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le 30 mars 2005

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N° 2171

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 mars 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n°1981, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la procédure simplifiée d'extradition et complétant la Convention européenne d'extradition du 31 décembre 1957,

PAR M. MARC REYMANN,

Député

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INTRODUCTION 5

I - DES PROCÉDURES EUROPÉENNES D'EXTRADITION APPLICABLES ENTRE LA FRANCE ET LA SUISSE 6

A - LE DROIT COMMUN EUROPÉEN DE L'EXTRADITION : LA CONVENTION EUROPÉENNE DU 13 DÉCEMBRE 1957 6

B - LA PRATIQUE EFFICACE DES EXTRADITIONS ENTRE LA FRANCE ET LA SUISSE 9

II - LA PROCÉDURE SIMPLIFIÉE D'EXTRADITION : LA CONVENTION EUROPÉENNE DU 10 MARS 1995 10

A - LA CONVENTION EUROPÉENNE DE 1995 ET LE MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN 10

B - LA PROCÉDURE SIMPLIFIÉE D'EXTRADITION APPLICABLE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE 11

C - L'ADAPTATION DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE PAR LA LOI DU 9 MARS 2004 DITE « PERBEN II » 11

III - L'ACCORD RELATIF A LA PROCÉDURE SIMPLIFIÉE D'EXTRADITION ENTRE LA FRANCE ET LA SUISSE : UNE COOPÉRATION JUDICIAIRE PLUS EFFICACE DANS LE RESPECT DES DROITS INDIVIDUELS 13

A - LES PRINCIPALES ÉTAPES DE LA NOUVELLE PROCÉDURE SIMPLIFIÉE D'EXTRADITION 13

B - LES GARANTIES ACCORDÉES AUX PERSONNES EXTRADÉES 14

C - LES ADAPTATIONS NÉCESSAIRES DE LA PROCÉDURE PÉNALE FRANÇAISE 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

L'Europe de la justice est en voie de construction. Les initiatives se sont multipliées ses dernières années pour permettre à l'Union européenne de faire face au développement de la criminalité qui ne connaît plus aujourd'hui de frontières. Après des critiques parfois virulentes - on se souvient de l'appel de Genève lancé par sept magistrats en 1996 - les Etats membres de l'Union européenne ont engagé des efforts significatifs pour surmonter les obstacles à la mise en œuvre d'une véritable coopération judiciaire européenne.

Notre Commission a ainsi eu l'occasion, en 2004, d'examiner quatre projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de conventions relatives à l'extradition ou à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne (1). Le texte dont nous sommes saisis aujourd'hui ne porte pas sur les relations entre les pays appartenant à l'Union européenne, mais il n'est pas sans lien avec l'une des quatre conventions soumises à notre Commission en mai 2004.

Le projet de loi n° 1981 porte autorisation de l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la procédure simplifiée d'extradition et complétant la convention européenne d'extradition du 31 décembre 1957. Cet accord signé le 10 février 2003 à Berne transpose aux relations entre la Suisse et la France les stipulations de la convention du 10 mars 1995 relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne. Il devrait permettre d'accélérer les procédures d'extradition et de réduire, de la sorte, les périodes de détention provisoire et, accessoirement, d'alléger la charge de travail des services impliqués.

Avant d'aborder les termes mêmes de cette convention, il conviendra de revenir sur les conditions dans lesquelles les extraditions peuvent avoir lieu au sein de l'Union européenne ainsi qu'entre la Suisse et la France. Dans le cadre d'un mouvement général tendant à faciliter la coopération judiciaire entre les Etats, la convention franco-suisse, en introduisant une procédure simplifiée d'extradition, illustre la volonté des pays européens de progresser en ce domaine.

I - DES PROCÉDURES EUROPÉENNES D'EXTRADITION
APPLICABLES ENTRE LA FRANCE ET LA SUISSE

La procédure d'extradition applicable entre la France et la Suisse est régie par les stipulations de la convention européenne du 13 décembre 1957. La pratique observée entre ces deux pays est jugée aujourd'hui satisfaisante.

A - Le droit commun européen de l'extradition : la convention européenne du 13 décembre 1957

C'est dans le cadre du Conseil de l'Europe qu'a été signée le 13 décembre 1957 la convention européenne d'extradition. Aujourd'hui 48 Etats l'ont signée dont deux pays non membres du Conseil de l'Europe, l'Afrique du Sud et Israël.

Aux termes de cette convention, les Parties contractantes s'engagent à se livrer réciproquement les individus poursuivis pour une infraction ou recherchés aux fins d'exécution d'une peine. Les faits donnant lieu à extradition sont ceux punis par les lois de la Partie requérante - l'Etat qui demande l'extradition - et de la Partie requise - l'Etat qui détient la personne demandée - d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins un an ou d'une peine plus sévère. Lorsqu'une condamnation à une peine est intervenue ou qu'une mesure de sûreté a été infligée sur le territoire de la Partie requérante, la sanction prononcée devra être d'une durée d'au moins quatre mois. L'extradition n'est donc possible que pour les infractions qui sont reconnues par les deux Etats en cause. De plus, toute Partie contractante dont la législation n'autorise pas l'extradition pour certaines infractions peut, en ce qui la concerne, exclure ces infractions du champ d'application de la convention.

En matière d'extradition, les infractions politiques connaissent toujours un sort particulier. L'article 3 de la convention de 1957 prévoit ainsi que l'extradition ne sera pas accordée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la Partie requise comme une infraction politique ou comme un fait connexe à une telle infraction. La même règle s'applique si la Partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition motivée par une infraction de droit commun a été présentée, en réalité, aux fins de poursuivre ou de punir un individu pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cet individu risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons. En revanche, ce même article 3 prévoit que l'attentat à la vie d'un chef d'Etat ou d'un membre de sa famille ne sera pas considéré comme infraction politique.

Pour ce qui concerne les infractions fiscales, la convention de 1957 stipule également que, en matière de taxes et impôts, de douane, de change, l'extradition sera accordée seulement s'il en a été ainsi décidé entre Parties contractantes pour chaque infraction ou catégorie d'infractions. Elles connaissent donc un sort particulier et nous verrons qu'entre la France et la Suisse ces infractions fiscales échappent aux procédures d'extradition.

Les Etats parties à la convention peuvent refuser d'extrader leurs nationaux, à charge pour chaque Etat, cependant, de saisir ses propres autorités judicaires à la demande de la Partie requérante afin que la personne en cause soit tout de même poursuivie.

Concernant la peine de mort, si le fait à raison duquel l'extradition est demandée, est puni de la peine capitale par la loi de la Partie requérante et que, dans ce cas, cette peine n'est pas prévue par la législation de la Partie requise, ou n'y est généralement pas exécutée, l'extradition peut n'être accordée qu'à la condition que la Partie requérante donne des assurances jugées suffisantes par la Partie requise, que la peine capitale ne sera pas exécutée.

La procédure d'extradition est marquée par un grand formalisme justifié par le fait qu'elle touche à la fois les pouvoirs régaliens de l'Etat ainsi que les garanties dont tout individu doit bénéficier dans le cadre d'une procédure pénale.

Lorsqu'un Etat demande l'extradition d'une personne, il doit formuler sa requête par écrit et la présenter par voie diplomatique, sauf si les parties conviennent d'organiser entre elles un autre circuit. Cette demande doit comporter l'original ou une expédition authentique de la décision de condamnation exécutoire ou du mandat d'arrêt. Il appartient à l'Etat requérant d'exposer les faits pour lesquels l'extradition est demandée : le temps et le lieu de perpétration, leur qualification légale, le signalement de la personne en cause ...

La règle de la spécialité s'applique. L'individu qui aura été livré ne sera ni poursuivi, ni jugé, ni détenu en vue de l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté, ni soumis à toute autre restriction de sa liberté individuelle, pour un fait quelconque antérieur à la remise, autre que celui ayant motivé l'extradition, sauf dans quelques cas. Ainsi, l'Etat qui a livré la personne en cause peut accepter que la règle de la spécialité soit écartée. Toutefois, ce consentement ne sera donné que lorsque l'infraction en question entraîne elle-même l'obligation d'extrader aux termes de la convention de 1957.

La convention de 1957, dans son article 16, prévoit aussi une procédure spéciale en cas d'urgence. Les autorités compétentes de la Partie requérante peuvent alors demander l'arrestation provisoire de l'individu recherché. La demande d'arrestation provisoire doit faire part de l'intention d'envoyer une demande d'extradition et mentionner l'infraction pour laquelle l'extradition sera requise, le temps et le lieu où elle a été commise ainsi que, dans la mesure du possible, le signalement de l'individu recherché. La demande d'arrestation provisoire est transmise aux autorités compétentes de la Partie requise soit par la voie diplomatique, soit directement par la voie postale ou télégraphique, soit par l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol), soit par tout autre moyen laissant une trace écrite ou admis par la Partie requise. L'autorité requérante est informée sans délai de la suite donnée à sa demande.

Cette arrestation doit demeurer, par définition, provisoire. Elle prend ainsi fin si, dans le délai de dix-huit jours après l'arrestation, la Partie requise n'a pas été saisie de la demande d'extradition. L'arrestation provisoire ne peut, en tout état de cause, excéder quarante jours. La mise en liberté provisoire est possible à tout moment, sauf pour la Partie requise à prendre toute mesure qu'elle estimera nécessaire en vue d'éviter la fuite de l'individu réclamé. La mise en liberté ne s'opposera pas à une nouvelle arrestation et à l'extradition si la demande d'extradition parvient ultérieurement.

La Partie requise fait connaître à l'Etat requérant sa décision d'extradition. Tout rejet doit être motivé. Les Parties conviennent des conditions dans lesquelles sera remis la personne extradée.

En France, la décision d'extradition prend la forme d'un décret du Premier ministre pris sur le rapport du ministre de la Justice, comme en dispose l'article 696-18 du code de procédure pénale, code au sein duquel on trouve désormais les dispositions de l'ancienne loi du 10 mars 1927. Un tel décret peut être attaqué devant le Conseil d'Etat dans un délai d'un mois (article 696-18, 2e alinéa).

On doit constater que la procédure d'extradition applicable en France diffère selon que la personne concernée a ou non consenti à son extradition. Si elle accepte d'être extradée, elle comparait dans les cinq jours ouvrables devant la chambre d'instruction (article 696-13 du code de procédure pénale) qui donne acte du consentement dans les sept jours (article 696-14). Dès lors, aucun recours judiciaire n'est possible. Le décret d'extradition peut être pris par le Premier ministre.

Si, à l'inverse, la personne concernée s'oppose à son extradition, la comparution devant la chambre d'instruction a lieu dans les dix jours ouvrables (article 696-15) et un pourvoi en cassation est possible contre l'avis de la chambre dans un délai de cinq jours (article 696-15). Rappelons que cet avis fait obstacle à l'extradition s'il y est défavorable, le Premier ministre peut, en revanche, ne pas donner suite à la procédure, même si la chambre d'instruction ne s'y oppose pas.

S'articulant avec les dispositions de droit interne, la convention de 1957 constitue donc un texte de base qui, comme le prévoit l'article 28 de cette convention, peut être toutefois complété par des accords bilatéraux.

B - La pratique efficace des extraditions entre la France et la Suisse

La convention européenne du 13 décembre 1957 constitue ainsi la pierre angulaire des relations franco-suisses en matière d'extradition. Mais quelle est la pratique actuelle de l'extradition entre la France et son voisin ?

Depuis 1992, 87 demandes d'extradition ont été présentées par la France à la Suisse et 182 demandes présentées par la Confédération helvétique à notre pays. Quelles sont les infractions reprochées aux personnes ainsi réclamées ? Pour ce qui concerne, les demandes présentées par la France, la répartition est la suivante :

De la France vers la Suisse

De la Suisse vers la France

Vol, escroquerie 

34

101

Stupéfiants

17

17

Homicides 

11

17

Violences, armes

11

26

Enfant, victime 

4

4

Terrorisme

3

2

Divers

7

15

On constate qu'aucune extradition n'a été pratiquée entre la France et la Suisse en matière fiscale. Plusieurs éléments expliquent cet état de fait. La convention de 1957 prévoit, dans son article 5, que l'extradition n'est accordée en matière de taxes et d'impôts, de douane et de change que s'il en a été décidé ainsi entre les Parties contractantes pour chaque infraction ou catégorie d'infractions. Dans sa déclaration consignée dans l'instrument de ratification, déposé le 10 février 1986, la France a indiqué que l'extradition serait accordée à l'Etat requérant s'il en a été décidé ainsi par simple échange de lettres pour chaque cas particulier. Manifestement de tels échanges n'on jamais eu lieu. En outre, l'application de la règle de la double incrimination qui suppose, pour que l'extradition soit possible, des qualifications pénales compatibles dans les deux Etats, est de nature à faire obstacle entre la France et la Suisse à des extraditions pour des infractions de nature fiscale. Enfin, la France n'a pas ratifié le deuxième protocole additionnel à la convention de 1957 en date du 17 mars 1978 qui prévoit que l'extradition pourra être accordée sans sort particulier en matière de taxes, d'impôts, de douane et de change.

En dehors de ce cas précis, la procédure d'extradition fonctionne bien entre la France et la Suisse. Toutefois les délais restent trop longs dans l'exécution de ces procédures. Compte tenu de la qualité de cette coopération, la Suisse a proposé en 1992 à notre pays un projet d'accord additionnel à la convention de 1957. Toutefois ces négociations ont été suspendues à l'avancement de travaux européens qui ont abouti à la convention du 10 mars 1995 dont l'accord qui nous est soumis s'inspire très largement.

II - LA PROCÉDURE SIMPLIFIÉE D'EXTRADITION :
LA CONVENTION EUROPÉENNE DU 10 MARS 1995

A - La convention européenne de 1995 et le mandat d'arrêt européen

La convention du 10 mars 1995 a eu pour objet de simplifier et d'accélérer les procédures d'extradition entre Etats membres de l'Union européenne. Toutefois, pour les pays de l'Union, ses stipulations ont perdu rapidement de leur intérêt après l'adoption d'une procédure nouvelle, celle du mandat d'arrêt européen issu d'une décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002. Le mandat d'arrêt européen se substitue au mécanisme classique de l'extradition en organisant une procédure exclusivement judiciaire, sans qu'interviennent les autorités politiques. Il n'est plus ici véritablement question de coopération judiciaire entre les Etats mais simplement de l'exécution par un Etat d'une décision de justice prononcée dans un autre pays membre de l'Union. Le champ d'application du mandat d'arrêt européen (2) entré en vigueur le 1er janvier 2004 est si large - trente-deux catégories d'infractions - que la convention du 10 mars 1995 a perdu une grande partie de son utilité pour les Etats membres de l'Union européenne.

Il n'en demeure pas moins que les stipulations de la convention de 1995 s'appliqueront à notre pays comme le prévoit la loi n° 2004-1344 du 9 décembre 2004 qui a autorisé la ratification de ce texte. Sans entrer dans le détail des quelques cas où cette convention aura tout de même à s'appliquer - la procédure du mandat européen ne pouvant être mise en œuvre dans quelques rares hypothèses - on peut simplement indiquer que, par exemple, les procédures d'extradition demandées pour des faits antérieurs à 1993 seront régies par cette convention, la France ayant choisi de n'appliquer le mandat européen que pour les procédures portant sur des faits postérieurs à cette date. En outre, comme l'Autriche et l'Italie ont décidé de ne mettre en œuvre le mandat d'arrêt européen que pour des faits postérieurs au 7 août 2002, la convention de 1995 trouvera à s'appliquer pour les faits commis avant cette date dans le cas d'extraditions entre ces deux pays et la France.

B - La procédure simplifiée d'extradition applicable au sein de l'Union européenne

Il est surtout utile de s'intéresser au contenu de cette convention, parce qu'elle a inspiré directement l'accord franco-suisse dont il est question aujourd'hui.

Cette convention de 1995 a créé une procédure simplifiée d'extradition lorsque la personne demandée ne s'oppose pas à son extradition, ce qui est le cas dans 30 % des affaires. Alors que la procédure classique dure au moins six mois, en raison des délais judiciaires et administratifs incompressibles, la procédure simplifiée qui ne fait intervenir que les autorités judiciaires est beaucoup plus rapide.

La personne demandée doit accepter la procédure simplifiée et son consentement doit être éclairé. Une fois son accord recueilli dans un délai de dix jours après la demande faite par l'Etat requérant, la décision d'extradition est communiquée dans les vingt jours par l'Etat requis. La personne en cause est alors livrée dans un nouveau délai de vingt jours.

En acceptant de se voir extrader en application de la procédure simplifiée, la personne en cause peut aussi renoncer au principe de spécialité que nous avons évoqué précédemment et qui empêche de poursuivre un individu pour des faits autres que ceux qui ont motivé l'extradition. La France a fait savoir qu'une personne acceptant l'application de la procédure simplifiée aurait toujours la faculté de ne pas renoncer cependant au principe de spécialité.

C - L'adaptation de la législation française par la loi du 9 mars 2004 dite « Perben II »

Notre procédure pénale a dû s'adapter aux stipulations de la convention de 1995. Ainsi la loi du 9 mars 2004, dite « Perben II », a modifié le code de procédure pénale. Ce sont les articles 696-25 à 696-33 qui prévoient désormais les conditions dans lesquelles intervient notamment la chambre d'instruction.

La personne réclamée est informée qu'elle peut consentir à son extradition devant la chambre d'instruction selon la procédure simplifiée et renoncer au principe de spécialité. Elle peut évidemment être assistée d'un avocat. Lorsque la personne réclamée consent à l'extradition selon la procédure simplifiée, elle comparaît devant la chambre d'instruction dans un délai de cinq jours à compter de la date à laquelle elle a été présentée au procureur général.

Lors de cette audience devant la chambre d'instruction, la personne demandée doit être éclairée sur les conséquences de son consentement à l'extradition. Elle peut encore y renoncer. Si la chambre constate que les conditions légales de l'extradition sont remplies, elle rend un arrêt par lequel elle donne acte à la personne réclamée de son consentement formel à être extradée ainsi que, le cas échéant, de sa renonciation à la règle de spécialité. La chambre accorde alors l'extradition. Elle statue dans les sept jours qui suivent la comparution de la personne concernée.

Un pourvoi en cassation est possible. Il est également traité dans des conditions d'urgence par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation ou son conseiller délégué. Lorsque l'arrêt de la chambre d'instruction est définitif, le procureur général en avise le ministre de la justice qui informe les autorités compétentes de l'Etat requérant. Il est alors procédé à l'extradition dans les vingt jours suivant la date à laquelle la décision d'extradition a été notifiée aux autorités du pays requérant.

Cette procédure permet d'éviter que les actions judiciaires ne s'enlisent et de régler dans des délais raisonnables le sort des justiciables. Paradoxalement, comme nous l'avons dit, la mise en place du mandat d'arrêt européen aura cependant pour conséquence de ne pas permettre de mesurer concrètement l'efficacité des stipulations de la convention européenne de 1995. Ainsi c'est l'accord franco-suisse signé en 2003 qui, en reprenant les termes de cette convention, nous donnera la possibilité d'apprécier tout leur intérêt.

III - L'ACCORD RELATIF A LA PROCÉDURE SIMPLIFIÉE D'EXTRADITION ENTRE LA FRANCE ET LA SUISSE :
UNE COOPÉRATION JUDICIAIRE PLUS EFFICACE
DANS LE RESPECT DES DROITS INDIVIDUELS

La convention européenne du 13 décembre 1957 reste le texte de référence entre la France et la Suisse. La convention dont nous sommes saisis aujourd'hui ne le remet pas en cause. Elle le complète. Toutes les questions que cet accord bilatéral n'aborde pas restent donc régies par la convention de 1957. Il en va ainsi, par exemple, des conditions requises pour que la remise de la personne puisse être autorisée : le quantum de la peine encourue, l'exclusion des infractions politiques, la protection des nationaux ou le principe de la double incrimination.

Par ce nouvel accord, la France et la Suisse s'engagent respectivement à remettre selon la procédure simplifiée les personnes recherchées, sous réserve de leur consentement et de l'accord de l'Etat requis.

A - Les principales étapes de la nouvelle procédure simplifiée d'extradition

Tout débute par une demande de l'Etat requérant tendant à la remise d'une personne selon la procédure d'extradition simplifiée. Celle-ci ne peut être mise en œuvre que si la personne concernée y consent. Nous verrons plus loin les conditions dans lesquelles son consentement est recueilli et quelles sont les garanties accordées à la personne arrêtée.

Deux cas de figure doivent être distingués.

L'Etat requérant peut tout d'abord demander l'arrestation provisoire de la personne en cause en application de la convention de 1957. Il n'est pas alors nécessaire d'adresser une requête par voie diplomatique, par dérogation à l'article 12 de la convention de 1957.

L'autre hypothèse est celle où l'Etat requérant n'a pas demandé d'arrestation provisoire et qu'il a adressé une demande d'extradition dans les formes habituelles. Si la personne y consent, la procédure simplifiée peut tout autant lui être appliquée.

L'article 3 de l'accord détermine la liste des renseignements communiqués par l'Etat demandeur : l'identité de la personne ; l'autorité qui demande l'arrestation ; l'existence d'un mandat d'arrêt ou d'un acte ayant la même force ou d'un jugement exécutoire ainsi que la date d'émission de ce document ; la nature et la qualification juridique de l'infraction ; la description des faits pour lesquels l'extradition est demandée et éventuellement les conséquences de ceux-ci, ainsi que la date et le lieu de commission de l'infraction.

Une fois le consentement de la personne recueilli, l'Etat requis en informe immédiatement l'Etat requérant, dans un délai de dix jours après l'arrestation provisoire.

L'Etat requis doit ensuite informer l'autre Partie de sa propre décision d'extrader la personne en cause, et ce dans un délai de vingt jours après le consentement de cette personne (article 9).

Vient ensuite la remise de la personne. Elle s'effectue au plus tard dans les vingt jours suivant la date à laquelle la décision d'extradition a été communiquée à l'Etat requérant. Le non-respect de ce délai a des conséquences importantes puisque la personne, lorsqu'elle est détenue, est remise en liberté sur le territoire de l'Etat requis, et non, évidemment, sur celui du pays requérant. Cette condition de délai est aménagée en cas de force majeure. Alors, les deux parties conviennent d'une nouvelle date de remise qui a lieu au plus tard dans les vingt jours suivant la nouvelle date de remise convenue entre la France et la Suisse. Si à l'issue de ce nouveau délai, la personne est encore incarcérée et n'a pas été remise, elle doit être libérée. Il va de soi qu'une telle remise en liberté ne peut intervenir que si la Partie requise n'entend pas poursuivre, elle-même, la personne en cause pour des faits autres que ceux qui justifient la demande d'extradition.

Il peut arriver que la personne concernée ne donne son consentement qu'après le délai de dix jours fixé à l'article 7. L'article 11 prévoit alors que la procédure simplifiée est mise en œuvre si aucune demande d'extradition de droit commun n'est parvenue à l'Etat détenteur de cette personne. Si une telle demande est parvenue entre-temps, il est encore loisible aux deux Etats de recourir à la procédure simplifiée, s'ils en font le choix.

B - Les garanties accordées aux personnes extradées

Les personnes dont l'extradition est demandée bénéficient de deux formes de garanties. Elles sont informées des procédures qui sont diligentées à leur encontre et doivent pouvoir exprimer un consentement éclairé sur les différents actes qui leur seront appliqués.

Ainsi l'article 4 de l'accord prévoit que lorsqu'une personne recherchée aux fins d'extradition est arrêtée sur le territoire de l'autre Etat, l'autorité compétente l'informe, conformément à son droit interne, de la demande dont elle fait l'objet ainsi que de la possibilité qui lui est offerte de consentir à sa remise à l'Etat requérant selon la procédure simplifiée.

Le consentement de la personne arrêtée et, le cas échéant, sa renonciation expresse au bénéfice de la règle de la spécialité prévue par l'article 8 de l'accord sont recueillis par les autorités judiciaires compétentes de l'Etat requis, dans les conditions prévues par le droit interne. L'accord impose cependant que la France et la Suisse adoptent les mesures nécessaires pour que ces conditions fassent apparaître que la personne a exprimé volontairement son consentement ou sa renonciation, après avoir été informée des conséquences juridiques d'une telle déclaration. L'accord prévoit également que la personne arrêtée a le droit de se faire assister d'un conseil à cette occasion. Enfin, le consentement ou la dénonciation doivent être consignés, par écrit, dans un procès-verbal.

Observons que contrairement à l'article 7 de la convention du 10 mars 1995 qui autorise les Etats parties à renoncer à la clause d'irrévocabilité du consentement de la personne arrêtée, l'accord franco-suisse ne prévoit rien de tel. Cet accord ne précise pas si le consentement exprimé par l'intéressé revêt ou non un caractère irrévocable. Les autorités françaises ont fait le choix de se prévaloir de cette dérogation pour ce qui concerne la convention de 1995. Dans un souci de cohérence et conformément aux dispositions de l'article 696-30 du code de procédure pénale le Gouvernement français devrait faire prévaloir cette interprétation de l'accord dans le cadre d'un échange de lettres avec la Partie suisse, de sorte que les intéressés puissent revenir sur leur consentement initial.

C - Les adaptations nécessaires de la procédure pénale française

Comme on l'a indiqué, le code de procédure pénale contient les règles de droit interne permettant de mettre en œuvre, côté français, les procédures simplifiées d'extradition prévues par la convention européenne du 10 mars 1995. Ce sont les articles 696-25 et suivants. Cependant ces dispositions ne seront pas applicables en tant que telles aux extraditions entre la France et la Suisse qui ne relèvent pas du texte de 1995 mais de l'accord dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Une nouvelle modification du code de procédure pénale sera donc indispensable. Interrogé sur ce point, le Gouvernement a fait savoir qu'il entendait présenter dans les meilleurs délais une disposition amendant le code de procédure pénale aux fins de rendre applicable - au plan interne - l'accord franco-suisse. Comme aucun projet de convention comportant des stipulations aussi précises que celles contenues dans cet accord n'est, à ce jour, en cours de négociation, l'introduction d'une clause générale portant sur la procédure simplifiée et couvrant tous les accords de ce type ne présenterait aucune utilité. On pourrait donc s'orienter vers l'insertion dans le code de procédure pénale d'un nouvel article 696-33-1 qui prendrait place après la section 3 du chapitre V relatif à l'extradition et qui porte sur la procédure simplifiée d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne. Cet article réglerait la question particulière d'une telle procédure entre la France et la Suisse renvoyant pour l'essentiel aux dispositions des articles 696-25 du code.

Alors que la Suisse a notifié aux autorités françaises le 1er mars dernier l'accomplissement des procédures requises par la Constitution helvétique pour l'entrée en vigueur de l'accord, l'adoption d'une disposition législative modifiant notre code de procédure pénale devrait intervenir dans des délais brefs pour permettre la mise en œuvre concrète de la procédure simplifiée d'extradition.

CONCLUSION

Cet accord passé entre la France et la Suisse participe à sa manière à la construction d'une Europe de la justice. A mi-chemin entre le mandat européen applicable au sein de l'Union et la procédure traditionnelle d'extradition, cette procédure simplifiée constitue une voie médiane qui donne une idée assez juste de la position de nos voisins suisses par rapport à l'Union européenne.

Utile pour améliorer la coopération judiciaire entre nos deux pays, respectueux des droits individuels, cet accord est un progrès qui justifie que notre Commission adopte le projet de loi autorisant son approbation.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 22 mars 2005.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 1981).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

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N° 2171 - Rapport sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord France-Suisse relatif à la procédure simplifiée d'extradition (M. Marc Rymann)

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 1981).

1 () Voir le rapport de M. Christian Philip, au nom de la Commission des affaires étrangères, n° 1621, enregistré le 26 mai 2004.

2 () Le mandat d'arrêt européen est applicable en France depuis la promulgation de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité - dite loi Perben II - qui a assuré la transposition de la décision-cadre du 13 juin 2002 dans notre droit interne. Notre Constitution avait été au préalable révisée à cette fin (article 88-2, dernier alinéa).


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