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le 26 novembre 2004

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N° 1935

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 novembre 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

- LE PROJET DE LOI n° 1772, autorisant l'approbation de l'accord international sur l'Escaut,

- LE PROJET DE LOI n° 1773, autorisant l'approbation de l'accord international sur la Meuse,

PAR M. PHILIPPE COCHET,

Député

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SOMMAIRE

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INTRODUCTION 4

I - LA SITUATION DE FAIT ET DE DROIT APPLICABLE
    AUX DEUX FLEUVES
5

A - LES POLLUTIONS AFFECTANT LA MEUSE ET L'ESCAUT 5

1) La Meuse 5

2) L'Escaut 6

B - UNE SITUATION JURIDIQUE INSATISFAISANTE 8

1) Les deux accords de Charleville-Mézières de 1994 8

2) La directive du 23 octobre 2000 en matière de politique de l'eau 9

II - LES DEUX ACCORDS DE GAND 11

A - DES RÈGLES DE COOPÉRATION SIMILAIRES 11

B - QUELQUES DIFFÉRENCES MINEURES
      ENTRE LES DEUX ACCORDS
12

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale est saisie de deux projets de loi autorisant respectivement l'approbation de l'accord international sur l'Escaut (n° 1772) et l'approbation de l'accord international sur la Meuse (n° 1773).

Ces deux accords, dont les stipulations sont quasi identiques, ont été signés le 3 décembre 2002 à Gand (Belgique). Ils définissent le cadre de la coopération internationale en matière de réduction des pollutions affectant les fleuves de la Meuse et de l'Escaut. Les deux projets de loi ont été déposés sur le bureau de notre Assemblée le 4 août 2004.

Le présent rapport présentera la situation de fait et de droit des deux fleuves transfrontaliers avant de présenter le contenu des deux accords dont l'approbation est aujourd'hui soumise à l'autorisation de l'Assemblée nationale.

I - LA SITUATION DE FAIT ET DE DROIT
APPLICABLE AUX DEUX FLEUVES

La Meuse et l'Escaut sont des fleuves internationaux. En matière de lutte contre la pollution, la coopération entre les Etats qu'ils traversent nécessite la conclusion de conventions internationales spécifiques. Celles-ci doivent désormais être compatibles avec le droit communautaire applicable dans le domaine de la politique de l'eau.

A - Les pollutions affectant la Meuse et l'Escaut

1) La Meuse

Fleuve international d'environ 950 kilomètres, la Meuse prend sa source en France sur le plateau de Langres à environ 450 mètres d'altitude. Elle se jette dans la mer du Nord après avoir traversé Verdun, Sedan, Charleville-Mézières en France ; à Namur (Belgique), elle reçoit la Sambre, son principal affluent avant de traverser Liège ; enfin, après Maastricht (Pays-Bas) elle s'écoule parallèlement au Rhin, qu'elle rejoint en partie dans son delta.

La partie française de la Meuse est de 500 kilomètres, la partie belge de 192 kilomètres et la partie néerlandaise est de 258 kilomètres. Le bassin versant, c'est-à-dire l'ensemble des territoires dont les eaux de ruissellement viennent alimenter la Meuse et ses affluents, couvre 36 000 km2, dont 10 000 en France, 13 500 en Belgique et 6 000 aux Pays-Bas. Une petite partie du bassin se trouve en territoire allemand.

Dans la partie française la densité de population globale du bassin est faible, tandis qu'elle est très élevée en Belgique et aux Pays-Bas. Le bassin comporte par ailleurs de nombreuses industries dans les secteurs suivants : agro-alimentaire, mécanique, papier, industrie lourde, métaux non ferreux et chimie. Dans le même temps, la Meuse constitue une source importante d'approvisionnement en eau potable pour 6 millions de personnes, ainsi qu'en eau à usage industriel.

La Meuse a une qualité d'eau qualifiée de "globalement moyenne". Ce diagnostic prend en compte de nombreux paramètres. Pour l'améliorer, il faudra progresser sur plusieurs fronts de pollutions : organique, azotée, phosphore, métaux, pesticides micropolluants, phytosanitaires. Autres points préoccupants : les dégradations physiques des cours d'eau qui altèrent lits et berges, la pollution des nappes souterraines par les nitrates, les sulfates, chlorures, solvants chlorés qui témoignent de la présence des industries potassiques en Alsace. La politique de réduction des phosphates dans les lessives, la meilleure collecte des rejets des habitants et surtout leur traitement au niveau des principales agglomérations donnent d'ores et déjà des résultats.

Depuis janvier 1997, un système d'avertissement et d'alerte a été mis en place. Il comprend 5 centres principaux d'alerte joignables 24 heures sur 24 et cinq stations de mesures en continu. Par ailleurs, les entreprises ont l'obligation de prévenir les services compétents de tout rejet accidentel.

2) L'Escaut

Fleuve international de 430 kilomètres, l'Escaut coule de Cambrai à Anvers. Il arrose Cambrai, Valenciennes, Condé, Tournan, Gand et Anvers où commence l'estuaire du fleuve. Le dénivelé entre la source du fleuve et son embouchure n'est que de 100 mètres ; son cours est presque entièrement canalisé et il est relié à un important maillage de canaux. Compte tenu du faible niveau d'écoulement de ces voies d'eau, les eaux de l'Escaut sont souvent stagnantes et le fleuve prend parfois l'aspect d'une succession d'étangs. Les marées remontent pour leur part jusqu'à 170 kilomètres de l'embouchure, ce qui contribue à la fragilité de l'équilibre écologique du fleuve.

Le bassin versant du fleuve est de 21 863 km2. La partie française est de 6 680 km2 , la partie wallonne de 3 785 km2 , la partie flamande de 9 375 km2 , la partie bruxelloise de 162 km2 et la partie néerlandaise de 1 859 km2. Ce bassin draine une population de plus de 10 millions d'habitants, ce qui en fait l'une des zones les plus denses de l'Union Européenne avec 500 habitants au km2.

Les principales activités économiques polluantes du bassin sont les suivantes : industries agro-alimentaires, papeterie, mécanique, textile et industrie chimique. De nombreux engrais chimiques aboutissent dans le fleuve par les eaux souterraines et le ruissellement. Les rejets urbains constituent également une source importante de pollution. Par ailleurs, l'activité du port d'Anvers génère un important trafic maritime et fluvial en aval du fleuve.

La Commission Internationale de l'Escaut (CIE) a élaboré un programme d'actions et a mis en place un réseau de mesures pour apprécier les résultats concrets de la coopération en faveur de l'Escaut. Le réseau est opérationnel depuis 1998. Les quatre parties concernées - France, Wallonie, Flandre et Pays Bas - se sont accordées sur les méthodes de prélèvements, d'échantillonnage et d'analyses.

Les stations de mesures, réparties de la source à l'embouchure, sont situées sur l'Escaut uniquement (aucune station sur les affluents). Le choix des stations de mesures a été effectué par chacune des parties, sur le tronçon de l'Escaut qui la concerne. Une mesure est effectuée toutes les quatre semaines. Le nombre des stations est réparti comme suit :

France : 3 ; Wallonie : 1 ; Flandre : 6 ; Pays-Bas : 4.

Positionnement des stations

graphique

Source : Agence de l'eau Artois - Picardie

B - Une situation juridique insatisfaisante

1) Les deux accords de Charleville-Mézières de 1994

Dans l'esprit de la convention d'Helsinki du 17 mars 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux, deux accords ont été conclus à Charleville-Mézières le 26 avril 1994 dans le but de protéger la Meuse et l'Escaut des pollutions. Compte tenu de la similitude des enjeux et de la proximité géographique des deux fleuves, la négociation de ces deux accords a été conduite de manière parallèle et elle a abouti à des textes quasi-identiques, signés le même jour.

L'accord concernant la Meuse et celui concernant l'Escaut ont été signés par cinq entités : la France, les Pays-Bas, la région de Bruxelles - Capitale, la région flamande et la région wallonne. L'accord relatif à la Meuse reconnaissait par ailleurs à l'Allemagne et au Luxembourg le statut d'observateurs. Le Royaume de Belgique n'était pas partie à ces deux accords, dans la mesure où depuis la révision constitutionnelle de 1993, les régions belges ont la capacité de conclure des conventions internationales dans leurs domaines de compétence, ce qui inclut la protection de l'eau et de l'environnement.

Ces deux accords définissent de manière précise la délimitation des deux bassins versants et fixent comme objectif le développement d'une coopération et d'une gestion coordonnée du bassin hydrographique transfrontalier. A cette fin, chaque accord institue une commission internationale, chargée notamment de veiller à la mise en œuvre des mesures de protection et de centraliser les informations relatives aux sources de pollution.

Soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat en 1997, ces deux accords ne sont entrés en vigueur que le 1er avril 2003 en raison de la lenteur des différentes parties à déposer leurs instruments de ratification. Il n'en demeure pas moins que la coopération des Parties aux deux accords a débuté de manière informelle dès leur signature.

L'adoption de la directive européenne du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau a conduit les Parties à renégocier les deux accords de 1994.

2) La directive du 23 octobre 2000 relative à la politique de l'eau

La directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau a été adoptée le 23 octobre 2000 et publiée au Journal Officiel des Communautés Européennes le 22 décembre 2000 (date d'entrée en vigueur). Elle étend la portée de la protection de l'eau à toutes les eaux (de surface, souterraines et côtières). Elle fixe en outre des objectifs clairs : toutes les eaux européennes doivent afficher un "bon état " d'ici 2015 et l'utilisation de l'eau doit être viable dans toute l'Europe. Ce nouveau système obligatoire est justifié par le fait qu'en Europe les ressources en eau font face à des pressions croissantes.

Ce texte constitue un tournant dans la politique communautaire de l'eau. Il met en place un dispositif complet pour la protection des eaux, selon une approche, des objectifs et des principes communs pour l'ensemble des Etats membres de l'Union Européenne, avec l'objectif d'atteindre d'ici 2015 un bon état des eaux superficielles et souterraines.

Pour atteindre cet objectif, la directive cadre fixe plusieurs principes d'action qui constituent la base de la politique de l'eau pour les décennies à venir : la gestion intégrée par district hydrographique, la planification et la programmation des actions, la prise en compte du principe de récupération des coûts liés à l'eau, l'information et la participation du public conformément aux stipulations de l'article 14 de la convention d'Aarhus (juin 2003).

Les accords de Charleville-Mézières présentaient des insuffisances sur trois points par rapport aux exigences introduites par la directive cadre :

-  l'objectif du bon état général des eaux de surface, côtières et souterraines d'ici 2015 ;

-  l'établissement d'un plan de gestion unique dans chaque district hydrographique international ;

-  l'obligation de consultation du public sur l'élaboration du plan de gestion.

Pour cette raison, de nouvelles négociations ont été ouvertes afin de remettre à niveau les accords relatifs au bassin de la Meuse et de l'Escaut. Elles ont abouti à la signature de deux accords à Gand (Belgique) le 3 décembre 2002 qui abrogeront les accords de Charleville-Mézières à leur entrée en vigueur.

II - LES DEUX ACCORDS DE GAND

L'accord international sur la Meuse a été signé le 3 décembre 2002 par les huit Gouvernements des Etats et régions de Belgique suivants : l'Allemagne, la France, la Belgique, la région de Bruxelles - Capitale, la région flamande, la région wallonne, le Luxembourg et les Pays-Bas. L'Allemagne et le Luxembourg, qui avaient précédemment le statut d'observateur, deviennent ainsi parties à l'accord. En outre, le Royaume de Belgique est partie à cet accord en raison de la référence à la directive communautaire sur l'eau qui relève de la compétence de l'Etat fédéral.

L'accord international sur l'Escaut, également signé le 3 décembre 2002, a pour sa part été conclu par six parties : la France, la Belgique, les régions de Bruxelles - Capitale, de Flandres et de Wallonie, ainsi que les Pays-Bas. Le Royaume de Belgique est ici partie à double titre : sa compétence générale dans le domaine de l'élaboration et de la mise en œuvre du droit communautaire et sa compétence en matière de gestion des eaux côtières.

Dans le cours des négociations, plusieurs délégations ont souhaité que l'accord relatif à la Meuse et celui relatif à l'Escaut soient similaires dans leur rédaction. La France ne s'y est pas opposée, même si les deux bassins présentent d'importantes différences. Ces deux accords mettent donc en place des mécanismes de coopération internationale semblables dans leurs principes, à quelques exceptions près.

A - Des règles de coopération similaires

L'objectif des deux accords, qui visent tous deux la directive cadre du 23 octobre 2000, est de parvenir à une gestion durable et intégrée de l'eau des deux districts hydrographiques de la Meuse et de l'Escaut. A cette fin, ils prévoient la coopération des parties dans les domaines suivants :

-  la mise en œuvre coordonnée de la directive - cadre européenne ;

-  la préparation d'un plan de gestion des deux districts hydrographiques ;

-  l'amélioration de la prévention et de la lutte contre les inondations ;

-  la prévention et la lutte contre les pollutions accidentelles.

Cette coopération se fonde sur les principes de précaution, de prévention, de lutte contre les atteintes à l'environnement à la source et du principe de pollueur-payeur.

Deux commissions ad hoc, la Commission internationale de la Meuse et de l'Escaut, succèdent aux commissions existantes prévues par les accords de Charleville-Mézières. Elles sont chargées de la mise en œuvre des accords de Gand et elles peuvent formuler des recommandations aux parties. Les décisions y sont prises à l'unanimité. Chaque commission est dotée d'une présidence tournante. La Commission internationale de la Meuse aura son siège à Liège et celle relative à l'Escaut à Anvers.

Les deux accords intègrent en outre les exigences de la convention d'Aarhus en matière d'information et de participation du public. Ils confèrent ainsi aux organisations non gouvernementales dont les intérêts sont en relation avec la protection de l'eau et de l'environnement le statut d'observateurs au sein des deux Commissions internationales.

Le coût de fonctionnement de chaque commission est à la charge des parties. Il est calculé selon une clé de répartition en fonction de la superficie et du nombre d'habitants de chaque Etat partie. La Commission peut, en cas d'adhésion ultérieure, de retrait d'une partie contractante ou d'activités spécifiques, arrêter une clé de répartition différente.

Dans le cas de la Commission internationale de la Meuse, l'élargissement de l'accord au Luxembourg et à l'Allemagne fait passer la part française de 16 à 15 %. Pour information, le budget 2004 de la Commission existante est de 409 907 euros et la part de la France s'élève à 61 486,12 euros. Pour le projet de budget 2005, 416 200 euros sont prévus et la part de la France s'élèverait à 62 430 euros.

Dans le cas de la Commission internationale de l'Escaut, l'application de l'accord à l'ensemble du bassin versant accroît la superficie et la population relevant de la France. Sa part passe ainsi de 30 à 40 %. Pour 2004, le budget de la Commission existante est de 370 096 euros et la part française de 111 028 euros. Pour le projet de budget 2005, 371 700 euros sont prévus et la part de la France passerait à 148 680 euros.

Enfin, dans les deux accords, le règlement des différends s'effectue par la voie de la négociation.

B - Quelques différences mineures entre les deux accords

Il y a tout d'abord une différence entre les parties signataires et les clés de répartition retenues pour le financement de chaque Commission internationale. L'accord sur la Meuse concerne ainsi, outre les parties françaises, belges et néerlandaises, l'Allemagne et le Luxembourg.

La nature du district hydrographique retenu par chaque accord diffère. Dans le cas de la Meuse, le district correspond strictement au bassin du fleuve. Dans le cas de l'Escaut, il a été étendu à plusieurs fleuves côtiers, ainsi qu'aux canaux reliant le fleuve à la mer.

Enfin, en raison de la moindre expérience de la Commission de l'Escaut en matière de prévention et de protection contre les inondations, il a été prévu une phase de concertation préalable à la mise en place de mesures opérationnelles, qui ne figure pas dans le nouvel accord relatif à la Meuse.

CONCLUSION

Les deux accords internationaux sur la Meuse et sur l'Escaut devraient entrer en vigueur dès l'année prochaine. Les procédures de ratification sont terminées ou sont sur le point d'aboutir dans chacun des Etats parties. Il importe donc de ne pas retarder l'entrée en vigueur des deux accords, afin de nous conformer aux objectifs de la directive cadre européenne en matière de politique de l'eau. Pour ces raisons, votre Rapporteur propose à la Commission d'adopter les présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné les présents projets de loi au cours de sa réunion du mardi 23 novembre 2004.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté les deux projets de loi (nos 1772 et 1773).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Le texte des accords internationaux figure en annexe à chacun des projets de loi (nos 1772 et 1773).

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N° 1935 - Rapport sur les projets de loi autorisant l'approbation de l'accord international sur l'Escaut et autorisant l'approbation de l'accord international sur la Meuse


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