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le 28 mai 2004

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N° 1618

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mai 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1414) de M. THIERRY MARIANI ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'application des conventions prévoyant l'organisation de cours d'enseignement de la langue et de la culture d'origine et les mesures susceptibles d'améliorer cet enseignement,

PAR M. Jacques DOMERGUE,

Député.

--

INTRODUCTION 5

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 6

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 7

1. Le nombre d'élèves suivant l'enseignement des langues et des cultures d'origine (ELCO) est en diminution régulière et importante 8

2. Le dispositif des ELCO est en constante amélioration même s'il est souhaitable de le faire évoluer vers l'enseignement précoce des langues vivantes 11

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

INTRODUCTION

Le 3 mai 2004 a été mise en distribution la proposition de résolution (n° 1414) déposée par M. Thierry Mariani et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'application des conventions prévoyant l'organisation de cours d'enseignement de la langue et de la culture d'origine et les mesures susceptibles d'améliorer cet enseignement.

Cette commission d'enquête serait notamment chargée d'examiner les conditions du contrôle pédagogique et de l'organisation matérielle de ces cours dans les écoles primaires.

M. Thierry Mariani a déposé sous les deux précédentes législatures, deux propositions de résolution identiques. La première a été rejetée le 26 février 1997 par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le rapport de M. Jean-Paul Fuchs (1). La seconde a abouti à la même décision, le 10 février 1999, sur le rapport de M. Yves Durand (2).

Selon l'usage, le rapporteur examinera la recevabilité de la proposition de résolution avant de s'interroger sur l'opportunité de créer une telle commission d'enquête.

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première exigence posée par ces textes est de déterminer avec précision, dans la proposition de résolution, soit les faits pouvant donner lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion.

En l'espèce, la proposition de résolution visant à étudier un enseignement particulier dispensé dans le cadre du service public de l'éducation, on peut considérer que cette condition est remplie.

La seconde exigence concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

Par lettre du 24 février 2004, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait savoir à M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, qu'aucune procédure n'est en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution.

La proposition de résolution est donc recevable.

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Il reste à déterminer s'il convient, en opportunité, de créer ou non une commission d'enquête qui serait chargée d'examiner l'application des conventions internationales prévoyant l'organisation de cours d'enseignement des langues et des cultures d'origine et de proposer d'améliorer cet enseignement.

Le cadre juridique actuel des enseignements de langues et cultures d'origine (ELCO) résulte de négociations diplomatiques avec les pays concernés. Pour les pays du Maghreb (Algérie en 1981, Maroc en 1983 et Tunisie en 1986) ainsi que pour le Portugal (en 1977), des accords bilatéraux précisent les responsabilités de chacune des deux parties ainsi que les domaines sur lesquels porte la coopération. Des réunions bilatérales annuelles sont notamment prévues pour examiner les questions relatives à l'organisation des cours. Pour les autres pays (Espagne en 1978, Italie en 1979 et Turquie en 1982), les procès-verbaux de réunions de commissions mixtes culturelles tiennent lieu de textes de référence pour l'organisation de ces enseignements. Par ailleurs, le ministère de l'éducation nationale a élaboré plusieurs textes d'accompagnement communs à tous les enseignements de langues et cultures d'origine pour la mise en œuvre pratique et pédagogique des cours. Dans le cadre ainsi fixé, des instructions ministérielles sont adressées deux fois par an aux inspecteurs d'académie.

Ces enseignements sont essentiellement dispensés dans l'enseignement primaire. Les enfants dont les familles le souhaitent bénéficient de trois heures de cours par semaine. Dans la grande majorité des cas, ces cours sont organisés de manière différée, c'est-à-dire hors du temps scolaire, afin de ne pas créer d'effet de substitution avec d'autres enseignements dans les emplois du temps des élèves. Ces cours sont de droit et gratuitement organisés dans les locaux scolaires. Les enseignants bénéficient des mêmes conditions matérielles que leurs collègues français puisque ces activités sont considérées comme des activités normales de l'école, et ce quel que soit le moment où elles se déroulent.

Les enseignants, rémunérés par leur pays d'origine, sont détachés en France pour une durée de trois à six ans, ils suivent un stage d'accueil au début de leur première année d'exercice en France.

Les problèmes soulevés par l'enseignement des langues et des cultures d'origine (ELCO) et les moyens de faire évoluer ce type d'enseignement sont parfaitement connus grâce notamment à de nombreuses interventions des parlementaires auprès du ministère concerné.

Les deux précédents rapporteurs sur les propositions de résolution de M. Thierry Mariani, avaient motivé leurs conclusions de rejet en disant que les problèmes sont connus et les moyens d'action également. M. Jean-Paul Fuchs considérait que « compte tenu de la connaissance acquise du fonctionnement des langues et cultures d'origine, de la précision du diagnostic porté sur les mesures propres à l'améliorer, des actions négociées menées en ce sens avec les partenaires étrangers et les dispositions complémentaires prises sur le plan interne français, l'opportunité de constituer une commission d'enquête parlementaire sur les ELCO n'apparaît pas évidente. »

De son côté, M. Yves Durand indiquait dans ses conclusions que : « si des problèmes d'ordre pédagogique ou organisationnel se posent pour les enseignements de langues et cultures d'origine, il revient aux inspecteurs d'académie de faire respecter les dispositions en vigueur ».

Outre ces deux rapports, cette question a fait l'objet au cours de la présente législature de quatre questions écrites au gouvernement, ayant donné lieu à des réponses ministérielles claires et précises. De plus à la suite du rapport de M. Yves Durand, la commission des affaires culturelles familiales et sociales a demandé et obtenu une note détaillée du ministère en date du 6 avril 1999.

1. Le nombre d'élèves suivant l'enseignement des langues et des cultures d'origine (ELCO) est en diminution régulière et importante

Le tableau ci-après, qui figure dans une réponse à une question de M. Thierry Mariani en date du 3 février 2003 (3), détaille le nombre d'élèves ayant suivi un enseignement de langues et cultures d'origine, par langue et type de cours, durant l'année scolaire 1999-2000.

Nombre d'élèves ayant suivi un ELCO
Année scolaire 1999-2000

COURS


ARABE
algérien

ESPAGNOL

ITALIEN


ARABE
marocain

PORTUGAIS


ARABE
tunisien

TURC

EX-YOUGOSLAVIE

TOTAL

Intégrés

1 800

922

4 243

6 197

1 125

286

2 911

125

17 609

Différés

6 016

607

701

13 962

5 851

3 208

7 402

32

37 779

Total

7 816

1 529

4 944

20 159

6 976

3 494

10 313

157

55 388

Le nombre total d'élèves ayant suivi un ELCO au cours de l'année scolaire 1999-2000 dans les écoles primaires était de 55 388. Il a toutefois été indiqué au rapporteur que les statistiques ont été altérées par la grève administrative des directeurs d'école qui a duré plusieurs années et que les chiffres manquent sans doute de précision même si l'ordre de grandeur est juste.

Or dans un rapport de juin 1995 (4), le Haut conseil à l'intégration, tout en constatant déjà une perte d'intérêt global pour cet enseignement, dénombrait pour l'année scolaire 1993-1994, 99 183 élèves concernés dans le primaire.

En cinq ans la baisse des effectifs des ELCO a donc été de plus de 50 %. Le Haut conseil expliquait la baisse constatée en 1995, par une chute des trois-quarts des effectifs en portugais et en espagnol et une réduction de la moitié des effectifs en arabe algérien (36 345 élèves en 1984-1985 contre 15 322 en 1993-1994). A cette époque, seuls les effectifs en arabe marocain étaient en augmentation en raison de la volonté des autorités marocaines de garder un lien avec leurs ressortissants émigrés en France ; 32 379 élèves suivaient les cours d'arabe marocain en 1993-1994 et pour ceux là également la réduction des effectifs est nette en 2000 puisqu'ils étaient tombés à 20 159.

On sait également, grâce à la réponse (5) à une autre question posée par M. Thierry Mariani le 21 octobre 2002, que dans le département du Vaucluse, les cours de langues et de cultures d'origine ont concerné respectivement 1 712 élèves pour l'année scolaire 1999-2000, 1 757 élèves pour 2000-2001 et 1 583 pour 2001-2002, les prévisions pour 2002-2003 faisaient état d'une légère progression qui devait porter ces effectifs à 1 898 élèves.

Le tableau ci-après retrace l'évolution des ELCO, dans le premier et le second degré, écoles publiques et privées sous contrat confondues et confirme la tendance à la baisse des effectifs. Le total général des effectifs, premier et second degrés confondus, est passé de 87 561 élèves suivant un ELCO en 1997 à 69 356 en 2003.

Evolution des ELCO (1997-2003)

Pays

1997-1998

1998-1999

1999-2000

2000-2001

2001-2002

2002-2003

1er degré

2nd degré

1er degré

2nd degré

1er degré

2nd degré

1er degré

2nd degré

1er degré

2nd degré

1er degré

2nd degré

Algérie

élèves

9421

187

9296

294

8600

247

7948

293

7992

336

7498

317

enseignants

137

145

147

147

123

120

% cours différés

86 %

82 %

86 %

86 %

Espagne

élèves

1366

258

1243

479

1327

326

1072

345

1209

465

1073

302

enseignants

46

40

35

35

35

% cours différés

92 %

85 %

92 %

99 %

Italie

élèves

10173

459

12142

699

11322

552

8102

507

7001

560

2640

624

enseignants

100

90

80

80

80

% cours différés

15 %

8 %

10 %

21 %

Maroc

élèves

28451

3413

28330

3475

27279

3665

23514

3517

23352

3475

23223

3584

enseignants

268

267

267

261

272

269

% cours différés

69 %

67 %

69 %

72 %

Portugal

élèves

10105

pas de 2nd degré

11826

pas de 2nd degré

10625

pas de 2nd degré

9371

pas de 2nd degré

9274

pas de 2nd degré

7741

pas de 2nd degré

enseignants

132

140

140

140

140

119

% cours différés

90 %

90 %

87 %

94 %

Tunisie

élèves

5498

358

5508

602

5457

739

5110

678

4777

408

5131

633

enseignants

97

103

141

153

153

146

% cours différés

93 %

90 %

95 %

98 %

Turquie

élèves

13934

3750

13151

3495

12883

3665

11464

3355

12033

3774

12832

3623

enseignants

195

184

179

176

176

177

% cours différés

74 %

72 %

75 %

79 %

Serbie-Monténégro

élèves

188

123

36

interruption guerre

30

124

16

129

6

enseignants

9

9

4

5

4

% cours différés

100 %

60 %

100 %

effectifs totaux 1er/2nd degrés

79136

8425

81619

9080

77493

9194

66611

8695

65762

9034

60267

9089

Total général

87561

90699

86687

75306

74796

69356

Source : Direction de l'enseignement scolaire (DESCO) du ministère de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche.

2. Le dispositif des ELCO est en constante amélioration même s'il est souhaitable de le faire évoluer vers l'enseignement précoce des langues vivantes

M. Thierry Mariani a posé une troisième question (6) au ministre de la jeunesse et de l'éducation nationale relative au contenu pédagogique des cours d'ELCO et les moyens mis en œuvre par le ministère pour assurer un contrôle sur ce contenu pédagogique.

Complétant une précédente réponse (7), à une question sur le même sujet posée par M. Jean-Marie Binetruy, il a été répondu que les enseignants qui dispensent ces cours font l'objet d'inspections régulières dans les classes, effectuées conjointement par les inspecteurs français et leurs homologues étrangers. Ce dispositif permet un contrôle portant sur l'organisation matérielle du cours, son fonctionnement ainsi que sur la méthode d'enseignement, le contenu et les outils pédagogiques utilisés. Les réponses ministérielles ont précisé que deux groupes d'experts, l'un franco-marocain et l'autre franco-algérien ont procédé à une rénovation des contenus et des méthodes d'enseignement, ces travaux ayant débouché sur la publication, au début de l'année 2000, de guides pédagogiques à l'intention des enseignants.

Le rapporteur s'est fait communiquer ces guides relatifs à l'enseignement de la langue arabe et des cultures algérienne et marocaine dont les contenus et les objectifs qui constituent un cadre contraignant pour les enseignants, sont parfaitement rassurants.

Selon les informations communiquées au rapporteur par la direction de l'enseignement scolaire du ministère de l'éducation nationale, les rapports d'inspection établis au cours des cinq dernières années scolaires relatifs à l'enseignement des langues et cultures d'origine constatent l'amélioration des méthodes d'enseignement et aucune dérive de nature à porter atteinte au respect du principe de la laïcité à l'école n'est signalée. Ces contrôles prennent soit la forme de visites de classes sans la présence d'un inspecteur étranger, soit la forme d'inspections conjointes.

Les inspecteurs de l'éducation nationale ont observé que les enseignants étrangers ont le plus souvent un bon contact avec les élèves et les apprentissages semblent réels. La bonne volonté et l'engagement professionnel semblent manifestes. Les enseignants ELCO sont en général reconnus et appréciés par les directeurs d'écoles et les équipes enseignantes. Les rapports soulignent, dans certains cas, le rôle de médiateur que ces enseignants jouent entre les parents, les élèves et les autorités de l'école, allant de pair avec un rôle social assumé dans des banlieues difficiles.

Le dispositif de l'enseignement des langues et des cultures d'origine ne vise plus depuis longtemps à favoriser le retour dans le pays d'origine. Aujourd'hui sa finalité est de favoriser l'épanouissement des jeunes d'origine étrangère en valorisant la langue et la culture de la famille. Nombre de pédagogues considèrent cette démarche comme favorable à une bonne intégration. Par ailleurs la maîtrise de la langue maternelle est considérée par les linguistes comme un préalable nécessaire à l'apprentissage du français. Cet apprentissage de la langue d'origine, comme celui d'une langue étrangère, doit intervenir de façon précoce dans le cursus scolaire, car c'est dans le premier degré que la réceptivité aux langues est la plus élevée chez les élèves.

Dans le cadre de la Journée internationale de la langue maternelle organisée par l'UNESCO le 21 février 2004, le directeur général de l'UNESCO, Koïchiro Matsuura, a considéré « que les langues maternelles devraient être privilégiées dans les systèmes éducatifs dès le plus jeune âge ».

Par ailleurs l'ELCO est un aspect de la coopération pédagogique et culturelle de la France avec les pays concernés et permet par le jeu de la réciprocité de maintenir la place de la langue française dans les pays partenaires et le rôle des coopérants français à l'étranger.

Enfin, le déroulement de cet enseignement dans le cadre du service public de l'éducation nationale et sous le contrôle de l'inspection générale, est un frein au développement de cours parallèles gérés localement par des associations échappant à tout contrôle.

Pour autant et malgré la rénovation constatée dans les contenus et les méthodes des ELCO, tout n'est pas satisfaisant dans le déroulement de cet enseignement.

Deux préoccupations, évoquées dans la proposition de résolution, subsistent : la non-maîtrise de la langue française par certains enseignants essentiellement turcs et le maintien des enseignements intégrés en lieu et place d'autres cours.

Sur le premier point, des demandes régulières sont faites par les autorités françaises en direction des Etats concernés, afin qu'ils recrutent des enseignants ayant une connaissance suffisante du français leur permettant de s'intégrer aux équipes pédagogiques des écoles. Cette démarche de nature diplomatique doit être encouragée et amplifiée.

Sur le second point, il convient tout d'abord de signaler que dans le second degré, l'ELCO est toujours dispensé en activité différée en dehors des heures de cours. Cette situation est dominante, mais pas exclusive, dans le premier degré où une circulaire pourrait opportunément rappeler qu'il n'est pas souhaitable, au regard de leur intégration dans la classe, de soustraire les élèves suivant un ELCO à certains enseignements dispensés à tous les élèves.

Mais, en raison même de la perte d'attractivité constatée pour les ELCO, une évolution plus générale est souhaitable et fait dès à présent l'objet d'expérimentations.

Dans la réponse à la question posée par M. Jean-Marie Binetruy, il est indiqué qu'une expérimentation est actuellement menée en école primaire visant à la transformation au moins partielle du dispositif ELCO en enseignement de langue vivante étrangère, c'est-à-dire ouvert à tous les élèves, dans le cadre des programmes de l'école primaire et continué au collège.

Dans une circulaire du 12 février 2004 ayant pour objet la préparation de la rentrée scolaire 2004 pour les ELCO, le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche indique qu'« un rapprochement des personnes qui traitent de l'ELCO et des langues vivantes étrangères dans les inspections académiques s'avère aujourd'hui nécessaire ; partout où cela a été fait, la cohérence des dispositifs s'en est trouvée améliorée ».

De fait, le plan de développement des langues vivantes étrangères à l'école primaire, évoqué par M. Frédéric Reiss dans son rapport pour avis (8) sur les crédits pour 2004 de l'enseignement scolaire, offre une occasion sans précédent de faire évoluer les ELCO. L'enseignement de l'arabe, du portugais, de l'italien ou du turc, comme langue vivante 1 dans le cadre de la généralisation de l'enseignement des langues étrangères à toutes les classes du primaire et en dernière année de maternelle peut apparaître très souhaitable, à la fois pour répondre à un réel besoin de diversification linguistique face à la suprématie de l'anglais et pour accorder à ces langues un statut valorisant.

Le principal obstacle à cette évolution, que l'on retrouve d'ailleurs pour toutes les langues en dehors des plus pratiquées, comme le relève M. Frédéric Reiss dans le rapport précité, est la nécessité d'assurer la continuité de l'enseignement de ces langues dites rares au collège et au lycée.

D'autres obstacles existent également à l'accélération du plan d'apprentissage précoce des langues étrangères. Ils sont parfaitement connus, ils ont été soulignés par M. Frédéric Reiss dans son rapport, ils seront résorbés progressivement car la volonté politique pour aller dans ce sens existe même si cela a un coût. Outre le manque de continuité entre les langues apprises à l'école et celles proposées au collège, l'obstacle principal réside dans le recrutement et la formation des enseignants.

Le fonctionnement actuel des ELCO et les pistes à suivre pour leur nécessaire évolution sont donc parfaitement connus et la nécessité de constituer une commission d'enquête sur ce sujet ne semble pas justifiée.

Le rapporteur tient cependant à rappeler que l'article L.241-1 du code de l'éducation prévoit une disposition restée lettre morte. Cette disposition qui résulte de la loi du 10 juillet 1989, prévoit que l'inspection de l'éducation nationale et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche procèdent en liaison avec les services administratifs compétents, à des évaluations départementales, académiques, régionales et nationales qui sont transmises aux présidents et aux rapporteurs des commissions chargées des affaires culturelles du Parlement. Outre l'intérêt qu'il y aurait à faire appliquer cette disposition pour l'ensemble du fonctionnement du service public de l'éducation nationale, un chapitre particulier pourrait être régulièrement consacré au dispositif ELCO.

Enfin, par décret du 24 mai M. Robert Pandraud a été chargé d'une mission temporaire auprès du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, aux fins d'améliorer les connaissances relatives à l'immigration et à l'intégration. Dans la lettre de mission que le Premier ministre a adressé à notre collègue il est précisé que le dispositif ELCO devra être inscrit dans la mission « afin que les élèves puissent bénéficier de la reconnaissance de leur parcours linguistique de l'école au lycée. Une évaluation du dispositif ELCO sera réalisée dans la perspective de son évolution vers un enseignement de langue vivante étrangère » M. Robert Pandraud devra remettre son rapport au plus tard le 15 octobre 2004.

Le rapporteur se félicite de cette décision qui rejoint exactement les propositions qui figurent dans le présent rapport.

Au bénéfice des observations qui viennent d'être formulées, le rapporteur conclut au rejet de la proposition de résolution n° 1414.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Jacques Domergue, la présente proposition de résolution au cours de sa séance du mercredi 26 mai 2004.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Thierry Mariani a remercié le rapporteur de cet exposé très complet, en rappelant que sa proposition de résolution est effectivement la troisième de ce type. Peut-être la création d'une commission d'enquête apparaît-elle comme un instrument disproportionné, mais encore convient-il de rappeler qu'une loi a bien été récemment adoptée sur la question de l'interdiction du port du foulard dans les établissements scolaires, qui n'impliquait directement que 50 à 80 personnes. Or en l'espèce, 50 000 élèves sont concernés.

La mise en œuvre de tels cours résulte d'une simple lettre du ministère de l'éducation nationale, adressée au maire pour lui faire savoir, par exemple, que le consulat du Maroc a demandé à un enseignant de dispenser un cours à un horaire donné dans un établissement. Ainsi s'organise un enseignement, en dehors de tout contrôle pédagogique.

La différence est certes grande selon que ces cours sont différés après les horaires habituels, ou sont intégrés, en venant se substituer à d'autres cours, alors même que ces élèves d'origine étrangère, parfois déjà en difficulté, bénéficieraient plus utilement de l'enseignement commun. Certes, le nombre d'élèves concerné est en diminution. Il n'en demeure pas moins vrai - 28 % des ELCO étant intégrés - qu'environ 5 000 élèves d'origine marocaine sont soustraits trois heures par semaine aux enseignements suivis par les autres élèves, ce qui peut constituer pour eux un handicap scolaire. Comment dès lors s'étonner d'une mauvaise intégration scolaire et de l'existence de retards dans la scolarité ?

Le rapporteur a précisé qu'il dispose d'une liste des inspections effectuées dans les établissements : c'est ainsi, par exemple, que depuis 1998 trois inspections ont eu lieu en Corse du Sud et deux à Toulouse. Certes, ce nombre est encore insuffisant. Mais il n'est pas possible d'affirmer que ces évaluations sont inexistantes.

M. Thierry Mariani a objecté que les contrôles, mis en œuvre récemment, n'ont pas eu lieu dans le Vaucluse depuis une dizaine d'années, alors même que 7 000 à 8 000 élèves sont concernés. Or il n'est pas acceptable que des enseignants employés par des Etats étrangers dispensent des cours à des élèves en dehors de tout contrôle. La mission confiée à M. Robert Pandraud constitue donc une bonne nouvelle, même si on ne peut en conclure que le problème est réglé. Le 26 février 1997, M. Jean-Paul Fuchs avait jugé opportun que la commission se saisisse de cette question, mais aucune mission d'information n'avait alors été créée. Le 10 février 1999, M. Yves Durand avait relevé que l'application d'accords internationaux pouvait être considérée comme suffisante pour régler ces questions ; or les années qui ont suivi ont démontré le contraire.

Il reste donc à espérer qu'une quatrième proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête ne sera pas nécessaire. Il est inacceptable que certaines matières soient enseignées hors de tout contrôle. Ces enseignements ne peuvent subsister dans ces conditions, sauf à engendrer des dérives, tel, par exemple, l'enseignement portant sur les religions. Il conviendra donc de faire, à l'issue de la publication du rapport établi par M. Robert Pandraud, un bilan de la situation.

Mme Chantal Bourragué a indiqué qu'elle a reçu des plaintes de parents d'enfants d'origine maghrébine, qui auraient subi des pressions de la part d'enseignants pour que leurs enfants suivent des cours portant sur leur culture d'origine.

Le rapporteur a rappelé que ces cours sont facultatifs et ont lieu uniquement à la demande des familles.

Après avoir rappelé qu'il a cosigné la proposition de résolution, M. Georges Colombier a indiqué qu'il se rallie à la proposition du rapporteur.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié M. Thierry Mariani d'avoir participé à la réunion de la commission. Il a ensuite rappelé les termes de la lettre de mission du Premier ministre adressée à M. Robert Pandraud, qui prévoit l'évaluation du dispositif d'enseignement des langues et des cultures d'origine et son évolution vers l'enseignement précoce des langues vivantes étrangères. Il serait souhaitable que les commissaires entendent M. Pandraud après la remise de son rapport.

*

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution n° 1414.

N° 1618 - Rapport sur la proposition de résolution, tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'application des conventions prévoyant l'organisation de cours d'enseignement de la langue et de la culture d'origine et les mesures susceptibles d'améliorer cet enseignement ( M. Jacques Domergue, rapporteur)

1 () AN n° 3384 (Xe législature).

2 () AN n° 1379 (XIe législature).

3 () Question n° 8384 publiée au JO le 09/12/2002. Réponse publiée le 03/02/2003.

4 () Liens culturels et intégration, rapport au Premier ministre, juin 1995.

5 () Réponse publiée au JO le 27/01/2003.

6 () Réponse publiée au JO le 27/01//2003.

7 () Réponse publiée au JO le 13/10/2003.

8 () Avis n° 1111, tome 8, novembre 2003.


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