Accueil > Documents parlementaires > Les rapports d'information
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N° 449

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2007.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 31 juillet 2007 (1),

sur le thème « Comment construire l’Union méditerranéenne ? »

Président

M. Renaud MUSELIER

Rapporteur

M. Jean-Claude GUIBAL

Députés

__________________________________________________________________

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d’information « Comment construire l’Union méditerranéenne ? » est composée de : M. Renaud Muselier, Président, M. Jean-Claude Guibal, Rapporteur, Mme Martine Aurillac, MM. Jacques Bascou, Paul Giacobbi, Mme Elisabeth Guigou, MM. Jean-Luc Reitzer, Jean Roatta, Jean-Marc Roubaud, Rudy Salles.

Résumé 5

Avant-propos 11

La Méditerranée : Le milieu des terres 13

I. QUEL PÉRIMÈTRE GÉOGRAPHIQUE ET POLITIQUE ? 25

A – LES APPROCHES POSSIBLES 27

B – LE CHOIX D’UN PÉRIMÈTRE MODULABLE 31

II. QUELLE ARCHITECTURE ? 35

A – LES QUATRE PRINCIPES FONDATEURS DE L’UNION MÉDITERRANÉENNE 37

1) La non-duplication d’institutions existantes 37

2) L’égalité entre les Etats participants 38

3) La géométrie variable 38

4) L’ouverture sur la société civile 39

B – UNE ARCHITECTURE ÉVOLUTIVE 39

1) La création du « G-Med » 39

2) Associer l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM) 40

3) La création d’une « Agence de la Méditerranée » 41

III. QUEL LIEN AVEC L’UNION EUROPÉENNE ? 45

A – LES ACQUIS DE LA POLITIQUE EURO-MÉDITERRANÉENNE 47

1) Le processus de Barcelone 47

2) La diversité des instruments de coopération euro-méditerranéenne 48

B – « L’UNION MÉDITERRANÉENNE N’A PAS VOCATION À SE SUBSTITUER À TOUTES LES INITIATIVES QUI EXISTENT DÉJÀ, MAIS À LEUR DONNER UN NOUVEL ÉLAN » . 49

C – UNE CHARTE DE PARTENARIAT ENTRE L’UNION MÉDITERRANÉENNE ET L’UNION EUROPÉENNE 51

IV. QUELS PROJETS COMMUNS ? 53

A – DE L’EAU POUR TOUS 57

1) L’ « or bleu », une ressource rare 57

2) Mettre fin au gaspillage 58

B – SAUVER UN PATRIMOINE NATUREL COMMUN EXCEPTIONNEL 59

1) Un patrimoine écologique en danger 60

2) Une politique énergétique respectueuse de l’environnement 63

3) La sécurité maritime au service de l’environnement 66

4) La sécurité civile et l’environnement 67

C – LE DIALOGUE DES CULTURES CONTRE LE CHOC DES CIVILISATIONS 67

1) Le dialogue des cultures, une valeur méditerranéenne 69

2) Quelles actions pour la culture en Méditerranée ? 70

3) Agir en faveur de la circulation du savoir en Méditerranée 71

V. COMMENT FINANCER LES PROJETS ? 73

A – LES NOMBREUX BAILLEURS DE FONDS NE PARVIENNENT PAS À FOURNIR TOUTES LES RESSOURCES NÉCESSAIRES AU DÉVELOPPEMENT DU SUD DE LA MÉDITERRANÉE 75

1) Des financements considérables, de natures et d’origines variées 75

2) Des financements qui ne sont pas parvenus à réduire significativement certaines faiblesses structurelles des économies du Sud 81

B – FAUT-IL CRÉER UNE INSTITUTION FINANCIÈRE SPÉCIFIQUEMENT MÉDITERRANÉENNE ? 84

1) La Méditerranée n’a pas besoin d’un bailleur de fonds de plus 84

2) Une institution financière en mesure de stimuler les investissements privés dans la région serait précieuse 86

CONCLUSION 91

EXAMEN EN COMMISSION 93

ANNEXES 99

RESUMÉ DU RAPPORT

La création de l’Union méditerranéenne, dont l’idée a été lancée par le Président de la République, doit se concevoir comme un projet politique.

La Méditerranée n’est pas un monde clos réduit au face à face des pays riches et faiblement peuplés de la rive nord et des pays du Sud, souvent dotés des richesses énergétiques, mais qui souffrent de leurs divisions et des conflits qui les animent.

L’Union méditerranéenne doit se construire pour établir le lien entre l’Union européenne fortement intégrée et l’Union africaine en train de se bâtir.

Si l’Union méditerranéenne est bien un monde en soi, elle doit aussi être un monde ouvert.

La mission est partie de cette double réflexion pour proposer :

• Un périmètre à géométrie variable

La Mission d’information a recensé trois périmètres géographiques et politiques possibles de l’Union méditerranéenne :

– un périmètre large, calqué sur le périmètre du processus de Barcelone, soit près d’une quarantaine d’Etats membres ;

– un périmètre restrictif, à partir du « dialogue 5+5 » ;

– une troisième approche fondée sur la notion d’Etats riverains de la Méditerranée.

La Mission d’information propose que l’Union méditerranéenne repose en priorité sur les Etats riverains, sur la base d’une adhésion volontaire. L’Union européenne et la Ligue arabe en seraient membres de droit. Pour autant, l’Union méditerranéenne doit être un processus ouvert en permanence à l’ensemble des Etats qui le souhaitent, notamment aux autres membres de l’Union européenne. Le périmètre de l’Union méditerranéenne serait donc modulable en fonction des projets.

Le sommet de lancement prévu en juin 2008 pourrait dès lors s’organiser autour de deux réunions distinctes :

– l’une en format restreint aux seuls pays riverains de la Méditerranée (ainsi que le Portugal, la Mauritanie, la Jordanie) qui auraient le statut de membre permanent de l’Union méditerranéenne ; ce statut serait également accordé à l’Union européenne et à la Ligue arabe ;

– l’autre élargie à l’ensemble des pays qui le souhaiteraient, notamment les autres Etats membres de l’Union européenne, selon les projets communs mis en œuvre, avec le statut de membre non permanent de l’Union méditerranéenne.

• Une architecture légère

L’organisation institutionnelle de l’Union méditerranéenne doit respecter les principes suivants :

– la non-duplication d’institutions existantes ;

– le maintien d’un lien avec l’Union européenne ;

– l’égalité entre les Etats participants ;

– la géométrie variable ;

– l’ouverture sur la société civile.

L’Union méditerranéenne se compose du « G-Med » et de « l’Agence de la Méditerranée ». Le G-Med réunit les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Union méditerranéenne, ainsi que l’Union européenne et la Ligue arabe, membres de droit.

La définition et la mise en œuvre des projets communs seraient confiées à une « Agence de la Méditerranée » ouverte sur la société civile et organisée autour de deux niveaux : l’un ministériel, l’autre opérationnel.

L’Assemblée parlementaire de la Méditerranée pourrait constituer le volet parlementaire de l’Union méditerranéenne.

• Une charte de partenariat entre l’Union méditerranéenne et l’Union européenne

La coopération euro-méditerranéenne et l’Union méditerranéenne sont complémentaires l’une de l’autre.

Afin de lever toute ambiguïté sur les finalités de l’Union méditerranéenne, la Mission d’information propose la conclusion d’une Charte de partenariat entre les deux organisations. Devraient nécessairement figurer dans cette Charte :

– la participation, de droit, de l’Union européenne aux instances de l’Union méditerranéenne comme membre permanent ;

– le respect, par l’Union méditerranéenne, de l’acquis du processus euro-méditerranéen de Barcelone ;

– l’instauration d’un lien institutionnel entre l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM) et l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) ;

– l’affirmation que l’appartenance à l’Union méditerranéenne n’est pas une alternative à l’adhésion à l’Union européenne ;

– les modalités de participation de l’Union européenne au financement de projets initiés et mis en œuvre dans le cadre de l’Union méditerranéenne.

• Des projets prioritaires « Label Med »

La construction de l’Union méditerranéenne ne prendra véritablement forme qu’en se fondant sur des projets concrets, répondant aux besoins et aux attentes des populations des deux rives de la Méditerranée. Pour les mener, quatre principes guideront l’action de l’Union méditerranéenne :

– des projets concrets d’intérêt commun ;

– un mécanisme de codécision qui attribue une place égale à chaque participant ;

– l’implication de chacun dans les projets sur la base du volontariat ;

– l’ouverture du processus à la société civile.

La Mission d’information propose que l’Union méditerranéenne traite en priorité la gestion de l’eau, l’environnement et l’échange des savoirs.

Afin de lui conférer une réelle visibilité, l’Union méditerranéenne labellisera les projets qu’elle soutient par le « label Med ».

• Des financements adaptés

Les bailleurs de fonds qui soutiennent le développement de la Méditerranée sont nombreux et la difficulté vient moins d’un niveau insuffisant de ressources financières que d’un manque de coordination entre eux. D’autre part, l’investissement privé est freiné par deux facteurs principaux : faute de ressources à long terme disponibles, les PME de la région ont des difficultés à trouver des financements adaptés à leurs besoins, tandis que les entreprises étrangères désireuses d’investir dans les pays du sud de la Méditerranée ne trouvent pas toujours des instruments d’assurance qui leur permettraient de limiter les risques qu’elles prennent.

C’est pourquoi la Mission d’information préconise :

– la création du groupe des investisseurs financiers de la Méditerranée (GIFMED) réunissant les bailleurs de fonds institutionnels susceptibles de financer les projets de l’Union méditerranéenne afin de coordonner leurs interventions ;

– la création d’une institution financière chargée de transformer les ressources à court terme (notamment l’épargne des migrants) en emplois à long terme pour aider les PME méditerranéennes à accéder aux financements (crédit et fonds propres) et pour assurer les risques afférents aux investissements privés étrangers.

Mesdames, Messieurs,

Les pays de la Méditerranée ont un avenir à partager, des solidarités à construire, des projets spécifiques à mettre en œuvre.

Cette évidence peine à trouver sa traduction. Si de nombreuses instances existent pour favoriser le rapprochement des pays de la région, il manque aujourd’hui un projet politique pour la Méditerranée.

De très nombreuses enceintes intergouvernementales, multilatérales ou régionales, existent déjà tandis que se sont créés, dans de multiples domaines, des coopérations, des partenariats, des agences ou des forums pour instaurer des mécanismes de solidarité entre l’Union européenne et ses voisins du bassin méditerranéen, pour relancer le dialogue politique entre pays riverains et pour développer des échanges commerciaux intraméditerranéens anormalement faibles dans le contexte de mondialisation qui est aujourd’hui le nôtre.

Toutes ces initiatives politiques, économiques ou culturelles, lancées dans les années 1990, qu’il s’agisse du processus de Barcelone, du dialogue 5+5, de la politique de voisinage de l’Union européenne, de la Facilité européenne d’investissement et de partenariat, de l’organisation méditerranéenne de l’énergie etc... ne sont pas parvenues à remédier aux déséquilibres persistants qui affectent les pays de la rive sud.

Ces derniers se sont sentis délaissés par une Europe soucieuse avant tout, selon eux, d’intégrer institutionnellement et politiquement les anciens Etats du bloc de l’Est et n’ont pas toujours eu le sentiment d’être traités à parité dans le cadre du processus euro-méditerranéen dont le bilan reste modeste.

L’Union méditerranéenne ne se substituera pas au processus de Barcelone dont elle partage l’objectif de convergence économique et sociale entre l’Europe et le sud de la Méditerranée. Complémentaire du processus euro-méditerranéen, l’Union méditerranéenne repose sur l’élaboration et la mise en œuvre de projets concrets dans le cadre d’un partenariat égalitaire entre les Etats et d’une association des représentants de la société civile.

Parler aujourd’hui d’Union méditerranéenne, c’est affirmer la volonté politique de construire de façon multilatérale et égalitaire un avenir commun à tous ceux qui se sentent appartenir à ce monde, en dépit des conflits politiques qui le traversent, des différences de niveau de vie et de développement qui caractérisent ses deux rives, et de l’opposition entre un Nord structuré et intégré et un Sud multiple et déchiré.

Comment construire l’Union méditerranéenne ?

Dix députés, membres de la commission des affaires étrangères, de diverses sensibilités politiques, mais tous profondément attachés à la réalisation de ce projet politique, souhaité par le Président de la République, se sont interrogés sur la façon de procéder pour réussir à bâtir cet ensemble.

Quel périmètre pour l’Union méditerranéenne ? Quelle architecture institutionnelle pour cet ensemble ? Quel lien instituer avec l’Union européenne ? Quels projets privilégier ? Quels financements pour les réaliser ?

En répondant clairement à cette série de questions, la Mission d’information propose une construction possible de l’Union méditerranéenne.

LE MILIEU DES TERRES

« La Méditerranée n’existe pas » (1). L’absence de dimension politique du bassin méditerranéen ne permet pas de réfuter cette assertion provocatrice. En revanche, l’histoire porte le témoignage d’un destin commun que confirment les réalités géographiques.

Selon l’expression de Fernand Braudel, la Méditerranée est un très vieux carrefour. Carrefour des continents, des religions et des civilisations où s’entrechoquent conflits durables et tensions récurrentes, mais aussi carrefour économique, commercial et culturel où se manifestent les problématiques du XXIème siècle.

En dépit des fractures que provoquent les inégalités, la conscience d’un patrimoine à préserver ainsi que celle d’un avenir partagé à assurer peuvent inspirer une relation renouvelée entre les peuples méditerranéens auquel le projet d’union méditerranéenne souhaite contribuer.

« Je sais qu’au fond de chaque homme et de chaque femme qui vit sur les rives de la Méditerranée gît le souvenir et le regret d’une unité perdue depuis quinze siècles ». Dans son discours fondateur de Tanger (2), le Président de la République rappelle que l’unité de la Méditerranée est un rêve qui s’est réalisé sous l’empire romain. La Méditerranée était connue alors sous le nom de Mare nostrum, « notre mer ».

Si le rêve s’est évanoui, la réalité demeure, celle d’une « étonnante civilisation méditerranéenne qui, au fur et à mesure de son déploiement, balisa les trajectoires de notre culture, fixant l’un après l’autre les repères majeurs de notre histoire et faisant de nous les dépositaires d’un héritage où l’alphabet fut phénicien, le concept grec, le droit romain, le monothéisme sémite, l’ingéniosité punique, la munificence byzantine, la science arabe, la puissance ottomane, la coexistence andalouse, la sensibilité italienne, l’aventure catalane, la liberté française et l’éternité égyptienne » (3).

Pendant des millénaires, le bassin méditerranéen fut le centre du monde, fidèle à son nom qui signifie « au milieu des terres ». Berceau des religions monothéistes, il a donné naissance à trois civilisations principales « qui sont en fait les seuls destins de long souffle que l’on puisse suivre sans interruption à travers les péripéties et les accidents de l’histoire méditerranéenne » (4) : la romanité qui s’étend jusqu’au monde protestant et jusqu’outre-atlantique ; l’Islam qui est présent jusqu’à l’Insulinde (Indonésie et Philippines) ; le monde orthodoxe qui comprend la Russie.

Le XXème siècle a malheureusement confirmé la place d’épicentre des séismes historiques du monde méditerranéen. Il a ainsi été le théâtre des deux guerres mondiales, du processus douloureux de la décolonisation mais aussi de conflits localisés qui perdurent, au premier rang desquels le conflit israélo-arabe.

L’espace euro-méditerranéen demeure la seule région du monde dans laquelle se superposent les deux lignes de fractures de notre temps : la césure Orient-Occident et la fracture Nord-Sud.

Si, dans la mythologie grecque, Europe est une divinité méditerranéenne, princesse phénicienne devenue reine de Crète, les liens entre l’Europe et la Méditerranée se sont distendus tandis que les inégalités se creusaient entre le Nord et le Sud.

Face aux risques géopolitiques de la région, surgit périodiquement l’idée de construire, à l’instar de l’Europe, un espace de paix en tissant des liens économiques irrévocables avec ses ennemis d’hier : cette idée ambitieuse peut trouver son prolongement en Méditerranée dès lors que les intérêts communs des deux rives sont évidents.

Une unité géographique

Les pays méditerranéens partagent d’abord une réalité géographique.

« Comme des grenouilles autour d’un marais, nous sommes tous assis au bord de la mer ». Cette mer qu’évoque Platon, c’est la Méditerranée, qui apparaît sur une carte pour la première fois en 1737.

Longue de 3 800 kilomètres, elle occupe 2,5 millions de km2, soit 1/35e de l’Atlantique. Sa largeur varie, de 1 700 km entre Trieste et la Libye à 138 km entre la Sicile et la Tunisie et 13 km entre le Maroc et l’Espagne. D’une profondeur moyenne de 1 500 mètres, elle est divisée en deux bassins, oriental et occidental, séparés par le détroit situé entre la Sicile et la Libye. Les détroits du Bosphore et des Dardanelles assurent une liaison avec la mer Noire et les mondes russe et caucasien.

Point de contact des plaques eurasiatique et africaine, le bassin méditerranéen subit de nombreux désordres géologiques, des volcans italiens jusqu’aux tremblements de terre turcs.

Jusqu’au percement du canal de Suez en 1869, le détroit de Gibraltar, autrefois dénommé les colonnes d’Hercule, constituait la seule porte de la navigation. La mer Méditerranée est aujourd’hui l’une des principales voies maritimes du globe.

Au confluent de trois continents – l’Europe, l’Afrique et l’Asie – , le bassin méditerranéen bénéficie d’un facteur essentiel d’unité géographique : son climat qui se caractérise par la chaleur et la sécheresse de l’été, l’irrégularité des précipitations de l’automne et la douceur de l’hiver.

Ce climat a favorisé les trois cultures fondamentales de la Méditerranée que sont la vigne, le blé et l’olivier.

L’olivier, symbole de la Méditerranée

L’olivier a marqué, par son ampleur géographique et historique, non seulement le paysage, mais aussi la vie quotidienne des civilisations méditerranéennes, il est associé à leurs rites et à leurs coutumes religieuses et il a influencé leurs mœurs et leurs techniques.

Arbre mythique et sacré des trois religions monothéistes, référence matérielle et spirituelle pour toute la Méditerranée, symbole universel de paix et de réconciliation, l’olivier représente une grande variété de paysages naturels et culturels vivants. Avec le vin et le blé, l’olivier a permis aux communautés de la Méditerranée, grâce aux routes de commerce maritimes ou terrestres, de contribuer à la formation des villes-ports comme Marseille, Gênes, Barcelone, le Pirée. Les ports et les villes de la Méditerranée de l’est à l’ouest et du nord au sud, les bazars et les marchés, les oliveraies et les huileries anciennes ou récentes constituent un patrimoine commun exceptionnel, témoignages signifiants de l’histoire et du développement de la technologie.

Aujourd’hui c’est en Méditerranée que se réalise 98 % de la production mondiale de l’huile d’olive. Les techniques et les coutumes continuent de se croiser autour de la culture de l’olivier. Globalement la production d’huile d’olive a un rôle déterminant pour les économies et l’emploi ainsi que pour la biodiversité des régions méditerranéennes. Les surfaces avec des plantations d’oliviers couvrent presque 4,5 millions d’hectares alors que le secteur comprend 2 240 000 producteurs.

Source: Fondation culturelle “The Routes of the Olive Tree”.

Les caractéristiques géographiques de la Méditerranée en font une région stratégique mais également fragile sur le plan écologique.

Un écosystème fragile

L’eau est à la fois élément fédérateur et objet de discorde en Méditerranée. La préservation de la ressource, l’accès à l’eau ainsi que sa qualité préoccupent les populations du bassin méditerranéen.

La dépollution de la mer Méditerranée, d’une part, et la gestion satisfaisante de la demande d’eau, d’autre part, constituent deux chantiers majeurs pour le pourtour méditerranéen.

La mer accueille 30 % du trafic fret maritime international et 20 à 25 % du transport maritime d’hydrocarbures multipliant ainsi les risques de pollution. En 2000, la population pauvre en eau, c’est-à-dire celle des pays qui disposent de moins de 1 000 m3 par habitant par an, s’élève à 108 millions. La population en situation de pénurie d’eau, dotée de moins de 500 m3, s’élève à 45 millions.

Selon le président du Conseil mondial de l’eau (5), « tous les gouvernements, et pas seulement en Méditerranée, doivent admettre que les problèmes de l’eau vont nécessiter dans les années à venir, à cause de la démographie, de la pollution et des changements climatiques, infiniment plus de moyens financiers, intellectuels et juridiques que ceux qui y ont été consacrés durant les 50 dernières années. »

La solution des problèmes liés à l’eau qui nécessite de l’argent, une amélioration de la gouvernance et des transferts de connaissances, ne peut être durable et performante sans une prise de conscience de tous les acteurs de la Méditerranée. Alors que l’eau est considérée comme la première source de conflit pour le siècle à venir, tous les paramètres sont réunis pour faire de l’eau, le charbon ou l’acier de la Méditerranée.

L’eau n’est pas le seul élément fondateur de la Méditerranée dont l’avenir paraît hypothéqué sans une action écologique résolue.

La Méditerranée ne représente que 0,7 % de la surface des océans, mais constitue un des réservoirs majeurs de la biodiversité marine et côtière, avec 28 % d’espèces endémiques 7,5 % de la faune et 18 % de la flore marine mondiale. Il s’agit aussi pour les oiseaux d’une aire majeure d’hivernage, de reproduction et de migration.

Le littoral méditerranéen compte 46 000 km de côtes, dont 42 % appartenant aux nombreuses îles, et accueille 143 millions d’habitants. 33 % de la population méditerranéenne vit sur 13 % de la superficie des pays riverains.

La conservation de la biodiversité marine de la Méditerranée et la nécessaire protection du littoral s’inscrivent dans la perspective du développement durable souhaitable. L’acuité de ces questions est renforcée par la pression touristique croissante.

La fragilité écologique pèse, en effet, sur la première région touristique du monde. Le nombre de touristes a été multiplié par 4 entre 1970 et 2000 pour atteindre 218 millions, dont 85 % sont originaires d’Europe. L’hypothèse retenue pour 2025 est celle d’un flux touristique accru de 178 millions de touristes supplémentaires.

Les flux touristiques participent de l’interdépendance entre les deux rives de la Méditerranée. Qu’ils soient économiques ou énergétiques, les destins des deux rives sont indissolublement liés. La révolution démographique oblige également à repenser les relations entre le Nord et le Sud.

Un carrefour humain

La croissance démographique du Sud et le vieillissement de la population du Nord sont les termes de l’équation démographique de la Méditerranée pour les prochaines années.

Les Nations unies estiment qu’en 2050 les deux rives méditerranéennes abriteront chacune une population équivalente de 400 millions d’habitants. Cependant, la situation des pays du Sud est contrastée selon qu’ils ont ou non achevé leur transition démographique (6). Le rééquilibrage démographique à venir pose des questions nouvelles qui justifient une réponse politique capable de désamorcer les tensions qu’elles ne manqueront pas de faire naître.

M. Hassan Abouyoub, ambassadeur itinérant du roi Mohammed VI, estime ainsi que « onze pays de la rive sud de la Méditerranée verront leur population en âge de travailler passer de 104 millions d’habitants à l’heure actuelle à 146 millions en 2010 puis 185 en 2020. L’immense défi que représente la nécessité de créer entre 80 et 100 millions d’emplois en vingt ans dans les pays du sud de la Méditerranée rend impérative la prise de conscience d’une communauté de destin existant entre les deux rives. » (7)

Les perspectives démographiques imposent également de renouveler l’approche des migrations entre les deux rives qui caractérisent déjà la Méditerranée. En outre, les pays du Sud sont désormais confrontés à la pression migratoire venue d’Afrique.

Au cours de vingt dernières années, près de 8 000 migrants ont perdu la vie en Méditerranée. Des naufrages d’embarcations au large des côtes espagnoles, italiennes ou grecques, des populations africaines subsahariennes, armées d’échelles artisanales pour pénétrer dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla : ces événements dramatiques qui dominent périodiquement l’actualité posent le problème des flux migratoires clandestins de part et d’autre de la Méditerranée.

Au Sud, se pose actuellement le problème aigu de « la transformation de flux considérés comme essentiellement de transit (en provenance de l’Afrique sub-saharienne et à destination de l’Europe à travers l’Afrique du Nord) en immigration sédentaire du fait de la difficulté pour les migrants de pénétrer sur le territoire européen » (8). On recense ainsi quatre millions de personnes émigrées dans le Sahara. Face au vieillissement de sa population, le Nord doit s’interroger sur ses besoins en main-d’œuvre et les moyens d’y répondre.

Première étape de l’immigration depuis l’Afrique noire, « le Maghreb a le sentiment d’être un sas vers l’Europe » (9). Alors que les pays du Maghreb connaissent désormais des problèmes d’immigration similaires à ceux de l’Europe, une réflexion conjointe pourrait permettre d’établir un consensus autour de cette préoccupation commune.

Les phénomènes migratoires mettent en lumière les insuffisances du développement économique au sud de la Méditerranée. En effet, le bassin méditerranéen connaît aujourd’hui le plus grand différentiel de niveaux de vie au monde entre deux régions contiguës, deux fois supérieur à celui qui sépare les Etats-Unis et le Mexique.

Des interdépendances économiques

La convergence économique entre les rives nord et sud est loin d’être réalisée en dépit des efforts du partenariat euro-méditerranéen. Alors que les pays méditerranéens exportent 50 % de leur production vers l’Union européenne et importent 45 % de produits européens, le processus de Barcelone n’est pas encore parvenu à instaurer une zone de libre-échange capable d’assurer une prospérité partagée. Si la conclusion d’accords d’association a contribué à dynamiser le dialogue économique et commercial Nord-Sud, la faiblesse persistante des échanges entre les pays du Sud demeure préoccupante.

Si l’on considère le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat entre 1990 et 2006, les écarts entre l’Europe et les rives sud et est de la Méditerranée ont eu tendance à s’accroître en moyenne. Pour certains pays, il s’agit d’un véritable décrochage. Le PIB par habitant de la zone est aujourd’hui douze fois inférieur à celui des membres de l’Union européenne.

La croissance économique, qui s’est établie en moyenne à moins de 4 % par an sur la période 2001-2006, reste insuffisante pour parvenir à résorber les profonds déséquilibres structurels de la zone. D’après les experts internationaux, une croissance soutenue de 7 % est nécessaire pour créer les conditions d’un véritable décollage économique, seul à même de résoudre le problème de l’arrivée sur le marché du travail de très nombreux jeunes.

Selon l’analyse de l’Agence française de développement, contrairement aux pays d’Europe de l’Est dans les années 1990, les Etats du pourtour méditerranéen n’ont pas de perspective d’adhésion à un ensemble régional les incitant à accomplir de douloureuses réformes structurelles. La Méditerranée ne peut pourtant pas faire l’économie d’un projet mobilisateur de rapprochement, adossé à un processus de réforme organisé. L’Union méditerranéenne, dans laquelle la relation Nord-Sud a vocation à céder le pas à une relation égalitaire, pourrait convaincre ces pays de forcer leur destin.

Nombreux sont les exemples de problématiques partagées qui, traitées de manière concertée, peuvent favoriser un développement économique dans l’intérêt de tous.

A cet égard, la Méditerranée est aujourd’hui un espace de production et d’échanges de ressources énergétiques perfectible.

La Méditerranée supporte environ 30 % du commerce mondial des hydrocarbures dont une part importante est constituée de flux de transit. Cependant, les échanges endogènes sont favorisés par la structure du marché énergétique dans la région : au Sud, une dotation en ressources énergétiques concentrée sur l’Algérie, la Libye et l’Égypte, qui détiennent environ 5 % des réserves mondiales de gaz naturel et 3 % des réserves de pétrole ; au Nord, une demande forte résultant d’une consommation très supérieure et une dépendance en matière d’approvisionnements en hydrocarbures.

Deux principaux gazoducs existent actuellement : le Transmed (Algérie, Tunisie, Sicile, Italie) et le gazoduc Maghreb-Europe (Algérie, Maroc, Espagne, Portugal). De nombreuses liaisons sont à l’étude ou en projet pour des échanges Nord-Sud ou Est-Ouest.

La croissance inéluctable des besoins énergétiques des deux rives implique le développement d’infrastructures d’interconnexion en matière énergétique qui exigent de lourds investissements. La demande d’énergie commerciale pourrait croître de 65 % entre 2000 et 2025. Confronté aux limites de ses capacités de production d’énergie fossiles, le bassin méditerranéen devrait également miser sur les énergies renouvelables.

Alors que la mer Méditerranée compte le plus grand nombre de ports au monde, les infrastructures en la matière font défaut. Le caractère obligatoire du transport maritime pour les échanges commerciaux entre les deux rives et le manque de flexibilité de ce mode de transport représentent un obstacle aux échanges qui favorise notamment le commerce de l’Union européenne avec des pays permettant un transport direct par la route. Le manque d’infrastructures dans les principaux ports du sud de la Méditerranée occidentale contribue, en outre, à créer des goulots d’étranglement dans les connexions maritimes entre les deux rives.

La création d’une aire méditerranéenne prospère est enfin une réponse à la mondialisation. La régionalisation est, en effet, la voie qu’ont adoptée nos principaux concurrents pour exister politiquement et économiquement dans la mondialisation. Cette idée trouve ses limites dans une application à la seule Europe en comparaison des autres zones que constituent l’ALENA ou le Sud-Est asiatique. Les « quartiers d’orange », chers à M. Jean-Louis Guigou (10), forment des blocs de systèmes industriels, commerciaux et financiers qui parient sur la proximité géographique et la complémentarité des économies. Selon lui, « l’alternative pour les deux rives est claire : s’associer et devenir l’une des régions majeures du globe ou être éclatées et donc marginalisées » (11). Il pointe deux écueils que tout projet d’intégration régionale doit éviter : ne pas reproduire un rapport de force défavorable au Sud et ne pas se limiter aux questions économiques.

Une réponse politique : l’Union méditerranéenne

Cette précaution est notamment dictée par les leçons tirées du processus de Barcelone. Lancé en novembre 1995, le partenariat euro-méditerranéen visait à corriger le tropisme oriental de l’Union européenne et à resserrer les liens avec ses voisins du Sud. En dépit de succès indéniables, celui-ci fait aujourd’hui l’objet d’appréciations mitigées qui se rejoignent pour regretter un fonctionnement trop unilatéral au détriment des préoccupations des pays du Sud, un défaut d’appropriation par l’opinion publique ainsi qu’une insuffisante association de la société civile.

Forte de ce constat, l’idée d’Union méditerranéenne repose d’abord sur le respect des aspirations des pays de la rive sud. Au soir de son élection, le Président de la République a confirmé sa volonté, exprimée pendant la campagne électorale, de « bâtir ensemble une Union méditerranéenne qui sera un trait d’union entre l’Europe et l’Afrique ». Dans le prolongement du processus de Barcelone, qui a développé un partenariat entre l’Union européenne et les pays méditerranéens, l’Union méditerranéenne ambitionne de proposer à ceux que l’avenir du bassin méditerranéen préoccupe une coopération égalitaire fondée sur des projets d’intérêt commun.

L’opportunité du projet présidentiel a été unanimement saluée parce qu’il restaure la dimension politique du dialogue entre les deux rives. Largement commenté, il a suscité de multiples réactions dans les Etats qui auraient vocation à participer à l’Union méditerranéenne.

Éclairée par ces débats nombreux et fidèle à la tradition parlementaire de la coopération euro-méditerranéenne, la Mission d’information souhaite contribuer à la réflexion. Elle entend apporter des réponses concrètes aux cinq questions qui se posent : Quels pays participeront-ils à l’Union méditerranéenne ? Quelle en sera l’architecture institutionnelle ? Comment s’articulera-t-elle avec l’Union européenne ? Quels projets communs prioritaires peut-elle mettre en œuvre ? Comment ceux-ci seront-ils financés ?

Ces propositions visent à nourrir le nécessaire dialogue politique qui doit accompagner la création de l’Union méditerranéenne.

« Dans son paysage physique comme dans son paysage humain, la Méditerranée carrefour, la Méditerranée hétéroclite se présente dans nos souvenirs comme une image cohérente, comme un système où tout se mélange et se recompose en une unité originale. Cette unité évidente, cet être profond, comment l’expliquer… l’explication, ce n’est pas seulement la nature qui, à cet effet, a beaucoup œuvré ; ce n’est pas seulement l’homme, qui a tout lié ensemble obstinément ; ce sont à la fois les grâces de la nature ou ses malédictions – les unes et les autres nombreuses – et les efforts multiples des hommes, hier comme aujourd’hui …». Ce constat de Fernand Braudel invite les hommes à répéter leurs efforts en faveur d’une unité de la Méditerranée. Il donne pleinement son sens à l’Union méditerranéenne que le Président de la République appelle de ses vœux.

1.

Quel périmètre
géographique et politique ?

L’essentiel

La Mission d’information a recensé trois approches possibles du périmètre géographique et politique de l’Union méditerranéenne.

– l’une extensive, viserait à calquer l’Union méditerranéenne sur le périmètre du processus de Barcelone, soit près d’une quarantaine d’Etats membres ;

– l’autre restrictive, consisterait à lancer l’Union méditerranéenne à quelques pays, à partir du « dialogue 5+5 » ;

– une troisième approche serait fondée sur la notion d’Etats riverains de la Méditerranée.

La Mission d’information propose que l’Union méditerranéenne repose en priorité sur les Etats riverains, sur la base d’une adhésion volontaire. L’Union européenne et la Ligue arabe en seraient membres de droit. Pour autant, l’Union méditerranéenne doit être un processus ouvert en permanence à l’ensemble des Etats qui le souhaitent, notamment les autres membres de l’Union européenne, dans le cadre d’un périmètre à géométrie variable.

Le sommet de lancement prévu en juin 2008 pourrait ainsi s’organiser autour de deux réunions distinctes :

– l’une en format restreint aux seuls pays riverains de la Méditerranée (ainsi que le Portugal, la Mauritanie, la Jordanie) qui auraient le statut de membre permanent de l’Union méditerranéenne ; ce statut serait également accordé à l’Union européenne et à la Ligue arabe ;

– l’autre élargie à l’ensemble des pays qui le souhaiteraient, notamment aux autres Etats membres de l’Union européenne, selon les projets communs mis en œuvre, avec le statut de membre non permanent de l’Union méditerranéenne.

La question du périmètre de l’Union méditerranéenne se pose à la fois en des termes géographiques et politiques. Elle est indissociable de la réflexion sur le cadre institutionnel et, par voie de conséquence, sur l’articulation souhaitable avec l’Union européenne et les organisations régionales existantes.

La réalité de multiples enceintes euro-méditerranéennes rend particulièrement complexe la définition de critères objectifs d’appartenance à une Union méditerranéenne dont on ne connaît à ce stade ni les compétences, ni les institutions. Faut-il s’inspirer de périmètres pré-établis ? S’agit-il au contraire d’imaginer un cadre sui generis ? Doit-il être définitif ou évolutif ? Faut-il faire de la détermination des frontières de l’Union méditerranéenne un préalable à sa création ?

Quelle que soit la solution retenue, l’essentiel est de veiller à ce que l’ouverture d’un débat sur les frontières de l’Union méditerranéenne ne crée pas de nouvelles divisions qui iraient à l’encontre d’une démarche politique visant au contraire à favoriser les rapprochements.

A – Les approches possibles

Du point de vue géographique, plusieurs approches sont possibles selon que l’on retient une définition extensive ou restrictive de l’Union méditerranéenne.

Une première approche, extensive, consisterait à calquer l’Union méditerranéenne sur le périmètre du processus de Barcelone, à savoir les 27 pays membres de l’Union européenne et douze pays de la rive sud (12).

Cette hypothèse est à première vue séduisante car elle présente l’avantage de n’exclure aucun Etat membre de l’Union européenne tout en réunissant l’ensemble des pays de la rive sud, y compris la Libye et la Mauritanie. Privilégier cette option aurait toutefois pour effet de limiter l’Union méditerranéenne à une coopération euro-méditerranéenne et à un dialogue politique Nord-Sud dont on perçoit mal la valeur ajoutée par rapport au processus de Barcelone. Mieux vaudrait dans cette hypothèse approfondir ce processus plutôt que créer une nouvelle enceinte. Or, lors de son audition par la Mission d’information, M. François Gouyette, ambassadeur de France à l’Euroméditerranée a justement souligné « l’identité propre » de l’Union méditerranéenne du fait de « l’appartenance de ses membres à la Méditerranée » (13). De son périmètre naîtrait donc la spécificité de l’Union méditerranéenne au regard des structures existantes, en particulier du partenariat euro-méditerranéen.

En outre, choisir de calquer le périmètre géographique de l’Union méditerranéenne sur celui du processus de Barcelone provoquerait un déséquilibre numérique entre les rives nord et sud, allant à l’encontre de la revendication légitime des Etats du Sud d’être placés sur un pied d’égalité avec ceux du Nord.

Enfin, le processus de Barcelone n’inclut pas les pays des Balkans (Croatie, Bosnie-Herzégovine, Albanie et Monténégro), dont la plupart sont liés à l’Union européenne par des accords de stabilité et d’association. Il y aurait une incohérence à proposer à des Etats d’Europe du Nord de rejoindre une Union méditerranéenne à laquelle des pays riverains de la Méditerranée n’auraient pas accès.

Dans ces conditions, le format « euro-méditerranéen » semble inapproprié car à la fois trop large et trop restreint. Trop large, car il s’étend bien au-delà des frontières de la Méditerranée ; mais aussi trop restreint, car il exclut des Etats directement concernés par des sujets d’intérêt commun.

C’est pourquoi une deuxième approche, plus restrictive, consisterait à lancer l’Union méditerranéenne à partir du « dialogue 5+5 », l’enceinte créée en 1990 et relancée en 2001, qui regroupe dix pays riverains du bassin occidental de la Méditerranée.

Ce processus de coopération régionale en Méditerranée occidentale réunit les cinq pays du Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie et Libye) et cinq Etats méditerranéens membres de l’Union européenne (Espagne, Portugal, France, Italie et Malte).

Le nombre relativement réduit d’Etats concernés permet une plus grande cohésion géographique et représente un cadre approprié qui se prête au développement de projets sectoriels.

A l’occasion de la conférence ministérielle euro-méditerranéenne qui s’est tenue à Lisbonne le 5 novembre 2007, le ministre italien des affaires étrangères a indiqué sa préférence pour ce périmètre restreint, à savoir le format 5+5 auquel il a suggéré d’ajouter la Grèce et l’Egypte, conduisant ainsi à un groupe « 6+6 ». Serait-ce pour autant nécessairement le format le mieux adapté à l’Union méditerranéenne ?

Cette option présenterait l’avantage de ne pas avoir à créer une nouvelle structure ex nihilo mais de partir d’une enceinte existante dont chacun semble reconnaître qu’elle fonctionne bien. Pour autant, restreindre l’appartenance à l’Union méditerranéenne à certains pays riverains, et pas à l’ensemble, est sujet à contestation. Ce format présente également l’inconvénient d’exclure des pays membres de l’Union européenne tels que l’Allemagne et la Suède qui n’entendent pas être mis à l’écart de l’Union méditerranéenne.

Une troisième approche consisterait à faire de la notion de pays riverain l’unique critère d’appartenance à l’Union méditerranéenne.

Dans son discours de Tanger du 23 octobre 2007, le Président Nicolas Sarkozy a ainsi fait référence aux « pays riverains de la Méditerranée » pour établir la liste des dirigeants invités au Sommet de lancement de l’Union méditerranéenne, envisagé en France en juin 2008. Le Chef de l’Etat a également convié les pays non riverains – sans préciser lesquels – à participer en observateurs à ce premier sommet en déclarant : « J’invite tous les chefs d’Etat et de gouvernement des pays riverains de la Méditerranée à se réunir en France en juin 2008 pour jeter les bases d’une union politique, économique et culturelle fondée sur le principe d’égalité stricte entre les nations d’une même mer, l’Union de la Méditerranée. J’invite tous les États qui ne sont pas riverains de la Méditerranée mais qui sont concernés par ce qui lui arrive à participer, en observateurs, à ce premier sommet et à contribuer à sa réussite ».

On recense 22 pays riverains de la Méditerranée :

– au Nord : l’Espagne, la France, Monaco, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l’Albanie, la Grèce, la Turquie, Malte et Chypre ;

– au Sud : le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Égypte, Israël, l’Autorité Palestinienne, le Liban et la Syrie.

Bien que n’étant pas géographiquement riverains de la Méditerranée, trois autres États sont directement concernés par les sujets d’intérêt commun au bassin méditerranéen : il s’agit du Portugal, de la Mauritanie et de la Jordanie qui participent déjà à différentes enceintes euro-méditerranéennes.

Selon un critère exclusivement géographique, 25 pays auraient ainsi vocation à participer à l’Union méditerranéenne, tandis que nombre d’Etats membres de l’Union européenne intéressés aux questions méditerranéennes dans le cadre du processus de Barcelone seraient de facto exclus de ce projet. Tout au plus, un statut d’observateur pourrait leur être accordé.

Aussi pertinent qu’il puisse paraître, le critère géographique est-il suffisant à lui seul pour établir la liste des pays membres de l’Union méditerranéenne ? Faudrait-il y ajouter d’autres critères ?

Lors de son audition par la Mission d’information, M. Hassan Abouyoub, ambassadeur itinérant du Roi du Maroc Sa Majesté Mohammed VI, a déclaré que l’Union méditerranéenne ne devait pas être à ses yeux un processus automatiquement ouvert à tous les pays. En définissant l’Union méditerranéenne comme « une institution à laquelle les Etats membres devront adhérer en s’engageant à respecter des règles et des valeurs communes » (14), M. Abouyoub a ainsi estimé que l’appartenance géographique ne saurait se suffire à elle-même.

Serait-il pour autant opportun de fixer des critères d’adhésion comme le fait l’Union européenne avec les pays qui aspirent à la rejoindre (15) ?

La Mission d’information ne le pense pas car l’Union méditerranéenne n’est ni une étape vers l’adhésion à l’Union européenne, ni une alternative à l’Union européenne. Or fixer des critères d’adhésion autres que géographiques aurait pour effet d’assimiler les Etats de la rive sud à des pays candidats à l’Union européenne. En outre, les Etats riverains de la Méditerranée se trouvent dans des situations politiques et juridiques très variées à l’égard de l’Union européenne : certains sont formellement des pays candidats (la Croatie et la Turquie), tandis que d’autres sont liés par des accords d’association ou ont vocation à rejoindre l’Union européenne, à l’instar des pays des Balkans.

LES PÉRIMÈTRES ENVISAGEABLES

 

Périmètre

Avantage(s)

Inconvénient(s)

Approche extensive

Format « Barcelone » : 39 ou 43 pays

UE 27 + 12 Etats du Sud : Algérie, Maroc, Tunisie, Egypte, Israël, Autorité Palestinienne, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie, Libye, Mauritanie.

L’ajout des Etats des Balkans (Croatie, Bosnie-Herzégovine, Albanie, Monténégro) conduirait à un total de 43 pays.

Aucun Etat membre de l’Union européenne n’est mis à l’écart.

Hétérogénéité.

Duplication du processus de Barcelone

Approche restrictive

Format « 6+6 » : 12 pays

– Au Nord : Espagne, France, Italie, Malte, Portugal, Grèce

– Au Sud : Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie, Egypte

Homogénéité

Périmètre adapté à la mise en œuvre de projets sectoriels

Exclusion des Etats membres de l’Union européenne non riverains de la Méditerranée

Approche « Etats riverains »

Format « Etats riverains » : 25 pays

– Au Nord : Espagne, Portugal, France, Monaco, Italie, Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Albanie, Grèce, Turquie, Malte et Chypre.

– Au Sud : Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Jordanie, Israël, Autorité Palestinienne, Liban, Syrie et Mauritanie.

Objectivité
du critère d’appartenance

Exclusion des Etats membres de l’Union européenne non riverains de la Méditerranée

B – Le choix d’un périmètre modulable

L’Union méditerranéenne doit reposer en priorité sur les pays riverains de la Méditerranée, sur la base d’une adhésion volontaire.

Mais l’Union méditerranéenne doit aussi demeurer un processus en permanence ouvert à l’ensemble des Etats qui le souhaitent, notamment les autres membres de l’Union européenne, dans le cadre d’un périmètre à géométrie variable, selon les projets mis en œuvre. Chaque Etat volontaire serait ainsi membre à part entière de l’Union méditerranéenne dans le cadre du ou des projets auquel il prendrait part.

A la distinction entre Etats membres et Etats observateurs, la Mission d’information préfère en effet la notion de membres permanents et non permanents (mais avec des droits équivalents) qui reflète mieux la dimension à géométrie variable de l’Union méditerranéenne.

Le sommet de lancement de l’Union méditerranéenne prévu en juin 2008 pourrait ainsi s’organiser autour de deux réunions distinctes :

– l’une en format restreint aux seuls pays riverains de la Méditerranée (ainsi que le Portugal, la Mauritanie et la Jordanie) qui auraient le statut de membre permanent de l’Union méditerranéenne ; ce statut serait également accordé à l’Union européenne et à la Ligue arabe ;

– l’autre élargie à l’ensemble des pays qui le souhaiteraient, notamment aux Etats membres de l’Union européenne, avec le statut de membre non permanent de l’Union méditerranéenne.

LES ÉTATS MEMBRES PERMANENTS DE L’UNION MÉDITERRANÉENNE


Proposition n° 1 - Le périmètre

La Mission propose un périmètre large à géométrie variable.

L’Union méditerranéenne comprend :

– les Etats riverains (y compris le Portugal, la Mauritanie et la Jordanie) qui en manifestent la volonté, ainsi que l’Union européenne et la Ligue arabe ;

– tout pays non riverain qui souhaiterait y participer selon les projets.

Les pays riverains forment le groupe des Etats permanents, les non riverains le groupe des non-permanents.

Il y a égalité de traitement entre chaque Etat membre permanent ou non permanent de l’Union méditerranéenne.

2.

Quelle architecture ?

L’essentiel

L’organisation institutionnelle de l’Union méditerranéenne devrait respecter quatre principes :

– la non-duplication d’institutions existantes ;

– l’égalité entre les Etats participants ;

– la géométrie variable ;

– l’ouverture sur la société civile.

La Mission d’information propose la création d’un « G-Med », composé des chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Union méditerranéenne, et auquel participeraient de droit l’Union européenne et la Ligue arabe. La définition et la mise en œuvre des projets communs seraient confiées à une « Agence de la Méditerranée » ouverte sur la société civile et organisée autour de deux niveaux : l’un ministériel, l’autre opérationnel. L’Assemblée parlementaire de la Méditerranée pourrait constituer le volet parlementaire de l’Union méditerranéenne.

La création de l’Union méditerranéenne suppose-t-elle la mise en place d’un cadre institutionnel spécifique ? La réponse apportée à cette question par les personnalités auditionnées par la Mission d’information est claire : les projets devront primer sur les institutions. A l’instar du « dialogue 5 + 5 », la plus informelle des enceintes existantes mais aussi celle qui fonctionne le mieux, l’Union méditerranéenne devra s’appuyer sur une structure souple et légère. Comme l’indique M. Jean-Louis Guigou, délégué général de l’IPEMed , « il s’agit de créer des solidarités concrètes reportant à plus tard les questions institutionnelles (16) ». Dans le même esprit, l’Ambassadeur Alain Le Roy a ainsi déclaré que « la création d’une Union de la Méditerranée n’implique pas la création d’institutions supplémentaires » (17).

Pour autant, le lancement de l’Union méditerranéenne est l’expression d’une volonté politique qui devra s’appuyer sur un cadre de coopération intergouvernementale indispensable à la permanence d’une telle union. En effet, les sommets périodiques de chefs d’Etat et de gouvernement ne sauraient tenir lieu à eux seuls d’Union méditerranéenne. Un juste équilibre doit ainsi être recherché entre d’une part, le refus de créer de nouvelles institutions sur le modèle de l’Union européenne, et d’autre part, l’insuffisance de structures seulement informelles.

A – Les quatre principes fondateurs de l’Union méditerranéenne

Il ressort des auditions menées par la Mission d’information que l’organisation institutionnelle de l’Union méditerranéenne devrait respecter quatre principes :

– la non-duplication d’institutions existantes ;

– l’égalité entre les Etats participants ;

– la géométrie variable ;

– l’ouverture sur la société civile.

1) La non-duplication d’institutions existantes

Il serait à première vue séduisant de bâtir une Union méditerranéenne sur le modèle de l’Union européenne, avec un Conseil de la Méditerranée, un Parlement de l’Union méditerranéenne, une « Haute Autorité » détentrice du pouvoir exécutif et, pourquoi pas, un organe juridictionnel sur le modèle de la Cour de justice de Luxembourg ou de la Cour européenne des droits de l’Homme. Ce serait pourtant une erreur que de considérer que les ressorts politiques et juridiques de l’Union méditerranéenne sont similaires à ceux de l’Union européenne. Le Président Nicolas Sarkozy l’a d’ailleurs affirmé sans ambiguïté dans son discours de Tanger : « Nous ne ferons pas d’emblée l’Union méditerranéenne sur le modèle actuel de l’Union européenne avec ses institutions, ses administrations, son degré élevé d’intégration politique, juridique, économique. Comme l’Union européenne ne ressemble finalement à rien de ce qui a pu être tenté jusqu’à présent pour unir des peuples, il est probable que l’Union méditerranéenne, à terme, ne ressemblera pas à l’Union européenne et à ce qu’elle est devenue mais qu’elle sera, elle aussi, en fin de compte, une expérience originale et unique ».

Outre que la création d’institutions politiques et juridictionnelles autonomes serait vraisemblablement perçue comme entrant en concurrence avec les enceintes mise en place dans le cadre du processus de Barcelone, le risque est réel que les débats institutionnels hypothèquent la mise en œuvre opérationnelle de l’Union méditerranéenne. C’est la raison pour laquelle il convient d’abord de s’accorder, au niveau politique, sur des projets communs, avant d’établir les structures qui seront chargées de les mettre en œuvre.

2) L’égalité entre les Etats participants

Une critique fréquemment adressée au processus de Barcelone concerne le sentiment exprimé par les dirigeants des Etats du sud de la Méditerranée de ne pas être placés sur un pied d’égalité avec leurs partenaires de l’Union européenne. Ce déséquilibre de la relation méditerranéenne a été illustré en ces termes par M. Jean-Louis Guigou lors de son audition par la Mission d’information : « Le volet agricole de l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne prévoit que l’Europe peut exporter en Algérie, sans droits, 400 000 tonnes de blé, 4 000 tonnes de produits céréaliers. En contrepartie, l’Algérie est libre d’exporter vers l’Union européenne, sans contingents, des produits de qualité et de label, tels que le whisky, le cognac, le brandy, le calvados. C’est honteux » (18).

L’Union méditerranéenne doit rompre avec des comportements et des modes de pensée à courte vue. Elle devra être fondée sur une égalité stricte entre les Etats membres qui auront choisi d’y adhérer. L’adhésion à l’Union méditerranéenne devra en effet procéder d’une démarche volontaire et les décisions devront se prendre, au moins dans un premier temps, par voie de consensus. Ceci implique de privilégier un cadre institutionnel intergouvernemental plutôt que supranational.

3) La géométrie variable

La géométrie variable sera la force de l’Union méditerranéenne. Gage de flexibilité et d’efficacité, la géométrie variable devra permettre à l’Union méditerranéenne de fonctionner projet par projet, dans le cadre de coopérations spécialisées sur des thématiques variées. C’est ainsi que des pays non riverains de la Méditerranée pourront participer à l’Union méditerranéenne. Ce pragmatisme doit permettre de surmonter la question du périmètre de l’Union méditerranéenne qui sera ainsi évolutif.

Cette géométrie variable doit faire de l’Union méditerranéenne une union en permanence ouverte sur les Etats et les organisations qui souhaitent apporter leur concours à des projets d’intérêt méditerranéen. Pourquoi pas faire appel aux pays du Golfe ou à des Etats d’Europe du Nord qui en manifesteraient la volonté ?

Il appartiendra aux dirigeants des pays riverains de la Méditerranée de veiller à la cohérence des projets les uns par rapport aux autres.

4) L’ouverture sur la société civile

L’une des limites du processus de Barcelone réside dans l’insuffisante implication des sociétés civiles, la coopération euro-méditerranéenne demeurant très largement méconnue des opinions publiques. Un enjeu stratégique de l’Union méditerranéenne sera ainsi de mobiliser les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle autour de projets qui les concerneront directement.

Auditionné par la Mission d’information, M. Boutros Boutros-Ghali a ainsi souligné l’indispensable association d’acteurs non étatiques, d’organisations non gouvernementales, de syndicats, fondations et groupes de parlementaires. L’idée d’un « Davos de la Méditerranée » a également été évoquée à plusieurs reprises devant la Mission d’information.

B – Une architecture évolutive

Le respect des quatre principes définis précédemment doit guider la réflexion sur un schéma possible d’organisation institutionnelle réaliste et adapté aux objectifs poursuivis. Comme pour l’Union européenne, l’architecture institutionnelle de l’Union méditerranéenne devra nécessairement être évolutive pour ouvrir la voie à un approfondissement des relations « sans cesse plus étroites » entre les Etats de la Méditerranée.

1) La création du « G-Med »

L’Union méditerranéenne sera lancée en juin 2008, en France, à l’occasion d’un Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays riverains de la Méditerranée. Ce « G-Med », calqué sur le format des réunions du G8, réunira les dirigeants des pays ayant répondu positivement à l’invitation du Président Nicolas Sarkozy.

Or des Etats non riverains de la Méditerranée ont également fait part de leur intérêt à participer à ce sommet. Se contenteront-ils d’un statut d’observateur ? La Mission d’information ne le pense pas et estime possible de concilier le critère objectif de la notion de pays riverains de la Méditerranée avec l’ouverture à d’autres pays intéressés par ce projet.

C’est pourquoi le « G-Med » de juin 2008 pourrait prendre, le même jour, la forme de deux réunions distinctes : l’une avec les seuls pays riverains de la Méditerranée et l’autre élargie aux Etats non riverains, sans les soumettre à un statut d’observateur. Ainsi, l’Union méditerranéenne à géométrie variable serait l’addition de ces deux ensembles.

L’Union européenne et la Ligue arabe seraient, es qualité, membres de droit de l’enceinte des pays riverains.

L’Union méditerranéenne ainsi constituée ferait l’objet d’une co-présidence tournante d’une durée de deux ans, exercée conjointement par un pays riverain du nord et un pays riverain du sud de la Méditerranée.

Un sommet du G-Med se tiendrait une fois par an, alternativement au nord et au sud de la Méditerranée.

2) Associer l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM)

L’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM) est issue de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Méditerranée (CSCM), organe subsidiaire de l’Union interparlementaire qui a fonctionné de 1992 à 2005. L’APM a tenu sa session inaugurale en Jordanie, à Amman, en septembre 2006.

Elle réunit 22 pays, dont 19 sont riverains de la Méditerranée et trois pays assimilés (Jordanie, Macédoine et Portugal).

L’objet de l’APM est de développer la coopération entre ses membres en se saisissant de questions d’intérêt commun afin de renforcer la confiance entre les États de la Méditerranée, de contribuer à la sécurité et à la stabilité régionales et de favoriser un développement harmonieux des pays méditerranéens dans un esprit de partenariat.

Sans qu’il soit nécessaire de recourir à la création d’une nouvelle institution, l’APM pourrait utilement représenter le volet parlementaire de l’Union méditerranéenne en donnant, à son niveau, les impulsions politiques nécessaires à la mise en œuvre de projets concrets.

Afin de donner une visibilité aux travaux de cette Assemblée, elle pourrait tenir ses sessions plénières la même semaine que les réunions du « G-Med ».

3) La création d’une « Agence de la Méditerranée »

L’Union méditerranéenne étant fondée sur des projets concrets, elle doit pouvoir s’appuyer sur une structure opérationnelle de nature à mettre en œuvre, sur le terrain, les décisions politiques prises au niveau du « G-Med ».

Afin d’éviter la création d’institutions politiques nouvelles, la Mission d’information estime approprié de recourir à une agence opérationnelle, chargée de missions spécifiques et disposant d’organes de direction autonomes. Cette formule juridique permet une souplesse de gestion et rendrait même possible, le moment venu, un auto-financement au moins partiel grâce aux droits et redevances éventuels perçus dans l’exercice de ses activités. Dotée de la personnalité juridique, l’agence disposerait en effet de l’autonomie financière. L’Agence serait financée par des contributions des Etats membres, ainsi que de l’Union européenne et de la Ligue arabe. En fonction des projets, l’une des missions de l’Agence sera la recherche de financements, notamment dans le cadre de partenariats publics/privés.

La création de cette « Agence de la Méditerranée » résulterait d’un traité international ouvert à la signature de tout Etat riverain de la Méditerranée, ainsi qu’à l’Union européenne et à la Ligue arabe qui en seraient membres de droit. Mais l’agence devrait également être ouverte à des Etats non riverains dans le cadre d’accords d’association, projet par projet.

L’Agence de la Méditerranée serait ainsi composée de membres permanents (les Etats riverains, l’Union européenne et la Ligue arabe) et non permanents (tout Etat non riverain souhaitant participer à la mise en œuvre d’un projet d’intérêt commun).

De nature intergouvernementale, l’Agence de la Méditerranée serait dirigée par un directeur exécutif nommé par le G-Med. L’agence devrait fonctionner selon le principe de géométrie variable, en fonction des projets mis en œuvre. Deux niveaux de décision devraient être distingués :

– un niveau ministériel, dans le cadre d’un comité directeur de l’Agence, composé d’un représentant par Etat membre. Ce comité directeur se réunirait, autant que de besoin, en formation plénière et en formation restreinte selon les projets en cours. Il serait chargé de définir les orientations de l’agence, conformément aux priorités politiques définies par le « G-Med » ;

– un niveau opérationnel réunissant, projet par projet, les représentants des organisations impliquées dans les actions mises en œuvre par l’Agence. Cet échelon opérationnel serait en particulier compétent pour l’expertise de projets et la recherche de financements.

Un forum représentatif de la société civile méditerranéenne pourrait également apporter son expertise à l’Agence de la Méditerranée.

A l’instar des agences mises en place au sein de l’Union européenne, l’Agence de la Méditerranée devra porter une attention particulière à communiquer auprès des populations concernées sur ses « réalisations concrètes », notamment dans le cadre de campagnes d’information et de panneaux d’affichage. L’Union méditerranéenne ne sera en effet populaire que si elle est visible auprès des opinions publiques.

Proposition n° 2 - L’architecture de l’Union méditerranéenne

La Mission propose la création d’un « G-Med » et d’une Agence de la Méditerranée.

– Le G-Med donne l’impulsion politique. Il est composé des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres permanents et non permanents de l’Union méditerranéenne ; il est coprésidé pour deux ans par un représentant du Nord et un représentant du Sud, afin de garantir le partage égalitaire du pouvoir de décision.

L’Union européenne et la Ligue arabe en sont membres de droit.

– L’Agence de la Méditerranée est chargée, en liaison avec le forum de la société civile, de la définition et de la mise en œuvre de projets concrets d’intérêt commun.

Le G-Med et l’Agence de la Méditerranée constituent l’Union méditerranéenne.

– L’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM), créée en 2006, constitue le volet parlementaire de l’Union méditerranéenne.

3.

Quel lien
avec l’Union européenne ?

L’essentiel

La coopération euro-méditerranéenne et l’Union méditerranéenne sont complémentaires l’une de l’autre.

Afin de lever toute ambiguïté sur les finalités de l’Union méditerranéenne, la Mission d’information propose la conclusion d’une charte de partenariat entre les deux organisations. Devraient nécessairement figurer dans cette Charte :

– la participation, de droit, de l’Union européenne aux instances de l’Union méditerranéenne comme membre permanent ;

– le respect, par l’Union méditerranéenne, de l’acquis du processus euro-méditerranéen de Barcelone ;

– l’instauration d’un lien institutionnel entre l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM) et l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) ;

– l’affirmation que l’appartenance à l’Union méditerranéenne n’est pas une alternative à l’adhésion à l’Union européenne ;

– les modalités de participation de l’Union européenne au financement de projets initiés et mis en œuvre dans le cadre de l’Union méditerranéenne.

La chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, a conduit l’Union européenne à faire de sa relation avec son voisinage à l’Est une priorité politique. La mise en œuvre d’importants programmes d’aides devait permettre d’accélérer la transition démocratique et économique des pays d’Europe centrale et orientale. Les élargissements de 2004 et de 2005 ont consacré le succès de cette politique. Néanmoins, l’attention portée à l’Est a pu donner le sentiment aux Etats tiers du bassin méditerranéen que les Européens négligeaient leur voisinage au Sud.

A – Les acquis de la politique euro-méditerranéenne

1) Le processus de Barcelone

Lancé à Barcelone, en novembre 1995, le partenariat euro-méditerranéen a ouvert la voie à un renforcement progressif des liens politiques et institutionnels entre l’Union européenne et les pays du Sud. Ce processus de Barcelone s’articule autour de trois axes :

– un volet politique, qui vise à faire de la Méditerranée un espace de paix et de stabilité ;

– un volet économique et commercial dont l’objectif est l’instauration d’une zone de prospérité de part et d’autre de la Méditerranée grâce à la création d’une zone de libre-échange euro-méditerranéenne ;

– un volet culturel, social et humain au service du dialogue entre les cultures et les civilisations euro-méditerranéennes. En avril 2005, la Fondation Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures a ainsi été inaugurée à Alexandrie, en Égypte. Cette fondation, dont l’objectif est de favoriser la connaissance et la compréhension mutuelles, est la première institution issue du processus de Barcelone.

Dans le prolongement du processus de Barcelone, l’Union européenne a également adopté en 2000, une « stratégie commune » à l’égard de la région méditerranéenne (19).

En novembre 2005, à l’occasion du dixième anniversaire de la Déclaration de Barcelone, l’heure est cependant à la déception et au scepticisme. Les progrès escomptés ne sont pas au rendez-vous et le cadre de la coopération euro-méditerranéenne fait l’objet de critiques récurrentes : déficit d’implication des populations concernées, absence de parité, déséquilibre de la relation Nord–Sud au profit des institutions européennes. Le processus de Barcelone a en effet montré ses limites, principalement en raison des tensions liées au conflit israélo-palestinien et aux rivalités entre les pays de la rive sud.

Pour autant – et les personnalités auditionnées par la Mission d’information l’ont généralement souligné – le processus de Barcelone ne doit pas être la cible de faux procès. Le partenariat euro-méditerranéen reste l’unique enceinte régionale qui réunit l’ensemble des pays de la rive sud, y compris Israël. Au niveau bilatéral, les accords d’association conclus entre l’Union européenne et la plupart des pays méditerranéens ont permis un développement significatif des échanges commerciaux entre les deux rives de la Méditerranée. Mais l’Union méditerranéenne doit permettre d’aller au-delà du processus de Barcelone en ajoutant à l’intensification des échanges Nord/Sud, le développement des relations économiques et commerciales Sud/Sud.

2) La diversité des instruments de coopération euro-méditerranéenne

Afin de relancer le processus de Barcelone, la Commission européenne s’appuie désormais également sur la politique européenne de voisinage (PEV) et sur son instrument financier, l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP).

Ainsi, au-delà du processus de Barcelone stricto sensu, l’Union européenne a développé toute une série de politiques et d’instruments ciblés à destination des pays riverains de la Méditerranée. Il convient notamment de mentionner :

– l’accord d’Union douanière conclu avec la Turquie ;

– le processus de stabilisation et d’association des Balkans occidentaux ;

– la politique d’élargissement à l’égard des Etats candidats à l’adhésion à l’Union européenne, qui concerne les pays méditerranéens que sont la Croatie et la Turquie ;

– la politique européenne de voisinage (20) ;

– la conclusion d’accords d’association avec les Etats de la rive sud de la Méditerranée ;

– l’application aux pays méditerranéens de plusieurs programmes communautaires tels que Erasmus Mundus en matière d’enseignement supérieur.

B – « L’Union méditerranéenne n’a pas vocation à se substituer à toutes les initiatives qui existent déjà, mais à leur donner un nouvel élan » (21).

L’existence de ces nombreux dispositifs explique certaines réticences exprimées par la Commission européenne quant à la réelle valeur ajoutée de l’Union méditerranéenne, posant la question de son articulation avec l’« acquis euro-méditerranéen ». Si l’exécutif européen n’est pas hostile à une relance de la politique méditerranéenne, il redoute que l’Union méditerranéenne ne fasse doublon avec le processus de Barcelone et la politique européenne de voisinage. La Commission, craignant d’être marginalisée, revendique ainsi la participation à part entière des institutions de l’Union européenne et de l’ensemble des Etats membres, pour éviter que l’Union méditerranéenne ne menace l’unité de l’Europe.

Or plusieurs enceintes régionales ne regroupent aujourd’hui qu’un nombre restreint d’Etats membres de l’Union européenne sans que l’unité de l’Europe ne s’en trouve affectée.

– Le Conseil des pays riverains de la mer Baltique, créé en 1992, et composé de huit pays membres de l’Union européenne (Danemark, Estonie, Finlande, Allemagne, Lituanie, Lettonie, Pologne et Suède) et trois Etats tiers (Russie, Norvège et Islande). Sept pays disposent d’un statut d’observateur : la France, l’Ukraine, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas et la Slovaquie. Le Conseil des pays riverains de la mer Baltique repose sur un fonctionnement intergouvernemental avec l’organisation régulière de sommets au niveau des chefs d’Etat et de rencontres ministérielles.

– L’Organisation de coopération économique de la mer Noire (OCEMN), également créée en 1992, vise à promouvoir la stabilité politique et la coopération économique. Elle est composée de treize pays dont trois Etats membres de l’Union européenne : la Roumanie, la Bulgarie et la Grèce.

La création d’une Union méditerranéenne ne constituerait donc pas un précédent et ne menacerait en rien l’unité de l’Union européenne.

La coopération euro-méditerranéenne et l’Union méditerranéenne sont en réalité complémentaires l’une de l’autre. Le Président Nicolas Sarkozy l’a ainsi souligné lors de son discours de Tanger : « l’Union méditerranéenne n’a pas vocation à se substituer à toutes les initiatives qui existent déjà, mais à leur donner un élan nouveau ».

Loin de transférer à quelques Etats du sud de l’Europe les compétences exercées par la Commission européenne, l’Union méditerranéenne vise à donner une nouvelle impulsion à un processus de Barcelone certes indispensable mais malgré tout insuffisant. Lors de son audition par la Mission d’information, M. François Gouyette, Ambassadeur de France à l’Euro-méditerranée a ainsi précisé que « loin de la philosophie actuelle des accords de Barcelone », la spécificité de l’Union méditerranéenne est d’être fondée « sur une approche par projets (…) en attendant de bâtir, si possible, des institutions, sachant que des réunions régulières de chefs d’Etat et de ministres de cette union de projets auront lieu » (22).

UNION MÉDITERRANÉENNE / UNION EUROPÉENNE

Ce que n’est pas l’Union méditerranéenne

Ce qu’est l’Union méditerranéenne

– Une duplication du processus de Barcelone et de la politique européenne de voisinage

– Une forme de coopération renforcée au sein du processus de Barcelone

– Une duplication de l’Union européenne

– Une Union compatible avec l’acquis
euro-méditerranéen du processus de Barcelone

– Une alternative à l’adhésion à l’Union européenne

– Une relation de stricte égalité entre ses membres

Il faut ainsi distinguer la logique de l’Union méditerranéenne de celle d’une coopération euro-méditerranéenne, la première étant un approfondissement de la seconde. Dès lors, si l’Union méditerranéenne n’est pas une duplication du processus de Barcelone, elle est encore moins une duplication de l’Union européenne.

Dans ces conditions, l’Union méditerranéenne devrait-elle être complètement autonome de l’Union européenne ou faudrait-il envisager la mise en place d’institutions communes aux deux organisations ?

Une option pourrait en effet consister, pour les Etats membres de l’Union européenne qui le souhaiteraient, à créer entre eux une coopération renforcée au sens des traités (23). Le traité de Nice, actuellement en vigueur, fixe à huit le nombre minimum des Etats membres mais une coopération renforcée ne peut être déclenchée qu’avec l’accord du Conseil se prononçant à la majorité qualifiée.

Il se trouve que sept pays membres de l’Union européenne sont des Etats riverains de la Méditerranée (l’Espagne, la France, l’Italie, la Slovénie, la Grèce, Malte et Chypre) tandis que le Portugal, généralement assimilé à un Etat riverain, pourrait être le huitième pays. Toutefois, en fixant le seuil à un tiers des Etats membres, le traité de Lisbonne – qui pourrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2009 – fait passer à neuf (dans une Union à 27) le nombre minimum d’Etats exigé pour lancer une coopération renforcée. Dans ces conditions, les Etats riverains de la Méditerranée ne pourraient à eux seuls lancer une coopération renforcée. Qui plus est, le Parlement européen disposera, avec le Traité de Lisbonne, d’un droit de veto lui permettant de s’opposer à la création d’une coopération renforcée. L’accord d’au moins neuf pays ne suffit donc pas à lancer une coopération renforcée, celle-ci devant nécessairement être autorisée par le Conseil de l’Union se prononçant à la majorité qualifiée.

Outre les problèmes politiques et juridiques inhérents à la constitution d’une coopération renforcée dans le cadre des traités européens, sa mise en œuvre se heurterait à des difficultés liées à l’articulation de cette coopération renforcée avec une nouvelle enceinte également composée d’Etats tiers à l’Union européenne. Le recours à une coopération renforcée pourrait finalement avoir pour effet de cloisonner les pays de la rive nord et ceux de la rive sud alors qu’il s’agit au contraire de favoriser une logique d’union.

Pour cette raison la Mission d’information n’est pas favorable à ce que l’Union méditerranéenne prenne, pour les Etats membres de l’Union européenne, la forme d’une coopération renforcée.

Pour autant, il est indispensable de préciser les termes de l’articulation entre l’Union européenne et l’Union méditerranéenne.

C – Une Charte de partenariat entre l’Union méditerranéenne et l’Union européenne

La Mission d’information propose que l’articulation de l’Union méditerranéenne avec l’Union européenne fasse l’objet de la conclusion d’une charte de partenariat entre les deux organisations, dans l’année suivant la tenue du « G-Med » prévue en juin 2008.

L’existence de cette Charte doit permettre de lever toute ambiguïté sur les finalités de l’Union méditerranéenne et soulignera sa complémentarité avec l’Union européenne.

Devraient nécessairement figurer dans cette Charte :

– la participation, de droit, de l’Union européenne aux instances de l’Union méditerranéenne comme membre permanent ;

– le respect, par l’Union méditerranéenne, de l’acquis du processus euro-méditerranéen de Barcelone ;

– l’instauration d’un lien institutionnel entre l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM) et l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) ;

– l’affirmation que l’Union méditerranéenne n’est pas une alternative à l’adhésion à l’Union européenne ;

– les modalités de participation de l’Union européenne au financement de projets initiés et mis en œuvre dans le cadre de l’Union méditerranéenne.

Proposition n° 3 - L’Union méditerranéenne et l’Union européenne

L’Union méditerranéenne ne remplace pas la politique méditerranéenne de l’Union européenne ; elle ne la duplique pas non plus. Complémentaire du processus euro-méditerranéen de Barcelone, l’Union méditerranéenne permet de dépasser le cadre bilatéral Union européenne/Méditerranée du Sud pour instaurer un partenariat multilatéral dans lequel chaque Etat membre se trouve à égalité.

La politique de voisinage (P.E.V) de l’Union européenne n’est pas davantage remise en cause par le projet d’Union méditerranéenne. La P.E.V, de caractère bilatéral, se concentre sur l’aide aux budgets des Etats du Sud, alors que l’Union méditerranéenne financera dans un cadre multilatéral des projets concrets qui concerneront la vie quotidienne des populations.

La conclusion d’une charte de partenariat entre l’Union européenne et l’Union méditerranéenne garantit la complémentarité des deux démarches et conforte les acquis du processus de Barcelone.

Devraient figurer dans cette Charte :

– la participation, de droit, de l’Union européenne aux instances de l’Union méditerranéenne comme membre permanent ;

– le respect, par l’Union méditerranéenne, de l’acquis du processus de Barcelone ;

– l’instauration d’un lien institutionnel entre l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM) et l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) ;

– le principe selon lequel l’Union méditerranéenne n’est pas une alternative à l’adhésion à l’Union européenne ;

– les modalités de participation de l’Union européenne au financement de projets initiés et mis en œuvre dans le cadre de l’Union méditerranéenne.

4.

Quels projets communs ?

L’essentiel

La construction de l’Union méditerranéenne ne prendra véritablement forme qu’en se fondant sur des projets concrets, répondant aux besoins et aux attentes des populations des deux rives de la Méditerranée. Pour les mener, quatre principes guideront l’action de l’Union méditerranéenne :

– une logique de projets visant à obtenir des résultats concrets ;

– un mécanisme de codécision qui attribue une place égale à chaque participant ;

– l’implication de chacun dans les projets sur la base du volontariat ;

– l’ouverture du processus à la société civile.

La Mission d’information propose que l’Union méditerranéenne traite en priorité la gestion de l’eau, l’environnement et l’échange des savoirs. Afin de lui conférer une réelle visibilité, l’Union méditerranéenne labellisera les projets qu’elle soutient par le « label Med ».

Au fur et à mesure que la réflexion sur le projet d’Union méditerranéenne progresse, un constat s’impose : la construction de cette union ne prendra véritablement forme qu’en se fondant sur des projets concrets, répondant aux besoins et aux attentes des populations des deux rives de la Méditerranée. Cette approche opérationnelle s’impose d’autant plus que de nombreuses initiatives existent déjà dans divers domaines, qu’il s’agisse de l’environnement et du développement durable, des échanges culturels ou encore de la coopération économique et commerciale. Il ne s’agit évidemment pas de se substituer à ces initiatives, ni de les dupliquer mais, au contraire, de les compléter tout en leur donnant une visibilité nouvelle ainsi qu’une impulsion politique forte.

A l’heure actuelle, malgré les efforts réalisés, les initiatives engagées ne sont, en effet, pas identifiées comme des initiatives communes traduisant une volonté partagée d’affirmer une communauté de destin entre les peuples des deux rives de la Méditerranée. Cette absence de visibilité doit conduire à mobiliser l’opinion publique autour du projet d’Union méditerranéenne. Lors de son audition par les membres de la Mission d’information, M. Boutros Boutros-Ghali, ancien ministre égyptien des Affaires étrangères et ancien secrétaire général des Nations unies (24), a insisté sur cette dimension, suggérant « dans un premier temps de choisir des sujets susceptibles de mobiliser l’opinion publique avant de construire une politique plus ambitieuse dans un second temps ». A cet égard, il a souligné que « plusieurs problèmes immédiats affectant les deux rives pouvaient être traités en commun : l’immigration, les mines antipersonnel, l’éducation ou l’eau dans une moindre mesure en raison de l’acuité de la gestion de cette ressource au Sud ».

Pour mener cette tâche à bien, tous les partenaires seront systématiquement associés à la prise de décision, comme cela a été le cas pour la construction européenne.

Par ailleurs, dès l’origine, les acteurs de la société civile seront appelés à participer à la construction de l’Union méditerranéenne qui se distinguera, en cela, de la naissance de l’Union européenne. Au-delà de la richesse de ses apports à la définition et la mise en œuvre de projets, la participation de la société civile permet souvent, comme l’a souligné lors de son audition M. Dominique Baudis, directeur de l’Institut du monde arabe, de « contourner les blocages politiques » (25).

Enfin, la Mission d’information est convaincue que le succès de l’Union méditerranéenne repose sur une hiérarchisation de ses priorités d’intervention afin de privilégier efficacité et résultats. Ainsi, si l’Union européenne tire son origine du charbon et de l’acier, l’Union méditerranéenne pourra naître de l’eau, de la protection de l’environnement et du dialogue des cultures.

Naturellement, de nombreux autres sujets d’intérêt commun existent qu’il ne s’agit pas d’exclure. L’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED) dresse ainsi un tableau des projets et politiques qui pourraient être mis en œuvre dans les domaines de l’environnement et du développement durables, des politiques énergétiques, du tourisme, de la santé, de l’agriculture, du développement des standards numériques, de la formation professionnelle qualifiante (26), etc…

Tous ces projets peuvent trouver à se réaliser dans le cadre de l’Union méditerranéenne. Cependant, la Mission a considéré qu’il fallait faire des choix et opérer une sélection parmi tous les projets envisageables. L’objectif est ici de hiérarchiser les priorités immédiates. La Mission estime que ces projets à mener dans le cadre de l’Union méditerranéenne doivent concerner l’eau, l’environnement et les échanges culturels et de savoirs.

LES PROJETS COMMUNS : MODE D’EMPLOI

Chacun s’accorde aujourd’hui sur la nécessité d’une approche pragmatique qu’a d’ailleurs proposée le Président de la République, lors de sa visite d’Etat au Maroc, en octobre dernier. M. Nicolas Sarkozy s’est en effet prononcé en faveur de projets concrets, à l’instar de ce que la Communauté européenne avait réalisé avec le charbon et l’acier dans les années 50. Cette orientation tend également à privilégier une participation volontaire des Etats de la région aux projets identifiés, en fonction de leur intérêt, de leurs besoins et de leurs priorités. C’est sur une base purement volontaire que de véritables « solidarités de fait » pourront, en effet, émerger pour former le cœur d’une union durable, fondée sur une confiance mutuelle entre les peuples de la Méditerranée.

Dans cette perspective, cinq principes d’intervention sont clairement affirmés :

1.- Une logique de résultats fondée sur la réalisation de projets concrets

Le projet d’Union méditerranéenne répond à une ambition forte qui entend s’affranchir des grandes déclarations d’intention pour privilégier la mise en place de projets concrets d’intérêt commun. L’Union méditerranéenne sera ainsi fondée sur une logique de projets et de résultats. L’objectif est, en effet, de répondre en priorité aux besoins des populations des deux rives de la Méditerranée afin de tisser un réseau de solidarités de plus en plus fortes et denses au fur et à mesure des réalisations de l’Union.

2.- Une démarche volontaire à géométrie variable selon les projets

L’Union méditerranéenne doit s’appuyer sur une participation volontaire des Etats aux projets qu’elle proposera, en fonction de leurs besoins et de leurs priorités.

3.- Une union fondée sur la co-décision

Le principe d’une union va au-delà de celui d’un partenariat : l’union repose, en effet, sur le principe d’égale participation de ses membres aux initiatives et aux projets qu’elle promeut. La finalité ultime de cette approche est de dépasser la traditionnelle fracture « nord – sud » et de privilégier un dialogue équilibré et une prise de décision conjointe.

4.- Un processus ouvert à la société civile

L’Union méditerranéenne ne remplira ses objectifs que si elle parvient à susciter l’adhésion des populations concernées au projet commun qu’elle porte. C’est pourquoi, elle s’appuiera sur la participation d’un Forum de la société civile, afin d’identifier les besoins à leur source et non à partir de schémas imposés « d’en haut ».

5.- Une visibilité auprès des populations concernées

Afin de donner une réelle visibilité à l’Union méditerranéenne, les projets qu’elle soutiendra seront labellisés. A terme, le « Label Med » devra représenter, pour les populations concernées, la marque de projets de qualité qui répondent effectivement à leurs besoins et leurs attentes.

A – De l’eau pour tous

A l’issue de toutes les auditions auxquelles la Mission d’information a procédé, une évidence s’impose : l’eau constitue la ressource que l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée s’accorde à préserver en raison de son caractère vital pour les populations et les activités économiques, en particulier agricoles. Or, le bassin méditerranéen souffre du caractère non seulement limité mais également mal réparti de ses ressources en eau : les pays du Sud ne sont, en effet, dotés que de 13 % du total de ces ressources.

1) L’ « or bleu », une ressource rare

Les demandes en eau, qui ont déjà doublé dans la deuxième moitié du XXème siècle, pourraient s’accroître encore de 25 % au sud et à l’est de la Méditerranée à l’horizon 2025, la croissance étant particulièrement soutenue en Turquie et en Syrie. Un des principaux facteurs de cette croissance est lié à l’irrigation qui représente 65 % de la demande totale en eau dans le bassin méditerranéen (82 % au Sud et à l’Est). Les pressions exercées ne sont pas seulement quantitatives mais aussi qualitatives, du fait des teneurs excessives en pesticides ou en nitrates des eaux, surtout au Nord. Lors de son audition devant les membres de la Mission d’information (27), M. Loïc Fauchon, Président du Conseil mondial de l’eau, a estimé que : « L’eau en Méditerranée a trois ennemis. Le premier est la croissance démographique, notamment dans les zones côtières. Le deuxième est l’accroissement des pollutions : dans les pays moins développés, lorsque l’accès à l’eau s’améliore, les pollutions augmentent du fait que plus de produits viennent à être utilisés. Cela concerne les usages agricoles, les usages urbains, lesquels entraînent une utilisation accrue de détergents, et les usages industriels, qui sont la plus grande source de pollutions graves. Le troisième ennemi, ce sont les variations du climat (…) ».

Cette conjonction de facteurs est lourde de conséquences : altérations du régime des eaux, chutes excessives des niveaux des nappes souterraines, tarissement de sources, recul des deltas, dégradation des eaux distribuées, croissance des coûts d’approvisionnement, régression des zones humides, etc(28) Cette situation se traduit par de fortes pénuries en eau : on estime actuellement le nombre de Méditerranéens n’ayant pas accès à l’eau potable à 30 millions. À l’horizon 2025, 244 millions de Méditerranéens seront « pauvres en eau » (29), soit 44 % de la population totale des pays de la zone.

Face à ces défis, le Président du Conseil mondial de l’eau a souligné que « la politique de l’eau est rarement une priorité ». En outre, les stratégies nationales ont généralement privilégié l’accroissement de l’offre en eau en multipliant les grands travaux, notamment la construction de barrages. Constatant que les politiques d’offre atteignent leurs limites physiques, socio-économiques et environnementales, les travaux effectués dans le cadre du Plan Bleu soulignent la nécessité de mettre en œuvre des politiques efficaces et économes en eau, autrement dit de mieux gérer les demandes en eau.

2) Mettre fin au gaspillage

Une des principaux défis en matière de gestion de l’eau réside dans l’importance des quantités d’eau prélevées mais, in fine, perdues ou inutilisées. Les pertes estimées en matière d’irrigation s’élèveraient, en effet, à 20 % du total des quantités prélevées du fait des transports et à 60 % en raison de l’inefficacité des systèmes d’irrigation. S’agissant de l’eau potable, 20 % des pertes seraient liées au transport et 20 % aux fuites chez les usagers. Au total, les quantités d’eau prélevées et perdues ou inutilisées sont évaluées à 111 km3 par an, soit 38 % de la demande en eau.

Dans ces conditions, une meilleure gestion de la demande en eau s’impose d’autant plus qu’elle permettrait de réaliser 86 km3 par an d’économies, soit 25 % de la demande en eau en 2025 (332 km3 par an). Sur le plan financier, les économies potentielles sont évaluées à 17 milliards d’euros par an. Le graphique ci-après illustre l’ampleur des économies qui pourraient ainsi être réalisées par secteur :

DEMANDE EN EAU : ÉCONOMIES ENVISAGEABLES À L’HORIZON 2025

Source : www.planbleu.org

Au-delà de ces économies, de telles mesures de gestion de la demande en eau permettraient une meilleure valorisation économique et sociale des eaux mobilisées ainsi que la prise en compte des besoins en eau des écosystèmes. Les projets soutenus par l’Agence de la Méditerranée pourraient ainsi porter prioritairement sur une gestion intégrée de l’eau dans les politiques agricoles, compte tenu du poids de l’irrigation dans la consommation actuelle. Il est également essentiel que ces projets contribuent à un meilleur accès à l’eau potable – via des investissements dans les systèmes d’assainissement – ainsi que, dans le même temps, à une plus grande responsabilisation des consommateurs, par le biais de campagnes de sensibilisation et une évolution des systèmes en place de tarification, préservant les populations les plus fragiles.

Ces orientations ne sont naturellement pas exclusives d’autres projets visant notamment à préserver le littoral méditerranéen – bien au contraire –, mais il s’agit ici de mettre l’accent sur les priorités d’intervention de l’Agence de la Méditerranée, afin d’éviter le risque de dispersion des efforts.

B - Sauver un patrimoine naturel commun exceptionnel

Au-delà de la seule gestion de l’eau, le patrimoine naturel du monde méditerranéen, à maints égards exceptionnel, constitue le premier lien immédiat qui unit les différents peuples riverains de la Mare nostrum. Ce patrimoine unique est soumis à de fortes pressions qui menacent l’équilibre de cette « écorégion » et appellent une mobilisation supplémentaire à laquelle l’Union méditerranéenne peut utilement contribuer à partir de projets communs ciblés.

1) Un patrimoine écologique en danger

Outre sa vulnérabilité aux risques naturels, le bassin méditerranéen est soumis à de fortes pressions démographiques. La population de la région est, en effet, susceptible de passer d’environ 427 millions de personnes en 2000 à près de 520 millions à l’horizon 2025, avec un quasi-doublement de la population urbaine et une population côtière passant d’environ 174 millions d’habitants à 206 millions. En dépit d’une transition démographique accélérée, les pays des rives est et sud seront responsables de la quasi-totalité de cette croissance, comme l’illustre le tableau ci-après :

EVOLUTION DE LA POPULATION DES PAYS MEDITERRANÉENS

(en millions d’habitant)

 

1970

2000

2025

Pays rive Nord

169

193

197

Pays rive Est et Sud

116

234

327

Total Méditerranée

285

427

524

Source : Plan bleu

Sur cette même période, les projections mettent l’accent sur une forte augmentation des flux touristiques, avec 178 millions d’arrivées supplémentaires, ce qui représente certes une réelle opportunité économique, mais également un risque de pressions accrues sur les ressources et les milieux naturels. En matière de transports, une forte augmentation du trafic sous toutes ses formes est anticipée, ce qui soulève de nombreux problèmes écologiques, dont celui de l’augmentation des émissions de CO2 (8,3 % des émissions en 2000, en hausse constante). A cet égard, la croissance du trafic maritime constitue un défi majeur dans la région, à la fois en termes de protection du littoral et de lutte contre la pollution marine.

D’ores et déjà, sur les rives sud et est, les coûts annuels de la dégradation de l’environnement ont été estimés par la Banque mondiale entre près de 3 % du produit intérieur brut (PIB) en Tunisie et de 5 % en Syrie, en Algérie et en Egypte. Sont notamment en cause les dégradations des sols, des ressources en eau, du littoral et de l’environnement urbain.


Dans ces conditions, les pays des deux rives ont un intérêt évident à considérer la « mer intérieure » comme un bien public régional et à unir leurs efforts pour préserver leur patrimoine environnemental commun.

En réalité, cette préoccupation est ancienne puisque, dès 1975, la convention de Barcelone sur la protection de la mer Méditerranée était adoptée, assortie d’un Plan d’action pour la Méditerranée (PAM), sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). À l’origine, le PMA reposait sur trois volets : un volet institutionnel lié à la mise en œuvre de la convention de Barcelone ; un volet scientifique reposant sur le Programme de surveillance continue et de recherche en matière de pollution de la mer (MEDPOL) et un volet socio-économique orienté sur la prospective et les priorités environnementales de l’ensemble des pays riverains. Alors que la notion de développement durable se précisait à la suite du Sommet de Rio en 1992, le PAM a évolué avec la mise en place, en 1996, d’une Commission méditerranéenne du développement durable (CMDD), qui constitue une instance de dialogue et de propositions. En 2001, lors de la XIIème réunion des Parties à la convention de Barcelone, les vingt et un pays de la Méditerranée et la Communauté européenne ont décidé de préparer une « Stratégie méditerranéenne pour le développement durable » (SMDD), qui a été adoptée en juillet 2002.

En élargissant son champ d’action au littoral, en passant d’une approche sectorielle de lutte contre la pollution marine à une planification et une gestion intégrées des régions côtières, le PAM s’affirme comme moteur privilégié de proposition et d’action régionale pour le développement durable en Méditerranée. La mise en place du PAM a été très rapidement suivie par la définition du « Plan Bleu », lors de la réunion intergouvernementale de Split en 1977. Ce Plan Bleu a pour objectif de mettre à la disposition des autorités des différents pays de la région méditerranéenne des informations leur permettant d’élaborer des plans propres à assurer un développement socio-économique optimal, sans entraîner une dégradation de l’environnement, et d’approfondir leur connaissance des problèmes communs auxquels elles doivent faire face, tant dans la mer méditerranéenne que dans ses zones côtières.

Toutefois, malgré ces initiatives et les politiques qui ont été progressivement mises en œuvre, les résultats en termes de préservation de l’environnement restent limités. Comme le relève un rapport de juillet 2006 sur les perspectives du Plan Bleu sur l’environnement et le développement, le partenariat euro-méditerranéen a « peu intégré le développement durable dans ses priorités et financements. Les accords d’association font peu référence à l’environnement et au développement durable, et pratiquement rien n’y est précisé quant aux objectifs et moyens ». Un large champ d’action reste donc ouvert où l’Union méditerranéenne peut avoir une véritable valeur ajoutée en s’attachant à soutenir des projets concrets en matière de protection de l’environnement et de gestion coordonnée de l’énergie.

LE PLAN BLEU, CENTRE D’ÉTUDES SYSTÉMIQUES ET PROSPECTIVES

ET OBSERVATOIRE DU BASSIN MÉDITERRANÉEN

Grâce à une vision systémique du bassin, prenant en compte à la fois les populations et leur dynamique, les grands secteurs de l’économie ainsi que les principales composantes de l’environnement, le Plan Bleu a procédé en 1986–1987 à une exploration des futurs possibles de la région en construisant des « scénarios ». Des images possibles ou souhaitables de l’avenir du Bassin ont ainsi été dégagées à l’horizon intermédiaire 2000 ainsi qu’à l’horizon 2025.

Depuis 1990, les travaux prospectifs du Plan Bleu se sont articulés autour des axes suivants : l’actualisation de certains scénarios méditerranéens, l’étude des évolutions économiques et environnementales en cours, l’élaboration de scénarios dans le cadre de Programmes d’aménagement côtier (notamment en Turquie, en Grèce, en Tunisie), l’organisation d’ateliers internationaux sur les méthodes systémiques applicables aux régions côtières et la coopération avec un réseau d’experts locaux des pays méditerranéens.

Par ailleurs, le Plan Bleu a développé, à partir de 1993, sa fonction d’« Observatoire méditerranéen pour l’environnement et le développement », fondée notamment sur une coopération avec un réseau de partenaires scientifiques et d’organismes internationaux et nationaux actifs en Méditerranée.

Les activités développées par le Plan Bleu visent essentiellement quatre objectifs :

▪  Identifier, collecter et traiter de façon permanente et en continu les informations environnementales mais aussi économiques et sociales, utiles aux acteurs et décideurs ;

▪  Evaluer les interactions entre environnement et développement économique et social pour mesurer les progrès vers le développement durable ;

▪  Réaliser des analyses et des études prospectives pour aider à construire des visions d’avenir et conforter la décision ;

▪  Diffuser et communiquer les produits et résultats selon une formulation adaptée aux publics visés.

Source : Plan Bleu.

2) Une politique énergétique respectueuse de l’environnement

L’espace méditerranéen est marqué par une croissance généralisée de la demande énergétique, avec une nette prééminence des hydrocarbures. D’après les projections réalisées dans le cadre du Plan Bleu, la demande énergétique dans la zone méditerranéenne est susceptible d’augmenter de 65 % d’ici 2025. Cet espace se caractérise également par « deux inégalités évidentes et majeures : inégalités entre les pays du Nord, plus riches et plus consommateurs d’énergie que ceux du Sud ; inégalités dans la dotation en ressources énergétiques très fortement concentrées sur trois pays du Sud : l’Algérie, la Libye et l’Egypte. Ces trois pays possèdent, à la porte de l’Europe, environ 5 % des réserves mondiales de gaz naturel et 3 % des réserves de pétrole (…) » (30). Une troisième inégalité est, par ailleurs, mise en lumière par les travaux effectués dans le cadre du Plan Bleu : les quatre grands pays riverains membres de l’Union européenne (Espagne, France, Italie, Grèce) sont, à eux seuls, responsables d’environ 70 % des émissions totales de CO2 de la région.

D’après l’Observatoire méditerranéen de l’énergie (OME), la demande d’énergie dans les pays du sud et de l’est méditerranéens est appelée à s’accélérer sous l’effet de la croissance démographique et de la consommation d’énergie par habitant, associées au développement économique. Au cours d’une réunion de travail, les 29 et 30 mars 2007, une quarantaine d’experts, en provenance de douze pays méditerranéens, a estimé qu’en l’absence d’inflexion durable, la demande en énergie des pays méditerranéens devrait passer de 945 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) en 2005 à 1 360 en 2020 et être satisfaite à plus de 80 % par les énergies fossiles, fortement émettrices de CO2. Ces experts ont également relevé que le potentiel exceptionnel de la région en énergie renouvelable (solaire et éolien en particulier) reste sous exploité tandis que le gaspillage d’énergie est estimé entre 20 et 50 % selon les pays.

Face à l’envolée des prix des produits énergétiques, à la préoccupation de sécurité des approvisionnements – mais aussi des débouchés pour les pays producteurs – et au défi du changement climatique, la recherche de convergences, au sein de l’Union méditerranéenne, est une nécessité.

Comme le fait observer l’ouvrage du Cercle des économistes et de M. Hubert Védrine « 5 + 5 = 32 », une coopération approfondie entre les pays riverains de la Méditerranée pourrait s’avérer extrêmement bénéfique à l’ensemble des pays de la zone. Les infrastructures d’échange d’énergie représentent, en effet, de très lourds investissements, qui nécessitent une vision de long terme sur laquelle les pays des deux rives pourraient s’entendre dans l’intérêt de tous. En outre, en créant des interdépendances, la mise en commun de ces infrastructures favorise les solidarités. L’ouvrage précité envisage également une articulation entre les marchés existant au nord et au sud de la Méditerranée, notamment avec le système européen d’échanges de quotas d’émissions de CO2 en raison du potentiel élevé de production d’énergie verte par les pays du Sud. Enfin, cet ouvrage met l’accent sur la nécessité d’instituer « un espace qui permette un traitement des dossiers dans un cadre multilatéral – où trouverait d’ailleurs à s’exprimer, à côté de l’Union européenne, la voix des pays du Sud non ou faibles producteurs ».

L’Union méditerranéenne pourrait contribuer à l’élaboration de cette vision énergétique commune en favorisant les échanges, sur le fondement des analyses et projections effectuées par l’Observatoire méditerranéen de l’énergie. Compte tenu des fortes divergences d’intérêts dans ce domaine et de l’ampleur des défis, le dialogue reste, en effet, essentiel afin de parvenir à une stratégie énergétique conjointe à moyen terme.

Les projections réalisées à l’horizon 2025 confirment la prééminence des énergies fossiles dans l’approvisionnement énergétique des pays de la Méditerranée, ces énergies représentant plus de 75 % de la consommation au Nord et 96 % au Sud et à l’Est. Ce scénario tendanciel, qui n’est pas compatible avec les objectifs d’un développement durable, met en lumière les risques d’une vulnérabilité accrue vis-à-vis des prix et de l’offre. En outre, la hausse des coûts d’approvisionnement ne manquera pas d’avoir des répercussions sur la facture énergétique des ménages et des entreprises.

Une difficulté réside notamment dans les structures tarifaires et fiscales en place qui, bien souvent, n’incitent pas aux économies d’énergie. On observe, en effet, d’importants écarts de prix de l’énergie dans la région. À titre d’exemple, pour l’essence, faiblement taxée dans les pays producteurs d’hydrocarbures (Algérie, Syrie, Libye, Egypte), les tarifs sont jusqu’à six fois moins élevés que dans les pays importateurs.

Dans ce contexte, des mesures d’utilisation rationnelle de l’énergie sont indispensables. On estime aujourd’hui possible l’exploitation, en 25 ans, d’un gisement d’économies d’énergie de l’ordre de 20 à 25 % de la demande, grâce aux techniques disponibles. D’après les analyses du Plan Bleu, l’habitat représente le gisement d’économie d’énergie le plus important, notamment sur les rives sud et est en pleine croissance démographique. Pour leur part, les Etats riverains, membres de l’Union européenne, ont accepté des objectifs ambitieux. La Commission européenne s’est, en effet, fixée pour objectif d’économiser 20 % de la consommation totale d’énergie primaire d’ici 2020 (31). Des initiatives ont été prises dans certains pays, comme la Turquie en matière de chauffe-eau solaires, qu’il est nécessaire d’amplifier. L’Agence de la Méditerranée pourrait participer à cet effort, en favorisant les partages d’expériences entre les pays souhaitant s’associer à ses travaux et en soutenant la mise en place de projets d’efficacité énergétique dans les secteurs où d’importantes économies peuvent être réalisées.

Par ailleurs, si l’on se réfère au prix Nobel de physique, Carlo Rubbia, « il « pleut » chaque année, dans le Sahara, l’équivalent d’un baril de pétrole par mètre carré, sous forme de rayonnement solaire » (32). Pourtant, les énergies renouvelables, hors biomasse, ne représentent actuellement que 3 % du bilan énergétique commercial des pays méditerranéens. Leur potentiel est donc largement sous-exploité. Or, d’après l’Observatoire méditerranéen de l’énergie, un développement plus rapide des énergies renouvelables, permettant de hisser leur part à 14 % du bilan primaire en énergie (et 40 % pour l’électricité) générerait une économie de 124 Mtep par an, dans l’ensemble de la région. Face à ce constat, la mise en œuvre de politiques d’efficacité énergétique doit s’accompagner de mesures destinées à encourager le développement des énergies renouvelables dans l’espace méditerranéen. Dans ces deux cas, l’Union méditerranéenne aurait un rôle à jouer, sur la base d’un engagement volontaire des Etats qui souhaitent capitaliser les expériences et mutualiser leurs efforts.

3) La sécurité maritime au service de l’environnement

L’Agence de la Méditerranée pourrait décider des mesures communes de surveillance et d’intervention afin de réduire, par exemple, les risques de pollution des eaux par des matières dangereuses ou des hydrocarbures. Lancé à la fin de l’année 2005, le projet SAFEMED, financé et piloté dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, a posé les bases d’une coopération afin d’aider les Etats à mettre en application la réglementation internationale en matière de sécurité maritime et de pollution par les navires.

Au-delà de cette démarche, qui a déjà permis d’organiser des formations et une collaboration entre experts techniques, quelques initiatives très concrètes pourraient être lancées dans ce domaine. Créée en 2002 et installée à Lisbonne depuis 2006, l’Agence européenne de sécurité maritime met en œuvre la législation communautaire en matière de sécurité du transport maritime. Il n’est pas question de créer une structure dupliquant cette dernière pour le seul transit méditerranéen, l’autorité de cette agence s’étendant aux sept Etats membres riverains de la Méditerranée.

En revanche, les projets déjà réalisés pourraient inspirer l’Union méditerranéenne. Un système de suivi des navires transportant des matières dangereuses a été mis en place. Des navires anti-pollution ont été affrétés, qui peuvent agir rapidement pour aider les Etats membres menacés par une pollution majeure. Enfin, un système d’observation par satellites permet d’identifier rapidement les risques de rejets polluants. L’association à ces activités des Etats membres de l’Union méditerranéenne qui ne font pas partie de l’Union européenne pourrait être envisagée.

4) La sécurité civile et l’environnement

La sécurité civile est un élément d’une stratégie de sécurité pour l’environnement en Méditerranée. Recouvrant l’ensemble des actions de gestion des risques, elle implique la prévention des accidents et des catastrophes et l’organisation de la réaction face à de tels événements. Des coopérations existent dans cette matière, promues par l’Union européenne et, associant certains pays du pourtour méditerranéen, au sein de l’accord ouvert partiel Eur-opa signé en 1987 dans le cadre du Conseil de l’Europe. Plusieurs voies peuvent être explorées pour définir les actions communes que l’Agence de la Méditerranée pourrait décider dans ce domaine.

D’abord, définir les risques communs auxquels les Etats méditerranéens sont confrontés. Les incendies dont la Grèce a été victime au cours des derniers mois, d’une rare intensité, ont souligné l’acuité de ce danger pour tous les pays du littoral méditerranéen. L’Agence de la Méditerranée pourrait établir une liste de risques partagés par les Etats membres prenant en compte notamment les effets du climat.

En deuxième lieu, une meilleure collaboration entre les services d’intervention en cas de catastrophes pourrait être favorisée, de plusieurs manières. Des standards communs, des formations communes voire même un corps méditerranéen d’intervention, pour les cas les plus graves et notamment lors des grands incendies de forêts, pourraient être créés.

Enfin, la prévention des risques pourrait faire l’objet de projets communs. L’Union méditerranéenne permettrait d’associer les diverses autorités nationales et locales, ainsi que des acteurs non étatiques, afin de mener des campagnes de prévention sur des sujets concernant directement les populations vivant sur des zones côtières. L’autre aspect de la prévention, la formation des habitants à réagir à la survenance de certains risques, pourrait également donner lieu à des partenariats ciblés.

C – Le dialogue des cultures contre le choc des civilisations

« La Méditerranée porte plusieurs noms, selon les pays dont elle borde les côtes ». C’est en citant Mercator que M. Predrag Matvejevitch commençait, en 1997, ses leçons au Collège de France sur le thème « La Méditerranée et l’Europe », avant d’évoquer les différents noms que les peuples qui ont sillonné cette mer lui ont donnés.

« Mer supérieure » pour les Egyptiens et les Sumériens, « Grande mer » ou « mer Philistine » dans la Bible, « la mer qui est près de nous » selon Platon, « mer Blanche » (al-bahr-al-abyad) ou « mer des Rumis » pour les Arabes, la Méditerranée se situe au confluent de cultures riches et anciennes, qui peinent aujourd’hui à s’entendre et à se comprendre. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de cette région où le pluralisme culturel a longtemps servi à penser « l’autre » et la différence.

Force est cependant de constater que la mondialisation des échanges a contribué à cette évolution, en déstabilisant les sociétés « à la fois désorganisées du dedans et aspirées du dehors » (33). À la suite des événements du 11 septembre 2001, le fossé entre les différentes cultures du pourtour méditerranéen n’a cessé de se creuser, notamment entre les rives nord et sud. Ce fossé se nourrit d’incompréhensions mutuelles, accréditant l’idée d’un « choc des civilisations » indépassable. Confondant la religion musulmane et l’extrémisme islamique, cette notion de « choc des civilisations » vise plus particulièrement les pays de la rive sud de la Méditerranée. Or, comme l’a rappelé M. Dominique Baudis, Président de l’Institut du monde arabe, lors de son audition par la Mission, le monde arabe ne représente pas un bloc homogène. Il importe de prendre en compte cette diversité ainsi que les apports d’autres cultures qui participent aujourd’hui à la vitalité de l’espace méditerranéen, comme celle des pays des Balkans, d’Israël ou de la Turquie. Autrement dit, d’encourager le dialogue des cultures.

L’importance de ce dialogue a été soulignée à plusieurs reprises tandis que de nombreuses initiatives ont été prises, comme l’illustre la création de la « Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures », établie symboliquement à Alexandrie. Cette fondation, qui repose sur le principe fécond de mise en réseau, a pour objectif de favoriser les échanges et la coopération dans un esprit de tolérance, de compréhension et de solidarité. De même, l’Institut MEDEA a pour objet de favoriser « le dialogue interculturel entre personnes, voire entre groupes porteurs d’histoires, de codes et d’héritage culturels différents, en incitant à la rencontre, invitant au débat, et en offrant un cadre d’analyse qui empêchera d’accepter les explications obscurantistes et irrationnelles ou les replis identitaires et les extrémismes ». D’autres initiatives mériteraient d’être mentionnées comme la création d’une Chaire UNESCO en Dialogue interculturel en Méditerranée, établie en 2006 à l’Université Rovira i Virgili, à Tarragona, les activités de la « Fundacion Tres Culturas » à Cordoue, ou encore les numéros de la revue trimestrielle « afkar/idées » pour le dialogue entre Maghrébins, Espagnols et Européens. Il ne s’agit pas ici d’établir une liste de tous ces lieux d’échanges, mais de souligner le besoin dont ils témoignent de mieux connaître, mais aussi de faire connaître, les différentes cultures du pourtour méditerranéen afin de favoriser le respect et la compréhension mutuels.

Certains affirment que les rapports entre l’Islam et les autres mouvements religieux et culturels ne peuvent être que conflictuels, discours renforcé par les attentats du 11 septembre 2001. Historiquement lié à la religion musulmane, le monde arabe se voit dès lors accusé de nourrir un antagonisme profond envers les autres grandes sphères culturelles, notamment le monde occidental. Dans le cadre de ces analyses, parfois rangées sous le terme générique de « choc des civilisations », le terrorisme est présenté comme la forme contemporaine de la volonté de domination d’un Islam politique conquérant.

Une action culturelle et politique résolue apparaît comme la seule réponse crédible face à de telles conceptions. C’est en Méditerranée que les thèses affirmant l’existence d’un conflit entre civilisations pourront être démenties.

L’Union méditerranéenne s’inscrit pleinement dans cette dynamique d’échanges des idées, des savoirs et des connaissances à laquelle elle entend contribuer activement.

1) Le dialogue des cultures, une valeur méditerranéenne

La Méditerranée occupe une place paradoxale au regard des théories affirmant l’existence d’un affrontement mondial entre les cultures. La méfiance qu’entretient une telle conception du monde semble vouer la Méditerranée, qui a pourtant vu l’éclosion des trois religions du Livre, à n’être qu’un théâtre parmi d’autres d’un conflit planétaire. Ambition politique, l’Union méditerranéenne doit s’efforcer de promouvoir le dialogue entre ces différentes cultures, seule alternative à leur conflit permanent.

Une telle démarche ne peut être menée sans que certains préalables n’aient été pris en compte. Il convient en premier lieu d’adresser un tel discours à des publics variés. Comme le soulignait M. Lucio Guerrato, directeur exécutif de la Fondation Anna Lindh, « le dialogue culturel est, en dernier ressort, influencé par les leaders politiques et d’opinion » (34). Pour autant, s’il est nécessaire d’emporter la conviction des dirigeants et des personnalités influentes, l’association des sociétés civiles est un facteur essentiel à la réussite de tels projets. M. Dominique Baudis, Président de l’Institut du Monde arabe, affirmait ainsi à la Mission d’information : « Quant à la société civile, dont les organisations non gouvernementales font partie, elle permet souvent de contourner les blocages politiques, surtout en Orient » (35).

En deuxième lieu, l’Union méditerranéenne devra veiller à ne pas reproduire la logique binaire sur laquelle prospèrent les thèses soutenant l’existence d’un conflit culturel. M. Dominique Baudis rappelait ainsi que « le monde arabe n’est pas un tout et que sa diversité est encore bien plus grande que celle de l’Union européenne » (36). Les initiatives de dialogue entre les cultures de la Méditerranée seront donc l’occasion de reconnaître cette diversité culturelle et de la valoriser. M. Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, déclarait ainsi à la Mission d’information que « le dialogue entre le Nord et le Sud est rendu d’autant plus difficile que toute tentative d’aborder les différences importantes que recouvre le monde musulman sont ressenties comme un élément de ces « nouvelles croisades » » (37).

En troisième lieu, le dialogue des cultures en Méditerranée devrait donner lieu à des initiatives concrètes. La mise au point d’une charte des valeurs communes permettrait d’asseoir les projets futurs sur des ambitions partagées. En fixant un fondement à l’Union méditerranéenne, ce texte permettrait de réunir au sein d’une vision plus générale des initiatives autrement plus dispersées.

2) Quelles actions pour la culture en Méditerranée ?

En plus de son activité en faveur du dialogue des cultures, l’Union méditerranéenne pourrait s’imposer comme lieu de coordination d’actions menées dans le domaine de la création culturelle. M. Lucio Guerrato rappelait ainsi qu’il est nécessaire d’opérer « une distinction entre les projets culturels proprement dits, et les actions de promotion du dialogue culturel » (38). S’agissant des premiers, la Fondation Anna Lindh, à la tête de 37 réseaux nationaux, et riche d’environ 1 500 membres, soutient, par le biais de financements, des projets culturels engagés par ses membres. Un tel effort de rapprochement d’initiatives éparses doit être pris en compte, l’intervention de l’Union méditerranéenne pouvant compléter le travail des acteurs déjà existants.

L’Agence de la Méditerranée pourrait ainsi mobiliser des moyens pour favoriser la traduction d’ouvrages notamment dans les pays de la rive sud. Ces derniers souffrent traditionnellement du faible nombre de livres proposés dans leurs langues nationales. Un tel projet culturel pourrait sans doute exercer une influence favorable au rapprochement entre les cultures méditerranéennes.

3) Agir en faveur de la circulation du savoir en Méditerranée

En dernier lieu, l’Union méditerranéenne pourrait contribuer à « la création d’un marché commun du savoir » que M. Hassan Abouyoub, ambassadeur itinérant du roi Mohammed VI appelle de ses vœux (39). Parce qu’elle s’adresse aux jeunes, population en croissance rapide au sud de la région méditerranéenne, la Mission d’information estime souhaitable de se pencher sur la possibilité de mettre en réseau les établissements d’enseignement supérieur déjà implantés autour de la Méditerranée.

Dans un premier temps, ce réseau associerait les chercheurs et les enseignants des universités méditerranéennes afin de susciter des programmes communs d’enseignement portant sur la Méditerranée. Une telle démarche pourrait s’accompagner d’accords d’échange entre les différentes institutions de la région ainsi que de mécanismes destinés à favoriser la mobilité des étudiants. Un rapprochement de la formation des cadres du secteur public est également envisageable. Celui-ci pourrait prendre la forme soit d’une filière commune, sanctionnant par un même diplôme une scolarité menée éventuellement sur plusieurs campus, soit, comme le proposait Richard Weber (40), directeur général adjoint d’Europeaid, d’une école méditerranéenne d’administration. L’Agence de la Méditerranée devrait mobiliser les ressources financières et pédagogiques pour assurer le succès de tels projets.

L’émergence d’une génération méditerranéenne est le but ultime de telles démarches. Si cet objectif est très ambitieux, il est sans doute le plus à même de garantir, dans le long terme, le caractère pacifique des relations entre les cultures méditerranéennes et leur enrichissement mutuel.

Proposition n° 4 - Quels projets pour l’Union méditerranéenne ?

L’Union européenne est née du charbon et de l’acier. L’Union méditerranéenne se construira, de façon pragmatique et progressive, à partir de projets concrets intéressant la vie quotidienne et répondant à des besoins communs.

Ces projets labellisés Union méditerranéenne (Label Med) associeront tous les Etats membres qui souhaiteront y participer.

De très nombreux secteurs de la vie quotidienne pourront, à terme, faire l’objet du Label Med. Il pourra s’agir, par exemple, de promouvoir l’agriculture euroméditerranéenne, de faciliter la mise en place de réseaux médicaux transméditerranéens, de favoriser les projets de migrations qualifiantes, de définir une politique commune de protection civile, de constituer un maillage des territoires méditerranéens avec un réseau postal ferroviaire ou portuaire Euromed.

Parmi tous les projets envisageables, la Mission estime qu’il convient de faire une première série de choix et d’accorder la priorité à :

– l’eau : ressource, traitement…;

– l’environnement : patrimoine écologique de la Méditerranée, sécurités maritime et civile, efficacité énergétique ;

– les échanges culturels et de savoirs.

Les projets doivent être ouverts aux financements privés.

5.

Comment financer les projets ?

L’essentiel

Les bailleurs de fonds qui soutiennent le développement de la Méditerranée sont nombreux et la difficulté vient moins d’un niveau insuffisant de ressources financières que d’un manque de coordination entre eux. D’autre part, l’investissement privé est freiné par deux facteurs principaux : faute de ressources à long terme disponibles, les PME de la région ont des difficultés à trouver des financements adaptés à leurs besoins, tandis que les entreprises étrangères désireuses d’investir dans les pays du sud de la Méditerranée ne trouvent pas toujours des instruments d’assurance qui leur permettraient de limiter les risques qu’elles prennent.

C’est pourquoi la Mission d’information formule les trois préconisations suivantes :

– Organiser un groupe des investisseurs financiers de la Méditerranée (GIFMED) réunissant les bailleurs de fonds institutionnels susceptibles de financer les projets de l’Union méditerranéenne afin de coordonner leurs interventions ;

– Favoriser l’établissement, dans le cadre de ce groupe, d’un comité chargé de coordonner les ressources en vue de l’amélioration du climat de l’investissement dans la région ;

– Créer une institution financière qui jouerait le rôle de caisse des dépôts pour l’épargne des migrants, et utiliserait notamment cette ressource pour soutenir les investissements privés dans la région, en remplissant à la fois les fonctions de « fonds de fonds » et d’aide à l’accès au crédit pour les PME méditerranéennes, et celle d’assureur pour les investissements privés étrangers.

A – Les nombreux bailleurs de fonds ne parviennent pas à fournir toutes les ressources nécessaires au développement du sud de la Méditerranée

Tous les pays du sud de la Méditerranée ne disposent pas du même niveau de ressources financières. Celui-ci dépend notamment de leur stade de développement, de l’existence de ressources pétrolières ou touristiques, de l’importance des diasporas, du soutien de la Communauté internationale. Mais, globalement, la Méditerranée ne souffre pas d’un déficit de ressources : celles-ci ne sont en revanche pas adaptées à tous ses besoins.

1) Des financements considérables, de natures et d’origines variées

La plupart des pays du sud de la Méditerranée bénéficie de l’aide au développement, qui emprunte de nombreuses voies, certaines bilatérales, d’autres multilatérales.

Selon les données fournies par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, quatorze pays méditerranéens destinataires de l’aide au développement (41) ont reçu à ce titre 39,58 milliards de dollars américains entre 2000 et 2005, soit 6,5 milliards de dollars par an en moyenne. Un tiers était d’origine multilatérale et deux tiers provenaient d’aides bilatérales.

Parmi les donateurs multilatéraux, l’Union européenne devance très largement l’ensemble des agences des Nations unies, avec un montant moyen annuel d’aide 2,5 fois supérieur. Mais les seuls Etats-Unis accordent des aides d’un montant globalement équivalent à celles de l’Union européenne, l’aide bilatérale française représentant environ la moitié de cette somme et l’aide allemande 40 % de l’aide accordée par la France. Il faut néanmoins souligner que l’aide américaine est étroitement liée aux objectifs politiques des Etats-Unis et se concentre sur l’Egypte et la Jordanie, tandis que l’aide à Israël ne peut être comptabilisée dans l’aide publique au développement.

Les pays arabes sont quant à eux à l’origine d’environ 13 % de l’aide bilatérale au développement accordée à ces quatorze Etats méditerranéens.

a) Des instruments communautaires renforcés

L’aide européenne passe principalement par deux instruments : le programme MEDA, remplacé, depuis le 1er janvier 2007, par l’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) et les interventions de la Banque européenne d’investissement (BEI), dont les activités dans les pays partenaires méditerranéens ont été regroupées depuis octobre 2002 au sein de la Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat (FEMIP).

Le fonctionnement des programmes MEDA – il y a eu un programme MEDA I entre 1995 et 1999 et un programme MEDA II entre 2000 et 2006 – n’a pas répondu à toutes les attentes que leur création avait suscitées au moment de la mise en place du processus de Barcelone, même si MEDA II a été nettement plus satisfaisant que MEDA I.

Leur but était d’apporter un soutien technique et financier aux pays du Sud dans la réforme de leurs structures économiques et sociales. Les huit pays bénéficiaires (42) ont établi une programmation sous la forme de documents stratégiques pour la période 2000-2006, à partir desquels ont été élaborés des programmes indicatifs nationaux. Un programme indicatif régional couvre les activités multilatérales, qui ont donné lieu à 934 millions d’euros de déboursements pour la période 1995-2006.

Alors que 3,06 milliards d’euros avaient été prévus pour MEDA I, seuls 874 millions d’euros ont été déboursés, les principaux bénéficiaires de l’assistance bilatérale étant la Tunisie, pour 168 millions d’euros, l’Egypte, à hauteur de 157 millions d’euros, et le Maroc, pour 128 millions d’euros. Les déboursements étaient donc limités à 29 % des crédits engagés, principalement à cause de l’inertie administrative des pays du Sud et de la bureaucratie communautaire. Les résultats de MEDA II sont sur ce plan bien meilleurs, puisque ce ratio est de 91 % : sur 4,47 milliards d’euros prévus, 4,06 milliards d’euros ont été effectivement consommés. Le Maroc, premier destinataire de ces fonds, a reçu 917 millions d’euros entre 2000 et 2006, l’Egypte 695 millions d’euros, tandis que près de 500 millions d’euros bénéficiaient à la Tunisie, d’une part, aux Territoires palestiniens, d’autre part. Ces volumes d’aides, qui prennent la forme de dons destinés à des projets précis, comme le développement rural au Maroc, le fonds social pour la création d’emplois en Egypte ou la réhabilitation de l’administration publique au Liban, sont donc loin d’être négligeables.

L’amélioration du taux de paiement par rapport aux engagements est en partie liée à deux réformes : la création en 2001 de l’office de coopération EuropeAid, chargé de mettre en œuvre l’ensemble des instruments d’aides extérieures de l’Union européenne, et la déconcentration progressive des services pour donner plus d’autonomie de gestion et d’action aux délégations de la Commission européenne, présentes dans les pays concernés. Globalement, les programmes MEDA ont apporté une aide financière capitale et bien accueillie par les pays destinataires, mais dont la visibilité reste limitée pour les populations qui en bénéficient. Ainsi, selon M. Jean-Louis Guigou, délégué général de l’institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMed), « les financements se révèlent être trop destinés à des projets administratifs qui, entre compensation douanière, réformes administratives et opérations de mise à niveau donnant lieu à des marchés ou des achats emportés par les Européens, ne profitent jamais directement aux habitants des pays bénéficiaires » (43).

Il faut ajouter aux presque 5 milliards d’euros mentionnés supra pour la période 1995-2006 les 852 millions d’euros engagés entre 1995 et 2002 sur les deux programmes MEDA au profit de la Turquie. Depuis 2002, les actions de coopération qui lui sont destinées sont planifiées et mises en œuvre par la direction générale de l’élargissement et sont financées sur une enveloppe extérieure au programme MEDA. Depuis juillet 2007, c’est l’instrument d’aide à la préadhésion (IAP) qui finance le soutien aux pays candidats et aux candidats potentiels. Pour ce qui est des pays riverains de la Méditerranée, la Turquie et la Croatie font partie de la première catégorie, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro relèvent de la seconde. Il est prévu de consacrer 5,74 milliards d’euros à cet instrument pour la période 2007-2010.

L’année 2007 a aussi été marquée par la substitution de l’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) au programme MEDA, mais aussi en grande partie au programme TACIS, qui bénéficiait aux voisins de l’est de l’Europe (44). L’IEVP est donc destiné aux dix partenaires du sud de la Méditerranée – c’est-à-dire aux huit qui bénéficiaient du programme MEDA, ainsi qu’à Israël et la Libye – et à sept pays de l’est de l’Europe (45), tandis que les pays d’Asie centrale relèvent désormais de l’instrument de coopération au développement. Les axes privilégiés sont toujours la réforme de la gouvernance, la libéralisation de l’économie et les réformes sociales, destinées à contrebalancer les effets de l’ouverture des économies.

Bien que l’instrument soit unique, il est prévu de réserver les deux tiers des fonds pour les pays du Sud, ce qui représente 7,45 milliards d’euros sur l’enveloppe de 11,18 milliards d’euros disponible pour la période 2007-2013. Le programme MEDA disposait de 5,35 milliards d’euros pour 2000-2006 ; les moyens disponibles pour des projets au sud de la Méditerranée sont donc en progression de 39,2 %, alors que l’enveloppe globale n’augmente que de 32 %.

Les fonds alloués dépendront des besoins, des capacités d’absorption et de la progression des réformes que l’Etat bénéficiaire s’est engagé à mettre en œuvre. A l’exception de la Libye et des Territoires palestiniens, qui relèvent de mesures spéciales, chaque pays de la zone est l’objet d’un document de stratégie-pays identifiant les grandes priorités pour la période 2007-2013 et d’un programme indicatif national préparé par la Commission pour la période 2007-2010 qui présente plus précisément les actions qui seront menées. Cette programmation est déclinée annuellement dans un plan de financement national. L’enveloppe destinée aux pays du Sud entre 2007 et 2010 a donc été partagée entre les différents bénéficiaires : en valeur absolue, le Maroc, les Territoires palestiniens, l’Egypte et la Tunisie sont les premiers bénéficiaires, à hauteur respectivement de 654 millions d’euros, 632 millions d’euros, 558 millions d’euros et 300 millions d’euros ; en termes de moyens par habitant, la Jordanie, les Territoires palestiniens et le Liban, qui devraient recevoir entre 10 et 11 euros par habitant et par an, devancent largement les autres Etats. Il existe aussi une programmation régionale pour le sud de la Méditerranée, à laquelle ont été accordés 343 millions d’euros pour la période 2007-2010. Au total, l’IEVP prévoit de consacrer au développement de la région en moyenne l’équivalent d’un peu moins de 4 euros par an et par habitant.

FINANCEMENTS MEDA (déboursements) ET IEVP (engagements)
EN DIRECTION DES PARTENAIRES MÉDITERRANÉENS

(en millions d’euros)

 

MEDA I
1955-99

MEDA II
2000-06

IEVP
2007-10

Algérie

30,2

142,3

220

Egypte

157

695,4

558

Israël

Non éligible

Non éligible

8

Jordanie

108,4

345,5

265

Liban

1,2

181,5

187

Maroc

127,5

917,4

654

Syrie

0,0

90,9

130

Territoires palestiniens

59

486,4

632

Tunisie

168

489,2

300

Total aide bilatérale

651,3

3 348,6

2 954

Coopération régionale

222,5

711,9

343,3

Total

874

4 060

3 297

Source : EuropeAid.

L’augmentation des moyens destinés aux pays du sud de la Méditerranée est donc loin d’être négligeable, mais elle ne suffira pas à mettre un terme au déséquilibre entre le soutien à ces pays et celui accordé aux Etats méditerranéens du continent européen. Ainsi, en 2002, les crédits MEDA consacrés aux premiers étaient, en moyenne par habitant et par an, six fois inférieurs à ceux accordés aux pays de l’est de l’Adriatique et dix fois inférieurs à ceux destinés aux dix Etats qui ont adhéré à l’Union européenne en 2004. Selon M. Richard Weber, directeur général adjoint d’Europeaid, un quintuplement de l’aide européenne aux pays du sud de la Méditerranée serait souhaitable pour permettre un véritable rattrapage au bout d’une dizaine d’années (46).

Les aides sous forme de dons permettant de cofinancer des projets sont complétées par les interventions de la FEMIP. La BEI peut en effet intervenir à l’extérieur de l’Union européenne grâce à des mandats de prêts donnés par le Conseil et garantis par le budget communautaire. Son mandat dans le cadre de la politique de voisinage pour la période 2007-2013 s’élève à 12,4 milliards d’euros, dont 8,7 milliards d’euros destinés à la FEMIP, et donc aux Etats du sud de la Méditerranée, quand ce montant était de 6,5 milliards d’euros pour la période 2000-2006. La FEMIP propose des prêts – soit directs pour les projets dont le coût dépasse 25 millions d’euros, soit globaux par l’intermédiaire des banques partenaires locales pour les projets de plus petite taille –, du capital-investissement et de l’assistance technique.

Au travers de la FEMIP, la BEI est d’ores et déjà le premier bailleur de fonds du sud de la Méditerranée. Les prêts signés sont passés de 1,6 milliard d’euros en 2002 à 2,2 milliards d’euros en 2005. 60 % de ces engagements ont été consacrés aux infrastructures et 20 % au financement des PME. Dans ce domaine, la BEI rencontre parfois des difficultés à mobiliser les institutions financières locales pour la rétrocession de ses prêts aux PME car les prêts initiaux sont en devises, alors que ces intermédiaires répugnent à assumer à la fois le risque de change et le risque inhérent à tout financement de PME.

La FEMIP finance en priorité des projets réalisés dans le secteur privé, mais aussi des projets d’infrastructure, environnementaux, de développement du capital humain, d’assistance technique et de capital-risque. Elle soutient également des projets d’intégration régionale.

De nombreux exemples de projets financés grâce des prêts de la BEI peuvent être mentionnés : ils ont visé à améliorer le traitement des eaux usées et la gestion des ressources en eau dans plusieurs pays, ont permis de réduire la pollution et de moderniser les systèmes de contrôle du trafic des aéroports algériens, ont assuré la rénovation de la ligne ferroviaire tunisienne et la reconstruction d’infrastructures et d’industries turques détruites par le séisme de 1999.

Le soutien de la BEI au développement de la Turquie s’opère à l’extérieur de la FEMIP, dans le cadre de ses actions en faveur de la préparation de l’adhésion des pays candidats ou candidats potentiels. Au cours de la période 2002-2006, les prêts de la BEI ont atteint 4,6 milliards d’euros en Turquie et un objectif de 2 milliards d’euros de prêts accordés chaque année est envisagé pour la période 2007-2013.

En complément de la FEMIP, la Commission européenne a proposé la création, au sein de l’instrument de voisinage, d’un fonds d’investissement du voisinage (FIV), ouvert aux pays du sud méditerranéen et de l’est européen. Celui-ci présente l’intérêt d’introduire une dimension partenariale dans ses organes de gouvernance et une meilleure complémentarité des financements dans la mesure où les agences bilatérales pourraient ainsi avoir un accès plus facile aux subventions communautaires.

Doit aussi être mentionné le rôle de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), qui est le premier investisseur dans l’ensemble des vingt-neuf pays où elle intervient, de l’Europe centrale à l’Asie centrale. Elle soutient donc notamment le développement du secteur privé et de la démocratie dans les pays des Balkans occidentaux riverains de la Méditerranée. Elle a ainsi, par exemple, accordé en 2001 un prêt de 55 millions d’euros à la ville de Zagreb pour améliorer le traitement des eaux usées et en février 2005 un prêt de 26,5 millions d’euros à l’autorité portuaire de Dubrovnik pour la modernisation du port. Ces pays sont aussi destinataires de prêts de la BEI dans le même cadre que la Turquie : ils ont porté sur 2,1 milliards d’euros depuis 1995, et sur 412,5 millions d’euros pour le seul exercice 2006, qui constitue une année record en la matière.

Dans cette région, la BEI et la BERD collaborent étroitement avec l’Agence européenne pour la reconstruction (47), mais aussi avec la Banque mondiale et la Banque de développement du Conseil de l’Europe.

Le principal reproche qui est fait à ces institutions européennes par les pays qui bénéficient de leur soutien porte sur le fait que leur gouvernance n’est pas partenariale. Leur présence sur le terrain est en outre limitée.

b) De nombreuses autres sources multilatérales de financement

Si les instruments communautaires sont déjà les sources multilatérales de financement les plus actives dans la région de la Méditerranée, ils sont loin d’être les seuls.

Les prêts accordés par la Banque mondiale depuis ses débuts représentent des volumes financiers conséquents : elle a ainsi soutenu 115 projets en Egypte, pour un montant total de 6,3 milliards de dollars ; quatorze projets sont en cours de réalisation, dont la moitié concerne les infrastructures et près du tiers le secteur agricole. Au Maroc, le portefeuille de la Banque mondiale comprend actuellement quinze opérations avec des engagements cumulatifs nets de 823,6 millions de dollars. Son soutien emprunte diverses formes, comme des prêts à l’investissement, des appuis budgétaires et des prêts à l’appui de la politique de développement, notamment en faveur du secteur du logement (150 millions de dollars), du secteur financier (200 millions de dollars), de l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement en milieu rural (60 millions de dollars) et de l’administration publique (120 millions de dollars).

Durant l’exercice 2007 (juillet 2006-30 juin 2007), le Groupe de la Banque mondiale a engagé 2,6 milliards de dollars sous forme de prêts, crédits, dons et garanties au profit des gouvernements et du secteur privé des pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (48). Les bénéficiaires utilisent ces fonds dans le cadre de plus de quarante projets et programmes destinés à améliorer le climat des affaires et de l’investissement et à lutter contre la marginalisation et l’exclusion des pauvres. Il apparaît néanmoins que le rôle de la Banque mondiale dans les pays de la rive sud de la Méditerranée a diminué depuis deux décennies dans la mesure où la BEI propose des coûts de financement plus faibles qu’elle.

La Banque africaine de développement a une activité de prêts non concessionnels en Afrique du Nord. Elle intervient principalement au Maroc, en Egypte et en Tunisie. Depuis sa création en 1967, elle a accordé des prêts et des dons à hauteur de l’équivalent de 1,4 milliard d’euros à l’Egypte et de 2,9 milliards d’euros à la Tunisie comme au Maroc. L’effort se renforce progressivement : pour le Maroc, par exemple, les montants prévus entre 2007 et 2011 sont de 320 millions de dollars par an.

Les fonds arabes occupent une place croissante dans la région : en 1999, ils ont engagé dans la région des sommes au moins aussi importantes que la Banque mondiale et la BEI cumulées. Les principaux sont la Banque islamique de développement et le Fonds arabe pour le développement économique et social, qui réalise 77 % de ses engagements dans la région méditerranéenne. Par exemple, le Maroc a bénéficié d’engagements de la part de ce Fonds à hauteur de 215 millions de dollars en 2005, sur un total d’engagements de 1 171 millions de dollars.

Ces quelques exemples, qui ne sont pas exhaustifs, illustrent le grand nombre d’intervenants dans la région méditerranéenne et l’importance des volumes financiers disponibles pour la réalisation de projets de développement.

2) Des financements qui ne sont pas parvenus à réduire significativement certaines faiblesses structurelles des économies du Sud

Bien que les financements extérieurs visant spécifiquement le développement des pays du sud de la Méditerranée représentent chaque année entre 5,5 et 6 milliards de dollars, leur situation économique reste nettement moins bonne que celle des pays de la rive nord, pour une série de raisons. Parmi elles, figure l’inadéquation des moyens disponibles à certains besoins de l’économie.

Si la période 2000-2006 a été marquée par un taux de croissance économique de l’ordre de 4 % en moyenne par an dans l’espace méditerranéen, cette progression reste insuffisante pour résorber les profonds déséquilibres de développement de la zone. À l’heure actuelle, les pays méditerranéens connaissent, pour beaucoup d’entre eux, une croissance faible et heurtée et parviennent peu à attirer les investissements étrangers (49).

Or, d’après M. Hassan Abouyoub (50), ambassadeur itinérant du roi Mohammed VI, entre 80 et 100 millions d’emplois devront être créés dans les vingt prochaines années pour faire face à un cycle de forte croissance de la population active. Sans un taux de croissance économique soutenu, une accentuation des tensions sociales est à craindre, du fait notamment des taux « record » de chômage des jeunes qui s’élèvent déjà à près de 30 % au sud et à l’est de la Méditerranée. Plus globalement, ces tendances économiques risquent d’aggraver la fracture entre le nord et le sud de la Méditerranée avec, d’un côté, une forte intégration des pays de la rive nord au sein de l’Union européenne et, de l’autre côté, des coopérations insuffisantes entre les pays du Sud.

Cette croissance insuffisante est le reflet d’un manque de compétitivité qui tient notamment à des niveaux élevés de protection commerciale, à un niveau d’éducation insuffisant, ainsi qu’à de faibles dotations en infrastructures physiques et technologiques qui pèsent notamment sur les coûts de transport. Le tissu économique des pays du Sud se caractérise également par un nombre trop faible de groupes industriels ainsi que par des PME principalement concentrées dans les secteurs manufacturiers traditionnels et à faible valeur ajoutée. Comme l’observe l’Agence française de développement (51), ces carences du tissu industriel sont, à court terme, masquées par des revenus de transfert ou de rente, qui sont en hausse tendancielle.

En effet, l’augmentation du prix du pétrole a un impact positif sur les recettes algériennes et libyennes. Beaucoup de pays du Sud, aux premiers rangs desquels le Maroc et l’Egypte, bénéficient largement de recettes touristiques, qui augmentent régulièrement et devraient poursuivre leur hausse : les seuls pays du Golfe persique génèrent 2 milliards de dollars de recettes touristiques par an en Egypte ; en 2004, les dix pays bénéficiaires du programme MEDA ont enregistré près de 28 milliards de dollars de recettes touristiques. Les transferts financiers des migrants sont aussi considérables : l’Egypte reçoit chaque année plus de 3 milliards de dollars d’Egyptiens travaillant dans le Golfe. En 2005, l’aide publique au développement représentait 2,6 % du PIB des pays riverains du sud de la Méditerranée, les revenus des migrants 6 % et les revenus du tourisme 7 %.

Le tableau suivant présente la part de chacune de ces sources de revenus extérieurs dans les dix pays bénéficiaires du programme MEDA.

ORDRE DE GRANDEUR DES PRINCIPAUX REVENUS EXTERIEURS DES DIX BÉNÉFICIAIRES DU PROGRAMME MEDA (DONT LA TURQUIE)

(en millions de dollars)

 

Investissement direct étranger

Revenus du tourisme

Transferts des émigrants

Aide publique au développement

Total

Année

2005

2004

2005

2004

 

Source

CNUCED

OMT

Banque mondiale

Banque mondiale

 

Algérie

1 081

105

2 460

313

3 959

Egypte

5 376

4 924

3 341

1 458

11 758

Israël

5 587

1 918

398

479

8 382

Jordanie

1 532

664

2 288

581

5 065

Liban

2 573

1 027

5 723

265

9 588

Maroc

2 933

3 152

4 221

706

11 012

Syrie

500

1 785

855

110

3 250

Territoires palestiniens

_

_

692

1 136

1 828

Tunisie

782

1 536

804

328

3 450

Turquie

9 681

12 773

692

257

23 403

MEDA-10

30 045

27 884

18 133

5 633

81 694

(en %)

37

34

22

7

100

NB : Ce total doit être considéré avec précaution, car les données agrégées portent sur des années différentes. Les recettes de privatisation sont inclues dans les IDE

Source : réseau ANIMA

Si ces économies bénéficient ainsi de recettes extérieures importantes, leurs carences structurelles n’en restent pas moins réelles, en dépit des efforts entrepris dans la plupart des pays visant à contrôler, avec succès, l’inflation, à réduire le poids de la dette et à rééquilibrer le solde budgétaire.

Ces ressources sont en effet pour l’essentiel de court terme, tandis que les ressources extérieures de long terme sont faibles : les investissements directs à l’étranger (IDE) correspondaient à seulement 4,8 % de leur PIB en 2005 et sont globalement à peine supérieurs aux revenus du tourisme. Ainsi, la région n’était, en 2005, destinataire que de 3 % des IDE mondiaux, qu’ils soient européens ou en provenance du reste du monde. Si l’on effectue une comparaison avec les autres pays en développement, la zone méditerranéenne est, avec le reste de l’Afrique sub-saharienne, celle qui bénéficie le moins des IDE européens. Alors que les Etats-Unis ne consacrent pas moins de 18 % de leurs IDE à leurs partenaires d’Amérique latine, les pays européens ne font bénéficier les pays de la rive sud de la Méditerranée que de 2 à 3 % de leurs IDE.

Comme l’écrivent Hubert Védrine et le Cercle des économistes (52), « ce qui manque le plus aux pays du sud de la Méditerranée [ce sont] des IDE privés permettant l’élargissement et l’enracinement du tissu des PME locales ». Cette région se caractérise en effet par le fait que les investissements réalisés sont très majoritairement publics. Dans un certain nombre de pays du sud de la Méditerranée, le secteur privé représente moins de 20 % des crédits bancaires.

Des dispositifs sont en place au sein de la BEI, mais le volume financier qu’elle consacre au secteur privé est limité à 30 % de ses engagements dans la région, et seuls 20 % sont dirigés vers les PME. Les investissements et les prêts destinés au secteur privé privilégient en effet les grandes entreprises. Dans de nombreux pays de la région, l’accès au financement reste donc difficile pour les entreprises privées, et surtout pour les petites et moyennes entreprises. Les deux raisons principales sont la faiblesse du secteur financier local, qui sait peu mobiliser les ressources d’épargne à long terme et qui manifeste une certaine aversion au risque, et les caractéristiques des petites entreprises, au capital souvent familial, peu transparentes et offrant peu de garanties pour l’obtention de crédits.

B – Faut-il créer une institution financière spécifiquement méditerranéenne ?

De même que l’Union méditerranéenne et ses projets n’ont pas pour but de remplacer le processus de Barcelone et l’instrument européen de voisinage et de partenariat mais de les compléter, il n’est pas question de créer des institutions de financement qui entreraient en concurrence avec celles qui existent déjà. En revanche, il existe des manques qu’il faut se donner les moyens de pallier.

1) La Méditerranée n’a pas besoin d’un bailleur de fonds de plus

Le projet de création d’une banque euro-méditerranéenne n’est pas nouveau. Une proposition visant à filialiser les activités de la BEI dans la région pour constituer une banque de la Méditerranée a notamment été soumise au Conseil européen à la fin de l’année 2006. Mais elle n’a été soutenue ni par la Commission, ni par nos partenaires européens.

Parmi les raisons qui avaient conduit à écarter cette proposition figurait le fait qu’elle aurait nécessité une augmentation importante du capital de la banque, la nouvelle entité concentrant ses risques dans un nombre plus limité de pays. Ce surcoût significatif pour les actionnaires aurait risqué de réduire de fait les ressources européennes allouées à la zone.

Pour qu’une telle banque apporte une véritable plus-value pour le développement de la région, il faudrait qu’elle parvienne à associer les pays arabes concernés. Or, nos partenaires de la rive sud de la Méditerranée n’ont pas d’intérêt à entrer au capital d’une telle banque, alors qu’ils ont aujourd’hui accès aux financements de la BEI. Ils sont par ailleurs tous déjà actionnaires de la Banque africaine de développement. M. François Gouyette, ambassadeur de France à l’Euroméditerranée, a évoqué cette difficulté devant la mission d’information : « cet institut financier – en copropriété et non plus piloté, comme tous les autres, par les seuls Européens –, d’abord bien accueilli sur le plan politique par les pays du Sud, les avait ensuite inquiétés sur le plan financier, sachant que les engagements de l’Europe au titre du partenariat Euromed avaient pu atteindre, eux, vingt milliards d’euros sur dix ans, alors qu’une nouvelle institution pourrait leur coûter fort cher. » (53)

De plus, le positionnement d’un nouvel acteur serait particulièrement délicat. En effet, tout nouvel instrument devra fonctionner en addition, plutôt qu’en substitution aux institutions et aux financements existants. Or, sur les différents créneaux identifiés, de nombreux acteurs sont d’ores et déjà à l’œuvre, et leurs activités financées. La plus-value d’une banque généraliste dans la zone semble donc limitée, et pourrait par ailleurs mettre en difficulté les activités la Banque africaine de développement.

Enfin, la création d’une telle banque constituerait un obstacle supplémentaire au projet de rationalisation de la coopération au développement européenne actuellement à l’étude, et qui pourrait être lancé à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne en 2008, consistant à créer une véritable banque européenne de développement. Cet instrument, principalement centré sur l’Afrique et la Méditerranée, aurait de fait une forte composante méditerranéenne.

Les projets qui seront lancés dans le cadre de l’Union méditerranéenne devraient trouver des solutions de financement au sein des différents instruments qui existent déjà. Certains d’entre eux pourront d’ailleurs faire l’objet de partenariats publics/privés.

Il ne s’agit évidemment pas de « piller » tous les moyens mis à la disposition de la région méditerranéenne par l’Union européenne pour financer les projets de l’Union méditerranéenne : ces derniers ne couvriront pas l’ensemble des secteurs dans lesquels l’IEVP ou la BEI interviennent ; les Etats membres de la nouvelle Union participeront naturellement de manière directe au financement des projets ; il pourra être fait appel aux autres sources de financement multilatérales voire bilatérales, si des pays tiers sont intéressés par les projets. Enfin, en tout état de cause, les règles applicables à l’obtention d’un financement de l’IEVP ou de la BEI s’appliqueront normalement : un projet défendu par l’Agence de la Méditerranée devra répondre aux mêmes critères et respecter la même procédure que n’importe quel autre projet demandant un tel financement. Pour bénéficier d’un financement de l’IEVP, il devra notamment figurer dans les plans de financement nationaux des Etats concernés ou dans le plan de financement de la programmation régionale, lesquels sont adoptés par les Etats membres en comité de gestion de l’IEVP selon les règles de majorité et de pondération des voix fixées à l’article 205 du traité instituant la Communauté européenne.

A l’occasion de son audition par la mission d’information (54), M. Lucio Guerrato, directeur exécutif de la Fondation Anna Lindh, a souligné la multiplicité des interventions financières en faveur du développement de la Méditerranée, qu’elles soient le fait d’Etats ou d’organisations multilatérales, qu’elles proviennent d’Europe ou du reste du monde. Il en a conclu que « la difficulté principale est de rendre cohérents les investissements financés par l’aide publique dont le montant peut atteindre 15 à 20 % du montant total des investissements dans certains pays ».

Dans cette perspective, la Mission d’information propose que soit organisé, sous l’égide de l’Union méditerranéenne, un groupe des investisseurs financiers (GIFMED), qui, sans restreindre la liberté d’action de chacun des financeurs potentiels, permettrait une meilleure coordination des interventions des différentes structures institutionnelles (multilatérales et bilatérales) dans la région. L’Agence de la Méditerranée lui soumettrait les projets retenus par le G-Med et chacun des financeurs potentiels ferait part de son intérêt, ou non, pour participer à telle ou telle réalisation.

S’il n’apparaît donc pas nécessaire de créer un nouvel instrument financier ou une nouvelle institution financière généraliste pour assurer la prise en charge des projets de l’Union méditerranéenne, il manque actuellement un outil permettant d’aider l’accès au financement des PME des rives sud et est de la Méditerranée.

2) Une institution financière en mesure de stimuler les investissements privés dans la région serait précieuse

Le rapprochement des différents bailleurs de fonds au sein d’un groupe des investisseurs financiers pourrait aussi les conduire à établir un Comité de promotion du secteur privé dans la Méditerranée, pour reprendre la dénomination choisie par le Cercle des économistes et M. Hubert Védrine, qui serait plus particulièrement chargé de coordonner les ressources existantes en vue de l’amélioration du climat de l’investissement dans les pays riverains de la Méditerranée.

Dans l’ouvrage précité, le Cercle des économistes et M. Hubert Védrine préconisent la création d’une institution financière dédiée à la Méditerranée qui serait chargée de la double mission de stimuler les investissements directs à l’étranger dans la région et de favoriser l’accès des entreprises du Sud au financement.

Pour atteindre le premier objectif, elle devrait, selon eux, être à la fois un investisseur de référence à long terme, dans le cadre de grands projets d’infrastructure, et un assureur pour les entreprises européennes qui investissent dans la région. Comme nous l’avons souligné, un grand nombre de bailleurs de fonds interviennent déjà dans le financement d’infrastructures et il n’est pas évident qu’une nouvelle institution financière soit indispensable.

La question de la garantie à apporter aux investissements effectués par des entreprises privées étrangères dans les pays méditerranéens mérite en revanche d’être posée. Outre les institutions financières nationales, comme la Coface en France, il existe quelques mécanismes multilatéraux de garantie, mais ils concentrent leurs interventions vers les pays les plus pauvres ou les plus en difficulté. Créée en 1988, l’Agence multilatérale de garantie des investissements, qui appartient au Groupe de la Banque mondiale, assure des investissements destinés aux infrastructures, des investissements entre pays en voie de développement, des investissements dans les pays touchés par des conflits et dans les économies les plus pauvres ; elle n’intervient donc pas beaucoup dans les pays de la Méditerranée. De même, la Facilité d’investissement mise en place par la BEI en application des accords de Cotonou offre, parmi d’autres instruments financiers, des garanties à certains investissements privés réalisés dans les pays de la zone Asie-Caraïbes-Pacifique (ACP), mais la FEMIP n’offre pas ce type de services.

La Mission d’information propose donc la mise en place d’un mécanisme multilatéral de garantie des investissements réalisés dans la région méditerranéenne contre les risques pays et les risques commerciaux. Elle permettrait de combler un manque qui pèse actuellement sur le développement des IDE privés dans la zone.

Elle juge par ailleurs indispensable de renforcer le secteur privé du sud et de l’est de la Méditerranée et de favoriser ainsi l’émergence d’un véritable tissu de PME, qui servirait de moteur de croissance.

Afin de faciliter l’accès au financement des entreprises du Sud, l’idée d’une institution chargée de rehausser les risques PME et de garantir les crédits qui leur sont accordés apparaît donc très judicieuse. Elle pourrait le faire soit en accordant directement des prêts aux PME, soit en complément de prêts bancaires dont ces dernières bénéficient afin de limiter le risque encouru par les banques. Il serait aussi possible qu’elle garantisse les crédits accordés par les banques aux PME.

L’autre solution, soutenue par l’Agence française de développement, consisterait à mettre en place un « fonds de fonds » dédié à l’apport de fonds propres aux PME, sur le modèle du Fonds Averroès Finance, créé en 2003 par des institutions financières françaises (55) et la BEI. Ce fonds, dont le capital initial était de 26,5 millions d’euros, vise à encourager le développement d’une offre structurée et professionnelle de financement en fonds propres pour les PME du Maghreb et du Machrek. Il a pris des participations dans des structures de capital-investissement dans cette zone, lesquelles investissent dans les fonds propres des PME qu’elles soient en phase de création, de croissance ou de maturité.

Le grand fonds d’investissement méditerranéen dont la Mission d’information appelle de ses vœux la création pourrait procéder de même à plus grande échelle. Sa dotation initiale en capital pourrait provenir de la BEI et de bailleurs bilatéraux du nord de la Méditerranée, ainsi que de partenaires extérieurs. Ce capital permettrait des prises de participation au profit d’intermédiaires financiers ou d’entreprises acceptant d’investir dans la région dans des secteurs ou des zones géographiques peu financées par les investisseurs traditionnels.

On peut d’ailleurs imaginer qu’une institution financière dédiée au soutien des investissements privés dans la région remplisse à la fois les fonctions de « fonds de fonds » et d’aide à l’accès au crédit pour les PME méditerranéennes et celle d’assureur pour les investissements privés étrangers.

Quoi qu’il en soit, il est essentiel que la structure soit ouverte à des partenaires du nord et du sud de la Méditerranée, et qu’elle n’apparaisse pas comme un nouvel outil d’assistanat. M. Jean-Louis Guigou a fortement insisté sur l’exigence de parité exprimée par les pays du Sud. Selon lui, « ils veulent une banque dans laquelle dix États du Nord et dix États du Sud seraient parties prenantes » (56).

Pour ce faire, comme le souligne l’ouvrage précité, « le mieux serait que l’institution dispose d’une ressource propre, sans faire appel, au-delà de sa phase de création, aux dotations budgétaires des Etats ». Les sommes que les migrants renvoient dans leur pays d’origine pourraient constituer cette ressource pérenne. Elles sont estimées à au moins 10 milliards d’euros par an pour les seuls pays du Maghreb et à 20 milliards d’euros par an pour l’ensemble du bassin méditerranéen.

Alors qu’ils pèsent bien plus que toute l’aide internationale que reçoit le Maghreb, ces transferts empruntent des voies informelles, faute d’organisations bancaires adéquates, dans les pays de résidence comme dans les pays d’origine, à l’exception du Maroc. Il serait particulièrement intéressant de canaliser ces flux financiers vers la nouvelle institution. En France, un compte d’épargne codéveloppement a été créé par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration et un livret d’épargne codéveloppement le sera dès que le projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile adopté le 23 octobre 2007 aura été publié. Des produits d’épargne du même type pourraient être mis en place dans les autres pays du nord de la Méditerranée. Les sommes ainsi collectées pourraient très bien être orientées vers la nouvelle institution financière qui transformerait ces ressources de court terme en moyens de financement à long terme. Au lieu de peser sur l’inflation et la balance commerciale des pays d’origine des migrants, ces flux financiers seraient ainsi réinjectés dans le tissu des PME locales, et auraient un impact positif sur la croissance.

M. Jean-Louis Guigou a, devant la mission d’information, soutenu cette idée dans les termes suivants : « Ce qui (...) manque le plus [aux pays arabes], ce sont les systèmes d’aides aux PME-PMI. D’où l’idée de s’appuyer sur les ressortissants des pays arabes résidant en Europe, qui transfèrent chaque année dans leurs pays d’origine entre 8 et 12 milliards d’euros. C’est l’équivalent d’un plan Marshall chaque année. Il serait possible de créer un livret d’épargne euro-méditerranéen sur lequel ils pourraient déposer leur argent en toute sécurité. Sur 100 euros de dépôts, ils pourraient en dépenser 60, les 40 restants alimentant une caisse des dépôts et consignations euro-méditerranéenne. » (57).

La Mission d’information préconise que l’Union méditerranéenne crée une institution financière qui jouerait le rôle de « caisse des dépôts » pour l’épargne des migrants et utiliserait cette ressource, complétée par des fonds provenant de la BEI, d’autres bailleurs intéressés et des marchés financiers, à la fois pour aider les PME méditerranéennes à trouver un financement, en jouant le rôle de « fonds de fonds » et d’aide à l’accès au crédit, et pour assurer les investissements privés étrangers dans la région.

Proposition n° 5 – Les financements

La Mission considère que les pays de la région sud de la Méditerranée ont avant tout besoin de bénéficier d’une meilleure coordination des moyens extérieurs (aides bilatérales et multilatérales) destinés à leur développement.

La Mission propose de créer :

– le groupe des investisseurs financiers de la Méditerranée (GIFMED), chargé de coordonner les financements institutionnels des projets.

Par ailleurs, on constate que les entreprises privées, notamment les PME, du sud de la Méditerranée rencontrent des difficultés d’accès aux financements et que les investissements directs étrangers restent faibles.

La Mission estime qu’il faut en priorité traiter ces deux problèmes. Elle propose la création d’une institution financière chargée :

– de transformer des ressources à court terme (parmi lesquelles l’épargne des migrants) en emplois à long terme (en particulier pour aider les PME à se procurer des fonds propres et à accéder au crédit) ;

– d’assurer les risques afférents aux investissements privés étrangers dans la région.

CONCLUSION

L’Union méditerranéenne est un projet politique qui répond à de multiples attentes qu’il ne faut pas décevoir.

La construction de cette Union ne doit pas s’arrêter au stade des simples intentions.

Pour réussir, l’Union méditerranéenne doit respecter un certain nombre de principes essentiels que sont la non-exclusion des Etats européens du Nord, la codécision Nord/Sud, la participation des représentants de la société civile à la décision politique, la réalisation de projets concrets de dimension raisonnable dont chacun peut aisément mesurer l’intérêt, la contribution du secteur et des financements privés.

Enfin, l’Union méditerranéenne ne doit pas se présenter comme une architecture institutionnelle venant rivaliser avec l’Union européenne. Fondée sur des projets d’intérêt commun, elle a vocation à compléter le processus de Barcelone en favorisant un partenariat multilatéral entre ses membres.

L’Union méditerranéenne doit prendre la forme d’un dispositif souple et adaptable.

C’est dans cet esprit pragmatique que la Mission a travaillé.

La Mission parlementaire souhaite que les propositions qu’elle énonce sous la forme d’un plan en cinq points soient soumises à nos partenaires du Sud pour être discutées et débattues lors du sommet de juin prochain, qui devrait se tenir à Marseille, où se réuniront tous les Etats désireux de construire ensemble l’Union méditerranéenne.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le rapport d’information « Comment construire l’Union méditerranéenne ? » au cours de sa séance du mercredi 5 décembre 2007.

Après l’exposé du Rapporteur et du Président, une discussion s’est engagée.

Le président Axel Poniatowski a félicité les membres de la Mission d’information pour la qualité de leur travail et les propositions concrètes qui résultaient de leur rapport. Il est, en effet, proposé une architecture solide, fondée sur un organe directeur et un outil opérationnel, qui se veut néanmoins légère afin de privilégier l’efficacité des interventions. En ce qui concerne les projets, le Président a estimé que les questions énergétiques méritaient, selon lui, de figurer au rang des priorités de l’Union méditerranéenne, en raison des défis majeurs qu’elles représentaient pour les pays du pourtour méditerranéen. Il a ensuite souligné l’importance de la question des financements qui constituait, sans aucun doute, la clé du succès de la future Union.

Après avoir également remercié les membres de la Mission d’information, Mme Elisabeth Guigou a estimé que son rapport était un document de référence qui ferait date. Il témoigne d’une volonté partagée de surmonter les difficultés de mise en œuvre de l’Union méditerranéenne. Il s’agit, en effet, d’une belle idée qu’il importe de ne surtout pas gâcher. Cette idée est, en réalité, ancienne ; elle a pris forme, en 1995, lorsque l’Union européenne a proposé à dix pays du sud de la Méditerranée un partenariat euro-méditerranéen, le « processus de Barcelone ». Un premier bilan de cette initiative a été dressé en 2005, à l’occasion du dixième anniversaire de ce processus. Ce bilan a fait apparaître un certain nombre de défauts parmi lesquels l’absence de visibilité auprès des populations des initiatives prises dans le cadre de Barcelone. Les efforts financiers engagés ont, en effet, principalement porté sur la compensation du désarmement tarifaire, destiné à préparer la mise en place d’une zone de libre-échange. Dans ce contexte, les financements accordés aux organisations non gouvernementales n’ont été que marginaux, ce qui a nuit à la lisibilité des efforts engagés auprès des populations. En outre, ces efforts financiers ont été bien plus faibles que ceux engagés en faveur des pays d’Europe centrale et orientale dans la perspective de l’élargissement de l’Union européenne. L’attitude des Etats membres a, par ailleurs, été jugée trop paternaliste et le processus de Barcelone insuffisamment fondé sur une véritable co-décision entre l’Union européenne et les pays du Sud de la Méditerranée. Enfin, le conflit israélo-palestinien a lourdement pesé sur la qualité du dialogue politique, même s’il faut reconnaître que le processus de Barcelone est aujourd’hui le seul lieu où les représentants des pays arabes et d’Israël se retrouvent autour d’une même table.

Mme Elisabeth Guigou a rappelé que ce bilan mitigé a fait émerger, pour la première fois en 2005, l’idée d’une « Communauté euro-méditerranéenne », dans le prolongement de Barcelone. Cette idée a été soutenue par un appel public, signé par de nombreux responsables politiques du nord et du sud de la Méditerranée, qui figure en annexe du rapport de la Mission d’information. L’objectif était d’affirmer la nécessité d’une nouvelle ambition pour le partenariat euro-méditerranéen. Parmi les aspects les plus importants à renforcer figuraient notamment l’instauration d’une véritable codécision entre Union européenne et pays du Sud, la mobilisation de financements davantage orientés sur les investissements privés ainsi que l’affirmation d’un avenir commun, fondée sur un engagement politique fort. Lors de son audition par la commission des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci, ministre des affaires étrangères de la République algérienne démocratique et populaire, a d’ailleurs insisté sur l’importance des investissements destinés à renforcer les capacités nationales de production et à créer des emplois.

Mme Elisabeth Guigou a estimé que le Président de la République avait eu le mérite de donner une impulsion politique forte en lançant le projet d’« Union méditerranéenne ». Le rapport de la Mission d’information vise à faire réussir cette belle idée qui suscite la méfiance, voire l’opposition, d’autres Etats membres de l’Union Européenne, comme l’Espagne ou l’Allemagne, et l’attentisme dans les pays du Sud. L’objectif est d’apporter une valeur ajoutée au processus de Barcelone et de ne pas fermer la porte aux pays du nord de l’Europe qui souhaitent participer à ce projet. S’il faut conserver l’esprit de « coopérations renforcées », destinées à permettre, au sein de l’Union européenne, que tous les Etats membres n’avancent pas au même rythme, il importe, en effet, de ne pas exclure ceux qui veulent et peuvent s’associer à une avant-garde. Cette approche a le mérite d’éviter le recours au statut d’observateur en proposant l’organisation de deux réunions le même jour pour privilégier le dialogue politique, puis des échanges sur les projets concrets à soutenir. Elle a ajouté qu’une véritable valeur ajoutée pourrait être apportée au processus de Barcelone grâce à la mise en place de projets concrets impliquant les entreprises. A l’heure actuelle, les investissements privés venant d’Europe vers le sud de la Méditerranée sont très faibles puisqu’ils ne représentent sur 1 % du total des investissements privés européens alors que les Etats-Unis consacrent 18 % de leurs investissements totaux aux Etats du sud américain. C’est donc dans les partenariats entre entreprises, grands groupes, mais surtout PME, que réside le potentiel de développement le plus important. Cette valeur ajoutée doit également résulter de la prise en compte, au niveau régional, de problématiques transversales comme le développement économique et social, la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique, la maîtrise concertée des migrations de populations, etc.

Enfin, Mme Elisabeth Guigou a évoqué la question des financements, mettant l’accent sur la nécessité d’un instrument permettant de transformer l’épargne privée en investissement à moyen terme, d’opérer une synergie entre les différents financements et d’augmenter l’effet de levier des financements publics. Elle a également souligné l’importance d’un partenariat entre pays égaux qui devait remplacer une logique paternaliste d’aide au développement. L’existence de conflits anciens, comme celui du Sahara occidental, rend difficile ce dialogue mais c’est un pari qu’il faut tenter. Cette approche devrait calmer les réticences de certains pays comme l’Espagne ou l’Allemagne au projet d’Union méditerranéenne et pourrait aider à surmonter progressivement les obstacles à une coopération des pays du Sud entre eux. Surtout, elle permettrait aux États européens de relever en commun les défis de la mondialisation, sur le modèle des grands ensembles régionaux qui s’organisent aujourd’hui en Amérique et en Asie.

Après avoir rappelé sa participation à la création du partenariat euro-méditerranéen, M. Hervé de Charette est revenu sur l’échec du processus de Barcelone, identifiant les causes suivantes : le manque d’intérêt des pays d’Europe du Nord, la priorité accordée par l’Union européenne à l’élargissement à l’Est, l’espoir déçu du processus de paix israélo-palestinien, la volonté d’emprise américaine sur la région.

L’élargissement de l’Union européenne à l’Est a ainsi détourné de la Méditerranée des financements importants, les aides destinées à la région méditerranéenne étant dix fois inférieures à celles consacrées à l’Europe centrale et orientale. Si la demande américaine de participation au processus de Barcelone a été refusée, l’influence des Etats-Unis demeure un frein au développement du partenariat au sein de la Méditerranée

M. Hervé de Charette a ensuite fait part de son scepticisme à l’égard de l’initiative française tout en partageant la priorité diplomatique affichée en faveur de la Méditerranée, qui concentre de nombreux risques et offre en même temps de multiples opportunités. L’Union méditerranéenne soulève quatre questions :

– Comment défendre l’idée d’une politique étrangère commune et dans le même temps lancer une initiative exclusivement française ? Il importe de ne pas marginaliser l’Union européenne.

– Comment sera-t-elle financée ? Face aux besoins financiers des pays du Sud, seule l’Union européenne dispose de ressources suffisantes.

– La paralysie de la situation israélo-palestinienne ne constitue t-elle pas un obstacle à la construction de l’Union méditerranéenne ?

– La réticence des pays du Sud pourra t-elle être surmontée ? Si ces pays sont respectueux à l’égard de la France, leur respect est prioritairement destiné à l’Union européenne, en raison de la manne financière, et aux États-Unis, en raison de leur puissance politique.

M. Michel Vauzelle s’est félicité que le projet du Président de la République apporte une réponse aux critiques sur le tropisme oriental de l’Europe. Alors que certains pays européens sont très éloignés de la Méditerranée, l’Allemagne a néanmoins manifesté son intérêt pour l’initiative française. En revanche, d’autres pays, sous l’influence américaine, demeurent hostiles à toute organisation autonome dans le bassin méditerranéen.

Il est essentiel que l’Union méditerranéenne soit reliée à l’Union européenne. La communauté de destins à laquelle œuvre l’Union européenne ne peut se réaliser en excluant la Méditerranée. La parole doit être donnée aux pays méditerranéens qui sont aujourd’hui encore inaudibles face aux partenaires européens. L’Europe a intérêt à entendre la voix de la Méditerranée.

La demande des pays du Sud ne concerne pas exclusivement le financement mais elle peut porter sur la coopération technique, en Algérie par exemple.

Deux points méritent d’être soulignés : d’une part, le rôle de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée doit être conforté et renforcé. D’autre part, l’importance de la coopération entre les régions ne doit pas être sous-estimée. Au sein de la Conférence des régions périphériques maritimes d’Europe, la commission interméditerranéenne offre aux régions un espace de dialogue serein. C’est dans ce cadre que M. Michel Vauzelle a été chargé d’un rapport qu’il a remis au Président sur un nouveau partenariat méditerranéen.

M. Paul Giacobbi a estimé que le pragmatisme et le volontarisme du rapport en faisait un document de référence, le premier consacré à ce sujet. En explicitant le projet d’Union méditerranéenne, le rapport contribuera à lever les nombreuses réticences qui se sont exprimées. On recense notamment les réserves des instances communautaires, de l’Allemagne, de la Turquie mais également des pays du Sud. Ces derniers craignent en effet d’être privés des financements euro-méditerranéens.

Deux thèmes ne sont pas développés dans le rapport. Le premier porte sur les acteurs de la Méditerranée qui sans en être riverains y exercent un rôle fondamental : les États-unis, puissance diplomatique et militaire incontournable, la Grande-Bretagne, riveraine grâce à Gibraltar, et la Chine, très engagée dans de nombreux pays méditerranéens. L’Union méditerranéenne doit permettre aux Méditerranéens de se réapproprier la Méditerranée sans rompre le dialogue avec les autres acteurs.

Le second thème, la sécurité collective, n’est pas absent des préoccupations du rapport. Les membres de la mission ont ainsi pu constater les limites de la coopération dans ce domaine lors de l’audition du représentant permanent français auprès de l’OTAN. Alors que la sécurité collective est un instrument majeur pour l’avenir, l’Union méditerranéenne a vocation non seulement à faire travailler ensemble des pays en conflit et à les faire adhérer à une organisation politique commune, mais également à favoriser les échanges entre les pays du Sud.

Après avoir approuvé le rapport, M. Paul Giacobbi a remarqué que l’adoption à l’unanimité du rapport au sein de la Mission témoignait de l’intérêt de ce sujet et de l’implication de chacun.

M. Jean-Claude Guibal, rapporteur, a cité Saint-Exupéry à l’appui de la démarche de construction de l’Union méditerranéenne qui doit résulter d’une volonté et d’une initiative dynamique. Il ne s’agit pas de créer des institutions qui sont déjà trop nombreuses mais de mettre en place un catalyseur capable de mobiliser des éléments aujourd’hui épars, tels que les États, la société civile ou les échanges universitaires.

L’architecture de l’Union méditerranéenne s’inspire de ce que sont aujourd’hui les perspectives de l’Union européenne, la géométrie variable et les coopérations renforcées.

La priorité accordée aux projets ayant un potentiel de développement certain permet, dans la mise en œuvre de l’Union méditerranéenne, de contourner de nombreux obstacles.

Le fonctionnement de l’Union méditerranéenne proposé permet de respecter les différences qui sont l’essence de la Méditerranée. La Méditerranée se caractérise plus par sa diversité, dont elle tire sa richesse, que par son unité.

Si l’énergie n’est évoquée dans le rapport que sous l’angle environnemental, ce choix s’explique par la nature très conflictuelle de la question des ressources énergétiques. Plutôt que de s’exposer à des tensions irréductibles, il est préférable d’aborder ce sujet de façon indirecte et consensuelle.

L’essoufflement du processus de Barcelone est lié à la conception trop unilatérale que l’Union européenne a de ses relations avec les pays du Sud. La volonté d’imposer des contraintes et règles à ces pays freine leur enthousiasme en faveur d’un partenariat avec l’Europe.

La présence en Méditerranée de puissances non riveraines ne doit pas empêcher les pays méditerranéens de choisir leur destin. La France peut jouer le rôle d’intermédiaire entre l’Union européenne et la rive sud de la Méditerranée.

M. Renaud Muselier, président, a remercié le Président Axel Poniatowski d’avoir accepté de lui confier la responsabilité de cette mission d’information. Le rapport qu’elle a rendu constitue le premier document écrit qui aborde très concrètement la question du fonctionnement de l’Union méditerranéenne. Il s’efforce de dépasser les discours sur l’opportunité du rapprochement des deux rives et peut être regardé comme un ensemble de propositions concrètes, dont certaines pourront inspirer les solutions effectivement retenues. Tous les membres de la mission, y compris ceux ne se définissant pas comme méditerranéens, ont manifesté leur profond intérêt pour les débats et leur attachement à privilégier une approche pragmatique. Dans ce cadre, la Mission a préféré examiner les modalités d’intégration des initiatives, très nombreuses, menées de part et d’autre des deux rives de la Méditerranée et qui n’ont pas toujours de liens avec les institutions existantes. C’est pourquoi elle a estimé nécessaire de faire participer le plus grand nombre possible d’acteurs aux projets de l’Union méditerranéenne, y compris les régions ou les institutions parlementaires comme l’Assemblée Parlementaire de la Méditerranée.

La Mission a posé des questions simples et y a répondu.

Le périmètre exact de l’Union méditerranéenne peut, bien sûr, faire l’objet de discussions mais il est impossible de ne pas utiliser comme référence le pourtour du bassin méditerranéen, même si tous les peuples de la région n’auront pas forcément la même volonté de participer à l’Union méditerranéenne.

L’organisation de l’Union méditerranéenne doit répondre à une exigence, celle de ne pas alourdir un environnement déjà riche en institutions. La proposition énoncée par la Mission est souple, elle permet d’éviter les difficultés, notamment grâce à la charte de partenariat avec l’Union européenne, tout en maintenant l’objectif d’associer les deux rives de la Méditerranée.

S’agissant des projets à mener en priorité, la mission a, là encore, favorisé des solutions consensuelles et simples à mettre en œuvre afin de contourner les obstacles. Le choix d’un partenariat dans le domaine de la gestion de l’eau s’est imposé comme une évidence au vu de l’importance stratégique de cette ressource dans la zone méditerranéenne. Pour les mêmes raisons, les questions énergétiques ont été abordées à travers leur impact sur l’environnement afin d’éviter que l’Union méditerranéenne ne souffre dès l’origine de blocages sur des points qui font aujourd’hui débat, tant en matière d’approvisionnement en hydrocarbures que de développement du nucléaire civil. Enfin, le dialogue des cultures est un domaine pour lequel l’Union méditerranéenne aurait à l’évidence une contribution décisive à apporter. Les populations méditerranéennes partagent en effet une histoire et des souffrances dont le souvenir commun peut permettre un rapprochement afin précisément de ne pas reproduire les schémas d’affrontement du passé.

La mission d’information s’est donnée des objectifs précis et pragmatiques parce que tous ses membres sont convaincus que l’Union méditerranéenne peut voir le jour. Le scepticisme est un bon aiguillon pour une telle volonté parce qu’il permet d’identifier les obstacles principaux et donc de concentrer l’action. Toutefois, il ne doit pas conduire à renoncer à l’optimisme nécessaire à l’accomplissement d’un tel projet politique.

La commission a autorisé la publication du rapport d’information à l’unanimité.

ANNEXES

SOMMAIRE DES ANNEXES

I – Liste chronologique des personnalités entendues

II – Données sur la Méditerranée

III – Enceintes méditerranéennes existantes

IV – Contributions des membres de la Mission d’information

V – Autres contributions au débat

VI – Références bibliographiques

I – Liste chronologique des personnalités entendues

1) Par la Mission d’information

– M. Dominique Baudis, président de l’Institut du Monde Arabe, accompagné de M. Mokhtar Taleb-Bendiab, directeur général (12 septembre 2007)

– M. François Gouyette, ambassadeur de France à l’Euroméditerranée (12 septembre)

– M. Lucio Guerrato, directeur exécutif de la Fondation Anna Lindh (18 septembre)

– M. Jean-François Daguzan, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (19 septembre)

– M. Hassan Abouyoub, ambassadeur itinérant du roi Mohammed VI (19 septembre)

– M. Jean-Louis Guigou, délégué général de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED) (26 septembre)

– M. Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l’eau (26 septembre)

– M. Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU (2 octobre)

– M. Alain Le Roy, ambassadeur chargé du projet d’Union de la Méditerranée (7 novembre)

– M. Richard Weber, directeur général adjoint d’EuropeAid (28 novembre)

2) Lors d’un déplacement à Bruxelles de la Mission d’information le 9 novembre 2007

– Mme Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne chargée des relations extérieures et de la politique de voisinage

– M. Patrice Bergamini, chef de cabinet adjoint du secrétaire général, Haut représentant de l’Union

– Mme Raja Rabia, conseillère de la Représentation permanente française chargée des politiques externes

– M. Richard Duque, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Atlantique nord

– M. Tomas Dupla del Moral, directeur du Proche et Moyen-Orient et de la Méditerranée du Sud, à la direction générale Relations extérieures de la Commission

3) Entretiens du Président

– M. Philippe de Fontaine-Vive, vice-président de la Banque européenne d’investissement

– M. Jean-Louis Reiffers, président du conseil scientifique de l’Institut de la Méditerranée

– M. Shimon Peres, Président de l’Etat d’Israël

4) Entretien de Mme Elisabeth Guigou

– M. Günter Gloser, ministre adjoint chargé des affaires européennes de la République fédérale d’Allemagne (26 novembre)

5) Réunion de la commission des affaires étrangères

– M. Mourad Medelci, ministre des affaires étrangères de la République algérienne démocratique et populaire (20 novembre)

II – Données sur la Méditerranée

Annexe 1

Population du pourtour méditerranéen

Annexe 2

Développement humain dans les pays méditerranéens

Annexe 3

Migrations en Méditerranée

Annexe 4

Principaux indicateurs économiques

Annexe 5

Environnement

Annexe 6

Les ressources et la consommation d’eau

Annexe 7

Production et consommation énergétiques

Annexe 8

Le tourisme en Méditerranée

Annexe 1

Population du pourtour méditerranéen

Source : Med.2007 Annuaire de la Méditerranée – IEMed, Institut Europeu de la Mediterrània

Source : Med.2007 Annuaire de la Méditerranée – IEMed, Institut Europeu de la Mediterrània

Source : Med.2007 Annuaire de la Méditerranée – IEMed, Institut Europeu de la Mediterrània

Annexe 2

Développement humain dans les pays méditerranéens

Source : Med.2007 Annuaire de la Méditerranée – IEMed, Institut Europeu de la Mediterrània

Annexe 3

Migrations en Méditerranée

Annexe 4

Principaux indicateurs économiques

Source : Med.2007 Annuaire de la Méditerranée – IEMed, Institut Europeu de la Mediterrània



Source : Med.2007 Annuaire de la Méditerranée – IEMed, Institut Europeu de la Mediterrània

Annexe 5

Environnement

Source : Med.2007 Annuaire de la Méditerranée – IEMed, Institut Europeu de la Mediterrània

Annexe 6

Les ressources et la consommation d’eau

Source : Med.2007 Annuaire de la Méditerranée – IEMed, Institut Europeu de la Mediterrània

Annexe 7

Production et consommation énergétiques

Source : Med.2007 Annuaire de la Méditerranée – IEMed, Institut Europeu de la Mediterrània

Annexe 8

Le tourisme en Méditerranée

Source : Med.2007 Annuaire de la Méditerranée – IEMed, Institut Europeu de la Mediterrània

III – Enceintes méditerranéennes existantes

I – Le partenariat euro-méditerranéen (processus de Barcelone)

Lancé lors de la Conférence de Barcelone des 27 et 28 novembre 1995, le partenariat euro-méditerranéen, dit processus de Barcelone, regroupe 38 pays : les 27 Etats membres de l’Union Européenne et 11 Etats du Sud et de l’Est de la Méditerranée : Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Israël, Autorité palestinienne, Jordanie, Liban, Mauritanie, Syrie et Turquie.

La Libye est observatrice aux conférences des ministres des affaires étrangères ainsi qu’aux réunions des hauts fonctionnaires.

Le processus de Barcelone, qui prend la forme d’un dialogue bilatéral entre l’Union européenne et les pays du Sud de la Méditerranée s’articule autour de trois volets (politique, économique, culturel) et poursuit les objectifs suivants :

– la définition d’une aire commune de paix et de stabilité grâce au renforcement du dialogue politique et de sécurité ;

– la construction d’une zone de prospérité partagée grâce à un partenariat économique et financier et l’établissement d’une zone de libre-échange ;

– le rapprochement des peuples grâce au partenariat social, culturel et humain, destiné à encourager la compréhension des cultures et les échanges entre sociétés civiles.

II – Le forum méditerranéen

Né en 1994 d’une initiative franco-égyptienne, le forum méditerranéen regroupe onze pays (Algérie, Egypte, Espagne, France, Grèce, Italie, Malte, Maroc, Portugal, Tunisie, Turquie).

Ce forum a pour vocation de favoriser les échanges de vues entre pays riverains de la Méditerranée. Il sert à rapprocher les positions de ses participants avant les réunions dans le cadre plus large à 27 du partenariat euro-méditerranéen engagé à Barcelone.

III – Le dialogue 5+5

Le processus de coopération entre les pays de la Méditerranée occidentale, dit dialogue 5+5, a été lancé lors de la réunion ministérielle tenue le 10 octobre 1990, à Rome, et marquée par l’adoption de la Déclaration de Rome.

Ce processus regroupe les cinq pays du Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie et Libye) et cinq pays européens du bassin occidental de la Méditerranée (Espagne, Portugal, France, Italie et Malte).

IV – Le dialogue méditerranéen de l’OTAN

Le dialogue méditerranéen de l’OTAN a été lancé en 1994 par le Conseil de l’Atlantique Nord.

Le dialogue méditerranéen de l’OTAN traduit la conception de l’Alliance selon laquelle la sécurité en Europe est étroitement liée à la sécurité et à la stabilité en Méditerranée. Il vise à contribuer à la sécurité et à la stabilité de la région, à instaurer une meilleure compréhension mutuelle entre ses membres.

Le dialogue méditerranéen de l’OTAN réunit 26 pays membres de l’Alliance atlantique et sept pays non-membres de l’OTAN de la région méditerranéenne que sont l’Algérie, l’Égypte, Israël, la Jordanie, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie.

V – Les institutions parlementaires

1 – L’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM)

L’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne réunit les délégations des parlements des 37 pays membres du partenariat euro-méditerranéen, fondé par la conférence euro-méditerranéenne des ministres des affaires étrangères à Barcelone, les 27 et 28 novembre 1995. Issue de la transformation du Forum parlementaire euro-méditerranéen créé en 1998, elle a tenu sa session inaugurale à Athènes en mars 2004.

Elle est composée de 240 membres, représentant à parité les parlements de l’Union européenne et les parlements des pays partenaires de la Méditerranée. Les dix pays partenaires (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Israël, Autorité palestinienne, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie) sont représentés par 120 membres. Les parlements nationaux des 27 pays de l’Union européenne sont représentés par 75 membres, le Parlement européen par 45 membres.

La délégation française, comprenant trois membres (deux députés et un sénateur), participe aux deux sessions plénières annuelles et aux réunions des trois commissions et groupes de travail chargés de suivre les trois volets politique, économique et culturel du partenariat euro-méditerranéen. 

2 – L’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM)

L’Assemblée parlementaire de la Méditerranée est issue de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Méditerranée (CSCM), organe subsidiaire de l’Union interparlementaire qui a fonctionné de 1992 à 2005. L’APM a été formellement créée en février 2005 à Nauplie (Grèce) pour la IVe et dernière CSCM plénière et a tenu sa session inaugurale à Amman en septembre 2006.

Elle comporte 22 pays, dont 19 pays riverains de la Méditerranée et trois pays assimilés (Jordanie, Macédoine et Portugal).

L’objet de l’APM est de développer la coopération entre ses membres en se saisissant des questions d’intérêt commun afin de renforcer la confiance entre les États de la Méditerranée, de contribuer à la sécurité et à la stabilité régionales et de favoriser un développement harmonieux des pays méditerranéens dans un esprit de partenariat.

Les délégations nationales à l’APM sont composées de cinq parlementaires. Par accord entre les Présidents des deux assemblées, il a été décidé que les sièges de la délégation française à l’APM seraient répartis à hauteur de trois sièges pour l’Assemblée nationale et de deux sièges pour le Sénat, le paiement de la contribution étant effectué dans les mêmes proportions.

IV – Contributions des membres de la Mission d’information

Contribution de M. Paul Giacobbi

Pour une Union méditerranéenne

L’union méditerranéenne est une idée neuve, mais vieille comme notre monde (I).

Elle est peut-être la solution pour nous sortir d’une situation intenable de confrontation Nord-Sud à nos portes (II).

Elle ouvre à cet égard des perspectives immenses (III).

Elle n’est envisageable que dans le cadre de stratégies multiples, complexes et évolutives (IV).

I. Une idée neuve... vieille comme notre monde.

C’est une évidence qu’il faut rappeler : l’union méditerranéenne a existé de manière institutionnalisée et même fortement centralisée pendant au moins cinq siècles et cela s’appelait l’Empire romain.

Cette union-là regroupait l’intégralité du rivage de la Méditerranée. Du Liban à Gibraltar au nord et de Tanger à la Palestine au sud, pas un kilomètre de côte méditerranéenne qui ait échappé à l’imperium romain : une monnaie unique, le sesterce de César, une organisation politique uniforme comportant une certaine dose de décentralisation, une langue administrative unique, une citoyenneté romaine unique qui n’a été complètement généralisée que vers la fin, une force armée unique, enfin une normalisation remarquable de l’urbanisme, de la voirie, des techniques d’assainissement, sans parler de la religion officielle, le christianisme, à partir de Constantin.

Ce qui a été fait pendant cinq siècles, dans des conditions de transports et de communications évidemment plus difficiles ne peut donc apparaître comme impossible et irréaliste aujourd’hui.

Ce qui a suivi la dissolution de la partie occidentale de l’empire, la partie orientale ayant tout de même survécu dix siècles de plus, n’a pas été une coupure entre le nord et le sud de la Méditerranée mais au contraire une très longue histoire d’échanges pas toujours, loin de là, conflictuelle.

Cette histoire-là ne se résume pas, en effet, aux épisodes des croisades venues du nord ou des conquêtes islamiques venues du sud. Les échanges commerciaux et culturels, l’aptitude à la vie commune sur un même territoire de religions et de cultures différentes ont été la règle, les confrontations guerrières, l’exception.

Peu de territoires ont connu comme l’Andalousie omeyyade la tolérance entre trois religions chrétienne, musulmane et juive. L’intolérance est arrivée à la reconquête conduisant les musulmans à l’exil ou à la conversion forcée de même que les juifs dont beaucoup d’ailleurs allèrent retrouver une tolérance équivalente dans la nouvelle Turquie dont l’empire, au contraire de ce que nous croyons, a pratiqué la tolérance religieuse, même si l’horreur, à l’extrême déclin de cet empire, du génocide arménien pourrait nous faire croire qu’il était de tout temps fondé sur l’intolérance.

Bien des signes nous rappellent la richesse de ces échanges et leur permanence. L’existence de langues véhiculaires servant au commerce, le « sabir », l’importance des colonies permanentes représentant une culture du nord dans les territoires du sud et inversement, tels que les renégats du Maghreb, c’est-à-dire les chrétiens convertis, les Maures de Venise et d’ailleurs, les Levantins francophones de Turquie, les Ladinos, juifs espagnols du Bosphore, et tant d’autres.

La complexité et le paradoxe des échanges ne sont pas moindres. L’occident chrétien a appris ou redécouvert la culture grecque, de la médecine à la philosophie, par les arabes tandis qu’une partie de l’Europe du sud, par exemple la Corse, a été christianisée par des missionnaires venus du Maghreb mais d’origine vandale, ce qui donne un exemple frappant de ces interactions paradoxales.

On rappellera utilement d’ailleurs, ce que beaucoup de chrétiens farouchement attachés au caractère occidental du christianisme semblent ignorer, que cette religion est née sur les rives du Jourdain, et non sur celles de la Loire, et que le plus grand des pères de notre Eglise catholique était un pur kabyle exerçant à Annaba, aussi communément appelé Saint Augustin, évêque d’Hippone.

Le XIXème siècle en Méditerranée a été marqué par la concurrence de seulement trois puissances : la Turquie, la Grande-Bretagne et la France. Il est assez connu que la Turquie exerçait la souveraineté, de plus en plus nominale, sur une très grande partie de la Méditerranée, de la Grèce à l’Algérie, en passant par la Palestine et que son déclin par l’émancipation et l’autonomie progressive des différents territoires a marqué l’histoire méditerranéenne du XIXème siècle.

Notons au passage tout de même qu’il est moins connu que le Dey d’Alger était d’origine turque, le khédive d’Egypte d’origine albanaise, et que les chrétiens du Phanar parlant grec dirigeaient largement l’administration à Istanbul.

La politique britannique en Méditerranée, à la recherche des routes de l’Inde puis des approvisionnements pétroliers laisse encore aujourd’hui des traces immenses linguistiques et culturelles.

Gibraltar, Malte, l’Egypte, la Palestine, la Jordanie, l’Arabie royale et des émirats sont encore largement marqués, dans leur tradition militaire, juridique et linguistique par l’immense influence anglaise.

Quant à la France, son influence a été renforcée par Napoléon III qui, on l’oublie trop souvent, a mené une grande politique arabe en Algérie, au Liban, avec la protection des chrétiens et en Egypte avec Suez, sans parler du renforcement des liens avec la puissance ottomane.

Ces influences sont encore telles aujourd’hui qu’il serait difficile de concevoir une union méditerranéenne oubliant les anglo-saxons ou la Turquie, même si la France est légitime à y jouer un rôle de tout premier plan.

L’histoire nous apprend donc tout à la fois la permanence du concept d’union méditerranéenne, l’importance et la qualité des échanges, et l’immense complexité du sujet.

II. Une situation intenable

Par contraste avec cette immense tradition d’échanges équilibrés plutôt que de domination, de coopérations plutôt que de confrontations, de tolérance plutôt que de rejet, la situation actuelle apparaît comme à la fois bloquée, conflictuelle et pratiquement intenable.

Rarement l’opposition et la concurrence culturelle et religieuse n’auront plus ressemblé à un choc des civilisations qui s’accompagne en outre d’un risque terroriste qui représente dans toute la Méditerranée un trouble immense à la paix publique.

Sur le plan économique, si le sud méditerranéen n’apparaît pas comme une terre majeure de délocalisation, il représente néanmoins l’essentiel de la pression migratoire dans un pays comme la France. De surcroît, la situation géographique et pratique nous place dans une véritable impasse.

En premier lieu, la frontière entre le nord et le sud est à la fois immense et poreuse. En effet, cette zone de contact nord-sud est aussi vaste que l’Union européenne et la séparation maritime au demeurant très aisément franchissable n’est pas suffisante pour garantir l’étanchéité : la frontière de Méditerranée ne se ferme pas comme celle du Rio Grande séparant les Etats-Unis du Mexique.

De surcroît, les zones de quasi-contact sont nombreuses : Gibraltar à quelques encablures du Maroc, Ceuta et Melilla en plein territoire marocain, Lampedusa à une latitude plus méridionale que celle de Tunis, etc...

Enfin, l’importance des communautés immigrées, plusieurs millions de musulmans en France par exemple, fait que même si l’on arrivait à construire un mur et à le rendre étanche, la confrontation se retrouverait dans nos propres territoires complètement intériorisée.

Nous nous trouvons donc à la fois dans une situation où le contact et l’échange nous sont imposés par les réalités géographiques sociales et historiques tandis que jamais la tension n’a été aussi grande et les comportements aussi négatifs entre deux mondes pourtant si proches à tous égards.

III. Des perspectives immenses

Outre l’évidence que nous ne pouvons pas rester dans une situation intenable, il est clair que, sur tous les plans, le concept d’union méditerranéenne nous ouvre d’immenses perspectives.

En premier lieu, l’union peut apporter la paix et, en particulier, la paix sur nos propres territoires actuellement menacés par le terrorisme et bousculés par l’agitation communautariste des banlieues.

Sur le plan économique, l’instauration d’une grande zone structurée de prospérité ouvrirait d’immenses marchés aux entreprises du nord dans tous les domaines des équipements publics, des outils industriels, des télécommunications, tandis que le sud bénéficierait de transferts technologiques et pourrait aussi profiter de notre savoir-faire politique et administratif.

Nous avons un immense marché pour nos produits à nos portes et il est tout de même plus aisé, du point de vue logistique et linguistique pour un industriel français de vendre au Maroc ou en Algérie qu’en Chine ou en Inde.

Malheureusement, nous constatons aujourd’hui le paradoxe d’une influence de plus en plus massive de la Chine en Algérie. J’ai pu moi-même constater par ailleurs le fait que l’incurie de nos industriels du médicament et l’habileté des grandes firmes pharmaceutiques indiennes menaçaient notre position dominante dans ce secteur en Algérie.

Les pays du nord confrontés à une extrême crise démographique, que l’on pourrait appeler « le choc de la vieillesse », n’auront d’autre issue que l’immigration laquelle ne peut se faire qu’en provenance de pays susceptibles de former utilement et à bon niveau des candidats à l’immigration et avec lesquels le climat sera politiquement et culturellement apaisé.

On voit bien que si la situation actuelle est très négative et intenable, les avantages que les uns et les autres pourraient tirer d’une forte politique d’union seraient considérables et d’autant plus déterminants que nous avons un besoin pressant les uns des autres.

IV. Des stratégiques multiples, complexes et évolutives

Le Président de la République a évoqué parallèlement ou successivement bien des modèles pour le projet d’union méditerranéenne : l’alliance militaire type OTAN, le lieu de débat et de production de normes comme le Conseil de l’Europe, la réunion régulière de chefs d’Etat de type G8, l’institutionnalisation à l’image de l’Union européenne et enfin la mise en chantier de grands programmes de coopération sur les thèmes majeurs communs, comme l’Europe le fit à ses débuts sur le charbon, l’acier ou le nucléaire.

Aucune de ces approches n’est à écarter a priori, et aucune ne devra être privilégiée au détriment des autres, toutes doivent être détaillées avec soin, envisagées de manière planifiée, revue et corrigées en permanence en fonction des évènements.

La première grande réflexion à mener concerne la place et le rôle du monde anglo-saxon et de la Turquie dans l’union méditerranéenne.

S’agissant de la Turquie, il est évident qu’elle ne supportera pas l’idée que l’union méditerranéenne aurait été pensée pour lui offrir une substitution à l’Union européenne. Qu’elle que soit l’opinion que l’on ait sur les perspectives d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, il faut clairement affirmer qu’il n’y a aucune incompatibilité entre les deux, que plusieurs pays, dont la France, seront totalement engagés dans l’union méditerranéenne tout en étant des piliers de l’Union européenne, que l’union méditerranéenne aura, nous l’espérons, fortement progressé bien avant que la question de l’adhésion de la Turquie ait à se poser concrètement, ce qui est encore loin d’être le cas.

S’agissant du monde anglo-saxon, et prenant en considération aussi que la Turquie reste son plus fidèle allié dans la zone, que la flotte américaine représente probablement la plus grande force de toute la Méditerranée et que la Grande-Bretagne exerce encore une influence considérable paradoxalement dans le bassin oriental de la Méditerranée, il est évident que la construction de l’union méditerranéenne sera compromise dès le début si elle n’associe pas d’une manière ou d’une autre, non pas par la participation mais par la consultation et l’accord politique à la base, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.

Nous nous rendrions vite compte en prétendant éluder cette question, ou pire en voulant faire de l’union méditerranéenne un nouveau front anti-américain à quel point cette influence peut faire échouer tout le projet ou le réduire à une peau de chagrin.

Nous avons pu mesurer cruellement à quel point même un pays comme le Maroc pouvait être soumis à la pression américaine et il faudrait être complètement naïf ou ignorant pour contester l’aspect politique déterminant du choix aéronautique du Maroc en faveur des Etats-Unis et au détriment de la France en ne l’attribuant qu’à des raisons techniques ou financières ou aux dysfonctionnements, même s’ils sont évidents, d’une diplomatie particulièrement légère et inorganisée.

L’expérience enseigne aussi qu’un aussi vaste projet, s’il n’est pas très fortement charpenté, peut tourner court, se réduire à la répétition stérile de happenings diplomatico-mondains, ou à la sécheresse technocratique de programmes d’aide à la coopération.

Le dialogue euro-méditerranéen de l’Union européenne nous donne un excellent exemple du second, les sommets de la francophonie ou les sommets France-Afrique de belles caricatures du premier.

A y bien réfléchir, trois chantiers fondamentaux pourraient être ouverts concurremment sans préjuger d’une perspective institutionnelle à moyen et long terme.

La mise en place, en premier lieu, de très vastes programmes de coopération et d’action un peu à la manière de l’Europe des débuts aurait des effets très concrets sur le plan économique et social, serait bénéfique des deux côtés et mettrait en exergue les immenses avantages de ce partenariat.

Au moins six domaines pourraient être privilégiés dans un premier temps.

L’eau, où les anciennes traditions du sud et les remarquables savoir-faire du nord pourraient s’unir utilement, l’énergie sous toutes ses formes, y compris l’art de l’économiser, l’agriculture, et les équipements publics sont les secteurs les plus évidents.

Deux autres paraissent, à bien des égards, stratégiques : le savoir-faire dans les managements publics et privés ainsi que la culture démocratique et le nucléaire civil.

Coopérer sur un pied d’égalité signifie aussi que nous devons partager avec le sud notre maîtrise des outils de demain ainsi que la culture démocratique et celle du management. S’agissant du nucléaire, s’il faut coopérer sur les technologies civiles d’aujourd’hui, il faudra peut-être aussi imaginer ne pas laisser le sud de la Méditerranée à l’écart de la perspective la plus féconde à long terme, c’est-à-dire le programme Iter.

Une seconde démarche stratégique s’impose dans les domaines intellectuel, scientifique et universitaire. On ne peut se contenter de rappeler que les fondements de notre démarche scientifique occidentale nous viennent de la civilisation arabe et d’enseigner à nos enfants qui croient les mathématiques d’essence occidentale que celui qui a donné son nom à l’algèbre n’était ni breton, ni irlandais mais persan écrivant en arabe, notamment un traité intitulé « Al-jabr wa’l-muqabalah »

La coopération universitaire et celle des instituts de recherche doivent prendre une tout autre dimension allant entre autre jusqu’à créer des programmes Erasmus méditerranéens qui pourraient d’ailleurs utilement s’appeler Avicenne ou Al-Khawarizmi, le mathématicien cité plus haut.

Dans nos propres pays, en particulier en France, il faudra bien faire l’effort de sortir l’Arabe, voire les langues berbères de leur ghetto : l’enseignement en est ridicule dans un pays comme le nôtre où cinq millions de personnes sont descendants de locuteurs de ces langues ou les pratiquent encore eux-mêmes à un certain niveau.

Seule une très forte volonté politique, au sommet, avec des moyens importants à la base, peut donner la dimension adéquate à cet enjeu intellectuel, scientifique et culturel.

Il ne s’agit pas de se contenter de tout ce qui a été fait jusqu’à présent, même si ce n’est pas négligeable, mais de considérer à pied d’égalité l’ensemble des grandes universités du monde méditerranéen qui d’ailleurs le méritent souvent.

La troisième démarche stratégique est évidemment la recherche d’une alliance de paix, c’est-à-dire clairement d’une alliance régionale de sécurité collective. Il reste aujourd’hui dans tout le pourtour méditerranéen une zone de conflit au retentissement planétaire considérable mais à l’importance géographique limitée : Israël et la Palestine.

L’union méditerranéenne pourrait d’ailleurs contribuer à reclasser utilement ce conflit au niveau régional et non plus planétaire. Il reste également des zones de tension entre pays riverains, Algérie et Maroc, ancienne Yougoslavie par exemple, qui pourraient trouver dans le cadre de l’union méditerranéenne l’échelle adéquate pour la recherche de solutions pacifiques.

Ces trois démarches parallèles et en aucun cas concurrentes pourraient se développer dans un cadre institutionnel très léger mais néanmoins permanent comprenant classiquement la conférence régulière des Etats membres, au niveau ministériel suivant les secteurs, au niveau des chefs d’Etat une fois par an, avec un secrétariat général et quelques institutions spécialisées éventuellement répartis sur plusieurs sites au nord et au sud et enfin une assemblée parlementaire consultative.

*

Rarement une idée aussi forte aura été avancée. Rarement des perspectives aussi vastes auront été dégagées face à une situation de tension et de confrontation porteuse de tous les dangers.

Mais rarement aussi autant d’obstacles et de risques d’échecs se seront présentés devant nous.

La France initiatrice ne peut se lancer au hasard dans cette affaire et, au point où nous en sommes, un échec serait notre échec.

Le flou du projet est tout à fait normal à ce stade mais le calendrier nous impose une préparation minutieuse, planifiée et détaillée de toutes les hypothèses et des pistes ouvertes quitte à n’en privilégier aucune, quitte à accepter des implications variables selon les Etats dans les différentes démarches, quitte à se montrer souple pour modifier les stratégies au fur et à mesure.

Le calendrier imposé, quelques mois nous séparant d’une grande réunion, nous fait courir un risque considérable mais nous oblige à la préparation et à l’action. Cette préparation doit mobiliser bien au-delà de quelques diplomates spécialisés ou de quelques technocrates qui auront tôt fait de réduire une grande idée à ce que j’ai décrit précédemment et que nous ne connaissons que trop.

La mobilisation est d’abord intérieure. Elle doit s’étendre à la classe politique, nationale et décentralisée de gauche, de droite et du centre, aux entreprises, aux universités et même aux militaires.

Nous ne pouvons arriver à la conférence sur l’union méditerranéenne sans que l’ensemble des forces vives de la nation n’aient donné sur le sujet le meilleur d’elles-mêmes. C’est à ce prix que le défi lancé par le discours de Tanger sera relevé par la nation.

Contribution de Mme Elisabeth Guigou et de M. Jacques Bascou

L’Union Méditerranéenne,

Une belle idée à ne pas gâcher

(le 3 décembre 2007)

Les pays riverains de la Méditerranée partagent une histoire commune faite d’intenses échanges, économiques et culturels, de migrations de populations, pacifiques ou de conquête, de guerres et de paix alternées, de tolérance et d’intolérance. Le paysage méditerranéen en témoigne : « voyager en Méditerranée c’est trouver le monde romain au Liban, la préhistoire en Sardaigne, les villes grecques en Sicile, la présence arabe en Espagne, l’Islam turc en Yougoslavie. C’est plonger au plus profond des siècles... »  (58).

Aujourd’hui c’est sur la rive Sud de la Méditerranée que se cristallisent les conflits les plus aigus – de Gaza à Jérusalem, de Beyrouth à Damas, de Bagdad à Téhéran et jusqu’à Kaboul. C’est de cette région que vient notre pétrole et notre gaz et aussi une importante immigration. Or la globalisation malmène ces pays qui sont restés isolés et dont les richesses et les potentialités sont aujourd’hui convoitées par les Etats-Unis et la Chine. De l’état de cette région dépend aussi notre sécurité intérieure. La France et l’Europe ont donc un intérêt avéré à ce que la rive Sud de la Méditerranée soit un espace de paix, de stabilité, de développement économique et social, de démocratie et de tolérance et à ce que ce développement partagé se fasse avec l’Europe plutôt qu’avec d’autres grandes puissances mondiales.

Cette analyse a amené l’Union Européenne à proposer en 1995 à dix pays  (59) du Sud de la Méditerranée un partenariat euro-méditerranéen, le « processus de Barcelone ». C’est lors de l’anniversaire des dix ans de ce processus, célébré en Octobre 2005, qu’a été établi un premier bilan. Celui-ci a jugé que le partenariat était utile et nécessaire mais, à certains égards, décevant : le désarmement tarifaire a fragilisé les entreprises industrielles du sud de la Méditerranée ; l’aide financière de l’Union Européenne, en augmentation, va essentiellement aux budgets des Etats et n’alimente pas suffisamment de projets concrets aidant directement les populations ; aucune véritable co-décision n’existe entre l’Union européenne et les pays du Sud de la Méditerranée ; bien que les réunions politiques soient utiles car elles sont aujourd’hui le seul lieu où les représentants des pays arabes et Israël dialoguent autour de la même table, le conflit Israélo-Palestinien pèse lourdement sur la qualité du dialogue politique ; enfin la question des droits des personnes et des libertés reste posée dans de nombreux pays.

Ce bilan mitigé a fait émerger pour la première fois en 2005 l’idée d’une « Communauté euro-méditerranéenne ». Cette proposition a été formulée dans un appel public (60) signé par de nombreux responsables politiques du Nord et du Sud de la Méditerranée. Elle était conçue comme le prolongement de Barcelone : un partenariat, impliquant l’ensemble des Etats membres de l’Union Européenne et les dix Etats du Sud de la Méditerranée ; des coopérations impliquant davantage la société civile – entreprises et associations ; plus de visibilité pour les populations afin de susciter une meilleure adhésion ; une codécision entre Union européenne et pays du Sud ; et une meilleure utilisation de projets concrets, visibles, directement utiles aux populations, impliquant les acteurs locaux, un programme d’infrastructures économiques et sociales, des politiques communes (gestion de l’eau, pollution, migrations qualifiantes, enseignement...) ; des financements mobilisant davantage les investissements privés ; un engagement politique fort et l’affirmation d’un avenir commun. Les signataires de l’appel partageaient la conviction que l’Europe et les pays du Sud méditerranéen auraient de plus en plus intérêt à construire ensemble des réponses à quelques grands problèmes : le développement économique et social, l’environnement, les migrations de population, la sécurité. Une nouvelle ambition était nécessaire pour le partenariat Euroméditerranéen. Celui-ci ne devrait plus être fondé seulement l’intensification des échanges commerciaux, et n’offrir comme perspective qu’une zone de libre échange en 2010. Il était indispensable d’y ajouter des projets communs impliquant des investissements conjoints, publics ou privés, des financements croisés et des politiques communes (eau, dépollution, sécurité civile, énergie, agriculture...) pour, à terme, faire avec le Sud de la Méditerranée une base pour conquérir les marchés mondiaux. Il fallait aussi garantir la parité Nord-Sud dans les décisions.

Le Président de la République a eu le mérite de donner une impulsion politique forte en lançant le projet d’ « Union méditerranéenne ». Mais cette belle idée ne doit pas être gâchée par une mise en oeuvre approximative qui suscite la méfiance, voire l’opposition d’autres Etats membres de l’Union Européenne comme l’Espagne ou l’Allemagne, et l’attentisme dans les pays du Sud. Ce projet mérite de la concertation, de la prudence pour ne pas détruire ce qui existe déjà et pour apporter de la valeur ajoutée à Barcelone. C’est dans cet esprit que les responsables socialistes ont travaillé dans la mission Union Méditerranéenne.

QUELLES SONT NOS PROPOSITIONS ?

Les écueils sont nombreux ; quel périmètre ? Quelles institutions ? Quelle valeur ajoutée par rapport au processus de Barcelone ? Quels financements ? Des réponses à ces questions dépendent le succès ou l’échec.

1. L’Union Méditerranéenne doit être ouverte à tous les Etats membres de l’Union européenne qui le souhaitent ainsi qu’à la Commission Européenne. Au départ, l’impulsion peut être donnée par quelques membres de l’Union Européenne mais sans fermer la porte à ceux qui voudraient, dès le départ, se joindre à cette avant-garde. Il est en effet important de garder l’esprit des « coopérations renforcées » qui sont destinées à permettre, au sein de l’Union Européenne, que tous les Etats membres n’avancent pas au même rythme sans toutefois exclure ceux qui veulent et peuvent s’associer à une avant garde. Cette démarche est la seule qui puisse assurer l’appui de la Commission Européenne et des autres Etats membres de l’Union, en particulier de l’Allemagne, très intéressée par l’Afrique du Nord. Elle est la seule qui garantisse que les projets puissent avoir accès aux financements de l’Union Européenne. Tous les états membres de l’Union Européenne qui le souhaitent doivent donc pouvoir participer à égalité aux réunions politiques de l’Union méditerranéenne.

Au Sud de la Méditerranée, la sagesse serait de retenir, pour commencer, un nombre restreint de pays – les Etats du Maghreb et la Mauritanie, en priorité, l’Egypte et la Turquie ainsi que la Libye si elle respecte les droits des personnes – pour éviter de butter sur l’écueil du conflit Israélo-Palestinien et pour ne pas faire double emploi avec le processus de Barcelone. Ensuite le périmètre devrait s’élargir, aux pays du Proche Orient. Ce pourrait être fait rapidement si le processus lancé à Annapolis réussit. Pour la Turquie, l’Union méditerranéenne ne doit pas se substituer à la perspective de l’adhésion.

Ainsi conçue, l’Union Méditerranéenne ne remplacerait pas Barcelone, mais le complèterait en étant son aiguillon, son laboratoire d’idées et de projets. Le format, à géométrie variable, découlerait de la participation à tel ou tel projet.

2. La valeur ajoutée par rapport à Barcelone viendrait des projets concrets impliquant les entreprises. Barcelone finance sur fonds publics européens, les budgets des Etats du Sud et marginalement des ONG. Les investissements privés venant d’Europe vers le Sud de la Méditerranée sont très faibles puisqu’ils ne représentent que 1 % du total des investissements privés (alors que les Etats-Unis consacrent 18 % de leurs investissements totaux aux Etats du Sud américain). C’est dans les partenariats entre entreprises, grands groupes, mais surtout PME, que réside le potentiel de développement le plus important. Et comme le faisait remarquer le Ministre algérien des affaires étrangères Monsieur Medelci lors de son audition par la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée nationale : « les échanges commerciaux entre la France et l’Algérie sont intenses, la balance commerciale équilibrée, mais il y a très peu d’investissements industriels français en Algérie, notamment dans les secteurs de l’automobile, de la santé, des télécommunications. ». La création d’une « Fondation pour la promotion des investissements » qui rassemblerait les entreprises – grands groupes et PME de toute l’Union européenne – intéressées par la rive sud de la Méditerranée serait un outil très utile. Sa création, par les entreprises intéressées, devrait être encouragée par le GMed de juin 2008. Cette Fondation identifierait les projets utiles réalisables et structurants. Cette Fondation serait la boite à idée pour des projets à mener soit par des Etats (sécurité civile, politique agricole commune, échange de chercheurs et d’étudiants) ou par les entreprises (création d’un Euromed postal, ferroviaire, de l’audiovisuel...)

3. Les financements devraient provenir soit de fonds publics nationaux ou européens pour des projets d’intérêt général soit des fonds privés soit de financements mixtes. La création d’une Banque de la Méditerranée permettrait de mobiliser davantage de fonds privés, de recycler dans des investissements au Sud les transferts des migrants de ces pays, d’opérer une synergie entre les différents financements et d’augmenter l’effet de levier des financements publics.

4. Un partenariat entre pays égaux devrait remplacer une logique paternaliste d’aide au développement. Il n’est pas souhaitable de créer une institution nouvelle mais de promouvoir dans le cadre informel d’un G-med, un véritable dialogue politique. Evidemment un dialogue paritaire serait plus facile si les pays du Sud, et notamment du Maghreb, développaient entre eux des coopérations qui leur permette de parler d’une seule voix aux Etats de l’Union Européenne.

Une telle approche devrait calmer les réticences de l’Espagne, de l’Allemagne, et de la Commission européenne. Elle permettrait aussi d’obtenir une adhésion plus franche des pays du Sud qui ne veulent pas se couper du processus de Barcelone. Elle pourrait aider à surmonter petit à petit les obstacles à une coopération des pays du Sud entre eux, l’absence de marché commun, les conflits bilatéraux (Sahara Occidental par exemple) étant un frein puissant à la constitution d’une Union régionale au Sud de la Méditerranée.

*

* *

L’enjeu mérite qu’un consensus se forme en France, en Europe et au Sud de la méditerranée. Le monde s’organise aujourd’hui autour de grands ensembles régionaux Nord-Sud, en Amérique et en Asie. Des « quartiers d’orange »se dessinent ainsi dans la globalisation qui valorisent la proximité et la complémentarité au sein de grandes régions d’un même méridien.

L’Europe, dont la population vieillit et la croissance faiblit, a intérêt à utiliser la vitalité démographique et les réserves de croissance des pays du Sud de la Méditerranée. Ces derniers ont besoin des transferts de technologie et du savoir faire, ainsi que des investissements, venant du Nord. Ils ont intérêt à se regrouper plutôt que de rester isolés et ballottés par la mondialisation. Construire à l’horizon d’une génération un grand ensemble d’un milliard d’être humains est un projet géopolitique à l’échelle de la mondialisation.

L’Europe a intérêt à créer, à l’horizon d’une génération, une Union euro méditerranéenne, préfiguration d’une Union euro-africaine, pour relever en commun les défis de la mondialisation : la maîtrise concertée des migrations de populations ; le développement économique et social ; la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique ; la sécurité et la lutte contre le terrorisme ; le dialogue des cultures. Ce projet doit impliquer à terme toute l’Union Européenne si l’on veut lui donner tout son sens. De lui dépend, en grande partie, la capacité de l’Union Européenne à agir dans et sur la mondialisation.

Extraits de l’interview

« Je vous parle de Méditerranée »

donnée par Elisabeth Guigou à la Revue de l’X n°41 (Mai 2005)

Evoquons désormais le lien entre l’Europe et la Méditerranée. Dans votre livre Je vous parle d’Europe, vous évoquez l’échec du partenariat euro-méditerranéen institué par le traité de Barcelone en 1995. Quelle nouvelle forme de coopération pourrions-nous envisager ?

Il est vrai que Barcelone a été une grande déception car les pays du Maghreb ont eu le sentiment qu’on ne mettait pas les mêmes moyens que dans les pays d’Europe centrale et orientale – ce qui est vrai, même s’il y a en eu, non négligeables – et, du côté de l’Union Européenne, on a eu l’impression que les réformes qui auraient dû accompagner ces aides n’ont pas vraiment eu lieu : donc, les responsabilités sont certainement partagées. Que peut-on faire maintenant ? Il est absolument indispensable d’intensifier les relations politiques entre l’Union européenne et le sud de la Méditerranée. Il faut aussi rendre les échanges économiques plus égalitaires : or, là, on a une zone de libre échange, qui fonctionne comme toujours au bénéfice du plus fort, et qu’il faudrait rééquilibrer, en ouvrant davantage nos marchés. Mais cela est difficile, dans le cas du marché agricole notamment. Par ailleurs, il faut avoir des mécanismes de coopération qui fonctionnent mieux. La responsabilité, sur le plan économique, des pays du sud de la Méditerranée, c’est d’avoir un Etat de droit et de faire les investissements indispensables dans les services publics. Il faut également un vrai partenariat politique. Que nous disent les Maghrébins ? Ils se plaignent de voir les portes de nos institutions fermées, et, à raison, se demandent ce qu’ils retirent du partenariat actuel. Que peut-on leur répondre ? Certes, tout le monde ne peut pas rentrer, car il y a des frontières à l’Union européenne, mais nous devons leur offrir une « Communauté euro-méditerranéenne », c’est-à-dire des institutions politiques analogues à celles de l’Union européenne, mais entre l’Union européenne et les pays du sud de la Méditerranée au sens large. On pourrait commencer plus modestement et créer une institution spécifique. Ainsi, je souhaiterais que les Etats du Sud de l’Union européenne comme la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce s’engagent et proposent des coopérations renforcées avec les Etats du sud de la Méditerranée, ouvertes à d’autres pays, qu’ils soient méditerranéens ou dans l’Union. Nous mettrions ainsi en place, sur le plan économique, politique et dans le domaine de l’immigration, l’embryon de ce qui un jour peut devenir une « Communauté euro-méditerranéenne ». Je crois qu’il faut institutionnaliser, car c’est la condition pour avoir un dialogue politique d’égal à égal.

Vous ne plaidez donc pas pour une intégration du Maghreb à l’Union européenne...

Non. L’Union européenne est une entité politique et, à un moment donné, elle devra fixer ses frontières. Je prends parti dans mon livre : je dis qu’on ne peut pas avoir un projet politique dans un territoire bien défini. Et, même si la géographie n’apporte pas toutes les réponses, loin s’en faut, elle ne peut être ignorée : l’Union européenne ne demande pas à adhérer à la Ligue arabe, ni à l’Organisation de l’unité africaine. L’Union européenne doit donc être claire sur ce point et donner corps à ce partenariat privilégié, qui doit être un vrai partenariat politique : pour l’instant, il n’y a pas suffisamment de contenu politique dans l’offre faite par Romano Prodi dite du « cercle des amis ». Ce partenariat ne viendrait pas se superposer aux institutions actuelles mais s’effectuerait parallèlement à ces dernières. Enfin, s’il faut commencer par la Méditerranée, après tout, nous, Européens, avons aussi une responsabilité particulière avec l’Afrique. Qui s’occupera de l’Afrique si les Européens ne s’en chargent pas ?

Après tout, l’Europe ne s’est-elle pas plus tournée vers l’Est et détournée de l’Afrique du Nord ?

C’est exactement le sentiment qu’ont les pays du sud de la Méditerranée. C’est ce qu’il faut corriger et c’est pourquoi j’ai fait ces propositions. L’Union européenne doit désormais se penser comme un acteur mondial, ce qui n’est pas encore le cas. Si elle agit ainsi, elle raisonnera comme le font les Etats-Unis avec l’ensemble de la zone américaine, la Chine et l’Inde avec l’ensemble asiatique : elle doit se dire responsable pour cette grande zone régionale qui va de l’Europe à la Russie, acteur global avec lequel nous devrons avoir des relations, et l’ensemble de l’Afrique, mais commençons par la Méditerranée, car elle est plus proche. Notre futur se dessine ainsi...

Appel pour une Communauté du Monde Méditerranéen

paru dans Le Monde du 6 décembre 2005

Nous nous exprimons – responsables politiques, économiques et culturels – parce que nous sommes inquiets. Inquiets de constater que les propositions que l’Union européenne va faire lors du sommet de Barcelone +10 en novembre ne sont pas à la hauteur des enjeux du monde méditerranéen. Inquiets de voir progresser ‘indifférence, le manque d’espérance voire la désespérance, notamment dans les pays arabes mais aussi en Turquie et en Israël.

Nous sommes pourtant convaincus que, les uns et les autres, nous pouvons construire ensemble, en Méditerranée, une des grandes régions du monde, et que la relance du projet européen comme du monde arabe passe par la Méditerranée. Convaincus que nous pouvons susciter l’espoir et reconstruire la confiance en proposant une vision réaliste et mobilisatrice, qui ne se réduise pas à la gestion des flux migratoires et financiers ou à des demandes d’adhésion à l’Union européenne.

Parce que le marché est aveugle, le présent n’a de sens que si l’horizon s’enrichit d’un destin commun. Une lumière, un espoir prochain doivent briller. Une vision prospective commune est nécessaire car les peuples n’avancent pas s’ils ne savent pas où ils vont.

AYANT CONSTATE QUE :

• Le processus de Barcelone a le grand mérite d’exister mais n’est plus adapté à la marche de l’histoire. Comme seule enceinte de dialogue entre l’UE et le Sud de la Méditerranée, ce processus fut un succès; mais, par suite d’une gestion politique montrant, par rapport aux pays d’Europe centrale et orientale, le peu d’intérêt de l’Union pour le Sud de la Méditerranée, il n’a pas réussi à réduire l’écart de développement entre les deux rives, ni à résister aux effets négatifs de la guerre du Proche Orient et du terrorisme international. Le déficit démocratique qui caractérise les pays du Sud perdure.

• La nouvelle politique européenne du voisinage (PEV) a elle aussi le mérite d’exister mais est perçue au Sud comme une compensation pour les pays qui n’ont pas vocation à adhérer à l’Union. Elle est mal acceptée par les opinions publiques faute d’avoir été élaborée dans une concertation similaire à celle qui avait précédé les accords de Barcelone de 1995, faute aussi d’un management associant les acteurs du Nord et du Sud, centraux et locaux, faute enfin de proposer une vision historique autre que la participation à un grand marché. La coopération bilatérale qu’elle propose présente en outre le risque d’une dilution du partenariat régional euroméditerranéen dans une vaste politique de voisinage dont les bénéficiaires seraient plutôt à l’Est de l’Europe.

• Les élites et les gouvernements, au Nord comme au Sud, se satisfont trop souvent du statu quo, alors que chacun reconnaît, en conscience, que la cogestion Nord-Sud des rentes (pétrolière, touristique, financière ...) favorise la corruption de part et d’autre de la Méditerranée. Traiter les instabilités de la région exclusivement par une réponse sécuritaire entrave les progrès de la démocratie. La volonté de maintenir les différenciations culturelles ne doit pas conduire à renoncer aux valeurs universelles du développement humain.

• Les peuples souffrent et ont peur. Ils souffrent dans leur vie quotidienne où leurs besoins essentiels ne sont pas toujours satisfaits, avec le chômage comme seule perspective pour une majorité de jeunes, avec la peur du terrorisme, avec la défiance à l’égard de leurs élites qui, trop souvent, se taisent, se compromettent ou émigrent. Depuis deux siècles, les peuples des pays arabes sont confinés dans la souffrance et le mépris. La Méditerranée est disloquée, ses pays ballottés entre des influences extérieures concurrentes, ses richesses dilapidées. L’intolérance religieuse et les replis identitaires qu’elle nourrit font peur comme en leur temps les totalitarismes ont suscité la terreur en Europe. Cette violence ne cessera que si la pauvreté, le chômage et l’illettrisme sont combattus et si la mobilisation de tous les démocrates se conjugue pour offrir un nouveau dessein.

• Le nouveau contexte mondial exige un projet historique. La nécessité de régionaliser de manière cohérente une mondialisation qui malmène les pays restés isolés, la montée en puissance de la Chine, de l’Inde et des autres pays émergents, la demande grandissante de démocratie au Sud, la lutte contre le terrorisme international, exigent que les peuples européens définissent, avec les peuples du monde arabe, d’Israël et de la Turquie, un projet ambitieux qui ne saurait se réduire au simple prolongement des accords de Barcelone.

• Le concept de démocratie ne doit pas être galvaudé. Le multipartisme formel, le communautarisme et la guerre civile, sous couvert de démocratie, sont en train de tuer son idée même. Les peuples des deux rives ont les mêmes exigences, la bonne gouvernance consiste à promouvoir les mêmes valeurs démocratiques quelles qu’en soient les formes institutionnelles.

AU MOMENT OÙ SE PRÉPARE LE DIXIÈME ANNIVERSAIRE DE LA DÉCLARATION DE BARCELONE, NOUS VOULONS EXPRIMER NOS CONVICTIONS SUR LE RÔLE D’AVENIR DU MONDE MÉDITERRANÉEN

• Nous avons la conviction que notre diversité culturelle nourrit notre identité de destin. La Méditerranée est le berceau de la démocratie, également le berceau des trois religions monothéistes qui ont en partage le respect de la pensée humaine et la dignité de l’individu, le refus de la haine, la culture de l’espérance. Même si, presque deux siècles durant, la révolution industrielle a marqué une rupture entre Nord et Sud, même si elle a rompu les apports nourriciers entre l’Orient et l’Occident, la région géopolitique de la Méditerranée perdure et ne demande qu’à s’enrichir de la diversité de ses cultures.

• Il est temps de donner, à l’échelle régionale, une solution internationale aux conflits violents (Israël-Palestine) ou latents (Chypre, Sahara occidental...). Tout comme la France et l’Allemagne naguère, tout comme de nombreux autres pays européens qui se sont affrontés pendant des siècles, il est temps en Méditerranée de retrouver les chemins de la confiance.

• L’avenir de l’Europe, du monde arabe, d’Israël et de la Turquie se joue en Méditerranée. La proximité géographique et la complémentarité jouent dans les deux sens : l’Europe a besoin du dynamisme démographique et des marchés émergents de la rive méridionale; le Sud a besoin du savoir-faire de l’Europe et d’une Europe solidaire pour affronter le choc de l’ouverture commerciale, le défi des emplois à créer et des réformes politiques et sociétales que la modernité exige. L’alternative pour les deux rives est claire : s’associer et devenir une des régions majeures du globe (un milliard d’hommes d’ici un demi siècle, ou être éclatées donc marginalisées.

• Nous sommes convaincus qu’il faut à court terme donner la priorité à l’économie de production, inscrite dans la perspective du développement durable, seule créatrice d’emplois dans les pays du Sud _ comme dans ceux du Nord. Convaincus que l’économie durable a des vertus de transformation. Convaincus que là où il n’y a pas d’économie de marché régulée par la démocratie, on est sûr de trouver mafia et corruption. Convaincus que cette économie de marché régulée peut seule venir à bout de toutes les formes de rente. Les pays du Sud n’attendent plus des discours généraux et généreux sur la culture et la démocratie, ils attendent des projets concrets, contrôlables et « traçables » dans le temps, mobilisant les acteurs locaux; des projets qui démontreraient que l’Union européenne sait, quand elle le veut, améliorer la vie quotidienne des populations. Les pays du Sud n’attendent pas nécessairement de l’argent, ils en ont. Ce qu’ils souhaitent c’est un engagement politique, une assistance technique, la parité décisionnelle, la reconnaissance de leur contribution, l’affirmation d’un avenir commun.

PROPOSITIONS CONCRÈTES POUR RAPPROCHER LES DEUX RIVES DE LA MÉDITERRANÉE

• Que soit officialisée la création d’une Communauté du Monde Méditerranéen, établie sur la base d’une charte définissant les valeurs communes : Etat de droit, démocratie. Elle peut se concrétiser à court terme par une coopération renforcée fondée sur la parité entre, d’une part, les Etats membres de l’Union européenne et, d’autre part, les Etats du Sud les plus enclins à lier leur destin, sans fermer la porte aux pays qui souhaitent les rejoindre. Pourront y adhérer librement et à leur rythme tous les pays de l’Union européenne et les pays de la Ligue arabe, la Turquie et Israël s’ils en manifestent le souhait.

• Qu’un dispositif institutionnel minimal mais nécessaire garantisse la crédibilité et l’efficacité de ce projet. Ce dispositif peut se composer d’un secrétariat politique et paritaire permanent, d’un « G-Med », d’une institution financière dédiée au monde méditerranéen, et d’une instance consultative rassemblant les représentants de la société civile (collectivités locales, communautés d’affaires, ONG, ...).

• Qu’un programme ambitieux d’infrastructures économiques et sociales (logements, éducation), dit « gagnant-gagnant » pour les deux rives, impliquant une coresponsabilité et décliné sur une durée minimale de six ans, affronte les vrais défis du développement industriel dans les pays Méditerranéens : éducation de masse, formation professionnelle, création de champions économiques nationaux et constitution de pôles de compétitivité technologique au Sud, grands équipements.

• Que deux ou trois politiques communes dans les secteurs d’intérêt régional (gestion durable de l’eau, échanges agricoles, migrations qualifiantes et enseignement supérieur) donnent son sens à cette nouvelle Communauté.

Les acteurs politiques, économiques et scientifiques du monde méditerranéen doivent oser des projets ambitieux, et les inscrire dans une perspective historique qui offre un ancrage irréversible au sein de leur région. Ils pourront alors être exigeants sur la qualité et le rythme des réformes économiques, sociales et politiques à engager. Ainsi ils libéreront les forces de progrès et de convergence.

L’Union européenne doit lancer ce mouvement : elle seule en a aujourd’hui la capacité stratégique. Elle joue ici son propre avenir et celui de notre région.

Les premiers signataires :

Yasser ABED-RABBO, ancien Ministre, chef de la Délégation Palestinienne pour les accords Genève, PALESTINE – Hassan ABOUYOUB, ancien Ambassadeur en France, MAROC - Kader ARIF, Député au Parlement européen, BELGIQUE - Mohamed CHARFI, Ancien Ministre de l’Education, TUNISIE - Jean Pierre CHEVENEMENT, ancien Ministre, FRANCE - Jean DANIEL, Directeur, le Nouvel Observateur, FRANCE - Hedi DJILANI, Président, Union Tunisienne du Commerce Industrie et Artisanat UTICA, TUNISIE – Abderrrahmane EL YOUSSOUFI, ancien Premier Ministre, MAROC - Boutros GHALI, ancien Secrétaire général ONU, EGYPTE - Francis GHILES, Institut de la Méditerranée, Barcelone, ESPAGNE - Felipe GONZALES, ancien Premier Ministre, ESPAGNE - Elisabeth GUIGOU, ancien Ministre, FRANCE, EUROPE - Abderrahmane HADJ NACER, ancien Gouverneur de la Banque d’Algérie, ALGERIE - Mouloud HAMROUCHE, ancien Premier Ministre, ALGERIE - Philippe Loïc JACOB, Secrétaire Général Groupe DANONE, FRANCE - Jean-René FOURTOU, Chairman of the Supervisory Board, Vivendi Universal, FRANCE - Alain JUPPE, ancien Premier Ministre, FRANCE - Chadli KLIBI, ancien Secrétaire Général, la Ligue Arabe, TUNISIE - Jean LACOUTURE, Ecrivain, FRANCE - Radhi MEDDEB, PDG COMETE Engineering - Gérard MESTRALLET, Président Directeur général SUEZ, FRANCE - Michel K. MOUBAYED, PDG Vendome-Rome, co-fondateur association Calame, LIBAN - Chekib NOUIRA, président du Directoire, BIAT, TUNISIE - Aldo OLCESE, Président, Fundacion de Estudios Financieros et Instituto Espanol de Analistas Financieros ESPAGNE - Jordi PUJOL, ancien Président de la région du Catalunya, ESPAGNE - Estrella RAFAEL, Diputado por Congreso de los Diputados de Granada, ESPAGNE - Panagiotis ROUMELIOTIS, ancien Ministre Grec, Président Association CALAME, GRECE - Narcis SERRA, President Fundacio CIDOB, ESPAGNE (BARCELONA) - Muhammad SHTAYYEH, Minister, Ministry of Public works and Housing, PALESTINE - Dominique STRAUSS-KAHN, ancien Ministre, FRANCE - Michel VAUZELLE, Président du Conseil Régional Provence-Alpes-Côte-d’Azur, FRANCE - Hubert VEDRINE, ancien Ministre, FRANCE.

Contribution de M. Jean Roatta

Comment renforcer le rôle de la France dans le partenariat euro-méditerranéen ?

En 1995, le sommet de Barcelone consacra l’émergence du dialogue méditerranéen. Toutefois, l’Union européenne était loin encore d’être une réalité politique que les deux rives de la Méditerranée connaissaient depuis longtemps déjà des échanges politiques, économiques et culturels nombreux et fructueux. Souvenons-nous de la science du commerce développée par les phéniciens, du rayonnement des cités grecques ou du maillage établi par l’empire romain tout autour du bassin méditerranéen. La solidarité méditerranéenne est donc ancienne et se base sur une riche histoire millénaire, bercée notamment, à travers les siècles, par l’essor du commerce.

Aujourd’hui, parallèlement à l’édification et l’élargissement d’une Europe unie, les autorités françaises ont depuis quelques années décidé de s’investir, avec vigueur et volonté, dans la construction d’un espace euro-méditerranéen dense et développé. L’objectif est de permettre à tous les pays riverains de la mer Méditerranée de développer leurs échanges politiques, culturels et économiques, et de favoriser ainsi la démocratie et une paix stable et durable à l’intérieur d’un bassin millénaire de civilisation.

C’est dans cette optique que s’inscrit l’action déterminée de la France dans le cadre du développement des relations euro-méditerranéennes. Il s’agit d’un domaine au sujet duquel Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République Française, se montre tout particulièrement attentif, comme en témoigne le discours fondateur de Tanger du 23 octobre 2007. De même, depuis le sommet de Naples des 2 et 3 décembre 2003, l’Union européenne entend proposer, dans divers domaines, une politique de coopération renforcée pour l’espace méditerranéen.

Ce rapport se propose de recenser les acquis du dialogue euro-méditerranéen et de proposer des pistes de réflexion utiles pour donner un nouveau souffle à l’esprit de Barcelone. Rappelons que pour atteindre cet objectif, la France bénéficie de deux outils privilégiés : le dialogue engagé entre l’Union européenne et les pays du Maghreb et les échanges effectués avec les pays membres de la Francophonie.

I. Structurer les liens politiques au sein de l’espace euro-méditerranéen.

1) Renforcer les processus de rapprochement existants.

Fort heureusement, les pays méditerranéens n’ont pas attendu aujourd’hui pour entamer un dialogue en vue d’effectuer un rapprochement politique. Le Maroc et la France ont été ensemble à l’origine du processus de Barcelone, lancé en 1995, sous présidence espagnole de l’Union européenne. Depuis lors, un partenariat politique et de sécurité, un partenariat économique et financier, un partenariat dans les domaines sociaux, culturels et des relations entre les hommes a été établi d’abord entre 27 pays des deux rives de la Méditerranée, puis à 35, et enfin aujourd’hui à 37.

En effet, Suite à l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie le 1er janvier 2007, le "Partenariat EUROMED" regroupe aujourd’hui 37 pays, soit les 27 Etats membres de l’Union européenne et 10 partenaires du pourtour méditerranéen : l’Algérie, l’Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, l’Autorité palestinienne, la Syrie, la Tunisie et la Turquie. La Libye étant doté du statut d’observateur depuis 1999.

Les 37 partenaires œuvrent de concert et organisent des rencontres au cours desquelles est évoqué tout type de questions, de la fiscalité aux marchés publics, de la concurrence aux droits de la propriété intellectuelle.

Ce processus, qui se doit désormais de connaître un nouvel élan, est à l’origine de la mise en place d’une meilleure gouvernance économique dans plusieurs pays du sud de la Méditerranée, notamment au moyen du programme GOLD (initiative de partenariats pour la Gouvernance Locale et le Développement dans la Maghreb, qui offre aux administrations locales un cadre de référence et des instruments opérationnels pour encourager et faciliter l’établissement des partenariats internationaux, afin de contribuer plus efficacement à un développement local durable, équitable, pacifique et démocratique). De plus, nombre de lois à caractère économique récemment adoptées tendent à rapprocher la législation économique locale des normes européennes.

Depuis 1995, la signature d’un nombre croissant d’accords d’association euro-méditerranéens, peut être considérée comme le couronnement des efforts de rapprochement. Ces accords d’association se multiplient : la Tunisie (1995), le Maroc (1997), l’Autorité palestinienne (1997), l’Egypte (2001), le Liban (2002) et l’Algérie (2002).

Désormais, l’Union européenne développe une nouvelle étape pour parfaire ce rapprochement en mettant en œuvre une politique dite de "nouveau voisinage" dont l’ambition est de concevoir les modalités d’un avenir commun entre l’Europe et les pays méditerranéens.

La Commission européenne a clairement montré qu’il n’était pas question d’abandonner les pays méditerranéens, même après l’ouverture de l’Union vers l’Est. C’est ce que traduit le concept de "zone de voisinage de la nouvelle Europe". Il s’agit d’un ensemble de pays au premier rang desquels les pays méditerranéens, susceptibles de bénéficier d’un nouveau statut intermédiaire entre celui de membre de l’Union européenne et celui de simple associé. Cela se traduit concrètement par l’accès progressif pour tous ces pays aux quatre grandes libertés du marché unique : circulation des capitaux, des marchandises et des services, des idées et plus tard des hommes.

Ces ambitions sont depuis longtemps en cohérence avec la position française. Elles constitueraient une ébauche de réponse à l’ambition du Maroc de bénéficier d’un statut avancé que l’on peut résumer selon la formule prêtée à Sa Majesté le Roi MOHAMMED VI : "moins que l’adhésion, mais plus que l’association". Ainsi, l’initiative "nouveaux voisins", qui propose de définir un plan d’action, assorti d’une aide renforcée, avec ceux des partenaires les plus engagés et les plus déterminés, lui offre une base solide. En effet, "Nouveau voisinage" et statut avancé pour le Maroc ont pour dessein de conforter le processus de Barcelone.

Mais allant plus loin encore, l’Union européenne a pris, dans les conclusions de la Présidence de la VIe Conférence des ministres des affaires étrangères euro-méditerranéens de Naples des 2 et 3 décembre 2003, la décision de créer une nouvelle Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, se substituant au Forum parlementaire euro-méditerranéen. Cette assemblée est composée de 240 membres, dont 120 représentants des pays partenaires de la Méditerranée et 120 représentants des pays européens, (45 membres du Parlement européen et 75 représentants désignés par les parlements des Etats membres). Elle est intégrée dans le processus de Barcelone et est dotée d’un pouvoir consultatif dans le but de renforcer la visibilité et la transparence du processus. Sa session inaugurale, à l’invitation du Parlement hellénique, a eu lieu les 22 et 23 mars 2004 à Vouliagmeni, près d’Athènes. Sa troisième session plénière annuelle s’est déroulée du 16 au 17 mars 2007 à Tunis.

De plus, à Naples, l’Union européenne a défini les prémices d’un espace euro-méditerranéen de défense. Le lancement d’une coopération concernant la PESD (politique européenne en matière de sécurité et de défense), a été mis en place. Ce dialogue devrait aider les partenaires méditerranéens à se familiariser avec les objectifs et les instruments de la PESD, en vue éventuellement de les associer ultérieurement à des activités relevant de la PESD au niveau régional, sous-régional et national. Toutefois, le dialogue institutionnel en matière de défense n’est pas inédit ; certains partenaires méditerranéens collaboraient déjà avec l’Union européenne dans le cadre d’opérations de maintien de la paix (Balkans, Afrique) menées sous l’égide des Nations Unies.

2) Soutenir des solutions pratiques susceptibles d’apaiser les tensions et conflits entre partenaires de l’Union du Maghreb.

Un rapprochement régional global ne peut être effectif sans que des solutions soient trouvées à propos des conflits locaux qui se multiplient dans la zone.

Ainsi, en est-il notamment, du conflit du Sahara oriental, opposant l’Algérie et le Maroc. Un Plan de paix pour l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, , dit "PLAN BAKER", élaboré par James BAKER, représentant personnel du Secrétaire Général de l’ONU, a été déposé le 31 juillet 2003 et mis en discussion devant le Conseil de sécurité des Nations Unies fin octobre 2003.

Or, il s’avère que le Maroc rejette "totalement" le plan BAKER et souhaite l’ouverture de négociations directes avec l’Algérie considérée comme étant responsable de ce conflit datant de 1975. Une "proposition" que l’Algérie rejette "globalement et dans le détail".

Aujourd’hui, la Résolution 1754 Adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, le 30 avril 2007, encourage les efforts réalisés par les deux parties et reconnaît surtout la volonté d’aboutir présentée par le Royaume du Maroc. Elle admet que sa décision sera exécutée : " Prenant note de la proposition marocaine présentée le 11 avril 2007 au Secrétaire général et se félicitant des efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc pour aller de l’avant vers un règlement ; prenant note également de la proposition du Front POLISARIO, présentée au Secrétaire général le 10 avril 2007 ".

3) Poursuivre la recherche de solutions susceptibles d’installer la paix de manière durable au Proche et au Moyen-Orient.

Nombre de conflits plus ou moins affirmés rendent la zone méditerranéenne particulièrement instable. Outre le futur des relations gréco-turques, le sort de Chypre, l’avenir du Liban, le conflit israélo-palestinien reste le principal théâtre des tensions.

Le 18 décembre 2003, Ariel Sharon se dit prêt à un retrait d’envergure de Cisjordanie et réitère son engagement en faveur d’un "Etat palestinien démocratique". Il donne six mois aux dirigeants palestiniens, notamment à Ahmed Qoreï, alors premier ministre de l’Autorité palestinienne, pour parvenir à un accord négocié et pour mettre au pas ou éliminer les organisations terroristes. Passé ce délai, Israël procéderait à un retrait unilatéral sur des lignes unilatéralement fixées ; cela devant entraîner le démantèlement de nombreuses implantations israéliennes. Depuis lors, notamment avec la disparition de Sharon de la scène politique israélienne, les évènements ont évolué et la tension reste toujours très vive dans la région, avec les rivalités Fatah-Hamas en Palestine ; ce sans parler des difficultés au Liban.

La Feuille de Route

La Feuille de Route a été adoptée par le Quartette (Etats-Unis, ONU, UE et Russie) le 20 décembre 2002.

Elle prévoit l’instauration d’un plan de paix en trois phases. Le passage d’une phase à l’autre dépend de l’évaluation faite par le Quartette, dans le cadre d’un mécanisme de supervision ("monitoring") créé à cette fin. Le calendrier prévu (initialement en janvier 2003) est décalé.

• Phase 1.Mettre un terme à la terreur, reconstruire les institutions palestiniennes " ; cela se traduit par l’installation d’un nouveau gouvernement palestinien et des élections palestiniennes, la reconnaissance du droit d’Israël à exister dans la paix et la sécurité par l’autorité palestinienne, arrêt des violences anti-israéliennes, la reprise de la coopération sécuritaire entre les deux parties, la facilitation du travail de l’autorité palestinienne et des organisations humanitaires, l’allégement des bouclages, le démantèlement immédiat des colonies sauvages.

• Phase 2.Transition " : convocation d’une première conférence internationale par le Quartette pour lancer des négociations sur la création d’un Etat palestinien aux frontières provisoires ; adoption de la nouvelle Constitution palestinienne.

• Phase 3.Accord sur le statut final et fin du conflit " : deuxième conférence internationale convoquée par le Quartette sur les questions liées au statut final de l’Etat palestinien et progresser sur les volets syrien et libanais ; accord final sur le statut permanent ; normalisation des relations des pays arabes avec Israël.

Aujourd’hui, le processus est au point mort.

Cependant, pour la communauté internationale, c’est la Feuille de Route qui trace le cadre du retour de la paix au Proche-Orient et c’est la Feuille de Route qui doit être appliquée. 

Il en est de même de la diplomatie israélienne, puisque selon les affirmations de Madame la ministre des Affaires étrangères Tzipora dite "Tzipi" LIVNI les impératifs de sécurité d’Israël passent avant la création d’un Etat palestinien : " Ce qui signifie : sécurité pour Israël d’abord et ensuite création d’un Etat palestinien. Parce que personne ne veut d’un nouvel Etat terroriste dans la région ", dès lors : " Même si nous devons trouver un terrain d’entente avec les dirigeants (palestiniens) pragmatiques, ils doivent eux-mêmes comprendre que la mise en œuvre de futurs accords n’interviendra que conformément aux phases de la Feuille de route ".

L’initiative de Genève :

Ce projet de règlement du conflit au Proche-Orient, fut présenté par Yossi BEILIN (ancien ministre israélien) et Yasser ABED RABBO (membre du Comité exécutif de l’OLP).

Principaux points de l’Initiative :

- Le plan, dit " Accord de statut permanent ", met fin au conflit. Après quoi les deux parties renoncent à présenter toute revendication.

- Israël reconnaît un Etat palestinien qui reconnaîtra Israël. Les deux parties reconnaissent ces Etats comme les patries des deux peuples.

- Le tracé des frontières repose sur les lignes du 4 juin 1967. Les Palestiniens obtiennent 97,5 % des territoires occupés par Israël en 1967.

- Les colons habitant les territoires sous souveraineté palestinienne seront réinstallés en Israël ; la plupart des colonies seront évacuées.

- Les deux parties reconnaissent " la nécessité d’un accord mutuel sur la question des réfugiés ".

- Israël et l’Etat palestinien auront leur capitale " dans les secteurs de Jérusalem placés sous leurs souverainetés respectives ".

- Les deux parties rejettent le terrorisme et la violence sous toutes leurs formes et poursuivront des politiques conformes à ces principes. Une force multinationale sera créée pour l’application de cet accord.

- Les détenus palestiniens emprisonnés avant mai 1994 pour des actes liés au conflit seront libérés.

Intérêt : Contrairement aux accords précédents qui procédaient par "petits pas", il s’agit ici d’un paquet global, qui cherche à régler le problème une fois pour toute et qui pourrait donc avoir un effet accélérateur sur le processus.

Il est important de noter que l’Initiative a pour origine la société civile et cherche d’abord à toucher l’opinion pour faire pression sur le pouvoir politique des deux Etats.

Cependant, ce projet, même s’il présente des pistes crédibles, ne peut pas remplacer la Feuille de Route mise en place par le Quartette le 20 décembre 2002

Position de la France : La France entend continuer à agir sans relâche pour que le processus de la Feuille de route soit véritablement relancé et apporter, ainsi, sa contribution dans la perspective des prochaines étapes de l’Initiative. 

Le mur de sécurité :

Plus d’un quart de cette barrière, qui, en l’état actuel des projets, devrait mesurer 700 kilomètres de long une fois achevée, a été construit à ce jour. Cette ligne de séparation, plongeant profondément en Cisjordanie sur certaines portions, affecte déjà la vie de dizaines de milliers de Palestiniens coupés de leurs terres agricoles, de leurs emplois, de leurs écoles et de leurs hôpitaux. Ariel SHARON, initiateur du projet, a lui même reconnu que cette clôture pouvait nuire à "la qualité de vie" des Palestiniens.

Aussi, saisie par l’Assemblée générale de l’ONU pour avis consultatif sur la légalité de la ligne de séparation en cours de construction, qualifiée de "clôture anti-terroriste" par Israël et de "mur de l’apartheid" par les Palestiniens, il n’est pas surprenant que la Cour Internationale de Justice, dans son Avis Consultatif du 9 juillet 2004, ait affirmé que la construction du mur était contraire au droit international et qu’Israël se trouve, en conséquence, être sous l’obligation d’interrompre la construction du Mur et de démanteler immédiatement les sections qui déjà ont été construites.

Toutefois, la Cour Suprême de Justice israélienne, dans un jugement prononcé en septembre 2005 dans l’affaire Mara’abe contre le Premier Ministre d’Israël (HCJ 7957/04), a écarté l’Avis Consultatif, en arguant du fait que la Cour Internationale de Justice n’avait pas tenu compte des considérations de sécurité qui avaient provoqué la construction du Mur.

Position française : Ce qui est en cause, ce n’est pas le principe du mur en soi mais son tracé qui est source de difficultés et de frustrations et qui, introduit un point d’interrogation sur une négociation qui devrait intervenir le moment venu.

Quelles perspectives pour la paix au Proche-Orient ?

Le fondement de la politique de la France dans la région est la relance du processus de paix au Proche-Orient sur la base des principes de la Feuille de Route du Quartette.

Cependant, en matière de sécurité collective, l’inefficacité relative de la Feuille de route du Quartette doit inciter à une nouvelle concertation entre tous ceux qui veulent aboutir à une paix juste et durable. D’autres pistes doivent dès lors être envisagées, à l’instar des judicieuses propositions de statut final des signataires de l’Initiative de Genève.

Nous devons avoir le courage d’affronter les réalités : le terrorisme n’a pas cessé, la colonisation illégale en Cisjordanie non plus.

Le bouclage ruine chaque jour davantage ce qui restait de l’économie et des territoires palestiniens. Dans cette optique, l’édification du mur de sécurité perpétue une ségrégation dangereuse.

L’instabilité politique au sein de l’Autorité palestinienne mine sa capacité à agir comme partenaire crédible.

Nous devons peut-être réfléchir ensemble à :

a) quel type de soutien nous pouvons apporter aux conclusions des signataires de l’Initiative de Genève qui propose un exemple encourageant d’accord sur le Statut final

b) comment accélérer l’internationalisation des discussions de paix, phase qui devait initialement couronner la reprise des pourparlers israélo-palestiniens, mais qui, dans le contexte actuel, pourrait peut-être accroître à propos la pression sur les deux acteurs principaux du drame.

En un premier temps, il convient de confirmer le soutien à l’initiative de Genève et de souligner sa complémentarité avec la Feuille de Route.

Mais, dans un second temps, il est impératif de proposer une solution novatrice susceptible de donner à chaque partie au conflit "une sortie par le haut" et de garder aux yeux de son opinion publique une vraie et entière crédibilité. Il faut innover!

Pour cela, il est temps que l’Union européenne, forte de ses amitiés, aux Etats-Unis, en Israël, mais aussi dans l’ensemble du monde "Arabe", mais également forte de sa légitimité territoriale méditerranéenne, parvienne enfin à se présenter comme un interlocuteur incontournable et à part entière, aux côtés de nos amis américains, dans le cadre des négociations pour la paix. C’est très loin encore d’être le cas et cela constitue un frein majeur à l’établissement d’une paix stable et durable.

Aujourd’hui encore, l’initiative, de Monsieur George W. BUSH, Président des Etats-Unis, de convier pour une durée de vingt-quatre heures le 27 novembre 2007 à Annapolis plus d’une quarantaine d’Etats et d’organisations, pour l’établissement d’un dialogue constructif saura-t-elle apporter un commencement de réponse à un drame qui depuis bien trop longtemps frappe en son sein la grande famille sémite ?

Certes, même si nombre d’experts considèrent la situation actuelle plus complexe encore que celle connue lors de la période des pourparlers de Camp David, en 2000, certaines évolutions vont dans le bon sens. Les gestes de bonne volonté abondent.

Ainsi, le Premier ministre israélien Ehud OLMERT a consenti de nouveaux "gestes" envers le président palestinien Mahmoud ABBAS. En effet, il a donné son accord pour "la fourniture de cinquante transports de troupes légers susceptibles d’être déployés "dans les prochains mois à Naplouse et l’autre moitié plus tard dans le sud de la Cisjordanie, sans doute à Bethléem et Hébron". De même, Il a annoncé la prochaine libération de 431 détenus membres du Fatah. Il a également, réitéré la promesse d’un gel de la création de nouvelles colonies et le démantèlement de la centaine de colonies sauvages disséminées en Cisjordanie. Enfin, dérogeant au blocus strict imposé à la bande de Gaza, il va autoriser l’exportation vers des pays européens de la production de fleurs et de fraises qui représentent une grande source de revenus pour les agriculteurs ; Or, depuis mi-juin, période à laquelle le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza, aucun produit n’a été exporté en raison de la fermeture du point de passage de Karni, le principal point de transit de marchandises vers Israël.

Toutefois, l’horizon d’un avenir commun pacifique et fructueux ne semble pas pouvoir encore être perceptible.

D’un côté, l’opposition d’Israël au partage de Jérusalem est rendue plus intense en raison de l’expansion de certaines colonies juives au-delà des lignes de partage de 1967. De même, l’envoi continuel de roquettes lancées depuis Gaza renforce le refus des Israéliens de se retirer de Cisjordanie. Enfin, la scission entre le Fatah et le Hamas jette un doute sur la légitimité des délégués palestiniens ; ce d’autant plus qu’étant considéré comme une entité terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne, le Hamas, vainqueur des élections parlementaires de 2006, ne sera pas représenté à Annapolis.

D’un autre côté, les dirigeants arabes souhaitaient voir cette conférence dresser la liste des questions en suspens entre Israéliens et Palestiniens : le statut de Jérusalem-Est, les frontières d’un futur État palestinien, le statut des réfugiés palestiniens et le sort des colonies juives. Mais les dirigeants israéliens souhaitaient un document plus vague.

Enfin, Le président George W. BUSH a réaffirmé son "engagement personnel" en faveur de "deux Etats démocratiques, Israël et Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité", car "Israéliens et Palestiniens attendent depuis longtemps que cette vision devienne réalité".

La liste des invités

Les États-Unis ont invité plusieurs dizaines de pays, institutions et acteurs-clés du processus de paix au Proche-Orient, à la conférence d’Annapolis. En voici la liste :

– Le pays hôte : les États-Unis, avec en particulier le président George W. BUSH et la secrétaire d’État Condoleezza RICE.

– Les deux principaux protagonistes : l’Autorité palestinienne et Israël, dont les délégations seront conduites respectivement par le président palestinien Mahmoud ABBAS et par le Premier ministre israélien Ehud OLMERT.

– Les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (outre les États-Unis) : la Chine, la France, la Grande-Bretagne et la Russie.

– Les personnalités et organisations : le secrétaire général de l’ONU Ban KI-MOON, le représentant spécial du quartette pour le Proche-Orient, Tony BLAIR, le secrétaire général de la Ligue arabe Amr MOUSSA, le haut représentant de l’Union Européenne pour la Politique extérieure Javier SOLANA, la Commission européenne, la présidence de l’Union européenne (Portugal). La Banque mondiale et le Fonds monétaire international participeront en tant qu’observateurs.

– Les autres pays invités (par ordre alphabétique) : Afrique du Sud, Algérie, Allemagne, Arabie saoudite, Bahreïn, Brésil, Canada, Danemark, Égypte, Émirats arabes unis, Espagne, Grèce, Inde, Indonésie, Irak, Italie, Japon, Jordanie, Liban, Malaisie, Maroc, Mauritanie, Norvège, Oman, Pakistan, Pologne, Qatar, Sénégal, Slovénie, Soudan, Suède, Syrie, Tunisie, Turquie, Yémen.

4) Développer une coopération accrue contre le terrorisme et tout autre type de criminalité.

La sécurité est une préoccupation fondamentale de l’ensemble des citoyens de l’espace euro-méditerranéen. La criminalité, de tout type, ainsi que le terrorisme se doivent donc d’être fermement combattus pour permettre à chacun de mener une existence paisible.

En la matière, l’action de la France est claire. Dans le cadre du processus de Barcelone, malgré les divergences et les conflits, tous les pays du pourtour méditerranéen, doivent continuer à se rencontrer et approfondir un dialogue politique face aux nouvelles menaces, terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, trafics de toute nature. Il faut donc procéder à des échanges réguliers dans le domaine de la politique étrangère de sécurité et de défense, ouvrir progressivement la voie à des actions de coopération dans le cadre de la prévention des conflits et de la gestion des crises, engager des mesures de mise en place d’une organisation collective de sécurité pour l’ensemble de la région et relancer les discussions sur la Charte euro-méditerranéenne de paix et de stabilité, proposée naguère par la France. Ce, pour lutter ensemble et efficacement contre tous les trafics, trafics de drogue et d’êtres humains, qui mettent en péril toutes les sociétés.

L’Union européenne cultive la même vision, en rappelant que la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes constitue une des priorités de la communauté internationale tout entière et qu’il est du devoir de tous les pays, notamment ceux de la région, de coopérer activement dans la lutte contre le terrorisme et de s’abstenir de toute forme, directe ou indirecte, de soutien aux organisations terroristes.

En aval, une coopération renforcée de nos services de renseignement s’avère déterminante pour anticiper, juguler et résorber, le processus criminel ou l’acte terroriste. En amont seule une politique active de soutien à la réforme chez nos partenaires méditerranéens peut permettre de créer les conditions nécessaires à l’établissement et à la consolidation de la démocratie.

5) Apporter un soutien actif auprès des autorités politiques de pays animés d’une volonté réformatrice et encourager l’évolution des droits de l’homme.

Aujourd’hui, le pacte méditerranéen semble reposer sur une sorte de pacte : d’un côté l’Union européenne doit apporter son soutien économique à ses partenaires du sud et les rives méridionales doivent faire un effort en matière de droits de l’Homme, et plus particulièrement de droits de la femme.

En effet, les échanges entre les hommes et les cultures, réalité quotidienne de notre partenariat, se doivent d’être développés ; ce afin de tirer le meilleur parti des liens étroits entre chefs d’entreprises, syndicats, experts, représentatifs de nos sociétés civiles. Il convient aussi, tout en préservant les intérêts de nos communautés régulièrement établies, de mettre en œuvre une politique de circulation des personnes, maîtrisée par les Etats, pour permettre la respiration nécessaire qu’appelle l’imbrication croissante de nos populations et de nos économies. Toutefois, la lutte contre toutes les formes d’immigration clandestine se doit d’être coordonnée et faire l’objet d’une responsabilité partagée.

Enfin, seul le rapprochement des sociétés et des cultures saurait renforcer la protection des Droits de l’Homme, dès lors, il faudra inciter nos partenaires à renforcer systématiquement la promotion des droits de l’Homme dans les programmes de coopération et à mettre en place, avec la Commission européenne, une procédure d’évaluation des progrès réalisés.

Au final, l’action de la France et par-delà de l’Union européenne doit s’inscrire dans une double initiative.

D’une part, il convient désormais de coordonner en amont avec nos partenaires les plus désireux d’avancer à nos côtés des politiques bilatérales clairement perceptibles et donc légitimées auprès des peuples des pays partenaires. Ainsi, en développant, au sein de traités internationaux bilatéraux, des politiques globales, concernant des secteurs aussi divers que l’économique, l’écologique, le migratoire…, après des négociations transparentes aux yeux des opinions publiques concernées, nul représentant des nations partenaires ne pourra prétendre recourir à l’alibi post-colonialiste souvent invoqué à notre égard car le gouvernement de chaque pays partenaire dans l’exercice plein de sa souveraineté se sera directement et clairement engagé à respecter le contenu de l’accord.

D’autre part, en aval, il convient de poursuivre, sans relâche, la politique multilatérale de renforcement du dialogue entre les deux rives de la Méditerranée. Ce, afin de créer une véritable dynamique susceptible d’emporter l’adhésion de chacun dans la perspective de réunifier un vaste bassin de civilisation qui se doit de connaître une nouvelle expansion et une diffusion large de sa culture et de son art de vivre.

II. Renforcer la convergence économique entre les différents pays de la zone.

L’arme la plus efficace contre la violence, l’obscurantisme et le terrorisme reste sans aucun doute le développement économique ; ce tout en sachant qu’aujourd’hui la logique de l’assistance est une logique révolue car désormais c’est celle du partenariat qui prévaut. Un partenariat fondé sur une responsabilité partagée, une ambition et une vision communes.

Dès lors, l’espace européen ne peut ignorer le développement de la rive Sud de la Méditerranée. En effet, en matière économique et sociale, nombreux sont les défis auxquels seront confrontés les pays du Maghreb.

Selon certaines études, cette région de la planète, qui ne reçoit encore que 3,5% des flux d’investissements actuellement à destination des pays en développement, se verra dans l’obligation de créer près de 100 millions d’emplois à l’horizon 2020 pour juguler le fléau du chômage.

Aussi, au-delà de la simple dynamique des réformes et de l’accroissement des échanges imputables aux accords d’association et aux soutiens financiers de l’Europe, il est essentiel que l’Union européenne apporte un soutien plus actif encore à ces partenaires du Maghreb pour que se dessine un nouvel espace, politiquement démocratique et économiquement développé.

1) Soutenir l’édification d’une zone de libre-échange économique entre les cinq pays du Maghreb

En parallèle de l’accomplissement d’une coopération active entre l’Union européenne et les pays du sud de la Méditerranée, ces derniers se doivent également de réaliser ensemble un rapprochement significatif. Telle est la raison de la nécessité du développement du "dialogue 5+5" qui s’est engagé entre cinq Etats du Sud de l’Europe (Portugal, Espagne, France, Italie, Malte) et cinq Etats de l’Union du Maghreb Arabe (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Mauritanie).

C’est une véritable logique de partenariat qui doit voir le jour, reposant sur une responsabilité partagée et une vision commune. Mais ce nouveau souffle donné au partenariat méditerranéen doit également venir des pays méditerranéens eux-mêmes. La coopération Sud-Sud est l’un des leviers majeurs pour intensifier les Investissements Directs Etrangers, les investisseurs raisonnant en termes de taille du marché en même temps que de confiance dans le pays d’accueil.

Paix, stabilité et développement sont les trois points indispensables à la poursuite du processus méditerranéen qui est lui-même un puissant moteur de développement, de stabilité et de paix.

2) Mettre en place un code d’investissement euro-méditerranéen.

Afin que les pays du Maghreb puissent continuer à se développer il est impératif de les inciter à moderniser leur système bancaire pour que celui-ci soit plus à même de répondre aux attentes des investisseurs potentiels.

Pour ce faire, le volet économique et financier de la Déclaration de Barcelone s’est inscrit dans une perspective de partenariat financier structurel effectif. De 1996 à 2006, outre la mobilisation de 20 milliards d’euros au titre des fonds MEDA et de prêts de la Banque européenne d’Investissement, c’est également un précieux soutien à la modernisation des systèmes bancaires des pays du Maghreb qui s’est engagée.

En matière d’aide financière, l’Union européenne, dans les conclusions de la Présidence de la VIe Conférence des ministres des affaires étrangères euro-méditerranéens de Naples, a présenté un plan d’action tendant à renforcer les moyens financiers à destination de l’espace euro-méditerranéen par un fonds spécifique (Femip), opérationnel auprès de la Banque européenne d’investissement. Ce mécanisme financier vise notamment le développement du secteur privé dans les pays du partenariat euro-méditerranéen.

Il a été décidé de mettre en place une filiale à participation majoritaire de la BEI, destinée aux partenaires méditerranéens et de renforcer la FEMIP au sein de la BEI. Le renforcement de la FEMIP a pour objectif de consolider cet instrument en le dotant d’une série de structures de soutien du secteur privé, notamment, d’une enveloppe spéciale pour les opérations étendues de partage des risques, de l’amélioration du dialogue sur les réformes structurelles et de la création d’un fonds fiduciaire permettant aux autres donateurs de compléter, sur une base volontaire, les contributions du budget communautaire.

Entre 1996 et 2006, le programme Meda, qui concentre les efforts de l’Union, aura investi près de 20 milliards d’Euros au profit du développement des pays méditerranéens.

De plus, le processus de Barcelone a fait apparaître l’utilité pour les pays du sud de la Méditerranée de s’ouvrir les uns aux autres. Les accords bilatéraux de libre-échange dans cette région du monde se sont multipliés, de l’initiative d’Agadir (2000) à l’accélération du démantèlement tarifaire au sein de la zone de libre-échange entre 14 pays arabes (1998).

Les efforts consentis au titre des accords d’association sur la libéralisation de l’agriculture, la libéralisation des services, et le progrès des échanges dans tous les domaines doivent s’inscrire dans un cadre plus large : le projet d’une zone de libre-échange euro-méditerrannéenne en 2010.

Dans cette optique, il ne faut pas oublier de favoriser l’investissement privé encore insuffisant dans la région méditerranéenne. Il convient également d’envisager le renforcement des mécanismes d’accompagnement.

Nous ne ferons pas, non plus, l’économie d’une réforme du programme MEDA, souvent perçu comme trop bureaucratique et peu efficace, alors qu’il s’agit d’un instrument de coopération incontournable. Il est important que ce programme soit utilisé pour accompagner les objectifs fixés par les accords d’association.

Le processus d’uniformisation des cadres réglementaires est primordial pour pouvoir réaliser un marché euro-méditerranéen unique, fonctionnant selon des règles claires, permettant à chacun de mettre en valeur ses atouts sur un marché compétitif.

Cet alignement des pays méditerranéens sur les pays de l’Union Européenne en matière de normes ou de standards devrait être utile pour stimuler l’augmentation de l’investissement étranger, enjeu capital pour la Méditerranée.

Avec la mise en place des Accords d’association et le programme MEDA recentré sur l’objectif d’appui à leur mise en oeuvre, nous serons à même de donner une impulsion nouvelle au processus de Barcelone et de créer plus de richesse pour les populations.

3) Promouvoir la mise œuvre de normes communes sur la base des normes européennes.

A l’instar du marché unique européen, au sein duquel des normes communes ont été élaborées pour que les biens produits sur le territoire de l’Union, ou y étant importés, soient susceptibles de respecter certaines règles élémentaires de sécurité, il est nécessaire que nos partenaires définissent des normes communes pour favoriser les échanges et améliorer la sécurité des biens vendus.

Plutôt que de voir l’élargissement vers l’Est comme un affaiblissement du cadre euro-méditerranéen, cette nouvelle donne constitue un avantage pour les pays du Sud de la Méditerranée. En effet, grâce aux accords d’association, ceux-ci pourront bénéficier de l’accès au plus grand marché du monde.

Demain, le marché de l’Union européenne élargie comprendra une population totale de plus de 500 millions d’habitants et un PIB supérieur à 10 000 milliards d’euros. Cette nouvelle Union connaîtra dès lors un poids économique sans précédent. Les nouveaux citoyens de l’ex bloc de l’Est pourront profiter d’un niveau de vie plus élevé et deviendront de nouveaux consommateurs, susceptibles d’acheter des produits d’Europe du Sud ou de venir profiter des attraits touristiques des pays du Sud de la Méditerranée. L’élargissement permettra d’accroître la taille du marché unique, dans lequel les pays non-membres et leurs exportateurs rencontreront une unicité de tarifs, de règles commerciales et de procédures administratives. D’une manière générale, les tarifs de l’Union européenne sont plus bas que ceux des pays en voie d’adhésion, et l’élargissement devrait donc les réduire. L’élargissement augmente la taille du marché européen et certaines productions à l’exportation des pays du Sud à destination de l’Union, dans le cadre des accords d’association, devraient trouver de nouveaux débouchés sur des marchés prometteurs.

4) Accentuer la mise en place concertée d’une politique environnementale, de transport et énergétique commune.

Pour faire accompagner le développement économique accéléré chez nos partenaires euro-méditerranéens, l’Union européenne a décidé de promouvoir des actions communes au sein de l’espace euro-méditerranéen en matière de politique énergétique, de transports et d’environnement.

Tout d’abord, pour que le développement ne s’accompagne pas d’une dégradation irrémédiable de l’environnement dans lequel évoluent nos partenaires adhérant à l’espace euro-méditerranéen, les ministres des Affaires étrangères réunis à Naples ont mis l’accent sur la nécessité de mettre en œuvre des politiques de protection de l’environnement et de développement durable, en respectant les objectifs fixés par la déclaration formulée lors de la réunion euro-méditerranéenne des ministres de l’environnement de juillet 2002 à Athènes, et en s’appuyant sur le Plan d’action du Sommet mondial de Johannesburg sur le développement durable.

Ensuite, dans la lignée de la Conférence euro-méditerranéenne des ministres de l’énergie du 21 mai 2003, l’Union européenne a confirmé, à Naples, la fixation de priorités dans le domaine de l’énergie. Elle a encouragé les initiatives prises à cette occasion sur le marché de l’électricité au Maghreb, le groupe de travail tripartite constitué entre Israël, l’Autorité palestinienne et la Commission européenne consacré aux interconnexions dans le secteur de l’énergie et la nécessité d’apporter au Forum euro-méditerranéen de l’énergie un soutien logistique adéquat.

S’agissant de la coopération dans le domaine des transports, l’Union européenne envisage la définition d’un réseau régional d’infrastructures de transport et l’élaboration d’une liste de projets prioritaires. Elle a également approuvé le lancement rapide de nouveaux projets régionaux dans le domaine de la sécurité maritime et de la navigation par satellite (GALILEO). A ce dernier titre, destiné à concurrencer le GPS américain, le projet européen Galileo, formé d’une constellation de 30 satellites capables de permettre une capacité de géolocalisation d’une précision l’ordre d’un mètre, vient de faire l’objet d’un accord de financement conclu par les ministres du Budget de l’Union européenne visant à le rendre opérationnel pour 2012. Pour faire face au peu d’intérêt des opérateurs privés, l’Union européenne va débloquer 2,4 milliards d’euros supplémentaires, piochant 1,6 milliard dans des fonds agricoles 2007 non utilisés, et 800 millions en 2008, probablement sur des fonds de recherches. Enfin, pour exploiter au mieux l’énorme potentiel qui se profile avec Galileo, l’Europe a également prévu un budget "de démarrage" pour le lancement d’un IET (Institut européen de technologie), chargé de superviser des "communautés" qui rassembleront universitaires, chercheurs et industriels.

Enfin, les ministres, rappelant les engagements définis dans le Plan d’action issu de la Conférence sur l’eau de Turin et soulignant l’importance de l’utilisation rationnelle et économe de l’eau dans la région, ont encouragé l’approfondissement de la coopération régionale et sous-régionale sur ce point, notamment par le biais du volet méditerranéen de l’initiative de l’Union européenne pour l’eau.

La France dispose d’une maîtrise reconnue en matière de gestion de l’eau. Ce savoir-faire pourrait être complété par celui d’autres pays spécialisés comme Israël. Cet Etat pourrait ainsi démontrer, en mettant son savoir-faire au service de tous, sa totale implication dans le processus euro-méditerranéen et prouver également sa volonté d’être une nation désireuse de retrouver la stabilité dans la région. L’accès à l’eau ayant été de tout temps et étant toujours un enjeu fondamental pour chaque pays souverain et étant de manière récurrente source de conflit.

III. Approfondir le dialogue culturel entre toutes les rives de l’espace méditerranéen.

Le développement, l’éradication de la pauvreté, la formation, sont les meilleurs antidotes à l’ignorance et à la frustration dont le fanatisme se nourrit. Il ne sera donc possible d’instaurer la stabilité seule susceptible de permettre aux Etats de coopérer et aux talents de s’épanouir qu’en redonnant à l’Homme dignité et espoir.

A Naples, en matière de relations culturelles entre l’Europe et nos partenaires méditerranéens, l’Union européenne a lancé de nouveaux instruments dont le principal est la Fondation euro-méditerranéenne, destinée à promouvoir le dialogue entre les cultures et les civilisations et devenir ainsi le volet le plus visible des activités menées dans ce domaine.

Les ministres ont également salué la mise en œuvre réussie des programmes en cours (Euromed Héritage, entré dans sa phase III en 2003, aujourd’hui en attente de projets pour sa phase IV, Euromed Audiovisuel, entré dans sa phase II en 2006, doté de 15 millions d’euros pour trois ans, Euromed Jeunesse, entré dans sa phase III en 2005), de même que le lancement de la plate-forme Euromed Jeunesse destinée à promouvoir le dialogue entre les représentants des jeunes et les gouvernements en ce qui concerne les politiques consacrées aux jeunes. Ils ont convenu de faciliter le fonctionnement de ces programmes. Tout en réaffirmant le rôle crucial des médias dans la promotion de l’amélioration de la gouvernance, de la compréhension mutuelle et de la cohésion sociale, il a été décidé d’intensifier leur engagement dans le secteur de l’audiovisuel.

1) Renforcer les relations entre les membres méditerranéens de l’Organisation Internationale de la Francophonie.

L’espace francophone doit jouer un rôle particulier dans le devenir euro-méditerranéen. Outre les pays du Maghreb, l’Egypte et le Liban sont membres de l’espace francophone.

Cet outil de concertation et de coopération pourrait devenir à l’avenir un lieu privilégié du dialogue israélo-arabe puisque l’Etat d’Israël souhaiterait rejoindre l’OIF. Même si cette nouvelle entrée pourrait créer des réticences, notamment de la part de l’Egypte ou du Liban, cette nouvelle instance pourrait devenir un lieu de dialogue et faire ainsi prospérer les espoirs de paix dans la région méditerranéenne.

Cette politique en faveur de la francophonie doit s’accompagner d’un développement des structures d’enseignement de la langue française à l’étranger, les écoles françaises ayant toujours été un vecteur fondamental de la diffusion de la culture française. L’une des pistes possible pour la mise en place de ce nouvel élan pourrait être le financement commun avec d’autres partenaires européens des frais inhérents à la gestion de telles structures. En effet, au lieu de fermer les unes après les autres, faute de financement, toutes les implantations éducatives européennes parfois extrêmement réputées et appréciées, et même longtemps formatrices des élites, il serait plus judicieux de concevoir une approche européenne de l’offre scolaire et universitaire au sein de nos pays partenaires, les coûts seraient désormais partagés, voire même parfois transférés auprès des institutions européennes, et la présence linguistique toujours assurée.

2) Multiplier les pôles d’échanges culturels et artistiques avec nos partenaires.

La culture et l’art ont toujours été des vecteurs capitaux d’échanges entre les peuples.

Aussi, pour mieux se connaître et s’apprécier, il convient de multiplier les opérations d’échanges culturels, les manifestations destinées à la rencontre des deux rives de la Méditerranée pour que la peur de l’inconnu s’estompe et qu’une confiance mutuelle s’installe.

Dès lors, la participation de la France, et de personnalités françaises de premier plan, à la réalisation de grands évènements culturels saura permettre de renforcer les liens entre les peuples partenaires du futur ensemble euro-méditerranéen.

A ce titre, l’exemple récent de la 6e édition du Festival International du Film de Marrakech, présidée par Roman Polanski, du 1er au 9 décembre 2006, est notable. Tout en satisfaisant à son objectif de démontrer que le Maroc est une terre ouverte aux différentes cultures, il a su associer nombre d’artistes et de partenaires français à sa réalisation et a contribué à la promotion de la culture française dans le pays.

Autre exemple, le 31 décembre 1999, le concert de Jean-Michel JARRE aux pieds des pyramides de Gizeh intitulé "Les douze rêves de soleil" est le type même d’opération culturelle, d’envergure internationale, susceptible de démontrer le respect et la fascination que porte la France envers ces partenaires méditerranéens.

3) Développer une politique active de développement des vecteurs de communication pour faciliter l’accès à l’information.

Une présence culturelle quotidienne et tangible auprès de nos partenaires méditerranéens peut leur permettre de mieux découvrir la culture européenne.

Aussi, il s’avère impératif de concevoir la mise en œuvre d’une politique active de développement des vecteurs de communication, télécommunications et audiovisuel, chez nos partenaires méditerranéens pour faciliter l’accès à l’information des citoyens et renforcer ainsi leur sentiment d’appartenance à un espace commun de civilisation. A ce titre, il semblerait utile d’envisager la diffusion d’une ou de plusieurs chaînes francophones accessibles à tous et ce chez l’ensemble de nos partenaires méditerranéens. La mise en place, le 1er décembre 2006, de la chaîne Medi 1 sat parmi les chaînes francophones, chaîne marocaine avec participation française, en est un exemple notable.

4) Mettre en œuvre une nouvelle politique d’échanges universitaires.

L’un des problèmes majeurs existant aujourd’hui en matière d’échange universitaire consiste en ce que les bénéficiaires des bourses d’études venant de pays émergents sont souvent tentés et encouragés de poursuivre leur recherche ou de travailler dans leur pays d’accueil au lieu de retourner dans leur pays et permettre à celui-ci de bénéficier de leur savoir.

En effet, lesdits pays d’accueil, au terme d’une sélection, offrent des bourses aux étudiants les plus doués pour les convier à effectuer leur formation sur leur territoire. Ainsi, souvent ces jeunes une fois titulaires d’un diplôme majeur obtenu en Europe, aux Etats-Unis, en Australie, ou ailleurs ne rentrent pas chez eux. Des situations très supérieures sur le plan matériel, à celles qu’ils pourraient trouver dans leur pays d’origine leur sont proposées et les tentations de les accepter sont considérables. Or, il est particulièrement déstructurant pour ces pays de voir leurs jeunes les mieux formés les quitter ou au profit des pays développés. C’est, semble-t-il, le meilleur moyen d’y approfondir et d’y enraciner le sous-développement.

Aussi, pour pouvoir juguler cette évolution, il faut concevoir la mise en œuvre d’une collaboration renforcée et d’un plan d’enseignement et de formation complet, pour juguler le brain-drain, ou fuite des cerveaux, source d’évaporation des compétences des pays émergents.

L’éducation et l’enseignement sont des domaines essentiels pour le développement des pays méditerranéens. A Naples, les ministres ont convenu de renforcer les efforts déployés dans le domaine de l’éducation, instrument fondamental pour le dialogue interculturel et la compréhension mutuelle. Ils ont envisagé de créer un espace euro-méditerranéen de l’enseignement supérieur fondé sur l’expérience acquise grâce à l’Espace commun d’enseignement supérieur UELAC et au programme TEMPUS-MEDA. Ils ont convenu que, au niveau régional, les programmes communautaires nouvellement ouverts aux partenaires méditerranéens constituaient un pas important dans cette direction. L’ouverture de Tempus aux partenaires méditerranéens renforce la coopération dans l’enseignement supérieur et la formation professionnelle post-secondaire et permet aux autorités de proposer des actions structurelles spécifiques. Les ministres ont noté que les programmes Netd@ys et eSchola visant à promouvoir l’utilisation des nouvelles technologies dans l’enseignement primaire et secondaire contribuaient à l’amélioration dans ce secteur. Tout en rappelant les dispositions pertinentes du Plan d’action de Valence, les ministres ont réaffirmé l’importance d’un programme régional de formation professionnelle, visant à promouvoir les possibilités d’emploi dans le secteur des nouvelles technologies, notamment pour les jeunes.

5) Lancer un plan euro-méditerranéen de coopération en matière de protection civile.

L’espace euro-méditerranéen n’est pas épargné par la survenance de drames en tout genre. Pour faire face à ces drames, l’entraide entre les Etats représente souvent une solution. Par exemple, rappelons le soutien des pompiers algériens pour l’intervention sur les feux de forêts dans le Var, voici quelques années. Mais, de nos jours, avec les tragiques incendies connus par la Grèce, dans le courant de l’été 2007, la nécessité de déployer une telle mesure, indispensable pour assurer la sécurité de nos concitoyens euroméditerranéens lors de la survenance de catastrophes naturelles ou industrielles, apparaît incontournable.

Il est aujourd’hui important d’engager au plus tôt des discussions euro-méditerranéennes pour que nous puissions, nos partenaires et nous-même, envisager la mise en commun des moyens d’action et la création d’un organe centralisé qui serait susceptible d’opérer la mobilisation de personnels suffisants en nombre et bien équipés capables d’intervenir au plus tôt, sans formalités administratives nationales excessives et donc, en extrême urgence, sur les lieux de catastrophes.

Pour pouvoir palier les difficultés linguistiques potentielles, il conviendrait d’assurer une formation uniforme des personnels grâce à la mise en place de modes opératoires standards.

Outre, l’aspect bénéfique pour la sécurité des personnes et des biens, une telle avancée pourrait rapidement avoir des incidences favorables sur les rapports entre les peuples quand on sait quel est l’attachement de ceux-ci aux personnels de sécurité civile, pompiers et autres.

Cette mesure est, de plus, envisagée par l’Union européenne au titre des mesures complémentaires susceptibles de contribuer notablement à renforcer le partenariat. A Naples a été décidée la formation à la gestion civile des crises et la coopération entre autorités chargées de la protection civile.

Conclusion

L’Europe et ses partenaires méditerranéens unis par un rapport de proximité immédiate se doivent de dessiner en commun un avenir pacifique, bercé par un développement économique équilibré, respectueux des préoccupations écologiques incontournables, et s’inscrivant clairement dans la recherche de l’instauration de forces démocratiques dans l’ensemble de l’aire euro-méditerranéenne.

La France, pilier de la fondation de l’Europe, pleinement consciente des enjeux fondamentaux de la réussite du dialogue euro-méditerranéen, se doit de donner à cet espace de liberté une dimension supplémentaire pour permettre à la Méditerranée, vaste domaine de civilisation, de connaître une évolution considérable et de franchir un pas substantiel vers la paix et la prospérité.

V – Autres contributions au débat

Extrait du compte rendu de l’entretien accordé par M. Shimon Peres,
Président de l’Etat d’Israël,
à une délégation du groupe d’amitié France-Israël de l’Assemblée nationale,
en présence de M. Renaud Muselier

(30 octobre 2007)

(…) Citant Jean Monnet, Shimon Peres a estimé qu’il fallait aller de l’avant sur l’idée d’Union méditerranéenne, avec le même esprit. Il fallait promouvoir une économie et une écologie globales en Méditerranée, réduire les obstacles posés par les frontières et les distances. C’était un vrai projet d’avenir, qui devait permettre à la région de « passer de l’âge de pierre à l’âge moderne » et d’aider à traiter les peurs musulmanes de perte d’identité face à la modernité. Il fallait commencer modestement mais résolument, avec l’eau et l’énergie (…)


Union Méditerranéenne :

Contribution de la Fondation pour le
Monde Méditerranéen

« Un développement durable et solidaire

pour une ambition mondiale »

Etat des travaux sur les projets initiés par l’IPEMed

Note de travail du 19 novembre 2007

La priorité de l’UM doit être donnée aux projets. Mais si l’on veut mobiliser les acteurs et les populations, il faut donner du sens à ces projets et rappeler les grands objectifs qui les fondent. Les Chefs d’Etat réunis au premier G-Med devraient s’accorder sur ces objectifs.

1. Union Méditerranéenne : nouvelle vision, nouvelle méthode

1.1. La vision

L’objet de l’Union Méditerranéenne a été décrit dans le discours que le Président Sarkozy a fait à Tanger. Comme en Europe, des liens très forts se sont tissés au cours de l’histoire entre les peuples riverains de la Méditerranée, nos cultures se sont mutuellement enrichies et nos économies sont devenues interdépendantes. Mais cette interdépendance reste loin de ce qu’elle pourrait être et surtout loin de l’intégration économique qui caractérise les autres grandes « régions Nord-Sud » : l’Alena et Asean+3. Entre l’Europe et la rive sud de la Méditerranée, le moment est venu de renforcer par nos actes cette amitié, cette complémentarité, cette communauté de destins et de conjuguer nos forces pour bâtir l’Union de la Méditerranée.

Il s’agit :

de réussir l’intégration régionale Nord-Sud d’une manière écologiquement durable, socialement solidaire, économiquement efficace en jouant la complémentarité et la proximité,

afin d’en faire une base productive commune capable de s’attaquer aux marchés mondiaux, dans lesquels l’Asie orientale et l’Amérique ont pris une longueur d’avance.

Les principes de la déclaration de Barcelone (1995) constituent le socle de départ. Mais pour être sûrs, cette fois, de passer à l’action et aboutir à des résultats concrets, il convient de les traduire en réalités opérationnelles qui soient tangibles pour les populations, et de ne pas esquiver les problèmes de fond – il faut au contraire en faire l’objet même de l’UM, comme naguère le charbon et l’acier, pomme de discorde entre la France et l’Allemagne, furent le socle de la construction européenne.

1.2. Les problèmes de fond doivent être abordés frontalement

Quels sont les problèmes de fond de la Méditerranée ? Comment vaincre la méfiance et retrouver les chemins de la confiance ? Il faut pour cela privilégier l’approche économique et le dynamisme des entreprises, car l’économie rapproche alors que la politique divise et la culture différencie. Cela suppose d’aborder frontalement la création d’emplois au Sud, l’investissement, la formation de la main d’œuvre pour le passage à l’économie de la connaissance, la circulation des hommes, la durabilité du développement de notre région commune. L’intégration régionale doit se faire d’emblée d’une manière soutenable, sur le plan environnemental mais aussi économique et social. Le développement durable implique de répondre à des enjeux immédiats et urgents en matière de lutte contre la pauvreté, de promotion de la santé publique, de développement rural et urbain pour contribuer à la maîtrise des mouvements migratoires. C’est la condition d’une ambition mondiale.

Des politiques communes devraient être mises en œuvre dans les domaines de l’environnement (énergie, eau, tourisme durable…), du codéveloppement (espace financier commun, normes commerciales communes, politique agricole et de développement rural…), de l’échange culturel (avec la question de la formation des hommes comme objectif central) et de la sécurité (protection civile…). Cela suppose de définir à chaque fois des objectifs communs, des projets communs, des outils communs, des régulations communes, et de soutenir les organisations professionnelles transméditerranéennes (Euromed postal, Euromed ferroviaire etc).

1.3. Valeur ajoutée de l’UM

La valeur ajoutée de l’UM par rapport à l’UE tient aux quatre principes proposés par la France :

– projets : priorité à l’action, c’est-à-dire aux projets opérationnels ;

– parité : symétrie Nord-Sud, cofinancement, codécision ;

– pragmatisme : les projets mobiliseraient un nombre variable de partenaires (géométrie variable) ; sur le plan institutionnel, la structure, intergouvernementale, resterait légère ; l’UM fonctionnerait dans un souci de complémentarité avec les politiques lancées par l’UE dans de cadre d’Euromed ;

– perspective stratégique régionale : ce point donne le cadre stratégique des trois précédents ; il s’agit de créer une vraie Union, c’est-à-dire un ensemble régional régulé sur le plan économique et politique. L’UM s’inscrit dans la régionalisation de la globalisation, non pas pour constituer une aire de libre-échange parmi d’autres, mais pour réguler en profondeur les relations Nord-Sud en Méditerranée et viser à terme un espace intégré.

2. Projets et politiques : pistes pour le premier G-Med

On suggère ici ce que pourraient être les politiques communes promues par le G-Med :

– certaines peuvent reprendre tout ou partie des politiques initiées par Euromed, mais qu’il s’agirait (i) de faire avancer par des projets concrets en concertation avec la BEI qui par ailleurs a la volonté de conduire des projets plus directement avec les acteurs de terrain et à travers des consultations multilatérales ; (ii) de compléter par des mesures de régulation et/ou de transition pour atténuer les effets de la libéralisation des échanges dans le cadre de la zone de libre-échange, et conduire à une coopération régionale plus en profondeur ;

– d’autres politiques seraient propres à l’UM.

A chaque fois, il faudrait si possible identifier :

– deux ou trois pays pilotes, au minimum un du Nord et un du Sud, qui seraient les porteurs politiques du projet ;

– un centre d’étude ou d’expertise, qui en serait le point focal sur le plan des données et de l’information ;

– les coûts et les sources de financement.

Il faudra enfin faire le point sur la répartition géographique des équipements et institutions structurants, entre les différents pays et villes de la Méditerranée (cancéropôles dans chacun des pays du Maghreb, technopole de l’eau (?) au Sud, centre de formation des ingénieurs du Sud dans le nucléaire en France, etc.)

Environnement et développement durable

Politique commune de l’eau : mettre en avant la dimension économique et sociale du changement climatique pour mobiliser durablement les entreprises et les autres acteurs

1°) Deux objectifs sont à atteindre :

Le premier est de faire de la Méditerranée une mer propre :

– faire l’état des lieux et mesurer les niveaux de pollution (beaucoup de choses sont déjà acquises à travers la Stratégie méditerranéenne de développement durable et le travail du Plan Bleu), harmoniser les mesures et les normes,

– fixer des objectifs de dépollution soit immédiatement soit à travers un « Kyoto de la Méditerranée » à monter,

– chiffrer le coût.

Le second est de gérer d’une façon économe la demande d’eau :

– objectif : économiser un quart de la demande globale d’eau dans la région à l’horizon 2025

– mesurer les niveaux d’efficience de l’eau (en milieux urbains et en milieux ruraux) dans les différents pays,

– chiffrer le coût de l’amélioration de l’efficience, pays par pays,

– se donner un calendrier et un budget de réalisation.

2°) Outils et responsabilités

Outils :

créer une Agence de l’Eau, pour mettre en œuvre cette politique : passer des diagnostics à l’opérationnel : calendrier, suivi, évaluation voire sanctions, ce qui en ferait l’autorité de régulation régionale dans le domaine ; assurer la coordination avec les politiques de santé publique, de revalorisation foncière dans les quartiers qui ne sont pas encore reliés aux réseaux, de lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales à travers la péréquation des tarifs, etc.

– Cette Agence opérationnelle comprendra entre autres un club d’échanges d’expériences, pour faciliter les échanges entre pays riverains, faire connaître les success stories, promouvoir la gestion intégrée de l’eau (traitement et accès à la ressource, lien avec les autres activités de réseau comme l’électricité, lien avec l’aménagement et l’urbanisme, lien avec les opérations de développement touristique…).

Pays pilotes suggérés :

– Sud : Algérie ? Tunisie ?

– Nord : Espagne ? Israël ?

Centres d’expertise :

– Plan Bleu et/ou Unep-Map et/ou Institut Méditerranéen de l’Eau ?

– CIHEAM pour l’eau agricole

Coût et financement :

– [à préciser début décembre]

Politiques énergétiques : œuvrer pour l’industrialisation de la rive sud à partir de ses matières premières, et promouvoir au Sud le développement des énergies renouvelables

Les pistes d’action varient selon les sources d’énergie :

1°) Pétrole

– faciliter le développement industriel au Sud à partir du pétrole

– mobiliser les partenaires du Golfe pour créer des plateformes de raffinage sur la rive sud

– renforcer des partenariats croisés entre producteurs et distributeurs, et les partenariats industriels (cotraitance et non pas une simple sous-traitance pour l’Europe)

2°) Gaz

– rebâtir des contrats de partenariat de long terme

– favoriser le développement industriel et les filiales communes (liquéfaction, méthaniers, gazoducs…)

– développer les interconnexions gazières

3°) Electricité

– lever les obstacles à la connexion électrique entre l’Europe et le Maghreb ; finir la boucle méditerranéenne

– réaliser l’intégration des marchés électrique de l’Europe et du Maghreb (politique Euromed de l’UE-2003)

4°) Energies renouvelables

– promouvoir les énergies renouvelables au Sud, développer au Sud une industrie des énergies propres notamment le solaire et l’éolien

– intégrer la rive sud dans la recherche européenne sur les énergies renouvelables

– créer un centre méditerranéen de l’énergie solaire (recherche, production, conseil et expertise)

5°) Nucléaire civil

– engager une réflexion sur le rôle du nucléaire civil, en particulier pour favoriser le dessalement de l’eau de mer

– créer un pôle de formation des ingénieurs pour le nucléaire civil afin de former dans la durée les ressources humaines du Sud et d’assurer les réseaux personnels Nord-Sud

Pays pilotes suggérés :

– Sud : Algérie

– Nord : Italie ?

Centre transversal d’expertise :

– Observatoire Méditerranéen de l’Energie

Tourisme durable : passer d’un tourisme de rente à un tourisme culturel, durable et solidaire

– donner corps à la politique Euromed en faveur du tourisme et du développement local « post-touristique » des espaces touristiques

– éviter que le tourisme de masse altère la première région touristique du monde, par ailleurs particulièrement fragilisée par le changement climatique

– susciter l’essor du tourisme à dimension culturelle

– faire avancer par le tourisme le droit à la mobilité en Méditerranée en promouvant les nouvelles formes du tourisme associant loisirs, affaires, visites familiales ; courts séjours et longs séjours (retraites).

1°) Créer un Observatoire du tourisme méditerranéen pour contribuer à l’information sur la bonne gouvernance dans les nouvelles destinations, assister les partenaires privés et publics à la création de nouveaux produits touristiques, contribuer aux politiques nationales associant tourisme, gestion de l’eau et de l’énergie – en particulier les énergies renouvelables, transports, urbanisme, installations sanitaires, sécurité, technologies de l’information.

2°) Renforcer la professionnalisation du secteur par la création d’une Institution régionale de formation, reliée à l’Observatoire, en partenariat avec les structures de formation existantes de la région (cf les recommandations des Forums méditerranéens des ministres des Affaires étrangères).

Croissance économique et développement social

Politique de l’espace financier méditerranéen : la priorité pour le codéveloppement est la création d’un outil financier dédié à la Méditerranée

Cette institution financière pourrait être créée par un consortium de banques privées, avec la BEI comme partenaire. Elle aurait pour ressources les remises des migrants étrangers, et la mobilisation de fonds à des conditions avantageuses sur le marché financier (signature triple A). Elle assurerait :

– l’amélioration des conditions de transfert, la réduction des coûts et la valorisation des flux de transferts issus des migrations par les systèmes financiers locaux

– la sécurisation et la dynamisation de l’épargne des pays du Sud

– la création d’une épargne longue pour le financement des infrastructures et des PME/PMI, grâce à un livret d’épargne euroméditerranéen valable dans tout l’espace de l’Union européenne et de l’Union Méditerranéenne

– le soutien aux institutions de micro-crédit.

Pays pilotes suggérés :

– Sud : Maroc

– Nord : France

Centre transversal d’expertise :

– Institut de la Méditerranée et réseau Femise

Normes électroniques : des standards communs pour le e-commerce (BtoB), l’e-santé, l’e-administration,l’e-enseignement. La Méditerranée, pilote pour l’Europe et le Voisinage

L’essor de la dématérialisation des échanges économiques et administratifs conduit les grandes régions à établir des standards communs. L’Asie est très en avance ; les Etats-Unis ont été à l’origine des Echanges de Données Informatisées (EDI) ; l’Europe est très en retard. L’Union Méditerranéenne peut jouer le rôle de pilote à la fois pour l’Europe et pour l’ensemble des Voisinages. Le G-Med 2008 pourrait initier cette politique en commençant par le e-commerce :

– créer une Alliance Méditerranéenne pour le e-commerce international (standards communs, sécurisation des transactions etc).

– créer une plate-forme d’e-commerce international qui serait une tête de réseau en Méditerranée

– Promouvoir les infrastructures fixes de télécommunications au Sud pour permettre l’essor des services Internet.

Pays pilotes suggérés :

– Sud : Egypte ?

– Nord : France (région PACA)

Coût :

– entreprises

– Banque Mondiale et FMI

Politique agricole commune euroméditerranéenne (PACEM) : promouvoir l’agriculture méditerranéenne, jouer la complémentarité Nord-Sud, assurer le développement rural

Il s’agit de profiter de la renégociation de la PAC dès 2008 pour introduire la totalité de l’espace méditerranéen :

– offrir aux agriculteurs des marchés régulés, un cadre institutionnel et normatif, une protection extérieure, un label méditerranéen mondialement reconnu, un instrument de reconquête des marchés intérieurs, un instrument d’exportation et de développement équilibré des territoires ruraux

– développer les indications géographiques et créer une appellation « ombrelle » « Produits Méditerranéens » qui coifferait l’ensemble des appellations par produits

– financer des politiques de développement rural à l’ensemble de la zone telles que programmées dans l’UE dans le cadre du FEADER pour la période 2007-2013 ; créer au Sud un programme « Leader Med » cofinancé

– lancer l’idée de règles communes dans deux ou trois filières (fruits et légumes, huile d’olive…) afin de constituer des organisations euroméditerranéennes communes de marché.

Pays pilotes suggérés :

– Sud : Maroc ?

– Nord : Turquie ?

Centre d’expertise :

– CIHEAM

Politique commune de santé : répondre à l’urgence sociale au Sud, promouvoir l’industrie de santé au Sud, faciliter les réseaux médicaux transméditerranéens puis euro-africains

1°) Création d’une Agence méditerranéenne de santé, qui :

– identifierait les projets, leur trouverait des financements, et les expertiserait ;

– privilégierait les relations directes entre les acteurs de la société civile (hôpitaux, médecins, professionnels de santé, ONG) ;

– monterait un « Observatoire méditerranéen de santé publique » par mise en réseau des services existant dans chaque pays (pathologies, soins, systèmes d’alerte).

2°) Réseaux collaboratifs méditerranéens

Exemples pour le G-Med 2008 dans le domaine du cancer :

– un réseau transméditerranéen de cancéropôles

– coopération Nord-Sud et Sud-Sud (trans-Maghreb) dans la formation en matière de diagnostics, et en matière de soins palliatifs du cancer.

3°) Politique méditerranéenne du médicament

– dresser la liste des médicaments essentiels à promouvoir (notamment les génériques via des « licences obligatoires »)

– réglementer la re-exportation vers l’Europe des génériques délocalisés sur la rive sud

– contribuer par l’industrie pharmaceutique à l’essor de « technopôles santé » au Sud.

Pays pilotes suggérés :

– Sud : Algérie ? (Maghreb)

– Nord : France

Soutien aux réseaux professionnels méditerranéens : mailler le territoire régional par les associations professionnelles, à l’instar de ce qui fait le succès de l’intégration Baltique

Euromed postal (rassemblement et coopération de toutes les Postes de la Méditerranée)

Euromed ferroviaire (?) (valoriser le ferroviaire dans le développement urbain et régional au Sud, développer la coopération des cheminots méditerranéens)

Euromed portuaire (jumelage des ports, travail en commun pour une logistique moderne sur les deux rives de la Méditerranée)

Euromed des agences d’urbanisme (?) (promouvoir un urbanisme durable et économiquement efficace)

Euromed du capital investissement (?) (forum des fonds de private equity et capital risque intervenant en Méditerranée).

Dialogue des cultures

Prospective : élaborer ensemble une vision commune de l’avenir de la Méditerranée

– Faire face aux grands défis de la région sur le long terme : les effets du changement climatique, la nécessité de passer à l’après pétrole, le passage à l’économie de la connaissance

– développer la culture de la prospective et de l’anticipation au Sud, mettre en réseau les administrations et les centres d’expertise chargés de la prospective dans chacun des pays, et envisager un « Euromed de la prospective »

– montrer les éléments de convergence et de structuration de cet espace commun, partager une vision commune de l’avenir en utilisant tous les projets sectoriels (UE, BEI, Banque Mondiale etc.)

– élaborer un document stratégique de développement du territoire méditerranéen dans le cadre d’un « Schéma du territoire des Voisinages européens »

– faire partager cette vision aux chefs d’entreprise des deux rives, et dégager avec eux les orientations stratégiques

– populariser la région méditerranéenne à travers des publications facilement accessibles et diffusables.

Pays pilotes suggérés :

– Sud : ?

– Nord : ?

Centre d’expertise :

Fondation pour le Monde Méditerranéen : réunir les élites économiques, politiques, universitaires de la Méditerranée pour élaborer ensemble les projets de développement

L’Union Méditerranéenne est politique, la Fondation est un outil indispensable au service des entreprises et de la société civile, pour faire mûrir les projets. Elle est destinée à être un laboratoire d’idées et un lieu de réflexion sur les problématiques économiques et les politiques méditerranéennes. Indépendante, paritaire (Nord/Sud/Est), elle se fixe pour objectif de rapprocher par l’économie les deux rives de la Méditerranée. Un premier noyau dur d’entreprises s’est engagé à financer cette initiative sur une durée initiale de cinq ans. Le G-Med appelle de ses vœux que cette initiative soit commune à tous les pays du Nord et du Sud de la Méditerranée et que des entreprises leaders des deux rives s’y engagent.

La Fondation aura deux lieux d’expression : la « Maison du Monde Méditerranéen », où seront, en continu, élaborés les projets ; les « Entretiens de la Méditerranée », grande manifestation annuelle (sorte de Davos de la Méditerranée), organisée en concertation avec les centres d’études et les associations de la région et qui sera pour les entreprises l’occasion de porter les projets les plus structurants.

Sécurité, droits de la personne, mobilités

Coopérations en matière de sécurité des personnes

Politique commune de protection civile

Le changement climatique va particulièrement affecter la Méditerranée et perturber la vie des citoyens. Il s’agit de :

– coordonner les services de sécurité civile de tous les pays de la Méditerranée en matière de risques naturels (incendie, inondations, tremblements de terre), technologiques, et de risques liés à la main de l’homme (terrorisme)

– consolider à l’échelle méditerranéenne les données, études de prévention, observations et mécanismes d’alerte (intensification du processus d’Euromed de la Protection civile)

– coordonner les moyens de gestion de crise et tirer parti de la proximité pour faire face aux situations d’urgence

créer un institut de formation aux risques majeurs (en Egypte ?).

Pays pilotes suggérés :

– Sud : Egypte ?

– Nord : ?

Politique des mobilités : articuler formation, migrations, et sécurité

Les populations du Sud acceptent mal le terme de « migration choisie » car ils pensent qu’elle revient au pillage de leurs élites et compétences professionnelles. Il serait souhaitable de lui substituer le terme de « migrations qualifiantes ».

– migrations qualifiantes : financement par le Nord de programmes de formation pour les métiers dont le Nord a besoin (le Nord finance au prorata de la proportion de professionnels qu’ils veut conserver pour ses besoins propres, sur un laps de temps donné) ;

– établissement d’un visa de circulation de longue durée pour les professionnels identifiés, entre les pays partenaires (liberté de circulation Sud->Nord et Nord->Sud).

Pays pilotes suggérés :

– Sud : ?

– Nord : ?

Centre d’expertise :

– CARIM (Observatoire des mobilités méditerranéennes, Institut Européen de Florence, UE).

3. Travaux préparatoires pour le G-Med 2009

Le G-Med de 2008 devrait arrêter les grands axes de travail de celui de 2009. Ce G-Med de 2009 devrait être centré sur la priorité économique de la rive sud : former les populations pour passer à l’économie de la connaissance. Davantage que quelques projets épars, la Méditerranée a besoin d’un grand plan concerté.

Economie de la connaissance

– lutte contre l’analphabétisme

– formation des maîtres

– formation professionnelle

– Erasmus des étudiants des deux rives (intensification du programme lancé par la Politique européenne du voisinage).

Espace financier méditerranéen

– sur le plan des affaires : places de marché B-to-B, marchés de capitaux (à l’instar de l’Asian Bond Market Initiative de l’Asean+3), interconnexion des bourses de valeurs, recours aux fonds de private equity…

– sur le plan des personnes : ‘convertibilité’ et/ou connexion d’une rive à l’autre des régimes de retraite et versements de pensions, des cotisations à des assurances personnelles, des comptes bancaires...

Espace commercial

– harmonisation juridique, sécurité et règlement des différends (cour d’arbitrage).

Standards électroniques communs

– e-administration

– e-santé

– e-enseignement

Politique agricole et rurale méditerranéenne

– étudier l’extension de la préférence communautaire à l’ensemble de la région.

Maillage et développement durable du territoire

– enrichir les travaux préparatoires à la réforme de la Politique régionale de l’UE pour y inclure les Régions, Villes et territoires des pays de la rive sud

– promouvoir les associations qui se sont constituées sur une base transméditerranéenne (universités…) et lever les obstacles qu’elles auront fait « remonter » au G-Med.

Etc

Intervention de M. Günter Gloser
Ministre adjoint chargé des affaires européennes
de la République fédérale d’Allemagne

à l’occasion de la table ronde

L’ouverture de l’Union européenne sur la Méditerranée – l’Europe et ses voisins –

26 novembre 2007 Paris

Je me réjouis de pouvoir discuter ici aujourd’hui de la politique étrangère de l’Union européenne à l’égard de la région méditerranéenne.

C’est une politique qui s’appuie principalement mais pas exclusivement sur deux piliers.

Il s’agit, d’une part, du partenariat euro-méditerranéen, appelé processus de Barcelone, et d’autre part, de la politique européenne de voisinage.

Les objectifs et les tâches du processus de Barcelone figurent dans la Déclaration de Barcelone de 1995 et son programme de travail que nous avons adopté d’un commun accord en 2005: le partenariat euro-méditerranéen est destiné à accompagner un processus de paix dans la région du Proche et du Moyen-Orient et à préparer la vie après le règlement du conflit.

Cette vocation fixe clairement les possibilités et les limites du processus de Barcelone. C’est un forum pour le dialogue politique, mais ce n’est pas un forum pour le règlement des conflits.

Le partenariat euro-méditerranéen vise également à soutenir les développements socio-économiques dans nos pays partenaires et à favoriser le rapprochement.

Il est prévu de faire avancer des politiques sectorielles importantes telles que l’éducation, la santé et la protection de l’environnement qui jouent un rôle déterminant dans toute société et ont une grande influence sur l’état d’esprit des citoyens.

En outre, des positions communes doivent être définies au sujet des défis mondiaux comme les questions énergétiques, les modalités commerciales ou les structures des transports. Nous plaidons pour l’application des normes internationales dans les domaines de la sécurité juridique, des droits de l’homme et de la bonne gouvernance.

La mise en œuvre de cet agenda particulièrement ambitieux est plus qu’insatisfaisante.

Ayant présenté personnellement les priorités de la politique méditerranéenne de l’UE dans les différents forums de la coopération euro-méditerranéenne pendant la présidence allemande de l’UE, je me permets de constater que le processus de Barcelone est resté en deçà de son potentiel.

Cependant, la faiblesse du processus de Barcelone n’est pas à imputer à un manque d’efficacité de l’Union européenne. Elle est plutôt liée aux conflits qui sévissent dans le Sud de la Méditerranée.

Néanmoins, après douze ans, il est juste et important de mettre au banc d’essai le processus de Barcelone en tant qu’instrument de la coopération euro-méditerranéenne. Je me félicite que la France ait pris l’initiative en ce qui concerne la question méditerranéenne, et je lui en suis reconnaissant.

Le deuxième pilier important de notre coopération avec la région méditerranéenne est la politique européenne de voisinage qui s’adresse autant aux voisins du Sud et de l’Est de l’UE.

La PEV comprend tous les domaines des relations de l’UE avec le pays partenaire concerné, c’est-à-dire outre les relations politiques et culturelles, comme la libéralisation du commerce, les questions d’intégration économique ou la coopération sectorielle.

Nous connaissons cette inquiétude selon laquelle la PEV s’intéresserait soi-disant plus aux voisins de l’Est de l’UE qu’à la région méditerranéenne qu’elle négligerait. C’est le contraire qui est vrai.

Les accents mis sur les pays de l’Est partenaires de la PEV pendant la présidence allemande du Conseil de l’UE étaient nécessaires pour compléter la coopération déjà existante avec les pays voisins du Sud de l’UE.

Ainsi grâce à la fusion des instruments financiers TACIS – pour l’Est – et MEDA – pour le Sud –, autrefois séparés, il a été possible d’augmenter de plus de 31 % l’ensemble des ressources, dont près de 2/3 vont aux pays voisins du Sud et 1/3 aux pays voisins de l’Est.

Des plans d’action avec un agenda de réformes politiques et économiques à court et à moyen terme ont été entre-temps convenus avec la plupart des partenaires de la PEV. Il s’agit d’apporter un soutien sur mesure à nos partenaires et de coopérer avec eux. Il s’agit de les aider concrètement dans leurs efforts de réforme. Mais il s’agit aussi de tisser un réseau de liens solides et viables entre l’UE et ses voisins.

Je pense qu’il est incontestable que nous ayons besoin d’un réseau aussi solide pour développer la stabilité, la sécurité et la prospérité chez nos voisins, et par conséquent au sein même de l’UE.

Les objectifs de la politique méditerranéenne de l’UE font partie intégrante de la politique étrangère de l’UE. Tous les membres de l’UE y ont souscrit. Il est dans l’intérêt de nous tous que la région méditerranéenne soit stable et prospère économiquement.

Permettez-moi d’étayer cette approche en donnant quelques brefs exemples:

1. Les migrations

Le Maroc et la Tunisie sont des pays de transit très importants pour les migrants africains qui empruntent la route migratoire d’Afrique de l’Ouest. La Libye est un pays de transit pour la route migratoire d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Est. Parmi les pays destinataires, il y aussi des pays non riverains de la Méditerranée, c’est-à-dire l’Allemagne, l’Autriche, la Suède et la Belgique.

Les migrations ne doivent pas devenir un facteur de déstabilisation à l’extérieur ni à l’intérieur. Le Conseil européen s’est donc mis d’accord en décembre 2005 sur une approche globale sur la question des migrations centrant les priorités d’action sur l’Afrique et la Méditerranée.

Cette approche prévoit de mettre à profit les aspects positifs de la migration, par exemple ce qui est favorable au développement, et de réduire les aspects négatifs dans le cadre d’un dialogue partenarial et d’une coopération étroite avec les régions voisines du Sud de l’UE.

Pour ce faire, l’agence Frontex doit être renforcée, ce qui devrait aussi se traduire à l’avenir par des opérations communes. Il est important de vaincre les réserves actuelles de nos partenaires de la Méditerranée à ce sujet.

Par ailleurs, la première conférence ministérielle Euromed sur les migrations, qui s’est tenue il y a une semaine au Portugal a permis de resserrer les liens de coopération dans le cadre institutionnalisé d’Euromed. Ainsi des projets concrets ont-ils été convenus dans les domaines portant sur la migration légale, la lutte contre la migration illégale ainsi que sur les migrations et le développement.

2. Politique de sécurité

Le conflit dans la région méditerranéenne menace la sécurité de l’ensemble de l’espace euro-méditerranéen et au-delà. Une escalade, par exemple du conflit au Proche-Orient, ne s’arrêterait pas aux limites de la Méditerranée. J’espère vivement que la conférence sur le Proche-Orient qui a lieu aujourd’hui à Annapolis marquera l’ouverture de négociations sur le statut final entre Israël et la partie palestinienne.

3. Lutte contre le terrorisme

Lors de la réunion au sommet des États membres du partenariat euro-méditerranéen à Bruxelles le 13 novembre, toutes les parties ont affirmé leur détermination à combattre le terrorisme, qui représente une menace internationale nous concernant tous de la même manière.

De plus, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, l’Union européenne a désigné trois pays riverains de la Méditerranée, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie comme États prioritaires, avec lesquels il existe une collaboration particulièrement étroite.

La collaboration juridique, la lutte contre la criminalité sur Internet et contre le financement du terrorisme sont les priorités que l’Algérie a déjà fixées dans le cadre de cette coopération.

4. Environnement

La Commission vient de présenter un plan d’action concernant la politique maritime, dont les bases ont été en grande partie établies lors d’une conférence à Brème pendant la présidence allemande du Conseil.

Les propositions actuelles de l’Union européenne en vue d’une protection maritime intégrée ainsi que les décisions de l’UE, par exemple contre la pêche illégale et le chalutage de fond, doivent être élaborées et mises en place de telle sorte que les ressources de la mer en tant qu’espace vital et espace d’exploitation soient conservées durablement ou reconstituées, selon le cas.

Pour protéger la mer Méditerranée, il faut faire des compromis solides entre les diverses revendications relatives à son exploitation. Cela signifie qu’il faut prendre en compte d’une part les exigences de l’écosystème maritime et d’autre part la pêche, les transports maritimes et le tourisme. En Allemagne également, ces thèmes sont suivis et discutés attentivement.

5. Politique énergétique

La diversification et la sécurisation à long terme de l’approvisionnement énergétique représentent un enjeu commun pour tous les pays de l’Union européenne. Dans ce contexte, l’Afrique du Nord jouera un rôle de plus en plus important.

Je pense d’une part au développement de l’importation de pétrole et de gaz. Pour l’Allemagne, elle se fait avant tout par gaz naturel liquéfié depuis l’Afrique du Nord. L’Algérie et la Libye, mais aussi l’Égypte s’imposent comme d’importants partenaires énergétiques de l’UE. D’autre part, des idées réalisables à plus long terme existent, visant à mettre en place des liaisons électriques entre l’Afrique du Nord et le Sud de l’Europe, à l’aide desquelles le transport d’électricité venant d’énergies renouvelables (en un mot, l’électricité solaire) pourrait être assuré.

Certaines technologies développées par des entreprises allemandes dans le domaine de l’énergie solaire ont suscité un grand intérêt dans la région.

6. Climat

Le dernier rapport du Conseil mondial du climat des Nations Unies a mis en évidence que l’Afrique sera le continent le plus gravement touché par les conséquences du changement climatique. À l’heure actuelle, l’Afrique du Nord souffre déjà de la pénurie d’eau potable. Or, on prévoit la plus forte croissance démographique du monde pour la région.

La diminution des précipitations prévue pour la région méditerranéenne (qui concerne également le Sud de l’Europe) va engendrer des contraintes supplémentaires par la pression accrue sur les ressources en eau et en vivres. Les pays d’Afrique du Nord ne peuvent porter le poids de ces problèmes seuls.

Il est dans l’intérêt immédiat de l’Europe d’aider à réduire la pression pesant sur ces pays par le biais d’une coopération pour l’adaptation au changement climatique.

Avec leurs objectifs de réduction fermes et contraignants, les décisions prometteuses du sommet du printemps dernier en matière de climat et d’énergie ont permis au sommet du G8 d’établir qu’un après protocole de Kyoto sous l’égide des Nations Unies est souhaitable.

Ces exemples montrent que les thèmes et les domaines politiques capitaux pour l’Union européenne doivent être formulés au sein même de l’UE, par des États membres égaux en droit.

Cela n’exclut pas que les pays menant des projets en commun se réunissent, comme la Slovénie, le Maroc et la France au sujet du tourisme. La même chose est concevable pour les secteurs de la circulation et des transports.

Cela n’exclut pas non plus une coopération régionale dans le cadre de l’Union européenne. Le pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est en est un exemple, permettant de mettre en place des projets à géométrie variable et financés sur mesure, également par des pays tiers intéressés. L’idée essentielle est que le pacte de stabilité fait partie de la politique étrangère commune de l’Union européenne.

L’Europe a créé des conditions institutionnelles permettant une meilleure cohérence de son action à l’extérieur.

Nous avons décidé que le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune prendrait aussi la fonction de vice-président de la Commission. De plus, nous lui avons confié la présidence du Conseil des ministres des Affaires étrangères.

Un service diplomatique et consulaire européen constitué de collaborateurs des États membres, du secrétariat du Conseil et de la Commission assistera le haut représentant.

Aussi l’initiative française est-elle l’occasion de reconsidérer les instruments de la coopération dans la région méditerranéenne, tout particulièrement le processus de Barcelone. Nous devrions adapter les instruments existants de manière à rendre possible une coopération à la fois régionale, axée sur des projets et impliquant différents acteurs, mais toujours dans le cadre de l’Union européenne, participant ainsi de la politique étrangère de l’UE.

Je vous remercie.

Note sur le projet d’Union Méditerranéenne, de M. Jean-Louis Reiffers,
Président du Conseil Scientifique de l’Institut de la Méditerranée et du Femise

Le projet d’Union Méditerranéenne doit être fortement soutenu dans la mesure où c’est probablement la dernière chance que nous ayons d’ancrer durablement les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée à l’UE. Il n’est pas besoin d’insister sur les effets que pourrait avoir sur Marseille la mise en place de cette Union, car cette ville est de loin (comparée, par exemple, à Barcelone) la ville la plus cosmopolite d’Europe et la plus directement concernée par le développement du Sud Méditerranéen (plus de 11 % de migrants en très grande majorité d’origine maghrébine).

Pour que ce projet ne déçoive pas et ne constitue pas la dernière utopie romantique offerte aux peuples de la Méditerranée, il est nécessaire, me semble-t-il :

Premièrement, qu’il soit fondé sur un concept attractif prenant bien en compte les caractères spécifiques de la situation actuelle,

Deuxièmement, qu’il soit compatible avec ce qui existe aujourd’hui, à savoir le processus de Barcelone, et la politique européenne de voisinage, de façon à bénéficier du soutien de l’ensemble des membres de l’UE,

Troisièmement, qu’il repose sur un contenu substantiel et un agenda qui lui donnent une crédibilité suffisante.

Quel concept pour l’Union Méditerranéenne dans la situation actuelle ?

Une situation qui a progressé mais qui recèle de graves dangers

Malgré certains progrès, la région euro-méditerranéenne n’est pas dans une dynamique de convergence avec les pays européens et celle des nouveaux états membres.

• La trajectoire de croissance et le contenu de la croissance en emplois de tous les pays partenaires méditerranéens, sans exception, sont insuffisants pour permettre l’emploi des nouveaux arrivants sur le marché du travail (jeunes et femmes). Il est à noter que cette insuffisance, si elle se maintient, viendra nécessairement en contradiction avec les objectifs visant à faire évoluer les sociétés (généralisation du travail féminin, augmentation de la scolarisation, amélioration des niveaux d’étude, démocratisation générale de sociétés qui supporteront encore moins le chômage des jeunes, ouverture aux TIC qui diffusent les modèles de consommation des pays riches etc.)

• Différentes estimations concordantes avancent le chiffre de 22 millions d’emplois nouveaux à créer dans les quinze prochaines années chez les partenaires méditerranéens de l’UE pour maintenir à leurs niveaux actuels les taux de chômage. Cela signifie, qu’à contenu en emplois identique du point de croissance, des taux de croissance du PIB de l’ordre de 7/8 % l’an sont nécessaires (ils sont en moyenne autour de 4 % et erratiques aujourd’hui).

• Par ailleurs, au lieu de se réduire, l’écart des revenus par tête entre, d’une part, les quinze de l’UE et les nouveaux membres et, d’autre part, les pays tiers méditerranéens s’est sensiblement accru, preuve que l’UE, bien qu’ayant une croissance relativement faible contribue sensiblement à la convergence de ses nouveaux membres. Deux raisons principales expliquent ce fait : d’une part, l’entrée dans le processus d’adhésion représente une quasi-certitude que toutes les réformes institutionnelles seront faites sans retour en arrière ce qui engendre de fortes entrées de capitaux étrangers, d’autre part, l’importance des sommes accordées en faveur de la convergence (PAC, FEDER, FSE, autres politiques communes) permet de faciliter les ajustements nécessaires.

• Tout ceci crée une situation extrêmement dangereuse pour les pays méditerranéens de l’Europe, dans la mesure où l’interdépendance matérielle qui les lie au Sud représente moins de 5 % de leur engagement international (flux commerciaux et investissements) alors que les proximités humaines et sociales (immigrés, risques de sécurité, échos dans les media etc.) sont de l’ordre de 15/20 %. Pour les pays du Sud, l’engagement matériel vis-à-vis de l’Europe est beaucoup plus fort car il représente, au contraire, 50 % de leur engagement international. La situation est donc fortement asymétrique, et il n’y a pas d’exemples dans l’histoire où un tel décalage entre les aspirations humaines liées à la proximité géographique, culturelle, administrative et la réalité de l’interdépendance matérielle ne se soit traduit par des crises graves.

• Enfin, l’UE réalise sur le bassin méditerranéen Sud des excédents commerciaux qu’elle ne réalise nulle part ailleurs dans le monde en proportion des échanges, excédents non compensés par des investissements directs ou de portefeuille et de l’aide publique. Si les balances courantes sont équilibrées c’est uniquement par les transferts de revenus des migrants (ce qui suppose une émigration importante) et par le tourisme (ce qui suppose de la sécurité). Les taux d’investissements sont bas (investissements/PIB de 21 % en moyenne vs. 28/30 % dans la phase de décollage en Asie) et insuffisants pour atteindre les taux de croissance nécessaires. Il est donc inexact de dire qu’il y a un excès d’épargne en Méditerranée en s’appuyant sur les soldes courants car cette épargne est réalisée en Europe.

Une vision pour l’Union Méditerranéenne

Pour que cette proposition soit crédible, il est nécessaire qu’elle n’apparaisse pas comme un supplétif à l’entrée de la Turquie dans l’UE, donc qu’elle soit fondée sur un concept solide qui pousse la Turquie à y adhérer.

En premier lieu, l’Union Méditerranéenne doit viser à constituer un espace économique, social et culturel ouvert et respectueux des spécificités de chacun. Dans cet espace ouvert doivent figurer des pays qui veulent à la fois renforcer leur insertion dans le monde global et éviter les inévitables effets de dilatation des espaces sociaux que, partout dans le monde, la globalisation produit. On observe, en effet, que si la globalisation augmente le revenu mondial et rapproche en général les revenus par tête moyens- les revenus par tête moyens chinois et indien rattrapent le revenu par tête moyen européen- en revanche, en Chine en Inde et en Europe, les inégalités augmentent. Cet objectif implique de retenir un cadre géographique ouvert mais relativement apaisé : Algérie, Maroc, Tunisie, Liban, Egypte, Libye, Turquie et sans doute pas le Proche Orient.

En second lieu, l’Union Méditerranéenne doit tenir compte d’une spécificité culturelle propre à la Méditerranée. Les peuples de la Méditerranée supportent moins qu’ailleurs les inégalités et la pauvreté. Cela explique le succès des modèles matérialistes mis en place après les indépendances, celui du modèle islamique de nos jours, le fait que la pauvreté absolue (nombre de personnes ayant un revenu inférieur à 1$ par jour) soit nettement plus faible qu’en Amérique Latine ou en Asie. La raison est profondément ancrée et tient probablement aux métaphysiques catholique comme musulmane.

Il en résulte que l’Union Méditerranéenne doit compléter l’économie marchande pure fondée sur les avantages comparatifs et la compétitivité, par une économie relationnelle qui considère que les préoccupations sociales et de convergence territoriale doivent être prises en compte en amont, au moment de la décision économique, et non pas uniquement de façon résiduelle par des actions compensatoires.

On donnera ici un exemple particulièrement illustratif de ce qu’est cette économie relationnelle. Le Maroc a un niveau du salaire minimum sensiblement supérieur aujourd’hui à celui de la Bulgarie et de la Roumanie. Dans une optique de compétitivité, la plupart des économistes recommandent une diminution de ce salaire minimum de façon à freiner l’exode rural et à permettre un glissement du secteur informel vers le secteur formel. Contrairement à l’avis général des économistes, le pouvoir marocain a augmenté le salaire minimum sensiblement ces dernières années. Pourquoi ? Parce qu’une baisse de 5 % seulement du salaire minimum marocain, compte tenu de la taille moyenne de la famille marocaine et du fait que seul le chef de famille perçoive un salaire, ferait immédiatement passer en dessous du seuil de pauvreté à un $ par jour, environ 400 000 personnes et aurait des effets désastreux sur la montée de l’islamisme. La logique marchande pure ne tient simplement pas compte du fait que la famille marocaine est deux fois et demie plus nombreuse que la famille roumaine et bulgare. Il est clair que l’ouverture dans ce cas, doit être progressive, et doit être accompagnée de mesures de transition mobilisant une aide publique internationale, ou permettant une dépréciation du dirham.

Ce débat entre une approche purement marchande et une approche de convergence a eu lieu aux débuts de la construction européenne et a été tranché grâce à la conjonction des points de vue français et allemands vs le point de vue anglais (qui recommandait une simple zone de libre-échange). C’est ainsi que l’on a choisi d’installer les marchés en Europe (au travers d’une union douanière et pas une zone de libre-échange) tout en menant une importante politique d’ajustement et de convergence (Pac, Fonds Structurels). Cela a conduit à une croissance européenne légèrement plus faible qu’ailleurs mais à une convergence à l’intérieur de l’Union que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde. L’Union Méditerranéenne doit donc affirmer son ambition d’installer les marchés tout en favorisant la convergence exactement comme l’a fait l’UE. Et la France est tout à fait légitime pour défendre ce point de vue.

En troisième lieu, l’Union Méditerranéenne doit représenter un ancrage fort à l’Europe qui rassure les investisseurs et produit des anticipations favorables, facteurs de dynamisme et de croissance. Cela comporte des coopérations en matière de sécurité, de contrôle de l’immigration illégale, de lutte contre le terrorisme largement en cours aujourd’hui. Mais à coté de cet agenda « négatif » cela comporte aussi des actions proactives visant des secteurs particuliers : économie de la connaissance, énergie, eau, etc.

En quatrième lieu, l’Union Méditerranéenne doit consolider et développer toutes les actions de coopération sous-nationale menées par les collectivités locales et territoriales des deux rives depuis la déclaration de Barcelone. Celles-ci ont été tirées par la demande de Méditerranée de la société civile, sont aujourd’hui insuffisamment coordonnées et mal articulées à la stratégie d’ensemble.

Enfin, l’Union Méditerranéenne doit pouvoir favoriser l’intégration Sud-Sud qui est une nécessité pour l’industrialisation du Sud et pour que celui-ci puisse jouer son rôle d’espace intermédiaire entre l’Europe et l’Afrique Sub-Saharienne.

Comment rendre compatible l’Union Méditerranéenne avec le Partenariat de Barcelone et la Politique de Voisinage ?

Le partenariat de Barcelone réunit l’ensemble des pays européens et 9 pays méditerranéens du Sud dont Israël et la Palestine. Il a été fondé sur cinq idées maîtresses :

Ø Contribuer à la paix et la sécurité en intégrant le Proche-Orient,

Ø Réaliser une zone de libre-échange entre tous les pays concernés,

Ø Effectuer des transferts gratuits via le programme MEDA, et onéreux via la FEMIP / BEI,

Ø Pousser aux réformes institutionnelles notamment celles qui concernent les droits humains et la démocratie,

Ø Faciliter le dialogue culturel.

La politique de voisinage a élargi le spectre en intégrant des pays comme l’Ukraine, la Biélorussie, la Géorgie notamment, pays qui n’ont que très peu de points communs avec les pays méditerranéens que ce soit en termes démographiques, de structures économiques et de culture.

Cette démarche doit être approfondie dans la mesure où elle est universelle, intéresse l’ensemble des pays européens et où elle a obtenu un certain nombre de résultats notamment en termes de réformes et commence à installer les marchés parmi les voisins de l’UE. Il s’agira dans l’avenir de réaliser une zone de libre-échange approfondie et de poursuivre les réformes du cadre juridique régissant les droits humains. L’Union Méditerranéenne n’est donc pas un substitut à ces politiques qui pourraient aussi bien être menées dans le cadre de l’OMC et des Nations Unies mais que la proximité avec l’UE rend plus faciles à conduire.

Plusieurs points doivent cependant être soulignés qui montrent les limites de cette action aujourd’hui en cours :

Ø Ce processus est clairement d’inspiration purement marchande dans la mesure où les fonds de convergence sont extrêmement faibles par rapport à ceux reçus par les nouveaux adhérents à l’UE. A titre d’exemple, la Bulgarie qui est proche du Maroc en termes de population va recevoir trente fois plus de fonds de convergence que ce pays. Il est prévu que la Pologne reçoive entre 2007 et 2013, plus de 60 milliards d’€, alors que l’ensemble des pays méditerranéens plafonnera pour la même période autour de 10 milliards, prêts de la FEMIP compris.

Ø Les pays méditerranéens ont subi une ouverture à avantages comparatifs inversés puisqu’ils ont dû s’ouvrir aux produits manufacturés de l’UE sans contrepartie significative en matière agricole. Par ailleurs, l’UE a développé ces dernières années un arsenal de normes sanitaires, techniques et environnementales qui ont rendu l’accès à son marché plus difficile.

Ø Les pays méditerranéens ont souffert de la comparaison faite par les investisseurs internationaux entre la sécurité offerte par l’adhésion relativement à celle du partenariat et subissent une distorsion d’anticipations considérable,

Ø L’action opérationnelle s’est réalisée dans le cadre de relations bilatérales (les plans d’action) aboutissant la plupart du temps à des transferts de fonds vers les administrations locales, l’action régionale s’étant très peu développée.

Il est nécessaire, cependant, de poursuivre la réalisation de cette zone de libre-échange approfondie, de continuer à pousser aux réformes institutionnelles en s’inspirant du modèle suivi avec les pays de l’Est, de traiter la question agricole et de faciliter l’ouverture de la zone aux services. Mais il est clair que cette approche essentiellement marchande qui met sur le même pied l’Ukraine et le Maroc aura les effets dynamiques de toutes les opérations de ce genre, mais produira d’importants déséquilibres qui doivent être appréhendés dans un autre cadre.

Compte tenu de ce qui précède, la justification de l’Union Méditerranéenne est donc claire. Elle doit compléter cette approche marchande par une approche plus centrée sur l’amélioration des conditions de base (éducation, infrastructures notamment), le traitement des ajustements, la consolidation sociétale et développer les synergies indispensables en Méditerranée.

Quels sont les éléments clés de l’Union Méditerranéenne ?

Vue comme un complément aux dispositifs en cours et un facilitateur d’une relation plus approfondie avec l’UE, l’Union Méditerranéenne devrait satisfaire aux points suivants.

En premier lieu, une fois la vision partagée, l’Union Méditerranéenne doit fonctionner sur un mode de co-décision au niveau des pays concernés et non plus sur un mode bilatéral avec une impulsion de l’UE, un transfert de fonds et des conditionnalités. Cela suppose l’installation d’un secrétariat politique définissant les domaines communs à traiter dans l’UM, les éléments de subsidiarité nationale et ceux relevant du partenariat euromed.

En second lieu, l’UM devrait commencer à l’instar de l’UE à ses débuts par l’installation d’institutions qui concernent les domaines prioritaires et, ce, à une échelle significative. Il est clair que sa crédibilité se jouera là. On peut notamment penser à un effort particulier et coordonné au niveau de la zone en matière d’économie de la connaissance (éducation, formation, recherche, TIC, dans une « CECA de la connaissance et des compétences ») qui est la face positive de la politique de mobilité des personnes, à une action régionale importante en matière d’environnement et, en particulier, de gestion de l’eau.

En troisième lieu, il est indispensable que la participation des pays méditerranéens à cette Union ne les prive pas de la possibilité d’accéder aux politiques communes de l’UE en matière, notamment d’énergie et de transports. Cela pose sans doute un problème juridique important qui doit être traité. Il est également indispensable qu’une action lourde soit menée sur les infrastructures de façon à modifier les conditions de base.

En quatrième lieu, il est indispensable de débloquer le dossier agricole ce qui suppose que l’on mette en place un Feoga agricole permettant une complémentarité de long terme en acceptant une période de transition asymétrique où les pays méditerranéens pourraient exporter leurs fruits et légumes sans être menacés par les exportations européennes de céréales, viande et lait subventionnées.

En cinquième lieu, une meilleure coordination doit s’établir entre l’action internationale et la coopération décentralisée. Aujourd’hui, 65 % des fonds publics disponibles en Europe sont à la disposition des échelons décentralisés. Il y a là un moyen d’action décisif sur l’Union Méditerranéenne qui doit être encouragé exactement comme dans le FEDER. Cela suppose que les actions actuelles soient intégrées dans le dispositif retenu et fassent l’objet d’une stratégie commune.

En sixième lieu, se pose la question délicate du financement. Il ne semble pas envisageable que l’Union Méditerranéenne puisse voir le jour sans qu’une banque dédiée (qui pourrait être une filiale de la BEI) ne soit installée. Cette banque aurait le premier avantage de développer une expertise sur la zone à l’instar de ce qu’a réalisé la Berd avec les pays de l’Est, expertise qui fait aujourd’hui cruellement défaut. Fondée sur la codécision, elle devrait permettre de faire passer dans les pratiques opérationnelles les ambitions stratégiques, chose que le dispositif actuel ne permet pas. Elle pourrait notamment :

Ø Accentuer les efforts sur le financement des grandes infrastructures à haute valeur symbolique (un TGV Alexandrie-Casablanca ? Une autoroute de l’eau ?) qui feraient grandement progresser les problèmes de frontières,

Ø Participer au financement du logement social et de l’éducation,

Ø Mettre en place un système d’assurance contre les risques permettant de corriger les distorsions d’anticipations au bénéfice des pays adhérents à l’Union et, de ce fait, faciliter l’entrée de capitaux étrangers au bénéfice des PME

Ø Réaliser des prêts en monnaie locale permettant d’éviter le risque de change,

Ø Promouvoir toutes les formes de gestion déléguée,

Ø Installer des fonds d’investissement bénéficiant d’avantages fiscaux à l’instar, par exemple, des FIP à des destinations des PMI PME en France ou des fonds Corse et Polynésie.

Ø Faciliter la création de livrets de co-développement permettant d’affecter les transferts des immigrés à des opérations productives.

Toutes ces solutions sont à l’évidence spécifiques à la Méditerranée et ne concernent pas le voisinage. Elles sont, en effet, par nature transitoires et devraient permettre de faire de l’Union Méditerranéenne un tremplin pour un rapprochement plus étroit avec l’Europe.

A l’exception de l’Algérie, le solde commercial est déficitaire.

Le déficit commercial se boucle par les transferts de revenus des migrants et le tourisme.

VI – Références bibliographiques

Jean-Claude Guibal, Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires étrangères sur l’avenir du processus euro-méditerranéen, Assemblée nationale, XIIe législature, document n° 1297, 16 décembre 2003.

Elisabeth Guigou, Je vous parle d’Europe, Seuil, avril 2004.

Elisabeth Guigou, Rallumer les étoiles, Calmann Lévy, septembre 2006.

Le cercle des économistes et Hubert Védrine, 5+5=32 Feuille de route pour une Union méditerranéenne, Perrin, 2007.

Paul Sant Cassia et Thierry Fabre (dir), Les défis et les peurs : entre Europe et Méditerranée, Actes Sud, 2005.

Rapport du Groupe des Sages créé à l’initiative du président de la Commission européenne, Le dialogue entre les peuples et les cultures dans l’espace euro-méditerranéen, octobre 2003.

« Dixième anniversaire du partenariat euro-méditerranéen : un programme de travail pour relever les défis des cinq prochaines années », Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, document COM(2005) 139, 12 avril 2005.

« Quelle Union méditerranéenne ? », Géoéconomie, n° 42, été 2007.

Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED), www.ipemed.coop/.

Institut Europeu de la Mediterrània, Med. 2007 Annuaire de la Méditerranée, http://www.medyearbook.com/

1 () Paul Balta, Méditerranée : défis et enjeux, L’Harmattan, 2000.

2 () 23 octobre 2007.

3 () Joseph Maila, Etudes, février 1997.

4 () Fernand Braudel, La Méditerranée : l’espace et l’histoire, Flammarion.

5 () M. Loïc Fauchon, audition du 26 septembre 2007.

6 () Un premier groupe de pays connaît une croissance démographique encore soutenue d’environ 1,5 % par an, et une pyramide des âges dont la base reste large en raison d’une part importante de la population âgée de 19 ans ou moins. A l’inverse, dans les autres pays, la part de la population âgée de plus de 75 ans dépasse les 5 % tandis que celle des jeunes est inférieure à 40 %.

7 () Audition du 19 septembre 2007.

8 () Audition de M. Jean-François Daguzan, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, 19 septembre 2007.

9 () Audition précitée de M. Jean-François Daguzan.

10 () Délégué général de l’institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED).

11 () « La reconnexion des nord et des sud : l’émergence de la région méditerranéenne », Géoéconomie, Eté 2007.

12 () Depuis l’adhésion, le 7 novembre 2007, de la Mauritanie au Processus de Barcelone, 11 États du Sud participent au dialogue euro-méditerranéen. La Libye, douzième Etat, dispose d’un statut d’observateur.

13 () Audition du 12 septembre 2007

14 () Audition du 19 septembre 2007

15 () Au-delà de l’appartenance au territoire européen, les critères d’adhésion à l’Union européenne définis lors du Conseil européen de Copenhague en décembre 1993 sont les suivants :

– la mise en place d’« institutions stables garantissant l’état de droit, la démocratie, les droits de l’homme, le respect des minorités et leur protection » ;

– une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l’intérieur de l’Union ;

– la capacité d’assumer les obligations d’adhésion à l’UE, et notamment de souscrire aux objectifs de l’union politique, économique et monétaire.

16 () Jean-Louis Guigou, délégué général d’IPEMed, « L’Union méditerranéenne : Un pari gagnable ? », 14 juin 2007

17 () Audition du 7 novembre 2007

18 () Audition du 26 septembre 2007

19 () 2000/458/PESC « Stratégie commune du Conseil européen du 19 juin 2000 à l’égard de la région méditerranéenne ».

20 () La politique européenne de voisinage a un champ géographique plus large que la Méditerranée. Elle concerne au Sud : le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Egypte, Israël, les Territoires palestiniens, la Jordanie, la Syrie, et le Liban, et à l’Est : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Belarus, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine.

21 () Selon les termes utilisés par le Président Nicolas Sarkozy lors de son discours de Tanger du 23 octobre 2007.

22 () Audition du 12 septembre 2007

23 () Le mécanisme juridique des coopérations renforcées a été créé en 1997 (Traité d’Amsterdam) mais n’a jusqu’à présent jamais été utilisé.

24 () Audition du 2 octobre 2007.

25 () Audition du 12 septembre 2007.

26 () cf. note de l’Ipemed « Union Méditerranéenne : Contribution de la Fondation pour le Monde méditerranéen : Un développement durable et solidaire pour une ambition mondiale », en annexe du présent rapport, page  155.

27 () Audition du 26 septembre 2007.

28 () Plan Bleu.

29 () La population des pays dans lesquels les ressources naturelles et renouvelables par habitant sont inférieures à 1.000 m3 eau / habitant / an.

30 () Le Cercle des économistes et Hubert Védrine, « 5+5=32 – Feuille de route pour une union méditerranéenne », Perrin, 2007.

31 () Si cet objectif était atteint, cela signifierait que, à l’horizon 2020, l’Union européenne consommerait environ 13 % d’énergie en moins qu’aujourd’hui, épargnerait 100 milliards d’euros par an et éviterait la production de quelque 780 millions de tonnes de CO2 chaque année.

32 () « 5+5 = 32 – Feuille de route pour une union méditerranéenne », op.cit., p. 100.

33 () « Le Dialogue entre les Peuples et les Cultures dans l’Espace euro-méditerranéen », Rapport du Groupe des Sages, octobre 2003. Ce groupe, créé à l’initiative de M. Romano Prodi alors Président de la Commission européenne, a été co-présidé par MM. Assia Alaoui Bensalah et Jean Daniel. Le groupe était par ailleurs constitué de : Malek Chebel, Juan Diez Nicolas, Umberto Eco, Shmuel N. Eisenstadt, George Joffé, Ahmed Kamal Aboulmagd, Bichara Khader, Adnan Wafic Kassar, Pedrag Matvejević, Rostane Mehdi, Fatima Mernissi, Tariq Ramadan, Faruk Sen, Faouzi Skali, Simone Susskind-Weinberger et Tullia Zevi.

34 () Audition du 18 septembre 2007.

35 () Audition du 12 septembre 2007.

36 () Audition du 12 septembre 2007.

37 () Audition du 2 octobre 2007.

38 () Audition du 18 septembre 2007.

39 () Audition du 19 septembre 2007.

40 () Audition du 28 novembre 2007.

41 () Algérie, Egypte, Maroc, Tunisie, Jordanie, Liban, Syrie, Yémen, Territoires palestiniens, Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie-Monténégro, Turquie.

42 () Ces huit pays sont l’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la Tunisie et les Territoires palestiniens.

43 () Audition du 26 septembre 2007.

44 () Il s’agit de l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Bélarus, la Géorgie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Moldova, la Mongolie, l’Ouzbékistan, la Russie, le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ukraine.

45 () Ce sont la Fédération de Russie, le Bélarus, l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

46 () Audition du 28 novembre 2007.

47 () Celle-ci est responsable de la mise en œuvre de la plupart de l’assistance communautaire en faveur de la République du Monténégro, de la République de Serbie et de l’ancienne République yougoslave de Macédoine sur décision de la Commission.

48 () Cette région regroupe dix-huit pays du Maroc à l’Iran.

49 () Jean-Michel Séverino, « La Méditerranée, concentré des fractures planétaires », Le Monde, 20 novembre 2007.

50 () Audition du 19 septembre 2007.

51 () Contribution de l’AFD au projet d’Union méditerranéenne.

52 () Le Cercle des économistes et Hubert Védrine, 5+5=32 Feuille de route pour une Union méditerranéenne, Perrin, 2007, 217 pages, p. 121.

53 () Audition du 12 septembre 2007.

54 () Audition du 18 septembre 2007.

55 () Les trois institutions sont CDC PME, du groupe Caisse des dépôts et consignation, PROPARCO, du groupe de l’Agence française de développement, et CEPAC, du groupe Caisse d’épargne.

56 () Audition du 26 septembre 2007.

57 () Audition du 26 septembre 2007.

58 () Fernand Braudel, « La Méditerranée, l’espace, l’histoire » Flammarion, 1985

59 () Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Autorité palestinienne, Israël, Liban, Syrie, Jordanie, Turquie – La Lybie observateur et la Mauritanie candidate ont un statut d’invité.

60 () « Pour une Communauté Euroméditerranéenne », appel lancé par des responsables politiques du Nord et du Sud de la Méditerranée dans le journal « Le Monde » daté du 6 décembre 2005. Cet appel a débouché sur la création de l’Institut de Prospective Economique du Monde méditerranéen (IPEMED) dirigé par Jean-Louis Guigou.


© Assemblée nationale