Accueil > Documents parlementaires > Les rapports d'information
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N° 919

_____________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 juin 2008

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

en application de l'article 29 du Règlement

au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée

parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur l'activité de cette Assemblée

au cours de la deuxième partie de sa session ordinaire de 2008

par M. Jean-Claude MIGNON

ET PRÉSENTÉ A LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en avril 2008, de  : MM. Roland Blum, Georges Colombier, Mmes Claude Greff, Arlette Grosskost, MM. Denis Jacquat, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, François Loncle, Noël Mamère, Jean-Claude Mignon, Germinal Peiro, François Rochebloine, en tant que membres titulaires, et Mme Brigitte Barèges, MM. Alain Cousin, Paul Giacobbi, Michel Hunault, Mme Marietta Karamanli, MM Jean-Paul Lecoq, Dominique Le Mener, Mme Muriel Marland-Militello, M. Frédéric Reiss, Mme Marie-Line Reynaud, MM. René Rouquet, André Schneider, en tant que membres suppléants.

S O M M A I R E

Pages

INTRODUCTION 5

I. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT

   DE LA SESSION 9

A. Liste des recommandations et résolutions adoptées 9

B. Interventions des parlementaires français 10

II. LES GRANDS DÉBATS DE LA SESSION 13

A. Les droits de l’homme 13

1. Le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie 13

2. Le recours abusif au système de justice pénale au Bélarus 17

3. Le rapport annuel d’activité 2007 du Commissaire aux droits de l’homme 17

4. L’adhésion de l’Union européenne/Communauté européenne

    à la Convention européenne des droits de l’homme 18

B. Les enjeux sociétaux 19

1. Les communautés musulmanes face à l’extrémisme 19

2. L’accès à un avortement sans risque et légal en Europe 25

3. Le suicide des enfants et des adolescents en Europe 30

4. La promotion de l’enseignement des littératures européennes 30

5. L’immigration en provenance d’Afrique subsaharienne 37

6. Le lien entre développement durable et tourisme :

    vers une croissance qualitative 40

C. Les questions de politique internationale 42

1. L’observation des élections dans différents pays membres

   du Conseil de l’Europe 42

2. Intervention de M. Ivan Gasparovic,

    Président de la République slovaque 44

3. Intervention de Mme Angela Merkel,

   Chancelière fédérale d’Allemagne 45

4. Intervention de Mme Ioulia Tymochenko,

   Premier Ministre d’Ukraine 46

5. Intervention de M. Bernard Kouchner,

   Ministre des Affaires étrangères et européennes 47

6. Débat d’actualité sur les conséquences

   de la déclaration d’indépendance du Kosovo 49

ANNEXES 51

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La deuxième partie de la session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’est déroulée du 14 au 18 avril 2008 à Strasbourg.

Au cours de cette session, l’Assemblée parlementaire a pu entendre plusieurs personnalités internationales : M. Ivan Gasparovic, Président de la République slovaque ; Mme Angela Merkel, chancelière de la République fédérale d’Allemagne ; Mme Ioulia Tymochenko, Premier Ministre de l’Ukraine ; M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes.

Les débats de cette session ont accordé une grande importance à la thématique des droits de l’homme, conformément à la vocation première du Conseil de l’Europe.

L’Assemblée a ainsi examiné un rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie, et un rapport sur le recours abusif au système de justice pénale au Bélarus. Elle a reçu communication du rapport annuel d’activité 2007 du Commissaire aux droits de l’homme, et s’est penchée sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.

Les enjeux sociétaux ont également occupé une grande part de l’ordre du jour de cette session. L’Assemblée s’est ainsi successivement intéressée à la situation des communautés musulmanes face à l’extrémisme, à l’accès à un avortement sans risque et légal en Europe, au suicide des enfants et adolescents, à la promotion de l’enseignement des littératures européennes, à l’immigration en provenance d’Afrique subsaharienne, et au lien entre développement durable et tourisme.

L’Assemblée a en outre organisé un débat d’actualité sur les conséquences de la déclaration d’indépendance du Kosovo.

Par ailleurs, la Commission des questions politiques s’est réunie le jeudi 16 au matin pour une audition sur la situation politique en Chine à la veille des Jeux Olympiques, la situation au Tibet n’ayant pas été retenue comme thème du débat d’urgence.

Au cours de cette session, le Président de la Délégation française a rencontré le Président de la Délégation allemande. Le bureau de la délégation française a été reçu par le bureau de la délégation monégasque. La délégation s'est largement entretenue avec le Ministre français des affaires étrangères et européennes avant son discours dans l'hémicycle. Le Président de l'Assemblée parlementaire s'est entretenu avec les présidents de délégations nationales.

Le 17 avril 2008, M. Denis Badré a été désigné rapporteur sur "l'Euroméditerranée : pour une stratégie du Conseil de l'Europe" par la commission des questions politiques.

A la suite de la session, M. Jean-Claude Mignon a été désigné rapporteur sur la situation en Chine par la commission des questions politiques.

Après avoir fait état des textes adoptés, le présent rapport reproduira les interventions des membres de la délégation française.

*

* *

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE FRANCAISE AUX ASSEMBLÉES DU CONSEIL DE L'EUROPE ET DE L'U.E.O

Membres titulaires (12 députés - 6 sénateurs)

     

Assemblée

Groupe

politique national

Groupe APCE

M.

Denis

BADRÉ

SÉNAT

UC-UDF

ADLE

M.

Roland

BLUM

A.N.

UMP

PPE

M.

Georges

COLOMBIER

A.N.

UMP

PPE

Mme

Josette

DURRIEU

SÉNAT

SOC

SOC

Mme

Claude

GREFF

A.N.

UMP

PPE

M.

Francis

GRIGNON

SÉNAT

UMP

PPE

Mme

Arlette

GROSSKOST

A.N.

UMP

PPE

M.

Denis

JACQUAT

A.N.

UMP

PPE

M.

Armand

JUNG

A.N.

SRC

SOC

M.

Jean-Pierre

KUCHEIDA

A.N.

SRC

SOC

M.

Jacques

LEGENDRE

SÉNAT

UMP

PPE

M.

François

LONCLE

A.N.

SRC

SOC

M.

Noël

MAMÈRE

A.N.

GDR

GUE

M.

Jean-Pierre

MASSERET

SÉNAT

SOC

SOC

M.

Jean-Claude

MIGNON

A.N.

UMP

PPE

M.

Philippe

NACHBAR

SÉNAT

UMP

PPE

M.

Germinal

PEIRO

A.N.

SRC

SOC

M.

François

ROCHEBLOINE

A.N.

NC

PPE

Membres suppléants (12 députés - 6 sénateurs)

     

Assemblée

Groupe

politique national

Groupe APCE

Mme

Brigitte

BARÈGES

A.N.

UMP

NI

M.

Laurent

BÉTEILLE

SÉNAT

UMP

PPE

M.

Jean-Guy

BRANGER

SÉNAT

UMP

PPE

M.

Alain

COUSIN

A.N.

UMP

PPE

M.

Michel

DREYFUS-SCHMIDT

SÉNAT

SOC

SOC

M.

Paul

GIACOBBI

A.N.

SRC

SOC

M.

Michel

HUNAULT

A.N.

NC

GDE

Mme

Marietta

KARAMANLI

A.N.

SRC

SOC

M.

Jean-François

LE GRAND

SÉNAT

UMP

PPE

M.

Dominique

LE MÈNER

A.N.

UMP

NI

M.

Jean-Paul

LECOQ

A.N.

GDR

GUE

Mme

Muriel

MARLAND-MILITELLO

A.N.

UMP

PPE

M.

Yves

POZZO DI BORGO

SÉNAT

UC-UDF

PPE

M.

Frédéric

REISS

A.N.

UMP

PPE

Mme

Marie-Line

REYNAUD

A.N.

SRC

SOC

M.

Roland

RIES

SÉNAT

SOC

SOC

M.

René

ROUQUET

A.N.

SRC

SOC

M.

André

SCHNEIDER

A.N.

UMP

PPE

BUREAU DE LA DÉLÉGATION FRANCAISE AUX ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES DU CONSEIL DE L'EUROPE ET DE L'U.E.O.

Président

M.

Jean-Claude

MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme

Arlette

GROSSKOST

Députée

UMP

Présidente déléguée pour l’UEO

Mme

Josette

DURRIEU

Sénatrice

SOC

           

Vice-présidents

M.

Alain

COUSIN

Député

UMP

 

M.

Michel

DREYFUS-SCHMIDT

Sénateur

SOC

 

M.

Francis

GRIGNON

Sénateur

UMP

 

M.

Denis

JACQUAT

Député

UMP

 

M.

Jean-Pierre

KUCHEIDA

Député

SRC

 

M.

Jacques

LEGENDRE

Sénateur

UMP

 

M.

François

LONCLE

Député

SRC

 

M.

Jean-Pierre

MASSERET

Sénateur

SOC

 

M.

François

ROCHEBLOINE

Député

NC

 

M.

André

SCHNEIDER

Député

UMP

I. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A.  Liste des recommandations et résolutions adoptées

Titre

Doc.

Recommandation 1831

Les communautés musulmanes face à l’extrémisme

11540

Recommandation 1832

Recours abusif au système de justice pénale au Bélarus

11464 et addendum

Recommandation 1833

Promouvoir l’enseignement des littératures européennes

11527

Recommandation 1834

Adhésion de l’Union/Communauté européenne à la Convention européenne des droits de l’homme

11533

Recommandation 1835

Développement durable et tourisme : vers une croissance qualitative

11539

Résolution 1605

Les communautés musulmanes européennes face à l’extrémisme

11540

Résolution 1606

Recours abusif au système de justice pénale au Bélarus

11464 et addendum

Résolution 1607

Accès à un avortement sans risque et légal en Europe

11537 rév

Résolution 1608

Le suicide des enfants et des adolescents en Europe : un grave problème de santé publique

11547

Résolution 1609

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie

11579

Résolution 1610

Adhésion de l’Union européenne/ Communauté européenne à la Convention européenne des droits de l’homme

11533

Résolution 1611

L’immigration en provenance d’Afrique subsaharienne

11526

B. Interventions des parlementaires français

Séance du lundi 14 avril, après-midi :

Intervention de M. Ivan Gasparovic

Question de M. Denis Badré sur la mise en œuvre des accords de Schengen

Rapport d’activité de la commission permanente

Interventions de :

- M. François Rochebloine sur la mission d’observation électorale en Arménie

- M. Denis Badré sur la mission d’observation des élections en Russie

Séance du mardi 15 avril, matin :

Les communautés musulmanes face à l’extrémisme

Interventions de :

- M. Jean-Guy Branger (nécessité d'une réflexion critique sur l’idéologie islamique)

- Mme Marie-Line Reynaud (défense des valeurs des droits de l’homme)

- M. Laurent Béteille (strict respect de la laïcité)

- M. Jean-Claude Mignon (nécessité d'un dialogue exigeant avec l’islam)

Intervention de Mme Angela Merkel

Question de M. François Rochebloine sur la politique méditerranéenne de l’Union européenne

Séances du mardi 15 avril après-midi :

Communication du Comité des ministres

Question de M. Jean-Claude Mignon sur le Tibet

Rapport annuel du Commissaire aux droits de l’homme

Interventions de :

- M. Laurent Béteille sur les relations avec les pays voisins du Conseil de l’Europe et la diffusion des valeurs démocratiques

- M. Jean-Claude Mignon sur les atteintes aux droits de l’homme au Tibet

Séance du mercredi 16 avril, matin :

Accès à un avortement sans risque et légal en Europe

Interventions de :

- M. Jean-Guy Branger sur les difficultés subsistant en France pour avorter

- Mme Josette Durrieu sur le droit des femmes à décider d’un avortement

- M. René Rouquet sur la réduction des disparités législatives

- Mme Claude Greff sur la situation française

Intervention de Mme Ioulia Tymochenko

Questions de :

- M. François Rochebloine sur les relations de l’Ukraine avec la Slovénie

- M. Jean-Guy Branger sur les procédures visant les maires de Kiev et de Kharkhiv

Séance du jeudi 17 avril, matin :

Fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie

Interventions de :

- M. Georges Colombier sur les progrès démocratiques enregistrés

- M. René Rouquet sur la nécessité de la confiance pour aboutir à une vraie démocratie

- M. François Rochebloine sur l’importance de la cohésion nationale.

Intervention de M. Bernard Kouchner

Question de M. Jean-Paul Lecoq sur le réchauffement climatique

Séance du jeudi 17 avril après-midi :

Promouvoir l’enseignement des littératures européennes

Interventions de :

- M. Jacques Legendre sur l’importance de la connaissance des littératures européennes

- M. Jean-Paul Lecoq sur le lien entre littératures européennes et citoyenneté européenne

- M. André Schneider sur la nécessité d’une Europe incarnée et pluraliste

- M. Jean-Guy Branger sur la conscience européenne

Vendredi 18 avril matin :

Immigration en provenance d’Afrique subsaharienne

Interventions de :

- M. Jean-Guy Branger sur l’importance des flux migratoires

- M. André Schneider sur la politique française en matière de maîtrise des flux migratoires

Développement durable et tourisme : vers une croissance qualitative

Intervention de M. Francis Grignon sur la coopération du Conseil de l’Europe avec les pays voisins en terme de développement durable

L'ensemble des documents et débats de l'Assemblée parlementaire

du Conseil de l'Europe

est consultable sur le site :

http://conseil-europe.assemblee-nationale.fr

II. LES GRANDS DÉBATS DE LA SESSION

A. Les droits de l’homme

1. Le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie

M. Georges Colombier, co-rapporteur de la Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe, a relevé les progrès et les lacunes de l’Arménie dans l’institution d’un régime démocratique après les manifestations violentes de février.

"Monsieur le Président, compte tenu du temps qu’il me reste, je dirai simplement que l’Assemblée du Conseil de l’Europe pourrait faire office de médiateur entre les différentes forces et garantir l’entière participation à ce processus des organes compétents du Conseil de l’Europe, notamment de la commission européenne pour la démocratie par le droit, à savoir la Commission de Venise.

Néanmoins, pour engager un tel dialogue, un certain nombre de conditions doivent être remplies : une enquête indépendante, transparente et crédible sur les événements du 1er mars, dont John Prescott a rappelé l’importance, et sur les circonstances qui les ont déclenchés, y compris le recours à la force prétendument excessif de la part de la police, doit être immédiatement menée ; la communauté internationale doit se tenir prête à suivre et assister cette enquête ; les personnes détenues suite aux récents événements, sur des motifs d’accusation qui semblent artificiels et politiques, doivent être libérées immédiatement ; les amendements récents de la loi relative à la tenue de réunions, assemblées, rassemblements et manifestations doivent être abrogés avec effet immédiat.

Tant que ces conditions ne sont pas remplies et qu’un dialogue franc sur les réformes n’est sérieusement engagé entre les forces politiques de la société arménienne, la crédibilité de l’Arménie en tant que membre du Conseil de l’Europe est mise en cause. Par conséquent, la commission est d’avis que l’Assemblée devrait envisager la possibilité de suspendre le droit de vote de la délégation arménienne auprès de l’Assemblée au début de la partie de session de juin 2008 si aucun progrès considérable n’a été accompli d’ici là sur ces exigences."

M. René Rouquet a, pour sa part, invité à la confiance envers cette jeune démocratie et lancé un appel au Président arménien en vue de restaurer la confiance de la société civile.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, avec l’ensemble du Groupe socialiste, nous nous félicitons qu’un débat d’urgence ait pu s’organiser, ici, sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie.

D’abord, parce que l’Arménie sort meurtrie de la période de troubles, qui a fait suite à l’élection présidentielle du 19 février. Le climat de violence et les manifestations qui ont laissé des traumatismes réels au sein du peuple arménien ne laissent, ici, personne indifférent.

Ensuite, parce que nous avons tous conscience de la nécessité désormais de sortir au plus tôt de la crise actuelle, pour permettre à ce pays, auquel nous sommes tant attachés, d’avancer dans les réformes mentionnées par nos collègues John Prescott et Georges Colombier dans leur rapport – dont je salue la qualité et la rigueur – et pour progresser dans le cadre du dialogue démocratique que nous appelons tous de nos vœux, entre les forces politiques de la société.

Enfin, parce que nous sommes nombreux, ici, à nous être engagés sans compter, ces dernières années, dans une action de longue haleine auprès de l’Arménie et de son peuple, pour aider à l’évolution démocratique de ses institutions, nous regretterions de voir autant d’efforts réduits à néant dix-sept ans après son accès à l’indépendance.

Je voudrais lancer un appel bien au-delà de l’Assemblée parlementaire au nouveau Président Sarkissian, pour que chacun, désormais, à ses côtés, s’emploie à ce que l’Arménie retrouve le chemin du fonctionnement démocratique et du redressement économique engagé ces dernières années.

Avec l’appui et la vigilance de la communauté internationale, et l’entière participation à ce processus des organes compétents du Conseil de l’Europe, c’est au Président arménien qu’il appartient de restaurer à présent la confiance de la société civile envers les institutions. Cela passera évidemment par le renforcement du rôle du Parlement, par la restauration des mécanismes du dialogue politique et de la liberté d’expression avec l’ensemble des acteurs œuvrant pour le fonctionnement du pays, et en conformité avec le standards européens, tel qu’il s’y est engagé dans son intervention du 9 avril.

Cette normalisation dépendra aussi de la capacité de tous les acteurs du pays à accepter les termes du mémorandum signé le 15 avril à la suite des conclusions du Groupe de Venise et de ses experts. Il y a là, pour l’Arménie, un enjeu capital dans les progrès à accomplir de la part de tous ses dirigeants : en premier lieu, celui d’accepter les résultats du suffrage universel ! Celui aussi de ne plus peser sur les leviers du mécontentement né des difficultés sociales et économiques du pays, pour entraîner le peuple dans une aventure sans lendemain ! Voilà les signes de la maturité d’un pays et de sa démocratie.

Aujourd’hui, chers collègues, je vous demande d’avoir confiance en la pérennité des valeurs ancestrales du peuple arménien et à son esprit de responsabilité qu’il a souvent démontré par le passé pour rénover le climat politique du pays et réformer ses institutions.

N’est-il pas de notre responsabilité ici de tout faire pour éviter que des sanctions trop sévères viennent réduire à néant les efforts de restauration menés précédemment et auxquels les nouveaux dirigeants viennent de s’engager ? Il s’agirait en l’occurrence d’un processus regrettable qui, en outre, ne manquerait pas de poser les mêmes problèmes lors de prochains scrutins, en particulier ceux qui se dérouleront en Azerbaïdjan, dès l’automne.

Parce que nous sommes attachés à l’Arménie, à son peuple et à son avenir, ne faut-il pas donner une chance aux propositions de la coalition gouvernementale, afin de pouvoir travailler dans un esprit d’unité nationale et de respect du pluralisme ?

Au regard des engagements de ces derniers jours et sous couvert du travail de médiation que notre Assemblée pourrait mener, ne pensez-vous pas qu’il faut avoir confiance en la capacité de l’Arménie à avancer sur la voie des réformes pour surmonter la crise récente et pour tirer les leçons de ces déplorables événements, avec intelligence et sagesse ?

C’est à mon sens la condition pour que l’Arménie progresse dans la voie de la paix civile et de la démocratie et qu’elle retrouve son rayonnement."

M. François Rochebloine a insisté pour sa part sur l’importance de la cohésion nationale pour l’Arménie et s’est félicité de la constitution d’un gouvernement de coalition.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, comme chacun le sait dans cette Assemblée, je suis de près et avec amitié, et cela depuis de nombreuses années, la marche du peuple arménien vers son indépendance. Après la reconquête de l’indépendance politique en 1991, après des siècles de domination étrangère, il s’agit maintenant pour ce peuple de reconquérir la capacité à construire un destin commun, sur le fondement de solides traditions nationales.

Construire un destin commun, cela veut dire, dans l’ordre politique, mettre en œuvre les droits démocratiques individuels et collectifs, respecter la liberté d’opinion, assurer des élections libres. Parce que je suis et serai toujours l’ami de l’Arménie et de tous les Arméniens, je ne veux pas dissimuler la préoccupation que m’ont inspirée certains événements qui ont suivi l’élection présidentielle du 19 février dernier, avec des arrestations et la mise en place de mesures qui ont limité l’exercice concret de libertés auxquelles les démocraties occidentales sont attachées.

Si celles-ci tiennent à ces libertés, ce n’est pas par esprit de système, mais parce que leur histoire leur a enseigné que la pratique du débat et le respect des droits de tous sont un facteur de cohésion nationale et, de ce fait, de force politique.

Importante pour tout Etat, la cohésion nationale est vitale pour l’Arménie, elle qui est confrontée au blocus économique de la Turquie, et exposée à subir les contrecoups des incertitudes politiques dans la région du Caucase du Sud et de ses environs immédiats.

Certaines forces extérieures ne voient dans l’Arménie qu’un terrain d’applications particulier pour leurs rivalités continentales ou planétaires. La manœuvre est ancienne, simple et efficace : susciter des troubles, avant de s’ériger en juges de leurs auteurs, et ainsi, renforcer une domination politique. Ce scénario néfaste semble avoir été tenté une fois de plus. Je déplore profondément qu’il ait causé de nombreux actes de violence qui ont entraîné la mort d’hommes.

Aussi, est-il nécessaire d’établir les conditions d’un nouveau départ de la vie démocratique en Arménie. Mais cela ne peut être imposé de l’extérieur, c’est l’affaire des Arméniens et d’eux seuls et non pas de certains donneurs de leçons, comme vient de le faire une nouvelle fois Mme Hajiyeva. C’est la raison pour laquelle je me félicite, comme nos rapporteurs, MM. Georges Colombier et John Prescott, de l’accord passé le 21 mars dernier entre le Président de la République et plusieurs partis en vue de la constitution d’un gouvernement de coalition. Je souhaite que cet accord permette le développement d’initiatives assurant la stabilisation de la situation politique du pays.

La volonté manifestée par le Président Serge Sarkissian et ses premières traductions me donnent bon espoir ; c’est pour cela qu’il serait regrettable, je pense, de brandir aujourd’hui une menace de suspension de vote à l’Arménie, ce qui paraîtrait signifier que les jeux sont déjà faits. Au contraire, je fais confiance aux nouveaux responsables de cette jeune République pour qu’ils se montrent à la hauteur de l’enjeu et respectent les engagements qu’ils ont pris. Il en va de l’avenir de l’Arménie."

2. Le recours abusif au système de justice pénale au Bélarus

Le rapport de la Commission des questions juridiques a fait état des nombreux recours abusifs au système de la justice pénale pour des motifs politiques qui se sont produits ces dernières années, et qui continuent d’avoir lieu dans la République du Bélarus.

La Commission des questions juridiques encourage les défenseurs des droits de l’homme du Bélarus et de la communauté internationale à tenir, de façon transparente et objective, une liste des victimes et d’auteurs de recours abusifs au système de justice pénale à des fins politiques.

3. Le rapport annuel d’activité 2007 du Commissaire aux droits de l’homme

Après la présentation de son rapport annuel, le Commissaire aux droits de l’homme a répondu aux questions des parlementaires.

M. Laurent Béteille s’est interrogé sur la diffusion des valeurs du Conseil de l’Europe au-delà de ses frontières.

"Monsieur le Commissaire, la question porte sur l’action que vous pourriez entreprendre dans les États qui ne font pas partie du Conseil de l’Europe afin de diffuser au-delà de ses frontières une culture et des pratiques plus respectueuses des principes et valeurs de nos institutions.

Les relations avec les pays voisins du Conseil de l’Europe, en particulier l’Asie centrale, figurent en effet parmi les priorités du Président de notre Assemblée. Une réflexion est engagée sur un nouveau statut pour les États non membres qui souhaitent coopérer avec notre institution. Il me semble que le commissaire aux droits de l’homme a un rôle important à jouer dans cette réflexion. Notre institution, et plus particulièrement notre Assemblée, cherche à développer un dialogue institutionnel légitime avec ces États. Aussi, je souhaiterais obtenir l’avis de M. Hammarberg sur la possibilité d’orienter son activité dans cette direction."

M. Hammarberg lui a répondu que le Conseil de l’Europe devait établir des relations avec le Bélarus pour contribuer à une évolution positive de ce pays.

Concernant l’Asie centrale, les contacts ont lieu par l’intermédiaire de la CEI et avec les représentants de l’OSCE. Actuellement, ni le Conseil de l’Europe, ni le Commissaire ne peuvent apporter leur expertise dans cette région.

M. Jean-Claude Mignon a interpellé le Commissaire aux droits de l’homme sur la situation au Tibet.

"Monsieur le Commissaire, le Conseil de l’Europe est l’organisation internationale la plus prestigieuse dans le domaine de la défense des droits de l’homme. Étant donné le message qui est le nôtre, est-il envisageable que le Conseil de l’Europe ne s’exprime pas sur la gravité des atteintes aux droits de l’homme au Tibet ? Ce serait incompréhensible, compte tenu des interrogations croissantes dans la plupart de nos pays sur la nature des messages à adresser au gouvernement chinois.

Que comptez-vous faire pour rappeler au gouvernement chinois les obligations qu’il a prises en matière de droits de l’homme lors de l’attribution des Jeux Olympiques ? Plus précisément, êtes-vous prêt à relayer le souhait manifesté par plusieurs parlementaires siégeant au Conseil de l’Europe de recevoir le Dalaï Lama lors de la prochaine session de notre Assemblée, au mois de juin ?"

M. Hammarberg lui a répondu qu’il a observé, comme tout le monde, la façon dont les forces de police ont réprimé les manifestations de Lhassa, mais les ressources du Conseil de l’Europe étant limitées, il faut hélas se limiter aux territoires qui sont de sa compétence géographique. Il lui a indiqué qu’il ne se sentait tout simplement pas en mesure d’avoir ce que l’on pourrait appeler "une politique des droits de l’homme extérieure".

4. L’adhésion de l’Union européenne/Communauté européenne à la Convention européenne des Droits de l’homme

La Commission des questions juridiques a estimé dans son rapport qu’il est grand temps que l’Union européenne entame la procédure d’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme, qui fait l’objet d’un large consensus.

B.  Les enjeux sociétaux

1. Les communautés musulmanes face à l’extrémisme

M. Jean-Guy Branger a fait l’éloge du rapport de la Commission des questions politiques alors même que le sujet était difficile. Il a refusé l’idée d’un choc des civilisations mais a plaidé pour une réflexion critique sur l’idéologie islamique.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, je tenais avant tout à saluer l’excellent travail de notre collègue João Bosco Mota Amaral et à remercier son auteur, et par delà, la commission des questions politiques, de nous proposer de débattre d’un tel sujet dans cet hémicycle, en disposant, au travers du texte, d’éléments de réflexion équilibrés et empreints d’une certaine sagesse. L’exercice était difficile, tant les précédentes sessions nous ont montré que la question religieuse est souvent prétexte, dans cette Assemblée, à des interprétations hâtives, privilégiant la liberté des uns aux dépens de celle des autres. A l’image du texte sur les dangers du créationnisme, ce rapport devrait pourtant faire date tant il cerne les responsabilités de chacun et n’écarte aucune piste d’explication de la montée de l’intégrisme au sein de la communauté musulmane.

Le refus de céder à la tentation intellectuelle du choc des civilisations ne doit pas pour autant nous exonérer d’une réflexion critique à l’égard d’un islam politisé et idéologisé, totalitarisme des temps modernes. A rebours des valeurs de nos sociétés libérales, privilégiant la communauté à l’individu, il condamne la conscience au nom d’une interprétation de la croyance. Cet islam-là, que dis-je, cet islamisme, n’a rien à voir avec les fondements généreux de la religion musulmane, ceux des poètes soufis ou d’Averroès. C’est vers les héritiers de ces derniers que nous devons nous tourner en vue d’instaurer un dialogue interculturel de qualité, fondé sur un respect réciproque et apte à faire émerger des solutions spécifiques aux problèmes d’intégration rencontrés ça et là par les musulmans au sein de nos Etats.

La mise en œuvre de ce dialogue responsable est la première de nos responsabilités. Elle dépasse à mon sens la nécessité pour les Etats d’accorder ou non le droit de vote aux populations immigrées. Je ne crois pas à une aspiration par la communauté nationale des nouveaux arrivants mais bien à une intégration volontaire au sein de celle-ci. En France, le droit de vote est lié et doit, à mon sens, le rester, à l’obtention de la nationalité française. Celle-ci résulte, pour les populations immigrées, d’une démarche d’adhésion aux valeurs de la Nation. Je ne peux, en conséquence, le concevoir comme une procédure automatique, sorte de carte de fidélité politique, sans manifestation tangible d’un souhait réel et profond de s’intégrer complètement à la société française.

Il me semble, à cet égard, juste de rappeler que dans le débat qui nous préoccupe aujourd’hui, il convient d’écarter toute tentative d’explication unique de la montée du radicalisme religieux par le seul angle sociologique, imputant aux Etats occidentaux l’unique responsabilité de cette dérive. Nos sociétés n’ont pas à s’excuser continuellement de ce qu’elles sont, elles ont simplement à s’ouvrir, sans se renier.

Hannah Arendt a, dans ses travaux sur les origines du totalitarisme, souligné que celui-ci prospérait au sein des masses déracinées et "désintéressées" selon ses propres termes. Il nous revient aujourd’hui d’intéresser à nouveau, d’affirmer et de promouvoir nos valeurs de liberté, d’ouverture et de respect, celles qui fondent le pacte républicain depuis des siècles et qui sont les meilleures réponses à tout radicalisme."

Mme Marie-Line Reynaud a mis en garde contre tous les amalgames en la matière, mais a invité les pays membres du Conseil de l’Europe à rester fermes quant à la protection des valeurs de défense des droits de l’homme et a prôné le respect de la laïcité.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, notre collègue portugais, M. Mota Amaral, a fait un rapport très complet sur les communautés musulmanes européennes face à l’extrémisme, rapport qui tient compte des conclusions de l’audition qui s’était tenue à Paris en juin 2006, sur ce même thème.

Quelques distinctions essentielles rappelées dans ce rapport doivent être absolument soulignées : ne pas confondre l’islam comme religion avec l’intégrisme islamique comme idéologie, non plus qu’avec l’extrémisme ou le terrorisme. Les amalgames trop rapides sont toujours dangereux en la matière, et la majorité des musulmans européens n’aspire qu’à pouvoir pratiquer tranquillement sa religion dans un lieu approprié.

A cet égard, cependant, il convient de rappeler que les leaders des communautés musulmanes ont une responsabilité particulière pour ne pas favoriser les discours extrémistes ou violents, et souligner le nécessaire respect des règles en vigueur dans l’Etat où ils vivent.

Le développement d’une intelligentsia laïque d’origine musulmane est éminemment souhaitable.

Les Etats, quant à eux, ont le devoir de lutter contre toutes les discriminations injustes qui peuvent susciter les griefs et le ressentiment, de favoriser l’insertion et l’intégration économique, politique et culturelle des musulmans et d’encourager le dialogue interculturel.

Le Conseil de l’Europe comme l’Union européenne prêtent la plus grande attention au problème de la discrimination à l’encontre des musulmans. Cela dit, si la connaissance de l’islam et le dialogue interculturel doivent être encouragés, il n’en reste pas moins que les Etats européens sont fondés sur le principe de laïcité. Ils ne sauraient accepter que la pratique religieuse serve de paravent à des pratiques incompatibles avec les droits de l’homme.

A cet égard, les récentes déclarations de l’archevêque de Canterburry, sur la nécessité d’intégrer certains aspects de la charia en Grande-Bretagne sont pour le moins surprenantes et inquiétantes, car le citoyen britannique musulman relèverait alors d’un droit différent de celui du citoyen non musulman.

Une des questions qui pose problème dans ce débat est que la laïcité est une notion qui n’a pas forcément grand sens pour l’islam. Cela est un défi à relever et doit faire partie du dialogue exigeant à mener avec les responsables musulmans.

Les Etats européens laïcs ne sont pas fermés à la pratique religieuse mais ils considèrent que l’inégalité entre les sexes, les crimes d’honneur, la polygamie, les mariages forcés et la discrimination des personnes homosexuelles sont contraires à la loi et à l’esprit européen. Les Etats européens ne sauraient revenir sur ces importants acquis des droits de l’homme et de la démocratie sans se renier eux-mêmes.

Comme le dit le rapporteur, il n’y a pas de choc inévitable des civilisations mais il y a un choc entre l’idéologie politique de l’intégrisme islamique et l’idéologie de la démocratie et des droits de l’homme.

Les communautés musulmanes européennes et les pays membres du Conseil de l’Europe doivent œuvrer de concert pour lutter contre la tentation de l’intégrisme islamique, notamment auprès des jeunes musulmans européens."

M. Laurent Béteille a plaidé vigoureusement pour un strict respect de la laïcité.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à mon tour à féliciter M. Mota Amaral, qui a succédé sur ce dossier à notre regretté collègue Daniel Goulet, pour la grande qualité de son rapport très complet qui, sans occulter les problèmes, est parvenu à des positions équilibrées sur un sujet particulièrement difficile et qui n’est sans doute pas près de quitter l’actualité de nos Etats.

A vrai dire, je suis réservé sur un seul point, celui développé au paragraphe 8.5.1 du projet de résolution, qui établit un lien, selon moi un peu rapide, entre droit de vote des immigrés et lutte contre l’extrémisme, qui, de surcroît, relève davantage de la souveraineté des États que de la compétence du Conseil de l’Europe et dépasse, il faut bien le dire, assez largement le cadre du rapport.

J’apprécie tout particulièrement, en revanche, la ligne réaliste adoptée par le rapporteur, laquelle consiste à repousser la logique du "choc des civilisations" et à défendre celle du dialogue interculturel et de la compréhension mutuelle. Celle-ci est d’ailleurs prônée et mise en œuvre dans d’autres instances européennes. Je pense notamment aux institutions du processus de Barcelone et plus particulièrement à l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, dont les travaux, au cours de sa 4e session plénière à Athènes, ont largement été consacrés à ce sujet et au dialogue interculturel. J’ai d’ailleurs déposé un amendement au projet de recommandation qui a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires politiques.

Je partage l’avis du rapporteur pour qui la prévention de l’extrémisme passe par la lutte contre les discriminations dont sont encore trop souvent victimes les musulmans issus de l’immigration. De ce point de vue, la France a renforcé son arsenal juridique avec la loi du 30 décembre 2004 qui institue une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, qui repose sur l’idée que le refus des communautarismes ne se conçoit pas sans lutte contre l’injustice.

Par ailleurs, la lecture du rapport m’a conforté, s’il en était besoin, sur les innombrables bienfaits, en termes civiques et politiques, de la laïcité.

La laïcité n’est pas et ne doit pas être la négation du sentiment religieux mais la condition sine qua non de la concorde civile. Dès lors que l’Etat affirme sa neutralité en matière de convictions religieuses, qui relèvent de la sphère intime des individus, les différentes communautés religieuses doivent pouvoir vivre en harmonie les unes avec les autres. Car la laïcité est aussi la condition du pluralisme et de la liberté religieuse et liberté de conscience, en particulier.

Ainsi, s’il est un principe à la défense duquel nous ne devons pas transiger, c’est bien la laïcité. Or, vous le savez, mes chers collègues, la laïcité fait aujourd’hui l’objet d’offensives délibérées de la part de groupes, certes très minoritaires, mais déterminés qui, poursuivant des buts politiques, n’hésitent pas à manipuler la religion pour imposer leur point de vue liberticide. En France, les services publics ont été la cible de ces offensives, l’école, mais aussi parfois les hôpitaux, ou encore les piscines, dont la mixité est contestée.

C’est pourquoi le 15 mars 2004, nous avons voté un texte visant à éliminer les symboles religieux de nos établissements scolaires. Que cette loi ait fait l’objet de critiques de la part d’Al Qaïda dans ses prêches meurtriers, est sans doute le meilleur brevet démocratique qu’on pouvait lui délivrer."

M. Jean-Claude Mignon s’est prononcé pour un dialogue exigeant qui ne renie rien des différences de valeurs entre les uns et les autres et a souhaité un approfondissement de la réflexion sur ces thèmes.

"Je suis heureux que notre Assemblée se saisisse de la question relative à l’attitude des communautés musulmanes face à l’extrémisme. C’est, en effet, une question fondamentale pour l’avenir de l’Europe et, malheureusement, pendant trop longtemps, elle a été éludée, souvent par méconnaissance, parfois par crainte.

Je tiens d’abord à saluer les distinctions salutaires opérées dans les projets qui nous sont présentés. Je dis "salutaires", car ces distinctions évitent un amalgame facile et fâcheux. La religion ne se confond naturellement pas avec l’intégrisme qui est perversion de la religion. Toutefois, l’intégrisme ne se confond pas non plus avec le terrorisme. Un intégriste, aussi scrupuleux soit-il dans ses observances religieuses, n’est pas automatiquement un tueur. En revanche, le terrorisme est frère de l’intégrisme lorsque celui-ci se donne des buts politiques. Dans ce cas, la terreur devient une arme, une arme de destruction massive. Des milliers de victimes d’attentats, de tueries et d’exécutions en témoignent.

Ne pas respecter ces distinctions, c’est verser nous-mêmes dans l’extrémisme. C’est considérer que plus d’un milliard d’hommes sont des terroristes. C’est considérer aussi que l’ensemble des religions, des croyances, des philosophies sont porteuses du germe de la terreur. Or le Conseil de L’Europe a toujours répété inlassablement que la dignité de l’Homme exige le respect de ses croyances.

Toutefois, je regrette que les deux projets qui nous sont soumis laissent en suspens certaines questions. Est-ce simplement en niant le concept de "choc des civilisations" que nous conjurerons la violence et la haine ? Si nous voulons éviter ce fameux choc, ce n’est surtout pas en niant ce qui nous sépare.

La civilisation européenne s’est essentiellement construite à partir de ses racines gréco-romaines et judéo-chrétiennes. La conception que nous avons du droit, de la religion, de l’Etat ou de la laïcité en découle. "Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu" : voilà la source de la laïcité. C’est un consensus sur lequel se retrouvent les plus éminents spécialistes.

De ce point de vue, que la laïcité ne fasse pas partie de la tradition de l’islam n’a rien en soi de choquant. Ce qui l’est c’est de faire comme si un tel problème pouvait se régler uniquement par un simple changement de législation, par la lutte contre les discriminations, par l’amélioration des conditions économiques et sociales.

Ce qui est choquant, c’est d’accepter une juxtaposition des valeurs sans volonté de trancher entre elles. Que vaut en effet une coexistence où chacun camperait sur ses positions ? Nous le savons, la coexistence n’est qu’un état temporaire. Elle peut évoluer vers la paix, mais elle peut tout aussi bien dégénérer en conflit. Dans les années 60, à l’heure de la détente entre les deux blocs, la coexistence pacifique entre le monde communiste et le monde libre était devenu un credo. La guerre froide était-elle pour autant terminée ? Les tensions palpables dans le monde entier ne pouvaient-elles pas se transformer en guerre nucléaire ?

C’est pourquoi je regrette que le rapport ne soit finalement pas plus incisif et que les questions ne soient pas posées plus franchement. Un dialogue est certes nécessaire, où chacun prendrait ses responsabilités : mais ce dialogue ne doit surtout pas se construire sur des non-dits. Je salue à ce sujet d’ailleurs les différentes initiatives du Conseil de l’Europe dans le domaine des dialogues interculturels et interreligieux. Nous devons aller au bout de cette logique. N’hésitons pas à promouvoir un travail critique sur les textes fondateurs. N’hésitons pas à les confronter aux valeurs fondamentales reconnues dans nos sociétés. Nous éviterons les paroles convenues, les préjugés, les approximations.

Comme nous ne pouvons pas parler de maladie sans inviter des médecins à prendre la parole, nous ne pouvons pas entamer un dialogue interreligieux sans inviter des théologiens et des spécialistes de religions – et de toutes les religions présentes en Europe. Je regrette ainsi que les auditions n’aient pas été élargies en ce sens.

Vous comprendrez donc que si je suis favorable à ce rapport, je veux dans le même temps inviter à aller encore plus loin et à assumer sans peur les questions telles qu’elles se posent réellement. Il en va de l’avenir de l’Europe, il en va de la préservation de la paix."

2. L’accès à un avortement sans risque et légal en Europe

M. Jean-Guy Branger a rappelé que même en France, trente ans après l’adoption de la loi Veil, il est difficile pour les femmes d’avorter.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer le travail de notre collègue Mme Wurm, qui a établi un rapport, certes controversé, mais que j’estime courageux.

Ne nous leurrons pas. L’alternative ne se situe pas entre l’autorisation de l’avortement et le nécessaire encouragement de la politique familiale, mais entre l’avortement légal et sans risque et l’avortement à l’étranger, voire des méthodes plus barbares, avec tous les risques que cela comporte pour la santé des femmes ! En Pologne, le nombre des avortements clandestins serait de 80 000 par an.

Il ne faut pas non plus opposer contraception et avortement en pensant que l’un est le substitut automatique de l’autre. Selon une étude réalisée en France, augmenter la prévalence de la contraception de 50 %, ne diminuerait que de 32 % le nombre des avortements. Il faut toutefois mettre en garde, dans les campagnes d’information – ainsi qu’en sensibilisant les médecins et les plannings familiaux – contre une idée trop répandue chez les jeunes filles et jeunes femmes, selon laquelle la pilule abortive serait un mode de contraception comme un autre.

Tout cela, notre rapporteure l’explique fort bien. Il me semble que le point le plus inquiétant soulevé par notre collègue est celui des difficultés d’accès auxquelles se heurtent les femmes. Ce constat peut aussi être dressé en France, plus de trente ans après la législation de l’interruption volontaire de grossesse, à l’initiative de Simone Veil. Une enquête réalisée en 2005 pour l’administration hospitalière a permis de constater un taux de refus de prise en charge de 47 %, à l’issue d’un appel téléphonique à un établissement. Dans 94 % des établissements, l’IVG serait pratiquée en fonction des plages horaires libérées par les autres activités. Lorsqu’une date d’intervention est fixée, elle l’est, dans 25 % des cas, deux à trois semaines après l’appel, alors que la Haute Autorité de santé recommande une prise en charge dans les cinq jours. C’est en effet bien souvent la seule possibilité de respecter le délai légal, qui en France est fixé à 12 semaines de grossesse, soit 14 semaines d’aménorrhée. Par ailleurs, selon certaines estimations, chaque année, entre 3 000 et 5 000 femmes françaises seraient contraintes de se rendre à l’étranger pour y subir une IVG.

Quant aux médecins, ils sont de plus en plus nombreux à invoquer la clause de conscience, quand ils ne dénoncent pas l’IVG comme étant peu gratifiante professionnellement parlant, pour eux qui sont censés préserver la vie, ou même, pour certains, peu rémunératrice…

L’avortement nous concerne tous, hommes et femmes. Il est une question de droit, et pas seulement l’expression d’un désir de femmes. Il est l’une des composantes de notre liberté, nous devons aider l’ensemble des Ėtats membres du Conseil de l’Europe, et au-delà, à en prendre conscience."

Mme Josette Durrieu a vigoureusement défendu le droit pour les femmes de décider de l’opportunité d’un avortement au demeurant toujours traumatisant.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, je viens d’entendre les arguments longuement développés par nos collègues de Pologne, de Chypre, d’Italie et d’Irlande. Ces arguments, je ne les partage pas et je revendique le respect de mon droit à avoir un espace privé. Je n’ai pas envie de céder à quiconque le droit de répondre à ma place à la question existentielle que je me pose sur le mystère de la vie, sur ses premiers moments et sur ses derniers, car avortement, naissance, droit de mourir dans la dignité, tout cela relève d’une même démarche existentielle.

Je crois que ceux qui s’arrogent le droit de décider à ma place ne respectent pas mes droits, ma liberté, mon droit à déterminer le moment de la naissance de mon enfant et la liberté qui m’appartient de disposer de mon corps.

L’avortement doit être à la fois légalisé et dépénalisé. A ceux qui se posaient la question tout à l’heure, je répondrai que dans mon pays, la France, la loi de 1920 aboutissait à punir de mort la femme qui avortait. La dernière femme a été exécutée en 1943, guillotinée. C’est ça aussi la réalité de nos pays !

Dans mon pays, les choses semblent acquises, mais rien n’est jamais acquis ! Il y a deux mois seulement, la Cour de Cassation a reconnu l’existence juridique du fœtus mort-né, quel que soit son poids, quelle que soit la durée de la grossesse. Il peut désormais être déclaré à l’état civil. Cette décision marque aussi un retour en arrière.

Oui, l’avortement doit être légalisé et en même temps, encadré. Douze, dix-huit, vingt-deux ou vingt-quatre semaines, en deçà de quel délai peut-on l’autoriser ? Douze semaines, c’est le moment où l’embryon devient fœtus, où les organes sont développés. La plupart des femmes qui avortent le font autour de cinq à huit semaines.

La grossesse est une bénédiction quand elle est acceptée ; mais une femme sur deux avorte au moins une fois, et combien avortent au moins deux fois ! Essayons de comptabiliser ce qu’ont été nos réalités aux unes et aux autres. En fait, nos réalités sont partagées. Ces femmes qui avortent, ou bien elles ont moins de dix-huit ans, et ce sont nos filles, ou bien elles ont plus de quarante ans et ce sont vos femmes. Tous ces drames sont partagés, je le suppose. Essayons de les éviter ! Croyez-moi, ce sont des drames physiques, psychologiques, moraux qui durent toute une vie. Evitez cela à vos filles et à vos femmes ! Evitons cela ! Légalisons l’avortement en l’encadrant."

M. René Rouquet a plaidé pour une réduction des disparités législatives et pour le respect de l’intégrité physique des femmes.

"Monsieur le Président, chers collègues, le projet de résolution de notre collègue Mme Gisela Wurm revêt une importance particulière pour notre Assemblée car, pour la première fois, au-delà des résolutions prises ici antérieurement, ce rapport invite les États membre ne l’ayant pas encore fait, non seulement à dépénaliser l’avortement, mais également à garantir l’exercice effectif du droit des femmes à l’avortement sans risque et à permettre un égal accès à la contraception et à l’éducation sexuelle.

Approuvé à une large majorité des membres de la Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ce rapport nous invite à lever les restrictions qui entravent encore trop souvent l’accès à un avortement sans risque dans les Etats membres. Ces restrictions engagent beaucoup de femmes dans des processus thérapeutiques, clandestins, traumatisants et dangereux.

Mes chers collègues, l’Assemblée n’a jamais adopté de résolution ou de recommandation sur l’avortement proprement dit. Nous avons aujourd’hui l’occasion de mener ici une discussion dépassionnée malgré les clivages subsistant encore en Europe sur un sujet qui reste sensible, ô combien ! Il mêle les sphères sociale, médicale, philosophique, idéologique et éthique. Mais son objet doit nous réunir tous ! Il s’agit de préserver la santé des femmes, de garantir le respect de leur intégrité physique et le droit de disposer librement de leur corps, conditions qui tardent encore à être réunies partout.

Oui, il nous faut offrir aux femmes les conditions d’un choix libre et éclairé. On observe encore de trop grandes disparités entre les État membres, sources de trop d’injustice : disparités géographiques entre les pays qui ont ou non, légalisé l’avortement, inégalités législatives au sein même de pays ayant légalisé l’avortement mais où il est encore souvent inaccessible pour des raisons financières, sociales, culturelles ou médicales.

L’écrivain Albert Camus disait : "Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le règlera pas, mais sa tâche est peut-être plus grande, elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse". Voilà l’enjeu : au-delà des débats moraux et idéologiques, il est prioritaire de préserver l’intégrité physique des femmes, car la régression serait de remettre en cause l’avortement et la liberté de disposer de son corps. Nous devons prendre garde à de telles remises en question.

Ce débat ne nie pas les débats actuels dans nos sociétés, mais il a le mérite de dépasser de tels clivages pour privilégier un objectif qui nous rassemble tous ici : celui du droit des femmes à la vie et à la santé. Parmi toutes les contributions de l’ensemble des branches du droit international et des organes internationaux qui font autorité, je retiendrai pour conclure la position d’Amnesty International qui place le débat non sur le plan moral mais sur le droit de tout être humain au respect de son intégrité physique et son droit à disposer librement de son corps contre toute forme de violence."

Mme Claude Greff a donné des éléments sur la situation française et apporté son soutien au rapport tout en insistant sur l’importance de la prévention.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi de commencer cette intervention en remerciant Mme Wurm pour son rapport sur l’accès à un avortement sans risque et légal en Europe.

Notre collègue résume la position de l’Assemblée parlementaire sur l’avortement en des termes très clairs : "L’avortement ne doit en aucun cas être promu en tant que méthode de planification familiale. Mais lorsque l’avortement n’est pas illégal, il doit être sûr et accessible".

Cette position semble sage et raisonnable. L’avortement ne saurait être considéré comme une alternative à la contraception. L’avortement doit être évité. C’est un acte grave, qui laisse toujours des séquelles psychologiques chez les femmes qui y ont eu recours, tels que, par exemple, des sentiments persistants de culpabilité ! Dans le même temps, lorsque la grossesse s’avère non désirée, et spécialement lorsqu’elle résulte d’un viol, la femme doit être libre d’avorter et cela dans les meilleures conditions de sécurité.

Le rapport relève que dans la plupart des pays membres du Conseil de l’Europe, l’avortement est aujourd’hui légal. Pour autant, il est parfois de facto inaccessible pour des raisons très variées, telles que le prix élevé des avortements, le manque de médecins prêts à accomplir ces actes – car on ne peut pas obliger un médecin qui est là pour soigner, pour sauver des vies, à pratiquer des avortements – ou une information inadéquate.

En France, le chiffre des IVG est relativement stable depuis le milieu des années 1980. Il se situe aux alentours de 200 000 chaque année, soit près d’une IVG pour trois naissances. La majorité des IVG a lieu avant la huitième semaine, le délai légal étant de douze semaines maximum, comme en Belgique, en Allemagne ou en Autriche. Mais on constate de fortes disparités régionales. Ainsi d’après l’Ined, près de la moitié des 857 services de gynéco-obstétrique ne font pratiquement pas d’avortements. A l’inverse, 20 services réalisent à eux seuls un cinquième des avortements. Cela explique en partie pourquoi chaque année 5 000 femmes vont avorter à l’étranger parce qu’elles ont dépassé le délai légal.

Je citerai un dernier chiffre un peu surprenant : la moitié des femmes qui ont recours à l’avortement vit en couple. Il me semble que cela pose la question du rôle et de l’influence du partenaire masculin dans la prise de décision face à un avortement. Je ne sais si l’on dispose d’enquêtes sur les facteurs de décision conduisant à un avortement, mais il serait sans doute intéressant d’approfondir cet aspect.

Quant au débat moral pour ou contre l’avortement, il est très bien présenté par la rapporteure et je n’y reviendrai pas. Comme elle le souligne, nous ne vivons pas dans monde idéal. Nous devons simplement chercher à éviter autant d’avortements que possible. Cela passe notamment par une éducation sexuelle appropriée, par l’accès à des moyens contraceptifs à un coût raisonnable.

J’ai lu et je soutiens une grande partie du rapport de Mme Wurm, car je suis, comme tout le monde, pour un avortement sans risque. Pour autant, l’ensemble des propositions ne me satisfait pas. J’aurais davantage apprécié que nous travaillions sur un rapport qui promeuve la prévention, qui valorise l’éducation par la contraception gratuite tant féminine que masculine. L’avortement n’est pas un droit ; c’est un problème. L’avortement est le résultat, ne l’oublions pas, de l’effet d’une politique publique d’accès à la contraception."

3. Le suicide des enfants et des adolescents en Europe 

Le rapport de la Commission des questions sociales fait le point sur une difficile réalité sociale qui prend les allures d’un problème de santé publique.

4. La promotion de l’enseignement des littératures européennes

Le rapport de la Commission de la culture présenté par M. Jacques Legendre est un manifeste en faveur des littératures européennes, contribution essentielle à la formation d’une citoyenneté européenne.

Le rapporteur a estimé que ce débat n’était pas mineur et a invité à la circulation la plus large des idées et représentations.

"L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui s’est déjà saisie de l’enseignement de l’histoire, sous votre impulsion jadis, puis de l’enseignement des langues étrangères ou maternelles, choisit aujourd’hui de débattre de l’enseignement des littératures européennes.

Ce n’est pas un débat secondaire ou mineur. Nos débats prennent en compte cette réflexion du grand romancier tchèque, Milan Kundera, dans son essai Le Rideau, paru en 2005 : "L’Europe n’a pas réussi à penser sa littérature comme une unité historique, et je ne cesserai pas de répéter que c’est là son irréparable échec intellectuel."

Faut-il se satisfaire de cet "irréparable échec" ? Que faire en tant qu’élus ? En tant qu’hommes et femmes politiques, nous devons nous interroger sur la façon qui doit être la nôtre d’inciter à réparer ce que Milan Kundera définissait comme "irréparable". Ce rapport doit nous fournir l’occasion d’avancer des propositions précises.

Avec une équipe d’universitaires de toute l’Europe, rassemblée par la rédaction de Lettres européennes, manuels universitaires d’histoire de littérature européenne, nous avons organisé au Palais du Luxembourg à Paris, en décembre, un important colloque sur l’enseignement des littératures européennes. Il fut présidé par Mme Vike-Freiberga, ancienne Présidente de la République de Lettonie. Nous ambitionnons de tirer des recommandations de ce débat très riche.

Existe-t-il une littérature européenne ? La question se devait d’être posée. Il existe dans chaque pays européen une littérature considérée comme un élément fort de l’identité nationale. Il existe des langues européennes qui sont au cœur de la littérature de nos pays, mais les principales langues européennes sont présentes sur d’autres continents. Qu’en est-il alors de la littérature ? Léopold Sedar Senghor, écrivain de langue française, prophète de la négritude, est-il un écrivain français ou d’abord un écrivain africain ? Et le grand écrivain antillais Aimé Césaire, à qui nous pensons en ces heures, appartient-il à l’Europe ou au monde antillais ? Nous le voyons, le débat n’est pas simple. La même interrogation peut se retrouver pour d’autres littératures. Il ne faut pas non plus oublier les écrivains qui ont choisi de ne pas habiter leur langue maternelle : Conrad, Kafka, Maeterlinck, Nabokov. Ce ne sont pas les moindres.

Malgré les problèmes soulevés, il faut entendre les mots du romancier José Manuel Fajardo : "L’enseignement de la littérature européenne ne deviendra pas un instrument incontournable de la consolidation d’une conscience européenne". Nous en sommes encore loin !

Tous les États européens ne fixent pas les mêmes objectifs à la littérature. L’Europe scandinave, anglo-saxonne, germanique, via l’enseignement de la littérature et de la langue maternelle, veut favoriser le développement intellectuel de l’apprenant. L’Europe méditerranéenne privilégie, par l’enseignement de la littérature, la transmission de la culture.

Reconnaissons au moins qu’il existe un trésor commun européen, qu’il est souhaitable, dans des proportions différentes, avec des pédagogies différentes, de transmettre aux élèves. Il est donc légitime et nécessaire de diffuser un matériel pédagogique qui invite à la découverte de ce trésor commun. Il est enrichissant pour tout professeur européen d’ouvrir son enseignement aux littératures étrangères.

Mais toutes les langues ne sont pas égales quant à leur diffusion. De grands écrivains ont écrit dans des langues de moindre diffusion. Il nous faut promouvoir la connaissance des autres langues, qui ne sont pas toujours celles de la plus grande utilité. Pensons au concept de la "langue choisie" que vous incarnez, M. Amin Maalouf, et rappelons aussi l’importance pour l’Europe de la traduction littéraire.

Umberto Eco a dit : "La langue de l’Europe, c’est la traduction." Comme il a raison ! L’Europe de la culture ne sera pas l’Europe d’une seule langue, quelle que soit son importance. Il faut donc soutenir la traduction et l’édition. Attention à ne pas laisser se creuser de nouveau le fossé. L’Europe occidentale témoigne d’une regrettable méconnaissance d’écrits majeurs conçus dans l’autre Europe, celle de l’Est. La communication interculturelle est loin d’être équitable.

"Existe-t-il actuellement une littérature qui s’écrit à l’Est de l’Europe ?" osait demander à haute voix le journaliste néerlandais Michel Krielars à Amsterdam lors du colloque Writing Europe Now en 2006, en pointant la ligne de partage entre grande et petite littératures. Nous ne pouvons approuver cette appauvrissante injustice. La traduction littéraire est l’une des clefs pour que cessent d’être minorées les œuvres écrites dans les langues de moindre diffusion.

Cette exigence est renforcée par l’apparition des nouveaux outils de communication. Il faut, certes, renforcer la chaîne d’intermédiation du livre et de la littérature européenne : auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, professeurs… Mais il faut aussi rassembler les classiques dans une grande bibliothèque numérique. Pensons, par exemple, à Europeana, proposée par la Bibliothèque nationale de France qui doit mettre en commun et favoriser l’accès aux grandes références culturelles et littéraires.

Ces objectifs sont à notre portée. C’est une question de volonté. Il faut effacer le regret que Milan Kundera exprimait pour donner à notre Europe cette profondeur de culture qui, seule, peut la légitimer vraiment. Tel est le sens de l’appel que nous voulons exprimer avec force aujourd’hui."

M. Jean-Paul Lecoq, lors de l’examen de ce rapport, s’est interrogé particulièrement sur le lien entre littérature européenne et citoyenneté européenne. Il a insisté sur la nécessité de promouvoir le "trésor commun" du patrimoine européen.

"Permettez-moi d’abord de remercier Jacques Legendre pour la qualité du rapport qu’il soumet aujourd’hui à notre Assemblée. Je tiens également à saluer le travail fourni à l’occasion des réunions de préparation de ce document, notamment lors du colloque, dont les actes nous ont été rappelés, organisé le 11 décembre dernier, au Sénat français.

Le projet de recommandation invite les États à inscrire l’enseignement des littératures européennes dans les programmes scolaires.

Revenons un instant sur la notion de "littérature européenne". Soyons clairs : la littérature européenne ne peut être une simple superposition des paramètres langue, nationalité, territorialité, Europe des Vingt-sept et Quarante-sept. Ce concept est encore aujourd’hui sujet à débat tant le continent européen se caractérise sur le plan littéraire par une variété de styles et une diversité de genres, au-delà des simples différences idiomatiques. Beaucoup a été pensé et écrit sur son existence réelle et les limites de cet ensemble potentiel. Celles-ci me semblent tempérées par l’acception plurielle de la notion, telle que l’a retenue le rapporteur.

Je souscris à cette démarche plurielle, respectueuse des traditions littéraires nationales, voire régionales. Je ne renie pas pour autant les mots de Milan Kundera, romancier tchèque et véritable incarnation d’une conscience européenne. Je partage aussi le défi que nous propose notre rapporteur sur cette citation. Le paradoxe de la construction européenne réside sans doute dans l’écart entre l’approfondissement de l’intégration économique et juridique et la dilution progressive d’une culture commune, telle qu’elle a pu exister entre la Renaissance et le XVIIIsiècle.

De fait, si je devais tenter de résumer les travaux de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, je serais tenté de proposer une question simple : la connaissance des littératures européennes, patrimoine commun à l’ensemble du continent mais également révélatrices des spécificités des nations qui le composent, peut-elle contribuer à l’émergence d’une citoyenneté européenne ?

Je ne souhaite pas céder à la tentation d’y voir le remède absolu aux problèmes d’incarnation du modèle européen. Il n’en demeure pas moins que la littérature, comme l’art en général, n’a pas de frontière et qu’elle puise nombre de ses sujets dans les valeurs que l’Europe porte dans ses combats communs. Elle me semble ainsi à même d’unir les peuples, sans gommer pour autant les différences. La littérature européenne demeure, en effet, enracinée dans l’histoire politique, idéologique, sociale et culturelle de nos États.

Ne mésestimons pas non plus son apport historique à la circulation des idées, ainsi qu’à l’éveil et à la formation des consciences. Que serait notre conception de la liberté sans Érasme ou Voltaire ? Cette mission traditionnelle de la littérature européenne demeure encore et toujours d’actualité. (Applaudissements)

Dans un autre ordre d’idée, le rapport nous invite également à découvrir ce qu’il appelle "le trésor commun européen" et s’interroge sur les modalités de sa transmission. Comment valoriser ce trésor ? Comment le rendre accessible au plus grand nombre dans leur langue nationale ? Quel moyen déployer pour les traductions ? Quelle utilisation retenir des nouvelles technologies ? Quelle rémunération des auteurs ? Quelle formation des enseignants et des universitaires ? Quelle part dans les programmes des matières scolaires et universitaires invitant au développement de l’individu, de son esprit civique ?

L’ensemble de ces interrogations pose la question des moyens matériels, humains et financiers que nos États et l’Union européenne souhaitent consacrer de manière équitable au développement d’une véritable politique culturelle européenne. Elle invite également à penser les modalités d’une mutualisation des connaissances entre enseignants et chercheurs des États membres du Conseil de l’Europe, en vue de faire émerger un enseignement commun des littératures européennes.

Doit-on pour autant aboutir à la définition d’une pédagogie commune ? La question demeure à l’heure actuelle ouverte, mais surtout tributaire de la volonté et des moyens mis à la disposition de la transmission du patrimoine littéraire européen.

La littérature européenne s’est développée avec pour optique la mise en avant d’un idéal de vie. L’Europe à laquelle aspirent les Européens s’organise aussi autour de ce même idéal. Le projet de recommandation tel que présenté aujourd’hui nous invite à réfléchir à la mise en œuvre d’une nouvelle étape en la matière, en refusant toute pensée unique en ce domaine.

Une nouvelle fois, je remercie le rapporteur. Permettez-moi aussi de remercier M. Maalouf pour la grande honnêteté du constat de notre monde et de son mouvement, ainsi que pour la justesse des idées qu’il propose et qu’il soumet notre réflexion."

M. André Schneider a mis l’accent sur la nécessité d’une Europe incarnée et pas seulement juridico économique et a donc invité à goûter les multiples saveurs des littératures européennes.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi de commencer en félicitant notre collègue et ami, M. Legendre, pour son excellent rapport sur la promotion de l’enseignement des littératures européennes. Merci aussi à vous, monsieur  Maalouf, pour l’éclairage que vous avez apporté à notre Assemblée et pour l’expression, une fois de plus, de votre talent.

Je voudrais d’emblée souligner combien il est souhaitable que l’Europe ne soit pas seulement aux yeux des citoyens une entité administrative, juridico-politique aux contours pas toujours bien définis, quelquefois lointaine aussi, mais aussi quelque chose de vivant, d’incarné, une parole partagée sur des réalités communes.

De ce point de vue, comment ne pas voir le rôle unique et irremplaçable que peut jouer la promotion et l’enseignement des littératures européennes, qui fonde notre culture commune ? Mais promouvoir, qu’est-ce à dire ? C’est d’abord protéger le pluralisme des langues dans lesquelles s’exprime cette culture européenne, se réjouir de cette foisonnante diversité des langages.

Car si la traduction des œuvres originales est toujours souhaitable et permet au plus grand nombre d’accéder à de grandes œuvres de la littérature étrangère, il reste que le plaisir de lire une œuvre dans sa langue originelle et d’en goûter toutes les saveurs restera toujours un plaisir pour les amateurs. Car il est bien vrai que la connaissance d’une langue ne se réduit pas à sa maîtrise en tant qu’instrument de communication mais inclut la connaissance des grandes œuvres de la littérature, des littératures et donc, si vous me permettez l’expression, d’en sentir, d’en humer toutes les saveurs. L’apprentissage d’autres langues et littératures européennes peut contribuer à la formation de la citoyenneté européenne, et à la formation d’une conscience commune.

Pour ce qui est de l’apprentissage des littératures européennes, il est clair que les réalités de cet enseignement sont différentes d’un pays à l’autre comme le rappelle le rapporteur. Il est également vrai que la notion même de littérature peut varier selon les pays.

Mais quelles que soient les pédagogies employées et les contours que l’on donne au terme de littérature, il existe un patrimoine commun, précieux que l’on doit transmettre aux élèves, de génération en génération. A cet égard, il est indispensable d’utiliser ce formidable outil que représentent les nouvelles technologies pour promouvoir et développer cet enseignement, car le numérique peut apporter une plus-value à l’enseignement des littératures et à la transmission des savoirs. Permettez à l’ex-professeur de lettres que je suis, de dire qu’il est aussi extraordinaire d’être le seul à imaginer un scénario et d’avoir le livre entre ses mains.

Rassembler les grands classiques de la littérature européenne dans une grande bibliothèque numérique permet de mettre en commun et d’accéder aux grandes références culturelles et littéraires, ainsi que le fait la Bibliothèque Nationale de France. C’est notre patrimoine, notre culture, les littératures européennes sont notre esprit commun, notre richesse, notre nourriture spirituelle et intellectuelle.

Monsieur le Président, mes chers Collègues, j’apporte mon plein soutien aux conclusions du rapport de notre collègue."

M. Jean-Guy Branger a évoqué la littérature comme trait commun d’une conscience européenne qui se nourrit de la pluralité des langages. Il a invité à la découverte des nouveaux talents qui toujours incarnent cette conscience européenne ouverte aux vents du large.

"Monsieur le président, mes chers collègues, les travaux de la convention chargée d’élaborer le Traité constitutionnel européen avaient été marqués par de grands débats autour de la question des fondements spirituels et culturels de l’Europe, sans qu’une solution optimale ne soit trouvée. A la lecture de l’excellent rapport de notre collègue Jacques Legendre mais également des actes du colloque qu’il avait organisé sur ce thème au Sénat en décembre dernier, j’en viens à regretter qu’aucun conventionnel n’ait, à l’époque, pris le soin d’envisager nos dénominateurs communs intellectuels par le biais de la littérature européenne. Trait d’union entre les peuples, passeport esthétique, son histoire est celle de la naissance d’une véritable conscience européenne et d’un partage incessant de valeurs communes, faisant de Hugo l’héritier de Shakespeare et de Schiller, de Goethe, Stendhal, Gorki, Dickens ou Nexø, les apôtres d’un même genre littéraire, en dépit des différences de langues.

Avant d’être une réponse institutionnalisée aux nationalismes étroits et à la violence que ceux-ci suscitent, l’Europe est un patrimoine culturel commun, une identité transcendant les frontières, fruit d’intenses échanges entre auteurs, bien évidemment, mais aussi musiciens, peintres ou sculpteurs. Favoriser l’émergence d’une véritable citoyenneté européenne ne peut en conséquence avoir de sens que si cette démarche s’appuie sur la connaissance de nos analogies culturelles, et en particulier littéraires. L’Europe, qu’il s’agisse du Conseil ou de l’Union, ne peut avoir de souffle si elle mésestime ses valeurs esthétiques communes et se borne, en conséquence, à la réalisation d’un idéal juridique ou économique, fussent-ils les plus séduisants.

L’enseignement de la littérature européenne, c’est l’enseignement de la liberté d’expression et de l’audace, de l’interaction et de l’émulation. Je ne peux concevoir la littérature européenne sans la rattacher aux grandes luttes pour la liberté de conscience ou d’expression, qu’il s’agisse de Thomas More, Gustave Flaubert, Federico Garcia Lorca, Thomas Mann ou plus récemment Vaclav Havel. La littérature européenne est un îlot de résistance perpétuelle à l’arbitraire ou au déni de liberté. Elle est donc le cœur du projet européen qui nous réunit dans cette Assemblée.

Gardons-nous, toutefois, d’une conception par trop historique de la littérature européenne qui nous conduirait à scander inlassablement les mêmes noms d’auteur et à psalmodier les mêmes textes, sans penser aux nouveaux visages qui incarnent d’ores et déjà non pas une relève mais une approche différente, alliance subtile de modernité nécessaire et de respect d’une tradition. Sachons donc mettre en avant nos Erri de Lucca, Pascal Quignard, Milan Kundera, Ian McEwan ou Artur Perez Reverte pour faire de l’Europe une bibliothèque vivante.

Évitons également tout européano-centrisme de mauvais aloi, tant notre littérature commune a su se nourrir des apports extérieurs et qu’elle peut s’incarner aujourd’hui dans la figure d’un Salman Rushdie, par exemple. La littérature européenne a su dépasser les frontières, elle ne saurait être bornée par l’Atlantique ou l’Oural ni être corrélée à un quelconque droit du sol.

Osons, enfin, dans cette Assemblée, inviter régulièrement ces figures de la littérature européenne pour partager avec eux leur expérience de la liberté d’écrire et leur perception d’un continent en perpétuelle mutation. La venue d’Amin Maalouf sera, je l’espère, suivie d’autres. Je le répète, la politique européenne, le droit européen ou le marché européen ne peuvent avoir d’avenir et ne susciter l’adhésion de nos concitoyens que s’ils s’appuient sur des réflexes culturels communs qui, loin de dénier toute portée aux cultures nationales, s’emploieraient à souligner les analogies entre celles-ci.

Sans cela, l’Europe ne sera qu’un songe."

5. L’immigration en provenance d’Afrique subsaharienne

Le rapporteur, M. Jean-Guy Branger, a rappelé l’importance des flux migratoires en provenance d’Afrique, et les problèmes que cela engendre, y compris pour les migrants irréguliers. Il a rappelé la nécessité d’approfondir l’information sur ce thème douloureux et complexe.

"Au début du XXIe siècle, les flux migratoires provenant d’Afrique représentent la part la plus importante des migrations en direction de l’Europe. Dans ce contexte les migrations subsahariennes constituent un ensemble spécifique. En nombre, elles sont plus importantes que les migrations provenant du Maghreb ou que celles provenant d’autres continents et transitant par l’Afrique.

La fuite des cerveaux, l’image positive de l’Occident et l’existence dans certains pays d’une diaspora importante ainsi que d’emplois disponibles se conjuguent à la difficulté de trouver sur place un travail correctement rémunéré et au sentiment que l’Afrique est enfoncée dans une crise sans fin. Tout concourt à amplifier ces migrations malgré les risques qu’elles font courir à ceux qui les entreprennent. Les migrants cherchent souvent à rejoindre l’Europe en utilisant des filières d’immigration clandestine, en se munissant de faux papiers ou en prolongeant leur séjour au-delà de la date de validité de leur visa temporaire.

Les Etats européens ont donc une responsabilité particulière vis-à-vis de ces migrants dont les motivations sont d’ordre très variés – économiques, familiales, sociales ou politiques – et qui n’envisagent pas de retourner dans leur pays d’origine.

Le renforcement des contrôles aux frontières, s’il peut contribuer à ralentir ces flux, est impuissant à les endiguer. La diversité des législations européennes développe ce qu’on appelle aujourd’hui le "shopping migratoire" qui conduit les migrants à s’installer dans le pays où ils trouvent le plus d’avantages et courent le moins de risques d’être reconduits. L’explosion dans toute l’Europe de l’économie informelle permet à ces migrants de s’intégrer à un univers qu’ils connaissent bien.

Cependant ceux-ci sont en même temps victimes de discriminations en matière d’accès à la santé, au logement et à l’éducation, et parfois de réactions xénophobes liées à l’importance et à la visibilité de leur communauté. Pourtant, l’Europe peut aussi tirer profit de l’arrivée d’une population plus jeune et susceptible de réduire les effets de l’hiver démographique qu’elle traverse actuellement.

Le rapport fait un certain nombre de propositions pour contribuer à l’amélioration de cette situation. Il privilégie quatre axes : la connaissance précise des flux migratoires ; le traitement en temps réel de migrations spécifiques ; l’harmonisation progressive des législations européennes ; l’aide à l’Afrique et le renforcement des liens entre le pays d’accueil et le pays d’origine.

Enfin il rappelle aux Etats membres son souhait que les procédures relatives aux migrants d’Afrique subsaharienne soient progressivement alignées sur les autres dans les différentes étapes du parcours du migrant : accueil individualisé et prise en compte de la spécificité de sa demande ; humanisation des centres de séjour, de transit ou de rétention ; lutte contre les réseaux de passeurs et le travail au noir ; accords de réadmission avec les pays d’origine pour les déboutés du droit d’asile.

Le rapporteur souhaite que ce document, adopté dans cette version en janvier 2008 par la commission des migrations, soit voté par l’Assemblée. Il a en même temps conscience que les problèmes actuels que se posent et que posent à ceux qui les reçoivent les migrants originaires d’Afrique subsaharienne doivent être abordés dans la perspective large du XXIe siècle.

Face aux dangers des schématisations, de la langue de bois et d’une approche strictement compassionnelle, le premier devoir est d’informer. Aussi invite-t-il l’Assemblée à faire l’inventaire des chantiers restant à explorer pour que la prise de conscience par l’Europe de l’importance, de la complexité et de l’impact des migrations subsahariennes aide à définir une politique migratoire qui soit tout à la fois accueillante, rigoureuse et efficace."

M. André Schneider a expliqué que la politique de la France s’appuie notamment sur les accords de gestion concertée des flux migratoires et sur le contrat d’accueil et d’intégration.

" Madame la Présidente, mes chers collègues, notre collègue et mon ami, M. Branger, a rédigé un excellent rapport  – l’orateur précédent l’a souligné –  sur le thème de l’immigration en provenance de l’Afrique subsaharienne. Quelques chiffres, certes imprécis, permettent de mesurer quand même l’ampleur du phénomène. Pour le seul continent africain, les migrations externes touchent entre 2 et 4 millions de personnes, les migrations internes entre 16 et 25 millions.

Les causes de ces migrations sont à la fois familiales, sociales, politiques, ou bien liées à la recherche d’un emploi rémunérateur. Les migrations se diversifient et aboutissent désormais à ce qu’on a pu appeler du "shopping migratoire", qui consiste à retenir le pays concentrant le maximum d’avantages et le moins de risques, notamment celui d’être reconduit. Les filières classiques sont souvent contrôlées par des mafias locales, et l’on sait aujourd’hui que l’aventure n’est pas sans danger pour les candidats à l’exil.

Les migrations constituent pour l’Europe un véritable défi, à la fois en termes d’emploi et de maîtrise de l’économie informelle mais aussi en termes de lutte contre les discriminations. Se pose aussi la question de l’harmonisation européenne des politiques migratoires. Le rapport est très explicite à ce sujet

La France, pour sa part, a recherché les dispositifs adéquats pour traiter les migrations professionnelles dans les secteurs sous tension, spécialement au moyen de la négociation d’accords de gestion concertée avec les pays des migrations. Il en est de même des mesures qui sont nécessaires pour lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière.

Ces politiques de maîtrise migratoire s’accompagnent d’une détermination forte ; il est impératif de favoriser l’intégration des étrangers en situation régulière. La volonté de renforcer les liens avec les pays d’origine exige aussi d’agir contre la fuite des cerveaux et d’aider au développement des pays d’origine, notamment grâce aux diasporas.

C’est pourquoi les accords de gestion concertée des flux migratoires visent à favoriser un partenariat avec les pays d’origine. Ils reposent sur trois volets : l’organisation de la migration légale, la lutte contre l’immigration irrégulière et le développement solidaire, notamment avec les actions de codéveloppement, la coopération et la formation professionnelle. Tout cela apparaît très clairement dans le rapport de mon collègue. La politique de la France trouve sa source dans les lois du 24 juillet 2006 et du 20 novembre 2007.

S’agissant de l’importante question de l’intégration et de la maîtrise de la langue française, la France met en œuvre le contrat d’accueil et d’intégration qui permet de bénéficier à titre gratuit une formation linguistique, d’un accompagnement et d’un soutien social. La loi du 20 novembre 2007 prévoit également des bilans de compétence professionnelle et une évaluation de la connaissance de la langue française. L’aide à l’Afrique subsaharienne est au cœur des discussions menées avec les Etats concernés dans le cadre des accords de gestion concertée.

Sur le plan européen enfin, la France se prononce en faveur d’une plus grande convergence des politiques migratoires des différents États membres. A ce titre, l’immigration est une des priorités de la future présidence de l’Union européenne.

Bien entendu, je soutiens avec force et conviction l’excellent rapport de mon collègue M. Branger. En accord avec l’orateur précédent, j’ajouterai qu’il s’agit de jeter les bases d’une immigration acceptable par tous, mais que cela ne peut être qu’une première étape. Nous devrons, les uns et les autres, au niveau national comme au niveau de notre Assemblée, réaliser régulièrement une évaluation de nos politiques migratoires, en particulier celle relative à l’émigration subsaharienne."

6. Le lien entre développement durable et tourisme : vers une croissance qualitative

Le rapport de la Commission des questions économiques met en garde l’Europe, première région touristique au monde, contre le risque de saturation et appelle à la prise en compte d’un modèle de développement durable.

M. Francis Grignon a plaidé pour une coopération du Conseil de l’Europe avec les pays voisins sur le plan du développement durable.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, il me faut d’abord féliciter notre collègue M. Mendes Bota pour la qualité de son rapport, qui traite des relations du tourisme et du développement durable de façon très exhaustive, constituant ainsi une mine d’informations. Ce rapport illustre une fois de plus les préoccupations grandissantes de notre Assemblée quant à la façon de concilier les activités économiques et leur impact social et environnemental.

Les liens qu’entretiennent le développement durable et le tourisme mettent en évidence les défis de la mondialisation. Les bénéfices de la forte progression du tourisme sont nombreux. Le tourisme est un facteur de développement avec une valeur ajoutée maximum. En effet, les pays qui accueillent des touristes, qu’ils soient jeunes ou âgés, en perçoivent instantanément les dividendes, sans avoir à construire pour eux des écoles ou des maisons de retraite. Dans le même temps, ce tourisme contribue à dégrader l’environnement lorsqu’il est victime de son succès. Il est donc primordial de se soucier de sa durabilité.

Le tourisme durable n’est pas seulement un concept éthique ou "écologiquement correct", c’est aussi la prise en compte d’intérêts économiques bien compris.

De ce point de vue, il me semble que nous pouvons être optimistes. Comme l’ont montré les travaux du groupe "Durabilité du tourisme" mis en place dans le cadre de l’Union européenne, le tourisme, plus que toute autre activité économique, peut créer des synergies en interaction étroite avec l’environnement et la société.

Le Programme des Nations Unies pour l’environnement et l’Organisation mondiale du tourisme insistent pour que le tourisme durable ne soit pas compris comme un tourisme de niche, donc "de riches", par opposition au tourisme de masse.

Il ne faut pas se méprendre : le tourisme durable doit tendre à rendre toutes les formes de tourisme durables. L’expression désigne une condition du tourisme, pas un type de tourisme. Correctement géré, le tourisme de masse devrait être aussi durable que le tourisme axé sur des centres d’intérêt spécifiques. C’est le défi que nous avons à relever.

Enfin, il me semble que le Conseil de l’Europe devrait engager une réflexion sur la manière de coopérer avec les pays en développement. L’Agenda pour un tourisme européen compétitif et durable, présenté en octobre dernier, prévoit ainsi que la Commission européenne poursuivra ses travaux de coopération dans le domaine du tourisme avec les pays voisins, l’Europe orientale et la région méditerranéenne, en particulier, mais aussi les pays entrant dans le champ de sa politique de voisinage.

C’est pourquoi je me demande si le Conseil de l’Europe, lui aussi, n’aurait pas intérêt à inscrire le tourisme durable parmi ses axes prioritaires de coopération, à un moment où il cherche à développer et approfondir ses relations extérieures.

Par exemple, je vais souvent en Afrique subsaharienne, en particulier au Sénégal. J’observe que toutes les infrastructures d’accueil touristique sont aux mains d’Européens et, en tout cas, de capitaux non originaires d’Afrique ou du Sénégal. En cohérence avec le rapport précédent sur l’immigration, je pense qu’il y a urgence à créer les conditions pour que les Africains puissent profiter eux-mêmes des retombées de la mer et du soleil. Dès lors, on assisterait véritablement à l’éclosion d’un développement durable économique, social et écologique au travers du tourisme."

C. Les  questions de politique internationale

1. L’observation des élections dans les pays membres du Conseil de l’Europe

Le rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente a rendu compte de l’observation de différentes élections, présidentielles et législatives, dans différents pays : la Serbie, Monaco, l’Arménie, la Fédération de Russie et le Monténégro.

M. François Rochebloine est intervenu sur l’observation des élections en Arménie.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, comme d’autres collègues de notre Assemblée, j’ai participé à la mission d’observation relative au déroulement de l’élection présidentielle en Arménie. A ce titre, je voulais présenter quelques brèves observations sur la procédure et sur le fond.

Sur la procédure, je dois à nouveau déplorer que, sous couvert d’impartialité, les missions d’observation électorale, dont le Conseil de l’Europe est partie prenante, soient contraintes d’utiliser des formulaires OSCE stéréotypés, avec des rubriques préformatées ; leur conception est déjà une manière de conditionner le jugement.

Je dois également rappeler que le français est l’une des deux langues de travail du Conseil de l’Europe et des commissions et instances diverses qui en dépendent. Il n’est pas convenable que les documents publiés dans un tel cadre et destinés à l’ensemble des membres de l’Assemblée parlementaire soient établis de propos délibéré dans la seule langue anglaise ; au-delà d’une méconnaissance de nos règles internes, ce parti pris finit par revêtir une signification plus politique, que je regrette.

D’une manière générale, ces missions d’observation électorale ne doivent être ni conçues ni perçues comme la manifestation plus ou moins discrète du sentiment de supériorité de nos vieilles démocraties. Elles jalonnent, à des moments particulièrement importants de la vie politique de nos pays, une démarche d’accompagnement et non de condescendance.

Sur le fond, avec mes collègues Georges Colombier et René Rouquet, je n’ai constaté dans l’organisation matérielle des opérations électorales ou dans le déroulement du scrutin aucune irrégularité majeure qui me conduirait à en estimer le résultat contestable. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à exprimer ce sentiment : l’OSCE et le Conseil de l’Europe, par la voix de notre rapporteur, M. Prescott, l’ont clairement dit lors de la conférence de presse post-électorale. Je m’en félicite, car je considère que le respect effectif des règles démocratiques à l’occasion d’un scrutin revêt une portée symbolique importante.

Aussi vous comprendrez que je sois surpris de la présentation caricaturale faite par notre collègue suédois, M.  Mariette de Pourbaix-Lundin, à propos des élections.

Par ailleurs, je fais partie de ceux qui n’aiment pas beaucoup les donneurs de leçons. Toutefois, si l’on veut le faire, il faut pour cela être exemplaire et n’avoir rien à se reprocher. Tel n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan ; il suffit de se rappeler le rapport de notre collègue Andreas Gross lors des dernières élections législatives.

Aussi, j’aurais pensé que notre collègue M. Seyidov aurait fait preuve d’un peu plus de modération et de retenue dans ses propos.

S’agissant des événements qui se sont déroulés après les élections, nous aurons l’occasion d’y revenir lors du débat d’urgence jeudi prochain, comme le Président nous a invité à le faire ce matin."

M. Denis Badré est intervenu sur l'observation des élections présidentielles en Russie.

"Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à saluer la qualité de l’implication de notre collègue Andreas Gross. La tâche de notre la commission sur les élections présidentielles en Russie a en effet été rendue encore plus difficile par l’absence des travaux et analyses de fond que fournit habituellement le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’Homme de l’OSCE.

La lecture du rapport m’a donné l’impression que nos collègues étaient revenus de leur mission d’observation électorale en Russie, un peu las et résignés :

- las de dresser les mêmes constats d’une élection à l’autre. En effet, les atteintes au caractère libre et équitable des élections, déjà relevées par notre Assemblée à l’occasion des élections législatives du 2 décembre 2007, se sont reproduites lors de l’élection présidentielle : obstacles légaux à l’enregistrement de candidats indépendants, « abus de ressources administratives à grande échelle » au profit du candidat officiel, partialité des médias.

- résignés quant à la portée des recommandations de notre Assemblée et à leur prise en compte par les autorités russes. Comme le note le rapport, « le résultat du scrutin était clair dès le départ ».

Cette résignation - et c’est sans doute le plus grave - s’est retrouvée chez les électeurs russes eux-même, puisque « 45 % d’entre eux étaient convaincus que l’élection présidentielle du 2 mars ne serait pas exemplaire sur la plan de l’équité ».

Bien que le candidat officiel ait remporté l’élection avec plus de 70 % des suffrages dès le premier tour, une curieuse période s’est ouverte en Russie, sur le plan constitutionnel et politique.

En effet, quelle sera la véritable marge de manœuvre d’un président très confortablement élu et disposant d’importants pouvoirs constitutionnels, mais qui se trouvera tout de même dans une relation tout à fait particulière avec son prédécesseur ? Le tango argentin - le second mène la danse et le premier se laisse conduire - peut-il s’acclimater en terre russe ?

La vie politique russe va sans doute connaître d’importantes évolutions au cours des prochaines années, qui seront passionnantes à observer. Les événements nous diront notamment si le tandem installé à la tête de l’État fonctionne.

En tout cas, il convient d’espérer que les évolutions politiques en Russie serviront vraiment à la stabilité du pays, à laquelle on peut au moins dire que les électeurs se sont montrés attachés, en décembre 2007 comme en mars dernier."

2. Intervention de M. Ivan Gašparovič, Président de la République slovaque

M. Ivan Gašparovič a rappelé le processus d’adhésion de son pays au Conseil de l’Europe à un moment où le Conseil de l’Europe était la seule organisation à promouvoir la protection des droits de l’homme, la démocratie pluraliste, et la primauté du droit. Il a lancé un appel à l’unité européenne et à la défense des principes du droit international.

M. Denis Badré a posé une question sur la mise en œuvre par la Slovaquie des accords de Schengen.

"Monsieur le Président, le 6 décembre, j’accompagnais à Bratislava le ministre français des Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, qui venait notamment saluer la mise en oeuvre imminente, dans votre pays, des accords de Schengen. Quelques mois après, pouvez-vous nous dire dans quelles conditions votre pays vit et assume cette responsabilité et cette situation nouvelle qu’évoquait d’ailleurs le Président de Puig en vous accueillant ?"

M. Ivan Gašparovič lui a répondu que l’appartenance à l’espace Schengen était de longue date un objectif de la République slovaque. Toutes les visites et inspections qui ont eu lieu à ses frontières pour vérifier l’application des accords ont eu une conclusion positive. Être membre de l’espace Schengen procure des facilités de circulation pour les citoyens, mais entraîne aussi des responsabilités vis-à-vis des migrants, en particulier de ceux qui ont des objectifs peu louables.

3. Intervention de Mme Angela Merkel, Chancelière fédérale d’Allemagne

La Chancelière a salué le rôle du Conseil de l’Europe quant à la promotion des droits de l’homme et des valeurs de liberté, de paix, de justice et de solidarité, qui fondent l’unité du continent.

Elle a notamment reconnu l’importance de la Convention européenne des droits de l’homme qui protège 800 millions d’hommes de l’arbitraire de l’Etat.

Elle s’est réjouie de ce que l’Europe constitue un exemple pour le reste du monde dont l’histoire montre que, d’une situation inextricable, il peut toujours sortir des solutions.

M. François Rochebloine a posé une question sur politique méditerranéenne de l’Union européenne.

"Madame la Chancelière, quelle peut être, selon vous, la traduction concrète des relations privilégiées entre l’Allemagne et la France dans la conduite de la politique méditerranéenne de l’Union européenne ?"

Mme Angela Merkel lui a répondu que de réels progrès avaient déjà été enregistrés et que le dernier Conseil européen a décidé que le processus de Barcelone se développerait avec l’Union pour la Méditerranée. Un sommet sera organisé à Paris dont on peut espérer qu’il permettra de renforcer les relations. De nombreuses possibilités existent, d’autant que tous les crédits européens destinés à ces actions n’ont pas été dépensés. Mais s’il y a beaucoup de projets bilatéraux, il faut davantage de projets d’intégration permettant à tous les pays tiers de renforcer la coopération et les échanges.

4. Intervention de Mme Ioulia Tymochenko, Premier ministre d’Ukraine

Le Premier ministre est revenu sur le combat pour la liberté de l’Ukraine qu’incarnait la révolution orange, malgré toutes les péripéties traversées.

Elle a évoqué les modifications de la Constitution ukrainienne et les nécessaires réformes du système judiciaire, ainsi que la lutte du gouvernement contre la corruption et les trafics.

M. François  Rochebloine a posé une question sur la contribution européenne à la stabilité des relations de l’Ukraine avec ses voisins.

"Madame le Premier ministre, quelle contribution l’Europe peut-elle, selon vous, apporter au développement d’une plus grande stabilité dans les relations entre l’Ukraine et les autres États se situant au voisinage immédiat des frontières orientales de l’Union ?"

Mme Ioulia Timochenko lui a répondu que la coopération avec la Fédération de Russie était une question d’importance essentielle pour l’Ukraine. Les deux États sont en train d’élaborer de nouvelles relations, équilibrées et constructives. Il est vrai que certains problèmes hérités de l’histoire n’ont pas encore trouvé de solution et les anciennes autorités ukrainiennes ont leur part de responsabilité dans cette situation. Un changement d’attitude est donc nécessaire des deux côtés.

Le gouvernement ukrainien recevra une délégation du gouvernement russe les 25 et 26 avril prochain, pour fixer un certain nombre d’objectifs communs et reconstruire des relations solides.

M. Jean-Guy Branger s’est interrogé sur les procédures visant le maire de Kiev.

"Madame le Premier Ministre, je tenais à saluer votre action courageuse à la tête de l’Etat ukrainien en vue d’éradiquer la corruption au sein de votre pays. La lutte contre la corruption est une préoccupation unanimement partagée au sein de cette Assemblée, et vous recevrez toujours le soutien de ses membres à la nécessaire transparence en démocratie. La presse internationale s’est à cet égard, fait l’écho des enquêtes visant les maires de Kiev et de Kharkhiv, indiquant que celles-ci pouvaient être diligentées au nom d’intérêts plus politiques que juridiques. Pouvez-vous nous rassurer sur la sincérité de ces procédures ?

Nous souhaitons exprimer nos inquiétudes quant à la situation des migrants et des demandeurs d’asile en Ukraine, victimes d’attaques et d’actes d’intolérance. Quelles sont les mesures que votre gouvernement envisage pour assainir la situation ?"

Mme Ioulia Timochenko lui a répondu que l’Ukraine mettait au point des procédures exemptes de corruption, qu’il s’agisse des transferts de propriété ou des finances publiques. Tout n’est pas encore parfaitement réglementé mais les choses avancent. En ce qui concerne le régime foncier, les terres doivent pouvoir changer de propriétaire dans des conditions transparentes. Or le maire de Kiev notamment a été accusé d’avoir vendu des terres de sa commune dans des conditions illégales. C’est pourquoi il a été démis. De nouvelles élections auront lieu.

5. Intervention de M. Bernard Kouchner, Ministre des affaires étrangères et européennes

Le ministre a dit sa fierté que le siège du Conseil de l’Europe, institution phare dans la défense des droits de l’homme et de la démocratie, se trouve en France à Strasbourg, symbole historique de la réconciliation européenne.

Il a insisté sur le lien entre les droits de l’homme et la paix, sur la paix par les droits de l’homme, qui jamais ne sauraient être imposés par la force.

Il a rappelé le combat toujours actuel pour défendre et la paix et les droits de l’homme, la perpétuelle confrontation des valeurs et l’apparition progressive du droit d’ingérence dans les relations internationales.

Le ministre a évoqué la situation en Afghanistan, au Tibet, au Kosovo.

Il s’est félicité de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans le débat qui a suivi, M. Jean-Paul Lecoq a posé une question sur les faibles sommes consacrées à la lutte contre le réchauffement climatique.

"Monsieur le ministre, les peuples du monde et le peuple européen ont pris conscience que ce qui les menace tous gravement, et peut-être durablement, est le réchauffement climatique et ses conséquences. Comment expliquez-vous, monsieur le ministre, vous qui vous qualifiez souvent de va-t’en-paix, que les gouvernements européens consacrent des sommes faramineuses à la course au surarmement en Europe et si peu à la question du réchauffement climatique ? Et peut-être, pourrez-vous nous expliquer pour quelle menace ?"

Il a obtenu cette réponse :

"Je vous remercie, Monsieur Lecoq. Les menaces sont grandes : elles s’appellent, d’abord, avant tout, la misère, la pauvreté. Ne faites pas l’étonné, nous nous connaissons bien !

Il faut aussi, à propos du réchauffement climatique, mesurer les conséquences actuelles. Nous avons assisté à des émeutes de la faim qui ont éclaté un peu partout. Cela complique terriblement la lutte nécessaire, qui est déjà engagée – le Grenelle de l’environnement consenti, aménagé et décidé par tous les groupes politiques, y compris les militants écologiques, va se compliquer. Les décisions vont devoir faire place, en particulier, aux difficultés de production. D’une part, on emploie des terres pour les biocarburants, c’est peut-être légitime, d’un côté, mais est difficile de l’autre pour la production vivrière nécessaire à la nourriture des habitants. D’autre part, des changements climatiques et hydrauliques appauvrissent vraiment les terres.

Quant aux menaces, je crois que ce n’est pas le moment de baisser la garde parce que, comme vous le savez, le terrorisme et le mauvais usage de la foi poussée à l’extrémisme, que je ne confonds pas avec les religions, est encore extrêmement pesant, difficile et menaçant et n’est sans doute pas près de s’achever.

Qui, avant que la paix ne s’installe sur toute la planète baisserait sa garde le premier ? S’il faut que les désarmements, pourparlers et dialogues de désarmement reprennent, nous avons aussi quelques menaces bien situées qui poussent exactement au contraire."

6. Débat d’actualité sur les conséquences de la déclaration d’indépendance du Kosovo

Ce débat a fait apparaître les divergences d’opinion entre les différents orateurs inscrits, spécialement entre la Serbie et l’Albanie comme il était prévisible.

Plusieurs orateurs ont mis en garde contre le risque de contagion après le précédent de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo.

M. von Sydow, pour la Suède, a estimé que les divergences d’opinion au sein même du Conseil de l’Europe et au sein des groupes politiques, ne devait pas entraver la mise en œuvre de la recommandation 1822 adoptée en janvier dernier par l’Assemblée, le Conseil de l’Europe devant continuer à offrir son expertise aux kosovars.

Les orateurs russes ont parlé de violation du droit international.

M. Cosido Gutierrez pour l’Espagne, a dit qu’on ne doit pas accepter une modification des frontières qui soit le résultat d’un recours à la force. Les Etats ethniquement purs ne peuvent pas constituer une solution aux conflits interethniques.

Pour M. Marty (Suisse), le Kosovo se trouve sans société civile et est la proie d’une criminalité organisée. Son indépendance n’est pas réelle, les minorités ne pourraient y vivre sans la protection des troupes étrangères.

Lord Russel Johnston, pour le Royaume Uni, a souhaité que le Kosovo tienne les engagements qu’il a pris devant la communauté internationale.

ANNEXES

I – Prises de position de M. Jean-Claude Mignon sur la situation au Tibet

A. Communiqué à la presse de M. Jean-Claude Mignon du 27 mars 2008.

B. Lettre de M. Jean-Claude Mignon au Secrétaire général du Conseil de l’Europe

C. Lettre de M. Jean-Claude Mignon au Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

D. Communiqué de presse de M. Jean-Claude Mignon du 18 avril 2008.

E. Question au Président du Comité des ministres de M. Jean-Claude Mignon.

II – Proposition de résolution de M. Francis Grignon : "Protéger l'innovation et les consommateurs en Europe"

I – Prises de position de M. Jean-Claude Mignon sur la situation au Tibet

A. Communiqué à la presse de M. Jean-Claude Mignon du 27 mars 2008

Délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

Le président de la délégation,

Vice-président de l’Assemblée Parlementaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

LIBERTÉ - EGALITÉ – FRATERNITÉ

Paris, le 27 mars 2008

COMMUNIQUÉ À LA PRESSE

JEAN-CLAUDE MIGNON APPELLE LE CONSEIL DE L’EUROPE A RECEVOIR OFFICIELLEMENT LE DALAÏ-LAMA

Depuis 1950, le Tibet est occupé par la Chine. À plusieurs reprises des révoltes ont été réprimées avec la plus grande violence.

Les événements dramatiques de ces dernières semaines montrent une nouvelle fois l’oppression qui pèse sur le peuple tibétain. Ils rappellent aussi le courage et la ténacité de ceux qui n’ont pas renoncé à la liberté.

Le Conseil de l’Europe se doit bien entendu de condamner clairement cette violence intolérable. Toutefois, la défense des Droits de l’Homme ne s’arrête pas à de simples déclarations, aussi louables soient-elles. Elle ne se réduit pas non plus aux condamnations indignées, aussi nécessaires soient-elles. Des actions fermes et courageuses doivent prévaloir.

C’est pourquoi, malgré l’opposition des autorités chinoises à tout contact officiel avec le Dalaï-Lama, j’invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe ainsi que le Président de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe à le recevoir officiellement.


La session du mois d’avril prochain de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe donnerait ainsi l’occasion au Dalaï-Lama de s’exprimer officiellement devant notre Assemblée dont la vocation première est de défendre la prééminence du Droit sur le totalitarisme.

B. Lettre de M. Jean-Claude Mignon au Secrétaire général du Conseil de l’Europe

C. Lettre de M. Jean-Claude Mignon au Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

D. Communiqué de presse de M. Jean-Claude Mignon sur la situation au Tibet du 18 avril 2008

"Depuis le début des événements tragiques qui se déroulent au Tibet, je ne cesse de demander que le Conseil de l’Europe se saisisse de la question du respect des droits de l’homme dans cette région du monde.

J’ai notamment écrit au Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour lui demander d’inviter le Dalaï Lama à s’exprimer devant l’Assemblée parlementaire. J’ai également demandé au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de le recevoir officiellement.

Lors de la session de l’APCE de cette semaine, je suis intervenu à plusieurs reprises pour réitérer cette demande, tant devant le bureau de l’Assemblée que lors des questions posées au président du Comité des Ministres et au Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. Je suis de nouveau intervenu lors des auditions de la commission politique consacrée aux droits de l’homme en Chine.

C’est pourquoi je ne peux que me féliciter de la décision du Bureau de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe d’inviter officiellement le Dalaï Lama à s’exprimer devant l’Assemblée parlementaire lors de la session de juin.

Les droits de l’homme sont universels. Leur défense ne saurait s’arrêter aux frontières des 47 pays membres du Conseil de l’Europe. La présence de Sa Sainteté le Dalaï Lama rappellera avec éclat combien le Conseil de l’Europe est fidèle à sa vocation première de défense des droits de l’homme et de la prééminence du droit sur le totalitarisme."

E. Question de M. Jean-Claude Mignon, au Président du Comité des Ministres

M. Jean-Claude Mignon attire l’attention du Comité des Ministres sur la gravité de la situation au Tibet et sur la nécessité d’y aboutir à une cessation des violences et des atteintes aux droits de l’homme.

Il lui demande s’il compte engager une réflexion commune aux ministres des affaires étrangères des Etats membres du Conseil de l’Europe :

- sur les différentes manières de promouvoir un dialogue entre les autorités chinoises et le Dalaï Lama ;

- sur la présence de chefs d’Etat et de gouvernement à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin ;

- sur une déclaration commune rappelant à la Chine les engagements qu’elle a pris en matière de droits de l’homme lors de l’attribution des Jeux.

M. Kubiš, Président du Comité des ministres lui a ainsi répondu :

"La situation des droits de l'homme au Tibet est particulièrement préoccupante et nous ne pouvons évidemment pas y rester insensibles. J'ai été parmi les premiers à publier une déclaration à ce sujet. La question de l'attitude à adopter au regard de cette situation dans la perspective des Jeux Olympiques de Pékin ne relève toutefois pas de la compétence du Conseil de l'Europe. Il appartient à chaque État membre de se prononcer souverainement sur ce sujet et chaque État membre devrait prendre position.

Cela étant, si un ou plusieurs États membres souhaitent évoquer cette question, le Conseil de l'Europe, en tant qu'organisation internationale maintenant des contacts étroits avec les mouvements sportifs, pourrait offrir un forum de discussion.

A titre personnel, j'espère vivement que chaque occasion sera utilisée pour rappeler aux autorités chinoises d'ici les Jeux de Pékin qu'il leur incombe de respecter pleinement les droits et les libertés individuelles conformément aux engagements qu'elles ont souscrits en application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Nous devrions explorer la situation de la manière la plus transparente et objective. Nous avons des canaux diplomatiques, des contacts politiques, le dialogue UE-Chine et une multitude d'autres canaux. Tous ces instruments devraient être utilisés pour faire part de nos inquiétudes et pour demander une réaction positive qui créera une ambiance positive pour les Jeux Olympiques.

J'espère que les autorités chinoises comprendront ces préoccupations et réagiront en conséquence. En même temps, je ne crois pas qu'il faudrait ne pas participer aux Jeux Olympiques. Nous avons eu des exemples par le passé et c'était au détriment de l'esprit olympique. Ils n'ont pas permis de progrès en matière de droits de l'homme. Rappelons-nous Moscou, Los Angeles et rappelons-nous les occasions auxquelles nous avons pu contribuer de manière positive."

II – Proposition de résolution de M. Francis Grignon : Protéger l'innovation et les consommateurs en Europe"

____________


© Assemblée nationale