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le 19 juin 2006

N° 3155

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 juin 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE LOI (N° 3109) portant règlement définitif du budget de 2005,

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur général,

Député.

ANNEXE N° 1


EXÉCUTION EN 2005 DES CRÉDITS RELATIFS

À L'ÉQUIPEMENT DES FORCES

Rapporteur spécial,

M. François CORNUT-GENTILLE,

Député.

INTRODUCTION 5

I.- LA GESTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME ÉQUIPEMENT DES FORCES 7

A.- LA CONSOMMATION DES CRÉDITS EN 2005 7

1.- Le budget d'équipement, au sens de l'ordonnance n° 59-2 7

2.- Le budget du programme Équipement des forces 8

B.- LA GESTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 9

1.- Des transferts de crédits habituels 9

2.- Des annulations de crédits limitées 9

3.- La réduction du volume des reports de crédits 10

a) Les reports vers la gestion 2005 12

b) Les reports vers la gestion 2006 12

4.- Les reports de charges encore élevés, mais en reflux 13

5.- Des intérêts moratoires en progression 13

C.- LA GESTION DES ENGAGEMENTS 13

II.- LA MISE EN œUVRE DE LA LOLF ACCOMPAGNE LA MODERNISATION DU MINISTÈRE 17

A.- LA MISE EN œUVRE DE LA LOLF 17

1.- La co-responsabilité déclinée au niveau des budgets opérationnels de programme 17

2.- La subsidiarité entre l'état-major des armées et les états-majors d'armées 18

B.- LA POURSUITE DE LA RÉFORME DU MINISTÈRE 18

1.- La réorganisation de la délégation générale pour l'armement 18

2.- L'évolution de la conduite des programmes d'armement 19

III.- LA MESURE DE LA PERFORMANCE DU PROGRAMME 21

1.- Taux de réalisation des principaux équipements de la composante interarmées 22

2.- Taux de réalisation des principaux équipements de l'armée de terre 23

3.-  Taux de réalisation des principaux équipements de la marine 24

4.- Taux de réalisation des principaux équipements de l'armée de l'air 24

5.- Qualité de la dépense pour l'équipement des forces 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

I.- AUDITIONS 27

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 39

INTRODUCTION

La commission des Finances a décidé, cette année, de préfigurer ce que sera l'examen de la loi de règlement lorsque celui-ci s'effectuera selon les méthodes et la nomenclature issues de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement sur l'exercice 2005, la commission des Finances évalue, à titre expérimental, l'exécution des crédits dans le périmètre de deux missions : « Administration générale et territoriale de l'État », « Ville et logement » et d'un programme : Équipement des forces, au sein de la mission « Défense ».

Évidemment, l'exercice 2005 du budget de la Défense a été exécuté selon les dispositions de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959. Dès lors, examiner, à titre de test, l'exécution des crédits d'un programme qui n'existait pas en 2005 comporte les limites, mais aussi les enseignements d'un exercice sur maquette. Certains aspects de la nomenclature budgétaire ne se prêtent pas à la conversion. Pour autant, cet exercice est pertinent puisqu'il permet aux parlementaires de se familiariser avec les nouveaux cadres de l'exécution budgétaire (1). De plus, il peut être révélateur de certaines difficultés à entrer dans le régime de suivi de la performance. L'expérience méritait donc d'être tentée.

Selon la nomenclature de l'ordonnance n°59-2, les dépenses d'équipement de la Défense auront atteint 14,29 milliards d'euros. L'effort de redressement de notre outil de défense peut donc se résumer à un chiffre : 32 %. En effet, les crédits que la Nation consacre à l'équipement de son armée auront progressé de 32 % entre 2002 et 2005 (en euros courants). Le budget 2005 traduit donc la mise en œuvre de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

Selon la nomenclature de la LOLF, la consommation des crédits de paiement du programme Équipement des forces en 2005 est de 7,63 milliards d'euros, sans qu'une comparaison pertinente ne puisse être effectuée avec les données de 2004.

*

* *

I.- LA GESTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME ÉQUIPEMENT DES FORCES

L'exécution en 2005 des crédits destinés à l'équipement des forces illustre l'amplification de l'effort consenti en faveur de nos forces armées depuis 2002.

A.- LA CONSOMMATION DES CRÉDITS EN 2005

1.- Le budget d'équipement, au sens de l'ordonnance n° 59-2

Le tableau suivant présente les taux de consommation des crédits pour l'ensemble des crédits du budget d'équipement de la défense (titres V et VI, dans le régime de l'ordonnance n° 59-2) :

CONSOMMATION DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT

(en milliards d'euros)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Dotations initiales

13,52

12,35

13,11

12,65

12,71

12,27

13,64

14,90

15,20

Dotation prévue par la programmation

           

13,65

14,85

15,20

Crédits disponibles

12,62

11,34

11,53

11,63

11,84

12,13

13,33

15,15

16,28

Dépenses

11,59

10,50

10,52

10,69

10,82

11,33

11,82

12,38

14,29

Le tableau suivant présente l'évolution de la consommation des crédits d'équipement, au regard des dotations initiales et des crédits réellement disponibles :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS INITIAUX, DISPONIBLES ET CONSOMMÉS

(en milliards d'euros)

graphique

L'effort de redressement de notre outil de défense est illustré par le fait que les crédits que la Nation consacre à l'équipement de son armée auront progressé de 32 % entre 2002 et 2005 (en euros courants). En outre, l'exécution 2005 a permis de réduire significativement l'écart entre les dotations votées par le Parlement dans la loi de finances initiale et les crédits effectivement dépensés. Cette amélioration sensible a été permise grâce à la réduction du volume des reports de crédits.

Le tableau suivant présente l'évolution, depuis 2002, de la consommation des crédits d'équipement, au regard des dotations initiales et des dotations théoriques prévues par la programmation.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS INITIAUX ET CONSOMMÉS PAR RAPPORT À LA PROGRAMMATION

(en milliards d'euros)

graphique

Les dotations inscrites dans les lois de finances initiales en 2003, 2004 et 2005 respectent scrupuleusement les dotations prévues par la programmation. En outre, le niveau de consommation des crédits se rapproche très nettement en 2005 du montant des dotations initiales. La résorption des crédits de reports, prévue en 2006 et 2007, doit donc permettre un respect total de la loi de programmation militaire.

2.- Le budget du programme Équipement des forces

Le tableau suivant présente les taux de consommation des crédits du programme Équipement des forces.

CONSOMMATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME ÉQUIPEMENT DES FORCES EN 2005

(en millions d'euros)

Actions

Paiements 2004

LFI

Fonds de concours

Crédits ouverts

Paiements

Taux de consommation

Équipement de la composante interarmées

1.188,39

1.918,41

1,77

1.938,82

1.715,62

88,5 %

Équipement des forces terrestres

1.316,55

1.534,93

19,94

1.651,40

1.362,19

82,5 %

Équipement des forces navales

2.081,50

2.258,46

1,78

2.422,43

2.009,22

82,9 %

Équipement des forces aériennes

1.981,81

2.369,06

17,66

2.521,07

2.271,08

90,1 %

Préparation et conduite des opérations d'armement

246,13

1.169,81

20,53

395,15

273,69

69,3 %

Total Programme

6.814,38

9.250,68

61,68

8.928,87

7.631,79

85,5 %

Source : ministère de la Défense

Le taux de consommation de 85,5 % aurait pu être meilleur si le ministère avait pu dépenser les crédits dont il disposait. L'imposition d'une « norme de dépenses » par le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie explique largement cette situation.

B.- LA GESTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME

1.- Des transferts de crédits habituels

Deux transferts ont été observés en 2005 : l'un, habituel, à destination de la direction des applications militaires (DAM) du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), l'autre, en provenance des budgets de l'Économie et de l'Intérieur.

Comme le montre le tableau suivant, les crédits du ministère de la Défense destinés au CEA proviennent principalement du programme Équipement des forces.

TRANSFERTS DE CRÉDITS DE PAIEMENT DESTINÉS AU CEA

(en millions d'euros)

Équipement des forces

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de défense

Total

-1.234,09

-74,47

-2,53

-1.311,09

Source : ministère de la Défense

Les crédits transférés inscrits au chapitre 53-71 proviennent des budgets de l'Économie, des finances et de l'industrie et de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire, au titre du financement de programmes aéronautiques civils.

La direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) a transféré un million d'euros d'autorisations de programme et 7,2 millions d'euros de crédits de paiement pour l'acquisition d'hélicoptères de surveillance maritime. De même, la direction de la défense et de la sécurité civiles du ministère de l'intérieur a transféré 31,5 millions d'euros et 77,9 millions d'euros de crédits de paiements pour l'acquisition de matériels aéronautiques.

2.- Des annulations de crédits limitées

En 2005, les titres V et VI (ordonnance n°59-2) de la défense ont connu 625,28  millions d'euros d'annulations de crédits, se décomposant de la manière suivante :

- 11,77 millions d'euros au titre du financement des dépenses liées au référendum relatif au projet de constitution européenne (décret d'annulation n° 2005-402 du 29 avril 2005) ;

- 611 millions d'euros en gage du décret d'avance n° 2005-1206 du 26 septembre 2005, en faveur du titre III (décret d'annulation n° 2005-1207 du même jour) ;

- 2,5 millions d'euros au titre de l'arrêt « poissons sous taille » de la Cour de justice des Communautés européennes (décret d'annulation n° 2005-1362 du 3 novembre 2005).

Le programme Équipement des forces a été affecté par ces deux dernières annulations, pour un montant de 369,28 millions d'euros (soit 60 % du gage) pour la première et de 1,25 million d'euros pour la dernière.

Dans les réponses transmises à votre Rapporteur spécial, le ministère rappelle que « l'annulation de 611 millions d'euros a porté sur des crédits reportés des gestions antérieures à la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 ».

Au total, les crédits d'équipement (ordonnance n°59-2) ont subi 625,28 millions d'euros d'annulations. L'impact très réduit de la régulation budgétaire tranche avec la situation observée de 1997 à 2002. C'est ainsi que, par exemple, les annulations ont atteint 11 % des crédits d'équipement en 1999. L'évolution du volume des annulations de crédits est retracée dans le tableau suivant.

ANNULATIONS DE CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT (CRÉDITS DE PAIEMENT)

(en millions d'euros courants)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Dotations initiales titres V et VI

13.523

12.349

13.111

12.646

12.710

12.274

13.644

14.898

15.198

Annulations en volume

764

1.120

1.455

971

896

321

420

692

625

Source : ministère de la Défense

Le graphique suivant présente l'évolution depuis 1996 du montant total des annulations de crédits en cours d'exécution.

graphique

3.- La réduction du volume des reports de crédits

Votre commission des Finances est particulièrement attentive au montant des reports de crédits, comme d'ailleurs au montant des reports de charges.

Les reports de crédits demeurent l'enjeu essentiel de l'exécution des crédits d'équipement de la Défense. Pour l'ensemble des dépenses en capital du budget de la Défense (ordonnance n°59-2) leur volume avait atteint 2,77 milliards d'euros en 2004. Leur montant des crédits de reports de 2005 - ouverts en 2006 - a été réduit à 1,99 milliard d'euros.

Ces montants encore élevés ne traduisent en aucun cas une quelconque incapacité du ministère à consommer ses crédits disponibles. Ce volume de report est largement imputable à une « norme de dépense » établie par le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie. Concrètement, l'exécution de l'ensemble du budget de l'État ne doit pas dépasser le montant des crédits inscrits en loi de finances initiale. Cet effort global implique une participation du budget de la défense.

La « norme de dépense » a d'abord été évaluée à 14.080 millions d'euros, avant d'être arrêtée définitivement à 14.191 millions d'euros en novembre 2005. Enfin, les derniers arbitrages, relatifs notamment aux recettes de fin de gestion, ont permis au ministère de la Défense de consommer 14.286 millions d'euros, dont plus de la moitié sur les opérations budgétaires d'investissement relevant désormais du programme Équipement des forces (7.632 millions d'euros).

Comme votre Rapporteur spécial a déjà eu l'occasion de le souligner lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, même si le budget de la Défense était exécuté à l'euro près à hauteur du montant des dotations initiales, le ministère n'aurait cependant pas consommé l'ensemble des crédits ouverts. En effet, ceux-ci tiennent compte des fonds de concours. Or, ceux-ci sont considérables : le seul service de santé des armées génère des recettes à hauteur de 400 millions d'euros. La consommation de ces crédits étant décomptée dans le budget exécuté, le plafonnement de la dépense au niveau des dotations initiales implique mécaniquement une non-consommation d'un montant de crédits équivalent aux fonds de concours.

En outre, l'exécution 2004 ayant conduit à une dépense inférieure aux dotations initiales, les crédits disponibles en 2005 ont été majorés par des crédits reportés dont la consommation implique une dépense effective supérieure aux dotations initiales.

L'article 15 de la loi organique du 1er août 2001 prévoit que les crédits de paiement disponibles en fin d'année peuvent être reportés par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé dans la limite globale de 3 % de l'ensemble des crédits initiaux inscrits sur les mêmes titres du programme à partir duquel les crédits sont reportés. Ce même article ajoute : « ce plafond peut être majoré par une disposition de loi de finances ».

La situation des reports a donc conduit le Gouvernement a demander au Parlement, dans le projet de loi de finances pour 2006, d'autoriser le ministère de la Défense a reporter plus que 3% de ses crédits (article 72 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006). Dans les réponses transmises à votre Rapporteur spécial, le ministère indique que « le Président de la République a décidé que ces crédits pourront être intégralement consommés sur deux ans, en 2006 et en 2007 ».

a) Les reports vers la gestion 2005

L'arrêté de report, paru le 19 mai 2005, a ouvert 2.775 millions d'euros de crédits de paiement sur les titres V et VI du budget de la Défense, dont 1.163 millions d'euros ont été ouverts sur le programme Équipement des forces, soit 42 %. Le reste a été ouvert sur les autres programmes du ministère.

Le montant élevé de crédits disponibles à l'ordonnancement tient, d'une part, à l'ouverture de 660,5 millions d'euros de crédits de paiement par la loi de finances rectificative pour 2004 intervenue en fin d'année et, d'autre part, à la « norme de dépense » arrêtée pour 2004, fixée à 12,3 milliards d'euros, qui a été atteinte début décembre 2004, laissant disponible 1.939 millions d'euros.

b) Les reports vers la gestion 2006

Fin 2005, les crédits de paiement disponibles aux titres V et VI du budget de la Défense et reportés sur la gestion 2006 se sont élevés à 1.996 millions d'euros, dont 1.297 millions d'euros sur les opérations budgétaires d'investissement relevant du programme Équipement des forces.

Le tableau suivant présente l'évolution des crédits ouverts par report de l'exécution précédente.

CRÉDITS OUVERTS PAR REPORT (BUDGET D'ÉQUIPEMENT DE LA DÉFENSE)

(en milliards d'euros)

Source : ministère de la Défense

4.- Les reports de charges encore élevés, mais en reflux

Les reports de charges représentent l'ensemble des demandes de paiement arrivées dans les services, et qui n'ont pu être ordonnancées ou mandatées, quel qu'en soit le motif.

Les reports de charges de la gestion 2004 sur la gestion 2005, sur le budget d'équipement de la défense, ont été évalués à 3.046 millions d'euros, dont 1.502 millions d'euros dans le périmètre du programme Équipement des forces. Ces impayés sont dus notamment à l'application de la norme de dépense définie en fin d'année 2004. Les reports de charges de la gestion 2005 sur la gestion 2006 sont estimés à 2.144 millions d'euros, dont 1.351 millions d'euros dans le périmètre du programme Équipement des forces.

Leur reflux, quoique trop lent, traduit pourtant un assainissement de la gestion budgétaire.

5.- Des intérêts moratoires en progression

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des intérêts moratoires réglés chaque année depuis 1999.

MONTANT DES INTÉRÊTS MORATOIRES RÉGLÉS

(en millions d'euros)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

27,46

38,03

26,62

25,21

20,13

28,25

33,51

Source : ministère de la Défense

Le niveau des intérêts moratoires de l'année 2005 atteint 33,51 millions d'euros, en augmentation de 18,62% par rapport au niveau atteint fin 2004. Le ministère explique cette situation par le niveau des reports de charges. Le niveau élevé des intérêts moratoires reflète pour une part le poids excessif de ces reports au cours de l'exercice 2004.

C.- LA GESTION DES ENGAGEMENTS

A la fin de la gestion 2005, le budget d'équipement de la Défense disposait de 9.523 millions d'euros d'autorisations de programme non engagées, dont 3.430 millions d'euros d'autorisations de programme non affectées et 6.093 millions d'euros d'autorisations de programme affectées non engagées.

Sur les seules opérations budgétaires d'investissement relevant désormais du programme Équipement des forces, les autorisations de programme non engagées s'élevaient, fin 2005, à 6.263 millions d'euros, dont 2.504 millions d'euros d'autorisations de programme non affectées (1,1 milliard d'euros au titre du seul programme barracuda) et 3.759 millions d'euros d'autorisations de programme affectées non engagées.

Le tableau ci-après détaille par chapitre les autorisations de programme disponibles dans le périmètre du programme Équipement des forces à la fin de la gestion 2005.

AUTORISATIONS DE PROGRAMME DISPONIBLES FIN 2005
(PÉRIMÈTRE DU PROGRAMME ÉQUIPEMENT DES FORCES)

(en millions d'euros)

Chapitres

AP non affectées

AP affectées non engagées

AP non engagées

51-61

210,14

676,91

887,05

51-71

38,59

1.040,75

1.079,34

53-71

368,89

520,75

889,64

53-81

1.806,09

1.409,91

3.216,00

54-41

62,14

68,83

130,98

55-11

16,28

27,66

43,94

55-21

0,00

9,51

9,51

59-01

2,40

4,48

6,88

Total

2.504,54

3.758,80

6.263,34

Source : ministère de la Défense

Dans les réponses transmises à votre Rapporteur spécial, le ministère indique que celui-ci n'a pas demandé le report des autorisations de programme non affectées au 31 décembre 2005.

Quant aux autorisations de programme affectées au 31 décembre 2005, elles ont été intégralement « reportées » sur la gestion 2006. Des discussions sont encore en cours avec la direction du budget sur les modalités de consommation de ces de 6.093 millions d'euros d'autorisations d'engagement.

A ces montants s'ajoutent 330 millions d'euros (dont 203 millions d'euros pour le programme Équipement des forces) de report d'autorisations de programme affectées non basculées techniquement dans les applications informatiques en janvier 2006.

Lors de son audition par votre Commission, le Chef d'état-major des armées a indiqué à votre Rapporteur spécial que le ministère de la Défense devait justifier, au cas par cas, de leur emploi effectif. En attendant, l'engagement de ces 6,3 milliards d'euros a été provisoirement gagé sur des autorisations d'engagement de 2006.

Le tableau suivant présente la répartition des autorisations de programme affectées non engagées et autorisations de programme complémentaires « techniques » entre le programme Équipement des forces et les autres programmes de la mission Défense.

AUTORISATIONS DE PROGRAMME AFFECTÉES NON ENGAGÉES ET AUTORISATIONS DE PROGRAMME COMPLÉMENTAIRES « TECHNIQUES »

(en millions d'euros)

Autorisations de programme affectées non engagées

Autorisations de programme complémentaires « techniques »

Total

Programme Équipement des forces

3.759

203

3.962

Autres programmes de la mission Défense

2.334

127

2.461

Total

6.093

330

6.423

Source : ministère de la Défense

II.- LA MISE EN œUVRE DE LA LOLF ACCOMPAGNE LA MODERNISATION DU MINISTÈRE

Année de transition avant la mise en œuvre complète de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, l'exercice 2005 aura été synonyme de réforme au ministère de la Défense, caractérisée par la redéfinition des compétences de chefs d'état-major et la poursuite des efforts de rationalisation. La réforme se traduit également par l'abrogation du décret n° 82-138 du 8 février 1982 fixant les attributions des chefs d'état-major par le décret n° 2005-520 du 21 mai 2005 ayant le même objet. Ce décret renforce très sensiblement le rôle du chef d'état-major des armées (CEMA).

A.- LA MISE EN œUVRE DE LA LOLF

La co-responsabilité du programme, confiée au CEMA et au Délégué général pour l'armement ne semble plus aujourd'hui faire débat. Le Comité interministériel d'audit des programmes a ainsi récemment affirmé que « la solution de co-responsabilité (...) est donc, du moins dans la structuration actuelle en programmes de la mission Défense, la seule réaliste ».

1.- La co-responsabilité déclinée au niveau des budgets opérationnels de programme

Le délégué général pour l'armement a indiqué à la Commission, lors de son audition, que le découpage du programme Équipement des forces en dix budgets opérationnels de programme (BOP) est le meilleur moyen de garantir une réelle cohérence technico-industrielle des dix grands programmes d'armement, selon la liste établie d'un commun accord par la délégation générale pour l'armement (DGA) et l'état-major des armées.

Les objectifs impartis aux responsables de ces BOP au sein de la DGA ont été définis à la fin de l'année 2005. Ces responsables travaillent en concertation permanente avec les officiers de cohérence opérationnelle de l'état-major des armées. Les éventuelles questions de choix capacitaire sont tranchées par le chef d'état-major des armées au sein du conseil de systèmes de forces ou par le ministre lui-même.

Les officiers de cohérence de programme ont pour rôle de s'informer du déroulement des programmes auprès des responsables des BOP, sans pour autant s'ingérer dans la gestion industrielle qui demeure de la responsabilité exclusive de la DGA, et de faire chaque mois un point sur le degré d'avancement, les difficultés rencontrées et les arbitrages nécessaires.

Les dix BOP auront chacun un responsable différent au cours des prochains mois, ce qui mettra fin à une répartition transitoire héritée de l'ancienne organisation de la DGA en cinq services.

Les coûts de la DGA ont été décomposés entre les principaux programmes
« Équipement des forces », Environnement et prospective de la politique de défense, Préparation et emploi des forces et Soutien de la politique de la défense - et pour chaque BOP.

Cependant, le ministère de la Défense ne dispose pas encore des outils de comptabilité analytique permettant de répartir les crédits de personnels entre les actions et entre les BOP.

2.- La subsidiarité entre l'état-major des armées et les états-majors d'armées

Les états-majors de chacune des trois armées sont associés en permanence au suivi réalisé par les officiers de cohérence de programme de l'état-major des armées. Toutes les informations leur sont répercutées puisqu'en pratique, c'est un officier de l'armée concernée qui appartient à l'équipe de programme.

Le chef d'état-major des armées a confirmé, lors de son audition par votre Commission, que les états-majors d'armées sont constamment associés à la conduite des programmes, même si in fine la décision d'arbitrage revient toujours au chef d'état-major des armées. Il est vrai que les opérations sont désormais largement conduites de manière interarmées.

B.- LA POURSUITE DE LA RÉFORME DU MINISTÈRE

1.- La réorganisation de la délégation générale pour l'armement

Rendue officielle le 2 février 2005, la réorganisation de la DGA met en œuvre les recommandations de la mission sur la conduite des programmes d'armement sollicitée par la ministre de la Défense.

Un effort tout particulier a porté sur l'amélioration de la fonction technique au sein de la DGA et notamment sur la définition des métiers d'expertise et d'essais, dont les emplois ont été redéfinis en profondeur.

En juin 2005, les responsables des ressources humaines et les cadres ont pu disposer de nouveaux outils pour la gestion des emplois et des compétences. En septembre, le système d'information CHORUS a permis de déterminer un premier dénombrement des employés de la DGA par métiers. Par ailleurs, les contenus de deux entretiens ont été définis :

- l'entretien de management par objectifs individuels, qui porte sur la fixation des objectifs de l'année en cours et l'évaluation de l'atteinte des résultats de l'année précédente (il se déroule de janvier à février de chaque année et s'inscrit dans le processus de management de la DGA) ;

- et l'entretien individuel annuel, orienté vers le développement des compétences des employés et s'inscrit dans le processus de pilotage des ressources humaines.

Un programme de formation à ces deux entretiens a permis de sensibiliser 1.017 cadres de la DGA.

Par ailleurs, une première expérimentation de rémunération sur objectifs a été étudiée fin 2005 pour les officiers du corps des ingénieurs de l'armement. Elle est mise en application dès le premier semestre 2006 à partir de l'évaluation de l'atteinte des résultats de 2005 et porte sur la modulation de la prime de service et de rendement.

2.- L'évolution de la conduite des programmes d'armement

La conduite des programmes d'armement a été réformée en profondeur au cours de l'année 2005.

En effet, tandis que les pouvoirs d'arbitrage du chef d'état-major des armées ont été renforcés pour mieux garantir la cohérence des choix en matière d'équipement (décret de mai 2005), le délégué général pour l'armement a vu ses attributions précisées, notamment dans les domaines critiques que sont la compétence technique et la maîtrise financière (décret de janvier 2005). C'est pourquoi la DGA a été réorganisée autour de deux pôles principaux, dont l'un est consacré à la gestion des opérations d'armement et l'autre à la préparation de l'avenir.

Les instructions ministérielles relatives à la conduite des programmes d'armement tiennent compte désormais de la mise en place du conseil des systèmes de forces, instance présidée par le chef d'état-major des armées pour opérer les choix aux arbitrages dans le domaine des capacités militaires ou proposer les arbitrages au ministre.

L'instruction n°1514 relative au déroulement des programmes d'armement devrait à nouveau évoluer en 2006 pour tirer toutes les conséquences de la réorganisation des états-majors et de la mise en place de la LOLF. En effet, le co-pilotage du programme Équipement des forces, effectif depuis le 1er janvier 2006, a fait évoluer le mode de relation entre DGA et états-majors, dans le sens d'une intégration accrue entre les acteurs, en particulier dans le cadre de l'équipe de programme intégrée.

III.- LA MESURE DE LA PERFORMANCE DU PROGRAMME

Le programme Équipement des forces a pour objet principal de mettre à la disposition des armées les armements et matériels nécessaires au succès des opérations décidées par le chef de l'État et le gouvernement.

La Cour des comptes constate qu'en l'absence d'un système d'information unifié pour l'ensemble du ministère, « les moyens d'alimentation des indicateurs sont très hétérogènes ». Pour le programme Équipement des forces, les données sont issues du contrôle de gestion des programmes et opérations d'armement et sont collectées manuellement. Personne ne peut se satisfaire de cet état de fait.

Pour pallier ces difficultés, le ministère a mis au point un « tableau de bord » pour le ministre, le chef d'état-major des armées, le délégué général pour l'armement, le secrétaire général pour l'administration et les chefs d'état-major des trois armées.

Votre Rapporteur spécial considère que les indicateurs proposés ne peuvent pas être considérés comme réellement pertinents dès lors qu'ils mêlent des petits programmes et d'autres pesant plusieurs milliards d'euros. La Cour des comptes estime que « l'usage de pondérations, de moyennes ou de regroupements de données diverses a pour effet de rendre inexploitables les résultats affichés par les indicateurs ».

Lors de son audition par la Commission, le délégué général pour l'armement a précisé qu'un indicateur de livraison financière est actuellement mis à l'épreuve. Cependant, il présente le défaut de ne retracer que la fin du processus.

Deux objectifs sont assignés au programme Équipement des forces, tendant l'un à mettre à disposition les équipements des armées en maîtrisant les coûts et les délais, l'autre à mettre à disposition les autres équipements en maîtrisant les coûts et les délais. Pour ce dernier, l'absence de définition d'un périmètre précis des équipements participant à la cohérence opérationnelle dans l'avant-PAP 2005 empêche un retraitement comptable ex post permettant de fournir des éléments chiffrés pour l'exécution de la loi de finances 2005. Ces données seront disponibles à compter de 2006.

En revanche, s'agissant du principal objectif, relatif aux équipements des armées, un premier exercice de mesure de la performance est possible et pertinent, sur la base des informations fournies avec diligence à votre Rapporteur spécial par le ministère de la Défense.

1.- Taux de réalisation des principaux équipements de la composante interarmées

Le tableau suivant présente le taux de réalisation des principaux équipements de la composante interarmées.

TAUX DE RÉALISATION DES PRINCIPAUX ÉQUIPEMENTS DE LA COMPOSANTE INTERARMÉES

   

2005

2005

2006

2007

2008

 

Unités

Prévision

Réalisation

Prévision

Prévision

cible

Progression dans la réalisation des opérations d'armement de la composante interarmées

%

85

80,8

85

87,5

90

Évolution annuelle moyenne des devis à terminaison des équipements de la composante interarmées

%

3

-0,53

3

2,5

2

Évolution annuelle moyenne des délais de réalisation des équipements de la composante interarmées

Mois

3

1,4

3

2,5

2

Taux moyen de réalisation des performances techniques des équipements de la composante interarmées

%

ND

ND

ND

ND

ND

Source : ministère de la Défense

L'exécution du budget 2005 a permis d'atteindre la quasi-totalité des objectifs fixés en termes de progression dans la réalisation des opérations d'armement de la composante interarmées (80,8 % sur 13 jalons).

Les autres objectifs ont été plus qu'atteints, puisque l'évolution annuelle des devis est même négative et l'augmentation des délais de seulement 1,4 mois pour un objectif maximal de 3 mois.

Les jalons non franchis sont liés au retard pris dans la négociation internationale du programme Données numériques géographiques en trois dimensions (DNG3D).

2.- Taux de réalisation des principaux équipements de l'armée de terre

Le tableau suivant présente le taux de réalisation des principaux équipements de l'armée de terre.

TAUX DE RÉALISATION DES PRINCIPAUX ÉQUIPEMENTS DE L'ARMÉE DE TERRE

   

2005

2005

2006

2007

2008

 

Unités

Prévision

Réalisation

Prévision

Prévision

cible

Progression dans la réalisation des opérations d'armement de l'armée de terre

%

85

81,5

85

87,5

90

Évolution annuelle moyenne des devis à terminaison des équipements de l'armée de terre

%

3

0,65

3

2,5

2

Évolution annuelle moyenne des délais de réalisation des équipements de l'armée de terre

Mois

3

2,7

3

2,5

2

Taux moyen de réalisation des performances techniques des équipements de l'armée de terre

%

ND

ND

ND

ND

ND

Source : ministère de la Défense

Au cours de l'exécution du budget 2005, la quasi-totalité les objectifs fixés en termes de progression dans la réalisation des opérations d'armement de l'armée de terre ont été atteints (81,5 % sur 23 jalons).

Les autres objectifs ont été dépassés, puisque l'évolution annuelle des devis n'est que de 0,65 % et l'augmentation des délais de 2,7 mois seulement, pour un objectif maximal de 3 mois.

Les jalons non franchis sont essentiellement liés à des retards industriels (sur les programmes felin, cobra, atlas canon).

En outre, les négociations n'ont pas permis d'aboutir à une contractualisation sur le programme rapsodie ; le programme Système de pose rapide de travures (sprat), qui est un programme de poseurs de ponts pour le génie a connu une restructuration du processus industriel et le calendrier commandes et livraisons du programme Poste de radio de quatrième génération (pr4g vs4ip) a fait l'objet d'un réajustement d'ensemble.

3.-  Taux de réalisation des principaux équipements de la marine

Le tableau suivant présente le taux de réalisation des principaux équipements de la marine.

TAUX DE RÉALISATION DES PRINCIPAUX ÉQUIPEMENTS DE LA MARINE

   

2005

2005

2006

2007

2008

 

Unités

Prévision

Réalisation

Prévision

Prévision

cible

Progression dans la réalisation des opérations d'armement de la marine

%

85

71,2

85

87,5

90

Évolution annuelle moyenne des devis à terminaison des équipements de la marine

%

3

0,03

3

2,5

2

Évolution annuelle moyenne des délais de réalisation des équipements de la marine

Mois

3

4,1

3

2,5

2

Taux moyen de réalisation des performances techniques des équipements de la marine

%

ND

ND

ND

ND

ND

Source : ministère de la Défense

La majeure partie des objectifs fixés, s'agissant de la progression dans la réalisation des opérations d'armement de la marine, ont été atteints en exécution en 2005 (71,2 % sur 28 jalons). Les jalons non franchis sont essentiellement liés à des retards industriels (sur les programmes nh90, mu90, mica, bpc). D'autre part, les négociations n'ont pas permis d'aboutir à une contractualisation sur le programme barracuda.

4.- Taux de réalisation des principaux équipements de l'armée de l'air

Le tableau suivant présente le taux de réalisation des principaux équipements de l'armée de l'air.

TAUX DE RÉALISATION DES PRINCIPAUX ÉQUIPEMENTS DE L'ARMÉE DE L'AIR

   

2005

2005

2006

2007

2008

 

Unités

Prévision

Réalisation

Prévision

Prévision

cible

Progression dans la réalisation des opérations d'armement de l'armée de l'air

%

85

76,5

85

87,5

90

Évolution annuelle moyenne des devis à terminaison des équipements de l'armée de l'air

%

3

0,07

3

2,5

2

Évolution annuelle moyenne des délais de réalisation des équipements de l'armée de l'air

Mois

3

7,6

3

2,5

2

Taux moyen de réalisation des performances techniques des équipements de l'armée de l'air

%

ND

ND

ND

ND

ND

Source : ministère de la Défense

L'exécution du budget pour 2005 a permis d'atteindre la majeure partie des objectifs fixés en termes de progression dans la réalisation des opérations d'armement de l'armée de l'air (76,5 % sur 14 jalons). Ce moins bon résultat par rapports à ceux obtenus par l'armée de terre et la marine s'explique aussi par une raison statistique : puisque seuls 14 jalons ont été définis (contre respectivement 23 et 28), un jalon non atteint « pèse » relativement plus lourd...

Les jalons non franchis sont essentiellement liés à des arbitrages financiers entre programmes (au détriment de l'opération sccoa) et à des retards des livraisons suite à un problème technique résolu à ce jour sur le programme mica, ce qui explique le mauvais résultat en matière de délais de réalisation (7,6 mois alors que la limite était de 3 mois).

5.- Qualité de la dépense pour l'équipement des forces

Sur le périmètre du programme Équipement des forces, les données relatives à la réalisation 2005 ne sont pas disponibles. En revanche, sur l'ensemble du périmètre des dépenses relevant du périmètre de la loi de programmation militaire, les intérêts moratoires s'élèvent à 33,5 millions d'euros, soit 0,2 % des paiements de l'année sur les titres V et VI (selon la nomenclature de l'ordonnance n°59-2).

EXAMEN EN COMMISSION

I.- AUDITIONS

La Commission a procédé, au cours de sa séance du 7 juin 2006, à l'audition de M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, et du général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, accompagnés du général Thierry Cambournac, sur le programme Équipement des forces.

Le Président Pierre Méhaignerie a remercié M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, et le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, de se prêter à cette audition en leur qualité de responsables des programmes. La commission des Finances a retenu trois sujets afin de s'assurer de la bonne application de la LOLF. Ce faisant, la Commission a voulu préfigurer l'examen des résultats et de l'évaluation des performances, tels qu'ils se dérouleront à partir de 2007.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a présenté les réalisations de la gestion 2005, et plus particulièrement ce qui touche au programme Équipement des forces, préalable à l'application effective de la loi organique. La présence conjointe du CEMA et du DGA apparaît bien comme la matérialisation concrète d'une coresponsabilité qui fait du programme 146 « Équipement des forces » une exception dans le cadre général de la LOLF, la conduite dudit programme supposant, « en tant que de besoin, des arbitrages et ajustements qui mobilisent conjointement les analyses et compétences du CEMA et du DGA pour prendre en compte en même temps les implications capacitaires et industrielles des options possibles », ainsi que l'avait souligné le Comité interministériel d'audit des programmes, le 5 mai dernier. Il revient au CEMA de définir les objectifs capacitaires et de proposer au niveau politique les arbitrages nécessaires en prenant en compte les besoins opérationnels. La conduite des opérations d'armement proprement dites relève exclusivement du DGA.

L'année 2005 est la troisième année de conformité globale à la loi de programmation militaire 2003-2008 avec un taux d'exécution financière de 97 % en fin d'exercice. L'exécution 2005 aura été marquée par une norme de dépense favorable à la défense - 470 millions d'euros au-delà de la loi de finances initiale -, mais l'absence de disposition en loi de finances rectificative aura contraint à annuler 625 millions d'euros, dont 400 sur le programme 146, pour résorber notamment les surcoûts des opérations extérieures. À relever également, la réduction d'un tiers du niveau des crédits de report, ramené de 2,7 à 1,4 million d'euros dont 1,3 au programme Équipement des forces. Les principales commandes lancées en 2005 auront porté sur huit frégates multimissions, deux avions à très long rayon d'action, 2 000 postes radio PR4 G, 1 089 ensembles FELIN et 46 systèmes MARTHA 2. Les principales livraisons ont concerné un satellite SYRACUSE III A, dix Rafale, un système PAAMS de défense antiaérienne destiné aux frégates « Horizon », 110 missiles de croisière SCALP EG, 218 MICA, cinq hélicoptères Tigre et 34 chars Leclerc.

Année positive pour l'amélioration de nos capacités de prévention et de gestion des crises et des conflits, 2005 apparaît comme une étape significative vers la réalisation du modèle d'armée défini par le chef de l'État et approuvé par le Parlement. La mise en œuvre de la « pré-LOLF » et les nouvelles attributions du CEMA marquent un tournant décisif par rapport aux pratiques antérieures en favorisant la transparence et la collégialité au sein du ministère.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a confirmé que ce mode de fonctionnement avait, depuis un an, fait la preuve de son efficacité et de sa rapidité et permis de concilier les dimensions opérationnelles et capacitaires et leurs implications sur l'économie, l'industrie et les emplois. La gestion de crédits aussi considérables exige une prise de décision tout à la fois rapide, en pleine connaissance de cause et en toute transparence, autant de points sur lesquels la comparaison entre « l'avant » et « l'après » montre la supériorité du nouveau dispositif.

Les crédits disponibles sont désormais utilisés en totalité : les factures restées en souffrance à la fin de l'année correspondent pratiquement au montant des CP non utilisés.

Une bonne utilisation des crédits exige une excellente visibilité. Les principes de la LOLF ne sont probablement pas étrangers aux progrès relevés à cet égard entre 2004 et 2005, mais la connaissance précise des ressources disponibles pose encore trop souvent problème. La question n'est pas de savoir si, mais bien quand, les crédits reportés seront disponibles.

La LOLF suppose également de rendre compte de la qualité de la gestion à l'aide d'indicateurs permettant d'apprécier objectivement la qualité du travail fait. Des progrès s'imposent pour permettre une mesure correcte des performances.

Cette mesure de la performance vaut évidemment pour la DGA, pratiquement la seule concernée, au niveau de ses effectifs, par le programme 146. La délégation se soumet naturellement à cet exercice qui méritera d'être officialisé par comparaison avec ses homologues étrangers : les Britanniques, notamment, ont une longue pratique des indicateurs. La DGA peut, d'ores et déjà, se targuer de résultats en termes de conduite des programmes plutôt supérieurs à ceux de ses voisins, mais la comparaison internationale reste un élément essentiel dans la mesure objective des performances qu'il faut sans cesse chercher à améliorer.

Votre Rapporteur spécial, a demandé comment s'organisaient concrètement la coresponsabilité, particulièrement au niveau du fonctionnement des budgets opérationnels de programme (BOP), et la subsidiarité entre l'EMA et les états-majors d'armées.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a répondu que le découpage du programme 146 en BOP était le meilleur moyen de garantir une réelle cohérence technico-industrielle des dix grands programmes d'armement, tels que listés d'un commun accord par la DGA et l'EMA. Ont été de la même façon arrêtés, fin 2005, les objectifs impartis aux « patrons » de ces BOP à la DGA, qui travaillent en concertation permanente avec les officiers de cohérence opérationnelle du CEMA. Les éventuelles questions de choix capacitaire sont tranchées par le général Bentegeat au sein du conseil de systèmes de forces ou par le ministre lui-même.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a ajouté que les officiers de cohérence de programme ont pour rôle de s'informer du déroulement des programmes auprès des chefs des BOP, sans pour autant s'ingérer dans la gestion industrielle, qui demeure de la responsabilité exclusive de la DGA, et de faire chaque mois un point sur le degré d'avancement, les difficultés rencontrées et les arbitrages nécessaires. Les états-majors de chacune des armées sont associés en permanence au suivi réalisé par les officiers de cohérence de programme du CEMA. Toutes les informations leur sont répercutées. Dans la pratique, c'est un officier de l'armée concernée qui est intégré dans l'équipe de programme de la DGA. Autrement dit, les états-majors d'armées sont constamment associés, la décision d'arbitrage revenant in fine toujours au CEMA : les opérations étant désormais toujours conduites de manière interarmées, les capacités sont systématiquement étudiées pour éviter les incohérences.

Votre Rapporteur spécial, a noté que si les reports de crédits de 2005 vers 2006 avaient été réduits de 2,77 milliards d'euros à 1,99 milliard d'euros, ceux relevant du périmètre du programme Équipement des forces avaient augmenté de 11,5 %. Comment expliquer ce phénomène ? Les reports de charges ont, quant à eux, enregistré une baisse significative. Comment a-t-elle pu être mise en œuvre ? Était-il possible de faire mieux ? L'application d'une norme de dépenses a-t-elle des conséquences pratiques sur le déroulement des programmes ?

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que le Parlement, par dérogation à la LOLF, avait adopté une disposition spécifique autorisant le ministre de la défense à aller au-delà de la règle des 3 % en 2006, celui-ci s'étant engagé à mettre en œuvre et consommer les crédits dans les délais. Observant que tel n'a pas été le cas durant l'exercice 2005, il a demandé si les délais pourront être tenus en 2006.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a fait remarquer que, sans norme de dépense imposée, jamais les crédits de report n'auraient atteint un tel niveau ; et pourtant, ils ont de facto globalement baissé d'un tiers. Tout au long de 2005, la gestion a visé à rétablir l'équilibre et, de fait, les reports de crédits et les reports de charges se retrouvent presque au même niveau en fin d'exercice. L'autorisation donnée par le Parlement de reporter plus de 3 % des crédits est précisément une contrepartie à l'application la norme de dépense imposée par le ministère des finances, faute de quoi, les crédits de la défense se retrouveront chaque année amputés non par incapacité de consommer, mais par interdiction de dépenser - ce qui rejoint la problématique de la mise en réserve. Concrètement, jamais le ministère ne s'est trouvé en 2005 dans l'incapacité d'utiliser les crédits qu'il avait été autorisé à dépenser. On ne peut que regretter que la norme de dépense soit imposée si tardivement.

M. Charles de Courson a rappelé que la norme pour 2004 ayant été fixée à 12,3 milliards d'euros, les paiements se sont interrompus début décembre... Ceci pose un problème de sincérité de la loi de règlement dans la mesure où des charges se sont aussitôt mises à s'accumuler, pour un montant évalué par le Rapporteur à 1,297 milliard d'euros contre 1,163 l'année précédente. Une norme a-t-elle également été fixée en 2005 ? Si oui, pour quel montant et quand a-t-il fallu cesser de payer ?

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a répondu que les paiements ont cessé début décembre, en 2005 comme en 2004, sinon un peu plus tard. Reste que le total des reports de charges du ministère de la défense a bel et bien baissé ; les dépenses du programme 146 sont simplement plus compressibles que d'autres. Sans l'application de la norme de dépense, il aurait même été parfaitement possible d'être à zéro. Finalement les dépenses au titre du programme Équipement des forces ont été plafonnées à 7,6 milliards d'euros en 2005, contre 7,4 environ en 2004. La norme de dépense a été arrêtée au mois de septembre.

Votre Rapporteur spécial, a demandé depuis quand cette norme s'applique au ministère de la défense.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a affirmé qu'il l'avait toujours connue.

M. Michel Bouvard, Président de la Commission, a rappelé que l'exercice 2005 relevant toujours du cadre des ordonnances de 1959, quand bien même la loi de règlement est l'occasion de vérifier les résultats des expérimentations en format LOLF, il n'est pas surprenant de voir encore peser bon nombre de procédures du passé. Pour autant, les interrogations de M. Charles de Courson sont fondées.

M. Charles de Courson a souhaité savoir quelles conséquences ont été tirées de la décision de Bercy de plafonner le programme Équipement des forces à 7,4 milliards d'euros en 2004, puis à 7,6 milliards d'euros en 2005. A-t-il fallu bloquer certains programmes ?

M. Michel Bouvard, Président, s'est enquis du coût des éventuels intérêts de retard.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a fait observer que ces programmes ne se caractérisent pas par des temps de réaction très courts et que la visibilité sur les ressources peut être notablement améliorée. En attendant, il faut rediscuter les contrats, et ne pas lancer de développements supplémentaires, au prix de difficiles renégociations avec les industriels, qui auront coûté au total quelque 200 millions d'euros en 2004 - le problème ne s'est pas posé en 2005. À supposer qu'une norme de dépense radicale intervienne en août ou septembre, il n'y aura pratiquement aucune marge de manœuvre - une petite centaine de millions d'euros tout au plus.

M. Charles de Courson a effectivement relevé qu'un calcul, rustique mais efficace, fait apparaître que 7,631 milliards d'euros ont été dépensés sur le programme 146 alors que le report de charges atteint 1,297 milliard d'euros, soit un total de 8,128 milliards d'euros, ce qui correspond exactement au montant des crédits ouverts ! Autrement dit, on cesse de dépenser à partir de septembre, mais on continue matériellement de dépenser, le DGA admettant lui-même que sa marge de manœuvre ne dépasse pas 100 millions. Peut-on dans ces conditions parler de respect du vote du Parlement ?

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a admis la frustration que peut en éprouver un parlementaire, tout en insistant sur le fait qu'un contrat d'armement est une affaire très complexe qui s'étend généralement sur une période de cinq à dix ans. Il est certes possible de renégocier, mais ne pas payer l'industriel expose inévitablement à des intérêts moratoires. Tout au plus peut-on rogner sur certaines prestations, autrement dit sur quelques centaines de millions d'euros.

M. Charles de Courson a insisté sur le fait que, quand bien même les exercices en cause sont juridiquement hors LOLF, ces pratiques sont totalement contraires à l'esprit et à la lettre de la loi organique, et l'on persiste dans la politique de Gribouille.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a convenu qu'une grande visibilité est plus que jamais nécessaire. Le principe d'annoncer une certaine réserve en début d'année permet d'agir, à condition de ne pas en changer fondamentalement le montant par la suite sous peine s'exposer à de sérieuses difficultés.

Votre Rapporteur spécial, a signalé que les intérêts moratoires payés ont progressé de 18,6 % entre 2004 et 2005 : la hausse atteint même 66 % par rapport à 2003... Parviendra-t-on à contenir cette progression ?

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a fait remarquer que les intérêts moratoires payés par la DGA n'ont pas augmenté.

M. Charles de Courson a demandé si les entreprises exigent réellement le paiement intérêts moratoires auxquels la loi leur donne droit.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a assuré qu'elles le faisaient systématiquement. Le fait que la DGA n'en ait pas versé en 2005 prouve simplement que la gestion de cet exercice a été très supérieure à celle de 2004.

M. Charles de Courson a relevé que le rythme des dépenses d'investissements du premier trimestre 2005 a été nettement plus soutenu qu'à l'accoutumée.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a expliqué que les procédures permettent désormais de payer plus tôt. Le phénomène s'est atténué en 2006.

Votre Rapporteur spécial, a noté que le taux de consommation des crédits du programme Équipement des forces est de 85,5 %, mais seulement de 69 % pour l'action « préparation et conduite des opérations d'armement ». Comment s'explique ce moins bon résultat ?

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a fait observer que d'autres sont à 105 %, voire à 110 %.

M. Charles de Courson a considéré que le taux de consommation du programme Équipement des forces est en fait de 100 % si l'on prend en compte les reports de charge. Le taux de 85,5 % n'est qu'une illusion comptable.

Le général Thierry Cambournac a confirmé que ce chiffre est la conséquence directe de l'application de la norme de dépense, le ministère étant bien obligé de payer les soldes et les opérations. Elle ne s'applique ni au titre II ni au titre III et ce sont les équipements, autrement dit le programme 146, qui en subissent les effets les plus marquées. On ne sait toujours pas à quel moment elle tombera en 2006.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a reconnu que cette mauvaise exécution était directement liée au souci de ne pas dépenser l'argent, faute d'en avoir l'autorisation.

Votre Rapporteur spécial, a rappelé que les AP non engagées au 31 décembre 2005 - 6 milliards d'euros - ne pouvant pas en tant que telles être reportées, il fallait que des autorisations d'engagement soient ouvertes en 2006. Où en sont les discussions sur ce point avec la direction du budget ?

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a annoncé qu'un accord de principe avait été obtenu sur la transformation de ces AP en AE, pour peu que le ministère de la défense justifie, au cas par cas, de leur emploi effectif. En attendant, l'engagement de ces 6,3 milliards d'euros a été provisoirement gagé sur des autorisations d'engagement de 2006. Il y a tout lieu d'être optimiste.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a souligné qu'il était préférable du point de vue de la visibilité d'avoir une autorisation en bloc plutôt que de devoir à chaque fois reposer la question.

M. Charles de Courson s'est demandé, à supposer que le déblocage intervienne en août ou septembre, s'il serait possible d'engager ces cinq ou six milliards avant la fin de l'année ? Se pose également la question du comportement du contrôleur financier. Certains prônent la suppression de cette institution archaïque, d'autres souhaitent la maintenir en la réformant. Le visa systématique du contrôleur financier est-il toujours requis ?

M. Louis Giscard d'Estaing, tout en prenant bonne note des espoirs du CEMA quant à l'engagement des 6,3 milliards d'euros, moyennant justification de leur emploi effectif, s'est inquiété de l'articulation entre les programmes en cours et les équipements correspondant aux AE en question. De quels matériels s'agit-il ?

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a fait observer que des commandes très importantes devaient être lancées avant la fin de l'année, notamment dans le cadre du programme de sous-marins Barracuda. Celui des frégates multimissions avait nécessité d'engager 4 milliards d'euros en 2005. Quant au contrôleur financier, il reste très présent : toute modification sur les opérations de plus de 15 millions d'euros est soumise à son visa et il a la capacité d'interrompre à tout moment l'exécution d'un crédit. Rien de ce point de vue n'a changé, en tout cas au niveau de l'état-major des armées.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a ajouté qu'il en était de même à la DGA. Il serait en l'état actuel des choses parfaitement possible d'engager 10,5 milliards d'euros. La régulation viendra soit des autorisations d'engagement disponibles, soit de la norme de dépense - auquel cas l'effet sera immédiat : la commande n'aura pas lieu si l'argent n'est pas là. En théorie, les objectifs du DGA sont de 10,5 milliards ; en fait, ce sera inférieur.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a rappelé que toute limitation de la consommation des CP par le jeu de la norme de dépense contraignait, par effet mécanique, à réduire également une partie des engagements, ne serait-ce que parce que ceux-ci génèrent immédiatement des crédits de paiement.

Votre Rapporteur spécial, a demandé pourquoi la réalisation des programmes fait apparaître un retard pour l'armée de l'air. Si les deux objectifs du programme 146 sont indubitablement des indicateurs de l'action de la DGA, peut-on dire qu'ils rendent compte de celle du CEMA ? Peut-on les considérer comme réellement pertinents, alors qu'ils mélangent des petits programmes et d'autres pesant plusieurs milliards ?

Le général Thierry Cambournac a expliqué que le nombre de jalons utilisés pour mesurer la performance en 2005 ayant été de 14 pour l'armée de l'air contre 22 et 23 dans les deux autres armées, un jalon non passé y pèse fatalement plus lourd, d'où un effet de déformation, mathématique.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a précisé qu'un indicateur de livraison financière est actuellement mis à l'épreuve, mais il a le défaut de ne retracer que la fin du processus. Trouver l'indicateur idéal est un exercice difficile, et sans cesse améliorable.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a admis qu'il n'était pas simple d'évaluer la permanence du CEMA pour ce qui touche au programme 146, alors qu'il est beaucoup plus aisé de l'évaluer chaque jour sur les théâtres d'opérations. La question se pose d'abord de savoir si les besoins capacitaires sont correctement spécifiés - revenir à plusieurs reprises sur des spécifications n'est généralement pas bon signe, à moins que les conditions d'engagement aient changé, en Afghanistan par exemple, et amènent à modifier les programmes en conséquence -, ensuite de s'assurer de la capacité de l'industrie française et européenne à faire face aux besoins ainsi exprimés. Cela dit, l'évaluation des performances du CEMA et de son équipe porte avant tout sur la pertinence des choix capacitaires opérés au moment des arbitrages ; or, celle-ci ne se révèle que sur le long terme. Il a fallu attendre 1939 pour s'apercevoir que les choix de Gamelin en 1936 avaient été mauvais...

M. Charles de Courson a constaté que la « fiche programme », c'est-à-dire la définition du besoin exprimé, pouvait être un indicateur d'autant plus intéressant qu'elle est désormais accompagnée d'un besoin estimé, en retraçant l'évolution « longitudinale » - et non plus année après année - du programme : respect des enveloppes, nombre des redéfinitions et des avenants introduits en conséquence, incidence des éventuels étalements de paiement, etc.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a convenu que, jusqu'à présent, aucun programme n'a fait l'objet d'une évaluation de son coût global par rapport aux prévisions initiales. En cas d'étalement excessif, il devient très difficile de savoir à qui imputer les surcoûts. Une des principales difficultés pour la DGA tient à l'insertion de plus en plus fréquente de composants électroniques ou informatiques sophistiqués, qui entraîne un vieillissement accéléré des équipements. Près du tiers de nos avions de combats sont ainsi en cours de traitement du fait de leur obsolescence et les systèmes de commandement doivent être renouvelés tous les deux ou trois ans. Dès lors, l'estimation du coût d'un programme au départ devient une affaire de plus en plus difficile, tout comme l'évaluation des incidences des éventuelles erreurs d'appréciation dont le CEMA serait à l'origine.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que, quelles que soient les conséquences de la LOLF en termes d'émiettement des programmes, la loi de programmation militaire reste un élément important dans l'information du Parlement sur la mise en œuvre des crédits de la défense. Or, à croire la Cour des comptes, aucun rapport annuel d'exécution n'a été produit depuis 2003. On peut également s'interroger sur certaines affectations au titre de programmes qui sembleraient plutôt relever du programme 146 : ainsi en est-il des actions « environnement et prospective de la politique de défense », qui ont reçu les crédits d'études, ou des actions « préparation et emploi des forces » qu'il n'aurait pas été absurde de retrouver dans le programme « Équipement des forces »...

Le découpage des BOP n'a donné lieu à pratiquement aucune répartition des personnels au niveau du programme 146. Faut-il réellement y voir une incapacité technique ? La mise en place de la LOLF a-t-elle incité à moderniser la gestion des ressources humaines de la DGA ? Certains BOP sont regroupés autour d'un même responsable, contrairement à ce que laisserait penser la logique du système. Cette organisation a-t-elle vocation à se pérenniser, en contradiction avec l'esprit de la loi organique ?

Enfin, l'émergence de la LOLF a-t-elle amené le ministère et singulièrement la DGA à remanier leurs méthodes en matière de contrôle de gestion ? Sera-t-il réellement possible de renseigner les indicateurs qui figurent dans le PAP 2006 ? Est-il exact, comme le mentionne le rapport de la Cour des comptes, que certains indicateurs ne pourront pas être renseignés avant la mise en place de CHORUS, laquelle n'interviendra pas avant 2009 ?

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a assuré que la DGA tire elle aussi les conséquences de la LOLF. Les dix BOP auront chacun un responsable d'ici à quelques jours, ce qui mettra fin à une répartition transitoire héritée de l'ancienne organisation de la DGA en cinq services. Cette nouvelle organisation, d'ores et déjà opérationnelle, sera définitivement formalisée dans les deux à trois mois qui viennent.

Le contrôle de gestion fonctionnait tout à fait correctement ; les coûts de la DGA ont été décomposés entre les principaux programmes - 146, 144, 178 et 212 - et chaque BOP pertinent identifié. Le tableau de bord ainsi remanié correspond strictement à la LOLF.

Au-delà de la répartition des effectifs par BOP, la question qui se pose est celle des coûts de la DGA par paquet de programmes ou par BOP : elle n'a pas encore trouvé réponse, l'administration ne disposant pas encore des outils de comptabilité analytique couramment utilisés dans l'industrie. Un prototype a été mis au point, mais un gros travail reste à faire pour cerner exactement les coûts de la DGA par paquet de programmes ou par BOP avant de les comparer à ceux de ses homologues étrangers. Sont néanmoins d'ores et déjà connus les coûts d'intervention de la DGA hors pensions, qui baissent ou restent constants, ce qui traduit une amélioration significative de la productivité. Encore conviendra-t-il de les répartir par programmes et d'intégrer le montant des pensions.

Le CHORUS que connaît la DGA est un système de gestion des ressources humaines qui fonctionne d'ores et déjà tout à fait convenablement sur 73 programmes identifiés. Il ne pose aucun souci particulier. Pour ce qui est de la disparition, réelle ou supposée, du rapport annuel d'exécution de la loi de programmation militaire, le fait est que le DGA présente le sujet tous les trois mois devant la commission de la Défense. L'Assemblée nationale en a donc un compte rendu régulier.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a ajouté que rien n'interdit d'assurer la même prestation devant la commission des Finances. Au demeurant, la Cour des comptes produit elle-même un rapport annuel.

M. Michel Bouvard, Président, a précisé que c'est précisément dans ce rapport que la Cour se plaint de manquer d'éléments d'appréciation.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a convenu que les études amont notamment étaient imputées au programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense. L'imputation des actions de maintien en condition opérationnelle au programme 178 Préparation et emploi des forces et non dans le programme 146 s'explique le souci de protéger ces crédits contre tout risque d'amputation à l'occasion d'éventuels arbitrages, comme cela a été souvent le cas par le passé. À cela s'ajoute le fait que le maintien en conditions opérationnelles est directement lié à l'emploi des forces et reste, en dépit de la création de la SIMMAD pour le matériel aéronautique, encore très largement lié à l'organisation propre de chaque armée disposant chacun de services propres. Personne ne peut nier le lien très étroit qui existe entre le maintien en condition opérationnelle et les opérations d'armement, à tel point que la DGA s'efforce désormais d'inclure une partie du maintien en condition opérationnelle dans la négociation des contrats.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que les OPEX sont historiquement sous-dotées, même si un effort modeste avait été accompli depuis quelques années. Qui plus est, un prélèvement a été effectué sur les OPEX pour abonder la participation du ministère de défense au plan Banlieues... Peut-on évaluer les besoins à satisfaire d'ici à la fin de l'exercice par rapport aux crédits déjà inscrits ?

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a prévenu qu'une forte incertitude était liée à l'intervention de l'Union européenne au Congo : son coût restera limité tant que les troupes françaises resteront au Gabon, mais il pourrait considérablement s'élever si elles sont amenées à intervenir sur place. En tout état de cause, le coût des OPEX devrait avoisiner 650 millions d'euros ; 175 millions d'euros seulement ayant été inscrits, il faudra trouver 475 millions supplémentaires.

M. Charles de Courson a fait observer que d'autres chapitres pouvaient avoir sensiblement augmenté : ainsi le coût des carburants, même si le service des essences n'a pas si mal géré ses approvisionnements. Tout le monde s'était accordé sur la nécessité d'affecter au moins 300 à 350 millions d'euros supplémentaires aux OPEX ; à cause du plan Banlieues, il en faut désormais 475, que l'on dégagera, comme à l'ordinaire, par redéploiement au détriment du programme 146 - sans compter les évolutions qu'auront pu connaître d'autres chapitres.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a confié qu'il ne devrait pas y avoir d'autres surcoûts prévisibles en dehors des OPEX et des carburants - entre 100 et 130 millions d'euros - si les cours se maintiennent au niveau actuel. La masse salariale sera maîtrisée. Toutefois, les réserves du service des essences des armées ont été totalement reconstituées : il reste une certaine marge, sans toucher aux stocks stratégiques.

M. Charles de Courson en a déduit qu'il faudrait redéployer environ 600 millions d'euros, soit la différence entre ce qui a été inscrit au titre des équipements et ce qu'il sera possible de lancer, dans l'hypothèse d'un déblocage de crédits en septembre.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a estimé que les besoins pourraient être inférieurs, compte tenu de la reconstitution des stocks de carburant. Pour les OPEX en revanche, le problème demeure entier.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

Au cours de la même séance, la Commission a examiné l'exécution en 2005 des crédits correspondant au programme Équipement des forces.

Après l'exposé de votre Rapporteur spécial, M. Michel Bouvard, Président, a souligné que le problème de la pertinence des indicateurs concerne un grand nombre d'autres programmes. Cependant, inventer des indicateurs plus séduisants n'est pas une fin en soi : il faut que les ministères disposent des éléments pour les renseigner. Par ailleurs, il est tout à fait étonnant que l'on puisse considérer qu'une audition devant la commission de la Défense satisfasse une obligation législative de déposer un rapport annuel sur l'exécution de la loi de programmation militaire.

M. Louis Giscard d'Estaing a souhaité que des réunions de travail conjointes avec la commission de la Défense soient organisées. On pourrait même imaginer qu'en matière budgétaire une commission élargie examine les crédits de la mission « Défense ».

M. Michel Bouvard, Président, a convenu que des réunions conjointes avec la commission de la Défense pourraient être envisagées. Il convient également que la commission des Finances identifie, au sein du budget de l'État, quelques programmes « sensibles » auxquels elle s'intéresserait plus particulièrement, à l'image de l'identification par les préfets de BOP « à enjeux ».

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a indiqué que le suivi de l'exécution des crédits est souvent perçu comme une tâche ingrate par les autres commissions, qui ne s'investissent guère dans la loi de règlement, de sorte que peu de leurs membres participent aux réunions de la commission des Finances. Celle-ci doit compter avant tout sur ses propres forces. Le principal enjeu de la gestion du budget de la Défense réside dans le montant des reports de crédits. Sur les 5 milliards d'euros de crédits reportés sur l'exécution 2006 pour l'ensemble du budget de l'État, 2 milliards d'euros concernent la seule Défense.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que ces reports de crédits concernent essentiellement le programme Équipement des forces.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, s'est interrogé sur le financement des opérations extérieures en 2006. En effet, il est envisagé que le montant des crédits de report consommés en 2006 comprenne le besoin supplémentaire destiné à ce financement.

M. Michel Bouvard, Président, a répondu qu'à l'évidence, cette question n'est pas tranchée.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport spécial.

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N° 3155 annexe 1 - Rapport de M. Gilles Carrez au nom de la commission des finances sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 : Equipement des forces

1 () Dans ce rapport, votre Rapporteur spécial présentera donc l'exécution des crédits relevant du périmètre du programme « Équipement des forces », tout en formulant des remarques sur l'exécution du budget d'équipement de la Défense, c'est-à-dire les titres V et VI selon la nomenclature de l'ordonnance n°59-2. Dès lors qu'il adoptera ce point de vue, votre Rapporteur spécial précisera entre parenthèse la nomenclature à laquelle il se réfère.


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