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le 28 mai 2004

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N° 1615

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mai 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord maritime entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam,

PAR M. JEAN-CLAUDE LEFORT,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 422 rectifié (2002-2003), 175 et T.A. 52 (2003-2004)

Assemblée nationale : 1415

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - UN CADRE JURIDIQUE STABLE 7

A - DES DISPOSITIONS TRADITIONNELLES 7

B - DES DISPOSITIONS ESSENTIELLES POUR LES ARMATEURS FRANÇAIS 8

C - DES DISPOSITIONS PARTICULIÈRES DEMANDÉES PAR LA FRANCE 9

II - LE RENFORCEMENT DE LA PRÉSENCE AU VIETNAM
      DES ENTREPRISES FRANÇAISES
11

A - AU NIVEAU MARITIME 11

B - AU NIVEAU PORTUAIRE 13

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de l'accord maritime entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam, signé à Paris le 23 mai 2000. Cet accord a donc été signé il y a quatre années maintenant, et votre Rapporteur ne peut que regretter ce long délai entre la signature du texte et sa présentation au Parlement, le présent projet de loi ayant été déposé sur le bureau du Sénat en juillet 2003. Renseignements pris, cette longue procédure résulte d'une interprétation divergente faite par différents services de l'Etat sur la nécessité d'une autorisation parlementaire en application de l'article 53 de la Constitution.

En dépit de ces lenteurs, cet accord a le mérite de combler le vide juridique qui caractérise actuellement les relations franco-vietnamienne en matière de commerce maritime en établissant un cadre juridique stable, moderne et adapté pour les opérateurs maritimes. En effet, le précédent accord négocié entre les gouvernements français et vietnamien et signé le 7 septembre 1978 n'était jamais entré en vigueur. En réalité il n'avait pas été suivi d'une mise en œuvre pratique par les acteurs économiques français et vietnamiens. La forme de cet accord était différente : il s'agissait d'un accord de réservation de trafic à parts égales, et les armateurs français et vietnamiens, pour des raisons diverses, n'avaient pas saisi l'opportunité qu'il représentait.

Après une présentation détaillée du contenu du présent accord, votre Rapporteur se propose de présenter les bénéfices que peuvent en attendre les entreprises françaises présentes au Vietnam.

I - UN CADRE JURIDIQUE STABLE

A - Des dispositions traditionnelles

L'article 1er est consacré aux définitions. Le présent accord est applicable aux navires de commerce et exclut de son champ d'application les navires militaires, tous les navires armés à la pêche spécialisés, les navires de recherche océanographiques, les voiliers de plaisance et les navires d'Etat employés à des fins non commerciales. Les autorités maritimes compétentes sont, pour la France, le ministère en charge des transports maritimes et, pour le Vietnam, le ministère des transports.

Aux termes de l'article 2, le présent accord se fonde sur la réciprocité des intérêts, la libre circulation, la liberté du commerce extérieur maritime et accorde le traitement de la nation la plus favorisée en matière portuaire aux navires d'une Partie contractante dans les ports de l'autre pays. Il permet aux navires de chaque Partie contractante d'effectuer librement des transports de passagers et de marchandises entre les ports des deux Parties contractantes, ainsi qu'entre ces ports et les ports d'Etats tiers. Il ne porte pas pour autant préjudice à l'activité des compagnies maritimes de pays tiers, dans la mesure où le texte prévoit expressément de ne pas limiter leurs droits.

L'article 3 préserve les engagements de chacune des Parties contractantes pris en raison d'autres accords bilatéraux ou multilatéraux, telle que la participation de la France à l'Union européenne et celle du Vietnam à l'Association des Nations du Sud-Est asiatique (ASEAN).

L'article 6 précise que le présent accord ne fait pas obstacle à la législation nationale concernant, par exemple, les privilèges accordés aux navires nationaux pour le transport de passagers et de marchandises sur les lignes intérieures, ou encore le droit de prendre des mesures de sécurité, de maintien de l'ordre, de défense nationale, de santé et d'hygiène publique, de protection de l'environnement et de contrôle épidémiologique d'origine animale ou végétale. En vertu de l'article 7, les passagers et l'équipage doivent respecter cette législation nationale.

L'article 12 prévoit toutes les dispositions d'assistance et de protection à mettre en œuvre par l'une des Parties contractantes en cas de naufrage, d'avarie, d'échouage ou de tout autre accident dans ses eaux intérieures ou dans ses eaux territoriales d'un navire de l'autre Partie contractante.

L'article 14 prévoit la mise en place d'une commission mixte chargée de l'application du présent accord.

Une étroite coopération en matière de transports maritimes est instituée à l'article 15 portant plus particulièrement sur :

- le développement de la flotte de transport de passagers et de marchandises ;

- la coordination et l'entraide dans les activités de recherche et de sauvetage et la sécurité maritime ;

- la formation et l'entraînement des marins et des personnels de gestion de la marine ;

- l'assurance maritime ;

- le développement des systèmes portuaires respectifs.

Les articles 16 et 17 sont consacrés aux dispositions finales et n'appellent aucun commentaire particulier.

B - Des dispositions essentielles pour les armateurs français

L'article 4 garantit le droit pour les entreprises maritimes de chaque Partie contractante d'établir des représentations ou filiales sur le territoire de l'autre Partie contractante, y compris pour les opérations de transport multimodal comportant une partie maritime. Cet article comprend en outre, à l'alinéa 2, une disposition essentielle pour les armateurs français. Il s'agit de la possibilité de prendre des participations au capital ou d'investir dans les entreprises de transport maritime vietnamiennes. Bien entendu la réciproque est accordée.

Les dispositions de l'article 5 sont également importantes pour les armateurs français puisqu'elles autorisent le transfert des revenus en devises convertibles.

Enfin, les armateurs français se félicitent tout particulièrement des stipulations des articles 8 et 9 qui mettent en place la reconnaissance mutuelle des documents concernant la sécurité des navires et l'identité de l'équipage. Pour les marins, l'article 11 stipule que les documents d'identité professionnels et les brevets professionnels délivrés sur la base des règlements en vigueur dans chaque Etat sont reconnus, conformément à la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, faite à Londres le 7 juillet 19781, modifiée par les Amendements de 1995, adoptés par la Conférence des Parties2. L'article 10 précise les conditions d'entrée sur le territoire des porteurs des documents d'identité précités à l'article 9. Les cas traditionnels de descente à terre, de droit de transit et de maladie sont pris en compte. Parallèlement, le paragraphe 4 prévoit le droit de refuser l'entrée sur le territoire de toute personne jugée indésirable, même si cette personne est munie desdits documents d'identité.

C - Des dispositions particulières demandées par la France

En l'absence de convention, le navire est soumis à la législation, notamment pénale, de l'Etat du port3. Toutefois, les compétences pénales vis-à-vis d'actes survenant à bord d'un navire de pavillon étranger peuvent répondre à un régime spécifique. En France, la référence juridique reste ancienne. Le Conseil d'Etat, dans son avis du 20 novembre 1806 (navires Sally et Newton), considère que les infractions commises à bord d'un navire étranger, alors même que le navire se trouverait dans les eaux territoriales ou intérieures françaises, relèvent de la loi et des juridictions du pavillon. Cependant, les autorités françaises sont habilitées à intervenir dans trois cas :

- si l'infraction commise à bord du navire étranger trouble la paix publique,

- ou si la victime est étrangère au bord,

- ou encore si l'aide des autorités locales est réclamée par le bord.

Reprenant la jurisprudence du Conseil d'Etat, la France a demandé l'insertion de dispositions particulières concernant la répartition des compétences judiciaires entre l'Etat du pavillon et l'Etat du port. Néanmoins, ces clauses correspondent à des clauses usuelles que l'on retrouve dans la majeure partie des conventions maritimes signées par la France.

Ainsi le paragraphe 2 de l'article 13 du présent accord prévoit l'intervention des autorités administratives et judiciaires de l'une des Parties contractantes à bord d'un navire de l'autre Partie contractante en escale dans un port de la première dans trois cas :

- si le fonctionnaire consulaire ou le capitaine du navire sollicite leur intervention,

- si l'infraction ou ses suites revêtent un caractère tel qu'elles portent atteinte à la tranquillité et à l'ordre public sur le territoire ou dans le port, ou s'il est porté atteinte à la sûreté de l'Etat,

- si l'infraction est commise par des personnes ou à l'encontre de personnes qui ne font pas partie de l'équipage.

Les cas d'intervention ainsi retenus couvrent une large partie des faits pouvant survenir à bord d'un navire.

En outre, l'alinéa 3 ne porte pas atteinte au droit des autorités locales compétentes pour tout ce qui concerne l'application de la législation et de la réglementation douanière, la santé publique et les autres mesures de contrôle concernant la sécurité des navires et des ports, la sauvegarde des vies humaines, la sûreté des marchandises, l'admission des étrangers, ainsi que le transport des déchets dangereux et la pollution marine, dans le respect des conventions internationales applicables en la matière aux deux Parties contractantes.

Par ailleurs, le paragraphe 1 de ce même article 13 limite la possibilité pour les autorités judiciaires d'une Partie contractante de connaître de procès civil opposant un capitaine et un membre de l'équipage d'un navire de l'autre Partie lorsque celui-ci fait escale dans un port de la première pour un différend portant sur le contrat d'engagement ou le salaire. L'accord de l'autorité diplomatique ou consulaire du pays dont il bat le pavillon est requis. En France, l'article L. 420-1 du code de l'organisation judiciaire, en sa partie législative, dispose que les règles concernant la compétence, l'organisation et le fonctionnement des conseils de prud'hommes sont fixées par le code du travail. Toutefois, cette disposition n'est pas applicable lorsque le ou les membres de l'équipage en cause sont de nationalité française.

II - LE RENFORCEMENT DE LA PRÉSENCE AU VIETNAM
DES ENTREPRISES FRANÇAISES

La ratification du présent accord ouvre aux entreprises maritimes françaises d'incontestables perspectives de développement de leurs activités commerciales au Vietnam, dans la mesure où il sécurise juridiquement les conditions. Il permet de renforcer la présence des entreprises françaises tant au niveau maritime que portuaire.

A - Au niveau maritime

Les échanges maritimes entre la France et le Vietnam sont très limités. Les exportations du Vietnam vers la France sont essentiellement constituées de chaussures. La France exporte des produits pharmaceutiques et des machines outils.

Echanges maritimes entre la France et le Vietnam par les ports français
(en tonnes)

1999

2000

2001

France→Vietnam

1 800

490

435

Vietnam→France

135 000

88 000

138 000

Source : Direction du Transport maritime, des Ports et du Littoral

S'agissant des prévisions de développement, le Vietnam étant devenu le deuxième producteur mondial de café et un important producteur d'équipements sportifs (chaussures), ses exportations maritimes sont donc en croissance rapide et l'entreprise franco-vietnamienne Gemartrans en profite largement, puisque son trafic en sortie du Vietnam a doublé en seulement un an.

C'est en 1988, que l'armement français CMA-CGM, qui représente le dixième armement de ligne au monde, s'est associé à l'armement public vietnamien Vitranschart dans une entreprise commune, Gemartrans. Celle-ci est contrôlée à 49 % par CMA-CGM et à 51 % par l'Etat vietnamien.

Il n'y a pas de ligne directe France-Vietnam, ce que regrettent vivement les autorités vietnamiennes. Gemartrans achemine des marchandises conteneurisées entre le Vietnam et Singapour où est transbordée une grosse partie du trafic vietnamien. Cette société effectue également des liaisons intra-régionales. Sa flotte qui se composait d'abord uniquement de navires affrétés sous des pavillons tiers, s'est progressivement vietnamisée. Gemartrans développe aussi une activité terrestre pour répondre à la demande d'un transport multimodal de porte à porte. L'environnement économique vietnamien est très réglementé, mais ce qui est une contrainte pour une entreprise étrangère, peut représenter une protection pour Gemartrans, bénéficiant de son caractère d'entreprise locale. La licence de Gemartrans a été renouvelée en 1999 et court jusqu'en 2004. Cet accord représente donc une base sérieuse pour poursuivre cette négociation et améliorer encore la position de CMA-CGM. Gemartrans assure environ 25 % du trafic de ligne vietnamien, pour un total de 160 000 Equivalents Vingt Pieds (EVP). Ce trafic se développe de 15 à 20 % par an, le contexte est donc porteur, après un passage difficile durant la crise asiatique.

Outre le fait que CMA-CGM représente environ 60 % du chiffre d'affaires de Gemartrans, l'activité de celle-ci a un caractère stratégique pour CMA-CGM, en plaçant cet armement dans une position forte sur le marché en expansion du transport maritime vietnamien, dans une région qui est au cœur de ses ambitions commerciales. En effet, la place des ports du Vietnam dans le développement du trafic à conteneurs dans la zone asiatique ne doit pas être séparée du fonctionnement des grands ports mondiaux d'éclatement dont les plus proches sont Hong Kong et Singapour.

La société Germatrans est bénéficiaire ; les deux tiers de son résultat sont réinvestis sur place et le reste est rapatrié. CMA-CGM maintient deux expatriés, le numéro deux de l'entreprise, chargé des finances, et le patron de l'antenne commerciale, et deux de ses administrateurs siègent au conseil d'administration de Gemartrans. Celle-ci utilise huit porte-conteneurs, dont la moitié sous pavillon vietnamien. Ces navires sont achetés d'occasion et restent d'une taille assez réduite (600 à 1 000 EVP). Ils sont déployés pour faire le cabotage des côtes vietnamiennes et pour desservir des liaisons vers Singapour, la Malaisie, Hong Kong et Taiwan. L'implantation au Vietnam représente également pour CMA-CGM un moyen de renforcer sa desserte de la Chine, qui reste le marché stratégique de l'entreprise.

La ratification du présent accord contribuera vraisemblablement à donner une nouvelle impulsion à nos relations maritimes, ouvrant la voie à des échanges et à une coopération plus soutenus.

B - Au niveau portuaire

S'agissant de l'ingénierie portuaire française, dont la compétence est reconnue au niveau international, celle-ci profitera également de l'amélioration des relations entre la France et le Vietnam. La ratification de l'accord représente un moyen de poursuivre les relations portuaires qui se sont développées. Des cadres vietnamiens ont bénéficié au cours de ces dernières années de formations dans le domaine du dragage, de la signalisation maritime, de la prévention et de la lutte contre les pollutions marines et la gestion et l'administration des ports.

L'ingénierie portuaire française, et notamment celle du port de Bordeaux, a ainsi réalisé le balisage de la rivière de Saigon et du chenal d'accès du port de Haiphong. Ces travaux présentaient un caractère indispensable à l'amélioration des accès nautiques de ce port afin de le doter de moyens modernes pour qu'il puisse exploiter économiquement son potentiel de trafic. Le port de Bordeaux continue d'apporter une assistance technique aux responsables vietnamiens en charge de la sécurité maritime.

Le port de Rouen qui avait assuré la maîtrise d'œuvre du port de Phu My est en négociation avec « Baria secece », exploitant de ce port, en vue d'obtenir la maîtrise d'œuvre pour la construction de nouveaux quais.

Cette coopération constitue donc un élément positif pour la présence des entreprises françaises dans le cadre de l'amélioration et de la modernisation des ports vietnamiens, et notamment pour l'ingénierie portuaire française.

CONCLUSION

La ratification du présent accord permet à la France de normaliser ses relations maritimes avec le Vietnam et d'assurer un cadre juridique stable, ouvrant des perspectives de développement des activités commerciales aux entreprises maritimes françaises au Vietnam, ainsi que le renforcement de la présence française en matière d'ingénierie portuaire.

Par les avancées réelles qu'il contient, cet accord vient concrétiser la volonté du Vietnam d'évoluer vers une ouverture plus large de son économie et permet à la France de jouer un rôle de partenaire privilégié.

L'affirmation du principe de la liberté du commerce maritime ainsi que la possibilité pour nos compagnies maritimes d'ouvrir des représentations au Vietnam offrent d'intéressantes perspectives. Même si le traitement national dans les ports et la possibilité pour nos armements de développer le champ d'action des agences maritimes restent encore à discuter, cet accord représente une première étape très encourageante vers une ouverture plus large du Vietnam permettant le développement du trafic maritime, dont les entreprises maritimes françaises sauront tirer avantage du fait de leur présence dans le pays.

Au vu de ces considérations, votre Rapporteur vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 25 mai 2004.

Après l'exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 1415).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 1415).

N°1615 - Rapport sur le projet de loi adopté par le Sénat n° 1415, sur l'accord maritime France-Vietnam (M.Jean-Claude Lefort)

1 Décret de publication n°84-387 du 11 mai 1984.

2 Décret de publication n° 97-754 du 2 juillet 1997.

3 En France, selon l'article 113-2 du code pénal, la loi pénale est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République. L'infraction est réputée commise sur ledit territoire dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire.


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