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N° 2035

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 janvier 2005.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE TITRE II DE LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, relative à la création du registre international français,

PAR M. RENÉ COUANAU

Député.

--

Voir les numéros :

Sénat : 47, 92 et TA 24 (2003-2004)

Assemblée nationale : 1287

INTRODUCTION 7

I.- LES OBJECTIFS DU REGISTRE INTERNATIONAL FRANÇAIS 9

A. SORTIR DE L'AMBIGUÏTÉ JURIDIQUE DU PAVILLON « TAAF » 9

B. UN NOUVEAU REGISTRE CENSÉ AMÉLIORER LA COMPÉTITIVITÉ DE LA FLOTTE FRANÇAISE 10

C. RENOUER AVEC LE STATUT DE PUISSANCE MARITIME ? 11

II.- UNE RÉFORME FONDÉE SUR DES ANTICIPATIONS HASARDEUSES 15

A. UN PREMIER PARI : L'EMPLOI FRANÇAIS SERAIT RENFORCÉ 15

B. UNE RÉFORME QUI FRAGILISERAIT LE STATUT COLLECTIF DES NAVIGANTS 17

C. LE RÉGIME ACTUEL D'AIDES PUBLIQUES N'A PAS DE CONTREPARTIES PRÉCISES EN TERMES D'EMPLOI 19

1. Des mesures visant à alléger le coût du travail 19

2. Des incitations fiscales 20

III.- LE SOUTIEN À LA MARINE FRANÇAISE EXIGERAIT UNE ACTION PLUS GLOBALE ET PLUS VOLONTARISTE 23

A. PROPOSITION POUR UNE AMÉLIORATION DE LA COMPÉTITIVITÉ DE L'EMPLOI FRANÇAIS, INDÉPENDAMMENT DE LA CRÉATION ÉVENTUELLE DU RIF 23

1. Un allégement pérenne des charges sociales 23

2. Un renforcement des exigences en termes d'emploi sous pavillon RIF 25

3. Une évaluation du dispositif 26

B. LA CONSOLIDATION ET L'AMÉLIORATION DE LA FORMATION DES NAVIGANTS 26

C. LES CONTREPARTIES DU GIE FISCAL 28

D. UNE IMPLICATION INDISPENSABLE DES ACTEURS CONCERNÉS 28

TRAVAUX DE LA COMMISSION 33

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 33

II.- EXAMEN DES ARTICLES 37

TITRE II : DU STATUT DES NAVIGANTS 37

Création d'une nouvelle section 37

Article additionnel avant la section 1 : Proportion de navigants européens dans l'effectif embarqué 37

Article additionnel avant la section 1 : Application de la proportion de navigants européens aux navires bénéficiant des avantages fiscaux du groupement d'intérêt économique 38

Article additionnel avant la section 1 : Indexation des avantages fiscaux octroyés sur la part de navigants européens 38

Article additionnel avant la section 1 : Modalités d'embarquement et de formation des élèves officiers 38

Article additionnel avant la section 1 : Exonération totale de cotisations et de contributions sociales pour les employeurs de navigants embarqués sur des navires français exposés à la concurrence internationale 39

Section 1 : Dispositions relatives au droit du travail 39

Article additionnel avant l'article 10 : Application du code du travail maritime aux navigants français et européens 39

Article additionnel avant l'article 10 : Sécurisation juridique 39

Article 10 : Définition et conditions d'embauche des navigants sur les navires immatriculés sous registre international français 39

Article 11 : Régime juridique applicable aux contrats d'engagement et à la protection sociale des navigants résidant hors de France 41

Article 12 : Conditions d'engagement d'emploi, de travail, de vie à bord et rémunération applicables aux navigants 41

Article 13 : Contrat entre l'armateur et l'entreprise de travail maritime 42

Article 14 : Contrat d'engagement 44

Article 15 : Durée du travail et repos applicables aux navigants 45

Article 16 : Congés payés, repos hebdomadaire et jours fériés 46

Article 17 : Période d'essai et durée d'embarquement 48

Article 18 : Fin du contrat d'engagement ou de la mise à disposition 49

Article 19 : Obligation de rapatriement du navigant 51

Article 20 : Garanties financières pour pallier le risque de défaillance de l'entreprise de travail maritime 52

Article 21 : Obligation d'établir une liste du personnel à bord 53

Section 2 : Dispositions relatives au droit syndical 54

Article 22 : Reconnaissance de la liberté syndicale et du droit de grève 54

Article 23 : Extension des accords collectifs et désignation d'un délégué de bord 55

Section 3 : Dispositions relatives à la protection sociale 56

Article 24 : Régime de protection applicable aux navigants communautaires ou résidant en France 56

Article 25 : Régime de protection sociale applicable aux navigants non-résidents de l'Union européenne ou non couverts par une convention de sécurité sociale 57

Section 4 : Dispositions relatives aux contrôles et sanctions 59

Article 26 : Compétence de l'inspection du travail maritime pour les navires inscrits au RIF 59

Article 27 : Sanctions applicables en cas d'infraction à la législation sociale 60

Article 28 : Application du code disciplinaire et pénal de la marine marchande 60

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 63

INTRODUCTION

La France ne peut se résigner au déclin en apparence inexorable de son pavillon national et à la disparition de sa flotte de marine marchande ! La réalité actuelle est pourtant alarmante. En 1970, la France détenait la quatrième flotte mondiale ; elle figure aujourd'hui en 29ème position avec une flotte qui ne représente plus que 0,4 % du tonnage mondial.

La France dispose pourtant de grands atouts pour affirmer son rôle de puissance maritime : elle est le cinquième exportateur mondial, possède une façade maritime importante avec des ports de qualité mais surtout elle a la maîtrise, grâce à l'outre-mer français, d'un domaine maritime des plus importants avec 10,2 millions de km2 si l'on tient compte de la superficie de la zone économique exclusive (ZEE).

Les effectifs de la filière de l'emploi maritime française ont été divisés par quatre en quarante ans. Elle représente moins de 10 000 navigants en 2003 et souffre du manque chronique d'attractivité des carrières de la marine marchande. Dans le même temps, le déficit de la balance des paiements française au titre des services de transport maritime atteint 4,7 milliards d'euros en 2002 : le cinquième exportateur mondial recourt à des navires immatriculés sous pavillon tiers - et parfois de complaisance - faute de détenir une flotte puissante.

Des tentatives ont été faites pour relancer le pavillon français avec principalement la création d'un pavillon bis et le registre d'immatriculation des terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Force est de constater que les effets du pavillon bis ont très limités en raison de sa fragilité juridique et de sa faible compétitivité économique au regard des autres pavillons bis européens.

En 2002, le Premier ministre a confié à M. Henri de Richemont une mission pour étudier la réforme du pavillon français. Ce travail a abouti à la rédaction d'un rapport en octobre 2002 et au dépôt au Sénat d'une proposition de loi signée par M. de Richemont et d'autres sénateurs. Cette proposition de loi propose de suivre l'exemple de nombreux autres Etats européens (Norvège, Pays-Bas, Danemark, Belgique, Italie et Allemagne) en créant un registre international français (RIF).

Cette proposition de loi a été adoptée en première lecture par le Sénat le 11 décembre 2003. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale a été saisie pour avis du titre II de cette proposition.

Les objectifs affichés par la proposition de loi sont positifs. Mais les dispositions proposées comportent des risques sérieux de compromettre la pérennité de la filière d'emploi maritime française tout en fragilisant les normes de sécurité maritime, lesquelles vraisemblablement seront beaucoup moins assurées par des équipages hétéroclites et peu impliqués dans la gestion de leur navire.

I.- LES OBJECTIFS DU REGISTRE INTERNATIONAL FRANÇAIS

A. SORTIR DE L'AMBIGUÏTÉ JURIDIQUE DU PAVILLON « TAAF »

Le premier objectif avancé est de sortir de l'ambiguïté juridique qui a toujours fragilisé ce pavillon bis puisque le décret qui devait préciser le droit social applicable n'a jamais été publié.

Après l'annulation du décret de 20 mars 1987 créant le régime des terres australes et antarctiques françaises (TAAF), dit aussi « registre Kerguelen », par le Conseil d'Etat, c'est l'article 26 de la loi n° 96-151 du 26 janvier 1996 relative aux transports qui a donné une base légale à ce registre auquel sont immatriculés des navires de commerce, de pêche et de plaisance professionnelle.

Le registre TAAF n'a pas enrayé le déclin. Il n'a pas non plus entraîné d'augmentation du nombre de navires français : s'il représente 90 % du tonnage français, il ne comprend qu'environ 94 navires sur les 200 qui composent la flotte. En outre, c'est de façon purement coutumière, à défaut de la publication du décret d'application de l'article 26 précité, que les armateurs respectent la règle fixée antérieurement par le décret du 20 mars 1987 en vertu de laquelle 35 % des effectifs doivent être français. Au 1er janvier 2003, 94 navires de plus de 200 tonnes de jauge brute (Tjb) sont immatriculés au registre TAAF dont 37 % de pétroliers (35 navires), 16 % de porte-conteneurs (15 navires) et 11 % de rouliers (10 navires), le solde se répartissant entre les gaziers, chimiquiers, vraquiers et transporteurs spécialisés.

Le registre TAAF n'est pas compétitif (selon une étude de la Commission européenne, le registre TAAF est le moins compétitif des registres européens, étant environ 35 % plus cher que les autres, et le plus rigide en termes d'emploi national). En fait son attractivité repose sur deux dispositions législatives : le système du groupement d'intérêt économique (GIE) fiscal et l'obligation faite aux compagnies pétrolières de détenir une capacité de transport pétrolier.

L'article 39 CA du code général des impôts (CGI) instituant le GIE fiscal avec un régime accéléré d'amortissement a réduit le surcoût du pavillon français et soutenu les immatriculations TAAF. Mais à l'issue de cette période de huit ans, il n'est pas rare que les investisseurs « dépavillonnent », démontrant que, sans GIE fiscal, il n'y aurait plus guère de navires sous registre TAAF.

La loi n° 92-1443 du 31 décembre 1992 a, quant à elle, institué l'obligation de détenir une capacité de transport maritime pour tout propriétaire d'une unité de distillation dans une usine de raffinage de pétrole brut installée en France métropolitaine. Cette capacité de transport s'élève à 5,5 % des quantités de pétrole brut entrées dans une usine de raffinage au cours d'une année. Pour respecter la loi, les raffineurs français sont donc tenus d'affréter des navires. Pour diminuer leurs coûts, ils ont intérêt à atteindre le quota de 5,5 % avec un nombre minimum de navires. Ils choisissent donc des pétroliers very large crude (oil) carrier (VLCC) de 300 000 tonnes qui ne font, au demeurant, jamais escale dans les ports français puisqu'ils naviguent entre le Golfe persique et l'Asie ou les Etats-Unis, alors même que les hydrocarbures raffinés en France proviennent d'Afrique de l'ouest ou de la mer du Nord et sont transportés dans des navires de type Aframax ou Suezmax de 100 000 à 150 000 tonnes de port en lourd. Il est frappant de constater que ces navires pétroliers qui desservent la France ne sont pas sous pavillon français puisqu'aucun affréteur n'accepte de payer le surcoût afférent à celui-ci après qu'il a atteint l'obligation de 5,5 % précitée.

Enfin, il faut rappeler enfin que le cabotage maritime dans les Etats membres de la Communauté ne concerne que les armements communautaires battant pavillon de ces Etats et que les navires immatriculés TAAF et Wallis-et-Futuna en sont exclus.

Le pavillon TAAF est donc destiné à disparaître en deux temps : cette proposition de loi prévoit une transition de deux ans à compter du vote de la loi pour que les navires immatriculés au pavillon TAAF soient basculés sous le régime du RIF et un projet de loi ultérieur règlera le problème des bateaux de pêches.

B. UN NOUVEAU REGISTRE CENSÉ AMÉLIORER LA COMPÉTITIVITÉ DE LA FLOTTE FRANÇAISE

Ce nouveau registre sera d'abord exempt de formalités administratives complexes et coûteuses. L'article 2 de la proposition de loi prévoit la création d'un guichet unique avec un port d'immatriculation unique afin de simplifier au maximum les démarches administratives.

Le texte prévoit la possibilité de recourir à des entreprises de travail maritime qui embaucheront les navigants pour les mettre à disposition des armateurs. Cette pratique sera encadrée par un contrôle des sociétés de travail maritime qui devront être agréées et présenter des garanties financières. Afin de sécuriser la situation des navigants il est prévu que les armateurs se substitueront aux entreprises de travail maritime en cas de défaillance de ces sociétés dans leurs obligations d'employeurs.

Cette proposition de loi veut donc assouplir les conditions de recrutement des navigants mais clarifie des points essentiels du statut social des navigants et particulièrement des ressortissants extracommunautaires qui sous le régime TAAF ne disposaient d'aucune garantie de salaires ou de protection sociale. Ce sera également un régime attractif pour les navigants français avec une mesure d'exonération totale d'impôt sur le revenu.

Le texte rappelle le caractère obligatoire des normes du Bureau international du travail (BIT) et de l'Organisation internationale du travail (OIT) et se réfère aux standards de l'International transport federation (ITF) pour définir un régime minimal de protection sociale pour les navigants extracommunautaires. Les navigants disposent de la liberté syndicale et du droit de grève. Le respect du statut social des navigants sera contrôlé par l'inspection du travail maritime.

Ce texte s'efforce donc de rechercher simultanément un allègement des contraintes sociales applicables aux équipages, la préservation des droits essentiels et la clarification du statut des marins extracommunautaires. Les rédacteurs de la proposition de loi ont pris le soin d'indiquer très clairement que l'intégralité des normes de sécurité maritime sont applicables à tous les navires quel que soit leur registre d'immatriculation pour couper court aux critiques selon lesquelles le RIF braderait la sécurité maritime.

Des incertitudes demeurent cependant : le texte ne précise pas clairement le droit applicable aux navigants résidents français et n'évoque jamais le rôle de la négociation collective pour compléter le statut social esquissé par ce texte. De même il est très elliptique sur la manière dont les droits collectifs seront exercés notamment pour les institutions représentatives du personnel.

C. RENOUER AVEC LE STATUT DE PUISSANCE MARITIME ?

L'ambition de ce texte est de donner les moyens à la France de redevenir la puissance maritime qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être en raison de ses atouts géographiques, de sa vocation commerciale et de sa présence sur les cinq continents.

Il convient de rappeler qu'aujourd'hui le pavillon français est constitué essentiellement de navires sous pavillon TAAF qui représentent 90 % du tonnage sous pavillon français, les navires inscrits au premier registre étant plus nombreux mais de tonnage plus faible que ceux inscrits au TAAF. Au total le pavillon français ne représente plus que 205 navires dont 94 sous régime TAAF.

Encourager le pavillon français aurait des retentissements positifs pour toute l'économie de la filière maritime, notamment :

- les services portuaires ;

- la logistique ;

- la construction navale et la gestion des navires ;

- les activités bancaires et les services d'assurance internationaux.

L'importance du pavillon est une préoccupation commune à l'ensemble des grandes puissances commerciales soucieuses de préserver une certaine indépendance dans le transport maritime. A l'exception de la France, les sept premières puissances en terme de produit intérieur brut et de commerce extérieur figurent dans les douze premières puissances en termes de flotte contrôlée et de trafic portuaire.

Renforcer le pavillon français, c'est aussi conforter l'emploi maritime qui représente en France outre les 10 000 emplois de l'armement français, 64 000 emplois directs, 94 000 emplois indirects et 2 400 emplois de service public. Il est enfin indéniable qu'un pavillon dynamique a un effet positif en terme de sécurité maritime notamment parce qu'il permet d'embaucher sans difficulté du personnel bien formé et fortement impliqué dans la gestion des bâtiments.

Enfin, le niveau de la flotte marchande a une incidence directe sur l'aptitude de la France à se faire entendre dans les organisations internationales comme l'Organisation maritime internationale (OMI) où la capacité de discussion et d'influence dépend du niveau de la flotte immatriculée dans chaque Etat. La France n'aura qu'une influence négligeable - quand bien même elle est porteuse de propositions très intéressantes en terme de sécurité maritime - tant qu'elle se maintiendra au 29ème rang de la flotte mondiale.

Il convient cependant de rester lucide quant aux conséquences de la création du registre international sur l'importance de la flotte française. Cette réforme ne pourra à elle seule faire passer la France du 29ème rang à un statut de puissance maritime pouvant rivaliser avec la Norvège ou la Grèce. Gagnerait-elle quelques rangs dans le classement des pays maritimes, qu'elle pèserait durablement moins, même avec 250 navires, que Malte avec 1 312 navires, Chypre avec 1 239 et la Norvège avec 1 108 navires... sans parler de Panama (5 276) ni du Libéria (1 446).

Seule une démarche européenne pourrait enrayer ce déclin et conduire à un cadre collectif favorable à la sécurité maritime, comme le prouvent les avancées indéniables des textes européens adoptés sous le sigle « Paquets Erika 1 » et « Erika 2 ». Et seule une démarche communautaire permettra d'intégrer sans heurts de très grandes puissances maritimes comme Malte et Chypre, respectivement aux 5ème et 6ème rangs mondiaux.

Le rapporteur pour avis estime que la création d'un registre maritime communautaire associée à une législation ambitieuse en matière de sécurité maritime pourrait permettre l'essor d'une Europe maritime prospère et influente parmi les puissances maritimes mondiales.

II.- UNE RÉFORME FONDÉE SUR DES ANTICIPATIONS HASARDEUSES

L'interrogation majeure que suscite le dispositif porte donc sur sa capacité à atteindre ses objectifs. Le succès annoncé du RIF devrait, nous explique-t-on, permettre l'extension de la flotte marchande et donc, en dépit d'une proportion d'emplois français moindre sur chaque navire, permettre globalement le maintien du niveau de l'emploi des marins français. De même, les normes minimales prévues par le texte en matière de statut collectif et de protection sociale ne constitueraient qu'un filet de sécurité que les négociations collectives devraient rendre largement inutile. Enfin, les avantages fiscaux consentis aux navires immatriculés sous pavillon RIF trouveraient une contrepartie dans des engagements des armateurs à maintenir l'emploi, ainsi que les capacités et les modalités de formation.

A. UN PREMIER PARI : L'EMPLOI FRANÇAIS SERAIT RENFORCÉ

Le dispositif ne comporte, c'est évident, aucune garantie à ce sujet. A l'exception de l'article 4 dont la commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'est pas saisie, le texte ne comporte aucun engagement précis en terme d'emploi, et notamment d'emploi de marins français. Les auteurs de la proposition se contentent d'avancer que la création du RIF pourrait avoir comme conséquence une augmentation de l'emploi, et notamment de l'emploi français.

Or, alors que le registre TAAF - en vertu de l'article 26 de la loi n° 96-151 du 26 février 1996 relative aux transports - prévoit en sus de l'obligation de nationalité française du capitaine et de l'officier chargé de sa suppléance une proportion minimale de marins embarqués et que le code du travail maritime prévoit dans son article 3 une proportion minimale de ressortissants communautaires ou d'Etats membres de l'Espace économique européen (EEE), la présente proposition de loi reste très en retrait sur le sujet.

En effet, selon l'article 4, seuls le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance devraient être français.

L'auteur et rapporteur de la proposition de loi au nom de la commission des affaires économiques du Sénat estime dans son rapport que « l'absence de quota d'embauche ne pénalise pas l'emploi national ».

Cette conclusion repose sur deux paris : le premier est celui de la confiance. Il se fonde sur le constat de la situation des navires TAAF. Le décret d'application de l'article 26 de la loi précitée n'a jamais été publié et les armateurs emploient cependant 35 % de navigants français. Outre que ce point commence d'être contesté, on ne saurait se satisfaire d'une sorte de « droit coutumier » transféré du TAAF au RIF. Peut-on miser sur le fait que les armateurs respecteront un quota d'embauche de navigants français sans qu'aucune règle juridique ou qu'aucun accord collectif ne les y contraigne ?

Le rapporteur du Sénat rappelle par ailleurs que les armateurs danois emploient 70 % de marins danois sur les navires sous pavillon bis sans obligation juridique. On peut au surplus ajouter que les Armateurs de France se sont engagés par une déclaration du 18 décembre dernier à engager des « discussions sur l'emploi » et à aller « au-delà des obligations légales » de l'article 4. Cependant, cet engagement n'a pas de valeur juridique, de traduction dans la loi et pourrait être remis en cause par les exigences de compétitivité.

Le deuxième pari est celui du succès du RIF et du retour sous ce pavillon des navires actuellement au TAAF ou sous pavillon tiers. Le rapporteur du Sénat écrit ainsi que « si la centaine de navires français aujourd'hui sous pavillon tiers étaient rapatriés sous pavillon français, on peut considérer que l'emploi dans la filière maritime pourrait augmenter de 5 à 10 % en retenant une projection vraisemblablement optimiste ». Certes. Malheureusement, l'attractivité du RIF et la réduction du handicap de compétitivité des navires français par rapport aux flottes étrangères semblent bien reposer sur l'incorporation d'une proportion plus importante de ressortissants de pays extra-européens dans les équipages. En conséquence, si le RIF ne suffit pas à provoquer le retour de navires sous pavillon français, la moindre proportion de marins français sur chaque navire se traduira bien par une baisse de l'emploi français.

Les navires ne sont pas que des bateaux, ce sont aussi des hommes, des équipages. Il ne saurait y avoir de marine française sans marins français et l'enjeu est trop élevé pour s'en remettre aux seules déclarations d'intention et à un succès hypothétique.

En outre, la seule garantie proposée par le texte apparaît incertaine. En effet, le fait de mentionner que deux officiers doivent être français peut constituer une exception au principe de non-discrimination à raison de la nationalité résultant de l'article 12 du traité instituant la communauté européenne (TCE) qui se fonde sur l'exercice de prérogatives de puissance publique par le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance. Toutefois, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a dans deux arrêts du 30 septembre 2003 (affaires C 47/02 et C 405/01) jugé que cette exception n'est admise qu'à la condition que ces prérogatives soient effectivement exercées de manière habituelle et ne représentent pas une part très réduite de l'activité.

Le fait que le capitaine et son substitut exercent - sur le fondement de l'article 28 de la proposition - les attributions découlant de l'application sur les navires RIF du code disciplinaire et pénal de la marine marchande ne semble répondre de façon indiscutable ni à l'un ni à l'autre critères. Plus convaincante est l'argumentation selon laquelle le capitaine et son substitut exercent - sur des navires armés au long cours et effectuant du cabotage international, à la différence des cas sanctionnés par la CJCE - des missions afférentes à la sécurité et à la sûreté du navire. Relève, par exemple, de celles-ci la communication, éventuellement chiffrée, avec les navires de la Marine nationale.

Les évolutions de la jurisprudence communautaire ne garantissent donc pas que la disposition de l'article 4 soit jugée compatible avec le droit communautaire. Dans ce cas, il n'existerait plus aucune garantie juridique de la présence de membres d'équipage français à bord de navires battant pavillon français.

B. UNE RÉFORME QUI FRAGILISERAIT LE STATUT COLLECTIF DES NAVIGANTS

Cette proposition de loi consacre l'éclatement du statut collectif du personnel. En effet les navigants extracommunautaires seront régis par des contrats de travail relevant de la loi que chaque partie aura choisie sans que le texte précise quelle sera la convention collective applicable. De même l'article 14 relatif aux mentions obligatoires du contrat d'engagement ne mentionne à aucun moment les normes collectives qui pourraient s'y appliquer.

Même si l'article 23 prévoit que des conventions ou accords collectifs précisent notamment les conditions d'emploi de formation ou de garanties sociales, rien n'est dit sur le régime juridique dans lequel s'insèrent ces accords. Il est ainsi fait référence aux possibilités d'extension sans mentionner si la procédure de droit commun du code du travail sera applicable. Quels seront les représentants habilités à négocier, comment les accords seront-ils étendus aux entreprises non signataires ? Comment les conflits de normes en raison de l'hétérogénéité des équipages seront-ils réglés ? Autant de questions éludées par cette proposition de loi, ce qui rend tout à fait illusoire l'application de conventions collectives dont la force normative n'est pas clairement établie.

Quant aux institutions représentatives du personnel seul le représentant de bord, équivalent maritime du délégué du personnel, est évoqué mais là encore rien n'est dit sur les modalités de sa désignation.

Le registre international veut être compatible avec le droit communautaire. Il ne peut donc ignorer les directives relatives aux licenciements économiques collectifs, aux transferts d'entreprise, au comité d'entreprise européen, ni la directive 89/391 du 12 juin 1989 relative à la protection de la santé et de la sécurité au travail et la directive 1999/63 du 21 juin 1999 relative à la durée du travail. La référence aux engagements communautaires nécessite-t-elle un renvoi vers les mesures nationales de transposition comme pour la directive de 1975 sur les licenciements économiques, la directive de 1977 sur les transferts d'entreprises ?

S'agit-il d'échapper aux licenciements économiques par l'ignorance de contrats d'engagement à durée indéterminée ? L'équipage est-il donc sous contrat précaire, précairement renouvelable ? Il le semble bien.

Même vis-à-vis des salariés sous contrat à durée déterminée, l'employeur est soumis à une obligation générale de prévention : évaluation des risques, information et formation à la sécurité, organisation et gestion de la prévention, consultation des représentants du personnel (lesquels ?), droit de retrait et contrôles. La directive 89/391 du 12 juin 1989 ne peut être ignorée : elle a été transposée en droit français par la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 codifiée dans le code du travail aux articles L. 230-1 et suivants, puis adaptée aux entreprises d'armement maritimes par la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 (article L. 742-5 du code du travail).

Le respect des directives communautaires nécessite des mesures nationales de transposition légale, ou éventuellement conventionnelles si le même résultat est atteint. Dès lors, le simple renvoi aux engagements communautaires de la France ne met pas le législateur en règle avec ses obligations communautaires, en l'absence de transposition effective nécessitant des adaptations aux particularités nationales.

Le seul domaine où le texte constitue un progrès par rapport au régime du pavillon TAAF est celui de la protection sociale. Les articles 24 et 25 définissent précisément le régime applicable, les résidents français devant obligatoirement relever du régime de l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM). Le principal progrès de ce volet de la réforme est d'avoir prévu une protection sociale minimale pour les ressortissants extracommunautaires en se référant à des standards minimaux de l'ITF.

Le rapporteur pour avis estime que le silence du texte sur des aspects fondamentaux du statut collectif des navigants ne peut être maintenu et présentera donc des amendements pour lever certaines ambiguïtés.

Il n'est ainsi pas envisageable que le nouveau texte ne mentionne jamais le droit applicable aux navigants résidents français. Ces lacunes ont été soulignées par les experts du droit maritime. Même si le rapporteur du texte au Sénat a affirmé que le code du travail maritime et les conventions collectives de la marine marchande s'appliqueraient à eux et que cet engagement figure également dans une déclaration du 18 décembre 2003 du Comité des armateurs de France, il n'en demeure pas moins indispensable d'amender le texte pour clarifier cette question d'autant plus que le droit applicable dépendra du choix du port d'immatriculation, en France métropolitaine ou outre-mer ...

A la lecture du texte proposé, on peut se demander parfois si le système antérieur n'était pas préférable en raison de sa simplicité. En effet le droit maritime reposait sur le principe selon lequel la loi du pavillon était la loi commune du bord. Sous le régime du RIF ce principe vaudra uniquement pour le droit disciplinaire qui restera régi par le code disciplinaire et pénal de la marine marchande.

C. LE RÉGIME ACTUEL D'AIDES PUBLIQUES N'A PAS DE CONTREPARTIES PRÉCISES EN TERMES D'EMPLOI

Depuis plusieurs années le secteur de la marine marchande reçoit un soutien massif des pouvoirs publics sans contreparties précises en termes d'emploi ou de maintien des navires sous pavillon français. Cette proposition de loi poursuit la même politique incitative sans jamais fixer d'engagements formalisés aux entreprises bénéficiaires de ces mesures.

1. Des mesures visant à alléger le coût du travail

Le Comité interministériel de la mer (CIMER) du 27 juin 2000 avait décidé d'instaurer, à compter de l'exercice 2002, un dispositif de remboursement des charges sociales patronales d'allocations familiales et de chômage. Il devait venir compléter celui, mis en place en 1998, relatif aux charges sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accidents du travail versées à l'ENIM et aux URSSAF par les entreprises employant des personnels naviguant sur des navires de commerce battant pavillon français soumis à la concurrence internationale. Pour des raisons budgétaires, ce remboursement n'est intervenu qu'à compter de 2003.

Pour 2003, 60,1 millions d'euros de crédits ont été inscrits au budget au titre de la compensation des charges sociales :

- remboursement intégral des contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accidents du travail versées à l'ENIM par une quarantaine d'entreprises employant des personnels (environ 6 000) naviguant sur des navires de commerce battant pavillon français (260) et soumises à la concurrence internationale ;

- remboursement partiel des cotisations d'allocations familiales et d'assurance chômage, charges dites « non ENIM » dues par les mêmes entreprises d'armement aux URSSAF et à l'ASSEDIC ;

- compensation des charges de retraite supportées par la Compagnie générale maritime et financière (CGMF).

On peut ajouter à ces aides budgétaires directes la réduction des taux des cotisations sociales ENIM dues pour les équipages des bâtiments effectuant des navigations internationales et transocéaniques et des navires immatriculés au registre des TAAF. Ces taux sont fixés respectivement à 17,6 % et 11,6 %, alors que le taux normal s'élève à 35,6 %. L'allégement des charges tiré de ces dispositifs pour les armements concernés est estimé par l'ENIM à 24,75 millions d'euros pour 2004.

2. Des incitations fiscales

Plusieurs aménagements fiscaux contribuent par ailleurs, de manière significative, à réduire encore davantage les charges de certains armements.

D'une part, le dispositif du « GIE fiscal », applicable aux investisseurs regroupés dans un groupement d'intérêt économique (GIE) pour acquérir un navire de charge ou de passagers donné en location pendant la durée normale d'amortissement, leur ouvre droit à un amortissement exceptionnel (égal à 43,75 % de la valeur du bien au titre de la première année) et les exonère d'imposition sur les plus-values si le navire est vendu à l'utilisateur après que se sont écoulés les deux tiers de la durée normale de son utilisation (laquelle est égale à huit ans), sous réserve toutefois que soit respectée pendant cette durée la condition de pavillon français.

Entre 1998 et le 1er juillet 2003, ce dispositif incitatif de dégrèvement fiscal, qui permet un gain de 20 à 25 % sur le coût d'achat d'un navire, a été agréé ou pré-agréé pour 104 navires de commerce, soit la moitié de la flotte nationale, pour une valeur d'investissements supérieure à 3,5 milliards d'euros. L'allégement pour les investisseurs sur la période peut ainsi être évalué à environ 800 millions d'euros de dépenses fiscales, qui ont permis de renouveler la flotte de commerce, accroître dès lors la sécurité maritime et diversifier la gamme des navires disponibles.

D'autre part, le dégrèvement de la part maritime de la taxe professionnelle, accordé à plus de cent entreprises d'armement au commerce, représentera une contribution annuelle de 15,46 millions d'euros, versée en compensation par l'Etat aux collectivités locales et à leurs groupements au titre de leurs ressources fiscales en taxe professionnelle.

En outre, la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002) a ouvert la possibilité aux armateurs au commerce d'opter pour une taxation de leurs bénéfices en fonction du tonnage des navires qu'ils exploitent, en substitution au régime de droit commun de l'impôt sur les sociétés. Ce dispositif, qui reste optionnel et s'applique par périodes de dix ans, est très proche de ceux mis en oeuvre par nos principaux voisins européens, tels que l'Allemagne, l'Espagne, la Grèce, la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

L'impôt sur les sociétés est établi à partir du bénéfice de l'entreprise qui en est redevable, lequel est égal à la différence entre les recettes de l'entreprise et les charges déductibles de toute nature qu'elle doit supporter, et auquel on applique ensuite le taux d'imposition. Avec la taxe au tonnage, le bénéfice taxable est calculé non par différence entre les recettes et les charges, mais par application d'un barème selon le tonnage des navires exploités par l'armateur

Sur le plan fiscal, cette taxe est avantageuse pour les entreprises qui l'ont choisie en période de haute conjoncture puisqu'elle conduit en principe à un montant d'impôt inférieur à celui exigible sous le régime classique. Elle est en revanche pénalisante en période de basse conjoncture, puisque les entreprises enregistrant des pertes d'exploitation doivent néanmoins s'acquitter d'un impôt calculé forfaitairement. L'avantage principal de la taxe au tonnage, pour les armateurs, est sa simplicité puisqu'il n'existe qu'un seul barème applicable à tous les navires éligibles, quelle que soit leur activité. Ce régime fiscal est d'autant plus avantageux que les navires exploités par l'armateur génèrent une plus forte valeur ajoutée. Ce mode d'imposition pourrait donc constituer un encouragement à se doter de navires modernes. Il conduit aussi à un allégement fiscal pour les armateurs, dont le coût pour l'Etat est estimé à 9 millions d'euros en 2004.

Enfin, la présente proposition de loi permettra d'alléger significativement le coût de l'équipage puisque deux navigants seulement seraient régis par le droit social métropolitain. Le rapporteur regrette que cette mesure ne soit assortie d'aucune obligation pour les armements alors même que ceux-ci par la voix de leur organisme professionnel Armateurs de France se sont dits prêts à garantir le maintien de l'emploi et l'application du droit social français de manière beaucoup plus large que ne le prévoit la proposition de loi. Il proposera donc des amendements visant à prévoir des contreparties aux avantages consentis.

III.- LE SOUTIEN À LA MARINE FRANÇAISE EXIGERAIT
UNE ACTION PLUS GLOBALE ET PLUS VOLONTARISTE 

Le dispositif contenu dans la proposition de loi vise des objectifs ambitieux. Les pistes ouvertes par la création du RIF peuvent en partie, si toutes les conditions favorables imaginées sont bien réunies, contribuer à relever la marine marchande française et à garantir aux équipages un statut social digne de notre pays. Mais elles ne peuvent à elles seules suffire à la réalisation des objectifs recherchés non plus qu'à la pérennité de notre marine.

Le rapporteur pour avis proposerait plutôt un dispositif concret, inscrit dans la loi, garantissant le maintien de l'emploi français, renforcer les exigences de formation applicables aux navires immatriculés au RIF, ainsi que les garanties sociales offertes aux marins servant sur ces navires, et créer les conditions du dialogue social.

A. PROPOSITION POUR UNE AMÉLIORATION DE LA COMPÉTITIVITÉ DE L'EMPLOI FRANÇAIS, INDÉPENDAMMENT DE LA CRÉATION ÉVENTUELLE DU RIF

Cette amélioration de la compétitivité de l'emploi français repose sur trois démarches complémentaires.

1. Un allégement pérenne des charges sociales

Le différentiel de compétitivité entre l'emploi de marins français et l'emploi de marins étrangers, en particulier de ressortissants de pays extra-européens est indéniable. Dans un marché international extrêmement concurrentiel, il n'existe que trois possibilités de compensation du « surcoût » de l'emploi français.

La première peut consister à employer une proportion plus importante de marins étrangers, moins payés. C'est le choix fait dans le cadre de cette proposition de loi, avec les risques qu'il comporte pour l'emploi français précédemment évoqués (cf. supra point A du II).

La deuxième possibilité consisterait à baisser le niveau des salaires des navigants français : elle est évidemment socialement inacceptable et trouverait rapidement ses limites aussi bien sur un plan juridique (existence de salaires minima) que concrètes (perte d'attractivité du pavillon français créant une pénurie de recrutement). Personne ne saurait l'envisager.

En revanche, il existe une composante du coût salarial au sens large sur laquelle il est possible de jouer, celle des charges sociales afférentes aux salaires des marins français.

De fait, c'est cette solution qui explique très largement le succès rencontré par les pavillons de certains de nos voisins. Ainsi, la part importante de nationaux sur les navires danois enregistrés au second registre est, sans aucun doute possible, liée à l'importance des allégements de charges consentis aux armateurs.

De tels mécanismes existent déjà pour partie, on l'a dit, au profit des marins français (cf. supra point C du II), ce qui constitue un allégement non négligeable des charges puisque le coût de la mesure pour l'Etat est de l'ordre de 24 à 25 millions d'euros par an.

Le mécanisme de remboursement n'en présente pas moins des inconvénients majeurs : la lourdeur de la procédure puisque l'aide est attribuée sur demande de l'entreprise et, pour celles de plus de 250 navigants, après avis d'une commission interministérielle ; les entreprises font l'avance des cotisations ce qui pose d'importants problèmes de trésorerie ; le dispositif ne vise que la couverture des risques relevant du champ des assurances sociales et non l'ensemble des charges patronales ; enfin, la mesure souffre, en dépit de sa reconduction jusqu'à présent, de son caractère temporaire.

En conséquence, le rapporteur pour avis propose d'instituer un régime permanent de soutien à la marine marchande française, indépendamment de la création éventuelle du RIF, qui rendrait sa compétitivité au pavillon français quelque soit le registre d'immatriculation. Ce régime prendrait la forme de l'exonération suivante au profit des navires soumis à la concurrence internationale :

- une exonération (et non un remboursement) totale de la contribution sociale patronale exigible au titre de l'article L. 41 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance ;

- une exonération des cotisations et contributions sociales patronales de toutes natures (ASSEDIC, formation, CSG, ...) ;

- une exonération non limitée dans le temps et garantie par son inscription dans la partie législative du code précité.

Cette exonération serait subordonnée à la conclusion d'un accord collectif au niveau de la branche ou de l'entreprise prévoyant :

- la définition d'engagements en terme d'emploi, notamment la fixation d'une proportion minimale de navigants français ou ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen (EEE) ;

- l'adoption d'engagements en termes de formation, permettant particulièrement d'assurer le renouvellement d'un encadrement et d'une main-d'œuvre de qualité, la transmission du savoir-faire maritime et un niveau de sécurité élevé.

Cette solution aurait des effets durables :

- elle réduirait de façon notable le coût de l'emploi de marins français et européens ;

- elle garantirait le maintien d'un niveau élevé d'emploi de ceux-ci et d'une formation de qualité sous le premier registre comme sous le RIF ou le TAAF ;

- elle renforcerait l'assise de l'ENIM : l'affiliation des marins à ce régime deviendrait moins coûteuse pour l'employeur et permettrait de remédier, au moins partiellement, à la baisse constante du rapport entre cotisants et prestataires ;

- elle s'inscrirait pleinement dans le cadre défini par les orientations communautaires sur les aides d'Etat au transport maritime du 5 juillet 1997.

Il va de soi que le maintien de l'équilibre financier du régime des marins suppose non seulement le maintien du niveau des cotisations salariales mais également la compensation intégrale par l'Etat, conformément à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, de l'exonération des charges sociales patronales. C'est à ce prix que l'on garantira la présence d'une proportion conséquente de marins français sur les navires battant pavillon français.

2. Un renforcement des exigences en termes d'emploi sous pavillon RIF

Le dispositif précédemment décrit permettrait de rendre financièrement possible l'emploi d'une proportion importante de navigants français sous pavillon RIF. Le rapporteur estime en conséquence logique et opportun de transcrire dans la loi certaines obligations en la matière :

- Tout d'abord, si la logique juridique sous-tendant l'article 4 est retenue, il semble nécessaire d'en tirer toutes les conséquences : puisque le capitaine et son suppléant doivent être de nationalité française, il convient que les écoles maritimes françaises puissent continuer de former des élèves, donc de leur trouver des embarquements aux fins de formation. Il est donc proposé d'instituer une obligation d'embarquement d'élèves officiers de nationalité française.

- Afin de parer à toute contestation éventuelle de la rédaction proposée de l'article 4, il convient de prévoir une proportion minimale de navigants français ou ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou de l'EEE qui pourrait éventuellement être modifiée dans certaines limites par la négociation collective d'entreprise, à l'instar de ce qui est prévu dans le régime TAAF ou le code du travail maritime.

- Une obligation de nature comparable mais renforcée devrait être prévue dans le cadre du GIE fiscal (cf. infra point C).

Le rapporteur pour avis observe que ces dispositions recoupent largement l'engagement pris par les Armateurs de France le 18 décembre dernier et n'apparaissent donc pas comme des contraintes insurmontables. Elles offrent simplement une assise plus solide à cette volonté de promotion de l'emploi.

3. Une évaluation du dispositif

Le rapporteur pour avis souscrit à la volonté affichée tant par les auteurs de la proposition de loi - comme en atteste l'article 34 - que par les armateurs de procéder à une évaluation du dispositif. L'effort consenti et la justification même du maintien du RIF supposent que l'on porte une attention particulière à ses effets en termes d'emploi.

B. LA CONSOLIDATION ET L'AMÉLIORATION DE LA FORMATION DES NAVIGANTS

Dans son rapport sur les mutations des métiers du transport, le Conseil national des transports souligne les risques de pénurie de personnel qualifié pour la marine marchande. Ce phénomène est commun à l'ensemble des pavillons mais il est très préoccupant en France en raison de la pyramide des âges défavorable, notamment pour les officiers. On constate de faibles effectifs dans la tranche des trente-quarante ans et cette génération sera insuffisante pour compenser les départs en retraite dans les dix ans qui viennent.

Cette donnée démographique est aggravée par un autre phénomène assez récent : 30 à 40 % des personnels formés quittent la carrière de navigants embarqués au bout de dix ans, ce qui renforce la pénurie actuelle. Il convient donc de revaloriser les carrières navigantes et de permettre plus largement des actions de formation permettant une promotion sociale.

Par ailleurs, l'attractivité de ces professions reste faible par rapport à d'autres carrières envisageables, du fait des contraintes liées aux métiers de la mer. Les écoles de la marine marchande ont du mal à attirer les candidats potentiels. Au Havre et à Marseille, le nombre de candidats aux concours d'entrée des Ecoles nationales de la marine marchande (ENMM) a baissé fortement en 2001 et 2002. De plus des problèmes de recrutement se posent pour le corps professoral.

Les ENMM, situées au cœur de grands ports maritimes, forment des officiers (civils), futurs commandants et chefs mécaniciens, dont les titres et qualifications professionnels sont reconnus au niveau international. Cette reconnaissance leur permet de naviguer sur les navires de tous les pays.

Les ENMM dispensent un enseignement supérieur gratuit. On y entre sur concours niveau bac ou sur dossier pour les « bac + 2 ». La formation permet d'être officier après trois années d'études et douze mois d'embarquement comme élève-officier, puis d'accéder au commandement ou à un titre d'ingénieur après une formation complémentaire, pour la filière commerce.

Si la présente proposition de loi est adoptée en l'état, elle comportera de gros risques en matière de formation. En effet, dès lors que seuls deux navigants seront obligatoirement français, les navigants en formation rencontreront de grosses difficultés pour intégrer un navire français. De plus, en raison des exigences de la fonction de capitaine, il est très probable que les deux navigants nationaux auront une formation « pont »  et ne seront jamais des officiers mécaniciens, ce qui signifie qu'à terme il n'y aura plus de chef mécanicien formé par les écoles françaises. Si rien n'est fait la notion de polyvalence appliquée dans les écoles françaises de marine marchande sera impossible à respecter.

Il convient de souligner que c'est l'avenir même des ENMM et donc de la formation des officiers de la marine marchande française qui est en jeu ici. Ne plus disposer de possibilités certaines d'embarquement d'élèves-officiers ni de débouchés assurés, ce serait dissuader les jeunes Français de s'engager dans cette filière dont sont issus les grands professionnels de la mer et qui permet, aussi, de procurer à l'environnement maritime et à l'industrie liée à la mer des techniciens expérimentés et appréciés.

Conscients des dangers de l'évolution actuelle de l'emploi maritime, les Armateurs de France ont envisagé de négocier un accord de branche sur ce thème.

Dans le prolongement de la convention du 22 décembre 1987 et de ses avenants qui portent sur la formation et qui prévoient que les armateurs embarquent, en supplément d'effectif, des élèves engagés dans un cycle de formation, ce nouvel accord de branche devrait prévoir les mêmes obligations pour les navires sous pavillon RIF.

Mais cet accord serait plus ambitieux car il viserait aussi à donner un plein essor aux contrats de professionnalisation qui ont été formalisés dans la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004. L'objectif serait d'organiser une formation très professionnalisée dans un système en alternance pour permettre aux élèves de connaître toutes les spécificités de la marine marchande par une immersion dès le début de la formation en milieu professionnel. Dans ce cadre les armateurs s'engageraient à embarquer au moins un lieutenant polyvalent pont ou machine entre la troisième et la cinquième année du cursus de formation.

Cet accord devrait être aussi l'occasion de programmer plus strictement les embarquements des élèves et de faire un effort particulier pour les lieutenants qui sont en phase finale de formation.

Les négociations devraient permettre aux armateurs de formaliser certains des engagements qu'ils ont formulés lors de la préparation de cette réforme. Ils pourraient ainsi s'engager sur l'application des dispositions conventionnelles actuellement applicables aux seuls navigants du premier registre aux navigants des navires sous pavillon RIF. Certains engagements pourraient aussi porter sur l'emploi comme celui par exemple de ne procéder à aucun licenciement au seul motif du passage de navires sous pavillon RIF. Des accords ultérieurs pourraient d'ailleurs prévoir en contrepartie du GIE fiscal que les armateurs embarquent un quota supplémentaire de navigants résidents en France.

Le rapporteur pour avis proposera donc que ces engagements complémentaires en matière de formation figurent dans la loi, les accords entre partenaires sociaux devant finaliser ces engagements.

C. LES CONTREPARTIES DU GIE FISCAL

Plusieurs spécialistes ont souligné que, si le GIE fiscal a été un facteur de modernisation de la flotte française, il n'a eu aucune influence sur le maintien de l'emploi et encore moins sur son développement. Le rapport de MM. Jean-Yves Hamon et Jean-Claude Dubois : « L'avenir de la flotte de commerce française : une démarche collective » a même démontré que la réduction de l'équipage sous statut de droit français améliorait sensiblement l'impact de l'avantage fiscal. Ce rapport proposait de faire varier les contraintes sociales au regard des avantages fiscaux accordés.

M. Henri de Richemont, dans son rapport au Premier ministre sur un pavillon attractif, arrivait à des conclusions assez voisines en soulignant qu'il fallait renforcer le lien entre le GIE fiscal et l'emploi. Il préconisait notamment de moduler l'avantage fiscal selon les engagements pris en matière de formation, ces obligations étant elles-mêmes variables selon le type de navire.

Le rapporteur pour avis partage pleinement cette démarche et déposera des amendements tendant à ce que le niveau de l'avantage fiscal soit modulé selon les engagements relatifs au nombre de navigants sous statut métropolitain, à la stabilité de l'emploi et à la démarche de formation.

Le rapporteur pour avis souhaite aussi subordonner l'octroi de l'avantage fiscal à l'obligation de rester sous pavillon RIF un certain nombre d'années.

Le GIE fiscal doit enfin être un outil d'amélioration de la qualité de la flotte et d'une meilleure sécurité. C'est pourquoi un amendement sera présenté pour rendre obligatoire, dans le cadre du code ISM, la désignation d'un correspondant sécurité qui soit basé en France même si l'armateur est étranger, afin de faciliter les relations en cas de situation de crise entre l'armateur et l'autorité maritime.

D. UNE IMPLICATION INDISPENSABLE DES ACTEURS CONCERNÉS

Le choix qui a été fait de légiférer en vue de créer le RIF peut être discuté. Si l'on y souscrit, il est indispensable de légiférer de façon concrète, en fournissant par exemple un vrai socle de droits et garanties sociales, en prévoyant des dispositions de nature à garantir un niveau élevé d'emploi français à bord de ces navires. On ne peut pour autant tout attendre de la loi. Le rapporteur pour avis ne peut que souligner l'importance de la dimension humaine dans les relations à bord des navires mais également celle du lien entre employeurs et marins. Le relèvement de notre marine ne pourra se faire en favorisant les uns ou les autres, en opposant les intérêts des uns et des autres.

En conséquence, le rapporteur pour avis proposera sur divers points de créer les conditions propices à un dialogue social efficace et équilibré. Il proposera ainsi de :

- clarifier les règles de négociation collective applicables ;

- prévoir le renvoi à la négociation collective de branche pour la définition du contenu précis de certaines des obligations prévues par la loi (fixation de la proportion minimale d'officiers et marins français ou ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou de l'EEE ; fixation des conditions d'embarquement d'élèves officiers aux fins de formation).

Le rapporteur pour avis estime donc nécessaire de prévoir dans le texte un renvoi aussi large que possible à la négociation collective.

*

La création du RIF entend répondre à une exigence de compétitivité internationale. On ne saurait oublier que celle-ci se fait d'abord au niveau communautaire. Le « dumping social » parfois pratiqué par les Etats membres ainsi que l'entrée dans l'Union le 1er mai dernier de pays d'une importance majeure sur le plan maritime, tels Chypre et Malte, appellent à la prudence. La flotte maritime européenne n'a cessé de régresser ces dernières décennies en dépit du développement des seconds registres et pavillons bis. Ces constats appellent sans doute à l'élaboration à terme d'un registre européen et montrent en tout cas que la réduction de l'écart de compétitivité ne saurait suffire à concurrencer les pavillons de complaisance : la flotte européenne - et notamment française - ne doit pas être handicapée par des coûts prohibitifs ; elle ne doit pas pour autant pour des raisons purement financières sacrifier son atout majeur, la qualité de son encadrement et de ses équipages. C'est à la conciliation de ces deux objectifs que répondent les modifications proposées par le rapporteur pour avis.

Au vu du texte actuel de la proposition de loi et compte tenu des réserves qu'il inspire, le rapporteur pour avis avait invité le gouvernement, par lettre du 11 mars 2004, à aider à la reprise du dialogue social entre les parties intéressées. Il lui avait en effet semblé, lors des auditions qu'il avait menées le 10 mars 2004 avec le représentant du Comité des armateurs et les représentants des organisations syndicales de salariés sous forme d'une délégation intersyndicale, que chacune des parties était désireuse d'une telle négociation.

De fait, le secrétariat d'Etat aux transports et à la mer a utilisé le délai séparant le dépôt du texte de l'Assemblée nationale et son inscription en séance publique le 27 janvier prochain pour mettre en place une procédure de médiation et un dialogue tripartite qui ont duré plusieurs mois. Cette initiative a permis d'apaiser certaines craintes et d'aplanir quelques différends. Toutefois, le rapporteur pour avis observe que certains points de désaccords semblent subsister, par exemple sur la proposition minimale de marins français et européens à bords des navires sous pavillon RIF. En outre, la commission est appelée à statuer sur le texte transmis par le Sénat qui, à ce jour, n'a pas été amendé. Or, sans se substituer à la commission saisie au fond, le rapporteur pour avis ne peut qu'observer, pour le regretter, que le texte comporte de nombreuses approximations juridiques. On citera simplement pour exemple :

- les articles 17 et 18 qui mêlent de façon incohérente les situations juridiques très différentes des navigants recrutés directement par l'armateur et de ceux mis à disposition par une entreprise de travail maritime ;

- l'article 23 qui prévoit la désignation et non l'élection de représentants du personnel et encourt de ce fait la censure du Conseil constitutionnel ;

- l'article 27 qui établit un régime de sanctions dont la portée semble faire des infractions visées des délits, sans que la rédaction (imprécise) respecte les principes de légalité et de proportionnalité s'attachant à cette qualification. Il encourt donc lui aussi un risque d'inconstitutionnalité.

Au-delà de ces imperfections juridiques regrettables, le rapporteur pour avis entend amender le texte sur le fond - inacceptable en l'état - afin de répondre aux objectifs suivants : promouvoir l'emploi français et communautaire à bord des navires battant pavillon français ; renforcer l'attractivité de ces pavillons et améliorer la sécurité et la cohérence du régime juridique applicable aux navigants.

Il propose donc l'adoption des amendements suivants :

- fixation d'une proportion minimale de 35 % de marins français ou européens dans l'effectif embarqué ;

- subordination du bénéfice des avantages fiscaux au respect de cette proportion minimale et incitation à aller au-delà par une modulation des avantages fiscaux ;

- détermination par la négociation collective des obligations et conditions de formation des officiers français à bord des navires RIF ;

- création d'un dispositif d'exonération totale des charges sociales patronales sur les navires battant pavillon français afin d'améliorer la compétitivité et l'attractivité de notre flotte ;

- sécurisation des conventions et accords antérieurement conclus ;

- application aux marins français et européens du droit commun applicable aux marins français ;

- inclusion dans le contrat d'engagement de nouvelles mentions obligatoires ;

- clarification des conditions de rupture de la période d'essai ;

- précisions sur l'exercice du droit de grève et l'élection des délégués de bord.

Sous réserve de l'adoption de ces amendements, le rapporteur pour avis émet un avis favorable à l'adoption du titre II de la proposition de loi ainsi modifiée.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a procédé à l'examen pour avis du titre II de la présente proposition de loi au cours de sa séance du 19 janvier 2005.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a rappelé qu'au même titre que M. René Couanau - et comme lui breton d'origine -, il est un ardent défenseur de la marine française et a pour objectif primordial de développer l'emploi français et le pavillon national. La proposition de loi telle qu'adoptée par le Sénat, qui réduit à deux officiers l'effectif minimum de marins français, appauvrit la marine française. Or, il faut développer la marine française en tirant profit de la forte croissance - 8 à 9 % par an - du trafic maritime. Il convient donc de ne pas mettre la France à l'écart de ce marché en fort développement.

L'ensemble des acteurs du trafic maritime français a été auditionné. Ces rencontres ont permis au rapporteur au nom de la commission des affaires économiques de présenter les propositions suivantes, qui s'écartent sur certains points de celles du rapporteur pour avis :

- Concernant le nombre de marins français ou communautaires embarqués, deux pourcentages différents pourraient être fixés selon la situation fiscale du navire : pour les navires non aidés, le taux serait de 25 % ; pour les navires aidés, à savoir ceux bénéficiant du GIE fiscal ou d'un quirat, le taux serait de 35 %. Ces pourcentages seraient calculés par rapport à la fiche d'embarquement.

La distinction ainsi faite est justifiée dans la mesure où le système du GIE fiscal équivaut à une aide de l'Etat d'environ 20 % du coût d'achat du navire. Sans aide fiscale, le pavillon TAAF restera plus coûteux, de l'ordre de 25 %, que tous les autres pavillons bis européens. La seule solution efficace, surtout après l'entrée de Chypre et de Malte, serait d'instituer un pavillon européen, mais la Communauté européenne ne s'oriente pas en ce sens. La France est donc très désavantagée au regard des incitations à l'investissement dans l'armement maritime. Certes, le registre international français ne doit pas être considéré comme un pavillon de complaisance eu égard à ses règles tenant au siège du navire, à l'application de la fiscalité française, au contrôle des autorités maritimes françaises et à la présence de marins européens, mais la loi doit rester incitative pour les armateurs.

- Concernant la fiscalité applicable aux salaires des marins français, une défiscalisation permettrait d'augmenter le revenu net des marins. Cette mesure traduira la volonté de soutenir l'emploi maritime. On ne peut toutefois pas espérer retrouver les effectifs antérieurs de 45 000 marins.

- Concernant l'accès au cabotage communautaire, il est proposé que les navires immatriculés au registre international français puissent en bénéficier. Cette faculté est importante puisque 40 % du trafic du port du Havre résulte de ce cabotage.

-  Il faut enfin souligner que cette proposition de loi constitue sans doute le texte le plus protecteur qui soit pour les marins non communautaires. Dès sa rédaction initiale, elle s'est appuyée sur les normes issues de l'Organisation internationale du travail (OIT). Un amendement sera également présenté afin de se rapprocher davantage de la norme de l'International transport federation (ITF), même s'il n'est pas possible d'inscrire ce principe en tant que tel dans la loi, puisqu'il s'agit d'un contrat de droit privé. A titre d'exemple, le salaire mensuel minimum fixé par l'OIT s'élève à 500 dollars, contre 800 dollars pour la norme ITF. Avec la mise en place de ce pavillon bis, près d'une dizaine d'années après tous les autres pays européens, la France est en quelque sorte le « dernier élève de la classe ». On ne voit pas au nom de quelle logique le pavillon bis, qui a parfaitement réussi un peu partout en Europe, ne produirait pas de tels effets en France.

Le rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a enfin considéré que les observations du rapporteur pour avis sont tout à fait fondées concernant la question de la formation ainsi que l'objectif d'exonération des charges sociales. Sur ce dernier point, il importe toutefois que le texte soit rapidement adopté et pleinement applicable. Dès lors, il paraît préférable d'obtenir du gouvernement un engagement sur un plan d'exonération totale des charges sociales sur une période de trois ou cinq ans, car l'application de cette mesure nécessitera des moyens budgétaires importants qui, en tout état de cause, n'ont pas été prévus par la loi de finances pour 2005. Enfin, le problème de la représentation des marins communautaires soulève plusieurs difficultés d'ordre juridique.

Ainsi, si ces divergences d'appréciation sont justifiées notamment par un souci d'efficacité du texte, il y a accord sur les principaux points de l'analyse ainsi que sur la protection sociale des marins.

M. Pierre Morange, président, a remercié le rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour ses propos éclairés.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler a tout d'abord salué la qualité du travail réalisé par le rapporteur pour avis, dont les amendements semblent intéressants, s'agissant en particulier de porter à 35 % le seuil minimal d'effectifs communautaires embarqués sur les navires RIF et du lien réalisé entre les exonérations fiscales et le respect de ces engagements. Le groupe socialiste est donc disposé à voter en faveur de ces amendements, qui sont de nature à améliorer significativement le dispositif proposé et sur lesquels on ne peut qu'attendre avec impatience de connaître l'avis du gouvernement.

M. Pierre Morange, président, a souligné le caractère vertueux de l'objectif poursuivi par les propositions du rapporteur pour avis afin d'apporter une aide à un secteur économique stratégique et de préserver le seuil minimum d'emplois français, tout en s'interrogeant sur le bien fondé, voire la dimension théorique, de la référence aux marins « communautaires », dans la mesure où la future directive européenne sur les services pourrait conduire à des formes de contournement avec l'externalisation des services accomplis sur ces pavillons bis.

M. René Couanau, rapporteur pour avis, a répondu que telle est précisément la raison pour laquelle il est important de préciser que le seuil minimal de 35 % s'entend de l'effectif « embarqué » et d'affirmer l'unité du régime juridique applicable aux navigants français et communautaires. Il convient de souligner les évolutions importantes dont a fait l'objet ce texte depuis près d'un an grâce à la concertation et de rendre hommage au travail réalisé par le rapporteur au nom de la commission des affaires économiques.

De réelles divergences apparaissent toutefois concernant la présence d'une proportion minimale de 35 % de navigants européens dans l'effectif embarqué sur les navires battant pavillon RIF et le lien entre l'octroi des avantages fiscaux et la proportion de marins communautaires supérieure à ce seuil. Or, il faut rappeler que, depuis une dizaine d'années, on a constaté une diminution de 37 % du nombre des marins communautaires sur les navires battant pavillon bis européen ; opter pour le seuil minimal de 25 % de marins communautaires conduirait en réalité à revenir à la position initiale des armateurs, qui souhaitent que seuls les deux officiers supérieurs présents sur ces navires soient français.

Quant au pavillon bis danois, très souvent cité en exemple, il faut rappeler que sa mise en place s'est accompagnée d'une exonération totale des charges patronales. Si le gouvernement ne se prononce pas en faveur de l'exonération intégrale des charges patronales, notamment pour des raisons financières, il y a fort à craindre que les effectifs présents sur les navires immatriculés au RIF comportent une proportion très importante de navigants venant d'Etats tiers au détriment des navigants communautaires.

Enfin, le passage d'un navire du pavillon TAAF au RIF constituera un moment très important pour les personnels. C'est pourquoi plusieurs amendements seront proposés afin que l'immatriculation au RIF ne se traduise en aucun cas pour ceux-ci par un recul de leurs conditions de travail et de leur situation sociale.

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a estimé que certains propos tenus par le rapporteur pour avis ne sont pas tout à fait exacts, en précisant que le coût de l'exonération totale des charges sociales des armateurs est estimé à 200 millions d'euros pour 2005. Dès lors, plutôt qu'un vœu pieu, puisque de telles sommes semblent aujourd'hui difficilement mobilisables, il apparaît plus opportun de demander au gouvernement une déclaration écrite par laquelle il s'engagerait à lancer un plan d'exonération totale de ces charges au cours des trois ou cinq prochaines années.

Quant au pavillon bis danois, on constate que plus de 70 % des marins embarqués sur les navires qui en relèvent sont d'origine danoise, alors même que la législation fixe pour seule obligation la présence d'un officier danois. Cela dit, cette situation ne s'explique sans doute pas seulement par l'exonération sociale, mais également par le fait que la mer constitue l'une des seules richesses du Danemark.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

TITRE II

DU STATUT DES NAVIGANTS

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale est saisie pour avis de ce seul titre II de la proposition de loi issue du Sénat. Il convient toutefois d'observer que le texte initial de la proposition de loi comportait un titre II portant « Dispositions relatives au droit du travail » et un titre III traitant quant à lui des « Dispositions relatives à la protection sociale ». Or si ces deux titres ont pour l'essentiel été regroupés par le Sénat dans le présent titre II traitant de façon globale « Du statut des navigants », les articles 4 à 7 du texte initial - relatifs à l'emploi français et aux entreprises de travail maritime - n'y ont en revanche pas été inclus.

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La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à mettre en cohérence l'intitulé du titre II de la proposition de loi avec l'élargissement de son champ, notamment à une politique ambitieuse en matière d'emploi et de formation, après que le rapporteur pour avis a rappelé que la commission n'est saisie pour avis que des articles 10 et suivants de ce texte.

Création d'une nouvelle section

La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis insérant une nouvelle section 1 A intitulée : « Dispositions relatives à l'emploi et à la formation des navigants ».

Article additionnel avant la section 1

Proportion de navigants européens dans l'effectif embarqué

La commission a adopté à l'unanimité un amendement du rapporteur pour avis visant à rendre obligatoire la présence sur les navires immatriculés au registre international français d'une proportion de 35 % de navigants européens dans l'effectif embarqué.

Le rapporteur pour avis a souligné qu'afin de développer le dialogue social dans le monde maritime, cet article additionnel prévoit également qu'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou, à défaut, les délégués de bord, peut fixer une proportion supérieure à celle mentionnée ci-dessus.

Article additionnel avant la section 1

Application de la proportion de navigants européens aux navires
bénéficiant des avantages fiscaux du groupement d'intérêt économique

La commission a adopté à l'unanimité un amendement du rapporteur pour avis liant l'octroi des avantages fiscaux propres au groupement d'intérêt économique prévu à l'article 238 bis HN du code général des impôts à la présence sur les navires battant pavillon français d'une proportion minimale de 35 % de navigants européens, de façon à assurer une base législative à l'existence d'une contrepartie en termes d'emploi des avantages fiscaux consentis.

Article additionnel avant la section 1

Indexation des avantages fiscaux octroyés
sur la part de navigants européens

La commission a adopté à l'unanimité un amendement du rapporteur pour avis indexant l'importance des avantages propres au groupement d'intérêt économique prévu à l'article 238 bis HN du code général des impôts sur la proportion de navigants européens présents sur les navires battant pavillon français.

Le rapporteur pour avis a précisé qu'il s'agit d'inciter, par l'octroi d'un avantage fiscal supérieur, à l'emploi de navigants européens au-delà de la proportion minimale de 35 %.

Article additionnel avant la section 1

Modalités d'embarquement et de formation des élèves officiers

La commission a adopté à l'unanimité un amendement du rapporteur pour avis confiant à la négociation collective de branche le soin de déterminer les modalités d'embarquement et de formation des élèves officiers, afin de garantir le renouvellement des effectifs permettant la relève des capitaines et suppléants obligatoirement présents à bord des navires battant pavillon français.

Le rapporteur pour avis a souligné que la capacité de formation des marins français était considérablement affaiblie par la proposition de loi initiale des sénateurs.

Article additionnel avant la section 1

Exonération totale de cotisations et de contributions sociales
pour les employeurs de navigants embarqués sur des navires français exposés à la concurrence internationale

La commission a adopté à l'unanimité un amendement du rapporteur pour avis instituant au profit des employeurs de navigants affiliés à l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) et servant sur les bateaux battant pavillon français exposés à la concurrence internationale une exonération totale de cotisations et contributions sociales patronales de façon à conférer au pavillon français une réelle attractivité.

Section 1

Dispositions relatives au droit du travail

Article additionnel avant l'article 10

Application du code du travail maritime aux navigants français et européens

La commission a adopté à l'unanimité un amendement du rapporteur pour avis visant à donner une base législative à l'engagement pris de façon informelle par les armateurs d'appliquer aux navigants français embauchés sur des navires immatriculés au RIF les dispositions qui leur sont actuellement applicables lorsqu'ils servent sur un navire français, de façon à éviter tout risque que le passage sous le RIF ne se traduise pour ces personnels - ainsi que pour les marins européens en raison du principe de non-discrimination posé par l'article 12 du traité instituant la Communauté européenne - par un recul de leurs conditions de travail.

Article additionnel avant l'article 10

Sécurisation juridique

La commission a adopté à l'unanimité un amendement du rapporteur pour avis garantissant que le passage d'un navire au registre international français ne permettra pas la remise en cause des dispositions issues de la négociation collective ou des contrats d'engagements en vigueur avant cette immatriculation.

Article 10

Définition et conditions d'embauche des navigants sur les navires immatriculés sous registre international français

Cet article a pour objet de définir le champ des personnels soumis à l'application de la présente proposition de loi, en particulier de son titre II, et d'encadrer les conditions de leur embauche.

Les deux premiers alinéas fournissent une définition du statut des navigants.

A contrario du code du travail maritime, applicable en vertu de son article 1er à la relation entre un armateur ou son représentant et un « marin », et du chapitre II du titre IV du livre VII du code du travail intitulé « Marins », le présent texte ne vise pas les marins mais « toute personne affectée à la marche, à la conduite, à l'entretien du navire et à son exploitation ». Il n'est donc plus fait référence au service à bord mais au lien direct avec le navire. De ce fait, cette définition inclut l'ensemble des personnels répondant à cette exigence et exclut les seuls travailleurs indépendants et salariés dans la situation inverse : on peut par exemple penser aux personnes exerçant des fonctions d'animation sur le navire (spectacles, accompagnement d'excursion). On observera cependant que sont applicables à l'ensemble des salariés et travailleurs indépendants servant à bord les dispositions relatives au rapatriement et au bien-être en mer et dans les ports.

Le troisième alinéa précise que la relation de travail applicable au navigant peut résulter soit d'un engagement direct par l'armateur, soit d'une mise à disposition par une entreprise de travail maritime dans les conditions visées aux articles 7 à 9 de la présente proposition de loi. On rappellera que cette mise à disposition constitue une relation triangulaire, comparable à celle que prévoit le code du travail en matière de travail temporaire, entre l'armateur, l'entreprise de main-d'œuvre maritime et le navigant. Les deux premiers sont unis par un contrat commercial tandis que les deux derniers sont unis par un contrat de travail. Toutefois, l'encadrement de cette relation est assez différent de celui applicable au travail temporaire classique puisque la mise à disposition peut permettre de pourvoir un emploi permanent, sans limite de succession de ces mises à disposition même si la durée de chacune est limitée à neuf mois.

Le dernier alinéa de cet article réserve l'embauche - soit directe soit par mise à disposition par une entreprise de travail maritime - de personnel - navigant ou non - sur les navires immatriculés sous registre international français aux adultes ou aux mineurs à partir de 16 ans dans le cadre d'une formation professionnelle. Il s'agit d'une disposition portant protection des jeunes travailleurs en raison de la pénibilité et des risques liés aux métiers de la mer.

Le rapporteur pour avis tient à attirer l'attention sur le fait qu'en l'état actuel de la rédaction ce statut s'applique à l'ensemble des navigants indépendamment de leur nationalité. Ce statut est donc applicable aux marins français qui résideront hors de France

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 10 sans modification.

Article 11

Régime juridique applicable aux contrats d'engagement
et à la protection sociale des navigants résidant hors de France

Cet article pose le principe de l'application de la loi choisie par les parties aux contrats d'engagement et au régime de protection sociale des navigants non-résidents tout en l'assortissant de plusieurs conditions.

Les contrats d'engagement et les règles de protection sociale seront - à l'instar de la pratique en vigueur dans d'autres registres européens et conformément à l'article 6 de la convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles - régis par la loi choisie par les parties. Ce principe permettra donc de recruter des marins étrangers - mais également français - sous l'empire de la loi de leur pays de résidence.

Toutefois, ce principe est encadré puisque le présent article prévoit :

- d'une part, leur soumission aux garanties minimales prévues par la présente proposition de loi notamment aux articles 14 (clauses obligatoires du contrat d'engagement), 15 (encadrement de la durée du travail), 16 (droits en matière de congés et de repos), 17 et 18 (terme et conditions de rupture du contrat d'engagement) et 19 et 20 (modalités de rapatriement) ainsi qu'aux sections 2 et 3 du présent titre respectivement relatives au droit syndical et à la protection sociale ;

- d'autre part, l'application aux parties des dispositions plus favorables des conventions collectives applicables aux non-résidents - sur la nature desquelles on peut s'interroger dès lors que ni le présent article, ni l'article 23 ne précisent les conditions de conclusion de telles conventions -, des engagements internationaux (1) - on pense par exemple aux conventions de l'Organisation internationale du travail - et communautaires de la France.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 11 sans modification.

Article 12

Conditions d'engagement d'emploi, de travail, de vie à bord
et rémunération applicables aux navigants

Le premier alinéa du présent article pose un principe de faveur s'agissant des conditions d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord, celles-ci ne pouvant être sur les navires immatriculés sous registre international français moins favorables que celles visées par les conventions de l'Organisation internationale du travail ratifiées par la France.

On ne peut que souscrire à cette affirmation dont la portée a au surplus été considérablement renforcée par l'adoption de la loi n° 2004-146 du 16 février 2004 autorisant la ratification des conventions de l'Organisation internationale du travail n° 163 concernant le bien-être des gens de mer, en mer et dans les ports, n° 164 concernant la protection de la santé et les soins médicaux des gens de mer, n° 166 concernant le rapatriement des marins, n° 178 concernant l'inspection des conditions de travail et de vie des gens de mer, n° 179 concernant le recrutement et le placement des gens de mer, n° 180 concernant la durée du travail des gens de mer et les effectifs de navires et n° 185 concernant les pièces d'identité des gens de mer (révisée), ainsi que du protocole relatif à la convention n° 147 concernant les normes minima à observer sur les navires marchands.

Le rapporteur pour avis tient toutefois à relever la faiblesse de l'apport normatif du premier alinéa de cet article dès lors que l'article 55 de la Constitution donne force juridique dans l'ordre interne à ces engagements internationaux.

Le second alinéa du présent article dispose que les rémunérations applicables aux navigants à bord des navires immatriculés sous registre international français ne peuvent être inférieures au salaire minimum de base accepté au niveau mondial en application de la convention n° 187 de l'Organisation internationale du travail. On rappelle que le conseil d'administration du Bureau international du travail (BIT) inscrit à l'ordre du jour de se session l'actualisation de ce salaire minimum et adopte le montant proposé après avis de la commission paritaire maritime, montant notifié aux Etats membres par le directeur général du BIT. Ce montant a été fixé à 385 dollars des Etats-Unis d'Amérique le 1er janvier 1995, relevé à 465 dollars le 1er janvier 2003 et porté à 500 dollars le 1er janvier 2005. Cette rémunération minimale sera rendue applicable aux navigants sous registre international français par arrêté du ministre en charge de la marine marchande.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 12 sans modification.

Article 13

Contrat entre l'armateur et l'entreprise de travail maritime

Cet article pose le principe de l'existence d'un contrat entre l'armateur et l'entreprise de travail maritime en cas de mise à disposition de navigants auprès du premier par la seconde et précise les formes et le contenu de ce contrat.

Ce contrat, de nature commerciale, prend la forme d'un écrit préalable à la mise à disposition et comporte de façon obligatoire :

- les conditions générales d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord : ces clauses couvrent notamment la durée de l'engagement, le poste et la qualification du navigant ainsi que la durée du travail ;

- les bases de calcul de la rémunération dans ses différentes composantes : outre la fixation du salaire de base lui-même, est ainsi visée la part variable éventuelle de la rémunération fréquente dans le secteur ;

- les conditions de la protection sociale du navigant et les organismes d'affiliation.

On notera que ce contrat commercial est obligatoire dès lors qu'un navigant est mis à disposition mais que la rédaction de l'article - qui vise les « conditions générales d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord » et les bases de calcul « des rémunérations des navigants » permet et privilégie la définition d'un contrat visant plusieurs membres d'équipage, voire la mise à disposition - selon une pratique courante - d'un équipage complet.

On relèvera également que ce contrat doit respecter « les dispositions de la présente loi ». La formule pourrait sembler purement déclarative dès lors que le contrat d'engagement entre chaque navigant et l'entreprise de travail maritime formalisant chaque mise à disposition - visé à l'article 14 - doit nécessairement en vertu de l'article 11 se conformer aux prescriptions de la présente proposition de loi. Cependant, afin d'éviter tout hiatus entre les conditions générales de mise à disposition et l'encadrement légal de chacun des contrats d'engagement, la précision ne semble pas totalement superflue.

Est en tout cas à l'évidence opportune la présence d'une copie du contrat entre l'armateur et l'entreprise de travail maritime à bord du navire. Peut-être aurait-on pu préciser que cette copie peut être consultée - voire les conditions d'une telle consultation - d'autant que tel semble bien être l'objectif de la disposition, ce qui justifie que les aspects commerciaux de la relation entre l'armateur et l'entreprise - c'est-à-dire ceux ne touchant pas aux navigants - ne figurent pas dans cette copie.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 13 sans modification.

Article 14

Contrat d'engagement

Cet article pose le principe de la conclusion d'un contrat écrit d'engagement entre chaque navigant et l'armateur ou, en cas de mise à disposition, l'entreprise de travail maritime.

Il en définit en outre les clauses obligatoires, identiques qu'il s'agisse d'un engagement direct (paragraphe II) ou d'une mise à disposition (paragraphe I). Ces clauses consistent en la détermination de :

- la raison sociale de l'employeur ;

- la durée du contrat dont on rappellera qu'elle ne peut excéder neuf mois (voire six en l'absence d'accord collectif) ;

- l'emploi à bord et la qualification professionnelle, dont le texte précise curieusement qu'elle est « exigée » alors que cette exigence conditionne l'embauche et que la référence à la qualification professionnelle dans le contrat semble plutôt devoir servir à la détermination des tâches et de la classification du navigant ;

- le nom du navire, le numéro d'identification internationale, le port et la date d'embarquement : on relèvera que ces mentions sont facultatives puisque le texte précise « le cas échéant » alors que leur présence semble constituer un élément essentiel de la relation de travail ;

- le montant de la rémunération « avec ses différentes composantes » : il semblerait préférable de prévoir sur ce point que le contrat précise le montant du salaire ainsi que les bases de calculs et, le cas échéant, le montant des autres composantes de la rémunération afin de tenir compte du fait que le montant de celles-ci n'est pas forcément déterminable a priori ;

- les conditions de la protection sociale et le ou les organismes d'affiliation.

On peut se demander s'il ne serait pas opportun d'inclure dans le champ de ces clauses obligatoires la mention de la loi ou/et de la convention collective applicable entre les parties au contrat d'engagement ainsi que celle de la juridiction compétente pour trancher d'éventuels litiges.

Enfin, le dernier alinéa prévoit la remise d'un exemplaire écrit de ce contrat au navigant et d'une copie au capitaine conformément à l'article 3 de la convention n° 22 de l'Organisation internationale du travail - la référence expresse à cet article semblant toutefois superfétatoire.

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La commission a adopté à l'unanimité un amendement du rapporteur pour avis visant à rendre obligatoire l'inclusion dans le contrat d'engagement de mentions essentielles telles le nom du navire, le port et la date d'embarquement.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 14 ainsi modifié.

Article 15

Durée du travail et repos applicables aux navigants

Cet article encadre la durée du travail et détermine les temps de repos applicables aux navigants.

Les dispositions de cet article s'inspirent des engagements conclus au sein de l'OIT et des obligations visées dans la directive communautaire 1999/63/CE du Conseil du 21 juin 1999 concernant l'accord relatif à l'organisation du temps de travail des gens de mer, conclu par l'Association des armateurs de la Communauté européenne (ELSA) et la Fédération des syndicats des transports dans l'Union européenne (FST), qui porte mise en œuvre d'un accord entre les partenaires sociaux européens sur le fondement de l'article 139 paragraphe 2 du TCE.

Le premier alinéa encadre la durée maximale du travail journalière (8 heures), par semaine (48 heures) et par mois (208 heures) conformément à la clause 4 de l'accord précité. Toutefois, la clause 5 permet par son point 6 des dérogations à la durée maximale journalière dans une limite de 12 heures par jour sous réserve de la conclusion d'un accord collectif. Le rapporteur pour avis approuve le recours au dialogue social pour la mise en place d'une dérogation du temps de travail. On peut cependant observer que les conditions de conclusion de tels accords collectifs ne sont pas clairement déterminées par la section 2 du présent titre (cf. infra le commentaire des articles de cette section) et que le présent alinéa ne comporte pas, à la différence par exemple du point 6 de la clause 5 précédemment évoquée, de contrepartie à cette dérogation en termes de congés.

Les deuxième à quatrième alinéas de cet article déterminent les durées minimales de repos applicables aux navigants, à savoir au moins 10 heures par période de 24 heures et 77 heures par période de 7 jours, conformément au b du point 1 de la clause 5 de l'accord précité. Les heures de repos ne peuvent en vertu du point 2 de la même clause 5 être fractionnées en plus de deux périodes et l'intervalle entre deux périodes consécutives de repos ne peut excéder 14 heures.

Les cinquième à septième alinéas du présent article précisent les modalités applicables aux heures supplémentaires des navigants :

- Est considérée comme heure supplémentaire toute heure effectuée au-delà de la durée hebdomadaire maximale.

- Chaque heure supplémentaire donne lieu à une majoration de 25 %.

- L'heure supplémentaire donne lieu à rémunération - qu'il faut comprendre comme le paiement normal de l'heure et de sa majoration - ou à un repos équivalent. Toutefois, le rapporteur pour avis observe que la rédaction de l'article sur ce point pourrait être améliorée par la définition précise de l'étendue du repos équivalent (une heure ou une heure et quart du fait de la majoration) et de la rémunération et par celle des modalités selon lesquelles les parties s'accordent sur le choix entre les deux types de contrepartie. On pourrait par exemple en faire une clause obligatoire du contrat d'engagement ou prévoir l'application de l'une des contreparties à défaut d'accord entre les cocontractants.

- Un accord collectif peut en outre prévoir un mode forfaitaire de rémunération de ces heures.

Enfin, le dernier alinéa de l'article prévoit conformément au point 8 de la clause 5 de l'accord précité l'affichage d'un tableau - en français et en anglais - précisant l'organisation du travail et le programme de service à la mer et au port. Il convient d'observer que la rédaction de cet alinéa prévoit l'affichage dans un endroit accessible alors que l'accord prévoit qu'il doit être « facilement » accessible.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 15 sans modification.

Article 16

Congés payés, repos hebdomadaire et jours fériés

Cet article précise les dispositions applicables aux navigants sur les navires immatriculés au registre international français en matière de congés payés, de repos hebdomadaire et de jours fériés.

Le premier alinéa pose le principe selon lequel un mois de travail effectif ouvre droit à trois jours de congés payés. On notera que si la durée de ces droits à congés payés est supérieure à celle prévue par la clause 16 de l'accord européen relatif à l'organisation du temps de travail des gens de mer du 30 septembre 1998, la présente rédaction ne prévoit en revanche rien sur les conditions d'exercice de ces droits à congés payés et n'exclut pas, en particulier, que la prise des congés payés prenne la forme d'une indemnité compensatoire, y compris avant la fin de la relation de travail.

Le deuxième alinéa pose quant à lui le principe d'une journée de repos hebdomadaire et précise son articulation avec la survenue éventuelle d'un jour férié dans son troisième alinéa.

La journée de repos hebdomadaire répond aux prescriptions de la clause 4 de l'accord précité. On observera qu'elle n'est pas - dans l'état du texte proposé - fixée un jour donné : elle peut ainsi varier selon les semaines. Se pose dès lors le problème de son articulation avec les jours fériés. En effet, le troisième alinéa dispose que « le repos hebdomadaire est réputé acquis » lorsqu'un jour férié « coïncide avec la journée de repos hebdomadaire ». On peut dès lors imaginer un détournement de l'obligation d'accorder les jours fériés négociés lors du contrat d'engagement par la fixation, chaque fois que possible, de la journée de repos hebdomadaire un jour férié. Au surplus, le rapporteur pour avis observe que cette disposition se démarque des conventions OIT et du droit communautaire puisque, par exemple, la clause 4 de l'accord précité prévoit un jour de repos par semaine « plus le repos correspondant aux jours fériés », ce qui semble exclure l'assimilation proposée des deux formes de repos.

Il semble donc dans ce cas nécessaire de prévoir que le jour férié est a contrario considéré comme travaillé.

Le quatrième alinéa évoque le cas dans lequel le navigant n'a pu bénéficier de son repos hebdomadaire. La disposition peut sembler paradoxale au regard du principe du repos hebdomadaire posé par le deuxième alinéa. Elle est cependant compréhensible au regard de la spécificité du travail des gens de mer. On peut d'ailleurs observer que la clause 7 de l'accord précité prévoit des dérogations aux périodes normales de repos. Le rapporteur pour avis observe cependant que, d'une part, cette dérogation n'est admise par l'accord qu'au vu des besoins liés à la sécurité immédiate ou à une situation d'urgence tandis que le présent alinéa vise « l'exploitation du navire » et que, d'autre part, le dernier alinéa de la clause prévoit l'octroi d'une période de repos adéquate dès le retour à une situation normale tandis que le présent alinéa autorise le report du repos hebdomadaire à la fin de l'embarquement. Il semble donc indispensable de resserrer le présent dispositif afin que l'obligation de repos hebdomadaire conserve une portée effective.

Les cinquième à septième alinéas précisent le régime applicable aux jours fériés. Est d'abord posé le principe selon lequel le nombre de jours fériés est fixé pour chaque navigant par le contrat d'engagement. Le rapporteur pour avis s'interroge sur la pertinence de cette disposition. Il semblerait plus logique de renvoyer la fixation du nombre de jours fériés aux accords collectifs applicables aux navigants afin d'éviter des inégalités de traitement entre ceux-ci.

Est ensuite prévu que les jours fériés sont choisis parmi les jours de fêtes légales du pays dont le navigant est ressortissant. Si cette disposition est pertinente dans son inspiration, il semble nécessaire de prévoir le cas où le nombre de jours fériés légaux du pays considéré ne permettrait pas l'octroi du nombre de jours fériés sur lesquels les parties se seraient accordées.

Par ailleurs, le septième alinéa prévoit l'accord des parties sur la compensation du travail des jours fériés. Celle-ci peut prendre la forme d'un repos ou d'un paiement en heures supplémentaires. Toutefois, la rédaction proposée semble ambiguë : il conviendrait de préciser clairement que la détermination de la forme de la compensation - et non le seul principe de celle-ci - est prévue par le contrat d'engagement.

Enfin, le dernier alinéa prévoit la tenue d'un registre précisant les heures quotidiennes de travail et de repos des navigants. Cette disposition appelle deux observations :

- il semble superfétatoire de prévoir qu'il est « conforme aux conventions internationales » d'autant que la clause 8 de l'accord précité en fournit un cadre plus précis ;

- il ne semblerait pas inutile de rappeler que ce registre - qui ne doit pas être confondu avec le tableau prévu par l'article 15 - sert à veiller au respect des dispositions des articles 15 et 16 du présent texte et doit être émargé par le navigant.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 16 sans modification.

Article 17

Période d'essai et durée d'embarquement

Le premier alinéa de cet article ouvre la possibilité de recourir à une période d'essai et en encadre les conditions. Si le principe d'une telle période n'est pas contestable, les modalités prévues appellent plusieurs observations :

- Tout d'abord, la période d'essai ne porte que sur la première période d'emploi auprès d'un même armateur. Cette restriction semble utile afin de ne pas précariser les marins régulièrement employés par le même armateur qui ont donc - a fortiori s'ils se voient offrir un nouvel engagement - montré leur compétence et donné satisfaction. On notera que la mise à disposition par une nouvelle entreprise de travail maritime auprès d'un même armateur ne permet pas de recourir de nouveau à la période d'essai.

- Exclue lors du deuxième embarquement, elle est en revanche dans l'état actuel du texte obligatoire lors du premier embarquement. Les parties n'ont pas la possibilité de se dispenser de cette période.

- L'interruption de la mise à disposition ou la rupture du contrat d'engagement se fait à l'initiative des « parties ». Ce point semble particulièrement obscur. Il semble en tout état de cause nécessaire de préciser la nature des parties concernées et le fait que chacune peut - sans l'accord des autres - mettre fin à cette période d'essai.

La rupture à l'initiative du salarié ne semble pas poser de difficultés à l'exception du moment de cette rupture. Peut-elle intervenir sans préavis alors que l'article 18 ne prévoit pas ce cas dans les exceptions au délai de préavis réciproque d'un mois de droit commun en cas de rupture ? Si un tel préavis est requis, n'est-il pas excessif au vu de la durée du contrat ? S'il n'est pas requis, une fin de période d'essai d'application immédiate ne risque-t-elle pas d'entraver la marche du navire ?

La rupture du contrat d'engagement par l'armateur qui a recruté directement un navigant ne pose pas non plus de difficulté, hormis celle de l'application éventuelle d'un préavis et de sa longueur déjà évoquée. Le cas de la mise à disposition, relation triangulaire, apparaît plus complexe. Il semble donc indispensable de préciser les modalités de fin de période d'essai propres à chacune de ces deux situations.

- Enfin, le rapporteur pour avis s'interroge sur la pertinence du délai de trois mois. Alors que la durée de l'embarquement est en principe de six mois et peut varier entre cinq et dix mois, cette durée semble excessive. Elle est source d'insécurité tant pour le navigant que pour l'employeur compte tenu notamment des conséquences d'un débarquement et d'un éventuel rapatriement. On rappellera à titre de comparaison que la période d'essai est en droit interne limitée à 15 jours pour les contrats à durée déterminée (CDD) d'au plus six mois et à un mois pour ceux d'une durée supérieure.

Le second alinéa fixe la durée d'embarquement. Elle est en principe au maximum de six mois et peut être portée à sept pour des raisons liées à l'exploitation du navire. La durée fixée par le contrat d'engagement peut être prolongée d'un mois dans la limite des sept mois ou réduite d'un mois pour les mêmes motifs. La durée maximale peut en outre être portée à neuf mois par accord collectif et la durée des contrats d'engagement conclus dans ce cadre peut être réduite ou prolongée d'un mois pour des raisons liées à l'exploitation du navire.

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La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis précisant le régime de la période d'essai, en distinguant notamment les cas d'engagement direct d'un navigant par l'armateur des cas de mise à disposition par une entreprise de travail maritime.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 17 ainsi modifié.

Article 18

Fin du contrat d'engagement ou de la mise à disposition

Cet article énonce les conditions dans lesquelles le contrat d'engagement ou la mise à disposition du navigant prennent fin et en prévoit les modalités et les conséquences.

Il est mis fin à la relation de travail dans les cas suivants :

- l'arrivée à terme du contrat (c'est-à-dire cinq à dix mois en vertu de l'article 17) ;

- la décision de l'armateur ou du navigant en cas de débarquement de celui-ci pour maladie ou blessure : chacune des parties dispose de cette faculté dans le respect du délai de préavis d'un mois visé à l'avant-dernier alinéa du présent article. On relèvera que n'est pas rompu dans ce cas (de même que dans deux des suivants) le contrat d'engagement entre le navigant et l'entreprise de travail maritime ;

- la décision de l'armateur ou du navigant en cas de perte totale de navigabilité ou désarmement du navire, qui appelle la même observation que le cas précédent ;

- la décision du navigant si le navire fait route vers une zone de guerre ;

- la décision de l'armateur en cas de faute grave ou lourde du navigant ou pour un motif réel et sérieux et à la condition que ladite décision soit motivée et notifiée. On reconnaît là la double exigence classique entourant la rupture du contrat de travail : l'exigence d'un motif et le respect d'une procédure permettant à l'intéressé d'être informé du projet de l'employeur. Il convient d'observer que l'armateur peut pour les motifs précités mettre fin à la mise à disposition mais que sa décision n'entraîne pas dans la rédaction actuelle la fin du contrat d'engagement liant le navigant et l'entreprise de travail maritime. Peut-être aurait-il, à tout le moins, été utile de préciser que, dans ce cas, la décision de l'armateur lui est notifiée.

L'avant-dernier alinéa institue un délai de préavis réciproque en cas de rupture du contrat d'engagement. Il est à noter que ce délai ne s'applique pas en cas de fin de la mise à disposition : le navigant mis à disposition n'est donc pas soumis à cette obligation de préavis vis-à-vis de l'armateur mais uniquement à l'égard de l'entreprise de travail maritime (du fait de la référence au contrat d'engagement).

On observera par ailleurs que l'obligation de préavis ne s'applique qu'en cas de débarquement du navigant pour maladie ou blessure ou de rupture pour motif réel et sérieux.

L'absence de mention de la période d'essai dans cet alinéa donne à penser que l'obligation de préavis ne s'applique pas à ce cas.

Le dernier alinéa prévoit des indemnités de rupture d'au moins deux mois de salaire (ce qui semble exclure les autres éléments de rémunération de la base de calcul) sauf dans les cas de rupture ou d'interruption résultant d'une décision du navigant, de faute grave ou lourde et dans celui de la rupture de la période d'essai.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 18 sans modification.

Article 19

Obligation de rapatriement du navigant

Cet article prévoit une obligation de rapatriement du navigant en cas d'interruption du contrat de travail et la met à la charge de l'armateur ou de l'entreprise de travail maritime.

Cette obligation est levée en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative du navigant ou en cas de faute grave ou lourde. En l'absence de définition de la faute grave et lourde dans la présente proposition de loi et dans le code du travail maritime, il semble logique de se reporter à la définition jurisprudentielle dégagée par la chambre sociale de la Cour de cassation dans le cadre de litiges relevant du droit du travail général (par opposition au droit du travail maritime).

Le navigant a la faculté de choisir sa destination de rapatriement qui peut être :

- le lieu d'engagement ;

- le lieu stipulé dans la convention collective ;

- son lieu de résidence ;

- le lieu mentionné au contrat ;

- tout autre lieu convenu par les parties.

Cet article formalise une pratique très ancienne dans le monde maritime, qui était déjà organisée par l'article 87 du code du travail maritime, lequel prévoit que « le marin débarqué ou délaissé en fin de contrat hors du territoire métropolitain doit être rapatrié aux frais du navire ».

Il convient de préciser que le code du travail maritime contient des dispositions spécifiques pour les marins étrangers pour lesquels l'obligation de rapatriement est réputée satisfaite si le marin est reconduit à son port d'embarquement (article 119). Ce même code prévoit également que lorsqu'un marin, mis à disposition d'une filiale étrangère est licencié par cette entreprise étrangère, l'armateur doit le rapatrier et lui proposer un emploi équivalent à celui qu'il occupait dans la filiale (article 102-19). Ces dispositions ne seront donc pas applicables aux marins embauchés sous armement régis par le RIF.

Le rapporteur pour avis présentera un amendement afin de rendre l'obligation de rapatriement valable dans tous les cas de rupture du contrat d'engagement alors que le texte voté par le Sénat exonère l'armateur de cette obligation en cas de faute grave de son préposé ou en cas de rupture à l'initiative du navigant.

*

La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à reconnaître au navigant licencié un droit à rapatriement aux frais de l'armateur ou de l'entreprise de travail maritime, quel que soit le motif du licenciement, cette prise en charge étant traditionnelle dans le monde maritime et figurant à l'article 87 du code du travail maritime.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 19 ainsi modifié.

Article 20

Garanties financières pour pallier le risque de défaillance de l'entreprise
de travail maritime

Cet article dispose en premier lieu qu'en cas de défaillance de l'entreprise de travail maritime l'armateur est substitué à celle-ci pour le rapatriement des marins et le paiement des sommes dues aux organismes de protection sociale.

L'armateur est donc le responsable final de la bonne exécution du contrat d'engagement maritime, le texte prévoyant qu'il peut s'assurer contre le risque de défaillance de la société de travail maritime.

Pour clarifier les responsabilités respectives de la société de travail maritime et de l'armateur, le texte prévoit par ailleurs que l'armateur est responsable des conditions de travail et de vie à bord du navire. En effet c'est le capitaine du navire qui est détenteur du pouvoir disciplinaire et qui est responsable des modalités d'organisation de la vie à bord. Ce partage des responsabilités est conforme à la situation de mise à disposition que l'on retrouve dans le code du travail.

Le rapporteur pour avis s'interroge sur les obligations à la charge des sociétés de travail maritime, qui devront disposer, pour obtenir l'agrément prévu à l'article 9, de garanties financières importantes, cette obligation s'appliquant non seulement aux sociétés établies en France mais aussi aux sociétés étrangères.

Il serait envisageable de modifier le montage juridique habituellement adopté par les armateurs faisant recours à ces sociétés en prévoyant que la société de travail maritime n'est qu'une sorte de courtier chargé de rechercher du personnel qualifié l'employeur étant toujours l'armateur. Cette solution permettrait d'éviter toute dilution des responsabilités et ferait de l'armateur le seul garant de la qualité de l'équipage recruté.

Le rapporteur pour avis proposera un amendement prévoyant que l'armateur a l'obligation de contracter une police d'assurance couvrant le risque de défaillance de l'entreprise maritime à laquelle il a eu recours afin que les obligations sociales de celle-ci puissent être honorées vis-à-vis des navigants embauchés.

*

La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à créer une obligation d'assurance à la charge de l'armateur afin qu'il soit toujours en mesure de pallier à la défaillance de l'entreprise de travail maritime et d'honorer les dettes sociales de celle-ci.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 20 ainsi modifié.

Article 21

Obligation d'établir une liste du personnel à bord

Cet article prévoit l'obligation de tenir à jour une liste du personnel embarqué qui est à la disposition des autorités compétentes, c'est-à-dire les services de l'inspection du travail maritime et des affaires maritimes, afin de lutter contre le travail clandestin. Il convient en effet de noter que l'identification des marins sera prochainement facilitée avec la généralisation d'une pièce d'identité professionnelle infalsifiable et similaire dans l'ensemble des pays signataires de cette future convention de l'Organisation maritime internationale (OMI).

Le rapporteur pour avis s'interroge sur les obligations qui pèseront sur le capitaine quant aux formalités de gestion administrative de l'équipage, la présente proposition de loi ne comportant aucune disposition à ce sujet autre que le présent article.

Il paraît important de rappeler que de code du travail maritime impose au capitaine de faire viser par l'autorité maritime les contrats d'engagement. Le décret n°83-793 du 6 septembre 1983 prévoit d'autre part que le capitaine dresse un tableau réglant l'organisation du travail à bord et indiquant les temps de travail effectif de chaque membre d'équipage. Ce document est annexé au journal de bord et doit être visé par l'inspection du travail maritime à chaque visite de partance et il est à la disposition des délégués de bord. L'inobservation de ces obligations est sanctionnée par des sanctions pénales prévues par le code de disciplinaire et pénal de la marine marchande.

Le rapporteur pour avis estime important que cette proposition de loi renvoie aux obligations du code de travail maritime et au décret précité de 1983. Il proposera donc un amendement en ce sens car il n'est pas acceptable que les obligations du capitaine se limitent à la tenue à jour de la liste de l'équipage, même si cette obligation est un premier garde-fou pour lutter le travail clandestin.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 21 sans modification.

Section 2

Dispositions relatives au droit syndical

Article 22

Reconnaissance de la liberté syndicale et du droit de grève

Le I de cet article consacre la liberté syndicale en affirmant que tout navigant peut adhérer au syndicat de son choix. Il convient de souligner que le texte ne limite pas cette liberté en le restreignant aux seuls syndicats français.

Cet article comporte cependant une lacune car il ne tire pas les conséquences de cette liberté d'adhésion à un syndicat et ne précise pas quels seront les pouvoirs dévolus à ces organisations Il est regrettable que ce texte n'indique pas selon quels critères un syndicat notamment étranger sera considéré comme représentatif et particulièrement susceptible de négocier des accords qui pourront être éventuellement étendus.

Dans son II, cet article reconnaît le droit de grève et précise que son exercice ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde imputable au navigant. Il indique par ailleurs que le recours à la grève ne doit donner lieu à aucune mesure discriminatoire en matière de salaire ou d'avantages sociaux.

Ce paragraphe reprend de manière incomplète l'article L. 521-1 du code du travail et le rapporteur pour avis proposera de reprendre le dernier alinéa de cet article qui énonce un principe protecteur du droit de grève : « tout licenciement prononcé en violation du premier alinéa du présent article (2) est nul de plein droit ».

Il convient de rappeler que la licéité de la grève pour les marins a fait problème au début du vingtième siècle en raison des contraintes de sécurité maritime, mais a été reconnue dès 1912 par la Cour de cassation. L'article L. 742-2 du code du travail prévoit en conséquence que les dispositions relatives au droit de grève et aux conflits collectifs sont applicables aux marins sous premier pavillon sous réserve de quelques adaptations (l'exercice normal du droit de grève ne doit pas conduire à mettre en danger la sécurité du navire ou de la cargaison ; les services de sécurité et de veille à la passerelle doivent être assurés).

Le rapporteur pour avis proposera un amendement interdisant toute mesure discriminatoire à l'encontre des navigants qui auront exercé leur droit de grève.

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La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à protéger les navigants sous pavillon RIF lorsqu'ils exercent le droit de grève en frappant de nullité toute mesure à leur encontre et en interdisant leur remplacement temporaire.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 22 ainsi modifié.

Article 23

Extension des accords collectifs et désignation d'un délégué de bord

Le premier alinéa du I de cet article prévoit la possibilité de conclure des accords ou des conventions collectifs qui seront spécifiques aux marins embarqués sur des navires immatriculés au registre international français. Ces accords ou conventions collectifs pourront faire l'objet d'une procédure d'extension afin de s'appliquer à l'ensemble des navires sous pavillon RIF. En l'absence de précision apportée par le texte, on peut s'interroger sur la procédure applicable.

Le deuxième alinéa de cet article manque également de clarté. En effet, dans sa rédaction actuelle, il dispose que pour les navigants résidant hors de France, les conventions ou accords applicables « peuvent être celles ou ceux applicables en vertu de la loi dont relève le contrat d'engagement du navigant ». Il convient de rapprocher cette formule de celle, quelque peu différente, de l'article 11 selon laquelle « les contrats d'engagement et le régime de protection sociale des navigants résidant hors de France sont soumis à la loi choisie par les parties [...] et sans préjudice de dispositions plus favorables des conventions collectives applicables aux non-résidents... ». La combinaison de ces deux dispositions demande à être clarifiée.

Le II de cet article traite des missions du représentant de bord chargé de présenter au capitaine les réclamations individuelles ou collectives non contractuelles relatives aux conditions de travail à bord.

Le rapporteur pour avis s'interroge sur les raisons qui ont conduit le gouvernement à choisir une terminologie différente de celle prévue par le code du travail et applicable aux autres armements, à savoir la désignation de délégués de bord (article L. 742-3 du code du travail et décret n° 78-389 du 17 mars 1978).

Cette rédaction est d'autant plus étonnante qu'elle fait de la désignation des représentants de bord une simple faculté sans préciser la procédure applicable alors que le décret précité rend cette instance représentative du personnel obligatoire et prévoit une procédure élective avec un monopole de présentation de liste par les organisations syndicales représentatives pour le premier tour.

De plus cette rédaction présente un risque au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle, en matière d'institutions représentatives du personnel, le législateur est tenu de définir leurs modalités de fonctionnement.

Le rapporteur pour avis présentera donc un amendement prévoyant l'élection des délégués de bord et leur attribuant une mission similaire à celle des délégués du personnel institués par le code du travail

Comme dans le décret de 1978, le dernier alinéa de cet article prévoit la possibilité pour les navigants de présenter eux-mêmes leurs observations au capitaine ou à l'armateur, le législateur n'ayant pas voulu conférer aux représentants du personnel un monopole dans le traitement des litiges entre navigants et capitaines.

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La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis prévoyant une procédure d'élection des délégués de bord, qui auront une mission similaire à celle des délégués du personnel dans les entreprises de droit commun.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 23 ainsi modifié.

Section 3

Dispositions relatives à la protection sociale

Article 24

Régime de protection applicable aux navigants communautaires
ou résidant en France

Le premier alinéa de l'article dispose que les navigants résidant dans l'un des Etats de l'Union européenne ou l'EEE, ou ressortissants d'un Etat lié par une convention bilatérale avec la France, bénéficient du régime social applicable selon les dispositions prévues par les règlements communautaires ou celles de la convention bilatérale dont ils relèvent. Il s'agit là du rappel des règles habituelles en matière d'affiliation aux régimes de sécurité sociale.

Cet article limite la liberté contractuelle définit à l'article 11, un ressortissant allemand résidant dans son pays, par exemple, ne pouvant opter par contrat pour une affiliation à un régime de sécurité sociale non communautaire.

Le deuxième alinéa rappelle que les navigants résidant en France quelle que soit leur nationalité relèvent obligatoirement du régime spécial de sécurité sociale des marins visé à l'article L 711-1 du code de la sécurité sociale. Là encore les parties ne disposent d'aucune marge de manœuvre pour déroger aux dispositions relatives au régime de protection sociale applicable.

Le troisième alinéa résulte d'un amendement sénatorial présenté par MM. de Rohan et de Richemont et permet aux navigants résidant en France et embarqués avant le 31 mars 1999 sur des navires battant pavillon étranger de conserver leur régime de protection sociale initial sur un navire RIF à la condition que les risques énumérés à l'article 25 de la présente proposition de loi soient couverts par le régime dont ils souhaitent garder le bénéfice.

Cet amendement sénatorial vise à offrir à ces navigants le maintien d'un régime social plus favorable que celui qui leur serait applicable en vertu des règles du code de la sécurité sociale.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 24 sans modification.

Article 25

Régime de protection sociale applicable aux navigants non-résidents de l'Union européenne ou non couverts par une convention de sécurité sociale

Cet article prévoit une couverture sociale minimale pour les navigants qui ne résident pas dans l'Union européenne ou qui ne sont pas ressortissants de l'Espace économique européen. Il s'applique également aux navigants qui ne sont pas couverts par une convention de sécurité sociale.

Selon le I de cet article, ces navigants seront couverts pour les risques maladie, accidents du travail, maternité, invalidité et vieillesse.

Le II précise que cette protection sociale ne peut offrir des prestations moins favorables que celles prévues par les conventions de l'Organisation internationale du travail.

Ce paragraphe contient une autre disposition très importante car il énonce le principe de la participation de l'employeur au financement de cette protection sociale.

Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis, le gouvernement présentera un amendement précisant dans quelle proportion l'employeur est tenu de contribuer à ce régime de protection sociale. Le rapporteur pour avis se félicite de cette initiative indispensable car, sans cette précision, la participation des employeurs risquait de rester très symbolique ! De plus l'article 34 de la Constitution prévoit que la loi doit fixer les principes fondamentaux du droit de la sécurité sociale, ce qui implique que le législateur fixe l'assiette de la contribution des employeurs pour financer un régime de sécurité sociale, la définition des taux de cotisations pour les différentes prestations relevant du pouvoir réglementaire.

Le III de cet article dresse la description de la couverture sociale minimale dont doivent bénéficier les navigants non-résidents communautaires. Ces standards minima reprennent les critères adoptés par l'International Transport Federation (ITF) et communément acceptés par la profession maritime :

- en cas de maladie ou d'accident survenu au service du navire, la prise en charge intégrale des frais médicaux, d'hospitalisation et de rapatriement, ainsi qu'en cas de maladie, la compensation du salaire de base dans la limite de 120 jours et, en cas d'accident, la compensation du salaire de base jusqu'à la guérison ou jusqu'à l'intervention d'une décision médicale concernant l'incapacité permanente ;

- en cas de décès consécutif à une maladie ou à un accident survenu au service du navire, le versement d'une indemnité de 60 000 € au conjoint du marin ou, à défaut, à ses ayants droit et le versement d'une indemnité de 15 000 € à chaque enfant à charge, âgé de moins de 21 ans, dans la limite de trois enfants ;

- en cas de maternité de la femme navigante, la prise en charge des frais médicaux et d'hospitalisation correspondants et la compensation de son salaire de base pendant une durée de deux mois ;

- en cas d'incapacité permanente consécutive à une maladie ou à un accident survenu au service du navire, le versement d'une rente viagère ou d'une indemnité proportionnelle à cette incapacité définies dans le contrat d'engagement ;

- la concession d'une pension de vieillesse dont le niveau, pour chaque année de service à la mer, n'est pas inférieur, pour une cessation d'activité à partir de l'âge de 55 ans, à 1,5 % de la rémunération brute perçue par le marin ou, si la cessation a lieu à partir de l'âge de 60 ans, à 2 % de cette rémunération.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 25 sans modification.

Section 4

Dispositions relatives aux contrôles et sanctions

Article 26

Compétence de l'inspection du travail maritime
pour les navires inscrits au RIF

Cet article attribue aux fonctionnaires de l'inspection du travail maritime la mission de contrôler le respect de la législation sociale applicable aux navires inscrits au RIF.

Le deuxième alinéa de cet article précise qu'ils contrôlent les conditions d'engagement, d'emploi, de travail, de protection sociale et de vie à bord. Ils sont aussi chargés de constater les infractions à la présente loi et à ses textes d'application.

Rappelons que l'inspection du travail maritime est régie par des dispositions spécifiques par rapport aux inspecteurs du travail de droit commun.

L'article L. 742-1 du code du travail précise que ce sont des officiers et fonctionnaires relevant du ministère chargé de la marine marchande qui sont chargés de ce contrôle, leurs attributions ayant été définies par le décret n° 99-489 du 7 juin 1999.

Cette compétence attribuée à l'inspection du travail maritime représente un filet de sécurité mais les contrôles effectifs risquent d'être forts rares compte tenu du faible effectif de ce corps de contrôle qui parvient déjà difficilement à remplir ses obligations pour les seuls navires relevant du premier registre. Il convient en outre de s'interroger sur la réalité de l'autorité que pourront détenir ces fonctionnaires lorsqu'ils seront confrontés, par exemple, à des problèmes de non respect des termes du contrat d'engagement soumis au droit philippin ou indien.

Un décret devrait définir les modalités concrètes de leurs interventions qui seront particulièrement complexes car ces fonctionnaires devront apprécier l'application concomitante, sous un même pavillon, de législations sociales étrangères dont certains points seront peut-être contradictoires, ce qui ne facilitera pas l'exercice des droits collectifs des marins.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 26 sans modification.

Article 27

Sanctions applicables en cas d'infraction à la législation sociale

Cet article prévoit des peines d'amende pour les infractions relatives aux règles relatives au contrat d'engagement et aux prescriptions relatives à la législation sur le travail et le bien être à bord des navires. Ces peines seront doublées en cas de récidive, cette notion étant spécifique à ce texte puisque la récidive est ici entendue comme le fait pour le contrevenant d'avoir subi dans les douze mois qui précèdent une condamnation pour des faits réprimés par le présent article (dans le droit pénal général, en matière correctionnelle, le délai de la récidive est de cinq ans ; il est de un an pour les contraventions les plus graves).

Cet article prévoit aussi que les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal pour les infractions précitées.

Cet article risque de poser des problèmes d'interprétation en raison du manque de précision de l'expression « tout armateur qui ne se conforme pas aux prescriptions relatives à la législation sur le travail et le bien être à bord des navires ».

De même cet article ne traite pas des cas où, en cas de mise à disposition, la responsabilité du chef d'entreprise de travail maritime pourrait être engagée.

On peut enfin regretter que cet article ne prévoie pas de gradation dans l'échelle des sanctions selon la gravité des infractions (travail dissimulé, faute inexcusable de l'armateur pour manquement à la sécurité...).

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 27 sans modification.

Article 28

Application du code disciplinaire et pénal de la marine marchande

Cet article prévoit que la loi du 17 décembre 1926 portant code disciplinaire et pénal de la marine marchande est applicable à toute personne embarquée à bord d'un bateau inscrit au RIF ainsi qu'à l'armateur ou à son représentant.

Ce code définit les infractions spécifiques au milieu maritime telles que celles touchant à la police de la navigation, il précise les procédures à respecter en cas d'avarie ou d'accident maritime et définit des critères de compétences juridictionnelles pour les juridictions spécialisées maritimes. Il décrit aussi les prérogatives respectives du commandant, de l'administrateur des affaires maritimes ou du consul pour mener les premières investigations en cas d'infraction survenue en mer. Il définit enfin les infractions qui relèvent du droit pénal de droit commun et celles qui sont traitées par le droit pénal maritime.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 28 sans modification.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption du titre II de la proposition de loi, ainsi modifié.

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En conséquence, et sous réserve des amendements qu'elle propose, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales donne un avis favorable à l'adoption des articles de la proposition de loi n° 1287 dont elle est saisie.

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* *

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Titre II

Amendement présenté par M. René Couanau, rapporteur pour avis :

Dans l'intitulé du titre II, après le mot : « statut », insérer les mots : « , de l'emploi et de la formation ».

Avant la section 1 « Dispositions relatives au droit du travail »

Amendements présentés par M. René Couanau, rapporteur pour avis :

·  Insérer la division et l'intitulé suivants :

« Section 1 A

« Dispositions relatives à l'emploi et à la formation des navigants »

·  Insérer l'article suivant :

« Les membres de l'équipage doivent être ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen dans une proportion minimale de 35 % de l'effectif embarqué.

« Un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou, à défaut, les délégués de bord, peut fixer une proportion supérieure à celle mentionnée ci-dessus. »

·  Insérer l'article suivant :

« I. - Après le neuvième alinéa (h) de l'article 238 bis HN du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« i) Les membres de l'équipage doivent être ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen dans une proportion minimale de 35 % de l'effectif embarqué.

« II. - Les pertes de recettes éventuelles pour l'Etat résultant de l'application de ces dispositions sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle sur les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

·  Insérer l'article suivant :

« I. - L'article 238 bis HN du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1° Avant l'avant-dernier alinéa de cet article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les avantages fiscaux découlant de l'application du présent article sont modulés proportionnellement à la part de navigants ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen dans l'équipage du navire."

« 2° L'avant-dernier alinéa de cet article est complété par les mots :

« , notamment celles de la modulation visée au précédent alinéa. »

« II. - Les pertes de recettes éventuelles pour l'Etat résultant de l'application de ces dispositions sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle sur les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

·  Insérer l'article suivant :

« Une convention ou un accord de branche étendu détermine pour les navires immatriculés au registre international français :

« - la programmation des embarquements des élèves officiers en formation ;

« - les conditions d'embarquement sur des postes de lieutenants des élèves officiers des écoles de la marine marchande et de leur formation.

« A défaut de la conclusion de la convention ou de l'accord visé au deuxième alinéa avant le 1er janvier 2006, un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'applications du présent article. »

·  Insérer l'article suivant :

« I. - Afin de favoriser le développement de la marine marchande française, l'emploi, la transmission du savoir faire maritime et la sécurité maritime, il est créé un dispositif d'exonération totale des cotisations et contributions sociales patronales obligatoires de toutes natures, dont le paiement est exigé à raison du versement du salaire au profit des employeurs de navigants affiliés à un régime spécial au sens de l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale embauchés sur les navires battant pavillon français appartenant aux catégories suivantes :

« - les navires armés au commerce au long cours ou au cabotage international ;

« - les navires armés à la plaisance de plus de 24 mètres hors tout ;

« - les navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières intracommunautaires ;

« - les navires exploités exclusivement au cabotage national.

« Cette exonération n'est pas cumulable avec une autre aide à l'emploi attribuée par l'Etat.

« Un décret précise les conditions d'application du présent article.

« II. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale, d'assurance-chômage et de retraite complémentaire résultant de l'application de la présente disposition sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle à ces mêmes droits. »

Articles additionnels avant l'article 10

Amendements présentés par M. René Couanau, rapporteur pour avis :

·  Insérer l'article suivant :

« Les navigants français et ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen servant sur les navires immatriculés sous registre international français sont soumis, sans préjudice de dispositions plus favorables :

« - aux dispositions de la loi du 13 décembre 1926 portant code du travail maritime ;

« - aux dispositions du code du travail applicables aux marins ;

« - aux conventions et accords collectifs régissant l'emploi des navigants sur les navires battant pavillon français conclus sur le fondement du code du travail ou de la loi du 13 décembre 1926 précitée. »

·  Insérer l'article suivant :

« Les dispositions conventionnelles ou contractuelles légalement conclues avant l'immatriculation d'un navire au registre international français applicables aux navigants leur demeurent applicables après cette immatriculation jusqu'à l'expiration, la révision ou la dénonciation des conventions ou accords collectifs ou l'expiration des contrats en cours, sans préjudice de l'application de dispositions plus favorables issues de la présente loi. La seule immatriculation ne constitue pas une modification du contrat d'engagement. »

Article 14

Amendement présenté par M. René Couanau, rapporteur pour avis :

Dans le quatrième alinéa du I de cet article, supprimer les mots : « , le cas échéant, ».

Article 17

Amendement présenté par M. René Couanau, rapporteur pour avis :

Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :

« Durant la première période d'emploi du navigant par un armateur ou sa première période de mise à disposition auprès d'un même armateur, les trois premiers mois de service sont considérés comme une période d'essai. Au cours de cette période, le navigant ou l'armateur peut rompre le contrat d'engagement. Au cours de cette période, en cas de mise à disposition, le navigant ou l'entreprise de travail maritime peut interrompre celle-ci. »

Article 19

Amendement présenté par M. René Couanau, rapporteur pour avis :

Après les mots : « ou de l'entreprise maritime », supprimer la fin du premier alinéa de cet article.

Article 20

Amendement présenté par M. René Couanau, rapporteur pour avis :

Dans la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article, substituer au mot : « peut », le mot : « doit ».

Article 22

Amendement présenté par M. René Couanau, rapporteur pour avis :

Substituer au II de cet article les deux paragraphes suivants :

« II. - La grève ne rompt pas le contrat d'engagement, sauf faute lourde imputable au navigant. Aucun navigant ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice normal du droit de grève. Toute mesure ou tout acte contraire à ces dispositions est nul de plein droit.

« III. - Il est interdit de recourir à des emplois temporaires en remplacement de navigants grévistes. »

Article 23

Amendement présenté par M. René Couanau, rapporteur pour avis :

Substituer au II de cet article les deux paragraphes suivants :

« II. - Les navigants visés au présent titre participent aux élections des délégués de bord.

« III. - Les délégués de bord ont pour mission de présenter au capitaine les réclamations individuelles ou collectives, non contractuelles, relatives aux conditions de travail et de vie à bord et de saisir l'inspection du travail maritime des plaintes et des observations relatives à l'application des dispositions dont elle est chargée d'assurer le contrôle. Les navigants présentent eux-mêmes, s'ils le souhaitent, leurs observations au capitaine ou à l'armateur. ».

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N° 2035 - Avis sur le titre II de la proposition de loi adoptée par le Sénat, relative à la création du registre international français (M. René Couanau)

1 () Il semblerait de ce point de vue utile de préciser qu'il s'agit des engagements internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés.

2 () Selon lequel « la grève ne rompt pas le contrat de travail sans faute lourde ».


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