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N° 291

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2007.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

sur l’avenir de la politique étrangère et de sécurité commune

et sur son financement

M. Roland BLUM,

Député

INTRODUCTION 5

I – LES CARACTÉRISTIQUES DU PROJET DE BUDGET EUROPEEN POUR 2008 6

A – LE PROJET DE BUDGET EUROPÉEN POUR 2008 TRADUIT LES NOUVELLES PRIORITÉS POLITIQUES DÉFINIES DANS LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE 2007-2013 6

1) L’état d’avancement de la négociation sur le budget 2008 6

a) L’avant-projet de budget présenté par la Commission au printemps 2007 6

b) Le projet de budget établi par le Conseil en juillet 2007 7

c) L’examen par le Parlement européen 9

2) La clause de rendez-vous de réexamen des perspectives financières 10

a) La consultation lancée par la Commission européenne 10

b) La position française 11

B – LA CONTRIBUTION DE LA FRANCE AU BUDGET EUROPÉEN 13

1) L’exercice 2007 : 16,8 milliards d’euros exécutés sur 18,7 milliards prévus initialement 13

2) Le prélèvement sur recettes prévu par le projet de loi de finances pour 2008 14

3) La France, contributrice nette au budget européen 14

a) La France : 2e pays contributeur net 14

b) … mais 1er bénéficiaire des fonds européens 16

II - L’AVENIR DE LA PESC ET DE SON FINANCEMENT 17

A – LE BUDGET DE LA PESC : UN MONTANT DÉRISOIRE AU REGARD DE L’AMBITION DES OBJECTIFS AFFICHÉS 17

1) Des crédits insuffisants, malgré une augmentation significative dans le cadre des perspectives financières 2007-2013 17

a) Les crédits de la PESC représentent moins de 0,1 % du budget européen 17

b) L’affectation des crédits de la PESC 21

2) Une insuffisance budgétaire qui provoque une complexité des circuits financiers 22

a) La coexistence avec l'« Instrument de stabilité » 22

b) La complexité des circuits institutionnels et financiers dans le domaine de la PESC 23

B – LA PERSPECTIVE DE L’ENTRÉE EN VIGUEUR DU TRAITÉ MODIFICATIF IMPOSE DE DÉFINIR, POUR L’AVENIR DE LA PESC, UN JUSTE ÉQUILIBRE ENTRE LES LOGIQUES INTERGOUVERNEMENTALE ET SUPRANATIONALE 25

1) Les conséquences institutionnelles de la création d’un Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité 25

a) Les implications des la « double casquette » 26

b) La création d’un « service européen d’action extérieure » 27

2) La question du contrôle politique de la PESC 30

a) L’avenir des compétences du Parlement européen dans le domaine de la PESC 30

b) Au niveau national : le contrôle exercé par les parlements nationaux 32

CONCLUSION 35

EXAMEN EN COMMISSION 37

ANNEXE : Liste des personnalités auditionnées 39

Mesdames, Messieurs,

Après deux années de blocages et de doutes, la construction de l’Union européenne semble sortir de l’impasse institutionnelle dans laquelle elle se trouvait depuis les référendums négatifs français et néerlandais du printemps 2005.

Le Conseil européen du mois de juin dernier a marqué le retour de la France en Europe, à quelques mois de notre présidence du second semestre 2008. La présidence française devra œuvrer à bâtir une position commune de l’Europe sur des questions aussi essentielles que le changement climatique et les enjeux énergétiques, l’amélioration de la croissance et de l’emploi, la lutte contre le terrorisme, le risque de prolifération nucléaire ou encore la gestion des flux migratoires.

Les rendez-vous européens ne manqueront pas en 2008. Le traité modificatif, s’il est signé par les Chefs d’Etat et de Gouvernement d’ici au mois de décembre, devra être ratifié dans chacun des 27 Etats membres pour entrer en vigueur dès le 1er janvier 2009. Des projets stratégiques devront également progresser sur la voie de leur concrétisation, à commencer par le système Galiléo de radionavigation par satellite. Des négociations importantes devraient également s’ouvrir sur le réexamen du cadre financier pluriannuel 2007-2013 et sur l’avenir de la politique agricole commune. De nouvelles idées ont également été lancées, à l’instar du projet d’Union méditerranéenne que le Président Nicolas Sarkozy appelle de ses vœux.

Le projet de budget européen pour 2008 traduit les priorités politiques de l’Union européenne telles qu’elles ont été définies lors de l’adoption des perspectives financières 2007-2013. Le projet de loi de finances pour 2008 qui est soumis à notre examen contient, comme chaque année, un article fixant l’évaluation du prélèvement sur recettes que la France versera aux Communautés européennes au titre de sa contribution au budget européen.

Au-delà de la présentation des grandes lignes du budget européen et de l’évolution de la participation financière de la France à l’Europe, votre Rapporteur a souhaité cette année porter son attention sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Face à la montée des tensions internationales et du radicalisme, chacun s’accorde à reconnaître le besoin de renforcer la place de l’Europe dans le monde pour œuvrer à la stabilité internationale et à la promotion de nos valeurs. Mais force est de constater que les obstacles – en particulier budgétaires – freinent l’action de l’Europe dans le monde et sa capacité à faire de sa puissance économique une puissance politique.

I – LES CARACTÉRISTIQUES DU PROJET DE BUDGET EUROPEEN POUR 2008

A – Le projet de budget européen pour 2008 traduit les nouvelles priorités politiques définies dans la programmation budgétaire 2007-2013

1) L’état d’avancement de la négociation sur le budget 2008

a) L’avant-projet de budget présenté par la Commission au printemps 2007

Le budget général de l’Union européenne pour l’année 2008 sera le deuxième budget d’application du cadre financier pluriannuel 2007-2013. L’avant-projet présenté par la Commission s’élevait à 129,2 milliards d’euros en crédits d’engagement, soit 1,03 du revenu brut disponible de l’Union (RNB). En crédits de paiement, cet avant-projet s’élevait à 121,6 milliards d’euros, soit 0,97 % du RNB, légèrement en dessous du seuil des 1 % accepté par les Etats membres lors des négociations sur les perspectives financières, mais en hausse de 5,3 % par rapport au budget 2007.

Cet avant-projet de budget se caractérise par la prise en compte des priorités de la programmation budgétaire 2007-2013, comme en témoigne l’augmentation de 4,2 % des dépenses envisagées en faveur de la croissance et de l’emploi, qui représentent désormais 44,2 % du budget contre 43,6 % pour les dépenses consacrées à la politique agricole commune et à la protection et à la gestion des ressources naturelles.

L’avant-projet de budget s’articule autour de rubriques pour lesquelles les crédits envisagés sont les suivants :

– rubrique 1 (« Croissance et emploi ») : 57,2 milliards d'euros sont prévus pour les politiques se rapportant à la croissance et à l'emploi, soit 2,3 milliards (+ 4,2 %) de plus qu'en 2007. En particulier, les dépenses en faveur de la recherche augmentent d'environ 11 %, les investissements dans les réseaux transeuropéens de transport et d'énergie de 14 % et les crédits destinés aux programmes « Éducation et formation tout au long de la vie » de 9 % (une augmentation de 63,5 % étant prévue pour le programme Erasmus Mundus). En outre, les nouveaux programmes en faveur de la cohésion à travers l'Europe vont entrer en application, ce qui va accroître les dépenses dans ce domaine de près de 1,4 milliard d'euros, soit 3,1 %, le Fonds de cohésion consacré aux grands projets d'infrastructure augmentant quant à lui de plus de 14 % en 2008;

– rubrique 2 (« Conservation et gestion des ressources naturelles »): les crédits proposés pour cette rubrique s'élèvent à 56,3 milliards d'euros, soit un chiffre qui reste stable par rapport à 2007. Cette stabilité ne devrait pas masquer les changements progressifs que connaît ce domaine politique: si les dépenses relatives au marché et les aides directes aux agriculteurs ne diminuent que de 0,5 %, passant à 42,5 milliards d'euros, les crédits en faveur des programmes de développement rural continuent à croître, atteignant plus de 12,5 milliards d'euros, soit une hausse de 1,6 %. Les dépenses en faveur du principal programme de protection de l'environnement de l'Union, LIFE+, augmentent de 11 % pour s'établir à 267 millions d'euros. De nombreuses autres politiques de l'Union contribuent à l'environnement, notamment la recherche ;

– rubrique 3a (« Liberté, sécurité et justice »): les dépenses pour cette rubrique augmentent de 10,8 %, pour atteindre 691 millions d'euros. L'augmentation la plus nette (24 %) est attribuée à la gestion des flux migratoires, dont le montant s'élève à plus de 390 millions d'euros ;

– rubrique 3b (« Citoyenneté »): les programmes pour la citoyenneté atteignent près de 600 millions d'euros, ce qui constitue une hausse de 11 % par rapport à 2007 si l'on exclut deux postes financés à titre exceptionnel en 2007 (la facilité transitoire pour la Roumanie et la Bulgarie et la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne visant à aider différents États membres touchés par des catastrophes naturelles imprévisibles). En particulier, les programmes de santé publique et de protection des consommateurs augmentent de 15 %, le programme L'Europe pour les citoyens de 18 % et le programme MEDIA de près de 21 % ;

– rubrique 4 (« Relations extérieures ») : les actions extérieures contribuent à asseoir l'influence de l'Union européenne sur la scène mondiale avec des programmes d'une valeur supérieure à 6,9 milliards d'euros, soit une hausse de 1,5 % par rapport à 2007. Le financement de la politique étrangère et de sécurité commune dépasse le seuil des 200 millions d'euros, ce qui constitue une augmentation de 26 %, tandis que la coopération au développement continue à représenter le principal poste budgétaire de cette rubrique, avec 2,2 milliards d'euros, soit une hausse de 1,9 % ;

– rubrique 5 (« Dépenses administratives ») : 7,3 milliards d'euros (5,6 % du budget) sont affectés aux dépenses d'administration. Les dépenses administratives pour la Commission augmentent moins que le reste du budget, à hauteur de 4,1 %, y compris les nouveaux postes nécessaires pour les récents élargissements.

b) Le projet de budget établi par le Conseil en juillet 2007

Le Conseil « Ecofin » du 13 juillet 2007 a examiné l’avant-projet de budget présenté par la Commission. Le niveau des crédits d’engagement a été diminué de 717 millions d’euros par rapport à l’avant-projet de la Commission.

Pour l’essentiel, les gouvernements des 27 Etats membres ont apporté les modifications suivantes :

– le Conseil a adopté un projet de budget portant sur 128,4 milliards d’euros en crédits d’engagement (0,97% du RNB) et 119,4 milliards d’euros en crédits de paiement (0,95% du RNB). Les réductions sont respectivement de 717 millions d’euros en crédits d’engagement et 2,12 milliards d’euros en crédits de paiement par rapport à la proposition de la Commission ;

– les coupes de 2,12 milliards d’euros en crédits de paiement proviennent pour 548 millions d’euros de la Rubrique 1A (« compétitivité »), pour 498 millions d’euros de la Rubrique 1B (« Cohésion ») et pour 553 millions d’euros de la Rubrique 2 (« ressources naturelles ») ;

– le Conseil a appliqué une coupe linéaire de 250 millions d’euros sur la quasi totalité des lignes de la Rubrique 1A (notamment recherche et réseaux de transport européens) pour porter la marge sous plafond à 343 millions d’euros afin de financer Galiléo (1);

–  s’agissant des dépenses administratives, le Conseil a procédé à un abattement de 96 millions d’euros sur la base de principes de bonne gestion (notamment le fait que la Commission ne puisse pas réutiliser des postes transférés à des agences exécutives) ;

– dans le domaine de la PESC, le Conseil a décidé de constituer une réserve de 80 millions d’euros pour la Palestine et de 180 millions d’euros pour le Kosovo. Il en résulte une augmentation des crédits d’engagement de la rubrique « actions extérieures » par rapport à l’avant projet de budget présenté par la Commission.

Source : PLF 2008, Relations avec l’Union européenne

c) L’examen par le Parlement européen

L’examen en première lecture au Parlement européen aura lieu en séance plénière du 22 au 25 octobre 2007.

Lors de la réunion du trilogue budgétaire (2), le 6 juillet 2007, la délégation du Parlement européen, constituée des deux rapporteurs, M. Kyösti Virrankoski (ADLE, Finlandais) et M. Ville Itälaä (PPE-DE, Finlandais) et du président de la Commission des budgets, M. Reimer Böge (PPE-DE, Allemand), a protesté contre les diminutions de crédits souhaitées par le Conseil, en particulier celles prévues en rubrique 1A (recherche).

Les députés européens ont souligné la nécessité de parvenir à un accord sur le financement de Galileo et de l’Institut européen de technologie. Ils ont pris note de l’inscription en réserve, suggérée par le Conseil, de fonds supplémentaires pour la Palestine et le Kosovo, mais ont souligné que cet effort financier ne devait pas se faire au détriment des aides traditionnelles de l’Union européenne en faveurs des pays tiers.

Les réductions effectuées par le Conseil dans le domaine de la compétitivité pour la croissance et l'emploi et les réductions en matière de paiements au titre de la cohésion ont été vivement critiquées par le Parlement. Les principales critiques concernent la réduction des crédits de la rubrique « Compétitivité pour la croissance et l'emploi » relatifs à la recherche et l’innovation.

2) La clause de rendez-vous de réexamen des perspectives financières

L’accord du Conseil européen de décembre 2005 sur les perspectives financières 2007-2013 n’a pu être obtenu qu’au prix de l’insertion d’une « clause de réexamen », qui fut considérée à l’époque par la présidence britannique comme le point d’équilibre de l’accord. Cette clause de réexamen figure dans les conclusions du Conseil européen qui indiquent que « l’Union devrait réévaluer l’ensemble du cadre financier, pour ce qui concerne tant les recettes que les dépenses, afin de poursuivre et de renforcer la modernisation de manière continue. Le Conseil européen invite la Commission à entreprendre un réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l’UE, y compris la PAC, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni, et à en faire rapport en 2008-2009. Se fondant sur ce réexamen, le Conseil européen pourra prendre des décisions sur toutes les questions qui y sont traitées. Ce réexamen sera également pris en considération dans le cadre des travaux préparatoires sur les prochaines perspectives financières ».

a) La consultation lancée par la Commission européenne

La Commission européenne a adopté le 12 septembre 2007 un document lançant la consultation publique sur la réforme à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (3). Ce document, qui doit contribuer à structurer le débat public sur la réforme du budget européen pose notamment les questions suivantes :

– Le budget européen est-il suffisamment adaptable à l’évolution des besoins ?

– Quels critères faut-il utiliser pour garantir l’application efficace du principe de « valeur ajoutée » européenne ?

– Comment traduire de manière appropriée les objectifs politiques en priorités de dépenses ? Quels sont les changements nécessaires ?

– Comment améliorer l’efficacité de l’exécution budgétaire ?

– Quels principes doivent sous-tendre le volet des recettes du budget et comment les traduire dans le système des ressources propres ?

– Le maintien des mécanismes de correction ou de compensation se justifie-t-il ?

– Quel lien faut-il établir entre les citoyens et le financement du budget européen ?

Ce document de consultation devrait être suivi vers la fin de l’année 2008 ou le début de l’année 2009 d’un Livre blanc qui servira de base aux propositions relatives au nouveau cadre financier.

Un réexamen des perspectives financières pourrait s’orienter autour de trois axes :

– résoudre les problèmes qui n’ont pu être réglés de manière satisfaisante lors de la négociation des perspectives financières 2007-2013 ;

– évaluer à mi-parcours les nouveaux programmes mis en œuvre depuis l’exercice budgétaire 2007 ;

– jeter les bases d’un nouveau cadre financier pluriannuel pour la période postérieure à 2013.

b) La position française

La France a toujours affirmé que la clause de réexamen de devait pas être détournée de ses fins pour rouvrir le débat sur les perspectives financières 2007-2013. En effet, l’accord obtenu au Conseil européen de décembre 2005, après de longs mois de négociation, ne doit pas voler en éclats à l’issue de l’exercice de réexamen auquel vont se livrer les Etats membres. Cela signifie que la clause de réexamen ne doit pas avoir d’incidence budgétaire avant 2013 et, en particulier, ne doit pas servir de prétexte à une révision de l’équilibre actuel entre les différentes rubriques du budget (PAC, politique de cohésion, etc.).

Compte tenu du calendrier de consultation annoncé par la Commission, il pourrait appartenir à la présidence française du second semestre 2008 d’orienter les premiers débats du Conseil sur le réexamen des perspectives financières.

B – La contribution de la France au budget européen

1) L’exercice 2007 : 16,8 milliards d’euros exécutés sur 18,7 milliards prévus initialement

La sous exécution importante du budget européen pour 2006, s’agissant notamment des réseaux transeuropéens et de la politique de recherche, va provoquer une baisse sensible de la contribution de la France au budget européen en 2007 au regard des prévisions du PLF 2007. En effet, compte tenu des éléments connus à ce stade de l’exercice budgétaire, la prévision de prélèvement sur recettes pour 2007 s’élèverait à 16,8 milliards d’euros au lieu des 18,7 milliards d’euros prévus initialement, soit une diminution de 1,8 milliard d’euros.

La sous-consommation des crédits 2006 de la politique de recherche et des réseaux transeuropéens provient en partie de contraintes juridiques mais aussi du caractère d’année charnière de l’exercice 2006 qui fut la dernière année de mise en œuvre du cadre financière pluriannuel 2000-2006.

Cette réduction non prévue du prélèvement sur recettes en 2007 devrait contribuer à la maîtrise du déficit public en 2007 pour atteindre l’objectif d’un solde de – 2,4 % du PIB annoncé par le Président de la République à nos partenaires de l’Eurogroupe le 9 juillet 2007.

2) Le prélèvement sur recettes prévu par le projet de loi de finances pour 2008

Le montant du prélèvement sur recettes est estimé dans le PLF 2008 à 18,4 milliards d’euros. Cette somme est légèrement inférieure au montant découlant des calculs « théoriques » réalisés dans le cadre de la programmation financière 2007-2013 qui se serait élevée à 18,87 milliards d’euros. Or il est d’ores et déjà possible d’anticiper, s’agissant de l’exécution du budget 2007, une sous-exécution des crédits de la PAC compte tenu de la bonne tenue des cours agricoles, notamment pour les céréales.

3) La France, contributrice nette au budget européen

a) La France : 2e pays contributeur net

La méthode dite comptable permet de calculer le « solde net » par simple différence entre la contribution brute d’un Etat membre à l’Union européenne au titre de l’ensemble des ressources propres et le montant des dépenses communautaires effectuées dans cet Etat membre (y compris les dépenses administratives).

Si le calcul des soldes nets est un instrument utile pour déterminer le coût de l’appartenance à l’Union européenne, il ne saurait néanmoins devenir le seul point de référence de la négociation budgétaire du fait des limites intrinsèques du concept et de la vision purement comptable et nationale qu’il confère à la construction européenne. Cet exercice est en effet doublement limité :

– d’une part, du fait de l’impossibilité de répartir certaines dépenses entre Etats membres, notamment les dépenses effectuées au titre de la politique extérieure de l’Union européenne et les dépenses de préadhésion ;

– d’autre part, en raison de l’existence d’externalités positives non directement chiffrables, tels que les gains qu’entraîne l’appartenance à un marché unique ou ceux résultant, pour un Etat membre, de l’utilisation de fonds européens dans un autre Etat membre.

Une étude sur dix ans révèle une dégradation sensible du solde net de la France. Il représentait moins de 0,15 % du RNB en 2000 contre plus de 0,20 % depuis 2004, alors même que les nouveaux Etats membres ne bénéficient pas encore du niveau de retour que leur appartenance à l’Union européenne leur permet d’escompter.

Sur la période 2007-2013, notre contribution nette devrait être de -  0,37 % du PIB (soit 46,5 milliards d’euros) contre – 0,21 % en 2006.

Source : Commission européenne (rapport financier sur l’exécution du budget 2006)

b) … mais 1er bénéficiaire des fonds européens

Le rapport sur l’exécution du budget européen 2006 (4), publié le 24 septembre 2007, révèle que les dépenses effectuées dans les Etats membres de l’Union ont représenté 91 % des dépenses, soit 97,4 milliards d’euros. Les cinq pays les plus peuplés de l’Union ont bénéficié de 57,8 milliards d’euros, soit près de 60 % du total des dépenses budgétaires. Les Etats membres qui ont reçu le financement le plus important sont :

– la France (13,5 milliards d’euros) ;

– l’Espagne (12,9 milliards d’euros) ;

– l’Allemagne (12,2 milliards d’euros) ;

– l’Italie (10,9 milliards d’euros) ;

– le Royaume-Uni (8,3 milliards d’euros, hormis la correction budgétaire qui s’est élevée à 5,2 milliards d’euros en 2006).

Pour l’exercice 2006, la France apparaît ainsi – en termes absolus – comme le principal bénéficiaire des dépenses de l’Union. Cela s’explique par les importants « retours » perçus dans le cadre de la politique agricole commune : 10 milliards d’euros perçus (soit 20,3 % du total du budget agricole), loin devant l’Espagne et l’Allemagne (respectivement 13,4 % et 13,2 %), l’Italie (11 %) et le Royaume-Uni (8,7 %).

En termes absolus, le cadre financier pluriannuel 2007-2013 devrait permettre à la France de bénéficier d’un retour total de 90 milliards d’euros (en crédits d’engagement). Pour autant, la situation de la France en termes de « retour net » est appelée à se dégrader inexorablement sur la période 2007-2013 compte tenu des effets de la baisse de la part des dépenses de la PAC dans le budget européen et du « rabais sur le rabais » qui augmente, pour notre pays et pour l’Italie, le poids du chèque britannique. En effet, la France en finance 26 % alors qu’elle ne contribue qu’à 16 % des recettes de l’Union.

II - L’AVENIR DE LA PESC ET DE SON FINANCEMENT

La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) a été créée en 1992 avec le traité de Maastricht. Depuis une quinzaine d’années, cette politique – qui constitue le deuxième pilier intergouvernemental de l’Union – s’est progressivement développée avec l’entrée en vigueur des traités d’Amsterdam et de Nice. Le futur traité modificatif devrait – s’il est signé et ratifié – lui donner une nouvelle impulsion. Pour autant, la PESC doit encore asseoir sa crédibilité, tant politique que budgétaire. En effet, parmi les actions extérieures de l’Union, les crédits affectés à la PESC se révèlent très insuffisants au regard de l’ambition des objectifs affichés.

A – Le budget de la PESC : un montant dérisoire au regard de l’ambition des objectifs affichés

1) Des crédits insuffisants, malgré une augmentation significative dans le cadre des perspectives financières 2007-2013

a) Les crédits de la PESC représentent moins de 0,1 % du budget européen

Les crédits relatifs à la PESC figurent, dans le budget européen, au sein de la rubrique 4 consacrée aux actions extérieures de l’Union. Dans le projet de budget 2008 établi par le Conseil, la PESC ne représente que 200,3 millions d’euros au sein d’une rubrique dotée de plus de 6,5 milliards d’euros en crédits d’engagement. La PESC – moins de 0,1 % du budget total des Communautés européennes – ne correspond ainsi qu’à une infime partie du budget des actions extérieures de l’Union qui recouvrent notamment l’aide au développement, la politique de voisinage, les aides de préadhésion et la coopération avec les pays industrialisés.

Le très faible montant des ressources financières affectées à la PESC contraste avec l’ambition des objectifs assignés à cette politique, tels qu’ils sont énoncés à l’article 11 du traité sur l’Union européenne, à savoir :

– la sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux, de l’indépendance et de l’intégrité de l’Union, conformément aux principes de la charte des Nations unies ;

– le renforcement de la sécurité de l’Union sous toutes ses formes ;

– le maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale,

– la promotion de la coopération internationale ;

– le développement et le renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit, ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Il est bien entendu qu’au-delà de la PESC, d’autres politiques concourent à la mise en œuvre de ces objectifs. Néanmoins, un tel décalage entre le montant du budget affecté à la PESC et l’ambition des objectifs pèse sur la crédibilité de cette politique.

Au Sommet d’Hampton Court, en octobre 2005, la France a obtenu l’engagement de principe d’un accroissement progressif des moyens financiers de la PESC sur la période 2007-2013. Ainsi, le nouvel accord interinstitutionnel (AII) (5) conclu le 17 mai 2006 entre la Commission, le Parlement européen et le Conseil, prévoit qu’une enveloppe d’au moins 1,74 milliard d’euros sera disponible au titre de la PESC (rubrique 4 du budget) pour la période 2007-2013.

Il s’agit là d’une augmentation substantielle en comparaison avec les 55 millions d’euros annuels de la période précédente 2000-2006.

Répartition annuelle indicative des crédits du chapitre PESC de 2007 à 2013

(en application du cadre financier 2007-2013)

Engagements (millions €)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Total

PESC en prix 2004

150

185

220

250

285

310

340

1 740

PESC en prix courants

159,2

220,2

242,9

281,5

327,4

363,2

406,3

1 980,7

Malgré cette augmentation, les sommes inscrites sur le budget de la PESC demeurent marginales comparées aux 49 milliards d’euros dont dispose la Commission européenne en matière de relations extérieures pour la période 2007-2013 (aide au développement, coopération régionale, politique de voisinage).

Les instruments
de la politique étrangère et de sécurité commune

Les principaux organes de la PESC sont :    

le Comité politique et de sécurité (COPS) : mis en place par le traité de Nice, il est constitué des Ambassadeurs des Etats membres et détient un rôle central dans la préparation et le suivi des travaux de la PESC. Il est chargé de préparer les discussions politiques des ministres des Affaires étrangères et négocie des projets de conclusions. Il exerce également, sous l’autorité du Conseil des ministres, le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de gestion des crises ;

le Haut Représentant pour la PESC, attribution confiée au Secrétaire général du Conseil: mis en place par le Traité d'Amsterdam, son rôle est d'assister le Conseil en contribuant à l'élaboration et à la mise en œuvre des décisions politiques. Le Haut Représentant pour la PESC permet ainsi de donner un visage et une voix à la PESC. Il peut également agir  au nom du Conseil et à la demande de la Présidence, en conduisant le dialogue avec des tiers. M. Javier Solana a été désigné en 1999 pour 5 ans, et reconduit dans ses fonctions en juillet 2004. Il assume également la fonction de Secrétaire général de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) ;

les services au sein du Secrétariat général du Conseil : il existe des services liés à la PESC, qui sont tous rattachés directement au Secrétaire général du Conseil/Haut Représentant pour la PESC. On trouve en premier lieu l'Unité de planification de la politique et d'alerte rapide (UPPAR ou unité politique), composée de spécialistes des Etats membres, du Conseil des ministres, de la Commission européenne et de l'UEO et rattachée au Haut représentant pour la PESC. L'UPPAR fixe les priorités stratégiques de l'action de l'Union européenne et détermine les moyens pour les mettre en œuvre. On compte également l'Etat major de l'Union européenne (EMUE). Mis en place en 2001 par le Traité de Nice, il est l'organe militaire le plus important au sein du Conseil des ministres et fournit au COPS des recommandations et des conseils. On enfin relever un 3ème organe, le Centre de situation conjoint de l’Union européenne qui permet à l'Union de disposer d'un instrument permanent de veille, d'analyse et de réaction. Il est ainsi un outil de gestion de crises.

Ces structures sont placées sous l’autorité du Conseil européen et du Conseil des ministres (formation relations extérieures, CAG-relex).

S’agissant des modalités de prise de décision, la règle générale pour le processus décisionnel reste l'unanimité mais depuis le traité d'Amsterdam, la majorité qualifiée est acceptée pour les actions ou positions communes ou toute autre décision fondée sur une stratégie commune. Cette dérogation est tempérée par le principe de « l'abstention  constructive »: un Etat peut décider de ne pas participer à une action votée par les autres à la majorité qualifiée. S'il estime ses intérêts vitaux menacés, il peut bloquer l'action commune qui ne pourra être débloquée que par un vote à l'unanimité. Par ailleurs, le traité de Nice instaure une procédure de coopération renforcée pour mettre en oeuvre une action ou une position commune, à l'exclusion des « questions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense ».

Source : www.touteleurope.fr

Le mode de financement de la PESC

Le financement de la PESC est décrit aux articles 28 TUE et 268 TCE.

Les dépenses administratives entraînées pour les institutions par la PESC sont à la charge du budget des Communautés européennes.

Les dépenses opérationnelles entraînées par la mise en œuvre des dispositions relatives à la PESC sont également à la charge du budget des Communautés européennes. L’article 28 TUE mentionne cependant une exception pour les dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense, qui sont donc exclues du budget. Le Conseil peut également décider à l’unanimité d’exclure certaines matières du financement communautaire.

Lorsqu’une dépense n’est pas mise à la charge du budget de l’Union, elle est à la charge des Etats membres selon la clé du produit national brut à moins que le Conseil, statuant à l’unanimité, ne décide d’appliquer une autre clé de répartition.

En conséquence, sauf pour les opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense, et pour des activités pour lesquelles le Conseil en aurait décidé autrement, la PESC est financée par le budget européen.

La majeure partie du budget de la PESC est aujourd’hui destinée aux opérations civiles de gestion des crises. Une distinction doit en effet être établie entre les actions civiles financées sur le budget de la PESC et les interventions militaires relevant de la PESD et financées directement par les Etats membres dans le cadre d’un mécanisme spécifique dit « Athena ». Ce mécanisme permet à l’Union européenne de financer des opérations militaires et plus particulièrement des opérations de réaction rapide (missions humanitaires et d’évacuation). Tous les Etats membres participent à ce système, à l’exception du Danemark qui bénéficie d’une dérogation en matière de PESD.

Le mécanisme Athena a ainsi permis d’assurer le financement des coûts communs de trois opérations militaires : EUFOR ALTHEA en Bosnie lancée en 2004, AMIS II, opération de soutien à l’Union Africaine dans la gestion du conflit de la région soudanaise du Darfour et EUFOR RD Congo, en appui au processus électoral lancée en juin 2006.

Le mécanisme Athena présente un triple intérêt :

– il marque la solidarité des Etats Membres face aux charges financières représentées par les opérations militaires de l’UE ;

– il favorise, par un meilleur partage du fardeau, la participation des Etats membres les plus actifs en matière de PESD et celle des petits Etats membres ;

– il permet à l’Union européenne de réagir plus rapidement face aux crises.

Ce mécanisme est toutefois limité car la liste des dépenses prises en charge en commun ne dépasse pas 10% du coût total d’une opération. Malgré une révision de ce mécanisme en 2006, qui a notamment permis d’élargir la liste des coûts financés en commun, l’Allemagne et le Royaume-Uni s’opposent à toute prise en charge de coûts communs supplémentaires.

b) L’affectation des crédits de la PESC

Les crédits de la PESC servent à financer des actions dans les domaines suivants :

– observation et organisation d’élections / participation à des processus de transition démocratique ;

– prévention des conflits / processus de paix et de sécurité ;

– actions urgentes (dans la limite de 20 % du montant global du budget PESC).

Les crédits PESC contribuent aussi au financement de conférences internationales et soutiennent entre autres, au titre de la lutte contre la prolifération et en faveur du désarmement, les activités de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

C’est également sur les fonds de la PESC que sont financés les « représentants spéciaux de l’Union européenne (6) », actuellement au nombre de neuf, pour un budget annuel de 15 millions d’euros.

Actuellement, la PESC sert essentiellement à financer diverses opérations de police de l’Union européenne, pour environ un tiers du budget total de la PESC. La mission EUPOL Afghanistan est ainsi dotée de plus de 45 millions d’euros en 2007.

Par ailleurs, on assiste à un développement important des missions de résolution des conflits d’intervention en matière de sécurité : mission d’aide au rétablissement de l’Etat de droit en Irak (EUJUST LEX), mission EUSEC RDC (aide au réforme du secteur de la sécurité). La future mission de l’Union européenne au Kosovo devrait constituer, avec près de 1900 personnels déployés, la plus grande opération de gestion civile de crise jamais entreprise à ce jour dans le cadre de la PESC ; elle devrait nécessiterait près de 180 millions d’euros par an, ce qui va nécessiter un financement au-delà du seul budget de la PESC.

Enfin, l'Union européenne est aussi amenée à intervenir de façon croissante pour garantir des accords de paix ou de sécurité (cf. Aceh, point de passage de Gaza). Ce type d'actions permet à l'Union européenne de donner un prolongement opérationnel à son action diplomatique. C'est un champ d'action amené à croître de façon très sensible.

Source : Guide de la PESC, Ministère des affaires étrangères et européennes

2) Une insuffisance budgétaire qui provoque une complexité des circuits financiers

Afin de pallier le faible montant des crédits de la PESC, d’autres sources de financement sont mobilisées pour concourir, même indirectement, à la mise en œuvre des objectifs poursuivis par la PESC. C’est ainsi que, bien que n’étant a priori pas destiné à financer la PESC, l’« Instrument de stabilité », entré en vigueur le 1er janvier 2007 et géré par la Commission européenne dans le cadre du premier pilier communautaire, ne peut être totalement déconnecté des enjeux de la PESC.

a) La coexistence avec « l’instrument de stabilité »

L’ « instrument de stabilité » ne relève pas des procédures de la PESC. Doté de 2,1 milliards d’euros sur la période 2007-2013, il a été crée afin de permettre à l’Union européenne d’agir dans des situations de crise et d’instabilité en complément des actions financées dans le cadre de la PESC. L’objet de l’instrument de stabilité consiste d’une part à fournir une aide financière, économique et technique afin de répondre aux situations de « post-crise » (soutien à des opérations de maintien de la paix, actions de déminage, interventions après des catastrophes naturelles, reconstruction d’infrastructures…) et d’autre part à lutter contre les menaces transfrontalières et transnationales. Son champ d’application est ainsi particulièrement vaste.

A la différence des actions financées par le budget PESC, cet instrument est géré par la Commission qui en a l’initiative de la programmation et de la mise en œuvre. Se pose dès lors la question de la ligne de partage entre, d’une part, l’instrument de stabilité, soumis à un processus de décision communautaire et, d’autre part, la politique étrangère et de sécurité commune, qui constitue le deuxième pilier de l’Union européenne et relève de procédures intergouvernementales.

La décision instituant l’instrument de stabilité prévoit que les mesures prises au titre de cet instrument doivent être complémentaires et cohérentes avec celles adoptées par l’Union européenne pour la réalisation des objectifs de la PESC. Il apparaît néanmoins que les lignes PESC et « Instrument de stabilité » sont destinées à financer pour une part importante des actions très voisines.

On peut raisonnablement penser que le budget PESC sera rapidement saturé par ses dépenses contraintes (les Représentants spéciaux de l’UE ainsi que deux ou trois opérations lourdes comme l’Afghanistan ou le Kosovo) et que l’Instrument de stabilité, dont la mobilisation est déclenchée par la Commission, sera utilisé lorsqu’il sera nécessaire de prendre une décision politique de réaction rapide.

En réalité, et comme le soulignait à juste titre le sénateur M. Robert del Picchia dans un rapport sur la création de l’instrument de stabilité (7), les questions de financement se révèlent être un puissant levier de communautarisation de la PESC. En effet, face à la difficulté de financer des opérations par des contributions ad hoc ou de mettre en place des mécanismes de mutualisation des coûts, le recours au budget communautaire apparaît plus aisé.

b) La complexité des circuits institutionnels et financiers dans le domaine de la PESC

La mission de surveillance de l’Union Africaine (UA) dans la région du Darfour au Soudan (AMIS II) illustre la complexité des circuits de financement à l’œuvre. L’action commune instituant cette mission a été dotée d’un double montant de référence, l’un relatif au volet civil (2,2 millions d’euros) financé sur les crédits 2005 du budget PESC, l’autre au titre du volet militaire (1,9 million d’euros financés par le mécanisme Athena).

S’y ajoutaient deux canaux de financement : d’une part, le budget de la défense des différents Etats participants assurant l’essentiel des dépenses opérationnelles, d’autre part le budget du secrétariat général du Conseil assurant le financement de l’envoi de planifications de l’Etat-major de l’UE.

Ainsi, pour une opération civilo-militaire, quatre circuits financiers sont concernés : le budget PESC, le mécanisme Athena, les budgets des Etats membres et celui du secrétariat général du Conseil.

Cette complexité financière peut se doubler d’une complexité institutionnelle liée à l’absence de définition précise du périmètre de la PESC, dès lors que les volets extérieurs des politiques internes de l’Union participent pleinement de l’action de l’Europe dans le monde.

Comme l’indique le commissaire-commandant Gaël Dettwiler dans un mémoire réalisé dans le cadre du Collège interarmées de défense (8), une confusion entre les politiques communautaires et les rubriques budgétaires s’ajoute au déséquilibre budgétaire entre la PESC d’un côté, et les actions extérieures de l’Union, de l’autre. En effet, la lutte antiterroriste et la surveillance des frontières intéressent la PESC, comme l’indique la « Stratégie européenne de sécurité (9) » de 2003. Elles sont pourtant financées par la rubrique « politiques internes » de l’UE et disposent de près de quatre fois plus de ressources que la PESC.

Parallèlement, le Haut Représentant pour la PESC ne cantonne pas son action au deuxième pilier (intergouvernemental) et intervient dans les questions sécuritaires liées à la politique européenne de voisinage, une politique qui dépend du premier pilier (communautaire) et dont les mécanismes de financement sont distincts de ceux de la PESC.

Le temps semble venu de repenser le positionnement de la PESC au sein de la structure budgétaire, face à un volet action extérieure très important qui dissimule mal le caractère artificiel d’une distinction entre ces deux dimensions inégales d’une même politique étrangère. De plus, une coordination entre la PESC et le volet sécurité des politiques internes apparaît souhaitable pour aborder les questions sécuritaires de manière globale.

B – La perspective de l’entrée en vigueur du traité modificatif impose de définir, pour l’avenir de la PESC, un juste équilibre entre les logiques intergouvernementale et supranationale

1) Les conséquences institutionnelles de la création d’un Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité

Le projet de traité modificatif soumis à l’accord des Chefs d’Etat ou de Gouvernement lors du Conseil européen des 18 et 19 octobre 2007 prévoit la création d’un Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Ce Haut Représentant sera chargé de conduire la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union et devra contribuer, par ses propositions, à l’élaboration de cette politique. Il en sera, comme c’est déjà le cas actuellement, l’exécutant en tant que mandataire du Conseil.

La nouveauté par rapport au statut juridique de l’actuel Haut Représentant, M. Javier Solana, réside dans le fait qu’il présidera désormais la formation « Affaires étrangères » du Conseil de l’Union et qu’il sera simultanément l’un des vice-présidents de la Commission, chargé de l’action extérieure. C’est cela que l’on appelle la « double casquette ».

Article 9 E
du projet de traité modificatif

1. Le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, avec l’accord du président de la commission, nomme le haut représentant de l’union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Le Conseil européen peut mettre fin à son mandat selon la même procédure.

2. Le haut représentant conduit la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union. Il contribue par ses propositions à l’élaboration de cette politique et l’exécute en tant que mandataire du Conseil. Il agit de même pour la politique de sécurité et de défense commun.

3. Le haut représentant préside le Conseil des affaires étrangères.

4. Le haut représentant est l’un des vice-présidents de la commission. Il veille à la cohérence de l’action extérieure de l’Union. Il est chargé, au sein de la commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’union. Dans l’exercice de ces responsabilités au sein de la commission, et pour ces seules responsabilités, le haut représentant est soumis aux procédures qui régissent le fonctionnement de la Commission, dans la mesure où cela est compatible avec les paragraphes 2 et 3. ».

a) Les implications des la « double casquette »

La création du Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité procède de la fusion entre les fonctions de l’actuel Haut Représentant pour la PESC et du commissaire chargé des relations extérieures. En fusionnant ces deux postes, l’objectif recherché vise à renforcer la cohérence de l’action extérieure de l’Union en mettant fin à la concurrence institutionnelle et budgétaire susceptible de se développer entre le pilier intergouvernemental d’une part, et le pilier communautaire de l’autre.

En effet, la Commission européenne gère les crédits de la coopération et du développement, ce qui représente plus de six milliards d’euros par an. Elle est également chargée de la gestion quotidienne de la politique commerciale commune et de la négociation des accords commerciaux, dans le cadre des directives du Conseil. Ces responsabilités sont aujourd’hui partagées entre trois commissaires (10) et cinq services différents (11).

Or le Haut Représentant n’a pas aujourd’hui la possibilité de mobiliser les moyens considérables dont dispose la Communauté européenne – première puissance commerciale et premier fournisseur d’aide publique au développement – au service de la PESC. L’Union connaît ainsi des difficultés à transformer sa puissance économique en puissance politique.

Dans l’hypothèse d’une entrée en vigueur du traité modificatif, la création de ce poste de Haut Représentant – anciennement dénommé « ministre des affaires étrangères de l’Union » dans le traité constitutionnel – permettra-t-elle de répondre à la question posée en son temps par Henry Kissinger : « l’Europe, quel numéro de téléphone » ? Il est trop tôt pour le dire car nombre de questions restent en suspens.

Tout dépendra en effet des relations entre les titulaires des postes dont la dimension internationale est forte, à savoir :

– le futur président stable du Conseil européen. La question se pose en effet des activités de ce président stable au-delà de la seule présidence des quatre réunions annuelles du Conseil européen ;

– le président du pays exerçant la présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne. En effet, l’instauration d’une présidence stable du Conseil européen ne met pas fin à l’existence de la présidence tournante du Conseil de l’Union ;

– le président de la Commission européenne.

Une répartition claire des rôles entre ces différentes fonctions et un modus vivendi entre les titulaires des postes sera indispensable pour assurer la cohérence et l’efficacité de l’action extérieure de l’Union.

La « double casquette » du Haut Représentant rend son statut complexe puisqu’il sera responsable à la fois devant le Conseil européen, devant le président de la Commission européenne et devant le Parlement européen (pour ses seules responsabilités au sein de la Commission). Sa position institutionnelle sera délicate et son influence réelle dépendra de la pratique. Le Haut Représentant devra garder la confiance du Conseil européen tout en ménageant la Commission ; ceci exigera de sa part une grande habileté politique et un réel talent de diplomate !

La question se pose ainsi du juste équilibre qui devra être trouvé entre les dimensions intergouvernementale et communautaire de l’action extérieure de l’Union. A cet égard, la configuration du futur « service européen d’action extérieure » pourrait fournir des indications décisives.

b) La création d’un « service européen d’action extérieure »

Le nouvel article 13 bis § 3 du projet de traité modificatif prévoit que le Haut Représentant disposera, dans l’exercice de ses fonctions, d’un « service européen d’action extérieure » (SEAE). Le SEAE sera chargé de l’assister dans ses fonctions de proposition, d’exécution et de représentation, ainsi que pour la présidence de la formation « affaires étrangères » du Conseil de l’Union. Ce service devrait également assurer des fonctions d’analyse, de proposition et de rédaction et sera vraisemblablement chargé de veiller au contrôle de la bonne exécution des décisions prises. Le SEAE devrait également être appelé à assurer la tutelle et la gestion du réseau des délégations de l’Union européenne, placées sous l’autorité du Haut Représentant. En effet, une conséquence de la création d’un Haut Représentant à « double casquette » est la transformation des 120 délégations de la Commission européenne à l’étranger en représentations de l’Union européenne, qui sans être véritablement des « ambassades » de l’Union, se rapprochent davantage d’un réseau diplomatique que cela n’était le cas jusqu’à présent.

In fine, l’enjeu de la création de ce service consiste à permettre l’émergence d’une culture diplomatique commune à l’Union européenne et à ses Etats membres.

Article 13 bis § 3
du projet de traité modificatif

3. Dans l’accomplissement de son mandat, le haut représentant s’appuie sur un service européen pour l’action extérieure. Ce service travaille en collaboration avec les services diplomatiques des Etats membres et est composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux. L’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure sont fixés par une décision du Conseil. Le Conseil statue sur proposition du haut représentant, après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission. »

Le projet de traité est toutefois muet sur l’architecture du SEAE et renvoie à une décision du Conseil, c’est-à-dire aux Etats membres le soin de s’accorder sur sa composition, son périmètre et son financement. Les auditions réalisées par votre Rapporteur ont révélé la diversité des approches sur la physionomie de ce service, en particulier selon que l’on se place du côté du Conseil ou de celui de la Commission.

S’agissant tout d’abord de la composition du SEAE, l’article 13 bis § 3 du projet de traité modificatif prévoit la participation de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux. L’association de fonctionnaires nationaux et de fonctionnaires de l’Union européenne vise à garantir la bonne articulation entre Bruxelles et les capitales des Etats membres. Un accord devra cependant être trouvé sur les services compétents du secrétariat général du Conseil et sur ceux de la Commission, ce qui pose la question du périmètre du SEAE.

C’est là une question très délicate, qui renvoie en réalité à l’équilibre institutionnel de l’Union européenne. En effet, l’inclusion de tel ou tel service peut avoir pour effet de déplacer le curseur de l’intergouvernemental au communautaire, et vice-versa.

En ce qui concerne les services compétents du Conseil, le SEAE pourrait faire appel aux fonctionnaires des services directement liés à la PESC, à savoir :

– l’Unité de planification de la politique et d’alerte rapide (UPPAR), composée de spécialistes des Etats membres, du Conseil des ministres, de la Commission européenne et de l’UEO, et d’ores et déjà rattachés au Haut Représentant ;

– l’Etat major de l’Union européenne (EMUE), créé par le traité de Nice (2001) ;

– le centre de situation conjoint de l’Union européenne, outil de gestion des crises qui permet à l’Union de disposer d’un instrument permanent de veille, d’analyse et de réaction.

La question se pose en revanche de l’articulation du SEAE avec le Comité politique et de sécurité (COPS). Mis en place par le traité de Nice, le COPS est constitué des ambassadeurs des Etats membres et détient un rôle central dans la préparation et le suivi des travaux de la PESC. Il est chargé de préparer les discussions politiques des ministres des affaires étrangères et négocie les projets de conclusions. Il exerce également, sous l’autorité du Conseil des ministres, le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de gestion des crises. Le COPS est une instance intrinsèquement intergouvernementale. Cette structure est placée sous l’autorité du Conseil européen et du Conseil des ministres de l’Union ; or la création du Haut Représentant, vice-président de la Commission européenne, pourrait de facto, conduire à des interférences entre le Conseil et la Commission. Il est clair – et nul ne remet cela question – que la création du Haut Représentant n’a pas vocation à conduire à un transfert de compétences d’une institution à l’autre. Néanmoins, il est des « zones grises » sur lesquelles des arbitrages politiques devront être rendus.

La délimitation du périmètre du SEAE est particulièrement problématique s’agissant des services concernés au sein de la Commission européenne. En effet, une vision extensive de l’action extérieure de l’Union devrait conduire à réunir, sous l’autorité du Haut Représentant, vice-Président de la Commission européenne, les portefeuilles des relations extérieures, de l’aide au développement mais aussi ceux de l’élargissement, du développement, de la politique commerciale commune voire même de l’environnement tant la dimension externe de cette politique est importante.

Mais il va de soi qu’une conception si extensive ne sera pas retenue. Tout d’abord, parce que l’étendue du champ de compétences serait si vaste que cela aboutirait finalement à rendre très artificiel le rapprochement de ces différents portefeuilles. Ensuite, parce que tant que la Commission sera composée d’un commissaire par Etat membre – c’est-à-dire jusqu’en 2014 – la tendance reste davantage au morcellement qu’au regroupement des portefeuilles !

En outre, intégrer au sein du SEAE des politiques communautaires comme la politique commerciale commune ou l’aide au développement pourrait, dans une certaine mesure, entraîner leur « re-gouvernementalisation ».

Les entretiens réalisés par votre Rapporteur semblent indiquer qu’il est probable que l’on s’en tienne, pour le périmètre du SEAE, à une conception « raisonnable » qui inclurait :

– les services compétents du Conseil de l’Union ;

– la Direction Générale « Relations extérieures » de la Commission européenne

– les fonctionnaires des futures délégations de l’Union européenne dans les pays tiers.

La mise en place du SEAE pose en revanche la question de la nécessaire hiérarchisation des postes au sein du Collège des commissaires. A cet égard, un compromis entre une conception extensive et une conception restrictive du SEAE pourrait consister à s’accorder sur un périmètre restreint tout en plaçant les commissaires chargés de l’élargissement, de l’aide au développement, de la politique commerciale commune et de l’environnement sous l’autorité directe du Haut Représentant, vice-président de la Commission européenne. Une telle organisation contribuerait à assurer la cohérence de l’action extérieure de l’Union et des volets externes des politiques internes.

Par ailleurs, il est vivement souhaitable que la création du SEAE s’accompagne, à terme, d’une fongibilité des crédits correspondant aux compétences mises en commun, ce qui permettrait d’abonder les crédits de la PESC. Toutefois, les règles budgétaires sont différentes selon que le champ de compétence est intergouvernemental ou communautaire, ce qui conduit directement à la question du contrôle politique – et en particulier parlementaire – de l’action extérieure de l’Union.

2) La question du contrôle politique de la PESC

Cette question se pose tant au niveau européen – s’agissant des compétences du Parlement européen – qu’à celui des Etats membres, dans le cadre des procédures de contrôle parlementaire internes à chaque pays.

a) L’avenir des compétences du Parlement européen dans le domaine de la PESC

Dans le cadre de la procédure budgétaire européenne, les crédits de la PESC relèvent de la catégorie des dépenses dites « non obligatoires » pour lesquelles le Parlement européen a le dernier mot sur le Conseil des ministres de l’Union. C’est, en matière de PESC, l’un des seuls moyens de pression dont dispose le Parlement européen dont son rôle se limite – au mieux – à une simple consultation, du fait de la dimension exclusivement intergouvernementale de cette politique.

C’est ainsi que la PESC fait traditionnellement l’objet de tensions entre le Parlement et le Conseil et la discussion sur le projet de budget européen 2008 ne déroge pas à la règle. La Commission du budget vient ainsi de proposer de réduire de 20 % les montants alloués à la PESC et d’utiliser les 40 millions d’euros ainsi libérés pour financer d’autres objectifs de la rubrique 4 (« l’Europe en tant qu’acteur mondial »). De plus, pour financer l’aide au Kosovo et à la Palestine, les députés européens suggèrent de recourir à l’instrument de flexibilité (12) à hauteur de 87 millions d’euros. Sur ce montant, 40 millions d’euros s’ajouteraient aux fonds déjà prévus pour les missions au Kosovo et en Palestine.

L’instrument de flexibilité pourrait également permettre de financer les dépenses imprévues de la PESC. In fine, le budget 2008 de la PESC serait bien maintenu à 200 millions d’euros – conformément à ce que demande le Conseil – puisque le montant de 40 millions d’euros qui pourrait être mobilisé par le biais de l’instrument de flexibilité correspond exactement à la coupe de 20 % opérée par les eurodéputés.

La stratégie ainsi déployée consiste à montrer au Conseil qu’il doit désormais compter avec le Parlement européen, y compris sur les questions relatives à la PESC.

En effet, dans une résolution adoptée en février 2006 (13), les députés européens ont déploré le manque de consultation du Parlement européen en matière de PESC et ont demandé au Conseil « de promouvoir une PESC beaucoup plus ouverte, plus transparente et plus responsable en prenant l’engagement de se présenter devant la Commission des affaires étrangères du Parlement européen pour rendre compte de tous les Conseils affaires générales et relations extérieures ainsi que de toute rencontre à haut niveau avec des partenaires internationaux importants ».

A la suite de l’adoption de cette résolution, la négociation de l’accord interinstitutionnel (AII) du 14 juin 2006 sur le cadre financier pluriannuel de l’Union pour la période 2007-2013 a permis au Parlement européen d’obtenir du Conseil un certain nombre de garanties sur la PESC.

Le paragraphe 43 de l’AII prévoit en effet que :

« Une fois par an, la Présidence du Conseil consultera le Parlement européen sur un document prévisionnel du Conseil, transmis au plus tard le 15 juin de l’année en question, qui présente les principaux aspects et choix fondamentaux de la PESC, y compris leurs implications financières pour le budget général de l’Union européenne, ainsi qu’une évaluation des mesures lancées au cours de l’année n-1. En outre, la Présidence du Conseil tiendra le Parlement européen informé en organisant des consultations communes au moins cinq fois par an dans le cadre du dialogue politique régulier sur la PESC, à convenir au plus tard lors de la réunion de concertation qui doit se tenir avant la deuxième lecture du Conseil. La participation à ces réunions s’établira comme suit :

- pour le Parlement européen : les bureaux des deux commissions concernées ;

- pour le Conseil : un ambassadeur (le président du Comité politique et de sécurité) ;

- la Commission sera associée et participera à ces réunions.

Chaque fois qu’il adopte, dans le domaine de la PESC, une décision entraînant des dépenses, le Conseil communiquera immédiatement au Parlement européen, et en tout cas au plus tard cinq jours ouvrables après la décision finale, une estimation des coûts envisagés (fiche financière), notamment ceux qui concernent le calendrier, le personnel, l’utilisation de locaux et d’autres infrastructures, les équipements de transport, les besoins de formation et les dispositions en matière de sécurité.

Une fois par trimestre, la Commission informera l’autorité budgétaire de l’exécution des actions PESC et des prévisions financières pour le reste de l’exercice ».

La mise en œuvre de ces dispositions, couplée à la création d’un Haut Représentant également vice-Président de la Commission européenne devrait conduire à renforcer l’influence politique du Parlement européen sur la PESC, sans pour autant empiéter sur un champ de compétences intergouvernementales. Mais il est prévisible que plus la PESC sera amenée à se développer, plus le contrôle politique qu’exercera le Parlement européen sera conduit à s’intensifier.

b) Au niveau national : le contrôle exercé par les parlements nationaux

Dans son rapport relatif au bilan d’activités de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale (14) qu’il a présidée sous la précédente législature (2002-2007), M. Edouard Balladur, ancien Premier ministre, a souligné la nécessité d’associer de façon plus étroite le Parlement national à la définition et au contrôle de la politique étrangère et européenne de la France. Il déclare notamment :

« Je suis convaincu, pour ma part, que l’exercice des compétences diplomatiques du pouvoir exécutif ne fait pas obstacle à une association plus étroite du Parlement à son action, ainsi que c’est le cas dans toutes les démocraties voisines.

Je crois qu’à l’occasion de la prochaine législature, il serait nécessaire de poursuivre dans ce sens en franchissant une nouvelle étape afin de redonner au Parlement un droit d’initiative en matière de contrôle de la politique européenne avec la possibilité de voter des résolutions, évidemment non contraignantes pour le Gouvernement et le Président de la République. La politique européenne a une telle influence sur la politique nationale que le Parlement doit y être plus étroitement associé.

Pour que le Parlement revienne dans le « jeu européen » – ce qui est de plus en plus souhaité d’ailleurs pour les institutions communautaires elles–mêmes qui manquent cruellement d’assise démocratique –, il faut aussi réviser nos méthodes de travail ».

Votre Rapporteur considère que le développement de la PESC doit aller de pair avec un renforcement du contrôle parlementaire. Il reprend à son compte deux propositions formulées par M. Balladur dans le rapport précité, à savoir :

– l’instauration chaque trimestre d’une séance de questions d’actualité consacrée aux questions internationales et à la politique étrangère de la France. Cette séance permettrait notamment d’interroger le Gouvernement sur les initiatives prises dans le cadre de la PESC ;

– la création de groupes de suivi au sein de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Ne serait-il pas judicieux d’envisager la création d’un groupe de suivi sur la PESC ?

Enfin, comme l’a récemment suggéré l’actuel Président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, M. Axel Poniatowski, la possibilité pour le Parlement français d’autoriser l’envoi de troupes à l’étranger – notamment dans le cadre de missions de PESD – paraît justifiée.

Il conviendra également d’être attentif aux propositions que formulera le comité que préside M. Edouard Balladur sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République.

CONCLUSION

Il faut mettre un terme au sous-financement de la PESC et donner à cette politique les moyens budgétaires de ses ambitions. Il en va de la crédibilité de l’Europe dans le monde.

La perspective de l’adoption du traité modificatif doit permettre d’opérer les clarifications politiques et budgétaires qui s’imposent. A cet égard, la tâche de la présidence française de l’Union sera grande puisque c’est à elle qu’il reviendra de mener la négociation préparatoire à l’entrée en vigueur du traité, s’agissant en particulier de la configuration du futur Service européen d’action extérieure. A travers la PESC, c’est en réalité tout l’équilibre institutionnel européen qui se trouve en jeu.

A l’initiative du Président Nicolas Sarkozy, un groupe de sages va prochainement être constitué pour réfléchir à  l’Europe des 30 ou 40 prochaines années.  Il est indispensable que l’avenir de la PESC et de son financement figurent parmi les sujets de réflexion de ce groupe.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport d’information au cours de sa deuxième séance du 16 octobre 2007.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a eu lieu.

Le Président Axel Poniatowski a remercié le rapporteur pour la qualité de son exposé et s’est déclaré d’accord avec sa proposition visant à créer au sein de la Commission des affaires étrangères, au cours du premier semestre 2008, un groupe de suivi sur la PESC. Puis il a interrogé le rapporteur sur la contribution financière de la France dans le cadre du mécanisme Athena et a demandé des précisions sur la participation de notre pays à la mission de l’Union européenne au Kosovo.

Le rapporteur a répondu que la participation financière des Etats membres dans le cadre du mécanisme Athéna était répartie selon une « clé PNB » fixée à 16 % pour la France. En 2008, les coûts communs pour l’opération européenne envisagée au Tchad devraient s’élever à près de 100 millions d’euros, ce qui entraînera une participation financière de la France à hauteur d’environ 16 millions d’euros. S’agissant de l’opération civile au Kosovo, entièrement financée sur le budget européen, son coût est estimé à 180 millions d’euros, et la France devrait envoyer 10 à 15 % des 1 900 personnels envisagés. Indiquant avoir rencontré à Bruxelles M. Javier Solana, Haut Représentant de l’Union pour la PESC, le rapporteur a déclaré que le budget de la PESC ne suffisant pas à financer l’opération au Kosovo – 180 millions d’euros – des négociations complémentaires complexes avaient été nécessaires.

M. Jacques Myard a rendu hommage au rapporteur qui a essayé de rendre clair ce qui ne l’est pas. C’est, en matière européenne, un défi permanent. Beaucoup de questions ont été abordées, sauf la plus fondamentale d’entre elle : à quoi sert la PESC ? Il a estimé que l’on faisait fausse route avec la création prochaine d’un service européen d’action extérieure, qui n’est pas dans l’intérêt de la France. Nous y serons minoritaires et l’anglais en sera sans aucun doute la langue unique de travail. Pour définir une politique étrangère commune, encore faut-il trouver des sujets d’accords. Il en a alors appelé au réalisme : si les Européens peuvent se mettre d’accord pour envoyer des fleurs à la veuve de Yasser Arafat, il est clair que tous les « petits » partenaires en matière de politique étrangère sont fortement alignés sur un atlantisme forcené. S’agissant d’éventuels rapprochements dans les domaines de la sécurité et de la défense, ils n’ont d’yeux que pour la Chimène américaine. L’avenir de la politique étrangère de la France est-il condamné à l’alignement ? Regrettant qu’on enclenche un processus qui se retournera contre nos intérêts, il a indiqué qu’il n’approuvera pas les crédits relatifs à la contribution de la France au budget européen. On ne saurait parler de politique étrangère de la France et se caler sur des partenaires qui ne sont pas sur nos positions et nos lignes.

Puis il a évoqué le dispositif Athena, qui repose sur une base intergouvernementale et permet de monter des opérations ad hoc. Il a alors estimé qu’en matière de politique étrangère, les Etats européens qui comptent sont avant tout le Royaume-Uni et la France. Il a également cité l’Allemagne, dans certains cas, ainsi que l’Espagne et l’Italie s’agissant plus particulièrement des sujets méditerranéens. L’important est de bien s’entendre avec ces pays et de coopérer sur des sujets d’intérêt commun. Il a en revanche assimilé la création d’un service diplomatique européen à une utopie complète et à de l’argent gaspillé pour rien. Le futur traité européen est une occasion manquée et cette approche ne correspond pas à nos objectifs en matière de politique étrangère.

M. Jean-Pierre Kucheida a nuancé le propos de M. Myard en affirmant l’utilité de la PESC. Citant les exemples du Congo et du Kosovo, il a considéré que l’intervention européenne avait permis d’éviter une dégradation de la situation. Ces opérations qui sauvent des vies humaines doivent bénéficier d’instruments plus efficaces.

M. Jacques Myard a affirmé que l’institutionnalisation de ces interventions, dont le bien-fondé n’est pas en cause, n’est pas souhaitable. Il a ainsi jugé que la mission forme la coalition.

M. Roland Blum a rappelé que M. Myard défendait sa position de longue date. Il a estimé que la mise en œuvre de la PESC n’était pas contradictoire avec le maintien des politiques étrangères des États membres. La France demeure, en effet, maîtresse de sa politique étrangère. En revanche, les pays européens sont parvenus à des positions communes sur de nombreux sujets : le Darfour, l’Afghanistan et le Kosovo, qui ont permis d’y mener des interventions dans l’intérêt des populations locales. Le Traité modificatif pourrait, en outre, apporter la clarification du mécanisme institutionnel et des instruments financiers de la PESC qui s’impose.

Le Président Axel Poniatowski a indiqué que ce budget s’inscrivait dans la continuité des précédents. Il a précisé que la Commission serait particulièrement attentive aux discussions sur l’architecture du futur service diplomatique européen ainsi qu’à l’élaboration du budget de 2009 qui devra se prononcer sur le chèque britannique.

*

La commission a autorisé la publication du présent rapport d’information.

ANNEXE

Liste des personnalités auditionnées

(par ordre alphabétique)

le 11 septembre 2007, à Bruxelles

- M. Patrice Bergamini, directeur adjoint du cabinet de M. Javier Solana, Haut représentant de l’Union pour la PESC,Secrétaire général du Conseil de l'Union européenne

- M. Reimer Boege, Président de la Commission du budget du Parlement européen,auteur d'un rapport sur le financement de l'action extérieure de l'Union européenne

- M. Eneko Landaburu, Directeur général des relations extérieures à la Commission européenne

- Mme Christine Roger, Ambassadeur, Représentante permanente de la France auprès du Comité politique et de sécurité (COPS)

- M. Jacek Saryusz-Wolski, Président de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen

- M. Pierre Sellal, Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne

- M. Javier Solana, Secrétaire Général du Conseil de l’Union européenne, Haut Représentant de l’Union pour la PESC 

le 14 septembre 2007, à Londres (15)

- S. Exc. M. Gérard Errera, Ambassadeur de France au Royaume-Uni

- M. Mike Gapes, Président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des Communes

- M. Neil McMillan, Directeur adjoint du Secrétariat européen du Cabinet office (services du Premier ministre)

- M. Gideon Rachman, éditorialiste au Financial Times sur les questions de politique étrangère

- Lord Roper, Président de la sous Commission affaires politiques de la Commission des affaires européennes de la Chambre des Lords

- M. Anthony Smith, Directeur des affaires politiques européennes au Foreign Office

le 11 octobre 2007, à Paris

- M. Edouard Balladur, ancien Premier ministre, ancien Président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Président du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République

1 () S’agissant précisément de Galiléo, la Commission a présenté le 16 septembre 2007 de nouvelles propositions afin de financer ce projet notamment à partir des montants sous plafond disponibles dans la Rubrique 2 

2 () Le trilogue budgétaire réunit des représentants du Conseil, de la Commission et du Parlement européen pour préparer la première lecture du projet de budget.

3 () « Réformer le budget, changer l’Europe », Document de consultation publique en vue du réexamen du budget 2008-2009, Commission européenne, SEC (2007) 1188 final, 12 septembre 2007.

4 () Commission européenne, Budget de l’UE 2006 – Rapport financier.

5 () Accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière (JO n° C 139 du 14 juin 2006).

6 () Le Traité d’Amsterdam a introduit l’article 18 § 5 TUE qui dispose que « le Conseil peut, à chaque fois qu’il estime nécessaire, nommer un représentant spécial auquel est conféré un mandant en liaison avec des questions politiques particulières ».

7 () Rapport de M. Robert del Picchia sur la proposition de résolution présentée au nom de la délégation pour l’Union européenne du Sénat sur la proposition de règlement du Conseil instituant un instrument de stabilité, Sénat, Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapport n°367, 31 mai 2006.

8 () Le budget communautaire est-il adapté aux enjeux de puissance de l’Union européenne ? Mémoire du commissaire-commandant Gaël Dettwiler, dans le cadre du séminaire de géopolitique « L’Europe communautaire et ses frontières » (sous la direction du professeur Pierre Verluise), Collège interarmées de défense, Mars 2007.

9 () « Une Europe sûre dans un monde meilleur », Stratégie européenne de sécurité, Document proposé par M. Javier Solana et adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement, réunis en Conseil européen à Bruxelles, le 12 décembre 2003.

10 () Mme Benita Ferrero-Waldner, chargée des relations extérieures ; M. Louis Michel, chargé du développement et de l’aide humanitaire ; M. Peter Mandelson, chargé de la politique commerciale commune.

11 () Direction générale (DG) Relations extérieures, DG Développement, DG Commerce, Office d’aide humanitaire (ECHO), Office de Coopération EuropeAid. Il faut également y ajouter la DG Elargissement, placée sous la responsabilité du commissaire Olli Rehn.

12 () L’instrument de flexibilité permet de dégager jusqu’à 200 millions d’euros dans une rubrique où il n’y a plus de marge. Or le Conseil est très réticent à utiliser cet instrument.

13 () P6_TA(2006) 0037, Résolution du Parlement européen sur le rapport annuel du Conseil au Parlement européen sur les principaux aspects et les choix fondamentaux de la PESC, y compris leurs implications financières pour le budget général de l’Union européenne – 2004.

14 () Rapport d’information n°3769 de M. Edouard Balladur, l’Assemblée nationale et la politique étrangère de la France (2002-2007) : Bilan d’activités de la Commission des Affaires étrangères, avril 2007.

15 () Le Rapporteur tient à remercier M. Gérard Errera, Ambassadeur de France en Grande-Bretagne et M. Diego Colas, Premier secrétaire, pour leur accueil et la qualité des entretiens qu’ils ont organisés pour la préparation du présent rapport.


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