB en 2003, les Etats baltes ont dépensé de l'ordre de 2 %, tandis que les crédits militaires de la Slovénie ont atteint seulement 1,55 % de son PIB. Ces chiffres doivent toutefois être comparés à l'ensemble des dépenses de défense de l'Union européenne à vingt-cinq, qui s'élève à seulement 1,63 % du PIB. Les ressources consacrées aux forces armées sont donc loin d'être négligeables, notamment si on prend en considération le contexte économique difficile de pays comme la Roumanie et la Bulgarie.

Enfin, la taille des outils de défense est particulièrement variable. Si l'on prend en compte l'ensemble des effectifs militaires en 2003, trois Etats disposent d'armées aux effectifs importants : la Slovaquie (22 000 hommes), la Bulgarie (51 000 hommes) et la Roumanie (97 200 hommes). Les armées des autres Etats sont d'une taille bien plus modeste, allant de 12 700 hommes en Lituanie à 4 880 hommes en Lettonie.

2. De nombreuses participations à des opérations multinationales

Les sept pays invités sont engagés dans de nombreuses opérations extérieures.

Ils participent tout d'abord dans les Balkans aux opérations sous commandement de l'OTAN déployées depuis 1996 (force de stabilisation en Bosnie-Herzégovine - SFOR - et force de stabilisation au Kosovo - KFOR -) et à la force internationale d'assistance à la sécurité de l'Afghanistan (FIAS) (1).

Les pays invités participent à la force internationale de stabilisation en Irak, sauf la Slovénie, qui étudie cependant actuellement les modalités d'une contribution. Les forces des pays candidats en Irak sont placées dans les secteurs sous commandement polonais (Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie) ou britannique (Estonie, Roumanie).

Tous jouent également un rôle dans certaines opérations de l'Union européenne menées en 2003 (mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine - MPUE -, opérations Concordia et Proxima en Macédoine) et des Nations Unies, mais dans des proportions beaucoup plus réduites. Comme l'indique le tableau ci-après, l'essentiel des effectifs déployés concerne les opérations en Irak.

Effectif des forces armées des sept pays invités,

participant à des opérations extérieures depuis 2000
(hors opérations des Nations unies)

OTAN

Force internationale

Liberté immuable

Union européenne

SFOR

KFOR

FIAS

de stabilisation en Irak (2003)

(commandement américain)

(2003)

Bulgarie

183 2003

41 2003

49 2003

480

4

Estonie

46 2001

46

3

2 2002

23 2003

8 2003

(déploiement approuvé par le Parlement estonien)

Lettonie

40 2000

300

5

97 2001

10 2001

(opération financée par les Etats-Unis

97 2002

15 2002

avec un complément national)

1 2003

7 2003

8 2003

Lituanie

30 2001

50

4

95 2002

29 2002

90 2003

2 2003

(missions de soutien logistique et médical)

Roumanie

150 1999

700

475 2002

10

122 2001

418 2003

221 2002

48 2002

(missions de recherches,

111 2003

114 2003

33 2003

surveillance des points stratégiques et des communications)

Slovaquie

40 2001

300

40 2003

6

24 2003

96 2003

(équipe de démineurs notamment)

Slovénie

78 2001

(à l'étude :

8

6 2002

participation humanitaire ;

142 2003

13 2003

envoi d'éléments de police militaire)

Source : ministère des affaires étrangères.

Ces déploiements témoignent d'une volonté active de participation aux opérations menées dans des cadres multinationaux. Ils permettent aux armées des futurs membres un apprentissage des procédures et du fonctionnement de ce type d'opérations, tout en contribuant à élever le niveau d'exigence en matière d'entraînement, de maîtrise des langues et d'interopérabilité. Il reste que les réformes des structures militaires des futurs membres sont toujours en cours et que la modernisation des matériels se heurte souvent à des contraintes budgétaires.

III. - LES STRATÉGIES DE RÉFORME ET D'ADAPTATION DE L'OUTIL MILITAIRE

Les armées de chacun des futurs membres sont en cours de réformes, les processus étant plus ou moins avancés. Toutefois, les objectifs et les difficultés ne sont pas identiques. On peut ainsi distinguer schématiquement entre, d'une part, les « petits » Etats, dont les armées se sont réorganisées rapidement, mais dont l'apport à l'OTAN en capacités supplémentaires sera limité et, d'autre part, les Etats au potentiel militaire plus conséquent, mais devant faire face aux lourdeurs héritées du passé soviétique.

1. Des réformes relativement aisées pour les armées de petite taille

● Les Etats baltes forment un ensemble homogène s'agissant du processus de réforme de leur outil de défense. Leurs armées sont très largement des armées nouvelles, créées pratiquement de toutes pièces après le retrait des troupes d'occupation soviétiques.

Pour des raisons politiques tenant à l'affirmation de l'identité nationale, l'Estonie a décidé de garder un système de conscription. Toutefois, les effectifs professionnels (4 200 hommes) bénéficient d'une attention plus soutenue en matière de formation et d'entraînement.

En revanche, la Lettonie et la Lituanie ont décidé de passer à une armée professionnelle. La Lituanie adopte progressivement ce système, avec pour objectif d'atteindre 8 000 professionnels et 2 000 conscrits en 2008 (contre 12 700 hommes en tout en 2003). La Lettonie a décidé en juillet 2003 de professionnaliser ses armées, la réforme devant aboutir en 2007. Le but poursuivi est de disposer de troupes mobiles, bien entraînées et rapidement déployables. Cette professionnalisation présente toutefois l'inconvénient d'un coût supplémentaire, mais la croissance économique des pays baltes est rapide et devrait contribuer à alléger le fardeau que peut représenter l'entrée dans l'OTAN.

En ce qui concerne les capacités militaires, ces pays tendent à se spécialiser.

L'Estonie a développé ses capacités en matière de déminage, qu'il s'agisse de sa marine ou d'unités de déminage terrestre, dont certains éléments ont été envoyés en Afghanistan. Elle cherche également à pouvoir fournir à l'OTAN des unités de petite taille, mais très spécialisées, dans des domaines tels que la logistique, les communications et les forces spéciales. En 2002-2003, la priorité pour l'équipement allait aux capacités de réaction rapide et à la surveillance aérienne. L'Estonie a pu doter sa brigade d'infanterie de systèmes de défense aérienne de courte portée et de systèmes de missiles anti-chars. Elle a installé 20 radars de surveillance côtière fin 2003. Dans son dernier plan d'action, l'Estonie a présenté un important programme d'acquisitions (véhicules, armement, équipement NBC, de surveillance et de communication, équipement du personnel et munitions). Les réformes en matière de sécurité de l'information classifiée, qui constituaient la principale lacune révélée par l'évaluation annuelle précédente, ont été menées à terme cette année, comme l'ont indiqué les résultats positifs de l'inspection menée par le bureau de sécurité de l'OTAN.

La Lettonie a également renforcé sa spécialisation sur le déminage maritime, qui constitue la seule composante de sa marine. Son principal objectif consiste dans la modernisation de son système de contrôle et de défense aérienne. A l'horizon 2006, elle souhaite renforcer et moderniser un bataillon d'infanterie motorisée capable d'être déployé dans le cadre d'opérations de l'OTAN. Des unités médicales de théâtre et de protection NBC doivent également pouvoir s'intégrer dans une opération de l'OTAN.

La Lituanie dispose elle aussi de capacités de déminage maritime. Son but est de pouvoir apporter en 2005 un bataillon d'infanterie mécanisée pleinement interopérable, suivi d'un second bataillon en 2008. Ils feront partie de la brigade de réaction, prévue pour être opérationnelle fin 2010. La Lituanie s'est dotée, avec l'aide des Etats-Unis, de missiles portatifs sol-air Stinger et anti-char Javelin, ainsi que des véhicules de reconnaissance Hummer. La marine lituanienne maintiendra en service deux frégates ex-soviétiques de type Grischa jusqu'en 2008. Les capacités de la marine en matière de surveillance côtière et de lutte anti-mines devraient être modernisées en 2004, notamment par l'acquisition de radars et de nouveaux équipements. La Lituanie souhaite également constituer une défense aérienne moderne pour mieux protéger son territoire et envisage l'acquisition, en commun avec ses voisins baltes, de douze aéronefs. Les autres prévisions d'acquisitions pour la période 2004-2009 concernent des systèmes de défense sol-air courte portée, des systèmes anti-chars moyenne et longue portée, des équipements tactiques de communication, des moyens de transports de personnel et de fret, des équipements logistiques et des équipements divers (matériels de protection NBC, de déminage, de vision nocturne, armes légères d'infanterie).

● La Slovénie constitue un cas à part, tant par sa situation géographique et historique qu'en raison de la faiblesse de son apport capacitaire à l'OTAN.

La réorganisation de l'armée slovène a été menée à bien : les échelons de commandements intermédiaires ont été supprimés et le système de conscription prend fin en 2004. Davantage qu'un outil destiné à la projection, la Slovénie souhaite maintenir une capacité solide de défense de son territoire. Le souvenir de la guerre défensive de neuf jours, menée avec succès contre l'armée fédérale yougoslave en 1991, reste présent. C'est donc une armée professionnalisée et resserrée qui rejoindra l'Alliance : les effectifs sont passés de 9 950 hommes en 1999 à 6 650 hommes en 2003.

Les officiers slovènes ont participé activement aux formations dispensées par l'Alliance et disposent d'un très bon niveau linguistique. La défense slovène s'est spécialisée dans le domaine de la protection civile, pour lequel elle dispose d'unités déployables sur les théâtres extérieurs et de centres de formation internationaux.

L'engagement actuel des forces slovènes porte sur une compagnie d'infanterie motorisée dans la SFOR. Après 2004, les forces mises à disposition de l'OTAN devraient représenter un bataillon d'infanterie, pour une durée de six mois, complété par un second bataillon d'infanterie d'ici à la fin 2006. Les objectifs de modernisation et d'acquisition de l'armée slovène devraient permettre dans les prochaines années de doter les bataillons motorisés de nouveaux véhicules (abandon progressif des blindés sur chenilles, nouveaux véhicules de combat et de transport), de systèmes anti-chars, d'équipements du génie et de nouvelles armes d'infanterie.

Toutefois, la capacité de projection des forces armées slovènes reste limitée, principalement en raison de la faiblesse des dépenses de défense (1,6 % du PNB en 2003) qui retarde la modernisation des équipements. Une augmentation graduelle de ces dernières à 2 % à l'horizon 2008 a été annoncée. De plus, la Slovénie ne dispose pas d'avions de combat, à l'exception de neuf appareils légers d'entraînement et d'attaque au sol Pilatus P-9.

2. L'adaptation plus difficile des armées de style soviétique

● La Slovaquie a choisi une professionnalisation graduelle des armées. La durée du service militaire va être dans un premier temps ramenée de neuf à six mois, la professionnalisation complète devant être effective en 2006. Cette réforme s'accompagne d'une nouvelle réduction des effectifs de défense, les coupes les plus importantes concernant les personnels civils et les officiers, près de la moitié de ces derniers devant partir en retraite anticipée. Les effectifs avaient déjà été fortement réduits, puisqu'ils sont passés de 45 450 hommes en 1999 à 22 000 hommes en 2003, soit une réduction de plus de 50 %.

La Slovaquie met à disposition de l'Alliance des compétences très spécialisées, déjà utilisées sur les théâtres d'opération, telles que le déminage contrôlé à distance, des unités de génie (reconstruction de pistes d'aéroports) et de protection NRBC (détection chimique). Dans les années qui viennent, la Slovaquie prévoit de fournir à l'OTAN, en matière terrestre, un groupe de soutien logistique, un bataillon multifonctionnel de réserve et un bataillon de maintenance, tous les deux opérationnels dès 2004 et pleinement déployables en 2007, deux bataillons de transport, une compagnie de construction de génie (maintenance et réparation d'aérodromes) et un bataillon NBC (pleinement opérationnel en 2007). L'établissement d'un hôpital de campagne multifonctionnel est également à l'étude. En matière aérienne, des incertitudes pèsent sur la mise à disposition de quatre hélicoptères Mi-24, d'un centre de contrôle tactique, de radars et d'une batterie anti-aérienne.

Les ressources affectées aux dépenses de défense (1,83 % du PIB en 2003) restent trop limitées pour permettre à la fois la professionnalisation et la modernisation des matériels. Ainsi, la modernisation d'une partie de la flotte de Mig 29, qui doivent atteindre normalement la fin de leur durée de vie en 2004, est nécessaire pour prolonger leur service jusqu'en 2010 et maintenir une capacité autonome de défense aérienne. Il en est de même pour la flotte vieillissante d'hélicoptères. Ces questions n'ont pour l'instant pas été tranchées.

● La restructuration de l'armée bulgare a progressé de façon significative. Ses effectifs ont été nettement réduits (101 500 hommes en 1999 ; 51 000 hommes en 2003) et devraient atteindre 45 000 hommes en 2004, avec une capacité totale de 100 000 hommes en cas de mobilisation. La réduction du format a permis d'aligner le taux d'encadrement sur les standards de l'OTAN. L'armée reste presque complètement composée de conscrits, mais la professionnalisation se poursuit et devrait être achevée en 2007. Les forces déployables en opérations extérieures représentent seulement 12 à 15 % des effectifs et l'objectif est d'accroître cette part.

Les dépenses militaires sont importantes (2,6 % du PIB en 2003) au regard de l'économie du pays et la part des dépenses d'équipement augmente. Le gouvernement bulgare a ainsi annoncé en 2003 un plan de modernisation visant l'ensemble des composantes de l'outil militaire et devant permettre d'atteindre l'interopérabilité avec les forces de l'OTAN. Ce plan devrait représenter 700 millions de dollars d'ici à 2007 et concerner six priorités. Il est ainsi prévu une modernisation d'une partie de la flotte d'hélicoptères Mi-17 et Mi-24, afin d'étendre leur durée de service jusqu'en 2015. Un projet de construction en coopération de six corvettes multirôles est en cours d'étude. La modernisation des systèmes de communication et de contrôle aérien est prévue, de même que l'alignement de la base aérienne Graf Ignatievo sur les standards de l'OTAN et de l'Organisation de l'aviation civile internationale. Enfin, le programme de réparation et de remise à niveau d'une partie de la flotte de chasseurs Mig 29 a pris du retard.

Dès son adhésion, la Bulgarie mettra notamment à disposition de l'Alliance une brigade d'infanterie mécanisée, un bataillon NBC, une compagnie d'approvisionnement, une compagnie de génie, une compagnie de franchissement (ponts flottants) et un groupe destiné aux « opérations spéciales ». A terme, la Bulgarie prévoit également de mettre à disposition de l'Alliance un poste de commandement divisionnaire, une compagnie de transport terrestre, une unité de police militaire et une unité de génie de l'air. Ces moyens terrestres devraient être complétés par deux hélicoptères de transport, quatre avions et quatre hélicoptères de combat, ainsi que, sur le plan maritime, par une corvette et un bateau anti-mines.

Malgré ces efforts, la Bulgarie ne sera réellement interopérable avec les troupes de l'Alliance sur toutes les opérations qu'à un horizon de dix ans. La modernisation devra donc se poursuivre dans le cadre de l'Alliance.

On notera que le problème de la protection rigoureuse des documents classifiés de l'OTAN reste entier, en dépit de nombreuses missions d'experts de l'OTAN au sein des services de sécurité bulgares.

La Bulgarie a achevé la destruction de ses missiles SS-23, Scud et Frog. Elle a réduit de 63 % le nombre de ses blindés et de 50 % celui de ses avions de combat. La question de l'élimination des importants stocks d'armes restantes et de munitions obsolètes issues de l'ex-Pacte de Varsovie reste pendante. Leur stockage sécurisé et leur destruction imposeront des coûts importants qui pèseront sur la modernisation des forces. Le problème se pose d'ailleurs pratiquement dans les mêmes termes pour la Roumanie.

● Au cours des quatre cycles de réforme auxquels elle a participé dans le cadre du MAP, la Roumanie a procédé à une profonde réorganisation de ses forces armées.

La professionnalisation se poursuit et les effectifs sont toujours en cours de réduction. Au nombre de 219 650 en 1999, ils s'élèvent actuellement à 97 200 hommes et devraient être ramenés à 75 000 hommes à l'horizon 2007. Pour l'instant, seules quelques unités terrestres d'élite sont interopérables et participent aux opérations extérieures. Le niveau de formation moyen reste insuffisant. L'entraînement et la formation devront être significativement accrus pour atteindre les standards de l'OTAN.

En ce qui concerne les capacités apportées à l'OTAN, la Roumanie est la seule parmi les nouveaux membres à disposer d'une flotte aérienne de transport stratégique (quatre Hercules C-130B). Ces derniers ont contribué à l'acheminement et au soutien des forces en Afghanistan et en Irak. Dès 2004, la Roumanie devrait être en mesure d'apporter à l'Alliance une contribution formée notamment d'une brigade mécanisée, d'une brigade de montagne, d'un bataillon de transport terrestre, d'un bataillon NBC, d'une compagnie de génie, d'une compagnie de forces spéciales et d'une batterie de drones. D'ici 2012, devrait s'y ajouter une division d'infanterie. En matière aérienne, elle fournira un escadron d'avions (douze Mig 21) pour les attaques au sol, quatre Mig 21 pour la défense aérienne, trois hélicoptères de combat, deux hélicoptères d'évacuation médicale, quatre hélicoptères de transport et deux unités anti-aériennes. Les systèmes de communication et de contrôle de l'espace aérien sont en cours de modernisation. Le nouveau système doit être terminé en 2004 et sera interopérable et intégré avec le système de l'OTAN.

Les dépenses militaires restent conséquentes (2,4 % du PIB en 2003), mais comprennent également le financement des opérations extérieures, qui représentent un coût important.

Comme la Bulgarie, la Roumanie manque de moyens financiers pour renouveler sa flotte aérienne et se concentre sur une remise à niveau et une prolongation de la durée de vie des appareils déjà en service. Cent Mig 21 ont été modernisés en partenariat avec une société israélienne, ce qui a attiré des critiques de la part de l'OTAN, cette dernière jugeant le nombre d'appareils concernés trop important au regard des besoins réels. Le nombre d'heures de vol des pilotes est très en dessous des normes de l'OTAN. En ce qui concerne la marine, la Roumanie a acheté deux anciennes frégates de la Royal Navy en janvier 2003 (les ex-Coventry et London) pour un coût de 192 millions de dollars. Les bâtiments sont en cours de rénovation et recevront leur armement spécialisé (missiles sol-air et torpilles) en 2007. Enfin, en matière de capacités terrestres, la structure actuelle des unités d'active, professionnalisées à plus de 80 %, comprend six brigades de combat, trois brigades d'appui et une brigade logistique. Il est prévu de supprimer au moins l'une des plus lourdes brigades à l'horizon 2007, afin de disposer de forces plus légères et plus mobiles. Un programme visant à moderniser et à augmenter la puissance de feu de 180 véhicules blindés de combat d'infanterie est prévu, pour un coût total de 290 millions de dollars.

L'ampleur de la tâche de modernisation des équipements est grande, tant pour disposer d'une force plus mobile et mieux équipée que pour remettre à niveau les bases militaires.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

1. Audition de M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, au cours d'une réunion conjointe avec la commission des affaires étrangères, le mardi 20 janvier 2004.

M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères, a remercié le ministre des affaires étrangères de venir présenter devant les deux commissions intéressées le projet de loi relatif à l'élargissement de l'OTAN, qui sera examiné par l'Assemblée nationale le 29 janvier prochain. Il a précisé que cette audition permettrait également d'évoquer d'autres questions d'actualité.

M. Dominique de Villepin a souligné que la fin de l'affrontement bipolaire aurait pu entraîner la dissolution de l'OTAN. L'Alliance a cependant réussi à conserver sa pertinence, en relevant le triple défi de l'élargissement, de l'adaptation aux nouvelles menaces et de la réforme de ses structures.

En premier lieu, l'élargissement de l'OTAN permettra de contribuer au renforcement de la sécurité et de la stabilité du continent européen : les pays candidats ont, dans le cadre de leur préparation à l'adhésion, conduit d'importantes réformes de leurs outils de défense, par la restructuration de leurs forces et la modernisation de leurs équipements. Les processus simultanés d'adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN ont joué un rôle complémentaire, ces deux organisations ayant demandé aux candidats de s'engager à respecter l'ensemble des principes démocratiques fondamentaux. Les pays candidats ont également procédé au règlement de leurs problèmes frontaliers. Enfin, les Alliés ont veillé à ce que l'élargissement de l'OTAN n'aboutisse pas à créer une nouvelle ligne de fracture en Europe, en particulier à l'égard de la Russie. Aussi, un acte fondateur entre l'Alliance et la Russie a-t-il posé les bases d'un partenariat stratégique avec Moscou. Dans ce cadre, les Alliés ont pris des engagements de retenue, tels que le non-déploiement d'armes et de dépôts nucléaires et la limitation des stationnements permanents de l'Alliance sur le territoire des nouveaux membres. Les relations entre l'OTAN et la Russie, gelées lors de la crise du Kosovo, ont repris en 2001 et un nouveau cadre a été mis en place au sommet de Rome, en mai 2002. Le Conseil OTAN-Russie, auquel la Russie participe comme membre à part entière avec les Alliés, met ainsi en œuvre une coopération approfondie dans des domaines à la fois politiques et techniques, ce qui a permis de renforcer la confiance entre l'Alliance et la Russie sans que l'élargissement de l'OTAN décidé à Prague ne crée de difficulté.

L'OTAN a été amenée à définir de nouveaux modes d'action en raison de l'évolution du contexte stratégique, aujourd'hui marqué par le développement de foyers de crises à la périphérie de la zone euro-atlantique ainsi que par l'apparition des nouvelles menaces que sont la prolifération des armes de destruction massive et le terrorisme. Face à ces évolutions majeures, l'Alliance a été conduite à sortir du champ traditionnel de la défense collective pour s'engager dans la gestion des crises. Les Alliés sont ainsi intervenus en Bosnie et au Kosovo pour imposer la paix, puis pour garantir son maintien.

Cette évolution des missions de l'OTAN a été entérinée par l'adoption, au sommet de Washington en 1999, d'un nouveau concept stratégique qui a affirmé la vocation de l'Alliance à contribuer à la gestion des crises, dans le respect de la Charte des Nations unies, afin de renforcer la sécurité et la stabilité de la région euro-atlantique. Les événements du 11 septembre 2001 ont accéléré cette évolution en entraînant trois conséquences pour l'Alliance. D'un point de vue symbolique, l'activation par les Alliés de l'article 5 du traité de Washington a permis d'affirmer la solidarité avec les Etats-Unis en assimilant l'acte terroriste à une attaque armée. Sur un plan technique, l'OTAN a engagé des travaux pour permettre à l'outil militaire d'apporter une contribution plus efficace à la lutte contre le terrorisme. Enfin, d'un point de vue politique, l'OTAN a été amenée à s'engager sur de nouveaux théâtres de crises éloignés, menaçant la sécurité et la stabilité de la région euro-atlantique : elle est intervenue en Afghanistan, en prenant le commandement de la force internationale d'assistance à la sécurité de l'Afghanistan (FIAS), et en Irak, en apportant un soutien technique à la Pologne.

L'Alliance s'est dotée de structures plus souples et plus réactives, en procédant à la réforme de la structure de commandement de l'OTAN et à la création d'une nouvelle force de réaction rapide (NRF), visant à fournir une capacité de déploiement immédiat sur un théâtre, avant d'être relayée par d'autres unités.

La France a apporté une contribution essentielle à ce mouvement de rénovation, en conformité avec sa place au sein de l'Alliance. Elle est l'un des premiers contributeurs aux opérations de l'OTAN, avec près de 5 000 hommes engagés dans les forces de stabilisation en Bosnie (SFOR) et au Kosovo (KFOR) et dans la FIAS en Afghanistan. Elle fournit également près du quart des moyens des premières rotations de la NRF et souhaite encourager la transformation de l'Alliance, afin que celle-ci dispose de capacités militaires plus réactives et mieux adaptées au nouveau contexte de sécurité.

Cet engagement se fait dans le respect de nos principes : la France veille en effet au maintien du contrôle politique exercé par le Conseil atlantique sur les engagements de l'Alliance. Si celle-ci doit pouvoir réagir rapidement face à des situations de crise, une telle réactivité ne signifie pas l'automaticité de notre engagement. Les Alliés, au sein du Conseil, doivent être en mesure de s'assurer du cadre de l'intervention, notamment de la conformité aux principes de la Charte des Nations unies et de l'adéquation des moyens militaires aux objectifs politiques. La France conserve sa position spécifique à l'égard de la structure militaire de l'Alliance : sa participation à la NRF n'a pas modifié le statut de ses forces, qui restent sous commandement national tant que cette dernière n'est pas activée.

L'élargissement et la transformation de l'OTAN sont pleinement compatibles avec la mise en place de l'Europe de la défense. L'Alliance et l'Union européenne ont en effet établi un partenariat stratégique pour la gestion des crises, se traduisant par la mise en place d'un dispositif de coopération entre les deux organisations, désormais opérationnel. La finalisation en décembre 2002 des accords dits de « Berlin plus », pour la mise à disposition de moyens de l'OTAN au profit de l'Union européenne, a permis le déploiement de l'opération Concordia en Macédoine, première intervention militaire de l'Union européenne. L'Union a par ailleurs exprimé sa disponibilité à assurer la relève de l'opération de l'OTAN en Bosnie et le volet militaire de cette nouvelle mission de l'Union européenne devra également être organisé dans le cadre des accords Berlin plus.

Ces opérations illustrent le caractère complémentaire des activités de l'OTAN et de l'Union européenne. Il ne doit pas y avoir concurrence entre les deux organisations, mais complémentarité des efforts de chacune selon sa vocation propre. L'Europe de la défense a réalisé en 2003 d'importants progrès, avec la mise sur pied de deux opérations militaires, en Macédoine, en recourant aux moyens de l'OTAN, et en République démocratique du Congo, de façon autonome. L'Union s'est également dotée d'une stratégie de sécurité, alors que la Convention sur l'avenir de l'Europe et la conférence intergouvernementale ont ouvert la voie à des innovations institutionnelles importantes, telles que les clauses de solidarité et de défense mutuelle et l'instauration d'une coopération structurée. Parallèlement, le Conseil européen a chargé la présidence irlandaise d'examiner les propositions visant à créer un noyau autonome de capacité de planification et de conduite d'opérations.

Ces différents progrès montrent que les efforts pour la transformation de l'OTAN n'empêchent pas la mise en place, par l'Union européenne, d'une politique européenne ambitieuse en matière de défense et de sécurité. Ces deux processus, comme les élargissements parallèles de l'OTAN et de l'Union européenne, doivent se compléter.

Cet enjeu est important pour la France, qui a soutenu activement à la fois l'élargissement de l'OTAN et celui de l'Union européenne. Les pays qui se préparent à entrer dans ces deux organisations accordent à chacune la même priorité et la France doit s'efforcer, avec eux, de continuer de faire en sorte que les activités de l'OTAN et de l'Union européenne en matière de sécurité et de défense se renforcent mutuellement.

M. Jacques Myard a rappelé que les fonctions attribuées à l'OTAN ont évolué au cours des dernières années, en passant de la défense collective, définie par l'article 5 du traité de Washington, à la gestion des crises, ce qui s'est traduit par des interventions de l'Alliance hors des frontières de ses Etats membres. Il est regrettable que cette évolution de grande ampleur n'ait pas fait l'objet d'un débat au sein du Parlement. Il a ensuite interrogé le ministre sur la compatibilité de l'Alliance avec la construction d'une Europe de la défense autonome, rappelant la doctrine du précédent secrétaire d'Etat américain, Mme Albright, qui avait clairement signifié à Berlin en 1996 que des forces européennes ne pourraient intervenir sur un théâtre donné qu'en accord avec l'OTAN et les Etats-Unis.

M. Jean-Michel Boucheron a souligné que l'Europe et les Etats-Unis agissaient conjointement dans nombre de conflits et que l'OTAN pouvait constituer un instrument d'influence pour les pays européens. Toutefois, s'il existe des redondances entre les structures de l'OTAN et celles de ses membres, ce n'est pas entre l'OTAN et les forces européennes, mais bien entre l'OTAN et les Etats-Unis, comme on l'a vu lors de la guerre du Kosovo. La question de la compatibilité des forces se pose désormais entre celles de l'OTAN et des Etats-Unis. Il est nécessaire que l'Europe, en sus de sa présence et de son action au sein de l'OTAN, dispose d'une capacité autonome d'action, comme l'ont souhaité la France, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg. A cet égard, la mise en place d'un dispositif de planification militaire autonome impose à l'Europe de définir ses principes d'action : en quoi l'Europe se différencie-t-elle des Etats-Unis quant à l'analyse de la menace ?

M. Dominique de Villepin a rappelé que la position de la France était régulièrement exposée et discutée au Parlement. Il convient de distinguer l'évolution de la doctrine stratégique de l'Alliance de l'engagement particulier de la France ; c'est ce dernier qui doit faire l'objet d'un débat parlementaire. L'Alliance a pour mission essentielle de répondre aux différentes menaces, dans le cadre d'un mandat de l'ONU ; ce fut le cas lors de son intervention en Afghanistan, mais aussi pour l'Irak, à l'issue des différentes résolutions adoptées au lendemain de la guerre. Le concept stratégique défini par l'Alliance met en avant la nécessité d'intervenir dans le cadre d'un mandat des Nations unies et ne présente pas d'incompatibilité avec la définition d'une défense européenne. Les propos de Mme Albright s'inscrivaient quant à eux dans un contexte particulier.

La définition par l'Europe d'un concept stratégique propre et d'une analyse des menaces a fait des progrès considérables, grâce aux travaux conduits par M. Javier Solana, Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Il est en effet indispensable que l'Europe dispose d'un concept stratégique propre, tenant compte de ses spécificités historiques et géographiques, telles que sa proximité avec le Proche et le Moyen-Orient. De plus, l'Europe a des obligations particulières, notamment en Afrique, comme l'illustre son opération en République démocratique du Congo : plusieurs Etats européens, emmenés par la France, se sont alors organisés pour intervenir dans cette zone troublée.

Les débats théoriques portant sur la mise en place d'une cellule européenne de planification et de conduite d'opérations et sur ses relations avec l'OTAN, qui disposerait ou non du droit d'exercer un premier refus d'engagement des forces européennes, n'ont en fait que peu de sens : en pratique, les zones pour lesquelles l'Alliance a vocation à intervenir apparaissent clairement, tout comme celles pour lesquelles c'est à l'Europe qu'il revient d'agir. A titre d'exemple, la situation explosive du Soudan, notamment sur le plan humanitaire, pourrait donner lieu à une réflexion commune, les relations entre les Nations unies, l'Europe et l'OTAN constituant un cadre incontournable. La réflexion que l'Europe a engagée sur la définition des menaces doit être poursuivie, afin de prendre en compte toutes les évolutions perceptibles. Les questions relatives à la prolifération, notamment chimique et nucléaire, et à la lutte contre le terrorisme évoluent très rapidement et imposent de mener une réflexion complète et adaptée, résultant d'une étroite concertation entre pays européens. En tout état de cause, il n'est pas question d'un droit de premier refus de l'OTAN sur l'Union européenne.

M. Loïc Bouvard a demandé où en étaient les négociations menées avec les Américains pour que la France soit représentée au nouveau commandement pour la transformation de l'Alliance (ACT), basé à Norfolk.

M. Dominique de Villepin a répondu que la France était le deuxième contributeur de l'OTAN par le nombre de militaires mis à la disposition de l'Alliance et qu'à ce titre elle entendait obtenir un poste d'officier général dans le commandement opérationnel (ACO) et un autre dans l'ACT. Des négociations sont en cours sur ces points avec le secrétaire général de l'OTAN.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, a rappelé que le Conseil européen de Bruxelles des 12 et 13 décembre 2003 avait abouti à plusieurs sujets de satisfaction : l'Union européenne a adopté le document relatif à la stratégie de sécurité européenne présenté par M. Javier Solana ; la mise en place d'une capacité de planification et de conduite des opérations, embryon d'état-major européen a été décidée ; la création d'une agence européenne de l'armement a été approuvée. L'adhésion du Royaume-Uni à ces décisions est également un motif de satisfaction. La question de la direction de l'Agence est aujourd'hui posée. La France et le Royaume-Uni ayant chacun un candidat, comment sera assuré l'arbitrage ?

M. Dominique de Villepin a indiqué que la France et le Royaume-Uni sont deux pays qui réalisent d'importants efforts dans le domaine de la défense et que tous deux ont légitimement vocation à être représentés à la tête de cette agence. La solution sera trouvée par consensus, car se diviser sur un tel sujet serait la pire des hypothèses.

M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères, a noté que la position française au regard des missions de l'OTAN et de ses interventions hors de sa zone traditionnelle semblait consister à ne pas en donner préalablement une définition précise et systématique et a souhaité que le ministre donne confirmation sur ce point.

Il a demandé si la position de la France au sein de l'OTAN depuis une dizaine d'années, caractérisée par une présence dans une partie seulement de ses organismes, était compatible avec l'extension de la zone d'intervention de l'Alliance.

Relevant l'extraordinaire complexité et l'imbrication des structures - qu'elles soient européennes ou atlantiques - qui interviennent dans le domaine de la défense en Europe, il a enfin demandé si l'influence de la France auprès de ses partenaires serait suffisante pour que l'Union européenne affirme son rôle dans le domaine de la défense, sur un pied d'égalité avec les Etats-Unis, ce qui conduirait à une plus grande clarté dans la répartition des rôles et l'usage des moyens.

M. Dominique de Villepin a confirmé qu'à la différence des missions défensives, les missions régionales de l'OTAN devaient être appréciées au cas par cas, en fonction des circonstances, chaque situation étant un cas d'espèce. Dans le cadre de l'intervention en Irak, l'OTAN n'apporte pour l'instant qu'un soutien logistique au contingent polonais. Une implication plus forte pourrait certes simplifier la tâche des forces de la coalition menée par les Etats-Unis, mais elle risquerait d'apparaître comme une intervention massive des pays occidentaux au Moyen-Orient, avec des conséquences potentiellement lourdes en matière de terrorisme et de violence.

La position de la France au sein de l'OTAN est singulière, puisque notre pays participe au processus décisionnel par le biais du Conseil atlantique de sécurité, tout en conservant son autonomie. Pour autant, il n'y a pas lieu de remettre en cause ce positionnement qui donne toute satisfaction et qui ne nous a pas empêchés de nous retrouver sur la même position que l'Allemagne. L'extension des missions de l'OTAN et l'éventuelle participation de la France à ces missions relèvent d'une décision spécifiquement politique et non militaire.

La France a fortement contribué aux réformes de structure de l'OTAN, en recherchant une plus grande rapidité et une meilleure clarté des décisions. Malgré ces évolutions, l'Alliance atlantique reste une structure complexe qui rassemble des états d'esprits différents. L'usage et l'expérience des différents théâtres d'opération permettent d'avancer vers une simplification des procédures et une réponse spécifique à chaque mission. Déjà, sur le terrain, on assiste à une évolution plus rapide que par le passé et l'OTAN fait preuve de davantage de souplesse et d'adaptabilité. Une réflexion sur l'acquis des expériences est indispensable.

M. Joël Hart a attiré l'attention sur la différence qui peut exister entre la réalité et la perception que peuvent en avoir certains Etats. Ainsi, en Macédoine, le gouvernement n'était pas loin de regretter le transfert de commandement de l'OTAN à l'Union européenne. De la même manière, en Irak, la perception par la population de l'action menée par les Américains peut sembler très éloignée de la réalité de la situation.

M. Dominique de Villepin a reconnu la situation spécifique de pays qui entendent se rapprocher à la fois de l'Union européenne et de l'OTAN. L'exigence de sécurité de ces pays, malmenés par l'histoire, est forte. Or, dans la symbolique, l'OTAN représente davantage la protection que l'Union européenne, mais la perception évolue vite, notamment pour les pays qui vont entrer prochainement dans l'Union européenne. L'Europe peut apporter des solutions concrètes aux problèmes du quotidien, alors que l'OTAN est une structure beaucoup plus distante et difficile à appréhender.

2. Examen du rapport pour avis

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Richard Mallié, le projet de loi (n° 1107) autorisant la ratification des protocoles au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Bulgarie, de la République d'Estonie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la Roumanie, de la République slovaque et de la République de Slovénie, au cours de sa réunion du mercredi 14 janvier 2004.

Après l'exposé du rapporteur pour avis, M. Michel Voisin a relevé les différences existant aussi bien en matière d'effectifs que d'équipement entre les armées des pays baltes et de la Slovénie, d'une part, et celles de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Slovaquie d'autre part. Les premiers de ces Etats doivent bâtir de toutes pièces une armée, tandis que les autres sont engagés dans un mouvement de réduction d'effectifs et de mise à niveau des infrastructures. Par ailleurs, compte tenu des contraintes économiques et budgétaires pesant sur ces pays, on peut se demander si ces efforts seront réellement accomplis et si les nouveaux Etats membres ne se borneront pas à des adaptations a minima.

Le président Guy Teissier a précisé que les Etats baltes et la Slovénie, devenus indépendants seulement au début des années 90, ont dû créer de toutes pièces des forces armées en moins d'une décennie, ce qui explique la faiblesse des moyens. À l'opposé, la Bulgarie, la Roumanie et la Slovaquie ont pu s'appuyer sur des armées pléthoriques issues du pacte de Varsovie, mais dotées d'équipements obsolètes.

M. Richard Mallié, rapporteur pour avis, a indiqué qu'une dizaine d'années serait probablement nécessaire pour que toutes ces armées atteignent pleinement les standards de l'OTAN, mais que, compte tenu de leur histoire mouvementée, tous les pays candidats étaient désireux d'entrer au plus vite dans l'Alliance afin de bénéficier de sa protection.

Suivant les conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

En conséquence, la commission de la défense nationale et des forces armées demande à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi n° 1107.

ANNEXE : CARTE DE L'ÉLARGISSEMENT DE L'OTAN EN EUROPE

Source : ministère des affaires étrangères.

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N° 1346 - Avis : Traité de l'Atlantique nord - accession de la Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie et Slovénie (M. Richard Mallié)

1 () À l'exception de la Slovaquie et de la Slovénie.


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