Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document

mis en distribution

le 11 mai 2005

graphique

N° 2285

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 mai 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2090, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Chili en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole),

PAR M. Henri SICRE,

Député

--

INTRODUCTION 5

I - LES RELATIONS FRANCO-CHILIENNES : UN DIALOGUE NOURRI ET MULTIFORME MAIS QUI DOIT ENCORE SE DÉVELOPPER 7

A - LE CHILI : UNE DÉMOCRATIE STABLE, UNE ÉCONOMIE SAINE, MAIS UNE SITUATION SOCIALE FRAGILE 7

1) Une démocratie qui affronte son passé 7

2) Une économie solide 8

3) Une société fragile, qui reste très inégalitaire 9

B - LES RELATIONS FRANCO-CHILIENNES : UNE COOPÉRATION À DÉVELOPPER 9

1) Un dialogue politique nourri 9

2) Une coopération culturelle, scientifique et technique dynamique 10

3) Des relations économiques trop faibles 10

II - LA CONVENTION FISCALE, UN SOCLE AU DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENTRE LA FRANCE ET LE CHILI 13

A - LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION 13

B - LES RÈGLES D'IMPOSITION PRÉVUES PAR LA CONVENTION 15

C - LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

Mesdames, Messieurs,

Par son poids politique, démographique et économique et du fait de son rôle essentiel dans une région en plein essor, mais non dénuée de fragilité comme l'a montré la crise argentine, le Chili est un partenaire essentiel de la France et de l'Union européenne. La conclusion, en 2002, d'un ambitieux accord d'association entre l'Union et le Chili a d'ailleurs consacré ce rôle clé du Chili en Amérique du Sud, tout comme il témoigne du souhait des Etats membres de l'Union, et notamment de la France, d'ancrer dans la durée le partenariat stratégique lancé lors du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement d'Amérique latine et de l'Union européenne de Rio de Janeiro en 1999, et poursuivi à Madrid en 2002.

C'est dans cette dynamique de consolidation des liens entre l'Europe et le Chili que s'inscrit la convention fiscale entre la France et le Chili, signée à Paris le 7 juin 2004, aujourd'hui soumise à l'approbation de notre Assemblée. Ce texte vient combler une carence, la France et le Chili n'étant jusqu'à présent pas liés en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune. Mais surtout, il fournit une base au développement de relations économiques plus denses entre la France et le Chili : celles-ci demeurent en effet trop faibles alors que le Chili connaît une croissance économique forte, dans un contexte politique stabilisé.

I - LES RELATIONS FRANCO-CHILIENNES :
UN DIALOGUE NOURRI ET MULTIFORME
MAIS QUI DOIT ENCORE SE DÉVELOPPER

A - Le Chili : une démocratie stable, une économie saine, mais une situation sociale fragile

1) Une démocratie qui affronte son passé

En 1989, le Chili a tourné la page d'une longue histoire marquée par une dictature militaire qui avait isolé le pays depuis le coup d'Etat meurtrier de 1973. La transition politique a été assurée par le Président Aylwin, élu à la suite d'un référendum qui, en octobre 1988, a obligé le régime militaire du général Pinochet à organiser des élections. Son successeur de 1994 à 2000, le Président Frei, a consolidé la transition démocratique sans toutefois parvenir à supprimer les « enclaves autoritaires » héritées de la dictature (inamovibilité des chefs des forces armées, système électoral binominal, sénateurs désignés...), en raison de l'opposition persistante du Sénat.

L'actuel président, M. Ricardo Lagos, premier président socialiste depuis Salvador Allende, a été élu en 2000 sur un programme de réformes dans le domaine social et de suppression des dispositions institutionnelles héritées de la dictature. Face à la crise qui affecte l'Amérique latine, le président a, en outre, fixé devant les parlementaires les priorités de l'agenda du pays que son gouvernement de centre gauche (la Concertation des partis pour la démocratie, qui associe la démocratie chrétienne, les partis du centre et le parti socialiste) entendait mettre en oeuvre : en finir avec la misère qui affecte 20 % des 15 millions d'habitants, à travers le programme Chile solidario (Chili solidaire) ; développer le plan Auge (plan d'accès direct à la santé) ; enfin, atteindre l'objectif d'une économie « développée » pour 2010, année du bicentenaire de l'indépendance.

Alors que se profilent de nouvelles élections présidentielles, le 14 décembre prochain, le Président Lagos continue à bénéficier, après quatre années passées à la tête de l'Etat, du soutien marqué de la population. Cette popularité s'explique notamment par l'amélioration de la situation économique de son pays - le chômage est passé de 9 à 8,1% en 2003 - et les avancées réalisées en matière sociale, avec l'ébauche d'un système d'assurance chômage, la réforme du système de santé, le programme d'assistance aux plus démunis et la loi sur le divorce. Sur le plan constitutionnel, la réforme destinée à supprimer les dernières « enclaves autoritaires » héritées de la dictature s'est longtemps heurtée à l'absence de majorité nette à la Chambre des députés et au Sénat ; en vertu d'un accord entre les partis (octobre 2004), les sénateurs désignés devraient toutefois disparaître en 2006, de même que le rôle de l'Armée et du Conseil de Sécurité nationale devrait être redéfini.

L'évolution de l'affaire Pinochet conforte cette image d'un Chili qui affronte son histoire. Ainsi, si l'arrestation du général Pinochet à Londres, le 16 octobre 1998, a, dans un premier temps, ravivé les tensions, elle a, depuis, permis l'engagement d'un débat sur les crimes commis sous la dictature. Ce d'autant plus que, après l'annulation, en 2002, de la procédure engagée contre lui dans l'affaire « Caravane de la mort » en raison de la « démence sénile » dont il souffrait, le général Pinochet fait aujourd'hui l'objet de poursuites dans le cadre de l'affaire « Opération Condor », l'immunité dont il bénéficiait en tant qu'ancien Président ayant finalement été levée par la Cour d'appel de Santiago en mai 2004. Les révélations, au début du mois d'août 2004, sur les fonds détenus par l'ancien dictateur et sa famille auprès d'une banque américaine - qui représenteraient entre 4 et 15 millions de dollars -, au sujet desquels une enquête est en cours au Chili, ont probablement incité la Cour suprême à confirmer, à la fin août 2004, la levée de l'immunité. Pour la première fois, le général Pinochet est donc amené à rendre des comptes sur les violations des droits de l'Homme devant la justice de son pays.

A son passif, l'actuel gouvernement compte la multiplication d'affaires de corruption, apparues au grand jour à la fin de l'année 2002, qui ont montré les limites de la cohésion de la « Concertation » au pouvoir. Par ailleurs, l'importance croissante des revendications de la communauté indienne mapuche (problème foncier et affirmation identitaire) reste un problème important au plan intérieur.

Au total, malgré la nette victoire des partis de la coalition au pouvoir lors des élections municipales du 31 octobre 2004, la lutte pour l'élection présidentielle de 2005, qui dépendra tant de la cohésion de la Concertation au moment de la désignation de son candidat que de la capacité de l'opposition à se poser en alternative crédible, s'annonce particulièrement serrée.

2) Une économie solide

La politique économique du Chili a été marquée par une certaine continuité depuis les années de dictature. Le régime militaire avait entrepris une politique d'ajustement à partir de 1983, qui a donné de bons résultats sur le plan macroéconomique : croissance forte, excédents budgétaires, inflation contrôlée, taux d'investissement élevé, afflux de capitaux étrangers, dette extérieure maîtrisée et réserves internationales importantes. En moyenne, le taux de croissance annuel du PIB chilien a été de 8,3 % par an sur la période 1990-1997, le PIB par habitant passant de 2 340 dollars américains en 1990 à 4 160 en 2001.

Sous l'effet du ralentissement de l'économie mondiale et des difficultés régionales liées à la situation en Argentine et au Brésil, la croissance a connu un net ralentissement en 2001 et 2002, pour s'établir à 3 % en 2003.

Depuis la récession de 1999, l'économie chilienne n'a certes pas retrouvé les taux de croissance spectaculaires du début des années quatre-vingt-dix. Toutefois, le gouvernement chilien bénéficie aujourd'hui d'une conjoncture favorable : notamment, le niveau élevé des cours mondiaux du cuivre, principale ressource à l'exportation, et la forte demande de minerais de la part de la Chine lui sont particulièrement favorables. Les perspectives sont donc bonnes : croissance de l'ordre de 5 % pour 2004, chômage à 7 %, inflation inférieure à 2 % et forte croissance des exportations, dans une économie caractérisée par sa grande ouverture sur l'extérieur. Ce sont en effet 25 à 30 % du PIB qui sont liés aux exportations, suivant les années.

3) Une société fragile, qui reste très inégalitaire

Sans doute la conduite d'une politique économique rigoureuse permet-elle au Chili de se maintenir dans la catégorie des pays émergents à faible risque. Sans doute des réformes sociales sont-elles entreprises. Elles sont cependant encore timides et expliquent que, malgré un tournant plus volontariste dans les années récentes, la situation sociale chilienne reste marquée par de très fortes inégalités.

Certes, le Chili est venu à bout de l'extrême pauvreté, comme le confirment d'ailleurs les données de la Banque mondiale, mais il n'est cependant pas parvenu à réduire les très fortes disparités de revenus. Ainsi, entre 1987 et 1998, l'extrême pauvreté (moins de 1,60 euro par jour) est passée de 13 % à 4 %.

Reste que plus de 20 % de la population vit avec moins de deux euros par jour, tandis que le pays compte près de 400 000 sans abri. La faiblesse de la politique de redistribution des revenus et des mesures pour combattre la misère ont provoqué la consolidation d'un certain type de pauvreté, que d'aucuns qualifient de « pauvreté dure ».

B - Les relations franco-chiliennes : une coopération à développer

Depuis le rétablissement d'un régime démocratique, le Chili a entrepris de renouer des relations avec les Etats démocratiques. Avec la France, les relations ont été rétablies à partir de 1989, la Commission générale franco-chilienne, créée en 1997, constituant l'enceinte de dialogue principale entre nos deux pays.

Votre Rapporteur se félicite de la richesse des relations actuelles entre la France et le Chili, qui peuvent, sans exagération, être qualifiées d'excellentes, et gagneraient, à ce titre, à être développées.

1) Un dialogue politique nourri

Après un gel des relations politiques pendant la dictature, les relations ont été rétablies au plus haut niveau dès 1989. Dénuées de tout contentieux, ces relations sont aujourd'hui excellentes. Le Président Lagos a été reçu à Paris par le Président Chirac en avril 2001 et en janvier 2004 et les deux Présidents se sont rencontrés à plusieurs reprises en 2004 autour du problème de la faim dans le monde et sur la question du financement du développement.

En outre, membre du Conseil de sécurité des Nations unies en 2003-2004, le Chili a adopté des positions qui ont permis une coopération très fructueuse avec la France. Le Président Lagos a ainsi mis en avant l'importance d'une gestion des relations internationales fondée sur le droit et le respect du multilatéralisme, notamment lors de la crise irakienne. En Haïti, le Chili a été le seul pays latino-américain à participer, dès l'origine, à la force intérimaire envoyée dans le pays (MINUSTAH) après le départ du Président Aristide. Le contingent chilien au sein de la MINUSTAH atteint 600 hommes.

2) Une coopération culturelle, scientifique et technique dynamique

Notre coopération avec le Chili est dynamique et diversifiée. Elle est dotée, pour 2005, d'une enveloppe budgétaire de 1,623 million d'euros, auxquels s'ajoutent 208 000 euros pour le fonctionnement de l'Institut franco-chilien.

La coopération scientifique (61% de l'enveloppe) est une priorité. Ainsi, la France peut aujourd'hui être considérée comme le premier partenaire scientifique du Chili : programme ECOS (1) dès 1992, antenne régionale Cône sud du CNRS implantée à Santiago depuis 2002, création en 2004 d'un laboratoire conjoint en biologie marine entre l'Université Paris VI et l'Université catholique du Chili. Par ailleurs, la CONICYT (commission chilienne pour la recherche scientifique et technique) cofinance avec l'ambassade des bourses doctorales et accorde un appui permanent au développement des échanges avec les grands organismes de recherche français. Enfin, les échanges scientifiques et universitaires se développent dans le domaine des sciences humaines et sociales (droit, sciences politiques, économie).

La coopération technique est importante en matière de santé et de sécurité alimentaire, dans le domaine de l'environnement et de la forêt. Quant à la collaboration sur la modernisation de l'État, elle est ancienne et diversifiée.

3) Des relations économiques trop faibles

La forte reprise des échanges commerciaux entre la France et le Chili en 2004 (+ 32 %), qui se sont élevés à 1,58 milliard d'euros au cours de cette année, ne saurait masquer la relative faiblesse des relations économiques entre les deux pays.

Ainsi, sur le plan commercial, la France est aujourd'hui le dixième fournisseur du Chili (deuxième européen après l'Allemagne) et son neuvième client (troisième destination européenne derrière les Pays-Bas et l'Italie). En 2004, 4,2 % des exportations chiliennes ont eu la France pour destination. La dynamique de l'accord d'association UE-Chili, signé en novembre 2002, a permis d'accroître le flux d'échanges, qui demeure toutefois modeste en valeur absolue, les ventes françaises au Chili s'étant élevées à 339 millions d'euros en 2004 et les exportations chiliennes vers la France à 1,2 milliard d'euros.

En termes de structure, l'évolution des exportations françaises au Chili suit l'exécution des grands contrats d'équipement : transports urbains (Alstom a remporté un important contrat pour le métro), aéronautique (Airbus) et véhicules automobiles. Nos importations demeurent concentrées sur un petit nombre de produits, principalement le cuivre (plus de 65 %) et certains produits agroalimentaires (produits de la mer, fruits, vins). Notre part de marché tourne autour de 3 % (2,8 % en 2000, 3,6 % en 2002, 3,1 % en 2003, 2,6 % en juin 2004).

Bien que d'un montant modeste (40 millions de dollars en 2003), la présence économique française couvre de nombreux secteurs, avec une prépondérance du secteur agro-alimentaire, et est effective dans des domaines stratégiques (énergie, distribution d'eau). Ce sont, au total, près de 130 filiales d'entreprises françaises qui sont aujourd'hui présentes, les principales étant Alstom, Suez, Sodexho, Accor, Total, Crédit Agricole, BNP-Paribas, Aventis, Carrefour et L'Oréal.

Toutefois, les investissements français au Chili demeurent faibles en montant. Ils ont représenté 1,4 % des investissements directs étrangers (IDE) en 2003 (8ème rang), mais 2,5 % du total des IDE sur la période 1974-2003. Le stock s'élève à 698 millions d'euros en 2001. Toutefois, en flux, ils ont beaucoup progressé au cours des dernières années - multipliés par dix entre 1997 et 1999 -, notamment grâce à l'investissement majeur de Suez Lyonnaise des Eaux dans EMOS (compagnie de distribution d'eau à Santiago).

II - LA CONVENTION FISCALE, UN SOCLE AU DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENTRE LA FRANCE ET LE CHILI

La France et le Chili n'étaient jusqu'à présent pas liés en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Or le Chili a une politique active d'extension de son réseau conventionnel, en particulier avec les pays européens, et a signé neuf conventions fiscales, dont une avec le Canada le 21 janvier 1998 et une autre en 2003 avec la Grande-Bretagne. Des discussions sont en cours, notamment, avec l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas.

Quant à la France, c'est notamment suite aux interventions de plusieurs entreprises françaises présentes au Chili, qu'elle a entamé avec le Chili la négociation d'une convention en vue d'éviter les doubles impositions sur la base d'une proposition française émise en 1997. Cette négociation a abouti à la signature de la présente convention le 7 juin 2004 à Paris, composée de 29 articles et d'un protocole clarifiant un certain nombre de dispositions de la convention, qui en fait partie intégrante.

L'accord du 7 juin 2004 est conforme dans ses grandes lignes aux principes posés dans le modèle de convention de l'OCDE, mais il comporte des clauses particulières pour tenir compte de la spécificité des législations des deux Etats.

A - Le champ d'application de la convention

S'agissant du champ d'application de la convention (personnes visées, impôts couverts, territoires concernés), les spécificités de la convention sont les suivantes :

- Pour la notion de résident (articles 1er et 4 de la convention), la convention reprend les dispositions correspondantes du modèle de convention de l'OCDE et intègre, notamment, dans la notion de résident les Etats ainsi que leurs démembrements. Cela étant, s'agissant des personnes morales, le droit chilien ignorant la notion de « siège de direction effective », c'est l'expression de « lieu de constitution » qui a été retenue. Cette spécificité apparaît de manière récurrente dans le texte de la convention. En outre, s'agissant de la détermination du domicile fiscal des personnes morales, la France, après avoir refusé la demande chilienne de se référer au critère de la nationalité, a finalement accepté la proposition initiale chilienne laissant aux autorités compétentes le soin de déterminer le lieu de résidence des personnes morales par accord mutuel. Le paragraphe 4 de l'article 4, relatif à la résidence des sociétés de personnes et des fonds de pension, a été introduit à la demande de la France.

En ce qui concerne les impôts couverts par la convention (article 2), il convient de mentionner que l'impôt sur la fortune n'existant pas au Chili, aucun crédit d'impôt ne sera accordé par la France tant que le Chili n'imposera pas la fortune.

- S'agissant du champ géographique, la convention a dû prendre en compte l'existence de conceptions historiquement antagoniques entre la France et le Chili sur le droit de la mer.

Rappelons à cet égard que les Communautés européennes et le Chili sont engagés dans deux procédures, respectivement devant l'OMC depuis avril 2000 et devant le Tribunal international du droit de la mer depuis décembre 2000, relatives à une controverse concernant la pêche à l'espadon dans le Pacifique Sud, le Chili interdisant aux navires de la Communauté de débarquer l'espadon dans les ports chiliens. Le Chili fait en effet partie des États qui, de longue date, réclament l'exercice d'un contrôle sur les pêcheries adjacentes à leur mer territoriale, considérant, à tort ou à raison, que l'État riverain est le plus compétent pour imposer des règles adaptées à la gestion rationnelle des stocks concernés. La création des zones économiques exclusives (ZEE) par la convention de Montego Bay, en 1982, a conforté ces revendications en accordant au riverain l'exclusivité non seulement de la juridiction, mais aussi de l'accès au ressources vivantes côtières, fondant ainsi le droit pour le riverain d'exercer dans cette zone des compétences de police en matière économique. La haute mer était le dernier bastion où le riverain n'exerçait pas de compétences particulières. Or la raréfaction de la ressource due à l'intensification de la pêche et les faibles compétences octroyées à l'organe de contrôle international compétent en la matière ont relancé le débat sur le contrôle des activités de pêche en haute mer, le Chili, à l'instar d'autres Etats riverains, considérant que les espèces n'étaient qu'en transit hors de sa ZEE. Il a facilement démontré que les États pêcheurs n'avaient imposé ni contrôle efficace, ni gestion rationnelle. Par ailleurs, le Chili revendique, en plus de l'établissement des règles de conservation, le concept de « mer présentielle » permettant à la marine chilienne de surveiller les activités de pêche et de faire un rapport annuel.

D'où, à l'article 3 de la convention, le recours à des périphrases pour définir la notion de « mer territoriale ».

- enfin, concernant la notion d'établissement stable (article 5), la présente convention est conforme au modèle OCDE, si ce n'est une conception plus restrictive des activités qui ne sont pas considérées comme constituant un établissement stable, demandée par la partie chilienne.

B - Les règles d'imposition prévues par la convention

S'agissant des règles d'imposition des différents types de revenus et de la fortune (articles 6 à 21 de la convention), les spécificités de la présente convention sont les suivantes :

-  L'imposition des revenus de biens immobiliers (article 6) est prévue, conformément au modèle de convention de l'OCDE, au lieu de situation de ces biens. Les biens immobiliers sont définis par rapport à la législation de l'Etat où ils sont situés. Un commentaire additionnel, dans le protocole joint à la présente convention, correspond à une demande française relative aux dispositions particulières de la législation fiscale en ce qui concerne les revenus des sociétés à prépondérance immobilière. La clause a pour but d'éviter l'interposition de sociétés ou d'autres entités juridiques écrans entre le propriétaire réel et l'immeuble ainsi détenu. C'est à la demande du Chili que cette précision, qui constitue un ajout par rapport au modèle de l'OCDE, figure au protocole et non au sein de l'article 6.

- Hormis sur des points mineurs, les dispositions relatives aux bénéfices des entreprises (article 7), aux bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant provenant de l'exploitation en trafic international de navires ou d'aéronefs (article 8) et aux transferts de bénéfices entre entreprises associées (article 9) sont également conformes au modèle de convention de l'OCDE.

- Pour ce qui est du régime applicable aux dividendes (article 10), la convention retient le principe du partage d'imposition entre l'Etat de la source et l'Etat de résidence des bénéficiaires, en limitant le niveau des retenues à la source applicables dans le premier Etat. Sur ce dernier point, la présente convention prévoit un taux maximal de 15%.

- En ce qui concerne les intérêts (article 11), la convention prévoit, conformément au modèle de l'OCDE, qu'ils sont imposables dans l'Etat de résidence du bénéficiaire de ces revenus. Toutefois, il est possible pour l'Etat de la source d'imposer ces intérêts à un taux n'excédant pas 15 %.

- En matière de redevances (article 12), la convention retient, conformément au modèle OCDE, le principe de l'imposition dans l'Etat de résidence. Elle accorde toutefois à l'Etat de la source le droit d'imposer les redevances à un taux n'excédant pas 10 % de leur montant brut ou, s'agissant des redevances pour l'usage d'équipements industriels, commerciaux ou scientifiques, à un taux maximal de 5 % sur le même montant.

A noter que le protocole comporte une clause de la nation la plus favorisée en faveur de la France qui bénéficiera, en matière d'intérêts et de redevances, des taux ou des exonérations plus avantageux conclue par le Chili avec un Etat membre de l'OCDE postérieurement à l'entrée en vigueur de la convention franco-chilienne. La clause précise qu'en matière de suivi de cette disposition, le Chili informera les autorités compétentes françaises sans délai de l'applicabilité de cette disposition.

- Le régime applicable aux gains en capital (article 13) se distingue du modèle de l'OCDE en prévoyant, sous certaines conditions précisées par la convention, une imposition à la source, par l'Etat contractant qui n'est pas le pays de résidence, des gains que le résident de l'autre Etat contractant tire de l'aliénation d'actions, d'intérêts similaires ou d'autres droits si ce résident, à un quelconque moment au cours de la période de douze mois précédant cette aliénation a détenu, directement ou indirectement, des actions, des intérêts similaires ou d'autres droits représentant au moins 20 % du capital de la société ou d'une autre personne qui est un résident de l'autre Etat contractant et est constituée conformément à la législation de la France ou du Chili ; ou si les gains réalisés par ce résident tirent plus de 50 % de leur valeur directement ou indirectement de biens immobiliers situés dans cet autre Etat contractant. Tous les autres gains qu'un résident d'un Etat contractant tire de l'aliénation d'actions ou d'autres droits représentant le capital d'une société qui est un résident de l'autre Etat contractant sont aussi imposables dans cet autre Etat contractant mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder 16 % du montant de ces gains. Qui plus est, une autre spécificité est introduite, avec l'imposition exclusive à la résidence des gains en capitaux sur ces mêmes droits réalisés par des fonds de pension.

La convention reprend les règles traditionnelles du modèle de l'OCDE pour l'imposition des salaires du secteur privé (article 14), des jetons de présence (article 15) et des revenus des artistes et sportifs (article 16). De même, le régime d'imposition des rémunérations publiques retient le principe d'imposition exclusive de ces revenus dans l'Etat de la source, conformément à la règle préconisée par l'OCDE. Toutefois, l'imposition est réservée à l'Etat de la résidence lorsque les services sont rendus dans cet Etat et que le bénéficiaire en est un résident et en possède la nationalité. L'article 19 permet d'exonérer dans l'Etat où ils séjournent à raison des revenus qui n'y ont pas leur source, et sous certaines conditions, les étudiants et les stagiaires, conformément au modèle de l'OCDE. De même, s'agissant des revenus non expressément visés dans les autres articles de la convention (article 20) et des dispositions concernant l'imposition de la fortune (article 21), c'est la convention de l'OCDE qui fait référence, à quelques exceptions près.

- S'agissant, en revanche, des pensions du secteur privé et public, elles sont imposées par l'Etat de la source, contrairement au modèle de l'OCDE. Ce compromis a été préféré à la demande chilienne consistant en une imposition partagée entre les deux Etats (article 17).

C - Les autres dispositions de la convention

· S'agissant des méthodes pour éviter les doubles impositions, le dispositif retenu par la France se distingue par une combinaison des méthodes couramment utilisées à cette fin (article 22 de la convention).

· Enfin, la convention intègre les dispositions classiques relatives à la non-discrimination suivant la nationalité, à la procédure amiable mise en œuvre lorsqu'une personne estime que les mesures prises par l'un des Etats à son encontre ne sont pas conformes à la convention, à l'échange de renseignements, aux membres des missions diplomatiques et des postes consulaires et à l'entrée en vigueur ou à la dénonciation de la convention (articles 23 à 29).

CONCLUSION

L'effet combiné de l'élimination des barrières douanières prévue par l'accord commercial entré en vigueur en février 2003 entre l'Union européenne et le Chili et les perspectives favorables de croissance de l'économie chilienne devraient engendrer une nette reprise de nos échanges bilatéraux.

Dans ce contexte, le projet de la convention fiscale signé le 7 juin 2004 permettra de renforcer la présence française au Chili et de sécuriser les relations de nos investisseurs dans cet État, avec lequel nous entretenons des relations aussi diversifiées qu'excellentes.

Pour cette raison, votre Rapporteur recommande vivement l'adoption du projet de loi autorisant l'approbation de cette convention.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 3 mai 2005.

Après l'exposé du Rapporteur, Mme Martine Aurillac a souhaité savoir si le Chili avait conclu d'autres accords de ce type.

Le Rapporteur a indiqué que le Chili avait signé neuf conventions fiscales, dont une avec le Canada le 21 janvier 1998 et une autre en 2003 avec la Grande-Bretagne, et qu'il était en discussion, notamment, avec l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas.

Indiquant qu'il recevrait le Ministre des affaires étrangères du Chili le mercredi 4 mai, le Président Edouard Balladur a évoqué la géographie particulière du Chili, rappelant à cet égard qu'avait existé un conflit frontalier entre le Chili et l'Argentine, à propos du canal de Beagle, pour lequel le Saint-Siège avait accepté de servir de médiateur, au début du pontificat de Jean-Paul II.

M. Henri Sicre a confirmé ce point, évoquant les points saillants de la géographie unique du Chili, pays long de 4 300 kilomètres et large de 175 km en moyenne - au maximum de 350 km et au minimum de 15 kilomètres. Il a ajouté que, sur ce territoire d'une configuration particulière, existaient de très importants investissements à réaliser en matière d'infrastructures, par exemple autoroutières.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 2090).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 2090).

----------

N° 2285 - Rapport sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention France-Chili en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales (M. Henri Sicre)

1 () Le programme et le premier comité ECOS furent créés en décembre 1992 par décision des Ministères français chargés des Affaires Etrangères, de l'Education Nationale et de la Recherche. « ECOS » est un sigle qui signifie : Evaluation-orientation de la Coopération Scientifique. Le programme ECOS est destiné à appuyer des projets d'excellence en matière de collaboration scientifique. Il finance les échanges entre les chercheurs sous la forme de missions de courte durée, de stages de perfectionnement et de bourses doctorales. Il est ouvert à tous les champs de la connaissance.


© Assemblée nationale