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le 10 décembre 2004

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N° 1969

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er décembre 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI (n° 1741)
portant statut général des militaires,

PAR M. Guy TEISSIER,

Député.

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S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 13

I. -  PERSPECTIVE HISTORIQUE DU RÉGIME JURIDIQUE DES MILITAIRES 15

A. LA « VIEILLE ARMÉE » 15

1. De la Révolution à l'Empire 15

2. La monarchie constitutionnelle 16

3. La deuxième République 17

4. Le second Empire 17

B. LA NATION EN ARMES 18

1. La troisième République 18

2. De la seconde guerre mondiale à la décolonisation 19

3. Le statut de 1972 20

II. -  UNE RÉVISION DU STATUT DEVENUE NÉCESSAIRE 23

A. LES CONSÉQUENCES DE LA PROFESSIONNALISATION 23

1. Les conséquences mécaniques 23

2. Les enseignements des années de transition 24

3. Les contacts nouveaux du militaire professionnel 24

4. La fin du dualisme entre appelés et professionnels 25

5. L'accroissement du nombre de contractuels 26

B. LES ÉVOLUTIONS DU MÉTIER MILITAIRE 26

1. Une technicité croissante 26

2. La transformation des missions 27

C. LES ÉVOLUTIONS DE LA SOCIÉTÉ ET DU MILITAIRE DANS LA SOCIÉTÉ 27

1. La place et l'image des armées 27

2. L'institution militaire au regard de l'évolution du droit 28

D. LES LIMITES DES TEXTES ACTUELS 29

1. Poursuivre la démarche de regroupement des textes 29

2. Dépoussiérer les dispositions désuètes ou inapplicables 29

3. Harmoniser les régimes juridiques en Europe 30

III. -  UNE ADAPTATION SANS BOULEVERSEMENT 33

A. LA RÉAFFIRMATION DE L'IDENTITÉ MILITAIRE 33

1. Les droits civils et politiques 33

2. La vie privée 34

3. La vie publique 34

B. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES MILITAIRES 35

1. Une meilleure imputabilité des blessures au service 35

2. Une rationalisation du régime disciplinaire 36

3. Une amélioration de la protection juridique des militaires 36

4. Une intégration de la concertation dans le statut 37

C. L'ADAPTATION DES RÈGLES STATUTAIRES DE GESTION 38

1. Une modernisation de la gestion des militaires 38

2. Une nécessaire adaptation des limites d'âge 38

3. Une profonde révision de la gestion des officiers généraux 39

4. Un meilleur accompagnement du retour à la vie civile 40

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I. -  AUDITIONS 41

A. M. RENAUD DENOIX DE SAINT MARC, VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ETAT 41

B. MME MICHÈLE ALLIOT-MARIE, MINISTRE DE LA DÉFENSE 49

II. - EXAMEN DES ARTICLES 57

PREMIÈRE PARTIE DISPOSITIONS STATUTAIRES 57

Article 1er 57

Missions de l'armée et caractéristiques de la fonction militaire 57

Article 2 61

Catégories concernées par le statut, conditions de fixation des statuts particuliers militaires 61

TITRE 1ER DROITS ET OBLIGATIONS 63

Chapitre Ier 63

Exercice des droits civils et politiques 63

Article 3 63

Droits et libertés des militaires 63

Article 4 64

Liberté de conscience, d'opinion, d'expression et d'information 64

Article 5 67

Exercice de certains droits civils et politiques 67

Avant l'article 6 68

Article 6 68

Droits incompatibles avec l'état militaire 68

Article 7 71

Sujétions particulières à l'état militaire 71

Chapitre II 72

Obligations et responsabilités 72

Article 8 72

Devoir d'obéissance et responsabilité 72

Après l'article 8 73

Article 9 73

Interdiction d'exercice d'une activité privée lucrative 73

Chapitre III 74

Rémunération, garanties et couverture des risques 74

Section 1 74

Rémunération 74

Article 10 74

Modalités de rémunération 74

Section 2 77

Garanties et couverture des risques 77

Article 11 77

Régimes de pension et de prestations sociales, droit au service de santé des armées 77

Article 12 78

Affiliation à des fonds de prévoyance et modalités de fonctionnement de ces fonds 78

Article 13 79

Attribution d'un revenu de remplacement en cas de privation involontaire d'emploi 79

Article 14 80

Dossier individuel 80

Section 3 80

Protection juridique et responsabilité pénale 80

Article 15 80

Protection juridique 80

Article 16 81

Responsabilité pénale 81

Article 17 82

Recours à la force en zone de défense hautement sensible et en opérations extérieures 82

Avant l'article 18 85

Chapitre IV 85

Les organismes consultatifs 85

Article 18 85

Architecture de la concertation 85

TITRE II DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES AUX DÉROULEMENTS DES CARRIÈRES 88

Chapitre Ier 88

Hiérarchie militaire 88

Article 19 88

Hiérarchie et grades militaires 88

Chapitre II 90

Recrutement 90

Section 1 90

Dispositions communes 90

Article 20 90

Conditions de recrutement des militaires 90

Section 2 91

Dispositions applicables aux militaires de carrière 91

Article 21 91

Militaires de carrière 91

Article 22 92

Recrutement des officiers de carrière 92

Article 23 93

Admission à l'état de sous-officier de carrière 93

Section 3 95

Dispositions applicables aux militaires servant en vertu d'un contrat 95

Sous-section 1 95

Dispositions communes 95

Article 24 95

Militaires ne relevant pas de la catégorie des militaires de carrière 95

Article 25 97

Militaires sous contrat 97

Article 26 98

Militaires étrangers sous contrat 98

Sous-section 2 99

Dispositions particulières 99

Article 27 99

Recrutement initial des officiers sous contrat 99

Article 28 100

Engagés 100

Article 29 100

Militaires commissionnés 100

Article 30 101

Volontaires 101

Article 31 103

Volontaires stagiaires du service militaire adapté 103

Chapitre III 104

Changements d'armée ou de corps 104

Article 32 104

Changement de corps ou d'armée et permutation de corps 104

Chapitre IV 104

Nomination 104

Article 33 104

Procédures de nomination 104

Article 34 105

Nominations à titre temporaire 105

Chapitre V 106

Notation 106

Article 35 106

Périodicité et modalités de la notation 106

Chapitre VI 106

Avancement 106

Article 36 106

Conditions de promotion 106

Article 37 107

Modalités d'avancement à l'ancienneté 107

Article 38 107

Modalités de l'avancement au choix 107

Article 39 108

Dispositions diverses relatives à l'avancement 108

Chapitre VII 108

Discipline 108

Article 40 108

Classification des sanctions, règles de cumul des sanctions et droits de la défense 108

Article 41 109

Echelle des sanctions disciplinaires 109

Article 42 111

Consultation préalable d'un conseil avant le prononcé de certaines sanctions 111

Article 43 111

Autorités prononçant les sanctions 111

Article 44 111

Régime de la suspension 111

Chapitre VIII 112

Positions statutaires 112

Article 45 112

Positions statutaires des militaires 112

Section 1 114

Activité 114

Article 46 114

Caractéristiques de la position d'activité 114

Article 47 115

Congé de maladie 115

Article 48 115

Congé pour maternité, paternité, ou d'adoption 115

Article 49 115

Permission et congé de fin de campagne 115

Article 50 115

Congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie 115

Section 2 116

Détachement 116

Article 51 116

Principes généraux du détachement 116

Article 52 117

Réintégration du militaire détaché 117

Section 3 117

Hors cadre 117

Article 53 117

Position hors cadre 117

Section 4 118

Non activité 118

Article 54 118

Caractéristiques de la position de non-activité 118

Article 55 118

Congé de longue durée pour maladie 118

Article 56 119

Congé de longue maladie 119

Article 57 120

Congé parental 120

Article 58 121

Congé de présence parentale 121

Article 59 121

Retrait d'emploi 121

Article 60 121

Congé pour convenances personnelles 121

Article additionnel après l'article 60 122

Définition de la position de retraite 122

Article additionnel après l'article 60 122

Congé spécial 122

Article additionnel après l'article 60 122

Calcul de la pension de retraite des lieutenants-colonels et colonels 122

Chapitre IX 122

Dispositifs d'accès à la fonction publique civile 122

Article 61 122

Réussite à un concours administratif 122

Article 62 123

Accès à la fonction publique sans concours 123

Article 63 124

Emplois réservés 124

Article 64 125

Modalités d'intégration d'une fonction publique 125

Chapitre X 125

Dispositifs d'aide au départ 125

Section 1 125

Dispositions communes 125

Article 65 125

Reconversion 125

Article 66 127

Congé du personnel navigant des personnels blessés en service 127

Après l'article 66 127

Section 2 127

Dispositions applicables aux militaires de carrière 127

Article 67 127

Congé du personnel navigant des militaires de carrière 127

Article 68 128

Pécule 128

Article 69 129

Disponibilité 129

Section 3 129

Dispositions applicables aux militaires servant en vertu d'un contrat 129

Article 70 129

Congé du personnel navigant des militaires sous contrat 129

Article 71 130

Prime de fin de contrat 130

Chapitre XI 130

Cessation de l'état militaire 130

Article 72 130

Définition de la fin de l'état militaire 130

Article 73 130

Démission et résiliation du contrat 130

Article 74 131

Cessation d'office de l'état militaire 131

Après l'article 74 132

Article 75 132

Caractère législatif des mesures de radiation des cadres 132

TITRE III DISPOSITIONS PARTICULIÈRES 133

Chapitre Ier 133

Les officiers généraux 133

Avant l'article 76 133

Article 76 133

Première et deuxième sections 133

Article 77 134

Disponibilité spéciale 134

Article 78 134

Admission en deuxième section 134

Article 79 135

Dispositions applicables aux officiers généraux de deuxième section 135

Article 80 135

Cas particulier du maintien en première section 135

Article 81 135

Avancement hiérarchique dans la deuxième section 135

Article 82 136

Dérogations au régime disciplinaire applicable aux généraux 136

Chapitre II 136

Militaires servant à titre étranger 136

Article 83 136

Dispositions générales relatives aux militaires servant à titre étranger 136

Article 84 136

Caractéristiques du contrat souscrit à titre étranger 136

Article 85 137

Officier étranger devenant français 137

Article additionnel après l'article 85 137

Autorisation par le ministre des mariages et pactes civils de solidarité pour les militaires servant à titre étranger 137

Chapitre III 138

Militaires servant au titre de la réserve 138

Article 86 138

Dispositions applicables aux réservistes 138

Chapitre IV 138

Fonctionnaires en détachement servant en qualité de militaire 138

Article 87 138

Dispositions applicables aux fonctionnaires servant en qualité de militaires 138

TITRE IV DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES 139

Article 88 139

Diverses dispositions transitoires 139

Article 89 141

Limites d'âge 141

Article 90 143

Evolution progressive des limites d'âge 143

Article 91 144

Abrogation de diverses lois 144

DEUXIÈME PARTIE DISPOSITIONS DIVERSES 145

Article 92 145

Identification des militaires décédés en opération par leurs empreintes génétiques 145

Après l'article 92 145

Article 93 145

Participation des militaires aux jurys d'assises 145

Article 94 146

Ouverture du droit à pension de retraite pour les militaires engagés radiés des cadres par suite d'infirmités 146

Article 95 147

Modification des règles d'imputabilité au service des blessures et protection des magistrats participant à une opération extérieure 147

Article 96 149

Extension de certaines dispositions du code des pensions militaires d'invalidité aux militaires participant à des opérations extérieures 149

Article 97 150

Création d'un bureau d'enquête pour les accidents terrestres et les événements en mer 150

Article 98 151

Renvoi du code du service national au statut général des militaires pour les dispositions relatives aux volontaires 151

Article 99 152

Application des articles 92 et 93 aux collectivités d'outre-mer 152

TABLEAU COMPARATIF 155

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 279

INTRODUCTION

Les règles de droit particulières qui s'appliquent aux militaires constituent un enjeu essentiel dans l'organisation de l'Etat, tant la place des armées dans l'ensemble de la société revêt une importance éminente dans l'histoire du pays. Depuis la Révolution de 1789, l'histoire nationale est riche d'épisodes, la plupart douloureux, qui ont guidé l'instauration et l'évolution de ces règles.

L'état de militaire ainsi que les droits et sujétions qui l'accompagnent sont régis depuis trente-deux ans par la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires. En trente ans, la société a beaucoup évolué. La fin du vingtième siècle a vu la chute du mur de Berlin et la réconciliation de l'Europe, divisée par une guerre froide durant plusieurs décennies.

Tirant la leçon des évolutions de la société et de l'environnement géostratégique, le Président de la République décidait, les 22 février et 28 mai 1996, de professionnaliser les armées et de suspendre la conscription. La loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997, portant réforme du service national, a profondément modifié l'organisation de la défense du pays. La nature du lien entre la Nation et ses armées s'est trouvée modifiée et a fait apparaître des enjeux nouveaux, tels ceux du recrutement et de la fidélisation du personnel militaire.

Cette situation nouvelle a conduit le chef de l'Etat à souhaiter que soient examinées les modifications à apporter à l'ensemble des règles régissant le statut des personnels militaires, de manière à prendre en compte les évolutions de la société tout en préservant les caractéristiques essentielles de l'état militaire, condition de son efficacité et expression de sa spécificité.

En octobre 2002, le Premier ministre a souhaité que soit engagée une réflexion sur la place des militaires dans la société et que soient examinées les modifications à apporter à leur statut. Une commission de révision du statut général des militaires a été constituée, en décembre 2002, sous la présidence de M. Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d'Etat. Composée de responsables civils et militaires du ministère de la défense et de personnalités extérieures, cette commission a rendu, le 24 octobre 2003, un rapport qui a plus particulièrement porté sur les droits civils et politiques des militaires, sur la concertation au sein de l'institution militaire, sur les protections et garanties accordées aux personnels et sur les règles statutaires de gestion d'une armée entièrement professionnelle. Les conclusions de ce rapport ont reçu un avis favorable, à l'unanimité, du conseil supérieur de la fonction militaire. Le projet de loi relatif au statut des militaires, tout en restant fidèle aux principes généraux édictés par le statut de 1972, s'inspire largement des travaux de cette commission.

En accord avec les principes rappelés par la commission de révision du statut général des militaires, la réforme doit être menée dans le respect des principes élémentaires intangibles qui conditionnent l'efficacité des forces armées et garantissent l'unicité de l'état militaire. Dans une armée désormais composée à parts à peu près égales de militaires de carrière et de militaires sous contrat, le rapprochement statutaire entre ces deux catégories de personnels apparaît indispensable.

La réforme doit également s'attacher à supprimer les archaïsmes et les dispositions inapplicables en matière de droit civils et politiques, ainsi qu'à favoriser la participation des militaires à la vie de la cité. Dans la mesure où les forces armées participent de plus en plus activement à des missions opérationnelles à l'étranger, le législateur doit satisfaire les attentes fortes en matière de protection et de garanties juridiques, au regard des risques encourus par les personnels dans l'exercice de leur métier.

La réforme du statut général des militaires doit également s'attacher à moderniser les règles de gestion des personnels, à travers la recherche de limites d'âge plus simples et plus rationnelles et la disparition progressive de pratiques discutables en matière de promotion des officiers généraux.

S'il veut à la fois conforter la place des militaires dans la société et renforcer la cohésion des forces, le législateur devra en permanence rechercher un double équilibre : d'une part entre les aspirations individuelles et les besoins des armées, d'autre part entre les obligations des personnels et leurs contreparties.

I. -  PERSPECTIVE HISTORIQUE DU RÉGIME JURIDIQUE DES MILITAIRES

La loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires a procédé à l'abrogation de cinquante-trois textes de natures diverses, les plus anciens ayant été adoptés sous le premier Empire. C'est dire les racines historiques des règles applicables aux militaires jusqu'en 1972 et dont certaines ont été reprises alors, au moins dans leur esprit. Si, juridiquement, certaines de ces normes ont été abrogées, les principes qui les sous-tendent n'en continuent pas moins d'irriguer la philosophie du régime juridique des militaires. Rien ne serait donc plus dommageable, pour la perpétuation des valeurs qui ont fait, et font encore, l'identité des militaires, que de les ignorer dans la réflexion qui tendrait à les adapter à la société contemporaine.

A. LA « VIEILLE ARMÉE »

1. De la Révolution à l'Empire

Selon des modalités diverses, mais assez peu différentes quant au fond, le législateur s'efforce, durant cette période, de favoriser l'exercice des droits politiques par les militaires, notamment le droit de vote et l'éligibilité, considérés comme une juste récompense pour ceux qui risquent leur vie pour la patrie.

Toutefois, la volonté de transformer les militaires en citoyens de droit commun se heurte, dès 1790, à la tentation d'établir pour eux un régime spécial, par crainte de les voir abuser de leur supériorité. Néanmoins, l'économie générale des règles de droit est à la reconnaissance de la qualité de citoyen du soldat. Dans les faits, en raison des rapides changements intervenus au cours des années 1791 à 1793, les militaires n'ont guère l'occasion de mettre en œuvre leurs droits nouveaux.

Sans remettre formellement en cause les principes définis quelques années plus tôt, plusieurs dispositions restreignent l'exercice d'activités politiques par les militaires à partir du Directoire. Ainsi, des incompatibilités géographiques entre le lieu du service armé et le lieu où le militaire peut voter apparaissent et deviennent de plus en plus contraignantes. La loi du 18 ventôse an V suspend même le droit de vote des militaires en activité. En revanche, la loi du 3 germinal an V constitue le premier texte législatif destiné à protéger la carrière du militaire investi d'un mandat électif : sans perdre sa situation, il se voit interdire toute activité militaire pendant son mandat, son seul revenu étant celui de membre du Corps législatif.

2. La monarchie constitutionnelle

Dans les années qui suivent la chute de l'Empire, l'armée est dénigrée. Survivant d'un monde qui s'est écroulé, le militaire apparaît comme le représentant d'un métier peu attractif et peu considéré, sur lequel ne repose plus le sort de la Nation. L'armée symbolise alors les idéaux révolutionnaires et l'Empire, considérés par certains comme un repoussoir, par d'autres comme un secret idéal. En tout état de cause, elle ne constitue pas une préoccupation première dans la vie nationale. Son inutilité et les charges qu'elle fait peser sur le budget sont mises en avant par une large fraction de la société, persuadée que l'Europe est, pour longtemps, dégoûtée de toute perspective d'affrontement guerrier.

Les sentiments à l'égard de l'armée évoluent progressivement à mesure qu'elle retrouve du panache, notamment dans la conquête de l'Algérie. Les années mouvementées qui suivent les journées de juillet 1830 contribuent aussi à changer sa perception dans les milieux conservateurs. Régulièrement sollicitée pour réprimer les révoltes, l'armée s'impose peu à peu comme la garante de la défense du régime établi et du maintien de l'ordre social.

Les règles particulières aux militaires dans l'exercice de leurs droits politiques connaissent peu d'évolution durant cette partie de la première moitié du dix-neuvième siècle, même si des valeurs essentielles, inspirées du modèle prussien, commencent à s'affirmer. Deux lois importantes sont pourtant adoptées : la loi Gouvion-Saint-Cyr du 10 mars 1817, relative au recrutement et à l'avancement, dont l'essentiel sera repris par la loi Soult du 14 avril 1832, et surtout la loi du 19 mai 1834 sur l'état de l'officier qui distingue, pour la première fois, l'emploi et le grade. La participation des militaires à la vie politique du pays se trouve réduite au strict minimum, ce qui correspond aux attentes des intéressés, à la recherche de la cohésion indispensable à l'efficacité de tout corps armé.

Ainsi se développe, à l'écart du reste du corps social, une morale militaire reposant sur quelques principes fondamentaux. Apparaissent le culte du règlement et la mystique de la discipline, avec leur corollaire, l'obéissance passive envers le commandement. Les conséquences d'une telle perception de l'état militaire s'imaginent aisément : formalisme extrême lié à tout rejet d'initiative personnelle et atonie intellectuelle qui refuse toute activité de l'esprit quand elle ne la méprise pas.

Si l'ensemble de ces principes apparaît, aujourd'hui, comme un carcan extraordinaire pour le militaire en tant qu'individu, des rapports nouveaux entre l'armée et le pouvoir civil émergent. L'armée devient l'instrument soumis des décisions du pouvoir politique, revendiquant neutralité et passivité politiques. Ainsi, l'institution militaire n'est à l'origine d'aucun des bouleversements politiques de la première moitié du dix-neuvième siècle, ce qui lui permet d'échapper aux divisions et de rester à l'abri des passions.

3. La deuxième République

L'année 1848 marque un tournant décisif pour la place des armées au sein de la Nation. Appelée pour réprimer les mouvements révolutionnaires du mois de juin, l'armée cristallise contre elle les rancœurs et les haines de ceux qui aspirent à un bouleversement de l'ordre établi. Ainsi va se développer dans une partie de la population un mouvement antimilitariste qui ira croissant sous le second Empire.

Pour sa part, l'armée vit douloureusement la chute de la monarchie de juillet et subit même les effets d'une épuration menée par le gouvernement provisoire. Cette période, malgré sa brièveté, constitue une source d'enseignement des plus riches. Par le décret du 5 mars 1848, les militaires se voient reconnaître un droit de vote sans restriction dans le cadre du tout nouveau suffrage universel. La loi électorale du 15 mars 1849 organise le vote au sein des corps de troupe. Reconnus éligibles, les militaires sont privés de leur solde s'ils sont élus, mais les officiers peuvent continuer à bénéficier de l'avancement à l'ancienneté pendant l'exercice de leur mandat.

Les élections de mai 1849 mettent toutefois en évidence les inconvénients de l'exercice de ces droits. La propagande des différents partis, y compris les plus extrémistes, se répand dans les casernes tandis que des « candidats de l'armée » sont désignés. Le commandement est pris de court par les événements. De simples soldats ou des sous-officiers devancent leurs supérieurs, candidats dans la même circonscription. Ainsi, à Paris, le sergent-major Boichot est élu avec 2 000 voix d'avance sur le maréchal Bugeaud et 6 000 sur le général Lamoricière. Les troubles du 13 juin 1849, sévèrement réprimés par la force, démontrent toutefois que le principe d'obéissance développé au cours de la période précédente n'a pas disparu. La reprise en main de la troupe et le durcissement de la discipline, conjugués à la volonté de poursuivre toute propagande politique au sein de l'institution militaire, conjurent le risque d'insubordination de l'armée à l'égard du pouvoir civil et de remise en cause de l'ordre social.

4. Le second Empire

Ayant utilisé l'armée pour son installation, le futur empereur sollicite aussi le vote de celle-ci pour le plébiscite des 20 et 21 décembre 1851. L'histoire du second Empire atteste cependant que les militaires retournent rapidement à leur rôle d'exécutants passifs des ordres du pouvoir exécutif, les responsables militaires étant écartés de tous les grands choix politiques. L'épisode n'est toutefois pas sans conséquence sur la perception de l'armée dans le pays, ce qui induit, pour une longue période, une méfiance latente de la population envers les militaires, en raison du risque qu'ils pourraient faire peser sur les institutions, surtout lorsqu'elles seront devenues démocratiques, quelques décennies plus tard.

Sur le plan des droits politiques, les militaires ne bénéficient pas de mesures particulièrement favorables de la part du nouvel empereur. Si la Constitution du 14 janvier 1852 n'établit pas de régime électoral particulier pour les militaires, un décret du 2 février 1852 leur interdit d'accomplir leur devoir électoral sur leur lieu de garnison, les obligeant à voter dans leur commune d'origine, ce qui prive la plupart d'entre eux du droit de vote. Le vote en garnison reste possible dans le seul cas des plébiscites.

Eligibles, comme sous la deuxième République, les militaires doivent abandonner leurs activités dans l'armée pour siéger au Parlement ou dans un conseil municipal. Ils sont donc peu nombreux à se lancer dans une carrière politique, au sein d'assemblées par ailleurs sans grand pouvoir.

Durant la période qui s'étend de la Révolution française à la fin du second Empire et qui dure presque un siècle, les militaires n'ont pleinement exercé leurs droits politiques que pendant la brève durée de la deuxième République. Faut-il conclure à l'existence d'une corrélation entre l'exercice des droits politiques par les militaires et leur propension à influer directement sur le cours des institutions ? Une réponse négative semble s'imposer. D'abord, parce que les débats parfois violents survenus dans les casernes, en 1849, firent plutôt craindre l'émergence de mouvements révolutionnaires et que la réaction de 1851 se fixa comme objectif le retour à un ordre stable ; ensuite, parce que les officiers choisis pour leur ralliement au projet de coup d'Etat de 1851 venaient principalement d'Algérie, où le débat politique n'avait pas la même vigueur qu'en métropole.

B. LA NATION EN ARMES

1. La troisième République

La défaite de 1870 et la chute du second Empire conduisent les institutions nouvelles à imposer un retour à l'obéissance passive de la troupe et à la neutralité stricte du personnel de carrière. Malgré l'emphase de certains débats sur les lois militaires en 1872 et 1873, qui placent en exergue la force de l'armée et les bienfaits qu'elle doit apporter à la jeunesse, les faits conduisent à revenir aux principes affirmés depuis un demi-siècle.

La loi du 27 juillet 1872 sur le recrutement énonce sèchement dans son article 5 : « les hommes sous les drapeaux ne prennent part à aucun vote ». Cette disposition est reprise dans la loi électorale de 1875 et n'est pas remise en question lors des débats survenus à l'occasion des lois sur le recrutement en 1905, 1913 et 1928. L'éligibilité n'est pas affectée par la loi de 1872. En revanche, la loi électorale du 30 novembre 1875 interdit aux militaires de se porter candidats à la Chambre des députés, la loi du 9 décembre 1884 étendant l'interdiction aux élections sénatoriales, sauf pour les maréchaux et amiraux de France. La loi du 5 avril 1884 instaure une interdiction pure et simple de candidature à un mandat municipal. Enfin, la loi du 13 juillet 1891 exclut les militaires de tout mandat à un conseil d'arrondissement ainsi qu'à un conseil général. Seule, la candidature au mandat de Président de la République leur reste ouverte.

La volonté de briser une trop grande autonomie de l'armée se traduit par des mesures spectaculaires dans son organisation : le choix de l'avancement des officiers supérieurs est soustrait aux généraux en 1899, un service militaire totalement universel est mis en place en 1905, l'ordre de préséance est modifié par un décret de 1906 au profit du pouvoir civil. L'épuration d'officiers « antidreyfusards » et tièdes républicains découle de la même logique.

Le paradoxe ne peut manquer d'être relevé entre la situation très contrainte des militaires, pendant les premières décennies de la troisième république, et le véritable culte dont est l'objet l'armée comme moyen de « revanche » contre l'Allemagne. Lorsque les crises internationales se succèdent à partir de 1905, la ferveur envers l'armée retrouve rapidement de sa vigueur, au fur et à mesure que la menace de guerre se rapproche. L'unanimité qui se dégage en 1914 donne un caractère relatif aux divisions et polémiques comme aux professions de foi antimilitaristes.

A partir de 1907, ce sont les officiers eux-mêmes qui mènent des actions vigoureuses de revendications, révélatrices de l'intérêt porté à la vie politique par la communauté militaire. La première tentative de modification de la législation en matière de droit de vote vient d'une proposition de loi déposée le 25 octobre 1910. La frustration atteint son paroxysme lorsque la Chambre des députés se prononce en faveur du vote des femmes le 20 mai 1919. Deux arguments sont avancés pour étayer la revendication de ce droit par les militaires : l'intégration de l'armée dans la Nation pour assurer la stabilité de la démocratie, mais aussi la défense des intérêts matériels des militaires. La logique n'est pourtant pas conduite à son terme et le droit de vote n'est pas étendu aux militaires.

Au lendemain de la première guerre mondiale, on assiste à un retour des clivages anciens sur le rôle de la force armée dans la société. Une liberté d'expression accrue permet toutefois la participation de militaires à l'analyse de la stratégie de défense du pays et se concrétise par la parution d'ouvrages signés d'officiers en activité.

2. De la seconde guerre mondiale à la décolonisation

La seconde guerre mondiale déchire la communauté militaire entre la légalité de l'obéissance à un pouvoir établi, même dans des conditions incertaines, et la légitimité de la désobéissance guidée par le refus du déshonneur. Les arguments développés au début du siècle, sans être vraiment réexaminés, conduisent à l'ordonnance du 17 août 1945 qui restitue aux militaires le droit de vote, dans des conditions identiques à celles de tous les citoyens, et l'éligibilité, avec quelques restrictions. Le principe d'incompatibilité entre service actif et exercice de tout mandat électoral est posé.

Le contexte de la Libération, caractérisé par le souffle de la construction d'une démocratie sociale, explique aisément cette évolution. S'y ajoute le fait que les vainqueurs sont les militaires qui ont fait le choix de la désobéissance au pouvoir en place, au profit d'une norme supérieure, le respect des principes démocratiques et de l'indépendance nationale. Ils ne peuvent donc demeurer des citoyens diminués.

L'octroi de ces droits, qui constitue incontestablement un progrès dans la satisfaction d'une aspiration profonde, n'est pas prolongé par l'aménagement d'autres domaines, notamment du droit d'expression ou d'adhésion à un parti politique. Seules, quelques mesures interviennent, essentiellement pour faciliter l'exercice du droit de vote ou l'éligibilité. Ainsi, la loi du 29 décembre 1954 et l'ordonnance du 23 décembre 1958 accroissent les facilités avant l'élection, pendant et après l'exercice du mandat. Elles préservent également les droits à avancement, ancienneté et à réintégration des intéressés. L'ordonnance du 20 octobre 1958 facilite l'exercice du droit de vote des militaires par procuration ou par correspondance.

Des fractures secouent violemment les armées dans un conflit atypique, la guerre d'Algérie, lourde de menaces sur la cohésion et le rôle des armées au sein de la Nation. A deux reprises, en 1958 et 1961, l'institution militaire se trouve en opposition violente avec le pouvoir politique, ce qui laisse de durables séquelles. Le mutisme et le conformisme qui lui sont imposés à partir de 1962 expliquent à la fois l'effacement des armées et leur nouvelle soumission au pouvoir politique.

3. Le statut de 1972

Les règles auxquelles sont aujourd'hui soumis les militaires sont fixées pour l'essentiel par la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, complétée par la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975.

Ces lois ont été modifiées à plusieurs reprises depuis leur promulgation, en vue d'adapter le statut des militaires à l'évolution de la société, ou dans des circonstances telles que la professionnalisation, mais sans que soient remis en cause les principes essentiels sur lesquels il est fondé. Cette législation est prolongée par trente-sept décrets qui fixent les statuts particuliers des deux cents corps militaires actuels.

L'élaboration du statut de 1972 s'est déroulée dans un contexte de crise de la fonction militaire liée pour partie aux séquelles de la guerre d'Algérie et pour partie à un malaise profond résultant d'une réduction des effectifs militaires uniformément répartie et ayant entraîné de nombreux retards d'avancement. Un des objectifs du statut général des militaires de 1972 était d'améliorer la condition des militaires, afin de rendre les carrières plus attractives.

Le statut de 1972 se caractérise par un changement de principe majeur en matière de droits civils et politiques : le militaire passe d'une situation d'interdiction générale tempérée par quelques autorisations ponctuelles, tel le droit de vote, à une situation où il se voit reconnaître la jouissance « de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens », certains pouvant être limités, voire supprimés.

Autorisée dans son principe, l'éligibilité des militaires est cependant soumise à de nombreuses restrictions. A l'instar d'autres catégories de hauts fonctionnaires, les officiers qui exercent un commandement territorial ou l'ont exercé depuis moins de six mois ne peuvent présenter leur candidature à une élection dans la circonscription administrative dans laquelle ils servent.

Comme l'exercice d'un mandat électif a été jugé incompatible avec une activité de service, le statut de 1972 prévoit qu'un militaire élu est placé d'office en position de détachement. La solde n'étant plus versée aux militaires détachés, seuls les mandats parlementaires, grâce à l'indemnité qui leur est associée, permettent d'exercer une activité politique ; les mandats locaux sont de fait interdits aux militaires en activité.

D'autres droits civiques fondamentaux sont soit interdits aux militaires, comme le droit de grève ou l'adhésion à un parti politique ou à un groupement professionnel, soit très encadrés comme la liberté d'expression, d'information, de résidence, de déplacement, voire de mariage. L'obligation de disponibilité est réaffirmée.

Le statut fixe également les garanties accordées aux militaires en matière de discipline, essentielle dans l'exercice de l'activité. Le statut accorde une garantie pécuniaire en prévoyant la transposition automatique aux militaires de toute mesure financière à caractère général prise à l'égard des fonctionnaires civils de l'Etat. Des indemnités viennent constituer la contrepartie des sujétions propres à l'état militaire, notamment des risques encourus dans l'exercice des fonctions.

Enfin, le statut de 1972 détermine les grands principes applicables en matière de recrutement, d'avancement, de discipline, de positions statutaires, pour les militaires de carrière comme pour ceux servant sous contrat. Il fixe aussi des limites d'âge et de service, modulées selon les grades et les corps d'appartenance, très différentes de celles appliquées aux corps civils par leur précocité et leur brièveté.

Cet ensemble a démontré sa souplesse en permettant un accompagnement de l'évolution de la situation du militaire dans la société sans nécessiter de bouleversement majeur. Ayant cessé de faire aussi bien l'objet d'une ferveur de la part de ceux qui voulaient voir en lui un sauveur, que d'un rejet de la part de ceux qui le percevaient comme un instrument privilégié du maintien de l'ordre établi, le militaire peut se consacrer entièrement à ce qui devient de plus en plus une profession. Il est sans doute excessif d'en déduire une banalisation avancée du militaire dans la société. Il convient plutôt d'évoquer, comme trait majeur de son évolution, la convergence avec les modes de vie du reste de la société, liée à une sociabilité nouvelle qui, à travers l'intégration de son environnement familial dans la vie de la cité, le conduit à faire davantage le partage entre la vie professionnelle, empreinte des valeurs militaires, et ce qui relève de sa vie privée et doit se fondre dans la société.

II. -  UNE RÉVISION DU STATUT DEVENUE NÉCESSAIRE

La modification des règles de droit applicables aux militaires ne saurait être conduite sans le préalable indispensable de l'analyse du besoin de changement. Il convient d'aller au-delà du constat simple, sinon simpliste, du grand âge de ce statut, adopté pour l'essentiel il y a plus de trente ans, sans toutefois perdre de vue l'accumulation des modifications intervenues depuis sa promulgation, ce qui a rendu le texte de plus en plus difficilement lisible. Ces modifications se sont accélérées au fil des années : le statut général des militaires a été modifié à quatre reprises au cours des années 70, deux fois au cours des années 80, six fois au cours des années 90 et cinq fois depuis 2000.

A. LES CONSÉQUENCES DE LA PROFESSIONNALISATION

La professionnalisation des armées constitue l'événement le plus récent et, de toute évidence, le plus important, dans l'histoire militaire contemporaine. Elle emporte des conséquences certaines sur le régime juridique des militaires.

1. Les conséquences mécaniques

Dans la mesure où la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national n'a fait que suspendre le service national sans le supprimer, la question de la préservation des dispositions relatives aux appelés pouvait se poser, dans l'hypothèse où le service national serait ultérieurement rétabli.

Toutefois, la suspension du service national, au-delà de la professionnalisation des armées, constitue un véritable choix de société. Le rétablissement de la conscription, quelle qu'en soit la cause, ne pourrait résulter que d'une loi abrogeant celle du 28 octobre 1997. Par conséquent, il apparaît désormais nécessaire de retirer des textes en application toute référence au service national, dès lors que la partie du code qui le régissait est devenue caduque le 31 décembre 2002.

La professionnalisation a induit une évolution dans le style de commandement, du fait de l'exercice des activités militaires par des professionnels seuls et non plus par des conscrits. Un style de commandement différent, fondé sur la participation et l'adhésion de tous à la mission, est recherché par les armées, notamment par les forces terrestres. Les armées britanniques avaient évolué selon un schéma comparable lors de leur retour à la professionnalisation totale, entre 1958 et 1963.

2. Les enseignements des années de transition

L'examen des sept années écoulées depuis l'adoption de la loi réformant le service national et des deux années passées depuis le départ des derniers appelés conduit à tirer des enseignements importants en ce qui concerne la gestion des ressources humaines du ministère de la défense. C'est ainsi qu'apparaît nécessaire une harmonisation entre les armées du régime juridique des engagés volontaires en matière de durées de contrats, de conditions d'avancement, de durée maximale des services. Il y va non seulement de la qualité du recrutement des engagés, mais aussi de leur fidélisation, enjeu majeur des années à venir.

La suspension du service national, en entraînant la disparition des officiers de réserve servant en situation d'activité (ORSA), a conduit à la création des officiers sous contrat (OSC), dont le succès fut rapide. La pérennité de la formule suppose de revoir et d'harmoniser les conditions de service et la gestion globale de cette catégorie nouvelle d'officiers pour mieux l'intégrer à la gestion globale des officiers de différentes catégories.

Enfin, et cette conséquence n'est pas la moindre dans la période qui s'achève, le recrutement vient de connaître plus qu'un changement d'échelle, un véritable changement de nature. Par le volume, d'abord, des garçons et des filles à convaincre, les armées sont de nouveaux acteurs importants du marché du travail. Pour ne pas dissuader les candidats, toutes les contraintes inutiles doivent être levées dès lors que des schémas clairs de conditions de service sont proposés. Par leurs motivations, les nouveaux engagés manifestent des attentes proches de celles des acteurs du secteur marchand civil, non seulement dans le domaine habituel des conditions de travail, mais aussi dans celui des conditions de vie prises en charge par l'institution militaire. C'est donc tout un dispositif de condition militaire qui reste à mettre en œuvre, à partir d'un existant non négligeable toutefois.

3. Les contacts nouveaux du militaire professionnel

La professionnalisation des armées, avec la réorganisation de la structure des ressources humaines qu'elle a entraînée, amène tout militaire de carrière ou sous contrat à côtoyer, de façon nouvelle, d'autres acteurs de la défense, civils ou militaires.

Durant leurs périodes de convocation, les réservistes sont des militaires qui ne sont pas soumis à toutes les contraintes permanentes du personnel d'active. Ainsi, l'interdiction d'adhérer à un parti politique ou à un syndicat ne les concerne pas. En tout état de cause, les interdits imposés aux militaires en activité peuvent difficilement être transposés à ceux qui ne servent que quelques jours dans l'année, accentuant le décalage entre des militaires que rien ne devrait distinguer. Les réservistes participant de plus en plus fréquemment non seulement aux opérations, mais aussi au service courant, les militaires d'active en viennent parfois à se demander pourquoi, pour les mêmes activités, dans les mêmes circonstances, des contraintes plus fortes pèsent sur eux.

Dans de nombreux organismes, tels les établissements du matériel, le personnel civil se trouve aujourd'hui en nombre important, parfois majoritaire, conduisant civils et militaires à des contacts quotidiens. Les comparaisons sont alors inéluctables, aussi bien dans le domaine des conditions de travail que dans celui des rémunérations. La mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail chez les salariés a conduit à des adaptations rapides dans les armées, avec la mise en place du temps d'activité et d'obligations professionnelles des militaires (TAOPM), alors que la disponibilité est et doit demeurer un des piliers essentiels de l'état militaire.

La professionnalisation a conduit les armées à modifier certaines caractéristiques sociales, désormais impossibles à distinguer de celles du reste de la société. L'arrivée de personnels féminins dans les casernes, bases aériennes, brigades de gendarmerie ou à bord des navires a ainsi eu pour conséquence directe une banalisation des rapports entre hommes et femmes, devenus similaires à ceux rencontrés dans le reste de la société.

Il est alors aisé de comprendre l'aspiration des militaires à avoir les mêmes droits et obligations que l'ensemble de leurs concitoyens pour tout ce qui ne relève pas strictement du socle incompressible de leur état spécifique.

Enfin, face à leurs difficultés de représentation, les militaires considèrent avec un œil nouveau la défense des intérêts du personnel civil par des organismes de représentation collective, les syndicats. L'aspiration à l'équité ne peut alors manquer de devenir une attente forte de la communauté militaire, de même que l'exigence d'être entendu et de voir de légitimes revendications satisfaites dans des conditions raisonnables.

4. La fin du dualisme entre appelés et professionnels

La coexistence existant dans les armées entre militaires professionnels et appelés conduisait structurellement à un dualisme très fort au sein de la communauté militaire : les professionnels soucieux de leur situation personnelle et des conditions d'exercice de leur fonction se différenciaient des appelés, dont la présence dans les armées pour une période limitée entraînait des attentes toutes différentes, souvent plus frustes, certainement moins exigeantes.

Sur le fond, les deux catégories ne partageaient pas la même conception de leur métier militaire, ni les valeurs sur lesquelles il est fondé. Désormais, tous les militaires éprouvent les mêmes aspirations, parfois à des degrés divers, à défaut d'avoir la même vision de leur activité. La solidarité prédomine néanmoins aujourd'hui au sein d'un ensemble monolithique aux yeux de la société. Une plus grande exigence en tous domaines et une attention aiguë portée à la place de l'institution militaire dans la Nation ne peuvent manquer d'apparaître.

5. L'accroissement du nombre de contractuels

Au sein de l'ensemble des agents publics de l'Etat, les militaires se caractérisent par l'importance du nombre de contractuels. A l'exception des officiers recrutés par les grandes écoles militaires, tous les militaires connaissent une période contractuelle. L'accès au statut de militaire de carrière n'est d'ailleurs ouvert aux sous-officiers que depuis 1928, cette notion étant toujours exclue pour les militaires du rang. Il s'agit là d'un héritage du dix-neuvième siècle, lié à l'incapacité de beaucoup à passer un concours pour accéder à un emploi permanent, en raison d'un trop faible niveau scolaire. Celui-ci était amélioré dans les écoles régimentaires pour permettre à certains sous-officiers d'accéder à l'épaulette, puis, entre les deux guerres, au statut de carrière.

Les conditions actuelles ont radicalement changé quant au niveau scolaire des candidats à l'engagement : les militaires du rang doivent posséder un niveau de fin de collège tandis que le baccalauréat est nécessaire pour être engagé en qualité de sous-officier. Les griefs envers la situation contractuelle, assimilée à une forme de précarité, apparaissent de plus en plus fréquemment et nécessitent une analyse nouvelle du lien au service.

B. LES ÉVOLUTIONS DU MÉTIER MILITAIRE

1. Une technicité croissante

Les technologies les plus élaborées se sont introduites dans les systèmes et équipements les plus élémentaires du combattant. Cette évolution entraîne plusieurs conséquences : le fantassin soumis aux conditions physiques les plus dures du combat, se déplaçant et combattant uniquement à pied, aidé de son seul fusil, a quasiment disparu. Les dernières décennies ont vu se réduire la pénibilité du métier militaire, les combattants étant mieux équipés et la plupart du temps transportés à bord de véhicules.

La capacité à servir s'en trouve considérablement allongée et les dispositions qui organisent le service de militaires jeunes, fréquemment renouvelés, avec des fins de carrière précoces, peuvent aujourd'hui être revues, sous la pression d'une demande de plus en plus forte d'une partie des militaires eux-mêmes, qui souhaitent voir relever les limites d'âge et de durée maximum des services.

A l'inverse, la technicité croissante du métier militaire conduit à la formation de spécialistes qui peuvent rapidement trouver un emploi dans le secteur civil. Il convient donc de les fidéliser. Une problématique proche apparaît pour les métiers militaires identiques à certains métiers civils : médecins ou pilotes, qui peuvent quitter le service à tout moment, le font en nombre aujourd'hui. Les conditions matérielles sont déterminantes dans ce domaine, mais ne sont pas les seules à intervenir. Le déroulement de carrière, les conditions d'exercice du métier, les sujétions de service ou opérationnelles, la limitation de l'exercice des droits fondamentaux constituent d'autres composantes de la décision de rester ou non au sein de l'institution.

2. La transformation des missions

L'histoire des armées est jalonnée d'interventions hors du territoire métropolitain, souvent lointaines. Avec la professionnalisation des forces, toutes les composantes des armées sont susceptibles d'être appelées à intervenir sur des théâtres d'opérations extérieurs. Ce type d'action, de plus en plus fréquent, est caractérisé par des périodes d'éloignement à répétition, même si la durée de chaque opération est limitée, et peut être marqué par l'utilisation de la violence.

Ces opérations sont généralement menées dans des situations de crise qui ne sont pas qualifiées de guerre. Juridiquement, la nuance est d'importance, car cette absence d'état de guerre prive le militaire d'une partie de ses garanties. Celles-ci sont essentielles et les quelques défaillances qui ont pu apparaître ont engendré un grand trouble dans les esprits et une aspiration forte à une amélioration sensible de la protection juridique accordée aux personnels dans ce domaine.

Sur le sol national, un constat identique peut être dressé pour la fréquence et la durée des missions de sécurité ou de secours aux populations. La vie du militaire se trouve affectée de manière répétée et profonde et des revendications apparaissent pour que soient mieux prises en compte les conséquences de ces activités sur la vie privée, mais également sur la carrière lorsque ces opérations perturbent une formation ou une qualification à un niveau supérieur. La condition et la gestion des militaires doivent évoluer pour répondre à ces contraintes nouvelles.

C. LES ÉVOLUTIONS DE LA SOCIÉTÉ ET DU MILITAIRE DANS LA SOCIÉTÉ

1. La place et l'image des armées

La volonté était manifeste, en 1972, de rapprocher la situation des militaires de l'état de la société. Depuis lors, cette dernière a fortement changé, donnant la primauté à l'individu, sinon à l'individualisme, et présentant aujourd'hui comme caractéristiques d'accepter de moins en moins les contraintes, de recourir plus fréquemment au juge pour régler ses litiges et, par conséquent, de protéger de plus en plus l'individu contre la société et ses risques. La situation statutaire du militaire n'ayant pas évolué, il n'est pas possible d'échapper à une réflexion sur la possibilité de rapprocher davantage le militaire de la société, l'inverse relevant de l'utopie. Parallèlement, lui-même doit rester fidèle à son système de valeurs et peut aussi se trouver mis en cause devant le juge pour les conséquences de l'exercice de sa fonction.

La position de l'institution militaire dans la société a, par ailleurs, fortement évolué depuis le dix-neuvième siècle, lorsque le corps armé pouvait constituer un danger pour les institutions, mais jouissait d'un statut social élevé la plupart du temps. Aujourd'hui, les armées s'estiment perçues comme une institution qui continue certes à constituer un instrument de mise en œuvre des choix politiques de la Nation, mais dont le rôle serait moins avéré et qui ne se verrait donc plus reconnaître une considération suffisante.

Si la défense du sol national ne constitue plus leur mission la plus fréquente, les armées se voient confier le soin d'assurer le maintien ou la restauration de la paix aussi bien que des actions humanitaires, dans des opérations extérieures que la société réclame, faute de pouvoir supporter les atteintes aux droits élémentaires de l'homme. Les armées, par médias interposés, y trouvent une faveur nouvelle qui marque l'intérêt accru porté actuellement à l'institution militaire, même si cette dernière peut parfois être suspectée de rechercher une bonne conscience.

2. L'institution militaire au regard de l'évolution du droit

L'évolution de la jurisprudence des juridictions administratives et judiciaires n'est pas sans conséquence sur l'institution militaire. Dans les arrêts Hardouin et Marie rendus le 17 février 1995, le Conseil d'Etat a estimé, modifiant sa jurisprudence antérieure, qu'il lui revenait d'exercer son contrôle, même minimum de l'erreur manifeste d'appréciation, sur les mesures d'ordre intérieur prises par les armées, au rang desquelles figurent les punitions disciplinaires. Il en apprécie aussi les conséquences sur les libertés fondamentales (avancement, liberté d'aller et venir) des militaires.

Le 19 juillet 2001, par les arrêts Gicquiaux et Salomon, la chambre sociale de la Cour de Cassation a, à deux reprises, élargi la notion d'accident du travail à des accidents survenus en mission, hors du temps normal de service, à des salariés du secteur privé, l'un en France, l'autre à l'étranger, leur assurant ainsi la meilleure indemnisation possible. Le rapprochement n'a pas manqué d'être fait avec des situations dans lesquelles l'imputabilité au service d'accidents survenus à des militaires en mission n'avait pas été reconnue, suscitant une forte émotion et une légitime attente de révision des cas de présomption d'imputabilité au service d'une incapacité physique.

Le militaire présente une propension accrue à importer dans les armées les valeurs de la société dans la mesure où son environnement personnel exerce sur lui une influence croissante et qu'il lui est souvent demandé de nouer des contacts aussi forts que possible avec la société civile et de s'y fondre autant que faire se peut. Dans ce contexte juridique nouveau, il serait stérile, sinon contre-productif, de maintenir le militaire dans un état de déresponsabilisation et de conserver en l'état un cantonnement juridique étroit.

D. LES LIMITES DES TEXTES ACTUELS

Ce n'est pas faire injure au législateur de 1972 que de constater des insuffisances et des lacunes, aussi bien sur la forme que sur le fond, trente années après la promulgation du statut général des militaires.

1. Poursuivre la démarche de regroupement des textes

La démarche de regroupement des textes entreprise à l'époque doit être renouvelée aujourd'hui. Il est de bonne administration que la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 tendant à faciliter l'accès des militaires à des emplois civils soit intégrée dans le nouveau statut par le projet de loi. Il ne sera ainsi plus nécessaire de proroger régulièrement les dispositions de ce texte, ce qui assurera une plus grande sécurité juridique aux militaires. C'est dans le respect de la même logique que les dispositions législatives relatives aux emplois réservés sont inscrites dans le projet.

De la même manière, l'intégration dans le projet de loi des dispositions de la loi n° 69-1044 du 21 novembre 1969 relative au conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) représente une avancée réelle. Les instances de concertation y gagneront en légitimité et en force.

Les dispositions relatives aux réserves, principalement fixées par la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, auraient sans doute leur place dans un statut général des militaires. Toutefois, la réflexion en cours sur la perspective d'une prochaine modification de cette loi justifie de l'écarter de l'actuelle réforme.

2. Dépoussiérer les dispositions désuètes ou inapplicables

L'actuel statut général des militaires comporte, à l'évidence, des dispositions en matière de droits civils et politiques aujourd'hui désuètes, comme la déclaration de prise de responsabilité dans une association, ou difficilement applicables, telles que la nécessité d'obtenir une autorisation pour pouvoir épouser un conjoint étranger. Rien n'est pire, en droit, que de constater que des dispositions législatives ne font l'objet d'aucune vérification et ne donnent lieu à aucune sanction lorsqu'elles ne sont pas respectées.

C'est dans la gestion du personnel que se révèlent les difficultés les plus grandes pour l'application des dispositions statutaires, ce qui a pu conduire les armées à recourir à des solutions palliatives à la régularité plus que douteuse, telle que le conditionnalat, pratique qui consiste à promouvoir un officier au grade supérieur en échange d'une lettre de démission non datée.

Il convient de s'interroger sur la pertinence des principes fondamentaux posés en 1972, qu'ils aient innové ou repris des dispositions anciennes : bien-fondé de la notion de créneaux d'avancement, des limites d'âge et de service, de la distinction faite entre les différents corps d'officiers au sein de chacune des armées, des conditions d'accès au statut de carrière des officiers comme des sous-officiers ou des dispositions particulières relatives aux officiers sous contrat.

Les progrès certains apportés par le statut de 1972 ont eu pour conséquence d'accroître la rigidité de la gestion, des considérations sociales s'étant greffées aux intentions du législateur. Le conditionnalat constitue l'exemple le plus emblématique de ce phénomène. Instauré pour faire progresser le plus grand nombre et éviter de placer des officiers hors créneaux, il a conduit à la création d'une situation juridique malsaine généralisée : 98 % des officiers généraux sont aujourd'hui placés dans cette situation, condamnée par le Conseil d'Etat à l'occasion de l'arrêt Bavoil rendu le 8 novembre 1990.

3. Harmoniser les régimes juridiques en Europe

Le nouveau contexte international, avec le développement des organismes interalliés et internationaux, conduit à considérer qu'il n'est pas possible, dans une démarche d'adaptation du statut général des militaires, de ne pas avoir à l'esprit la recherche d'un rapprochement avec les normes juridiques de nos partenaires.

L'étude du fonctionnement de la brigade franco-allemande met en évidence les difficultés de vie quotidienne de militaires qui obéissent à des règles différentes. Lors de la création de cette unité, en 1990, l'application aux militaires de chacun des deux pays des normes juridiques nationales était inscrite en postulat dans l'arrangement administratif régissant son fonctionnement. Cette pratique, venue renforcer et consacrer des histoires militaires radicalement différentes, n'a pas masqué la profonde méconnaissance de l'autre institution par chacune des communautés militaires. Aucun rapprochement dans le régime juridique des militaires n'était recherché, chaque pays ayant décidé de conserver ses règles nationales.

Ainsi, au militaire essentiellement contractuel chez les Allemands, s'oppose le principe de la carrière pour une partie des militaires français. En revanche, le militaire français ne peut exercer d'autre activité rémunérée, ce que peut faire son homologue allemand. Les règlements de discipline générale qui s'appliquent aux militaires de chaque pays sont essentiellement différents, en matière de sanctions notamment. Les systèmes de représentation ou l'exercice du droit syndical constituent d'autres domaines où apparaissent des différences fondamentales, sinon des oppositions radicales. Même la constitution de l'uniforme, qui aurait pu constituer le domaine le moins ardu de rapprochement et aurait été hautement symbolique, n'a pas permis de parvenir à une véritable communauté. Là encore, les pratiques nationales, les différences de tradition et de comportement ont empêché toute fusion.

La communauté de vie et de service entre militaires français, italiens, espagnols et portugais dans l'état-major de l'Eurofor, à Florence, soulève également des difficultés, aggravées par le nombre plus grand des nationalités. Quelques exemples peuvent éclairer les particularités de la situation. Le devoir d'obéissance ne recouvre pas exactement la même réalité selon les pays et induit des relations différentes suivant les nationalités. A l'exception des Français, les rapports sont très formels, sinon distants, entre officiers et sous-officiers. Le pouvoir disciplinaire est strictement national, alors que les marques extérieures de respect entre cadres de nationalités différentes sont inexistantes.

La notion même de disponibilité recouvre des pratiques variables selon les pays. Les militaires de certains pays appliquent avec rigueur une réglementation du temps de travail qui s'impose aux militaires d'autres Etats, ce qui induit des contraintes certaines lors d'exercices ou de manœuvres. Le régime des permissions, très variable d'une armée à l'autre, conduit à des comparaisons qui ne concourent pas à une ambiance de travail sereine. Les mêmes disparités apparaissent en matière de mobilité géographique.

Au-delà des grandes différences de principe concernant l'exercice des droits civils et politiques, des disparités apparaissent dans des domaines très concrets qui sont source de mécontentement réel. Le réalisme commande toutefois de considérer une harmonisation éventuelle comme un objectif à très long terme, car les règles propres aux militaires découlent directement d'une culture et d'une tradition nationales particulièrement marquées. Cet objectif doit néanmoins demeurer en arrière-plan de la réflexion, sachant que c'est sans doute dans le domaine de l'exercice des droits civils et politiques que le rapprochement pourrait s'amorcer, la gestion apparaissant comme un domaine trop fortement empreint de la marque nationale pour espérer parvenir à des résultats concrets dans un avenir prévisible. En revanche, les disparités qui se rapportent aux aspects strictement matériels de la vie quotidienne devraient faire l'objet d'une recherche d'harmonisation la plus rapide possible.

III. -  UNE ADAPTATION SANS BOULEVERSEMENT

Les évolutions apportées par le projet peuvent se regrouper en trois grands ensembles qui correspondent aux trois domaines constitutifs du statut : l'exercice des droits civils et politiques, les garanties et protections assurées, les règles de gestion.

A. LA RÉAFFIRMATION DE L'IDENTITÉ MILITAIRE

Le projet de loi relatif au statut général des militaires réaffirme avec force, dès ses premiers articles, les caractéristiques essentielles de l'identité militaire. Ce rappel permet de mieux mettre en relief l'exigence des garanties et compensations qui constituent la contrepartie des servitudes imposées aux militaires. La structure du projet de loi assure l'unicité du statut des militaires. Il constitue un socle commun applicable à tous les militaires.

1. Les droits civils et politiques

L'article premier du projet reprend les dispositions du statut de 1972 qui récapitule les spécificités de l'état militaire : la nécessité de faire preuve d'esprit de sacrifice, de loyalisme, de neutralité, de discipline et de disponibilité. Le statut garantit en contrepartie des compensations substantielles, notamment des moyens adaptés au retour à la vie civile.

Conformément aux recommandations de la commission de révision du statut général des militaires, le projet de loi garantit la neutralité des armées, tout en libéralisant les règles chaque fois que les exigences du métier militaire le permettent, afin de rapprocher la situation des militaires de celle des autres agents de l'Etat et de tous les citoyens.

Les règles relatives à la liberté d'opinion ou de croyance ne sont pas modifiées (article 4). La liberté d'information est élargie par la suppression de l'interdiction d'introduire certaines publications dans les enceintes militaires. L'application de cette mesure, avec le développement des moyens modernes de communication, s'avère de plus en plus difficile. Cette disposition, qui n'est plus vraiment compatible avec l'évolution de la société ni avec la liberté d'opinion, tend à infantiliser le militaire.

Le projet de loi introduit toutefois une disposition nouvelle par rapport au statut de 1972 : outre les restrictions qui peuvent être apportées « lorsque les circonstances l'exigent », et qui sont rappelées par l'article 7 du projet de loi, l'autorité militaire se réserve la possibilité de contrôler les moyens personnels de communication et d'information (article 4). Il s'agit moins de restreindre les libertés individuelles que de garantir le caractère opérationnel des forces et de protéger les militaires d'éventuelles indiscrétions. L'utilisation intempestive du téléphone portable ou de l'Internet, qui n'existaient pas en 1972, pourrait en effet compromettre la nécessaire discrétion des forces en opérations.

Le droit d'expression est élargi : l'autorisation préalable que tout militaire doit obtenir avant de s'exprimer est supprimée. Les règles générales applicables dans ce domaine à l'ensemble des fonctionnaires civils sont étendues aux militaires.

2. La vie privée

Les règles statutaires relatives à vie privée des militaires sont assouplies. Si les dispositions restrictives relatives à la liberté de résidence ou de circulation sont maintenues, deux règles importantes sont, en revanche, abolies : le militaire souhaitant épouser un conjoint étranger ne sera plus tenu de solliciter l'autorisation préalable du ministre de la défense ; le conjoint d'un militaire ne sera plus tenu de déclarer son activité professionnelle aux autorités militaires.

Le contrôle de l'établissement du lien matrimonial du militaire est une préoccupation ancienne puisqu'à la suite du décret impérial du 16 juin 1808, les militaires ont longtemps été tenus de solliciter l'autorisation de se marier. Le statut de 1972 a partiellement aboli cette obligation, ne conservant le contrôle que sur le mariage des militaires avec un conjoint étranger ainsi que sur le mariage, quelle que soit la nationalité du conjoint, des militaires servant à titre étranger. L'évolution de la société, ainsi que la multiplication des unions hors mariage (concubinage, PaCS) ont rendu ces dispositions désuètes et difficilement applicables.

3. La vie publique

Les recommandations de la commission de révision du statut général des militaires sont également reprises dans les articles du projet de loi relatifs à la vie publique des militaires. Ainsi, l'interdiction d'adhérer à un parti politique est maintenue (article 6), de même que la possibilité, pour un militaire, de se présenter à une élection politique (article 5). Toutefois, le maintien de la législation actuelle dans ce domaine conduira à conserver la restriction de fait à l'exercice d'un mandat public : le militaire élu continuera d'être placé d'office en situation de détachement, ce qui le conduit à ne plus percevoir, durant l'exercice de son mandat, sa rémunération.

L'interdiction faite à un militaire d'être désigné juré de cour d'assises est supprimée, à l'exception des gendarmes, pour la plupart officiers de police judiciaires (article 93). Les militaires bénéficieront désormais de la liberté totale d'adhérer à des associations non professionnelles et pourront y prendre des responsabilités, alors que le statut de 1972 les oblige à rendre des comptes à leurs supérieurs. Ce contrôle sur la participation des militaires au monde associatif, toujours en vigueur, ne semble plus réellement appliqué. Il paraîtrait paradoxal, à une époque où le lien entre la Nation et ses armées a besoin d'être raffermi, de réfréner les ardeurs des militaires qui souhaitent adhérer à des associations non professionnelles et participer ainsi à la vie culturelle, sportive ou sociale de la collectivité.

Contrairement aux dispositions du statut de 1972, le ministre de la défense ne pourra plus imposer aux militaires d'abandonner leurs responsabilités et, le cas échéant, de démissionner d'une association.

B. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES MILITAIRES

Un des sujets principaux de préoccupation de la communauté militaire tient à la couverture sociale de ses membres à l'occasion d'opérations extérieures. Les suites juridiques données à certains événements tragiques survenus ces dernières années hors du territoire national ont suscité des inquiétudes justifiées.

1. Une meilleure imputabilité des blessures au service

La multiplication des opérations extérieures et l'augmentation du nombre de militaires mis en cause devant les juridictions pénales ont conduit le Gouvernement à proposer une évolution de la législation concernant la protection juridique des militaires ainsi que le régime disciplinaire qui leur est applicable.

Conformément aux recommandations de la commission de révision du statut général des militaires, le projet de loi inscrit l'imputabilité au service de toutes les blessures et de tous les décès survenus en toutes circonstances, entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris pendant les actes de la vie courante ou lors d'escales des bâtiments de la marine nationale. Le code des pensions civiles et militaires est modifié en ce sens (articles 94 et 95).

Cette évolution de la législation permet de mieux couvrir l'ensemble des actes réalisés par les militaires, qu'il s'agisse d'actes de la vie courante accomplis en dehors de l'exécution d'une mission ou d'activités de détente, y compris touristiques.

Cette évolution de la législation permettra aux militaires de bénéficier de garanties identiques à celles que la Cour de Cassation reconnaît, depuis quelques années, aux salariés du secteur privé en mission à l'étranger, ce qui paraît pour le moins légitime et dénué de tout caractère exorbitant, compte tenu des risques spécifiques au métier militaire. Ces dispositions devraient rendre caduque l'obligation aujourd'hui faite aux militaires, lorsqu'ils partent en opérations extérieures, d'avoir à souscrire personnellement une assurance décès-invalidité.

Les risques encourus par les militaires de carrière et par les militaires sous contrat étant similaires lors d'opérations, le projet de loi accorde les mêmes protections aux deux catégories de militaires : les intéressés seront admis au bénéfice d'une pension de retraite en cas d'infirmité imputable au service, quelle que soit la durée des services accomplis (article 94).

Cette mesure représente une amélioration significative de la situation statutaire des militaires sous contrat qui, jusqu'à présent, doivent se contenter de la modique solde de réforme lorsqu'ils sont obligés de quitter le service actif à la suite d'une incapacité résultant d'une blessure ou d'une maladie survenue en service, avant d'avoir accompli cinq années de services effectifs.

2. Une rationalisation du régime disciplinaire

Le projet de loi renforce les droits des militaires en matière disciplinaire. Les principes fondamentaux des droits de la défense, tels que l'information par l'administration de l'intéressé et la communication du dossier individuel, sont inscrits dans le projet de statut (article 40).

Les punitions disciplinaires et les sanctions statutaires sont toutes fixées par la loi et regroupées dans une échelle unique de sanctions disciplinaires communes à l'ensemble des militaires, réparties en trois groupes de gravité croissante (article 41).

Le projet de loi réduit les possibilités de cumul des sanctions pénales et militaires, autorisé par l'article 27 du statut de 1972 et qui peut aller au-delà de la sanction prononcée par le juge pénal, comme la perte du grade accompagnant automatiquement, à titre accessoire, certaines peines. Le cumul des sanctions possibles dans cette échelle est réduit aux seuls arrêts et ne revêt plus un caractère systématique.

3. Une amélioration de la protection juridique des militaires

Déjà protégés par le code pénal lorsqu'ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamation ou outrages, les militaires bénéficieront désormais d'une protection en cas de dommages causés à autrui dans l'exécution de leur service.

L'article 15 du projet de loi leur accorde la protection de l'Etat en cas de condamnations civiles prononcées à leur encontre lorsqu'aucune faute personnelle n'aura été commise. L'Etat sera également tenu de leur accorder sa protection en cas de poursuites pénales relatives à des faits n'ayant pas le caractère d'une faute personnelle. Ces dispositions rapprochent les militaires de l'ensemble des agents publics, couverts par la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

A la demande du conseil supérieur de la fonction militaire, le projet de loi étend la protection juridique accordée par le ministère de la défense aux familles des militaires (article 15).

La constitution d'organismes techniques chargés d'enquêter en cas d'accident grave, sur le modèle du bureau d'enquêtes-accidents compétent dans le seul domaine aéronautique, constituera également une avancée, en fournissant une information complète à l'autorité judiciaire saisie lors de la mise en cause pénale de militaires à la suite d'un accident (article 97).

4. Une intégration de la concertation dans le statut

Le projet de loi réaffirme l'incompatibilité de l'action syndicale et du droit de grève avec les principes de discipline et de disponibilité. L'interdiction de constituer des groupements à caractère professionnel ou d'y adhérer, inscrite dans l'actuelle législation et défendue par la commission de révision du statut général des militaires, est maintenue (article 6).

L'absence de représentation à caractère syndical, majoritairement rejetée par la communauté militaire, rend nécessaire la mise en place d'un dispositif de concertation original et efficace. La responsabilité du commandement, déjà inscrite dans l'actuel statut, est rappelée par le projet de loi.

A la demande de la commission de révision du statut général des militaires, les organes de concertation, qui ne sont pas actuellement intégrés dans le statut de 1972, mais qui font l'objet d'une législation spécifique, seront mentionnés dans le nouveau statut. Ainsi, le mode de désignation des membres des organes consultatifs y figurera (article 18).

Les membres des conseils de la fonction militaire de chacune des armées, de la gendarmerie, du service de santé et du service des essences seront désormais tirés au sort parmi les membres élus des instances locales, notamment les présidents de catégories. Les membres du conseil supérieur de la fonction militaire seront élus par les membres de chaque conseil de la fonction militaire. Ces modifications dans la désignation des membres des organismes consultatifs, attendues par une partie de la communauté militaire, avaient été préconisées par un rapport d'information de la commission de la défense nationale publié il y a quelques années par MM. Charles Cova et Bernard Grasset (1).

Le dispositif de concertation est complété par un organisme nouveau, institué par l'article premier du projet de loi. Créé sur le modèle de l'armed forces pay review body des forces armées britanniques, cet organisme établira des comparaisons entre les rémunérations et les conditions de vie entre le monde civil, notamment la fonction publique, et la fonction militaire. Indépendant du ministre de la défense, composé d'un petit nombre de personnalités civiles reconnues, il sera chargé de remettre un rapport périodique au Président de la République et au Premier ministre.

C. L'ADAPTATION DES RÈGLES STATUTAIRES DE GESTION

Les règles de gestion sont modernisées afin de permettre aux armées d'assurer le recrutement de leurs effectifs en nombre et en qualité. En améliorant l'attractivité de la condition militaire, le recrutement et la fidélisation des effectifs seront facilités.

1. Une modernisation de la gestion des militaires

Comme cela est déjà le cas pour d'autres catégories de fonctionnaires, la rémunération des militaires inclura désormais une part liée au mérite. Cette possibilité est ouverte par l'article 10 du projet de loi qui renvoie aux différents statuts particuliers. La part de la solde attribuée au mérite comprendra deux fractions : la première sera individualisée tandis que la seconde sera attribuée par unité, en fonction d'objectifs assignés au préalable.

Le recrutement de volontaires et de militaires « commissionnés », c'est-à-dire spécialisés dans des domaines très techniques, sera favorisé. Le projet de loi prévoit que ces personnels pourront désormais servir quinze ans au lieu de dix, ce qui leur permettra de bénéficier d'une pension de retraite à jouissance immédiate (article 89).

En matière de gestion du personnel, le projet de loi traduit la volonté du Gouvernement de rapprocher le statut du personnel de carrière de celui du personnel sous contrat. Le caractère de précarité du statut des militaires du rang et des sous-officiers subalternes, autrefois justifié par leur faible niveau scolaire, apparaît de moins en moins légitime de nos jours. Il est donc particulièrement opportun d'aligner aussi souvent que possible sur celui des militaires de carrière le statut de ces personnels indispensables au bon fonctionnement des forces.

Préconisée par la commission de révision du statut général des militaires, la création d'un congé d'éducation, qui devait répondre aux souhaits d'une partie du personnel féminin, n'a finalement pas été retenue. Cette mesure, qui aurait introduit le travail à temps partiel dans les armées, n'a pas été jugée compatible avec le caractère opérationnel des forces.

2. Une nécessaire adaptation des limites d'âge

En cohérence avec la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, le projet de statut général des militaires relève les limites d'âge des militaires de carrière et les autorise à servir plus longtemps sous l'uniforme. Afin de traiter de manière équitable l'ensemble des personnels, les militaires servant sous contrat voient également leur durée de service allongée. Ainsi, un militaire du rang pourra désormais servir vingt-cinq ans, au lieu de vingt-deux actuellement (article 89).

Les limites d'âge sont relevées de trois ans en moyenne, ce qui semble constituer un juste milieu entre le souci de permettre aux militaires de servir et de cotiser plus longtemps à leur régime de retraite et celui de conserver aux armées leur nécessaire jeunesse. L'évolution du mode de vie et de l'espérance de vie des Français laisse penser que l'application de cette mesure n'entraînera pas de difficulté particulière. Ce relèvement des limites d'âge présentera l'avantage de réduire les besoins en recrutement, mais aussi en reconversion, et permettra de conserver plus longtemps les spécialistes dans les domaines rares dont les armées ont le plus grand besoin.

Un nouveau pyramidage au sommet des corps des officiers des armes, facilité par l'évolution des limites d'âge, devrait permettre de réaliser des déroulements de carrière mieux différenciés, avec des promotions plus précoces pour les officiers destinés à occuper des postes de haut niveau, pour des durées plus longues que celles aujourd'hui en vigueur.

La définition de nouvelles limites d'âge a permis d'en réduire le nombre. Alors que l'ancien statut en fixait 137, le nouveau statut n'en conserve plus que 34, ce qui amène plus de cohérence entre les différentes armées et, parfois, entre différentes armes ou différents corps d'une même armée.

Le projet de loi contribuera à rendre plus attrayante la promotion des sous-officiers. Actuellement, les sous-officiers promus à l'état d'officier perdent quatre années de service possible lorsqu'ils deviennent sous-lieutenants puisque la limite d'âge des majors (dernier grade des sous-officiers) est fixée à cinquante-six ans alors que celle des sous-lieutenants (premier grade des officiers) est fixée à cinquante-deux ans. En alignant à cinquante-sept ans les limites d'âge de ces deux grades, le projet de loi rend plus attractive la promotion d'une catégorie vers l'autre.

3. Une profonde révision de la gestion des officiers généraux

En parfait accord avec la commission de révision du statut général des militaires, le projet de loi remet enfin en cause la discutable pratique du conditionnalat, qui consiste à promouvoir un officier en échange d'une lettre de démission non datée. Il instaure un système permettant de sortir en quelques années de ce système à la légalité douteuse (article 88).

En contrepartie, le projet de loi réduit les limites d'âge des officiers généraux, tout en maintenant ouverte la possibilité d'un maintien ou d'un rappel en première section en fonction des besoins.

Un dispositif transitoire est instauré par l'article 90 du projet de loi pour les militaires qui se trouvent à moins de dix ans de leur limite d'âge. L'ambition de cette mesure est de ne pas ralentir l'avancement pendant la période de suppression du conditionnalat et de mise en place des nouvelles limites d'âge.

4. Un meilleur accompagnement du retour à la vie civile

La modernisation des règles de gestion rend nécessaire un meilleur accompagnement des militaires vers la vie civile. Le projet de loi prend cet élément en compte en multipliant les passerelles entre le ministère de la défense et le secteur civil. Ainsi, dans l'intérêt du service, un militaire peut être affecté auprès d'un établissement public de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'une organisation internationale, d'une entreprise privée ou d'une association. Il conserve sa position d'activité (article 46).

Reprenant les propositions de la commission de révision du statut général des militaires, le projet de loi consolide le dispositif de reconversion des militaires (article 65). Une formation professionnelle est proposée aux militaires, lorsqu'ils ont servi au moins quatre ans. Cette formation peut s'effectuer à l'occasion d'un congé de reconversion ou, éventuellement, d'un congé complémentaire de reconversion. Le dispositif est accompagné d'une évaluation et d'une orientation destinées à faciliter la reconversion vers un emploi civil, clé du recrutement.

Le projet de loi intègre dans le dispositif de reconversion les mesures de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 tendant à faciliter l'accès des militaires à des emplois civils. Ce texte, qui était originellement provisoire, mais qui est prorogé sans interruption depuis plus de trente ans, permet aux officiers et sous-officiers supérieurs de carrière d'intégrer la fonction publique sur simple dossier. Ces dispositions trouveront, dans le statut général des militaires, un cadre et une stabilité plus appropriés. Les dispositions législatives facilitant l'accès des militaires aux emplois réservés sont également reprises dans le projet de loi, complétant le dispositif d'accès à la fonction publique par quatre passerelles : par le biais du concours, par la voie du détachement, par l'intermédiaire de la sélection sur dossier (loi n° 70-2) et grâce aux emplois réservés (articles 61 à 64).

Clarifié et facilité, l'accès à la fonction publique civile sera également rendu plus égalitaire grâce aux mesures prises en faveur des militaires sous contrat. L'accès par le biais dit de la loi n° 70-2 leur sera désormais ouvert (article 62) ; en cas de réussite à un concours de la fonction publique, leur ancienneté sera entièrement prise en compte (article 61). Leur détachement dans la fonction publique pourra désormais donner lieu à une intégration.

Contrepartie à la mise en place de ces dispositifs d'aide à la reconversion, un délai de préavis, qui jusqu'à présent n'existe pas, est instauré. Actuellement, un militaire de carrière peut démissionner de ses fonctions sans avoir à se justifier ni à fournir de préavis, ce qui complique la gestion des ressources humaines et implique une surcharge de travail pour ses collègues de travail, lorsque le démissionnaire ne peut être immédiatement remplacé. Un décret, prévu par l'article 73 du projet de loi, déterminera la durée du préavis.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. -  AUDITIONS

A. M. RENAUD DENOIX DE SAINT MARC, VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ETAT

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d'Etat, sur la révision du statut général des militaires, le mercredi 11 février 2004.

M. Renaud Denoix de Saint Marc a indiqué que la commission sur la révision du statut général des militaires était composée essentiellement de militaires, mais aussi de quelques civils. Il a précisé qu'en compagnie du vice-président de la commission, l'amiral Alain Béreau, et du rapporteur général, le contrôleur général des armées Patrick Larhant, il avait procédé à une soixantaine d'auditions de personnalités très diverses.

La mise en chantier de la révision du statut de 1972 était nécessaire en raison de la professionnalisation des armées qui rend caduques nombre de dispositions concernant principalement les appelés, mais aussi en raison de l'évolution générale et rapide de la société. La commission a émis des propositions raisonnables sans bouleverser l'équilibre de l'édifice. La ministre les a semble-t-il bien reçues, à l'exception peut-être de celle portant sur la création d'un congé d'éducation, pourtant très demandé par les services fortement féminisés, tel que le service de santé des armées.

En matière de droits civils et politiques, la commission considère qu'il convient de maintenir un certain nombre de restrictions, tout en accordant une plus grande liberté d'expression individuelle. Le régime actuel (article 7 du statut de 1972) oblige les militaires à obtenir une autorisation préalable du ministre lorsqu'ils désirent évoquer publiquement des questions politiques. Cette règle s'explique par les circonstances de l'époque, lesquelles ont aujourd'hui disparu et la pauvreté du débat public sur la défense nationale incite, au contraire, à encourager les militaires à s'exprimer librement, dans le respect de l'obligation de discrétion professionnelle, du devoir de réserve et du secret de la défense nationale.

En matière de liberté d'information, la commission propose de supprimer la possibilité d'interdire certaines publications dans les enceintes militaires, tout en laissant au commandement la possibilité de limiter ou d'interdire, au cas par cas, l'utilisation de certains moyens de communication, afin de préserver la sécurité ou la confidentialité des opérations. La commission propose également de substituer à l'autorisation préalable, nécessaire pour épouser un conjoint étranger, une simple déclaration qui s'appliquerait également au concubinage et au pacte civil de solidarité avec un ressortissant étranger.

En matière de participation à la vie politique, le statut actuel ne permet qu'une éligibilité formelle et non réelle pour certains mandats. En effet, un militaire élu est placé d'office en situation de détachement ce qui, en pratique, n'autorise pas l'exercice de mandats autres que les mandats nationaux. De nombreux militaires, et notamment le conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), demandaient que soient autorisées les candidatures, sur des listes apolitiques, aux conseils municipaux des petites communes, tout en maintenant l'interdiction d'exercer les fonctions de maire et d'adjoint au maire. Ce système est apparu à la commission trop compliqué à mettre en œuvre au regard du droit électoral et du caractère global de l'éligibilité. Il a donc été décidé d'en rester au statu quo en la matière, la participation des militaires à la vie de la cité pouvant s'exprimer par leur implication dans la vie associative locale.

La commission a souhaité maintenir l'interdiction d'adhésion à un parti politique, même si celle-ci ne semble pas toujours respectée. L'exigence de discrétion sur ces adhésions ne pouvant pas s'appliquer aux partis politiques eux-mêmes, il existe un risque que ces derniers se prévalent de la présence de militaires dans leurs rangs, notamment dans les villes de garnison. Par ailleurs, les militaires étant sensibles à la possibilité d'être membres d'un jury d'assises, la commission propose de lever l'interdiction actuelle, tout en prévoyant des dérogations pour certaines catégories, comme les gendarmes. En matière de droit d'association, une totale liberté doit être reconnue aux militaires, à l'exception des associations à caractère professionnel.

La commission a réaffirmé le principe de l'interdiction d'adhésion à un syndicat, ce que ne remettent d'ailleurs pas en cause les représentants de catégories ou les membres des conseils de la fonction militaire. Si ce droit syndical a pu faire l'objet d'une reconnaissance dans certains pays européens, tels l'Allemagne ou le Royaume-Uni, il va de pair avec une culture et des pratiques qui ne sont pas les nôtres. L'existence d'associations d'anciens militaires s'ouvrant très largement au personnel d'active pose par ailleurs le problème de leur compatibilité avec l'interdiction de tout groupement professionnel faite aux militaires en activité.

Les travaux de la commission ont également porté sur la protection des militaires, volet très attendu par les intéressés en raison des risques encourus lors des opérations extérieures et de récents accidents graves dont l'imputabilité au service n'a pas été reconnue.

La réparation de dommages corporels survenus en relation avec le service est faite par l'attribution d'une pension au militaire ou à ses ayants droit. Mais, à l'exception des périodes de guerre pendant lesquelles il existe une présomption d'imputabilité au service, c'est aux militaires qu'il incombe de prouver le lien entre l'accident dont ils ont été victimes et leur service. La qualification juridique des opérations extérieures est fixée, au cas par cas, par un arrêté conjoint des ministres de la défense et des finances, dont l'objet est d'assimiler une opération extérieure aux « opérations de maintien de l'ordre hors de la métropole », c'est-à-dire aux opérations militaires en Afrique du Nord de 1954 à 1962. Ce lien est fragile. En outre, le fait générateur devant être en relation avec le service, la couverture des accidents qui peuvent survenir en dehors des stricts horaires de service n'est pas assurée dans la plupart des opérations extérieures, malgré la dangerosité réelle et permanente de certaines missions. La commission a donc souhaité rendre ce régime plus favorable aux militaires, en tenant compte du fait qu'une mission représente un tout, du départ du militaire de sa garnison jusqu'à son retour.

La commission a aussi porté son attention sur les poursuites pénales auxquelles peuvent être exposés les militaires en opérations extérieures. Des accords internationaux prévoient la compétence du juge français en la matière, mais les militaires craignent que ce dernier appréhende mal les conditions particulières des opérations extérieures. Il apparaît donc souhaitable de créer auprès des inspecteurs généraux des armées un bureau enquête-accidents qui pourrait apporter son éclairage au juge sur les éléments de fait d'une affaire.

Le régime disciplinaire des militaires a paru très complexe et un peu suranné. Il comprend aujourd'hui trois types de sanctions cumulables : les punitions disciplinaires, allant du simple avertissement jusqu'aux arrêts, les sanctions statutaires, qui s'échelonnent de la radiation du tableau d'avancement à la radiation des cadres, et les sanctions professionnelles, qui peuvent se traduire par le retrait de points de qualification. Cette gamme étendue de sanctions et la possibilité de les cumuler ne paraissent pas conformes au droit disciplinaire de la fonction publique en général. Tout en souhaitant le maintien des sanctions professionnelles, la commission propose la fusion des sanctions disciplinaires et statutaires et leur simplification en trois groupes : un premier groupe serait constitué des sanctions simples, de l'avertissement aux arrêts ; un deuxième groupe comporterait le blâme du ministre et la radiation du tableau d'avancement ; le troisième groupe inclurait les sanctions les plus graves, du retrait temporaire d'emploi à la résiliation du contrat ou à la radiation définitive des cadres. La commission souhaite également l'inscription dans la loi du respect des droits de la défense et la restriction du cumul de sanctions aux seuls arrêts, mesure considérée comme conservatoire.

La concertation au sein des armées s'appuie sur un dispositif assez complet : à l'échelon national, le CSFM chapeaute sept conseils de la fonction militaire (CFM) propres à chaque armée ou service ; les présidents de catégories élus par leurs pairs au sein de chaque unité et les commissions participatives complètent un dispositif qui garantit les droits des militaires et compense l'absence de droit syndical au sein des armées. S'il est nécessaire que ce dispositif figure dans la loi, la compétence de ces instances ne doit cependant s'étendre qu'à la condition militaire stricto sensu et exclure les questions relatives à l'emploi des forces. La commission propose de recourir à la fois au tirage au sort et aux élections pour désigner les représentants nationaux de ces instances, de manière à minimiser les inconvénients relatifs aux deux modes de désignation. Les membres des CFM seraient ainsi tirés au sort parmi les présidents de catégories élus dans chaque unité. Les membres du CSFM seraient ensuite élus parmi les membres des CFM.

La commission propose également la création d'un Haut Conseil de la fonction militaire, inspiré pour partie d'un organisme britannique qui a joué un rôle considérable dans l'amélioration des rémunérations, notamment pour les officiers. Il semble exister en France, entre les rémunérations des hauts fonctionnaires civils et celles des officiers, un certain décalage qui pourrait être corrigé. Cet organisme pourrait également s'intéresser à la condition militaire dans son ensemble, notamment aux questions relatives à la famille, à la mobilité géographique, au logement... Un tel conseil ne devrait compter qu'un nombre réduit de membres, étrangers au monde militaire, et il remettrait périodiquement un rapport au Président de la République, chef des armées, et au ministre de la défense. La création de ce Haut conseil permettrait une meilleure intégration du monde militaire dans la société civile française.

Enfin, les règles statutaires de gestion devront prendre en compte les conséquences de la récente réforme des retraites, les spécificités des contrats de longue durée ainsi que la jurisprudence du Conseil d'Etat sur le conditionnalat, qui est à l'évidence illégal. Cette pratique consistant à accorder aux officiers généraux un avancement de grade en échange d'une lettre de démission antidatée n'aurait plus de raison d'être si une plus grande souplesse était accordée à l'autorité hiérarchique pour moduler les limites d'âge des grades les plus élevés. La commission propose par ailleurs de mettre en place un contrat de recrutement de longue durée, qui pourrait être conclu à l'issue d'un premier contrat ; afin de répondre aux besoins importants de recrutement de spécialistes, elle propose l'instauration de contrats souples qui pourraient être ouverts aux étrangers.

Le président Guy Teissier a souligné la nécessité de moderniser le statut général des militaires et la pertinence des travaux conduits en ce sens par la commission. S'agissant de l'éligibilité des militaires, des mesures dérogatoires existent pour certains fonctionnaires, tels que les préfets. Peut-être pourraient-elles être adaptées aux militaires. Par ailleurs, le statut des sous-officiers semble devoir être réformé. Le passage de la catégorie des sous-officiers sous contrat à celle des sous-officiers de carrière se fait au choix et dans la durée, ce qui conduit les jeunes sous-officiers à demeurer dans une situation précaire pendant plusieurs années. Ces règles, établies il y a près d'un siècle, paraissent aujourd'hui anachroniques. Les personnels sortant de l'École nationale des sous-officiers d'active (ENSOA) de Saint-Maixent sont souvent bacheliers et reçoivent une solide formation qui pourrait leur permettre d'accéder plus rapidement à une situation statutaire leur procurant une position sociale plus stable.

M. Renaud Denoix de Saint Marc a indiqué que l'accès au statut de sous-officier de carrière requiert au minimum quatre années et que la commission n'a pas proposé de modifier cette règle. Toutefois, cette situation peut soulever de réelles difficultés.

Rappelant qu'il avait été entendu par la commission, M. Charles Cova s'est félicité que certaines de ses suggestions aient été reprises dans le rapport. Il a relevé qu'en raison de leur forte mobilité, les militaires ne pouvaient guère solliciter un mandat électoral, à l'exception des personnels de l'armée de l'air, qui peuvent rester dans une même base aérienne durant dix à douze années. Toutefois, il pourrait être envisagé de créer, dans les villes où sont installées des garnisons, des commissions extra-municipales qui comprendraient des militaires. Une telle mesure, qui répondrait à la demande légitime des militaires, pourrait être mise en œuvre par une modification du code général des collectivités territoriales. Saluant la proposition de créer un Haut conseil de la fonction militaire, il a estimé souhaitable que cet organisme soit placé sous l'autorité directe du Président de la République. Evoquant les associations de retraités militaires, il a demandé, conformément à l'avis du CSFM rendu en décembre 2003, que ces associations ne soient plus considérées comme professionnelles, de manière à permettre aux militaires en activité d'y adhérer librement, ce que certains font déjà de manière plus ou moins clandestine.

M. Renaud Denoix de Saint Marc a reconnu que cette dernière question avait été longuement débattue au sein de la commission. Celle-ci a décidé de ne pas modifier les règles en vigueur, car les associations de militaires retraités pourraient constituer des groupes de pression risquant d'ouvrir la voie à la constitution de syndicats. C'est à la ministre de la défense et à la représentation nationale qu'il reviendra de trancher cette question.

Après avoir salué l'intérêt et l'utilité des travaux réalisés par la commission, M. Jean-Michel Boucheron a formulé trois remarques.

L'interdiction faite aux militaires d'adhérer aux partis politiques présente peu d'intérêt dans la mesure où certains le font sous un pseudonyme. Une levée de cette interdiction pourrait être assortie d'une obligation de discrétion.

La création d'un Haut conseil à la fonction militaire serait sans nul doute positive, mais ne répondrait pas au problème important de la transmission rapide au ministre de la défense des informations relatives au moral des militaires et aux difficultés que ces derniers peuvent rencontrer. Les informations qui remontent par la voie hiérarchique jusqu'au ministre sont généralement émoussées et perdent de leur pertinence. Pour remédier à cette difficulté, il pourrait être envisagé de désigner des personnes indépendantes, provenant, par exemple, du corps des contrôleurs généraux des armées, qui seraient chargées de transmettre en temps réel des informations au ministre.

Enfin, il apparaît indispensable d'interdire aux militaires la pratique dite du « pantouflage » qui consiste à quitter les armées avant la limite d'âge, puis se mettre au service d'une société privée qui peut être un fournisseur des armées. Il arrive que des experts militaires ou ingénieurs de l'armement préconisent certaines orientations ou achats de matériels et, peu après, deviennent les conseillers d'une entreprise d'armement, ce qui laisse planer un doute sur l'impartialité de leurs propositions. De telles pratiques, malsaines, doivent disparaître.

M. Renaud Denoix de Saint Marc a répondu que, s'agissant de l'adhésion aux partis politiques, les difficultés ne viendraient pas des militaires, mais des partis eux-mêmes. Il ne faut pas, pour l'image même de la neutralité de l'armée, qu'un parti politique puisse faire état, à l'échelon national ou local, de la proportion de militaires qu'il compte dans ses rangs ou en publier la liste.

Plusieurs solutions permettent d'assurer une meilleure information de la hiérarchie et du ministre sur le moral des forces. Dans certaines armées, les chefs d'état-major ou les officiers généraux chargés de grands commandements disposent d'un « correspondant du personnel », chargé de la question du moral ; certains rapports sur le moral des chefs d'unités, notamment dans la marine, contiennent en annexe les observations des présidents de catégorie.

Les règles relatives au « pantouflage » des militaires sont les mêmes que celles qui s'appliquent aux fonctionnaires civils. Une commission de déontologie a pour tâche de prévenir les risques de collusion avec des intérêts privés. Le départ d'anciens militaires vers le secteur privé est une pratique normale qui permet de conserver une pyramide des grades cohérente et d'éviter un trop grand vieillissement des effectifs.

Le président Guy Teissier a fait observer que la difficulté portait sur des officiers de grade élevé qui peuvent passer d'un statut où ils achètent les matériels à un autre où ils les fournissent.

M. Jacques Brunhes, observant que le nouveau statut en préparation avait vocation à s'appliquer pendant plusieurs décennies, s'est déclaré dubitatif sur les conclusions de la commission relatives aux droits politiques et civils. Si le statut militaire justifie certaines restrictions à ces droits, en revanche, ces restrictions doivent sauvegarder certaines limites qui font de l'armée celle de la République. Il a demandé si la commission avait envisagé d'aligner le statut des militaires sur celui de la fonction publique, sous réserve des aménagements nécessaires, et si le panachage entre élection et tirage au sort permettrait de pratiquer, au sein du ministère, une concertation de qualité. S'il est compréhensible que les militaires ne puissent pas créer de syndicat propre, pourquoi ne pourraient-ils pas adhérer directement aux confédérations syndicales déjà existantes ? Enfin, dans la mesure où il est notoire que des militaires adhèrent à des partis politiques, ne conviendrait-il pas de réfléchir à des solutions réalistes ?

M. Renaud Denoix de Saint Marc a répondu que seule l'expérience permettrait de savoir si le système de concertation proposé était fonctionnel, mais que les contacts qu'a eus la commission tendent à le laisser penser. S'il est vrai que certains Etats étrangers comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne ont admis le syndicalisme dans leurs armées, il est apparu, cependant, qu'il existait une contradiction entre la nature même de l'action syndicale et ce qu'on peut exiger d'un militaire. L'adhésion des militaires aux partis politiques pose la question de la discrétion des partis politiques qui ne sont pas tenus au devoir de réserve. Enfin, la commission n'a jamais envisagé d'aligner le statut des militaires sur celui de la fonction publique.

Rappelant que l'un des rôles les plus légitimes du Parlement était le contrôle du fonctionnement des grands services publics, M. Yves Fromion a fait état de ses interrogations sur la façon dont il pouvait être informé de l'état des armées. Il serait souhaitable que le Haut conseil de la fonction militaire inclue des parlementaires. Si le projet de loi en préparation ne le prévoyait pas, il serait opportun de déposer un amendement en ce sens.

La question de la protection juridique des militaires paraît également essentielle : il n'est pas admissible que des chefs de corps puissent être assignés devant la justice pour avoir infligé des sanctions relevant de leurs prérogatives.

M. Renaud Denoix de Saint Marc a répondu que rien ne s'opposait à ce que le Haut conseil de la fonction militaire comporte des parlementaires.

Si la hiérarchie militaire est impuissante à protéger un officier de poursuites pénales, le simple exercice de la mission confiée dans le respect des ordres reçus de la hiérarchie aboutit normalement au prononcé d'un non lieu devant les juridictions répressives. Devant la justice civile, la hiérarchie a le devoir de protéger le militaire ; la faute de service le permet.

M. François Lamy a fait observer que rien aujourd'hui n'empêchait un parti politique d'indiquer la proportion de militaires qu'il compte dans ses rangs, sans qu'aucune vérification ne soit possible. Il a ensuite demandé si la commission avait réfléchi à la participation des militaires à des associations philosophiques et religieuses. S'agissant de la carrière des militaires après leur départ de l'armée, il a soulevé la question des officiers qui se placent au service d'Etats étrangers et demandé si ces situations ne devraient pas être mieux contrôlées, les forces françaises en opérations extérieures pouvant trouver en face d'elles des officiers généraux issus de leurs rangs. Enfin, il a demandé des précisions sur les conditions de protection pénale des militaires en opérations extérieures ; sur ce point, soulignant que les forces françaises pouvaient intervenir parfois hors du cadre d'accords de défense ou de résolutions de l'ONU, il a demandé si le cadre juridique de l'opération extérieure ne devrait pas être défini par le Parlement.

Approuvant la proposition d'imputation au service de l'ensemble des dommages pouvant survenir en opérations extérieures, M. Jean-Claude Beaulieu a demandé des précisions sur la responsabilité pénale des militaires en opérations extérieures. Comment un exécutant peut-il être sûr d'employer la force dans le respect des règles du droit international ? La responsabilité n'est-elle pas celle du Gouvernement ?

M. Renaud Denoix de Saint Marc a répondu qu'on adhère en général à un parti politique pour militer. Dès lors, on n'est plus l'instrument de la Nation tout entière. De plus, il n'est sans doute pas souhaitable que les partis puissent légalement publier des listes de militaires adhérents.

Le droit d'adhésion à des associations philosophique ou religieuse comporte le risque que certains militaires adhèrent à des sectes. On ne peut pas parer à tous les risques. Quant à l'expression de convictions religieuses, la présence d'aumôneries de diverses confessions est un fait ancien, bien adapté à la situation des armées, notamment en opérations.

L'évolution professionnelle des anciens militaires ne peut être contrôlée qu'une fois, lors de leur départ des armées. Ensuite, un ancien militaire redevient un civil et est soumis au droit commun. Il n'est pas souhaitable que l'état militaire suive quelqu'un toute sa vie.

Le président Guy Teissier a fait observer que la question posée concernait tout particulièrement les officiers généraux, qui ne quittent pas l'armée puisqu'ils sont non pas mis à la retraite, mais placés en deuxième section.

M. Renaud Denoix de Saint Marc a répondu qu'une solution adaptée serait que, si le comportement d'un général en deuxième section venait à encourir la critique, cet officier soit mis à la retraite.

Les poursuites pénales sont toujours exercées non pas contre l'institution, mais contre celui qui a commis le fait répréhensible. Il n'est pas possible de déroger à cette disposition. En revanche, le tribunal aux armées est composé de personnes qui connaissent les règles de la discipline militaire et appliquent le code de justice militaire.

Le président Guy Teissier a fait part de la satisfaction de la commission devant les avancées proposées en matière de protection des militaires français en opérations extérieures.

B. MME MICHÈLE ALLIOT-MARIE, MINISTRE DE LA DÉFENSE

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi relatif au statut général des militaires (n° 1741), le mercredi 24 novembre 2004.

Mme Michèle Alliot-Marie a tout d'abord rappelé que l'actuel statut général des militaires a exactement trente-deux ans. Il est apparu opportun de procéder à sa révision, conformément aux souhaits exprimés par le Président de la République et par le Premier ministre.

Si ce travail était nécessaire, c'est d'abord parce que la professionnalisation des armées a entraîné de multiples transformations et que les rapports entre les forces armées et la société ont profondément évolué. C'est ensuite parce que, depuis trente-deux ans, la société française elle-même s'est beaucoup transformée.

L'idée générale qui a commandé la rédaction de ce projet de loi était donc de s'adapter à ces changements, tout en réaffirmant les spécificités de l'état militaire, qui font la force des armées, et tout en faisant en sorte qu'il fasse l'objet d'une appropriation par les militaires eux-mêmes. C'est pourquoi il a été constitué une commission composée à la fois de représentants du ministère de la défense et de personnalités extérieures au monde militaire, présidée par le vice-président du Conseil d'Etat, M. Renaud Denoix de Saint Marc. Le conseil supérieur de la fonction militaire a également été consulté tout au long des différentes étapes de la rédaction du projet.

Il importait que celui-ci soit clair, compréhensible par tous. C'est ainsi que la révision ou l'abrogation de quelque 400 articles, contenus dans une vingtaine de lois, ont abouti à un texte de moins de 100 articles. Dans le même esprit, la séparation entre les domaines législatif et réglementaire a été strictement respectée. Afin que la loi puisse entrer rapidement en application, la rédaction des projets de décret d'application a déjà fait l'objet d'un premier travail.

La professionnalisation des armées imposait de répondre à plusieurs enjeux nouveaux, dont le premier est celui de l'attractivité. Une armée professionnelle doit attirer des compétences diverses et fidéliser son personnel. De ce point de vue, elle est en concurrence avec les entreprises, en particulier quand il s'agit de recruter dans certaines spécialités.

Le deuxième enjeu est celui de la cohésion entre les militaires de carrière et les contractuels, ceux-ci représentant désormais plus de la moitié du personnel.

Etant donné les évolutions sociologiques de ces dernières années, il était nécessaire d'assouplir un certain nombre de règles. Les militaires ne doivent pas avoir le sentiment d'être des citoyens complètement à part, ni celui que leur sens des responsabilités et leur volonté de dialogue sont ignorés. Leurs droits doivent, dans toute la mesure du possible, se rapprocher de ceux de l'ensemble des fonctionnaires. Cela est d'autant plus important que le risque d'une certaine déstabilisation juridique existe bien.

Pour autant, le nouveau statut général ne doit pas sacrifier les principes essentiels auxquels les militaires sont d'ailleurs eux-mêmes attachés. C'est ainsi que sont réaffirmées certaines exigences fondamentales, inséparables de l'état militaire : la discipline, la disponibilité, l'esprit de sacrifice, le loyalisme et la neutralité.

Par ailleurs, l'unicité du statut militaire est maintenue. Quels que soient les armées et les services, les sujétions demeurent communes, tout comme les compensations qu'elles appellent.

Les règles principales du nouveau statut général ont pour but d'assouplir certaines restrictions, de conforter la concertation, de renforcer la protection et les garanties données aux militaires.

Les restrictions qui seront assouplies concernent notamment le droit civil des militaires. Le texte fait ainsi disparaître certaines obligations anachroniques, par exemple celle de demander une autorisation avant d'épouser un étranger, ou encore celle de déclarer la profession du conjoint. De telles dispositions ont été débattues, et le seront d'ailleurs à nouveau. Elles paraissent réalistes, et ne nuisent pas à l'intérêt du service.

Les militaires seront libres d'exercer des responsabilités associatives. Cependant, ils n'auront toujours pas la faculté d'appartenir à un groupement professionnel - ce terme est plus général que celui de syndicat - ni à un parti politique. En ce qui concerne le droit d'expression, il est également opportun que l'autorisation préalable soit supprimée : une disposition qui pouvait se comprendre dans une armée de conscription paraît moins justifiée aujourd'hui, d'autant que demeure l'obligation de réserve, laquelle est relative au sujet évoqué et proportionnelle à la responsabilité exercée.

S'agissant de la concertation, le système actuel des conseils de la fonction militaire est satisfaisant, mais a besoin de voir ses modalités confortées. Ce sont les chefs d'état-major ou les directeurs de service qui présideront en temps normal les conseils, et non plus le ministre, comme l'habitude en avait été prise, ce qui était confondre les niveaux de responsabilité.

Les membres du Conseil supérieur de la fonction militaire, qui est présidé par le ministre de la défense, seront désignés parmi les conseils de fonction militaire d'armée. La protection des membres de ces instances est garantie, car il est nécessaire que leur liberté de parole au sein de celles-ci soit totale.

Pour compléter le dispositif, une commission indépendante d'évaluation de la fonction militaire sera chargée de remettre périodiquement un rapport au Président de la République, afin d'apprécier l'évolution des statuts et des rémunérations des militaires. Certaines suspicions se manifestent parfois, soit qu'on estime que les militaires sont favorisés, soit au contraire qu'on les juge pénalisés. Les travaux de cette commission permettront de montrer ce qu'il en est réellement.

La protection et les garanties que l'Etat apporte aux militaires seront renforcées. La ministre a dit avoir été choquée, lors de son arrivée à la tête du ministère, par certaines situations qui, pour être individuelles et isolées, n'en manifestaient pas moins que certains principes appliqués aux autres fonctionnaires ne l'étaient pas aux militaires. Ceux-ci auront donc une meilleure couverture juridique et sociale. Sera notamment institué un principe d'imputabilité au service pendant toute la période des opérations. Il a pu en effet arriver que des militaires, victimes d'accidents en dehors des heures de service, mais lors d'une opération, se voient priver de toute protection, de même que leurs ayants droit, en particulier leurs veuves. C'est là une anomalie à laquelle il importait de mettre fin. De la même façon, les militaires bénéficieront d'une protection pénale en opération et dans les zones hautement sensibles - en dehors des cas de faute personnelle, bien entendu.

Le droit disciplinaire méritait également d'être rénové et simplifié, et les droits de la défense d'être mieux assis. Une échelle unique fusionnant sanctions disciplinaires et statutaires apportera à cet égard simplification et meilleure visibilité.

Les grandes règles de gestion du corps militaire seront modernisées. Il n'était pas pensable de traiter différemment des gens travaillant ensemble, sachant que les militaires sous contrat ne peuvent être considérés comme des contractuels ordinaires de l'Etat ; aussi les droits et protections des personnels sous contrat seront-ils rapprochés de ceux reconnus aux militaires de carrière. Les limites d'âges seront rationalisées afin de prendre en compte tout à la fois le besoin de jeunesse - surtout en opérations extérieures - et les conséquences de la réforme des retraites. Les dispositifs de reconversion professionnelle seront améliorés en facilitant notamment l'accès des militaires à la fonction publique civile. C'est non seulement l'intérêt de tout le monde, mais également un élément concourant à l'attractivité de la carrière militaire.

Mme Michèle Alliot-Marie a clairement reconnu qu'il ne s'agissait pas d'une révolution. Le statut ainsi renouvelé s'inscrit dans la prise en compte, indispensable, des spécificités militaires ; il n'en contient pas moins des adaptations essentielles qui traduisent une réelle modernisation, à la hauteur des enjeux de l'armée professionnelle du XXIe siècle, tant dans le domaine de l'emploi des postes que dans celui de la gestion des ressources humaines. Si la commission de la défense nationale a toujours, et unanimement, soutenu les efforts d'amélioration du matériel militaire, elle sait que la qualité des armées de la France dépend d'abord de celle des hommes et des femmes qui les servent.

Le président Guy Teissier a remercié la ministre d'avoir, trente-deux ans plus tard, apporté un peu d'air frais au statut de 1972. Au demeurant, il ne s'agit pas d'une révolution, mais d'un changement dans la continuité.

Tradition et modernité, a rectifié Mme Michèle Alliot-Marie.

Le président Guy Teissier a souligné que, la loi n'étant que le reflet des mœurs du temps, ce texte est en tout cas bienvenu.

L'égalité est un principe auquel tout parlementaire est très attaché. Or les articles 55 et 56, relatifs aux congés de la position de non-activité après épuisement des droits à congé de maladie (six mois), sont porteurs d'une inégalité de prime abord choquante. Le congé de longue durée pour maladie prévu à l'article 55 est plus avantageux que le congé de longue maladie, objet de l'article 56. Alors que, dans les deux cas, l'affection est imputable au service, l'intéressé aura droit à huit ans dans le premier, mais seulement à trois ans dans le second. Qu'est-ce qui fait la différence ? L'affection qui en est cause, selon qu'elle figure ou non dans une liste fixée par décret. Autrement dit, la « chance », si l'on peut s'exprimer ainsi, dépendra de la maladie que l'on aura attrapée. Selon quels critères - à déterminer dans la loi - sera dressée cette liste ? Quelles affections y figureront ? Et pourquoi celle-ci plutôt que celle-là ? Pourquoi prévoir deux régimes particuliers et des durées aussi variables pour des affections toutes contractées dans le cadre du service ? Le soldat qui aura contracté au Tchad telle pathologie, répertoriée dans le décret, aura finalement eu plus de « chance » que son camarade de chambrée si la sienne ne l'est pas ! De telles distorsions méritent éclaircissements.

Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé que la distinction entre maladies imputables au service et maladies non imputables au service était parfaitement normale. La liste des maladies sera établie en fonction de la gravité et du lien plus ou moins automatique avec les contingences du service. Le but n'est pas de restreindre ni d'éliminer. Au surplus, la liste des maladies peut être complétée si nécessaire. C'est une question de bon sens.

M. Antoine Carré a observé que les maladies professionnelles obéissaient aux mêmes principes.

M. Jean-Louis Bernard a partagé cet avis : un marin chargé de la réparation des machines pourrait fort bien être atteint du syndrome du canal carpien, fréquent chez les tourneurs sur métaux. Mais cette affection ne sera pas directement imputable au service dans le cas d'un marin non astreint à ce genre de tâche.

Le président Guy Teissier a appelé l'attention sur le cas de nos troupes en Guyane : bon nombre de soldats en reviennent avec des maladies tropicales quasiment inconnues et difficiles à traiter. Une maladie peu fréquente, parfois même totalement nouvelle, sera par le fait absente de la liste.

Mme Michèle Alliot-Marie a assuré que la liste arrêtée par décret serait régulièrement complétée.

Le président Guy Teissier a insisté sur le fait que la maladie est dans tous les cas, qu'elle relève de l'article 55 ou de l'article 56, imputable au service : répertoriée, elle ouvre droit à un congé de huit ans, et seulement de trois ans si elle l'est pas.

Mme Michèle Alliot-Marie a précisé que l'inscription d'une maladie dans la liste serait fonction de ses conséquences et de sa gravité. Au surplus, la liste sera remise à jour au fur et à mesure : c'est l'avantage du décret.

M. Jean-Michel Boucheron a demandé si, dans ce cas, la rétroactivité s'appliquerait.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que la reconnaissance d'une affection suffit pour donner droit aux congés de longue durée.

M. François Huwart a observé que la distinction, réglementaire, entre congé longue maladie et congé de longue durée existait déjà dans la fonction publique.

M. Yves Fromion s'est plus particulièrement intéressé au problème de la protection juridique de ceux qui ont le pouvoir hiérarchique de noter. Un chef de corps a récemment été traduit devant une juridiction civile par un de ses officiers qui estimait avoir été lésé dans son avancement. Ce phénomène peut évidemment se produire dans toutes les administrations, mais il prend une tout autre dimension dans l'armée du fait de l'importance qu'y tient la notation, mais également de la nécessité d'y préserver la discipline et les liens qui unissent les membres d'une unité militaire. Le nouveau statut prévoit-il des mécanismes capables de limiter ce genre de pratiques ? Dans le cas cité, le plaignant avait été débouté, mais l'événement avait fait grand bruit.

M. René Galy-Dejean s'est limité à une remarque d'ordre général sur l'article 2 qui commence par les mots : « Le présent statut s'applique aux militaires de carrière ». Par « militaire de carrière », il faut évidemment entendre les militaires servant dans les forces et les militaires servant dans la gendarmerie. Mais le statut des gendarmes a failli poser problème sous la précédente législature : leur statut de militaire de carrière a parfois été contesté, y compris dans certains ministères. Grâce notamment à la ténacité de l'actuel ministre de la défense, ce problème a heureusement été réglé et le nouveau statut vient finalement mettre un point final à cet épisode. Reste qu'il aurait été heureux, pour bien « serrer les boulons » et mettre définitivement un terme à bien des interrogations malsaines, de reprendre une formulation au demeurant très usuelle en précisant que le présent statut s'appliquera aux cadres militaires de carrière des forces armées et de la gendarmerie.

Mme Michèle Alliot-Marie a fait observer qu'un chef de corps ou un supérieur hiérarchique était tenu d'expliquer à son subordonné les motivations de sa notation. Cette obligation est un élément non négligeable, ne serait-ce que sur le plan psychologique. Au surplus, les voies de recours ne manquent pas. Il arrive même au ministre de voir des recours arriver jusqu'à lui, parfois par l'intermédiaire de parlementaires, alors même qu'il n'a aucune autorité en la matière. Les choses se règlent généralement à un échelon intermédiaire, dans le cadre du recours hiérarchique. Il existe par ailleurs une commission de recours des militaires (CRM) qui est une instance précontentieuse. Il est donc très rare de voir ce genre d'affaires finir devant les tribunaux ; il est fait le maximum pour l'éviter. On relève au grand maximum quelques cas de ce genre par an, dans lesquels le plaignant se voit au demeurant généralement débouté.

Le statut militaire de la gendarmerie a été conforté de multiples façons depuis deux ans et demi. Le recrutement de la gendarmerie dans les grandes écoles militaires, supprimé un temps, a été rouvert. La pratique de l'envoi des gendarmes en opérations extérieures, après plusieurs affirmations de principe, a été réinstaurée ; ils y réussissent du reste fort bien et en sont très heureux. La création de la force européenne de gendarmerie a été l'occasion de rappeler, y compris sur le plan européen, le statut militaire de la gendarmerie. Il n'est jusqu'à sa hiérarchie dont le caractère militaire n'ait été confirmé, avec la toute récente nomination d'un général de gendarmerie comme directeur général de la gendarmerie nationale.

Le parallélisme des formes étant ainsi assuré, est-il besoin de faire explicitement référence à la gendarmerie dans le statut ? La gendarmerie n'est pas un corps à part : c'est une composante des forces armées. Sinon, il conviendrait de les mentionner toutes en parlant des militaires « de l'armée de terre, de la marine, de l'armée de l'air et de la gendarmerie ». La banalisation apparaît finalement comme la meilleure des garanties. La ministre s'est déclarée prête à examiner un amendement de précision, mais à la condition que chacune des composantes des forces armées y soit mentionnée.

M. Jacques Brunhes a observé que le nouveau statut général des militaires s'appliquerait sans doute, lui aussi, pendant plusieurs décennies. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas être plus audacieux et permettre que les militaires participent réellement à la vie citoyenne en les autorisant à adhérer à un parti politique ou à une confédération syndicale ?

Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé que les militaires ont, bien sûr, le droit de vote. Ils ont aussi le droit d'exercer un mandat électif, mais, dans ce cas, ils sont détachés. Cela s'explique fort bien : la République ne tolérerait pas que ses militaires puissent être soupçonnés de favoriser une idéologie. La neutralité participe de la force de la fonction militaire et explique pour partie la très forte adhésion des citoyens français à leurs armées. Ainsi, selon les sondages les plus récents, les militaires obtiennent 83 % de taux de sympathie, immédiatement après les pompiers. Si les militaires étaient autorisés à faire état d'une appartenance politique explicite, la vision consensuelle qu'en ont les citoyens en serait modifiée. Il convient donc d'en rester là.

M. Jean-Michel Boucheron a indiqué que le groupe socialiste déposera quelques amendements techniques. Il a déclaré, à titre personnel, que le texte comportait de nombreux éléments positifs, se félicitant en particulier qu'il réaffirme à juste titre que les militaires ne sont pas des fonctionnaires comme les autres. La seule divergence tient au maintien de l'interdiction d'adhérer à un parti politique, qui devrait, lui semble-t-il, être levée, à la condition expresse qu'il ne puisse en être fait état.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que des discussions avaient eu lieu à ce sujet avec les militaires. Tous sont, bien entendu, suffisamment responsables pour ne pas faire état de leur adhésion éventuelle à un parti politique ; mais il n'existe aucun moyen d'empêcher ce parti lui-même de révéler cette adhésion. Autant dire que permettre l'appartenance à un parti politique nuirait à la neutralité que les citoyens attendent de leur armée.

Le président Guy Teissier a souligné que l'armée de la République, émanation de la Nation, doit rester apolitique. D'ailleurs, des caporaux-chefs aux colonels, tous les militaires consultés se sont déclarés défavorables à la levée de l'interdiction. Le seul point sur lequel il y ait eu débat était celui de la participation à la vie de la cité, désir principalement exprimé par des sous-officiers et des officiers. Le risque de dérives inévitables leur a été rappelé : à supposer qu'ils soient élus localement, ils pourraient devenir grands électeurs, ce qui les obligerait à un choix politique lors des élections sénatoriales.

M. Jacques Brunhes a déclaré que, ne partageant pas ce sentiment, il aborderait à nouveau la question en séance plénière, étant entendu que toute adhésion d'un militaire à un parti politique devrait naturellement, comme M. Jean-Michel Boucheron l'avait indiqué, demeurer confidentielle.

M. Francis Hillmeyer a souligné que beaucoup restait à faire s'agissant de la réserve, dont la durée est estimée insuffisante cependant que les réservistes eux-mêmes sont encore trop souvent considérés comme des bêtes curieuses par leurs employeurs, notamment lorsque ceux-ci doivent les libérer pour faire leurs périodes... Il s'est étonné par ailleurs que le projet ne contienne aucune référence à la défense européenne.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué qu'un projet de loi spécifiquement consacré à la réserve serait présenté au cours du premier semestre 2005. La ministre a aussi rappelé que le présent projet portait sur la modernisation du statut général des militaires, ce qui n'a rien à voir avec la défense européenne qu'elle s'efforce de construire, semaine après semaine, avec ses homologues des pays membres de l'Union. C'est ainsi que vient d'aboutir, à Bruxelles, une initiative française : la création des « groupements tactiques 1500 », pour lesquels treize pays ont fait connaître leur disponibilité. Par ailleurs, l'Agence européenne de défense a, pour la première fois, adopté son budget et son programme de travail. Enfin, un accord s'est fait entre les cinq pays membres de l'Eurocorps pour fixer des garanties qui, jusqu'à présent, n'existaient pas. Ces événements, d'une grande importance, sont sans relation avec le projet, qui porte exclusivement sur le statut général des militaires.

M. Charles Cova s'est félicité de l'indispensable modernisation que traduit le projet, et a annoncé qu'il proposerait quelque vingt-cinq amendements, dont certains lui tiennent particulièrement à cœur : ainsi en est-il de celui qui porte sur les grades de la marine et d'un autre qui a trait à la suppression de la position statutaire « en retraite ». Déplorant que le terme de haut conseil de la fonction militaire n'ait pas été retenu, il a dit y tenir expressément et a rappelé que M. Renaud Denoix de Saint Marc l'avait retenu dans son rapport. Sa déception est d'autant plus vive que l'on semble à présent se contenter d'une commission définie a minima ; il faut pourtant créer une instance indépendante du ministère et dont l'autorité morale sera incontestable, à l'image de ce qui existe pour la magistrature et pour la fonction publique.

Mme Michèle Alliot-Marie a fait valoir que le maintien de la position « en retraite » irait contre les intérêts des militaires puisque ceux qui auraient ce statut seraient dans l'impossibilité juridique de revenir servir dans les armées à titre contractuel. Pour ce qui est de la nouvelle instance, le fait que son rapport soit remis au Président de la République indique que, quel que soit son nom, l'objectif visé est atteint. Pour autant, ses missions seront très différentes de celles qui sont assignées au Conseil supérieur de la fonction publique ; de surcroît, l'intitulé « Haut Conseil » induirait un grand risque de confusion avec le Conseil supérieur de la fonction militaire. La ministre, convenant que le terme de « commission » peut paraître trop banal, s'est dite prête à admettre un intitulé plus satisfaisant au cours de la discussion du projet.

M. Jean-Yves Hugon a fait savoir que l'association nationale et fédérale des anciens sous-officiers de carrière de l'armée française s'inquiète notamment de la situation des militaires sous contrat qui quittent les armées avant d'avoir atteint les quinze années de service exigées pour prétendre à une pension de retraite, et qui ne peuvent, de ce fait, voir prises en compte les bonifications auxquelles ils devraient avoir droit.

Mme Michèle Alliot-Marie a convenu qu'il s'agissait effectivement d'une injustice, qu'elle espérait voir régler dans le cadre de la loi réformant les retraites, ce qui n'a pas été possible. De nouvelles discussions ont eu lieu avec Bercy sans qu'un accord soit trouvé, mais la ministre a réussi à faire admettre qu'il serait possible d'obtenir le même résultat en valorisant ces bonifications dans le cadre de l'IRCANTEC. Certes, ce mécanisme n'est pas entièrement satisfaisant sur le plan intellectuel, mais c'est le seul moyen de surmonter les blocages très forts constatés tant au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie qu'au ministère de la fonction publique. Mais n'est-ce pas le résultat qui prime ?

II. - EXAMEN DES ARTICLES

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de ses réunions des mardi 30 novembre et mercredi 1er décembre 2004.

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Alain Bocquet et les membres du groupe des député-e-s Communistes et Républicains, la commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS STATUTAIRES

Article 1er

Missions de l'armée et caractéristiques de la fonction militaire

Cet article rappelle les missions de l'armée de la République et les particularités qui s'attachent à la fonction militaire.

A l'exception du quatrième et dernier alinéa, le présent article ne modifie que peu la rédaction de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires. Il ne comporte d'ailleurs pas, à proprement parler, de dispositions normatives, sauf à attribuer cette qualité au quatrième alinéa qui prévoit la rédaction d'un rapport établi par une commission d'évaluation dont le soin de la composition est renvoyé à un décret. Toutefois, la solennité de ton qui caractérise l'ensemble peut s'expliquer par la rigueur susceptible de s'attacher à la chose militaire. Il convient de relever que le choix retenu de maintenir cette rédaction dans un état quasi identique à celui de 1972 veut signifier une certaine permanence de la conception de l'armée et du soldat.

Enfin, le choix de la mise en exergue d'une rédaction non normative s'inscrit dans la modernité de nombreux textes législatifs qui, désormais, comportent ce type de mention (2).

La première phrase du premier alinéa rappelle, sans modifier les termes de la loi du 13 juillet 1972, que l'armée est au service de la Nation. Si la notion de service est applicable à l'ensemble de la fonction publique, cette comparaison est immédiatement tempérée par la deuxième phrase qui définit la mission et les moyens d'action de l'armée. Il s'agit de défendre par la force des armes « la patrie et les intérêts supérieurs de la Nation ».

La première phrase du deuxième alinéa évoque les vertus attendues du militaire « en toute circonstance ». Celles-ci sont : l'esprit de sacrifice, la discipline, la disponibilité, le loyalisme et la neutralité. La comparaison avec la rédaction de 1972 met en évidence une modification de l'ordre des vertus et l'ajout d'une exigence nouvelle : la neutralité. Pour ce qui concerne l'ordonnancement, c'est l'esprit de sacrifice qui, de troisième, devient premier.

L'exigence de neutralité correspond au devoir de réserve imposé aux fonctionnaires de l'Etat par le code général de la fonction publique. Ce principe de neutralité du service public interdit au fonctionnaire de faire de sa fonction l'instrument d'une propagande quelconque. La portée de cette obligation est appréciée au cas par cas par l'autorité hiérarchique sous contrôle du juge administratif.

La deuxième phrase de cet alinéa reprend sans la modifier la rédaction de la loi du 13 juillet 1972. Elle établit que les devoirs et sujétions propres au statut de militaire méritent « le respect des citoyens et la considération de la Nation ».

La rédaction des deux premières phrases du troisième alinéa est identique à celle du texte en vigueur sous la réserve de la suppression de la mention de : « ceux qui accomplissent le service militaire dans les conditions prévues par le Code du service national » résultant de la suspension sine die de la conscription (loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national). Elle précise que le statut des intéressés assure les garanties répondant aux sujétions imposées aux militaires et que des compensations sont apportées aux contraintes et exigences de la vie militaire.

L'avant-dernière phrase de cet alinéa est nouvelle. Comme l'indique l'exposé des motifs, elle souligne la responsabilité de l'Etat envers des agents soumis, au cours de leur carrière, aux sujétions particulières que sont celles de la fonction militaire. De fait, tous les militaires ne peuvent avoir un déroulement de carrière complet, il y a donc lieu de prévoir et d'organiser leur retour à la vie civile.

Le dernier alinéa de cet article prévoit l'institution d'une commission d'évaluation de la fonction militaire qui doit produire périodiquement un rapport relatif à l'évolution de celle-ci. Il prévoit encore que la composition de cette commission est fixée par décret.

Le présent projet de loi maintient les instruments de concertation que sont le conseil supérieur de la fonction militaire et les conseils de la fonction militaire (voir le commentaire de l'article 18 du présent projet de loi). La création d'une commission d'évaluation vient compléter l'ensemble du dispositif, suivant en cela les recommandations du rapport de la commission de révision du statut général des militaires.

Relevant que le sentiment exprimé par de nombreux militaires est que « les compensations aux contraintes et exigences de la vie dans les forces armées » ne sont pas nécessairement suffisantes, ce document suggère une évaluation périodique de l'évolution de la situation des militaires et le dépôt d'un rapport. Deux conditions garantissent l'intérêt de cette démarche : la commission sera composée d'un très petit nombre de personnalités reconnues et ne comportera ni militaire ni parlementaire ; le rapport sera remis aux plus hautes instances de l'Etat, le Premier ministre et le Président de la République. Ce dernier point ne constitue pas un détail, il est important que les militaires sachent que leur situation n'est pas connue de leur seul ministre de tutelle.

Cette évaluation objective établie par des personnalités indépendantes correspond à la nouvelle situation des armées dont le rapport relève qu'elles « sont maintenant placées en concurrence avec les autres employeurs pour recruter et fidéliser l'ensemble de leurs ressources humaines ».

*

La commission a examiné un amendement présenté par M. Francis Hillmeyer, ayant pour objet de faire référence dans la loi à la dimension européenne de la politique de défense.

La commission a adopté deux sous-amendements du rapporteur, le premier rédactionnel et l'autre supprimant le II de l'amendement. Puis elle a adopté l'amendement ainsi modifié.

La commission a examiné en discussion commune trois amendements tendant à préciser que l'esprit de sacrifice peut aller jusqu'au sacrifice de la vie, ou sacrifice suprême, les deux premiers présentés par M. Charles Cova et le troisième par M. Jean-Louis Léonard. Après que M. Jean-Louis Léonard a retiré son amendement, la commission a adopté le premier amendement de M. Charles Cova, évoquant le sacrifice suprême, et l'autre amendement du même auteur est devenu sans objet.

La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur.

Puis, elle a examiné, en discussion commune, cinq amendements :

- le premier présenté par M. Jean-Louis Léonard tendant à créer un observatoire de la condition militaire, chargé d'adresser périodiquement un rapport au Président de la République ;

- le deuxième présenté par M. Jean-Claude Beaulieu visant à confier à un haut conseil d'évaluation de la fonction militaire la rédaction de ce rapport ;

- le troisième présenté par M. Charles Cova tendant à confier cette mission à un haut comité de la fonction militaire ;

- le quatrième présenté par M. Jean-Claude Viollet ayant pour objet de confier ce rapport à une commission d'évaluation de la fonction militaire ;

- le cinquième présenté par M. Yves Fromion prévoyant que ce rapport périodique sera établi par une commission d'évaluation.

M. Philippe Vitel a noté que ces amendements prévoyaient tous la création d'un organisme indépendant chargé d'établir un rapport sur la condition militaire et que la discussion de ce rapport devant le Parlement était indispensable, s'inscrivant dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

M. Michel Voisin a estimé que de nombreuses dispositions prévoyant la discussion de rapports devant le Parlement étaient restées sans traduction concrète et qu'on pouvait s'interroger sur la pertinence de l'organisation d'une telle discussion pour un rapport destiné au Président de la République.

M. Jean-Louis Léonard a souligné que, si de nombreux rapports n'étaient pas déposés, c'était précisément parce que le Parlement n'était pas associé à leur rédaction.

M. Yves Fromion, président, a observé qu'avec la professionnalisation des armées, le rôle du Parlement dans le maintien du lien entre l'armée et la Nation s'était considérablement renforcé.

M. Gilbert Le Bris a estimé que le Président de la République pouvait être destinataire de ce rapport à d'autres titres que seulement celui de chef des armées.

M. Yves Fromion, président, a souligné que c'était au titre de chef des armées que le Président de la République était destinataire du rapport, le Parlement se contentant de débattre.

Le rapporteur a présenté un amendement oral tendant à créer un haut comité d'évaluation de la condition militaire, chargé d'établir périodiquement un rapport adressé au Président de la République, chef des armées, et donnant lieu à un débat devant le Parlement ; la composition, l'organisation et les missions en seraient fixées par décret en Conseil d'Etat.

M. Jean-Louis Léonard s'étant interrogé sur la pertinence du recours à un décret en Conseil d'Etat, M. François Huwart a rappelé que la procédure du décret en Conseil d'Etat n'est qu'une des variantes de l'expression du pouvoir règlementaire, lequel appartient au Président de la République ainsi qu'au Premier ministre et, par délégation, aux ministres. Puis, M. Yves Fromion, président, a précisé que le décret en Conseil d'Etat définissait la composition de l'organisme, mais ne portait pas nomination de ses membres.

M. Charles Cova a souligné qu'il convenait de veiller à ce que la composition même de ce comité n'entraîne pas de dévalorisation du conseil supérieur de la fonction militaire, lequel constitue l'organe suprême de représentation des militaires.

Le rapporteur a indiqué que les membres du CSFM sont des militaires, alors que le comité qu'il est proposé de créer comporterait des membres civils. Ce comité n'aurait pas pour fonction de traiter des questions internes, propres aux militaires, mais d'être informé de leur condition. En tout état de cause, la représentation du Parlement dans ce comité apparaît essentielle.

A l'issue d'un débat auquel ont participé MM. Philippe Vitel, Jean-Louis Léonard, Yves Fromion, président, et Jean-Claude Viollet, le rapporteur a rectifié son amendement pour préciser que le Parlement est représenté au sein du haut comité d'évaluation de la condition militaire.

MM. Jean-Louis Léonard, Jean-Claude Beaulieu, Charles Cova, Jean-Claude Viollet et Yves Fromion ont retiré leurs amendements.

La commission a ensuite adopté l'amendement rectifié du rapporteur.

Un amendement rédactionnel du rapporteur est en conséquence devenu sans objet.

Puis, la commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2

Catégories concernées par le statut,
conditions de fixation des statuts particuliers militaires

Cet article énumère les catégories concernées par le statut et prévoit le mode de fixation des statuts particuliers des militaires.

Le premier alinéa mentionne les catégories de personnels auxquelles s'applique le statut. Il s'agit :

- des militaires de carrière ;

- des militaires servant en vertu d'un contrat ;

- des militaires servant au titre de la réserve militaire ;

- des fonctionnaires en détachement qui exercent, en qualité de militaires, certaines fonctions spécifiques nécessaires aux forces armées.

Cet alinéa prend en compte l'introduction dans le statut général des militaires, par l'ordonnance n° 2003-843 du 5 juin 2003 relative aux dispositions rendues nécessaires par la suspension du livre II du code du service national, de dispositions relatives aux fonctionnaires détachés pour exercer, en qualité de militaires, certaines fonctions spécifiques nécessaires aux forces armées ainsi que la suspension, par la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, du livre II du code du service national.

Le deuxième alinéa prévoit que les statuts particuliers des militaires sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Ces statuts peuvent, en tant que de besoin, déroger aux dispositions de la loi dès lors que celles-ci ne répondent pas aux besoins propres d'un corps particulier.

Il peut être noté que c'est l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires qui a renvoyé au décret le soin de définir les statuts particuliers des militaires. Depuis 1958 et jusqu'à cette date, c'était la loi qui définissait les divers statuts des militaires de carrière. Le rapporteur pour la commission de la défense, Joël Le Theule, s'étonnait en 1972 dans son rapport que l'administration ait mis quinze ans à s'apercevoir de la nature réglementaire des statuts particuliers des militaires. Il s'émouvait ensuite du risque de voir l'ensemble du statut tomber dans le domaine réglementaire. Il estimait que le Gouvernement aurait ainsi eu la possibilité « de façon générale (pour tous les statuts particuliers) et permanente (sans limitation de durée) d'écarter les règles fondamentales relevant du domaine législatif ».

C'est dans cet état d'esprit que le texte du projet de loi a été modifié par un amendement précisant le caractère dérogatoire de la procédure, mais surtout inscrivant qu'aucune de ces dérogations ne saurait être apportée autrement que par voie de loi aux dispositions du titre premier, ainsi qu'à celles relatives au recrutement, aux conditions d'avancement et aux limites d'âge.

C'est donc une rédaction très proche dans l'esprit qui figure dans le présent article. La principale modification consiste à supprimer la mention de l'avis du conseil supérieur de la fonction militaire, préalablement requis dans le texte de 1972 pour toute dérogation. Dans la réalité, cet avis n'est pas supprimé, l'article 18 du présent projet de loi mettant, afin de ne pas alourdir le texte, « en facteur commun » les interventions du conseil en prévoyant qu'il « exprime son avis sur les questions de caractère général relatives à la condition et au statut du personnel militaire. Il est obligatoirement saisi des projets de texte d'application du présent statut ayant une portée statutaire ».

*

La commission a adopté un amendement de M. Philippe Vitel tendant à mettre en cohérence la référence de cet article aux militaires réservistes avec la rédaction, plus précise, de l'article 86, après avis favorable du rapporteur.

Un amendement de M. Charles Cova visant à rendre obligatoire l'avis du conseil supérieur de la fonction militaire sur la rédaction des statuts particuliers des militaires a été retiré par son auteur, le rapporteur ayant fait valoir qu'il était satisfait par la rédaction de l'article 18.

La commission a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié.

TITRE 1ER
DROITS ET OBLIGATIONS

Chapitre Ier

Exercice des droits civils et politiques

Article 3

Droits et libertés des militaires

Cet article pose pour principe que les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens. Cette assertion est aussitôt tempérée par la seconde phrase qui dispose que l'exercice de certains de ces droits est soit interdit, soit restreint dans le cadre du statut déterminé par la loi.

Le présent article reprend, sans le modifier, le texte de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1972.

Les articles suivants, 4 à 7, précisent le champ de l'exercice de ces droits ainsi que l'étendue de leurs limitations.

Par ailleurs, l'article 91 du présent projet de loi abroge la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires. Cette abrogation emporte la disparition de l'article 14 de la loi de 1972 relatif à la limitation du droit de mariage des militaires en activité de service.

Pour mémoire, il peut être rappelé que cette disposition résulte du décret impérial du 16 juin 1808. Elle impose aux militaires de ne se marier qu'après avoir obtenu la permission, du ministre des armées s'ils sont officiers, de leur chef de corps s'ils sont sous-officiers ou soldats.

L'article 14 pose le principe inverse : sauf exception, les militaires peuvent contracter librement mariage.

La loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975 modifiant la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires et édictant des dispositions concernant les militaires de carrière ou servant en vertu d'un contrat a relevé les militaires de la gendarmerie de l'obligation d'autorisation de mariage.

Demeurent concernés :

- les militaires désirant épouser une personne n'ayant pas la nationalité française. L'autorité militaire doit pouvoir s'assurer, le cas échéant, que le militaire n'est pas victime d'une manœuvre d'un service d'espionnage étranger ;

- les militaires servant à titre étranger. L'expérience semble montrer que la suppression de l'autorisation préalable pourrait entraîner une multiplication des cas de bigamie et donner naissance à d'inextricables problèmes de droit international privé.

Le présent projet de loi supprime l'obligation de demande d'autorisation de mariage pour tous les militaires en activité de service.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 4

Liberté de conscience, d'opinion, d'expression et d'information

Cet article pose le principe de l'exercice des libertés communément reconnues au citoyen et accordées aux militaires et en détermine les limitations caractéristiques de la situation militaire.

Le premier alinéa reprend le texte de la loi du 13 juillet 1972 qui reconnaît aux militaires la liberté d'opinion, de croyance, de pensée philosophique, religieuse ou politique.

L'exposé des motifs indique que l'esprit qui préside à la rédaction du présent article est celui d'un rapprochement du régime applicable aux militaires de celui du droit d'expression des fonctionnaires civils. Ce régime se caractérise par un contrôle a posteriori. L'objectif visé est la mise en valeur de l'esprit de responsabilité des militaires ainsi que de leur place au sein de la société. En quelque sorte, la combinaison des articles constitutifs du présent chapitre définit les contours d'une armée qui n'est plus « la grande muette » et qui est formée de citoyens actifs et responsables.

C'est dans cet esprit que l'obligation faite aux militaires d'obtenir l'autorisation du ministre lorsqu'ils doivent évoquer publiquement des questions politiques ou mettant en cause une puissance étrangère ou une organisation internationale est supprimée. Les caractéristiques et les conditions d'observation du devoir de réserve sont définies.

Le deuxième alinéa maintient le libre exercice du culte dans les enceintes militaires et à bord des bâtiments de la flotte ; dans le même temps, il précise que les opinions et croyances ne peuvent être exprimées qu'en dehors du service et « avec la réserve exigée par l'état militaire ». Le texte précise que cette règle s'applique à tous les moyens d'expression ; il s'agit d'une mise en conformité du statut avec l'époque actuelle. Depuis la promulgation de la loi du 13 septembre 1973, les moyens de communication ont évolué. Aujourd'hui, internet et les téléphones cellulaires constituent des médias courants ; il y avait donc lieu d'adapter la loi à cette réalité, aussi, le texte abandonne-t-il la référence aux conférences ou exposés.

Le troisième alinéa précise, outre les dispositions pénales relatives au secret de la défense nationale et au secret professionnel, la nature du devoir de réserve, très semblable à celui qui figure dans le statut général de la fonction publique (cf. le commentaire de l'article 1er). Il dispose en outre qu'en dehors des cas prévus par la loi, « les militaires ne peuvent être déliés de cette obligation que par décision expresse de l'autorité dont ils dépendent ».

Le dernier alinéa prévoit des circonstances de restriction ou d'interdiction de l'usage « des moyens de communication et d'information quels qu'ils soient ». Ces circonstances sont la protection des militaires en opérations, l'exécution de la mission ou la sécurité des activités militaires.

D'après les éléments fournis, il s'agit, pour les autorités militaires, de pouvoir contrôler, notamment sur un théâtre d'opérations, le flux tant des informations susceptibles d'être reçues par les militaires que des communications qu'ils peuvent avoir à partir de leur propre matériel téléphonique ou informatique.

De fait, certains moyens de communication actuels peuvent permettre aisément à un ennemi éventuel, soit d'écouter des communications, soit d'utiliser les divers réseaux de communication à des fins de diffusion de messages, dans le cadre d'une guerre psychologique par exemple.

*

La commission a examiné en discussion commune deux amendements, l'un de M. Charles Cova, l'autre de M. Jean-Louis Léonard, visant à affirmer la primauté de l'exécution du service sur le libre exercice du culte dans les enceintes militaires et à bord des bâtiments de la flotte.

M. Charles Cova a observé qu'il est difficilement admissible d'autoriser des dérogations à l'exécution du service en raison de la pratique d'un culte.

M. Jean-Claude Viollet a souligné qu'il était plus pertinent que l'amendement vise l'exercice des cultes, de manière à tenir compte de la diversité des convictions religieuses.

Le rapporteur a fait valoir que les amendements proposés comportaient des redondances avec d'autres dispositions des articles 4 et 7 et risquaient d'aboutir à la disparition des aumôneries au sein des unités. Au demeurant, le projet de loi ne fait sur ce point que reprendre la rédaction du statut de 1972, qui n'a pas donné lieu à des difficultés d'application. Certes, la professionnalisation a conduit la marine à recruter un temps des jeunes en difficulté, ce qui avait pu avoir des conséquences. Néanmoins, par le passé, la France a longtemps disposé d'une armée coloniale sans avoir à se plaindre de l'expression par les militaires de leurs convictions religieuses. La rédaction proposée par le Gouvernement est certainement la plus équilibrée.

M. Gilbert Meyer, estimant que la liberté des croyances est suffisamment protégée par les autres dispositions de l'article, a proposé la suppression de toute référence au libre exercice du culte dans les enceintes militaires. Cette position a été approuvée par MM. Bernard Deflesselles, Jean-Louis Léonard et Gilbert Le Bris.

M. François Huwart a attiré l'attention sur le fait que la République protège l'exercice des cultes. Il a estimé nécessaire de maintenir l'expression de cette tolérance républicaine, soulignant que le texte initial procédait d'une rédaction équilibrée. Il a ajouté que la liberté de célébration des cultes ne se confond pas avec la liberté d'opinion et d'expression.

M. Yves Fromion, président, a tenu à appeler l'attention de la commission sur les conséquences des amendements, s'agissant notamment de la présence des chapelles dans les casernes et les bâtiments de la marine nationale. Rappelant que la loi de 1905 prévoyait l'existence d'aumôneries dans les lycées, il a estimé que la suppression de la notion de libre exercice du culte soulèverait d'énormes problèmes au sein des unités.

M. Jean-Claude Viollet a manifesté la crainte que cette mention n'oblige les forces armées à fournir à tous les cultes les moyens de leur exercice, notamment les locaux, ce qui risquerait de porter atteinte à la laïcité.

M. Yves Fromion, président, a rappelé l'importance des aumôniers, dont la présence se justifie au regard du sacrifice qui peut être demandé aux militaires. Disposer d'un lieu pour exprimer sa foi est nécessaire pour un soldat qui peut être envoyé à la mort. La République laïque tient compte de cette situation d'exception en salariant les aumôniers qui constituent un accompagnement indispensable dans les armées.

Le rapporteur a rappelé que les dispositions du statut de 1972, reprises dans cet article, donnaient toute satisfaction. Il a indiqué qu'il convenait de garder le singulier du mot « culte » pour avoir un terme générique et ne pas susciter des demandes de lieux de culte qui n'existent pas actuellement.

M. Yves Fromion, président, a souligné qu'il valait mieux que l'exercice du culte se déroule dans des lieux spécifiques au sein des enceintes militaires, plutôt que dans les locaux de service.

M. Jean-Louis Léonard a rappelé que la liberté de culte n'imposait pas aux communes la construction d'édifices religieux et qu'il convenait de faire la distinction entre l'expression d'une philosophie ou d'une opinion et la pratique du culte.

A l'issue de ce débat, les amendements de MM. Charles Cova et Jean-Louis Léonard ont été retirés par leurs auteurs.

Puis, la commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

Elle a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5

Exercice de certains droits civils et politiques

Cet article pose le principe de l'interdiction des activités politiques et détermine les conditions dans lesquelles les militaires peuvent être candidats à une fonction publique élective.

Le premier alinéa reprend l'interdiction faite aux militaires en activité de service d'adhérer à des groupements ou associations à caractère politique.

Le deuxième alinéa ne modifie pas le dispositif existant.

Ainsi, sous réserve des inéligibilités prévues par la loi, les militaires peuvent être candidats à toute fonction publique élective.

Le code électoral dispose que les officiers des armées de terre, de mer et de l'air dotés d'un commandement territorial sont inéligibles comme conseillers municipaux, conseillers généraux, conseillers régionaux, députés et sénateurs, dans toute circonscription comprise dans le ressort où ils ont exercé leur autorité depuis moins de six mois.

Les officiers de gendarmerie qui exercent un commandement territorial ne figurent pas dans ces dispositions. Cette exclusion s'explique par la vétusté des textes, la gendarmerie faisant partie, à l'époque, de l'armée de terre.

L'interdiction d'adhésion à un parti politique est levée pour la durée de la campagne et, le cas échéant, pour la durée de l'exercice du mandat. Les militaires élus qui acceptent leur mandat sont placés en position de détachement.

*

La commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Claude Viollet tendant à permettre aux militaires en activité d'adhérer à des groupements ou associations à caractère politique.

M. Jean-Claude Viollet a estimé qu'au regard de l'évolution de la société, les articles 3 et 5 du projet de loi étaient trop restrictifs. Les partis politiques s'enrichiraient à accueillir des militaires en leur sein.

M. Yves Fromion, président, s'est interrogé sur les conséquences que pourrait avoir, dans le débat actuel sur la Côte-d'Ivoire, la présence de militaires dans des partis politiques.

Le rapporteur, rappelant que la rédaction de l'article 1er du projet de loi imposait une stricte neutralité, a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté l'amendement.

Puis elle a adopté l'article 5 sans modification.

Avant l'article 6

La commission a examiné un amendement de M. Charles Cova proposant la création de commissions extra-municipales composées de conseillers municipaux et de représentants militaires.

Le rapporteur a jugé l'amendement superflu puisque cette possibilité est déjà ouverte aux militaires, la question étant plutôt celle de l'information de ces derniers.

M. Yves Fromion, président, a rappelé l'existence des « correspondants défense » désignés par les délégués militaires départementaux.

M. Jean-Yves Hugon a indiqué qu'il présidait dans sa commune un conseil extra-municipal dont les travaux sont consacrés aux affaires internationales ; la présence de militaires au sein de ce cénacle ne pourrait qu'être bénéfique.

M. Philippe Vitel a évoqué l'existence, à Toulon, d'instances de concertation avec les militaires sur tous les sujets concernant la vie de la commune et leurs problèmes spécifiques.

Mme Bernadette Païx a signalé qu'à Toulouse, un adjoint au maire se consacre exclusivement aux relations avec les militaires.

Le rapporteur a considéré que les militaires en activité sont trop souvent en déplacement pour pouvoir siéger valablement au sein de commissions à vocation locale.

La commission a rejeté l'amendement.

Article 6

Droits incompatibles avec l'état militaire

Cet article rappelle l'incompatibilité de l'état militaire avec l'exercice du droit de grève et de l'activité syndicale.

Les deux premiers alinéas rappellent, dans des termes identiques à ceux de la loi du 13 juillet 1972, les incompatibilités et interdictions relatives à l'exercice du droit de grève ainsi qu'à l'exercice du droit syndical ou l'adhésion à des groupements professionnels.

Pour ce qui concerne ce dernier point, M. Renaud Denoix de Saint Marc, entendu par la commission le 11 février dernier, a rappelé que la commission de révision du statut a réaffirmé le principe de l'interdiction d'adhésion à un syndicat, ce que ne remettent d'ailleurs pas en cause les représentants de catégories ou les membres des conseils de la fonction militaire. Si ce droit syndical a pu faire l'objet d'une reconnaissance dans certains pays européens, tels l'Allemagne ou le Royaume-Uni, il va de pair avec une culture et des pratiques qui ne sont pas les nôtres. L'existence d'associations d'anciens militaires s'ouvrant très largement au personnel d'active pose par ailleurs le problème de leur compatibilité avec l'interdiction de tout groupement professionnel faite aux militaires en activité.

Pour mémoire, le rapport précité de Joël Le Theule considérait, au sujet de l'exercice du droit de grève par les militaires : « Il est vraisemblable que le droit de grève ne sera jamais accordé aux militaires. En effet, parmi les corps de fonctionnaires chargés d'assurer l'ordre public, il en est nécessairement un qui aura des droits inférieurs aux autres, à qui il ne sera jamais permis de refuser d'obéir aux ordres du pouvoir, et dont la mission sera de pallier les défections éventuelles des autres, voire de s'opposer à eux ».

Le dernier alinéa, strictement identique à la rédaction de 1972, indique que le chef, à tous les échelons, doit veiller aux intérêts de ses subordonnés, mais aussi rendre compte à sa hiérarchie de certains problèmes de caractère général éventuellement rencontrés.

Il s'agit là de la première pierre de l'édifice de concertation dont le commentaire de l'article 18 du présent projet de loi détaille l'architecture.

*

La commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Claude Viollet tendant à permettre aux militaires en activité d'adhérer à des groupements à caractère syndical ou interprofessionnel.

M. Jean-Claude Viollet a jugé qu'il convenait de prendre en compte l'évolution du droit syndical. Il existe une ambiguïté dans le statut des militaires, notamment à l'égard de la loi de 1901 sur les associations. Lors d'opérations extérieures, nos soldats sont parfois en contact avec des militaires étrangers syndiqués. Dans ces conditions, il vaut mieux prévenir plutôt que d'être confronté plus tard à des conflits.

Le rapporteur a signifié son opposition à l'amendement en rappelant que la grande majorité des militaires était défavorable à l'introduction de syndicats dans les armées. L'expérience montre que les armées syndiquées connaissent de graves problèmes de commandement.

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a également rejeté un amendement de M. Jérôme Rivière autorisant les militaires en activité à adhérer à tout groupement ou association n'ayant pas de caractère syndical et à permettre notamment l'adhésion des militaires en activité aux associations de militaires retraités qui s'engagent à conserver toute neutralité politique, philosophique ou religieuse.

La commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Charles Cova ayant pour objet d'autoriser les militaires en activité à adhérer aux associations ayant signé une convention d'agrément avec le ministère de la défense.

M. Charles Cova a indiqué que la représentation des militaires était assurée par un certain nombre d'associations et qu'il n'était pas péjoratif d'assurer la défense des intérêts matériels des adhérents des associations.

Le rapporteur a considéré qu'il convenait d'éviter de transformer des associations de retraités en syndicats et que la rédaction de l'amendement apparaissait contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la liberté d'association.

La commission a rejeté cet amendement.

Elle a examiné trois amendements identiques, présentés par MM. Jérôme Rivière, Charles Cova et Jean-Louis Léonard, ayant pour objet d'autoriser les militaires en activité à adhérer aux associations de militaires retraités qui s'engagent à conserver toute neutralité politique philosophique ou religieuse et qui s'interdisent toute incitation à des manifestations de revendication ou à des actes de désobéissance.

M. Jean-Louis Léonard a jugé que les textes actuels étaient ambigus et qu'il convenait de préciser les droits de militaires en activité en matière d'association.

Le rapporteur a rappelé que l'interdiction portait sur l'adhésion aux groupements professionnels à caractère syndical et que rien n'interdisait aux militaires d'adhérer à toutes les autres associations.

M. Philippe Vitel a considéré que l'autorisation d'adhérer aux associations de retraités présentait trois avantages : la redynamisation de l'effort de mémoire, la stabilisation du fonctionnement de ces associations et la confirmation de leur rôle de solidarité.

M. Gilbert Le Bris a estimé que cette discussion n'avait pas lieu d'être, tout militaire en activité pouvant d'ores et déjà adhérer à une association amicale. Il n'est pas raisonnable de transformer les associations de retraités en quasi-syndicats.

M. Jean-Louis Léonard a considéré que le terme de groupement professionnel figurant à l'article 6 du projet de loi pouvait être équivoque. Il convient que soit bien précisé, au besoin par décret, que seuls sont visés par l'interdiction des groupements à vocation syndicale.

Après que le rapporteur eut noté que le dispositif proposé par le projet de loi fonctionnait correctement depuis trente-deux ans, puisqu'il reprend la rédaction du statut de 1972, la commission a rejeté ces trois amendements.

La commission a examiné un amendement de M. Charles Cova, ayant pour objet d'autoriser l'adhésion des militaires aux associations visant à défendre les droits moraux et sociaux de ces derniers.

M. Charles Cova a souligné l'importance du rôle joué par les associations en matière de défense des droits des militaires.

M. Yves Fromion, président, a précisé que l'actuel statut, aussi bien que le projet de loi, permettait l'action de telles associations.

M. Jérôme Rivière a regretté la contradiction existant entre la situation de fait, c'est-à-dire la participation de militaires à des associations de retraités, et les restrictions législatives applicables. Il convient que le présent projet de loi procède à la normalisation de cette situation.

M. Yves Fromion, président, a souligné qu'il appartenait aux autorités militaires de faire appliquer les textes en vigueur.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté l'article 6 sans modification.

Article 7

Sujétions particulières à l'état militaire

Cet article énumère trois sujétions propres à l'état militaire.

Comme l'indique l'exposé des motifs, le présent article explicite le principe de disponibilité mentionné à l'article 1er.

Le premier alinéa reprend la rédaction de la loi du 13 juillet 1972 qui dispose que les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu.

Le deuxième alinéa, nouveau, dispose que la liberté de résidence des militaires peut être limitée dans l'intérêt du service.

Le troisième alinéa modifie la rédaction de la loi du 13 juillet 1972 qui dispose que, « lorsque les circonstances l'exigent, l'autorité militaire peut rappeler immédiatement les militaires en permission », en prévoyant que, dans les mêmes circonstances, la liberté de circulation des militaires peut être restreinte.

La commission a adopté l'article 7 sans modification.

Chapitre II 

Obligations et responsabilités

Article 8

Devoir d'obéissance et responsabilité

Le présent article définit les devoirs et les responsabilités incombant aux militaires, en posant le principe de l'obéissance de ces derniers aux ordres de leurs supérieurs ainsi que celui de l'interdiction d'ordonner ou d'accomplir des actes contraires au lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales. Il reprend dans leur quasi-intégralité les dispositions de l'article 15 de la loi du 13 juillet 1972 ; est toutefois supprimée la référence aux actes «  qui constituent des crimes ou des délits notamment contre la sûreté et l'intégrité de l'Etat » ; l'interdiction d'accomplir de tels actes, qui s'inscrivait dans un contexte politique différent et aujourd'hui daté, était d'ailleurs couverte par les dispositions précédentes relatives au respect du droit national et international et cette mention apparaissait redondante.

Compte tenu de la diversité des situations rencontrées lors des opérations extérieures et des nouvelles tâches qu'accomplissent les militaires dans ce cadre, le régime de responsabilité pénale est devenu peu adapté et l'article 17 du présent projet de loi, que le rapporteur commentera ultérieurement, définit un cadre juridique davantage en adéquation avec les conditions effectives d'emploi des armées.

*

La commission a examiné un amendement de M. Jean-Claude Viollet visant à définir les dispositions relatives à la responsabilité pécuniaire des militaires, compte tenu des spécificités de celle-ci. M. Jean-Claude Viollet a rectifié son amendement, afin de préciser les conditions d'engagement de cette responsabilité.

Le rapporteur a souligné que le rétablissement de ces dispositions, présentes dans la loi du 13 juillet 1972, n'apparaissait pas opportun, compte tenu de l'évolution de la législation et de la volonté de rapprocher le statut des militaires de celui des fonctionnaires civils. De surcroît, l'absence de référence à cette responsabilité pécuniaire n'emporte nullement la suppression de la prime allouée à certains personnels en raison de leurs responsabilités particulières.

La commission a rejeté l'amendement rectifié de M. Jean-Claude Viollet.

Puis, elle a adopté l'article 8 sans modification.

Après l'article 8

Un amendement de M. Yves Fromion, ayant un objet analogue à l'amendement de M. Jean-Claude Viollet à l'article 8, a été retiré par son auteur.

Article 9

Interdiction d'exercice d'une activité privée lucrative

Cet article pose le principe de l'interdiction d'exercer une activité privée lucrative pour les militaires en activité, aussi bien de carrière que sous contrat. Cette disposition, déjà présente dans la loi du 13 juillet 1972 à l'article 35, mais concernant alors les seuls militaires de carrière, répond aux exigences de disponibilité et de déontologie, les militaires devant, de même que les fonctionnaires civils, consacrer l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées.

Ce principe est assorti d'exceptions déterminées par décret en Conseil d'Etat ; le texte actuellement en vigueur est le décret-loi du 29 octobre 1936, lequel s'applique aux fonctionnaires civils et militaires, ces derniers relevant donc en la matière du droit commun de la fonction publique.

Le second alinéa prévoit que les activités soumises aux dispositions du code pénal relatives à la prise illégale d'intérêt sont interdites pour les militaires en activité et durant le délai défini par l'article 432-13, soit cinq années à compter de la cessation des fonctions de ces derniers. En cas de violation de ces dispositions, le militaire encourt des peines allant de deux à cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 à 75 000 euros d'amende.

Cet alinéa, déjà présent dans des termes identiques dans la loi de 1972, ne fait que reprendre les dispositions du code pénal applicables à l'ensemble des agents publics, ces exigences déontologiques devant continuer à s'appliquer aux militaires. Il convient d'ailleurs d'insister sur leur importance, s'agissant notamment de la période suivant la cessation des fonctions, alors que plus de vingt-cinq mille militaires quittent chaque année les armées, dont les deux tiers environ exercent ensuite une activité professionnelle dans le secteur privé.

Le décret n° 96-28 du 11 janvier 1996 précise les conditions d'application de ces dispositions législatives ; il fait obligation à certains militaires d'informer sans délai par écrit l'administration de la nature de l'activité privée lucrative qu'ils se proposent d'exercer. Il revient au ministre de la défense d'apprécier, dans un délai de deux mois, la compatibilité entre cette activité et les fonctions antérieures de l'intéressé, après consultation d'une commission présidée par un conseiller d'Etat.

Il convient de noter que, si la loi de 1972 prévoyait un délai de cinq années à partir de la cessation de fonction du militaire, le second alinéa du présent article fait référence au délai prévu dans le code pénal par l'article 432-13, ce qui permet de prendre en compte une évolution éventuelle de ce dernier. En effet, le Gouvernement a engagé une réflexion sur la modernisation du droit applicable aux agents publics en matière d'exercice d'activités dans le secteur privé ou le secteur public concurrentiel, laquelle est susceptible de conduire à des modifications de ce droit.

Enfin, l'obligation de déclarer l'activité professionnelle du conjoint à l'autorité militaire, prévue par le troisième alinéa de l'article 35 de la loi de 1972, est supprimée. Survivance d'une époque lointaine où l'autorité militaire s'autorisait un droit de regard sur la profession des épouses des officiers, cette disposition est aujourd'hui peu appliquée, car méconnue et difficile à contrôler, et sa disparition apparaît particulièrement opportune.

La commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur, puis a adopté l'article 9 ainsi modifié.

Chapitre III

Rémunération, garanties et couverture des risques

Section 1

Rémunération

Article 10

Modalités de rémunération

Le présent article définit les dispositions particulières applicables à la rémunération des militaires, en mentionnant les différentes composantes de celle-ci. Son premier alinéa reprend dans leur intégralité les termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1972, en prévoyant que le traitement principal est déterminé soit par le grade, l'échelon et la qualification, soit par l'emploi, et que peuvent s'y ajouter des prestations en nature.

Le deuxième alinéa a pour objet d'affirmer la spécificité du classement indiciaire applicable aux militaires. En effet, ce classement est fonction de la position du militaire dans la hiérarchie, laquelle, aux termes de l'article 19 du présent projet de loi, comprend les militaires du rang, les sous-officiers, les officiers ainsi que les maréchaux et amiraux de France. Cette hiérarchie correspond aux différents niveaux d'emploi propres aux unités militaires et n'est pas assimilable à celle de la fonction publique civile, qui repose sur le classement des corps de fonctionnaires en trois catégories, dites A, B et C. Dès lors, il apparaît pertinent de préciser que le classement indiciaire des militaires n'est pas construit en référence à celui de la fonction publique et tient compte des sujétions et obligations particulières auxquelles ils sont soumis.

Cet article dispose également, dans ses troisième et sixième alinéas, qu'à la solde, s'ajoutent l'indemnité pour charges militaires, l'indemnité de résidence et, le cas échéant, les suppléments pour charges de famille, et prévoit la transposition aux militaires des mesures générales affectant la rémunération des fonctionnaires ; ces garanties sont accordées à l'ensemble des militaires, et pas seulement aux militaires de carrière, ainsi que cela était le cas dans la loi du 13 juillet 1972. Dans la pratique, les conditions de rémunération des militaires de carrière et sous contrat sont identiques, ce qui se justifie par plusieurs éléments : les personnels sous contrat sont beaucoup plus nombreux parmi les militaires que parmi les fonctionnaires civils, tandis que la durée des contrats des militaires est sans commune mesure avec les pratiques générales de la fonction publique civile, pouvant aller jusqu'à vingt-cinq années ; de plus, les militaires sous contrat sont pleinement impliqués dans les unités, au même titre que ceux de carrière. Les dispositions de cet article ne font donc qu'entériner un état de fait, en permettant en outre d'éviter la duplication des décrets d'application pour les deux catégories de militaires.

Le quatrième alinéa prévoit, comme la loi du 13 juillet 1972, d'autres types d'indemnités, allouées en raison des fonctions exercées ou des risques encourus. Cette énumération est complétée par l'adjonction des indemnités liées au lieu d'exercice du service et de celles liées aux résultats obtenus. Les premières sont distinctes des indemnités versées en raison du lieu de résidence, en concernant par exemple les marins embarqués, percevant une indemnité de sujétion d'absence du port de base, ou encore les militaires envoyés en opération extérieure ou en renfort temporaire à l'étranger, lesquels se voient verser une indemnité de sujétion pour service à l'étranger. Les secondes correspondent à un complément modulable en fonction des mérites et de la performance individuelle et collective ; leur inscription dans le présent article traduit la volonté de reconnaître l'exigence de résultat au sein de la fonction militaire. De telles indemnités ont déjà été instaurées pour les gendarmes et les ingénieurs de l'armement : ces derniers peuvent recevoir une allocation spéciale de développement dont le montant est fixé trimestriellement par le ministre pour tenir compte de la nature des fonctions exercées et de la qualité des services rendus. Les gendarmes, quant à eux, bénéficient depuis 2004 d'une prime de résultats exceptionnels : celle-ci peut être attribuée à titre collectif, aux unités opérationnelles (communautés de brigades, brigades et pelotons), en fonction des résultats appréciés par la hiérarchie et les autorités d'emploi ; à titre individuel, à tout militaire de la gendarmerie, en fonction d'indicateurs définis par la hiérarchie ; à titre exceptionnel, pour reconnaître des services rendus dans l'exercice des missions opérationnelles ou de soutien.

Le cinquième alinéa prévoit que les statuts particuliers fixent les règles de classement et d'avancement dans les échelons d'un grade et qu'ils peuvent déterminer des échelons exceptionnels ou spéciaux ; ces dispositions ont pour objet de permettre la prise en compte d'une expérience professionnelle antérieure pour le classement indiciaire, les militaires pouvant alors, dans certains cas bien spécifiques et expressément prévus, être placés dès leur nomination dans un corps à un échelon autre que le premier d'un grade donné.

Le sixième alinéa reprend le principe, posé par l'article 12 de la loi de 1972, du versement d'une aide appropriée aux militaires afin de pallier, le cas échéant, les difficultés de logement induites par leur affectation, cette disposition se justifiant par la forte contrainte de mobilité s'appliquant aux personnels.

Enfin, le dernier alinéa définit, pour certaines catégories de militaires, une exception à la règle de fixation d'une rémunération indiciaire en fonction du grade. Tel est le cas pour les élèves ayant le statut de militaire en formation, mais aussi pour les volontaires, du fait de leur situation statutaire particulière et de leur entretien gratuit par l'Etat. Ces catégories peuvent percevoir une rémunération inférieure à l'indice brut 203, soit 1 020 euros mensuels.

*

La commission a examiné un amendement présenté par M. Charles Cova tendant à préciser la place et le rang des militaires dans la grille de la fonction publique de l'Etat.

Le rapporteur a indiqué que de telles dispositions apparaissaient techniquement complexes et difficilement applicables, et s'est dit défavorable à l'adoption de cet amendement.

M. Charles Cova a fait valoir que cet amendement avait notamment pour objet de garantir l'égalité de traitement et de rémunération des policiers et des gendarmes.

M. Jérôme Rivière a souligné la spécificité militaire du métier de gendarme.

Le rapporteur a rappelé que cet article dispose que toute mesure de portée générale affectant la rémunération des fonctionnaires civils est appliquée avec effet simultané aux militaires.

M. Charles Cova a alors retiré son amendement.

Puis, la commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur.

Elle a ensuite examiné deux amendements identiques, présentés respectivement par M. Yves Fromion et M. Jean-Claude Viollet, visant à préciser les conditions d'allocation aux militaires de l'indemnité de logement.

Le rapporteur ayant émis un avis favorable, la commission a adopté les deux amendements.

M. Jean-Louis Léonard a indiqué souhaiter présenter un amendement visant à supprimer toute référence aux résultats obtenus, dans l'attribution des indemnités.

M. Yves Fromion, président, a répondu qu'un tel amendement pourrait être examiné à l'occasion de la réunion de la commission au titre de l'article 88 du Règlement.

La commission a ensuite adopté l'article 10 ainsi modifié.

Section 2

Garanties et couverture des risques

Article 11

Régimes de pension et de prestations sociales, droit au
service de santé des armées

Le présent article regroupe les dispositions figurant dans les articles 20, 22 et 23 de la loi du 13 juillet 1972 relatifs aux régimes de pensions et aux prestations sociales, au droit aux soins du service de santé des armées et à l'aide du service de l'action sociale des armées. Afin de tirer les conséquences de l'imparfaite adaptation du régime de réparation des infirmités en relation avec le service, notamment dans le cadre des opérations extérieures, les articles 94 et 95 du présent projet de loi, que le rapporteur étudiera ensuite, modifient des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite et du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

*

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, la commission a également adopté trois amendements identiques présentés par MM. Jean-Claude Beaulieu, Jean-Claude Viollet et Yves Fromion, prévoyant l'accès aux soins du service de santé des armées des anciens militaires titulaires d'une pension militaire d'invalidité.

La commission a ensuite examiné deux amendements identiques de MM. Jean-Louis Léonard et Charles Cova, spécifiant le caractère prioritaire de l'accès des pensionnés au titre de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité aux soins prodigués par le service de santé des armées.

M. Jean-Claude Viollet a souligné qu'il ne relevait pas de la loi de préciser avec autant de détails les priorités médicales du service de santé des armées.

Après avis défavorable du rapporteur, les amendements ont été retirés par leurs auteurs.

M. Philippe Vitel a ensuite retiré un amendement fixant un délai de 60 jours pour la constatation des pathologies des militaires participant aux opérations extérieures qui peuvent être considérées comme imputables au service, puis il a retiré un amendement imposant un contrôle médical approfondi pour les militaires revenant d'opérations extérieures, le rapporteur ayant fait valoir qu'il était préférable d'aborder cette question à l'article 95.

La commission a alors adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12

Affiliation à des fonds de prévoyance et
modalités de fonctionnement de ces fonds

Cet article pose le principe de l'affiliation des militaires à des fonds de prévoyance pour la couverture de certains risques ; reprenant les termes de la loi du 13 juillet 1972, il apporte des précisions supplémentaires sur la gestion et l'usage de ces fonds.

Il convient de rappeler l'existence de deux fonds distincts : les militaires percevant une indemnité de vol à l'occasion d'un service aérien commandé sont affiliés au fonds de prévoyance aéronautique (FPA), tandis que les autres militaires relèvent du fonds de prévoyance militaire (FPM). Ces fonds ont pour vocation de verser des allocations et des secours, sous forme de capital, aux ayants cause en cas de décès imputable au service ou en relation avec celui-ci et aux affiliés en cas d'infirmité imputable au service et entraînant la mise à la retraite ou la réforme définitive.

Ces fonds sont alimentés principalement par les cotisations obligatoires prélevées sur certaines indemnités des ayants droit (3 % prélevés sur l'indemnité pour charges militaires pour les affiliés au FPM et 1,5 % prélevé sur les indemnités de vol pour les affiliés au FPA) et par des contributions de l'Etat, auxquelles s'ajoutent les revenus et produits financiers issus de l'emploi des fonds disponibles. Leur gestion est confiée à la Caisse des dépôts et des consignations.

*

La commission a examiné en discussion commune deux amendements de MM. Yves Fromion et Jean-Claude Viollet sur l'élargissement des possibilités d'allocations par les fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique.

M. Yves Fromion a fait valoir que la situation financière de ces fonds permettait d'ouvrir des possibilités de versement d'allocations complémentaires de solidarité découlant des risques de blessures, d'invalidités et d'accidents imputables au service, qui sont normalement couverts par ces fonds.

Estimant que de tels amendements modifieraient sensiblement la nature des fonds de prévoyance, le rapporteur a exprimé un avis défavorable.

M. Jérôme Rivière a souligné que les conditions de versement des allocations de ces fonds bénéficiant déjà d'une interprétation particulièrement libérale, les amendements présentés sont donc satisfaits dans la réalité et, en cas de conflit, leur adoption pourrait rendre nécessaire une augmentation des cotisations. Compte tenu du nombre de militaires français engagés en opérations extérieures, on peut craindre, si l'un de ces amendements est adopté, que le nombre d'allocataires n'augmente et n'obère l'équilibre du fonds de prévoyance.

M. Jean-Claude Viollet a rappelé que ces fonds avaient été créés après la seconde guerre mondiale pour couvrir des risques imputables au service, hors état de guerre. La situation financière des fonds de prévoyance permet d'envisager une ouverture de leurs prestations, conformément aux attentes de la communauté militaire, qui déplore également des délais de versement relativement longs.

La commission a adopté l'amendement de M. Yves Fromion et rejeté celui de M. Jean-Claude Viollet.

Tenant compte de l'avis défavorable du rapporteur, M. Jean-Claude Viollet a ensuite retiré un amendement visant à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat l'application de l'article 12.

La commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

Article 13

Attribution d'un revenu de remplacement en cas
de privation involontaire d'emploi

Le présent article consacre le principe posé par le code du travail dans son article L. 351-12, lequel ouvre un droit à l'allocation d'assurance aux agents non fonctionnaires de l'Etat, dans les conditions prévues par l'article L. 351-3 - qui prévoit que cette allocation est attribuée aux personnels involontairement privés d'emploi et définit les modalités de calcul de celle-ci -, et par l'article L. 351-8, relatif aux conventions d'assurance de chômage. La charge de cette indemnisation est assurée par l'Etat employeur, lequel est son propre assureur contre le risque de chômage encouru par ses agents non titulaires. Peuvent prétendre aux allocations de chômage les militaires ayant servi en vertu d'un contrat, c'est-à-dire les officiers sous contrat, les militaires engagés, les militaires commissionnés, les militaires servant à titre étranger et les volontaires.

Le second alinéa prévoit que les mesures d'application de ces dispositions sont déterminées par décret en Conseil d'Etat, ce dernier ayant donc pour principal objet de définir les cas de perte involontaire d'emploi ouvrant droit à un revenu de remplacement. Ces cas sont aujourd'hui définis par une instruction ministérielle et l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat permettra de renforcer leur valeur juridique, en les rendant opposables en cas de contentieux. Selon l'instruction ministérielle en vigueur, une allocation de chômage est versée aux militaires dont le contrat est arrivé à terme et à ceux dont le contrat a été résilié ou dénoncé par l'autorité militaire, notamment pendant la période probatoire ou à l'issue d'un congé de reconversion. Par ailleurs, le départ volontaire du militaire ouvre droit au bénéfice des allocations de chômage dans certains cas, tels que des raisons de santé ou l'accompagnement du conjoint ou du concubin changeant de lieu de résidence pour exercer un nouvel emploi.

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur. Elle a ensuite adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14

Dossier individuel

Reprenant les dispositions de l'article 26 de la loi de 1972, cet article détermine les pièces devant figurer dans le dossier individuel du militaire et pose le principe selon lequel les opinions et croyances philosophiques, religieuses ou politiques ne peuvent être mentionnées dans aucun document, faisant écho aux dispositions de l'article 4, présenté plus haut, du présent projet de loi, lequel établit la liberté de ces mêmes opinions et croyances.

Dans son troisième alinéa, cet article rappelle explicitement le principe de l'accès du militaire à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi, posé pour les fonctionnaires par l'article 18 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations de ces derniers. La loi en vigueur en matière d'accès au dossier individuel des agents publics est celle du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal (n° 78-753). Dans sa rédaction, le dispositif applicable aux militaires est donc rapproché de celui en vigueur pour les fonctionnaires.

La commission a adopté l'article 14 sans modification.

Section 3

Protection juridique et responsabilité pénale

Article 15

Protection juridique

Le présent article rappelle les règles relatives à la protection juridique des militaires, regroupant les dispositions des articles 24 et 16 de la loi du 13 juillet 1972.

Les militaires bénéficient d'une protection juridique dans plusieurs circonstances. En premier lieu, lorsqu'ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamation ou outrages, ils sont protégés par le code pénal et les lois spéciales ; l'administration est tenue de leur accorder sa protection et de réparer, le cas échéant, le préjudice qu'ils ont subi. De fait, la situation particulière des militaires et leur visibilité, résultant du port de l'uniforme, justifient une protection spécifique contre des comportements mal intentionnés à leur égard. Le dernier alinéa de cet article introduit une disposition nouvelle, en étendant à l'ensemble des familles de militaires la protection dont bénéficient les familles de gendarmes - c'est-à-dire les conjoints, enfants et ascendants directs - en application de l'article 112 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Il convient de noter que l'ajout de la mention de la « voie de fait », qui n'était pas présente dans la loi de 1972, dans le premier alinéa du présent article, est justifié par la nécessité d'assurer la cohérence de ce premier alinéa avec le dernier alinéa, qui reprend les termes de la loi du 18 mars 2003, lesquels introduisaient la notion de voie de fait.

En second lieu, lorsque les militaires causent un dommage à autrui dans l'exécution du service, l'Etat doit les couvrir des condamnations civiles prononcées contre eux, dans la mesure où ils n'ont commis aucune faute personnelle. Il est également tenu de leur accorder sa protection dans le cas où ils font l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. Cette protection est assurée par la prise en charge des frais d'avocat exposés par le militaire pour se défendre. Cet ensemble de dispositions est similaire à celui applicable à l'ensemble des agents publics, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur. Elle a ensuite adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 16

Responsabilité pénale

Cet article, reprenant dans leur intégralité les dispositions de la loi du 13 juillet 1972, modifiée par la loi n° 2000-647 du 11 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, rappelle les conditions posées par le code pénal pour l'engagement de la responsabilité pénale des militaires pour les faits non intentionnels commis dans l'exercice de leurs fonctions. Aux termes de cet article, les militaires ne peuvent être condamnés pour mise en danger non intentionnelle de la vie d'autrui que « s'il est établi qu'ils n'ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie ».

Comme le souligne le rapport de la commission de révision du statut général des militaires, une information complète et objective de l'autorité judiciaire sur les circonstances de l'espèce apparaît de nature à apporter des garanties aux militaires mis en cause pénalement à la suite d'un accident. A ce titre, la constitution d'organismes techniques chargés d'enquêter en cas d'accident grave, sur le modèle du bureau d'enquêtes-accidents défense, compétent dans le seul domaine aéronautique, constituerait une avancée : ces organismes émettraient un avis sur les causes des accidents et pourraient éclairer le juge pénal par des éléments de faits précis. Suivant en cela la proposition du rapport susmentionné, la création de ces organismes est prévue par l'article 97 du présent texte, que le rapporteur examinera ultérieurement.

La commission a adopté l'article 16 sans modification.

Article 17

Recours à la force en zone de défense hautement sensible et
en opérations extérieures

L'objet de cet article est double. Il vise à renforcer la protection pénale des militaires en opérations extérieures, mais aussi sur le territoire français en zone de défense hautement sensible. Il ne s'applique pas en revanche aux opérations intérieures (OPINT), comme le plan Vigipirate, dans lesquelles les armées sont de plus en plus engagées : de la même façon que les forces de police, les militaires sont soumis au respect du droit pénal de droit commun et ne doivent agir qu'en cas de légitime défense.

La première partie de cet article définit le régime juridique des zones de défense hautement sensibles et prévoit une clause d'irresponsabilité pénale pour les militaires qui auront fait usage de leurs armes, après sommations, pour y empêcher toute intrusion. Elle répond au souci d'assurer la protection de certains biens militaires, dont la perte ou la destruction mettrait en cause les intérêts fondamentaux de la Nation ou qui, utilisés par des terroristes, pourraient causer des dommages considérables aux populations. Il peut s'agir de certains systèmes d'armes ou réseaux de transmissions, comme de matériels nucléaires.

Le régime dérogatoire déjà existant pour les zones militaires sensibles n'est pas satisfaisant. Il ne repose que sur des dispositions de nature réglementaire, contenues dans le décret n°81-797 du 18 août 1981 modifiant le décret n°67-1268 du 26 décembre 1967 portant règlement du service de garnison, dont la légalité est discutable. Ces dispositions sont contraires à l'article 122-5 du code pénal, qui a valeur législative, et qui dispose qu'aucune atteinte à un bien ne peut justifier un homicide volontaire. En effet, elles prévoient l'ouverture du feu après sommations, même si la sentinelle n'agit pas en cas de légitime défense, et la mise en place de dispositifs dangereux. Dans ces conditions, le ministre de la défense a demandé à l'été 2001 une suspension des consignes d'ouverture du feu et le retrait des dispositifs de protection mortels. Les militaires chargés de la protection de ces zones ne peuvent donc recourir à l'usage de leurs armes que sur le fondement de la légitime défense ou de l'état de nécessité (art.122-5 et 122-7 du nouveau code pénal), ce qui s'avère tout à fait insuffisant s'agissant de dépôts nucléaires, tel le site de l'Ile Longue.

Le champ d'application du nouveau dispositif sera beaucoup plus restreint que celui des zones militaires sensibles, dont l'acception très large pouvait s'appliquer à toute armurerie d'un régiment : il ne s'agit plus de garantir la protection d'éléments militaires dont la disparition ou la destruction serait « de nature à porter atteinte à la mission des armées », mais « susceptible de causer de très graves dommages à la population, ou [qui] mettrait en cause les intérêts vitaux de la défense nationale ». Il ne devrait donc conduire qu'à la délimitation de 150 zones dérogatoires, contre 2 000 actuellement. Le troisième alinéa renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour fixer les modalités d'application de ce paragraphe.

Le II de l'article définit le cadre juridique de l'usage de la force en opérations extérieures, en rapport avec les conditions effectives d'emploi des armées sur les différents théâtres d'opérations. Le cadre actuel est devenu inadapté à la diversité des situations et aux nouvelles tâches auxquelles doivent faire face les militaires. Les opérations auxquelles ils participent ne sont pas précédées d'une déclaration de guerre et n'entraînent pas nécessairement l'application du droit des conflits armés, qui justifie l'usage de la force, mais ne s'applique qu'à des conflits ouverts. Les évacuations de ressortissants ou la survenue d'émeutes très violentes dans une situation globalement pacifiée, comme au Kosovo au mois de mars 2004, n'entrent pas dans ce cadre, bien qu'elles puissent nécessiter l'usage de mesures de coercition au-delà du cas de légitime défense. Le mandat international et les règles d'engagement autorisent généralement alors l'emploi de la force par les forces armées. Les chefs militaires auteurs de ces règles d'engagement doivent respecter les termes de ce mandat et la loi pénale de leur Etat. Encore faut-il que cette dernière prenne en compte les conditions d'emploi des forces projetées et les militaires, notamment à la suite de l'affaire survenue à Mitrovica, ont pu avoir le sentiment de se trouver dans une certaine insécurité juridique concernant l'emploi de la force. Cette inquiétude peut s'avérer tout à fait préjudiciable à la capacité opérationnelle de nos armées en se traduisant par une relative inhibition à l'égard de l'usage des armes.

Sans retenir une immunité pénale généralisée qui couvrirait sans condition l'ensemble des actes accomplis en opération extérieure, le paragraphe II reprend la formulation de la proposition de la commission Denoix de Saint Marc.

*

La commission a examiné en discussion commune trois amendements de MM. Jean-Claude Viollet, Jean-Claude Beaulieu et Yves Fromion visant à inclure le respect des règles d'engagement fixées par l'autorité nationale parmi les conditions requises pour exclure la responsabilité pénale du militaire en opération extérieure.

M. Jean-Claude Viollet a indiqué qu'il n'était pas possible de dissocier le droit international des règles d'engagement qui doivent être approuvées nationalement et qui sont plus accessibles aux militaires.

Le rapporteur a fait valoir que la rédaction actuelle de l'article représentait déjà une avancée considérable dans l'amélioration de la protection des militaires et que ces amendements, bien qu'animés par le souci d'encadrer la responsabilité pénale des militaires, aboutiraient à l'effet inverse. La protection pénale des militaires en opération extérieure en cas d'usage de la force serait subordonnée à la réunion de trois et non plus deux conditions : usage de la force nécessaire à l'accomplissement de la mission, respect du droit international, respect des règles d'engagement. Il est évident que si le militaire peut apporter la preuve qu'il a respecté les règles d'engagement approuvées par l'autorité nationale, cet élément jouera en sa faveur ; il convient cependant de ne pas en faire une contrainte supplémentaire, d'autant plus que ces règles ne sont pas forcement définies avec précision au début d'une opération, qu'elles font rarement l'objet d'une publication et sont souvent couvertes par le secret défense. L'expression « autorité nationale » est par ailleurs très vague : s'agit-il du chef de l'Etat, du ministre de la défense ou du chef d'état-major des armées ?

M. Yves Fromion a déclaré préférer les termes de « conventions internationales », figurant à l'article 8 du projet de loi, à la référence abstraite au droit international.

M. Jérôme Rivière a fait remarquer que le respect des règles d'engagement devait suffire à protéger pénalement le militaire lorsque l'usage de la force était nécessaire à la mission, dans la mesure où ces règles sont conformes au droit international.

M. Jean-Louis Léonard a indiqué que l'hypothèse d'une contradiction entre ces deux normes n'était pas purement théorique et que ce problème s'était déjà posé à des pilotes de chasse sur un théâtre d'opération.

Le rapporteur a souligné qu'il était dangereux de remettre en cause l'équilibre de la rédaction actuelle, qui avait fait l'objet de discussions interministérielles. Par ailleurs, le droit international ne se limite pas aux seules conventions internationales, mais inclut la coutume et les usages attachés au droit de la guerre.

M. Jean-Michel Boucheron s'est inquiété d'une éventuelle judiciarisation des opérations extérieures. Il est nécessaire de viser dans l'article 17 les règles d'engagement de l'autorité dont relève le militaire, sachant que c'est cette dernière qui assumera la responsabilité en cas de contradiction avec le droit international.

M. Yves Fromion a indiqué que le droit international était peu accessible au militaire et que les ordres venant de sa hiérarchie devaient être sa référence.

M. Jérôme Rivière a rappelé son attachement à la suppression de la référence au droit international. Les règles d'engagement définies par les organisations internationales sont retranscrites par l'autorité nationale, et c'est à ces règles édictées par les autorités nationales que le militaire doit se référer. Les autorités politiques ne doivent pas s'exonérer de leur responsabilité propre.

M. Yves Fromion a retiré son amendement et M. Jean-Louis Léonard a également retiré l'amendement de M. Jean-Claude Beaulieu.

Puis, la commission a rejeté l'amendement de M. Jean-Claude Viollet.

Après avis défavorable du rapporteur, un amendement de M. Jean-Claude Beaulieu visant à étendre les cas d'irresponsabilité pénale aux opérations intérieures a été retiré par son auteur.

La commission a ensuite adopté l'article 17 sans modification.

Avant l'article 18

La commission a adopté trois amendements identiques présentés par le rapporteur, MM. Charles Cova et Jean-Louis Léonard, tendant à compléter l'intitulé du chapitre IV, relatif aux organismes consultatifs, par les mots « et de concertation ».

Chapitre IV

Les organismes consultatifs

Article 18

Architecture de la concertation

Cet article détaille les organes de la concertation ainsi que leurs fonctions.

Le premier alinéa du présent article pose pour principe que les questions relatives à leur condition et leur statut sont connues des militaires au sein d'organes de consultation.

Il n'est pas inutile de relever qu'en vertu des dispositions de l'article 6 du présent projet de loi en particulier, les militaires ne peuvent constituer d'organisation représentative à caractère syndicale. Pour autant, ils ne sont pas dépourvus de parole puisque le dernier alinéa de l'article 6 précité dispose : « Il appartient au chef, à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés et de rendre compte, par la voie hiérarchique, de tout problème de caractère général qui parviendrait à sa connaissance ».

Ainsi, le gradé est toujours à l'écoute des hommes et, pour ce qui concerne les problèmes de caractère général, il en informe sa hiérarchie. Il apparaît donc clairement que, faute d'une représentation à caractère syndical incompatible avec l'état militaire, le dialogue est le maître mot de la concertation au sein des armées.

Dans la pratique, la concertation au sein des armées consiste à établir la circulation des informations dans un sens qui va du rang jusqu'aux plus hautes instances de la hiérarchie et inversement.

Le conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) est assisté par les sept conseils de la fonction militaire institués à l'échelon national, des quatre armes, de la délégation générale pour l'armement, du service de santé et de celui des essences. Ces conseils ont pour mission principale de procéder à une première étude des questions inscrites à l'ordre du jour du CSFM. Aux termes de la loi n° 69-1044 du 21 novembre 1969 relative au conseil supérieur de la fonction militaire, ils ont également vocation « à étudier toute question relative à leur armée, direction ou service concernant les conditions de vie, d'exercice du métier militaire ou d'organisation du travail ».

Le CSFM se compose de quatre-vingt-cinq membres nommés pour quatre ans et renouvelables par moitié tous les deux ans :

- soixante-dix-neuf militaires en activité nommés par tirage au sort parmi les membres des conseils de la fonction militaire, eux-mêmes tirés au sort parmi des candidats volontaires ;

- six militaires en retraite nommés par le ministre sur proposition des organisations nationales de retraités les plus représentatives.

A l'échelon des corps, la concertation se fait principalement par l'intermédiaire des présidents de catégories « qui sont désignés parmi les officiers, sous-officiers et officiers mariniers, militaires du rang, pour une durée de deux ans, renouvelable ». Les présidents de catégories sont chargés de soumettre les problèmes de leur catégorie au commandement, qui sollicite leur avis chaque fois qu'il le juge utile, notamment sur les questions ayant trait au déroulement de la carrière et à la discipline. Depuis 2001, ils sont élus au scrutin uninominal à un tour, à bulletin secret.

Par ailleurs, dans les unités comptant plus de cinquante militaires, la création d'une commission participative locale est obligatoire. Chacune de ces commissions, présidée par le commandant de l'unité en question, comprend des membres élus représentant les différentes catégories de militaires. Le mandat, d'une durée de deux ans, est renouvelable une fois. Les présidents de catégories sont membres de droit de ces commissions. De même, les membres des conseils de la fonction militaire assistent aux séances de la commission participative de leur formation.

En vertu du deuxième alinéa, le conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) est consulté pour avis sur les questions de caractère général relatives à la situation et au statut du personnel militaire ainsi que, de façon obligatoire, sur les projets de texte d'application de la première partie du présent projet de loi.

En vertu du troisième alinéa, à l'instar de certains représentants du personnel élus, les membres du conseil supérieur de la fonction militaire et des conseils de la fonction militaire jouissent des garanties indispensables à leur liberté d'expression et de facilités pour l'exercice de leur mandat.

Le quatrième alinéa confie à un décret le soin de préciser la composition, l'organisation, le fonctionnement et les conditions de désignation des membres de ces conseils. Pour ce qui concerne les conditions de désignation, le texte ajoute : « notamment par tirage au sort ». En effet, les militaires qui siègent dans les conseils de la fonction militaire, sont désignés par un tirage au sort effectué sur la base d'une liste de volontaires. Il s'agit de conserver le caractère représentatif des conseils en garantissant un mode de désignation ne comportant pas d'ambiguïté, mais aussi d'éviter de voir des « campagnes électorales » se dérouler dans les unités.

*

La commission a examiné un amendement présenté par le rapporteur proposant une nouvelle rédaction des deux premiers alinéas de cet article, afin d'intégrer dans le statut général des militaires le CSFM et les différents conseils de la fonction militaire (CFM).

M. Charles Cova a exprimé ses craintes de voir le syndicalisme s'imposer, à terme, au sein des armées et il a regretté que les avis du CSFM ne soient pas suivis d'effets.

La commission a adopté l'amendement.

Trois amendements présentés par MM. Jean-Claude Viollet, Charles Cova et Jean-Louis Léonard, insérant le terme de « concertation » dans le premier alinéa sont devenus sans objet.

La commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Claude Viollet supprimant la mention du tirage au sort comme un des moyens de désignation des membres des conseils.

La commission a adopté l'article 18 ainsi modifié.

1 () « la professionnalisation des armées : espoirs et inquiétudes des personnels » par MM. Bernard Grasset et Charles Cova, députés. Rapport d'information n° 2490 paru en juin 2000.

2 () Pour mémoire, peuvent être citées les lois suivantes : loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, loi n° 2001-153 du 19 février 2001 tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer, loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.


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