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TITRE IER

MOBILISATION POUR L'EMPLOI (SUITE)

Chapitre iii

Mesures en faveur du retour à l'emploi des demandeurs d'emploi
de longue durée et des bénéficiaires de minima sociaux

Article 24

Suppression de plusieurs dispositifs de stages et contrats aidés

Cet article supprime un ensemble de dispositions du code du travail qui définissent diverses mesures de la politique de l'emploi : ces mesures sont destinées à être remplacées par les nouveaux instruments que créent les articles suivants du présent projet.

1. La simplification de l'architecture des dispositifs destinés aux demandeurs d'emploi de longue durée

Il existe actuellement sept dispositifs orientés vers les demandeurs d'emploi de longue durée et plus généralement les personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi (hors dispositifs spécifiques aux jeunes ou aux départements d'outre-mer) :

- le contrat emploi-solidarité (CES) ;

- le contrat emploi consolidé (CEC) ;

- le contrat initiative-emploi (CIE) ;

- le contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) ;

- le stage d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) individuel ;

- le stage d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) collectif ;

- le stage d'accès à l'entreprise (SAE).

La réforme est d'abord inspirée par une volonté de simplification.

Le gouvernement propose de remplacer les sept dispositifs précités par quatre types de contrats de travail, que l'on distinguera selon une double clé : employeur public ou associatif/employeur privé ; bénéficiaire allocataire du revenu minimum d'insertion (RMI), de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) ou de l'allocation de parent isolé (API) (49)/ou non.

Les nouveaux contrats

Emploi dans le secteur marchand

Emploi dans le secteur non marchand

Non bénéficiaires de minima sociaux

Contrat initiative emploi (CIE)

Contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE)

Allocataires du RMI, de l'ASS ou de l'API

Contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA)

Contrat d'avenir

Le choix de ces deux critères de délimitation des dispositifs est justifié par des considérations différentes :

- S'agissant du critère emploi marchand/non marchand, le constat des résultats nettement plus favorables des formules orientées vers l'emploi marchand pour l'insertion ultérieure dans l'emploi « normal » (50) conduit à les privilégier. Mais il faut être conscient que ce type de contrats n'est pas adapté à certains publics de la politique de l'emploi, pour lesquels les activités dans des structures publiques ou associatives offrent des conditions plus favorables de réinsertion. Les formules non-marchandes doivent donc être conservées pour les publics les plus en difficulté.

- S'agissant du second critère, le fait est que les chômeurs de longue durée sont ou non, selon leur histoire personnelle et les ressources de leur foyer, de leur conjoint, allocataires ou non d'un minimum social. L'intérêt du distinguo réside dans le fait que la présence d'une allocation d'existence permet de monter des dispositifs de contrats aidés fondés sur l'activation de cette allocation, convertie en aide à l'employeur.

Par ailleurs, le souhait de privilégier le retour à l'activité, préalable à un vrai retour à l'emploi, se traduit par la disparition des formules de stages de formation (SIFE et SAE) : tous les dispositifs reposeront à l'avenir sur un contrat de travail. Cela impliquera aussi un effort de l'administration pour trouver des employeurs prêts à passer ces contrats, alors que les formules de stages étaient plus - trop - faciles à mettre en œuvre dans une optique de « dégonflement » à peu de frais de la courbe du chômage, comme l'a observé la Cour des comptes (51) : « Le redéploiement des moyens alloués [pour la politique de l'emploi] vers les stages pour les demandeurs d'emploi est numériquement particulièrement "rentable", compte tenu du coût unitaire des différentes mesures ». Elle concluait : « Les lacunes du système d'information concernant les stages de demandeurs d'emploi organisés par l'Etat montrent qu'autant, sinon plus qu'un dispositif de formation, ils sont considérés comme un instrument de lutte contre le chômage répondant à des préoccupations plus quantitatives que qualitatives ».

2. Le détail du dispositif

Le présent article supprime respectivement :

- l'article L. 322-4-1 du code du travail, qui constitue la base juridique des SIFE et SAE ;

- les articles L. 322-4-2 à L. 322-4-5, qui définissent les contrats initiative-emploi : ce dispositif n'est pas supprimé, mais redéfini à l'article L. 322-4-8 du code tel que réécrit par l'article 26 du présent projet ;

- les articles L. 322-4-7, ainsi que L. 322-4-10 à L. 322-4-13, relatifs aux contrats emploi-solidarité, qui sont remplacés, comme les contrats emploi consolidé, par les nouveaux contrats d'accompagnement dans l'emploi instaurés par l'article 25 du présent projet.

*

La commission a adopté l'article 24 sans modification.

Article 25

Création des contrats d'accompagnement dans l'emploi

Cet article définit les nouveaux contrats d'accompagnement dans l'emploi, qui prendront la suite des contrats emploi-solidarité et emploi consolidé.

1. Contrats emploi-solidarité (CES) et contrats emploi consolidé (CEE) : un bilan critique

Les dispositifs de contrats aidés ont suscité des critiques récurrentes, développées dans l'exposé général du présent rapport, que l'on peut rappeler brièvement : une gestion souvent conjoncturelle et « quantitative », plus que qualitative, visant à améliorer à court terme la statistique du chômage ; corrélativement, un défaut d'évaluation et un défaut de ciblage effectif vers les personnes les plus en difficulté ; des « effets d'aubaine » pour les employeurs. La Cour des comptes a ainsi parlé de « facilité de gestion » pour des employeurs publics ou associatifs à propos des contrats emploi consolidé (52).

Egalement à propos des CEC, la Cour a critiqué la faiblesse du volet formation, pourtant prévu par les textes : des directives ministérielles favorisent la « professionnalisation » des CEC, prévoient des certifications des compétences acquises, enjoignent aux services instructeurs d'écarter du dispositif les employeurs en cas de carence quant à leurs obligations en l'espèce, etc., mais elles ont été « largement perdues de vue » ; de 1996 à 2001, l'accès à des formations professionnelles ne semble avoir concerné que 11 à 13 %, selon les années, des CEC.

Enfin, la question de l'opportunité de fusionner contrats emploi-solidarité et emploi consolidé a été soulevée.

Les CEC ont été créés en 1992, deux ans après les CES, en connexion avec ces derniers : il s'agissait d'assurer une prise en charge plus longue, pouvant durer cinq ans, d'ex-CES appartenant aux « publics prioritaires » dont l'emploi était ainsi « consolidé ». Le CEC s'est ensuite déconnecté progressivement, puisqu'il est devenu possible d'y accéder sans être passé par un CES. Il a également pris un poids croissant : les dépenses de l'Etat pour les CEC représentaient en 1996 moins du cinquième de celles pour les CES ; depuis 2002, elles les dépassent ; en 2003, l'Etat a dépensé 1,017 milliard d'euros au titre des CEC contre 803 millions d'euros à celui des CES et en loi de finances 2004, 810 millions d'euros ont été inscrits au titre des CEC pour 544 millions au titre des CES.

Il ressort d'une analyse du Commissariat général du plan (53) que « la distinction entre un public en CES pouvant se contenter d'une mesure courte pour augmenter ses chances d'accès à l'emploi ordinaire et un public en CEC ayant besoin d'une aide plus longue n'apparaît pas (...). Les caractéristiques des publics sont aujourd'hui [en 2002] très proches ». Les CEC présentent selon l'étude des avantages en termes de durée du travail (30 heures/semaine au moins) plus longue que les CES et donc de rémunération, ainsi que de chances plus élevées de recrutement ultérieur dans l'organisme d'accueil ; mais cette logique de pré-recrutement aurait aussi son revers en démotivant les bénéficiaires de rechercher un emploi hors de cet organisme.

En conclusion, cette étude recommande d'envisager une fusion des dispositifs CES et CEC dans le cadre d'une mesure nouvelle, plus souple, dont la durée serait assez longue (deux ou trois ans), mais avec des réexamens périodiques de la situation et éventuellement des interruptions pour d'autres activités (formations,...).

2. Le nouveau dispositif proposé

Le dispositif législatif des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) se veut plus léger et plus souple que ceux des CES et des CEC qu'il remplace en tant que cadre de référence comme contrat de travail aidé dans le secteur non-marchand.

Formellement, il s'insérera à l'article L. 322-4-7 du code du travail, issu de la renumérotation et de la réécriture de l'actuel article L. 322-4-8-1 de ce code, qui définit les CEC.

a) Le public visé

Le premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 322-4-7 réécrit dispose que le CAE est destiné aux « personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d'accès à l'emploi ».

Cette formulation est beaucoup plus simple que celles actuellement présentes dans les dispositifs CES et CEC : le législateur s'était efforcé de faire une liste précise des bénéficiaires potentiels de ces contrats en identifiant les catégories a priori les plus en difficulté, par exemple, les demandeurs d'emploi de plus de cinquante ans, les personnes handicapées, les bénéficiaires de minima sociaux, etc., mais l'impossibilité de traiter de tous les cas de figure avait conduit à ajouter in fine à ces listes, pour le CES comme pour le CEC, « les personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi » (et n'appartenant pas aux autres catégories).

b) Les employeurs

Selon le même alinéa, les employeurs possibles de personnes en CAE seront les collectivités territoriales, les autres personnes de droit public, sauf l'Etat (cinquième alinéa du I de l'article L. 322-4-7), les organismes de droit privé à but non lucratif (associations, comités d'entreprise...) et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public (qui peuvent être de droit privé, comme par exemple les caisses de sécurité sociale) ; le Sénat y a ajouté les entreprises d'insertion par l'activité économique. Sous réserve de cet ajout, la liste est la même que pour les dispositifs CES et CEC en vigueur.

c) Le mode de gestion

Toujours selon le premier alinéa du I de l'article L. 322-4-7, les CAE feront l'objet de conventions entre l'Etat et les employeurs, comme les CEC et les CEC actuellement, ce qui signifie d'une part qu'ils resteront dans le champ de responsabilité des services extérieurs du ministère du travail, d'autre part qu'ils seront ou pourront être contingentés.

Le gouvernement a indiqué, notamment dans des documents budgétaires (en particulier dans le fascicule « bleu » Emploi et travail), que les CAE seraient gérés avec les contrats initiative-emploi destinés au secteur marchand dans le cadre d'enveloppes régionales fongibles. Les arbitrages entre les deux dispositifs et sur les montants d'aide, l'aide de l'Etat devenant modulable (voir infra), seront effectués à ce niveau en fonction d'objectifs de baisse du chômage fixés par le gouvernement.

Cette affirmation du rôle de l'échelon régional de l'Etat s'inscrit dans la droite ligne de la démarche engagée en 1998 : dans un premier temps, avait été mis en place un exercice de programmation régionale des différents programmes afin de prendre en considération l'ensemble des moyens disponibles au niveau de chaque région et d'arbitrer selon les régions des répartitions différentes - et ajustables en cours d'année - de ces moyens entre les programmes. Puis l'adoption en 2001 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances a conduit à des expérimentations de fongibilité plus grande, avec la délégation à certaines régions de moyens globaux couvrant plusieurs politiques.

d) La nature, la durée et le renouvellement du contrat de travail

Le quatrième alinéa du I de l'article L. 322-4-7 dispose que le contrat de travail conclu en application de la convention Etat-employeur est un contrat à durée déterminée (CDD) passé en application de l'article L. 122-2 du code, lequel autorise les CDD passés « au titre de dispositions législatives et réglementaires destinées à favoriser l'embauchage de certaines catégories de personnes sans emploi », les exonère de certaines règles applicables aux autres CDD (limitation de durée, délai de carence, droit à une indemnité de fin de contrat, dite de précarité), mais limite à une fois la possibilité de les renouveler. Le projet précise que cette limitation ne s'appliquera pas aux CAE.

Actuellement, les CES prennent déjà la forme de CDD (sur le fondement de l'article L. 122-2), mais les CEC peuvent aussi être conclus sous la forme de contrats à durée indéterminée.

Pour le reste, le troisième alinéa du I de l'article L. 322-4-7, que le Sénat a utilement précisé, renvoie les règles relatives à la durée maximale et au(x) renouvellement(s) du CAE à un décret en Conseil d'Etat. Ces règles tiendront compte des difficultés des personnes « au regard de leur insertion dans l'emploi ».

Les textes réglementaires en vigueur disposent qu'un CES est conclu pour trois à douze mois (sauf dérogations) et peut être renouvelé deux fois sans excéder au total vingt-quatre mois. En revanche, le CEC (sous forme de CDD) est conclu pour douze mois et peut être renouvelé à concurrence de soixante mois. Le nouveau CAE devra être réglementé avec assez de souplesse pour adapter sa durée aux différents publics.

e) La durée hebdomadaire du travail

L'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 322-4-7 instaure seulement un plancher pour la durée hebdomadaire du travail en CAE - vingt heures - tout en autorisant des dérogations au cas par cas (eu égard aux « difficultés particulièrement importantes » du bénéficiaire). Il n'exclut pas, a contrario, un temps plein (trente-cinq heures).

Au contraire, le CES est actuellement un contrat obligatoirement à temps partiel, dont un décret en Conseil d'Etat doit fixer la durée maximale hebdomadaire. Les textes d'application ont fixé la durée du CES à vingt heures, ni plus ni moins (avec quelques aménagements : dérogations pour des horaires plus faibles, possibilité d'heures complémentaires au-delà, appréciation de l'horaire sur une moyenne de quatre semaines).

Le CEC est quant à lui, à la différence du CES, un contrat à temps plein ou presque : au moins trente heures par semaine, sauf dérogations.

f) La rémunération des bénéficiaires

Le dernier alinéa du I de l'article L. 322-4-7, inséré par le Sénat, prévoit une rémunération des bénéficiaires de CAE au moins égale au SMIC horaire (comme pour les autres contrats aidés).

S'agissant de cette rémunération, un point particulier doit être évoqué : à présent, afin d'encourager la reprise d'activité, il existe des mécanismes dérogatoires permettant de cumuler, dans des conditions plus favorables que la stricte application du droit commun, un minimum social et la rémunération d'un contrat emploi-solidarité commencé alors que l'allocation de minimum social est en cours de versement. Ces mécanismes très complexes permettent ainsi de majorer de 130 à 140 euros, par rapport à ce que serait sa situation sans dérogation, le revenu mensuel d'un bénéficiaire du RMI ou de l'allocation de parent isolé (API) qui entre en CES, et d'environ 260 euros celui d'un bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) dans le même cas de figure.

La question se pose de la transposition de ces dispositions, de nature réglementaire, dans le cadre nouveau du CAE.

g) Le volet accompagnement et formation

La rédaction du deuxième alinéa du I de l'article L. 322-4-7 rend compte d'une exigence forte dans le domaine de la formation. Il est prévu que les conventions passées entre l'Etat et chaque employeur de CAE fixent des « modalités d'orientation et d'accompagnement professionnel » et déterminent « des actions de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience », le tout au regard d'un « projet professionnel » individuel.

Cette formulation va au-delà de celle retenue dans la loi pour les CES et les CEC, qui ne mentionnait que les actions d'orientation (pour les CES (54) et les CEC) et celles de validation des acquis au regard d'un projet professionnel (pour les seuls CEC) : les actions de formation apparaissent obligatoires dans un CAE, du moins dans la convention... Leur réalité dépendra naturellement des mesures d'application réglementaires et surtout de la pression de contrôle qui sera exercée sur les employeurs. On ne peut à cet égard que se référer aux constats décevants de la Cour des comptes sur le contenu en formation des CEC.

h) Les aides publiques

Le dispositif légal définissant les aides aux employeurs est inspiré de celui existant pour les contrats emploi consolidé que les 2° à 5° du présent article 25 ajustent donc, sachant que ce dispositif s'applique désormais aux contrats d'accompagnement dans l'emploi. A cet égard, le procède seulement à la suppression d'une disposition qui devient inutile avec la suppression des CES et CEC.

Trois mécanismes d'aide sont prévus dans le cadre des nouveaux CAE, étant entendu que ces aides resteront, comme actuellement celles aux CES et CEC, exclusives de toute autre aide de l'Etat à l'emploi :

_ L'aide budgétaire de l'Etat

Elle est déjà inscrite dans la loi pour les CES et les CEC. Pour ces derniers, il est également prévu une modulation selon la « gravité des difficultés d'accès à l'emploi », donc la nature des publics bénéficiaires.

En pratique les textes d'application des deux dispositifs ont établi un régime complexe et évolutif de prise en charge différenciée selon les publics et la nature des employeurs pour les CES (ce régime a été simplifié récemment : depuis le 1er janvier 2004, le taux de subvention, de 65 % à 95 %, dépend seulement de la nature de l'employeur), de prise en charge dégressive pour les CEC.

S'agissant des CAE, le reprend le critère de modulation selon les publics et y ajoute, dans la rédaction issue du Sénat, « la catégorie » de l'employeur, les « initiatives prises en matière d'accompagnement et de formation professionnelle en faveur du bénéficiaire » et les « conditions économiques locales » ; un décret en Conseil d'Etat fixera ces critères. Le Séant a également précisé que l'aide à l'employeur ne supporterait « aucune charge fiscale ».

Le « bleu » budgétaire recense quant à lui cinq critères de modulation possibles : les difficultés des publics concernés ; la situation locale de l'emploi ; les possibilités offertes par les employeurs en termes d'accompagnement personnalisé, de tutorat et de formation ; la quotité de travail dans le contrat ; le niveau de rémunération.

La prise en compte des situations locales, dans le cadre de la gestion territoriale assurée par le préfet de région (et les services extérieurs du ministère du travail), constitue l'innovation la plus significative, les autres critères étant déjà pris en compte, plus ou moins explicitement, dans la modulation des dispositifs en vigueur.

L'article 38 du présent projet infra ne comprend pas de programmation financière quinquennale de l'effort de l'Etat pour les CAE.

Pour 2005, le projet de loi de finances inscrit pour les enveloppes régionales fongibles CAE-CIE une dotation de 438,6 millions d'euros, qui permettrait de financer 230 000 CAE et CIE.

Il appartiendra aux préfets de région d'arbitrer entre les deux types de contrats, les uns dans le secteur non-marchand, les autres dans le secteur marchand.

Le budget est construit sur l'hypothèse d'une réorientation vers l'emploi marchand, donc les CIE, qui limiterait à 115 000 les entrées en CAE en 2005 ; il y eu 280 000 entrées en CES et CEC en 2003 et environ 188 000 sont attendues en 2004, mais en 2005, une partie du « public » potentiel de ces contrats basculera aussi vers les contrats d'avenir - voir infra, article 29 - dont 185 000 sont prévus.

La programmation budgétaire repose sur l'hypothèse d'un montant unitaire moyen d'aide de l'Etat de 479,40 €/mois pour les CAE.

_ L'aide à la formation

Dans le cadre des dispositifs CES et CEC, l'Etat peut contribuer à la formation des bénéficiaires (sur la base d'un tarif forfaitaire qui était début 2004 de 3,35 €/heure et dans la limite de 400 heures).

Le conserve la base légale de cette aide à la formation et l'étend aux autres actions mentionnées au deuxième alinéa du I du nouvel article L. 322-4-7 du code : accompagnement professionnel, orientation et validation des acquis de l'expérience.

_ L'exonération de charges sociales patronales

Les CAE bénéficieront également d'un régime spécifique d'exonération de charges sociales patronales, directement issu de celui actuellement applicable aux CEC. Le le reprend en y procédant à un aménagement : il supprime l'exonération en ce qu'elle concerne les obligations au titre de la formation professionnelle (55), cette exonération allant à l'encontre de la volonté d'enrichir le volet formation des contrats aidés.

En conséquence, les employeurs de CAE seront exonérés :

- des cotisations de sécurité sociale, c'est-à-dire les cotisations de base au régime général maladie, vieillesse, famille, accidents du travail, etc., dans la limite d'un plafond de rémunération fixé par décret ;

- de la taxe sur les salaires, de la taxe d'apprentissage et du « 1 % » construction.

A contrario, ils seront donc assujettis aux cotisations à l'assurance chômage, aux régimes de retraite complémentaire (et aux cotisations annexes fonds de garantie des salaires-FNGS et association pour la gestion du fonds de financement-AGFF) et au fonds national d'aide au logement (FNAL), à l'obligation de formation comme il a été dit et au versement transport là où il existe.

Il est enfin à noter que la question de l'assujettissement ou non des CAE à la contribution nouvelle de 0,3 % à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ne paraît pas clairement tranchée : la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 qui l'a instituée désigne ce prélèvement comme une « contribution » et non une cotisation ; elle est cependant assimilée dans son assiette et son recouvrement à une cotisation sociale de base. Doit-elle ou non en conséquence être considérée comme couverte ou non par l'exonération générale de ces cotisations dont bénéficieront les CAE ? Ce point doit être clarifié.

Dans le cas standard (une entreprise de plus de dix salariés hors zone soumise au versement transport), les charges employeur devraient donc représenter, au niveau du SMIC, environ douze points pour les CAE. Ce niveau d'allègement est moins favorable que celui dont bénéficient actuellement les CES, qui ne sont assujettis qu'aux cotisations chômage, mais plus que le régime de droit commun d'allègement sur les bas salaires (« allègement Fillon »).

L'exonération de charges en faveur des CAE s'inscrivant dans la continuité de celles qui existaient pour les CES et CEC, que les CAE remplacent, elle ne sera pas compensée par l'Etat à la sécurité sociale : en effet, les CES et les CEC avaient été créés avant l'instauration en 1994 du principe général de compensation des nouvelles exonérations (article L. 131-7 du code de la sécurité sociale).

*

Le tableau ci-après donne une évaluation de ce que seront les coûts d'un CAE pour un employeur. Il a été établi sur la base d'une aide fixe de l'Etat de 479,40 € par mois, ce qui, par définition, est une hypothèse simplificatrice, puisqu'il s'agit là du montant moyen anticipé et que cette aide sera modulée selon divers critères.

Sous cette réserve, on voit que le dispositif CAE conduit à un coût du travail qui pourrait être réduit en moyenne de 50 à 60 % par rapport au droit commun représenté par le SMIC avec l'allègement général de charges « Fillon » (étant entendu que cette référence est pertinente pour les employeurs associatifs, qui peuvent bénéficier de cet allègement, mais non pour les collectivités locales).

Ce niveau est sans doute moins avantageux que celui actuellement offert par certaines formules de CES, celles destinées aux associations (taux de subvention égal à 80 % du SMIC), a fortiori aux associations d'insertion (taux de subvention de 95 %).

Il convient cependant d'observer qu'une partie importante du public susceptible de bénéficier aujourd'hui de ces taux de soutien est constituée d'allocataires du RMI ou de l'ASS qui pourront rentrer dans le dispositif du contrat d'avenir, où l'allègement des charges de l'employeur sera beaucoup plus élevé (voir l'article 29 infra). Pour les autres personnes concernées, la possibilité de moduler l'aide de l'Etat aux CAE devra permettre de prendre en considération la nécessité, dans certains cas, d'un degré de subvention restant très élevé.

Comparaison des coûts pour l'employeur avec le « droit commun »
(SMIC avec « allègement Fillon »)

Pour un horaire hebdomadaire de...

20 heures

26 heures

30 heures

35 heures

Coût brut mensuel employeur d'un SMIC horaire avec allègement « Fillon » (régime pérenne) (en €)

776

1 009

1 164

1 358

Coût brut mensuel employeur d'un CAE (avec prime fixe de 479,40 € et allègement de cotisations non plafonné) (en €)

263

486

634

820

En % du coût d'un « SMIC Fillon »

34

48

54

60

Coût horaire du CAE (en €)

3,03

4,31

4,88

5,40

Hypothèses sur les charges : cas d'une entreprise de 10 salariés et plus, hors zone versement transport ; taux de cotisations accidents du travail : 2,2 % ; nouvelles contributions à la CNSA prises en compte hors cotisations de sécurité sociale. Montants du SMIC et du RMI applicables au 2e semestre 2004.

i) Le rôle des instances représentatives du personnel

La loi prévoit une information des instances représentatives du personnel des organismes concluant des CES et des CEC sur ces contrats ; un rapport annuel sur leur déroulement doit leur être remis.

Le maintient cette règle en y procédant à une coordination formelle.

j) La rupture du CAE

Conformément à l'article L. 122-3-8 du code du travail, un contrat à durée déterminée ne peut en principe être rompu unilatéralement qu'en cas de faute grave, pour cause de force majeure ou, à l'initiative du salarié, lorsque celui-ci justifie d'une embauche en contrat à durée indéterminée (CDI). Dans tous les autres cas, le salarié partant avant terme doit en principe indemniser l'employeur.

Afin de ne pas bloquer l'accès des bénéficiaires de contrats aidés à des emplois ou des formations plus valorisants, la loi a prévu en outre, dans le cas des contrats emploi-solidarité, un droit pour les salariés de rompre ceux-ci pour « leur permettre d'occuper » tout autre « emploi » ou de suivre une formation qualifiante.

Le du présent article 25 reprend, en la précisant, cette règle pour les nouveaux contrats d'accompagnement dans l'emploi. La nouvelle rédaction est décalquée de celle en vigueur depuis le début de l'année pour le CI-RMA (article L. 322-4-15-5 du code du travail).

Les CAE pourront être rompus par les bénéficiaires pour :

- être embauchés en CDI ;

- être embauchés en CDD pour six mois au moins ;

- suivre une formation qualifiante.

Cette rédaction exclut donc les ruptures de CAE justifiées par des embauches dans d'autres contrats très courts, qui n'offrent pas aux personnes concernées de réelles perspectives d'emploi durable.

Elle est également plus précise que le droit en vigueur en spécifiant que la rupture doit être justifiée par la perspective d'être embauché et non d'occuper un emploi : le flou de la formulation actuelle a conduit l'administration (56) à dispenser le salarié de toute attestation (promesse d'embauche, récépissé d'inscription à un stage...) pour justifier sa rupture unilatérale de CES, ce qui constitue peut-être une facilité excessive s'agissant de publics parfois très éloignés de l'emploi et peu assidus ; la nouvelle formulation devrait autoriser une plus grande rigueur à cet égard. S'agissant du CI-RMA, le décret d'application (57) impose d'ailleurs, sur le fondement d'une disposition législative identique, la production de « tout document justifiant de l'embauche ou de l'inscription à la formation ».

Enfin, le projet de loi propose d'autoriser la suspension d'un CAE afin que le salarié puisse effectuer une période d'essai afférente à un autre emploi. S'il est finalement recruté, le CAE sera rompu sans préavis. Il pourrait être utile de préciser, comme c'est d'ailleurs fait à l'article suivant dans le dispositif analogue s'agissant du CIE, que cette suspension n'est de droit que si l'embauche visée correspond aux cas de figure susmentionnés (pour un CDI ou un CDD d'au moins six mois).

Par ailleurs, le projet ne reprend pas la disposition existante qui prohibe, pour les CES, le cumul avec une autre activité rémunérée (avec des possibilités de dérogations autorisées). Pourtant, cette disposition existe également dans le cas du CI-RMA et il n'est pas, alors, proposé de l'abroger.

*

M. Francis Vercamer a présenté un amendement prévoyant que les contrats d'accompagnement dans l'emploi puissent être renouvelés pour les personnes ayant des difficultés graves d'insertion.

Après un avis défavorable de la rapporteure, qui a précisé que le projet renvoie déjà à un décret les conditions de renouvellement de ces contrats, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer substituant les maisons de l'emploi à l'Etat comme signataire des conventions relatives aux contrats d'accompagnement dans l'emploi.

M. Francis Vercamer a expliqué qu'il présente plusieurs amendements donnant aux maisons de l'emploi les prérogatives jusqu'ici réservées à l'Etat. En effet, sans cela on peut se demander quel sera le rôle exact de ces maisons de l'emploi. Elles doivent donc être partie prenante dans l'élaboration des conventions.

La rapporteure a indiqué qu'il lui paraît difficile d'accepter cet amendement en l'absence de statut juridique et de couverture territoriale uniformes pour les maisons de l'emploi.

Puis la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné deux amendements identiques de la rapporteure et de Mme Martine Billard visant à supprimer les entreprises d'insertion par l'activité économique comme employeurs potentiels de personnes en contrat d'accompagnement dans l'emploi.

La rapporteure a rappelé que ces entreprises revendiquent leur appartenance au secteur marchand. Il convient donc de les exclure d'un dispositif destiné au secteur non marchand.

La commission a adopté les amendements, ce qui a rendu sans objet un amendement de M. Gaëtan Gorce qui correspond de toute façon exactement aux modifications déjà votées au Sénat.

M. Maxime Gremetz a présenté un amendement précisant que les contrats d'accompagnement dans l'emploi doivent être réservés aux chômeurs les plus en difficulté, comme par exemple les demandeurs d'emploi de plus d'un an ou âgés de plus de cinquante ans ou les personnes qui, du fait de leur âge ou de leur handicap, rencontrent des difficultés particulières d'accès à l'emploi.

La rapporteure s'est déclarée défavorable à cet amendement car il conduit à rendre le dispositif trop complexe : toutes les tentatives de détailler les bénéficiaires potentiels des différents contrats aidés ont montré leurs limites car on a dû prévoir des dérogations pour les personnes ne rentrant pas dans les catégories visées et cependant en grande difficulté.

La commission a rejeté cet amendement.

M. Patrick Roy a présenté un amendement de M. Gaëtan Gorce qui répond au même objectif que le précédent et qui vise à préciser les publics prioritaires pour ce contrat aidé. Il s'agirait en l'occurrence des demandeurs d'emploi de longue durée ou âgés de plus de cinquante ans, des bénéficiaires de minima sociaux, des travailleurs handicapés ainsi que des jeunes de moins de vingt-six ans ayant des difficultés particulières d'insertion.

La rapporteure a souligné à nouveau l'avantage présenté par la simplicité de la rédaction du projet.

M. Maxime Gremetz a répondu que cet argument ne le convainc pas car le projet de loi propose une multitude de contrats aidés qui doivent s'adresser à des publics particuliers. Dans le cas contraire, il devrait être possible de mettre en place un seul type de contrat d'insertion.

La commission a rejeté l'amendement.

M. Rodolphe Thomas, présentant un amendement de M. Francis Vercamer, a expliqué que les régions doivent prendre toute leur place dans la politique régionale de la formation compte tenu de leurs nouvelles compétences. Il convient donc de prévoir une prise en charge partielle par les régions du coût afférent aux actions de formation pour les demandeurs d'emploi titulaires d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi.

Mme Hélène Mignon a fait remarquer qu'il ne paraît pas très logique de préciser dans le texte une compétence qui est déjà obligatoire pour les régions. Ne serait-ce pas une manière pour l'Etat de se décharger de certaines de ses obligations financières ?

Sur l'avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté l'amendement.

M. Francis Vercamer a présenté un amendement prévoyant que les régions participent obligatoirement aux actions de formation organisées dans le cadre des contrats d'accompagnement dans l'emploi.

La rapporteure a émis un avis défavorable, estimant que cet amendement est satisfait par l'adoption du précédent.

La commission a rejeté l'amendement.

Mme Hélène Mignon a présenté un amendement de M. Gaëtan Gorce précisant que les heures de formation et de validation des acquis de l'expérience sont rémunérées pour les personnes titulaires de contrats d'accompagnement dans l'emploi.

M. Patrick Roy a indiqué que cette précision est indispensable pour inciter des publics en situation de déshérence à faire l'effort de se former. Sans cela le projet de loi de cohésion sociale ne répond pas à son objectif de s'adresser prioritairement aux publics les plus défavorisés.

En réponse, la rapporteure a expliqué que le contrat d'accompagnement dans l'emploi doit se situer, en termes de revenu, dans un position intermédiaire entre les minima sociaux et le SMIC et qu'il n'est pas possible de majorer la rémunération prévue. Il convient également de penser au coût pour les employeurs.

M. Maxime Gremetz a déclaré ne pas être d'accord avec cet argument alors que ce projet de loi repose sur l'idée d'une discrimination positive. Il n'est pas possible d'appliquer à ces personnes en difficulté les mêmes dispositions que celles prévues par l'accord national sur la formation professionnelle.

La rapporteure a rappelé que le code du travail encadre déjà très strictement les dispositions relatives à la formation professionnelle. Mme Martine Billard a objecté que les contrats aidés n'étant pas pris en compte dans l'effectif de l'entreprise, leurs titulaires ne pourront bénéficier du plan de formation. Qui paiera cette formation et quel sera le statut des stagiaires durant les périodes de formation professionnelle ?

M. Rodolphe Thomas a déclaré ne pas comprendre l'objet de cette discussion car la commission a adopté son amendement prévoyant la participation des régions au financement des formations comprises dans l'accompagnement des contrats aidés.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné deux amendements de même portée, le premier de M. Maxime Gremetz et le second de M. Gaëtan Gorce, fixant à six mois la durée minimale des contrats d'accompagnement dans l'emploi et à trente-six mois la possibilité de les renouveler.

M. Maxime Gremetz a précisé que son amendement vise à réduire la précarité et à favoriser le retour à l'emploi.

M. Michel Liebgott a considéré qu'il faut enrayer la tendance générale à la réduction de la durée des contrats à durée déterminée.

La rapporteure a estimé qu'il est préférable de renvoyer au décret la question de la durée des contrats afin de conserver le maximum de souplesse.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté les deux amendements.

Puis elle a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz précisant l'objet des contrats d'accompagnement qui doivent répondre à des besoins collectifs non satisfaits et ne pas porter sur des fonctions définies par le statut de la fonction publique territoriale.

Mme Muguette Jacquaint a précisé qu'il faut se prémunir contre le risque de voir remis en cause le statut de la fonction publique territoriale au moment où interviennent de nombreux départs à la retraite non remplacés. Il ne faudrait pas que des contrats aidés remplacent des emplois statutaires.

Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Gaëtan Gorce précisant que le salaire des bénéficiaires des contrats d'accompagnement ne peut être calculé selon des modalités inférieures au SMIC.

M. Michel Liebgott a reconnu que cet amendement est satisfait par un amendement adopté par le Sénat.

M. Gaëtan Gorce a toutefois indiqué qu'il est indispensable de s'interroger sur l'importance de la participation de l'Etat au financement des contrats et de savoir à quoi correspondent les crédits inscrits au budget sur ce point. A combien s'élèveront les aides de l'Etat ? Ces crédits sont fongibles avec ceux des contrats initiative emploi, mais s'agit-il d'une fongibilité au niveau régional ou au niveau national ? On peut se demander s'il ne s'agit pas simplement de faire baisser les statistiques du chômage. De plus, quelle sera la place des maisons de l'emploi par rapport à l'utilisation de ces crédits fongibles ? La distinction entre les contrats selon que les bénéficiaires perçoivent ou non un minimum social est-elle pertinente et quelles sont les mesures d'insertion prévues pour les accompagner vers le retour à l'emploi ? Ces questions doivent être éclaircies si l'on veut éviter que toutes ces mesures débouchent sur des parkings sociaux.

La rapporteure a indiqué que l'aide mensuelle moyenne de l'Etat pour un contrat d'accompagnement dans l'emploi sera de 480 euros et pour un contrat initiative emploi de 260 euros. L'esprit du projet de loi consiste à adapter les solutions en fonction des situations locales et des bassins d'emploi. D'où le principe de modulation des montants en fonction des situations locales de l'emploi, qui s'oppose à la fixation rigide d'un niveau plancher d'aide.

M. Gaëtan Gorce a fait observer que ces arguments révèlent que rien n'est « calé » dans ce projet de loi.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que cet amendement est identique à un amendement adopté par le Sénat et suggéré qu'il soit retiré.

L'amendement a été retiré par son auteur.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz autorisant le cumul temporaire du salaire tiré d'un contrat d'accompagnement et d'un revenu de remplacement dans la limite de 1,5 fois le SMIC.

Mme Muguette Jacquaint a estimé qu'il n'y a pas lieu de maintenir à la baisse le niveau des ressources des bénéficiaires des minima sociaux car ils risquent alors de sortir du dispositif de retour à l'emploi.

La rapporteure s'est déclarée défavorable à cet amendement car la rédaction proposée est trop large et trop générale.

Mme Catherine Génisson a rappelé que la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 a introduit une disposition de cumul de revenus similaire. Des enquêtes récentes révèlent que la situation des travailleurs pauvres est un problème fondamental qui s'aggrave. Tout dispositif d'aide à l'emploi doit permettre de cumuler salaire et revenu de remplacement.

Mme Martine Billard a cité l'exemple du revenu minimum d'activité (RMA) lequel, s'il est critiquable sur bien des points, prévoit un cumul des revenus. Comment est-il possible de vivre et de se loger avec un contrat de 20 heures même payé sur la base du SMIC ? Un contrat à temps plein aurait été préférable mais en l'absence d'une telle disposition il faut au minimum autoriser la possibilité de cumuler salaires et revenus de remplacement. Il est regrettable qu'aucun bilan n'ait été fait des contrats emploi-solidarité (CES) et que le projet de loi se contente de réduire le nombre de contrats aidés.

Mme Hélène Mignon a rappelé que l'objectif est le retour à l'emploi et que le travail ne doit pas être découragé.

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission a rejeté l'amendement.

Mme Martine Billard a retiré un amendement calculant le salaire des bénéficiaires de contrat d'accompagnement sur la base du SMIC, qui est satisfait par les votes du Sénat. Elle a également retiré un amendement prévoyant que les bénéficiaires des contrats d'accompagnement dans l'emploi perçoivent un salaire calculé sur une base au moins égale à celle du SMIC horaire.

M. Francis Vercamer a ensuite présenté un amendement tendant à ce que le montant de l'aide pour le contrat d'accompagnement dans l'emploi ne soit pas inférieur à celui de l'aide accordée pour les CES et les CEC (contrats emploi consolidé)

M. Michel Liebgott s'est inquiété du risque d'appel à un financement des collectivités territoriales au cas où le montant de l'aide serait insuffisant. Les régions auront-elles le droit d'apporter leur concours ? Par ailleurs étant donné les caractéristiques d'assiette des impôts locaux, le financement local sera supporté par tous les contribuables.

La rapporteure s'est déclarée défavorable à l'amendement au motif qu'il n'est pas possible, dans le cadre d'une réforme d'ensemble, de garantir au cas par cas le maintien exact des aides antérieures. Elle a indiqué que figurera dans son rapport un tableau comparant les aides versées au titre des anciens et des nouveaux contrats aidés.

La commission a rejeté l'amendement de M. Francis Vercamer.

La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Francis Vercamer tendant à ne pas supprimer l'exonération de la participation due par l'employeur au titre de la formation professionnelle.

Puis la commission a adopté un amendement de précision de la rapporteure.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer prévoyant que, en cas de rupture anticipée du contrat, le montant de la prime de précarité est pris en charge par l'Etat.

M. Francis Vercamer a précisé que lorsque le salarié rompt le contrat d'accompagnement pour conclure un contrat à durée indéterminée ou suivre une formation qualifiante, l'employeur est dispensé du versement de la prime de précarité et qu'elle doit alors être assumée par l'Etat. La rapporteure s'est déclarée défavorable en signalant qu'il n'y a pas de prime de précarité dans le cas des contrats à durée déterminée aidés.

La commission a rejeté l'amendement.

M. Francis Vercamer a en conséquence retiré un amendement tendant à dispenser du versement la prime de précarité.

La commission a adopté l'article 25 ainsi modifié.

Article 26

Aménagement du contrat initiative-emploi

Créé par la loi n° 95-881 du 4 août 1995, le contrat initiative-emploi (CIE) vise à faciliter l'insertion professionnelle durable et directe dans le secteur marchand de personnes qui sont ou qui risquent d'être exclues du marché du travail.

Le présent article ne modifie pas la philosophie d'un dispositif qui a bien fonctionné, mais procède à une simplification de sa définition légale et à une harmonisation avec les nouveaux contrats par ailleurs créés. Cette définition sera inscrite à l'article L. 322-4-8 du code du travail, anciennement consacré aux contrats emploi-solidarité (supprimés), l'article 24 du présent projet de loi ayant supprimé les articles L. 322-4-2 à L. 322-4-5 du code qui régissaient jusqu'à présent le CIE.

1. Le bilan du CIE

Le CIE a pour caractéristique première d'être réservé au secteur marchand. Pour le reste, les modalités du contrat (forme, durée, temps de travail) sont assez souples. Le dispositif a connu plusieurs réformes et mesures de relance depuis sa création et les modalités de l'aide publique ont évolué.

Le système actuel repose essentiellement sur le versement à l'employeur d'une aide mensuelle d'Etat dont le montant est modulé en fonction de la gravité des difficultés d'accès à l'emploi du bénéficiaire : elle s'élève à 330 € ou 500 €, le montant majoré étant grosso modo réservé aux personnes cumulant au moins deux facteurs aggravants entre : un âge supérieur à cinquante ans ; un chômage de longue durée (douze mois et plus) ; le bénéfice d'un minimum social, la qualité de travailleur handicapé ou la résidence en zone urbaine sensible. Pour les plus de cinquante ans, l'aide peut être versée pendant cinq ans, contre deux ans normalement. A la prime mensuelle s'ajoutent les allègements de charges sociales de droit commun, ainsi qu'une éventuelle aide à l'accompagnement dans l'emploi, à la formation ou au tutorat.

Les entrées dans le dispositif ont connu un point bas en 2002 : on était tombé de 157 000 en 1999 à moins de 53 000 en 2002 (le « stock » de bénéficiaires en cours de contrat ne descendant pas, cependant, sous les 150 000). Le CIE a bénéficié de mesures de relance du gouvernement et on est remonté à 64 000 entrées en 2003. On en prévoit 96 000 en 2004.

Les éléments plus qualitatifs dont on peut disposer sur le CIE révèlent un dispositif bien tourné vers les personnes les plus en difficulté et efficace pour les ramener vers l'emploi :

- L'analyse de l'origine des personnes entrées en CIE en 2003 montre que le programme bénéficie effectivement à des personnes objectivement en situation de grande difficulté : 19,5 % étaient bénéficiaires du RMI, 9 % de l'ASS, 21,3 % « travailleurs handicapés » (au sens du code du travail), 27,5 % demandeurs d'emploi depuis trois ans au moins ; 24 % avaient plus de 50 ans.

- Cependant, plus de huit CIE sur dix signés en 2003 sont des contrats à durée indéterminée, sept contrats sur dix des contrats à temps plein. Il est également à noter que le dispositif est apprécié des petites entreprises : les établissements de moins de dix salariés ont réalisé près de 70 % des embauches. Les secteurs du commerce (23 % des embauches) et des services aux particuliers (16 % des embauches) sont les plus gros utilisateurs.

- Une étude de suivi (58) d'ex-bénéficiaires de diverses formules de contrats aidés et de stages en 2000 a mesuré leur insertion dans l'emploi trois ans après, en mars 2003. Le CIE obtient les meilleurs scores derrière les contrats de qualification et l'apprentissage et loin devant les contrats non-marchands et les stages SIFE : parmi les ex-bénéficiaires de CIE trois avant, 76 % occupaient un emploi en mars 2003, 15 % étaient au chômage et 8 % inactifs. Parmi ceux qui étaient en situation d'emploi, 87 % bénéficiaient d'un contrat à durée indéterminée, contre 3 % seulement d'un contrat aidé (les autres étant en intérim ou en CDD). 70 % des ex-bénéficiaires de CIE qui étaient en CDD ou en intérim en mars 2002 (et toujours en emploi en mars 2003) étaient passés en contrat à durée indéterminée un an plus tard.

Le contrat initative-emploi s'avère donc un outil très efficace d'accès à l'emploi « normal » stable.

2. Les aménagements proposés

a) Le public visé

Le premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 322-4-8 réécrit dispose que le CIE est destiné aux « personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi ». Cette formulation se distingue de celle retenue pour le contrat d'accompagnement dans l'emploi en ne précisant plus que les difficultés d'accès à l'emploi des candidats doivent être « particulières ». Le dispositif CIE sera donc en principe moins sélectif.

Par ailleurs, comme pour le CAE par rapport aux CES et CEC, la nouvelle rédaction est beaucoup plus simple que celle en vigueur, qui s'efforçait de lister l'ensemble des éléments « objectifs » de difficulté d'accès à l'emploi justifiant l'accès au dispositif (âge, handicap, chômage de longue durée, etc.), tout en prévoyant une dérogation possible pour les personnes rencontrant de grandes difficultés sans répondre à ces critères.

b) Les employeurs

Selon le même alinéa, les employeurs potentiels de personnes en CIE seront, outre l'ensemble des employeurs de droit privé assujettis à l'assurance chômage (entreprises, mais aussi professions libérales et associations), les entreprises nationales et établissements publics industriels et commerciaux, les sociétés d'économie mixte, les chambres consulaires et les employeurs de pêche maritime, dans l'exacte continuité du droit en vigueur.

Le Sénat a souhaité viser explicitement les groupements d'employeurs. Les particuliers employeurs restent en revanche exclus.

c) Le mode de gestion

Toujours selon le même alinéa, les CIE continueront à faire l'objet de conventions entre l'Etat et les employeurs, ce qui signifie qu'ils seront ou pourront être contingentés. Ils sont destinés à être gérés dans le cadre d'enveloppes régionales globales couvrant également les CAE. Les arbitrages entre les deux dispositifs et sur les montants d'aide, l'aide de l'Etat devenant modulable (voir infra), seront effectués à ce niveau en fonction d'objectifs de baisse du chômage fixés par le gouvernement.

Cette globalisation de la responsabilité en matière de CIE et de CAE, au niveau des services régionaux de l'Etat, amène à s'interroger sur le rôle de l'ANPE dans le dispositif. En effet, actuellement, l'agence gère les CIE pour le compte de l'Etat, alors que ce n'est pas le cas des contrats non-marchands. Le maintien de ces modes de gestion différenciés ne paraît guère compatible avec la nouvelle gestion globalisée. Le gouvernement semble envisager de réserver aux services de l'Etat la fonction de pilotage des deux familles de contrats, mais d'en confier largement la gestion (instruction des dossiers, attribution des contrats, etc.) à l'ANPE, ce qui irait dans le sens des recommandations de différents rapports administratifs qui tendent à conforter l'ANPE comme gestionnaire « courant » des politiques de l'emploi financées par l'Etat.

d) La nature et la durée du contrat de travail, le temps de travail

Le premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 322-4-8 du code du travail dispose que le CIE est soit un contrat à durée indéterminée, soit un contrat à durée déterminée conclu sous l'empire de l'article L. 122-2 du code (voir le commentaire de l'article 25 supra à propos de cet article), ce qui est l'exacte reprise du droit en vigueur.

Le dernier alinéa du I de l'article L. 322-4-8 renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des règles de durée et de renouvellement (la limitation à un renouvellement posée à l'article L. 122-2 du code n'étant pas applicable) des conventions (entre l'Etat et les employeurs) et des contrats initiative-emploi. Ces règles tiendront compte des difficultés des personnes et des employeurs.

La loi en vigueur comportait plusieurs précisions qui ne sont pas reprises dans le projet (elles relèveront donc, le cas échéant, des textes d'application). Elle disposait que :

- le CIE à durée déterminée était conclu pour douze à vingt-quatre mois ;

- le CIE ne pouvait être un contrat d'intérim ;

- le CIE pouvait être à temps partiel (ou, a contrario implicitement, à temps plein). Le décret d'application en vigueur avait fixé à dix-sept heures trente la durée hebdomadaire minimale.

e) Le volet formation

Le deuxième alinéa du I de l'article L. 322-4-8 prévoit un volet « formation » facultatif dans les conventions entre l'Etat et les employeurs de CIE, dans la continuité du dispositif en vigueur, qui ne comprenait pas d'obligation de formation.

f) Les aides publiques

Le premier alinéa du II de l'article L. 322-4-8 définit l'aide de l'Etat aux CIE.

La prime versée pour chaque contrat pourra être modulée, dans la version du projet issue du Sénat, « en fonction de la situation des bénéficiaires, des initiatives prises en matière d'accompagnement et de formation professionnelle par l'employeur ainsi que des conditions économiques locales ». Hormis celui de la nature des employeurs, ces critères de modulation sont sensiblement les mêmes que ceux proposés pour les contrats d'accompagnement dans l'emploi, ce qui est nécessaire dans l'optique de la gestion globalisée et territorialisée des deux procédures qui est envisagée.

Dans le dispositif en vigueur, la seule modulation prévue était effectuée selon la « gravité des difficultés d'accès à l'emploi », donc la nature des publics. Comme on l'a dit, il existe effectivement deux niveaux de prime selon les bénéficiaires.

Par ailleurs, le projet de loi mentionne également une aide aux actions de formation et d'accompagnement éventuellement inscrites dans la convention avec l'employeur. La loi en vigueur prévoyait quant à elle une aide à la formation et une aide au tutorat.

Enfin, les CIE continueront à bénéficier des allègements généraux de cotisations sociales (bientôt réunifiés dans l'« allègement Fillon »).

Comme il a été indiqué, pour 2005, le projet de loi de finances inscrit pour les enveloppes régionales fongibles CAE-CIE une dotation de 438,6 millions d'euros, qui permettrait de financer 230 000 CAE et CIE. Il appartiendra aux préfets de région d'arbitrer entre les deux types de contrats, les uns dans le secteur non-marchand, les autres dans le secteur marchand. Le budget est construit sur l'hypothèse de 115 000 CIE et d'un montant unitaire moyen d'aide de l'Etat de 259,50 €/.

*

Le tableau ci-après donne une évaluation de ce que seront les coûts d'un CIE pour un employeur. Il a été établi sur la base d'une aide fixe de l'Etat de 259,5 € par mois, ce qui, par définition, est une hypothèse simplificatrice, puisqu'il s'agit là du montant moyen anticipé et que cette aide sera modulée selon divers critères.

Sous cette réserve, on voit que le dispositif CIE conduit à un coût du travail qui pourrait être réduit d'un quart ou un tiers par rapport au droit commun représenté par le SMIC avec l'allègement général de charges « Fillon ». Ce degré d'allègement est dans la continuité de celui apporté par le régime en vigueur (24 à 37 % selon le niveau de prime, 330 ou 500 € proratisés selon la durée du travail).

Comparaison des coûts pour l'employeur avec le « droit commun »
(SMIC avec « allègement Fillon »)

Pour un horaire hebdomadaire de...

20 heures

26 heures

30 heures

35 heures

Coût brut mensuel employeur d'un SMIC horaire avec allègement « Fillon » (régime pérenne) (en €)

776

1 009

1 164

1 358

Coût brut mensuel employeur d'un CIE (avec prime fixe de 259,50 €) (en €)

517

750

905

1 099

En % du coût d'un « SMIC Fillon »

67

74

78

81

Coût horaire du CIE (en €)

5,96

6,65

6,96

7,25

Hypothèses sur les charges : cas d'une entreprise de 10 salariés et plus, hors zone versement transport ; taux de cotisations accidents du travail : 2,2 % ; nouvelles contributions à la CNSA prises en compte hors cotisations de sécurité sociale. Montants du SMIC et du RMI applicables au 2e semestre 2004.

g) Le dispositif de garantie contre l'éviction des salariés en place

Le second alinéa du II de l'article L. 322-4-8 interdit la conclusion de CIE par des employeurs ayant procédé à des licenciements économiques dans les six mois antérieurs ou lorsque l'embauche est la conséquence directe du licenciement (économique ou non) d'un salarié sous contrat à durée indéterminée. S'il apparaît que l'embauche en CIE a pour conséquence un licenciement, la convention peut être dénoncée par l'Etat et les aides perçues doivent être remboursées par l'employeur.

Ce dispositif visant à dissuader des employeurs indélicats de remplacer leurs salariés « normaux » par des emplois aidés peu onéreux est directement repris du droit en vigueur s'agissant des CIE (article L. 322-4-3 en vigueur du code du travail) et existe aussi pour les CI-RMA (article L. 322-4-15-1).

Par ailleurs, il est prévu que l'employeur doit être à jour de ses cotisations sociales.

h) La rupture du CIE

Le dernier alinéa du III de l'article L. 322-4-8 prévoit une dérogation analogue à celle inscrite pour les CAE - et déjà en vigueur pour les CI-RMA (article L. 322-4-15-5 du code du travail) - en ce qui concerne la rupture unilatérale du contrat par le salarié (voir le commentaire de l'article 25 supra sur le régime de la rupture des CDD) : celui-ci pourra rompre sans faute son CIE en vue d'une embauche en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de six mois au moins, ou pour suivre une formation qualifiante. Le CIE en cours pourra de même être suspendu pour une période d'essai et rompu sans préavis en cas de recrutement définitif consécutif.

i) Les conditions de prise en compte des titulaires de CIE dans l'effectif de l'employeur

Le paragraphe IV de l'article L. 322-4-8 a été inséré par le Sénat dans le cadre de mesures de coordination.

Les obligations des employeurs augmentant systématiquement avec les effectifs, le non décompte dans ceux-ci de diverses catégories de contrats spécifiques pour l'application des nombreuses dispositions où le droit prévoit un traitement différencié des entreprises selon leur taille (par exemple en matière de représentation du personnel, de procédures de licenciement, d'obligations de formation, d'obligation d'emploi de travailleurs handicapés, etc.) est une mesure classique destinée à rendre plus attractives ces formules.

S'agissant des personnes en CIE, l'article L. 322-4-5 du code du travail en vigueur prévoit que celles-ci sont exclues de l'effectif décompté pendant la durée de leur contrat quand il est à durée déterminée, mais seulement pour deux années lorsqu'elles sont embauchées en contrat à durée indéterminée. Il était paru anormal au législateur que des personnes destinées à s'intégrer durablement à l'entreprise restent hors décompte définitivement.

Le présent paragraphe reprend cette règle en la modifiant quelque peu : les titulaires de CIE ne seront pas pris en compte dans l'effectif pendant la durée de la convention d'aide entre l'Etat et l'employeur (et non du contrat de travail), cette convention étant forcément à durée déterminée.

*

La commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer substituant à l'Etat les maisons de l'emploi pour la conclusion des conventions ouvrant droit au bénéfice des contrats initiative-emploi (CIE).

Mme Muguette Jacquaint a ensuite présenté un amendement disposant que les CIE doivent être réservés à diverses catégories de personnes très éloignées de l'emploi et instituant un cumul possible du revenu d'un CIE avec un revenu de remplacement dans la limite de 1,5 fois le SMIC.

Mme Catherine Génisson a proposé un sous-amendement rédactionnel et fait valoir que cet amendement traite de la philosophie même de l'accès au CIE.

Mme Martine Billard s'est interrogée sur l'articulation entre l'offre d'un CIE et l'offre d'un contrat d'avenir.

Mme Muguette Jacquaint a donné son accord à la proposition de modification présentée par Mme Catherine Génisson. Elle a souligné qu'il est indispensable de préciser clairement le public que l'on souhaite atteindre au travers des CIE. Elle a rappelé que le gouvernement a déjà proposé un dispositif en faveur des personnes éloignées de l'emploi en grande difficulté mais que celui-ci a en fait été utilisé majoritairement par des personnes diplômées faute de dispositions réservant son bénéfice aux personnes les plus défavorisées.

La rapporteure a rappelé que, chaque fois que des listes de bénéficiaires ont été dressées, les pouvoirs publics ont dû revoir les textes pour allonger ces listes afin de prendre en compte des situations non prévues.

A l'issue du débat, la commission a rejeté l'amendement de Mme Muguette Jacquaint.

La commission a été saisie de trois amendements identiques présentés par M. Gaëtan Gorce, Mme Muguette Jacquaint et Mme Martine Billard rendant obligatoire la présence d'un volet formation dans les CIE.

Mme Martine Billard a jugé que la majorité parle peu des personnes en difficulté, alors qu'il s'agit d'un projet de loi de cohésion sociale. Elle a regretté l'absence d'un contrat aidé unique qui aurait eu le mérite de clarifier la situation. Elle a justifié son amendement en faisant valoir qu'aucune obligation de formation n'existe au bénéfice des personnes touchant des allocations chômage - qu'elles perdent assez vite - sans être à un minimum social. Les bénéficiaires de CIE iront de contrats aidés en contrats aidés s'il n'y a pas de validation d'expérience et de formation leur permettant de repartir vers l'emploi. Elle a regretté que le projet de loi retombe dans des erreurs déjà commises dans le passé pour d'autres contrats aidés.

M. Michel Liebgott a estimé que les efforts de formation doivent être adaptés et proportionnés à la situation des demandeurs d'emploi. Ces personnes disposent de temps pour suivre des formations. Elles sont motivées. L'obligation proposée par les amendements est justifiée et sera efficacement appliquée par les titulaires de CIE.

Mme Muguette Jacquaint a jugé qu'un effort important doit être accompli en matière de formation des titulaires de CIE afin de ne pas les laisser éloignés pendant des années d'un emploi stable et bien rémunéré.

M. Francis Vercamer s'est déclaré sensible aux arguments des auteurs des trois amendements. Il paraît raisonnable de demander des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou d'accompagnement. Il a proposé un sous-amendement tendant à ne pas additionner l'exigence de ces trois types d'actions mais à laisser la latitude de choisir entre eux. Il a conclu qu'à défaut d'adoption de ces amendements, le CIE apparaîtrait comme une mesure d'accompagnement social.

M. Dominique Dord a souligné que le dispositif du projet de loi le régime du CIE et qu'il est normal de prévoir différents types de contrats aidés selon les publics visés. Tout le monde est d'accord sur l'impératif de formation des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi, mais plus on fait supporter d'obligations aux entreprises, plus on aura du mal à trouver des entreprises d'accueil pour ces personnes.

Mme Pascale Gruny a estimé que si le projet de loi impose des contraintes excessives aux entreprises, elles ne feront pas appel aux personnes en difficulté. Il convient donc de n'imposer aucune obligation dans les CIE.

Mme Muguette Jacquaint a déploré la volonté de la majorité de ne pas être trop dirigiste vis-à-vis des entreprises afin de disposer de personnes « employables ». Elle a cependant fait valoir que les entreprises regrettent le manque d'efforts en matière de formation. Il convient donc que le projet de loi montre aux entreprises que de tels efforts doivent être fournis par elles.

Mme Catherine Génisson a fait observer que les entreprises ont besoin de personnes qui savent travailler. Les contrats-jeunes, qui s'adressaient aux jeunes en situation d'échec scolaire, ont été un échec car ils n'étaient accompagnés d'aucune exigence de formation. Dans un premier temps ils ont connu un relatif succès dû à l'effet d'aubaine, puis le dispositif s'est effondré.

Mme Pascale Gruny a souligné que si une entreprise fait appel à un travailleur sous contrat aidé, ce n'est pas seulement pour engranger des aides, mais dans le but de bénéficier ensuite d'un collaborateur qu'elle pourra conserver. Si certaines entreprises ne cherchent qu'à profiter des aides, il faut que l'Etat joue son rôle et ne signe plus de conventions avec ces entreprises.

Mme Janine Jambu a jugé indispensable de convaincre les entreprises qu'elles ont un besoin de formation. Il ne faut pas leur éviter d'engager des frais en ce sens. La majorité ne doit pas écouter le MEDEF mais les responsables des entreprises sur le terrain.

M. Gaëtan Gorce a souligné également l'utilité de ces amendements pour les entreprises. En effet, en raison de la prochaine évolution négative de la population active française, l'alternative suivante se présentera : ou bien la France devra faire appel à l'émigration, ou bien un objectif volontariste de retour à l'emploi est imposé afin de redonner un travail aux 4,5 millions de personnes qui n'en n'ont pas et dont la grande majorité est immédiatement disponible. Par ailleurs, le projet crée une convention qui devra lier l'UNEDIC, l'ANPE et l'Etat, mais sans y introduire la notion de formation. Il conviendrait de prévoir une formation obligatoire, en fonction des besoins des personnes sans emploi, si l'on veut enclencher un processus d'intégration dans le monde du travail.

La rapporteure s'est déclarée défavorable aux trois amendements identiques et au sous-amendement de M. Francis Vercamer car les créations d'emploi viennent des entreprises et il convient de ne pas accroître leurs charges et obligations.

La commission a rejeté le sous-amendement de M. Francis Vercamer puis les trois amendements identiques de M. Gaëtan Gorce, Mme Muguette Jacquaint et Mme Martine Billard.

La commission a examiné deux amendements de M. Gaëtan Gorce et de Mme Martine Billard prévoyant la rémunération des heures consacrées à la formation professionnelle et à la validation des acquis de l'expérience (VAE).

M. Michel Liebgott a expliqué que cette proposition s'inscrit dans le prolongement de l'amendement précédent, en donnant aux bénéficiaires des contrats initiative emploi (CIE) les moyens nécessaires pour suivre une formation dans de bonnes conditions. A cet égard, il est inquiétant de constater, dans ce texte dit de cohésion sociale, que les préoccupations des entreprises prévalent sur celles des salariés. On aurait pourtant tort d'opposer les intérêts des entreprises et ceux des salariés, car des travailleurs bien formés sont de l'intérêt de tous, y compris de la collectivité puisque les bénéficiaires de contrats d'insertion ne sont plus à la charge mais pleinement acteurs de la société, au sens le plus noble du terme.

Après que la rapporteure a rappelé que la question de la rémunération des heures de formation, selon la nature des formations, est très précisément traitée dans le code du travail suite à la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, la commission a rejeté les amendements.

La commission a examiné un amendement de M. Gaëtan Gorce visant à réserver en priorité les CIE aux demandeurs d'emploi de longue durée ou âgés de plus de cinquante ans, aux bénéficiaires de minima sociaux, travailleurs handicapés et jeunes de moins de vingt-six ans connaissant des difficultés particulières.

M. Michel Liebgott a estimé que là encore, la question est de savoir si l'on veut mettre en place un dispositif commun pour tout le monde ou au contraire le recentrer sur les personnes qui sont les plus en difficulté et dont la réinsertion dans la vie professionnelle est prioritaire, car il est évident que les entreprises n'iront pas spontanément vers elles s'il y a beaucoup de demandeurs de tels dispositifs d'insertion.

Après que la rapporteure s'est déclarée défavorable, en jugeant l'amendement peu opportun en raison des réserves déjà exprimées quant à l'institution de listes trop précises de bénéficiaires, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a également rejeté un amendement de M. Gaëtan Gorce prévoyant de moduler le montant de l'aide versée pour l'embauche des personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi en fonction des efforts entrepris par l'employeur en matière notamment d'accompagnement et de formation professionnelle, après que la rapporteure a rappelé que l'amendement est satisfait par la rédaction de l'article tel que modifié par le Sénat.

La commission a examiné quatre amendements de M. Maxime Gremetz visant à renforcer l'encadrement du recours aux CIE par les employeurs :

- en portant à un an après un licenciement économique le délai pendant lequel l'embauche d'un CIE est impossible ;

- en prohibant cette embauche après la rupture d'un contrat à durée déterminée (CDD) ;

- en prohibant l'embauche successive de CIE sur le même poste ;

- en établissant une priorité à l'embauche dans l'entreprise pour les personnes qui y sont en CIE.

Mme Muguette Jacquaint a précisé qu'il s'agit de veiller à ce que les CIE soient réellement destinés aux publics les plus en difficultés afin qu'ils puissent accéder à un emploi stable, durable et bien rémunéré.

C'est pourquoi le premier amendement tend à interdire le recours à un CIE lorsque l'employeur a procédé à un licenciement pour motif économique dans l'année précédent cet emploi plutôt que dans les six derniers mois, comme le prévoit actuellement le projet de loi. De même, afin de freiner les effets d'aubaine pour l'employeur, il est nécessaire de proscrire l'embauche d'un CIE pour occuper un poste résultant de la rupture d'un CDD.

La rapporteure a jugé préférable de maintenir la règle actuelle qui prévoit un délai minimum de six mois après un licenciement économique pour conclure des CIE, car il ne faudrait pas non plus décourager excessivement le recrutement de ces personnes par les entreprises. En outre, il convient de rappeler qu'un CDD ne peut être rompu unilatéralement par l'employeur que pour faute grave ou cas de force majeure. Le deuxième amendement proposé est donc sans véritable objet.

La commission a rejeté les amendements.

La commission a rejeté un amendement de M. Gaëtan Gorce visant à préciser la durée du contrat d'insertion et ses modalités de renouvellement.

M. Francis Vercamer a retiré deux amendements visant à préciser, d'une part, que le montant de la prime de précarité est pris en charge par l'Etat et, d'autre part, que cette prime n'est pas due en fin ce CIE.

La commission a adopté l'article 26 sans modification.

Après l'article 26

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer substituant les maisons de l'emploi à l'Etat pour la conclusion des conventions d'aide aux structures d'insertion par l'activité économique.

Article 27

Coordination

Cet article propose deux mesures de coordination.

Article L. 322-4-9 [nouvelle numérotation] du code du travail

Le I applique aux nouveaux CAE et contrats d'avenir la règle de non-décompte dans l'effectif de l'employeur en vigueur pour les CES et CEC (pour toutes les dispositions légales et réglementaires renvoyant à des seuils d'effectifs, sauf pour celles concernant l'assujettissement aux cotisations à la branche accidents du travail).

Article L. 322-4-16 du code du travail

Le II du présent article 27, dans le projet de loi initial, se bornait la disposition qui autorise actuellement la conclusion de contrats emploi-solidarité ou emploi consolidé par des associations d'insertion. Cette suppression constituait une conséquence logique de celle de ces contrats. Elle posait toutefois la question de la continuité des actions menées jusqu'à présent dans ce cadre, la passation de CES très fortement subventionnés (95 %) constituant actuellement un outil du soutien de l'Etat aux associations d'insertion.

C'est pourquoi le Sénat a préféré prévoir la possibilité pour les associations d'insertion de conclure des nouveaux contrats d'accompagnement dans l'emploi (elles pourront également passer des contrats d'avenir en application de l'article 29 infra).

*

La commission a adopté l'article 27 sans modification.

Après l'article 27

Un amendement de M. Gaëtan Gorce visant à définir juridiquement la notion d'ateliers et de chantiers d'insertion a été retiré, après que la rapporteure a indiqué qu'il est déjà satisfait par la rédaction du projet de loi tel que modifié par le Sénat.

Article 28

Coordination pour l'outre-mer

Cet article procède à des coordinations dans les dispositifs d'insertion spécifiques à l'Outre-mer.

Article L. 832-2 du code du travail

Le I porte sur le dispositif du « contrat d'accès à l'emploi », contrat aidé spécifique aux départements d'outre-mer. Il se borne à modifier une référence en conséquence des renumérotations d'articles opérées dans le code du travail par le présent projet.

Article L. 522-8 du code de l'action sociale et des familles

Le II modifie des références dans le dispositif législatif définissant le « contrat d'insertion par l'activité », autre instrument spécifique à l'Outre-mer : les règles applicables à ce contrat renvoyaient aux articles définissant le contrat emploi-solidarité, supprimé par le projet ; elles renverront désormais aux articles définissant le CAE et le contrat d'avenir.

Article L. 832-2 du code du travail

Le paragraphe III a été ajouté par le Sénat. Il vise à rendre applicables les dispositifs CAE et CI-RMA dans les DOM sous réserve de leur adaptation par un décret en Conseil d'Etat.

*

La commission a adopté un amendement de la rapporteure visant à corriger une erreur matérielle.

La commission a adopté l'article 28 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 28

Conditions du maintien d'une fraction de l'allocation de parent isolé
aux bénéficiaires de cette allocation titulaires de contrats d'avenir
et de contrats insertion - revenu minimum d'activité

La rapporteure a expliqué qu'il s'agit de rendre le retour à l'activité plus attractif pour les parents isolés en leur permettant de cumuler le revenu d'un contrat d'avenir ou d'un CI-RMA avec une fraction de l'API représentant la différence entre cette allocation et le montant du RMI d'un personne seule. En l'absence d'une telle disposition, la différence entre le revenu d'activité tiré d'un contrat d'avenir et l'API perçue auparavant serait trop faible, compte tenu des charges de garde qui s'imposent aux parents de jeunes enfants reprenant un travail. L'amendement augmentera de plus de 120 euros par mois les ressources d'une femme seule avec un enfant de moins de trois ans passant un contrat d'avenir.

M. Denis Jacquat a estimé que le dispositif proposé s'apparente à celui existant actuellement en matière d'indemnisation du chômage.

Mme Martine Billard a jugé l'idée intéressante, tout en s'interrogeant sur les conditions dans lesquelles ce différentiel sera pris en charge et en rappelant par ailleurs que, pour le CI-RMA, le RMI est reversé directement à l'employeur.

La commission a adopté l'amendement.

Article 29

Création du contrat d'avenir

La mise en place du contrat d'avenir constitue la clef de voûte de la réforme des dispositifs d'aide au retour vers l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées. Le dispositif tel qu'il est conçu traduit en effet la rencontre de trois lignes de force de cette réforme :

- l'adossement de toutes les actions vers les personnes éloignées de l'emploi sur un contrat de travail, qui rend compte de la primauté donnée au retour à l'emploi et procure un revenu d'activité et des droits sociaux. Le contrat d'avenir sera donc un contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel (vingt-six heures hebdomadaires) de facture assez classique ;

- la volonté de généraliser la dynamique d'« activation » des allocations de solidarité engagée avec la création du contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA). Comme ce dernier, que rénove l'article 33 du présent projet, le contrat d'avenir bénéficiera non seulement aux allocataires du RMI, mais aussi à ceux de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation de parent isolé (API), la distinction entre les deux contrats étant fondée sur la nature de l'employeur, marchand ou non-marchand. Les avantages qu'entraîne le mécanisme d'activation du RMI pour les personnes en CI-RMA seront étendus à celles en contrat d'avenir : conservation pendant la durée du contrat des droits sociaux liés au RMI et de la part « familialisée » de celui-ci, reprise automatique du versement de l'allocation en cas de rupture ou de non-renouvellement du contrat (voir aussi les commentaires des articles 30 et 33 infra sur ces points) ;

- la préférence pour une gestion des politiques d'insertion la plus proche possible du terrain, qui conduit à confier celle des contrats d'avenir aux départements et aux communes (sur ce point, le Sénat a fortement modifié le dispositif initial).

Article L. 322-4-10 du code du travail

a) Le public visé

Le premier alinéa du nouvel article L. 322-4-10 définit les bénéficiaires potentiels des contrats d'avenir. Il s'agira des bénéficiaires du RMI, de l'ASS, ou, complément ajouté par le Sénat, de l'API. Le projet initial précisait que ces personnes devaient par ailleurs rencontrer « des difficultés particulières d'accès à l'emploi », formule décalquée du dispositif CI-RMA mais assez redondante s'agissant de bénéficiaires de minima sociaux ; le Sénat ne l'a pas conservée.

Une condition d'ancienneté dans ces minima sociaux sera exigée ; elle est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat (alors que pour le CI-RMA, un simple décret est jugé suffisant), qui devrait la fixer à six mois selon l'exposé des motifs du projet.

b) Les compétences pour la gestion du dispositif

Les autres alinéas du nouvel article L. 322-4-10 délimitent les compétences en matière de gestion des contrats d'avenir.

Le Sénat les a profondément remaniés : le projet de loi initial donnait une compétence générale aux communes (ou le cas échéant aux intercommunalités), mais prévoyait, pour les bénéficiaires qui se trouvaient être allocataires du RMI, l'exercice de cette compétence dans le cadre d'une convention avec le département, pour les autres, une possibilité de délégation de la compétence aux départements.

Cet équilibre conciliait une volonté de gérer les contrats d'avenir au plus près du terrain et la prise en compte du rôle des départements : depuis le 1er janvier 2004, ces derniers financent le RMI et, à ce titre, les présidents de conseils généraux attribuent l'allocation ; ils sont également signataires des contrats d'insertion que doivent passer les bénéficiaires et désignent pour chacun un « référent ». Le contrat d'avenir étant une modalité d'« activation » des minima sociaux dont le RMI (transformé en aide à l'employeur : voir infra) et prévoyant aussi un référent, il paraît inévitable d'associer intimement les départements à la gestion du dispositif.

Le Sénat a fait évoluer le dispositif vers un renforcement du rôle dévolu aux départements. Il a prévu que la mise en œuvre du contrat d'avenir appartienne soit aux départements, soit aux intercommunalités, soit aux communes, et soit coordonnée par une commission de pilotage présidée par le président du conseil général : l'un ou l'autre des niveaux de collectivités sera chargé de cette mise en œuvre. Cette rédaction qui s'efforce d'instaurer une meilleure coordination présente des risques car elle ne désigne pas le niveau de collectivité ayant la compétence de droit commun pour le contrat d'avenir, ni les conditions de délégation éventuelle de celle-ci à l'autre niveau : on peut voir dans la faculté alternative des uns ou des autres de gérer le contrat d'avenir une garantie de contournement de la mauvaise volonté éventuelle d'une collectivité ; on peut aussi craindre qu'elle ne serve de prétexte à des formes de défausse de responsabilité et qu'elle n'entraîne en cas de désaccord département/ville ou agglomération des blocages. Imagine-t-on une commune décider d'« activer » par le contrat d'avenir un RMI, payé par le département, contre le gré de celui-ci ? La clarification de ce point paraît souhaitable.

Article L. 322-4-11 du code du travail

c) Les employeurs potentiels

Conformément à un mécanisme habituel dans les contrats aidés, parallèlement au contrat de travail, une convention devra être signée entre l'autorité attribuant l'aide publique (président du conseil général, maire ou président d'établissement public de coopération intercommunale-EPCI) et l'employeur. Une première originalité, pour le contrat d'avenir, tient à l'association à cette convention du bénéficiaire ainsi que du « représentant de l'Etat » (qui en l'absence de précision supplémentaire, pourrait être le directeur départemental du travail par délégation du préfet). Par ailleurs, bien qu'ils ne soient pas mentionnés, on voit mal comment les organismes versant le minimum social qui va être « activé » (caisses d'allocations familiales pour l'API, ASSEDIC pour l'ASS, département pour le RMI) pourraient ne pas être parties à la convention en tant que tels, du moins dans les cas où d'autres signataires (Etat et le cas échéant département) ne sont pas financeurs en dernier ressort de cette allocation. Même si l'on voit bien ce que la signature de la convention par tous les acteurs du contrat d'avenir peut apporter en termes de responsabilisation, on peut s'interroger sur la lourdeur administrative qui peut résulter de cette obligation.

La liste des employeurs potentiels de personnes en contrat d'avenir renvoie à la définition habituelle des employeurs de contrats aidés non-marchands : collectivités territoriales et autres personnes morales de droit public ; organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public ou à but non lucratif (par exemple, organismes de sécurité sociale, associations, comités d'entreprise,...).

Le projet y ajoute nommément les associations et les entreprises d'insertion par l'économique. Cette précision représente une véritable extension du dispositif s'agissant des secondes (qui appartiennent au secteur marchand) et rend compte sans doute pour les premières de la volonté d'assurer une continuité avec les actuels CES très fortement subventionnés (à 95 %) qu'elles peuvent passer en vertu du III de l'article L. 322-4-16 du code du travail.

Par ailleurs, on ne retrouve pas l'exclusion, qui est habituelle dans les dispositifs de contrats aidés, de la collectivité qui finance l'aide afférente au contrat : c'est ainsi que les anciens CES comme les nouveaux CAE ne peuvent être conclus par l'Etat, les CI-RMA en vigueur par le département. Le projet ne paraît pas clair quant à la possibilité de contrats d'avenir dans les services de l'Etat (l'Etat fait-il partie des « autres personnes morales de droit public » visées ?) et n'exclut pas de tels contrats dans ceux de la commune ou du département compétents.

d) La définition d'un projet professionnel et la présence d'un référent

La convention passée entre les différents acteurs du contrat d'avenir prévoira des actions d'accompagnement, de formation et de validation des acquis de l'expérience, ce qui est classique dans les conventions liées à des contrats aidés, mais s'en distinguera en ayant pour objet premier la définition d'un projet professionnel. La notion de projet professionnel apparaît aussi dans les dispositifs CAE et CIE tels que créés ou rénovés par le présent projet, mais de manière moins centrale. Dans le dispositif CI-RMA, l'accent est plutôt mis sur l'obligation de tutorat et de suivi individualisé, qui donne lieu à une analyse a posteriori du parcours d'insertion dans un bilan de parcours d'insertion formalisé. Pour le contrat d'avenir, c'est de manière prospective que le projet professionnel devra être défini.

En conséquence, il est logique que soit imposée la désignation par le président du conseil général ou le maire d'un référent, une « personne physique » donc clairement identifiée, chargé du suivi du parcours d'insertion professionnelle. Cette mission de suivi pourra également être confiée à un organisme du service public de l'emploi ou une maison de l'emploi.

Ces dispositions quant à la désignation obligatoire d'un référent et à l'éventuelle délégation de cette compétence sont proches de celles inscrites à l'article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

Dans ces conditions, on peut se demander dans quelles conditions, pour des allocataires du RMI, le référent « contrat d'avenir » et le référent « RMI » pourraient être la même personne. De même, on peut s'interroger sur l'opportunité de prévoir que le contrat d'avenir conclu par un allocataire du RMI peut tenir lieu de contrat d'insertion au sens de l'article L. 262-37 précité. On sait que malgré le caractère obligatoire du contrat d'insertion dans le cadre du RMI, il ne couvre en moyenne, à un moment donné, qu'environ 50 % des allocataires, taux qui n'a pas évolué significativement depuis dix ans.

Toute mesure de simplification peut être bienvenue ; il est d'ailleurs proposé, à l'article 33 du présent projet, que le CI-RMA tienne désormais lieu de contrat d'insertion RMI ; le seul obstacle, mais réel, à la transposition de cette règle au contrat d'avenir tient à la personne virtuellement différente des signataires du contrat d'insertion (le président du conseil général) et du contrat d'avenir (le maire ou président d'EPCI éventuellement).

Article L. 322-4-12 du code du travail

e) La nature du contrat, sa durée et ses conditions de renouvellement

Le I du nouvel article L. 322-4-12 dispose que, comme la plupart des contrats aidés, le contrat d'avenir sera un contrat à durée déterminée conclu dans le cadre défini à l'article L. 122-2 du code du travail. On rappelle que cet article autorise les CDD passés « au titre de dispositions législatives et réglementaires destinées à favoriser l'embauchage de certaines catégories de personnes sans emploi » et les exonère de certaines règles applicables aux autres CDD (limitation de durée, délai de carence, droit à une indemnité de fin de contrat, dite de précarité).

Le texte initial disposait que les contrats d'avenir seraient passés pour six mois et renouvelables dans la limite de trente-six mois. Le Sénat l'a modifié : les contrats seront passés pour deux ans et pourront être renouvelés pour un an (ce qui conduit au même plafond de trois ans). La situation des titulaires des contrats devra toutefois être « réexaminée » tous les six mois : la portée de cette précision n'apparaît pas évidente. A titre de comparaison, les CES actuels durent trois à douze mois et peuvent être renouvelés à concurrence de vingt-quatre mois ; les CEC durent douze mois et sont renouvelés à concurrence de soixante mois.

La période d'essai des contrats d'avenir sera d'un mois au plus.

Le Sénat a enfin supprimé une disposition du projet initial selon laquelle les contrats d'avenir devaient être déposés auprès des services chargés de l'emploi.

f) La durée hebdomadaire du travail et la formation

Le même paragraphe fixe la durée hebdomadaire du travail en contrat d'avenir à vingt-six heures. Il est spécifié qu'il s'agit d'un horaire moyen maximal, qui pourra être modulé sur tout ou partie de la durée du contrat, sans jamais excéder trente-cinq heures par semaine. Cette possibilité de modulation permettra notamment de s'adapter aux cycles de formation éventuellement suivis. Le Sénat a précisé que ces règles s'appliqueraient aussi aux employeurs agricoles.

Le texte, durci au Sénat à l'initiative du gouvernement, dispose que le contrat d'avenir prévoira obligatoirement des actions de formation et d'accompagnement, qui pourront être menées pendant ou hors du temps de travail. L'employeur devra délivrer une attestation de compétences et l'expérience tirée d'un contrat d'avenir devra être prise en compte pour la validation des acquis.

Ce dispositif est peu disert quant à la prise en compte ou non des actions de formation dans le temps de travail. Il est à cet égard intéressant de rapprocher les présentes dispositions de celles désormais très précises qui régissent les plans de formation d'entreprise (article L. 932-1 du code du travail) : les conditions dans lesquelles les formations d'entreprise peuvent ou non être effectuées, selon leur nature, au-delà de la durée légale du travail ou hors du temps de travail y sont très encadrées, avec des contingents horaires fixés dans la loi.

Les bénéficiaires de contrats d'avenir seront rémunérés au moins au niveau du SMIC horaire.

g) Les aides publiques

Le II et le III du nouvel article L. 322-4-12 définissent les aides publiques afférentes au contrat d'avenir :

- Comme dans le dispositif CI-RMA, le revenu de solidarité sera « recyclé » en aide à l'employeur. De même que dans ce dispositif tel que réformé par l'article 33 du présent projet, le montant fixe de cette aide sera égal au plafond du RMI d'une personne isolée, soit actuellement 417,88 € par mois ; ce montant est d'ailleurs très voisin de celui de l'ASS mensuelle.

- S'y ajoutera une aide dégressive de l'Etat. Le principe des aides dégressives dans le temps a déjà été mis en œuvre dans le dispositif CEC. L'hypothèse de travail est celle d'une aide mensuelle de 330 € environ la première année (soit les trois quarts du différentiel entre le salaire but, au SMIC, et l'aide constituée par l'activation du minimum social), ensuite réduite par tiers chaque année.

- Le Sénat a par ailleurs prévu, contre l'avis du gouvernement, un mécanisme tendant à supprimer la dégressivité de l'aide quand elle sera versée à une entreprise ou association d'insertion.

- L'Etat apportera en outre une aide forfaitaire supplémentaire à l'employeur en cas d'embauche en contrat à durée indéterminée en fin de contrat d'avenir (qui serait d'environ 1 500 €).

- Enfin, les contrats d'avenir bénéficieront du régime d'exonération de charges sociales patronales applicable aux contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE), lui-même directement issu de celui des contrats emploi consolidé (CEC). Les employeurs de contrats d'avenir seront donc exonérés des cotisations de sécurité sociale (c'est-à-dire les cotisations de base au régime général maladie, vieillesse, famille, accidents du travail, etc.) dans la limite d'un plafond de rémunération fixé par décret, de la taxe sur les salaires, de la taxe d'apprentissage et du « 1 % » construction.

Il est à noter que cette exonération ne sera pas compensée par l'Etat à la sécurité sociale, bien que depuis 1994 toute nouvelle exonération de cotisations doive l'être en application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. On peut cependant observer sur ce point, comme l'a déjà fait la Cour des comptes à propos des dispositifs existants (CES et CEC), que le plus grand nombre des bénéficiaires des contrats aidés dans le secteur non-marchand seraient vraisemblablement inactifs en l'absence de ces mesures : ils bénéficieraient donc de droits sociaux sans cotiser. A partir de ce raisonnement économique, le coût objectif « net » pour la sécurité sociale des exonérations afférentes à ces contrats doit être fortement relativisé.

Le tableau ci-après permet de constater que l'ensemble de ces aides conduira à des allègements de coûts comparables à ceux bénéficiant aux contrats aidés actuels les plus fortement pris en charge.

Comparaison des coûts pour l'employeur avec le « droit commun »
(SMIC avec « allègement Fillon »)

Sur la base d'une prime de 330 € dégressive par tiers (on rappelle que le Sénat a souhaité supprimer la dégressivité pour les contrats passés dans le secteur de l'insertion par l'économique)

1re année

2e année

3e année

Coût brut mensuel employeur d'un SMIC avec allègement Fillon (régime pérenne) pour un horaire de 26 heures (en €)

1 009

Coût brut mensuel employeur d'un contrat d'avenir (en €)

217

327

437

En % du coût d'un « SMIC Fillon »

22

32

43

Coût horaire du contrat d'avenir (en €)

1,93

2,91

3,88

Hypothèses sur les charges : cas d'une entreprise de 10 salariés et plus, hors zone versement transport ; taux de cotisations accidents du travail : 2,2 % ; nouvelles contributions à la CNSA prises en compte hors cotisations de sécurité sociale. Montants du SMIC et du RMI applicables au 2e semestre 2004.

h) La rupture du contrat d'avenir

Les deux premiers alinéas du IV du nouvel article L. 322-4-12 prévoient une dérogation analogue à celle inscrite pour les CAE et les CIE - et déjà en vigueur pour les CI-RMA (article L. 322-4-15-5 du code du travail) - en ce qui concerne la rupture unilatérale du contrat par le salarié (voir le commentaire de l'article 25 supra sur le régime de la rupture des CDD) : celui-ci pourra rompre sans faute son contrat d'avenir en vue d'une embauche en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de six mois au moins, ou pour suivre une formation qualifiante. Le contrat d'avenir en cours pourra de même être suspendu pour une période d'essai et rompu sans préavis en cas de recrutement définitif consécutif.

Le dernier alinéa du IV tend à transposer pour le contrat d'avenir une règle édictée dans le dispositif CI-RMA : il est proposé, en cas de rupture ou de non-renouvellement du contrat qui ne sont pas liés à l'entrée dans un autre emploi, que l'allocation de RMI, l'ASS ou l'API soient rétablies, sous réserve, est-il précisé, que le bénéficiaire réponde toujours aux conditions d'éligibilité à ces allocations (conditions de ressources, ainsi que d'isolement pour l'API et d'activité antérieure pour l'ASS).

Cette rédaction est toutefois moins protectrice que celle en vigueur dans le dispositif CI-RMA, qui prévoit actuellement non pas le rétablissement de l'allocation de RMI dans ce cas de figure, mais son maintien automatique au niveau forfaitaire de l'aide au département jusqu'au plus proche réexamen périodique des droits (article L. 262-12-1 du code de l'action sociale et des familles) : en d'autres termes, il n'y a pas de délai de carence ; le bénéficiaire n'a pas à redemander l'ouverture de ses droits et attendre que sa demande soit satisfaite pour toucher à nouveau son allocation.

Au demeurant, l'article 30 du présent projet, paragraphes II et III, étend ce régime très protecteur au cas des allocataires du RMI ayant passé un contrat d'avenir. Pour ceux-ci, le projet comporte donc deux mesures contradictoires. A contrario, le cas des allocataires de l'ASS et de l'API rompant ou ne renouvelant pas un CI-RMA n'est traité nulle part. Une harmonisation est nécessaire.

Article L. 322-4-13 du code du travail

Cet article dispose que les modalités d'application des dispositions des articles nouvellement rédigés L. 322-4-11 et L. 322-4-12 sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

*

Article L. 322-4-10 du code du travail

La commission a examiné un amendement de Mme Jacqueline Fraysse de rédaction globale de l'article L. 322-4-10 du code du travail.

La rapporteure a estimé que l'amendement soulève involontairement certains problèmes, car il a manifestement été confectionné à partir du projet de loi initial sans tenir compte des votes du Sénat. S'agissant de l'idée qu'il introduit, celle d'une délégation éventuelle de la gestion des contrats d'avenir aux maisons de l'emploi, aux missions locales ou aux plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE), elle est intéressante et pourrait être revue plus tard dans une rédaction plus adaptée.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Yvan Lachaud disposant que le contrat d'avenir est également destiné aux titulaires d'une pension d'invalidité ou de l'allocation pour adulte handicapé.

Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté un amendement de M. Maxime Gremetz visant à ce que les contrats d'avenir couvrent des besoins collectifs non satisfaits et ne puissent se substituer à des emplois statutaires de la fonction publique territoriale.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à instaurer une faculté de déléguer la gestion des contrats d'avenir aux maisons de l'emploi, aux missions locales ou aux PLIE.

La rapporteure a suggéré à l'auteur de rectifier son amendement en supprimant la dernière phrase, qui prévoit une possibilité d'extension des compétences territoriales des PLIE aux territoires non pourvus d'outils territoriaux, ce qu'elle a jugé juridiquement incertain. L'auteur ayant accepté, la commission a adopté l'amendement ainsi rectifié.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer visant à ce que la commission de pilotage rédige un bilan annuel et chiffré de la mise en œuvre du contrat d'avenir.

Article L. 322-4-11 du code du travail

La commission a examiné un amendement de Mme Jacqueline Fraysse rédigeant globalement l'article pour y mentionner la possibilité de confier aux PLIE ou aux missions locales la mission d'assurer le suivi par des référents des signataires de contrats d'avenir.

Mme Muguette Jacquaint a souligné que les PLIE et les maisons de l'emploi sont des outils auxquels les collectivités locales et leurs établissements publics pourraient utilement déléguer leurs compétences pour mettre en œuvre les contrats d'avenir et leur gestion.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, qui a estimé inutile l'amendement car la délégation proposée est implicitement autorisée par le texte, la commission a rejeté cet amendement.

M. Michel Liebgott a retiré un amendement supprimant les mots « le cas échéant » au premier alinéa de l'article L. 322-4-11 du code du travail.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer disposant que les maisons de l'emploi se substituent à l'Etat pour la conclusion des conventions liées aux contrats d'avenir.

Sur l'avis favorable de la rapporteure, la commission a ensuite adopté un amendement de coordination de M. Gaëtan Gorce.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté deux amendements, le premier de M. Gaëtan Gorce visant à ce que les heures consacrées à la formation soient rémunérées, le second de M. Yvan Lachaud ouvrant la possibilité de confier aux PLIE ou aux missions locales la mission d'assurer le suivi par des référents des signataires de contrats d'avenir.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure prévoyant d'une part que, pour les allocataires du RMI passant un contrat d'avenir, le référent « contrat d'avenir » et le référent « RMI » puissent être la même personne, d'autre part que le contrat d'avenir tienne lieu de contrat d'insertion pour le RMI.

Mme Martine Billard a considéré que ce dernier point est critiquable, car la rupture du contrat d'avenir conduira alors à supprimer le versement du RMI.

La rapporteure a estimé que l'amendement apporte de la lisibilité et de la cohérence. Il n'empêchera pas le président du conseil général de prendre sa décision sur un éventuel retrait du RMI en appréciant la situation.

La commission a adopté cet amendement.

Article L. 322-4-12 du code du travail

Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté un amendement de M. Francis Vercamer visant à ce que la région prenne en charge une partie du coût afférent aux actions de formation qui seront effectuées au-delà de la durée du travail déterminée par le contrat d'avenir, mais en deçà de la durée légale du travail.

La commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer proposant que les régions participent obligatoirement à la mise en œuvre des actions de formation et un amendement de M. Maxime Gremetz visant à supprimer le versement des aides publiques à l'employeur.

M. Francis Vercamer a retiré deux amendements concernant la prime de précarité.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure visant à aligner les conditions de suspension du contrat d'avenir pour une période d'essai dans un autre emploi sur celles applicables au CIE.

La commission a ensuite adopté un amendement de précision de la rapporteure.

Article L. 322-4-13 du code du travail

La commission a adopté un amendement de coordination de la rapporteure.

La commission a adopté l'article 29 ainsi modifié.

Article 30

Prise en compte du contrat d'avenir dans la législation relative
au revenu minimum d'insertion

Le présent article regroupe les dispositions de coordination à introduire, suite à la création du contrat d'avenir, dans la partie du code de l'action sociale et des familles qui définit le régime de l'allocation de RMI.

Article L. 262-6-1 du code de l'action sociale et des familles

Le étend aux allocataires du RMI passant un contrat d'avenir la garantie dont bénéficient déjà ces personnes quand elles passent un CI-RMA, ainsi que les membres de leur foyer, de conserver pendant la durée de ce contrat l'ensemble des droits allant avec le RMI (par exemple l'accès à la couverture maladie universelle).

Article L. 262-12-1 du code de l'action sociale et des familles

Les etproposent une mesure de même nature : il s'agit d'étendre aux contrats d'avenir deux mécanismes favorables dont bénéficient les personnes en CI-RMA, à savoir la conservation pendant le contrat de la part « familialisée » du RMI (différentiel entre le RMI de l'ensemble du foyer et celui d'une personne isolée) et la reprise automatique du versement du RMI en cas de rupture ou de non-renouvellement du contrat jusqu'au plus proche réexamen périodique des droits.

Article L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles

Leajoute la passation d'un contrat d'avenir parmi les actions que peut comporter le contrat d'insertion que doit conclure tout allocataire du RMI.

Article L. 262-48 du code de l'action sociale et des familles

Le vise à prendre en compte les contrats d'avenir dans les obligations de transmission de données statistiques par les départements.

Article L. 522-18 du code de l'action sociale et des familles

Dans les départements d'outre-mer, leconfie aux agences d'insertion les compétences exercées en métropole par les départements en ce qui concerne les contrats d'avenir (une mesure similaire a été prise pour les CI-RMA).

*

La commission a adopté un amendement de précision de la rapporteure.

Puis elle a adopté l'article 30 ainsi modifié.

Article 31

Procédure de délégation de compétences régionales ou départementales
aux communes

L'article 145 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a institué une possibilité de participation des communes et de leurs groupements à l'exercice de compétences des régions et des départements, dans des conditions fixées par voie conventionnelle.

L'article L. 5210-4 du code général des collectivités territoriales, issu de la même loi, autorise par ailleurs les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre à demander à exercer par délégation des compétences appartenant aux régions ou aux départements. Ceux-ci et celles-là peuvent refuser cette délégation, mais sont tenus d'inscrire la question à l'ordre du jour de leur assemblée délibérante dans un délai de six mois et de motiver leur éventuel refus. En cas d'acceptation, une convention règle les conditions de la délégation de compétence.

Le présent article 31, se greffant dans la rédaction issue du Sénat sur l'article 145 précité de la loi du 13 août, propose d'étendre au cas des délégations de compétences demandées par des communes l'obligation d'inscription à l'ordre du jour du conseil régional ou général dans les six mois et de délibération motivée de ce dernier.

Cette proposition doit être rapprochée de l'instauration des contrats d'avenir par l'article 29 supra : la complémentarité des compétences départementales en matière de RMI et de CI-RMA d'une part, éventuellement communales en matière de contrats d'avenir d'autre part (tous ces dispositifs étant destinés par définition aux mêmes personnes), conduit inévitablement à en coordonner les modalités de gestion, ce qui peut passer par des délégations de gestion souples.

De telles délégations pourraient effectivement s'inscrire dans le cadre institué par le présent article 31, mais cet article va beaucoup plus loin, en concernant la délégation de compétences de toutes natures, non seulement départementales mais aussi régionales, aux communes.

On peut s'étonner de la présence d'une telle mesure institutionnelle de portée générale dans un projet de loi qui n'a pas pour objet la « décentralisation ». On peut aussi se demander s'il convient de déjà revoir un dispositif qui vient à peine d'être adopté, en août 2004, justement dans la loi de décentralisation. Ce d'autant que la modification proposée n'est pas anodine : dans le dispositif récemment voté, une commune peut sans doute demander à bénéficier de la délégation d'une compétence supérieure, mais sans aucune obligation pour la région ou le département d'étudier cette demande et de motiver son refus. Quant à la demande d'un EPCI, elle est conditionnée à ce qu'il y soit « expressément autorisé par ses statuts » ; une demande de délégation de la part d'un EPCI devra donc avoir été autorisée plus ou moins explicitement par les communes membres et plus généralement ne sera recevable que si elle est liée à des compétences qu'il exerce déjà pour leur compte. Une telle restriction ne pourra être appliquée aux communes, qui ont une compétence générale et pourraient donc demander librement la délégation de n'importe quelle compétence régionale ou départementale, avec obligation pour les assemblées des collectivités supérieures d'étudier cette demande et de motiver leur rejet éventuel...

*

La commission a adopté l'article 31 sans modification.

Article 31 bis (nouveau)

Procédure de délégation de compétences régionales ou départementales
aux établissements publics de coopération intercommunale

Cet article additionnel adopté par le Sénat étend à l'ensemble des EPCI, et non plus seulement à ceux à fiscalité propre, la faculté de demander la délégation de compétences régionales ou départementales dans les conditions prévues à l'article L. 5210-4 du code général des collectivités territoriales (cf. commentaire de l'article 31 supra).

Cette disposition a été présentée comme une mesure d'harmonisation avec l'article L. 263-4 du code de l'action sociale et des familles, qui prévoit une possibilité de délégation de la mise en œuvre des programmes locaux d'insertion des départements aux communes ou aux EPCI, sans se limiter à ceux dotés d'une fiscalité propre.

*

La commission a adopté l'article 31 bis sans modification.

Article 32

Information des représentants du personnel sur les contrats d'avenir

Article L. 422-1 du code du travail

Les délégués du personnel ont la faculté de prendre connaissance des CI-RMA passés par leur employeur. Le étend aux CAE, CIE et contrats d'avenir cette faculté.

Article L. 432-4-1-1 du code du travail

Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel doivent être informés de la conclusion par l'employeur de CIE et de CI-RMA et recevoir des bilans périodiques sur ces embauches. Le étend cette obligation d'information aux contrats d'avenir et aux CAE.

*

La commission a adopté l'article 32 sans modification.

Article 33

Réforme du contrat insertion-revenu minimum d'activité

Le contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) institué par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, qui a par ailleurs transféré aux départements le financement et la gestion de l'allocation de RMI, constitue le premier véritable mécanisme d'activation d'un minimum social, c'est-à-dire de « recyclage » d'une allocation de cette nature en revenu d'activité. C'est à ce titre une mesure particulièrement innovante.

Il vise à combiner l'exercice d'une activité professionnelle, rémunérée dans des conditions attractives tant pour l'employeur que pour le bénéficiaire, et le maintien d'un filet de sécurité pour les personnes concernées. Celui-ci leur permet de surmonter les craintes de situation de rupture que provoque le retour à l'emploi, ordinairement associé à une sortie du dispositif protecteur des minima sociaux.

Certains aspects de ce dispositif ont toutefois été critiqués et il suscite encore des réticences. Cela justifie les aménagements proposés par le présent projet de loi, qui permettront en particulier une amélioration des droits sociaux des bénéficiaires ; d'autres modifications visent à mettre en cohérence le CI-RMA avec la nouvelle architecture des contrats aidés, ce contrat devenant le pendant, dans le secteur marchand, du contrat d'avenir réservé aux employeurs non-marchands.

1. Le CI-RMA instauré depuis le 1er janvier 2004

Traduisant une profonde évolution dans la conception des contrats aidés, le CI-RMA a quelques difficultés à se mettre en place.

a) Un contrat aidé « classique » dans ses modalités

Le CI-RMA est réservé selon le décret d'application n° 2004-300 du 29 mars 2004 aux personnes ayant perçu le RMI au moins douze mois (59) durant les vingt-quatre derniers. Pour les allocataires du RMI ayant précédemment épuisé leurs droits à l'allocation de solidarité spécifique, l'accès au CI-RMA peut être direct s'ils remplissent la condition de durée précitée au titre de l'ASS. D'autres dérogations à la condition de durée sont par ailleurs possibles dans la limite de 10 % des effectifs par département.

Les employeurs peuvent appartenir au secteur marchand comme au secteur non-marchand, l'Etat, les départements et les particuliers étant seuls exclus. Selon la formule habituelle, ils signent une convention avec les départements, qui mettent en œuvre le dispositif (voir infra). La principale originalité par rapport aux dispositifs plus anciens tient à la présence obligatoire dans cette convention d'un volet orientation-formation et d'un suivi individualisé ; le décret d'application a institué une obligation pour les employeurs de produire en fin de contrat un bilan de parcours d'insertion.

Le CI-RMA prend la forme d'un contrat de travail à durée déterminée, renouvelable deux fois, dont la durée ne peut excéder dix-huit mois, renouvellements inclus ; le décret précité a fixé à six mois la durée minimale du premier contrat conclu, à trois celle des renouvellements éventuels. C'est aussi un contrat à temps partiel, avec une durée hebdomadaire plancher (60) de vingt heures.

b) Un mécanisme habile d'activation de l'allocation de RMI

L'employeur d'une personne en CI-RMA reçoit du département une aide d'un montant égal à l'allocation de RMI d'une personne seule diminuée de ce que l'on appelle le « forfait logement (61) » (soit actuellement une aide de 367,73 €/mois). Du point de vue du département, c'est une somme qu'il aurait dû, à défaut de CI-RMA, verser à l'allocataire du RMI, et il peut donc ne pas y avoir de coût supplémentaire pour lui (62) : il s'agit bien de l'activation d'une allocation préexistante.

Les personnes en CI-RMA perçoivent quant à elles de leur employeur un « revenu » au moins égal au SMIC horaire multiplié par le nombre d'heures de travail. L'habileté du dispositif réside dans cette qualification de revenu et non de salaire. Il a en effet été inscrit dans la loi que ne constitue un salaire assujetti aux diverses charges sociales que le différentiel, à la charge effective de l'employeur, entre l'aide reçue du département et le revenu versé au bénéficiaire. En conséquence, le montant de l'aide du département échappe aux divers prélèvements sociaux, tant à la charge de l'employeur qu'à celle du salarié, ce qui rend le dispositif particulièrement attractif pour l'un comme pour l'autre :

- l'employeur économise mensuellement, toutes choses égales par ailleurs, environ 160 € par rapport au coût d'un SMIC « chargé » sans allègement (cas d'un employeur non-marchand ne bénéficiant pas de l'allègement Fillon, par exemple une collectivité locale) ; à cet avantage, les employeurs du secteur non-marchand ajoutent une exonération de cotisations de sécurité sociale sur le reliquat cotisable, soit un avantage supplémentaire (toujours par rapport à un SMIC chargé sans allègement) de près de 90 € pour un CI-RMA de vingt heures hebdomadaires ; enfin, le département peut apporter des aides complémentaires ;

- le salarié économise près de 80 € de cotisations salariales et de CSG-CRDS.

A horaire égal, il est donc mieux payé, en net, de 80 € qu'un « smicard », ce qui peut poser quelque problème.

Ce système dérogatoire a un autre revers : l'assiette des cotisations sociales - qui serait de toute façon modeste sur la base de vingt heures hebdomadaires au SMIC - est encore réduite, ce qui a une incidence directe sur les droits sociaux proportionnels aux cotisations : chômage et retraites. S'agissant de ces dernières, cette réduction est telle que les bénéficiaires du RMA ne peuvent pour vingt heures par semaine valider que deux trimestres par an, alors que les personnes en CES pour le même horaire en valident quatre.

c) Le maintien d'un filet protecteur grâce à la notion d'activation

Un autre aspect positif de la logique selon laquelle on « active »une allocation, plutôt que de la supprimer en cas de reprise d'une activité, réside dans le maintien d'un « filet de sécurité » pour les bénéficiaires, que les débats parlementaires ont pu renforcer. C'est ainsi que :

- pendant la durée d'un CI-RMA, le titulaire de celui-ci comme les autres membres du foyer (le RMI étant une prestation « familialisée » dont le montant dépend des ressources de l'ensemble des membres d'un foyer et est majoré pour chaque membre supplémentaire) conservent les droits garantis aux allocataires du RMI (par exemple l'accès à la couverture maladie universelle) ;

- le titulaire d'un CI-RMA et son foyer restent même bénéficiaires du RMI pour un montant correspondant à la part « familiale » de celui-ci (c'est-à-dire la différence entre le RMI plein qui serait dû à la famille et le RMI d'une personne isolée) ;

- en cas de rupture ou de non renouvellement du CI-RMA, le RMI plein est rétabli jusqu'au réexamen périodique normal des droits ; il n'y a donc pas de délai de carence, d'obligation de redemander le RMI ;

- le revenu d'activité est par ailleurs maintenu, sans délai de carence, en cas de congé de maladie ou de maternité.

d) Un démarrage lent : les réticences de certains départements

Les éléments dont on peut disposer sur les débuts de la mise en œuvre du CI-RMA, recueillis par les services d'études de l'Etat ou l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (63), restent fragmentaires.

En mai, plus de la moitié des conseils généraux ne s'étaient pas encore prononcés sur des mesures d'application locale du dispositif. En juillet 2004, 150 CI-RMA seulement étaient en cours de validité dans vingt et un départements métropolitains. Sur 93 conventions pour lesquelles cette information est disponible, 66 ont été signées avec un employeur du secteur marchand et 27 avec un employeur du secteur non-marchand.

Ce démarrage modeste est certes lié à des facteurs conjoncturels : délais nécessaires à la parution des textes d'application (publiés au Journal officiel le 30 mars 2004) ; impact des élections cantonales, presque à la même date, qui ont entraîné des changements d'exécutifs départementaux ; peut-être attentisme tant que la loi relative aux libertés et responsabilités locales n'était pas adoptée définitivement et donc les nouvelles compétences des départements dans le domaine social délimitées ...

Mais il rend compte aussi de réticences, voire de l'opposition frontale de départements. Certains ont fait part de leur volonté de ne pas mettre en œuvre le CI-RMA compte tenu de son économie générale, notamment des dispositions dérogatoires au droit de la sécurité sociale.

D'autres ont restreint le CI-RMA au seul secteur non marchand, afin de limiter les effets d'aubaine éventuels au sein du secteur marchand. La plupart des conseils généraux ont cependant souhaité orienter le dispositif vers ce dernier.

D'autres dispositions spécifiques ont été envisagées ou prévues, mais par un nombre limité de départements : élaboration de documents contractuels précisant ou renforçant les obligations des employeurs en termes de tutorat et de formation ; exigence d'embauches avec des horaires minima dépassant le plancher des vingt heures afin de renforcer les droits sociaux différés (chômage, vieillesse) des bénéficiaires (64) ; renforcement des obligations en matière de durée et de renouvellement des contrats dans une optique de stabilisation des emplois ; aides départementales supplémentaires (prise en charge des cotisations d'assurance chômage dans un département, aide aux entreprises pour l'élaboration du projet professionnel et les formalités) ; établissement de partenariats avec les chambres consulaires, les organisations professionnelles, l'ANPE (sur des engagements qualitatifs et pour la gestion du dispositif) ; campagnes de communication, ...

2. Les aménagements proposés

Les mesures du projet de loi relèvent d'abord de la mise en cohérence avec les autres contrats aidés : la création du contrat d'avenir pour le secteur non-marchand conduit à recentrer le CI-RMA sur le secteur marchand ; comme le contrat d'avenir, son bénéfice sera étendu aux allocataires de l'ASS, l'aide à l'employeur étant alors versée par les ASSEDIC et non par le département ; une possibilité de faire varier l'horaire de travail dans le temps est de même introduite afin de tenir compte des variations de la charge de travail chez les employeurs et des cycles de formation.

Par ailleurs, il est proposé d'améliorer les droits sociaux des bénéficiaires en revenant au droit commun des contrats de travail en matière de protection sociale : les cotisations sociales seront désormais assises sur la totalité de la rémunération à la charge de l'employeur. Afin de préserver l'attractivité du dispositif malgré l'augmentation de charges sociales consécutive, le CI-RMA entrera dans le champ d'application de l'allégement général Fillon et le montant mensuel de l'aide à l'employeur sera revalorisé de 50 €.

Article L. 322-4-15 du code du travail

Le du présent article 33 propose une réécriture de la disposition définissant le CI-RMA afin d'étendre aux allocataires de l'ASS et de l'API (ajout du Sénat) le bénéfice de ce contrat, jusqu'à présent réservé aux allocataires du RMI.

Le projet dispose par ailleurs que le contrat insertion-revenu minimum d'activité, qui est un contrat de travail, « est », dans le cas d'allocataires du RMI, le contrat d'insertion que tous les bénéficiaires du RMI doivent signer selon les articles L. 262-37 et L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles, alors que le dispositif en vigueur indiquait seulement que le CI-RMA s'inscrit dans le cadre du parcours d'insertion.

Cette disposition semble signifier qu'un CI-RMA tiendra lieu de contrat d'insertion au sens de la réglementation du RMI. Cela constitue une simplification légitime - l'entrée dans le CI-RMA manifestant une volonté d'insertion - et bienvenue, au regard des difficultés d'application de ce « volet insertion » du RMI.

Bien que la signature d'un contrat d'insertion soit légalement obligatoire, depuis une dizaine d'années, la part d'allocataires du RMI couverts par un tel contrat en cours de validité stagne au niveau national autour de 50 %. Elle reste voisine de 20 % dans plusieurs départements (en général des départements urbains avec une forte population d'allocataires).

Article L. 322-4-15-1 du code du travail

Le réécrit la disposition en vigueur qui définit les employeurs susceptibles de passer un CI-RMA. Compte tenu de la création du contrat d'avenir dans le secteur non-marchand, le CI-RMA sera réservé au secteur marchand, défini comme pour le contrat initiative-emploi : les employeurs de droit privé à but non lucratif (les associations), bien que pouvant par ailleurs passer des contrats non-marchands, pourront également passer des CI-RMA ; les particuliers employeurs sont en revanche exclus.

Par ailleurs, le dispositif de protection contre l'éviction des salariés en place est repris du texte en vigueur : les employeurs ayant procédé à des licenciements économiques dans les six derniers mois sont écartés du dispositif ; la passation d'un CI-RMA ne saurait être la conséquence ou le prétexte du licenciement d'un salarié en contrat à durée indéterminée et un tel cas de figure doit donc être sanctionné par la rupture de la convention d'aide et le remboursement éventuel des aides déjà perçues.

Article L. 322-4-15-3 du code du travail

Le procède à un ajustement purement formel tenant compte de l'ouverture du CI-RMA aux bénéficiaires de l'ASS et de l'API.

Il en est de même du, qui porte sur l'ancienneté dans le RMI, l'ASS ou l'API nécessaire pour passer un CI-RMA. Cette condition d'ancienneté est et restera renvoyée à un décret ; le gouvernement annonce dans l'exposé des motifs son intention de la ramener de douze à six mois.

Article L. 322-4-15-4 du code du travail

Le paragraphe tire également une conséquence rédactionnelle de l'ouverture du CI-RMA aux bénéficiaires de l'ASS : l'autorité signataire des conventions avec les employeurs sera, selon les cas, le département ou la « collectivité débitrice » de l'ASS. Cette formule apparaît un peu vague, sans doute volontairement. L'ASS est, selon l'article L. 351-10 du code du travail, à la charge du fonds alimenté par la contribution de solidarité des fonctionnaires qui a été créé en 1982, mais la gestion de l'ASS est confiée aux organismes gestionnaires de l'assurance chômage (UNEDIC et ASSEDIC), comme l'autorise l'article L. 351-21 de ce code, et pourrait en droit être confiée à d'autres organismes. Il convient donc de retenir une rédaction pouvant couvrir tous les cas de figure.

Article L. 322-4-15-5 du code du travail

Lebis rectifie une référence erronée.

Le procède aussi à une coordination avec l'ouverture du CI-RMA aux bénéficiaires de l'ASS et de l'API.

Le instaure une faculté de moduler sur tout ou partie de l'année la durée du travail hebdomadaire en CI-RMA, sous réserve de ne pas dépasser les trente-cinq heures hebdomadaires. Les conditions de cette modulation, comparable à celle instaurée pour les contrats d'avenir, sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

Articles L. 322-4-15-6 et L. 322-4-15-7 du code du travail

Les articles L. 322-4-15-6 et L. 322-4-15-7 du code du travail définissent le montant du revenu minimum d'activité, les aides dont bénéficient les employeurs, l'assiette dérogatoire de cotisations sociales qui a été imaginée dans ce dispositif et les conditions de maintien du revenu en cas de suspension du contrat pour maladie, accident ou maternité.

Le , outre qu'il procède à la modification rédactionnelle habituelle liée à l'ouverture du CI-RMA aux personnes en ASS, revalorise le montant de l'aide qui sera versée aux employeurs : celle-ci est actuellement égale au montant plafond du RMI d'une personne isolée diminué du montant forfaitaire pour lequel les aides au logement en espèces ou en nature sont prises en compte dans le calcul du RMI (c'est-à-dire du montant dont est réduit le RMI effectif des allocataires percevant l'APL ou logés chez des tiers), soit 367,73 €/mois.

Le projet de loi porte cette aide au montant plafond brut du RMI d'une personne isolée, soit 417,88 €/mois. Cette augmentation vient compenser l'élargissement de l'assiette de cotisations sociales (voir infra), coûteux pour les employeurs.

Le correspond à un ajustement formel.

Il n'en est pas de même du 10°, qui regroupe plusieurs mesures importantes.

Le dispositif CI-RMA comporte actuellement plusieurs règles dérogatoires en matière de protection sociale des bénéficiaires.

a) Premièrement, en cas de suspension du contrat pour maladie, accident ou maternité, le revenu RMA leur est maintenu intégralement et sans délai de carence lorsque ces situations justifient le versement d'indemnités journalières de sécurité sociale, ce qui est plus favorable que la situation de droit commun des salariés, qui doivent justement laisser passer trois jours de carence avant que ne leur soient versées ces indemnités, par ailleurs inférieures à leur salaire.

Le projet de loi supprime cette dérogation, ce qui se justifie dans une optique de retour au droit commun pour la protection sociale des personnes en CI-RMA, mais leur est en l'espèce défavorable. Lors de l'élaboration du dispositif actuel, le maintien immédiat et intégral du revenu en cas de maladie avait paru justifié pour des personnes a priori en situation très précaire et dépourvues du minimum d'économies qui permet au plus grand nombre de faire face dans les premiers temps à un problème de santé.

b) En second lieu, comme il a déjà été dit, le CI-RMA actuel se caractérise par une assiette de cotisations sociales réduite au différentiel entre le revenu versé par l'employeur et l'aide reçue du département, ce qui réduit d'autant les cotisations patronales de l'employeur comme les cotisations salariales et la CSG-CRDS du bénéficiaire, mais aussi les droits sociaux contributifs différés qu'il peut acquérir (en matière de chômage et de retraites).

Il est proposé de mettre fin à cette dérogation. En contrepartie de cotisations plus élevées, les personnes en CI-RMA pourront donc « valider » quatre trimestres par an pour la retraite quel que soit leur horaire (alors que dans le système dérogatoire, un horaire hebdomadaire de vingt-huit heures était nécessaire). Dans l'autre sens, le relèvement de leurs cotisations leur fera perdre près de 80 € de pouvoir d'achat mensuel.

c) Le projet de loi supprime également l'exonération de cotisations sociales spécifique aux employeurs non-marchands de personnes en CI-RMA, qui n'a plus lieu d'être puisqu'ils seront exclus du dispositif.

d) Enfin, il est à noter que l'abrogation des dispositions dérogatoires qui existaient en matière de cotisations sociales rendra applicables aux CI-RMA les allègements de cotisations de droit commun, essentiellement l'allègement général Fillon sur les bas salaires.

Cette évolution, associée au relèvement de la prime mensuelle (voir supra), assurera la continuité du niveau global d'aide publique profitant aux employeurs de CI-RMA, l'accroissant même un peu dans le cas d'employeurs du secteur marchand, comme le montre le tableau ci-après.

Comparaison des coûts pour l'employeur avec le « droit commun »
(SMIC avec « allègement Fillon »)

Pour un horaire hebdomadaire de...

20 heures

26 heures

30 heures

34 heures

Coût brut mensuel employeur d'un SMIC horaire avec allègement « Fillon » (régime pérenne) (en €)

776

1 009

1 164

1 320

Coût brut mensuel employeur d'un CI-RMA « nouveau » (en €)

358

591

747

902

En % du coût d'un « SMIC Fillon »

46

59

64

68

Coût horaire du CI-RMA (en €)

4,14

5,25

5,74

6,12

Coût brut mensuel employeur d'un CI-RMA dans le secteur marchand « en vigueur » (en €)

419

704

893

1 083

En % du coût d'un « SMIC Fillon »

54

70

77

82

Hypothèses sur les charges : cas d'une entreprise de 10 salariés et plus, hors zone versement transport ; taux de cotisations accidents du travail : 2,2 % ; nouvelles contributions à la CNSA prises en compte hors cotisations de sécurité sociale. Montants du SMIC et du RMI applicables au 2e semestre 2004.

Pour 2005, le gouvernement estime à 40 millions d'euros le coût supplémentaire résultant pour l'Etat (qui le compense à la sécurité sociale) de l'extension de l'allègement Fillon au CI-RMA, ce qui correspond au financement d'environ 30 000 contrats de six mois à vingt-sept heures hebdomadaires en moyenne.

Article L. 322-4-15-9 du code du travail

Le 11° procède à un ajustement formel : le dispositif en vigueur prévoit que les départements peuvent apporter des aides supplémentaires aux employeurs de CI-RMA, notamment au titre de la formation des bénéficiaires. Naturellement, il convient de préciser, comme le fait le projet, que cette faculté ne sera ouverte désormais que pour les personnes bénéficiant du RMI (financé par les départements).

*

La commission a examiné deux amendements de suppression de l'article, l'un de M. Gaëtan Gorce, l'autre de M. Maxime Gremetz.

M. Michel Liebgott, après avoir rappelé l'échec patent du revenu minimum d'activité (RMA), a précisé que l'amendement vise à protéger les personnes bénéficiaires du dispositif mais peu aptes à travailler dans une entreprise. Des employeurs peu scrupuleux pourraient exploiter le dispositif à des fins mercantiles.

Mme Muguette Jacquaint a souligné le caractère précaire du dispositif proposé.

Mme Martine Billard a relevé que le Sénat a introduit la notion de « titulaire » du RMI, ce qui conduit à écarter tous les « bénéficiaires », notamment les membres des familles, puisque le RMI reste une prestation attribuée aux foyers et non aux personnes.

La commission a rejeté les deux amendements.

Article L. 322-4-15-1 du code du travail

La commission, suivant l'avis défavorable de la rapporteure, a rejeté quatre amendements de M. Maxime Gremetz :

- le premier visant à prévoir obligatoirement des mesures de formation pour les bénéficiaires du contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) ;

- le deuxième tendant à interdire le recours à un CI-RMA lorsque l'employeur a procédé à un licenciement pour motif économique dans l'année précédant cet emploi ;

- le troisième visant à interdire l'embauche d'un CI-RMA pour occuper un poste résultant de la rupture d'un contrat à durée déterminée ;

- le quatrième proposant de prohiber le recours successif de l'employeur à des CI-RMA sur un même poste.

Article L. 322-4-15-2 du code du travail

La commission a adopté un amendement de M. Francis Vercamer prévoyant la prise en charge par la région d'une partie des coûts de formation liés aux CI-RMA, puis rejeté un amendement du même auteur prévoyant une participation obligatoire des régions à ces actions.

Article L. 322-4-15-4 du code du travail

La commission a adopté un amendement de coordination et un amendement de précision de la rapporteure.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz visant à rendre le bénéficiaire d'un CI-RMA, à l'issue de celui-ci, prioritaire sur un emploi vacant au sein de l'entreprise dans sa catégorie professionnelle.

Article L. 322-4-15-5 du code du travail

La commission a adopté un amendement de la rapporteure visant à aligner formellement, d'une part, les dispositions relatives à la rupture anticipée du CI-RMA sur celles prévues pour le CIE, d'autre part, le dispositif de garantie de ressources en sortie de CI-RMA sur le dispositif de sortie du contrat d'avenir.

La commission a également adopté un amendement rédactionnel et un amendement de coordination de la rapporteure.

Article L. 322-4-15-6 du code du travail

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz visant à supprimer le versement du RMI sous forme d'aide à l'employeur d'un CI-RMA.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à ce que l'employeur perçoive de l'Etat une aide dégressive avec la durée du contrat.

M. Rodolphe Thomas a rappelé que le dispositif du CI-RMA n'a pas produit les effets escomptés : 200 contrats seulement ont été signés. Le projet de loi prévoit le renforcement de la protection sociale des CI-RMA et leur réorientation dans le secteur marchand. Une aide complémentaire dégressive calquée sur le contrat d'avenir pourrait permettre de corriger substantiellement les insuffisances du dispositif et de le rendre attrayant pour les entreprises.

La rapporteure, jugeant que l'amendement est propice à provoquer des effets d'aubaine en portant à un niveau très élevé le taux d'aide publique, a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer instaurant une aide forfaitaire à la charge de l'Etat pour inciter les employeurs à embaucher le titulaire d'un CI-RMA en contrat à durée indéterminée.

Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté l'amendement.

La commission a adopté l'article 33 ainsi modifié.

Après l'article 33

La commission a examiné un amendement de M. Gaëtan Gorce relatif à la composition du conseil départemental d'insertion tendant à introduire des membres de la commission pivot emploi insertion afin de favoriser la cohérence de l'offre d'insertion dans le département.

M. Michel Liebgott a souligné le double intérêt, à la fois pratique et en termes de responsabilité politique, attaché à la participation de représentants de l'Etat au sein des conseils départementaux d'insertion.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, qui s'est interrogée sur la pertinence d'aborder ce sujet institutionnel à ce point du texte, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite rejeté deux autres amendements de M. Gaëtan Gorce visant respectivement à l'organisation d'une coopération périodique des commissions départementales emploi-insertion et à l'élaboration d'une nouvelle définition des missions du fond départemental pour l'insertion.

Article 33 bis (nouveau)

Elargissement de la faculté de distribuer des chèques
d'accompagnement personnalisé

Cet article additionnel adopté par le Sénat vise à permettre aux conseils généraux de distribuer des « chèques d'accompagnement personnalisé ».

Institué par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, ce titre de paiement inspiré du ticket-restaurant permet aux personnes en difficulté d'acquérir des biens et des services dans des catégories définies par la collectivité qui le remet. Les collectivités territoriales, les EPCI, les centres communaux d'action sociale et les caisses des écoles peuvent en distribuer.

Cependant, ces chèques ne peuvent être distribués dans le cadre de l'aide sociale légale, ce qui exclurait de fait les départements selon la justification donnée au Sénat.

*

La commission a adopté l'article 33 bis (nouveau)sans modification.

Article 33 ter (nouveau)

Terminologie

Cet article issu du Sénat a pour objet de substituer, dans l'ensemble des textes législatifs, la référence au « titulaire » à celle au « bénéficiaire » de minimum social.

La rédaction imparfaite (qu'est-ce que « la référence » à ?) et très générale de cette disposition, qui se réfère à une notion dont le champ n'est pas défini dans la loi, celle de minimum social, la rend matériellement inapplicable. On peut donc s'interroger sur sa valeur normative. On peut aussi soulever la question de la clarté de la loi, même si elle est de moindre importance pour un enjeu terminologique plus formel que juridiquement conséquent.

*

La commission a examiné un amendement de suppression de l'article de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard a expliqué que le remplacement de la mention du « bénéficiaire » d'un minimum social par celle du « titulaire » de celui-ci aurait pour conséquence d'exclure de nombreuses personnes des dispositifs de lutte contre l'exclusion car le RMI est un droit familial et non individuel.

Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté cet amendement.

La commission a donc supprimé l'article 33 ter (nouveau).

Article additionnel après l'article 33 ter (nouveau)

Introduction des performances en matière d'insertion des publics en difficulté dans les critères d'appréciation des candidatures aux marchés publics

La commission a examiné un amendement de M. Francis Vercamer visant à inclure le critère des performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté parmi les éléments pris en considération pour l'attribution des marchés publics.

Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté cet amendement.

Chapitre IV

Développement des nouvelles formes d'emploi, soutien à l'activité économique, accompagnement des mutations économiques

Article 34

Prolongation du bénéfice de l'exonération prévue dans le cadre
du dispositif d'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise

Cet article ouvre le chapitre IV consacré au développement des nouvelles formes d'emploi, au soutien à l'activité économique et à l'adaptation des emplois dans les secteurs et entreprises en difficulté. Force est de reconnaître qu'il s'agit à l'origine de quatre articles (les articles 34 à 37) contenant des dispositions assez diverses, qui toutes tendent à favoriser l'emploi :

- L'article 34 examiné ci-après étend le bénéfice d'une exonération au bénéficie de certains chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise.

- L'article 35 institue une réduction d'impôt nouvelle au profit d'un mécanisme de tutorat des chômeurs ou des titulaires de minima sociaux créant ou reprenant une entreprise.

- L'article 36 donne compétence aux maisons de l'emploi pour faciliter la mise en place de cellules de reclassement interentreprises.

- L'article 37 rend possible le recours au travail temporaire pour des personnes ayant des difficultés d'insertion ou envers qui l'employeur peut assurer une formation professionnelle complémentaire.

Lors de la discussion au Sénat, le texte s'est enrichi de trois articles nouveaux, portant sur des domaines encore différents :

- L'article 37 bis procède à la consécration législative des ateliers et chantiers d'insertion.

- L'article 37 ter établit un régime dérogatoire pour le travail de nuit dans certains secteurs des médias et du spectacle.

- L'article 37 quater intègre les actions de formation économique au titre de l'obligation triennale de négociation collective.

La mesure proposée par le présent article 34 vise à réaménager le dispositif existant dit d'aide aux chômeurs créateurs-repreneurs d'entreprises (ACCRE).

L'ACCRE est un dispositif d'encouragement à la création et à la reprise qui permet au créateur de bénéficier d'une exonération de charges sociales et, le cas échéant, d'un maintien du revenu de remplacement pendant les premiers mois de la vie de l'entreprise (65). Il est accessible aux demandeurs d'emploi indemnisés, aux demandeurs d'emploi non indemnisés inscrits depuis plus de six mois à l'ANPE au cours des dix-huit derniers mois et aux bénéficiaires de l'allocation du RMI. Dans ce cadre, les demandeurs d'emploi indemnisés au titre de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation d'insertion (AI) bénéficient pendant six mois d'une aide au montant égal à celui de l'ASS. Une mesure analogue est instituée en faveur des bénéficiaires du RMI.

L'ACCRE est réputée accordée si un refus explicite de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) n'intervient pas dans les trois mois qui suivent la demande. En cas d'échec et de retour au chômage dans les douze mois au plus après la création ou la reprise de l'entreprise, le créateur retrouve le bénéficie des droits à l'assurance-chômage qui lui restaient acquis à la date d'attribution de l'aide.

Or on assiste en France, en dépit de l'existence de ce dispositif, à une diminution constante du poids des entreprises aidées dans le total des créations d'entreprise depuis 1995, ainsi que l'atteste l'évolution retracée par le tableau présenté ci-après.

Evolution du nombre de créateurs aidés et du nombre d'entreprises créées ou reprises

Nombre de créateurs d'entreprise aidés

Evolution annuelle
(en  %)

Nombre d'entreprises créées ou reprises *

Evolution annuelle (en  %)

Nombre total d'immatri-culations INSEE

Evolution annuelle (en  %)

 % des créations aidées dans le total des créations

1995

88 372

+ 10,4

82 481

+ 9,5

225 589

- 3,4

36,6

1996

40 507

- 54,1

38 952

- 52,8

217 966

- 3,4

17,9

1997

34 558

- 14,7

33 306

- 14,5

214 253

- 1,8

15,5

1998

39 871

+ 15,4

38 513

+ 15,6

210 671

- 1,7

18,3

1999

39 767

- 1,3

38 013

- 1,3

212 834

+ 1,0

17,9

2000

218 408

+ 2,6

ACCRE seule

38 763

- 2,5

37 199

- 2,1

17

ACCRE + EDEN

42 985

+ 8,1

40 747

+ 7,2

18,7

2001

219 922

+ 0,4

ACCRE seule

36 922

- 4,7

35 191

- 5,4

16

ACCRE + EDEN

39 945

- 7,1

37 972

- 6,8

17,3

2002

217 819

- 1,0

ACCRE seule

33 328

- 10,8

32 431

- 8,5

14,9

ACCRE + EDEN

42 940

+ 7,0

35 212

- 7,8

16,2

* Le nombre d'entreprises créées ou reprises grâce aux aides diffère du nombre de créateurs aidés du fait des entreprises qui regroupent plusieurs créateurs ou repreneurs bénéficiaires.

Source : DARES.

En outre, si l'on observe plus précisément le type d'entreprise créée ou reprise, on dénombre, à plus des deux tiers, des entreprises individuelles, comme l'atteste le tableau suivant.

Les entreprises créées ou reprises avec l'ACCRE

(en pourcentage)

1998

1999

2000

2001

2002

% des femmes par catégories

Nombre d'entreprises créées ou reprises

dont France métropolitaine

38 513

38 102

38 013

37 232

37 199

36 253

35 191

34 009

32 431

31 562

Création ou reprise

Création d'une entreprise

Reprise d'une entreprise

79,5

20,5

79,8

20,2

81,4

18,6

81,8

18,2

82,0

18,0

31,3

41,3

Forme juridique

Entreprise individuelle

SARL

EURL

SA

SCOP

Autre

75,5

15,5

5,6

0,5

0,3

2,6

75,9

15,5

5,0

0,6

0,3

2,7

75,8

15,5

5,3

0,5

0,3

2,4

72,9

18,0

5,8

0,6

0,3

2,5

70,0

19,7

7,2

0,6

0,3

2,1

35,6

27,3

28,3

18,5

16,5

34,4

Secteur d'activité

Services

dont : Commerces et réparations

Services aux particuliers

Services aux entreprises

Construction

Industrie

Agriculture, sylviculture, pêche

71,1

29,5

21,2

12,5

16,4

10,2

2,3

70,8

28,6

20,3

14,1

15,5

10,8

2,9

68,4

26,5

20,1

13,7

18,1

10,6

2,9

68,7

26,2

19,8

14,8

18,4

9,9

3,1

70,0

24,7

21,4

15,9

17,1

10,0

2,9

41,3

38,7

54,7

28,8

4,2

27,6

16,7

Inscription à un registre

Répertoire des métiers

Registre du commerce

Autre

40,0

49,9

10,1

38,2

50,8

11

40,1

48,7

11,2

39,5

49,4

11,2

37,6

50,8

11,5

26,8

35,0

43,3

Source : DARES

Il semble donc qu'il soit particulièrement opportun de favoriser l'entrée dans le régime de l'ACCRE au profit de ce type de petites entreprises.

Le présent article 34 porte donc modification de l'article L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale. Il complète le premier alinéa de cet article par une phrase nouvelle qui porte modification du régime de la durée de l'exonération totale ou partielle, dans la mesure où celle-ci peut désormais être prolongée dans deux cas : lorsque l'entreprise créée ou reprise entre dans le champ de l'article 50-O du code général des impôts ; lorsque le créateur ou le repreneur opte pour le régime prévu à l'article 102 ter du code général des impôts.

En fait, ces deux articles visent le régime de la micro-entreprise : ainsi que l'explique l'exposé des motifs du projet, la mesure proposée vise en effet à « prolonger, dans certains cas, le versement des aides (...) pour les créateurs ou repreneurs qui optent pour le régime de la micro-entreprise et dont les revenus restent inférieurs au SMIC ». L'idée consiste à limiter à des niveaux de bénéfices raisonnables cette exonération.

Cette disposition se range parmi les dispositifs d'incitation fiscale destinés à favoriser la reprise et la création d'entreprises. L'exposé des motifs précise d'ailleurs quel est l'objectif quantitatif poursuivi : « Cette mesure pourrait déclencher la création de 40 000 projets d'entreprises supplémentaires ».

La nouvelle rédaction de l'article L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale précise que les « conditions et limites » de cette prolongation seront effectuées dans des conditions fixées par décret.

Actuellement déjà, le décret n° 95-683 du 9 mai 1995 détermine la durée en vigueur de l'exonération, fixée à douze mois. Ce même décret précise que le plafond de revenu ou de rémunération est égal à 120 % du montant du salaire minimum de croissance.

Interrogés sur cette question par la rapporteure, les services du ministère délégué aux relations du travail ont précisé que l'objectif était de porter la durée de cette exonération à deux ans pour les revenus inférieurs au SMIC. L'exonération sera totale entre un niveau de revenu nul et un niveau de revenu égal au RMI et diminuera progressivement jusqu'à disparaître au niveau du SMIC.

Le chiffrage de cette mesure n'a pas été effectué par le projet, qui ne comporte pas d'étude d'impact. Il convient cependant de noter que 95 millions d'euros ont été prévus dans le projet de loi de finances pour 2005 au profit de la compensation par l'Etat de ces exonérations.

*

La commission a adopté l'article 34 sans modification.

Article 35

Institution d'une réduction d'impôt au bénéfice des tuteurs de chômeurs ou de titulaires de minima sociaux créant ou reprenant une entreprise

Le présent article crée un dispositif entièrement nouveau de réduction d'impôt, au bénéfice des tuteurs de chômeurs ou des tuteurs de titulaires de minima sociaux qui créent ou reprennent une entreprise. On retrouve donc, en partie, l'inspiration de l'article 34, qui tend à favoriser la création d'entreprise.

Tous les milieux de consultants le disent : le facteur humain est déterminant dans la réussite d'une reprise ou d'une création d'entreprise. Pour qu'un projet aboutisse, l'accompagnement personnalisé compte beaucoup, à savoir la prise en charge par l'entourage du repreneur d'entreprise. C'est la raison d'être de ce dispositif d'encouragement et de valorisation du tutorat.

L'article 200 octies créé par cet article se présente comme offrant la possibilité à des contribuables de bénéficier d'une réduction d'impôt « au titre de l'aide qu'ils apportent » à certaines personnes.

D'emblée, il faut souligner que le Sénat a apporté un nombre de modifications relativement important à ce dispositif, modifications que l'on soulignera au fil de la présentation. Ces modifications sont toutefois plus des tentatives d'amélioration du dispositif proposé que des mises en cause de l'économie générale des dispositions.

Le bénéficiaire est défini par la loi plus comme quelqu'un apportant une « aide » que comme un « tuteur », mot qui n'apparaît que dans l'exposé des motifs. Cette aide est précisément définie. A cet égard, trois conditions sont posées :

- L'aide doit porter sur « l'ensemble des diligences et démarches qui doivent être réalisées pour la création ou la reprise de l'entreprise » mais aussi « le démarrage de [l'] activité ». Cette dernière expression n'est pas très précise juridiquement, mais d'ores et déjà on peut dire qu'elle renvoie à une exigence en termes de résultat, au moins au début de la période d'activité. Il ne suffit pas d'accomplir juridiquement l'ensemble des formalités nécessaires à la création ou la reprise formelle de l'entreprise.

- La personne qui aide doit justifier d'une expérience professionnelle.

- Cette personne ne peut exercer cette fonction à l'égard de deux personnes simultanément.

Ces deux dernières conditions constituent une certaine forme de garantie de « professionnalisme » de l'aide apportée, à la fois au regard de la capacité de la personne apportant son aide et du temps qu'elle sera susceptible d'y consacrer effectivement. Le Sénat a considéré que la seule mention de l'« expérience professionnelle » était insuffisante et qu'il convenait de préciser que cette expérience devait être en corrélation avec l'exercice de la fonction de tuteur, et devait donc l'y rendre « apte ». Cette précision, pour évidente qu'elle pouvait paraître, ne pose pas de difficultés particulières.

Mais la personne bénéficiaire de l'aide est elle aussi définie de manière très précise par le texte proposé. Ces conditions sont de trois ordres :

- Dans la version originale de l'article, elle ne doit pas être en parenté avec le contribuable : descendant, ascendant, conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité sont exclus du dispositif. Dans l'esprit initial du projet, si en effet on se trouve dans le cadre de l'aide à la personne, on n'est pas pour autant dans le cadre de l'aide entre proches qui, elle, devrait rester informelle. Le Sénat a toutefois eu une approche différente des choses souhaitant, « au contraire, encourager l'entraide au sein des familles », selon l'expression utilisée dans le rapport préparatoire à la discussion ; il a donc procédé à la suppression de cette condition. Toute la difficulté sera, cependant, d'éviter les effets d'aubaine. Comment prouver en effet qu'un membre de la famille a eu une influence avérée sur la réussite de tel ou tel projet ?

- La personne bénéficiaire doit être inscrite comme demandeur d'emploi, titulaire du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de parent isolé ; le Sénat a souhaité, ici également, modifier le texte, pour y rajouter le cas de bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH), catégorie qu'il lui semblait dommageable d'exclure a priori du bénéfice de ce dispositif, même si quantitativement ce cas de figure ne doit pas nécessairement concerner beaucoup de personnes.

- Elle doit créer ou reprendre une entreprise industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, soit à titre individuel, soit sous la forme d'une société dont elle exerce effectivement le contrôle.

Enfin, le lien unissant le contribuable au créateur d'entreprise est lui aussi encadré. En effet, les deux partenaires ainsi définis doivent conclure une convention annuelle, à laquelle est également partie la maison de l'emploi. Le Sénat a précisé qu'il s'agissait d'une convention d'une durée d'un an renouvelable.

C'est la maison de l'emploi, en particulier, qui délivrera un document attestant la bonne exécution de la convention lorsque celle-ci prend fin. C'est elle aussi, a souhaité préciser le Sénat, qui informera les parties de leurs obligations respectives et qui contrôlera l'application de la convention. Elle délivrera au contribuable un document attestant la bonne exécution de la convention lorsque celle-ci prend fin.

L'existence de la convention est importante à deux titres. D'abord, car elle formalise ce que l'exposé des motifs du projet appelle également un « engagement », manière de solenniser la relation entre le contribuable et le créateur. Ensuite, parce que l'année au cours de laquelle elle prendra fin constitue l'année au cours de laquelle sera accordée la réduction d'impôt. L'article 200 octies précise également que le montant de la réduction d'impôt est de 1 000 euros.

La détermination d'un certain nombre d'autres éléments relève d'un décret en Conseil d'Etat. Il s'agit, notamment :

- du cahier des charges auquel doit se conformer la convention tripartite ; l'exposé des motifs précise que ce cahier des charges comprendrait à la fois le type d'aide matérielle et humaine apportée par le tuteur et le nombre d'heures minimum qu'il consacre au tutorat ;

- des obligations du contribuable et du bénéficiaire ;

- des conditions de renouvellement de la convention, le Sénat ayant supprimé la référence à la durée de l'engagement.

- des pouvoirs de contrôle de la maison de l'emploi (élément rajouté lors de la lecture au Sénat) et des justificatifs que doivent fournir les contribuables pour bénéficier de la réduction d'impôt.

*

La commission a examiné un amendement de suppression de l'article de M. Gaëtan Gorce.

M. Michel Liebgott a relevé le caractère paradoxal que revêt ce dispositif de réduction d'impôt qui, au final, bénéficie aux entreprises au sein d'un texte dédié à la cohésion sociale. Il a regretté que ces moyens ne soient pas affectés aux plus défavorisés et mis en garde contre les risques de dévoiement de ce dispositif.

Après avoir rappelé que cet article est bien au contraire destiné à favoriser le tutorat, la rapporteure a donné un avis défavorable à l'amendement.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté l'article 35 sans modification.

Article 36

Compétence des maisons de l'emploi en matière de reclassement des salariés

Comme l'annonce l'exposé des motifs du projet, « cet article donne compétence aux maisons de l'emploi, dans les bassins d'emploi confrontés à des difficultés économiques, en matière de reclassement des salariés ».

Il introduit un nouvel article L. 322-4-1 dans le code du travail, qui prévoit en effet une double intervention des maisons de l'emploi.

- D'une part, aux termes du premier alinéa de ce nouvel article, les maisons de l'emploi participent à la mise en œuvre des actions définies initialement comme celles prévues aux articles L. 322-3-1 et L. 322-4 du code du travail.

L'article L. 322-3-1 du code du travail vise la possibilité pour les entreprises de moins de 300 salariés rencontrant des difficultés économiques pouvant conduire à des licenciements de conclure avec l'Etat des conventions leur permettant de recevoir une aide financière pour étudier des solutions à même d'éviter ou de limiter les licenciements.

L'article L. 322-4 prévoit la possibilité, dans les régions ou à l'égard des professions astreintes ou menacées d'un grave déséquilibre de l'emploi, pour le ministre chargé de l'emploi d'engager des actions de reclassement, de placement et de reconversion professionnelle.

Ces deux articles visent les actions organisées et financées par le Fonds national pour l'emploi.

Au cours de la lecture au Sénat, à la référence aux articles L. 322-3-1 et L. 322-4 a été substituée, à la suite de l'adoption d'un amendement présenté par le gouvernement, la référence aux « actions de reclassement du Fonds national pour l'emploi prévues aux articles L. 322-1 et suivants », de façon à élargir et préciser les compétences des maisons de l'emploi en cas de restructurations d'entreprises.

En fait, ce premier alinéa vise la situation de celles parfois appelées les « entreprises orphelines », dont la situation financière ne permet pas de mettre en œuvre de leur propre chef un plan social, et se tournent vers les dispositifs du Fonds national pour l'emploi.

Le premier alinéa de l'article L. 322-4-1 renvoie à un décret le soin de fixer les conditions de mise en œuvre de ces actions mais le degré de nécessité de l'intervention de ce décret est incertain.

- D'autre part, aux termes du deuxième alinéa, les maisons de l'emploi peuvent participer à la mise en œuvre des mesures prévues aux articles L. 321-4-1, L. 321-4-2 et L. 321-4-3 du code du travail. Ces articles visent la mise en place de plans de sauvegarde de l'emploi dans les entreprises en difficulté, ainsi que leurs modalités d'organisation, notamment les actions d'évaluation des compétences et les propositions de congés de reclassement. Il est à noter que c'est au Sénat qu'a été ajoutée la référence à ces congés par la mention de l'article L. 321-4-3 du code du travail, à la suite de l'adoption d'un amendement du gouvernement.

Il convient aussi de souligner que l'article 37-4 du présent projet prévoit désormais, à l'article L. 321-4-3, un dispositif de reclassement spécifique dénommé convention de reclassement personnalisé. Les maisons de l'emploi pourraient donc être associées à la mise en œuvre d'une telle convention.

Ce deuxième alinéa vise tout particulièrement les situations des entreprises dont la taille critique ne permet pas la constitution d'une cellule de reclassement et qui ont besoin de recourir à la structure de la cellule interentreprises.

Le texte du nouvel article L. 322-4-1 prévoit que ce deuxième type de participation découlera de conventions signées par les entreprises concernées. A cet égard, l'exposé des motifs souligne que cette convention entre l'entreprise et la maison de l'emploi déterminera, en particulier, les modalités financières de l'intervention des maisons de l'emploi.

L'intervention des maisons de l'emploi se justifie assez naturellement, dans ce type de situation, eu égard à la mission de service public qui en font une structure assez naturelle pour le portage tant du financement que de l'organisation pratique de la formation des salariés - ce qu'aujourd'hui, l'ANPE, dans les faits, pratique très peu et qui relève au premier chef des cabinets de consultants privés.

On peut souligner l'usage, dans ce cas prévu au deuxième alinéa, du verbe « peuvent » participer. Il pourrait sembler qu'il faille, dans les deux cas évoqués, entendre l'ouverture d'une seule possibilité, conformément à ce que prévoit l'exposé des motifs : les maisons de l'emploi « pourront participer à la mise en œuvre des différentes actions de formation et de reclassement financées par le Fonds national pour l'emploi (...). Elles pourront également être associées, dans le cadre d'une procédure de licenciement économique, à la mise en œuvre des actions d'évaluation de compétences et d'accompagnement au reclassement destinées aux salariés concernés ».

En fait, dans le cas de la mise en œuvre des actions de reclassement du Fonds national pour l'emploi, il semble, selon les informations apportées par les services du ministère délégué aux relations du travail, qu'il y ait volonté délibérée d'encourager ce type d'interventions qui correspondent à la vocation tant de financeur d'actions publiques que de support naturel aux actions étatiques des maisons de l'emploi.

En pratique, comme le précise là encore l'exposé des motifs, ces dispositions sont, notamment, « destinées à faciliter la mise en place de cellules de reclassement interentreprises, utiles lorsque les entreprises en difficulté sont des PME ».

Ces cellules de reclassement interentreprises permettent aux petites entreprises de mutualiser leurs efforts au moyen d'une convention de cellule de reclassement interentreprises.

En principe, tous les salariés inclus dans une procédure de licenciement économique sont concernés, sans condition d'âge ni d'ancienneté. L'objectif d'une telle cellule est de faciliter le reclassement externe à l'entreprise. La cellule joue un rôle d'accueil, d'évaluation, d'orientation et de conseil, en examinant avec le salarié sa situation professionnelle, ses attentes, les emplois envisageables. La durée du suivi est comprise entre trois et douze mois.

L'Etat participe traditionnellement, après conclusion d'une convention du Fonds national pour l'emploi, aux dépenses de fonctionnement de ces cellules, qu'il s'agisse des salaires et frais de formation des membres de la cellule, des frais de conseil, des frais de fonctionnement matériel (location de locaux, photocopies, téléphone, télécopie, affranchissement, ...). Ce taux de participation est fonction du niveau des engagements pris par l'entreprise et de la qualité du plan de sauvegarde de l'emploi. Il peut atteindre 75 % dans le cadre d'une cellule de reclassement interentreprises - dans la limite d'un plafond de 2000 euros établi par bénéficiaire, aux termes d'une circulaire du 9 octobre 2003 (66).

*

La commission a adopté un amendement de la rapporteure ouvrant la possibilité aux maisons de l'emploi de participer à la mise en œuvre des mesures prévues par l'article L. 321-16 du code du travail tel qu'il résulte de l'article 37-6 du projet.

La commission a adopté l'article 36 ainsi modifié.

Article 37
Recours au travail temporaire pour des personnes ayant des difficultés d'insertion ou envers lesquelles l'employeur assure une formation complémentaire

Le présent article transpose au domaine du travail temporaire un dispositif existant en matière de contrats à durée déterminée, destiné à permettre le recrutement de personnes rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle ou envers lesquelles l'employeur s'engage à assurer un complément de formation professionnelle (67).

1. Le dispositif existant dans le cadre de la signature de contrats à durée déterminée (article L. 122-2 du code du travail)

Aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi, les recrutements réalisés dans le cadre de l'article L. 122-2 du code du travail déboucheraient, le plus souvent, sur un « retour à l'emploi durable ». Tel est donc l'objectif poursuivi par l'extension du dispositif au travail temporaire.

Sans doute l'article L. 122-2 du code du travail constitue-t-il le plus souvent une « coquille vide », un support juridique de référence pour toutes les formes d'emplois aidés dont le régime est précisé par un autre article du code. Néanmoins, il constitue un dispositif qui a sa propre cohérence et a pu directement servir de fondement à la mis en œuvre de certains contrats : c'est en application de cet article par exemple qu'un décret a, en 1985, ouvert - à titre expérimental il est vrai - la possibilité à tout chômeur inscrit à l'ANPE depuis plus d'un an de recourir à un contrat à durée déterminée. C'est cet objectif qui est poursuivi par le présent dispositif.

2. La transposition de ce dispositif au domaine du travail temporaire

Le nouvel article L. 124-2-1-1 du code du travail prévoit deux cas dans lesquels la mise à disposition d'un salarié d'une entreprise de travail temporaire auprès d'un utilisateur peut intervenir :

- lorsque la mission de travail temporaire vise à faciliter l'embauche de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, ce cas devant être prévu par les dispositions législatives ou réglementaires existantes, ou par un accord de branche étendu ;

- lorsque l'entreprise de travail temporaire et l'utilisateur s'engagent à assurer un complément de formation professionnelle au salarié ; dans ce cas, la durée et les conditions du contrat sont fixées par décret ou par accord de branche étendu.

On retrouve donc les deux cas qui existent déjà pour la signature de contrats à durée déterminée.

Il faut noter toutefois que, s'agissant du premier cas, les personnes ne doivent pas seulement être, comme dans le cas de contrats à durée déterminée, « sans emploi », mais doivent en outre rencontrer « des difficultés sociales et professionnelles particulières » - formule consacrée en matière d'insertion.

De plus, contrairement à ce qui prévaut dans la procédure prévue pour les contrats à durée déterminée, l'intervention de conventions de branche est prévue, étant entendu qu'un décret n'interviendrait qu'à titre supplétif.

L'une des questions qui pourra se poser est celle de la désignation de la branche compétente : s'agira-t-il de la branche de l'entreprise de travail temporaire ou de celle de l'entreprise utilisatrice ? Sans vouloir préjuger du choix qui sera fait, il apparaît néanmoins que le premier choix rendrait plus aisé l'établissement de conditions uniformes pour l'ensemble des contrats.

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La commission a examiné un amendement de suppression de l'article de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard a souligné à cette occasion l'efficacité du lobbying des entreprises de travail temporaire. Cet article permet en effet que l'on puisse avoir recours à ces entreprises de manière permanente pour les contrats aidés. Or il existe d'ores et déjà des entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) qui sont spécialisées dans cette tâche et qui risquent de disparaître.

M. Rodolphe Thomas a plaidé en faveur d'une distinction entre secteur privé et accompagnement social sans laquelle les ETTI sont menacées.

M. Gaëtan Gorce a souligné l'importance de ce sujet et la nécessité de protéger le marché du placement pour les ETTI qui remplissent une mission d'insertion.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission a rejeté cet amendement.

Après que la rapporteure a émis un avis défavorable, la commission a ensuite rejeté un amendement de M. Gaëtan Gorce tendant à supprimer la possibilité de conclure un contrat de travail temporaire pour faciliter l'embauche de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, prévue par le 1° du nouvel article L. 124-2-1-1 introduit dans le code du travail par l'article 37.

La commission a adopté l'article 37 sans modification.

Article 37 bis (nouveau)

Consécration législative des ateliers et chantiers d'insertion

Le présent article résulte d'un amendement adopté lors de la première lecture au Sénat. Il vise, par l'introduction d'un nouvel article L. 322-4-16-8 dans le code du travail, à y faire figurer les ateliers et chantiers d'insertion.

Ces ateliers et chantiers d'insertion constituent aujourd'hui la principale structure d'insertion par l'activité économique. Il s'agit de structures qui s'adressent aux personnes en difficulté d'insertion, avec le plus souvent un faible niveau de qualification, pour leur proposer une mise en situation professionnelle, autour de la mise en valeur du patrimoine collectif, qu'il s'agisse de patrimoine naturel, bâti, ou de la réalisation de produits ayant une utilité sociale. L'intérêt de ces structures est d'offrir un accompagnement pédagogique tout en plaçant les personnes intéressées dans une réelle situation de travail. Ces dispositifs reçoivent d'ores et déjà le soutien des crédits d'insertion du département, mais leur existence n'était jusqu'ici pas consacrée par la loi.

Le présent article L. 322-4-16-8 en définit tant la nature juridique que la mission.

Le premier alinéa définit les ateliers et chantiers d'insertion comme des dispositifs portés par un organisme de droit privé à but non lucratif ayant pour objet l'embauche de personnes mentionnées au I de l'article L. 322-4-16, c'est-à-dire des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, qui bénéficient de contrats de travail en vue de voir facilitée leur insertion sociale et professionnelle.

Le moyen auquel ont recours ces structures est spécifique : il s'agit de développer des activités ayant principalement un caractère d'utilité sociale.

Par ailleurs, il est précisé que ces ateliers et chantiers d'insertion doivent avoir conclu avec l'Etat une convention visée à l'article L. 322-4-16, c'est-à-dire une convention qui peut prévoir des aides de l'Etat sous la forme d'exonérations du paiement des cotisations patronales.

Le deuxième alinéa précise les missions des ateliers et chantiers d'insertion. Cette fonction peut être présentée autour de deux axes :

- d'une part, l'accueil, l'embauche et la mise au travail sur des actions collectives de ces personnes ;

- d'autre part, l'organisation du suivi, de l'accompagnement, de l'encadrement technique et de la formation des salariés.

Cette dernière mission doit avoir pour but de faciliter l'insertion sociale des salariés ainsi que la recherche des conditions d'une insertion professionnelle durable.

Il faut noter qu'au cours de la discussion au Sénat, la version initiale de l'amendement comportait un alinéa supplémentaire prévoyant que ces structures pourraient bénéficier d'une aide de l'Etat destinée à assurer le financement de l'accompagnement social et professionnel des personnes embauchées.

Mais un dispositif d'aide étant déjà établi aux termes du I de l'article L. 322-4-16, dispositif expressément évoqué par le présent article, il n'a pas paru, dans un souci de simplification, nécessaire de surcharger ces dispositions.

La ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, Mme Nelly Olin, a également rappelé à cette occasion que le plan de cohésion sociale prévoit la création d'une aide à l'accompagnement qui sera définie par décret, représentant un effort important en faveur des chantiers d'insertion, de l'ordre de 24 millions d'euros en 2005.

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La commission a adopté l'article 37 bis (nouveau) sans modification.

Article additionnel après l'article 37 bis (nouveau)

Création d'un statut des éducateurs et aides familiaux employés
par des associations gestionnaires de villages d'enfants

Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté un amendement présenté par M. Jean-Pierre Door visant à doter d'un cadre juridique les fonctions exercées par les éducateurs et les aides familiaux qui travaillent au sein des villages d'enfants.

Article 37 ter (nouveau)

Etablissement d'une période de travail de nuit à titre dérogatoire pour
les activités de production rédactionnelle et industrielle et de distribution
dans les médias et les métiers du spectacle

Cet article résulte de l'adoption d'un amendement présenté par M. Louis de Broissia au Sénat.

Le problème posé est le suivant : dans un certain nombre de secteurs professionnels, le travail de nuit est une nécessité. Il s'agit de secteurs comme la presse, mais aussi la radio, la télévision et le cinéma ou encore les spectacles vivants et les discothèques - secteurs visés par le présent article.

Le travail de nuit est certes possible en France. C'est ainsi que la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 a introduit dans le code du travail, au chapitre III, intitulé « Travail de nuit », du titre premier du livre deuxième, une section première dédiée aux dispositions générales en matière de travail de nuit, comprenant des articles L. 213-1 à L. 213-5. Cette législation, applicable autant aux hommes qu'aux femmes, remplace les dispositions interdisant le travail de nuit pour les femmes.

Plus précisément, le premier alinéa de l'article L. 213-1-1 du code du travail pose ainsi que « tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit ». La première phrase du deuxième alinéa ajoute qu'« une autre période de neuf heures consécutives, comprise entre 21 heures et 7 heures mais comprenant, en tout état de cause, l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures, peut être substituée à la période mentionnée au premier alinéa par convention ou un accord collectif étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement ».

A défaut d'accord, ce même alinéa prévoit aussi les conditions dans lesquelles cette dérogation peut être autorisée par l'inspecteur du travail.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 213-4 du code du travail, les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit pendant lesquelles ils sont occupés, sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale. Mais il convient de garder présent à l'esprit que l'octroi d'une majoration de salaire ne peut en aucun cas remplacer l'octroi du repos compensateur : la sujétion que représente le travail de nuit doit obligatoirement être compensée par un repos compensateur.

L'esprit de ces dispositions avait été ainsi présenté au cours de la troisième séance publique du 28 novembre 2000 par la rapporteure : « ce sous-amendement vise à rendre exceptionnel et dérogatoire le recours au travail de nuit en imposant de le justifier par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale, en exigeant un accord collectif pour sa mise en place ou son extension et en instaurant un droit d'opposition syndicale à cet accord ».

En prévoyant cette disposition, la loi mettait le droit français en conformité avec la réglementation communautaire en vigueur (68). Mais si la loi mettait ainsi le droit français en accord avec le droit européen, elle allait même plus loin, ainsi que l'a précisé M. Louis de Broissia lors de la présentation de son amendement : « la directive européenne que nous avons approuvée précise que la période de travail de nuit commence à minuit (...). Les Français, qui font toujours un peu plus (...) en ont rajouté : selon eux, cette période débute à vingt-et-une heure ».

C'est à la question du bien-fondé de cette spécificité française, qui serait lourde d'inconvénients pour les entreprises en cause - industries et services de l'édition, du spectacle, du cinéma, de la presse ou de l'audiovisuel -, que la présente disposition tend à apporter une réponse législative.

Ce n'est pas tant l'objectif poursuivi par les auteurs de l'amendement - répondre aux besoins spécifiques et légitimes de certaines professions - que le moyen retenu - une réponse législative et non conventionnelle - qui a motivé le désaccord du gouvernement, exprimé par le ministre délégué aux relations du travail sous la forme suivante : « je prends l'engagement, non de lancer une nouvelle étude, mais de stimuler le dialogue social et la négociation collective avec les partenaires sociaux afin d'avancer dans ce domaine. Je vous adresserai d'ailleurs une copie de l'état des négociations avec les branches concernées ».

Néanmoins, cet amendement portant article additionnel a été finalement adopté.

Le I de l'article prévoit de compléter l'article L. 213-1-1 du code du travail pour y inclure une dérogation au premier alinéa concernant la définition du travail de nuit par référence à « tout travail entre 21 heures et 6 heures ».

Pour « les activités de production rédactionnelle et industrielle et de distribution de presse, de radio, de télévision, de production et d'exploitation cinématographiques, de spectacles vivants et de discothèque, la période de nuit est fixée entre 24 heures et 7 heures ».

Le même alinéa prévoit, comme dans le dispositif général de l'article L. 213-1-1, qu'une période de substitution peut être établie par voie conventionnelle, devant en tout état de cause comprendre l'intervalle entre 24 heures et 5 heures.

Par ailleurs, le II ajoute après le deuxième alinéa de l'article L. 213-4 du code du travail, relatif aux contreparties en termes de repos compensateur et de compensation salariale, une disposition spécifique prévoyant, pour les mêmes activités que celles auxquelles fait référence le I, que les contreparties ne prennent pas nécessairement la forme de repos compensateur. Il vient donc poser un deuxième type de dérogation au bénéfice des professions visées, puisqu'en principe, aux termes de l'article L. 213-4, le repos compensateur est toujours nécessaire.

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La commission a examiné un amendement de suppression de l'article de M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz a indiqué que cet article introduit au Sénat vise à modifier gravement les règles de fixation du travail de nuit. La transcription de la directive européenne a déjà constitué un mauvais coup pour la protection des travailleurs et cette nouvelle mesure va encore plus loin dans la régression sociale.

Mme Catherine Génisson a souligné que cette disposition revient même sur les conditions d'encadrement du travail de nuit issues des usages puisqu'il fait passer le curseur de 21 heures à minuit ce qui est à proprement parler intolérable.

Défavorable à l'amendement, la rapporteure a rappelé que cet article ne porte que sur un nombre très restreint et bien défini de professions : certains métiers du spectacle et des médias, pour lesquels cet encadrement est parfaitement adapté.

Mme Catherine Génisson a jugé cette argumentation irrecevable car d'une part il existe bien d'autres secteurs d'activités qui connaissent de telles contraintes - les services hospitaliers par exemple -, et d'autre part cette réglementation relève clairement de la négociation collective. Il serait d'ailleurs intéressant de connaître l'avancée des négociations en ce domaine plutôt que de « sauvagement » déroger au code du travail.

Mme Muguette Jacquaint a fait remarquer que le gouvernement s'appuie alternativement sur la négociation collective et la loi pour mener à bien son entreprise de régression sociale.

M. Francis Vercamer a fait observer qu'une convention collective ne peut déroger à une disposition législative. Il est nécessaire d'inscrire préalablement dans la loi cette possibilité de dérogation dans le cadre de la négociation collective.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a adopté l'article 37 ter (nouveau) sans modification.

Article 37 quater (nouveau)

Institution d'une obligation de négociation collective portant
sur une formation économique à titre facultatif

Cet article, qui résulte de l'adoption d'un amendement présenté par M. Serge Dassault au Sénat, vise à faire de la formation économique l'un des thèmes de la négociation de branche triennale consacrée aux objectifs et moyens de la formation.

L'article L. 934-2 du code du travail prévoit en effet que « les organisations qui sont liées par une convention de branche ou, à défaut, par un accord professionnel (...) se réunissent au moins tous les trois ans pour négocier sur les priorités, les objectifs et les moyens de la formation professionnelle des salariés ».

Il convient de noter que c'est l'article 16 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 qui a ramené à trois ans cette obligation, préalablement imposée seulement tous les cinq ans.

Suit une liste déclinant les différents types d'objectifs en termes de formation que doivent aborder ces négociations, tels la nature des actions de formation (1°), les moyens reconnus aux délégués syndicaux et aux membres des comités d'entreprise (3°), ou encore les conséquences de la construction européenne (10°), pour ne prendre que quelques exemples.

Le présent article vise à compléter cette liste en insérant après le 15° de l'article L. 934-2 du code du travail un alinéa 16° ainsi rédigé :

« 16° La définition et les conditions de mise en œuvre à titre facultatif d'actions de formation économique en vue de mieux comprendre la gestion et les objectifs de l'entreprise dans le cadre de la concurrence internationale ».

M. Serge Dassault a longuement présenté cette disposition, motivée par la volonté de permettre à l'ensemble des salariés de « comprendre les mécanismes ainsi que les difficultés de la gestion financière et de la concurrence des entreprises », la formation étant appelée à concerner « tout le personnel, depuis le manœuvre jusqu'au cadre supérieur ».

Mais cette formation est entendue comme complémentaire d'une « information », dans la mesure où « elle fournit la base du langage qui permettra de comprendre cette dernière ». Parce que « les malentendus et les conflits proviennent souvent du fait que le personnel ne parle pas le même langage que la direction », il est indispensable de « démystifier la gestion et le profit ».

On peut relever qu'une version initiale de l'amendement retenait la mise en œuvre de telles actions non pas à titre facultatif, mais comme une obligation. La mesure ainsi proposée a d'ailleurs été présentée par M. Serge Dassault comme « un début ». C'est du reste ce caractère obligatoire qui avait, dans un premier temps, conduit la commission des affaires sociales du Sénat à s'interroger sur la création de charges supplémentaires occasionnées ainsi pour les entreprises.

Il est vrai que la récente loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, comme l'a rappelé le ministre délégué aux relations du travail, offre d'ores et déjà des possibilités intéressantes en matière de développement des formations.

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La commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard intégrant aux domaines relevant de l'obligation de négociation collective énumérés à l'article L. 934-2 du code du travail la définition et les conditions de mise en œuvre à titre facultatif d'actions de formation au droit du travail.

M. Gaëtan Gorce est intervenu pour souligner qu'il serait prêt à accepter l'article issu du débat au Sénat si l'on adoptait le présent amendement créant une formation sociale des employeurs, pendant à la formation économique des salariés souhaitée par le Sénat.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté l'article 37 quater (nouveau) sans modification.

Avant l'article 37-1

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant la nullité du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. Maxime Gremetz est intervenu pour présenter une série d'amendements visant à réduire le nombre des licenciements. Parmi les plus importants figurent des amendements consacrant dans la loi la jurisprudence Samaritaine, rendant plus dissuasif le coût du licenciement et donnant une nouvelle définition du licenciement pour motif économique.

Mme Martine Billard a observé que loin d'être trop encadré le licenciement constitue une solution facilement utilisable par les entreprises.

M. Dominique Dord, rapporteur, a rappelé les objectifs poursuivis par le projet de loi en matière de licenciement au travers de la lettre rectificative. Il s'agit d'anticiper les crises plutôt que de les subir, de favoriser la négociation d'accords si possible à froid et d'éviter le piège que constitue un encadrement trop strict des règles de licenciement.

M. Maxime Gremetz a souhaité relever une nouvelle fois la contradiction existant entre l'objectif affirmé du texte de cohésion sociale et la suppression de dispositions très protectrices en matière de licenciement.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté cinq amendements de M. Maxime Gremetz visant respectivement à :

- doubler le montant de l'indemnité due par l'employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- fixer un montant minimum d'indemnisation des salariés ayant moins de deux ans d'ancienneté ou employés dans une entreprise de moins de onze salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse ;

- proposer une nouvelle définition du licenciement pour motif économique ;

- mettre en œuvre un droit d'opposition des institutions représentatives du personnel au licenciement pour motif économique sans justification ;

- prendre en compte la situation des sous-traitants d'une entreprise donneuse d'ordres dans l'appréciation du caractère justifié du licenciement et de la gestion des suites de celui-ci.

Article 37-1

Abrogation des dispositions de la loi de modernisation sociale
précédemment suspendues

Cet article vise à abroger définitivement les dispositions de la loi de modernisation sociale qui avaient été suspendues.

En effet, l'article 1er de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques a suspendu divers articles de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, entraînant pour les domaines concernés, pendant la période de suspension, le maintien des règles antérieures à cette dernière :

- pour dix-huit mois à compter de la promulgation de ladite loi ;

- mais avec une possibilité de prolongation d'un an de cette suspension, s'il était déposé entre-temps un projet de loi « définissant, au vu des résultats de la négociation interprofessionnelle engagée (...), les procédures relatives à la prévention des licenciements économiques, aux règles d'information et de consultation des représentants du personnel et aux règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi ».

La loi n° 2004-627 du 30 juin 2004 (69) a prorogé de six mois le délai de dix-huit mois précité, afin de laisser aux partenaires sociaux un délai complémentaire pour conclure les négociations interprofessionnelles ouvertes en avril 2003. Le constat de l'échec de ces négociations conduit le gouvernement à proposer les présentes mesures législatives et en particulier le présent article qui permettra de sortir de « l'entre-deux » sur la loi de modernisation sociale.

Le I du présent article 37-1 abroge la totalité des dispositions qui avaient été suspendues, ce qui fera définitivement rentrer en vigueur les dispositions antérieures. La différence rédactionnelle qui apparaît dans le dispositif de l'article entre dispositions « abrogées » et « rétablies » tient au fait que certains des articles en cause de la loi de modernisation sociale inséraient de nouvelles dispositions dans le code du travail ou celui du commerce - il suffit donc de les abroger - tandis que d'autres modifiaient des dispositions antérieures - il faut donc rétablir celles-ci.

L'objet des articles en cause de la loi de modernisation sociale est le suivant :

- L'article 96 de cette loi conditionnait l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, donc la possibilité de licencier dix salariés et plus, à la passation préalable de l'entreprise aux trente-cinq heures (ou à l'engagement de négociations à cette fin).

- L'article 97 disposait que les décisions de cessation d'activité concernant cent salariés et plus devaient être décidées par les organes de direction et de surveillance de l'entreprise sur la base d'une fiche d'impact social et territorial établie par le chef d'entreprise. Cette décision devait intervenir entre la phase « économique » (livre IV du code du travail) et la phase « sociale » des procédures de restructuration (livre III).

- L'article 98 prévoyait de même l'établissement obligatoire d'une fiche d'impact par le chef d'entreprise préalablement à toute décision des organes de direction sur un « projet de développement stratégique (...) susceptible d'affecter de façon importante les conditions d'emploi et de travail ».

- L'article 99 prévoyait que la consultation du comité d'entreprise sur un licenciement collectif ne pouvait s'effectuer qu'après achèvement des procédures de consultation dudit comité prévues au livre IV du code du travail, c'est-à-dire dans le cadre de ses pouvoirs d'intervention sur les décisions économiques du chef d'entreprise.

- L'article 100 établissait une procédure d'information obligatoire du comité d'entreprise lors de toute annonce publique stratégique par une entreprise : réunion de droit dans les quarante-huit heures suivant cette annonce et même information préalable si cette annonce était « de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi ».

- L'article 101 visait à remplacer une disposition simple prévoyant la consultation du comité d'entreprise sur tout projet de compression des effectifs par une procédure complexe de consultation sur tout projet de restructuration et de compression d'effectifs, dans laquelle le comité d'entreprise pouvait émettre des propositions alternatives, saisir un médiateur et recourir à un expert-comptable. Le chef d'entreprise devait fournir une réponse motivée aux avis et propositions alternatives du comité au cours d'une nouvelle réunion de celui-ci tenue au moins quinze jours après la première.

- Les articles 102 et 104 comportaient seulement des dispositions de coordination formelle.

- L'article 106 prévoyait également un système de médiation en ce qui concerne les projets de cessation d'activité d'un établissement entraînant la suppression d'au moins cent emplois. Cette médiation pouvait durer jusqu'à un mois.

- L'article 109 tendait à supprimer les « qualités professionnelles » de la liste des critères à prendre en compte pour fixer l'ordre de licenciements collectifs.

- L'article 116 concernait l'intervention de l'administration dans l'élaboration des plans de sauvegarde de l'emploi : il remplaçait une disposition simple lui permettant de faire connaître ses éventuelles propositions de modification du plan par une procédure beaucoup plus formelle (obligation de réponse motivée de l'employeur à ces propositions ; possibilité de dresser un constat de carence après l'adoption définitive du plan de sauvegarde de l'emploi par l'employeur).

On voit que ces dispositions avaient principalement pour objet soit de multiplier les délais de procédures (sans que les comités d'entreprise puissent pour autant bloquer définitivement les opérations de restructuration), soit de s'ingérer inutilement dans le fonctionnement interne des organes de direction des entreprises. Certaines mesures posaient également problème au regard du droit boursier, ainsi de l'obligation d'informer préalablement le comité d'entreprise avant certaines annonces publiques stratégiques. Enfin, le recours dans ces articles à des concepts juridiques flous (comme « projet de développement stratégique (...) susceptible d'affecter de façon importante les conditions d'emploi et de travail » ou « annonce publique (...) de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi ») constituait de toute évidence une source future de contentieux.

Le II comporte une mesure de coordination. Il s'agit de revenir à la rédaction du code du travail antérieure à celle issue de l'article 96 de la loi de modernisation sociale en ce qui concerne les obligations de consultation des représentants du personnel en cas de licenciements envisagés dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires (obligations définies à l'article L. 321-9 du code du travail).

Sur le fond, ce rétablissement du droit antérieur semble instaurer une exception, pour les entreprises de cinquante salariés au moins en procédure judiciaire, à l'obligation de présenter aux représentants du personnel un plan de sauvegarde de l'emploi préalablement à tout licenciement collectif de dix salariés et plus, ou du moins à sa sanction : cette sanction (la nullité de la procédure de licenciement) constitue l'objet du deuxième alinéa de l'article L. 321-4-1 du code tel que rétabli dans sa version antérieure à la loi de modernisation sociale, deuxième alinéa dont l'application est exclue, dans le cas d'une entreprise en procédure judiciaire, par l'article L. 321-9 rétabli de même.

En fait, cette situation résulte d'une malfaçon rédactionnelle issue de la précédente législature : à l'origine, l'exception à l'obligation d'appliquer le deuxième alinéa de l'article L. 321-4-1 du code du travail pour les entreprises en procédure judiciaire devait viser une première version de ce que l'on a appelé « l'amendement Michelin », qui prétendait conditionner la possibilité d'un plan social au passage préalable aux trente-cinq heures (ou à l'engagement de négociations en ce sens). Cependant, cette disposition inscrite à l'article 1er de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail a été censurée par le Conseil constitutionnel70.

Dès lors, la rédaction de l'article L. 321-9 du code précité est apparue ambiguë en visant ce qui devenait alors le deuxième alinéa de l'article L. 321-4-1, à savoir la disposition sanctionnant de nullité les procédures de licenciement en l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi.

Une obligation dépourvue de sanction n'ayant pas de sens - quoi que l'on pense par ailleurs de la nature de la sanction qui doit s'appliquer en l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi ou en cas d'insuffisance de celui-ci -, ce point mérite d'être corrigé.

*

La commission a examiné trois amendements de suppression de l'article de M. Gaëtan Gorce, M. Maxime Gremetz et Mme Martine Billard.

M. Gaëtan Gorce a estimé que les dispositions de la lettre rectificative révèlent l'échec de la stratégie de négociation présentée par le gouvernement comme justification de la suspension des dispositions de la loi de modernisation sociale. De fait, cette suspension s'est transformée en abrogation. Cette évolution témoigne de l'incapacité du gouvernement à faire se mettre d'accord les partenaires sociaux. Les rares mesures issues de la négociation ne constituent que des propositions marginales au regard de l'enjeu des restructurations. Il est vrai qu'il n'était pas possible de parvenir à un accord dès lors que les exigences patronales, la suspension de la loi de modernisation sociale, avaient d'ores et déjà été satisfaites et qu'il ne restait plus de grain à moudre pour le dialogue social. Cette situation est particulièrement regrettable dans un contexte marqué par les délocalisations, une discussion sur la place des organisations syndicales et les difficultés financières de l'UNEDIC.

En dépit du nombre de dispositions présentées, ce projet de loi n'est qu'un ersatz de texte. On ne peut par exemple qu'être critique à l'égard de l'article 37-3 qui change le régime de modification du contrat de travail et favorisera la conclusion d'accords maison et les démissions forcées. On se moque réellement de la représentation nationale, ce texte n'apporte aucune réponse sérieuse. Son intitulé est lui-même en contradiction avec un contenu totalement disparate et lacunaire : il n'existe par exemple aucune disposition visant à luter contre la précarité dont on sait qu'elle est, plus encore que le licenciement économique, source de difficultés. Il ne s'agit au final que d'un simulacre.

La commission a rejeté les amendements.

La commission a adopté l'article 37-1 sans modification.

Article 37-2

Négociations obligatoires sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et pérennisation des « accords de méthode »

Cet article vise à renforcer la gestion prévisionnelle de l'emploi et l'anticipation des restructurations dans les entreprises, en développant le dialogue social sur ces questions : il est donc proposé d'instaurer une négociation triennale obligatoire dans les entreprises et les branches, qui portera notamment sur la gestion prévisionnelle de l'emploi, et de pérenniser la possibilité de passer des accords dérogatoires sur les procédures de licenciements collectifs (« accords de méthode »).

Le I modifie le chapitre préliminaire du titre II du livre III du code du travail. Ce chapitre est actuellement consacré aux obligations déclaratives des entreprises quant à leurs embauches (en particulier vis-à-vis de la sécurité sociale) et s'intitule donc « Déclaration de mouvements de main d'œuvre ». Compte tenu des dispositions qu'il insère dans ledit chapitre (décrites infra), le projet y substitue un nouvel intitulé : « Gestion de l'emploi et des compétences. Prévention des conséquences des mutations économiques ».

Article L. 320-2 du code du travail

L'article L. 320-2 qu'il est proposé d'insérer dans le code du travail instaure une négociation triennale obligatoire dans l'entreprise sur :

- « les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur la stratégie de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi » ;

- « la mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences » ;

- des mesures d'accompagnement ; sont notamment mentionnées à ce titre les mesures de formation, de validation des acquis de l'expérience, de bilan de compétences et d'accompagnement à la mobilité.

L'introduction d'une obligation de négociation portant sur la gestion prévisionnelle de l'emploi constitue une novation. Pour le moment, l'article L. 432-1-1 du code du travail prévoit seulement une information et une consultation annuelles du comité d'entreprise sur l'évolution de l'emploi et des qualifications, ainsi que sur les prévisions en la matière et les actions de formation et de prévention envisagées ; l'article L. 432-4-1 prévoit par ailleurs une information trimestrielle ou semestrielle du comité (selon la taille de l'entreprise) sur l'évolution de l'emploi (effectifs, sexes, qualifications, types de contrats).

Le projet dans sa version initiale étendait même cette obligation de négociation - qui ne signifie pas, naturellement, obligation de conclure un accord - à la stratégie de l'entreprise elle-même, ce qui constituait une évolution conséquente du champ de la négociation sociale. Le Sénat a recadré le dispositif en ne visant que les modalités d'intervention du comité d'entreprise quant à cette stratégie.

L'obligation nouvelle de négociation ne s'appliquera qu'aux entreprises de trois cents salariés et plus, y compris lorsque ce seuil est atteint par un ensemble de sociétés constituant un « groupe » au sens de l'article L. 439-1 du code du travail, ainsi que dans les entreprises ou groupes « de dimension communautaire » devant en conséquence établir un comité d'entreprise européen au sens de l'article L. 439-6 du même code : dans ce cas de figure, on prend en compte dans l'effectif l'ensemble des salariés occupés dans l'Union européenne et l'Espace économique européen et pas seulement en France. La rédaction proposée est cependant ambiguë quant au champ visé en matière d'entreprises ou groupes de dimension communautaire : l'obligation de négociation qui est l'objet du présent article s'y appliquera-t-elle dès lors qu'ils dépassent trois cents salariés (ce que semble impliquer le texte du projet) ou mille (ce qui correspond à la définition actuelle du groupe de dimension communautaire à l'article L. 439-6) ? Ce point mérite d'être clarifié.

Quant au seuil de trois cents salariés, il correspond à un seuil fréquemment utilisé par le code du travail en ce qui concerne le rôle du comité d'entreprise, notamment en matière d'information sur l'emploi : par exemple, c'est à partir de ce seuil que le comité peut recourir à un expert à l'occasion de tout projet important en matière de méthodes de recrutement, d'informatisation de la gestion du personnel et de contrôle de l'activité des salariés (article L. 434-6 du code) et qu'il reçoit trimestriellement et non semestriellement différentes informations : bilan de l'emploi (effectifs, qualifications, différents types de contrats, contrats aidés...) ; mesures envisagées en matière d'équipements et de méthodes de production (articles L. 432-4, L. 432-4-1 et L. 432-4-1-1).

Ce seuil détermine aussi la forme (rapport annuel unique) et le contenu de l'information économique due par le chef d'entreprise au comité d'entreprise (articles L. 432-4 et L. 432-4-2).

Il convient enfin de signaler que le Sénat a complété le dispositif en précisant l'articulation de la négociation de groupe et d'entreprise : la conclusion d'un accord de groupe dispensera de négociation d'entreprise.

Article L. 320-3 du code du travail

L'article L. 320-3 qu'il est proposé d'insérer dans le code du travail a pour objet la pérennisation des « accords de méthode » institués à titre expérimental par la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques (qui a par ailleurs suspendu partiellement la loi de modernisation sociale).

1. Le bilan des accords de méthode expérimentaux

A ce jour, 173 accords de méthode expérimentaux ont été signés et le bilan qu'on peut en tirer est positif.

Bilan des accords de méthode expérimentaux

(ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale)

Le bilan des 173 accords de méthode remontés des services déconcentrés fait apparaître un réel développement de la négociation sur les restructurations au niveau des entreprises, dans le cadre expérimental instauré par la loi du 3 janvier 2003.

Les accords de méthode analysés ont été signés dans des entreprises de toutes tailles : 69 PME, 17 filiales de grands groupes ou 14 groupes eux-mêmes (accords-cadre déclinés ensuite dans les filiales, en tant que de besoin - 35 entreprises sont concernées). Exception faite des accords de groupe, qui ont plutôt pour objet la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la majorité des accords de méthode ont été signés « à chaud », en lien avec une restructuration devant être conduite à plus ou moins court terme (2 mois à 2 ans).

L'analyse du contenu des accords montre la prévalence de certains thèmes et de certaines préoccupations, et notamment :

- le souci d'adaptation à la situation réelle de l'entreprise, comme le démontre la variété des aménagements de la procédure d'information-consultation des représentants du personnel : concomitance totale ou partielle livre IV / livre III dans 52 % des accords, mais séparation des procédures dans 28 % des cas ; allongement des délais dans 35 % des accords, mais diminution dans 23 % ;

- le souci de sécurisation des procédures (le calendrier légal est très souvent adapté, mais de façon très encadrée) et du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, afin d'éviter un contentieux ultérieur (environ un accord sur six comporte une clause de renonciation à d'éventuels recours) ;

- la mise en place d'instances de concertation ou de négociation (dans 70 % des accords), dont le fonctionnement est complémentaire et/ou parallèle à celui des institutions représentatives du personnel ;

- le renforcement des moyens des représentants du personnel, et de l'information des salariés (29 % des accords) ;

- la fixation de modalités de négociation sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (dans 70 % des accords), afin notamment de permettre une mise en œuvre anticipée de ce dernier (en cours de procédure d'information-consultation), d'encadrer le recours au volontariat ou d'obtenir des engagements de l'employeur en terme de maintien d'emplois.

On rappellera par ailleurs que sur 130 accords conclus avant fin mai 2004, 70 % ont été paraphés par la CFDT, 61 % par la CGT, 54 % par FO, 50 % par la CFE-CGC et 37 % par la CFTC.

Lors des auditions qu'il a menées, le rapporteur a constaté que la démarche des accords de méthode était généralement jugée positivement, notamment dans une optique de sécurisation juridique.

Sans doute, ont observé certains, n'est-elle pas la panacée, car, comme toute opportunité de dialogue social, cette démarche fonctionne là où ce dialogue est déjà de bonne qualité ; elle a du moins le mérite d'avoir pour objet la continuation du dialogue social dans les moments les plus conflictuels, voire d'avoir elle-même entretenu ce dialogue lors de ces moments dans le cas des accords négociés « à chaud ».

2. La pérennisation du dispositif

Les accords de méthodes pérennisés seront des accords collectifs pouvant déroger aux dispositions légales, mais dans des conditions bien définies.

Ils pourront être passés au niveau de l'entreprise, mais aussi du groupe : la mention des accords de groupe, nouvelle par rapport à la loi du 3 janvier 2003 précitée, rend compte de la consécration législative qu'a donnée à la négociation de groupe la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social71.

La question d'éventuels accords de méthode de branche, non prévus dans le projet actuel, mérite d'être posée : la négociation de branche peut stimuler la négociation d'entreprise et lui fournir un cadre de référence, surtout dans un domaine complexe et nouveau comme celui des accords de méthode. Surtout, des accords de branche d'application directe auraient l'avantage de couvrir les PME qui ne pourront mener une négociation d'entreprise, faute de représentation syndicale et/ou de capacité à conduire ce genre de processus complexe.

a) Le contenu des accords de méthode

Le contenu des accords de méthode restera centré en premier lieu sur les règles procédurales concernant le comité d'entreprise : il s'agit, « par dérogation aux dispositions des livres III et IV du [code du travail, des] modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise applicables » lorsqu'un « grand » licenciement collectif (dix salariés et plus en trente jours) est envisagé, et en particulier des réunions du comité, de son information sur la situation de l'entreprise (point formellement ajouté par la nouvelle rédaction), de la formulation par celui-ci de propositions alternatives au projet économique à l'origine d'une restructuration et de l'obligation de réponse motivée de l'employeur. La rédaction du présent article ne fait pas de cet ensemble de règles de procédure un élément potentiel des accords de méthode, comme la loi du 3 janvier 2003 (qui employait le verbe « pouvoir »), mais un socle obligatoire que devra comporter tout accord72 (du fait de l'emploi de l'indicatif : « Ces accords fixent... »).

On relève que l'autorisation explicite de déroger aux livres III et IV du code du travail permet de concevoir des modalités d'association du comité d'entreprise aux décisions du chef d'entreprise très différentes de celles prévues par la loi, qui pourront notamment impliquer que la distinction entre consultation « économique » (livre IV) et consultation « sur les licenciements » (livre III) soit gommée et dépassée.

Par ailleurs, plusieurs personnes auditionnées par le rapporteur ont soulevé la question de l'articulation entre la négociation collective menée par les syndicats et le rôle du comité d'entreprise : dans quelle mesure celui-ci peut-il être tenu à l'écart d'une négociation qui portera sur ses modalités de fonctionnement et des mesures dont il devra assurer le suivi ?

S'agissant du contenu des accords, il est en outre prévu, ce qui n'était pas le cas pour les accords de méthode expérimentaux, qu'ils pourront organiser des actions de mobilité interne à l'entreprise (reclassement) et plus généralement anticiper le contenu d'un futur plan de sauvegarde de l'emploi. Cette extension de champ est motivée par l'utilisation qui a été faite, dans certaines entreprises, des accords de méthode expérimentaux, qui ont pu « à froid » ou « à chaud » anticiper sur le type de mesures qu'un futur plan de sauvegarde de l'emploi pourrait comporter. Un groupe comme AREVA73 a ainsi pu accompagner, à l'aide d'accords passés au niveau du groupe puis des sociétés, certaines des opérations de restructuration de sa filiale FCI (Framatome connectors international) et obtenir d'excellents taux de reclassement (97 % dans un cas) ; dans ce cas de figure, la démarche des accords de méthode a clairement été utilisée pour négocier les dispositifs de reclassement (aides à la mobilité pour les salariés acceptant d'être transférés sur un autre site, aides financières d'incitation à la reprise rapide d'un autre emploi...). Il est cependant à noter que l'utilisation des accords de méthode pour anticiper le contenu des mesures d'un plan de sauvegarde de l'emploi fait débat, notamment parmi les organisations syndicales : des interlocuteurs du rapporteur ont considéré qu'il n'était pas dans l'intérêt des salariés de conclure un accord de ce type en amont de la procédure légale, à un moment où l'asymétrie de l'information est maximale (l'employeur a élaboré son plan de restructuration mais n'a pas encore consulté les représentants du personnel).

Par ailleurs, la présente rédaction, comme auparavant celle de la loi du 3 janvier 2003, mentionne, en tant qu'objet éventuel des accords de méthode, les conditions dans lesquelles l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi peut faire l'objet d'un accord. Cette mention est significative car auparavant il n'était pas indiqué explicitement dans le code du travail que le plan de sauvegarde de l'emploi pouvait faire l'objet d'un accord collectif : l'article L. 321-6 du code mentionne bien un accord éventuel sur les « conditions de licenciement », mais en se référant aux mesures prévues à l'article L. 321-4 - définition générale des obligations de l'employeur en cas de licenciement collectif - et non à l'article L. 321-4-1 - cas particulier des entreprises de cinquante salariés et plus : obligation d'un plan de sauvegarde de l'emploi et contenu de celui-ci.

b) L'encadrement des dérogations à la loi

Il ne pourra être dérogé à certaines dispositions légales :

- celle posant le principe selon lequel un licenciement économique ne peut être prononcé qu'en l'absence de reclassement interne possible (troisième alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail, issu de la loi de modernisation sociale) ;

- celles définissant les obligations générales de l'employeur envisageant un licenciement collectif en matière d'information des représentants du personnel et de réponse motivée à leurs suggestions (onze premiers alinéas de l'article L. 321-4 du code précité) ;

- celles traitant des licenciements en cas de redressement ou de liquidation judiciaire (article L. 321-9 du code précité).

La référence nouvelle, par rapport aux accords de méthode expérimentaux, à la faculté d'anticiper sur un futur plan de sauvegarde de l'emploi amène à s'interroger sur l'opportunité d'écarter éventuellement aussi les dérogations à certaines dispositions de l'article L. 321-4-1, lequel encadre l'obligation de plan de sauvegarde de l'emploi et le contenu des plans. Il apparaît vraisemblable, en tout état de cause, qu'un accord collectif ne saurait prévoir dans de bonnes conditions de sécurité juridique d'exception à des règles d'ordre public relatives à l'intervention du juge et à ses conséquences, en l'espèce s'agissant des plans de sauvegarde de l'emploi : on pense là au principe de nullité des procédures de licenciement en l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi « suffisant » soumis au comité d'entreprise (cf. deuxième alinéa de l'article L. 321-4-1 - après abrogation de l'article 96 de la loi de modernisation sociale - qui fonde la jurisprudence « La Samaritaine ») ou encore à la règle selon laquelle la validité de ce plan est appréciée au regard des moyens de l'entreprise (dernier alinéa de cet article).

c) Les conditions de validité et de contestation des accords

La loi du 3 janvier 2003 précitée avait anticipé sur la généralisation des accords majoritaires actée dans la loi du 4 mai 2004 précitée en disposant que les accords de méthode expérimentaux devaient être passés par un (des) syndicat(s) majoritaire(s) en voix aux dernières élections au comité d'entreprise.

Dans le cadre du présent projet, deux options sont ouvertes pour les accords de méthode pérennisés :

- soit maintenir l'obligation d'une majorité « d'engagement » d'organisations signataires représentant la majorité des salariés, dans la continuité de la loi du 3 janvier 2003 ;

- soit appliquer le nouveau droit commun issu de la loi du 4 mai 200474 : si un accord de branche l'a prévu, les accords d'entreprise doivent être passés sous le régime de la majorité d'engagement (les organisations signataires doivent avoir recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise) ; en l'absence d'accord de branche ou si l'accord de branche préfère cette option, la validité des accords d'entreprise est seulement conditionnée à l'absence de majorité « d'opposition » (des organisations majoritaires dans les mêmes conditions). Par ailleurs, ce dispositif de droit commun comprend des mécanismes de négociation adaptés au cas des entreprises dépourvues de représentation syndicale : quand un accord de branche l'autorise et sous réserve d'une homologation par une commission paritaire nationale, les accords collectifs peuvent y être négociés par les élus du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, voire en l'absence d'élus par des salariés mandatés par une organisation syndicale représentative (l'accord est alors soumis à un référendum d'entreprise).

La version initiale du projet de loi avait retenu la première des deux options décrites, mais le Sénat a supprimé l'alinéa correspondant, ce qui entraînera l'application du droit commun, avec le choix entre majorités syndicales d'engagement et d'opposition ainsi que la possibilité de négociations menées par les représentants du personnel à défaut de représentation syndicale. Ce choix du Sénat devrait donc faciliter la conclusion d'accords de méthode et permettre de couvrir plus largement les PME.

Enfin, il est proposé d'instaurer un délai de douze mois (à compter du dépôt de l'accord à la direction départementale du travail et de l'emploi) pour l'exercice des actions judiciaires « en contestation » contre les accords « visés au présent article » (L. 320-3 du code du travail), ce qui couvrira, outre les accords de méthode, les éventuels accords portant directement sur le plan de sauvegarde de l'emploi passés dans la continuité d'un accord de méthode. Ce délai se substituerait donc au délai de droit commun de cinq ans posé à l'article 1304 du code civil pour l'action en nullité ou en rescision des conventions. Cette proposition doit naturellement être envisagée en lien avec les autres mesures de sécurisation juridique inscrites à l'article 37-5 du présent projet.

Il est à noter par ailleurs que dans sa rédaction initiale, le projet de loi ne visait que l'action « en nullité » des accords : le Sénat, observant que l'irrégularité des procédures en matière de licenciements et de plans de sauvegarde de l'emploi n'est pas nécessairement sanctionnée par leur nullité (la nullité sanctionne en principe les irrégularités les plus graves qui justifient le rétablissement de la situation antérieure, en particulier, en l'espèce, la réintégration des salariés licenciés, les autres irrégularités ouvrant droit à indemnisation), a visé plus généralement les actions « en contestation. »

Le II du présent article 37-2 opère dans les dispositions existantes relatives à la négociation d'entreprise les coordinations nécessaires avec le nouvel article L. 320-2 inséré dans le code du travail (voir supra).

A cette fin, il est en premier lieu proposé une modification mineure de l'intitulé d'une subdivision du code du travail : la nouvelle négociation obligatoire d'entreprise sur la gestion prévisionnelle des emplois étant triennale, il ne convient plus de parler de « négociation annuelle obligatoire », mais de « négociation obligatoire ».

Article L. 132-27 du code du travail

L'article L. 132-27 du code du travail définit l'objet des négociations obligatoires d'entreprise.

Il est proposé d'y insérer un renvoi au nouvel article L. 320-2 créé par le présent projet et concernant la négociation à propos des modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur la stratégie de l'entreprise et de la gestion prévisionnelle de l'emploi. Cette insertion est opérée en réécrivant un alinéa portant actuellement sur la négociation à propos du maintien dans l'emploi des salariés âgés et de leur accès à la formation professionnelle.

Article L. 132-12-2 du code du travail

Le III du présent article 37-2 institue une négociation triennale obligatoire au niveau de la branche sur « les matières définies à l'article L. 320-2 » créée par le projet.

Par ailleurs, cette nouvelle obligation de négociation au niveau de la branche conduit - une fois encore - à s'interroger sur la multiplication de ce type d'obligations, avec des périodicités et des règles différentes.

Ces dispositions pourraient utilement être simplifiées et a minima harmonisées (la même observation valant d'ailleurs pour la négociation d'entreprise).

Il est enfin à noter que le nouvel objet de négociation de branche introduit par le présent paragraphe ne l'est pas, en revanche, dans la liste des thèmes dont une convention de branche doit obligatoirement traiter pour être étendue (article L. 133-5 du code du travail).

Le maquis des négociations de branche

Selon le code du travail, en tenant compte du présent projet et du projet pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées en cours de navette, la négociation de branche doit ou devra être :

- annuelle sur les salaires et l'emploi et fondée sur un rapport remis par la partie patronale au moins quinze jours avant ;

- triennale sur l'égalité hommes/femmes et l'emploi des personnes handicapées et fondée là aussi sur des rapports, mais sans que leur délai de dépôt, voire leur auteur s'agissant de l'égalité hommes/femmes, soient précisés ;

- triennale également sur les questions de formation et sur les salariés âgés et la pénibilité, mais sans rapports préalables prévus ;

- triennale encore sur la gestion prévisionnelle de l'emploi (en application du présent projet), là aussi sans dépôt préalable prévu de rapport ;

- quinquennale sur les classifications, également sans rapport préalable obligatoire...

Par ailleurs, les différents cadres de négociation s'entremêlent : ainsi la notion de « gestion prévisionnelle des emplois » est-elle déjà visée à l'article L. 132-12 du code pour le cas particulier des salariés âgés et à son article L. 934-2 qui définit la négociation de branche sur la formation professionnelle ; elle est réintroduite par le présent projet à un autre titre (la négociation de branche portant sur les matières négociées au niveau de l'entreprise en application de l'article L. 320-2, dont la gestion prévisionnelle de l'emploi)...

*

La commission a rejeté trois amendements de suppression de l'article de M. Gaëtan Gorce, Mme Martine Billard et M. Maxime Gremetz.

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur et un amendement du rapporteur prévoyant la possibilité de négocier des accords de méthode au niveau des branches.

M. Gaëtan Gorce a souligné la nécessité que le rapport précise quelles sont les dispositions auxquelles les accords de méthode peuvent déroger.

M. Francis Vercamer a approuvé cette remarque, rappelant que la possibilité de déroger par un accord de niveau inférieur à une norme conventionnelle de niveau supérieur suppose que soit précisément énuméré le champ des dérogations.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à supprimer l'inclusion du plan de sauvegarde de l'emploi dans le champ des accords de méthode, qui n'a d'autre objet que d'éviter la nullité résultant de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et de son contenu.

Mme Muguette Jacquaint a constaté que, depuis le début de la réunion, les amendements présentés par les députés membres du groupe communiste et républicain visant à lutter contre le dépeçage du droit du travail et la remise en cause des avancées introduites par la loi de modernisation sociale ont systématiquement été rejetés. Par cette attitude, on ouvre la porte à toutes les dérives. A l'heure où le gouvernement affiche sa volonté de lutter contre le chômage et où le Premier ministre confesse lui-même la difficulté de la tâche entreprise, liée notamment à une croissance plus faible qu'escomptée, mieux vaudrait prendre en compte les propositions des députés communistes. Il y a sinon une contradiction patente entre le but recherché et les moyens employés.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz subordonnant la validité de l'accord de méthode à la consultation du comité d'entreprise ainsi qu'à sa signature par l'organisation ou les organisations syndicales majoritaires.

La commission a ensuite rejeté deux amendements de M. Francis Vercamer visant à renforcer la formation professionnelle dispensée par les entreprises, le premier incluant dans le plan de formation de l'entreprise la lutte contre l'illettrisme, le second prévoyant le concours de la direction départementale du travail à l'exécution du plan de formation de l'entreprise, le rapporteur considérant la préoccupation louable mais estimant que les dispositions proposées n'ont pas leur place dans la loi.

La commission a rejeté les deux amendements,

Elle a ensuite adopté l'article 37-2 ainsi modifié.

Article 37-3

Procédures applicables en cas de proposition de modification
du contrat de travail pour motif économique

Cet article modifie les procédures applicables en cas de modification du contrat de travail pour motif économique. Il crée en particulier une distinction entre la modification acceptée et celle refusée par le salarié et en profite pour moderniser la définition du licenciement pour motif économique en intégrant l'évolution de la jurisprudence. Il en tire les conséquences formelles sur la définition du licenciement pour motif économique sans en changer l'économie (paragraphe I), sur la procédure applicable en cas de proposition de modification (paragraphe II) et exclut les salariés ayant consenti une modification du décompte des licenciements envisagés pour apprécier l'obligation de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi (paragraphe III).

1. Une définition du licenciement pour motif économique confortée

a) La définition du licenciement pour motif économique, aboutissement d'un long cheminement conventionnel, législatif et jurisprudentiel

_ La genèse : une définition laissée à la jurisprudence

On rappellera que de 1945 à 1975 la notion de licenciement pour motif économique est restée particulièrement nébuleuse en l'absence de régime spécifique et a fortiori légal. Toutefois, on trouve en germe dans la jurisprudence administrative - en application de l'ordonnance du 24 mai 1945 sur le contrôle de l'emploi et dans le cadre du contentieux sur l'autorisation administrative de licenciement - certains des éléments essentiels du futur régime du licenciement pour motif économique.

C'est avec l'accord national interprofessionnel de février 1969 sur la sécurité de l'emploi qu'apparaît pour la première fois un embryon de régime juridique autonome, clairement affirmé dans l'avenant du 21 novembre 1974 à cet accord : y figurent notamment la première ébauche de la notion de reclassement et les conditions d'information et de consultation du comité d'entreprise en cas de compression d'effectifs. La loi du 3 janvier 1975 relative aux licenciements pour cause économique en reprend l'essentiel des termes et instaure une procédure fondée sur le rôle central de l'administration du travail, via un régime d'autorisation préalable au licenciement, sur une distinction entre petits et grands licenciements économiques et sur un rôle renforcé des institutions représentatives du personnel sur ces derniers. Toutefois, le législateur ne donne aucune définition du licenciement pour motif économique dont l'élaboration est laissée à la jurisprudence.

_ L'intervention perçue comme opportune du législateur en 1989

Avec la suppression - par la loi du 30 décembre 1986 reprenant les termes de l'accord national interprofessionnel du 20 octobre 1986 - de l'autorisation administrative de licenciement et l'insertion des premières dispositions relatives à la mise en œuvre d'un plan social en cas de grand licenciement, le législateur a à la fois mis fin à un contrôle préalable - même s'il était largement formel - sur la nature des licenciements envisagés et renforcé les obligations concrètes s'imposant à l'employeur du fait de ces licenciements. Dès lors, il devenait plus délicat de s'en remettre à la seule jurisprudence, par nature longue à se former et plus longue encore à s'unifier, laissant donc persister de profondes disparités au premier niveau de juridiction et créant une incertitude majeure pour l'ensemble des acteurs, salariés et entreprises.

Le législateur en a tiré les conséquences en introduisant à l'article L. 321-1 du code du travail une définition du licenciement pour motif économique par la loi du 2 août 1989 et en étendant à l'ensemble des ruptures visées dans cette définition le régime juridique applicable au licenciement pour motif économique par la loi du 27 janvier 1993.

_ Une définition législative qui n'a pas été remise en cause même si la jurisprudence a dû la préciser

L'article L. 321-1 n'a plus été modifié par le législateur depuis 1989 à l'exception de son dernier alinéa relatif aux efforts de formation, d'adaptation et de reclassement dont la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a, par son article 108, rappelé qu'ils doivent être réalisés préalablement au licenciement. Cette modification n'affecte pas le premier alinéa de l'article L. 321-1, cœur de la définition du licenciement pour motif économique, dont la rédaction de 1989 continue de fixer les termes75.

Cette stabilité de la notion même - outre son caractère notable dans un droit du travail caractérisé par son instabilité - revêt une importance essentielle notamment du fait de la lourdeur et de la complexité du régime juridique, notamment des procédures, entourant le licenciement.

La définition par la loi du licenciement pour motif économique opérée en 1989 constitue donc un îlot de sécurité juridique primordial, même si cette pérennité des textes n'a pas exclu - peut-être en est-elle au contraire une condition essentielle - d'importantes précisions par la jurisprudence ces quinze dernières années.

b) Une définition de ce fait complexe

On commencera tout d'abord par rappeler les termes de cette définition contenue au premier alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail :

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. »

On se doit d'en souligner la complexité, née notamment des conditions de formation de cette définition et de la tentative par le législateur d'appréhender dans une rédaction concise un phénomène recouvrant des situations concrètes que reflétait une jurisprudence encore en formation. Cette définition réunit trois conditions cumulatives dont la réunion peut seule lui conférer une cause réelle et sérieuse.

_ Un motif non inhérent à la personne du salarié

Le premier élément à retenir - et qui ne prête pas à confusion - est que le licenciement pour motif économique ne peut reposer que sur un ou plusieurs motifs « non inhérents à la personne du salarié ». Le licenciement pour motif économique est donc clairement distinct du licenciement pour motif personnel : de ce fait, un licenciement reposant sur une action disciplinaire, une faute professionnelle ou une inaptitude physique est exclu du champ du licenciement pour motif économique et du régime spécifique qui est applicable à celui-ci en vertu du chapitre Ier du titre II du livre III du code du travail. Ainsi, par exemple, la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification du contrat de travail imposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement économique (Cass. Soc., 14 mai 1997, B.V. n° 177, p. 128). Si un motif économique et un motif personnel coexistent, par exemple une insuffisance professionnelle invoquée pour justifier d'un licenciement dans le cadre d'une restructuration, on recherche quel est celui qui prédomine.

Plus complexe est la distinction entre les deux autres aspects de la définition que constituent le motif et la cause du licenciement. La définition du licenciement économique réunit en effet - de façon peut-être confuse - deux éléments :

- un élément matériel consistant soit en une suppression de l'emploi, soit en une transformation de celui-ci, soit en une modification substantielle du contrat de travail ;

- un élément causal consistant en l'existence de difficultés économiques ou de mutations technologiques.

_ Un élément matériel

Cet élément matériel consiste en un changement concret de la situation du salarié. L'article L. 321-1 en énonce trois types.

Le premier, le plus classique en matière de licenciement et celui qui vient spontanément à l'esprit, est la suppression d'emplois. Sous cette apparente simplicité, la jurisprudence a eu l'occasion de préciser que la suppression concerne un poste de travail mais pas nécessairement celui du salarié licencié et que ses fonctions ne sont pas nécessairement supprimées : elles peuvent ainsi être confiées à un autre salarié - c'est par exemple fréquemment le cas dans les plans de sauvegarde de l'emploi qui du fait des critères présidant à l'ordre des licenciements peuvent conduire à de nombreuses réaffectations des tâches -, à un bénévole ou encore ventilées entre d'autres salariés.

En deuxième lieu, ce changement peut également tenir à une transformation d'emplois. Il convient de préciser que cet élément ne peut être retenu qu'à la condition que le salarié ne puisse s'adapter aux nouvelles compétences requises et que l'employeur ait fait les efforts préalables nécessaires pour l'aider à cette adaptation.

Enfin, cet élément matériel peut consister en la modification du contrat de travail, « substantielle » selon les termes de l'article L. 321-1 du code du travail même si l'on aura l'occasion de revenir sur l'abandon par la jurisprudence de ce qualificatif et sur la procédure applicable en la matière.

_ Un élément causal

A cet élément matériel s'ajoute un élément causal. Le seul changement d'un élément matériel de la relation de travail selon l'une des trois modalités précédemment évoquées ne fait que caractériser la nature économique du licenciement. Il ne suffit pas à lui fournir une cause réelle et sérieuse.

Le changement d'un des éléments matériels du contrat doit en effet, en vertu de la définition, être consécutif « notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ». Si l'on cerne assez bien la nature des secondes dont la jurisprudence a ainsi précisé qu'elles doivent être importantes et que l'employeur doit avoir mis en œuvre les efforts d'adaptation nécessaires, la notion de difficultés économiques est plus délicate à appréhender de même que l'ouverture à d'autres causes - telles que la réorganisation de l'entreprise - rendue possible par l'adverbe « notamment ».

Cette définition complexe, déjà largement interprétée par la jurisprudence sur ses points les plus précis, comme les éléments matériels limitativement énumérés, est donc fortement soumise à l'appréciation des juridictions dans ses éléments les plus ouverts.

c) Une définition éclairée par quinze années de jurisprudence

Sans revenir sur l'ensemble des apports de la jurisprudence, en particulier celle de la chambre sociale de la Cour de cassation, on rappellera quelques-unes des interprétations les plus lourdes de conséquences.

S'agissant par exemple des éléments matériels, la Cour de cassation a largement étendu le champ du premier alinéa de l'article L. 321-1 en considérant par exemple que les départs volontaires, c'est-à-dire la rupture négociée du contrat de travail, non compris de façon explicite dans cette définition, appellent néanmoins l'application de la procédure de licenciement pour motif économique (Cass. Soc., C.E.P.M.D., 10 avril 1991), étendant même à ces départs l'application de la procédure des licenciements collectifs pour motif économique (Cass. Soc. Majorette, 3 décembre 1996).

Plus significative encore de ce rôle d'interprétation du droit touchant parfois à la création du droit est la jurisprudence de la Cour de cassation sur la causalité économique.

On peut ainsi considérer comme assez stricte l'interprétation de la notion de « difficultés économiques » faite par les juges. On rappellera que la Cour de cassation juge par exemple que l'existence de difficultés doit être appréciée au moment où est prise la décision de licencier, non pas au niveau de l'établissement mais de l'entreprise ou du secteur d'activité voire du groupe et sans nécessairement se limiter au territoire national. Il revient à l'employeur d'établir cette existence. Ne peuvent être qualifiées de « difficultés économiques » un déficit ancien qui ne se serait pas aggravé, des résultats négatifs ou une baisse du chiffre d'affaires - sauf si la survie de l'entreprise est en jeu - ou encore des dettes fiscales ou sociales. Est ainsi jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié jugé trop cher alors que l'entreprise réalise des profits ou que son chiffre d'affaires augmente ou le licenciement opéré dans le seul but de faire des économies sans qu'il y ait nécessité pour le maintien de la compétitivité de l'entreprise,

A contrario, la Cour a admis, au-delà des causes prévues, mutations technologiques et difficultés économiques, que la cause du licenciement peut résider dans la réorganisation de l'entreprise, utilisant pour ce faire l'espace laissé ouvert par le mot « notamment ». Ce besoin de réorganisation peut en effet résulter de difficultés économiques mais aussi en l'absence de telles difficultés répondre à l'intérêt de l'entreprise et au besoin pour elle de maintenir sa compétitivité.

Dans le même esprit que pour la notion de difficultés économiques, le juge opère un subtil équilibre entre les intérêts des parties dans une jurisprudence particulièrement étoffée. Ainsi, la Cour de cassation juge-t-elle légitimes l'alignement des conditions de travail sur celles prévalant dans le secteur pour faire face à la concurrence, la mise en place d'une organisation de travail plus performante, la suppression d'un site obsolète, l'adaptation des effectifs à la charge de travail et aux exigences de la production. En revanche, elle estime injustifiés les licenciements liés à une réorganisation reposant sur la seule recherche d'une hausse des profits ou qui ne serait pas indispensable à la sauvegarde de la compétitivité.

d) Un équilibre subtil, mais connu, à préserver impérativement

Cette jurisprudence a indéniablement modifié la portée initiale de la définition du licenciement pour motif économique et alimenté de fréquentes polémiques sur sa trop grande ouverture ou au contraire son étroitesse.

L'idée qu'elle laisserait trop de latitude à l'employeur est à l'origine de la tentative de modification par l'article 107 de la loi de modernisation sociale. Celui-ci a tenté de resserrer la définition sur quatre points essentiels : les difficultés économiques devaient être « sérieuses » et n'avoir pu être surmontées par d'autres moyens que le licenciement ; les mutations technologiques n'étaient plus invocables que si elles mettaient en cause la pérennité de l'entreprise ; la réorganisation ne constituait une cause recevable que si elle était « indispensable » à la sauvegarde de la compétitivité ; enfin, la marge de manœuvre jurisprudentielle était réduite par la suppression de l'adverbe « notamment ».

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 12 janvier 2002 sur la loi de modernisation sociale, a observé que le caractère limitatif de cette nouvelle définition écartait toute autre justification, notamment celle de la cessation d'activité de l'entreprise, et estimé que le législateur écartait ainsi « des solutions imposées par le bon sens ». Il a par ailleurs souligné que la notion proposée de réorganisation « indispensable à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise » diffère de la nécessité de sauvegarder la compétitivité et qu'elle « interdit à l'entreprise d'anticiper des difficultés économiques à venir en prenant des mesures de nature à éviter des licenciements ultérieurs plus importants  », justifiant sa défense du principe de libre entreprise par l'objectif du droit à l'emploi. Enfin, le Conseil a relevé que la subordination des licenciements économiques à « des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen » conduirait non seulement le juge à contrôler la cause économique du licenciement mais encore « à substituer son appréciation à celle du chef d'entreprise quant au choix entre les différentes solutions possibles ». Au vu de ce « cumul de contraintes », le Conseil constitutionnel juge que l'entreprise ne peut licencier que si sa pérennité est en cause et que le législateur a créé « une atteinte manifestement excessive [à la liberté d'entreprendre] au regard de l'objectif poursuivi du maintien de l'emploi. »

Il n'est pas dans l'intention du rapporteur de revenir sur les raisons ayant conduit le gouvernement et une partie de la majorité de l'époque à se rallier à cette définition écartée dans un premier temps non plus que sur son bien-fondé tant juridique qu'économique. Ce rappel des propos du Conseil vise simplement à illustrer la tension permanente entre les deux objectifs du maintien de l'emploi - au moins à court terme - et de celui de la compétitivité de l'entreprise ainsi que l'importance de l'encadrement opéré par le juge - y compris constitutionnel - en la matière.

La modification de la définition revendiquée aujourd'hui par le MEDEF sur la question de la compétitivité ne semble pas opportune non plus. Tout d'abord, elle ne recueille pas l'assentiment d'un nombre significatif d'organisations représentatives auxquelles elle a été soumise par l'avant-projet transmis à la Commission nationale de la négociation collective. Deuxièmement, elle semble inutile tant la jurisprudence semble désormais stabilisée et satisfaisante, notamment dans la prise en compte de l'exigence de compétitivité, la décision du Conseil constitutionnel ayant en outre conforté ses bases. Enfin, le rapporteur ne peut que souligner le danger qu'il y a à vouloir figer dans une reprise partielle par la loi une jurisprudence aussi nuancée.

On peut estimer que la définition est trop ouverte ou au contraire trop étroite. Déplacer le curseur dans un sens ou dans un autre apparaît cependant moins nécessaire que d'offrir aux employeurs et aux salariés ce dont ils ont d'abord besoin, un horizon juridique stable et clair.

Le rapporteur estime donc que la jurisprudence de la Cour de cassation est à ce jour tout à fait adaptée aux attentes économiques et sociales et que le législateur doit impérativement se garder d'avoir l'air de donner le moindre signal aux juridictions les invitant à infléchir leur jurisprudence sur les causes du licenciement. Pour ce faire le rapporteur proposera naturellement de ne pas modifier l'équilibre atteint mais il doit également être clair que le refus de la modification touchant à la sauvegarde de la compétitivité, un temps envisagée, ne constitue aucunement une remise en cause de la pertinence de la jurisprudence sur ce point.

2. Des aménagements du régime de la modification pour motif économique du contrat de travail

Il convient à titre liminaire d'observer que cet article ne porte que sur les modifications de contrat pour motif économique visées au premier alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail : le régime des modifications pour motif personnel demeure inchangé. On rappellera qu'un certain nombre d'observateurs76 sont critiques à l'égard des différences de régimes juridiques entre les deux catégories de modifications : ainsi, alors que dans les propositions de modifications pour motif économique l'absence de réponse vaut acceptation, dans celles pour motif personnel, cette même absence de réponse vaut refus. Il n'est pas proposé d'harmoniser les deux régimes.

En revanche, il est proposé de modifier sur deux points le régime applicable à la modification du contrat de travail pour motif économique, d'une part, en entérinant la jurisprudence de la Cour de cassation sur la distinction entre modification du contrat et changement des conditions de travail, d'autre part, en revenant au contraire sur une jurisprudence remontant à 1996 relative à l'intégration des propositions de modifications de contrats dans le calcul du nombre des licenciements envisagés servant à déterminer l'obligation d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi.

a) La confirmation par la loi de la jurisprudence de la Cour de cassation sur l'abandon du caractère « substantiel » de la modification

_ La définition traditionnelle de la modification du contrat de travail fondée sur son caractère « substantiel »

En vertu de l'article 1184 du code civil, le contrat de travail, accord de volontés, constitue un accord tenant lieu de « loi aux parties ». Dès lors, il ne peut en principe être modifié que par consentement mutuel des parties. Toutefois, cette immutabilité se heurte, s'agissant du contrat de travail, à deux obstacles spécifiques : le premier est que le salarié est en situation de subordination juridique par rapport à l'employeur, l'exécution du contrat supposant par nature la capacité pour l'employeur de donner des ordres au salarié et d'en sanctionner les manquements ; le second réside dans le fait que l'employeur dirige une collectivité organisée, exerce un pouvoir de direction et est susceptible à ce titre de prendre des décisions ayant des répercussions individuelles ou collectives sur les contrats des salariés.

Cette contradiction est résolue par l'application de règles d'ordre public - par exemple l'impossibilité de changer le contrat des salariés protégés - et surtout par l'impossibilité pour l'employeur de toucher à certains éléments du contrat.

Le premier alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail tel qu'il découle de la rédaction de 1989 oppose ainsi la modification « substantielle » du contrat de travail aux modifications « non substantielles », reprenant ainsi une distinction classiquement opérée par les juges, notamment les juges du fond.

La Cour de cassation laisse ainsi aux juges du fond le soin d'apprécier le caractère substantiel ou non de la modification (Cass. Soc., 19 novembre 1987, n° 85-42.087, Bull. civ. V, n° 661) et donc la possibilité pour l'employeur de la mettre en œuvre ou non de façon unilatérale.

De fait, les juges du fond tendaient à prendre en compte l'importance de la modification ce qui conduisait à des incertitudes juridiques fortes, deux juridictions distinctes pouvant adopter sur la même modification des positions radicalement différentes.

_ La révision de cette définition par la Cour de cassation

En dépit de l'appui fourni au juge par le législateur77, la Cour de cassation a souhaité mettre fin à ces incertitudes en abandonnant la notion de modification « substantielle » au profit de la distinction entre « modification du contrat de travail » et « changement des conditions de travail » par un arrêt Le Berre du 10 juillet 199678. A une distinction fondée sur l'importance matérielle du changement proposé, la Cour de cassation a donc préféré une distinction fondée sur sa nature juridique. Certains éléments, par leur nature, constituent des éléments « essentiels » du contrat de travail et ne peuvent donc être modifiés sans l'accord des deux parties.

On notera qu'à une difficulté a succédé une autre : les juges doivent désormais rechercher si l'élément en question a ou non un caractère essentiel. On rappellera donc quel est l'état actuel de la jurisprudence sur cette question.

La Cour de cassation par une jurisprudence constante estime ainsi que la rémunération contractuelle est un élément essentiel du contrat et ne peut être fixée de façon unilatérale. Il a ainsi contesté la possibilité pour l'employeur d'en réduire le montant, même de façon symbolique, mais également d'en modifier la structure, cette modification fut-elle en apparence favorable au salarié ; il a également contesté la possibilité pour l'employeur de fixer unilatéralement - indépendamment du niveau retenu - la rémunération d'un salarié jusqu'à présent fixée par un accord collectif dénoncé.

De même, le juge considère que la qualification appartient au noyau dur du contrat. Le salarié est ainsi en mesure de refuser une modification assimilable à une rétrogradation, au retrait de fonctions de responsable, ou de façon encore plus illustrative de refuser une promotion qu'il ne souhaite pas assumer. Pour autant, le changement des tâches qui n'implique pas de changement de qualification constitue un simple changement des conditions de travail auquel le salarié ne peut s'opposer.

Plus complexe est la jurisprudence relative aux changements du lieu ou de la durée de travail. Le lieu de travail résulte en principe de l'accord des parties. Toutefois, plusieurs considérations remettent traditionnellement en cause ce principe : outre les contrats ne comportant par nature aucune indication sur ce point (cadre engagé par un groupe international susceptible d'être muté dans les différentes filiales), il existe des clauses contractuelles de mobilité géographique et, même en l'absence de telles clauses, il est admis que l'employeur peut - sauf contractualisation précise du lieu de travail - dans le cadre de son pouvoir de direction s'accomplir dans le secteur géographique de l'entreprise. La jurisprudence cherche ainsi à concilier la protection contre un pouvoir excessif de l'employeur - la clause de mobilité géographique ne doit par exemple permettre une mutation sans en préciser les limites - et les impératifs de gestion de l'entreprise, par ailleurs protectrices de l'emploi. S'agissant de la durée de travail, la jurisprudence distingue entre durée du travail stricto sensu et horaires de travail, ces derniers relevant du pouvoir de direction de l'employeur.

C'est cette distinction entre modification du contrat par changement d'un de ses éléments essentiels et changement des conditions de travail que le présent article propose d'introduire dans les articles du code du travail précités évoquant la modification du contrat de travail pour motif économique précédemment évoqués.

b) La portée de cette confirmation de la jurisprudence par la loi

Le Sénat a vu dans la substitution du terme « d'un élément essentiel du contrat de travail » au terme « substantielle » une modification de nature « terminologique ». De fait, le présent article n'entend pas sur ce point modifier l'application du droit faite aujourd'hui par la Cour de cassation et cherche bien à mettre en adéquation la législation avec une jurisprudence jugée satisfaisante. Toutefois, la modification du droit écrit servira en outre de guide aux juridictions de premier degré qui utilisent encore parfois la notion de modification substantielle, « trompées » en quelque sorte par la lecture de la loi.

Or il convient de rappeler l'importance concrète que revêt la distinction entre changement des conditions de travail et modification du contrat de travail pour motif économique. Dans le premier cas, l'employeur peut mettre en œuvre le changement proposé sans accord du salarié, le refus de celui-ci de s'y conformer constituant une faute susceptible même d'entraîner son licenciement. Dans le second cas, l'employeur ne peut opérer la modification qu'avec l'accord du salarié comme l'affirme la Cour de cassation dans un arrêt Raquin du 8 octobre 1987, suivant le respect de la procédure détaillée à l'article L. 321-1-2 du code du travail. L'employeur doit informer individuellement chaque salarié concerné par envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception de la modification envisagée, lui laisser un délai d'un mois pour la refuser, le défaut de réponse dans ce délai valant acceptation.

On rappellera que la Cour a au surplus de façon constante que cette acceptation doit être expresse, la seule poursuite du contrat aux conditions modifiées n'en valant pas acceptation. Dans les deux cas, les conséquences sont lourdes puisque l'erreur dans la qualification entre modification et changement des conditions de travail, selon qu'elle est commise par le salarié ou l'employeur, peut entraîner un licenciement pour faute ou un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La clarification proposée par le texte n'entend donc pas modifier la jurisprudence de la Cour de cassation mais au contraire confirmer celle-ci - sans se prononcer pour autant sur la nature des éléments essentiels du contrat de travail comme certains observateurs le demandent parfois, cette appréciation étant laissée au juge - et éclairer ainsi les décisions des juridictions de base.

c) L'infirmation - sur un point déterminé et d'ailleurs contesté - de la jurisprudence relative à la prise en compte des modifications consenties dans l'obligation d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi

_ Une décision audacieuse de la Cour de cassation

La Cour de cassation, dans deux arrêts célèbres du 3 décembre 1996, Framatome et Majorette, a interprété de façon extrêmement audacieuse la notion de modification du contrat de travail visée au premier alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail.

Alors que le législateur a visé la « modification », au surplus substantielle, du contrat de travail comme élément matériel du licenciement pour motif économique, la Cour de cassation a estimé qu'il fallait comprendre par là la proposition de modification sans considération du refus ou de l'acceptation ultérieur du salarié et a dès lors pris en compte dans le calcul des licenciements envisagés les propositions de modification, notamment pour apprécier l'obligation de mettre en œuvre ou non un plan social. Pour ce faire, la Cour s'est fondée sur la formulation des articles L. 321-2, L. 321-3, L. 321-4 et L. 321-4-1 du code du travail qui rendent obligatoire l'élaboration d'un plan social lorsque le nombre de licenciements envisagés, et non décidés, est supérieur à dix sur une période de trente jours79.

Cette interprétation, selon les termes mêmes de M. Philippe Waquet, rapporteur de la chambre sociale de la Cour, dans ses conclusions sur les deux arrêts précités, s'inscrit dans la logique de la jurisprudence de la Cour dont il rappelle que « loin de limiter la portée des articles L. 321-1 et suivants du code du travail, [elle] cherche à donner à la procédure consultative et par voie de conséquence au plan social un domaine aussi large que possible ». Il a également mis en avant l'unité du régime des grands licenciements économiques que permet cette position.

Cette position a été dès l'origine fortement contestée.

_ Une décision contestable sur laquelle il est proposé de revenir

Le texte même de l'article L. 321-1-3 du code du travail fournit une autre interprétation possible du moment auquel l'employeur envisage le licenciement puisqu'il vise le licenciement de « plusieurs salariés ayant refusé une modification substantielle du contrat de travail ». La circulaire ministérielle du 29 décembre 1992 retient ainsi que l'obligation de déclencher la procédure des licenciements collectifs n'intervient qu'après le refus des salariés.

Cette contestation en droit, jointe à un bilan coûts-avantages controversé de l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, alimente une interrogation sur l'opportunité d'abandonner la jurisprudence « Framatome » et « Majorette » 80 qui semble même ne pas épargner la Cour elle-même81. Tel est le choix fait par le législateur dans le présent article.

Plusieurs arguments militent pour un tel abandon.

Tout d'abord, protectrice de la dimension collective du droit du travail, cette jurisprudence fait peu de cas de l'importance du contrat, expression la volonté des parties mais aussi de la volonté individuelle et des choix du salarié. On ne peut souscrire à la thèse selon laquelle le licenciement serait vécu comme une issue sinon fatale du moins probable de la proposition de modification du contrat de travail. Le caractère de plus en plus précis des contrats et la réactivité attendue des entreprises supposent des modifications plus fréquentes des contrats le plus souvent bien acceptées des salariés. La dimension contentieuse de la question ne saurait occulter le fait que la modification du contrat, le plus souvent mineure82 même si elle porte sur un élément essentiel, est généralement acceptée sans aucune difficulté et que, dans le cas contraire, elle est parfois abandonnée par l'employeur.

Par ailleurs, l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas nécessairement protectrice des intérêts des salariés dans ce cas. On rappellera qu'elle vise avant tout à prévenir des licenciements collectifs. Dans le cas, par exemple, d'un déplacement de siège de 20 kilomètres dans un autre secteur géographique - constitutif en droit d'une modification du contrat de travail -, on peut estimer que non seulement l'élaboration d'un tel plan est un instrument d'une lourdeur inadéquate, purement formel, mais qu'il peut même provoquer un climat de tension dans l'entreprise préjudiciable aux relations sociales. Alors que la modification serait peut-être a priori bien accueillie, l'annonce d'un plan de sauvegarde de l'emploi peut donner à penser que l'employeur entend par la même occasion procéder à des licenciements.

En outre, si cette obligation entrave la gestion prévisionnelle des emplois, on constate que les employeurs mettent en œuvre des stratégies de contournement comme l'illustre l'arrêt du 12 janvier 1999 dit IBM. Dans sa volonté de mettre en œuvre une gestion prévisionnelle des emplois, la société IBM a envisagé des mesures qui pouvaient tout à fait être considérées comme des modifications du contrat de travail. La différence tenait dans le fait que ces mesures étaient proposées sur la base du volontariat, c'est-à-dire sans proposition individuelle aux salariés sur le fondement de l'article L. 321-1-2 du code du travail. Dès lors, l'application de la jurisprudence Framatome et Majorette et les règles relatives au licenciement collectif pouvaient être tournées.

Enfin, on se doit de rappeler que le durcissement du régime du licenciement pour motif économique a des effets pervers. Ainsi, depuis 1999, les entrées à l'ANPE après licenciement pour motif personnel sont devenues deux fois plus nombreuses que celles pour licenciement pour motif économique. D'ailleurs, la revue Premières synthèses de la DARES du ministère de l'emploi estime dans son numéro 28 de juillet 2003 que le licenciement pour motif économique est devenu un moyen de réduire ou de recomposer la main-d'œuvre dans le cadre des restructurations tout en évitant les plans de sauvegarde de l'emploi plus « visibles ».

Dès lors, le présent article propose de revenir sur une jurisprudence contestable en droit, dans son utilité et dans son caractère réellement protecteur.

_ Une remise en cause à la portée limitée

En précisant dans la définition du licenciement, à l'article L. 321-1 du code du travail, que ne constitue un licenciement que la modification refusée par le salarié83, le projet de loi permet de ne plus compter les modifications acceptées par les salariés dans les licenciements « envisagés » au sens de l'article L. 321-1-2 et donc de ne pas avoir à mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi.

Il convient de rappeler le caractère limité de cette remise en cause :

- tout d'abord, elle n'affecte aucunement la procédure relative à la modification individuelle du contrat de travail pour motif économique ;

- deuxièmement, la procédure applicable aux grands licenciements -notamment le nécessaire établissement du plan de sauvegarde de l'emploi demeure inchangée, y compris pour les modifications refusées, dès lors que la condition d'effectifs est remplie ;

- troisièmement, n'est pas remise en cause la jurisprudence de la Cour de cassation sur la prise en compte des départs volontaires dans la nécessité d'élaborer ou non un plan de sauvegarde de l'emploi ;

- enfin, les conséquences du refus de la modification restent inchangées, celui-ci reste un licenciement.

En résumé, toute rupture pour motif économique - y compris la modification refusée - continue de donner lieu à application des mêmes règles mais la proposition de modification n'est plus considérée avant le refus comme un licenciement envisagé.

Toutefois, le rapporteur observe que la réécriture proposée de l'article L. 321-3-1 du code du travail proposée par le paragraphe III du présent article en substituant au mot  « plusieurs » le mot « dix » entraîne d'autres conséquences que l'assujettissement des seules modifications refusées à l'obligation de plan de sauvegarde de l'emploi. Il exonère les licenciements de deux à neuf salariés liés au refus de modification pour motif économique des règles applicables aux licenciements collectifs, notamment en vertu de l'article L. 432-1 du code du travail, qui supposent la consultation des institutions représentatives du personnel.

*

La commission a rejeté trois amendements de suppression de l'article de Mme Martine Billard et de MM. Gaëtan Gorce et Maxime Gremetz.

Mme Muguette Jacquaint a indiqué que les amendements déposés par le groupe des député-e-s communistes et républicains sur cet article visent à lutter contre la remise en cause du droit du travail existant et notamment des garanties collectives introduites dans le code du travail en 1993 par des amendements communistes.

La commission a rejeté deux amendements de M. Maxime Gremetz visant le premier à supprimer l'assimilation du seul refus par un salarié d'une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail à une cause de licenciement, le second à supprimer la remise en cause de la jurisprudence Majorette et Framatome qui prévoit la prise en compte de l'ensemble des propositions de modifications d'un contrat de travail dans l'obligation pour l'employeur d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant l'information du comité d'entreprise sur le nombre de propositions de modifications de contrats refusées par des salariés afin de le mettre en mesure de vérifier que l'employeur respecte bien l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi.

Mme Muguette Jacquaint a jugé anormal que le rôle du comité d'entreprise en matière de licenciement soit remis en cause.

Le rapporteur n'a pas contesté l'analyse selon laquelle certaines informations ne sont pas transmises au comité d'entreprise mais il a observé que la diffusion d'une correspondance privée entre l'employeur et le salarié semble difficilement acceptable. En conséquence, il a émis un avis défavorable à l'adoption de l'amendement.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté l'article 37-3 sans modification.

Article 37-4

Conventions de reclassement personnalisé

Cet article vise à favoriser le reclassement externe des salariés dont le licenciement économique est envisagé en substituant au régime actuel du plan d'aide au retour à l'emploi anticipé dit du pré-PARE, applicable dans les entreprises de moins de mille salariés, une convention de reclassement personnalisé s'inspirant des anciennes conventions de conversion.

_ Le I modifie l'article L. 321-4-2 en substituant au mécanisme du pré-PARE le dispositif des conventions de reclassement personnalisé.

Article L. 321-4-2 du code du travail

- Le premier alinéa du nouvel article L. 321-4-2 pose le principe selon lequel, dans les entreprises de moins de 1 000 salariés, l'employeur est tenu de proposer aux salariés dont le licenciement pour motif économique est envisagé le bénéfice d'une convention de reclassement personnalisé lui permettant de bénéficier après la rupture de son contrat d'actions de d'orientation, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation.

Ce dispositif se substitue au dispositif du pré-PARE défini à l'actuel article L. 321-4-2 instauré par l'article 120 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale destiné à combler le vide laissé par la mise en extinction84 des conventions de conversion décidée par les partenaires sociaux dans le cadre de la convention relative au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage du 1er janvier 2001. Il se distingue du pré-PARE en particulier en ce qu'il intervient après la rupture du contrat de travail et ne se situe pas dans la période de préavis. On renoue ainsi avec la logique des conventions de conversion.

Le champ des entreprises concernées est celui des entreprises non soumises à l'obligation de proposer le congé de reclassement visé à l'article L. 321-4-3 du code du travail. En sont donc en principe exclues les entreprises employant au moins 1 000 salariés, les entreprises de dimension communautaire au sens de l'article L. 439-6 du code du travail, les groupes au sens de l'article L. 439-1 du même code astreints à l'obligation de constitution d'un comité de groupe.

Le champ des salariés concernés est celui des salariés visés par une mesure de licenciement pour motif économique. Il semble que doivent être incluses dans ce champ toutes les ruptures à caractère économique visées à l'article L. 321-1 du code du travail, y compris par exemple les départs négociés ou les départs volontaires. Le sixième alinéa de l'article prévoit en outre qu'un accord entre les partenaires de l'assurance chômage peut prévoir des conditions d'ancienneté pour le bénéfice du dispositif : cette ancienneté pourrait par exemple porter sur la durée d'ancienneté dans l'entreprise ou sur la réunion par le salarié des conditions permettant l'affiliation à l'assurance chômage.

On notera que le dispositif propose, outre les actions d'évaluation des compétences professionnelles prévues par le pré-PARE, des actions d'orientation et de formation. Par ailleurs, grâce à un amendement adopté par le Sénat, à l'instar du pré-PARE, les conventions de reclassement personnalisé comporteront également des actions d'accompagnement.

- Le deuxième alinéa ouvre la possibilité de mobiliser le reliquat éventuel du droit individuel à la formation (DIF) des salariés concernés pour financer les actions de la convention de reclassement personnalisé.

Il s'agit là d'une utilisation du DIF dérogatoire aux conditions prévues à l'article L. 933-6 du code du travail. Le reliquat est apprécié à la date de la rupture du contrat. Il est prévu que le reliquat est doublé. Ce doublement qui pourrait par exemple conduire au paiement de 240 heures en cas de non-utilisation des droits du DIF pendant six années n'était pas prévu par l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 auquel la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a donné une valeur législative. Le but de cette disposition n'est pas tant de mobiliser des moyens supplémentaires au profit de la convention de reclassement personnalisé que de sanctionner le non-usage du DIF par l'entreprise. Celui-ci apparaît en effet comme un manquement de l'entreprise à son obligation d'adaptation et de formation des salariés.

Il convient à ce propos de rappeler que le DIF ne constitue que l'une des sources de financement de la mise en œuvre des conventions de reclassement personnalisé. De ce point de vue, la rédaction retenue par le Sénat paraît moins pertinente que celle initialement prévue par le projet de loi en ce qu'elle semble limiter la mise en œuvre de ces conventions à la mobilisation du reliquat du DIF doublé.

- Le troisième alinéa prévoit, disposition essentielle à la protection du bénéficiaire, que celui-ci jouit du statut de stagiaire de la formation professionnelle. Le Sénat a utilement précisé par l'ajout d'une référence à l'article L. 961-2 du code du travail que ceci implique notamment la prise en charge partielle de leur rémunération par l'Etat et les régions. Il semblerait toutefois opportun de préciser de façon explicite les règles régissant leur protection sociale et leur couverture en matière d'accidents de trajet ainsi que d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

- Le quatrième alinéa précise les conséquences de l'adhésion du salarié au dispositif de la convention de reclassement personnalisé. On considère dès lors que le contrat est rompu d'un commun accord, même s'il convient de rappeler que l'employeur est tenu de proposer l'adhésion à une telle convention. Il l'est au surplus de façon immédiate, le salarié n'est pas tenu d'effectuer de préavis et ne peut parallèlement bénéficier de l'indemnité de préavis en principe due dans ce cas. Le salarié bénéficie en revanche de l'indemnité légale de licenciement visée à l'article L. 122-9 du code du travail. Rien dans cette adhésion ne prive le salarié de son droit à contester la lettre de licenciement et sa motivation, le motif économique du licenciement, les critères relatifs à l'ordre des licenciements et leur mise en œuvre, le non-respect de la procédure de réembauchage ou encore l'absence de reclassement comme la Cour de cassation l'a affirmé s'agissant de l'adhésion du salarié à une convention de conversion.

- Le cinquième alinéa renvoie les conditions de mise en œuvre des conventions de reclassement personnalisé à un accord entre les partenaires de l'assurance chômage, à une convention UNEDIC conclue dans les conditions spécifiques à ce genre d'accord prévues par l'article L. 351-8 du code du travail. Cet accord prévoira notamment le contenu des actions de la convention de reclassement personnalisé et dans la rédaction initiale du projet de loi leurs modalités de mise en œuvre par l'ANPE et les collectivités territoriales. Le Sénat a cru bon de modifier cette rédaction pour prévoir les formalités et les délais de réponse du salarié et l'encadrement par l'accord de la durée des conventions de reclassement personnalisé fixée entre quatre et neuf mois, cette durée dépendant « des spécificités des entreprises » et des « situations des salariés concernés ». On peut s'interroger sur l'utilité de fournir un tel cadre à la négociation même s'il est évident que l'accord devra statuer sur ces points.

- Les sixième et septième alinéas renvoient les modalités de financement des actions des conventions de reclassement personnalisé d'une part à l'accord conclu par les partenaires de l'assurance chômage, d'autre part à un accord entre l'Etat et les institutions gestionnaires de l'assurance chômage ouvrant la possibilité pour l'Etat de participer à ce financement. On notera qu'en l'absence d'accord au sein de l'UNEDIC ou à défaut d'agrément de celui-ci, les modalités de financement seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

Si le cinquième alinéa fixe à deux mois de salaire le financement minimal par l'employeur, rien dans le texte ne précise quelle sera la contribution de l'UNEDIC. Le rapporteur souhaite que le débat permette d'obtenir des indications sur la participation possible de l'UNEDIC au financement du dispositif et le niveau minimal en deçà duquel l'Etat refuserait l'agrément de la convention.

_ Le II met en place à l'encontre des entreprises entrant dans le champ du dispositif qui ne proposeraient pas la convention de reclassement personnalisé à leurs salariés licenciés une contribution spécifique de six mois de salaire.

*

La commission a rejeté un amendement de M. Gaëtan Gorce cherchant à préciser les conditions de mobilisation d'un éventuel reliquat de droit individuel à la formation.

La commission a adopté deux amendements du rapporteur :

- le premier, rédactionnel, précisant que le droit individuel à la formation n'est que l'un des moyens mobilisés pour financer et mettre en œuvre les conventions de reclassement personnalisé ;

- le second, instaurant un plafonnement du reliquat mobilisable aux droits légaux attachés au droit individuel à la formation afin de ne pas entraver la négociation collective les portant à un niveau supérieur.

Revenant sur la philosophie générale du texte en matière de reclassement des salariés, M. Gaëtan Gorce a estimé choquant le déséquilibre constaté entre les obligations incombant aux entreprises et celles revenant aux salariés, le partage se faisant systématiquement au détriment de ces derniers. Il n'est par exemple pas normal que la rupture liée à l'entrée dans la convention ne soit pas considérée comme un licenciement.

Le rapporteur a déclaré que tel n'est pas l'esprit du texte. La meilleure preuve en est que les dispositions du projet de loi reprennent pour l'essentiel le dispositif sur lequel les partenaires sociaux s'étaient mis d'accord et d'ailleurs inspiré des conventions de conversion qui n'avaient pas été créées par l'actuelle majorité.

Mme Martine Billard s'est inscrite en faux sur ce point. Les dispositions du projet de loi sont très en retrait en matière d'actions de formation et de reclassement par rapport à l'ancien dispositif des conventions de conversion.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz visant à garantir le maintien des droits à l'indemnisation chômage pour le salarié licencié en convention de reclassement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant les conditions de durée encadrant la convention de reclassement personnalités introduites par le Sénat, le rapporteur ayant indiqué que l'esprit du texte est de laisser toute sa place à la négociation.

La commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard supprimant la possibilité de moduler la durée de la convention en fonction des spécificités des entreprises.

Mme Martine Billard s'est interrogée sur la présence dans le texte d'une telle disposition jugeant celle-ci à tout le moins incongrue ; dans quelle mesure en effet peut-on encore parler de droit au reclassement des salariés lorsque celui-ci est subordonné aux « spécificités des entreprises » ?

Le rapporteur s'est déclaré également perplexe sur la portée de cette disposition. Il a néanmoins émis un avis défavorable sur l'amendement considérant qu'un vrai problème se pose et que ce point pourrait être éclairci en séance publique grâce aux explications données par le gouvernement.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer fixant à deux mois de salaire la participation financière de l'entreprise aux conventions de reclassement personnalisé au lieu d'en faire un seuil minimum, le rapporteur ayant estimé que la souplesse et la négociation devaient prévaloir.

La commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer visant à réduire de six à deux mois de salaire brut la contribution versée par l'entreprise qui n'aurait pas proposé au salarié licencié pour motif économique le bénéfice d'une convention de reclassement personnalisé, le rapporteur ayant relevé que l'adoption de l'amendement priverait la sanction de tout caractère dissuasif.

La commission a adopté l'article 37-4 ainsi modifié.

Après l'article 37-4

La commission a examiné un amendement de M. Gaëtan Gorce créant un fonds de mutualisation avec pour objectif de permettre aux salariés des entreprises sous-traitantes de bénéficier de conditions de reclassement similaires à celles des salariés des grands groupes.

Le rapporteur a estimé cette proposition, issue du syndicat Force ouvrière, très intéressante. Toutefois, elle a apparemment été débattue par les partenaires sociaux dans le cadre des négociations et un accord sur ce point ne semblait pas exclu. Dès lors, il semble souhaitable d'encourager le dialogue social plutôt que de légiférer.

La commission a rejeté l'amendement.

M. Gaëtan Gorce a ensuite interrogé le rapporteur sur la mise en place des conventions de reclassement. Quid en effet si les partenaires sociaux ne parviennent pas un accord ? Cette hypothèse a-t-elle été envisagée par le gouvernement et, dans ce cas, où figure-t-elle et selon quel calendrier ?

Le rapporteur a estimé qu'il conviendrait de poser cette question au gouvernement et de l'interroger notamment sur la position de l'UNEDIC.

M. Gaëtan Gorce a rétorqué qu'il serait souhaitable que le rapporteur, comme la majorité d'ailleurs, donnent leur avis et disent ce qu'ils pensent avec détermination et conviction plutôt que de s'en remettre en permanence à l'avis du gouvernement. Cela contribuerait notamment à dissiper l'image d'un Parlement réduit à une simple chambre d'enregistrement.

Le rapporteur a réaffirmé qu'on ne peut pas préjuger du dialogue social et qu'en tout état de cause il serait peut-être opportun de fixer une date butoir à partir de laquelle, la négociation n'ayant pas abouti, la loi prendrait le relais.

Article 37-5

Délais applicables aux actions en contestation de la régularité de la procédure de consultation et de licenciement pour motif économique

Cet article vise par l'insertion dans le code du travail d'un article L. 321-7-2 à encadrer les délais de recours des actions en contestation des procédures de consultation et de licenciement pour motif économique afin d'accroître la sécurité juridique.

De façon paradoxale, alors que les procédures applicables en matière de licenciement sont soumises à un ensemble complexe de règles et de délais contraignants dont le non-respect peut entraîner l'irrégularité desdites procédures, les recours en la matière sont largement ouverts puisqu'aucun délai n'existe en matière de référé et que la contestation des procédures de licenciement relève pour sa part des délais de droit commun.

Le présent article vise à encadrer des délais dont la longueur actuelle, jointe à celle des procédures elles-mêmes, crée une insécurité juridique tant pour les entreprises que pour les salariés ; ces délais, tout en permettant un exercice effectif du droit de recours, devraient éviter une prolongation excessive de la période d'incertitude.

On rappellera quelques-uns des délais et règles conditionnant la régularité de la procédure de consultation et de la procédure de licenciement dont on rappellera qu'ils sont d'autant plus nourris que les licenciements sont nombreux :

- Il existe tout d'abord, pour tous les licenciements, un délai entre la convocation à l'entretien préalable et celui-ci ; l'ordonnance du 24 juin 2004 publiée au journal officiel du 26 juin 2004 a d'ailleurs unifié ce délai en modifiant l'article L. 122-14 du code du travail et l'a porté pour toutes les entreprises à cinq jours ouvrables, délai calculé à compter du jour suivant la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en mains propres de la lettre de convocation ; existe par ailleurs un délai entre l'entretien et la notification du licenciement fixé à deux jours ouvrables par l'article L. 122-14-1 du code du travail modifié par l'ordonnance précitée.

- Le licenciement collectif de deux à neuf salariés sur une période de trente jours suppose la convocation, la réunion et la consultation du comité d'entreprise (ou à défaut des délégués du personnel).

- Le licenciement collectif d'au moins dix salariés sur trente jours suppose la consultation des institutions représentatives du personnel dans des réunions séparées par un délai d'autant plus long que les licenciements envisagés sont nombreux (de 14 à 28 jours).

A ces obligations de délai, s'ajoute un encadrement détaillé des règles de procédure notamment par les articles L. 122-14 et suivants et L. 321-2 et suivants : règles relatives au contenu de la lettre de licenciement (obligation de proposer des mesures de reclassement), à l'information de l'autorité administrative, à l'assistance du salarié, ...

Le présent article encadre les délais de recours sur deux points.

Le premier alinéa du nouvel article L. 321-7-2 limite le délai de recours en référé sur la procédure de consultation à quinze jours après chaque réunion du comité d'entreprise. De la sorte, la possibilité d'introduire un référé après la première consultation est utilisée avant la tenue de la deuxième réunion du comité d'entreprise ce qui semble conforme à l'esprit de la procédure. Par ailleurs, l'usage du référé répond à une urgence, dès lors un délai de quinze jours semble adapté. On observera que l'objet de la contestation est relativement simple et intervient au terme d'une procédure assez longue : il semble donc parfaitement possible pour la partie plaignante de préparer cette instance.

Le deuxième alinéa du nouvel article L. 321-7-2 limite le délai de recours des actions en contestation de la régularité de la procédure de licenciement à douze mois :

- à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise pour la contestation de la procédure collective ;

- à compter de la notification du licenciement lorsque le salarié excipe de l'irrégularité de la procédure de licenciement collectif à la condition qu'il soit fait mention de ce délai dans la lettre de licenciement.

Le rapporteur considère ce délai comme adapté pour les raisons suivantes :

- il intervient au terme d'une procédure déjà longue (au moins deux réunions du comité d'entreprise) ;

- il ne porte que sur la contestation des règles entourant la procédure de licenciement collectif : la contestation des irrégularités de procédure touchant au licenciement individuel continue d'être régie par les règles de droit commun ;

- enfin, la contestation ne porte que sur la régularité de la procédure.

Sur ce dernier point, les délais de recours ne semblent encadrer que la contestation des irrégularités formelles pas celles de fond. Il semble cependant nécessaire de préciser dans le cadre du débat le champ des recours concernés, par exemple s'agissant du plan de sauvegarde de l'emploi. L'encadrement des délais de recours concerne-t-il la seule existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi ? Est-il également applicable à l'insuffisance de celui-ci ?

*

La commission a rejeté deux amendements de suppression de l'article de MM. Gaëtan Gorce et Maxime Gremetz.

La commission a rejeté un amendement de Mme Martine Billard supprimant la fixation à quinze jours suivant la réunion du comité d'entreprise du délai durant lequel l'action en référé portant sur la régularité de la procédure de consultation peut être déposée.

La commission a adopté l'article 37-5 sans modification.

Article 37-6

Obligations de revitalisation des bassins d'emploi

Cet article tend à imposer aux entreprises qui procèdent à des licenciements économiques de contribuer à des mesures de revitalisation de leur bassin d'emploi.

1. L'article 118 de la loi de modernisation sociale

Il s'inscrit dans la continuité de l'article 118 de la loi de modernisation sociale, dont la mise en œuvre s'est heurtée à diverses difficultés dues d'une part à l'absence de parution des textes d'application, d'autre part à une volonté d'ancrage territorial de ce dispositif sans doute louable dans son principe, mais parfois difficile à mettre en œuvre.

L'article 118 s'appuie sur un raisonnement au niveau du bassin d'emploi, notion juridiquement indéfinie, et repose sur le préfet de département et les élus et représentants du monde économique (élus consulaires) du département, auquel il est demandé de se réunir avec l'employeur et les syndicats de l'entreprise pour débattre des moyens que l'entreprise pouvait apporter à la revitalisation du bassin d'emploi. Sans doute le principe de ce genre de réunions, au demeurant fort souhaitables, ne relève-t-il pas du domaine de la loi. Surtout, l'option systématique pour une mobilisation territoriale, sur le champ du bassin d'emploi, sous l'autorité du préfet de département, est susceptible d'être contreproductive dans différents cas de figure : implication insuffisante des acteurs locaux, éloignement géographique du siège de l'entreprise concernée...

Par ailleurs, l'article 118 organise une interférence incertaine entre les actions de revitalisation et le plan de sauvegarde de l'emploi en indiquant que les « actions de réactivation du bassin d'emploi [sont] prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi » (pour les entreprises de plus de mille salariés). Or, si les actions susceptibles de s'inscrire dans les deux cadres peuvent être de même nature, on doit cependant les distinguer car elles répondent à des objectifs différents : le plan de sauvegarde de l'emploi est a priori destiné aux salariés de l'entreprise touchés par la restructuration ; les actions de revitalisation doivent viser l'ensemble du bassin d'emploi et notamment bénéficier indirectement aux autres entreprises affectées par cette restructuration ; ces actions peuvent donc s'inscrire dans le plan de sauvegarde - et il convient alors d'en tenir compte au titre de l'effort de revitalisation des entreprises -, mais pas nécessairement.

Malgré ces difficultés, l'article 118 a connu un début d'application prometteur, qui justifie que ce dispositif soit conservé et amélioré. Plus de cinquante conventions ont été signées et plus de quatre-vingt-dix sont en cours de négociation.

Mise en œuvre de l'article 118 de la loi de modernisation sociale

(d'après des éléments transmis par le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, issus d'une enquête auprès des services déconcentrés)

Depuis l'entrée en vigueur de la loi de modernisation sociale, 51 conventions de redynamisation ont été signées entre l'Etat et des entreprises de plus de mille salariés conformément au II de l'article 118 de cette loi, dans 29 départements ; une seule convention a une dimension interdépartementale. Le nombre de conventions signées chaque semestre a constamment augmenté : il y a eu 4 conventions en 2002, 14 en 2003, 21 au premier semestre 2004. Durant ce deuxième semestre 2004, 7 conventions ont déjà été signées et 93 sont en cours de négociation, dans 50 départements.

Sur ces 51 conventions signées, une seule concerne les services, les autres concernant des entreprises industrielles.

Le plus souvent (dans 68 % des cas), les conventions ont été signées après la fermeture totale d'un site. L'ensemble des conventions couvre 13 120 suppressions d'emplois, soit près de 260 emplois supprimés par convention ; quatre fois sur cinq, le nombre d'emplois supprimés est compris entre 50 et 500.

Au total, les entreprises se sont engagées sur un montant de 86 millions d'euros, soit une moyenne de 1,7 million d'euros par convention. Le montant de l'engagement financier de chaque entreprise par emploi supprimé est très variable, le niveau moyen se situant entre trois et quatre fois le SMIC mensuel. Dans 6 % des conventions, il est inférieur à deux fois le SMIC par emploi et dans 62 % compris entre deux et quatre fois (fourchette prévue par la loi).

80 % des conventions contiennent un engagement en termes de création d'emplois. Dans 57 % des cas, cet engagement est égal ou supérieur au nombre d'emplois supprimés. Au total, les conventions de redynamisation contiennent des engagements de création de 9 064 emplois.

Le contenu des actions prévues par les conventions de redynamisation est très variable : recherche de projets de réindustrialisation ; prêts participatifs à la création ou à la reprise d'entreprise ; vente à prix préférentiel ou don de locaux ou de terrains appartenants à l'entreprise signataire ; aides à l'embauche accordées à des sociétés recrutant des salariés de l'entreprise signataire ; formations offertes aux ex-salariés pour pourvoir des postes proposés par un repreneur, etc. Dans 50 % des cas, il est prévu que les ex-salariés de l'entreprise signataire bénéficient d'une priorité d'embauche pour les emplois créés dans le cadre des actions de reconversion inscrites à la convention.

La quasi-totalité des conventions (91%) a mis en place un dispositif de suivi. Les conventions ont été signées pour une durée moyenne de 28 mois (entre 24 et 36 mois). Aucune convention n'est pour le moment arrivée à échéance, mais on relève déjà quelques résultats encourageants en matière de créations d'emplois : les conventions pour lesquelles on dispose d'éléments de bilan partiel auraient déjà permis de créer 57 % du nombre d'emplois que ces conventions s'étaient fixé pour objectif.

2. Les mesures proposées

Le présent article propose donc un nouveau dispositif, qu'il codifie en créant un article L. 321-16 dans le code du travail (1°), et abroge donc l'article 118 de la loi de modernisation sociale (2°).

- Le paragraphe I du nouvel article L. 321-16 concerne les obligations en matière de revitalisation des bassins d'emploi des entreprises mentionnées à l'article L. 321-4-3 du code, c'est-à-dire les entreprises de plus de mille salariés (y compris les groupes et entreprises européennes au sens du code du travail) contraintes par cet article de proposer un congé de reclassement à leurs salariés menacés de licenciement économique.

Le premier alinéa propose que ces entreprises, « lorsqu'elles procèdent à un licenciement collectif affectant, par son ampleur, l'équilibre » de leur(s) bassins(s) d'emploi, soient tenues, sauf en cas de procédure de redressement ou de liquidation de judiciaires, « de contribuer à la création d'activités et au développement des emplois et d'atténuer les effets du licenciement envisagé sur les autres entreprises dans le ou les bassins d'emploi ». Le montant de la « contribution » ne pourra être inférieur à deux fois le SMIC mensuel par emploi supprimé (et sera plafonné à quatre fois ce montant : cas de la pénalité due au Trésor public pour les entreprises qui ne passeront pas de convention en application du dernier alinéa du présent I).

Ces montants sont dans l'exacte continuité de l'article 118 en vigueur. Toutefois, le nouveau dispositif s'en distingue par plusieurs points qui visent à le rendre plus large et plus opérationnel :

- Le fait générateur de l'obligation de revitalisation ne sera plus nécessairement la fermeture partielle ou totale d'un site, mais tout licenciement affectant l'équilibre d'un bassin d'emploi. On a en effet constaté que la notion de fermeture de site était trop restrictive : il existe des restructurations progressives, sans fermeture d'une entité autonome ; si, sur les cinquante et une conventions qui ont été signées, cinquante concernent l'industrie et une seule les services, c'est principalement lié au fait qu'en général seule l'industrie pratique des fermetures totales de site, les services privilégiant des désengagements progressifs. En outre, la notion de fermeture partielle est difficile à appréhender ; dans un certain nombre de cas, parce qu'il n'était pas possible d'identifier une entité autonome qui fermait, les entreprises ont été exonérées de leur obligation de redynamisation. C'est la raison pour laquelle dans 68 % des cas, les conventions de redynamisation ont été signées suite à la fermeture totale d'un site.

- La nouvelle rédaction vise « le » ou « les » bassins d'emplois touchés par la restructuration, afin de sortir d'une certaine logique d'enfermement de la question dans le cadre à la fois rigide et incertain (juridiquement) du bassin d'emploi.

- La volonté de prendre en compte les difficultés des autres entreprises, en particulier des sous-traitants, consécutives à la restructuration se manifeste à travers la fixation d'un objectif d'atténuation des effets de la restructuration sur elles.

Le second alinéa du présent I inscrit la mise en œuvre des mesures de revitalisation dans un cadre conventionnel. Le Sénat a jugé utile de préciser que la convention serait signée par le « représentant de l'Etat », ce qui l'inscrit a priori dans un cadre territorial puisque cette périphrase désigne communément les préfets. La convention devra être passée dans les six mois suivant la notification du projet de licenciement collectif à l'administration.

Le paragraphe II du nouvel article L. 321-16 concerne les obligations en matière de revitalisation des autres entreprises, celles de moins de mille salariés.

Dans la continuité, là aussi, de la loi de modernisation sociale, le texte proposé reste assez faiblement normatif. Le nouveau dispositif législatif ne repose plus sur la tenue de réunions à l'objet incertain, mais prévoit que le représentant de l'Etat (précision apportée par le Sénat) « intervient », en concertation avec les organismes agissant dans le champ du service public de l'emploi et éventuellement les maisons de l'emploi, pour la mise en œuvre d'actions de revitalisation.

Il est prévu, comme dans l'article 118 en vigueur, une « contribution » de l'entreprise qui licencie, fixée par convention et tenant compte de sa situation financière et du nombre d'emplois supprimés.

Le paragraphe III du nouvel article L. 321-16 dispose que les actions de revitalisation sont déterminées après consultation des collectivités territoriales, des organismes consulaires et des partenaires sociaux.

Le Sénat a précisé que les actions de revitalisation devraient être suivies et évaluées, selon des modalités renvoyées à un décret. Il a également confié à ce décret le soin de déterminer les conditions dans lesquelles contribueront les entreprises dont le siège n'est pas implanté dans le bassin d'emploi affecté par le licenciement qu'elles effectuent. La responsabilisation des entreprises « lointaines » a en effet constitué l'une des difficultés de l'application de l'article 118 de la loi de modernisation.

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article de M. Maxime Gremetz.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à introduire un délai pour la publication du décret d'application prévu au dernier alinéa de l'article 118 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

Mme Muguette Jacquaint a précisé qu'il s'agit de réintroduire dans la loi les acquis obtenus dans la loi de modernisation sociale.

Après avoir salué la constance des propositions du groupe communiste et républicain, le rapporteur a indiqué que, les dispositions de l'article 118 de la loi de modernisation sociale ayant été abrogées, il n'y a pas lieu de publier de décrets d'application les concernant.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à ce que les actions de revitalisation des bassins d'emploi mises en œuvre par les entreprises par la voie des plans de sauvegarde de l'emploi ou d'accords collectifs soient prises en compte au titre des obligations de revitalisation relevant en principe d'une convention avec l'Etat.

M. Gaëtan Gorce a fait part de sa vive opposition à une telle mesure estimant que le dispositif conventionnel envisagé par l'article n'est pas de même nature qu'un engagement unilatéral. Au surplus, la réduction du rôle de l'inspection du travail sur les plans de sauvegarde de l'emploi ne permet plus un contrôle efficace de la qualité de leur contenu. En tout état de cause, la revitalisation d'un bassin d'emploi ne peut être uniquement pilotée par l'entreprise mais devrait associer tous les acteurs locaux concernés, dont les collectivités locales.

La commission a adopté l'amendement ainsi qu'un amendement de coordination du rapporteur.

La commission a adopté l'article 37-6 ainsi modifié.

Article 37-7

Intervention en cas d'opération en bourse et ordre du jour du comité d'entreprise

Cet article regroupe plusieurs mesures ponctuelles relatives aux conditions de fonctionnement et au rôle des comités d'entreprise.

Le I est relatif aux modalités d'établissement de l'ordre du jour du comité d'entreprise.

La disposition en vigueur prévoit simplement que cet ordre du jour « est arrêté par le chef d'entreprise et le secrétaire ».

Selon l'interprétation déjà ancienne qui a été donnée de la loi85, le président du comité d'entreprise (le chef d'entreprise ou son représentant) doit veiller à l'inscription à l'ordre du jour de toutes les questions que la législation impose de soumettre au comité d'entreprise, tandis que le secrétaire a pour mission de demander l'inscription des questions soulevées par les membres élus du comité.

Toutefois, que se passe-t-il en cas de désaccord du président et du secrétaire du comité, qui sont censés arrêter l'ordre du jour ensemble ?

La question a été tranchée par la jurisprudence : l'ordre du jour ne peut être établi unilatéralement par l'employeur - il s'agit même d'une irrégularité constitutive du délit d'entrave86 et susceptible d'entraîner la nullité d'une procédure de licenciement87 - ; le désaccord doit être tranché par le juge des référés88 (le président du tribunal de grande instance).

Le passage obligé par la procédure de référé pour résoudre les problèmes d'ordre du jour est présenté par certains comme un moyen dilatoire trop aisé. D'autres observent que les refus de signer l'ordre du jour de la part de secrétaires de comité ne seraient pas si fréquents et constitueraient un moyen finalement peu « coûteux » (en temps et en complexité) d'adresser un message d'alerte à l'employeur.

Sans se prononcer sur ces points, le rapporteur souligne qu'en tout état de cause, le rôle de la justice est de trancher d'éventuelles irrégularités dans les procédures, pas d'y intervenir systématiquement pour pallier la mauvaise écriture d'une disposition législative. Le législateur doit édicter des règles claires permettant d'assurer le bon déroulement des procédures.

Le présent projet de loi maintient le principe de la recherche d'un accord entre l'employeur et le secrétaire du comité d'entreprise : il dispose toujours que « l'ordre du jour est arrêté par le chef d'entreprise et le secrétaire ». Mais, afin de permettre la mise en œuvre des consultations obligatoires, il ajoute qu' « y sont inscrites de plein droit les consultations rendues obligatoires par une disposition législative, réglementaire, ou par un accord collectif de travail » ; le Sénat a complété ce dispositif en précisant que l'inscription des consultations obligatoires est effectuée « par l'un ou par l'autre » (le président ou le secrétaire).

Cette rédaction a pour objet d'assurer la validité juridique des ordres du jour fixés unilatéralement, notamment par l'employeur - et donc la validité des réunions du comité effectuées sur la base de ces ordres du jour, sans que le juge des référés ait été saisi -, dès lors qu'ils concernent des consultations « obligatoires ». Il appartiendra naturellement au juge, saisi a posteriori, d'apprécier si l'on se trouvait bien dans un domaine de consultation obligatoire.

Il est à noter que toutes les consultations du comité d'entreprise pouvant à la limite être considérées comme obligatoires (puisqu'énumérées dans la loi, qui les encadre par ailleurs de règles de procédures plus ou moins contraignantes selon la gravité et la conflictualité des sujets), la faculté d'inscrire « de plein droit » à l'ordre du jour les consultations obligatoires qui est offerte au secrétaire du comité par le présent article peut aussi être vue comme très favorable aux intérêts des représentants du personnel.

Enfin, le projet maintient le délai en vigueur de communication de l'ordre du jour aux membres du comité : trois jours au moins avant la séance.

Le I bis, inséré par le Sénat, transpose la même règle d'inscription à l'ordre du jour des consultations obligatoires au cas du comité central d'entreprise, en conservant la règle de délai en vigueur différente pour la communication de l'ordre du jour aux membres : au moins huit jours avant la date de la séance.

Le II établit un régime dérogatoire quant à la consultation du comité d'entreprise sur une offre publique d'achat ou d'échange (OPA-OPE) envisagée par le chef d'entreprise.

En effet, l'article L. 431-5 du code du travail pose un principe général selon lequel la consultation du comité doit précéder les décisions du chef d'entreprise. Pour mémoire, l'article 100 de la loi de modernisation sociale, actuellement suspendu et que le présent projet abroge, prétendait en outre obliger le chef d'entreprise à informer le comité d'entreprise préalablement à toute « annonce publique (...) de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi ».

S'agissant d'une opération boursière, la diffusion préalable d'informations fait courir des risques réels de constitution du délit d'initié, défini à l'article L. 465-1 du code monétaire et financier, qui sanctionne « le fait, pour les dirigeants d'une société (...) et pour les personnes disposant, à l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d'informations privilégiées sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé (...) de réaliser ou de permettre de réaliser, soit directement, soit par personne interposée, une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces informations ».

C'est pourquoi le présent paragraphe institue une dérogation à la règle générale de consultation préalable du comité d'entreprise dans le cas de lancement d'une OPA-OPE. En contrepartie, il prévoit une obligation de réunir et d'informer le comité dans les deux jours ouvrables suivant la publication de cette offre.

Il est à noter que le code du travail comporte déjà une procédure spécifique et contraignante (organisation de deux réunions, droit pour le comité d'entendre l'auteur de l'offre...) de consultation du comité lorsque l'entreprise est visée par une OPA-OPE (article L. 432-1). La présente disposition en constituera donc le pendant du coté de l'entreprise à l'origine de l'opération.

Le III correspond à la disposition « reflet » de l'exception instaurée par le paragraphe précédent : il convient de rappeler cette exception dans le corps de la règle générale de consultation préalable posée à l'article L. 431-5.

*

La commission a rejeté deux amendements de suppression de l'article de MM. Gaëtan Gorce et Maxime Gremetz.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à maintenir les prérogatives actuelles du secrétaire du comité d'entreprise dans la fixation de l'ordre du jour de ce comité.

Mme Muguette Jacquaint a indiqué que la rédaction retenue par le projet de loi rendra l'employeur maître de l'ordre du jour du comité d'entreprise.

Le rapporteur a déclaré que l'amendement du groupe des député-e-s communistes et républicains relève à juste titre un certain manque de clarté du texte sur ce point. Toutefois, la rédaction proposée par l'amendement va à l'encontre de l'esprit du texte et un amendement plus équilibré sera proposé.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz, présenté par Mme Muguette Jacquaint, visant à maintenir les prérogatives actuelles du secrétaire du comité d'entreprise dans la fixation de l'ordre du jour.

Elle a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

La commission a adopté l'article 37-7 ainsi modifié.

Article 37-8

Date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives aux licenciements

Cet article propose la classique mesure de sécurisation juridique qui doit accompagner toute modification du droit du licenciement : il s'agit de déterminer précisément à quelles procédures les nouvelles règles s'appliqueront.

L'article prévoit donc que les dispositions issues des articles 37-3, 37-5, 37-6 et 37-7 seront applicables aux « procédures de licenciement engagées » à compter de la promulgation de la présente loi.

A contrario, il n'est pas proposé de date d'entrée en vigueur spécifique pour les articles 37-1, 37-2 et 37-4.

Cela n'est nécessaire ni pour le premier de ces articles, puisqu'il se borne à abroger définitivement les mesures suspendues de la loi de modernisation sociale, ni pour le second, qui pérennise les « accords de méthode » et institue de nouvelles obligations de négociation collective : ces règles s'appliqueront à compter de la promulgation de la loi.

Quant à l'article 37-4, instituant les conventions de reclassement personnalisé, le fait qu'il ne soit pas visé au présent article 37-8 sera favorable aux salariés, car, dès lors que la loi sera promulguée, ils n'auront pas à exciper d'une « procédure de licenciement » commencée postérieurement à cette promulgation pour en bénéficier. Au demeurant, la référence au début d'une « procédure de licenciement » aurait été ambiguë dans ce cas de figure, puisque l'article 37-4 instaure justement une modalité de rupture du contrat de travail qui n'est pas un licenciement.

S'agissant de l'entrée en vigueur de l'article 37-4, il faut tout de même rappeler par ailleurs qu'elle sera conditionnée à un accord d'application des partenaires sociaux dans le cadre de la convention UNEDIC (ou parallèlement à celle-ci), le cas échéant suppléé par un décret en Conseil d'Etat.

La notion de procédure de licenciement engagée visée au présent article mériterait sans doute d'être précisée, au regard des enjeux juridiques qui s'attachent aux procédures de licenciement et aux conséquences de l'éventuelle annulation contentieuse de ces procédures.

A quel moment une procédure de licenciement est-elle engagée ? La réponse n'est pas évidente, surtout dans le cas de licenciements collectifs, puisque, comme on a pu le rappeler dans le commentaire de l'article 37-3 supra, le code du travail fait partir les obligations des employeurs, notamment en matière de consultation des représentants du personnel, du moment où les licenciements sont « envisagés » selon l'article L. 321-2 du code. Comment détermine-t-on ce moment ? Le point est d'autant plus délicat que, s'agissant des « grands » licenciements économiques (dix salariés et plus), le 2° de l'article susmentionné et le deuxième alinéa de l'article L. 321-3 du code (compte non tenu de la loi de modernisation sociale) posent le principe de la consultation du comité d'entreprise au titre du livre III du code, mais ne font que rappeler l'obligation de consultation au titre du livre IV (qui restera fondée, après l'abrogation des articles 99 et 101 de la loi de modernisation sociale, sur le premier alinéa de l'article L. 432-1 du code, lequel prévoit de manière générale la consultation du comité d'entreprise, « dans l'ordre économique », sur les mesures affectant les effectifs).

Plus fondamentalement, la notion de procédure de licenciement au sens du présent article 37-8 vise-t-elle la procédure collective (consultations, plan de sauvegarde de l'emploi, etc.) ou la procédure individuelle de licenciement de chaque salarié concerné qui suivra ?

La question est encore compliquée par le fait que l'article 37-3 précité (dont il s'agit parmi d'autres de fixer l'entrée en vigueur), en visant la modification du décompte des salariés à prendre en compte vis-à-vis de l'obligation ou non de proposer un plan de sauvegarde de l'emploi, modifie de fait la date à laquelle se pose la question de l'engagement ou non d'une procédure collective : au moment où l'employeur propose à dix salariés au moins une modification d'un élément essentiel de leur contrat (droit en vigueur) ou à celui où ces dix salariés l'ont refusée (mesure proposée).

*

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article de M. Gaëtan Gorce.

Elle a adopté un amendement de précision du rapporteur.

La commission a adopté l'article 37-8 ainsi modifié.

Article 37-9 (nouveau)

Rapport au Parlement

Cet article inséré par le Sénat prévoit le dépôt au Parlement d'un rapport d'évaluation deux ans après l'entrée en vigueur des articles 37-3 à 37-6 du projet, c'est-à-dire des nouvelles dispositions relatives à la prise en compte des cas de modification du contrat de travail pour le déclenchement des procédures collectives, à la convention de reclassement personnalisé, aux délais de recours vis-à-vis des procédures de licenciement et aux mesures de revitalisation des bassins d'emploi.

Ce rapport devra également retracer l'évolution du nombre de licenciements économiques ainsi que les conditions de mise en œuvre des solutions alternatives telles que les reclassements internes prévus au dernier alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail.

Le rapporteur considère que cette évaluation pourrait également porter utilement sur le développement du dialogue social que souhaite impulser l'article 37-2 du présent projet (pérennisation des « accords de méthode » et instauration de négociations triennales sur la gestion prévisionnelle de l'emploi).

*

La commission a adopté un amendement du rapporteur étendant à l'ensemble des aspects de la loi le champ du rapport d'évaluation.

La commission a adopté l'article 37-9 (nouveau) ainsi modifié.

Après l'article 37-9 (nouveau)

M. Francis Vercamer a présenté un amendement prévoyant qu'une erreur de procédure commise par un employeur ne remet pas en cause l'absence de qualification économique du motif de licenciement et ne porte donc pas atteinte au caractère réel et sérieux du licenciement.

Le rapporteur a fait valoir que le droit en vigueur ne remet aucunement en cause la qualification économique du motif en cas d'irrégularité de procédure.

M. Francis Vercamer a objecté que, d'après son expérience de dix années de contentieux devant les conseils des prud'hommes, le problème est réel.

La commission a rejeté l'amendement de M. Francis Vercamer.

Chapitre V

Dispositions de programmation

Article 38

Programmation des mesures de mobilisation pour l'emploi

Cet article regroupe les engagements de programmation concernant le titre Ier du présent projet : « Mobilisation pour l'emploi ». Le tableau ci-après présente ces engagements.

Programmation des mesures du titre « mobilisation pour l'emploi »

Montants financiers en millions d'euros (valeur 2004)

2005

2006

2007

2008

2009

Maisons de l'emploi :

- autorisations de programme

300

330

50

0

0

- dépenses ordinaires et crédits de paiement

120

405

530

375

300

Contrats d'avenir :

- nombre d'entrants dans le programme

185 000

250 000

250 000

250 000

65 000

- aide de l'Etat :

383

1 120

1 285

1 285

1 120

Fonds de garantie des prêts

4

12

19

19

19

Insertion par l'économique :

- nombre de postes aidés dans des entreprises d'insertion

13 000

14 000

15 000

15 000

15 000

- aide à l'accompagnement pour les chantiers d'insertion

24

24

24

24

24

- aide à l'accompagnement pour les associations intermédiaires

13

13

13

13

13

- dotation de l'Etat aux fonds départementaux pour l'insertion

13,4

18

21

21

21

a) Les maisons de l'emploi

La programmation de dotations conséquentes pour les maisons de l'emploi prévue au I traduit l'engagement de l'Etat pour doter ces structures de moyens supplémentaires, notamment de 7 500 agents. Ces moyens s'ajouteront à ceux mis à disposition par les membres des maisons de l'emploi.

b) Les contrats d'avenir

Selon le II, le nombre global de personnes qu'il est prévu de faire entrer dans un contrat d'avenir en cinq ans s'élève à un million. Le coût budgétaire afférent prévu pour l'Etat atteint en cumulé, en euros 2004, 5,2 milliards.

Le tableau ci-après développe les hypothèses qui ont fondé la prévision financière sur les « générations » de titulaires de contrats d'avenir et la durée dans laquelle ils restent dans le dispositif : il est présumé que les trois quarts seront encore présents au bout d'un an et la moitié au bout de deux.

On peut toutefois s'interroger sur l'incidence de la modification de la durée des contrats d'avenir qu'a décidée le Sénat sur ces taux de sorties. Le projet initial prévoyait un contrat de six mois renouvelable (à concurrence de trois ans) ; le Sénat a porté à deux ans la durée du contrat d'avenir lors de sa première signature (plus un an par renouvellement éventuel). Sauf à supposer que tous les bénéficiaires de contrats d'avenir en « sortiront par le haut » (en emploi « normal »), on peut soupçonner que cet allongement de la durée de base du contrat entraînera une diminution du taux de sortie et donc, soit un accroissement de la dépense à entrées constantes dans le dispositif, soit un ralentissement des entrées compte tenu des capacités d'accueil.

Générations programmées de contrats d'avenir et coûts afférents

2005

2006

2007

2008

2009

Nombre d'entrants dans le programme

185 000

250 000

250 000

250 000

65 000

Nombre moyen de bénéficiaires dans le programme :

175 750

376 250

517 500

517 500

341 750

- dont admis dans l'année et présents toute l'année (moyenne)

175 750

237 500

237 500

237 500

61 750

- dont ancienneté d'un an (moyenne)

-

138 750

187 500

187 500

187 500

- dont ancienneté de deux ans (moyenne)

-

-

92 500

125 000

125 000

Aide de l'Etat :

383

1 120

1 285

1 285

1 120

- dont aide au versement de la rémunération

341

916

1 081

1 081

940

- dont prime versée aux employeurs et aux communes en cas de sortie

42

204

204

204

180

Par ailleurs, la programmation ne portant que sur les dotations de l'Etat, les coûts pour les autres financeurs ne sont pas présentés. On peut penser que celui pour les régimes de base de sécurité sociale, en cotisations non perçues du fait de l'exonération prévue, représentera 4 à 5 milliards d'euros en cumulé sur les cinq années du plan (ce « coût » étant toutefois assez théorique puisqu'il suppose, pour être validé, que tous les titulaires de contrats d'avenir auraient à défaut eu un travail dans le cadre d'un contrat non exonéré, ce qui est évidemment absurde). Par ailleurs, 7 à 8 milliards d'euros d'allocations de minima sociaux auront été « activés » en étant transformés en aides aux employeurs des contrats d'avenir.

c) Le fonds de garantie des prêts

Le III retrace les sommes que l'Etat et, a ajouté le Sénat, les collectivités locales le souhaitant, apporteront à un fonds de garantie « à des fins sociales » de prêts à des personnes physiques ou morales et de prêts à des demandeurs d'emploi ou titulaires de minima sociaux créant une entreprise.

d) L'insertion par l'activité économique

Enfin, des engagements significatifs sont pris par l'Etat, au IV du présent article, en matière de soutien aux organismes d'« insertion par l'activité économique » :

- relèvement de 11 000, en 2004, à 13 000, en 2005, puis à 15 000 du contingent d'aides au poste dans les entreprises d'insertion ;

- création d'une aide d'accompagnement pour les chantiers d'insertion, assortie d'une dotation annuelle de 24 millions d'euros sur 2005-2009 ;

- garantie sur la même période d'une dotation annuelle de 13 millions d'euros, contre 5,1 millions d'euros en 2004, afin de généraliser l'aide destinée à financer l'accompagnement socioprofessionnel dans les associations intermédiaires. Cette aide a bénéficié à 60 % des associations seulement en 2003 ; elle permet d'engager des démarches qualité, des actions de professionnalisation (formation de permanents et de salariés mis à disposition), et de consolider des structures en milieu rural ;

- augmentation de la dotation annuelle aux fonds départementaux pour l'insertion, de 8,1 millions d'euros en 2004 à 21 à partir de 2007 ; il est à noter que le projet de loi de finances pour 2005 prévoit une dotation de 19,6 millions d'euros à ce titre, dépassant la programmation (13,4 millions). Ces fonds financent des aides au démarrage, au développement et à la consolidation des structures d'insertion par l'activité économique.

Il convient de saluer le rôle important joué par les structures de l'insertion par l'économique : en 2004, on estime le nombre de ces structures conventionnées à 2 073, soit 1 107 entreprises d'insertion, 255 entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) et 920 associations d'insertion, qui ont permis d'embaucher 231 500 personnes (hors chantiers d'insertion).

Evolution du nombre de structures d'insertion par l'activité économique
(hors chantiers d'insertion) et de l'offre d'insertion

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004 (prévision)

Nombre d'entreprises d'insertion

774

900

947

960

970

1 004

1 107

Nombre de postes d'insertion

n.d.

8 575

9 885

10 711

10 910

11 056

12 418

Nombre d'ETTI

162

223

276

288

262

241

255

Nombre de postes d'accompagnement

315

589

700

744

708

549

625

Nombre de salariés (équivalents temps plein)

3 780

7 068

8 400

8 928

8 496

6 588

7 500

Nombre d'associations d'insertion

1 130

1 047

937

940

922

922

875

Nombre de mises à disposition

882 954

883 161

838 452

787 332

802 184

n.d.

n.d.

Source : ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale (DDTEFP).

Toutes les mesures des politiques de l'emploi créées ou réformées par le plan de cohésion sociale ne pouvaient faire l'objet d'une programmation financière, et le présent article 38 traduit des choix.

Dans certains cas, en effet, la programmation, qui porte sur les engagements budgétaires de l'Etat, n'aurait pas de sens : l'absence de programmation se justifie pour les dispositifs non susceptibles de contingentement par l'Etat car reposant sur des aides d'autres collectivités et/ou des exonérations compensées par l'Etat mais de droit : CI-RMA et contrats d'apprentissage par exemple.

D'autres engagements auraient pu être programmés et ne le sont pas : par exemple, les moyens humains et allocations intermédiaires consacrés à l'accompagnement des jeunes en difficulté, les enveloppes fongibles consacrées aux contrats d'accompagnement dans l'emploi et contrats initiative-emploi. S'agissant des moyens consacrés à l'accompagnement des jeunes, les recrutements de référents et de coordonnateurs supplémentaires devraient avoir lieu dès 2005 : une programmation sur les années ultérieures de moyens en personnel qui ne seront pas remis en cause n'apporterait pas grand-chose.

Il convient de signaler que l'exposé des motifs du présent projet, rappelant les différents programmes du plan de cohésion sociale, présente un chiffrage au champ plus large.

*

La commission a adopté deux amendements de précision du rapporteur.

La commission a adopté l'article 38 ainsi modifié.

Après l'article 38 

La commission a rejeté un amendement de M. Gaëtan Gorce tendant à ce que le gouvernement présente au Parlement tous les deux ans un rapport d'évaluation de l'application de la loi, s'appuyant notamment sur les travaux de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale.

Article 38 bis (nouveau)

Rapport au Parlement

Cet article inséré par le Sénat prévoit le dépôt au Parlement, par le gouvernement, d'un rapport biennal sur l'application de la présente loi, qui s'appuiera sur les travaux de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale.

Cette formulation est dans la continuité de l'article 159 de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions.

Le rapport prévu ayant vocation à traiter de l'application de l'ensemble de la loi, on peut s'interroger sur le positionnement du présent article à la fin du titre Ier de ladite loi, et non à la fin de l'ensemble du dispositif.

*

La commission a adopté l'article 38 bis (nouveau) sans modification.

49 () Ajout du Sénat.

50 () On rappelle que d'après la statistique de la DARES citée dans l'exposé général du présent rapport, en 2003, trois ans après être sortis de ces dispositifs, 74 % des anciens titulaires de contrats initiative emploi avaient un emploi (non aidé), contre 49 % des anciens stagiaires SIFE et 38 % des ex-contrats emploi solidarité.

51 () Dans le rapport public 2002.

52 () Rapport public 2002.

53 () Voir le compte-rendu de cette étude dans la revue du « centre d'études de l'emploi, 5/2002, par Bernard Simonin.

54 () Il existe toutefois un cas de figure où, depuis 1998, la loi impose un volet formation dans les CES, celui du renouvellement de ces contrats dans les collectivités territoriales.

55 () On rappelle que la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 a significativement relevé les obligations de formation des entreprises. Les entreprises de dix salariés et plus devront désormais consacrer 1,6 % de la masse salariale à la formation, dont un versement de 0,2 % à un organisme paritaire collecteur agréé au titre du congé individuel de formation et 0,5 % au titre des contrats en alternance ; pour les petites entreprises, l'obligation globale sera de 0,55 % à partir de 2005, dont 0,15 pour l'alternance.

56 () Circulaire n° 90-30 du 6 juin 1990, BO Travail n°90/13.

57 () Décret n° 2004-300 du 29 mars 2004 relatif au contrat insertion-revenu minimum d'activité.

58 () DARES, Premières synthèses, 8/2004, n° 32.1.

59 () Cette durée relève du règlement et non de la loi, mais a cependant constitué un sujet important des débats parlementaires. Le gouvernement avait initialement envisagé de réserver le CI-RMA aux personnes bénéficiant du RMI depuis plus de deux ans.

60 () Le projet de loi RMI-RMA initial prévoyait une durée fixe de vingt heures. Les débats parlementaires l'ont transformée en une durée plancher.

61 () C'est-à-dire le montant forfaitaire dont est réduit pour cumul le RMI des personnes bénéficiant de l'aide personnalisée au logement (APL).

62 () En réalité, il y a un tout de même un certain différentiel de coût : le RMI étant une allocation différentielle (il est réduit des revenus propres des personnes), son montant est en moyenne un peu inférieur au plafond qui correspond au montant fixe de l'aide aux employeurs.

63 () L'ODAS a publié une première enquête sue la mise en œuvre du CI-RMA dans sa lettre de mai 2004.

64 () Un horaire hebdomadaire de 28 heures permet de valider quatre trimestres/an de retraite, même avec l'assiette sociale dérogatoire.

65 () Ces informations sont rappelées par la DARES dans une note consacrée aux « chômeurs créateurs d'entreprise en 2001-2002 » (Premières informations et premières synthèses, septembre 2003, n° 37.3).

66 () Circulaire DGEFP n° 2003-25 du 9 octobre 2003 relative au relèvement du plafond maximal de participation de l'Etat au financement des cellules de reclassement entreprise ou interentreprises.

67 () Il convient en effet de garder à l'esprit que tant les contrats à durée déterminée que les contrats de travail temporaires ne peuvent être conclus que dans un nombre de cas limitativement énumérés par la loi : le remplacement d'un salarié en cas d'absence ; l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; les emplois à caractère saisonnier ou certains emplois par nature temporaire, pour s'en tenir aux principaux cas (voir les articles L. 122-1-1 et L. 124-2-1 du code du travail).

68 () A savoir la directive communautaire 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 ayant défini la période nocturne comme toute période d'au moins sept heures, telle que définie par la législation nationale, comprenant en tout cas l'intervalle compris entre vingt-quatre heures et cinq heures. Il convient de rappeler que la France avait été condamnée, en 1991, par la cour de justice des communautés européennes dans l'arrêt Stoeckel, en raison de sa législation sur le travail de nuit des femmes.

69 () Loi  modifiant les articles 1er et 2 de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques et relative au recouvrement, par les institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage, des prestations de solidarité versées entre le 1er janvier et le 1er juin 2004 aux travailleurs privés d'emploi dont les droits à l'allocation de retour à l'emploi ont été rétablis.

70 () Conseil constitutionnel : n° 99-423 DC du 13 janvier 2000.

71 () Cf. article L. 132-19-1 inséré dans le code du travail par cette loi.

72 () La passation ou non d'un accord de méthode restant facultative.

73 () Voir « Liaisons sociales » du 4 novembre 2004.

74 () Paragraphe III de l'article L. 132-2-2 du code du travail.

75 () On reviendra plus loin sur la tentative avortée de modifier cette définition par l'article 107 de la loi de modernisation sociale précitée.

76 () Cf. en dernier lieu les remarques formulées par la commission dirigée par M. Michel de Virville.

77 () Le caractère substantiel de la modification est ainsi explicitement prévu non seulement à l'article L. 321-1 mais aussi aux articles L. 321-1-2 et L. 321-1-3 du code du travail.

78 () Annoncé par plusieurs arrêts depuis 1990 omettant la mention du terme « substantielle ». Pour un exemple, cf. Cass. Soc., 7 février 1990, n° 85-44.638, Bull. civ. V, n° 45.

79 () On rappellera que cette obligation ne s'applique qu'aux entreprises d'au moins cinquante salariés.

80 () Sur cette question, cf. par exemple l'article de M. Bernard Gauriau, « La jurisprudence dite « Framatome et Majorette » ne doit-elle pas être abandonnée ? », Droit social n° 4, avril 2004, pp. 375-378.

81 () Cf. sur le site de la Cour de cassation le calendrier de l'audience du 2 décembre 2003 sur l'affaire Société Aventis Pharma c./ CGT Aventis Pharma et autres qui précise que la Cour devra se prononcer sur le maintien de cette jurisprudence.

82 () Les modifications concerneront, par exemple, plus souvent une délocalisation de Paris à Vélizy qu'une délocalisation de Paris à Toulouse.

83 () Le Sénat ayant par une modification rédactionnelle souligné la nécessaire antériorité du refus.

84 () Le dispositif a pris fin le 30 juin 2001.

85 () Dans une réponse ministérielle à une question parlementaire, en date du 18 septembre 1957.

86 () Cour de cassation, chambre criminelle, 20 janvier 1981, De Creyssac.

87 () Cour de cassation, chambre sociale, 14 janvier 2003, SA Euridep.

88 () Cour de cassation, chambre sociale, 8 juillet 1997, Sté Plasco.


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