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N° 923

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juin 2008

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN,

en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) (1),

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Yves DENIAUD et Jean-Louis DUMONT,

Députés

____

MM. Georges TRON et David HABIB, Présidents

sur les suites données aux préconisations de la Mission d’évaluation et de contrôle sur l’immobilier de l’État

____

La mission d’évaluation et de contrôle est composée de : MM. Georges Tron, David Habib, Présidents ; M. Didier Migaud, Président de la commission des Finances, de l’économie générale et du Plan, M. Gilles Carrez, Rapporteur général ; MM. Pierre Bourguignon, Jean-Pierre Brard, Alain Claeys, Charles de Courson, Richard Dell’agnola, Yves Deniaud, Jean-Louis Dumont, Jean-Michel Fourgous, Laurent Hénart, Jean Launay, François de Rugy, Philippe Vigier.

INTRODUCTION 5

I.– LES OUTILS DE LA GESTION IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT SONT MAINTENANT EN PLACE 7

A.– LE CONSTAT ET LES PROPOSITIONS DE LA MEC DE JUILLET 2005 7

B.– LES AVANCÉES DE LA RÉFORME ENTREPRISE DEPUIS 2005 SONT RÉELLES 8

C.– LES PRINCIPES D’UNE BONNE GESTION SONT ÉTABLIS 11

D.– LES STRUCTURES SONT EN PLACE 12

E.– LES LOYERS BUDGÉTAIRES METTENT FIN À LA GRATUITÉ APPARENTE DE L’IMMOBILIER 13

II.– LA RÉFORME NE DOIT CEPENDANT PAS RESTER INACHEVÉE 15

A.– LA GOUVERNANCE DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DOIT ÊTRE CONSOLIDÉE 15

1.– La volonté politique de la réforme doit être réaffirmée 15

2.– Le service France Domaine doit devenir le bras séculier de l’État en matière immobilière 17

a) La réforme interne du service France Domaine 17

b) Le statut du service France Domaine 20

c) Une reprise en main des multiples structures publiques s’occupant d’immobilier de l’État 22

3.– Le Conseil de l’immobilier de l’État doit affirmer son rôle de conseil de surveillance 24

B.– LES MINISTÈRES ONT ENCORE TENDANCE À SE COMPORTER EN QUASI-PROPRÉTAIRES 26

1.– Les réticences dans l’application des disciplines communes 26

2.– Plusieurs exemples mettent en évidence des résistances à la réforme 29

C.– LA STRATÉGIE DE L’ÉTAT PROPRIÉTAIRE EST ENCORE INSUFFISANTE 32

1.– La définition de la stratégie de performance fait encore défaut 32

2.– Tirer les conséquences du « Grenelle de l’environnement » en matière immobilière 34

3.– L’approfondissement et l’extension des schémas pluriannuels de stratégie immobilière 36

4.– La nécessité de définir un tableau de bord fondé sur un système d’information performant 37

a) Définir un tableau de bord 37

b) Établir un système d’information 40

D.– QUELQUES POINTS DE PASSAGE CONDITIONNENT LA RÉUSSITE DE LA RÉFORME 42

1.– Les règles du compte d’affectation spéciale doivent évoluer 42

2.– Le régime juridique de l’affectation doit céder la place à de véritables baux publics 43

a) L’abrogation du régime de l’affectation 43

b) Baux publics 44

3.– Une politique d’entretien fait toujours défaut 45

E.– LE CHAMP DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT EST ENCORE INCOMPLET 48

1.– Les réserves de la Cour des comptes sur la valeur du parc immobilier de l’État 48

2.– Les opérateurs de l’État échappent en grande partie aux disciplines communes 49

3.– L’immobilier de l’État ne se limite pas aux immeubles de bureau 50

LISTE DES PROPOSITIONS DE LA MEC 55

TRAVAUX EN COMMISSION 57

A.– AUDITION DE M. ÉRIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE 57

B.– EXAMEN EN COMMISSION 67

AUDITIONS 77

A.– LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 77

B.– COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 79

ANNEXES 175

ANNEXE N° 1 : L’IMMOBILIER DANS QUELQUES MINISTÈRES 177

1.– Ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire 177

2.– Ministère de la Défense 180

3.– Ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire 183

4.– Ministère de la Culture et de la communication 186

5.– Ministères sociaux (ministère de la Santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, ministère du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité) 192

6.– Ministère des Affaires étrangères et européennes 200

ANNEXE N° 2 : ENQUÊTE DE LA COUR DES COMPTES SUR L’IMMOBILIER DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 209

INTRODUCTION

Le Gouvernement a depuis trois ans entrepris une ambitieuse réforme de la gestion immobilière de l’État. Cette réforme se heurte cependant à la résistance des différents ministères, qui sont réticents à voir leurs pouvoirs diminuer en matière immobilière. Il ne faut pas rester au milieu du gué et la volonté politique doit être réaffirmée pour mener à bien cette réforme.

La Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des Finances n’est pas étrangère à l’impulsion de cette réforme, avec le rapport d’information (n° 2453) présenté le 6 juillet 2005 par M. Georges Tron, sous la présidence de MM. Yves Deniaud, et Augustin Bonrepaux. Un rapport (n° 2926) de suivi avait été présenté un an après par M. Georges Tron. Les rapports spéciaux de ces trois dernières années sur le compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État ont également apporté, à l’occasion de chaque discussion budgétaire, des éléments d’information et des observations sur ce sujet. Le dernier en date est le rapport spécial (n° 276 annexe 48) présenté le 11 octobre 2007 par M. Yves Deniaud.

La MEC a souhaité faire un point d’étape de l’avancement de la réforme après l’installation du Gouvernement issu des élections de juin 2007. M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, a alors confirmé les orientations prises par son prédécesseur chargé du Budget, M. Jean-François Copé. Les deux conseils de modernisation des politiques publiques de décembre 2007 et avril 2008, dans le cadre de la revue générale des politiques publiques (RGPP), ont réaffirmé les principaux objectifs de la réforme. Au-delà des déclarations de principe, il s’agit d’examiner les avancées réelles et de signaler les points de blocage.

Force est de constater que l’État ne remplit par encore de manière satisfaisante son rôle de propriétaire des biens immobiliers affectés à ses services centraux, à ses services déconcentrés et à ses opérateurs. L’analyse jusqu’à présent menée dans le cadre de la MEC a dressé ce constat principalement pour les immeubles de bureau, mais il est probablement valable aussi pour les autres catégories de biens immobiliers : bâtiments historiques, musées, établissements pénitentiaires, tribunaux. Cette carence a pour conséquence une gestion qui n’est pas optimale, entraînant des surcoûts, une mauvaise adaptation des locaux aux usagers comme aux agents publics et un défaut d’entretien.

Le présent rapport a été élaboré à la suite de plusieurs auditions, notamment des ministères et du service France Domaine. Une table-ronde a également réuni des professionnels de l’immobilier, notamment privés, qui ont, comme dans le rapport de la MEC de juillet 2005, présenté les bonnes pratiques en la matière et indiqué la façon dont l’État pourrait s’en inspirer. Le rapport examinera dans un premier temps les avancées réelles de la réforme et ensuite le chemin restant à parcourir pour assurer son succès.

I.– LES OUTILS DE LA GESTION IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT
SONT MAINTENANT EN PLACE

A.– LE CONSTAT ET LES PROPOSITIONS DE LA MEC DE JUILLET 2005

Le constat que la MEC avait été amenée à établir montrait une absence de pilotage de l’immobilier de l’État : carences dans l’exercice des responsabilités, dysfonctionnements dans la gestion des ministères, entraînant un gaspillage des deniers publics. En comparaison, le secteur marchand (entreprises publiques et privées) avait déjà saisi l’intérêt et les enjeux de la mise en place d’une gestion professionnelle de l’immobilier, qui est un métier à part entière.

La fonction d’État propriétaire avait pratiquement disparu. Le bureau des Domaines se comportait en simple « notaire » de l’État, chargé de l’enregistrement des actes et de l’évaluation des biens. Les autres structures étaient multiples et inopérantes. Un défaut de professionnalisme était constaté tant dans l’administration des Domaines que dans les différents ministères.

L’État n’avait qu’une connaissance très imparfaite de son parc immobilier et il ne connaissait pas avec plus de précision le montant total de sa dépense immobilière. Son parc était à la fois sous-occupé et médiocrement entretenu. L’absence de stratégie était manifeste et les responsables immobiliers ministériels se comportaient en quasi propriétaires.

La MEC de juillet 2005 a alors émis des propositions tendant en premier lieu à réaffirmer la fonction d’État propriétaire. Il en découle une séparation nécessaire entre les rôles de propriétaire et d’occupant, avec la définition d’une stratégie immobilière de l’État.

Alors que l’immobilier de l’État était géré de façon éclatée dans les différents ministères, par l’administration des domaines et avec un vain effort de coordination au niveau du Premier ministre, la MEC avait demandé la prise en charge directe de ce dossier par le ministre chargé du Budget et de la réforme de l’État. Confiante dans la capacité des services de l’État à s’adapter aux nouvelles fonctions qu’on leur demande d’assumer, la MEC demandait la rénovation profonde de l’administration des Domaines. Un « conseil de pilotage » de l’immobilier de l’État composé de parlementaires, de membres des grands corps de contrôle et de personnalités qualifiées issues des milieux professionnels, devait aider le ministre dans l’accomplissement de cette mission.

La MEC demandait de responsabiliser les ministères, alors que jusque là l’immobilier semblait « gratuit » : elle souhaitait l’instauration de loyers budgétaires et la création d’une direction immobilière unique dans chaque ministère. Le rapport de juillet 2005 n’a jamais fait des cessions l’alpha et l’oméga de la politique immobilière de l’État. La proposition n° 6 disait explicitement qu’« une politique active de cessions n’est pas une fin en soi, mais devra découler logiquement d’une bonne gestion immobilière ». La MEC n’en a pas moins souhaité dynamiser les cessions des ministères, pour adapter un parc surdimensionné et souvent sous-occupé, avec un mécanisme d’intéressement des ministères aux cessions.

Une proposition concernait l’inventaire et l’évaluation des biens immobiliers de l’État, y compris ceux occupés par les opérateurs de l’État. Enfin la MEC proposait d’instaurer un système d’information permettant de connaître le coût de l’immobilier des ministères et de servir de base à la définition d’objectifs et d’indicateurs de performance immobilière, dans la logique de la LOLF.

B.– LES AVANCÉES DE LA RÉFORME ENTREPRISE DEPUIS 2005 SONT RÉELLES

Lors de son audition devant la MEC en juin 2005, le ministre du Budget et de la réforme de l’État, M. Jean-François Copé, avait indiqué qu’il partageait le constat et qu’il demandait à ses services de mettre en œuvre l’ensemble des propositions du rapport.

Il a alors confirmé devant les députés son implication directe et personnelle dans cette politique. Un conseil de l’immobilier de l’État (CIE) a été mis en place en juin 2006 (décret du 16 octobre 2006). Composé comme l’avait préconisé la MEC de parlementaires, de membres des grands corps de l’État et de personnalités qualifiées issues des milieux professionnels, il formule des orientations stratégiques et émet des recommandations et des préconisations opérationnelles au ministre. Il suit et évalue pour le compte de celui-ci l’avancement de la démarche de modernisation ainsi que l’évolution du parc immobilier. Vos Rapporteurs sont membres de ce conseil, qui est présidé par M. Georges Tron, co-président de la MEC.

Le ministre a décidé la création du service France Domaine en février 2006, puis son transfert de la direction générale des Impôts (DGI) vers la direction générale de la Comptabilité publique (DGCP) le 1er janvier 2007. Il a demandé l’adaptation de ses structures opérationnelles pour qu’en plus de ses missions traditionnelles (évaluation, passation des actes…), il assume la gestion de la politique immobilière (pilotage). Son action est relayée au niveau déconcentré par les services territoriaux rattachés aux TPG, sous la responsabilité des préfets.

Les cessions ont effectivement été dynamisées. D’un montant de 100 millions d’euros par an jusqu’en 2003, elles se sont élevées à 178 millions d’euros en 2004, 634 en 2005, 798 en 2006 et 820 en 2007. Une évaluation de 600 millions d’euros figure dans la loi de finances pour 2008. Les procédures de cession ont été professionnalisées (cadre juridique modifié, appels à candidature, présentation des dossiers…). Ces cessions ont montré leur utilité au début du processus de réforme pour redimensionner le parc (immeubles vacants, sous-utilisés) et amorcer le mouvement de modernisation. Elles doivent maintenant céder la place à la gestion.

Le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État a été créé dans la loi de finances pour 2006. Il est appelé à recevoir les produits des cessions et à financer les dépenses immobilières de toute nature. Un mécanisme d’incitation des ministères a été créé pour leur réattribuer en règle générale 85 % du produit des cessions, les 15 % restant allant au désendettement de l’État. Ce taux est porté à 95 % pour le ministère de l’Écologie, dans le cadre de son contrat de performance, et à 100 % pour les biens à l’étranger du ministère des Affaires étrangères et des ministères économique et financier, ainsi que pour le ministère de la Défense. Le taux est ramené à 50 % pour les rares biens vacants.

Des loyers budgétaires ont été instaurés progressivement à partir de 2006, afin de mettre fin à la gratuité apparente de l’immobilier et d’inciter les ministères à adapter les surfaces aux besoins.

Tous les ministères ont dû présenter en juin 2006 un schéma stratégique pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) pour leurs services centraux (Île de France), qui doit décrire les diagnostics par immeuble et les orientations stratégiques proposées par ministère.

L’actualisation du tableau général des propriétés de l’État (TGPE) a permis un meilleur recensement et une évaluation des biens. L’évaluation de l’ensemble du parc a été affinée. Elle est passée, entre le 31 décembre 2005 et le 31 décembre 2006, avec pourtant un parc en réduction, de 32,8 à 44,8 milliards d’euros (hors opérateurs de l’État), tel que cela figure désormais au bilan patrimonial de l’État dans la loi de règlement pour 2006. Le projet de loi de règlement pour 2007 présenté au Parlement le 29 mai 2008 indique que la valeur de ce parc immobilier « non spécifique » s’élève à 48,8 milliards d’euros au 31 décembre 2007.

L’adaptation du droit domanial amorcée dès 2004 a progressé avec :

– la refonte (par l’ordonnance du 19 août 2004) du statut domanial des bureaux administratifs, qui sont désormais classés dans le domaine privé de l’État ;

– l’amélioration des modalités de cession des biens domaniaux grâce au décret du 4 novembre 2004 (cession amiable par voie d’appel d’offres) ;

– la clarification de l’affectation des immeubles à usage de bureau dans la nouvelle rédaction de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation ;

– la fusion du droit de préemption et de priorité pour les collectivités territoriales ;

– la création d’une commission pour la transparence et la qualité des cessions du domaine immobilier de l’État, par arrêté du 20 octobre 2005 ;

– l’ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques (assouplissement des conditions de cession, de recours au crédit-bail et au bail emphytéotique et harmonisation des règles applicables par les collectivités publiques).

La circulaire du Premier ministre du 28 février 2007 relative à la modernisation de la gestion immobilière de l’État, précise, dans la droite ligne des propositions de la MEC, les acteurs – parmi lesquels le ministre chargé du Budget et de la réforme de l’État, le service France Domaine et le Conseil de l’immobilier de l’État - et les nouveaux principes de la politique immobilière.

En septembre 2007 devant le CIE, puis en novembre 2007 et janvier 2008 devant votre commission des Finances, M. Éric Woerth, ministre du Budget, a marqué clairement son intention de poursuivre la politique amorcée par son prédécesseur. Il a, en particulier, marqué son soutien au CIE et a même proposé d’élargir ses compétences en décidant de lui soumettre pour avis les principales opérations de cession, d’acquisition ou de bail. Cette nouvelle procédure a pour but d’éclairer le choix du ministre et, surtout, d’assurer une certaine transparence des décisions. L’avis du CIE apporte un appui utile au ministre et au service France Domaine dans l’application des orientations de la nouvelle politique immobilière, face à des ministères qui défendent fermement leurs demandes et testent la solidité des nouvelles orientations.

Dans le cadre de la RGPP, le Conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 a réaffirmé les orientations précédentes : mise en place d’un État propriétaire unique, professionnalisé, incarné par le service France Domaine et sous la responsabilité du ministre chargé du Budget et de la modernisation de l’État ; poursuite des cessions de biens inutiles avec l’évolution de la règle de retour vers une plus grande mutualisation ; poursuite de la stratégie de performance avec l’approfondissement et l’extension des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) et la mise en place d’indicateurs de performance, comme le ratio d’occupation de 12 m2 par agent ; généralisation des loyers budgétaires ; remplacement de la notion juridique d’affectation par des « quasi-baux publics », révisables, qui définiront les obligations de chaque partie ; recensement et dynamisation du patrimoine détenu par les grands opérateurs de l’État ; nécessité d’assurer un bon entretien pour préserver la valeur patrimoniale.

Le Conseil de modernisation du 4 avril 2008 confirme ces orientations et les précise sur certains points : préparation d’un projet de décret en Conseil d’État supprimant la procédure de l’affectation des immeubles domaniaux ; étude de modes innovants de valorisation du patrimoine immobilier de l’État. D’autres orientations sont simplement confirmées sans indication précise de calendrier à ce stade : recensement du patrimoine occupé par les grands opérateurs ; conclusion de « baux publics » (1) avec les occupants ; relance de l’expérimentation de mutualisation des moyens d’entretien dans la région Rhône-Alpes, qui marquait le pas jusqu’à présent. D’autres enfin sont rappelées mais sans que l’on connaisse précisément les détails de leur mise en œuvre : présentation en avril et mai 2008 de l’actualisation des SPSI, après prise en compte des décisions de la RGPP ; évolution du taux de retour sur cessions ; opérations immobilières (acquisitions, prises à bail, cessions…) effectuées à l’initiative du service France Domaine. Une circulaire devrait être prochainement adressée aux préfets détaillant ces réformes et précisant leurs responsabilités.

Les semaines à venir seront déterminantes pour préciser les décisions, fixer les calendriers, chiffrer les objectifs.

C.– LES PRINCIPES D’UNE BONNE GESTION SONT ÉTABLIS

La réforme entreprise doit permettre à l’État de remplir pleinement son rôle de propriétaire. En découle une séparation entre le propriétaire (l’État) et l’occupant (le ministère), sur la base des relations de droit commun entre le propriétaire et le locataire.

Le propriétaire assume la gestion patrimoniale, la maîtrise d’œuvre, la gestion locative et l’administration des immeubles domaniaux (« asset management et property management »). Il prend à bail sur le marché privé les immeubles supplémentaires nécessaires au fonctionnement des services de l’État. Il perçoit les loyers et les produits de cessions et assume en contrepartie la responsabilité des investissements (acquisitions, construction, travaux et entretien lourd). Le propriétaire assure dans tous les cas le pilotage et le contrôle mais peut déléguer ou externaliser certaines missions ou opérations qui ne relèvent pas de son « cœur de métier ». L’occupant (locataire) assume les responsabilités relatives à la maintenance et à l’entretien courant (« facility management »).

Il s’agit d’établir une relation contractuelle équivalente à celle prévalant dans un bail commercial, avec le paiement de loyers. Cette séparation des rôles entre le propriétaire et l’occupant doit mettre un terme à la confusion qui prévalait jusqu’à présent, et en particulier mettre fin au comportement de quasi-propriétaires des ministères.

Le principe d’une stratégie de l’État propriétaire est posé. Cette stratégie repose jusqu’à présent sur les SPSI, que les ministères ont présentés pour la première fois en 2006, et qui doivent être actualisés régulièrement. Elle doit être complétée par un « schéma global de l’État propriétaire », pour lequel le ministre Éric Woerth a demandé en septembre 2007 une contribution au CIE. Le CIE a adopté cette contribution lors de sa réunion d’avril 2008 et le document sera remis au ministre. Il s’agit de constituer un parc resserré, adapté aux besoins du public et des agents, mis aux normes, mieux entretenu et géré au meilleur coût. Le CIE appelle à raisonner en termes d’efficience et d’économies de gestion, au-delà du seul poste de recettes de cessions. D’autres objectifs sont bien sûr à poursuivre pour d’autres actifs que le parc de bureaux : préservation du patrimoine historique, mobilisation du foncier en faveur du logement…

Des critères de performance sont en cours de définition, notamment dans une étude remise en septembre 2006 au service France Domaine par Ineum/IPD(2). Cette étude est une première étape qui doit être approfondie(3).

La situation de nombreux immeubles montre qu’un effort accru doit être produit pour l’entretien. Des pistes pour parvenir à une amélioration de l’entretien du patrimoine ont été tracées.

D.– LES STRUCTURES SONT EN PLACE

L’affirmation de l’État propriétaire, fonction qui n’était pas remplie, s’est concrétisée par la responsabilité directe du ministre chargé du Budget et de la modernisation de l’État. Le débat était de savoir si cette politique interministérielle devait être mise en œuvre par le Premier ministre ou le ministre du Budget. L’échec de la Commission interministérielle de la politique immobilière de l’État (CIPI), mise en place par la « circulaire Cresson » de 1992 - qui lui confiait la définition et la mise en œuvre de la politique immobilière - et rattachée au Premier ministre, a montré que les services du Premier ministre ne sont pas outillés pour cette tâche. Logiquement c’est vers le ministre dont relève l’administration des Domaines que le rapport de la MEC de juillet 2005 s’est tourné. Ce choix de raison est aujourd’hui un acquis, même s’il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une politique interministérielle.

Le service France Domaine est né sur la base de l’ancienne administration des Domaines. Il s’agit de transformer cette administration pour qu’elle évolue du rôle de « notaire » de l’État à celui de « bras séculier » de la nouvelle politique. Les tâches traditionnelles (évaluation, passation des actes) doivent faire place à des fonctions nouvelles de pilotage, de définition de la stratégie et de contrôle. Cette adaptation suppose une mutation profonde, avec une professionnalisation des équipes et une « révolution culturelle » à même de s’approcher des meilleures pratiques de la profession. L’ancien bureau des Domaines, devenu le service France Domaine, a été transformé en service rattaché au directeur général des Impôts en 2006. Il a été transféré à la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) le 1er janvier 2007, pour des raisons étrangères à la politique immobilière, dans le cadre de la réorganisation générale des services du ministère des finances.

Dans les départements, ce sont les trésoriers payeurs généraux, sous l’autorité des préfets et avec les services de la Trésorerie, qui constituent le service France Domaine.

Le Conseil de l’immobilier de l’État (CIE) a été créé en juillet 2006 pour jouer le rôle de « conseil de surveillance » de la politique immobilière de l’État. Sur le modèle de la gouvernance d’entreprise, il assure les fonctions de définition des grandes orientations et de contrôle de leur mise en œuvre effective. Il a un rôle purement consultatif auprès du ministre, qui prend les décisions en dernier ressort. Le ministre Éric Woerth a, peu après sa prise de fonctions, proposé au CIE d’émettre un avis préalable sur les plus importantes opérations immobilières de l’État (cessions, acquisitions, prises à bail).

Les ministères, de leur côté, se sont vus responsabilisés dans leur gestion immobilière. La mise en place de loyers budgétaires leur a fait prendre conscience du coût de l’immobilier. Sur la recommandation de la MEC, chaque ministère a dû créer une direction immobilière unique pour l’ensemble du parc, alors qu’auparavant cette gestion était éclatée entre les différents réseaux ou directions générales. Les directeurs immobiliers sont sous la responsabilité des secrétaires généraux pour l’administration, chargés de la modernisation de l’État dans tous ses aspects (immobilier, gestion des ressources humaines, affaires financières, informatique, achats…). Un effort de professionnalisation des cadres chargés de l’immobilier est en cours de réalisation.

E.– LES LOYERS BUDGÉTAIRES METTENT FIN À LA GRATUITÉ APPARENTE DE L’IMMOBILIER

Des loyers budgétaires ont été expérimentés en 2006 pour certains immeubles de trois ministères (Économie et finances, Affaires étrangères et Justice). Ils ont été généralisés à l’ensemble des immeubles des administrations centrales en 2007 sur des bases plus proches des loyers de marché, puis étendus pour les services déconcentrés dans un quart des départements et sur les dix principales agglomérations de notre pays, en 2008. Un travail est toujours en cours par France Domaine pour approcher la détermination de ces loyers de la valeur de marché, immeuble par immeuble.

Ce mécanisme sera étendu progressivement aux services déconcentrés de l’État. En 2008 ils concerneront les départements d’Île de France, les dix plus grandes agglomérations, les six départements concernés par la fusion DDE-DDA (sauf Tarn et Tarn et Garonne) plus l’Eure et Loir, le Loiret, l’Indre, l’Indre et Loire et les villes de Bruxelles et d’Athènes.

Le mécanisme des loyers budgétaires est une incitation pour responsabiliser les ministères à la gestion immobilière. Ce n’est pas un jeu à somme nulle. Certes, la première année d’application, la dotation budgétaire est d’un montant équivalent au loyer à payer. Mais ensuite, il n’y a plus de dotation budgétaire additionnelle. Le montant des loyers évolue mécaniquement en fonction de l’évolution du parc et du loyer de marché.

Il s’agit d’un mécanisme vertueux extrêmement puissant. Ainsi, si le ministère étend ses surfaces ou si les prix de marché augmentent (ce qui est actuellement le cas), son loyer budgétaire augmentera et le ministère devra le financer à enveloppe budgétaire constante. Il sera donc incité à diminuer les surfaces. Le ministre du Budget a d’ailleurs déclaré devant la commission des Finances le 15 janvier 2008 qu’il étudiait un système encore plus incitatif où la dotation budgétaire pourrait être réduite pour la faire correspondre aux surfaces « nécessaires » et non plus aux surfaces réellement occupées.

Le mécanisme des loyers peut constituer un outil de pilotage enclenchant une spirale économique vertueuse. L’application de loyers de marché sur tout ou partie du parc permet de connaître les coûts réels de l’occupation et d’effectuer des arbitrages. Il permet de piloter une stratégie d’implantation performante. L’abandon des sites les plus coûteux pourrait être envisagé, pour une relocalisation dans des conditions de localisation et de surface conformes aux orientations définies. La vente et le rachat de sites moins coûteux permettraient de dégager une marge de plusieurs centaines de millions d’euros. Les économies de loyer réalisées par la relocalisation et par de meilleurs ratios d’occupation peuvent également être substantielles. Une étude CBRE (4)/Ineum Consulting, remise en 2007 au CIE, a montré que sur 173 immeubles administratifs parisiens, une économie de 950 millions d’euros pouvait ainsi être attendue (solde des produits des cessions de 17 immeubles rapportant 1,6 milliard d’euros et des coûts de réimplantation conformes aux objectifs de l’État).

En contrepartie des économies réalisées, le ministère du Budget doit s’engager à ne pas réduire la dotation budgétaire, et le ministère doit pouvoir gérer les marges réalisées dans le cadre de l’enveloppe globale des missions et programmes en faisant fonctionner la fongibilité. La mise en œuvre à compter de 2009 du budget pluriannuel, en déterminant les grandes enveloppes budgétaires sur trois ans, devrait grandement faciliter le fonctionnement de la fongibilité.

Proposition n° 1 : Le Gouvernement doit mener à son terme la réforme de la gestion immobilière de l’État qu’il a initiée à la suite du rapport de la MEC de juillet 2005, faute de quoi elle resterait en grande partie inopérante.

II.– LA RÉFORME NE DOIT CEPENDANT PAS RESTER INACHEVÉE

Il faut résolument aller plus loin pour mener la réforme à son terme.

La politique initiée par M. Jean-François Copé, qui a permis ces avancées notables, a cependant donné l’impression de trop porter l’attention sur la réussite du programme de cessions. Ces cessions étaient nécessaires dans un premier temps, dans la mesure où le patrimoine immobilier de l’État n’avait cessé de s’accroître au cours des dernières décennies et n’avait jamais fait l’objet de remise en cause pour s’adapter aux besoins.

Mais des exemples récents ont montré que des cessions réalisées sans stratégie préalable cohérente pouvaient aboutir à des résultats inverses au but recherché. Il en est ainsi de la cession, suivie du rachat de l’immeuble de l’Imprimerie nationale rue de la Convention, qui est emblématique de ce qu’il ne faut plus faire. M. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes, a reconnu lors de son audition le 16 avril 2008 devant la MEC « la dysharmonie de l’achat de l’immeuble en 2007 et de la vente en 2003 ». Elle est symptomatique d’une situation où les cessions sont mal coordonnées dans le temps avec les besoins.

M. Olivier Debains, Président de la SOVAFIM, déclarait à ce propos le 24 Janvier 2008 lors de son audition par la MEC que : « La cession est, à défaut de mieux, le moyen le plus efficace que l’on ait trouvé pour faire bouger les choses, à condition qu’on ne considère pas le volume de cession comme l’indicateur de la performance de la politique immobilière de l’État. » Il s’agit maintenant, au-delà des cessions, d’impulser et de mener une véritable gestion de l’immobilier de l’État, dont les cessions ne seraient qu’un aspect.

La volonté politique doit être réaffirmée tant par le ministre du Budget que par le Gouvernement tout entier pour prendre ses responsabilités et concrétiser la réforme. Faute de quoi, celle-ci, restée inachevée, sera un échec.

A.– LA GOUVERNANCE DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DOIT ÊTRE CONSOLIDÉE

1.– La volonté politique de la réforme doit être réaffirmée

La circulaire du 28 février 2007 délègue la mise en œuvre de la politique immobilière de l’État au ministre chargé du Budget et de la réforme de l’État. Le Premier ministre se doit néanmoins de soutenir la politique interministérielle mise en œuvre par son ministre du Budget, faute de quoi ce dernier se verrait déjugé.

Des exemples récents montrent que des ministères cherchent toujours à faire arbitrer les décisions qui les concernent par le cabinet du Premier ministre, en court-circuitant l’instruction effectuée par le service France Domaine et, s’il a eu lieu, l’avis du Conseil de l’immobilier de l’État. Il en a été ainsi du pôle financier du TGI boulevard des Italiens et de l’implantation de la direction de la Musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) du ministère de la Culture rue Beaubourg, qui ont été arbitrés dans un sens opposé aux avis du CIE. De même le musée du Louvre, qui cherche à s’implanter dans l’immeuble du Louvre des Antiquaires – le même qui avait été refusé en son temps pour la DMDTS, ou le ministère de l’Immigration, qui souhaiterait louer un des immeubles les plus chers de Paris, rue de Grenelle, pour héberger ses services centraux. C’est ce qui a justifié l’envoi par M. Georges Tron, en tant que président du CIE, d’un courrier au Premier ministre en date du 2 avril 2008, et une réunion consécutive le 8 avril avec le directeur de cabinet du Premier ministre, en présence de M. Yves Deniaud et de M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du CIE.

Il faudrait arriver à établir un système où, comme dans une relation de droit privé, les décisions immobilières relevant du propriétaire soient effectivement prises par lui. Pour l’État, le propriétaire est incarné par le service France Domaine, sous l’autorité du ministre du Budget et avec la surveillance active du Conseil de l’immobilier de l’État. Le rapport de la MEC de juillet 2005 avait proposé de placer le service France Domaine au cœur du dispositif. Il faut éviter qu’il ne soit pris en tenaille entre, d’un côté les ministères, et de l’autre les arbitrages pris par le Premier ministre. Faute de quoi, survivrait le système dénoncé dans le rapport de la MEC de juillet 2005, où deux conseillers du cabinet du Premier ministre prennent au coup par coup les décisions en matière immobilière, et où les rapports de force et les jeux d’influence se substituent à l’instruction rationnelle des dossiers. En ne respectant pas les attributions du ministère du Budget, l’État s’expose à un problème de gouvernance. La volonté politique de mettre en œuvre la réforme doit s’affirmer à tous les niveaux de l’État : Premier ministre, ministre du Budget et ministères occupants.

Il n’est est pas encore ainsi. M. Luc Renaudin, directeur de Jones Lang LaSalle, lors de son audition devant la MEC le 25 janvier 2008, expliquait qu’« un autre travers, que l’État partage en l’occurrence avec nombre d’entreprises privées, est l’absence de mandat de l’autorité, clair et ferme – l’équivalent d’une direction générale dans le privé. Pour France Domaine, la direction générale est-elle le Premier ministre ? Revient-elle à un ministre en particulier ? ». Il insistait également, comme d’autres professionnels du secteur privé, sur la nécessité de « chercher à travailler dans un climat de confiance ».

Proposition n° 2 : La réforme de la gestion immobilière de l’État doit être portée par une volonté politique sans faille au niveau tant du ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique que du Premier ministre.

2.– Le service France Domaine doit devenir le « bras séculier » de l’État en matière immobilière

Nous sommes à la croisée des chemins. La réforme de la politique immobilière de l’État ne pourra être pleinement mise en œuvre que si les ministères ont l’assurance qu’ils se dessaisissent de leurs pouvoirs au profit d’une entité - France Domaine -, qui saura les assumer. Or les ministères peuvent encore en douter. Ainsi, M. Étienne Marie, directeur de l’Administration générale, du personnel et du budget du ministère du Travail, déclarait le 3 avril 2008 lors de son audition par la MEC que « France Domaine s’est emparé de son rôle à bras-le-corps mais reste un propriétaire aux prérogatives limitées, notamment pour ce qui concerne les gros travaux d’entretien. En outre, il manque encore un plan interministériel de l’implantation des propriétés de l’État. »

Pour ce faire, le service France Domaine doit réussir sa réforme interne. M. Dominique Lamiot, directeur général de la Comptabilité publique, déclarait devant la MEC le 24 janvier 2008 : « pour autant, France Domaine peut-il être considéré comme un bras séculier ? Incarne-t-il pleinement l’État propriétaire ? Pas encore. Non seulement il faut faire tomber un certain nombre de barrières culturelles, mais des questions juridiques se posent. Le décret en Conseil d’État actuellement en préparation doit apporter des réponses ».

a) La réforme interne du service France Domaine

L’évolution constatée depuis trois ans montre que le service France Domaine, dans sa composition actuelle et avec son statut, ne peut pas être le pilote de l’immobilier de l’État. Sa réforme interne reste toujours à faire. Il s’agit d’un constat de carence. France Domaine doit devenir le bras séculier de la politique immobilière pour incarner l’État propriétaire.

Le transfert de France Domaine de la DGI à la DGCP, puis la fusion de ces deux directions générales au sein de la direction générale des Finances publiques, a fait perdre un temps précieux du fait des problèmes de gestion de personnel. M. Dominique Lamiot, directeur général de la Comptabilité publique, a précisé le 24 janvier 2008 que « ce transfert a concerné près de 2 000 personnes dans les services déconcentrés et 60 collaborateurs en administration centrale. »

Au niveau déconcentré, les TPG, sous l’autorité des préfets, doivent devenir les antennes du service France Domaine pour piloter l’immobilier relevant de leur territoire. Mais M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, reconnaissait devant la MEC le 24 janvier dernier que « les représentants du Rhône pourront, néanmoins, témoigner que, dans la réalité des provinces, les services déconcentrés de l’État n’ont pas connaissance des décisions prises sur l’État propriétaire unique. Nous avons demandé aux trésoriers payeurs généraux d’assumer auprès des préfets la responsabilité de l’État propriétaire plein et entier et ils nous disent qu’ils ont face à eux des responsables de services déconcentrés désemparés. »

Vos Rapporteurs ont eu connaissance dans plusieurs départements de réticences, de points de frottement, de frictions de la part des ministères. Certains TPG ont même semblé recevoir la tâche nouvelle de l’immobilier sans enthousiasme excessif… L’audition de la MEC du 24 janvier a montré que, dans la région Rhône-Alpes, les ministères ont laissé leurs services déconcentrés sans instructions, ce qui a empêché jusqu’à présent la mise en œuvre de l’expérimentation de mutualisation de l’entretien. Il semble que dans certains départements les transferts d’effectifs domaniaux de la DGI vers la DGCP aient décapité les états-majors et entraîné une perte, que l’on espère temporaire, des compétences. Cette « évaporation » a été jugée nulle par le directeur général de la Comptabilité publique, lors de son audition devant la MEC. Vos Rapporteurs ont demandé en vain à la DGCP des statistiques complètes et précises des effectifs domaniaux avant et après le transfert. Il est sûr que le fait que nombre d’agents exerçaient des tâches domaniales à temps partiel, à côté des fonctions fiscales, complique l’établissement de ces données.

La carence concerne au premier chef la professionnalisation du service France Domaine. M. Jean-François Copé avait annoncé le recrutement de trente professionnels issus du secteur privé. M. Dominique Lamiot, devant la MEC, a reconnu que seuls deux contrats avaient été signés. Il ne faut nier la difficulté de l’opération, la fonction publique souffrant d’un problème structurel d’attractivité pour des professionnels très spécialisés. Le service France Domaine devrait également bénéficier de transferts de personnels en provenance des ministères chargés des fonctions dévolues au propriétaire. Un effort de définition des différents métiers de l’immobilier devrait être effectué. Le recours par le service France Domaine à des professionnels extérieurs (prestations d’assistance et de conseil, réalisation d’évaluations par des professionnels privés, notaires privés, géomètres-experts…) est positif, mais porte seulement sur des fonctions partielles proches des fonctions traditionnelles (évaluation, passation d’actes) qui restent périphériques de la gestion immobilière proprement dite.

La mise en œuvre de la stratégie nécessite des moyens professionnels non négligeables : diagnostic et adaptation du parc en fonction des objectifs de performance définis (ratios de surfaces, maîtrise des coûts, choix de localisation) et suivi de la politique active d’entretien. Ces actions supposent, pour produire leurs effets, la mise en place de groupes de pilotage sur une durée supérieure à cinq ans.

Ainsi, l’office fédéral allemand pour l’immobilier (BImA - Bundesanstald für Immobilienaufgaben) mis en place en 2005, et dont un représentant siège au Conseil de l’immobilier de l’État, a accru ses effectifs de 5 710 à 6 174 en 2006. Il est vrai que, paradoxalement, dans ce pays à constitution fédérale, les fonctions de propriétaire ont toujours été exercées au niveau centralisé et non dans les différents ministères.

Il reste encore à effectuer dans le service France Domaine la distinction des fonctions de gestionnaire immobilier (rôle de propriétaire, stratégie, recensement et évaluation, bilan patrimonial de l’État) des fonctions plus traditionnelles. Ces dernières couvrent une grande variété d’opérations parmi lesquelles : évaluation, passation et authentification des actes immobiliers, ventes des meubles de l’État et de ses établissements publics, curatelles (biens vacants et sans maître, successions vacantes et non réclamées, séquestres), rôle juridictionnel (expropriation, ester en justice pour le compte de l’État, contentieux du recouvrement des produits domaniaux).

Le service France Domaine a pris une initiative heureuse par la circulaire de la direction de la Comptabilité publique du 28 février 2007 : l’avis domanial modifié étend son champ à l’examen de la conformité de l’opération projetée aux orientations de la politique immobilière de l’État. Sont ainsi examinés la localisation géographique (prestations luxueuses ou sobres, prix du marché, facilité d’accès en transports en commun, facilités de stationnement), le regroupement ou la dispersion des services, l’évolution des surfaces, l’évolution du ratio de m2 par agent, l’aménagement des espaces (plateaux ou espaces cloisonnés), les frais d’entretien et les grosses réparations. La partie de l’avis domanial sur la conformité de l’opération aux orientations de la politique immobilière de l’État doit permettre de répondre aux questions suivantes :

– l’opération permet-elle de réduire la dépense publique (localisation géographique, choix des emplacements, réduction du nombre des sites, réduction des surfaces occupées) ?

– l’opération permet-elle d’améliorer la qualité du service public aux usagers ?

– l’opération permet-elle d’améliorer le cadre de travail des agents ?

Il reste à faire vivre pleinement cet avis domanial modifié. Il est incompatible avec le fait que l’instruction des opérations (acquisition, cession, rénovation, travaux…) soit encore essentiellement pilotée par les ministères eux-mêmes. France Domaine se plaint encore de manquer trop souvent d’éléments d’information pour fournir un avis pertinent et motivé. De fait, les dossiers récents portés à la connaissance du CIE montrent que l’avis domanial porte encore principalement sur les tâches traditionnelles et que la partie relative à la conformité aux orientations demeure encore trop sommaire.

La réforme du service France Domaine dans les services déconcentrés met en évidence l’importance de s’appuyer sur des moyens professionnels adéquats et mutualisés entre les différentes administrations. Les ministères disposent en effet de l’essentiel des effectifs compétents pour gérer les fonctions de propriétaire. Elle pose la question du niveau de déconcentration : département ou région. Le décret du 29 avril 2004 confie la mission domaniale aux préfets de département, compétence qui est largement déléguée aux TPG. Or les problématiques immobilières excèdent souvent le territoire départemental pour porter sur l’ensemble régional, voire interrégional.

b) Le statut du service France Domaine

Le rapport de la MEC de juillet 2005 avait posé la question du statut du service France Domaine, en souhaitant s’appuyer sur les modèles réussis de l’Agence France Trésor et de l’Agence des participations de l’État, toutes deux services à compétence nationale (SCN). L’autonomie suggérée par le rapport de la MEC est une des conditions de l’affirmation de son autorité face aux différents ministères. Au vu des problématiques identifiées depuis trois ans, cette recommandation s’avère plus que jamais d’actualité.

Un service France Domaine au statut rénové devrait en effet être responsable des opérations budgétaires suivantes : ses recettes consisteraient dans les produits des cessions des immeubles de l’État, les loyers budgétaires et éventuellement des dotations budgétaires ; en dépenses, il assumerait les décisions en matière de dépenses d’investissement immobilier des ministères, qui sont actuellement portées sur leurs budgets. La responsabilité de l’investissement immobilier est un attribut essentiel de la propriété. Le service France Domaine devrait également financer la charge de l’entretien des immeubles de l’État et en définir les grandes orientations.

Les rapports de l’Inspection générale des finances de 2002 et 2003 avaient déjà indiqué que plusieurs options sont possibles. En partant de la plus proche de la situation actuelle (un simple service de l’État), on trouve le service à compétence nationale (SCN), l’« agence » tout récemment proposée dans la RGPP, l’établissement public administratif (EPA), l’établissement public industriel et commercial (EPIC), voire la société anonyme dont le capital détenu par l’État serait constitué par le transfert des immeubles.

En outre les dispositions de la LOLF ne permettent pas que le CAS reçoive le paiement des loyers et finance les dépenses immobilières des ministères (entretien et investissement) (5). Par ailleurs, et cela a été décrit dans le dernier rapport spécial (n° 276 annexe 48) présenté sur le projet de loi de finances pour 2008 par M. Yves Deniaud, le fonctionnement actuel du CAS est déficient et il ne satisfait pas aux objectifs qui avaient présidé à sa création, notamment la transparence des dépenses et recettes immobilières. Dans ce contexte, on doit se poser la question du fonctionnement du CAS sous sa forme actuelle.

Un budget annexe n’est pas non plus envisageable, car il retrace les opérations résultant d’une activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances. Les comptes de commerce, quant à eux, ne peuvent que retracer les opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État.

Le Schéma global de l’État propriétaire, tel qu’adopté en avril 2008 par le CIE, explore plus particulièrement la possibilité de faire de France Domaine un établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière.

À titre de comparaison, Post Immo, la filiale immobilière du groupe La Poste, perçoit de vrais loyers et porte la propriété du parc immobilier. Post Immo présente chaque année un compte d’exploitation (loyers, dépenses d’entretien et d’investissement) et dégage un résultat, comme toutes les autres filiales du groupe. Il faut étudier dans quelle mesure un tel exemple peut alimenter la réflexion de l’État et être adaptée à la sphère publique. Sa transposition pure et simple privilégierait une stratégie d’optimisation du compte de résultat au détriment des autres considérations (adaptation des locaux aux services publics, intérêts des agents publics qui y travaillent…).

La création d’une agence sous la forme d’un établissement public industriel et commercial (EPIC) ou d’une société anonyme publique, telle que préconisée par M. Olivier Debains dans son rapport de 2003, n’a pas été retenue, car difficile à mettre en œuvre du fait de nos traditions politiques et administratives. En outre le rapport de M. Olivier Debains portait essentiellement sur les immeubles de bureau et la vocation universelle d’une agence sur l’ensemble du parc immobilier de l’État est impossible à réaliser, en dehors des immeubles de bureau. Ce rapport estimait que : « cette entité devrait se voir transférer progressivement la propriété du parc des immeubles de bureaux appartenant à l’État. (…) Pour que la fonction de propriétaire immobilier public puisse être remplie efficacement, il est préférable qu’elle s’exerce dans le cadre de la comptabilité "commerciale". L’ensemble de disciplines de la comptabilité commerciale, et en particulier l’exigence de l’établissement d’un bilan appuyé sur un registre des biens valorisés, de l’inscription des provisions afférentes aux dépenses nécessaires au maintien de la valeur du patrimoine constituent autant de garantie pour l’État propriétaire. La comptabilité commerciale fournit également les fondements d’une comptabilité analytique indispensable pour une gestion performante de ces actifs. (…) Dans la mesure où une "entité publique" reprend la propriété de l’ensemble du patrimoine banalisé, le produit des cessions des actifs correspondants doit bénéficier à cette "entité", qui devra supporter en contrepartie le coût des acquisitions et des travaux de grosses réparations qui incomberont au propriétaire et non plus aux ministères affectataires. C’est le budget général, qui sera le bénéficiaire final de ces produits. ». Si une telle solution est intellectuellement satisfaisante, les difficultés de mise en œuvre d’une telle solution seraient nombreuses : transfert de propriété, régime des amortissements, caractère industriel et commercial de la nouvelle entité, statut des personnels…

Dans le cadre du présent rapport vos Rapporteurs se prononcent simplement, et de façon réaliste, pour une évolution du statut du service France Domaine qui lui assure un niveau de rattachement et une autonomie qui dépasse le choix actuel du Gouvernement d’en faire un simple service au sein de la nouvelle direction générale des Finances publiques. Il s’agit de ni plus ni moins de rappeler la proposition contenue dans le rapport de la MEC de juillet 2005 de faire du service France Domaine un service à compétence nationale (SCN). C’est la condition nécessaire à l’affirmation de son autorité.

Enfin le CIE continuerait à jouer le rôle de « conseil de surveillance » du service France Domaine au statut ainsi rénové. Le modèle est ici celui de la gouvernance d’entreprise. Le directeur général propose au conseil d’administration une stratégie, le conseil d’administration discute et valide. Ensuite le directeur général décline et met en œuvre, le conseil d’administration contrôle.

c) Une reprise en main des multiples structures publiques s’occupant d’immobilier de l’État

France Domaine doit également assurer la cohérence des activités de divers organismes publics intervenant dans l’immobilier.

Ainsi, la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP) a été créée en 1977. Elle a pour mission de favoriser l’amélioration de la qualité architecturale des ouvrages édifiés pour le compte des collectivités publiques (conseil et assistance aux maîtres d’œuvre publics, formation et information des maîtres d’ouvrage, amélioration des procédures).

La Délégation interministérielle pour le développement de l’offre de logement (DIDOL) a été créée en 2005 et placée, par délégation du Premier ministre, sous l’autorité du ministre chargé du logement. Elle est chargée de fixer les orientations de la politique gouvernementale en matière de développement de l’offre de logement, en particulier la politique de développement de la ressource foncière.

La Délégation à l’action foncière (DAF) du MEEDDAT a été créée en 2005 à la suite du rapport Pommelet d’octobre 2003. Son département foncier est chargé de mobiliser le foncier inutile du ministère et de la SNCF, RFF et de la RATP, afin de favoriser l’offre de logement, notamment logement social. Son département immobilier joue le rôle de direction immobilière du MEEDDAT.

La Commission interministérielle de la politique immobilière de l’État (CIPI) a été créée en 1992 et gère les investissements immobiliers des parties communes des cités administratives.

On peut citer également la Mission d’appui aux partenariats public-privé. Un contrôle strict des partenariats public-privé est nécessaire, comme le montrent les critiques de la Cour des comptes dans son rapport public annuel (2008) sur le pôle de renseignement de Levallois Perret. Il faut éviter un coût de la ressource financière supérieur au coût sur crédits budgétaires.

On peut encore songer, pour des opérations locales, aux offices HLM et aux entreprises sociales pour l’habitat.

Quelle que soit la qualité de ces différents « outils », vos Rapporteurs considèrent cependant que l’on ne peut se passer d’une autorité centrale bien établie.

Enfin, comme cela sera détaillé ci-après (partie II - B), plusieurs ministères ont constitué ou sont en train de créer des structures ad hoc de gestion d’une partie du parc immobilier : Défense, Justice, Affaires étrangères, Culture… Il s’agit clairement de manœuvres de contournement des disciplines établies par la nouvelle politique immobilière de l’État. Ainsi les ministères de la Culture et de la Justice multiplient les structures chargées des grands chantiers culturels, judiciaires ou pénitentiaires. Vos Rapporteurs estiment que l’on pourrait envisager à la place la création d’un opérateur chargé de la mutualisation de la maîtrise d’ouvrage et ayant vocation à remplacer les multiples structures ministérielles ad hoc (Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturel - EMOC, Agence publique pour l’immobilier de la justice - APIJ, etc.).

Dans le cadre d’une stratégie globale pilotée au niveau central par lui, le service France Domaine peut s’appuyer certes sur des compétences et des organismes publics spécialisés sur des missions spécifiques ou des segments particuliers du parc immobilier. Mais cela suppose un pilotage fort de France Domaine, qui doit rester maître de la stratégie. Il faudrait s’assurer que France Domaine soit présent dans les conseils d’administration de tous ces organismes et exerce effectivement son rôle de pilotage d’ensemble. Devra évidemment être évitée le maintien ou la création de foncières ministérielles, qui seraient contraires à la logique de gestion unique et empêcherait les arbitrages transversaux et la mutualisation des moyens.

On ne peut nier le fait que le service France Domaine ne pourra pas tout faire seul. France Domaine pourrait tisser des liens avec des opérateurs de marché, publics ou privés, pour aider l’État à étudier, concevoir, réaliser des opérations spécifiques (SOVAFIM, filiales de la Caisse des dépôts, CB Richard Ellis, Jones Lang LaSalle, IPD...). Ainsi la SNI (groupe Caisse des Dépôts) gère depuis de nombreuses années le parc des logements de fonction des militaires. ICADE (également groupe Caisse des Dépôts) a monté plusieurs opérations de partenariat public privé (PPP) avec différents ministères. La SOVAFIM peut jouer un rôle utile en matière de cessions ou de portage de la propriété publique (par exemple le projet en cours sur l’ex siège de l’ONIC qui deviendrait le futur siège de la Maison de la Francophonie). Le service France Domaine devrait dresser une cartographie des opérateurs de marché qui pourraient ainsi aider l’État, avec une typologie des missions qui pourraient leur être confiées.

Le service France Domaine doit garder le pilotage et la définition de la stratégie, il peut recourir à des opérateurs de marché pour exécuter au niveau opérationnel ses décisions, il assure le contrôle de l’activité exercée par ses opérateurs. Vos Rapporteurs ne peuvent que regretter a posteriori que l’on n’ait pas disposé de tels outils de portage, lors de la cession de l’ancien immeuble de la rue de l’Imprimerie nationale rue de la Convention. On peut penser à un large recours à des opérateurs de marché pour autant que ceux-ci soient mis en concurrence, conformément à la législation en la matière.

Proposition n° 3 : Le service France Domaine doit mener à bien la réforme interne lui permettant de remplir le rôle de « bras séculier » de l’État. Son statut doit évoluer pour lui donner une plus grande autonomie et un niveau de rattachement propre à lui assurer une autorité suffisante face aux différents ministères. Il doit renforcer son contrôle sur les multiples structures publiques qui s’occupent d’immobilier de l’État et s’aider d’opérateurs de marché publics et privés dans le montage des opérations immobilières.

3.– Le Conseil de l’immobilier de l’État doit affirmer son rôle de conseil de surveillance

Tous deux membres du Conseil de l’immobilier de l’État (CIE), vos deux Rapporteurs ont eu le sentiment de constater au cours des derniers mois que ce conseil s’épuisait en alertes et signalements de dysfonctionnements dans la gestion immobilière des ministères. On relèvera ainsi le courrier de M. Georges Tron, président du CIE, au Premier ministre du 23 mars 2007 s’inquiétant du projet alors en cours de rachat par l’État de l’ancien immeuble de l’Imprimerie nationale, avec une plus-value qui s’annonçait déjà importante pour le groupe Carlyle. Précédemment en 2006, les auditions des ministères sur leurs schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) avaient permis de signaler au ministre du Budget leur caractère incomplet (partie stratégie très inférieure à la parte diagnostic) et le risque de certains projets envisagés par des ministères qui pouvaient être en contradiction avec les orientations de la nouvelle politique (rénovation et occupation de l’immeuble du ministère de l’Écologie au 20 avenue de Ségur ; rachat par le ministère de l’Agriculture de l’immeuble du 3 rue Barbet de Jouy ; relocalisation de la direction de la Musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) du ministère de la Culture ; projet de concentration des services du ministère de l’Équipement sur un nouveau site du quartier de La Défense…).

Le CIE a également plusieurs fois attiré l’attention du ministre du Budget sur la priorité que constitue la définition d’une stratégie immobilière de l’État, au niveau global, ainsi que d’une politique d’entretien préventif des immeubles de l’État. Ni l’une ni l’autre ne sont encore mises en œuvre de façon satisfaisante(6). Le CIE a en outre signalé de façon claire au ministre du Budget Éric Woerth, en septembre 2007, quelques mois après son entrée en fonction, que la réforme était « au milieu du gué », indiquant par là même les pistes permettant de la parachever.

M. Éric Woerth a alors proposé que le CIE puisse émettre un avis préalable pour toutes les principales opérations d’acquisition, de cession ou de prise à bail. La procédure a commencé au début de l’année 2008 de façon informelle. Des seuils de compétence seraient définis. Seraient ainsi soumises à l’avis préalable du CIE les opérations :

– d’acquisition ou de cession d’immeubles d’une valeur supérieure à 2 millions d’euros HT HC en région Île de France ou à 1 million d’euros HT HC en province ;

– de prise à bail d’immeubles d’une valeur annuelle supérieure à 1 million d’euros HT HC en région Île de France ou à 0,5 million d’euros HT HC en province.

Le CIE se verrait accorder un délai de quinze jours pour rendre son avis. La confidentialité pourrait être invoquée par le ministre du Budget sur certaines opérations dont les informations ne doivent pas être portées à la connaissance des opérateurs du marché.

La formalisation de cette nouvelle compétence nécessite une circulaire ou un décret. Elle est actuellement encore l’objet de discussion, en raison des interrogations sur le positionnement du CIE. La discussion engagée sur ce sujet sous l’autorité du Premier ministre achoppe sur le point de savoir s’il est réellement opportun que le CIE excède un rôle de simple conseil pour s’introduire dans le processus formel de décision de l’État. Le débat n’est pas encore tranché.

La mise en œuvre informelle de cette procédure a permis au CIE d’attirer l’attention du ministre du Budget sur les conditions de renouvellement du bail de l’immeuble du boulevard des Italiens pour le pôle financier du tribunal de grande instance de Paris (augmentation de 30 %). Elle a également été l’occasion pour le CIE de se prononcer contre la relocalisation de la DMDTS du ministère de la Culture dans un des quartiers les plus chers de Paris. Ces deux avis négatifs n’ont cependant pas été suivis par le Gouvernement. D’autres opérations ont été jugées acceptables sous réserve du respect de certaines conditions.

Vos Rapporteurs estiment que cette procédure d’avis préalable est nécessaire pour instaurer un minimum de transparence des principales opérations immobilières de l’État.

Proposition n° 4 : Le Conseil de l’immobilier de l’État doit poursuivre son rôle d’orientation et de contrôle, notamment en rendant des avis préalables sur les principales opérations immobilières de l’État. Il pourra devenir le « conseil de surveillance » du service France Domaine au statut rénové.

B.– LES MINISTÈRES ONT ENCORE TENDANCE À SE COMPORTER EN QUASI-PROPRÉTAIRES

Force est de constater que les ministères tendent à se réapproprier la gestion de leur immobilier, faute de volonté politique et en tirant parti des insuffisances du service France Domaine.

1.– Les réticences dans l’application des disciplines communes

La mise en place du propriétaire unique rencontre des difficultés sérieuses. Les ministères continuent pour une large part à se comporter en quasi-propriétaires. Ils montrent une forte réticence à la réduction de leurs pouvoirs sur leur immobilier. Ils marquent ainsi une volonté plus ou moins affirmée de résister à la réforme. Ils se sont opposés jusqu’ici avec succès à l’abrogation du régime de l’affectation. M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, déclarait devant la MEC le 24 janvier 2008 : « si France Domaine essaie d’être un « bras armé », il n’est pas un « bras séculier » : le débat culturel est extrêmement fort, les administrations gestionnaires n’acceptant pas de se voir déposséder de leur sentiment de propriété au bénéfice de France Domaine. (…) De manière générale, France Domaine peut rencontrer des difficultés à formuler un avis pertinent, car il est parfois délicat d’obtenir les informations nécessaires à sa formulation de la part de l’administration gestionnaire. (…) On peut comprendre qu’une administration gestionnaire ait le sentiment de puiser dans sa chair vive lorsqu’elle mobilise les crédits qui permettent de réaliser une opération immobilière et qu’elle s’en sente ensuite propriétaire. Maintenant, il lui est dit, du jour au lendemain, qu’elle n’est plus que locataire. Il est normal que cela ne se passe pas tout seul. »

Le point de vue d’un ministère a été résumé par la déclaration de M. Bertrand Munch, directeur de l’Évaluation, de la performance des affaires financières et immobilières au ministère de l’Intérieur : « il ne faut cependant pas s’attendre à ce que les ministères deviennent passifs et se comportent comme des locataires moyens d’immeubles parisiens qui se font berner par leur syndic. Ce serait d’ailleurs déplorable. Notre premier problème dans l’immobilier parisien, comme ailleurs, c’est de loger nos troupes, de les faire travailler et d’utiliser l’argent sur l’immobilier, sur le fonctionnement et sur la masse salariale de manière la plus efficace possible. Entre le postulat et la réalité, il y a un grand chemin. Toutefois je peux témoigner que, en deux ans, nos relations avec France Domaine sur ce plan ont radicalement changé. (…) Sur les décisions structurantes comme celles concernant l’administration centrale, il me semble naturel que ce soit le ministre compétent qui définisse les lieux d’implantation de ses services, car cette implantation est un élément d’efficacité. » Ce point de vue qui pour une fois a été exprimé avec franchise et courage est sans doute très répandu parmi les ministères. Seuls les ministères sociaux (Santé et Travail) souhaitent sincèrement et publiquement la montée en puissance du service France Domaine, sans doute parce que ce sont des ministères de création « récente » et donc « pauvres » en matière immobilière, et qu’ils ont compris qu’ils ont tout à gagner à une mutualisation.

M. Bertrand Munch reconnaissait en outre qu’il fallait « sortir d’une gestion événementielle des problèmes immobiliers » et que « s’il y a un sujet qui doit être traité sur un ensemble territorial cohérent – par exemple, une région –, c’est bien l’immobilier. Ce n’est pas entre la direction de la Jeunesse et des sports de Lille et celle de Perpignan qu’on optimisera celui-ci, mais bien, à Lyon, par exemple, entre la direction de la Jeunesse et des sports et la direction du Travail. On a besoin de trouver un réceptacle territorial, dans lequel s’articule l’action du couple France Domaine-TPG et préfet. »

Ainsi M. Paul-Henri Watine, TPG de la région Rhône Alpes, déclarait devant la MEC le 24 janvier 2008 que : « d’une certaine manière, nous sommes les seuls, avec la préfecture, à savoir qu’il y a une nouvelle politique immobilière de l’État. Nos interlocuteurs sont dans la position de propriétaires ayant acquis leur maison il y a cinq ans ou même davantage auxquels un notaire vient déclarer qu’il est désormais le propriétaire de leurs biens et qu’ils doivent lui payer un loyer. Les chefs de service régionaux et départementaux n’ont reçu ou disent n’avoir reçu aucune information sur les évolutions intervenues. » M. Alain Espinasse, SGAR-adjoint de la même région, déclarait que : « à l’exception très notable du ministère de l’Intérieur et de l’appui local des services de M. Watine, il n’y a eu aucune instruction des ministères sur la politique de gestion immobilière. »

Par ailleurs M. Bertrand Renaudeau d’Arc, Directeur CBRE, témoignait du fait qu’ « en général, nous sommes missionnés à la fois par l’utilisateur et par France Domaine, si bien que nous avons deux cahiers des charges et deux sources d’information parallèles. » Ces cahiers des charges sont contradictoires « puisque l’utilisateur et France Domaine n’ont pas la même stratégie et qu’ils n’entretiennent pas, nous semble-t-il, de contacts directs. (…) Un flou artistique entoure ces "saisines" puisqu’il n’y a pas de contrat. Nous travaillons deux fois sur la même problématique, sans contrat précis. Il n’y a pas de saisine officielle. Le fait d’avoir deux interlocuteurs n’est pas, en soi, problématique : il nous arrive de rencontrer la même situation dans le privé. L’État ne fait pas exception. Ce qui fait obstacle, c’est l’expression de besoins contradictoires ou d’orientations différentes. »

On a vu que la responsabilisation des ministères passe par l’affirmation d’une direction immobilière unique sous l’autorité directe du secrétaire général pour l’administration. Si les différents ministères ont tous créé de telles directions immobilières, leur autorité reste encore à affirmer face aux grandes directions générales. Au niveau déconcentré, l’audition de la MEC du 24 janvier 2008 a montré l’absence d’instructions de certains ministères pour mettre en œuvre la réforme.

La LOLF a permis le changement culturel qui fait que l’on ne juge plus les politiques publiques sur les crédits budgétaires mais sur les résultats. Mais les ministères continuent à penser que leur puissance se mesure au nombre de leurs effectifs et à leur parc immobilier.

Plusieurs ministères ont invoqué devant la MEC des spécificités : affaires militaires à la Défense, patrimoine historique ou culturel au ministère de la Culture… Lors de ces auditions, les interventions laissaient entendre que « l’on va le faire », « on ne pouvait pas le faire avant », « on est en train de le faire », « on le fait sans donner de chiffres précis »….

Nous avons vu que plusieurs ministères ont manœuvré pour court-circuiter directement auprès du Premier ministre les décisions d’acquisition, de prise à bail. Un véritable « bras de fer » est engagé avec certaines administrations.

La multiplication des structures ministérielles ad hoc, telles que la Mission de réalisation des actifs immobiliers de la Défense (MRAI), l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) ou la Commission chargée de donner un avis sur les opérations immobilières de l’État à l’étranger (CIM), est une des ripostes des ministères pour tenter de se soustraire aux nouvelles disciplines.

Plusieurs ministères ont ainsi créé des établissements publics en charge de la maîtrise d’ouvrage :

– Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) – ex AMOTJ (prisons, tribunaux, notamment reconversions, constructions pour faire face aux conséquences de suite de la réforme de la carte judiciaire), précitée ;

– EMOC (Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturel), créé en 1998 par fusion de l’établissement public du grand Louvre et de la mission interministérielle des grands travaux de l’État. Son rôle est d’assurer la maîtrise d’ouvrage des opérations de construction et de travaux des immeubles hébergeant des activités relevant du ministère de la Culture ;

– MNAIH (Mission nationale d’appui à l’investissement hospitalier) créée en 2003 pour accompagner le programme de rénovation du patrimoine hospitalier. Les ministères sociaux auditionnés par la MEC ont indiqué qu’ils pouvaient également s’appuyer sur ses compétences pour des réalisations sur des immeubles des services déconcentrés de l’État.

– Centre des monuments nationaux et Établissement public du Grand Palais.

D’autres ministères ont créé crée des structures ad hoc qui échappent en grande partie à l’autorité de France Domaine :

– la MRAI est chargée de céder les biens immobiliers devenus inutiles aux armées. Elle réalise à partir d’un parc de biens composites (forts, casernes, terrains, usines, dépôts, bases militaires…) un rythme annuel de 50 millions d’euros de cessions ;

– la Commission chargée de donner un avis sur les opérations immobilières de l’État à l’étranger (CIM). Cette commission pourrait être transformée en « foncière » gérant les biens de l’État à l’étranger dans le cadre de la RGPP.

Vos Rapporteurs estiment que les fonctions de ces différents organismes doivent être exercées pour le compte du propriétaire, et les conséquences devront en être tirées pour le mode de gouvernance, les règles de gestion et leur financement. Le mode de rattachement aux ministères de ces structures, ainsi que leur lien avec France Domaine devra être clarifié.

Proposition n° 5 : Le Gouvernement doit veiller à ce que la nouvelle politique immobilière de l’État, de nature interministérielle mais mise en œuvre par le ministère du Budget, soit appliquée pleinement et sans réticences par l’ensemble des ministères.

2.– Plusieurs exemples mettent en évidence des résistances à la réforme

Les auditions menées dans le cadre de la MEC ont permis de scruter plus particulièrement la gestion immobilière de certains ministères(7). Plusieurs ministères invoquent de façon récurrente leurs spécificités ou des particularismes pour justifier leur réticence à s’intégrer totalement dans les orientations de la nouvelle politique.

Ainsi le ministère de la Défense met en avant la nature militaire de ses biens immobiliers. On peut noter que ses immeubles à usage de bureau ne sont pas de nature différente de ceux des autres ministères civils. L’immobilier militaire (casernes, terrains, équipement…) aussi spécifique qu’il soit, ne doit pas non plus être totalement exonéré d’une logique de performance et de réduction des coûts. Ce ministère, qui représente plus de 40 % du parc immobilier de l’État, jouit d’un régime dérogatoire avec un retour de 100 % sur les produits des cessions. La raison invoquée est le financement de la loi de programmation militaire. Mais après tout les autres ministères ont des demandes financières tout autant justifiées.

Le ministère de la Défense a créé une structure particulière chargée des cessions, la MRAI, et porte maintenant le projet de création d’une « société foncière » qui appuierait la MRAI pour les opérations que l’on peut mener plus rapidement. Certes la MRAI dispose d’une maîtrise utile des processus de cession de terrains et bâtiment militaires désaffectés, avec souvent des opérations de dépollution lourdes, en concertation avec les collectivités locales pour leur utilisation ultérieure. Mais ces structures échappent au contrôle du service France Domaine. En l’état, la remise sur le marché d’un bien militaire se fait sans que l’on étudie si un autre ministère en aurait l’utilité. La Commission des finances a demandé à la Cour des comptes une enquête en application de l’article 58-2° de la LOLF, enquête qui lui a été remise le 15 octobre dernier (8). La Cour note qu’il ne faut pas moins de six années pour dérouler les multiples étapes de la procédure de cession d’un bien immobilier militaire.

Enfin le conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 a proposé de créer un « Pentagone à la française » dans le quartier Balard de Paris, projet qui serait totalement financé par des cessions de biens domaniaux.

Le ministère des Affaires étrangères et européennes a racheté l’ancien immeuble de l’Imprimerie nationale situé au 27 rue de la Convention pour un coût d’achat de 325 millions d’euros hors taxe plus les loyers intercalaires de l’avenue Kléber (30 millions d’euros) et des travaux complémentaires dont le montant total n’est pas encore connu (31 millions ont été sollicités à ce jour). Ce ministère a occulté son projet lorsqu’il avait présenté son SPSI au CIE au cours de sa réunion du 12 décembre 2006. Vos Rapporteurs ont eu la confirmation, lors de l’audition le 16 avril dernier de M. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes, que le ministère étudiait le projet de construire un nouveau centre de conférences internationales sous l’esplanade des Invalides. Or l’immeuble de la rue de la Convention dispose déjà d’un centre de conférence « ministériel » et l’on devrait étudier en priorité les possibilités d’adaptation pour qu’il reçoive les grandes conférences internationales. Le Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 a proposé la création d’une « foncière » gérant les biens de l’État à l’étranger (ambassades, missions économiques, établissements culturels…). Si cette décision va effectivement dans le sens d’une plus grande responsabilisation, il faudra s’assurer que cette foncière soit placée sous l’autorité du service France Domaine. On peut se demander si le ministère des Affaires étrangères et européennes a définitivement tourné la page de sa gestion passée, « versée dans les excès du "beau geste architectural" et d’une politique de grandeur immobilière »(9).

Le ministère de la Culture et de la communication a sollicité et obtenu l’arbitrage du Premier ministre pour reloger la direction de la Musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) rue Beaubourg, contre l’avis du CIE et contre l’opinion exprimée par les députés présents lors de l’audition des représentants de ce ministère par la MEC. Cet arbitrage ex nihilo du Premier ministre court-circuite le processus décisionnel qui avait été mis en place. Et la location de l’immeuble du Louvre des Antiquaires, qui avait été refusé en son temps à la DMDTS, serait en passe d’être accordée pour l’Établissement public du musée du Louvre… Le ministère de la Culture insiste sur la dimension « culturelle » de son immobilier, même pour les immeubles à usage de bureaux. Il s’inscrit dans une logique de création, avec ici encore la revendication du « geste architectural », la résille métallique recouvrant l’immeuble de la rue des Bons Enfants en constituant une bonne illustration. Malgré les 70 millions d’euros de travaux effectués dans ce dernier immeuble, ses mauvaises performances immobilières conduisent maintenant le ministère à envisager des adaptations pour en densifier l’utilisation.

Le ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a prospecté directement le marché immobilier pour trouver un immeuble hébergeant ses services centraux. Son choix s’est porté sur le 103 rue de Grenelle, un des immeubles les plus chers au m2 de Paris. La décision du Premier ministre prise par courrier du 17 janvier 2008 de confier au ministre de l’Immigration le mandat de négocier avec le propriétaire du 103 rue de Grenelle est contraire avec tout le dispositif mis en œuvre. Elle court-circuite l’instruction réalisée par le service France Domaine sous l’autorité du ministère du Budget et pose un problème de gouvernance de la nouvelle politique immobilière de l’État.

La rénovation de l’immeuble Ségur-Fontenoy affecté au ministère de la Santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative pose le problème du contrôle de la maîtrise d’ouvrage publique. La MEC a effectué une visite le 1er avril sur ce site, à laquelle a participé M. Didier Migaud, Président de la commission des Finances, MM. Georges Tron et David Habib, Présidents de la MEC et vos deux Rapporteurs. Le défaut d’une politique d’entretien préventif aboutit maintenant à une opération lourde de rénovation, dont le lancement n’a jamais été avalisé au niveau ministériel, qui est étalée sur de nombreuses années et dont le coût global n’a cessé d’augmenter depuis le début des travaux. Le déplacement de la mission de contrôle a permis d’apprendre que le budget global de cette opération de rénovation, qui était fixé à 166 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2008, serait maintenant de 175 millions d’euros. Selon M. Étienne Marie, directeur de l’Administration générale, du personnel et du budget du ministère de la Santé, « la négociation avec les entreprises soumissionnaires sur les plateaux de bureaux a conduit à cette ultime réévaluation de 9 millions d’euros. »

L’audition des ministères sociaux (Santé et Travail) a en outre mis en évidence le coût immobilier des restructurations administratives successives. Certes ces dernières sont nécessaires, notamment celles intervenant dans le cadre de la RGPP, mais le Gouvernement devra veiller à tendre vers une certaine stabilisation des structures tant ministérielles qu’administratives, afin de limiter ces coûts induits.

Le ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire devra réussir le regroupement de ses services centraux. Son projet de construction d’une nouvelle tour du quartier de La Défense, sur un bras délaissé du boulevard circulaire, et pour un coût estimé à environ 700 millions d’euros, devra être minutieusement étudié en le comparant aux autres solutions possibles.

C.– LA STRATÉGIE DE L’ÉTAT PROPRIÉTAIRE EST ENCORE INSUFFISANTE

La fonction de pilotage de l’immobilier de l’État reste encore à structurer.

1.– La définition de la stratégie de performance fait encore défaut

L’immobilier de l’État n’est toujours pas considéré comme une politique d’ensemble avec gestion unifiée. Une vision purement budgétaire et comptable a pris le pas sur une véritable gestion patrimoniale des actifs immobiliers de l’État. La succession de décisions ponctuelles fait encore office de stratégie globale. Le Gouvernement devrait initier une politique de gestion des actifs publics corporels, que ces actifs soient occupés par les ministères ou par les opérateurs de l’État. Les cessions ne doivent être que le résultat d’une analyse économique de la performance immobilière ou bien envisagées dans le cadre d’un schéma stratégique de long terme. Les alternatives à la cession doivent être étudiées, avec par exemple le portage temporaire de la propriété privée par des sociétés comme la SOVAFIM.

La gestion immobilière de l’État nécessite la définition de principes et de grandes orientations. Cette formulation claire de la stratégie fait toujours défaut. On a vu que le CIE a fait des propositions en la matière en présentant au ministre en avril 2008 une contribution de schéma global de l’État propriétaire. Il incombe au service France Domaine de faire ce travail de fond.

Les objectifs de cette stratégie doivent clairement être une diminution des coûts et une amélioration de l’accueil du public et des conditions de travail des agents.

La définition d’une stratégie permet un pilotage unique pour l’ensemble de l’État, et non plus une gestion morcelée par ministère, ou par partie de ministère. Les arbitrages entre les ministères seraient ainsi possibles. Un immeuble qui n’aurait plus d’utilité pourrait être proposé aux autres ministères avant d’envisager la cession, ainsi l’ancien immeuble de l’Imprimerie nationale rue de la Convention ou plus récemment le siège du ministère de la Coopération rue Monsieur.

Le regroupement des services doit être recherché (synergies, coûts de communication et de transport, mutualisation des installations – salles de réunion, documentation…). Les économies ainsi réalisées seraient substantielles. Une étude CBRE/Ineum Consulting réalisée en 2007 pour le CIE a calculé que sur 173 immeubles parisiens, l’économie des coûts de structure, liée à une mutualisation des moyens, pouvait être estimée à 10 % du total en 2011, après trois années de mise en œuvre. Le montant des économies reste stable par la suite sous l’effet d’une politique d’investissement active ayant un effet préventif positif.

Il faut privilégier les locaux banalisés à usage de bureau (polyvalence) et favoriser le développement de plateaux (open space).

Les principes de localisation des immeubles de bureau des services centraux de l’État doivent être établis : quartiers centraux de Paris pour le ministre et son cabinet, périphérie pour les services stratégiques (administratifs, de gestion), première couronne pour les services non stratégiques (techniques, archives, informatique…). Il faut bien sûr tenir compte de l’accès du public pour les services en contact avec les usagers ou administrés. On peut même envisager des implantations en province comme pour l’état civil à Nantes. L’utilisation des technologies de l’information et de la communication permet d’envisager sans problème un éloignement par rapport aux cabinets ministériels, argument maintes fois entendu lors des auditions de la MEC.

Serait également nécessaire la mise en place, en liaison avec les directions immobilières des ministères, d’un dispositif de pilotage et de surveillance des baux conclus par l’État. En particulier devrait être établi un échéancier relatif aux termes des baux, afin que les négociateurs puissent anticiper suffisamment à l’avance ces échéances et conclure avec les bailleurs dans les meilleures conditions, en se rapprochant le plus possible des meilleures pratiques de la profession. L’exemple du renouvellement du bail du pôle financier du TGI de Paris, avec une augmentation de près de 30 % du loyer, et alors que le ministère de la Justice n’avait pas anticipé l’échéance avec le propriétaire, en démontre l’utilité.

La stratégie passe par la définition de normes cibles et mobilisatrices en matière de performance immobilière : réduction des coûts et des surfaces, amélioration de la qualité environnementale, regroupement, localisation, arbitrage propriété/location. Un calendrier de réalisation doit être établi. Les objectifs normatifs vérifiables doivent être traduits en tableau de bord chiffré qui permette de jalonner le chemin parcouru et montre ce qu’il reste à accomplir.

Le choix d’immeubles locatifs et non domaniaux doit couvrir les besoins temporaires et assurer la souplesse nécessaire pour faire face aux réorganisations administratives, dans un contexte de réduction des effectifs de la fonction publique. La propriété domaniale doit couvrir les occupations pérennes par des services qui ont vocation à perdurer. Des solutions alternatives à la propriété peuvent être étudiées : location avec option d’achat, portage en crédit-bail par des structures appropriées en partenariat avec des acteurs du secteur privé. Dans tous les cas les choix opérés devront s’effectuer en adaptation au marché, surtout à Paris ou dans les grandes agglomérations.

Proposition n° 6 : La stratégie de l’État propriétaire, qui fait toujours défaut, devra être définie par le service France Domaine avec l’appui du Conseil de l’immobilier de l’État et sous l’autorité du ministre du Budget. Définie en vue d’une gestion patrimoniale, et non seulement budgétaire et comptable, cette stratégie devra comporter des principes clairs et précis, notamment pour le choix du lieu d’implantation, l’arbitrage entre propriété domaniale et location, la gestion des baux privés conclus par l’État et la qualité environnementale des immeubles publics.

2.– Tirer les conséquences du « Grenelle de l’environnement » en matière immobilière

Le « Grenelle de l’environnement » a établi des objectifs précis dans le bâtiment, comme dans les autres sujets. Il reste à mettre en œuvre dans le parc immobilier de l’État les mécanismes pour appliquer les normes définies dans les délais convenus. Les économies réalisées permettront d’autofinancer les investissements. L’année 2007 a été celle de la prise de conscience des enjeux tant financiers qu’environnementaux. Les opérateurs privés du marché ont d’ailleurs pleinement intégré la dimension environnementale de l’immobilier en la valorisant à l’instar des autres facteurs de prix.

Conclusions du « Grenelle de l’environnement » sur le bâtiment
24-26 octobre 2007

Une accélération très volontariste des progrès sur le bâtiment

Le bâti consomme 42,5 % de l’énergie finale française. La consommation moyenne primaire du parc existant de résidences principales est de 240 kWh/m2/an en 2007 et les émissions de CO2 sont de 93 Mt/an. C’est le gisement principal d’économie d’énergie exploitable immédiatement. Engager un plan thermique de grande ampleur revient à réduire durablement les dépenses énergétiques, dégager des marges de pouvoir d’achat des Français, et répondre à l’enjeu majeur de réduction des gaz à effet de serre. L’indicateur gaz à effet de serre est donc utilisé conjointement avec l’indicateur énergétique. Compte tenu des technologies accessibles, il pourrait être demandé au résidentiel-tertiaire une contribution supérieure aux 20 % pour compenser des progrès a priori plus difficiles à atteindre dans d’autres domaines. Ce programme s’accompagne d’un plan de formation professionnelle et d’un volet d’adaptation aux canicules (bioclimatisme, en particulier pour l’Outre-mer).

Les propositions du groupe de travail seront approfondies et organisées autour de six programmes ou plans d’actions touchant à la fois aux nouvelles normes pour les bâtiments à construire et les chantiers de rénovation thermique des bâtiments publics et privés.

1.– Lancer un programme de rupture technologique sur le bâtiment neuf

Renforcement de la réglementation à partir de 2010 et relèvement progressif des normes en vue de la généralisation des bâtiments à énergie neutre ou positive.

– Tous les bâtiments et équipements publics devront être construits dès maintenant (2010) en basse consommation (50 kWh/m²) ou seront à énergie passive ou positive. Les énergies renouvelables les plus performantes seront systématiquement intégrées. Pour les bâtiments à énergie positive, les collectivités territoriales auront la possibilité de vendre l’électricité sur le réseau.

– Nouvelles constructions dans le secteur tertiaire (bureaux…) : mêmes objectifs et mêmes échéances que les bâtiments publics.

– Nouvelles constructions de logements privés : pour les logements, conformément aux propositions du groupe I, le plan d’action s’articule autour de 3 dates : 2010, passage anticipé à la réglementation THPE, avec un objectif d’un tiers des constructions en basse consommation ou à énergie passive ou positive ; 2012 (au lieu de 2015 dans la proposition du groupe), généralisation des logements neufs à basse consommation (50 kWh/m²) ; 2020, objectif de généralisation des logements neufs à énergie passive ou positive.

2.– Un chantier de rénovation énergétique radicale des bâtiments existants

– Bâtiments publics : bilan carbone/énergie dans tous les bâtiments publics. Rénovation thermique combinée à des travaux d’accès partout aux handicapés, avec un objectif de performance 2015 adapté à la nature des bâtiments et éventuellement à la taille des collectivités (les grandes villes et les régions s’engagent sur des objectifs renforcés). L’État s’engage à effectuer la rénovation de ses bâtiments dans les 5 ans.

– Parc HLM : conventions à négocier avec les opérateurs du parc HLM en vue d’une mise aux normes accélérée de l’intégralité du parc, en commençant par les 800 000 logements les plus dégradés. Négociation sur les délais de réalisation et l’accès à des financements bonifiés à long terme.

– Programmes ANRU (40 milliards euro) réalisés en appliquant par anticipation les normes futures (80 ou 50 kWh), principe d’un financement bonifié.

– Bâti privé de logements et bureaux : nécessité d’une incitation financière puissante à la rénovation énergétique accélérée du parc. Mise en place de mécanismes incitatifs puissants (propositions du groupe I) : rénovation du crédit d’impôt « développement durable », déductibilité fiscale étendue ; mise en place de « prêts CO2 » à taux réduit sur le modèle allemand CO2 KfW ; développement avec le secteur bancaire et les entreprises prestataires de financements innovants permettant de pré-financer les investissements en gageant les économies futures : contrats de performance énergétique, services d’efficacité énergétique, certificats d’économie d’énergie, « projets domestiques ».

Le programme prévoit notamment de s’attaquer à la précarité énergétique, en identifiant et en rénovant les logements les plus « énergivores » : effort particulier sur la classe G du diagnostic de performance énergétique d’ici 2012.

Objectifs conjoints : accès des personnes vulnérables, qualité de l’air intérieur (voir chapitre 3), utilisation très renforcée et compatible avec le développement durable de bois certifié et de biomatériaux dans le bâtiment.

3.– Principales mesures d’accompagnement

Mécanismes incitatifs : rénovation du crédit d’impôt « développement durable » ; financement par prêts à taux réduit des logements basse consommation ; majoration du crédit d’impôt sur le revenu au titre des intérêts d’emprunt ; projets domestiques CO2 ; répartition équitable des gains associés aux économies d’énergie entre propriétaire bailleur et locataire ; provision pour investissement pour les PME

Développer une offre d’assurance pour les professionnels en matière de développement durable afin de prendre en compte l’introduction des énergies renouvelables, des écotechnologies…

Modes de financement innovants : voir ci-dessus

Mobilisation de la profession : formations et recrutements professionnels intensifiés :

• lancement d’un grand plan de formation professionnelle, de recrutement et de qualification des professionnels du bâtiment intégrant performance énergétique, réduction des gaz à effet de serre, adaptation climatique et qualité sanitaire intérieure.

• Création de la spécialité de rénovateur thermique : développer une filière professionnelle de « rénovateurs de bâtiments » et de la maîtrise d’œuvre pluridisciplinaire, capables d’offrir des prestations globales aux particuliers et aux maîtres d’ouvrage professionnels.

Orienter la R&D sur l’atteinte des objectifs définis ci-dessus et la réduction des coûts.

L’efficacité implique l’adoption de techniques performantes d’isolation thermique et l’utilisation d’énergies renouvelables. Les économies passent également par la sobriété dans les comportements de consommation (eau, chauffage, éclairage). L’objectif affiché implique une réduction de 50 % en 10 ans des émissions de gaz à effet de serre. Il suppose un effort d’investissement initial important, mais on considère que les dépenses sont amorties en 10/12 ans.

La société IPD a construit en 2007 une série d’indicateurs environnementaux normalisés portant sur les coûts énergétiques, les émissions de CO2 et la consommation d’eau. Les entreprises privées qui constituent l’essentiel de son parc de référence ont compris les enjeux financiers de la performance environnementale en termes de réduction de coûts. IPD a entrepris une démarche explicative des principaux facteurs de la performance immobilière : caractéristiques physiques du bâtiment, équipement de l’immeuble, activité et utilisation de l’immeuble, comportements des occupants.

Le marché voit arriver les premiers immeubles de bureau à énergie positive et à carbone zéro. Ce type d’immeuble n’a pas de facture énergétique pour l’éclairage, le chauffage et la climatisation. Ils peuvent consommer 15 fois moins que la moyenne des bâtiments français. Ces résultats sont obtenus par une isolation de la construction, une orientation des façades, une protection solaire, une utilisation de sources d’énergies renouvelables telles que le solaire, l’éolien ou la géothermie.

3.– L’approfondissement et l’extension des schémas pluriannuels de stratégie immobilière

La démarche des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) est en grande partie inachevée. Les SPSI (2006) n’ont porté que sur la partie diagnostic en négligeant en grande partie la partie stratégie. Ils constituaient un point de vue encore trop ministériel, au détriment de la vision globale. Le service France Domaine n’a pas usé de la totalité des pouvoirs qui lui incombaient dans cet exercice. L’actualisation 2008 de ces schémas doit permettre de corriger ces défauts.

La problématique actuelle sur les SPSI est de s’assurer que le service France Domaine pilote directement leur actualisation en 2008. Les auditions prochaines du CIE sur ces SPSI actualisés devront s’en assurer. Les SPSI (2006) avaient été simplement « reçus » par France Domaine, sans qu’il ne s’assure de leur adéquation à la nouvelle politique. Ils n’ont été validés ni par le service France Domaine, ni par le CIE, contrairement à ce que les auditions menées dans le cadre de ce conseil ont pu laisser croire. D’ailleurs certains ministères ne se sont pas gênés pour jouer sur cette ambiguïté et pour dire - et écrire - que les auditions menées par le CIE sur les SPSI (2006) correspondaient à une « validation » en bonne et due forme. En aucun cas leur examen par le CIE ne se substituera à un véritable dialogue de gestion instauré entre le service France Domaine et les ministères.

L’actualisation des SPSI des administrations centrales doit être pilotée par le service France Domaine, en collaboration étroite avec les équipes de la RGPP correspondantes pour chacun des ministères. Il est également important que les SPSI (2008) des administrations déconcentrées dans les 28 départements choisis soient pilotés par les services déconcentrés du service France Domaine, avec l’implication directe des TPG et sous l’autorité des préfets. Ces 28 départements sont les départements d’Île de France, ceux où sont localisées les dix plus grandes agglomérations et les six départements concernés par les fusions DDA-DDE(10).

L’actualisation des SPSI doit permettre une adaptation du parc immobilier aux décisions de la RGPP, en cohérence avec les restructurations administratives et la réduction programmée des effectifs (règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux).

Proposition n° 7 : L’actualisation en 2008 des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) des ministères devra être effectuée en accord avec les décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et avec le pilotage actif du service France Domaine.

4.– La nécessité de définir un tableau de bord fondé sur un système d’information performant

a) Définir un tableau de bord

La circulaire de la direction générale de la Comptabilité publique du 19 septembre 2007 définit ainsi les surfaces :

DÉFINITION DES SURFACES UTILISÉES

– Surface hors-œuvre brute (SHOB)

La surface hors-œuvre brute correspond à la superficie de plancher développée, c’est-à-dire à la somme des surfaces de plancher de chaque niveau, calculée à partir du nu extérieur des murs.

– Surface hors-oeuvre nette (SHON)

La surface hors-oeuvre nette correspond à la surface hors œuvre-brute, déduction faite des superficies de plancher hors-œuvre dont la hauteur est inférieure à 1,80 mètre, non closes au rez-de-chaussée ou aménagées pour le stationnement des véhicules, des locaux techniques, des combles non accessibles du fait de la fragilité du plancher ou de l’encombrement de la charpente, des caves individuelles en sous-sol sans ouverture sur l’extérieur, des toitures-terrasses, balcons et loggias, des bâtiments affectés aux récoltes, animaux ou matériel agricole ainsi que des serres de production.

– Surface utile (SU)

La surface utile est obtenue en additionnant la surface habitable à la moitié des surfaces annexes réservées à l’usage exclusif de l’occupant du logement et dont la hauteur est supérieure à 1,80 mètre.

– Surface utile brute (SUB)

La surface utile brute (SUB) est égale à la surface hors œuvre nette déduction faite des éléments structuraux (poteaux, murs extérieurs, refends), et des circulations verticales (lorsqu’elles n’ont pas été déjà déduites dans la SHON).

La surface utile brute peut se décomposer en trois éléments : circulations horizontales, locaux à caractère social et sanitaire, surfaces effectivement réservées aux postes de travail (bureaux, ateliers, etc.).

C’est la surface utilisée pour le calcul des surfaces locatives.

– Surface utile nette (SUN)

La surface utile nette (SUN) est la somme des locaux nécessaires aux activités principales, des locaux annexes ou d’assistance et des locaux techniques, y compris les circulations internes de ces locaux et les emplacements des placards et des équipements fixes.

Elle est calculée à partir de la SUB à partir de laquelle sont déduits les circulations horizontales (sauf les halls d’accueil, d’attente ou d’orientation), les paliers d’étage et les sanitaires non privatifs.

Cette surface est également appelée surface de travail.

Une stratégie de performance suppose, comme dans le cadre de la LOLF, la définition d’objectifs et la mesure d’indicateurs. Une étude réalisée en septembre 2006 par IPD-Ineum pour France Domaine a constitué une première étape de cette démarche.

L’étude segmente le parc en quatre catégories : bureaux haut de gamme de prestige, bureaux de haute fonctionnalité technique, bureaux standards à Paris, bureaux standards en province. Elle définit des ratios de SUN par poste de travail, SUN par résident, en indiquant l’objectif de 11 à 12 m2 de SUN par poste de travail. Il s’agit d’un objectif raisonnable qui a été adopté au Royaume-Uni par les professionnels de l’immobilier. Le rendement d’un immeuble est calculé par le ratio entre la SUN et la SUB ; un minimum de 55 % peut être retenu, et un rendement inférieur rend nécessaire une analyse complémentaire. L’étude calcule des coûts locatifs de marché pour les différents segments du parc, afin de permettre de positionner les différents immeubles de l’État et d’identifier les écarts. Sont proposés des référentiels de coût global par résident et de coût global par m2, toujours pour les différents segments du parc, afin d’être considérées comme des valeurs cibles. Le taux de vacance moyen observé doit être inférieur à 2 %.

M. Bertrand Renaudeau d’Arc, directeur de CBRE, déclarait lors de son audition devant la MEC le 24 janvier 2008 : « il est en effet essentiel que l’État parvienne à déterminer le coût réel de l’immobilier pour l’utilisateur. En l’occurrence, la référence n’est pas le prix du mètre carré, mais celui du poste de travail. Or les utilisateurs souhaitent s’en tenir à leur schéma actuel d’organisation, avec une surface moyenne de 23 ou 24 m2 par personne, contre 16 ou 17 m2 pour une entreprise dans un bâtiment moderne, ce chiffre pouvant même être ramené à 13 m2. C’est donc là que se trouve le gisement d’économies. On en est plus conscient à France Domaine que chez les utilisateurs, ce qui crée des dissensions. »

Des sociétés privées comme Apogée ou IPD ont développé des outils permettant de calculer le coût immobilier global en la matière.

La société de conseil IPD a développé une méthodologie de comptabilisation de l’ensemble des coûts immobiliers selon une nomenclature harmonisée distinguant l’occupation de l’immeuble, l’adaptation et l’équipement, le service aux bâtiments, les services aux occupants et les frais de gestion (selon un « code international des coûts globaux d’utilisation »). Seul ce type de méthode permet de connaître le coût global de l’immobilier, la comptabilité générale à laquelle est tenu l’État depuis 2006 ne permettant pas de faire les regroupements nécessaires. Cette comptabilisation analytique permet d’établir les ratios de performance immobilière comme le coût global par occupant ou le coût par m2 (ventilé par grande rubrique). Ainsi, IPD a calculé que sur le parc d’immeuble qu’elle suit, le ratio de m2 par occupant est deux fois plus important en France (23 m2 SUB) par rapport à au Royaume-Uni (12 m2 équivalent SUB). Le ratio de m2 SUN par occupant s’établit à 13 en moyenne en France. L’efficacité immobilière (ratio entre la SUN et la SUB) observée sur le parc est de 57 %. IPD a calculé que des économies de l’ordre de 25 % sont possibles en renégociant certains coûts et en mettant en place des mesures de rationalisation de l’espace de travail (12 m2 SUN par poste de travail).

Cette méthodologie suppose la définition des différentes surfaces. Ainsi M. Christian de Kerangal, directeur général d’IPD, disait lors de son audition le 24 janvier 2008 devant la MEC que « si l’on sait à peu près ce qu’est une surface utile brute locative, les choses se compliquent dès que l’on aborde la notion de surface utile nette ».

Or plusieurs ministères ont, lors de leur audition devant la MEC ou devant le CIE, semblé méconnaître la standardisation de ces notions. Les données présentées sur les surfaces ne précisent souvent pas de quelle définition il s’agit, la surface hors œuvre étant souvent confondue avec la surface utile. On lit plusieurs fois des mesures en « surface utile » ou en « surface de bureau » sans plus de précision. Certains ministères écartent une partie des surfaces des calculs effectués (salles de documentation ou d’archivage, crèches…). D’autres comme les ministères économique et financier « inventent » des notions telles que la « SUN éclairée », qui exclut les sous-sols aménagés et pourtant utilisables en archive ou salle informatique. Les représentants du ministère de la Santé, lors de leur audition devant la MEC le 3 avril 2008, ont déclaré « avoir retranché de cette surface utile 7 714 m2 de locaux considérés comme spécifiques, notamment la zone cabinet, le centre de ressources documentaires multimédia – CRDM – et les locaux d’accueil de la petite enfance (…) ». Dans tous les cas les mesures effectuées par les ministères ne semblent pas contre-expertisées par le service France Domaine selon une méthodologie commune. Les analyses des professionnels montrent unanimement que l’économie principale réside dans l’application rigoureuse des ratios d’occupation, donc nécessite une densification de l’utilisation des espaces. Vos Rapporteurs rappellent que les ratios de performance immobilière préconisés par le service France Domaine font exclusivement référence aux surfaces standards, notamment SHON et SUN.

Le britannique Investment property data (IPD), a contribué à la définition de standards internationaux pour l’immobilier. France Domaine pourrait s’appuyer sur ce type d’outils pour mettre en place des indicateurs de performance, clarifier les objectifs de gestion, adapter les bureaux aux besoins, construire des outils modernes de gestion patrimoniale en s’appuyant sur des tableaux de bord de la fonction immobilière. Sous l’autorité de l’administration britannique (Office of government commerce), IPD a lancé en 2006 un plan pour transformer en profondeur, sur cinq ans, la gestion et l’utilisation du parc immobilier occupé par le gouvernement britannique. Ce plan a concerné 10 500 immeubles représentant une valeur vénale de 45 milliards d’euros et un coût d’exploitation annuel global de 9 milliards d’euros. Le premier objectif a été d’économiser 2 milliards d’euros par an à partir de 2013 (réduction des locaux utilisés et externalisation des locaux disponibles, rationalisation et densification de l’espace de travail, rationalisation des contrats de gestion, renégociation des baux pour les immeubles en location). Le deuxième objectif a été d’atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement britannique en matière de développement durable. Les quatre principes fondamentaux ont été de : mettre en place une approche globale avec des objectifs stratégiques ; définir des objectifs clairs et mettre en place des équipes professionnelles dédiées et spécialisées ; mettre en œuvre un système de mesure de la performance immobilière ; maximiser l’utilisation de l’immobilier de l’État.

Le ministère du Budget pourrait utilement proposer dans les fonctions soutien des projets et rapports annuels de performances (PAP et RAP) soit l’insertion d’objectifs et d’indicateurs immobiliers, soit la mention de statistiques immobilières en tant qu’indices synthétiques de coûts dans la justification au premier euro (JPE), pour éviter la multiplication des indicateurs par ailleurs décriée. Ces indicateurs ou indices devront être définis selon une méthodologie commune. Ainsi les responsables de programme, sous le contrôle des rapporteurs spéciaux, pourraient suivre l’évolution de la performance immobilière.

Proposition n° 8 : La définition de la stratégie immobilière de l’État doit passer par la définition, sous forme d’un tableau de bord, d’indicateurs de performance immobilière mesurés de façon normalisée dans tous les ministères. Des objectifs chiffrés mobilisateurs devront être définis, notamment en matière d’occupation de l’espace, de réduction des coûts et de qualité environnementale. Ces indicateurs devront figurer dans les projets et rapports annuels de performances des ministères.

b) Établir un système d’information

L’État ne connaît pas sa dépense immobilière. Or seule la connaissance des coûts permet de définir des objectifs précis de réduction. Le rapport de l’Inspection générale des finances présenté en 2003 par M. Philippe Dumas montrait que l’on pouvait économiser 1 milliard d’euros sur les 2 milliards qui sont consacrés à l’entretien. Ces chiffres estimatifs gagneraient à être précisés.

On constate souvent que les fonctions soutien des missions budgétaires ne comptabilisent pas de façon exhaustive les dépenses immobilières des ministères. Les représentants du ministère de la Défense auditionnés par la MEC le 31 janvier 2008 en ont convenu, à la suite de l’enquête de la Cour des comptes sur l’immobilier dans ce ministère(11). Les dépenses immobilières des ministères sont éparpillées dans les différentes missions, programmes, actions, sans méthodologie commune. Le CAS, qui finance certaines dépenses immobilières sur le produit des cessions, est un facteur supplémentaire d’opacité. La dernière discussion budgétaire a montré que l’ENA avait financé sur le CAS une partie du transfert de son siège à Strasbourg avec le produit de la vente de son ancien siège rue de l’Université à l’Institut d’études politiques de Paris. Cela avait permis à l’ENA de montrer un « budget apparent » stable d’une année sur l’autre.

Le déploiement du progiciel de gestion intégré CHORUS doit permettre la mise en place d’un système d’information pour recenser le parc détenu par l’État et ses opérateurs et l’établissement du bilan patrimonial de l’État prévu par la LOLF. Selon le calendrier prévisionnel, le chantier CHORUS prévoit la reprise des fonctionnalités du TGPE à l’horizon 2010. Cette reprise inclura des fonctionnalités qui n’existent pas dans le TGPE et qui font actuellement défaut.

Dans CHORUS, les modules additionnels immobiliers (SAP Real Estate) permettront la gestion des occupants, le référentiel immobilier et la gestion financière et comptable. La gestion financière et comptable concerne les flux d’entrées/sorties du parc, les évolutions en valeur du parc (dépréciations, amortissements, provisions, réévaluations), les stocks, les dépenses d’entretien immobilisables, les dépenses afférentes aux produits innovants (partenariat public privé, baux emphytéotiques, location avec option d’achat, autorisation d’occupation temporaire), les loyers budgétaires.

Il faudra s’assurer que ces outils permettront de mettre en œuvre la rationalisation du parc immobilier, le suivi de la performance immobilière, l’analyse du coût immobilier et le suivi des programmes d’entretien et de maintenance.

Proposition n° 9 : La définition et la mise en place du système d’information financière et comptable de l’État CHORUS, prévue en 2009 et 2010, devront comporter un module de gestion immobilière appelé à remplacer le tableau général des propriétés de l’État (TGPE) et à permettre la tenue d’une véritable comptabilité analytique des dépenses immobilières. C’est une condition nécessaire à la connaissance de la dépense immobilière des ministères.

D.– QUELQUES POINTS DE PASSAGE CONDITIONNENT LA RÉUSSITE DE LA RÉFORME

1.– Les règles du compte d’affectation spéciale doivent évoluer

Le rapport spécial (n° 276 annexe 48) présenté en octobre 2007 par M. Yves Deniaud sur le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2008 a montré les lacunes de ce compte dans sa forme actuelle. Il n’assure pas l’objectif de transparence qui avait pourtant prévalu à sa création. Les observations de la Cour des comptes dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État (exercice 2007) présenté le 29 mai 2008 vont dans le même sens.

La règle de retour sur cessions, instaurée en 2006, puis formalisée dans la circulaire du 28 février 2007, a eu son utilité dans la phase initiale de la réforme. Il fallait faire bouger les choses en incitant les ministères à céder les biens immobiliers les plus manifestement inutiles. Maintenant que l’État s’est doté de structures de gouvernance de son patrimoine immobilier, ce dispositif transitoire d’incitation est appelé à disparaître sous sa forme actuelle. 15 % du produit des cessions devront toujours être affectés au désendettement de l’État, mais l’intégralité du reste devra être mutualisée entre les ministères, sous la responsabilité de France Domaine, afin de financer leurs dépenses immobilières. Le maintien d’une règle de retour, même amoindrie, constituerait une négation de l’affirmation de l’État propriétaire. Le projet actuel du ministère du Budget de scinder les 85 % restant en 70 % pour le ministère cédant et 15 % pour alimenter un fonds de mutualisation. Vos Rapporteurs estiment que l’intégralité de ce qui n’est pas affecté au désendettement devrait être mutualisé.

Ce système de retour sur cessions pérennise les inégalités entre ministères. Les ministères « riches » peuvent financer des opérations par le remploi de produits de cession ; les ministères « pauvres », qui ne disposent pas de parc immobilier historique, ne peuvent financer des projets qui pourraient paraître plus pressants, comme par exemple de sortir de situations locatives pour héberger des missions pérennes de l’État.

En outre la LOLF interdit qu’un compte spécial soit alimenté à hauteur de plus de 10 % par le budget général. Elle interdit également d’imputer sur un tel compte des dépenses de personnel. La création d’un programme Entretien demandé par un amendement du Sénat lors de la dernière discussion budgétaire a été rejetée. Or les crédits d’investissement et d’entretien, fonctions remplies par le propriétaire, doivent être financés sur des budgets distincts de ceux des ministères.

Le ministère du Budget devrait réfléchir, pour le projet de loi de finances de 2009, à l’évolution du CAS pour qu’il comporte en ressources les produits des cessions et les loyers et en dépenses les frais d’acquisitions, d’investissement et d’entretien du propriétaire. Cette évolution devra se faire en cohérence avec l’évolution du statut du service France Domaine.

Proposition n° 10 : La « règle de retour » aux ministères du produit des cessions, en général fixée à 85 %, devra être supprimée pour permettre une mutualisation totale de ce produit, seule compatible avec l’affirmation d’un État propriétaire unique.

2.– Le régime juridique de l’affectation doit céder la place à de véritables baux publics

a) L’abrogation du régime de l’affectation

L’abrogation du régime juridique de l’affectation des immeubles de bureaux aux administrations occupantes est l’aboutissement logique de la réforme du cadre juridique de l’immobilier de l’État. Comme l’a rappelé M. Daniel Dubost lors de son audition par la MEC le 24 janvier 2008, c’est la résistance des ministères qui a fait qu’ils se sont opposés jusqu’ici avec succès à cette abrogation.

L’exécutif a déjà annoncé plusieurs fois la suppression du régime de l’affectation, mais il est toujours en vigueur : discours du Président Chirac en janvier 2006, circulaire du Premier ministre du 28 février 2007, décision du Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) du 12 décembre 2007. Cette décision est rappelée dans les décisions du CMPP du 4 avril 2008, mais ce n’est qu’en mars 2008 que le CIE a été informé d’un projet de décret soumis à l’avis du Conseil d’État. Le maintien du régime de l’affectation est totalement contradictoire avec l’affirmation de l’État propriétaire.

Selon l’article R.81 du code du domaine de l’État (texte actuellement en vigueur et qui le restera jusqu’à la publication attendue de la partie réglementaire du code des propriétés des personnes publiques), « l’affectation est l’acte en vertu duquel un immeuble dépendant du domaine privé de l’État ou détenu en jouissance, à un titre quelconque, par l’État est mis à la disposition d’un département ministériel pour lui permettre d’assurer le fonctionnement du service public dont il a la charge. (…)

Les règles de l’affectation sont applicables aux administrations de l’État et aux établissements publics nationaux à l’exception de ceux de ces établissements qui ont un caractère industriel ou commercial et avec lesquels l’État traite, en cette matière, par voie de location ou d’aliénation. La présente disposition ne met pas obstacle à l’attribution par des textes spéciaux et à titre de dotation, d’immeubles domaniaux aux établissements publics nationaux de toute nature. »

L’article R. 88-1 du même code précise que « l’affectation est gratuite. Toutefois, il est fait exception à cette règle : 1° Lorsque les services ou établissements qui détiennent ou auxquels doivent être remis les immeubles à affecter sont dotés de l’autonomie financière ; 2° Lorsque l’affectation porte sur les immeubles mentionnés à l’article L.111-1 (1°) du code forestier (12) ; 3° Lorsqu’un immeuble utilisé par un département ministériel et qui n’est pas compris dans une cité administrative fait l’objet d’un changement d’affectation au profit d’un autre département ministériel. (…) Lorsque l’immeuble est déjà dans le patrimoine de l’État ou à sa disposition, l’acte d’affectation mentionne dans tous les cas le montant de l’indemnité qui est mise à la charge du service ou de l’établissement public national bénéficiaire. Cette indemnité, déterminée par le directeur des services fiscaux, est égale à la valeur vénale ou locative de l’immeuble, suivant qu’il s’agit d’une affectation définitive ou provisoire. »

La suppression du régime de l’affectation, en particulier pour les bureaux, nécessite la modification de la partie réglementaire du code général de la propriété des personnes publiques (dont la partie législative a fait l’objet de l’ordonnance du 21 avril 2006). Cette réforme suppose l’intervention d’un décret en Conseil d’État. Seraient substitués au régime de l’affectation des baux conclus entre l’État propriétaire et chaque administration locataire d’un bien domanial, ayant la forme de conventions d’occupation.

b) Baux publics

La circulaire du Premier ministre du 28 février 2007 a posé le principe du remplacement du régime de l’affectation par des conventions conclues entre l’État propriétaire et les ministères occupants. Ces conventions devraient fixer les droits et les obligations des deux parties.

La durée de la convention devrait être établie pour une durée maximale à déterminer (6 ou 9 ans) afin de ne pas figer les situations et ainsi créer des droits acquis. La convention porterait sur un immeuble déterminé, un service occupant expressément mentionné et une utilisation précisément définie. Elle fixerait le montant des loyers et ses modalités de révision. Elle indiquerait que les impôts et taxes sont à la charge de l’occupant. L’utilisateur supporterait l’ensemble des dépenses d’entretien courant et de petites réparations. France Domaine, qui exerce les responsabilités du propriétaire, aurait la charge des travaux relatifs aux grosses réparations. L’utilisateur serait associé à leur réalisation par une convention spécifique qui en précise les modalités opérationnelles, techniques et financières. France Domaine contrôlerait régulièrement les conditions dans lesquelles est entretenu et utilisé l’immeuble ainsi remis à l’utilisateur. Lorsque la mise en œuvre de ce contrôle permet de constater que l’immeuble est devenu inutile ou inadapté aux besoins, il est demandé au service utilisateur de restituer les surfaces.

Ces conventions devraient être établies selon les principes de droit commun contenus dans le code civil.

Code civil

Article 1719 : Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière (…) d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

Article 1720 : Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

Article 1728 : Le preneur est tenu (…) d’user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention.

Article 606 : Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien.

L’État assume les fonctions du propriétaire et le ministère occupant celles du locataire. L’État assume l’investissement immobilier (acquisition, construction, travaux). Il encadre ou assure l’entretien et les grosses réparations, et les finances sur les loyers perçus. L’entretien courant, la maintenance et les autres services à l’occupant sont assumés par les ministères. Ces fonctions peuvent être assurées soit en régie, soit en passant par un contrat d’externalisation auprès d’un prestataire de service. Cette dernière solution est préférable car elle ne constitue pas le cœur de métier des ministères. Des prestations de contrat global toutes prestations incluses sont proposées par les acteurs du marché. Elles sont assorties d’obligation de rendre compte. La mutualisation des prestations sur une base géographique peut être recherchée pour obtenir des conditions plus favorables pour les finances de l’État.

Proposition n° 11 : La décision plusieurs fois annoncée de l’abrogation du régime juridique de l’affectation des immeubles domaniaux aux ministères doit maintenant être prise sans délai.

3.– Une politique d’entretien fait toujours défaut

L’expérimentation de la mutualisation de l’entretien en région Rhône-Alpes est actuellement au point mort, du fait que certaines administrations ne l’ont pas relayé sur le terrain en ne donnant aucune instruction à leurs services. C’est ce qu’a montré l’audition par la MEC du TPE et du SGAP de cette région le 24 janvier dernier. Les services des ministères économique et financier sont par ailleurs réticents à mettre en commun des ressources financières. Cette expérimentation a été voulue par la circulaire du Premier ministre du 28 février 2008. Le ministre chargé du budget et le Premier ministre ont récemment relancé ce processus, et il faudra en suivre les résultats. Les enjeux sont importants en matière d’économies potentielles et de valorisation du patrimoine.

En région Rhône-Alpes, rien n’a été réalisé au-delà du recensement des besoins (28 millions d’euros d’autorisations d’engagement) et du recensement des compétences immobilières des différents ministères de la région. Une méthodologie commune de diagnostic, de recensement et de programmation pluriannuelle des travaux devrait être définie. Une difficulté provient du fait que le service France Domaine n’est organisé qu’au niveau départemental, alors que cette expérience porte sur une région entière. Différentes options sont encore envisagées : simple coordination ou programme d’intervention territoriale de l’État (PITE).

Actuellement plusieurs administrations ont développé une expertise immobilière en région : bureaux des affaires immobilières de la police, antennes immobilières régionales de la Justice et des ministères économique et financier, service d’infrastructure de la Défense, directions départementales et régionales de l’Équipement, directions régionales de l’action culturelle. Les compétences existent mais sont dispersées. Une organisation mutualisée serait plus performante, notamment dans la maîtrise d’ouvrage.

Au-delà de cette expérimentation, rien n’est actuellement en préparation. Il faudrait par exemple envisager une démarche prévoyant :

– un diagnostic systématique des immeubles ;

– la définition de priorités ;

– la programmation pluriannuelle des travaux en fonction des capacités financières et en cherchant un certain autofinancement à valoir sur les économies de gestion attendues ;

– la sécurisation de ressources budgétaires, sans doute sur une quote-part des loyers

– la réalisation des travaux sans doute sous la forme d’une externalisation pour des tâches qui ne constituent pas le cœur de métier de l’État.

Les travaux d’entretien doivent être partagés entre le propriétaire et l’occupant selon le principe du code civil : au propriétaire l’entretien lourd et la rénovation, à l’occupant l’entretien courant, l’exploitation et la maintenance.

Une politique active de grosses réparations et d’entretien incluant des travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique, permettrait d’espérer des économies substantielles sur l’ensemble de la durée de vie des immeubles. Les enjeux sont importants comme l’a mentionné l’Inspection générale des finances, qui a calculé que l’on pourrait économiser la moitié des 2 milliards d’euros consacrés chaque année à l’entretien des immeubles de l’État. Le coût initial de l’investissement, non négligeable, peut être amorti en quelques années. La charge de ce coût initial doit être calibrée en fonction des disponibilités budgétaires ; elle doit être planifiée de manière pluriannuelle et ainsi constituer un effort permanent, avec un retour sur investissement positif. Un équilibre devra être trouvé entre les dépenses en capital et les économies à attendre en matière de dépenses de fonctionnement. Les ministères sont incités à entrer dans ce cercle vertueux par les économies en termes de charges qui sont attendues.

L’absence d’une politique d’entretien préventif systématique entraîne souvent un surcoût, les travaux curatifs s’avérant lourds quand les bâtiments sont gravement détériorés, ce qui entraîne une dégradation de la valeur patrimoniale des immeubles, et donc une dépréciation du bilan de l’État. A l’opposé, une politique active d’entretien maintiendra la valeur des immobilisations et appréciera la valeur de sortie des biens. L’exemple de l’immeuble Ségur-Fontenoy hébergeant les services centraux du ministère de la Santé en est une illustration manifeste. L’absence d’entretien de cet immeuble pendant des décennies a entraîné un coût de réhabilitation évalué à plus de 175 millions d’euros. Une autre illustration en est l’état d’abandon de l’immeuble du 20, avenue de Ségur, qui héberge actuellement les services de l’ancien ministère de l’Écologie, et qui nécessiterait de 60 à 80 millions d’euros de travaux. Faute de disposer des ressources budgétaires, l’État s’oriente maintenant vers la vente pure et simple de cet immeuble à un prix très dévalué.

L’Agenzia del Demanio (Agence du Domaine) italienne s’est fixée une norme de 3 % de la valeur des immeubles comme budget annuel susceptible d’être consacré à l’entretien. Cette valeur est quelque peu « volontariste » : une étude CBRE/Ineum Consulting présentée en 2007 au Conseil de l’immobilier de l’État a estimé qu’elle pouvait varier entre 0,5 % et 3 %. On rappelle que les loyers budgétaires sont calculés sur la base d’un taux de 0,6 % déduit du loyer, car les travaux sont actuellement à la charge des ministères.

Le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et du Conseil général des ponts et chaussées d’octobre 2006 a montré les perspectives intéressantes d’une mutualisation des moyens dont disposent les ministères, dans les services centraux et en régions.

Proposition n° 12 : Une politique d’entretien préventive devra être définie par le service France Domaine, s’agissant des obligations incombant au propriétaire en application des principes établis par le code civil. Elle passe par le diagnostic préalable de tous les immeubles, la programmation pluriannuelle des travaux en tenant compte des priorités et la sécurisation d’un financement à partir des loyers budgétaires. L’expérimentation de la mutualisation de l’entretien en région Rhône-Alpes, qui jusqu’à présent marque le pas, doit être relancée.

E.– LE CHAMP DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT EST ENCORE INCOMPLET

1.– Les réserves de la Cour des comptes sur la valeur du parc immobilier de l’État

Le recensement des immeubles des services de l’État a avancé depuis 2005. Son évaluation est progressivement affinée et les valeurs comptables inscrites dans le bilan patrimonial de l’État se rapprochent chaque année un peu plus de leurs valeurs vénales. Le service France Domaine a défini un plan permettant de contrôler précisément l’évaluation des immeubles en travaillant chaque année sur 20 % du parc.

La Cour des comptes a considéré, dans son rapport de certification de mai 2007 sur l’exercice 2006, que « la valeur du parc immobilier de l’État, estimée au 31 décembre 2006 à 49,1 milliards d’euros, est entachée d’incertitudes tenant aux procédures de recensement et d’inventaire des immeubles ainsi qu’aux imperfections des applications informatiques. Des anomalies dans l’évaluation de plusieurs biens et des lacunes dans leur recensement ont été mises en évidence sans que leur impact global sur les comptes ait pu être déterminé avec précision.

Le recensement et l’évaluation de ce patrimoine dépendent de la tenue du tableau général des propriétés de l’État (TGPE). Cette application, présentée comme un outil de comptabilité auxiliaire, comporte plusieurs défauts. Elle ne contient, en effet, qu’un nombre limité de contrôles automatisés, dont certains sont déficients. Elle ne permet aucune historisation des données. Elle ne comporte pas d’interface avec les applications de dépense et la comptabilité générale. Dans ce contexte, la volumétrie et la complexité des contrôles manuels nécessaires à la fiabilisation et à l’intégration en comptabilité générale des données financières relatives au parc immobilier constituent une limite à la mise en œuvre de contrôles approfondis par la Cour.

Partant d’une connaissance inégale et le plus souvent incomplète du patrimoine immobilier qui leur est affecté, les ministères ont effectué depuis 2004 un effort très important pour le recenser. Mais la procédure déclarative de l’inventaire des biens immobiliers et l’absence d’interface entre l’application informatisée de tenue de l’inventaire et les applications de dépense de l’État laissent subsister une incertitude sur l’exhaustivité du recensement (…)

La méthode d’évaluation en valeur de marché des biens les plus atypiques pour lesquels, en l’état, il n’existe pratiquement pas de marché reste aléatoire. Doivent par exemple être soulignées les difficultés entourant l’évaluation des palais de justice ou des installations militaires de très grande superficie. (…) »

La Cour conclut : « l’incertitude sur la valeur d’un patrimoine aussi important et aussi spécifique est aggravée par différentes faiblesses du processus d’inventaire et de valorisation. Pour ces raisons, la Cour n’a pas pu valider la valorisation de l’ensemble du parc immobilier de l’État. »

Partageant largement ces constats, le ministère du Budget s’est engagé : « à valoriser des biens non encore évalués en 2005 et 2006 ; à poursuivre l’opération de recensement, de fiabilisation et d’évaluation du parc immobilier non contrôlé par l’État (13) ; à fiabiliser des données caractéristiques des biens dans le cadre de l’extension du mécanisme des loyers budgétaires. (…) ».

Le rapport de la Cour des comptes présenté en mai 2008 sur la certification des comptes de l’exercice 2007 conclut que les lacunes sur le référentiel comptable, les procédures d’inventaire et la qualité des outils continuent de faire peser une « incertitude substantielle » sur la valorisation et l’exhaustivité du parc immobilier inscrit au bilan de l’État au 31 décembre 2007. Le recensement du parc immobilier fait donc cette année encore l’objet de l’une des douze « réserves substantielles » du bilan de l’État.

2.– Les opérateurs de l’État échappent en grande partie aux disciplines communes

Le rapport de la MEC de juillet 2005 avait montré qu’une part importante du patrimoine domanial est cantonnée auprès des multiples opérateurs de l’État.

L’exemple de l’Établissement public du musée du Louvre, qui souhaiterait louer un immeuble dans le Louvre des Antiquaires - le même qui avait été refusé à la direction de la Musique, de la danse, du théâtre et des spectacles du ministère de la Culture -, montre comment des ministères tentent de contourner les disciplines imposées à leurs services administratifs.

La DGCP estime que les établissements publics et autres opérateurs de l’État contrôlent presque autant de biens, appelés « unités opérationnelles » (soit 23 000), que l’État (soit 30 000). Le recensement et l’évaluation des biens occupés par les opérateurs sont donc désormais un chantier prioritaire après le travail de mise à jour effectué pour le patrimoine de l’État. Il reste cependant à accélérer ce recensement et cette évaluation, qui étaient déjà prévus dans la circulaire du 28 février. Le ministre du Budget en a pris l’engagement, devant la commission des Finances (élargie) le 8 novembre 2007. Ce recensement devra être l’occasion d’analyser les différents régimes de mise à disposition des biens immobiliers publics aux opérateurs de l’État, où les situations sont très variées et souvent inextricables : biens simplement utilisés par les opérateurs, biens remis en dotation, transfert de propriété…

À la date de rédaction du présent rapport, la fiabilisation des données en cours pour 77 établissements qui détiennent 85 % du parc est achevée pour 39 d’entre eux. L’évaluation des biens n’est complète que pour huit de ces établissements (ADEME, ANAH, BNF, quelques universités). Le service France Domaine gagnerait à se faire aider dans cette tâche par un prestataire de service, par exemple par la SOVAFIM, société publique qui est la seule qui soit exclusivement dédiée à l’immobilier.

L’étape suivante consistera à étendre les loyers budgétaires aux opérateurs. Il est en effet surprenant que les services des ministères paient un loyer alors que les opérateurs n’en paient pas. Les immeubles qu’ils occupent sont dans la grande majorité des biens domaniaux cas remis en dotation sans contreparties financières. Vos Rapporteurs ont eu connaissance du cas paradoxal du ministère de la Culture, qui occupe quelques bureaux d’un immeuble qu’il a remis en dotation à l’un de ses opérateurs et à qui est exigé un loyer de sous-location...

Proposition n° 13 : Le recensement et l’évaluation des immeubles de l’État doivent être affinés pour répondre aux réserves émises par la Cour des comptes dans la certification du bilan patrimonial de l’État pour 2006. Le recensement et l’évaluation des immeubles occupés par les opérateurs de l’État doivent être effectués selon un calendrier réduit de moitié, conformément à la décision prise par le ministre du Budget. À l’issue de ce travail, le mécanisme des loyers budgétaires devra être étendu aux opérateurs de l’État.

3.– L’immobilier de l’État ne se limite pas aux immeubles de bureau

Tant les travaux de la MEC que ceux du CIE ont jusqu’à présent porté principalement sur les immeubles de bureaux de l’État, classés dans le bilan patrimonial de l’État sous le vocable de « biens non spécifiques ». Or le patrimoine immobilier de l’État comporte également des « biens spécifiques » tels que les monuments historiques, les musées, le patrimoine culturel, les établissements pénitentiaires, les tribunaux, les locaux industriels, les archives ou les logements de fonction.

La réforme en cours de la carte judiciaire présente un coût dû à l’abandon de petites juridictions, hébergées « gratuitement » par des collectivités locales, pour se regrouper dans des immeubles où l’État devra supporter les coûts d’acquisition ou de travaux d’agrandissement(14). M. Rémi Heitz, Directeur général de l’administration et de l’équipement du ministère de la Justice, a reconnu le 9 avril dernier devant la commission des Finances du Sénat que cette réforme devrait coûter environ 545 millions d’euros sur au moins cinq ans. Il faudra construire des bâtiments nouveaux en quittant ceux qui sont jusqu’à présent prêtés par les collectivités locales… L’administration judiciaire dispose de 1 200 juridictions installées sur 900 sites ; la suppression de 300 juridictions entraînera environ 200 opérations immobilières.

Les chantiers de l’immobilier universitaire(15) et hospitalier(16) sont également immenses. Ces immeubles et constructions nécessitent tout autant une gestion efficace et performante. Une réflexion doit être menée pour proposer les structures adéquates.

Dans le rapport d’audit de modernisation sur la politique immobilière des établissements de santé, l’Inspection générale des finances constate une connaissance limitée du parc, des ressources professionnelles insuffisantes pour les petites unités, une faible sensibilisation au coût réel de l’immobilier, une politique de maintenance réalisée sur une base annuelle qui ne permet guère l’optimisation des coûts à long terme, une politique de cessions répondant davantage à des besoins ponctuels de financement qu’à la mise en œuvre d’une véritable stratégie immobilière. L’Inspection générale des finances propose de mieux définir les grands objectifs d’une stratégie immobilière, d’améliorer la mise en commun des moyens et de mieux séparer les fonctions de propriétaire et d’occupant. On le voit, il s’agit d’autant de problématiques communes à l’État et au monde hospitalier.

Le rapport de mission d’information de la commission des Affaires culturelles du Sénat constate que le patrimoine immobilier universitaire est aujourd’hui considérable, mal utilisé et fortement dégradé. La politique immobilière universitaire est désormais largement contractualisée et témoigne d’un recul de l’État au profit des collectivités locales et des universités. Or cette politique suppose le maintien d’une cohérence générale, afin d’éviter une dilution excessive de la carte universitaire. La mission d’information propose notamment une meilleure utilisation du patrimoine immobilier universitaire, une amélioration des conditions de vie étudiante (cités universitaires), une expérimentation du transfert de la propriété des bâtiments universitaires aux collectivités et établissements publics volontaires et la mise en place de schémas directeurs immobiliers au niveau régional afin de décliner précisément les orientations ministérielles.

La loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a complété le code de l’éducation selon les termes suivants : « Art. L. 719-14. -L’État peut transférer aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel qui en font la demande la pleine propriété des biens mobiliers et immobiliers appartenant à l’État qui leur sont affectés ou sont mis à leur disposition. Ce transfert s’effectue à titre gratuit. Il s’accompagne, le cas échéant, d’une convention visant à la mise en sécurité du patrimoine, après expertise contradictoire. Il ne donne lieu ni à un versement de salaires ou honoraires au profit de l’État ni à aucune indemnité ou perception de droits ou de taxes au profit de l’État. Les biens qui sont utilisés par l’établissement pour l’accomplissement de ses missions de service public peuvent faire l’objet d’un contrat conférant des droits réels à un tiers, sous réserve de l’accord préalable de l’autorité administrative compétente et de clauses permettant d’assurer la continuité du service public. ». Il faudra veiller à ce que la mise en œuvre de ces transferts ne se fasse pas au détriment du pilotage national de l’immobilier universitaire.

La maîtrise d’ouvrage publique est également un sujet qui n’a pas ou peu été traité jusqu’à présent par les travaux de la MEC ou du CIE. On a vu que plusieurs ministères ont créé des structures ad hoc, soit permanentes (EMOC pour la Culture, APIJ pour la Justice), soit liées à un projet déterminé (Établissement public du Grand Palais). On ne parle pas des structures créées pour les précédentes constructions, comme par exemple le Centre culturel Georges Pompidou. La plupart des ministères gèrent directement en régie leur maîtrise d’ouvrage (ministère des Affaires étrangères et européennes pour l’immeuble de la rue de la Convention, ministères sociaux pour l’immeuble Ségur-Fontenoy pour les plus grosses opérations en cours). Dans tous les cas l’expérience acquise est soit perdue après dissolution de la structure ou finition des travaux, soit n’est pas mutualisée.

Ces structures ne sont actuellement pas contrôlées par le service France Domaine. Un rapport de la commission des Finances du Sénat montrait ainsi que « toutes les opérations prises en charge par l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels (EMOC) et terminées à ce jour témoignent d’un dépassement de l’enveloppe financière conséquent, soit 73,9 millions d’euros. Le retard minimum de réalisation des chantiers s’est élevé à neuf mois pour l’extension de la Cité de la musique, le retard maximum est quant à lui de 45 mois pour la Cinémathèque. » (17)

La Cour des comptes a publié en décembre 2007 un rapport thématique sur « les grands chantiers culturels ». Dans ce rapport, la Cour présente la synthèse de ses contrôles sur une soixantaine de grands chantiers culturels engagés par l’État depuis dix ans, de la construction du musée du quai Branly à la restauration du Grand Palais. « Ces chantiers représentent un investissement de 2,27 milliards d’euros et pèsent lourdement sur le budget du ministère de la Culture. La Cour relève que ces opérations sont souvent lancées sur la base d’hypothèses fragiles et d’estimations financières sommaires. Déjà complexes par nature, elles s’exposent en cours de réalisation à des réorientations coûteuses pour les finances publiques, sans que les décisions soient éclairées par des éléments d’information rigoureux. En moyenne, la dépense réelle consacrée à chacune de ces opérations est ainsi supérieure de 30 % à son estimation initiale, et les délais d’exécution sont systématiquement dépassés. Au regard de ce bilan, la Cour estime que la politique des grands chantiers culturels n’est plus soutenable dans ses cadres actuels. La Cour constate que le dispositif mis en place en 1998 par le ministère de la Culture pour piloter ces grands chantiers est aujourd’hui appelé à évoluer, du fait notamment de la montée en puissance des grands établissements publics culturels. Mais surtout, elle souligne que l’achèvement des chantiers déjà programmés et le lancement de nouvelles opérations doivent gagner en efficience, faute de quoi le ministère de la culture aura de plus en plus de difficultés à mener de front ses autres missions, notamment l’entretien et la restauration du patrimoine historique en région. » La Cour formule à cet effet plusieurs recommandations destinées à améliorer la performance des différents acteurs de cette politique.

Vos Rapporteurs estiment qu’il serait judicieux d’étudier la possibilité de créer une structure chargée de la maîtrise d’ouvrage publique pour l’ensemble du parc immobilier de l’État, qui se substituerait aux structures ministérielles existantes. Une variante pourrait être la création de plusieurs structures pour différents segments bien identifiés du parc. Dans tous les cas le contrôle direct du service France Domaine devrait être assuré.

Enfin vos Rapporteurs notent les entraves résultant de la réglementation. Le code des marchés publics français, dans sa rédaction en date de 2006, découle directement du droit communautaire applicable en la matière. Toutefois, selon une étude du service des collectivités territoriales du Sénat(18), il est aujourd’hui perçu comme toujours plus complexe et trop coûteux à appliquer, tant par les acheteurs publics que par les entreprises soumissionnaires. Ce paradoxe peut s’expliquer par un souci du détail et de la réglementation propre à la culture administrative française. En effet, à la différence de ce qui est constaté dans d’autres pays européens (par exemple, les nouveaux États membres de l’UE), la France ne se contente pas de transposer « telles quelles » dans son droit interne les directives européennes relatives à la passation des marchés publics, mais les complète par un grand luxe de détails et de règles complémentaires qui, sans être contraires au droit communautaire, tendent à en rendre plus complexes les conditions d’application.

Tous les élus locaux sont confrontés à ces problèmes. Le rapport présenté en décembre 2007 dans le cadre de la RGPP par le Sénateur Alain Lambert sur les relations entre l’État et les collectivités locales mentionne le sujet. Il invite ainsi le Gouvernement à envisager des simplifications réglementaires et législatives qui seraient génératrices d’économies pour les finances publiques.

Proposition n° 14 : La nouvelle politique immobilière de l’État doit aller au-delà de la gestion du parc de bureaux et progressivement s’étendre aux biens spécifiques (bâtiments historiques, patrimoine culturel, musées, tribunaux, établissements pénitentiaires, hôpitaux, universités…) et aux fonctions particulières (maîtrise d’ouvrage…).

LISTE DES PROPOSITIONS DE LA MEC

Proposition n° 1 : Le Gouvernement doit mener à son terme la réforme de la gestion immobilière de l’État qu’il a initiée à la suite du rapport de la MEC de juillet 2005, faute de quoi elle resterait en grande partie inopérante.

Proposition n° 2 : La réforme de la gestion immobilière de l’État doit être portée par une volonté politique sans faille au niveau tant du ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique que du Premier ministre.

Proposition n° 3 : Le service France Domaine doit mener à bien la réforme interne lui permettant de remplir le rôle de « bras séculier » de l’État. Son statut doit évoluer pour lui donner une plus grande autonomie et un niveau de rattachement propre à lui assurer une autorité suffisante face aux différents ministères. Il doit renforcer son contrôle sur les multiples structures publiques qui s’occupent d’immobilier de l’État et s’aider d’opérateurs de marché publics et privés dans le montage des opérations immobilières.

Proposition n° 4 : Le Conseil de l’immobilier de l’État doit poursuivre son rôle d’orientation et de contrôle, notamment en rendant des avis préalables sur les principales opérations immobilières de l’État. Il pourra devenir le « conseil de surveillance » du service France Domaine au statut rénové.

Proposition n° 5 : Le Gouvernement doit veiller à ce que la nouvelle politique immobilière de l’État, de nature interministérielle mais mise en œuvre par le ministère du Budget, soit appliquée pleinement et sans réticences par l’ensemble des ministères.

Proposition n° 6 : La stratégie de l’État propriétaire, qui fait toujours défaut, devra être définie par le service France Domaine avec l’appui du Conseil de l’immobilier de l’État et sous l’autorité du ministre du Budget. Définie en vue d’une gestion patrimoniale, et non seulement budgétaire et comptable, cette stratégie devra comporter des principes clairs et précis, notamment pour le choix du lieu d’implantation, l’arbitrage entre propriété domaniale et location, la gestion des baux privés conclus par l’État et la qualité environnementale des immeubles publics.

Proposition n° 7 : L’actualisation en 2008 des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) des ministères devra être effectuée en accord avec les décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et avec le pilotage actif du service France Domaine.

Proposition n° 8 : La définition de la stratégie immobilière de l’État doit passer par la définition, sous forme d’un tableau de bord, d’indicateurs de performance immobilière mesurés de façon normalisée dans tous les ministères. Des objectifs chiffrés mobilisateurs devront être définis, notamment en matière d’occupation de l’espace, de réduction des coûts et de qualité environnementale. Ces indicateurs devront figurer dans les projets et rapports annuels de performances des ministères.

Proposition n° 9 : La définition et la mise en place du système d’information financière et comptable de l’État CHORUS, prévue en 2009 et 2010, devront comporter un module de gestion immobilière appelé à remplacer le tableau général des propriétés de l’État (TGPE) et à permettre la tenue d’une véritable comptabilité analytique des dépenses immobilières. C’est une condition nécessaire à la connaissance de la dépense immobilière des ministères.

Proposition n° 10 : La « règle de retour » aux ministères du produit des cessions, en général fixée à 85 %, devra être supprimée pour permettre une mutualisation totale de ce produit, seule compatible avec l’affirmation d’un État propriétaire unique.

Proposition n° 11 : La décision plusieurs fois annoncée de l’abrogation du régime juridique de l’affectation des immeubles domaniaux aux ministères doit maintenant être prise sans délai.

Proposition n° 12 : Une politique d’entretien préventive devra être définie par le service France Domaine, s’agissant des obligations incombant au propriétaire en application des principes établis par le code civil. Elle passe par le diagnostic préalable de tous les immeubles, la programmation pluriannuelle des travaux en tenant compte des priorités et la sécurisation d’un financement à partir des loyers budgétaires. L’expérimentation de la mutualisation de l’entretien en région Rhône-Alpes, qui jusqu’à présent marque le pas, doit être relancée.

Proposition n° 13 : Le recensement et l’évaluation des immeubles de l’État doivent être affinés pour répondre aux réserves émises par la Cour des comptes dans la certification du bilan patrimonial de l’État pour 2006. Le recensement et l’évaluation des immeubles occupés par les opérateurs de l’État doivent être effectués selon un calendrier réduit de moitié, conformément à la décision prise par le ministre du Budget. À l’issue de ce travail, le mécanisme des loyers budgétaires devra être étendu aux opérateurs de l’État.

Proposition n° 14 : La nouvelle politique immobilière de l’État doit aller au-delà de la gestion du parc de bureaux et progressivement s’étendre aux biens spécifiques (bâtiments historiques, patrimoine culturel, musées, tribunaux, établissements pénitentiaires, hôpitaux, universités…) et aux fonctions particulières (maîtrise d’ouvrage…).

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TRAVAUX EN COMMISSION

A.– AUDITION DE M. ÉRIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

Au cours de sa séance du mardi 15 janvier 2008, à 16 h 15, votre Commission a procédé à l’audition de M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur l’immobilier de l’État.

Le Président Didier Migaud a accueilli M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, pour faire le point sur la politique immobilière de l’État, sujet emblématique de la commission des Finances. Cette politique a été profondément réformée après le rapport de M. Georges Tron au nom de la mission d’évaluation et de contrôle en juillet 2005.

L’année suivante, dans un rapport sur les suites données à ses préconisations, M. Georges Tron, devenu entre-temps président du conseil de l’immobilier de l’État, dressait un bilan en demi-teinte. Puis le rapport spécial de M. Yves Deniaud sur le projet de loi de finances pour 2008 a montré que la réforme de la gestion immobilière restait inachevée.

Certes, de nouveaux instruments ont été mis en place, à commencer par le service France Domaine, mais les ministres tendent encore à se comporter en quasi-propriétaires d’un patrimoine que pourtant ils connaissent mal. De surcroît, les indicateurs de coûts sont insuffisants et de qualité très inégale d’un ministère à l’autre, les orientations stratégiques n’apparaissent pas clairement, des décisions surprenantes sont prises, qui donnent au grand public une image fâcheuse. Enfin, si jusqu’ici, les efforts ont surtout porté sur les cessions, c’est la gestion qu’il faut aujourd’hui rénover. Il faut une volonté politique renouvelée.

Il faut saluer la volonté de dialogue du ministre qui, au cours de son audition en commission élargie, le 8 novembre dernier, avait souhaité prolonger les échanges sur ce sujet, et avait lui-même proposé le principe de cette audition.

La MEC consacrera trois matinées d’auditions à la gestion de l’immobilier de l’État. Le jeudi 24 janvier, deux tables rondes permettront, l’une à des représentants de l’État, l’autre à des représentants du secteur privé, de confronter leurs expériences. Les jeudis 31 janvier et 7 février, la MEC procédera à des auditions concernant plusieurs ministères emblématiques.

Outre les membres de la MEC, tous les députés intéressés sont invités à participer à ces travaux, les travaux de la MEC, toniques et approfondis, étant animés avec autant de dynamisme par les présidents Georges Tron et David Habib que par leurs prédécesseurs MM. Yves Deniaud et Augustin Bonrepaux.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, s’est réjoui de pouvoir débattre avec les membres de la commission des Finances des évolutions de la politique immobilière.

Après avoir salué le rôle moteur de la Commission dans la modernisation de cette politique, il a fait le vœu que cette collaboration étroite se poursuive, en cette période charnière de la politique immobilière.

Après avoir appris à connaître son patrimoine et à le céder, l’État doit dorénavant être capable de le gérer, dans l’optique d’un État propriétaire unique.

Il y a seulement trois ans, comme l’avait constaté M. Georges Tron, l’État était incapable d’atteindre les objectifs de cessions immobilières de 100 millions d’euros par an fixé par le Parlement, alors que de très nombreux immeubles étaient mal utilisés, mal entretenus, inutiles au service public. Or le résultat provisoire des cessions de l’année 2007 dépasse très largement l’objectif de 500 millions. Au 3 janvier 2008, le produit des cessions s’établissait à 808 millions, ce qui excède encore le produit de 2007 – 799 millions –, certes avec une opération exceptionnelle plus importante, avenue Kléber. Le résultat de la cession de la rue Monsieur – 142 millions – a dépassé toutes les estimations et toutes les espérances. Pour 2007, comme pour 2006, les résultats de cession sont excellents et la contribution au désendettement s’est établie autour de 15 %, en conformité avec le taux estimé dans la loi de finances initiale. L’intérêt financier de ces opérations pour l’État est donc établi.

Par ailleurs, il est maintenant possible de gérer ce patrimoine immobilier avec des outils adaptés : un tableau général des propriétés de l’État mis à jour et un droit domanial plus souple qui permet de vendre des immeubles occupés et donc de réaliser les opérations de relogement en trésorerie positive, comme le font tous les opérateurs immobiliers privés. Les procédures de cession sont efficaces, publiques et transparentes.

De même, les administrations planifient leurs besoins, à travers des schémas pluriannuels de stratégie immobilière – SPSI –, dans le respect des normes immobilières - notamment le ratio de 12 m2 par agent. Les premiers SPSI étant imparfaits, le ministre a demandé aux ministères de présenter une nouvelle version, plus ambitieuse et plus adaptée aux réformes de leur organisation et de leurs missions, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Si une administration ne remplace pas un départ à la retraite sur deux, mutualise ses fonctions support et divise par deux le nombre de ses directions, elle a besoin de surfaces plus réduites. Il faut le quantifier, le planifier et accompagner le ministère dans cette réduction. Ce travail sera réalisé avec les ministères dans les semaines à venir, avec l’aide des équipes d’expertise de la RGPP et sous le contrôle du Conseil immobilier de l’État, le CIE.

L’on dispose d’une évaluation des biens, d’outils, de procédures, d’une planification. Le marché répond présent lorsque l’on fait appel à lui. Il faut poursuivre la professionnalisation de la fonction immobilière.

Pour ce qui est des nouveautés, il faut rappeler que, s’agissant des cessions, l’année 2008 allait être l’occasion de faire évoluer les procédures.

Tout d’abord, une clause d’intéressement aux plus-values ultérieures, rédigée par des spécialistes du secteur, notamment notariaux, permettra de garantir que l’État réalise bien la cession à la valeur de marché, puisqu’une telle clause dissuade le spéculateur, mais pas l’acquéreur prêt à payer le vrai prix. Ainsi, la mise en vente de l’immeuble de la rue Amelot, dont la première publicité a été publiée dans Le Figaro voici quelques jours, comporte une telle clause.

Par ailleurs, la location longue durée sera expérimentée en lieu et place de la cession définitive avec la cession de l’hôtel de Seignelay, un bâtiment historique affecté à Bercy et qui abritait le ministère des PME, rue de Lille. Il est en effet intéressant que des biens de ce type puissent revenir dans le patrimoine de l’État, à terme et après un bon entretien. Ce sera la meilleure réponse aux critiques de ceux qui pensent que la bonne gestion du patrimoine immobilier de l’État revient à dilapider les « bijoux de famille ». Il sera fait appel à une banque conseil afin d’étudier le bénéfice comparé d’une telle opération avec la cession définitive.

Autre nouveauté, l’utilisation du portage pour un bien ayant vocation à être utilisé durablement par l’État, comme y incitait l’amendement Marini adopté au Sénat en décembre dernier lors du débat sur la loi de finances pour 2008. La SOVAFIM, foncière publique, étudie la possibilité de réaliser un tel portage pour l’immeuble de l’avenue Bosquet, qui devrait être mis à disposition de l’Organisation internationale pour la francophonie, comme vient de le confirmer le Premier ministre par lettre, en lieu et place de la solution envisagée auparavant avenue de Ségur, critiquée à juste titre.

Il ne faut pas non plus son inscription dans les textes pour mettre en œuvre la procédure d’avis préalable du CIE, annoncée le 25 septembre dernier, afin de pouvoir prendre des décisions éclairées sur les opérations immobilières les plus importantes proposées par les administrations. En outre, cela amène France Domaine et les ministères concernés à venir expliquer leurs opérations devant les professionnels du CIE, ce qui a un grand intérêt pédagogique.

Cependant, les principales évolutions restent à venir et modifieront le rôle même des domaines. Comme il l’avait annoncé lors de son audition par le CIE, le ministre a proposé le passage définitif à l’État propriétaire, ce qui a été accepté par le conseil de modernisation des politiques publiques le 12 décembre dernier.

S’agissant du compte d’affectation spéciale – CAS – et du retour sur cessions, souvent mis en exergue comme le symptôme de l’éclatement entre des quasi-propriétaires, le ministre a rappelé qu’il avait déclaré lors de la réunion du CIE du 25 septembre dernier que cette règle de 85 % n’était pas inscrite dans le marbre.

Elle est tout d’abord moins favorable aux quasi-propriétaires qu’on ne le dit. S’agissant des produits de cession de plus de 2 millions, il n’existe aujourd’hui aucun « droit » des administrations à bénéficier d’un retour. Chaque dossier de remploi est étudié avec un œil critique, en vue de promouvoir un meilleur respect des orientations : le ratio de 12 m2 par agent, la réduction des surfaces. Il y a d’ailleurs un solde important sur le CAS, dû pour partie au décalage résultant des opérations de relogement, mais aussi au fait que des opérations de remploi ne consomment pas la totalité des produits de cession.

Ainsi, le relogement des douanes a coûté 45 % du produit de cession, ce qui est tout à fait dans la norme de la réalisation de ce type d’opérations pour des bureaux privés. Le gain pour les finances publiques est donc très supérieur à la contribution au désendettement
– environ 15 % – qui est affectée automatiquement. Tout produit non réemployé, provisoirement ou définitivement, est un apport en trésorerie, qui contribue de fait à réduire le besoin de financement de l’État. Le contribuable est donc gagnant dans ce dispositif, dans une proportion bien supérieure à 15 % des cessions.

Il convient cependant de tirer les conséquences du passage à l’État propriétaire et de conjuguer trois objectifs dans l’utilisation des produits de cession : inciter les administrations à réduire les surfaces et les coûts, en finançant le relogement quand elles permettent à l’État de réaliser une bonne opération, mieux mutualiser les produits immobiliers afin que des administrations ne soient plus logées dans des bâtiments trop grands quand d’autres restent locataires, contribuer à l’effort de désendettement.

Pour toutes ces raisons, le ministre a demandé à la Direction du budget et à France Domaine de modifier les règles d’intéressement. La contribution de 15 % doit être maintenue. Le montant du retour doit être abaissé, dans une proportion à définir. La marge nouvelle ainsi dégagée devra permettre de financer la mutualisation de ces produits.

S’agissant des prises à bail, les opérateurs immobiliers importants ont professionnalisé la négociation et la gestion des baux, comme c’est le cas de Poste Immo, qui gère ainsi 10 000 baux communaux de bureaux de poste. Il faudra suivre le même chemin, en commençant par les baux les plus importants en valeur.

A donc été proposée une procédure de négociation par France Domaine, après détermination d’un cahier des charges avec le futur occupant, ce qui présentera le double avantage d’améliorer le professionnalisme de la négociation, assis sur la connaissance du marché, et d’éviter la situation actuelle où les administrations négocient et ne font appel au Domaine que pour l’avis domanial, dont elles ne comprennent pas qu’il puisse être négatif, ce qui les pousse à demander des arbitrages dans l’urgence.

S’agissant de la meilleure gestion des immeubles occupés, un pas très important a été franchi avec la généralisation progressive des loyers budgétaires. Le ministre a d’ailleurs demandé au CIE, le 25 septembre dernier, de lui fournir une expertise sur plusieurs points pour affiner encore le dispositif, alors qu’il est en cours d’extension géographique. L’immobilier domanial a un coût : c’est du capital immobilisé et cela doit être bien entretenu, ce dont les administrations ont commencé à prendre conscience.

Le Conseil de modernisation des politiques publiques a annoncé la fin du régime juridique de l’affectation des immeubles domaniaux. Un décret en Conseil d’État est en préparation. Cependant, il ne suffit pas de modifier le support juridique pour dynamiser vraiment la gestion vis-à-vis des occupants. Il faut surtout adapter les outils pour qu’ils contribuent à une gestion plus dynamique. Les conventions d’occupation, conclues entre l’État propriétaire et les administrations occupantes, seront de véritables baux, qui préciseront les obligations des deux parties (en matière de loyer ou d’entretien). Trois modalités de gestion des relations avec les occupants sont étudiées, pour les inciter à une meilleure utilisation des bâtiments domaniaux.

Une administration qui accepte de réduire les surfaces occupées pourrait tout d’abord se voir garantir, pour une période déterminée, le maintien de sa dotation de fonctionnement antérieure. La différence entre l’ancien loyer budgétaire et le nouveau, plus faible, constitue une incitation. Les clauses du bail pourraient être adaptées en fonction des conditions d’occupation, notamment par le loyer ou par des clauses de pénalité, pour inciter à un départ à l’issue du bail. Les dotations budgétaires pourraient être ajustées, non plus en fonction des surfaces occupées, mais des surfaces nécessaires. La différence entre la ressource, en baisse, et le coût, inchangé, du loyer budgétaire lui fera assumer le coût de son choix d’inefficience immobilière.

S’agissant de l’entretien, les carences des quasi-propriétaires sont connues. Une bonne organisation de l’entretien lourd est indispensable, car elle est le corollaire des plus fortes contraintes que le propriétaire fera peser sur le locataire. Sur le plan technique, le ministre a déclaré attendre les conclusions du CIE sur deux sujets essentiels. Tout d’abord, quelle contribution de l’occupant est-elle nécessaire pour financer cette fonction d’entretien du propriétaire – cette question devient particulièrement importante dans le contexte du Grenelle de l’environnement, qui veut promouvoir un « État exemplaire » sur les bâtiments domaniaux. Ensuite, comment faut-il organiser les services techniques en charge de l’entretien, en lien avec le propriétaire. L’expérimentation en cours en Rhône-Alpes, que le ministre a souhaité relancer, devrait être éclairante.

Sur le plan budgétaire, comme le ministre l’a déclaré au Sénat en réponse à l’amendement Girod, il souhaite être éclairé sur ces éléments de contexte avant de décider la création d’un programme entretien, vraisemblablement sur le budget général.

Les cessions ont été une composante essentielle de la politique de dynamisation immobilière, mais elles n’en sont pas la seule. L’étape suivante, lancée aujourd’hui, et qui résulte très largement des observations de la commission des Finances, est une amélioration de la gestion du patrimoine utilisé et détenu par l’État, qui doit agir comme un propriétaire unique. Qu’il s’agisse des opérations en capital, de la gestion du parc domanial et des baux, de l’entretien, il convient de quitter le milieu du gué pour rejoindre le camp d’une gestion professionnelle, aussi semblable que possible à celle d’un propriétaire privé.

Ainsi seront atteints les objectifs, cohérents avec le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux : moins de surfaces, plus fonctionnelles, moins chères, mieux entretenues.

M. Yves Deniaud, après avoir approuvé le bilan dressé par le ministre, a rappelé qu’il restait beaucoup à faire, car les ministères continuent à se comporter en véritables propriétaires. Il a notamment regretté que France Domaine ait été, dans des exemples récents, sinon complètement oubliée, du moins uniquement consultée pour mémoire, et n’ait pu jouer le rôle actif qui aurait dû être le sien. Il est aujourd’hui impératif que France Domaine prenne toute sa place et que soit mise en œuvre une véritable gestion interministérielle de l’immobilier de l’État. Il a ainsi déploré que le ministère des Affaires étrangères vende le bâtiment de la rue Monsieur, notamment pour financer la rénovation du Quai d’Orsay, alors que ces locaux auraient très bien pu abriter d’autres services de l’État.

Il a par ailleurs dénoncé l’absence d’échéancier précis des baux en cours ou à venir, ce qui empêche toute discussion sérieuse avec les bailleurs sur le renouvellement, la dénonciation ou la conclusion d’un bail.

Quant à l’entretien et la rénovation des locaux, les outils sont parcellaires et donnent des résultants décevants. Un rapport du Sénat soulignait ainsi, s’agissant de l’entretien et de la rénovation du ministère de la Culture, le non-respect des délais et des devis, toutes les opérations s’étant avérées au mois 25 % plus chères que prévu. Il en va de même pour le ministère de la Justice.

Si l’on peut saluer l’appel à la SOVAFIM, il convient de rappeler qu’existent, au sein même de la sphère publique, des outils intéressants, comme la Caisse des dépôts, dont les filiales seraient parfaitement capables de fournir à l’État toutes les compétences nécessaires pour mener à bien les opérations de rénovation ou d’entretien.

Il en a conclu que France Domaine devait acquérir une dimension interministérielle et une autorité sur l’ensemble des services immobiliers des ministères.

M. Georges Tron, trois ans après avoir dénoncé les carences de l’État en matière de gestion immobilière dans un rapport établi au nom de la MEC, a souhaité donner son avis sur la manière dont les choses avaient évolué.

Il a tout d’abord remercié à titre personnel le ministre qui, animé d’une véritable volonté de réforme, s’est régulièrement tenu à la disposition de la commission des Finances ou du CIE.

Pour autant, la tâche est immense. Les ministères considèrent en effet leur immobilier comme emblématique de leur pouvoir, au même titre que le nombre de leurs fonctionnaires, d’où des réactions parfois virulentes, voire des attaques à titre personnel, mais il est déterminé à ne pas fléchir.

Après avoir salué les propositions du ministre, il a tenu à attirer son attention sur certains points.

M. le ministre peut-il confirmer l’avancée en 2008 de la date du recensement du patrimoine des opérateurs publics, légèrement supérieur à celui de l’État, la date initialement prévue de 2009 paraissant trop lointaine ? Où en est ce recensement ?

On peut aussi émettre des doutes sur la réforme de France Domaine. Alors que France Domaine aurait dû disposer d’une certaine autonomie et être érigée en service à compétence nationale, elle a été transférée de la Direction générale des impôts, DGI, vers la Direction générale de la comptabilité publique, DGCP. Or cette opération de mécanique interne ne s’est pas déroulée dans les meilleures conditions pour les agents. Combien d’entre eux ont-ils souhaité rester affectés à la DGI ? Quels sont ceux aujourd’hui affectés à la DGCP ? Quels sont les taux de retour ? Enfin qu’en est-il de l’état d’esprit des fonctionnaires ? Les retours venant de la Province n’incitent en effet pas à l’optimisme.

Le rapport de la MEC, concernant France Domaine, préconisait une ouverture vers des contractuels. Alors que le prédécesseur du ministre avait indiqué qu’une quarantaine de contrats pourraient être réservés à des compétences issues du secteur privé, rien n’a été fait, le principe de l’externalisation de certaines tâches ayant été avancé en guise de justification. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Par ailleurs, alors que le ministre semble reconnaître à France Domaine une fonction de pilotage, on a, au contraire, le sentiment que l’on reste dans la logique d’un bureau des domaines, c’est-à-dire d’un service qui se contente d’une activité notariale ou quasi notariale. Il reste convaincu que l’idée d’un France Domaine rénové, sorte de bras séculier de la politique générale, telle qu’évoquée dans le rapport de la MEC, devrait être reprise.

S’agissant des indicateurs de coût, il est évident qu’ils sont insuffisants aujourd’hui. Un des membres du CIE ne manque d’ailleurs jamais une occasion de rappeler qu’aucune réforme de cette ampleur ne peut être mise en place sans critères sur lesquels se caler pour pouvoir avancer.

Notamment au regard du critère des 12 m2 par agent, et des dossiers actuellement en cours, il est nécessaire de faire une révolution culturelle dans certains services. Ainsi, le ministère de la Culture, qui a mis douze ans pour s’installer rue des Bons-Enfants sans réaliser les huit opérations de cession nécessaires – le portage pendant ces douze années s’est élevé à 70 millions d’euros pour l’État –, désire aujourd’hui acquérir des locaux au-dessus du Louvre des antiquaires au prétexte que les ratios d’installation sur l’immeuble de la rue des Bons-Enfants ne correspondent pas à ce qui était souhaité ! Idem pour le ministère de l’Immigration, dont l’installation en plein cœur du VIIème arrondissement de Paris mérite toute l’attention du CIE. Quelle est la position du ministre sur ces dossiers emblématiques ?

Il faut féliciter le ministère du Budget d’avoir repris l’idée de remettre en cause la règle du retour de 85 % des produits des cessions, qui avait pourtant fait l’objet de nombreuses critiques lorsqu’elle avait été émise. La mutualisation de ces 85 % va dans le bon sens. On ne peut affirmer d’un côté l’État propriétaire unique et maintenir la règle des 85 % de l’autre.

Quant aux schémas pluriannuels de stratégie immobilière – SPSI – ils doivent également être soumis à une révolution culturelle. Jusqu’à présent, ils ont été purement diagnostiques, jamais prospectifs. Aucun de ceux qui ont été remis en mai 2005 n’a permis de dégager une ligne directrice en matière de conduite immobilière. Il avait été prévu d’en faire une synthèse : si ce document a été réalisé, est-il possible d’en avoir communication ?

Enfin le recours au portage, notamment par la SOVAFIM – qui est aujourd’hui sous-utilisée –, est tout à fait opportun.

Lors de son audition par le CIE le 25 septembre 2007, le ministre a souhaité que cette instance rende un avis avant le lancement de toute opération immobilière importante. Le CIE en est d’accord et a fait parvenir à son cabinet un projet de texte réglementaire. Il n’a pas encore reçu de réponse et souhaiterait savoir ce qu’il en est. S’il est prêt à s’acquitter de cette mission, il faut aussi qu’il en ait les moyens. L’exemple du bâtiment de l’Imprimerie nationale démontre que l’on peut se trouver court-circuité.

Si l’on était animé d’intentions plus belliqueuses qu’il ne convient, on pourrait rendre public un échange de lettres avec le ministre des Affaires étrangères au sujet de cette opération. Le comportement des hauts fonctionnaires de ce ministère devant le CIE a été proprement stupéfiant. C’est ainsi qu’au cours d’une audition d’une heure et quart, il n’a été fait aucune allusion à l’opération d’acquisition du bâtiment de l’Imprimerie nationale alors même que celle-ci était en train d’être conclue ! Pour comble, le ministre des Affaires étrangères assume et défend cette position dans une lettre.

Le CIE est assurément disposé à prendre toutes ses responsabilités. Cependant, pour pouvoir rendre un avis, il faut qu’il ait accès aux informations. Il n’est pas acceptable que tout lui soit dissimulé par tel ou tel haut fonctionnaire sur une opération de cession.

Il est heureux que, sous l’impulsion du ministre, la situation évolue de façon positive. Les blocages auxquels le Gouvernement et le Parlement se heurtent sont d’ordre culturel. Sur un sujet aussi emblématique, l’important est d’obtenir que l’État soit soumis à une gestion patrimoniale digne de ce nom. Malgré les progrès accomplis, on en est encore loin.

Le Président Didier Migaud a remarqué lui aussi que le souci de bonne gestion ne peut trouver sa traduction que si les hauts fonctionnaires respectent un devoir de transparence à l’égard du Parlement. Les comportements évoqués par M. Georges Tron doivent être dénoncés.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, après avoir souscrit aux propos de M. Georges Tron, s’est demandé si, pour éviter de tels problèmes, il ne faudrait pas à l’avenir renforcer France Domaine et en faire, comme l’a suggéré M. Yves Deniaud un véritable service interministériel, sachant toutefois qu’une telle transformation présenterait un risque de dilution des responsabilités. Est-ce une voie possible, ou est-il préférable de laisser à Bercy la responsabilité de cette politique ?

Par ailleurs, si l’élaboration du tableau général des propriétés de l’État a progressé depuis trois ans, il n’en va pas de même, semble-t-il, pour les propriétés des opérateurs de l’État, notamment dans le domaine de la culture. Où en est-on dans ce domaine ? Quels pouvoirs pourrait-on conférer aux ministères de tutelle, voire à une instance interministérielle, pour faire avancer les choses ?

Qu’en est-il de l’immobilier de l’État en province ? Quels sont les relais dont dispose le ministère du Budget pour y traduire la volonté affirmée par le pouvoir central ? Ce sujet ne peut être dissocié de la réflexion engagée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et des regroupements des directions des services extérieurs de l’État au niveau de la région ou du département.

Pour le Président Didier Migaud, le patrimoine du ministère de la Défense constitue également un sujet considérable.

M. Dominique Baert a relevé que, lorsque l’État vend des éléments patrimoniaux dont certains ont une importance historique et géographique certaine, la liberté du commerce s’applique : de ce point de vue, l’argent n’a pas d’odeur. Quelles garanties l’État peut-il avoir sur l’origine de fonds lorsqu’il accepte de vendre un actif patrimonial à des acheteurs dont l’origine n’est pas toujours bien connue ? Comment s’assurer de la moralité de ceux qui, demain, détiendront une partie du patrimoine national ?

Par ailleurs, quelle est la devise dans laquelle le patrimoine national est mis à prix ?

Enfin, quelles sont les dispositions que l’État a prises en matière de méthodes de mise à prix et de cession des bâtiments que la révision de la carte judiciaire rendra soudainement vacants ?

M. Éric Woerth a apporté les réponses suivantes :

– Si tous s’accordent sur la nécessité de disposer d’un opérateur puissant, sans doute n’est-il pas utile de s’interroger dès aujourd’hui sur l’évolution de France Domaine. Il est préférable de concentrer l’action sur les procédures. Après que le décret établissant l’État propriétaire unique aura été signé, il conviendra de le faire vivre et d’aller contre la culture ancienne des ministères, qui considèrent ce patrimoine comme le leur. Il faudra donc s’attacher aux procédures : ratios, retours, prises à bail, locations de longue durée, etc. France Domaine a déjà évolué sensiblement et remplit plutôt bien le rôle qui lui est dévolu, à savoir les cessions. Cette structure n’est sans doute pas encore taillée pour mener une politique d’ensemble et elle sera amenée à évoluer encore.

– Dès lors que l’État est propriétaire unique et que des baux sont signés avec chaque ministère et chaque utilisateur public, France Domaine doit rester placé auprès du ministère en charge du budget, qui a compétence pour ce qui a trait aux moyens et aux ressources ; la question de l’évolution de sa forme juridique ne se posera qu’après.

– Les chiffres précis des personnels de France Domaine qui sont restés à la DGI et de ceux qui sont partis à la compatibilité publique seront communiqués à la commission des Finances. Il est vrai que peu de recrutements ont été opérés dans le privé – en tout cas pas les quarante annoncés –, mais chaque opération de France Domaine s’est accompagnée d’un recours à une expertise privée. Sans doute convient-il de recruter quelques personnes à France Domaine pour piloter cette externalisation, sachant qu’il est difficile de rivaliser avec les salaires du privé pour s’attirer les meilleurs éléments. La liste de tous les opérateurs auxquels France Domaine a eu recours a été communiquée à la commission des Finances. Il est entendu que cet organisme deviendra le bras séculier de l’État en matière de politique immobilière, mais les procédures doivent être définies au préalable.

– La question des opérateurs n’est pas propre à l’immobilier : elle se pose aussi pour les embauches, les budgets, etc. Il a été demandé d’accélérer, dans ce domaine, l’élaboration du tableau des propriétés de l’État, dans le but de gagner un an et demi sur la date prévue initialement. Le Gouvernement propose à la Commission de faire le point sur l’état d’avancement de ces travaux à mi-parcours, en juin 2008.

– Parmi les opérations qui présentent le plus de difficultés actuellement, on compte un bon nombre de prises à bail. Dans la sphère de la culture, la direction de la musique et de la danse du ministère souhaiterait s’installer au Louvre ; d’autres bâtiments, plus adaptés au contexte, lui ont été proposés ; après des moments de tension, un accord semble pouvoir être obtenu. L’établissement public du Louvre souhaiterait pour sa part supprimer les Algeco qui abritent des services administratifs pour créer le musée des arts islamiques ; il a demandé lui aussi à disposer de bureaux très coûteux au Louvre des antiquaires pour reloger ses services ; le ministère du Budget a refusé et l’a invité à plaider sa cause devant le Conseil de l’immobilier de l’État, ce qui n’a pas manqué de le refroidir… Toujours est-il que des pressions risquent de s’exercer, eu égard au projet d’accueillir de nouvelles collections, que personne ne saurait contester. Il est à noter que d’autres locaux ont été proposés mais que les services du Louvre ne sont pas allés les visiter.

– Le ministère de l’Immigration est, lui aussi, à la recherche de mètres carrés et aimerait s’étendre dans des bureaux en construction juste à côté de son bâtiment principal, dans le VIIè arrondissement, ce qui serait contraire aux principes que le Gouvernement s’emploie à faire respecter. Au demeurant, la mission d’évaluation et de contrôle auditionnera prochainement M. Patrick Stéfanini, secrétaire général du ministère de l’Immigration. Le ministère du Budget a, pour sa part, trouvé trois ou quatre lieux possibles d’implantation.

– Il a été demandé au ministère de l’Intérieur d’autofinancer l’opération d’extension de ses services en diminuant les surfaces occupées sur le site de la place Beauvau. La discussion est en cours.

– En ce qui concerne le site de l’avenue de Ségur, dont une partie est vide, il convient tout d’abord que le ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables clarifie le projet de concentration de son immobilier à La Défense. De son côté, l’Organisation internationale de la francophonie avait adapté son cahier des charges à la superficie disponible – onze mille mètres carrés – avenue de Ségur. Après que l’on a réussi à la faire renoncer à ce projet, un accord se dessine pour qu’elle reprenne l’immeuble de l’Office des grandes cultures, propriété de l’office aux deux tiers et de l’État à un tiers, pour une surface de huit mille mètres carrés et moyennant des travaux beaucoup moins coûteux.

M. Georges Tron a souligné que pratiquement aucune de ces opérations n’a été évoquée lorsque le CIE a entendu, en novembre et décembre 2006, les hauts fonctionnaires responsables des SPSI, et que beaucoup d’entre elles sont même en contradiction avec ce qui avait été indiqué. Au cours de l’audition de la secrétaire générale du ministère de l’Intérieur, par exemple, le projet de restructuration qui a été présenté n’a aucun rapport avec les nouvelles prétentions mentionnées par le ministre. Il en est de même pour le ministère de l’Immigration. Quant au ministère de la Culture, il s’est contenté d’exposer la vente des six ou sept immeubles qui devait justifier l’opération de la rue des Bons-Enfants. C’est toujours le même réflexe d’occultation.

En outre, selon le rapport de l’inspection des finances remis par M. Philippe Dumas sur l’opération du bâtiment de l’Imprimerie nationale, le ministère des Affaires étrangères envisagerait aujourd’hui l’acquisition ou la construction de locaux complémentaires, ceux de la rue de la Convention étant insuffisants et ne permettant pas, en particulier, d’abriter une salle de conférences internationales. Si cette information est vérifiée, c’est un second chapitre du scandale qui s’ouvrirait.

M. le ministre a répondu qu’il n’a pas connaissance d’opérations du ministère des affaires étrangères pour trouver une salle de conférences ailleurs que rue de la Convention, où les locaux ont été pensés pour remplir cette fonction. Il s’agit donc d’une rumeur infondée.

M. Yves Deniaud s’est dit convaincu que le ministère des Affaires étrangères a eu cette intention, malgré ses démentis.

M. le ministre a précisé qu’aucun projet n’a été présenté officiellement. Cependant il faut reconnaître que les ministères ont certainement une propension à la dissimulation dans ces domaines. D’où l’importance des auditions menées par le CIE, dont l’autorité devra être renforcée, et de l’action de France Domaine.

Reprenant ses réponses aux questions, le ministre a apporté les éléments suivants :

– La règle des 85 % sera en effet amenée à évoluer.

– Les SPSI ne sont pas satisfaisants et il a été demandé qu’ils soient réactualisés en mai prochain sur la base de critères fixés conjointement et en intégrant l’immobilier de province.

– S’agissant des textes régissant le CIE, il appartiendra au Premier ministre de trancher. Une circulaire ou un décret définira le cadre de son travail.

– En province, la fusion de la direction générale des impôts – DGI – et de la comptabilité publique – CP –, tout comme la réforme de la carte judiciaire, aboutira à des restructurations immobilières qu’il appartiendra aux responsables concernés de mener. En matière judiciaire, on n’en est pas encore à ce stade. Dans le cadre de la fusion DGI-CP, certains hôtels des impôts regroupent déjà les différents services, mais le processus prendra plusieurs années.

– La question des garanties que l’État peut avoir sur la qualité de l’acheteur de l’immobilier public et sur l’origine des fonds est sans doute suscitée par l’opération de la rue Monsieur. En l’occurrence, le Gouvernement a pris toutes les informations possibles. L’opérateur est une société russe – ce qui ne doit pas systématiquement attirer les soupçons ! – adossée au grand groupe américain Hines. Si le Gouvernement n’avait pas vendu à cette société au terme de l’appel d’offres, il aurait fallu qu’il justifie pourquoi il refusait une offre de 40 millions supérieure à l’offre suivante. Or ni TRACFIN ni aucun autre service ministériel de renseignement n’a pu affirmer que l’origine de ces fonds était suspecte.

– La devise dans laquelle les ventes sont effectuées est l’euro.

Le Président Didier Migaud a remercié le ministre pour ses réponses. La commission des Finances poursuivra le travail dans le cadre de la MEC et il y aura un nouveau rendez-vous avant l’été au sujet des propriétés des opérateurs de l’État.

B.– EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 4 juin à 9 heures 30, votre commission des Finances a examiné les conclusions du présent rapport.

Le Président Didier Migaud a indiqué que le rapport que votre Commission va examiner aujourd’hui est en passe de devenir un classique du genre. Il répond à la détermination de votre Commission de suivre les effets des propositions de la MEC.

À la suite du rapport, en juillet 2005, de M. Georges Tron, qui traçait les orientations d’une réforme en profondeur de la politique immobilière de l’État, le Gouvernement a décidé de les reprendre à son compte, et de nommer notre collègue à la présidence du Conseil de l’immobilier de l’État, créé sur sa proposition.

Ce fut, indiscutablement, une victoire de la MEC. Mais un nouveau rapport, rendu en mars 2006, a montré que les suites données aux propositions de 2005 étaient décevantes.

Au fil des auditions et des déplacements réalisés depuis le mois de janvier, les rapporteurs de la MEC Yves Deniaud et Jean-Louis Dumont ont constaté les résistances de ministères se comportant encore souvent en quasi-propriétaires de leurs immeubles.

Ce rapport est très attendu, notamment par la presse. Elle a d’ailleurs déjà eu l’occasion d’en présenter une partie, ce qui a pu surprendre. Mais il est vrai que les auditions de la MEC sont publiques et que ses travaux se font dans la transparence. Il n’en reste pas moins important que votre Commission reste la première destinataire des observations et propositions de la MEC.

M. Yves Deniaud, Rapporteur, a rappelé que la réforme de l’immobilier de l’État entreprise à la suite du premier rapport de la MEC de juillet 2005 avait créé les outils d’une gestion immobilière de l’État : ministre du Budget directement en charge du sujet, service France Domaine rénové, création du conseil de l’immobilier de l’État – CIE –, dynamisation dans un premier temps des cessions, loyers budgétaires, actualisation du tableau général des propriétés de l’État. Ce dernier travail est d’ailleurs toujours en cours, comme le montre le rapport que vient de déposer la Cour des comptes sur la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2007, avec le maintien de la réserve substantielle sur l’évaluation du parc immobilier.

L’État ne remplit toujours pas convenablement son rôle de propriétaire. Le service France Domaine n’est pas encore le « bras séculier » de l’État propriétaire unique. Les ministères marquent des réticences fortes à la mise en œuvre de cette réforme. Les spécificités par eux invoquées ne sont pas recevables, s’agissant des opérations classiques d’acquisitions, de cessions, de conclusions de baux ou de travaux immobiliers pour les immeubles de bureau. Les spécificités techniques des immeubles militaires, policiers ou des tribunaux ne doivent pas être exagérées.

M. Yves Deniaud, Rapporteur, a présenté quelques exemples de dysfonctionnements dans la gestion immobilière des ministères.

Le ministère des Affaires étrangères et européennes a racheté en 2007 pour 325 millions d’euros l’immeuble, rue de la Convention à Paris, que l’Imprimerie nationale avait vendu trois ans plus tôt pour 85 millions d’euros. Le groupe Carlyle a au passage fait une plus-value estimée à 130 millions d’euros. Cette opération, comme sans doute beaucoup d’autres, a été exonérée d’impôt en raison de la faille de la convention fiscale franco-luxembourgeoise.

Le ministère de la Culture, qui a été à l’origine de l’intérêt de votre commission des Finances pour la gestion immobilière, a rénové à grands frais l’immeuble de la rue des Bons Enfants à Paris pour regrouper l’intégralité de ses services centraux. Mais une fois livré, l’immeuble rénové s’est révélé trop petit pour accueillir tous les services annoncés. Le ministère a alors montré une forte réticence à céder ses autres immeubles parisiens, contrairement à ses engagements passés. A la suite de la cession de l’immeuble du 53, rue Saint Dominique, à Paris, le ministère a demandé et obtenu, contrairement à l’avis du CIE, une réimplantation au 62, rue Beaubourg, à proximité immédiate de la rue de Valois dans un quartier central de Paris, et donc très coûteux. L’implantation un temps demandée dans l’immeuble du Louvre des Antiquaires, qui lui avait été refusée, a finalement été acceptée pour certains services de l’Établissement public du musée du Louvre. Cette opération donne l’impression « de sortir par la porte pour rentrer par la fenêtre ».

Le ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire – MEEDDAT – porte actuellement le projet de regrouper ses services centraux. Il envisage de faire construire une tour sur un bras délaissé du boulevard circulaire dans le quartier de La Défense, pour un coût estimé à 700 millions d’euros. En regard, les recettes qui proviendraient des cessions ne permettront pas d’équilibrer financièrement le projet. En outre le schéma pluriannuel de stratégie immobilière – SPSI – du MEEDDAT ne tient pas compte des réductions d’effectifs prévues par la révision générale des politiques publiques – RGPP –.

Le ministère de la Santé, de la jeunesse et des sports et de la vie associative rénove depuis le début des années 1990 l’immeuble Ségur - Fontenoy situé à Paris. Le budget total de l’opération a constamment augmenté et est maintenant prévu à hauteur de 175 millions d’euros. Cette rénovation n’a fait l’objet d’aucune décision politique au niveau des ministres.

Le nouveau ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire cherche des locaux pour regrouper ses services centraux. Il a porté son dévolu sur l’immeuble du 103 rue de Grenelle, à Paris, dont le loyer est l’un des plus chers de Paris au m2. Or l’immeuble de la rue Monsieur, qui hébergeait l’ancien ministère de la Coopération, a été vendu l’an dernier par l’État, alors qu’il aurait pu convenir à ce ministère.

Le ministère de la Justice longtemps implanté place Vendôme, à Paris, s’est répandu dans plusieurs immeubles parisiens pris en location, à l’exception de l’immeuble domanial de la Rue Halévy à Paris, qui d’ailleurs serait bientôt proposé à la vente. Le ministère a en particulier loué l’ancien siège luxueux de Canal +, situé rue des Cévennes sur le front de Seine parisien. Le total des loyers payés par le ministère s’élève à environ 20 millions d’euros par an. Une bonne gestion aurait permis de trouver moins cher, plus pratique et mieux desservi par les transports en commun. Le pire est à venir, avec la constitution récente de l’Agence publique pour l’immobilier de la Justice – APIJ –, à contre-courant de la volonté d’une gestion immobilière unique des biens de l’État. Les structures ministérielles de maîtrise d’ouvrage ont par le passé toutes montré qu’elles finissaient leurs projets avec des dépassements de budget et des retards de livraison. Selon les déclarations de M. Rémi Heitz, Directeur général de l’administration et de l’équipement du ministère de la Justice, devant la commission des Finances du Sénat le 9 avril dernier, la réforme de la carte judiciaire devrait coûter environ 545 millions d’euros sur au moins cinq ans.

Le Président Didier Migaud a estimé qu’il revenait à votre commission des Finances de faire en sorte que le pire ne soit pas toujours à venir.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur, a rappelé les propositions de la MEC de juillet 2005. Le service France Domaine devait devenir le chef de file de l’État en matière immobilière ; il devait contrôler les autres opérateurs publics intervenant en matière immobilière. Or les ministères dérogent à la nouvelle politique immobilière en multipliant les structures autonomes.

Ainsi le ministère de la Défense, avec sa Mission de réalisation des actifs immobiliers – MRAI – , avait montré un temps sa capacité à céder les biens militaires devenus inutiles. Mais le rapport préparé par la Cour des comptes à la demande de votre commission des Finances, en application de l’article 58-2 de la LOLF, a montré que les délais de cession dépassent en moyenne six années… Les collectivités territoriales, qui font souvent usage de leur droit de priorité dans ces cessions, sont les premières à pâtir de ces délais. Le ministère de la Défense souhaite maintenant créer une deuxième « foncière » chargée de céder les biens banalisés, dérogeant ainsi aux disciplines communes instaurées par le service France Domaine.

La Cour des comptes n’est d’ailleurs pas à l’abri de tout reproche dans sa gestion immobilière, avec ses projets immobiliers devant héberger les services qui assumeront les nouvelles missions qui lui seront assignées par la réforme constitutionnelle.

Le service France Domaine devra faire évoluer son statut et procéder à une professionnalisation de ses cadres. Les embauches de contractuels, un temps promises, n’ont jamais été effectuées. Ses services déconcentrés, maintenant placés auprès des trésoriers payeurs généraux sous l’autorité des préfets, n’ont pas encore été mobilisés pour les nouvelles tâches que l’on attend d’eux. L’État pâtit encore de l’absence d’une stratégie suffisamment claire et transparente en matière immobilière. Le service France Domaine devrait développer le recours à des opérateurs de marché, publics ou privés, pour réaliser la partie opérationnelle de ses projets. La société SOVAFIM a effectué un travail remarquable de valorisation des biens inutilisés de RFF et de la SNCF. La Délégation interministérielle pour le développement de l’offre de logement – DIDOL –, placée sous l’autorité du ministère en charge de la ville et du logement, a œuvré utilement en faveur du logement social ; son action pourrait être amplifiée par une meilleure articulation avec le service France Domaine.

Les lacunes et retards de la gestion immobilière de l’État sont patentes pour les biens qui ne sont pas occupés par les services centraux, notamment les biens de l’État à l’étranger et ceux occupés par les grandes entreprises publiques. Après plusieurs années de travaux, la répartition des biens entre la SNCF et RFF n’est toujours pas achevée. De nombreux opérateurs de l’État occupent des immeubles domaniaux, souvent dotés d’une valeur historique certaine. Ainsi l’Hôtel des Monnaies est-il mis gratuitement à disposition de l’établissement public Monnaie de Paris par le ministère des Finances, qui est par nature soucieux des deniers publics ; or cet établissement public sous-loue des locaux dans cet hôtel situé à Paris dans un quartier particulièrement bien situé.

M. Georges Tron, en tant que président de la MEC et du CIE, a plusieurs fois attiré l’attention du Gouvernement sur les dysfonctionnements en matière de gestion immobilière des ministères. Votre commission des Finances se doit de soutenir d’une voix forte les travaux de la MEC. Il s’agit d’établir une gestion immobilière rigoureuse, transparente et soucieuse d’efficacité, en particulier avec la définition de normes d’occupation harmonisées. Or l’imagination des ministères s’est révélée sans limite dans la création de notions telles que la surface utile nette – SUN – « éclairée ». Souvent prisonniers de leur haute administration, les ministères multiplient les dysfonctionnements qui engendrent des surcoûts importants.

Les schémas pluriannuels de stratégie immobilière – SPSI – que les ministères ont dû présenter en 2006 et en 2008 ont souvent donné l’impression d’occulter des informations, de s’affranchir des orientations du service France Domaine et de ne pas tenir compte des évolutions induites par la RGPP.

Le secrétariat d’État chargé des Sports, de la jeunesse et de la vie associative a récemment semblé vouloir maintenir son implantation avenue de France à Paris, pour un coût locatif au m2 de 949 euros TTC. L’explication invoquée en est la toute récente inauguration du Musée national du sport sur ce site.

Le Président Didier Migaud a indiqué qu’il entendait transmettre au Premier ministre et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, le rapport de la MEC et marquer l’irritation de votre Commission devant cette situation, inacceptable au regard des finances publiques du pays. Il faut veiller à ce que ce soit le pouvoir politique qui décide en dernier ressort et non les administrations, comme cela s’est passé avenue de Ségur où les travaux n’ont jamais été validés par un responsable politique. Les acquisitions et les ventes doivent passer exclusivement par l’intermédiaire de France Domaine de manière à ce que l’État ait une vision d’ensemble de ces opérations.

Il a remercié les rapporteurs pour l’importance et la qualité de leurs travaux et a souligné la nécessité de bousculer les inerties et les habitudes administratives.

M. Georges Tron, Président de la Mission d’Évaluation et de Contrôle, a indiqué qu’il avait travaillé en totale osmose avec les deux rapporteurs et qu’il approuvait tout ce qui était écrit dans le rapport.

Il a rappelé que, dans un rapport antérieur, la mission d’évaluation et de contrôle avait critiqué l’existant mais aussi proposé un système perçu comme alternatif par le gouvernement de l’époque qui s’en était inspiré pour mettre en place tout un dispositif incluant, par exemple, un système de loyers auquel étaient soumises les différentes administrations. Des avancées ont été enregistrées. Mais la démarche semble aujourd’hui au milieu du gué. La tentation pour de nombreuses administrations de reculer est forte et le Gouvernement ne fait pas exactement ce qu’il conviendrait de faire pour remettre de la raison dans les pratiques de l’Administration. Ainsi, 175 millions d’euros ont été investis dans des travaux rue de Ségur sans décision politique. L’immeuble de l’imprimerie nationale situé rue de la Convention, vendu 85 millions d’euros, a été racheté par l’État pour le ministère des Affaires étrangères pour 325 millions d’euros, qui, additionnés aux dépenses de travaux et de loyers intercalaires représentent un coût global proche de 400 millions d’euros.

Malgré ces errements coûteux, les administrations ne comprennent toujours pas pourquoi on leur demande des comptes et la mission d’évaluation et de contrôle passe pour une « empêcheuse de tourner en rond ».

La mauvaise foi des ministères est confondante. Les normes reconnues ne sont pas appliquées. Celle, raisonnable, de 12 m² par agent a été fixée de longue date. Tous les projets immobiliers présentés par l’Administration aboutissent certes au respect de cette norme, mais au moyen d’artifices les plus grossiers et de circonvolutions mathématiques de présentation. C’est ainsi qu’un ministère a inventé la notion de surface utile nette « éclairée » par la lumière du jour qui ouvre la porte aux abus, aux dissimulations et aux contournements de normes.

Enfin, les ministères présentent des projets immobiliers qui ne tiennent pas compte de la réduction de leurs effectifs décidée dans le cadre de la revue générale des politiques publiques – RGPP –, compte tenu du non remplacement d’un certain pourcentage d’agents publics partant à la retraite. Le ministère des Affaires étrangères, malgré le coûteux rachat de l’immeuble de la rue de la Convention, envisage la construction, pour une somme comprise entre 70 et 100 millions d’euros, d’une nouvelle salle de conférences destinée à recevoir des réunions internationales sécurisées dont le nombre n’est jamais supérieur à trois ou quatre par an. Tout se passe comme si les ministères se réappropriaient la fonction immobilière au travers de « foncières ». Or, cette fonction est fondamentale et peut générer des économies de plusieurs milliards d’euros même si, dans un premier temps, les restructurations découlant de la RGPP vont induire un surcoût.

M. Georges Tron, Président de la Mission d’Évaluation et de Contrôle, souhaite que votre Commission, au-delà de l’adoption du rapport, relaie et solennise les propositions de la MEC, ce pourquoi il a demandé un rendez-vous au ministre du Budget à qui il remettra le rapport de la mission. Il s’agira de demander au gouvernement de reprendre en main les démarches immobilières de ses administrations, sous peine de retomber dans les errements du passé. Faute de quoi, la mission d’évaluation et de contrôle se démarquera de l’attitude du Gouvernement en ce domaine.

Le Président Didier Migaud a indiqué qu’il appuiera la démarche de la mission auprès du Premier ministre, ce qui devrait être un soutien apporté au ministre des Comptes publics, et a réaffirmé le caractère inadmissible des situations décrites par les rapporteurs. Les dérives doivent être identifiées et sanctionnées, la Cour de discipline budgétaire et financière pouvant être saisie. Il convient de ne pas rester dans un système d’irresponsabilité, dans lequel certains ministères, comme l’a montré l’audition récente du ministre des Affaires étrangères et de ses services, se complaisent. Il en va de la crédibilité du politique auprès des citoyens.

M. Alain Rodet a souhaité que les rapporteurs apportent des précisions sur la nature des biens immobiliers que la France possède en Italie, notamment dans la ville de Florence, et auxquels les médias se sont intéressés il y a quelque temps. Il a évoqué les lourdes restructurations à venir du ministère de la Défense et la nécessité de veiller au bon déroulement des cessions qui en résulteront. Enfin, il a demandé ce qu’allaient devenir les locaux libérés par des administrations comme l’ex Datar et l’ex Commissariat général au plan, respectivement avenue Charles Floquet et rue de Martignac, à Paris.

M. Michel Bouvard a remercié vos rapporteurs ainsi que le président de la mission d’évaluation et de contrôle pour la qualité de leur travail. Il a regretté que les ministères prennent conseil uniquement auprès de France Domaine et ne fassent pas davantage appel, lors d’opérations immobilières significatives, à l’expertise de la Caisse des dépôts et consignations, structure publique très compétente en la matière.

Il a rappelé que la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF avait mis en évidence les limites du rôle de coordinateur joué par les préfets en Ile-de-France. Le préfet de Paris, par exemple, n’a compétence que pour les administrations déconcentrées, pas pour les administrations centrales. Or les augmentations de loyer en région Île de France peuvent s’élever jusqu’à 25% ou 30%.

M. Michel Bouvard a émis deux propositions :

– il a souhaité que les administrations mentionnent désormais dans leurs rapports annuels de performances – RAP – leurs principales opérations immobilières – cessions et travaux –, de manière à les responsabiliser ;

– il a également souhaité que, ultérieurement, un état général des surfaces immobilières de l’État soit mis à disposition des parlementaires.

Le Président Didier Migaud a fait observer qu’une modification du contenu des RAP n’était plus possible cette année, certains documents étant déjà imprimés, mais que l’idée pouvait être retenue pour les RAP de l’année prochaine.

M. Bernard Carayon a souligné la qualité du rapport, même si le sentiment qui s’en dégage est celui d’une grande tristesse. Ce rapport met, en effet, en exergue l’arrogance, l’incompétence et la désobéissance de l’administration à l’égard de la sphère politique et rappelle la malheureuse culture de la dépense publique : « je dépense donc je suis ».

Il a déclaré souscrire entièrement à la proposition d’une éventuelle saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière et a souhaité qu’il soit demandé aux ministres de saisir les corps de contrôle des ministères sur la base des travaux faits par le Parlement. Il appuie également la suggestion de Michel Bouvard qui voudrait que les ministères fassent systématiquement appel à l’expertise de la Caisse des dépôts. Enfin, il soutiendra les démarches des Présidents Didier Migaud et Georges Tron auprès du Premier ministre et du ministre du Budget.

M. Louis Giscard d’Estaing a souligné la qualité du travail d’investigation des rapporteurs. Il faut en effet parvenir à une gestion immobilière plus responsable et soucieuse des deniers publics. Il s’est interrogé sur l’engagement de la Cour des comptes dans ce domaine : celle-ci a émis des réserves substantielles sur la gestion du patrimoine de l’État en 2006, réserves qui n’ont pas été levées en 2007. Il a souhaité savoir si la Cour des comptes allait entreprendre des actions afin d’obtenir le suivi de ses préconisations par l’administration et la levée des réserves pour 2008. Les rapporteurs ont-ils pu bénéficier de l’assistance des magistrats de la Cour des comptes pour ce travail ?

Le Président Didier Migaud a répondu qu’il appartenait à votre Commission de faire usage des observations de la Cour des comptes afin d’obtenir du Gouvernement des améliorations, et de demander à la Cour de poursuivre les travaux dans telle ou telle direction.

M. Michel Diefenbacher a indiqué qu’il approuvait les conclusions des rapporteurs mais souhaitait que l’on aille plus loin en ce qui concerne les propositions présentées par le rapport. La question du niveau auquel doit se faire le pilotage de l’immobilier est déterminante : un pilotage national et centralisé s’impose. Nous avons une obligation de résultat dans ce domaine et il convient de trouver la méthode. Les ministères doivent réellement s’impliquer dans cette gestion et ne pas s’intéresser uniquement à la rétrocession de partie ou totalité des produits d’une cession immobilière.

Le Président Didier Migaud a noté qu’il convenait d’impliquer les ministères d’une autre manière et d’abandonner cette notion de retour financier dont pourrait bénéficier un ministère, notion qui a conduit aux résultats que l’on subit aujourd’hui.

M. Michel Diefenbacher a déploré la mauvaise situation que l’on constate au niveau des services déconcentrés de l’État, étant donné l’extraordinaire faiblesse de l’interministérialité dans notre pays. Il faut créer une nouvelle structure interministérielle au niveau des régions, ce qui avait d’ailleurs été tenté avec les pôles immobiliers il y a une dizaine d’années et dont ils faudrait voir ce qu’ils sont devenus. La privatisation d’une partie de la gestion de l’immobilier pourrait être encore plus néfaste que les méthodes qui ont conduit à la situation actuelle. Mais la gestion immobilière n’est pas pour le moment dans la culture et les compétences de l’État, aussi doit-il s’appuyer sur des structures comme la Caisse des dépôts et consignations qui détient les compétences nécessaires.

M. Yves Deniaud, Rapporteur, a indiqué que le patrimoine de l’État à l’étranger était considérable et que les opérateurs de l’État ne connaissaient pas bien eux-mêmes la valeur de leurs immeubles à l’étranger, ni même l’état de conservation dans lequel ils se trouvent. Ils sont souvent mal entretenus. C’est le cas des bâtiments détenus par le ministère des Affaires étrangères à Florence.

M. Michel Bouvard a précisé que le Gouvernement possédait deux palais à Florence, mais n’avait les moyens d’en entretenir qu’un seul, le gouvernement italien se plaignant d’ailleurs de l’état de décrépitude du second palais.

M. Yves Deniaud, Rapporteur, a ajouté que les universités et les autres opérateurs à l’étranger ne connaissaient pas mieux l’état des bâtiments qu’ils possèdent. Quant aux opérations de défaisance envisagées par les ministères, elles sont souvent hasardeuses ; ainsi, par exemple le projet de vente de la résidence de l’ambassadeur à Dublin ainsi que de la chancellerie, deux ventes qui pourraient respectivement rapporter 60 et 20 millions d’euros, présenté comme la plus grosse vente jamais réalisée pour le patrimoine de l’État à l’étranger. Or cette vente est évoquée sans qu’aucun projet relatif aux locaux de remplacement ne semble à l’étude. Il s’agirait donc d’une opération très hasardeuse vu l’état du marché immobilier à Dublin, qui risque de ne pas être bénéficiaire au final, si on est obligé de louer temporairement des locaux à des prix très élevés, puis de racheter des bâtiments également à prix très élevés.

Les locaux de l’ex DATAR, situés avenue Charles-Floquet à Paris ont été vendus.

Depuis la première MEC consacrée à ce sujet, les rapporteurs ont toujours expliqué qu’il était souhaitable de disposer à France Domaine d’un panel de vrais spécialistes de la gestion des baux, des acquisitions, de la construction, des rénovations et de l’entretien des bâtiments.

M. Bernard Carayon a interrogé les rapporteurs sur le devenir des locaux de la Cité Martignac, où se trouvent les anciens locaux du Plan.

M. Yves Deniaud, Rapporteur, a indiqué qu’il n’a pu être ni cédé, ni réaffecté à un besoin plus prioritaire. Il est actuellement utilisé par le centre d’analyse stratégique, qui a succédé au Commissariat général au Plan.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur, a expliqué que la nouvelle restructuration touchant actuellement le ministère de la Défense entraînait la suppression de 40 000 postes au total sur le territoire national et risquait de vider certaines villes de toute présence militaire. Dans ce dossier, ce sont des compensations qui sont exigées. Le ministère de la Défense a pris beaucoup de retard ces dernières années dans la valorisation de son patrimoine.

En revanche, on soulignera qu’à côté de la Caisse des dépôts et consignations, de la SNI ou ICADE, qui effectuent un excellent travail comme opérateurs extérieurs de l’État, les organismes HLM ou les gendarmeries, par exemple, adaptent également fort bien leur patrimoine. Il est de l’intérêt de l’État de s’entendre avec les opérateurs publics et privés compétents dans le domaine de l’immobilier, comme par exemple la SOVAFIM. L’administration doit ensuite mettre en œuvre les décisions prises sans que des intérêts personnels ou particuliers interfèrent dans la mise en œuvre de cette décision. France Domaine doit devenir incontournable comme chef de file et se professionnaliser, faire intervenir des experts afin que ses décisions s’imposent et ne puissent être mises de côté par tel ou tel directeur d’administration désireux de rester dans ses locaux.

M. Michel Bouvard a exprimé quelque inquiétude quant au dynamisme avec lequel France Domaine allait remplir sa fonction, en constatant que cet organe n’a recruté que deux contractuels en trois ans pour les nouvelles missions que l’on vient d’évoquer.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur, a tenu à rappeler le rôle de votre commission des Finances et du Parlement dans l’évaluation des politiques publiques, qui a été souligné au cours de la discussion du projet de réforme constitutionnelle. Il s’est ensuite demandé si la Cour des comptes elle-même était exemplaire dans sa démarche immobilière, s’agissant de ses projets d’acquisition. Il n’est pas convaincu de la transparence complète des démarches concernant par exemple la tour des Archives dans le bâtiment hébergeant la Cour. Les avis rendus par le Conseil de l’immobilier de l’État devraient être incontournables pour les administrations, dans des délais compatibles avec l’instruction du dossier. Une gestion cohérente et efficace des finances publiques dans le domaine de l’immobilier a besoin de s’inscrire dans le cadre d’une stratégie. Des opérateurs publics et privés pourront toujours être trouvés ensuite pour intervenir, lorsque la stratégie sera établie.

Le Président Didier Migaud a remercié les rapporteurs et proposé à votre Commission d’exprimer une approbation générale sur les constats, les orientations et les propositions et d’autoriser la publication du rapport. Il a souhaité en outre que votre commission des Finances examine les suites qui doivent être apportées aux observations émises, à la fois par rapport à la Cour des comptes et par rapport à la Cour de discipline budgétaire et financière. Il a estimé que le rapport devait être transmis à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, mais aussi au Premier ministre qu’il conviendrait de rencontrer afin d’aborder solennellement ces questions avec lui. Avec le ministre Éric Woerth et à l’occasion de l’avancement de la RGPP, cette question de l’immobilier fera l’objet d’un suivi à la rentrée prochaine. Les rapporteurs sont invités à faire part à la presse, au cours de la conférence qui va suivre la présente réunion, de l’irritation de votre commission des Finances quant à l’état actuel de la situation qui est dans certains cas inacceptable. Les travaux de la MEC sont soutenus par votre commission des Finances dans son ensemble.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur, a indiqué que les protocoles et méthodes utilisées jusqu’à présent, pour mesurer la performance immobilière des immeubles de l’État, sont devenus obsolètes et qu’il fallait promouvoir une nouvelle méthodologie. Ainsi, par exemple, quand on parle d’indice de performance, celui-ci ne doit pas être construit par un fonctionnaire dans l’objectif principal de présenter un résultat favorable en fin d’année.

Votre Commission a ensuite autorisé la publication du rapport de la MEC sur l’immobilier de l’État.

AUDITIONS

A.– LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Pages

24 janvier 2008

a) 9 h 30 : – M. Dominique Lamiot, directeur général de la Comptabilité publique (DGCP), ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Paul-Henri Watine, trésorier-payeur général de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône, M. Alain Espinasse, secrétaire général adjoint des affaires régionales (SGAR), préfecture de la région Rhône-Alpes et M. Bertrand Munch, directeur de l’Évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières au ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales . 79

b) 11 heures : – M. Luc Renaudin, directeur, Jones Lang LaSalle, M. Antoine Derville, directeur général, CB Richard Ellis, M. Hervé de Lafforest, directeur, CB Richard Ellis, M. Bertrand Renaudeau d’Arc, directeur, CB Richard Ellis, M. Jean-François Vitoux, membre du directoire de la Société nationale immobilière (SNI), groupe Caisse des dépôts et consignations, M. Olivier Debains, président-directeur général de la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), M. Christian de Kerangal, directeur général, Investment Property Data (IPD) et M. Christian Cléret, directeur général de Poste Immo, groupe La Poste 94

31 janvier 2008

a) 9 h 30 : – M. Didier Lallement, secrétaire général, Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale du personnel et de l’administration (DGPA) et M. Dominique Figeat, délégué à l’action foncière du ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durable (MEDAD) 108

b) 10 h 30 : – M. Éric Lucas, directeur de la Mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA), et M. Jacques Brucher, chef de la Mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI) au ministère de la Défense 115

7 février 2008

a) 9 h 30 : – M. Patrick Stefanini, secrétaire général du ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement et M. Yves Bentolila, conseiller auprès du secrétaire général 126

b) 10 h 30 : – Mme Christine Le Bihan-Graf, secrétaire générale du ministère de la Culture et de la communication, Mme Catherine Ahmadi-Ruggeri, directrice adjointe de la direction de l’Administration générale, Mme Sophie Moussette, chef du bureau de la politique immobilière de la sous-direction des affaires financières et générales 141

3 avril 2008

a) 9 h 30 : – Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy, secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales, M. Jean-René Masson, directeur de l’administration générale et de la modernisation des services (DAGEMO) au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, accompagné par M. Philippe Moreau, chef de la division des moyens des services, et par Mme Sylvie Morello, chef de bureau de l’assistance logistique de l’administration centrale, M. Étienne Marie, directeur de l’administration générale, du personnel et du budget (DAGPB) au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, accompagné par M. Jean-Loup Moussier, sous-directeur de l’administration des services centraux, par M. Philippe Benoist, chef de la division de la politique immobilière et des investissements, et par M. Jean-François Fillion, chargé de mission sur l’immobilier des services déconcentrés 153

16 avril 2008

a) 16 h 15 : – M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes et M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre 164

B.– COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Auditions du 24 janvier 2008

a) à 9 h 30 :

M. Dominique Lamiot, directeur général de la Comptabilité publique (DGCP), ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Paul-Henri Watine, trésorier-payeur général de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône, M. Alain Espinasse, secrétaire général adjoint des affaires régionales (SGAR), préfecture de la région Rhône-Alpes et M. Bertrand Munch, directeur de l’Évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières au ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

Présidence de M. Georges Tron

M. Georges Tron, Président : Je suis heureux d’accueillir MM. Dubost, Lamiot, Espinasse, Watine et Munch au nom de la commission des Finances et de la mission d’évaluation et de contrôle dans le cadre de cette audition consacrée à l’immobilier de l’État, sujet sur lequel un troisième rapport sera rédigé. Je me félicite en outre de la présence de représentants de la Cour des comptes.

Je salue M. le rapporteur Yves Deniaud et je vous prie d’excuser l’absence du second rapporteur, M. Jean-Louis Dumont, qui n’a pu être des nôtres aujourd’hui. Je salue aussi M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du conseil de l’immobilier de l’État (CIE), organisme que j’ai par ailleurs l’honneur de présider.

La commission a récemment reçu M. Woerth et nous avons donc eu l’occasion de lui faire part de nos remarques sur l’évolution de la réforme de l’immobilier de l’État. Je lui ai quant à moi indiqué que, depuis deux ans, nous avions pris bonne note d’un certain nombre de changements dans la gestion de notre patrimoine immobilier.

M. le ministre a confirmé sa volonté de réforme, y compris s’agissant de la règle de retour de 85 % des produits de cession. Nous l’avons également interrogé sur la manière dont il compte travailler avec différents organismes mis en place dans le cadre de la réforme de 2005 et, en particulier, le CIE, dont M. le ministre a souhaité qu’il puisse être saisi pour avis avant toute cession.

Nous avons interrogé M. le ministre sur les réformes préconisées par le rapport de 2005 et qui nous semblent un peu en retrait par rapport aux souhaits que nous avions alors émis. Nous l’avons enfin interrogé sur la façon dont se déroule la réforme de France Domaine et nous lui avons demandé quelle était la formule idoine pour renforcer le rôle de cette structure comme « bras séculier » des opérations de gestion et de cession.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Où en est la réforme interne du service France Domaine ? A-t-il développé un « projet d’entreprise » pour y parvenir ? Combien d’agents de la direction générale des Impôts (DGI) ont-ils rejoint la direction générale de la Comptabilité publique (DGCP) ? Combien ont fait usage de la possibilité qui leur a été accordée de rester à la DGI ? Il semblerait que les meilleurs spécialistes des questions domaniales soient restés à la DGI pour des raisons de carrière, dans les services centraux aussi bien que déconcentrés.

Qu’en est-il du recrutement d’une trentaine de contractuels, professionnels en provenance du secteur privé, comme l’avait promis M. Jean-François Copé ?

M. Dominique Lamiot : Le transfert de l’administration des domaines de la DGI à la DGCP a été réalisé le 1er janvier 2007. Ce projet était attendu depuis longtemps car, si la DGI traite très largement des questions fiscales, la DGCP, qui s’occupe de gestion publique, était beaucoup mieux indiquée pour travailler avec les services des domaines : la certification des comptes de l’État a ainsi nécessité une évaluation très fine de son patrimoine immobilier. L’évaluation domaniale au bénéfice des collectivités territoriales fait par ailleurs partie des missions normales du Trésor public à l’égard du secteur public local.

Ce transfert a concerné près de 2 000 personnes dans les services déconcentrés et 60 collaborateurs en administration centrale. Sur ces 2 000 agents, le « taux d’évaporation » est quasiment nul : des demandes de mutation ont certes été formulées mais en très petit nombre. S’agissant des personnels d’encadrement, il convient de distinguer l’administration centrale et les services déconcentrés : dans le premier cas, pas un n’a manqué à l’appel de la DGCP, nombre d’entre eux ayant d’ailleurs demandé leur intégration définitive.

M. Georges Tron, Président : Disposez-vous de pourcentages précis ?

M. Daniel Dubost : À Paris, un seul cadre n’a pas encore demandé son intégration dans les corps du Trésor public.

M. Dominique Lamiot : Dans le second cas, en ce qui concerne donc les services déconcentrés, tous les collaborateurs qui travaillaient à temps plein sur les questions domaniales ont rejoint les services du Trésor – cela n’a pas été le cas des cadres supérieurs qui n’exerçaient que marginalement des fonctions domaniales. La « force de travail » a été transférée en totalité.

M. Georges Tron, Président : Quels sont les chiffres précis ?

M. Daniel Dubost : En tout, 1 900 agents ont été mis de droit à la disposition de la DGCP. Toutes catégories confondues, 160 agents ont demandé une affectation à la DGI, 191 agents de la DGI ont, depuis, demandé leur affectation au sein du service France domaine et 87 agents en fonction dans ce service ont demandé leur intégration dans les statuts de la DGCP. Des difficultés minimes ont été rencontrées dans quelques départements ou régions, notamment en Rhône-Alpes : les effectifs du pôle de gestion des patrimoines privés basé à Grenoble ont fondu, les agents ayant quitté, comme ils en avaient le droit, la DGCP pour assumer des fonctions fiscales à la DGI. Ce pôle a été supprimé et les personnels ont été réintégrés dans le pôle de Lyon qui, désormais, couvrira toutes la région Rhône-Alpes.

M. Dominique Lamiot : Les départs en retraite, par ailleurs, ont été compensés par des recrutements par la DGCP.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Quid des 30 contractuels annoncés par M. Copé ?

M. Dominique Lamiot : Les retards sont patents même si quelques recrutements ont eu lieu au sein de France Domaine. Faut-il néanmoins absolument retenir le chiffre de 30 ? Les effectifs de France Domaine doivent être de toute façon renforcés, et pas seulement par des contractuels. À cela s’ajoute un risque de déséquilibre au sein de l’administration centrale.

M. Georges Tron, Président : Y a-t-il des réticences ?

M. Dominique Lamiot : Pas d’ordre culturel, en tout cas, mais nous nous sommes en revanche interrogés sur notre attractivité. S’agissant de la certification des comptes de l’État, par exemple, nous avons non seulement fait appel à un cabinet international mais aussi à des contractuels. Sans eux, il n’aurait pas été possible de mener à bien notre mission. À cela s’ajoute le fait que le marché est extrêmement concurrentiel et que l’administration ne peut pas toujours proposer les mêmes traitements que le secteur privé.

M. Georges Tron, Président : Des objectifs chiffrés de recrutements ont-ils été fixés ?

M. Dominique Lamiot : Il n’y a pas d’objectifs chiffrés, mais la volonté d’accroître le nombre de collaborateurs est patente. La dynamique gouvernementale et le conseil de l’immobilier de l’État nous permettront d’aller plus loin. Les décisions importantes qui ont été prises par le conseil de modernisation des politiques publiques devraient conforter l’État propriétaire, de même s’agissant des décisions prises en matière d’entretien. Le mouvement est là !

M. Georges Tron, Président : Encore faut-il qu’il s’incarne ! Il y a deux ans, on nous avait déjà expliqué que le mouvement était lancé. Finira-t-il par atteindre son but ? Lorsque j’étais moi-même rapporteur sur ces questions, j’avais été frappé par la culture du cloisonnement, comme M. Copé l’avait alors lui-même reconnu. La problématique de la professionnalisation, en outre, n’était alors envisagée que sous les auspices du secteur public. Combien de contrats ont-ils été signés ?

M. Dominique Lamiot : Deux.

M. Georges Tron, Président : C’est en effet un tout petit mouvement !

M. Dominique Lamiot : Certes, mais on avance.

J’ajoute que, dans le cadre de la fusion de la DGI et de la DGCP, France Domaine occupera, selon nous, une position privilégiée dans le nouvel organigramme de la direction en étant directement rattaché au directeur général, ce qui témoigne d’une volonté politique forte.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : J’en accepte l’augure, car le mouvement dont il a été question ressemble un peu à celui des chœurs de l’Opéra chantant : « Marchons ! Marchons ! » tout en faisant du surplace.

Le 15 décembre 2008, au cours de son audition par la commission des Finances, M. Woerth a déclaré : « Après avoir appris à connaître son patrimoine et à le céder, l’État doit dorénavant être capable de le gérer, dans l’optique d’un État propriétaire unique. »

Où en est la définition de la stratégie immobilière de l’État – principes de répartition entre Paris centre, périphérie et province, arbitrage propriété-location ? Où en est la mise en œuvre d’une gestion active sur une base mutualisée des immeubles de l’État ? Quid de la constitution d’un tableau de bord ministère par ministère relatif à des indicateurs de performance immobilière permettant ainsi de mesurer l’avancement des réformes ?

Enfin, le rapport de la MEC ayant constaté en 2005 les fonctions purement « notariales » de l’ancienne administration des domaines, le service France Domaine est-il maintenant devenu le bras séculier qu’elle avait appelé de ses vœux ?

M. Georges Tron, Président : Plus globalement, quel jugement portez-vous sur la place de France Domaine dans la stratégie immobilière et sur la façon dont il s’acquitte de ce rôle ? Est-il sorti de cette fonction « notariale » ?

M. Dominique Lamiot : Absolument, comme en témoignent tous les organismes qui travaillent avec France Domaine. Pour autant, France Domaine peut-il être considéré comme un bras séculier ? Incarne-t-il pleinement l’État propriétaire ? Pas encore. Non seulement il faut faire tomber un certain nombre de barrières culturelles, mais des questions juridiques se posent. Le décret en Conseil d’État actuellement en préparation doit apporter des réponses.

S’agissant des stratégies immobilières, nous ne partons pas de zéro. Des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) ont été élaborés, mais ils sont très inégaux et doivent être revus. Il en va de même dans les services déconcentrés.

Le mouvement engagé par M. Woerth en souhaitant que le CIE donne son avis sur les opérations importantes constitue une nouvelle donne. Cela permettra de revaloriser considérablement la fonction immobilière de l’État.

M. Daniel Dubost : Indubitablement, l’administration des domaines a abandonné toute approche « notariale », notamment, la rédaction des actes notariaux. C’est le cas à Paris ; ce sera bientôt le cas en province, mais il est notable que les administrations gestionnaires, elles, nous demandent parfois de continuer à assumer cette fonction.

Sur le plan stratégique, nous avons tout d’abord commencé par modifier l’avis domanial qui, jusqu’alors se limitait à vérifier que le prix de l’opération était conforme au marché local et était le plus souvent positif. Désormais, celui-ci comporte deux volets : l’un concernant la valeur de l’opération, l’autre la conformité de l’opération proposée aux orientations de la politique immobilière de l’État. Stupéfaction : nous avons été amenés à rendre plusieurs avis négatifs ! Nous avons poursuivi par la mise en place des SPSI, dont la première vague montrait, il est vrai, qu’ils n’ont guère été satisfaisants. Ils seront d’ailleurs révisés d’ici au mois de mai, date du deuxième conseil de la modernisation des politiques publiques (RGPP).

Si France Domaine essaie d’être un « bras armé », il n’est pas un « bras séculier » : le débat culturel est extrêmement fort, les administrations gestionnaires n’acceptant pas de se voir déposséder de leur sentiment de propriété au bénéfice de France Domaine. C’est nous qui désormais nous tournons vers le marché en proposant à ces administrations des opérations correspondant à leurs besoins fonctionnels et aux orientations de la politique immobilière de l’État.

M. Georges Tron, Président : Il semble donc heureux d’avoir réformé France Domaine plutôt que d’avoir ajouté un nouveau rouage dans le grand mécano de l’État. Les réticences ne sont pas surprenantes.

S’il est bel et bon de donner des avis, à quoi servent-ils s’ils ne sont pas suivis ? Que se passera-t-il donc demain lorsque France Domaine ou, le cas échéant, le CIE formuleront un avis négatif ?

M. Daniel Dubost : La décision de passer outre un avis négatif relève du ministre gestionnaire et du ministre du budget. L’avis du CIE devrait quant à lui avoir un poids considérable. À ce jour, je n’ai pas constaté que les ministres aient passé outre les avis négatifs rendus.

À l’égard des réticences culturelles, j’ai le sentiment que l’adossement à un ministre qui a une volonté très forte de mener ses opérations immobilières de manière performante constitue un atout très précieux.

M. Georges Tron, Président : Estimez-vous que les avis émis sont fondés sur une information complète ? Que penseriez-vous d’une opération dont on découvrirait qu’une partie des informations nécessaires à la formulation d’un avis n’a pas été apportée ?

En particulier, quel jugement portez-vous sur le rachat de l’ancien immeuble de l’Imprimerie nationale alors que le secrétaire général du ministère des affaires étrangères, auditionné le 12 décembre 2006 par le CIE, n’en avait rien dit ?

M. Daniel Dubost : De manière générale, France Domaine peut rencontrer des difficultés à formuler un avis pertinent, car il est parfois délicat d’obtenir les informations nécessaires à sa formulation de la part de l’administration gestionnaire.

S’agissant de l’Imprimerie nationale, outre que je n’ai pas participé à l’audition du CIE à laquelle il est fait allusion, j’avais eu alors l’occasion d’indiquer en septembre 2006 les opérations immobilières importantes réalisées dans les mois à venir et qui concerneraient l’Éducation nationale et les Affaires étrangères. Nous avons, quant à nous, conduit cette opération en fonction des directives que nous avons reçues.

M. Georges Tron, Président : Nous poserons en l’occurrence précisément la question à M. Bernard Kouchner, mais je vous demande ce que vous pensez de la force d’un avis rendu par le CIE ou France Domaine lorsqu’une partie des informations est occultée ? En l’espèce, je dispose d’une lettre du ministre des Affaires étrangères justifiant une telle occultation.

M. Daniel Dubost : Un avis fondé sur des informations parcellaires est nécessairement lacunaire. Lorsque nous ne disposons pas des informations que nous jugeons utiles, nous émettons un avis négatif ; nous ne nous risquons à donner un avis positif que si l’économie globale de l’opération nous semble positive.

M. Georges Tron, Président : Dans une telle situation, l’avis est donc par définition lacunaire.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Je souscris tout à fait, M. le président, à votre conclusion.

Les affaires de l’Imprimerie nationale, de la Maison de la francophonie et, plus récemment, la demande récurrente du ministère de la Culture d’implanter la direction de la Musique, de la danse, du théâtre et du spectacle – DMDTS – dans le Louvre des antiquaires et, depuis hier à Beaubourg, montrent que les ministères se comportent encore en quasi-propriétaires et qu’il n’est pas encore entré dans les mentalités que l’État était, depuis la mise en place de France Domaine, le propriétaire unique. Quelle autorité France Domaine a-t-il l’impression d’avoir acquise face aux ministères ? À l’occasion des deux contrôles sur pièces et sur place que j’ai effectués en septembre 2007, les réponses qui nous ont été remises par écrit au questionnaire que nous avions adressé au sujet des opérations que je viens de citer ont été, en substance, que France Domaine n’avait pas à s’en mêler.

Je viens d’apprendre, par des coupures de presse irlandaise – je suis président du groupe d’amitié France-Irlande depuis de longues années – que la France avait l’intention de vendre son ambassade en Irlande : le bâtiment principal pour 60 millions d’euros et un bâtiment qui abritait des services administratifs pour 20 millions d’euros. Il est d’ailleurs curieux que les chiffres soient déjà annoncés puisque la France vient seulement de mettre en vente. Ce n’est pas une petite opération. Qui en avait entendu parler ?

M. Daniel Dubost : France Domaine n’a pas de service à l’étranger et ne prend donc pas en charge les opérations de cession ou d’acquisition réalisées hors de France. Ces dernières font l’objet d’un examen par une commission interministérielle présidée par un magistrat de la Cour des comptes. France Domaine donne son avis dans le cadre de cette commission.

M. le ministre des Affaires étrangères que vous avez prévu d’auditionner vous indiquera les changements qu’il envisage sur la gestion de l’immobilier à l’étranger.

Où en est la mise en place d’un État propriétaire unique ? Une première étape a été la décision prise lors du conseil de modernisation des politiques publiques – CMPP – du 12 décembre 2007 de remplacer la notion d’affectation, qui fonde, du point de vue juridique, la quasi-propriété. Nous avons proposé le projet de décret en Conseil d’État, qui permet de mettre en œuvre cette décision, mais la discussion n’est pas achevée.

En effet, cette décision est prise pour la deuxième fois, puisqu’elle figurait déjà parmi les mesures décidées à la suite de la communication du précédent ministre du Budget le 6 février 2006. Elle était également contenue dans la circulaire du Premier ministre du 28 février 2007. S’il y a eu un an de discussion entre ces deux dates sur ce sujet, c’est que les administrations ne souhaitaient pas – et elles l’avaient fait savoir – que le régime de l’affectation disparaisse.

À la suite de la décision du CMPP, nous réunissons, chaque mois, les administrations sous l’autorité du secrétaire général du conseil de l’immobilier de l’État. Lors de la réunion de janvier, nous leur avons annoncé les décisions qui avaient été prises en décembre et les inflexions qui allaient s’ensuivre. J’ai été heureux de voir que les administrations réagissaient de manière positive à l’égard des modifications que nous leur apprenions. Les choses évoluent donc dans un sens favorable.

Les représentants du Rhône pourront, néanmoins, témoigner que, dans la réalité des provinces, les services déconcentrés de l’État n’ont pas connaissance des décisions prises sur l’État propriétaire unique. Nous avons demandé aux trésoriers payeurs généraux d’assumer auprès des préfets la responsabilité de l’État propriétaire plein et entier et ils nous disent qu’ils ont face à eux des responsables de services déconcentrés désemparés.

M. Georges Tron, Président : Je retiens de votre discours, qui est assorti de toutes les prudences nécessaires, qu’au niveau central, il y a de très fortes résistances, que les ministères ne jouent pas le jeu car ils sont contre la remise en cause de la règle de l’affectation. Les décisions qui sont prises par France Domaine sont contestées. Au niveau déconcentré, l’information ne passe quasiment pas et vos interlocuteurs locaux sont désemparés.

Ce constat, que M. le rapporteur comme moi-même avions déjà fait, ne justifie-t-il pas une impulsion nouvelle et une remise en cause de l’organisation, entre autres de France Domaine, pour pallier les carences observées ?

M. Daniel Dubost : La situation évolue en profondeur, et il faut bien voir que ce qui se passe aujourd’hui ne se serait certainement pas passé il y a un an.

On ne peut pas révolutionner d’un coup une situation qui date de plusieurs dizaines d’années, pour ne pas dire davantage. On peut comprendre qu’une administration gestionnaire ait le sentiment de puiser dans sa chair vive lorsqu’elle mobilise les crédits qui permettent de réaliser une opération immobilière et qu’elle s’en sente ensuite propriétaire. Maintenant, il lui est dit, du jour au lendemain, qu’elle n’est plus que locataire. Il est normal que cela ne se passe pas tout seul.

Les décisions fortes que vous appelez de vos vœux existent. M. Copé puis M. Woerth en parlent de manière très régulière et il ne se passe pas un mois sans que nous évoquions ce sujet devant les TPG lorsque nous les réunissons. Il ne faut pas oublier qu’il n’était pas possible de réunir les services des domaines il y a encore un an, puisque ces services n’existaient pas : il y avait des fonctions domaniales éclatées entre différents services.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Avant de passer au niveau déconcentré, j’ai encore deux questions générales.

La première concerne les travaux : entretien et construction.

Certains ministères ont des outils propres : l’EMOC – Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels – pour le ministère de la Culture, l’AMOTMJ – l’Agence de maîtrise d’ouvrage des travaux du ministère de la Justice – pour le ministère de la Justice. Un rapport sénatorial dénonce le fait que, dans le cadre de l’EMOC, il n’ait jamais été possible de rendre des travaux à moins de 25 % de surcoût et sans des mois, voire des années, de retard. Quant à l’AMOTMJ, ceux qui ont affaire à des chantiers de construction ou de rénovation d’établissements pénitentiaires savent qu’elle mériterait à peu près la même appréciation. Se pose un vrai problème d’efficacité, du fait d’outils dispersés réputés de mauvaise qualité. Y a-t-il eu des progrès en ce domaine ?

Ma seconde question appelle une réponse très brève : combien de conventions d’occupation prévues dans la circulaire du 28 février 2007 et rebaptisées « quasi-baux publics » depuis lors ont-elles été signées ?

M. Daniel Dubost : À question précise, réponse précise : aucune convention n’a été signée, tout simplement parce que le régime de l’affectation n’a pas été abrogé. Après la suppression de celui-ci par décret en Conseil d’État, les baux entre l’État propriétaire et l’administration locataire pourront être mis en place. Quant aux choix faits alors par le Gouvernement, il n’y avait pas d’autre possibilité compte tenu du retard pris dans l’élaboration de la circulaire de février 2007 : deux mois, rappelons-le, avant le changement de gouvernement. N’a été publiée qu’une circulaire alors qu’elle aurait dû être précédée d’un décret en Conseil d’État.

S’agissant des établissements publics externes, il ne m’appartient pas de faire des commentaires à leur sujet. Dans le cas de la Maison de la francophonie, il y a eu dix ans d’arbitrage. Depuis le mois de juillet, il s’est passé beaucoup de choses. Le ministère des Finances est parti, et il a également été décidé de faire partir les services de l’Écologie.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Ma question portait sur la conduite des travaux.

M. Daniel Dubost : Nous n’avons pas fédéré les différents établissements publics de maîtrise d’ouvrage qui existent aujourd’hui.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : La volonté de le faire existe-t-elle ?

M. Daniel Dubost : Cela ne fait pas partie des chantiers prioritaires.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : À défaut de les fédérer, comme cela avait été envisagé, ne serait-il pas plus intéressant de faire appel à de vrais professionnels ?

M. Daniel Dubost : En faisant sortir les différentes administrations de la Maison de la francophonie, on a également fait sortir l’EMOC de ce projet, qui n’est plus, selon les décisions officielles, avenue de Ségur.

M. Bertrand Munch : En tant que client de France Domaine et service du ministère de l’Intérieur, rien de ce qui est interministériel ne nous est indifférent.

En tant que client de France Domaine, nous pouvons vous garantir que celui-ci est très loin aujourd’hui de se comporter comme un notaire, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas continuer, au sein de l’État, à développer des compétences de négociateur et de juriste de l’immobilier, parce que les interlocuteurs dans le secteur ne sont pas des anges. France Domaine nous met aujourd’hui sous une « pression d’enfer » pour la bonne utilisation des mètres carrés et leur mobilisation.

Il ne faut cependant pas s’attendre à ce que les ministères deviennent passifs et se comportent comme des locataires moyens d’immeubles parisiens qui se font berner par leur syndic. Ce serait d’ailleurs déplorable. Notre premier problème dans l’immobilier parisien, comme ailleurs, c’est de loger nos troupes, de les faire travailler et d’utiliser l’argent sur l’immobilier, sur le fonctionnement et sur la masse salariale de manière la plus efficace possible. Entre le postulat et la réalité, il y a un grand chemin. Toutefois je peux témoigner que, en deux ans, nos relations avec France Domaine sur ce plan ont radicalement changé.

L’avenir dira si l’on a gagné en efficacité. Au fur et à mesure qu’on sortira d’une gestion événementielle des problèmes immobiliers sur Paris, on arrivera à trouver un équilibre.

S’il y a un sujet qui doit être traité sur un ensemble territorial cohérent – par exemple, une région –, c’est bien l’immobilier. Ce n’est pas entre la direction de la Jeunesse et des sports de Lille et celle de Perpignan qu’on optimisera celui-ci, mais bien, à Lyon, par exemple, entre la direction de la Jeunesse et des sports et la direction du Travail. On a besoin de trouver un réceptacle territorial, dans lequel s’articule l’action du couple France Domaine-TPG et préfet.

Deux compétences sont, en effet, en jeu.

Tant qu’il n’y a pas, en bas d’un acte, soit de location, soit d’acquisition, soit de cession, la signature de quelqu’un d’habilité à France Domaine, nous ne pouvons rien faire. Il y a là un verrou extrêmement puissant. C’est l’aspect que l’on appelait autrefois notarial. Cependant il faut bien voir que, sans notaire, on ne sait ni prendre à bail, ni louer, ni acheter, ni vendre. Nous considérons que, sur ce plan, France Domaine a des outils extrêmement puissants.

L’autre aspect est l’analyse économique, qui est le rôle du patron des administrations de l’État sur un ressort territorial, à savoir du préfet, avec la compétence de France Domaine.

Pour continuer la mutation, qui est loin d’être achevée, il faut non seulement faire ce que France Domaine fait aujourd’hui, mais aussi avoir une approche englobant les aspects à la fois financiers et techniques, d’autant qu’une grande part de l’immobilier, même si l’on essaie de le mobiliser, est relativement statique. On ne le change pas tous les ans. On ne vend pas et on n’échange pas la totalité du parc. Donc il faut l’entretenir. Il y a une continuité entre le petit et le gros entretien, les investissements de rénovation et l’argent que l’on peut consacrer à la cession-acquisition, sans parler de la question de la location, laquelle mobilise des crédits de fonctionnement.

Pour avoir une approche globale de cet ensemble, il faut disposer d’un service technique de l’immobilier. Un certain nombre d’agences, comme vous l’avez dit, s’en occupent dans différents ministères. Il existe également toute une série de services de l’État : les secrétariats généraux pour l’administration de la police, les services d’infrastructure de la défense. Un certain nombre de services du ministère des Finances ont un réseau territorial. Le ministère de l’Intérieur a l’ambition – qui se décline de manière très précise dans la RGPP – de fédérer, et mieux, de rassembler, les services immobiliers de l’État et les services techniques à un niveau territorial adapté – qui doit être au-dessus du département car celui-ci est trop petit –, pour faire face notamment à des évolutions réclamant une compétence supplémentaire : par exemple, le développement durable dans l’immobilier, la HQE – la haute qualité environnementale.

De tels travaux doivent être confiés à des gens compétents. Il faut pour cela rassembler les crédits immobiliers : pas seulement ceux d’investissement
– d’achat ou de vente à travers le service France Domaine –, mais l’ensemble des crédits consacrés à l’immobilier. Si l’on réalise davantage de travaux d’entretien, on garde les immeubles en meilleur état et on n’en est pas réduit à vendre des ruines. Il faut rassembler les crédits sur une même ligne. Des propositions sont en cours.

Enfin, je ne suis pas sûr que l’immobilier privé fasse mieux que l’immobilier public. Quand il y a une évolution des prix de l’immobilier et de l’indice de la construction et que l’on constate 20 % de décalage entre le début et la fin d’une opération, il y a des raisons. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas s’améliorer. À cet égard, la piste consistant à rassembler les services immobiliers techniques de l’État dans un ressort territorial est à creuser. Cela revient à passer à la maîtrise d’ouvrage, qui demande peu de personnel, mais des gens compétents et qu’on sait payer, que ce soit des contractuels ou des ingénieurs de carrière.

Cela doit rester un service public car la définition du besoin est de la compétence du maître d’ouvrage. Je ne connais aucune institution qui ait délégué à des gens indépendants la définition de son besoin immobilier. Tout ce qui est maîtrise d’œuvre peut ensuite être externalisé.

M. Georges Tron, Président : De nombreux exemples montrent que l’État est extrêmement en retard en ce qui concerne la gestion de son immobilier.

J’ai été très intéressé par la comparaison que vous avez faite. Il ne s’agit pas, en effet, pour les ministères de se comporter comme des « locataires moyens ». Où placez-vous la frontière entre ce qui relève, selon vous, de la définition d’une stratégie immobilière globalisée et centralisée et la part que vous reconnaissez à chaque ministère dans la décision ?

Lors de son audition sur le schéma pluriannuel de stratégie immobilière, SPSI, Mme Malgorn, secrétaire générale du ministère, nous a fait part d’orientations qui sont radicalement différentes de celles qui sont prises aujourd’hui. Nous a-t-elle tenu un discours de circonstance, ou bien le ministère de l’Intérieur a-t-il changé d’avis ?

M. Bertrand Munch : Sur les décisions structurantes comme celles concernant l’administration centrale, il me semble naturel que ce soit le ministre compétent qui définisse les lieux d’implantation de ses services, car cette implantation est un élément d’efficacité.

Par ailleurs, pour ce qui concerne le ministère de l’Intérieur, il me semble que le fait de déplacer les services de renseignement de Beauvau et du XVe arrondissement à Levallois s’inscrit dans le cadre d’un schéma immobilier. Je ne dis pas qu’on n’aurait pas pu faire mieux ni autrement. Celui qui prétendrait réaliser une opération impeccable aujourd’hui s’exposerait à des retours de bâton.

Cela étant, cette décision ne me paraît pas contradictoire avec ce qu’avait annoncé Mme Bernadette Malgorn. Elle s’inscrit même dans la suite du schéma qu’elle avait présenté devant le conseil de l’immobilier de l’État. Il se produit toujours des évolutions, notamment sur l’immobilier des administrations centrales. Je ne prendrai qu’un exemple, quitte à m’exposer, moi aussi, aux coups de bâton : depuis l’audition de Mme Malgorn, le ministère de l’Outre-mer est devenu une composante pleine et entière du ministère de l’Intérieur. L’approche immobilière ne peut donc plus être la même.

M. Georges Tron, Président : Est-ce à dire que la stratégie immobilière n’est pas définie en fonction d’une ligne directrice sur plusieurs années, mais en fonction des évolutions politiques du moment ? Ce serait la négation pure et simple d’une stratégie immobilière.

M. Bertrand Munch : Au contraire : une stratégie immobilière qui voudrait s’exonérer de ce genre d’évolution ne serait pas réaliste.

Cela étant, elle ne tient pas compte de tous les changements. La vente de l’immeuble de la délégation interministérielle pour l’aménagement et la compétitivité du territoire, la DIACT, s’est effectuée indépendamment du fait que la DIACT était dans tel ou tel ministère.

Le rythme de réalisation d’une opération immobilière demande effectivement du temps et de la continuité. D’un autre côté, qui pourrait dire que le schéma immobilier d’un ministère soit indépendant de l’organisation de celui-ci ?

M. Georges Tron, Président : Ce que je veux savoir, c’est quelle part de décision vous reconnaissez à l’organisme central de l’État et au ministère lui-même. J’ai bien entendu que vous plaidiez pour que la décision revienne finalement au ministère. J’ai tendance à penser l’inverse.

Je prends un exemple concernant un autre ministère.

Alors qu’il a acquis en plein centre de Paris un immeuble pour mettre ses services, cet immeuble est resté vide pendant douze ans – ce qui coûte à l’État 80 millions d’euros – et le conseil de l’immobilier de l’État est maintenant saisi d’une demande du secrétariat général dudit ministère pour s’installer dans l’immeuble en face !

M. Bertrand Munch : Je ne critiquerai pas un autre ministère, non seulement parce que c’est un autre ministère, mais aussi parce que je ne suis pas sûr que nous aurions su faire mieux, compte tenu des difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui : nous sommes obligés de recueillir des avis qui, bien qu’ils ne soient pas juridiques, ont un effet à tout le moins de verrouillage ; pour rentrer dans des immeubles et réaliser des aménagements, nous sommes toujours soumis à un système de maîtrise d’ouvrage publique alors qu’il nous est demandé d’être concurrentiels avec des gens du privé sur un marché en constante évolution et sur lequel, pour optimiser les choix, il faut être capable de prendre des décisions rapides !

Sur les questions concernant l’administration centrale, je constate que le service France Domaine est vraiment monté en puissance et est devenu, sinon le garant, du moins celui qui pose et repose les questions de manière extrêmement incisive : tant qu’on n’y a pas répondu, on ne peut pas rentrer dans les murs parce qu’on a besoin de la signature de France Domaine. Depuis une année, il demande aux ministères – qui, pour moi, ont à prendre la décision de l’implantation de leurs services – s’ils se sont bien assurés que les opérations envisagées étaient au meilleur coût.

M. Georges Tron, Président : Dans le cas que j’ai cité et qui est un exemple flagrant de dysfonctionnement, ne trouvez-vous pas nécessaire qu’il existe une autorité centrale qui puisse contrer les décisions du ministère ?

M. Bertrand Munch : Je continue à penser qu’une autorité centrale qui ne prendrait en compte que l’aspect optimisation immobilière ne permettrait pas d’optimiser le rapport entre occupation des lieux et coût immobilier parce qu’elle ne pourrait pas prendre en considération toute une série de questions qui, sans être directement immobilières, sont en interaction constante.

M. Georges Tron, Président : Pourquoi ?

M. Bertrand Munch : À moins de transférer à cette autorité la totalité des crédits qui, de près ou de loin, touchent à l’immobilier, je ne vois pas comment cela pourrait fonctionner. Encore une fois, vous isolez l’immobilier du reste. Cette instance prendra des décisions. Elle pourra affecter des locaux, mais ceux-ci resteront souvent vides et seront mal adaptés.

Il y a aussi un problème de taille critique. À partir de quel moment, aura-t-on besoin d’une instance centrale ? Qu’est le patrimoine immobilier de La Poste, par exemple, par rapport à celui de l’État ?

M. Georges Tron, Président : Sur un total général de 16 000 immeubles, la part domaniale de son parc doit représenter à peu près un dixième de la valeur du parc domanial de l’État.

J’entends avec attention, monsieur Munch, vos remarques. Je ne les partage pas du tout, vous l’aurez compris. En tant que rapporteur spécial de la commission des Finances sur le budget de la Fonction publique depuis de nombreuses années, j’ai évidemment une vision globale : immobilier et effectifs. Or, en matière de gestion des actifs immobiliers, je suis au regret de vous dire que c’est la situation actuelle qui doit faire l’objet de critiques et non ce que nous voudrions mettre en place et qui ne l’est pas encore.

M. Daniel Dubost a mis en avant les très fortes réticences des administrations et l’on mesure ce à quoi il doit se heurter.

Je vous propose, monsieur le rapporteur, d’interroger maintenant les services déconcentrés de l’État.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : La dimension interministérielle de la réforme du service France Domaine est-elle appliquée au niveau déconcentré ?

Comment se décline la nouvelle politique immobilière de l’État, avec l’extension en 2008 des SPSI et des loyers budgétaires aux vingt-six grandes agglomérations de province ?

Pourquoi l’expérimentation en région Rhône-Alpes de mutualisation de l’entretien n’a-t-elle toujours pas pu être mise en place ? Quelles sont les différentes options envisagées pour une mise en œuvre pratique de cette expérimentation à partir de 2008 ? Le service France Domaine est-il organisé en conséquence ? Le ministère des Finances, lui-même occupant immobilier important dans la région Rhône-Alpes, joue-t-il un rôle moteur dans l’avancement de cette nouvelle politique de l’État ?

M. Paul-Henry Watine : Mes propos viendront en écho à ce qui a été dit de la situation au niveau central, parce qu’elle ne diffère pas fondamentalement au niveau local.

À la suite de la réforme de France Domaine, nous avons hérité en fait de trois services séparés – et même de quatre en comptant la gestion de la Cité administrative de Lyon : un service de gestion des patrimoines privés, un service d’évaluation composé des brigades compétentes et un service juridique. Nous sommes actuellement en train de mettre sur pied – et le délai que nous constatons dans la mise en œuvre des orientations nouvelles nous permet de nous y atteler – un cinquième service d’animation de la gestion immobilière.

Les personnels dont nous avons « hérité » de la DGI sont restés et la plupart des cadres ont opté pour le statut du Trésor. Néanmoins, comme nous avons des fonctions nouvelles, nous devons apporter du sang neuf et faire de la formation. Sur l’ensemble de la substance de la Trésorerie générale, je procède à des redéploiements et je mets quelques personnes en formation sur les métiers nouveaux d’animation de la politique immobilière dont nous sommes chargés sous l’impulsion du préfet.

D’une certaine manière, nous sommes les seuls, avec la préfecture, à savoir qu’il y a une nouvelle politique immobilière de l’État. Nos interlocuteurs sont dans la position de propriétaires ayant acquis leur maison il y a cinq ans ou même davantage auxquels un notaire vient déclarer qu’il est désormais le propriétaire de leurs biens et qu’ils doivent lui payer un loyer. Les chefs de service régionaux et départementaux n’ont reçu ou disent n’avoir reçu aucune information sur les évolutions intervenues.

De notre côté, nous faisons de l’information au niveau local, avec le préfet, lors de réunions départementales ou régionales. Le préfet de région m’a demandé de faire à nouveau une communication sur ce point lors du prochain CAR, le comité de l’administration régionale.

Nous avons la chance d’avoir eu à Lyon des initiatives qui nous permettent de jeter les bases – de poser les briques, en quelque sorte – de la nouvelle politique : les loyers budgétaires sur l’agglomération de Lyon, les discussions, qui ont eu lieu, sous l’impulsion du préfet, sur la politique d’entretien mutualisée au niveau régional, et les SPSI. Nous bénéficions également à Lyon d’une cité administrative très importante qui va pouvoir servir de point d’accroche de la réflexion que le préfet et nous-mêmes souhaitons mener sur l’optimisation des implantations de l’administration à la faveur des réformes de celle-ci : révision générale des politiques publiques – RGPP –, fusion de la direction générale de la Comptabilité publique et de la direction générale des Impôts. Cette optimisation des implantations doit s’inscrire dans un schéma départemental. Nous sommes en train de mettre en place les compétences nécessaires pour pouvoir jouer ce rôle auprès du préfet.

Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait un grand décalage entre Lyon et Paris, puisqu’on rencontre les mêmes problèmes. Le décor est planté. Nous sommes en chemin.

J’attends cependant des administrations centrales, hors les ministères des Finances et de l’Intérieur, qu’elles informent leurs fonctionnaires au niveau déconcentré des changements de règle du jeu, car c’est l’un des problèmes majeurs que nous rencontrons : les acteurs en face de nous fonctionnent comme avant et l’on découvre souvent que l’on fait le travail en double.

M. Georges Tron, Président : Quelle est, selon vous, la bonne dimension territoriale pour apprécier la façon dont il faut gérer l’immobilier ? La région ou le département ?

M. Paul-Henry Watine : Je considère, personnellement, que la stratégie d’implantation des services doit être établie le plus près possible du terrain, donc au niveau départemental.

La gestion opérationnelle, l’entretien et, éventuellement, l’utilisation plus spécialisée de certains immeubles nécessitent, en revanche, de passer du cadre départemental au cadre régional.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Pouvez-vous parler de l’expérimentation de mutualisation de l’entretien en région Rhône-Alpes ?

M. Alain Espinasse : Avant de parler de l’expérimentation, je reviendrai brièvement sur deux aspects.

M. Dubost a parlé de services désemparés. Cela ne veut pas dire démotivés. Les trois objectifs fixés dans la circulaire de février 2007 – rendre un meilleur service public aux usagers, faire des économies au bénéfice des contribuables et mieux soutenir l’action des agents publics – ne peuvent que motiver les services.

Si la question de la motivation ne se pose pas, tel n’est pas le cas, par contre, de celle de l’organisation et du rôle de l’État dans les services déconcentrés, régions et départements. À l’exception très notable du ministère de l’Intérieur et de l’appui local des services de M. Watine, il n’y a eu aucune instruction des ministères sur la politique de gestion immobilière.

Si l’on veut que le préfet – de région ou de département – ait une action interministérielle, la moindre des choses est que les services placés sous son autorité aient des instructions claires et précises en matière immobilière de leurs services nationaux.

Quant à savoir quel est le bon niveau, je partage pleinement le sentiment de M. Watine. C’est d’ailleurs ce qui figurait dans les propositions du préfet de région : le bon niveau pour conduire une politique stratégique en matière immobilière, et notamment d’entretien, est la région. Il ne s’agit pas de mutualiser les actions de la DDJS de la Loire et de la DDJS de Grenoble, mais, comme l’a dit M. Munch, de rapprocher la DDJS et la DDASS d’un même département. Cela ne peut se faire, encore une fois, que si les services en question ont une vision claire de la stratégie immobilière de leur ministère aujourd’hui.

Pourquoi l’expérience de mutualisation de l’entretien en région Rhône-Alpes n’a-t-elle toujours pas été mise en place, avez-vous demandé, M. le rapporteur ? Je fais une analyse un peu plus nuancée de la situation.

La circulaire a chargé le préfet de région de la mise en place d’un pôle interministériel pour gérer les travaux d’entretien du propriétaire. La question qui s’est posée, au TPG comme aux services du ministère de l’intérieur et au préfet, a été de savoir comment il fallait s’emparer du sujet. Il faut bien voir que l’on partait de zéro. S’il s’agit de mettre en place un pôle de compétences, quelle est la finalité de celui-ci ? S’il s’agit d’identifier les services tout de suite, au service de quoi ceux-ci seront-ils ?

Nous avons réfléchi à un système de gouvernance au niveau régional : la stratégie et les décisions seraient définies par une instance qui rassemblerait les préfets de département et les chefs de pôles des services déconcentrés et qui, sur la base du travail réalisé dans chaque département, fixerait les priorités en matière d’entretien. Cela nécessite la définition d’un outil budgétaire pertinent. Le ministre du Budget n’a pas encore pris sa décision à ce sujet, mais un outil budgétaire mutualisé paraît incontournable.

Il a fallu également dresser un état des besoins pour avoir une idée de ce que pouvait représenter l’ensemble des gros travaux à réaliser. Comme il y a autant d’approches que de services déconcentrés et de ministères, on a cherché, entre le mois d’avril et le mois de mai 2007, à définir localement le plus grand dénominateur commun de ce que pouvaient représenter ces travaux. Une estimation a été faite de ce que cela pouvait représenter en 2008 sur l’ensemble des administrations de l’État en région Rhône-Alpes et a été transmise aux services du Premier ministre en juillet.

Nous procédons actuellement à l’état des lieux des compétences.

Si le ministre décide, comme il l’a redit lors de son audition, de confirmer l’expérimentation, nous serons en mesure de répondre à sa demande.

Il faudra encore réfléchir à l’organisation de l’entretien. J’ai la faiblesse de penser qu’on peut aussi trouver des compétences techniques dans les services de l’État. Appuyons-nous sur tout ce que nous avons avant de songer à externaliser. Cela nous coûtera moins cher.

M. Georges Tron, Président : Nous avons vu qu’il y a un conservatisme certain de la part des ministères.

Il y a deux méthodes pour lutter contre celui-ci : l’une paraît un peu dépassée, l’autre ne semble pas encore avoir cours.

La première est d’intéresser financièrement les administrations aux cessions de biens immobiliers ou de terrain. Le ministère de la Défense jouissait d’une double dérogation : le produit des cessions – dans son intégralité – non seulement lui revenait, mais revenait aussi à chacune des armées qui se sentaient elles-mêmes propriétaires de ces biens immobiliers. Il est à craindre que, si l’on dépasse cette vision, le conservatisme soit encore aggravé.

L’autre méthode serait d’imposer les baux publics : chaque « affectataire » se sentirait non plus propriétaire, mais locataire. Cela inciterait les administrations à réévaluer constamment l’utilisation de leurs biens, un certain nombre n’étant pas utilisés du tout. Ce qui fait bouger les administrations, c’est quand le coût du maintien-entretien devient trop lourd.

Comme on le voit, la question centrale est : comment dépasser le conservatisme que nous sentons tous ?

M. Yves Deniaud, Rapporteur : L’option choisie depuis longtemps par les Britanniques est d’imposer sur le budget voté aux administrations un loyer qui les conduise à examiner avec précision le périmètre immobilier qu’elles ont et à déterminer si elles doivent le réduire ou, au contraire, l’étendre.

M. Georges Tron, Président : Je vous remercie.

b) à 11 heures :

M. Luc Renaudin, directeur, Jones Lang LaSalle, M. Antoine Derville, directeur général, CB Richard Ellis, M. Hervé de Lafforest, directeur, CB Richard Ellis, M. Bertrand Renaudeau d’Arc, directeur, CB Richard Ellis, M. Jean-François Vitoux, membre du directoire de la Société nationale immobilière (SNI), groupe Caisse des dépôts et consignations, M. Olivier Debains, président-directeur général de la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), M. Christian de Kerangal, directeur général, Investment Property Data (IPD) et M. Christian Cléret, directeur général de Poste Immo, groupe La Poste

Présidence de M. Georges Tron

M. Georges Tron, Président : Messieurs, je vous remercie d’avoir répondu à l’invitation de la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Comme vous le savez, la MEC prépare un troisième rapport sur la gestion de l’immobilier de l’État. Deux rapporteurs ont été désignés, M. Yves Deniaud et M. Jean-Louis Dumont, ce dernier nous ayant prié de l’excuser de son absence ce matin. Trois magistrats à la Cour des comptes, MM. Jean-Luc Vivet, Claude Lion et Bruno Rémond, participent à cette audition, à laquelle assiste également M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du Conseil de l’immobilier de l’État, que j’ai l’honneur de présider.

Ce troisième rapport a pour objectif de faire le point sur l’évolution de la gestion par l’État de ses affaires immobilières. Ce matin, nous avons interrogé lors d’une première audition les responsables de la direction générale de la Comptabilité publique et du service France Domaine, des représentants de l’administration déconcentrée de l’État en région Rhône-Alpes, ainsi que le directeur de l’Évaluation de la performance, des Affaires financières et immobilières du ministère de l’Intérieur. Nous avons pu constater que certaines administrations montraient encore beaucoup de réticence à mettre en œuvre les réformes que nous avions préconisées dans les rapports précédents.

Je suis convaincu qu’il est nécessaire de s’inspirer de méthodes qu’utilisent les entreprises privées pour réformer et gérer leur patrimoine. À cet égard, nous souhaiterions connaître d’une part le jugement que vous portez sur vos relations avec l’État dans ce domaine, d’autre part les préconisations que vous pourriez adresser aux responsables de l’État.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Ma première question portera sur l’apport qui est ou pourrait être le vôtre, messieurs, à la gestion immobilière de l’État. On a beaucoup parlé des cessions et de l’inventaire des propriétés de l’État et de ses opérateurs. Il faut aller au-delà et s’intéresser à une gestion interministérielle globale, menée par l’État propriétaire unique et portant tout à la fois sur les acquisitions, les cessions, l’entretien, la rénovation, la construction. Depuis le premier rapport de la MEC, en juillet 2005, des outils ont été mis en place. Le Gouvernement a montré une volonté ferme d’améliorer la gestion immobilière de l’État. Le Parlement, quant à lui, souhaite s’assurer précisément de la bonne application de cette réforme.

Or l’État ne peut réformer en profondeur sa gestion immobilière qu’en faisant appel à des opérateurs professionnels. Ceux-ci lui apporteront des compétences qu’il ne détient pas forcément et lui permettront de soumettre ses doctrines et ses méthodes à un regard extérieur.

M. Luc Renaudin : Mes remarques se fonderont sur deux expériences du groupe dont je fais partie.

Tout d’abord, nous avons passé il y a un an et demi un contrat cadre avec le ministère des Affaires étrangères à l’international, dans le but d’engager une professionnalisation et une rationalisation des décisions immobilières. Les vingt appels d’offres d’ores et déjà lancés traduisent l’accélération de la prise de conscience en ce domaine. Certains sont arrivés à terme, comme celui de l’ambassade de France à Athènes, d’autres sont en cours de mise en œuvre.

La deuxième expérience concerne les études de valorisation de la Grande Arche pour le ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables et la perspective de construction d’une tour à La Défense. Je n’évoquerai pas ici l’établissement possible des futurs bureaux du ministère de l’Immigration à Issy-les-Moulineaux.

Du point de vue de la stratégie, le temps est venu d’aborder la gestion de l’immobilier de l’État sous un angle beaucoup plus industriel que financier, en mettant en exergue les enjeux de gestion de mouvements, de bâtiments, de baux. On peut d’ailleurs considérer que cette prise de conscience est acquise.

Il convient également de bien opérer la séparation entre propriétaire et utilisateur, de manière à les responsabiliser par rapport à leurs engagements respectifs de résultats.

Il faut aussi préparer beaucoup mieux les projets en amont. C’est ainsi que l’appel d’offres initial en 2007 en vue d’une nouvelle résidence et de nouveaux bureaux pour notre ambassade à Dublin a été déclaré infructueux, tout simplement parce qu’il n’existe pas de biens de ce type à acheter en ce moment dans cette ville.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Nous allons vendre l’ancienne résidence et la chancellerie pour 80 millions d’euros, mais qu’allons-nous acheter à la place ?

M. Luc Renaudin : Je l’ignore. Cette mésaventure montre qu’il faut mieux associer les compétences, qu’elles soient internes ou externes, à la préparation des dossiers. Le vendeur ou l’acheteur doit s’assurer que les objets dont il souhaite optimiser les coûts représentent quelque chose sur le marché local, lequel n’est vraiment connu que de ceux qui y sont confrontés quotidiennement.

Un autre travers, que l’État partage en l’occurrence avec nombre d’entreprises privées, est l’absence de mandat de l’autorité, clair et ferme – l’équivalent d’une direction générale dans le privé. Pour France Domaine, la direction générale est-elle le Premier ministre ? Revient-elle à un ministre en particulier ? Il conviendrait d’avoir, comme chez SANOFI ou chez Suez, des clients internes dont les besoins soient mieux exprimés.

Il est en outre important de mieux mobiliser les compétences. La compétence transactionnelle, directement évaluable, n’est qu’un élément de la gestion immobilière, qui implique également des compétences techniques, financières, juridiques, fiscales ou relatives à la gestion de projets. Il faut aussi chercher à travailler dans un climat de confiance accrue.

Au total, un important travail de pédagogie et de formation doit être mené auprès des ministères consommateurs de mètres carrés. L’exemple de Dublin est là pour montrer qu’il est nécessaire de connaître parfaitement les marchés.

La programmation des besoins, à laquelle nous travaillons en ce moment avec le ministère de l’Écologie, est un préalable essentiel. De quels postes de travail a-t-on besoin, de combien de mètres carrés, et pour quels coûts associés ?

Un instrument comme une Foncière peut aussi se révéler un outil efficace pour une meilleure gestion de l’immobilier.

La gestion des baux internes ou externes, corrélat de la gestion industrielle que j’appelle de mes vœux, prend une importance toute particulière car il s’agit d’engagements économiques de long terme.

Enfin, il est souhaitable d’avoir une meilleure appréciation de ce qu’implique la maintenance d’un bien immobilier, afin de mettre en œuvre les compétences et les organisations techniques appropriées.

M. Georges Tron, Président : Devons-nous comprendre, M. Renaudin, qu’à chacune de vos recommandations correspond une carence constatée dans les relations que vous entretenez avec les services de l’État ? Quels sont, pour vous, les carences les plus flagrantes et les points sur lesquels vous suggéreriez à M. le Rapporteur de mettre l’accent ?

M. Luc Renaudin : Contrairement à ce que vous pensez peut-être, M. le Président, votre approche de l’immobilier de l’État est plutôt en avance sur celle de plusieurs groupes du CAC 40, qui n’ont pas encore pris en considération – au rebours de l’État – l’impact et l’importance de l’immobilier dans leurs comptes et dans leur organisation. Il m’est même arrivé d’organiser des rencontres pour informer des groupes privés de ce que fait l’État en la matière !

Pour en revenir aux recommandations, le plus important est, me semble-t-il, de bien « coller » à la réalité du marché.

M. Georges Tron, Président : Il y a donc là une carence…

M. Luc Renaudin : Une carence, non pas dans la compréhension, mais dans la prise de conscience : je ne suis pas certain que la préparation en amont des opérations associe suffisamment les personnes ou organismes qui connaissent les marchés.

M. Georges Tron, Président : Pensez-vous que le vivier de fonctionnaires dont dispose l’État lui permettrait d’accéder par lui-même à cette connaissance du marché, ou est-il indispensable de recourir à des experts extérieurs ?

M. Luc Renaudin : Les formations et les compétences existent. C’est plus une question d’attitude. Pour mieux préparer les dossiers, un effort de pédagogie doit être fait en recourant à des tiers ; qu’ils soient privés ou publics, ce n’est pas le sujet…

M. Georges Tron, Président : Ça l’est tout de même un peu. M. Jean-François Copé, précédent ministre du Budget, et moi-même avions préconisé le recours à des compétences extérieures, mais cette idée n’a pas été suivie d’effets. M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, nous a dit tout à l’heure que seuls deux contrats de recrutement avaient été signés alors qu’on en annonçait trente.

M. Antoine Derville : À mon sens, l’État n’a pas les moyens d’être présent sur les marchés comme le sont les sociétés spécialisées, pour le compte desquelles des centaines de collaborateurs sillonnent le terrain et font remonter les informations. Il a en revanche les moyens de traiter les informations. Le rôle des intervenants privés est de le mettre en position de le faire pour prendre les meilleures décisions.

M. Georges Tron, Président : Estimez-vous comme M. Renaudin qu’il existe une carence dans la connaissance du marché, ce que semble attester l’exemple de Dublin ?

M. Antoine Derville : Nous entretenons avec l’État deux types de relations, selon qu’il s’agit de ventes ou de prises à bail. En ce qui concerne les ventes, France Domaine a acquis des capacités, et les systèmes qu’elle a mis en place sont performants. S’agissant en revanche des recherches de locaux pour les différents services de l’État, sa position est moins claire. On relève souvent des disparités entre France Domaine et les services concernés dans l’établissement du cahier des charges, le choix de la localisation ou encore la typologie des locaux. Il en résulte, pour nous, des difficultés à appréhender correctement la problématique immobilière réelle. Une certaine incompréhension est parfois perceptible entre France Domaine, les services de l’État et les utilisateurs finaux.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Dans ce contexte, quel est votre apport spécifique ?

M. Antoine Derville : Nous apportons notre connaissance très poussée des marchés, du benchmark, des transactions, des valorisations des immeubles, afin que l’État, s’il vend un site, sache d’avance dans quelles conditions il pourra reloger ses services. Les situations peuvent s’avérer quelque peu ubuesques, par exemple lorsqu’un ministère, désireux d’occuper des locaux moins coûteux, souhaite s’installer à Montreuil contre la volonté du maire, ce dernier faisant valoir qu’une administration ne paie pas la taxe professionnelle.

En outre, le marché de la vente a tendance à s’internationaliser, ce qui rend d’autant plus utile l’intervention de sociétés comme les nôtres qui ont accès à tous les investisseurs internationaux. Sous cet aspect, la plus-value apportée à l’État me semble évidente.

M. Georges Tron, Président : La démarche de l’État est-elle, aujourd’hui, de demander aux experts que vous êtes de lui apporter ces informations, ou estimez-vous qu’il continue à travailler en vase clos ?

M. Antoine Derville : Les services de l’État nous interrogent, mais nous avons le sentiment qu’ils font de même avec tous les acteurs de la place sans leur confier de mission claire. À preuve, deux contrats seulement ont été signés avec France Domaine. Or, sans mission claire, nous ne pouvons travailler dans de bonnes conditions.

M. Georges Tron, Président : Je tiens à vous rassurer, M. Derville : nous n’instruisons pas un procès à charge mais essayons de comprendre ce qui ne fonctionne pas. Il semblerait ici qu’il y ait une carence de direction. Que souhaiteriez-vous pour améliorer votre relation avec l’État ?

M. Antoine Derville : Ce qui est souhaitable, c’est une relation contractuelle claire permettant d’établir ensemble un cahier des charges et de travailler sur une mission de recherche bien définie. Aujourd’hui, les services de l’État nous interrogent sans passer de contrats. Nous sommes parfois mandatés pour certaines opérations mais, si celles-ci n’aboutissent pas, nous en sommes pour nos frais. De toute façon, il n’y a pas d’engagement sur le résultat.

M. Hervé de Lafforest : À l’instar de ce qui est pratiqué dans le privé, nous avons besoin de savoir quelle est la programmation de l’État lorsqu’il nous interroge. Or cette programmation est souvent formulée sur une ou deux annuités budgétaires, alors que les programmes immobiliers du privé s’inscrivent sur des durées plus longues. Il serait bon de nous faire connaître les schémas directeurs sur trois ou quatre ans.

M. Georges Tron, Président : La MEC a déjà abordé longuement le problème de fond que constituent l’élaboration et le respect d’une stratégie.

M. Antoine Derville : À elle seule, la construction d’un immeuble prend deux ou trois ans…

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Il ne nous a pas échappé que cela ne s’harmonisait guère avec l’annualité budgétaire.

M. Hervé de Lafforest : Nous sommes souvent prisonniers de cette annualité lorsque nous devons répondre aux demandes de l’État. Il y a là, assurément, une piste de réflexion.

M. Georges Tron, Président : En elle-même, la règle de l’annualité budgétaire n’est pas un problème : c’est une simple excuse. Il n’y a aucune difficulté à concevoir un projet stratégique à moyen terme, qui se décline en autorisations d’engagement puis se réalise chaque année en crédits de paiement budgétaires. On ne peut expliquer l’absence de vision stratégique à moyen terme sur tel ou tel sujet par le fait que le Parlement ne vote le budget qu’annuellement. Il ne devrait pas être si compliqué de transposer à la politique immobilière ce que l’on fait pour le financement des équipements militaires, qui se déroule sur une vingtaine d’années.

M. Bertrand Renaudeau d’Arc : Le dossier du transfert du ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables, que j’ai suivi personnellement et qui n’a pas encore abouti à l’heure actuelle, est riche d’enseignements. Nous avons établi, il faut le souligner, d’excellentes relations avec France Domaine pour ce qui est du traitement de la demande des utilisateurs. Le discours très clair qui nous est tenu est en phase avec la politique générale souhaitée par le Gouvernement en matière de modernisation de l’immobilier public. Les responsables de France Domaine sont très au fait de la question de la rationalisation des installations et des coûts, et ils font preuve d’une grande volonté.

Il est en effet essentiel que l’État parvienne à déterminer le coût réel de l’immobilier pour l’utilisateur. En l’occurrence, la référence n’est pas le prix du mètre carré, mais celui du poste de travail. Or les utilisateurs souhaitent s’en tenir à leur schéma actuel d’organisation, avec une surface moyenne de 23 ou 24 m2 par personne, contre 16 ou 17 m2 pour une entreprise dans un bâtiment moderne, ce chiffre pouvant même être ramené à 13 m2. C’est donc là que se trouve le gisement d’économies. On en est plus conscient à France Domaine que chez les utilisateurs, ce qui crée des dissensions. En général, nous sommes missionnés à la fois par l’utilisateur et par France Domaine, si bien que nous avons deux cahiers des charges et deux sources d’information parallèles.

M. Georges Tron, Président : Et parfois contradictoires !?

M. Bertrand Renaudeau d’Arc : C’est inévitable, puisque l’utilisateur et France Domaine n’ont pas la même stratégie et qu’ils n’entretiennent pas, nous semble-t-il, de contacts directs.

M. Georges Tron, Président : Faut-il comprendre que vous êtes saisi deux fois ?

M. Bertrand Renaudeau d’Arc : Un flou artistique entoure ces « saisines » puisqu’il n’y a pas de contrat. Nous travaillons deux fois sur la même problématique, sans contrat précis.

M. Georges Tron, Président : La saisine officielle est-elle tout de même faite par France Domaine ?

M. Antoine Derville : Il n’y a pas de saisine officielle.

M. Georges Tron, Président : Puisqu’il y a consultation, vous êtes à tout le moins démarchés par France Domaine…

M. Bertrand Renaudeau d’Arc : Oui, de même que nous pouvons être démarchés directement par les utilisateurs.

M. Luc Renaudin : Il y a deux clients.

M. Bertrand Renaudeau d’Arc : Auparavant, l’utilisateur saisissait France Domaine une fois que son projet était assez avancé. Désormais, France Domaine prend les devants et organise les consultations auprès de nos agences pour lancer une opération parallèlement aux demandes qui nous sont faites directement par les utilisateurs. Nous sommes confrontés à une situation qui n’est pas claire : je tenais à le souligner…

M. Georges Tron, Président : Et moi à vous en remercier.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Vous souhaitez donc que l’État procède à une clarification en déterminant qui consulte et selon quelle procédure ?

M. Bertrand Renaudeau d’Arc : Nous souhaitons savoir qui conduit le projet.

M. Hervé de Lafforest : Le fait d’avoir deux interlocuteurs n’est pas, en soi, problématique : il nous arrive de rencontrer la même situation dans le privé. L’État ne fait pas exception. Ce qui fait obstacle, c’est l’expression de besoins contradictoires ou d’orientations différentes.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Cela vous place-t-il dans une situation d’arbitre ?

M. Hervé de Lafforest : Non, mais nous devons répondre à l’un et à l’autre sans trop savoir…

M. Antoine Derville : Pour l’État, cette dualité représente une perte de temps et d’énergie.

M. Olivier Debains : La confusion, pour les partenaires de l’État, vient de ce que nous sommes dans une phase intermédiaire : nous passons du système de l’affectation, qui prévalait jusqu’à la circulaire du Premier ministre de 2007, à un système qui n’est pas encore en place et où l’État sera propriétaire unique. Les responsabilités n’étant aujourd’hui pas clairement réparties entre le futur propriétaire et les affectataires actuels, il n’est pas étonnant que des demandes simultanées et parfois divergentes soient formulées.

M. Georges Tron, Président : Votre analyse est juste, à ceci près qu’il existe une volonté de ne pas sortir de cette phase intermédiaire.

M. Olivier Debains : La grande question est en effet d’en finir avec le régime de l’affectation. Il faut trouver le juste milieu entre une rupture brutale, que tous s’accordent à trouver irréaliste, et le statu quo, qui est inopportun. Comment faire, et à quel rythme ? C’est d’autant plus compliqué que le patrimoine de l’État est extraordinairement divers et important. Cependant, cette difficulté peut servir d’alibi à ceux qui ne veulent pas avancer.

M. Christian Cléret : En 2004 et 2005, La Poste a créé une Foncière, c’est-à-dire un opérateur distinct. Cette expérience n’est pas sans rapport avec la problématique à laquelle l’État est confronté aujourd’hui, puisque La Poste gère un parc immobilier de 8 millions de m2, avec 17 000 implantations et pour 300 000 collaborateurs. De plus, la culture, les enjeux internes et la sociologie de l’entreprise publique présentent des analogies avec ceux des services de l’État.

Trois ans après la création de Poste Immo, le bénéfice se révèle considérable. Tous les indicateurs sont au vert, qu’il s’agisse de la dynamisation des schémas directeurs, des volumes d’investissement, des cessions, de l’entretien… L’impulsion donnée par le président du groupe a été très forte : il faut un capitaine à la barre !

En ce qui concerne tout d’abord la gouvernance de l’immobilier, La Poste avait auparavant des contrats de prestations internes, comme beaucoup de groupes privés, mais ce dispositif s’apparente à un jeu de Monopoly : on a l’impression de manipuler de la monnaie de singe. La vraie rupture a lieu le jour où l’on installe une personne morale aux franges de l’opérateur. Entre l’externalisation complète, qui est un chiffon rouge, et le maintien dans le cocon interne, qui soumet les responsables à des arbitrages incessants, cette solution permet tout à la fois de concentrer des compétences professionnelles, d’établir des relations de marché – commerciales, juridiques, fiscales – avec l’ensemble des acteurs et d’émettre, moyennant les contrats passés, des indicateurs économiques permettant à chacun de prendre les bonnes décisions.

Pour autant, il ne faut surtout pas chercher à intégrer la totalité des compétences offertes par le marché en matière d’évaluation, de transactions, etc. Les sociétés ici représentées jouent pleinement leur rôle en la matière. Il convient seulement de savoir quand nous devons faire appel à elles. Or la création d’un opérateur distinct est l’occasion de réunir des compétences nouvelles, qui font aujourd’hui défaut à l’État, non qu’elles n’existent pas, mais parce qu’elles ne sont pas identifiées et réunies dans un pôle spécifique…

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Pourriez-vous nous décrire ces compétences nouvelles ?

M. Christian Cléret : Il est essentiel, pour commencer, d’établir des schémas directeurs. C’est la base de toute politique immobilière et cela suppose que l’on s’interroge sur le patrimoine, les valeurs de marché, la pertinence des bâtiments, l’occupation qui en est faite, pour réaliser des plans d’arbitrage et de valorisation à échéance de cinq ou dix ans.

M. Georges Tron, Président : Estimez-vous que les schémas pluriannuels de stratégie immobilière – les SPSI - répondent à cette exigence ?

M. Christian Cléret : Non, ce n’est qu’une toute première étape. Cependant, mon expérience me porte à l’optimisme. J’ai été directeur immobilier du ministère des Finances dans les années quatre-vingt, après avoir exercé des responsabilités dans le même domaine au ministère de la Justice. Selon moi, nous nous dirigeons pas à pas dans la bonne direction. Cependant, M. le Rapporteur, je suis obligé de constater que les compétences ne sont pas réunies.

M. Georges Tron, Président : Votre avis est donc négatif tant sur les compétences que sur les SPSI.

M. Christian Cléret : Les SPSI sont élaborés ministère par ministère alors que les problèmes se posent à l’intérieur d’une zone géographique donnée. Je gère les mêmes situations à La Poste. La Banque postale, le courrier et les autres services utilisent tous des immeubles tertiaires. La question est de déterminer quels sont leurs besoins à dix ans, et non de savoir s’il s’agit de la direction du courrier ou de celle des colis. De même, la question n’est pas de savoir si les services de l’État appartiennent à tel ou tel ministère. La vision doit être géographique et non pas thématique.

Enfin, l’État se dirige vers la solution que La Poste a elle-même choisie : la séparation entre propriétaire et locataire. S’il s’agit assurément de la bonne solution, elle n’est pas exempte d’inconvénients. En effet, elle prive le groupe d’une vision globale : le locataire raisonne en fonction de son intérêt d’utilisateur et le propriétaire en fonction de sa vision de propriétaire. On ne peut plus appréhender globalement le coût du poste de travail, les questions environnementales, etc. Il faut donc s’attacher à ce que les systèmes d’information permettent de rétablir une cohérence. C’est ce que fait La Poste mais cela ne résout pas tous les problèmes.

Il est probable que, dans la prochaine décennie, la gestion de l’immobilier sera envisagée en termes de coût de postes de travail plutôt qu’en termes de mètres carrés. Si la séparation entre propriétaire et locataire est assurément la voie à emprunter, il ne faut pas ignorer qu’elle précède une étape d’optimisation complète.

M. Jean-François Vitoux : Parmi les éléments de carence, je soulignerai, pour ma part, l’absence de la notion d’unification, qui est un préalable en dépit des difficultés de sa mise en œuvre.

De même, la notion de schéma directeur est centrale, car c’est elle qui permet de rendre les bons arbitrages. Il convient, à cet égard, de bien prendre en compte également la notion de programme de travaux prévisionnels. Une fois que l’on a identifié ce dont on est propriétaire, il faut, en effet, se doter des compétences permettant de savoir ce que la seule conservation d’un bâtiment peut coûter. Or, la révision générale des politiques publiques débouche plutôt sur une forme de programme prévisionnel non pas d’entretien, mais d’occupation, en identifiant les mètres carrés disponibles suite, par exemple, à une rationalisation – si l’on fait passer de 26 à 12 le ratio de mètres carrés par agent – ou à une fusion de deux services.

Pour ce qui est des outils, si la Foncière est un instrument très séduisant, il ne faut pas pour autant oublier l’extraordinaire diversité des actifs immobiliers de l’État. Aussi n’est-il pas sûr que la création d’une seule et unique société foncière permette de répondre aux problèmes posés. Autant certains actifs ont vocation à être assez rapidement arbitrés, telle la fusion d’une DDE et d’une DDA qui libérera 500 mètres carrés de bureaux, autant la fermeture d’une base aérienne, par exemple, nécessitera, avant d’être arbitrée, un coût de portage intercalaire en raison notamment des problèmes de dépollution et, surtout, de restructuration qu’elle peut soulever.

Devant un sujet aussi complexe, la modernisation de la gestion immobilière de l’État devrait ainsi tendre, dans les prochaines années, à optimiser les diminutions de périmètre plutôt que l’identification de périmètres nouveaux. Une structure de type Foncière est donc envisageable, sous réserve qu’elle permette d’engager des restructurations, ce qui n’est d’ailleurs jamais simple : lorsque Mme Alliot-Marie a, en 2004, lancé l’idée des centres « défense deuxième chance », inspirés du modèle du service militaire adapté outre-mer, afin de resocialiser des jeunes, la restructuration des bâtiments a nécessité la mise en place d’une structure de portage entre la Caisse des dépôts et l’État, ce qui ne permettra pourtant de ne disposer, fin 2008, que de 4 000 places sur les 20 000 envisagées au départ.

S’il est important de définir des opérateurs proches de l’État permettant d’accompagner le désengagement de celui-ci dans des opérations complexes, peut-être ne faut-il pas pour autant une Foncière qui n’a probablement pas la même unité de décision ou d’expression des besoins qu’une entreprise.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : S’il doit exister une vision globale de la politique immobilière de l’État, il paraît en effet douteux qu’elle puisse concerner directement le ministère de la Défense, en raison de la spécificité de ses implantations territoriales et de leur importance cadastrale.

M. Georges Tron, Président : Je comprends bien que 43 % du patrimoine immobilier de l’État sont affectés au ministère de la Défense, mais n’est-ce pas justement la mise en avant de sa spécificité par chacun des ministères – comme l’a encore montré l’audition précédente d’un directeur du ministère de l’Intérieur – qui a conduit à l’immobilisme actuel ?

M. Yves Deniaud, Rapporteur : En effet, le ministère de la Justice peut très bien mettre en avant l’administration pénitentiaire, et celui de la Culture, le patrimoine historique. Pour en revenir à la mission de réalisation des actifs immobiliers du ministère de la Défense (MRAI), son fonctionnement, pour reprendre l’adjectif déjà employé, est loin d’être remarquable. Par ailleurs, si chaque ministère peut défendre ses spécificités, il ne s’agit pas pour autant pour le ministère de la culture de vendre Notre-Dame ou le Louvre, mais de réaliser des actifs de bureaux, ce qui est une problématique assez classique. Or il en va tout autrement pour le ministère de la Défense pour lequel la fermeture d’un terrain militaire, par exemple en Champagne-Ardenne, ne représentera pas une rentrée d’argent, car aucune industrie n’ira s’y implanter.

M. Georges Tron, Président : La question est moins de savoir si les spécificités du ministère de la Défense sont telles qu’elles rendent complexes toute opération de vente, que de vérifier s’il est en mesure de décider lui-même de la cession ou de la conservation de son patrimoine. Dans mon département, la base aérienne de Brétigny-sur-Orge est inutilisée alors que, dans le même temps, l’État contraint des communes, bloquées entre la Seine et la forêt de Sénart, à réaliser des logements sociaux. De même, la MRAI considère le terrain de Montlhéry comme intouchable alors que d’autres communes sont à la recherche de terrains pour accueillir les nomades.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Peut-être faut-il un organisme autre que la MRAI, extérieur au ministère de la Défense. En tout cas, un seul organisme ne peut embrasser la totalité de la politique immobilière de l’État. Lorsque le chef d’état-major de l’armée de l’air doit gérer trente-cinq bases aériennes alors qu’il n’en a besoin que de sept pour remplir son contrat opérationnel, se défaire de vingt-huit implantations implique pour le ministère de la Défense de surmonter d’abord toute une série de difficultés d’ordre psychologique, politique ou territoriale.

M. Georges Tron, Président : Toute la question est justement celle de savoir pourquoi des décisions ne sont pas prises alors qu’elles devraient l’être. Si l’on peut comprendre les réticences des élus territoriaux s’agissant de la restructuration de services publics locaux, ils ne pourraient, en revanche, qu’être très intéressés par du foncier supplémentaire. Or le sentiment qui ressort de nos auditions est que les ministères ne pensent qu’à freiner toute prise de décision en la matière.

M. Olivier Debains : Une bonne politique immobilière nécessite de définir les objectifs, de se donner des échéances et de clarifier l’organisation. Aussi banales qu’elles puissent paraître, ces préconisations ne sont pas anodines.

Il semble que la politique immobilière de l’État, au moins pour le patrimoine de bureaux, devrait essentiellement se donner pour objectif, en moins de dix ans, de réduire le coût du poste de travail tout en améliorant les conditions de travail des agents publics et d’accueil du public. Pour y parvenir, il convient de fixer en conséquence les critères de performance et d’identifier, comme dans toute entreprise, les bonnes et les mauvaises pratiques. Les parlementaires ont un rôle important à jouer en aidant à définir ces critères de performance qui permettront de passer d’une politique de cession à une politique plus globale.

Après avoir cerné les objectifs et fixé les priorités, encore faut-il définir un échéancier. Or l’appareil d’État tend souvent à passer d’un extrême à l’autre. Aujourd’hui, la tentation serait de vouloir tout faire tout de suite alors qu’il serait probablement préférable de se fixer des échéances à deux, cinq ou dix, selon les catégories d’actifs, par exemple les bureaux et les actifs « spécifiques ».

Enfin, il faut arrêter une organisation, c’est-à-dire décider qui fait quoi. Un premier élément de clarification de responsabilité est intervenu avec la distinction entre propriétaire et utilisateurs. Puis une deuxième avancée a consisté à mettre en place progressivement des loyers, ce qui permettra au propriétaire de rentabiliser ses actifs et aux utilisateurs de disposer d’un indicateur du coût de leur occupation. Aujourd’hui, il convient de répartir et d’organiser les compétences de manière efficace dans l’appareil d’État.

S’agissant du propriétaire, certains voudraient passer d’un système où la propriété, du fait de l’affectation, est éclatée, à un système à l’allemande dans lequel une sorte de Bund français gérerait l’ensemble du patrimoine immobilier de l’État, ce qui ne correspond pourtant pas à la culture française. La question qui se pose est plutôt celle de savoir quelle segmentation du patrimoine permettra une gestion efficace des différents actifs. Si l’on veut en finir avec l’affectation, il faut combiner l’approche territoriale, soulignée à l’instant par Christian Cléret, et l’approche fonctionnelle : on ne va pas gérer les bureaux comme les logements, ni les logements comme les hôpitaux, ni les hôpitaux comme des terrains.

Une fois les compétences clarifiées, l’organisation qui en découlera sera fondatrice de la politique immobilière de l’État, puisqu’elle permettra de distinguer ce qui ressortit à la fonction de propriétaire et ce qui peut être confié à des opérateurs publics ou privés. Il serait en effet absurde que l’État veuille se doter de toutes les compétences, sachant cependant que celle de pilotage lui sera indispensable pour pouvoir faire appel à des prestataires de services. En effet, discuter avec les prestataires de service nécessite des compétences fortes qui existent dans l’appareil d’État et qu’il faut donc identifier et réunir dans une structure ad hoc.

M. Georges Tron, Président : Ce raisonnement, s’agissant des objectifs, n’est-il pas contrarié par une volonté farouche, d’ordre culturel, de bloquer le système en raison d’une confusion volontairement entretenue entre la puissance d’un ministère et le nombre de ses agents et de ses possessions immobilières ? Comment peut-on d’ailleurs analyser un tel blocage qui conduit un ministère à dénier à France Domaine le droit de prendre des décisions en matière de stratégie immobilière ?

M. Olivier Debains : Le problème tient au fait que nombreux sont ceux qui croient qu’il n’est pas possible que France Domaine, et sa petite équipe, devienne du jour au lendemain propriétaire unique de l’ensemble des biens immobiliers de l’État. Le mieux, encore une fois, est l’ennemi du bien : il serait plus crédible de commencer par faire de France Domaine le propriétaire d’une partie du parc immobilier de l’État, par exemple des bureaux, avant de passer progressivement au reste.

M. Georges Tron, Président : J’ai plutôt eu l’impression ce matin que M. Bertrand Munch craignait moins de voir France Domaine devenir propriétaire unique que de ne plus pouvoir continuer à gérer lui-même son patrimoine.

M. Olivier Debains : La SOVAFIM, qui se situe à la frontière entre l’État et le secteur privé, peut être l’un des outils sur lesquels l’État s’appuierait pour gérer une partie du patrimoine public, afin de montrer qu’une gestion intelligente des actifs est possible.

M. Jean-François Vitoux : Pour ce qui la concerne, la SNI peut également procurer un apport en la matière. En tout cas, la segmentation est une question importante car il existe, à côté des biens fongibles, que l’on peut transférer à une Foncière qui saura sans difficulté les gérer et arbitrer, des biens dont on n’est pas sûr qu’à l’horizon de dix ou quinze ans ils dégageront de la valeur. Il faut donc un partenariat avec des opérateurs qui soient capables de s’engager sur du long terme afin d’accompagner l’État dans des opérations complexes qui non seulement ne dégageront pas de valeur, mais auront un coût, et qui ne peuvent donc relever d’une logique purement privée.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Les outils permettant les opérations de construction, de rénovation et d’entretien sont éclatés entre les ministères et ne sont pas toujours performants. Ne pourrait-on rationaliser les interventions en la matière, par exemple par locaux et par zone géographique, ce qui permettrait des délais plus brefs qu’aujourd’hui et des coûts moindres ?

M. Jean-François Vitoux : S’il faut distinguer ce qui relève de la propriété de ce qui dépend de la gestion, il convient à tout le moins, à défaut d’un transfert permettant de gérer le patrimoine à l’échelle de l’État ou à celle de classes d’actifs, de disposer de moyens communs. En effet, un ministère de taille modeste n’a pas la capacité d’élaborer, à échéance de cinq ou sept ans, un programme prévisionnel d’entretien, ne serait-ce qu’en raison des évolutions réglementaires constantes ou, par exemple, de la complexité des conditions de renégociation des baux.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Même un ministère censé pourtant disposer de compétences importantes dans le domaine juridique, a connu récemment des déboires en matière de baux.

M. Jean-François Vitoux : Un schéma prévisionnel de stratégie immobilière doit prendre en compte à la fois le besoin en mètres carrés et le coût de maintenance, et de nombreux opérateurs sur le marché sont capables aujourd’hui d’aider l’État en la matière. C’est ce que nous avons proposé aux ministères de l’Intérieur et de la Défense, mais l’on se heurte alors au problème, soulevé par le président, de l’émiettement infraministériel : alors qu’un programme de réhabilitation des bâtiments et des logements d’une garnison pourrait être optimisé sur quatre ans, l’absence de stratégie prévisionnelle conduit à émietter les engagements, même si cinq fois vingt ne font pas cent en termes de coût d’échelle et de prestation.

En tout cas, des prestataires même autres que la SNI sont capables d’accompagner l’État en matière d’ingénierie, à condition, au préalable, que quelqu’un accepte de prendre les décisions, puis d’en assumer les conséquences, car tout schéma de stratégie immobilière conduit à faire des mécontents, sachant qu’à l’horizon de vingt ans l’État a tout intérêt à être locataire plutôt que propriétaire.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Sa mauvaise opération dans l’affaire des anciens ateliers de l’Imprimerie nationale n’a pas moins permis au ministère des Affaires étrangères de disposer de locaux en cinq ans. En effet, les spécialistes de l’immobilier du ministère ont estimé que l’État aurait probablement mis pas moins de vingt ans pour effectuer la même opération de rénovation. Ne pourrait-on pas trouver des opérateurs qui agiraient plus efficacement pour l’État ?

M. Jean-François Vitoux : On peut trouver des opérateurs, y compris dans le secteur parapublic. Tout est affaire de volonté et de stratégie, encore qu’une stratégie en la matière soit plus facile à suivre dans une phase de développement que dans une phase de ralentissement d’occupation des surfaces, parce qu’à la difficulté technique et financière s’ajoute alors une difficulté humaine. La réduction des mètres carrés est plus facile à réaliser que celle des effectifs.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : On peut se demander dans ces conditions si l’objectif annuel de cession immobilière, qui pousse à vendre le plus cher possible avant même de savoir ce que l’on peut acheter, cela dans un temps très court qui n’est pas forcément celui du marché, ne se heurte pas à la vision stratégique souhaitée en la matière.

M. Georges Tron, Président : Il a toujours été clair pour nous que ce n’est pas le montant des cessions qui serait le critère déterminant pour apprécier les opérations envisagées. Pour autant, cet objectif annuel a le mérite de permettre un contrôle du volume des cessions de la part des parlementaires. J’en veux pour preuve l’opération effectuée par le ministère de la Culture rue des Bons-Enfants.

M. Olivier Debains : La cession est, à défaut de mieux, le moyen le plus efficace que l’on ait trouvé pour faire bouger les choses, à condition qu’on ne considère pas le volume de cession comme l’indicateur de la performance de la politique immobilière de l’État.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Notre logique n’est pas la cession à tout prix – comme l’ont d’ailleurs montré nos interrogations concernant l’opération du ministère des Affaires étrangères rue Monsieur –, mais la gestion la plus mutualisée et la plus interministérielle possible, particulièrement en matière de bureaux.

M. Christian de Kérangal : S’il est indispensable d’avoir une stratégie et un pilote, encore faut-il également des outils de pilotage globalisés qui permettent d’opérer des comparaisons en matière de performance immobilière. À cet égard, IPD, société britannique créée en 1985, dont l’objectif unique est d’analyser la performance, soit financière, soit immobilière, du portefeuille immobilier d’investisseurs et de grands utilisateurs, s’est vu confier en Grande-Bretagne la mise en place d’un système de suivi de la performance immobilière, y compris environnementale, de l’ensemble des immeubles civils occupés par le gouvernement britannique, soit 10 500 immeubles, 300 sites, 14 millions de mètres carrés, pour une valeur de 45 milliards d’euros, avec obligation pour l’ensemble des occupants d’immeubles de bureaux d’adhérer au système de benchmarking, ou de comparaison de performance des uns avec les autres, d’ici mars 2009.

Après analyse de 600 000 mètres carrés, il est déjà possible de cerner deux grands axes d’économies potentielles : d’une part, la vente des immeubles sous-occupés, et, d’autre part, la rationalisation et la densification de l’espace de travail – secteur où, en revanche, on manque en France d’indicateurs y compris dans les groupes privés parfois –, le tout selon une approche globale des coûts.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Si l’expérience s’est révélée intéressante pour le gouvernement britannique, peut-être n’aurons-nous pas à réinventer ce que d’autres ont réussi…

M. Christian de Kérangal : Pour parvenir à ce résultat, la première étape a été de standardiser les définitions, par exemple celles de l’occupant ou de la surface occupée par agent.

La deuxième étape a été de créer une base de données homogène et cohérente – ce qui est d’autant plus faisable ici que l’on en est au début de la centralisation. Cette base, commune aux ministères – qui ont obligation d’y entrer toutes informations utiles, depuis le nombre de mètres carrés, d’agents et de postes de travail jusqu’à la consommation énergétique de chaque immeuble –, est gérée par l’Office of Government Commerce qui dépend du ministère du Trésor, et elle est à jour.

Une fois ces deux étapes accomplies, il a alors été possible de mettre en place des batteries d’indicateurs clés qui permettent d’aider à la définition d’une stratégie, d’en suivre la mise en œuvre et de mettre en place des actions correctrices, mais également de faire passer les décisions difficiles : dans une phase de réduction du nombre de mètres carrés par ministère, si la moyenne d’une administration est de 50 mètres carrés par agent, il est plus facile de faire comprendre, si la moyenne générale est de 23, qu’il y a un effort à faire.

M. Georges Tron, Président : Tout dépend de la définition que l’on retient du mètre carré.

M. Christian de Kérangal : Il en va de même pour le privé : si l’on sait à peu près ce qu’est une surface utile brute locative, les choses se compliquent dès que l’on aborde la notion de surface utile nette.

M. Christian Cléret : Pour revenir à l’analyse de la résistance à la réforme, l’expérience vécue par La Poste montre qu’à côté de la crainte d’une perte de pouvoir, l’administration a un véritable besoin de clarification des règles de gestion, de précision des champs de liberté – le ministère des Finances pourra-t-il, par exemple, toujours décider seul de l’opportunité d’ouvrir une trésorerie générale ? – et de professionnalisation du processus, car le fait de transférer des compétences à des entités qui ne sont pas encore prêtes, inquiète énormément. Ce qui est en cause, c’est beaucoup plus que la signature d’un bail commercial. Le manque d’information sur les responsabilités des uns et des autres ne peut qu’engendrer de l’inquiétude, voire de l’angoisse, surtout si l’on estime que tel ou tel partenaire n’a pas les moyens d’assumer les responsabilités qu’on envisage de lui confier.

M. Georges Tron, Président : L’immobilisme peut aussi s’expliquer par le fait que les administrations restent, tandis que les pouvoirs politiques passent. Or les symboles du pouvoir – décret d’attribution, effectifs, immobilier – sont ce qui fait la force d’un ministère. Les raisons des freins à la réforme sont aussi élémentaires que cela. Après des opérations comme celle de la rue de la Convention pour le ministère des Affaires étrangères, rappelée par le Rapporteur, on ne peut en tout cas que constater, au-delà de toute explication psychologique, une sous-culture en matière de gestion de l’immobilier en bon père de famille.

M. Christian de Kérangal : Il faut que l’État ait la vision la plus globale possible de son immobilier, l’objectif étant la rationalisation de l’espace. À cet égard, il est prévu au Royaume-Uni 2 milliards d’euros d’économies par an à partir de 2013, dont 930 millions d’euros provenant de la vente de locaux non occupés et 770 millions d’euros de la rationalisation et de la densification de l’espace de travail. Il n’y a pas un agent qui, en Grande-Bretagne, bénéficiera à terme de plus de 12 mètres carrés par poste de travail, décision qui a été douloureusement vécue par les intéressés.

Il faut, en outre, que l’État se dote d’outils de pilotage et de diagnostic centralisés qui permettent d’élaborer une stratégie, de la suivre et, si nécessaire, de la modifier.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : C’est le même ratio de 12 mètres carrés qui a été retenu ici à la suite d’une étude d’IPD pour France Domaine. Malgré nos différences, le bon sens nous a permis d’arriver au même résultat que la perfide Albion !

J’ai en tout cas retenu des interventions de ce matin que ce qui doit nous guider dans ces réformes, c’est la rationalisation de l’espace de travail au bénéfice des personnes accueillies, des fonctionnaires et de leurs conditions de travail ainsi que de l’État, grâce aux économies qu’il pourra en tirer.

Auditions du 31 janvier 2008

a) à 9 h 30 :

M. Didier Lallement, secrétaire général, Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale du personnel et de l’administration (DGPA) et M. Dominique Figeat, délégué à l’action foncière du ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durable (MEDAD)

Présidence de M. Georges Tron

M. Georges Tron, Président : Je suis très heureux de vous accueillir pour cette nouvelle séance de la MEC de la commission des Finances que j’ai l’honneur de présider avec M. Habib. Je rappelle que la MEC est coprésidée par un député de la majorité et un de l’opposition, les rapports étant eux-mêmes cosignés par un rapporteur de la majorité et un de l’opposition. Je vous prie, à ce propos, de bien vouloir excuser l’absence de M. le rapporteur Jean-Louis Dumont.

Je salue M. le rapporteur Yves Deniaud, de même que MM. Yves Gleizes et Claude Lion, représentants de la Cour des comptes, ainsi que MM. Lourdin et Dumas qui, au titre du Conseil pour l’immobilier de l’État (CIE), que j’ai également l’honneur de présider, participent aussi à nos travaux.

L’intérêt étant que nos débats soient aussi vivants que possible, je vous remercie de bien vouloir répondre de manière rapide et précise aux questions qui vous seront posées.

Les rapports sur l’immobilier de l’État qui ont d’ores et déjà été rédigés donnent lieu à un suivi de la part de la MEC car nous sommes attentifs à ce que nos préconisations soient prises en compte. Nous avons déjà eu l’occasion d’auditionner une grande partie des représentants des ministères ; au titre du CIE, nous avons également reçu de nombreux responsables de la fonction immobilière dans les ministères, notamment à l’occasion des auditions des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI). Le processus de réforme ayant été initié voilà deux ans et demi, nous souhaitons maintenant examiner la nature des progrès réalisés ministère par ministère, eu égard aux suggestions que nous avons formulées.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Le rapport de la MEC de juillet 2005 a dénombré jusqu’à sept services gestionnaires de l’immobilier de l’ancien ministère de l’équipement. À ceux-là s’ajoutent maintenant ceux de l’ancien ministère de l’Écologie ainsi que de la direction générale de l’énergie et des matières premières. Quelles sont les actions entreprises pour unifier la fonction immobilière du MEDAD ?

Face aux grandes directions sectorielles, quelle est l’autorité effective, respectivement, du secrétaire général de l’administration, de la direction générale du personnel et de l’administration ainsi que de la délégation à l’action foncière ?

M. Didier Lallement : La recomposition du MEDAD est fondée sur les différentes missions de l’équipement, de l’environnement, de l’énergie et de l’aménagement du territoire, suivant en cela le même principe que celui qui a prévalu au ministère de l’équipement où le secrétaire général est responsable de la gestion immobilière depuis la fin de 2005. Un nouveau décret d’organisation du ministère sera publié à la fin du mois d’avril ou au début du mois de mai précisant que les fonctions administratives, financières et immobilières seront regroupées au sein du secrétariat général.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Où en est le projet de regroupement des services centraux du ministère sur le site de La Défense dans une tour qui doit être construite sur une branche délaissée du boulevard circulaire ? Ce projet suscite des interrogations dans la mesure où le calendrier de l’opération projetée - 2014 ? -, son coût réel, son financement, son bilan d’ensemble et l’évolution des surfaces – 100 000 m² ? – ne sont pas clairement établis.

Qui assurera la maîtrise d’ouvrage de cette opération ?

M. Didier Lallement : Dans un premier temps, nous voulons limiter le nombre de nos implantations et quitter l’avenue de Ségur, conformément à la décision de M. le ministre d’État figurant dans les « lettres de préfiguration » confiées à ceux qui doivent réorganiser l’administration centrale. La fermeture de ce site y est donc explicitement mentionnée ainsi que le regroupement de ses 850 agents sur le site de La Défense existant – l’Arche et les tours Pascal – mais également des 170 agents qui travaillent dans l’immeuble de la place de Fontenoy et qui relèvent de la direction des affaires maritimes.

Les futures directions générales que nous sommes en train de constituer seront composées d’un certain nombre de services qu’il convient d’installer au même endroit. Le déménagement devrait avoir lieu au début de 2009. Nous avons besoin d’un peu moins de 20 000 m² que nous pensons trouver dans la paroi Nord de l’Arche et dans la tour Voltaire. J’ajoute que ce regroupement à La Défense ne concerne pas la direction interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), installée au ministère de l’Intérieur rue de Penthièvre, ni la direction générale de l’aviation civile (DGAC), propriétaire de son bâtiment. Le futur loyer sera quant à lui à peu près équivalent à l’actuel.

Dans un deuxième temps, nous procéderons au rassemblement des fonctions de l’ex- ministère de l’industrie actuellement dispersées sur deux sites, dans les XIIIè et XIIè arrondissements. Il faudra, là encore, trouver de l’espace pour accueillir ces services.

Dans un troisième temps, enfin, nous projetons en effet la construction d’une tour. Nous discutons avec l’établissement public d’aménagement de La Défense (EPAD) afin de savoir s’il est possible de récupérer des terrains issus des aménagements que l’EPAD veut réaliser dans le cadre du plan de relance de La Défense, notamment en réutilisant un certain nombre de voiries. Les possibilités d’implantations existent donc. Nous devrons bien entendu être exemplaires sur le plan de la qualité environnementale.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Quel(s) ministère(s) paiera ou paieront le loyer budgétaire de l’immeuble de l’avenue de Ségur en 2008 ? Sa cession est-elle envisageable et dans quel délai ? Enfin, pourquoi cet immeuble est-il inscrit pour 270 millions au tableau général des propriétés de l’État (TGPE) alors que sa valeur vénale est manifestement supérieure ?

M. Didier Lallement : Nous avons en effet l’intention de vendre, en accord avec le ministre du Budget, l’immeuble de l’avenue de Ségur et nous espérons à cette occasion réaliser un certain nombre d’opérations immobilières. Nous assumerons les loyers budgétaires jusqu’à notre départ qui aura donc lieu, vraisemblablement, au début de 2009. Ces loyers s’élèvent à 9,345 millions ; si l’on y ajoute ceux de l’inspection générale de l’environnement, installée avenue de Suffren, ils se chiffrent à environ 9,8 millions, ce qui correspond à la location de la paroi nord de l’Arche et de la tour Voltaire. Nous souhaitons quitter l’avenue de Ségur en raison du coût de réhabilitation de l’immeuble et parce qu’il serait bien entendu absurde de multiplier les implantations.

Une partie des services est par ailleurs hébergée place de Fontenoy : la direction des affaires maritimes - qui relève de l’administration du MEDAD - l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM), l’administration de la pêche - qui relève du ministère de l’agriculture – et le secrétariat d’État à la ville. Nous souhaiterions que la direction des affaires maritimes soit implantée à La Défense dès le début de 2009. M. le ministre d’État voudrait néanmoins conserver les locaux de la place de Fontenoy pour en faire une Maison de la mer.

Au final, notre objectif est d’avoir deux implantations principales : La Défense et le boulevard Saint Germain - en indemnisant le ministère des affaires étrangères de la partie qu’il libérera au début de 2009 – où seront hébergés quatre cabinets ministériels.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : D’après le contrôle sur pièces et sur place que j’ai effectué en septembre 2007, le loyer total, entre les locaux du MEDAD et ceux du MINEFI, s’élève à 13,5 millions. Cela signifie donc, compte tenu de ce que vous venez de dire, que la part du MINEFI représente 4 millions.

M. Didier Lallement : Absolument.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : D’un point de vue sémantique, je rappelle que les ministères ne sont pas propriétaires : c’est l’État. Un ministère ne vend ni n’achète tel ou tel bien : c’est l’État qui procède à des affectations. Nous souhaitons donc fermement que l’État soit propriétaire unique et que France Domaine en soit l’unique bras séculier !

Je m’inquiète un peu s’agissant de la cession des biens immobiliers de la place de Fontenoy. Une Maison de la mer, soit, mais des impératifs de bonne gestion immobilière impliquent sans doute d’envisager également autre chose.

M. Didier Lallement : En tant que membre du corps préfectoral, je me considère d’abord comme un représentant de l’État. Le fait que ce soit l’ENIM, et non l’État, qui soit principalement concerné par la gestion de l’immeuble de la place de Fontenoy explique peut-être nos difficultés méthodologiques quant au devenir de cet établissement, sachant en outre qu’un certain nombre de parlementaires y sont très attachés pour de fortes raisons symboliques.

Nous aurons par ailleurs besoin d’utiliser cet immeuble dans le cadre du déménagement et de l’aménagement des locaux du boulevard Saint Germain, de même qu’ils seront utiles, pendant la transition, pour des cabinets ministériels. Néanmoins, à terme, la question du devenir de la Place de Fontenoy se posera et il va de soi que le bouclage financier de cette opération est impératif. Cela nécessite un taux de restitution d’autant plus précis que nous voulons construire un bâtiment sur le site de La Défense.

M. Georges Tron, Président : Comment appréciez-vous le distinguo entre l’État et l’ENIM ? Qui entretient le bâtiment où se trouve l’ENIM ? Un établissement public ne doit-il pas être considéré comme partie intégrante du patrimoine immobilier de l’État ?

Le rapport de la MEC avait en outre établi que le patrimoine des établissements publics est à peu près comparable, voire, supérieur à celui de l’État. Un grand nombre d’établissements publics détenteurs de patrimoines comparables gravitent-ils dans l’orbite du MEDAD ?

M. Didier Lallement : Le distinguo est avant tout politique. Juridiquement, c’est l’ENIM qui entretient le bâtiment, mais la tutelle de l’État y est patente. L’ENIM, toutefois, est un cas un peu particulier compte tenu de sa mission et si nous annoncions son déménagement sur un littoral, par exemple, les réactions ne se feraient pas attendre !

L’ex-ministère de l’environnement s’est par ailleurs beaucoup structuré en établissements publics, avec une administration centrale assez réduite. Tel n’était pas le cas de l’ancien ministère de l’équipement. Nous nous efforçons donc, dans le cadre de la revue générale des politiques publiques (RGPP), de réaliser un inventaire précis des modes de gouvernance et des propriétés foncières des établissements publics.

La différence de taille des directions est par ailleurs éloquente : 450 à 500 personnes pour l’ex-ministère de l’équipement contre une centaine de personnes pour l’ex-ministère de l’environnement.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Comment France Domaine est-il associé à ces différentes opérations ? Quel contrôle le secrétariat général du MEDAD exerce-t-il sur ces immeubles des établissements publics ?

Si le TGPE est clair pour les immeubles des services de l’État, il n’en est pas de même de ceux des opérateurs : nous ne connaissons ni la nature ni la valeur de leur patrimoine.

M. Didier Lallement : Rien ne se fait sans France Domaine, dont nous partageons les objectifs de rationalisation du patrimoine. M. le ministre d’État a pris une décision courageuse en décidant le déménagement de l’immeuble de l’avenue de Ségur. La gestion de cette opération, du point de vue du management, sera assez lourde compte tenu des différentes culturelles entre le ministère de l’environnement et celui de l’équipement. Nous connaissons par ailleurs l’attachement du monde maritime à l’immeuble de la place de Fontenoy.

Mon action consiste à assurer sur les établissements publics le même type de pilotage que celui que j’assure d’un strict point de vue administratif. Sauf exceptions, ces derniers ne sont pas propriétaires de leur patrimoine, mais nous nous attachons à en faire l’inventaire. Il est clair, par ailleurs, que la tutelle administrative sur un certain nombre d’établissements publics était jusqu’ici plus ou moins directe. Sa rationalisation, enfin, aura forcément un impact foncier.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Le MEDAD peut-il indiquer le coût budgétaire annuel de l’immobilier qu’il occupe, en distinguant par grandes rubriques : acquisitions, entretien, grosse réparation et maintenance, dépenses de fonctionnement… Quels sont les ratios de coût par m² et de coût par agent ? Quelles sont les surfaces occupées, en distinguant surface hors œuvre nette (SHON), surface hors œuvre brute (SHOB), surface utile brute (SUB), surface utile nette (SUN) ?

Quelle est la valeur du ratio de performance environnementale des immeubles du MEDAD en kilowatt/heure par m² ? Quelles sont les mesures envisagées par le MEDAD pour améliorer ce ratio dans la prolongation du Grenelle de l’environnement ?

M. Didier Lallement : Le nombre d’implantations du MEDAD représente 31 administrations centrales et 7 325 services déconcentrés, soit un total de 7 356. La surface de l’administration centrale en m² SHON est de 251 900 m² ; celle des services déconcentrés, de 2 683 000 m², soit un total de 2 934 900 m². Le nombre d’agents s’élève à 72 470, dont 7 470 en administration centrale. Je remettrai à M. le président un document exhaustif à ce sujet.

En ce qui concerne les dépenses immobilières, le montant des coûts de fonctionnement du tertiaire pour le ministère de l’équipement, s’agissant de l’administration centrale, s’élevait à 42 millions et à 71 millions pour les services déconcentrés. Le coût d’entretien, quant à lui, atteignait 2,9 millions pour l’administration centrale et 11,4 millions pour les services déconcentrés.

Les ratios coût-moyens de fonctionnement tertiaire par agent étaient de 2 210 euros, pour un coût moyen d’entretien par m² de 10,10 euros.

S’agissant du ratio environnemental, une enquête avait été menée voilà quelques années sur les consommations d’énergie, en trois ans, du parc immobilier du ministère de l’équipement. Le niveau moyen de consommation annuelle s’élevait à 195 kilowatts/heure par m².

Nous menons par ailleurs actuellement une campagne afin de programmer les premiers travaux à effectuer dans le domaine énergétique. Enfin, M. le ministre d’État a demandé de réaliser des bilans « carbone » sur l’ensemble de nos implantations immobilières.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Le rapport Pommelet d’octobre 2003 concluait que 3 millions de m² pouvaient être à court et moyen termes cédés par RFF, la SNCF, la RATP et le ministère de l’équipement afin de faciliter la construction de logements sociaux en Île-de-France.

Le rapport estimait que, à plus long terme, 10 millions de m² pourraient également être mobilisables.

Quatre ans après le rapport, quel est le bilan de cette politique de mobilisation foncière ? Comment s’articule l’action de la délégation interministérielle pour le développement de l’offre de logements (DIDOL) du ministère du logement avec la délégation à l’action foncière du MEDAD ?

M. Didier Lallement : Nous avons en effet été, dans l’ex-ministère de l’équipement, à l’origine de ce programme puisque la délégation à l’action foncière dont M. Figeat, ici présent, est le délégué, avait cette double vocation : être un interlocuteur pour tout ce qui concerne le patrimoine et permettre la libération d’un certain nombre de terrains afin de construire des logements.

M. Dominique Figeat : Suite au rapport Pommelet, le ministère de l’équipement a procédé à des cessions, essentiellement en Île-de-France, permettant ainsi au Gouvernement, durant l’été 2005, de lancer un programme interministériel portant plus précisément sur la cession de 600 hectares en 2006, 2007 et 2008 afin de réaliser la construction de 30 000 logements.

Le ministère de l’équipement est, avec celui de la défense, le principal concerné par ce programme, son patrimoine foncier et celui des établissements publics placés sous sa tutelle représentant entre la moitié et les deux tiers des objectifs indiqués.

Une première évaluation de ces opérations réalisée à la fin de 2006 montre que le programme a été correctement exécuté puisque, en 2006, 40 % des cessions prévues avaient déjà été réalisées. Nous publierons bientôt le bilan de 2007 qui témoignera encore d’une évolution positive.

Sur les trois années qui ont été fixées par le Premier ministre d’alors, les objectifs seront atteints et peut-être dépassés. M. Fillon a, quant à lui, souhaité que ce programme soit poursuivi et amplifié. Il a ainsi signé en décembre dernier une circulaire à destination des administrations centrales et des préfets leur demandant de préparer un programme pour la période 2008-2012 qui portera sur plus de 1 000 hectares et permettra la réalisation de 60 000 logements. La délégation à l’action foncière est chargée de le préparer avec les partenaires cités.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Qu’adviendra-t-il de l’immeuble de l’école des Ponts et Chaussées, situé rue des Saints Pères ?

M. Didier Lallement : Sa cession est en effet prévue et aura lieu rapidement, l’idée étant de créer un grand pôle scientifique et technique à Marne-la-Vallée, autour de la Cité Descartes, permettant de rassembler un certain nombre d’établissements publics de l’ex-ministère de l’équipement, le laboratoire central des Ponts et Chaussées, le service d’études techniques des routes et autoroutes (SETRA) et l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (lNRETS).

M. Yves Deniaud, Rapporteur : L’École nationale des Ponts et Chaussées conservera-t-elle des locaux boulevard Saint Germain ?

M. Didier Lallement : La totalité de l’École quittera Paris, même si nous avions envisagé, à l’origine, qu’une partie en soit transférée boulevard Saint Germain afin de rapprocher les étudiants des cabinets ministériels. Cette idée audacieuse n’a pas connu de suite. L’association des anciens élèves sera néanmoins hébergée boulevard Saint Germain mais cela ne représente que quelques m².

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Les conditions de transfert boulevard Saint Germain ont-elles été définitivement arrêtées entre le ministère des affaires étrangères et le MEDAD ?

M. Didier Lallement : Pas encore. Les discussions se poursuivent avec le ministère des affaires étrangères et France Domaine.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Cela sera réglé quand le ministère des affaires étrangères aura intégré les somptueux locaux de la rue de la Convention…

Comment le ministère prépare-t-il l’élaboration prévue cette année des SPSI de ses services déconcentrés, dans le cadre plus général de la RGPP et de la réorganisation des services de l’État en département et en région ?

Quel bilan peut-on faire des loyers budgétaires dans les services centraux ? Comment se présente leur extension aux services déconcentrés ?

Le MEDAD est l’un des ministères qui dispose des plus fortes compétences en matière immobilière, tant pour la construction que pour l’entretien. Comment organise-t-il l’entretien des immeubles domaniaux ? Quelle est sa participation à l’expérimentation de la mutualisation de l’entretien en région Rhône-Alpes : recensement des besoins et des compétences, programmation des travaux, mise en commun de moyens budgétaires ?

Les personnes précédemment auditionnées par la MEC font état d’un manque de directives reçues par les directions départementales et régionales de l’équipement, comme d’ailleurs des autres services déconcentrés de l’État. De manière plus générale, comment avez-vous organisé l’information de vos services sur la nouvelle politique immobilière de l’État ?

M. Didier Lallement : S’agissant des SPSI du parc immobilier de l’administration territoriale, nous avons achevé en 2007 l’inventaire concernant les 24 départements cible. Nous vous en présenterons la synthèse dans les prochains jours.

En 2008, il est prévu de réaliser la partie dite stratégique de ces schémas, suivant en cela la méthodologie fixée par France Domaine. Toutes les nouvelles opérations doivent tendre à l’unification des implantations immobilières, le schéma que j’ai présenté tout à l’heure étant également valable pour les services déconcentrés. Notre projet vise, en l’occurrence, à regrouper dans un même service et sous une même direction les directions régionales de l’équipement (DRE), les directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE) et les directions des ressources énergétiques et minérales (DIREM) pour les transformer en directions régionales de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables (DREDAD), ce qui revient à fusionner les trois services régionaux.

Sur le plan départemental, cela revient à fusionner les directions départementales de l’équipement (DDE) et les directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF). Une circulaire du Premier ministre vient d’ailleurs de lancer cette opération à la suite d’une expérimentation de regroupements menée dans huit départements. Nous généraliserons cette fusion en deux temps ; ses conséquences sur le schéma immobilier territorial seront très lourdes.

Le chantier de la fusion organisationnelle s’étalera sur environ trois ans pour les directions régionales et sur deux ans pour les directions départementales. Ce schéma n’est pas complètement achevé en termes de périmètre des regroupements, le Premier ministre n’ayant pas rendu tous les arbitrages, mais les conséquences immobilières peuvent être significatives : le logement sera-t-il dans le périmètre des DRE ou des DDE ? La partie des DRIRE qui travaille sur le développement industriel demeurera-t-elle dans cette structure ? Le MINEFE envisage-t-il de regrouper ses services économiques dans une direction régionale ad hoc ? Souhaite-t-il laisser au sein des DRIRE les petites entités dont c’est la mission ? Dans ce cas, celles-ci seront sous le double pilotage du MEDAD et du MINEFE. Quoi qu’il en soit, nous pourrons vous fournir des informations plus précises d’ici quelques mois.

S’agissant de l’expérimentation lyonnaise, je suis un peu surpris, n’ayant pas reçu de remarques particulières à ce propos.

M. Dominique Figeat : Je vous confirme que le ministère a fait part de son vif intérêt quant à cette expérimentation, comme j’ai moi-même eu l’occasion de le dire au sein du comité (COMO) réunissant l’ensemble des administrations centrales sous la présidence de Jean-Pierre Lourdin. Les services régionaux ont reçu toutes les informations et les instructions nécessaires, mais nous attendons toujours un dispositif précis concernant le protocole de cette expérimentation. Nos services, en tout cas, sont prêts à y travailler.

M. Georges Tron, Président : Je vous remercie.

b) à 10 h 30 :

M. Éric Lucas, directeur de la Mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA), et M. Jacques Brucher, chef de la Mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI) au ministère de la Défense

Présidence de M. Georges Tron

M. Georges Tron, Président : Messieurs, je vous remercie d’avoir répondu à l’invitation de la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.

Comme vous le savez, nous bénéficions pour nos auditions du concours de la Cour des comptes, représentée aujourd’hui par MM. Jacques Rigaudiat, conseiller maître et Claude Lion, conseiller référendaire. Je salue également la présence de notre Rapporteur, M. Yves Deniaud, ainsi que de M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du conseil de l’immobilier de l’État, que j’ai l’honneur de présider, et de M. Philippe Dumas, inspecteur général des Finances, qui travaille depuis longtemps sur les questions immobilières.

Lors de la préparation de ses deux premiers rapports sur l’immobilier de l’État, la MEC a déjà entendu plusieurs fois les représentants de la mission de réalisation des actifs immobiliers – MRAI. L’exercice auquel je vous remercie de bien vouloir bien vous prêter n’a d’intérêt pour nous que s’il s’inscrit dans la perspective des préconisations de ces rapports, et non s’il consiste à justifier l’existant.

L’enjeu pour nous est de savoir sur quelles pistes vous travaillez pour vous inscrire dans la réforme lancée par le gouvernement précédent et reprise par le gouvernement actuel.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : La commission des Finances a demandé à la Cour des comptes une enquête sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui. L’impression générale donnée par ce rapport est que le ministère de la Défense semble se prévaloir d’un particularisme fort – qui est, au demeurant, peu contestable – pour se tenir à l’écart des évolutions de la nouvelle politique immobilière de l’État.

S’agissant du parc immobilier, la Cour des comptes indique que le ministère de la Défense dispose de 30 000 emprises représentant 52,3 millions de mètres carrés de surface utile, pour une valeur de 19 milliards d’euros inscrite au bilan de l’État. Cet ensemble, qui correspond à 43 % du parc immobilier de l’État, est très hétérogène : bureaux, terrains, cantonnements et bases militaires, monuments historiques, nécropoles, installations industrielles, logements… La Cour note une connaissance du parc encore très imparfaite, ainsi qu’une évaluation qui reste encore à fiabiliser. Les systèmes d’information sur la gestion immobilière sont multiples et insuffisants. Le ministère est dépourvu de système central de gestion domaniale : le progiciel SAGRI, qui n’est pas alimenté depuis 2006, est en fin de vie et le projet SAGRI 2, qui devait lui succéder, n’a jamais fonctionné. Un nouveau progiciel est prévu cette année : va-t-il enfin entrer en service ?

Le ministère de la Défense peut-il également nous indiquer le coût budgétaire annuel de son immobilier, en distinguant par grandes rubriques : acquisitions ; entretien, grosses réparations et maintenance, dépenses de fonctionnement ?

La Cour des comptes a relevé que d’importants crédits immobiliers échappent au Secrétariat général pour l’administration – SGA – et sont gérés directement par les états-majors. Il n’est pas fait de distinction entre les dépenses de gros entretien et celles d’entretien courant. Quelles sont les perspectives d’amélioration de cette situation ?

M. Éric Lucas : On ne peut affirmer que le ministère de la Défense invoque systématiquement un particularisme pour échapper aux réformes. Comme les autres, il a suivi depuis 2005 les orientations de la politique interministérielle, tant en ce qui concerne le changement de statut de l’administration des domaines que pour la mise en place des loyers budgétaires, la politique de cession de biens immobiliers demandée par l’État et le Parlement, l’élaboration des schémas pluriannuels de stratégie immobilière – les SPSI –, la libération du foncier au profit de la politique du logement, ou encore la mise en place du compte d’affectation spéciale immobilier, le ministère étant, comme les autres, doté d’un budget opérationnel de programme, BOP.

Le ministère de la Défense a bien pour objectif de réduire le coût de son immobilier, tant en emprise qu’en entretien. Il dispose en effet d’emprises qui deviennent inutiles et qu’il n’a plus les moyens d’entretenir.

Par ailleurs, il a mené depuis trois ans ses propres réformes en matière d’immobilier. Dans le cadre de la LOLF, une partie des crédits de l’immobilier – environ un milliard d’euros, soit la moitié du total – a été regroupée au sein des crédits gérés par le secrétariat général pour l’administration (SGA). Nous aurions également souhaité regrouper les crédits de la gendarmerie, mais le Parlement en a décidé autrement. Cette procédure permet d’identifier les crédits dédiés à l’immobilier et de réaliser des arbitrages au sein du seul domaine immobilier, et non plus entre l’immobilier et d’autres secteurs.

En outre, comme cela nous était demandé depuis des années, nous avons mis en place un service d’infrastructures de la défense par la fusion des trois grandes directions centrales de services d’infrastructure. Nous renforçons aussi l’interarmisation du réseau dans le cadre de la RGPP.

Alors que l’application de la LOLF aurait pu conduire à un éclatement des responsabilités en matière immobilière, nous avons accru les pouvoirs de la direction de l’immobilier : c’est elle qui pilote les crédits de politique immobilière du SGA ; le secrétaire général pour l’administration et le directeur de la Mémoire, du patrimoine et des archives président les comités de coordination de la fonction immobilière.

Nous poursuivons notre travail sur la segmentation du patrimoine, destinée à déterminer ce qui peut être cédé et ce qui ne peut l’être, de même que nous poursuivons l’élaboration de schémas directeurs interarmées – SDIA – en complément des SPSI. Alors que les SPSI sont adaptés pour l’immobilier de bureaux, les SDIA visent à reconcentrer l’immobilier à l’échelle de grandes emprises comme, par exemple, Toulon, Brest ou Belfort. Nous en avons conclu sept ou huit. Actuellement, l’instruction des nouveaux dossiers est stoppée dans l’attente des décisions relatives au plan de stationnement des forces.

Nous souhaitons poursuivre le regroupement des crédits d’entretien sur le programme du SGA, améliorer la connaissance des coûts d’entretien, clarifier les responsabilités – je voudrais notamment supprimer la notion d’attributaire au sein du ministère de la Défense pour la remplacer par celle d’occupant, corrélat de celle d’État propriétaire unique –, procéder à une séparation des rôles entre la DMPA, chargée de la politique immobilière, et le service des infrastructures, chargé de l’entretien.

Il faut également fiabiliser les systèmes d’information, réduire les délais de cession, dont la Cour des comptes a démontré qu’ils s’élevaient à six ans en moyenne, et enfin adapter l’infrastructure aux exigences en matière d’environnement.

Même si nous souhaitons, malgré tout, maintenir quelques spécificités, et même si nous bénéficions de quelques dispositifs dérogatoires, tout ce que le ministère a réalisé en interne s’inscrit dans la politique interministérielle.

Nous avons également donné suite aux critiques adressées par la Cour des comptes au sujet de la connaissance imparfaite du parc immobilier.

Au 1er janvier 2002, le patrimoine immobilier domanial de la défense en métropole représentait 263 000 hectares ; en mai 2007, le tableau général des propriétés de l’État – TGPE – recensait 252 000 hectares. Entre 2002 et octobre 2007, le montant des cessions encaissées s’est élevé à 325 millions d’euros. Au 1er janvier 2007, le montant correspondant à des actes de vente signés ou à des arrêtés de changement d’affectation en attente d’encaissement est de 60 millions. Il existe également 83 millions correspondant à des décisions de remise aux services fiscaux qui n’ont pas encore donné lieu à un acte de vente. La politique de cession du ministère se poursuit donc à un rythme normal.

La connaissance imparfaite du parc tient à des disparités dans les notions utilisées. Le système SAGRI, que nous avons essayé, sans succès, de moderniser, se référait plutôt à des emprises ou à des sites, ce qui n’a rien à voir avec les notions d’unité immobilière ou d’unité administrative du TGPE. Une personne de ma direction se consacre entièrement à la fiabilisation des emprises avec France Domaine. Le nouveau système que nous mettons en place sera interfacé avec le TGPE de façon à ce que les données concernant la surface et la valorisation soient les mêmes dans les deux systèmes. Je n’ai pas dans ma documentation la date précise de sa mise en œuvre, mais je pourrai vous donner prochainement cette information, si vous le souhaitez.

De la même façon, nous travaillons pour intégrer totalement le système CHORUS.

Au 31 décembre 2007, le patrimoine détenu par l’État au titre de la défense représente une valeur de 19,86 milliards d’euros, contre 19,25 milliards au 31 décembre 2006. Cette valeur correspond à 42 % du bilan immobilier total, contre 43,2 % un an auparavant. Dans cet ensemble, l’armée de terre et la gendarmerie ont une part prépondérante. Il est à noter également que la valorisation des emprises dans la région parisienne est égale à celle du parc de la marine nationale.

L’essentiel des surfaces se trouve en province : 7 % seulement sont situées en Île-de-France. Le caractère militaire des biens est prépondérant : 70 % de terrains d’entraînement, 15 % de surfaces dédiées aux infrastructures de bases navales ou aéronavales, 6 % de surfaces dédiées aux infrastructures industrielles et logistiques, 8 à 9 % de surfaces dédiées aux infrastructures de commandement et de vie ; les bureaux ou les locaux purement administratifs ne représentent que 0,38 % du total, ce qui explique les discussions que nous avons avec France Domaine au sujet des loyers.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Il convient de rappeler que la question de la valorisation du patrimoine a fait l’objet d’une partie des réserves émises par la Cour des comptes à l’occasion de la certification des comptes de l’État. Les propos de M. Lucas attestent la difficulté considérable qu’il y a à développer un système d’information complet, fiable, sans rupture dans les interfaces.

D’après les informations que nous tenons de la Cour des comptes, celle-ci a eu du mal à dresser une cartographie budgétaire de l’enveloppe immobilière du ministère de la Défense. En dépit des efforts effectués à l’occasion de la LOLF – le regroupement dans le programme 212 de l’essentiel des crédits immobiliers a impliqué une réorganisation aboutissant à la création du service d’infrastructure de la défense –, l’estimation de cette enveloppe reste vraisemblablement sous-évaluée.

Au-delà du problème spécifique du programme 152, qui concerne la gendarmerie, deux autres programmes prennent en compte des éléments budgétaires. Le programme 146 comprend l’immobilier propre de la DGA et l’on peut s’interroger sur la nécessité d’une telle autonomie. Le programme 178, qui comprend les crédits directement utilisés par les militaires sur le terrain, pose le problème des « masses » : il s’agit de montants importants qui ne sont pas identifiables car ils suivent des circuits comptables particuliers. Il est extrêmement difficile de reconstituer ce qui, dans les masses, correspond à de l’entretien, de la mise aux normes, etc. Les difficultés d’identification ne portent donc pas seulement sur les marges, mais sur des éléments importants.

En outre, le ministère de la Défense bénéficie d’un retour complet sur les cessions, mais, pour des raisons difficiles à cerner, il éprouvait encore récemment des difficultés pour consommer ces crédits inscrits dans le compte d’affectation spéciale.

Outre la longueur des délais de cession – de l’ordre de six à sept ans en moyenne –, n’y a-t-il pas un problème en amont, dans le processus de segmentation proprement dit ou dans les procédures de cession du ministère de la Défense ?

M. Éric Lucas : En ce qui concerne l’entretien, nous sommes d’accord avec les observations que la Cour des comptes nous avait adressées. Grâce à la LOLF, nous avons pu identifier les programmes d’infrastructures au sein d’un BOP, de manière à protéger l’immobilier d’arbitrages en faveur d’autres secteurs. Cependant, tout n’a pas été identifié dans cette ligne budgétaire. Dans la loi de finances pour 2008, 234 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 351 millions d’euros de crédits de paiement d’investissement sont inscrits au programme 146 pour les infrastructures, notamment celles liées aux programmes nucléaires et à la DGA. Ce rattachement est une spécificité du programme nucléaire.

On trouve également 200 millions d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement au programme 178, avec des crédits « massifiés » qui sont à la disposition des unités pour l’entretien de l’infrastructure. Il est exact que le système des masses empêche de déterminer précisément le montant des crédits consacrés à l’entretien. Cela dit, ce système est en cours de suppression. De plus, un groupe de travail réuni entre octobre et décembre a déterminé cinq niveaux d’entretien et réparti leur responsabilité entre l’occupant secondaire, l’occupant principal et le service d’infrastructure de la défense. Sur cette base, nous allons évaluer les crédits qui seront progressivement transférés du programme 178 vers le programme 212.

Il y aura toujours des crédits réservés aux unités pour l’entretien courant, mais tout ce qui concerne le gros entretien doit être géré par le SID. On pourra ainsi, dans le cadre de la politique immobilière de l’État, déterminer des ratios d’entretien, ce qui permettra de se tourner, le cas échéant, vers la direction du Budget si les crédits s’avèrent insuffisants. Il est toutefois difficile de comparer l’entretien de locaux techniques de la DGA ou d’une base navale ou aéronavale et celui de mètres carrés de bureaux.

S’agissant du compte d’affectation spéciale, il y a eu en effet un certain retard. En 2006, au moment de l’adoption de ce dispositif, nous avons dû consommer 3 millions d’euros. En 2007, le total des dépenses du CAS en autorisations d’engagement s’élève à 69 millions d’euros, soit 60 % de consommation des ressources, le montant disponible aux dates de fin de gestion s’élevant à 117 millions. Les dépenses ont concerné des opérations de dépollution préalable pour cession et des opérations de réaménagement liées à des SDIA : dégagement d’emprises en centres villes et reconcentration dans d’autres zones, notamment.

Quant à la segmentation, il était en effet indispensable de l’engager. La longueur des délais de cession est due pour une grande part aux procédures internes. L’idéal serait qu’un bien considéré comme cessible soit immédiatement remis en mandat à la MRAI, pour que celle-ci engage les opérations administratives et techniques permettant la cession et, en particulier, les procédures liées à la dépollution. La difficulté vient du fait qu’un bien est souvent déclaré cessible alors qu’il est encore occupé. La situation évoluera lorsque le nouveau plan de stationnement des forces sera adopté.

M. Georges Tron, Président : La segmentation vous semble-t-elle un mode de classification encore justifié ? Elle est, du reste, loin d’être achevée : environ un tiers du patrimoine n’y est pas inclus. Elle ne concerne pas le patrimoine de l’outre-mer et de l’étranger. En définitive, n’est-ce pas plutôt un frein ?

M. Éric Lucas : Nous venons juste de commencer à travailler sur l’outre-mer, où la détermination des emprises est la plus difficile. En métropole, la segmentation n’est pas achevée et il faut encore la fiabiliser. Cependant nous ne pourrons savoir vraiment si elle a été utile que lorsque le plan de stationnement des forces sera connu.

M. Georges Tron, Président : Le rythme de cessions de la MRAI, qui détient entre 40 et 45 % du parc immobilier de l’État, est de 50 à 60 millions par an. Or, lors des trois dernières années, le produit global des cessions de l’État était de l’ordre de 600 à 800 millions d’euros, ce qui signifie que vous êtes particulièrement en retrait par rapport à d’autres ministères. On peut admettre la complexité spécifique au patrimoine de la défense, mais le modus operandi – la segmentation et les délais de cession – a de quoi laisser dubitatif.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : La MRAI a été le premier opérateur ministériel à céder de l’immobilier, mais il est à craindre qu’elle ne se soit, depuis, laissée aller à une certaine routine. Tous les élus locaux ont été confrontés un jour ou l’autre à ses procédures interminables, qui ne se sont pas accélérées en dépit des remarques et des rapports. Pourquoi son rôle de pionnier n’a-t-il pas été suivi par une évolution des méthodes et des pratiques ? Depuis la fin du service national, le format des armées – donc celui des emprises – s’est singulièrement réduit. Le chef d’état-major de l’armée de l’air a affirmé que sept bases aériennes suffiraient, lorsqu’il en existe trente-cinq. Tout cela justifierait une politique de cessions beaucoup plus dynamique.

M. Éric Lucas : La segmentation a été utile et j’estime qu’il faut la poursuivre. Cependant, pour qu’elle soit efficace, il faut immédiatement remettre à la MRAI les biens déclarés cessibles. Cela suppose une validation politique. Pour les bases aériennes, nous ne pouvons mettre sur le marché un bien avant que le ministre ait décidé d’une évolution du plan de stationnement des forces.

Nous sommes par ailleurs déterminés à mener une analyse approfondie pour réduire les délais internes. Il n’est pas nécessaire de demander trois fois l’accord d’un commandant de région !

Le montant annuel moyen des cessions de la MRAI peut paraître en effet modeste, rapporté à 19 milliards de patrimoine, mais un regain d’activité devrait intervenir compte tenu des prochaines évolutions politiques au sujet du plan de stationnement des forces.

M. Georges Tron, Président : Depuis deux ans, deux types d’arguments sont systématiquement tenus devant le CIE et la MEC : la spécificité de chaque ministère et le fait que les réformes vont rapidement s’engager. La MRAI nous l’avait expliqué quasiment dans les mêmes termes il y a deux ans.

La spécificité du ministère de la Défense ne saurait être niée mais n’est-ce pas cela qui empêche le système de bouger ? N’y a-t-il pas là un alibi pour justifier une attitude qui s’apparente singulièrement à une forte réticence au changement ? Les régimes dérogatoires, dont le taux de 100 % sur les retours de cessions, y contribuent.

Le processus avance très lentement. On peut invoquer le prétexte des décisions politiques, mais les procédures internes – tels les trois quitus que vous évoquiez – semblent extrêmement sclérosantes, à un moment où, au contraire, tous les ministères devraient avancer à peu près à la même vitesse et adopter la même culture. La question peut paraître provocante, mais le système du ministère de la Défense ne devrait-il pas être totalement repensé ?

M. Éric Lucas : L’annonce de la modification du plan de stationnement des forces devrait intervenir durant l’été. Nous aurons alors à nous reconcentrer sur des emprises, à rebâtir rapidement les installations destinées à accueillir les unités déplacées, et à vendre les emprises abandonnées pour financer, autant que possible, les opérations. Pour mener à bien cette entreprise, nous devrons continuer de bénéficier de 100 % de retour sur le CAS. Il faudra probablement instituer une société foncière de défaisance, soit qui porte nos biens, soit qui nous les achète, tandis que la MRAI continuera de travailler sur des emprises difficiles à reconvertir et à vendre. Nous souhaiterions que la possibilité d’effectuer la dépollution pyrotechnique sous le contrôle de l’État soit élargie à tous les acquéreurs, ce qui accélérerait la cession des emprises fortement polluées.

M. Jacques Brucher : Le délai moyen de cession, qui s’élève en effet à six ans, concerne des biens très divers, dont certains sont complexes et propres au secteur de la défense. Souvent, la mise sur le marché d’emprises très importantes nécessite un travail avec les élus concernés et une préparation du terrain. La dépollution pyrotechnique, soumise à des règles strictes de sécurité, accroît parfois les délais de plusieurs années. Les installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE – présentent en général moins de difficultés.

Quand des sites n’ont aucune qualification dans les plans d’occupation des sols, désormais plans locaux d’urbanisme, il faut inventer leur destination en concertation avec les élus avant de passer à la phase de transmission de domanialité. Ensuite, le bien est évalué avec les trésoriers-payeurs généraux, généralement en fonction du bilan de l’opération de reconversion. En définitive, le ministère de la Défense détient très peu de biens banalisés qui puissent être rapidement mis sur le marché, comme par exemple des immeubles de bureaux. Le travail de reconversion est en général long, dans un environnement réglementaire contraignant, notamment en matière de dépollution.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : M. Éric Lucas a parlé de la nécessité de maintenir le taux de retour sur les cessions à 100 %, mais tous les ministères pourraient dire la même chose.

M. Georges Tron, Président : Ils ne s’en privent pas !

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Quelle est la participation de France Domaine aux opérations de la MRAI ? Même avec ce retour à 100 %, il s’agit du patrimoine de l’État et non de celui d’un ministère particulier. Plus précisément, consultez-vous France Domaine sur l’emploi des fonds que vous récoltez grâce aux cessions ?

M. Georges Tron, Président : J’aimerais que la réponse de nos interlocuteurs ne donne pas le sentiment que, bien entendu, France Domaine est incontournable, que, bien entendu, on travaille avec lui, que, bien entendu, il a un pouvoir décisionnaire, mais que, cependant, etc., etc.

M. Jacques Brucher : Lorsque nous travaillons à la reconversion des emprises avec les élus concernés, le comité de pilotage comprend dès le départ le TPG, qui est le représentant local de France Domaine. Nous n’attendons pas la phase d’évaluation pour l’associer au processus.

M. Éric Lucas : Le dispositif de la MRAI n’est pas dérogatoire aux règles des finances publiques. Nous discutons sur la base d’un prix fixé par France Domaine. C’est d’ailleurs ce service qui signe l’acte de vente.

Juridiquement, il n’existe aucune difficulté à ce que France Domaine représente l’État propriétaire, mais il peut en aller autrement politiquement. L’immobilier de l’État ne se réduit pas à des questions de cession ou d’entretien : il s’agit aussi de savoir où seront situées les administrations et les forces armées. Le ministre de la Défense est responsable, aux termes de l’ordonnance de 1959, de l’implantation de ces forces, et il ne se détermine pas seulement en fonction des coûts, même si cet aspect est important.

Pour ce qui est de la réutilisation du produit des cessions supérieures à 2 millions d’euros, nous demandons à chaque fois l’accord de France Domaine. Le schéma directeur d’aménagement interarmées n’est pas validé globalement comme il l’est avec les autorités locales et les préfets : chaque opération nécessitant un déplacement doit être validée par France Domaine pour pouvoir bénéficier des crédits de réemploi. À cet égard, les réaménagements importants qu’impliquera la modification du plan de stationnement des forces nécessiteront une modification de ce dispositif afin que l’on puisse aller plus vite. C’est pourquoi nous réfléchissons à la mise en place d’une société foncière de restructuration ou de portage de terrains.

M. Georges Tron, Président : Que dit France Domaine à ce sujet ?

M. Éric Lucas : La réflexion se déroule en interne pour l’instant.

M. Georges Tron, Président : La création d’une telle structure ne correspond-elle pas, in fine, au déploiement d’un dispositif parallèle à celui que nous appelons de nos vœux, lequel ferait apparaître clairement que le pilotage est exercé par l’État ? Malgré des évolutions, la MRAI continue d’insister sur les spécificités de la défense, alors que nous souhaitons pour notre part affirmer le rôle de France Domaine.

M. Éric Lucas : Quoi que nous fassions nous ne pourrons pas agir seuls. Sur ce sujet le débat sera interministériel. Pour commencer, est menée une réflexion interne au ministère, mais nous ne pourrons avancer qu’avec l’accord du ministère du Budget.

Il peut s’agir d’établissements publics complémentaires en fonction des besoins. Il est également possible que des liquidités soient nécessaires pour faire face aux restructurations.

Nous avons besoin de France Domaine pour mettre des biens immobiliers sur le marché, notamment à Paris. Plusieurs dispositifs complémentaires devraient donc permettre d’accélérer ce processus de cession et d’adaptation.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : L’ordonnateur principal reste le ministre. Or ce dernier n’a passé une convention qu’à la fin de 2007. Comment a-t-il donc pu ordonnancer les dépenses en l’absence de cette convention ? Plutôt comment le ministère a-t-il pu contracter avec France Domaine ?

M. Éric Lucas : J’ai signé cette délégation de gestion en arrivant dans mes fonctions. Il s’agissait surtout d’un débat sur la question de l’ordonnateur entre le ministère de la Défense et celui des Finances. Il a été tranché dans le sens souhaité par France Domaine.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Cette décision est bien tardive.

Je reviens sur l’organisation de la fonction immobilière au sein du ministère, car elle n’est pas clairement établie. Quelles sont en la matière les attributions exactes du secrétariat général pour l’administration et de ses différents services : DMPA et MRAI ?

Le service des Infrastructures de la défense, le SID, regroupe 4 400 postes équivalents temps plein. Quel est le poids de ce nouveau service créé il y a trois ans, en particulier face aux trois états-majors ?

La Cour des comptes a souligné que, dans ce domaine, les relations n’étaient pas clarifiées. Il semblerait logique que son rôle se limite à l’entretien courant, mais que tout soit regroupé pour les décisions importantes. Or l’armée de terre a refusé la charte qui tendait à régler cette question en raison de son attachement à l’autonomie de ses services.

La question principale est donc celle de l’unicité de gestion immobilière du ministère. En effet il n’est pas possible d’assurer une intégration harmonieuse de la politique immobilière de la défense dans celle de l’État s’il n’y a pas unicité au sein du ministère lui-même.

M. Éric Lucas : Nous avons commencé à le faire dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLF.

La DMPA, sous la responsabilité du SGA, est responsable de la politique immobilière dans son ensemble. À coté existe le service des infrastructures qui est rattaché au SGA, non aux états-majors. Il s’agit bien de mettre en place une politique immobilière d’ensemble. Le fait que les deux organismes soient tous deux au sein du SGA permet d’échanger et de coordonner leurs actions, sous l’autorité de ce dernier.

En termes budgétaires, il s’agit de 200 millions d’euros, inscrits au titre 3, qui échappent au BOP sur les crédits de la politique immobilière. Nous transférons progressivement les dotations d’entretien immobilier du programme 178 au programme 212 en fonction des niveaux de responsabilité identifiés en termes d’entretien, car il faut qu’une partie reste au sein des unités. Cependant la plus grande part de ces crédits sera gérée par le SID qui sera l’opérateur essentiel en matière d’infrastructures.

Se pose également la question des effectifs qui, au sein des armées, sont affectés à l’entretien ; ils peuvent faire l’objet d’une réforme.

Par ailleurs nous allons travailler à la déconcentration des responsabilités, sous mon autorité, et à la simplification des attributions en termes de responsabilité. Néanmoins on ne peut pas ignorer le fait qu’un chef d’état-major veuille conserver auprès de lui des personnes chargées de la politique immobilière, ne serait-ce que pour des questions de cohérence. Cependant l’objectif est de renforcer le rôle de la DMPA et du SID.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Où en est le SPSI pour le ministère de la Défense ?

L’extrême diversité de ses biens immobiliers rend très difficile une vue d’ensemble exhaustive. Comment envisagez-vous d’intégrer, en 2008, ce SPSI dans le cadre de la revue générale des politiques publiques (RGPP) ?

Où en sont les discussions sur le SPSI avec France Domaine ?

Où en est l’élaboration de SPSI déconcentrés ?

M. Éric Lucas : En ce qui concerne les SPSI déconcentrés, nous avons seulement fait un diagnostic avec France Domaine dans les départements où un SPSI a été élaboré.

En ce qui concerne l’administration centrale, nous avons préparé un SPSI sur lequel le ministère du Budget a formulé diverses observations. Il nous a notamment demandé de le reprendre pour présenter un document définitif fin mai 2008, en insistant sur la nécessité de réduire les surfaces d’occupation et les dépenses immobilières.

Cela étant, le SPSI sera forcément impacté par le projet Balard. En effet, initialement, était prévue une réduction progressive des implantations parisiennes. Or ce projet d’un Pentagone à la française va modifier la donne, mais il répondra aussi aux motifs d’élaboration d’un SPSI. Il aura en effet trois objectifs : améliorer la gouvernance du ministère en regroupant les autorités sur la même emprise autour du ministre lui-même ; réduire les emprises et les coûts d’occupation en région parisienne ; recenser les organismes qui pourraient être implantés en province afin de diminuer les effectifs et le nombre des organismes dans Paris.

Je prépare donc une lettre pour indiquer au ministère du Budget qu’il ne sera sans doute pas possible de rendre ce document pour fin mai 2008, car il faut attendre de connaître les conséquences qu’aura le projet Balard.

M. Georges Tron, Président : Il s’agit donc d’un élément nouveau qui fait que l’on doit tout revoir d’année en année !

Nous avons été très déçus par les SPSI. Ils ont peut-être constitué de bons éléments de diagnostic, mais ils ont été tout sauf prospectifs. Nous en attendions autre chose.

M. Éric Lucas : Nous essayons d’identifier et de dénombrer les effectifs présents dans Paris. Nous recensons la totalité des emprises occupées, à la fois en termes de surfaces et de valorisation, en examinant comment en concentrer le maximum sur Balard. Il y aura une réflexion très approfondie et la prise de décision sur ce Pentagone à la française nécessitera des données précises et des arbitrages préalables.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet Balard, notamment en termes de financement ?

M. Éric Lucas : Ce projet répond à trois objectifs : regrouper sur une même emprise l’ensemble des grands décideurs, cela étant lié à la mise en place d’une nouvelle gouvernance au sein du ministère de la Défense ; diminuer le nombre des emprises et les surfaces occupées ; déplacer en province des éléments dont l’implantation à Paris ne s’impose pas.

L’horizon du ministère est 2012 et la volonté est de réaliser cette opération en autofinancement. Pour l’instant, aucune liste de cession n’est établie ; il faut travailler sur le programme.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Il y aura donc regroupement du ministre, du secrétariat général et des chefs d’état-major des trois armes sur un site unique ?

M. Éric Lucas : On se demande même si l’on ne va pas les regrouper dans le même bâtiment.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : En ce qui concerne le SID, la Cour des comptes nous a signalé que l’armée de l’air insiste sur l’originalité de ses implantations en matière d’infrastructures, alors que l’armée de terre et la marine jouent mieux le jeu. Cette originalité va-t-elle persister ? Est-il envisagé de réduire ces implantations ?

M. Éric Lucas : Il y a un chantier RGPP dont un chapitre concerne l’infrastructure des bases aériennes, car on sait qu’elle recèle des gisements de productivité. Il faut travailler, sur ce sujet, avec les services de l’Équipement, car ces derniers assument la charge de l’entretien des pistes et des bases. Un travail en commun est donc engagé afin que le SID soit utilisé pour toutes les armées et récupère, en particulier, l’entretien des bases aériennes.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : J’ai enfin quelques questions sur le logement des agents publics.

La défense en utilise 76 196 pour les gendarmes et 52 182 pour les personnels des autres armes, ce qui est un parc considérable. Ce dernier est géré par une société autonome, mais cela nous a valu des remarques de la Commission européenne pour manque de mise en concurrence. Une modification est-elle étudiée à cet égard ?

L’examen du parc des logements des gendarmes fait apparaître que leur entretien est très insuffisant et ils sont nombreux à se plaindre de l’état des locaux. Comment envisagez-vous de traiter la rénovation de ce parc de logements ?

Enfin, la Cour des comptes a relevé le mauvais état chronique des bâtiments occupés par le ministère de la Défense, ce qui est sans doute lié au surdimensionnement actuel des occupations ; et ce sera encore plus vrai à l’avenir. Il y a donc une dégradation de la valeur du patrimoine, d’où la nécessité d’accélérer les cessions. Que pensez-vous faire pour que ce qui sera conservé soit remis en état et bien entretenu ?

M. Éric Lucas : En ce qui concerne les logements des gendarmes pour nécessité absolue de service, on dénombre en effet environ 76 000 logements. J’entends également les plaintes qui viennent de leur côté. Cependant les crédits de la gendarmerie ne figurent plus dans le programme 212.

L’idée est d’essayer de remettre à niveau et d’externaliser leur entretien afin de trouver des marges utilisables pour leur réhabilitation. Il y avait un grand projet d’externalisation, mais il s’est heurté au code des marchés publics. Il semble que la gendarmerie s’oriente actuellement vers des opérations d’externalisation ponctuelle région par région. Cela semble plus adapté et plus réalisable qu’une opération de grande envergure.

En ce qui concerne les logements familiaux des militaires, une partie appartient aux domaines, une autre relève de conventions de réservation. Par la Société nationale immobilière (SNI), qui gère les logements domaniaux, il y a déjà une sorte d’externalisation. À cet égard, nous travaillons depuis trois mois avec le ministère du Budget sur le problème posé par les règles européennes. Plusieurs schémas sont étudiés qui entraîneront une remise en concurrence quelles que soient les modalités de gestion choisies.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : En avez-vous parlé avec France Domaine ?

M. Éric Lucas : Oui, avec le ministère, France Domaine, la direction du Budget, et nous allons lancer un appel d’offres auprès des banques pour obtenir des conseils sur ce sujet.

M. Georges Tron, Président : Je vous remercie.

Auditions du 7 février 2008

a) à 9 h 30 :

M. Patrick Stefanini, secrétaire général du ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement et M. Yves Bentolila, conseiller auprès du secrétaire général

Présidence de M. Georges Tron

M. Georges Tron, Président : Je vous remercie d’avoir répondu à l’invitation de la mission.

Le rôle de la mission d’évaluation et de contrôle consiste actuellement à examiner les suites apportées au rapport qu’elle a rédigé en juillet 2005, dans lequel avait été établie une carence dans la gestion immobilière de l’État et avaient été proposées plusieurs formules pour essayer d’y remédier, notamment la mise en place d’un conseil de surveillance : le conseil de l’immobilier de l’État (CIE), auquel appartiennent les deux rapporteurs, MM. Yves Deniaud et Jean-Louis Dumont.

Un rapport de suivi avait été publié six mois avant la création de ce conseil. Nous publierons dans les prochains mois, après l’audition du ministre des affaires étrangères, qui est reportée au 16 avril, un troisième rapport dont l’objectif est de faire le point sur l’évolution de la question et, en particulier, sur la mise en œuvre des réformes que nous avions préconisées.

Pour introduire le débat de la façon la plus objective et la plus directe qui soit, il ressort des auditions auxquelles nous avons procédé que chaque ministère que nous avons entendu jusqu’à présent est convaincu d’être totalement exemplaire en matière immobilière. Les ministères de la Culture et de la Défense, pour ne citer qu’eux, sont persuadés que leur spécificité les met en quelque sorte à l’abri du processus de réforme auquel la MEC aspire.

Si je me permets de faire cette introduction, c’est pour vous signifier que la mission essaie réellement de s’inscrire dans la lignée des rapports qu’elle a fournis, c’est-à-dire d’inscrire la gestion immobilière de l’État dans une vision globale.

Je précise que nous bénéficions comme toujours de l’assistance éclairée de la Cour des comptes, et je salue la présence de M. Claude Lion, conseiller référendaire. Je salue également M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du conseil de l’immobilier de l’État, conseil que j’ai l’honneur de présider.

Ce préambule étant posé, je passe tout de suite la parole aux Rapporteurs.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Le ministère de l’Immigration présente la particularité d’être nouveau et en quête d’un immeuble pour regrouper les personnels provenant d’autres ministères qui lui sont rattachés. En soi le regroupement des services centraux du nouveau ministère est conforme aux orientations de la politique immobilière de l’État. Reste à en préciser les modalités : localisation, surfaces, caractéristiques. Quels sont les souhaits du ministère quant à la localisation de l’immeuble recherché ? Tient-il absolument à être dans Paris intra muros ou accepterait-il d’aller dans les communes limitrophes, avec de bonnes liaisons de desserte, notamment en transports en commun, avec le centre politique de la capitale ?

La politique immobilière de l’État préconise que la localisation dans Paris-centre, où les coûts sont les plus élevés, soit limitée au ministre et à son état-major, et dans les arrondissements périphériques de Paris ou en proche banlieue, voire en province si c’est possible, pour les services administratifs et de gestion. Quel a été le partage des rôles entre le ministère de l’Immigration et le service France Domaine dans la définition et la prospection de l’immeuble à rechercher ? Par rapport à d’autres ministères existants à forte identité qui veulent à tout prix préserver leur pré carré, la création d’un nouveau ministère est un champ d’action expérimental rêvé pour le service France Domaine pour montrer son savoir-faire nouveau que la mission souhaite lui voir exercer.

Où seront localisés le ministre et son cabinet ? Quelles sont les implantations prévues pour les services ? Quelles sont leurs caractéristiques : surface, coût, ratio d’occupation par agent ? Le ministère de l’Immigration revendique-t-il, lui aussi, une spécificité justifiant un traitement particulier par rapport à la règle commune ?

M. Patrick Stefanini : Comme M. le Rapporteur vient de le rappeler, le ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement est nouveau et, de plus, ne dispose que d’une administration centrale. Il n’a pas de services extérieurs. Il se sert de ceux qui relèvent à titre principal d’autres départements ministériels.

L’administration centrale est de création toute récente puisqu’elle a été instituée par un décret du 26 décembre 2007 qui a pris effet au 1er janvier dernier. Elle regroupe des services qui ont été transférés d’autres ministères, pour l’essentiel de quatre ministères : ceux de l’Intérieur, des Affaires étrangères, des Affaires sociales et de l’Économie et des finances. Le total de ses effectifs est de 609 équivalents temps plein travaillé, ce qui fait probablement d’elle la plus petite de toutes les administrations centrales des ministères du pays. Sur ces 609 ETPT, 509 sont en provenance des quatre ministères cités.

L’implantation des services venant des autres ministères était réalisée, au 31 décembre de l’année dernière, sur dix sites, dont huit à Paris : un site unique, place Beauvau, pour le ministère de l’Intérieur ; deux sites – l’immeuble « Nord Pont » derrière la gare Montparnasse et un site à Rezé dans la banlieue de Nantes – pour le ministère des Affaires sociales ; quatre sites – boulevard Saint-Germain, boulevard des Invalides, rue Monsieur et Nantes – pour le ministère des Affaires étrangères – ; un site, 101 rue de Grenelle, à proximité du ministère, pour le secrétariat général du Comité interministériel de contrôle de l’immigration ; un site, 80 rue de Lille, pour le ministère de l’Économie et des finances, dans les locaux qui avaient abrité, jusqu’à l’élection présidentielle, le ministère des PME ; un site propre, rue Saint-Georges, pour le Haut conseil à l’intégration. Telle était la situation de départ avant que ne soit officiellement créée l’administration centrale.

À ces services transférés sont venues s’ajouter les créations d’emplois, correspondant à 100 ETPT, décidées par le Parlement sur proposition du Gouvernement dans le cadre du vote de la loi de finances.

Les arbitrages du Premier ministre qui ont permis de définir le périmètre de cette nouvelle administration avaient été rendus dans le cadre de la préparation de la loi de finances. Donc, dès la fin du mois de juillet, nous savions à quoi elle ressemblerait. Il nous restait à la structurer, à l’organiser, ce qui a été fait par le décret du 26 décembre 2007, mais nous connaissions le périmètre des services qui allaient être regroupés dans cette administration centrale.

Le ministre de l’Immigration, M. Brice Hortefeux, m’avait adressé une lettre de mission me demandant à la fois de travailler sur la structuration de cette administration centrale – donc de préparer ce qui est devenu le décret du 26 décembre 2007 – et, en même temps, de réfléchir pour trouver un site unique qui permette de rassembler l’ensemble des services de cette administration centrale à l’exception des services installés en province.

J’hésite un peu à souligner cette spécificité de notre ministère puisque le président de la mission m’a mis en garde contre cette revendication d’un grand nombre de ministères. J’insiste quand même sur le fait que notre ministère qui, encore une fois, ne dispose que d’une administration centrale, a 42 % de ses effectifs en province, à Nantes et à Rezé, dans la banlieue de Nantes. C’est un peu un concours de circonstances puisque le service de Nantes dépendait du ministère des Affaires étrangères et celui de Rezé de celui des Affaires sociales. Cela étant, je ne sache pas qu’aucune autre administration centrale de l’État ait délocalisé en province une partie aussi substantielle de ses effectifs. Il va de soi que cette situation ne facilite pas, pour des raisons assez évidentes, la communication avec le reste de l’administration centrale.

Pour répondre aux questions du rapporteur, je vais donner des précisions sur les différentes implantations, en m’appuyant sur le tableau que je vous ai fait distribuer.

L’immeuble de Rezé a une surface de 4 713 mètres carrés pour un total de 156 postes de travail, le ratio par personne s’établissant à 30,2 mètres carrés et le coût par mètre carré, toutes taxes comprises et charges comprises, ressortant à 168,6 euros. Cet immeuble abrite la sous-direction de l’accès à la nationalité française, que l’on appelait, jusqu’au 31 décembre, la sous-direction des naturalisations.

Le site de Nantes appartenait précédemment à un service du ministère des Affaires étrangères que l’on appelait la sous-direction de la circulation des étrangers et qui s’appelle maintenant la sous-direction des visas, ce qui est plus parlant. Le site occupe 1 806 mètres carrés, pour 96 agents, soit un ratio de 18,8 mètres carrés par agent, pour un loyer budgétaire toutes taxes et charges comprises (TTC charges comprises) de 88,4 euros le mètre carré.

La lettre de mission qui m’a été adressée par le ministre cet été m’enjoignait de trouver un site unique qui regroupe tous les services parisiens de l’administration centrale. Nous avions une contrainte de calendrier puisque la France va assurer, au deuxième semestre de cette année, la présidence de l’Union européenne et que le Président de la République a marqué son souhait que les problématiques de l’immigration et de l’intégration soient parmi les priorités de cette présidence. Lors du premier contact que nous avons eu avec France Domaine, nous avons indiqué, d’une part, que nous étions à la recherche d’un site unique et, d’autre part, que nous souhaitions que l’opération, si elle devait se faire, soit achevée avant le 30 juin 2008, de manière à ne pas avoir à opérer de déménagements sous présidence française.

Je dois dire que cette phase de dialogue avec France Domaine et la direction du Budget a été pour nous – je le dis avec prudence mais aussi avec clarté – décevante. Nous avons eu le sentiment que les différentes propositions auxquelles nous nous sommes intéressés ont finalement toutes été écartées pour des raisons qui nous ont paru être davantage de principe que de pure logique économique, budgétaire et comptable. Je m’explique.

Nous nous étions, dans un premier temps, intéressés à un immeuble situé au 62 rue de Richelieu dans le 2ème arrondissement, à proximité immédiate de locaux d’une superficie de 3 000 mètres carrés dans lesquels le ministère de l’Éducation nationale avait reçu peu de temps auparavant l’autorisation de s’installer. Nous sommes un nouveau ministère. Nous n’avons qu’une administration centrale, la plus petite de toutes. On nous a expliqué qu’il n’était pas question de nous installer dans ce quartier de Paris sans vraiment nous expliquer pourquoi le ministère de l’Éducation nationale avait eu le droit, quelques semaines auparavant, de s’installer à proximité immédiate des locaux que nous visions.

Nous nous sommes ensuite intéressés à un immeuble qui était l’ancien siège social de la société Areva, situé 32-34 rue Laffitte, dans le 9ème arrondissement, à proximité immédiate de Drouot, qu’Areva a quitté pour des locaux plus adaptés à ses besoins et qu’elle était prête à nous sous-louer, en plein accord avec son propriétaire. Les propositions qui nous avaient été faites nous auraient permis de loger la totalité des services parisiens de l’administration centrale, en y ajoutant les services parisiens de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers – ANAEM –, dès le début de l’année 2008. Nous aurions donc pu réaliser le déménagement au cours du premier semestre 2008 et même probablement dès le début de l’année 2008, dans des locaux qui n’appelaient quasiment aucune transformation, si ce n’est le déplacement de quelques cloisons, pour un coût, la première année, c’est-à-dire en 2008, de 530 euros le mètre carré, hors taxes et hors charges et, à partir de la deuxième année, de 597 euros HT-HC.

Si l’on fait la moyenne pondérée du coût de location de cet immeuble, que je vais appeler par commodité « immeuble d’Areva », avec les loyers que nous supportons à Rezé et le loyer budgétaire de l’immeuble de Nantes, on obtient 374,39 euros par mètre carré hors taxes, hors charges.

Nous nous sommes heurtés à une opposition totale, aussi bien de France Domaine que du ministère du Budget. Toutes les propositions qui nous ont été faites par France Domaine portaient sur des adresses situées de l’autre côté du périphérique et présentaient des inconvénients majeurs en termes aussi bien de transport que de calendrier. Je précise que, dans le cadre de la recherche d’un site unique, nous nous sommes efforcés d’avoir une cartographie des lieux de résidence des agents en fonction dans les services transférés au nouveau ministère. Cette cartographie, que nous pourrons mettre à la disposition de la mission, fait apparaître que le centre de gravité des personnels affectés dans le nouveau ministère se situe dans le quart sud-ouest de Paris.

Les propositions qui nous ont été faites, alors même que cette cartographie avait été portée à la connaissance de France Domaine, ont été deux opérations situées dans le 19e arrondissement de Paris – « le Parc du Millénaire », 35 rue de la Gare, et « L’ivoire », rue Sigmund Freud – situées de l’autre côté du périphérique et mal desservies par les transports en commun puisqu’il faut prendre des navettes pour rejoindre le métro (lignes 7 et 7 bis) et surtout peu en rapport avec la domiciliation générale des agents du ministère.

Une troisième proposition nous a été faite : l’immeuble « Bercy Reflet », situé 10-12 avenue Charles-de-Gaulle à Charenton-le-Pont. Celui-ci présentait pour nous plusieurs inconvénients puisqu’il n’y avait pas de restaurant administratif disponible à l’intérieur de l’immeuble et qu’il n’y avait pas de desserte métro, simplement une desserte par bus et par navette qui s’interrompait à vingt et une heures.

Fin novembre, début décembre, au moment où les arbitrages ont été portés au niveau du cabinet du Premier ministre et du secrétariat général du Gouvernement, France Domaine nous a proposé un immeuble à Issy-les-Moulineaux, l’immeuble « Forum 52 », situé 52 rue Camille Desmoulins. Il était, je le reconnais, davantage compatible avec la cartographie des résidences des agents de notre ministère, mais il n’était disponible qu’à partir de juin 2008, ce qui était limite par rapport au calendrier que nous nous étions fixé au regard des exigences de notre participation à la présidence française. Il n’y avait pas non plus de restaurant administratif et pas de métro. Le loyer, pour un immeuble situé en banlieue, nous a parus relativement élevé à l’époque puisqu’il était de 415 euros le mètre carré hors taxes et hors charges.

Comme il est de coutume en la matière, nous sommes allés à l’arbitrage pour tenter d’obtenir une décision positive sur l’immeuble d’Areva, mais celui-ci n’a pas abouti. Nous nous sommes retrouvés au début du mois de décembre dans une situation qui nous a obligés à construire une solution d’urgence qui a été arbitrée par le cabinet du Premier ministre et se décompose en trois décisions : nous avons renoncé à regrouper sur un site unique en 2008 l’ensemble des services parisiens et avons choisi de maintenir dans les lieux les agents qui étaient en poste aussi bien à Beauvau que dans l’immeuble « Nord Pont » à Montparnasse. Nous nous sommes simplement efforcés de procéder à des échanges entre ces deux immeubles de manière à assurer l’unité immobilière des services nouveaux créés par le décret du 26 décembre 2007.

À Beauvau, nous disposons d’une surface de 1 437 mètres carrés, qui permet de loger 110 agents, soit un ratio de 13,1 mètres carrés par agent, pour un loyer budgétaire de 228,5 euros par mètre carré TTC charges comprises. Je précise que les ratios indiqués dans le tableau intègrent les parties communes et les salles de réunion. En pratique, les agents à Beauvau disposent en réalité d’une surface de l’ordre de 10 mètres carrés par agent.

Dans l’immeuble de Montparnasse, nous disposons d’une surface de 2 203 mètres carrés pour loger 76 agents, soit un ratio de 29 mètres carrés par agent, pour un loyer de 808,1 euros par mètre carré TTC-CC – en 2008.

Vous voyez que le résultat, que je n’hésite pas à qualifier de paradoxal, du blocage sur l’opération d’Areva a été de nous maintenir dans un immeuble dont le loyer n’est pas donné, c’est le moins que l’on puisse dire.

En parallèle, le cabinet du Premier ministre a donné son accord sur une opération qui porte sur le 99 rue de Grenelle dans le 7ème arrondissement, sachant que le ministre de l’Immigration et son cabinet sont installés au 101 rue de Grenelle. Le secrétariat général du Comité interministériel de contrôle de l’immigration est installé au 99 rue de Grenelle, et nous avons une perspective d’extension sur ce site qui va se réaliser en deux étapes, la première pour le 15 février, la seconde pour fin juin. Elle va nous permettre de récupérer environ 600 mètres carrés. La direction générale de l’Enseignement supérieur - DGES - qui occupe actuellement ces locaux va, en effet, migrer vers la rue Descartes dans le 5ème arrondissement, à proximité du cabinet de Mme Valérie Pécresse. Je crois pouvoir dire que notre demande de récupérer des locaux rue de Grenelle a été à l’origine d’une accélération de cette opération de transfert de la DGES, l’École Polytechnique ayant enfin accepté de libérer des locaux qu’elle continuait à occuper rue Descartes pour rejoindre définitivement Palaiseau.

Enfin, nous avons été obligés, dans l’urgence, de louer des surfaces, parce qu’il fallait bien accueillir les personnels correspondant aux nouveaux services. En effet comme je l’ai dit, notre administration centrale se compose, d’une part, de l’addition de services transférés en provenance de certains ministères et, d’autre part, de la création de nouveaux services : affaires financières, stratégie, affaires européennes, affaires internationales et du codéveloppement. La solution a donc été de louer des bureaux – au prix fort, je le reconnais – sous peine d’installer les intéressés dans des tentes dans le jardin du 101 rue de Grenelle... Nous avons loué des locaux rue de Rennes dans le 6ème arrondissement, dans un centre d’affaires, avec bien sûr l’accord du secrétariat général du Gouvernement : 850 mètres carrés, 105 postes de travail – ils ne sont pas tous occupés au moment où je parle puisque nous sommes en phase de recrutement ; ils le seront progressivement dans le courant de l’année –, avec 8,1 mètres carrés par agent, pour un loyer de 1 435,3 euros le mètre carré TTC charges comprises. C’est cher, mais les agents sont logés dans des conditions draconiennes.

L’échec des opérations de regroupement en 2007 ou 2008 sur un site unique nous contraint également à maintenir dans leur localisation actuelle les agents du Haut conseil à l’intégration (HCI), qui sont logés rue Saint-Georges dans le 9ème arrondissement, à côté de la rue Drouot. Si nous avions pris l’immeuble d’Areva, nous aurions pu reloger les agents du HCI sans aucune difficulté dans cet immeuble. Les locaux rue Saint-Georges représentent une superficie de 415 mètres carrés, pour 8 agents, ce qui donne un ratio de surface de 51,9 mètres carrés par agent, pour un loyer de 1 096,2 euros le mètre carré TTC charges comprises.

Pour résumer, nous n’avons pas réalisé le regroupement sur un site unique. Nous avons néanmoins réduit le nombre de sites puisque nous ne disposons plus des trois implantations situées dans le 7ème arrondissement : rue Monsieur pour l’ambassadeur au codéveloppement, boulevard Saint-Germain pour le service des étrangers en France, et boulevard des Invalides pour la mission visas biométriques. Les agents concernés ont été regroupés sur nos sites principaux de Beauvau, de Montparnasse ou de la rue de Rennes.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : La mission s’interroge sur la démarche commerciale concernant le 103 rue de Grenelle. Pourriez-vous fournir quelques éclaircissements sur vos relations avec France Domaine qui, à vous entendre, n’ont pas été faciles, voire relativement conflictuelles ?

M. Patrick Stefanini : Je n’emploierai pas ce terme. Nous avons été déçus, et ce d’autant plus que, notre ministère se créant, nous ne disposions pas d’un service immobilier. Les services qui nous ont été transférés par les autres ministères sont des services de législation et de réglementation. Aucun ne se rattache ni à la fonction financière, ni à la fonction immobilière. Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce dossier à partir du mois de juillet, nous l’avons fait dans un ministère qui ne disposait pas encore de son administration centrale. Nous nous sommes donc entièrement mis dans les mains de France Domaine, qui nous a été présenté comme le conseil immobilier, notamment pour les ministères qui, comme le nôtre, n’avaient pas de service immobilier.

Sans qualifier les relations de conflictuelles, je répète que nous avons été déçus. Nous avons trouvé que le blocage systématique sur les propositions que nous avions pu faire dans Paris intra muros aboutissait à un résultat paradoxal. Il a bien fallu, à partir du 1er janvier, faire fonctionner notre administration centrale dans des locaux. Je crois avoir illustré, à travers les chiffres que j’ai cités, que la situation actuelle n’est pas meilleure que celle qui aurait résulté du regroupement sur un site unique dans l’immeuble d’Areva ni sur le plan fonctionnel, ni sur le plan financier et budgétaire comme en témoignent notamment les loyers de Montparnasse, du HCI et de la rue de Rennes.

Je suis prêt à parler de l’immeuble du 103 rue de Grenelle, si vous le souhaitez.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Est-ce France Domaine qui vous l’a proposé ou l’avez-vous cherché par vous-même ? Quelles sont les conditions financières de cette opération ? Est-il exact que vous cherchiez des colocataires ? Est-ce France Domaine qui procède à cette recherche ou a-t-elle lieu dans le dos de ce service ? Par ailleurs, quand l’immeuble sera-t-il disponible ?

M. Georges Tron, Président : Souhaitez-vous ajouter des questions, M. Jean-Louis Dumont ?

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : J’en poserai sur l’ensemble de la démarche qui me semble un peu étonnante. Je préfère entendre la réponse de M. Patrick Stefanini sur le 103 rue de Grenelle.

M. Georges Tron, Président : J’ai personnellement deux questions complémentaires à celles de M. Yves Deniaud à poser.

Premièrement, quelles sont les raisons invoquées par France Domaine pour refuser vos propositions ?

Deuxièmement, il a été indiqué à la mission qu’il y avait eu trois séries de propositions de France Domaine : une première liste comprenant dix-huit propositions, une deuxième liste de sept immeubles et une troisième de six immeubles. Est-ce bien le cas ? Ces propositions étaient-elles toutes réfutables ?

M. Patrick Stefanini : Nous vous ferons parvenir la liste des propositions successives qui nous ont été faites par France Domaine. Je confirme que nous avons commencé avec dix-huit propositions. Les autres listes ont été constituées par élimination, d’un commun accord entre France Domaine et le ministère, la short list s’est établie autour de six ou sept propositions.

Je ne vais pas tourner autour du pot. Quels sont les éléments de désaccord avec France Domaine ? Nous avons le sentiment que ce service campe sur une position de principe – qui nous paraît s’appliquer pour la première fois dans toute sa pureté doctrinale au cas de notre ministère – consistant à dire : « il ne faut pas que votre administration centrale s’installe dans Paris, parce que cela coûte beaucoup moins cher en dehors de la capitale. »

Qu’est-ce qui a conduit M. Brice Hortefeux et le Premier ministre à écarter – peut-être pas définitivement, mais, au moins provisoirement – cette approche de France Domaine ? Le Premier ministre a, en effet, comme vous le savez, donné mandat à M. Brice Hortefeux, par une lettre du 17 janvier 2008, d’ouvrir des négociations avec la société propriétaire de l’immeuble situé au 103 rue de Grenelle. Selon moi, il y a au moins trois arguments qui ont dû peser dans cette décision.

Le premier est la prise en compte d’un élément dont France Domaine s’obstine à ne pas tenir compte, à savoir le fait que 42 % des effectifs de notre administration centrale sont déjà localisés en province. Nous demandons que l’appréciation de la solution qui devra être choisie en définitive se fasse sur la base du calcul d’un loyer moyen pondéré intégrant à la fois le coût de l’implantation que nous trouverons à Paris ou à l’extérieur de Paris et celui des immeubles de Rezé et de Nantes.

Il est une deuxième considération que France Domaine, manifestement, n’a pas voulu prendre en compte. Nous sommes une petite administration centrale et notre ministre n’est pas du tout dans la même situation que ceux des Finances, de la Défense ou de l’Équipement, qui disposent d’une administration centrale dont les effectifs se comptent en dizaines de milliers d’agents et qui peuvent se permettre d’installer plusieurs de leurs services de l’autre côté du périphérique parce qu’ils conservent l’essentiel de leur administration centrale à Paris.

Le troisième argument est que notre ministère est nouveau, et est investi de politiques prioritaires aux yeux de l’opinion publique, du Président de la République et du Premier ministre. Il a donc besoin, dans sa phase de création, de monter en puissance et il doit y avoir une grande cohérence et une grande cohésion entre le ministre, son cabinet et les services.

J’ajoute que notre administration centrale est une vraie administration centrale. Elle est chargée de tâches de conception et d’état-major. D’aucuns ont prétendu que la tâche de ses services se résumerait à des traitements de dossiers, ce qui justifierait qu’ils s’installent au-delà du périphérique, voire plus loin. Premièrement, je ne connais pas d’administration qui ne soit pas chargée de traiter des dossiers et, deuxièmement, je revendique pour cette administration centrale le fait qu’elle assume, comme toute administration centrale, des missions de conception : de la politique d’immigration, de la politique d’intégration, d’accès à la nationalité française et de codéveloppement.

Par ailleurs, un certain nombre de considérations budgétaires caractérisant le fonctionnement de notre ministère depuis sa création montrent que nous sommes guidés dans nos choix organisationnels par la recherche des économies budgétaires.

Tels sont les principaux éléments de désaccord avec France Domaine.

Toujours est-il que M. le Premier ministre, à qui il appartient d’arbitrer les désaccords entre ses ministres, a donné à M. Brice Hortefeux, je le répète, un mandat de négociation portant sur l’immeuble du 103 rue de Grenelle par une lettre que nous avions demandée au ministère du Budget de porter à votre connaissance, M. le Président. Si tel n’a pas été le cas, nous allons vous la remettre.

M. Georges Tron, Président : Nous n’avons pas cette lettre.

M. Patrick Stefanini : Nous ne nous sommes pas permis d’établir avec vous de relations directes. Nous pensions que c’était le ministère du Budget et France Domaine qui le feraient. Je vais donc vous faire distribuer cette lettre.

M. Georges Tron, Président : Cette procédure appelle une question. Nous voyons bien qu’un différend existe avec France Domaine. Soit dit en passant – pour être sincère avec vous – je m’interroge, personnellement, sur la nécessité d’un regroupement géographique pour avoir une vraie communication entre les services. Les méthodes de télétravail permettent aujourd’hui une interactivité totale sans être dans une proximité immédiate. Votre ministère en est d’ailleurs la démonstration : comme il n’est pas question de ramener sur Paris les 42 % de vos effectifs qui sont en province, cela prouve donc que cela fonctionne.

Cela étant, l’un des objectifs de la réforme que nous avons souhaité initier était justement d’avoir une autorité décisionnaire reconnue comme telle. À l’issue de nos travaux, il a été décidé que c’est le ministère du Budget qui a autorité sur France Domaine. Ce qui me frappe, dans le cas de votre ministère, c’est que, dans le cadre d’une différence d’appréciation, on aboutit, au final, à une décision prise par le cabinet du Premier ministre, ce qui transforme toute la chaîne de décision habituelle. Si le Premier ministre s’était adressé à France Domaine pour lui demander de faire d’autres propositions ou d’intégrer des éléments de vos demandes, je pourrais comprendre. Mais la décision du Premier ministre de trancher un contentieux entre un ministère et le ministère de tutelle, à savoir celui du Budget, ne correspond pas au processus décisionnel auquel je pensais, pour ma part, qu’il fallait aboutir.

M. Patrick Stefanini : J’indique, pour bien resituer le processus de décision, que la lettre du Premier ministre en date du 17 janvier intervient après le constat de l’échec de nos tentatives pour regrouper dès le début de l’année 2008 tous nos services, sauf ceux de Nantes et de Rezé, sur un site unique. Cet échec ne nous arrange pas particulièrement, même si nous avons fait un effort de regroupement et réussi à limiter à sept le nombre de sites que nous occupons. Faire fonctionner une petite administration centrale de quelque 600 personnes sur sept sites n’est pas drôle tous les jours, qu’il s’agisse des adresses Internet ou du fonctionnement de la messagerie. Nous nous débattons actuellement dans des problèmes particulièrement complexes dus à l’échec de la solution de regroupement sur un site unique.

Les arbitrages qui ont été rendus dans l’urgence par le cabinet du Premier ministre début décembre, qui nous autorisaient à continuer à occuper des locaux dépendant à titre principal du ministère de l’Intérieur et du ministère des Affaires sociales puis, dans le courant du premier semestre 2008, à nous étendre rue de Grenelle, puis à faire une location temporaire en urgence dans un centre d’affaires, résultent quand même de l’échec d’une solution de regroupement sur un site unique.

M. Georges Tron, Président : Il est très intéressant d’entendre le développement qui a abouti à cette décision.

Notre mission comme le Conseil de l’immobilier de l’État (CIE) auditionnent nombre de ministères. L’une des raisons pour lesquelles le CIE ne rend pas actuellement d’avis – en tout cas, tels qu’on veut les lui faire rendre – est que, chaque fois, l’État, dans sa diversité ministérielle, nous oppose le même argument que vous : à savoir qu’il est tenu par des décisions d’extrême urgence. Pour les deux derniers avis qu’il a été amené à rendre, l’un pour le ministère de la Justice, l’autre pour le ministère de la Culture, le CIE n’a été saisi que dix ou quinze jours après la date fatidique ou présentée comme telle. Cette nécessité fait aujourd’hui loi.

Je constate que France Domaine – dont je ne suis pas le plus ardent avocat – qui, normalement, est chargé du pilotage, est ainsi dessaisi de toute autorité. Dans la lettre d’arbitrage du Premier ministre, il est écrit : « J’ai pris bonne note de l’ensemble des arguments que vous m’avez exposés. » et France Domaine n’est jamais mentionné. Si c’est le Premier ministre qui tranche sur la base de l’exposition faite par un ministère de ses besoins, il y a un court-circuit total du processus de pilotage que nous avons souhaité mettre en place.

M. Patrick Stefanini : Il y a eu de vraies discussions avec France Domaine. Je ne l’ai pas caché. Le 5 novembre, M. Brice Hortefeux a reçu M. Éric Woerth pour évoquer la problématique immobilière du ministère au 101 rue de Grenelle. Une réunion d’arbitrage s’est tenue au début décembre, sous l’autorité du cabinet du Premier ministre. Le processus de dialogue avec France Domaine et avec le ministère du Budget s’est donc déroulé tout à fait normalement. Le ministère de l’Immigration n’a pas établi un raccourci de discussion directe avec le cabinet du Premier ministre.

Il y a eu des discussions dans un cadre interministériel. Elles n’ont pas abouti à ce qui était notre objectif, c’est-à-dire le regroupement dès le début 2008, ou en tout cas dans le courant du premier semestre de 2008, sur un site unique. Pour le reste, la décision avait été prise dans le cadre de la préparation de la loi de finances de doter ce ministère d’une administration centrale à partir du 1er janvier 2008. L’urgence découlait des choix budgétaires, c’est-à-dire du transfert d’une série de services au nouveau ministère pour lui permettre de constituer son administration centrale.

M. Georges Tron, Président : Certes, c’est redire ce que vous avez déjà dit.

M. Patrick Stefanini : Pas tout à fait, parce que vous avez semblé considérer tout à l’heure, M. le Président, que l’urgence, c’était la présidence française de l’Union européenne. J’ai mentionné cet élément comme un élément de butoir pour nous, pour ne pas avoir à réaliser des déménagements dans le courant du second semestre 2008. Mais la véritable urgence pour nous, c’était la création de l’administration centrale du ministère au 1er janvier. Dans le cadre du vote de la loi de finances, le Parlement a décidé de nous transférer des services. Il fallait bien qu’on les loge !

M. Georges Tron, Président : Pas forcément rue de Grenelle !

M. Patrick Stefanini : Ce n’est évidemment pas France Domaine qui nous a proposé l’immeuble au 103 rue de Grenelle, mais celui-ci est situé à côté du 101, où siège le ministère. Il suffisait de regarder autour de nous pour voir qu’il y avait une opportunité immobilière.

La négociation qui est en cours présente les caractéristiques suivantes. L’immeuble est la propriété d’une société privée, la Société foncière lyonnaise, SFL, dont l’actionnaire principal est une société espagnole. Cet immeuble, qui est actuellement en cours de rénovation, sera disponible pour une location à partir de la fin de l’année 2008, en novembre ou en décembre, ce qui a l’avantage de correspondre parfaitement à notre calendrier d’aujourd’hui, puisque, faute d’avoir réussi le regroupement des services au début de l’année 2008, nous souhaitons le réaliser au début de l’année 2009.

Les surfaces disponibles sont de 17 524 mètres carrés, dont 15 248 mètres carrés de bureaux.

Quel est le montage financier qui nous permet d’envisager cette location ? J’avais évoqué la question mais je n’ai pas encore eu l’occasion d’en parler.

Depuis le début, dans nos discussions avec le ministère du Budget, nous envisageons un montage financier qui consiste, pour le ministère de l’Immigration, à faire tandem avec son principal opérateur, qui est l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations – l’ANAEM. Celle-ci dispose dans Paris, pour ses services centraux, de locaux qu’elle est prête à vendre. Nous proposons – et cela vaut pour le 103 comme pour n’importe quelle autre implantation immobilière dans Paris ou en dehors de Paris – d’installer les services parisiens de notre administration centrale conjointement avec les services parisiens de l’ANAEM. À cette occasion, cette dernière vendrait ses locaux et le produit de cette vente financerait indirectement la location des surfaces qui nous seraient destinées, puisqu’il permettait de diminuer le montant de la subvention que le ministère de l’Immigration verse chaque année à l’ANAEM.

Ce montage financier n’a jamais fait problème. Il a été approuvé dès le mois de juillet par la direction du Budget et par France Domaine, et il explique, monsieur le Président, messieurs les Rapporteurs, qu’aucun crédit de location immobilière n’ait été inscrit au budget de notre ministère.

J’ouvre une petite parenthèse : le fait qu’aucun crédit de location immobilière n’ait été inscrit au budget de notre ministère, alors que nous avons été contraints, dans l’urgence, à procéder à des locations, signifie que nous allons supporter, sur la substance de notre budget, les frais de location de l’immeuble de la rue de Rennes.

En regroupant les besoins qui sont les nôtres et ceux du relogement des services parisiens de l’ANAEM, nous arrivons à des besoins en mètres carrés qui sont de l’ordre de 8 500 mètres carrés, sur les 15 000 disponibles. Donc, nous sommes candidats pour une implantation au 103 rue de Grenelle, en cherchant un partenaire. J’ajoute que la société SFL souhaite, pour sa part, ne louer qu’à condition de louer la totalité des surfaces dont elle dispose. Donc, si nous ne trouvons pas de partenaires, si nous restons avec les besoins du ministère de l’immigration, ceux de l’ANAEM et, éventuellement, ceux d’un autre de nos opérateurs, qui est l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances – l’ACSÉ – nous ne pourrons pas nous installer rue de Grenelle.

M. Georges Tron, Président : Combien d’opérateurs avez-vous en tout ?

M. Patrick Stefanini : Nous avons quatre opérateurs, qui n’ont pas du tout la même importance en termes d’effectif et de fonctionnement administratif.

M. Yves Bentolila : La Cité nationale de l’histoire de l’immigration – CNHI – apparaît dans un autre programme plus général qui est directement rattaché au ministère de la Culture. Il fait l’objet d’un suivi en tant qu’opérateur secondaire, pour des raisons qui tiennent à son mode de financement.

Nos trois opérateurs principaux sont l’OFPRA – l’Office français de protection des réfugiés et apatrides –, l’ANAEM et l’ACSÉ, qui regroupent au total 1 800 agents, c’est-à-dire trois fois plus que les effectifs du ministère de l’Immigration, et qui sont chacun implantés à Paris ou en banlieue parisienne. L’OFPRA est dans le Val-de-Marne.

M. Patrick Stefanini : La CNHI est installée à Vincennes. Nous n’avons pas l’intention de la regrouper sur le ministère. L’OFPRA est installé dans le Val de Marne. Son indépendance est telle que, même si c’est désormais le ministre de l’Immigration qui est chargé de l’asile, nous n’avons jamais eu le projet de regrouper nos forces immobilières avec celles de l’OFPRA.

Restent l’ANAEM et l’ACSÉ. Je vous ai expliqué quel était le partenariat que nous avions envisagé avec l’ANAEM. On peut imaginer que ce partenariat s’étende à l’ACSÉ.

Cela étant, je veux ouvrir une parenthèse sur ce sujet : le conseil de modernisation des politiques publiques, qui s’est réuni le 12 décembre, a pris une série de décisions dont certaines intéressent déjà notre administration centrale. Il est en particulier envisagé de supprimer les doublons qui existent en matière de naturalisation entre les préfectures et la sous-direction située à Rezé ; une étude est actuellement menée concernant les relations que nous entretenons avec nos opérateurs et sur la structure de ces derniers. Il n’est pas exclu qu’il y ait, dans les prochaines semaines, des décisions de principe affectant le périmètre et les missions de l’ANAEM et de l’ACSÉ et que cela ait des conséquences sur nos choix immobiliers.

Je reviens au 103 rue de Grenelle. Nous ne pourrons prendre cet immeuble que si nous trouvons un partenaire. Je peux indiquer qu’un ministère au moins a marqué un intérêt pour étudier le dossier. Il n’en est qu’au stade de la réflexion, nous ne l’avons pas associé aux négociations que nous avons avec SFL.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Quel est ce ministère ?

M. Patrick Stefanini : Il s’agit du ministère de l’Intérieur. Il réfléchit à l’éventuel regroupement d’une administration qui, je crois, peut difficilement être localisée de l’autre côté du périphérique puisqu’il s’agit de la préfecture de Paris, avec la préfecture de région.

Quel est l’état des négociations ?

Nous sommes au premier stade des discussions avec SFL. Vous les trouverez résumés sur le document que je vous ai fait distribuer, dans la troisième série de lignes. Au 103 rue de Grenelle, nous avons besoin de 8 500 mètres carrés, pour loger environ 500 personnes, c’est-à-dire la partie parisienne de notre administration centrale et les services centraux de l’ANAEM. Le loyer qui nous est proposé actuellement est de 768 euros le mètre carré TTC CC. Nous continuons à négocier pour faire baisser les prix. Il ne vous a pas échappé, monsieur le Président, messieurs les Rapporteurs, que la lettre du Premier ministre, même si elle encourt les foudres de vos critiques sur le plan de la procédure, nous demande d’avoir une négociation extrêmement agressive et performante sur le plan des coûts.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Qui négocie ? Vous directement ou France Domaine ?

M. Patrick Stefanini : C’est nous. Le mandat de négociation nous a été clairement donné. Cela dit, M. le Rapporteur, si le service France Domaine veut s’associer à notre négociation, il est le bienvenu. Cependant, si sa position de principe est de refuser de s’intéresser à cet immeuble parce qu’il est dans Paris, le dialogue tournera court.

Je termine avec les caractéristiques actuelles de cette négociation.

Le coût actuel se situe à 768 euros le mètre carré TTC CC pour un ratio d’occupation de 11,9 mètres carrés par agent, ce qui nous paraît non seulement raisonnable mais surtout bien meilleur, au regard des préoccupations de votre mission, que les ratios observés dans les immeubles actuels, à l’exception de celui que nous avons loué rue de Rennes. Enfin, cet immeuble serait aux normes haute qualité environnementale (HQE), ce qui se traduira par des charges plus faibles dans la durée.

J’observe, pour ma part, que, au stade actuel de la négociation – et nous la poursuivons pour faire baisser les coûts – le loyer de 768 euros le mètre carré est inférieur à celui des locaux que nous occupons actuellement à Montparnasse, qui est de 808 euros, ainsi qu’à ceux des locaux du HCI et des locaux que nous louons rue de Rennes. J’ai donc la naïveté de penser qu’au coût actuel, il serait déjà plus avantageux de traiter avec SFL que de rester dans la situation immobilière qui est actuellement la nôtre. La même remarque vaut pour les ratios d’occupation.

M. Yves Bentolila : Je souhaite compléter les propos de M. Patrick Stefanini concernant les 18 propositions initiales de France Domaine, qui découlaient d’ailleurs très directement du cahier des charges de l’appel d’offres qui avait été lancé par ce dernier en étroite collaboration, à ce moment-là, avec nous.

Le loyer facial alors affiché par la Société foncière lyonnaise était de 750 euros le mètre carré hors taxes et hors charges pour l’opération dite du 103 rue de Grenelle. Aujourd’hui, nous en sommes à 594 HT HC. La négociation, telle qu’elle a été présentée à l’instant par M. Patrick Stefanini, fait apparaître une diminution du loyer facial de 18 %. Elle est donc aujourd’hui dans une moyenne des opérations de bureaux commercialisés dans le centre de Paris tout à fait acceptable, ce qui n’était pas le cas lors de la présentation initiale de la proposition par SFL ou de celles par France Domaine à l’issue du cahier des charges. De plus, c’est une opération classée HQE. Vous savez que les charges courantes des immeubles de bureaux à Paris ou dans la proche banlieue parisienne s’élèvent à environ 60 euros le mètre carré. Nous sommes à 52 euros le mètre carré, soit une économie de plus de 13 %, ce qui n’est pas négligeable s’agissant d’une opération qui, évidemment, s’inscrira dans une contrainte budgétaire forte pour le ministère de l’Immigration.

M. Patrick Stefanini : J’ajoute que nous nous sommes efforcés de tenir compte de ce qui est un des critères principaux dégagés par votre mission dans ses travaux depuis deux ans, à savoir la notion de loyer pondéré par agent. J’ai dit ce qu’il en était à propos de l’immeuble du 103 et de notre situation actuelle, qui est un héritage.

Par ailleurs, je suis convaincu que le fait d’avoir une administration centrale, de taille au demeurant modeste, installée à côté du ministère et du cabinet sera source d’économies, en ce qui concerne le câblage Internet, le fonctionnement des serveurs informatiques et, de façon plus générale, des matériels informatiques, le fonctionnement du standard téléphonique, ou encore les frais de voiture et de déplacement. Je reconnais volontiers que cela n’apparaît pas dans les termes de la négociation, mais c’est important.

Je précise, parce que des informations inexactes ont circulé en provenance du ministère du Budget, que notre projet n’est pas un projet d’extension. Nous ne cherchons pas à étendre les locaux du ministère de l’Immigration. Nous cherchons à nous installer. Et j’espère que mon audition aura permis de clarifier ce point.

De plus, nous ne cherchons pas à nous installer dans une construction nouvelle – l’immeuble du 103 est en rénovation – et nous entendons conduire cette opération grâce au montage financier avec notre principal opérateur. Le produit de la vente des locaux parisiens de l’ANAEM a été estimé par France Domaine à 18 millions d’euros. Certains trouvent cette évaluation un peu faible. Je ne suis pas un expert. Je me garderai donc de me prononcer. Néanmoins, il va de soi que, à travers cette vente, l’État va faire des économies et cela participera au financement de notre opération de relogement, financement qui n’apparaît pas – et pour cause – sur les documents que je vous ai remis.

J’indique encore que notre gestion budgétaire se veut rigoureuse. La construction de notre administration s’est caractérisée par une forte mutualisation des fonctions support. Ce n’est pas parce que le Premier ministre et le Parlement ont décidé de doter le ministère de l’Immigration d’une administration centrale, comme il en existe dans tous les ministères, que nous avons décidé de voir large. Le ministère de l’Immigration est en train de signer des délégations de gestion avec les ministères qui lui ont transféré des agents, en matière de gestion de personnels, de gestion immobilière et de gestion financière, ce qui lui permet d’avoir, sur ces fonctions, des effectifs limités.

Je précise également que le fonctionnement des services et du cabinet du ministre représente 1,1 % du budget total du ministère. Je voudrais être certain que, dans toutes les administrations centrales, le ratio soit le même.

Je signale enfin que, depuis trois ans, sous l’impulsion des gouvernements successifs, le secrétariat général du comité interministériel de contrôle de l’immigration, qui a constitué en quelque sorte l’embryon de la nouvelle administration centrale, a lancé des réformes qui ont permis des économies tout à fait substantielles sur ce qui est le principal poste de dépenses de notre ministère, puisqu’il représente 47 %, à savoir l’hébergement des demandeurs d’asile. Le remplacement de l’allocation d’insertion par l’allocation temporaire d’attente, suggéré par la Mission d’évaluation et de contrôle dans un autre de ses volets et décidé par le comité interministériel de contrôle de l’immigration en juillet 2005, a permis de faire passer la dépense correspondante de 156,9 millions d’euros en 2005 à 47,2 millions d’euros en 2007.

Par ailleurs, en ce qui concerne le programme 104, qui était le programme d’hébergement des demandeurs d’asile, il n’a pas connu en 2006 ni 2007 de décrets d’avance contrairement aux années précédentes, où les préfets appelaient à l’aide à partir du mois d’avril parce qu’il n’y avait pas assez de crédits.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Je vais citer un autre exemple de fonctionnement interministériel raté de la politique immobilière de l’État, sur une opération qui aurait pu intéresser votre ministère.

Le ministère des Affaires étrangères a tenu à vendre la rue Monsieur où figuraient certains agents qui sont maintenant rattachés au nouveau ministère de l’Immigration, alors que ces locaux auraient parfaitement convenu : ils auraient pu accueillir l’administration centrale au 1er janvier, puisque les locaux étaient disponibles, et même le 101 rue de Grenelle, puisque le site de la rue Monsieur comportait un hôtel pour le ministre et son cabinet. Les réjouissances publiques du ministère des Affaires étrangères, qui a encaissé le produit de la vente de la rue Monsieur, sont à tempérer par les dépassements de loyers que l’État va devoir payer pour le ministère de l’Immigration.

M. Patrick Stefanini : Aucune proposition ne nous a été faite à ce propos.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quelle que soit la qualité de votre démonstration, M. le Secrétaire général, vous mettez quand même en cause l’objectif et la méthode de travail qui avaient été définis par la Mission d’évaluation et de contrôle. En caricaturant un peu vos propos, ils se résument, même si vous savez défendre vos sites de Rezé et de Nantes, par le raisonnement suivant : il n’y a pas de survie pour une administration centrale au-delà du périphérique et encore moins en province. Nous n’arrivons pas à sortir des chemins battus.

On peut en tirer un certain nombre d’enseignements, qui vont à l’encontre des démarches initiées par le rapport rédigé par M. Georges Tron, au nom de la MEC et voté à l’unanimité de celle-ci, et des travaux réalisés ensuite par le conseil de l’immobilier de l’État. On doit s’interroger à ce sujet. Vous allez être un exemple que beaucoup de ministères vont tenter de suivre. Nous allons auditionner dans quelques instants le ministère de la Culture. S’ils connaissent votre démarche, ils vont être encore pires que devant le CIE.

M. Georges Tron, Président : Je ne suis pas sûr que ce ministère n’ait pas précédé celui de l’Immigration.

L’hypothèse initiale de l’ancien siège d’Areva est-elle définitivement abandonnée ?

M. Patrick Stefanini : Areva nous avait demandé une réponse avant le 15 décembre. À cette date, compte tenu de l’opposition du ministère du Budget, nous n’avons pas été en mesure de donner suite. Je ne sais pas si les locaux ont été reloués depuis. Mais je peux me renseigner très rapidement.

M. Georges Tron, Président : Il reste qu’on peut s’interroger sur les arguments ayant motivé l’arbitrage du Premier ministre. Pourquoi n’a-t-il pas été en faveur de la solution du siège d’Areva, qui apparaît comme relativement moins coûteuse que l’immeuble du 103 rue de Grenelle, et moins incertaine, puisque, pour le 103, il faut trouver un partenaire pour pouvoir boucler l’opération complète ?

M. Patrick Stefanini : Nous avons eu récemment des nouvelles de France Domaine puisque, par un courrier adressé au 78 rue de Varenne – que nous avons fini par récupérer –, il nous a proposé un immeuble situé porte de la Villette... J’aimerais qu’il s’intéresse un peu plus au quart sud-ouest de Paris ou de sa région, et aux caractéristiques de notre ministère.

M. Jean-Pierre Lourdin : On peut contester le fait que vous ayez voulu absolument rester dans Paris intra muros.

M. Patrick Stefanini : Je ne pense pas avoir dit tout à fait cela. Ce qui nous a dépités, c’est une attitude qui a consisté à ne tenir compte ni du fait que 42 % de nos effectifs sont déjà en province, ni de certaines caractéristiques de notre administration, ni du fait que nous préférions une localisation située dans la partie sud-ouest de Paris et de sa banlieue.

M. Georges Tron, Président : Je vous remercie, messieurs.

Auditions du 7 février 2008

b) à 10 h 30 :

Mme Christine Le Bihan-Graf, secrétaire générale du ministère de la Culture et de la communication, Mme Catherine Ahmadi-Ruggeri, directrice adjointe de la direction de l’Administration générale, Mme Sophie Moussette, chef du bureau de la politique immobilière de la sous-direction des affaires financières et générales

Présidence de M. Georges Tron

M. Georges Tron, Président : Mesdames, je vous remercie d’avoir répondu à l’invitation de la Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances de l’Assemblée nationale. L’un de nos deux corapporteurs, M. Jean-Louis Dumont, va ouvrir les débats, en l’absence de M. Yves Deniaud, l’autre corapporteur.

Comme vous le savez, nous bénéficions, pour nos auditions, du concours de la Cour des comptes, représentée aujourd’hui par MM. Christian Sabbe, conseiller maître, et Claude Lion, conseiller référendaire. Je salue également la présence de M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du conseil de l’immobilier de l’État, que j’ai l’honneur de présider.

L’action présente de la Mission d’évaluation et de contrôle s’inscrit dans la suite logique du rapport, rédigé en juillet 2005, qui avait relevé une carence dans la politique immobilière de l’État. La nécessité d’assurer un suivi, rappelée hier encore à la tribune de l’Assemblée par le Premier président de la Cour des comptes, nous a amenés à remettre un deuxième rapport. Nous préparons maintenant un troisième rapport destiné à faire le point. Entre temps, le conseil de l’immobilier de l’État a été installé en juin 2006.

Nous avons de nombreuses questions à vous poser. Nous souhaitons en particulier avoir des précisions sur les dossiers en cours dans votre ministère, au sujet desquels nous avons déjà eu l’occasion de vous interroger dans le cadre du conseil de l’immobilier de l’État.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Mesdames, j’ai pris connaissance du compte rendu de votre audition par le CIE. Permettez-moi d’évoquer en préambule une autre audition restée dans les annales de la commission des Finances, celle du ministre de la Culture de l’époque sur les problèmes immobiliers de son ministère : jamais l’on n’avait vu le président Pierre Méhaignerie s’emporter à ce point ! À l’évidence, le ministère de la Culture ne s’inscrit pas dans la ligne définie par les instances gouvernementales. Cette capacité à résister ne saurait être qualifiée de positive.

Le ministère de la Culture a déjà procédé à des ventes d’immeubles dont le produit, au demeurant, s’est révélé plus important que les estimations initiales. S’il y a lieu de s’en réjouir, encore faut-il savoir comment utiliser cet argent à bon escient.

La question du relogement de la direction de la Musique, de la danse, du théâtre et des spectacles – DMDTS –, qui doit quitter ses locaux actuels en juin 2008, est connue depuis le début de l’année 2006. Pourquoi a-t-on pris un tel retard ? Pour les ministères, et singulièrement pour celui de la Culture, il semblerait qu’il n’y ait point de salut hors Paris - voire lorsque l’on s’éloigne un peu de la rue de Valois. Est-ce une volonté politique qui a provoqué des retards ? Avez-vous pris connaissance de l’ensemble des propositions du service France Domaine ? Si tel est le cas, quels enseignements en tirez-vous ? Quelles relations entretenez-vous avec France Domaine ? Trouvez-vous des défauts à son fonctionnement ? Le ministère a-t-il effectué des recherches directement ? S’il l’a fait, pour quelles raisons, de quelle manière et avec quelle autorisation ?

La MEC s’interroge également sur les informations que vous avez fournies sur l’immeuble de la rue des Bons-Enfants. Les chiffres relatifs aux surfaces ne correspondent pas à ceux dont nous disposons. Qu’en est-il des possibilités de densification de ces surfaces, dans la perspective d’accueillir plus de personnel qu’actuellement ? Pouvez-vous prendre des engagements à ce sujet ?

Mme Christine Le Bihan-Graf : Voilà un an que j’occupe les fonctions de secrétaire général du ministère de la Culture et de la communication et je ne pense pas que l’on puisse dire que ce ministère fait de la résistance ou se livre à une opposition militante à l’égard de la politique immobilière de l’État, dont les principes ont été rappelés par le conseil de modernisation des politiques publiques. Je n’ai pas non plus décelé de mauvaise volonté de la part de mon administration, dont les relations avec France Domaine, autant que je sache, sont bonnes. Sous l’impulsion de la Cour des comptes et grâce à France Domaine, nous avons progressé dans la professionnalisation de notre approche de l’immobilier. Ce n’était évident ni de notre côté ni de celui du ministère du Budget. Désormais, le ministère de la Culture s’emploie à appréhender ce sujet de façon professionnelle, dissociée de toute considération idéologique.

Pour rationaliser et dynamiser la gestion de notre patrimoine immobilier, il nous faut en améliorer la connaissance et développer des outils permettant de le valoriser. C’est ce qui sous-tend la politique de cession que vous avez mentionnée, monsieur le Rapporteur. Celle-ci se poursuivra, notamment en ce qui concerne le patrimoine, extrêmement étendu et divers, de nos services déconcentrés, pour lequel nous avons fixé des objectifs clairs. Je le répète : il n’existe aucune volonté de résistance de notre part.

Si nous sommes animés par la volonté de rationaliser notre patrimoine immobilier, nous sommes aussi guidés par les grands principes de la réforme de l’État, ce qui n’est nullement incompatible. Étant chargée de coordonner la réflexion sur la révision générale des politiques publiques au sein de ce ministère, je me dois de constater que l’éclatement des implantations est d’abord le reflet de l’éclatement des structures et des administrations. La politique de cession doit donc se combiner avec une politique de regroupement des services et de mutualisation des fonctions support, dans une logique consistant à concentrer l’administration du ministère, conformément aux recommandations du conseil de modernisation des politiques publiques, autour de quatre à cinq directions, et non plus neuf. Cela suppose une relative proximité.

L’éclatement des implantations complique la mutualisation, mais aussi la gestion de nos grandes salles de réunion. Les surcoûts qu’entraînent les déplacements de personnel vont à l’encontre de l’objectif d’efficacité économique que nous poursuivons.

C’est pourquoi, d’un commun accord avec France Domaine, nous avons cherché à reloger la DMDTS plutôt à proximité du ministère. Je souhaite que les agents de cette direction puissent utiliser les salles de réunion communes et que certaines fonctions, comme la documentation ou l’inspection, soient mutualisées. L’éloignement des services rendrait cette démarche presque impossible. Nos discussions avec France Domaine nous laissent à penser que le projet de localisation que nous avons pour la DMDTS rue Beaubourg permet de concilier une certaine norme de loyer au mètre carré et une norme d’éloignement ne dépassant pas trente minutes de trajet.

Mme Catherine Ahmadi-Ruggeri pourra, si vous le souhaitez, retracer toutes les démarches et les visites d’immeubles qui ont été effectuées. Les faits montrent que nous n’avons jamais tenté de nous opposer à ce qui nous a été demandé, ce qui aurait été d’ailleurs irresponsable de la part de hauts fonctionnaires.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : J’ai parlé, plus précisément, d’une éventuelle volonté politique : en tant que secrétaire général, vous n’auriez pu que l’appliquer. C’est ce que la commission des Finances a déjà cherché à établir sous l’impulsion du Président Pierre Méhaignerie.

M. Georges Tron, Président : Considérez-vous que les réponses qui vous ont été faites sont suffisantes, monsieur le Rapporteur ?

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Elles ne sont pas tout à fait satisfaisantes. Je doute que l’argument de l’utilisation des salles de réunion suffise à justifier la validité d’une installation à proximité du ministère, non plus que le critère des trente minutes de trajet.

S’agissant de l’immeuble de la rue des Bons-Enfants, le ministère a-t-il l’intention de densifier l’utilisation des surfaces ?

Mme Christine Le Bihan-Graf : La gestion actuelle de cet immeuble présente des contraintes objectives. Moins de 50 % de l’espace total peut être consacré aux bureaux. Nous n’avons pas conçu ce bâtiment ; nous l’avons pris tel qu’il est. Un premier déménagement a eu lieu, mais le regroupement, à ce jour, est loin d’être parfait. Depuis longtemps, le ministère réfléchit à une meilleure utilisation des surfaces. Un marché a déjà été passé en ce sens avec un programmiste immobilier.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quels seront les délais ?

Mme Christine Le Bihan-Graf : De telles études prennent du temps. En outre, je ne peux reprogrammer l’utilisation des espaces sans savoir quel sera le visage de mon administration après la réduction du nombre de directions demandée par le conseil de modernisation des politiques publiques. Dès que la ministre aura rendu son arbitrage sur le périmètre des quatre ou cinq directions regroupées, le travail du programmiste sera facilité.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Cela prendra-t-il trois mois ? Six mois ?

Mme Christine Le Bihan-Graf : La validation d’un avant-projet d’organisation de l’administration centrale dépend du conseil de modernisation des politiques publiques. On peut sans doute envisager avril ou mai. Ensuite, le programmiste pourra faire des propositions service par service.

Au moment où le Président de la République et le Premier ministre nous demandent de recomposer le visage de l’administration, on ne peut imaginer que des directions se rapprochent et travaillent ensemble que si elles sont réunies dans un même espace. Il ne serait pas de bonne pratique de les maintenir dans des localisations séparées.

M. Georges Tron, Président : M. le Rapporteur devant nous quitter, je vais m’efforcer de faire office à la fois de Rapporteur et de Président. Ne voyez surtout aucun tour personnel dans mes questions, madame le secrétaire général. J’ai d’ailleurs bien noté que vous avez pris vos fonctions il y a un an seulement.

Les travaux de la commission des Finances ont démontré qu’environ 80 millions d’euros ont été investis pour les travaux de rénovation de l’immeuble de la rue des Bons-Enfants et 80 millions pour le portage, ce qui porte le coût total à près de 160 millions. Ayant été rapporteur à l’époque, je me rappelle que le ministère présentait ce chantier comme l’opération structurante de sa politique immobilière. Elle devait être financée par la réalisation de plusieurs autres actifs.

Au bout du compte, l’opération se révèle particulièrement emblématique de ce qu’il ne faut pas faire. D’une part, les cessions n’ont pas été effectuées spontanément : c’est un amendement de la commission des Finances au projet de loi de finances pour 2006, déposé par M. Pierre Méhaignerie, M. Gilles Carrez et moi-même, qui a conduit à la vente des hôtels Kunsky et Vigny-Croisilles. D’autre part, comme vous l’avez reconnu, l’immeuble ne semble pas correspondre à vos souhaits.

Quelle appréciation portez-vous sur ces insuffisances ? Non seulement l’opération des Bons-Enfants, initialement donnée en exemple, s’est révélée un fiasco du point de vue économique le plus élémentaire – douze ans de portage d’un immeuble vide en plein cœur de Paris ! –, mais il apparaît qu’une extension est aujourd’hui nécessaire.

Quant à la direction de la Musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, la DMDTS, elle souhaitait, dans un premier temps, s’installer dans l’immeuble en face, sans doute l’un des plus chers de Paris. Cela ne traduit pas un effort de recherche considérable. Vous invoquez des impératifs de rationalisation de l’utilisation des salles et de mutualisation pour rejeter l’idée d’une implantation dans des arrondissements périphériques, mais ne pensez-vous pas que les moyens de télécommunication actuels permettent une bonne organisation du travail à distance ?

Le ministère que nous venons d’auditionner nous a soutenu que 40 % des effectifs de son administration centrale sont déconcentrés en province, mais que les 60 % restants doivent impérativement être implantés à quelques mètres les uns des autres !

Mme Christine Le Bihan-Graf : À la différence de ce ministère, l’administration centrale de la culture est peu déconcentrée. En revanche, elle est située dans un périmètre restreint autour du ministre, et cela a un sens. Des déplacements trop importants seraient facteurs d’inefficacité économique. Nous avons déjà généralisé l’usage du télétravail et de la visioconférence dans nos services déconcentrés : les DRAC ne se déplacent plus à Paris pour une réunion sur tel ou tel sujet. Cela semble beaucoup plus compliqué pour les services parisiens et entre en contradiction avec la dynamique que nous voulons instaurer et qui suppose la présence des agents dans des réunions et au sein de groupes de réflexion : désormais, l’administration fonctionne davantage en groupes de projet que selon un mode hiérarchique, et ces groupes ont besoin d’être à proximité les uns des autres.

M. Georges Tron, Président : En quoi la proximité immédiate entre le cabinet du ministre et la DMDTS est-elle une obligation ? Quelle difficulté y aurait-il, par exemple, à implanter cette direction dans le XIIIe arrondissement, qui est parfaitement desservi par le métro ?

Mme Christine Le Bihan-Graf : Nous avions établi, pour des raisons d’efficacité économique, que la DMDTS ne devait pas se trouver à plus de trente minutes de la rue de Valois. En quoi le fait d’avoir trouvé un immeuble rue Beaubourg, pour un loyer qui nous semble raisonnable et qui est conforme au cahier des charges, nous obligerait maintenant à aller dans le XIIIe arrondissement ? On doit se défendre de toute position dogmatique. Pour les agents, il est important de pouvoir se rendre rapidement au cabinet du ministre pour y assister à des réunions qui sont souvent organisées au dernier moment. Cela fait partie de la réactivité de cette administration. Le ministère de la Culture a en effet pour spécificité, par rapport à d’autres ministères plus régaliens, d’être particulièrement soumis à l’événement et à l’actualité, ce qui suppose une grande capacité de réaction. Le ministre est sollicité tous les jours…

M. Georges Tron, Président : Je regrette que vous n’ayez pas assisté à l’audition des autres ministères, car cet argument n’est pas d’une grande originalité.

La différence entre un trajet de trente minutes à pied pour aller rue Beaubourg et un trajet de trente minutes en métro pour aller rue Albert vous semble-t-elle insurmontable ?

Mme Christine Le Bihan-Graf : Non, bien entendu. En revanche, pourquoi choisir le XIIIe si l’on a trouvé aussi bon marché rue Beaubourg ?

M. Georges Tron, Président : Les prix sont-ils effectivement les mêmes ?

Mme Christine Le Bihan-Graf : Mme Sophie Moussette, qui a instruit ce dossier, pourra vous répondre en détail.

Mme Sophie Moussette : Permettez-moi tout d’abord, monsieur le Président, de revenir sur la cession de l’hôtel Kunsky, dont le produit – 38 millions d’euros – a largement dépassé le prix de 12 millions qui avait été évalué par les Domaines. La contribution du ministère ne saurait donc être ignorée.

M. Georges Tron, Président : M’autoriserez-vous à vous rappeler que nous avons dû nous montrer quelque peu incitatifs pour parvenir à ce résultat ?

Mme Sophie Moussette : C’est une chose dont je vous remercie, monsieur le Président.

Les surfaces occupées ont été considérablement réduites : environ 2 000 mètres carrés bruts pour la rue Beaubourg, contre 3 500 pour l’hôtel Kunsky. Si l’on considère l’ensemble des opérations réalisées – dont la résiliation du bail de la place de Valois, la vente de l’immeuble de la rue du Renard et, à terme, la résiliation du bail de la rue Louvois, où sont aujourd’hui installées les organisations syndicales –, on atteint un gain de près de 2 800 mètres carrés pour l’administration centrale et parisienne.

M. Georges Tron, Président : Pouvez-vous me garantir que les opérateurs dépendant de votre ministère ne mènent pas d’opérations parallèles qui iraient à l’encontre de cette diminution de la surface ?

Mme Christine Le Bihan-Graf : Nous ne pouvons pas le garantir au moment où nous parlons.

Mme Sophie Moussette : En outre, les opérateurs sont des entités juridiquement responsables. En tant que gestionnaire de la politique immobilière du ministère, il m’est plus facile d’intervenir au niveau de l’administration centrale.

M. Georges Tron, Président : Ces subtilités sont bien compréhensibles, mais la commission des Finances, quand elle aborde ces sujets, n’est pas censée s’y attarder. Le ministère de tutelle de ces opérateurs est bien le ministère de la Culture et leur parc immobilier s’y rattache. On ne peut féliciter un ministère de réduire la surface qu’occupe son administration centrale si, dans le même temps, ses opérateurs accroissent la leur.

Mme le secrétaire général a affirmé que les coûts de la rue Albert et de la rue Beaubourg sont comparables. Pourriez-vous préciser ce point ?

Mme Sophie Moussette : Il convient de rappeler que le marché est aujourd’hui extrêmement tendu. En matière de location de bureaux, l’offre est peu abondante et la réalité rencontrée sur le terrain est souvent différente de l’image qu’en donnent les agences immobilières. Nous avons travaillé en totale transparence avec France Domaine, en commençant par une recherche fondée sur un cahier des charges validé par le cabinet du ministre des Finances. Pour parfaire notre connaissance du marché, nous avons également reçu directement un certain nombre d’offres émanant d’agences immobilières. Il apparaît clairement que les niveaux de prix du XIIIe arrondissement, notamment en raison de la desserte par la ligne Météor, sont largement supérieurs à ce qui nous a été proposé pour la rue Beaubourg : les prix de présentation, dans ces bâtiments de standing, s’élèvent à environ 650 euros par mètre carré.

M. Georges Tron, Président : Quels sont les chiffres pour la rue Albert ?

Mme Sophie Moussette : Ils sont moins élevés, puisque la rue Albert est au bord du périphérique et n’est pas sur la ligne Météor : 300 euros par mètre carré. Cependant il existait aussi un problème de disponibilité.

M. Georges Tron, Président : Et pour la rue Beaubourg ?

Mme Sophie Moussette : Après négociation, nous sommes aux alentours de 390 euros.

M. Georges Tron, Président : Soit 30 % de plus.

Mme Sophie Moussette : À cela près que l’immeuble de la rue Beaubourg est disponible, pas celui de la rue Albert.

M. Georges Tron, Président : Moyennant un petit effort, nous avons tout de même établi que ce ne sont pas les mêmes coûts.

Vous avez qualifié le marché de « tendu ». Or France Domaine aurait reçu treize offres d’immeuble et vous les aurait présentées. Cela n’est-il pas le signe que le marché est moins tendu qu’il n’y paraît ?

Mme Sophie Moussette : Après examen, nous nous sommes aperçus que certaines offres ne correspondaient absolument pas à nos besoins : ainsi des immeubles mal agencés, notamment dans le XIe arrondissement, ou dépassant le cahier des charges, le temps de transport avec la rue de Valois excédant les trente minutes. Nous avons aussi visité un immeuble dans le XVIe arrondissement qui semblait répondre parfaitement à ce que nous recherchions, mais la moitié des surfaces étaient aveugles.

M. Georges Tron, Président : À la lumière de l’expérience de l’immeuble de la rue des Bons-Enfants, considérez-vous que le ministère de la Culture soit en mesure de déterminer par lui-même et de façon explicite quels sont ses besoins ? Les treize propositions étaient très diverses : elles recouvraient quatre arrondissements parisiens et six communes de la proche banlieue, avec des loyers variant de 250 à 980 le mètre carré, plusieurs offres s’établissant dans le bas de cette fourchette.

En outre, quel a été le rôle du ministère de la Culture lui-même dans la prospection du marché, étant entendu que, selon nous, c’est à France Domaine d’assumer cette tâche ? N’a-t-on pas engagé des démarches parallèles ?

Mme Sophie Moussette : France Domaine est dans son rôle de propriétaire et de gestionnaire immobilier. Il est tout de même très utile d’associer les utilisateurs ou leurs représentants à la recherche de biens qui doivent répondre à leurs besoins ! Si nous avons exploré des pistes avec France Domaine, il n’en était pas moins important de connaître ce qui est proposé aujourd’hui sur le marché. Du reste, nous n’avons rien fait sans France Domaine, qui a effectué toutes les visites avec nous.

M. Georges Tron, Président : Avez-vous visité tous les immeubles proposés par France Domaine ?

Mme Sophie Moussette : Non.

M. Georges Tron, Président : Pourquoi ?

Mme Sophie Moussette : En accord avec France Domaine, nous avons écarté ceux qui ne correspondaient pas au cahier des charges.

M. Georges Tron, Président : Le temps de parcours de trente minutes est-il expressément indiqué dans ce cahier des charges ?

Mme Sophie Moussette : Bien sûr.

M. Georges Tron, Président : Vous êtes formelle ?

Mme Sophie Moussette : Oui.

M. Georges Tron, Président : Il faut bien entendu rechercher les immeubles avec les utilisateurs, mais où placeriez-vous la ligne de partage entre les possibilités laissées à un ministère pour faire entendre sa voix et le pouvoir de décision qui revient à France Domaine ?

Mme Sophie Moussette : La question est difficile. Le travail est effectué en total accord avec France Domaine sur bien d’autres dossiers que celui de la relocalisation de la DMDTS.

M. Georges Tron, Président : Les cahiers des charges sont élaborés également avec France Domaine ?

Mme Sophie Moussette : Oui.

M. Georges Tron, Président : Dans celui que j’ai sous les yeux, et qui concerne la recherche de bureaux pour la DMDTS, je peux lire : « Localisation : la desserte en transports, et notamment en transports en commun, doit être satisfaisante et permettre de relier facilement l’immeuble avec le ministère de la culture (métros Palais-Royal et Pyramides). » Il n’est pas fait mention des trente minutes…

Mme Sophie Moussette : Elles avaient été actées lors d’une réunion entre cabinets ministériels.

M. Georges Tron, Président : Cela me ramène à ma question précédente : à partir de quel moment considère-t-on que le ministère décide pour lui-même ? Où est la frontière ?

Mme Sophie Moussette : Le ministère est l’utilisateur. Le cahier des charges aurait été très difficile à établir sans notre apport. Si nous réduisons la surface totale occupée, c’est que nous comptons, grâce à ces trente minutes, mutualiser certains locaux et certaines fonctions. L’intervention du ministère permet des économies.

M. Georges Tron, Président : Revenons à l’exemple des Bons-Enfants.

Quelles sont, pour cet immeuble, les surfaces SHOB (hors œuvre brute), SHON (hors œuvre nette), SUB (utile brute) et SUN (utile nette) ?

L’agrément du 4 février 2000 délivré par le Comité pour l’implantation des emplois publics indiquait une SHON de 32 000 mètres carrés, alors qu’aujourd’hui n’en figurent plus que 28 634, soit une perte de 3 366. De plus, comment est-on passé de 38 000 mètres carrés de SHOB à 21 000 mètres carrés de SUB ?

Enfin, l’examen des différents ratios montre que rien ne correspond aux éléments dont on disposait initialement. Quels sont les vrais chiffres ? Ceux-ci expliquent-ils la déception dont Mme Le Bihan-Graf a fait état quant à l’utilisation de cet immeuble ? Cela ne démontre-t-il pas que ce n’est pas forcément le ministère utilisateur qui est le plus à même d’apprécier les caractéristiques de l’immeuble qu’il souhaite occuper ?

Mme Sophie Moussette : Les chiffres sont les suivants : 28 634 mètres carrés de SHON, 21 128 de SUB et 10 100 de SUN.

M. Georges Tron, Président : Comment le décalage avec les chiffres de 2000 s’explique-t-il ?

Mme Sophie Moussette : Par la succession des permis de construire qu’il a fallu redéposer et par le fait que le coefficient d’occupation des sols a été réduit à un moment donné.

Mme Catherine Ahmadi-Ruggeri : Vous avez posé à plusieurs reprises la question du partage de compétences entre France Domaine et le ministère utilisateur, monsieur le Président. Or il est clair qu’aucune des deux fonctions n’empiète sur l’autre. Tout projet immobilier doit se faire en bonne intelligence avec l’utilisateur pour ce qui est de la définition des besoins, et tel a été le cas. Nous travaillons de façon constructive avec France Domaine, dans un souci commun d’amélioration et de dynamisation de la gestion de notre patrimoine.

Dans le cas de la DMDTS, France Domaine a fait des propositions. Nous avons évalué ensemble nos besoins au cours d’une discussion contradictoire : il ne s’est nullement agi d’une liste de vœux avalisée les yeux fermés. C’est ainsi que nous avons abouti à cet ensemble de mandats, qui a reçu ensuite une validation politique.

Il faut également rappeler qu’une implantation avait été identifiée et que l’équipe politique précédente l’avait approuvée, tant du côté du ministère des finances que de celui de la culture. Nous avons conduit une étude de programmation détaillée associant les cent cinquante agents de la DMDTS. Or, après six mois de travail, nous nous sommes retrouvés à la fin de l’été dans une situation catastrophique puisque le projet s’est effondré du jour au lendemain. Il nous a fallu tout reprendre pour assurer un déménagement avant juin 2008. Si nous avons nous-mêmes commencé à examiner avec France Domaine des offres dans le périmètre défini par le mandat, c’est à cause de cette contrainte. Si nous ne respectons pas le délai, nous devrons payer des pénalités considérables.

M. Georges Tron, Président : J’entends bien votre argument, Madame, mais il pose à mon sens beaucoup plus de questions qu’il n’en résout. Les délais sont toujours invoqués par les ministères pour faire pression sur les différents acteurs. Nous en avons quelque expérience au conseil de l’immobilier de l’État. On peut se demander pourquoi le ministère de la Culture n’a pas trouvé plus tôt une solution au problème du déménagement de la DMDTS, l’échéance du 30 juin 2008 pour la fin du bail étant connue depuis le début 2006.

Mme Catherine Ahmadi-Ruggeri : Sans doute me suis-je mal fait comprendre : nous avions trouvé une solution.

M. Georges Tron, Président : Pourriez-vous préciser laquelle ?

Mme Catherine Ahmadi-Ruggeri : Une location au Louvre des antiquaires.

M. Georges Tron, Président : Pour quel coût ?

Mme Catherine Ahmadi-Ruggeri : A 490 euros le mètre carré, ce qui signifie que la négociation a été extrêmement favorable pour le ministère.

M. Georges Tron, Président : Vos réponses sont parfaitement cohérentes, Madame, mais j’aimerais que vous reconnaissiez que mes questions ne le sont pas moins.

Vous m’expliquez que ce prix de 490 euros est très avantageux pour le quartier mais, rue Albert, ce montant n’était que de 300 euros. Le ministère du Budget et France Domaine ont adressé des messages pour faire savoir que le premier prix paraissait trop élevé. J’en reviens donc à ma question : à partir de quand considérez-vous que vous êtes mieux placés que le ministère du Budget et France Domaine pour décider ? Après tout, vous pourriez aussi soutenir qu’obtenir des bureaux à 800 euros le mètre carré au lieu de 1 000 est une opération très profitable.

Est-il possible de prendre en considération la perception globale des coûts par l’État, et non les références auxquelles tel ou tel ministère est habitué ? C’est là que la centralisation par France Domaine trouve tout son sens. Nous avons constaté, au fil des auditions, que chaque ministère y va de son référentiel et que chacun considère qu’il a fait une très bonne affaire, parce que lui seul apprécie les coûts. Ne pensez-vous pas que le CIE et France Domaine sont dans leur rôle lorsqu’ils disent non parce que le prix est trop élevé ?

Mme Catherine Ahmadi-Ruggeri : Nous avions obtenu un accord sur ce coût. Que le CIE et France Domaine le trouvent aujourd’hui trop élevé, nous en avons pris acte et nous avons essayé de trouver une implantation moins onéreuse, comme c’est le cas avec l’immeuble de la rue Beaubourg.

Je me suis efforcée, monsieur le Président, de répondre à votre question sur l’urgence et de vous expliquer comment nous nous sommes trouvés dans cette situation alors même, comme vous l’avez à juste titre rappelé, que nous connaissions l’échéance qu’il nous fallait respecter. C’est ce qui explique que nous ayons pris l’initiative, en parfaite entente avec France Domaine, de consulter quelques offres complémentaires pour faire face à l’urgence.

M. Georges Tron, Président : Certains signaux avaient été donnés, notamment lors de l’audition, ici même, du ministre de l’époque, M. Renaud Donnedieu de Vabres. Le CIE avait également poussé l’investigation sur ce sujet. La notion du temps au ministère de la Culture est difficile à saisir : on laisse un immeuble vide pendant douze ans, mais voilà qu’aujourd’hui on est assailli par l’urgence !

J’ai toujours du mal à comprendre où vous placez la frontière entre ce qui relève de l’utilisateur et ce qui relève de France Domaine. En l’occurrence, ce dernier organisme donne le sentiment de n’avoir pas joué de rôle moteur dans la discussion.

Au fond, il est à craindre qu’aucune solution ne se dégage tant qu’il n’y aura pas de réorganisation du ministère, comme l’a dit Mme Le Bihan-Graf.

Pour ce qui est de l’implantation de la DMDTS rue Beaubourg, on peut s’interroger plus sur la durée de la location que sur son prix. Pour une durée courte, des solutions un peu plus chères sont acceptables et le prix de 390 euros par mètre carré n’est en lui-même pas de nature à surprendre les connaisseurs du dossier. Ce qui est plus surprenant est la durée de six ans prise en référence.

En ce qui concerne l’immeuble de la rue des Bons-Enfants, la Cour des comptes nous a fait part de sa conviction dès le départ que l’opération était une erreur. Malheureusement, cela semble se vérifier aujourd’hui.

M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du conseil de l’immobilier de l’État : Nous avons une différence d’appréciation avec le ministère de la Culture sur l’urgence : le CIE n’a jamais eu connaissance d’un accord du ministère du Budget sur cette question, laquelle n’a d’ailleurs pas été abordée par le prédécesseur de Mme Le Bihan-Graf lors de son audition sur le SPSI.

En outre, nous ne connaissions pas le projet alternatif d’implantation rue Albert : il est donc difficile de dire aujourd’hui qu’il ne convient pas.

Pour ce qui est de la comparaison des coûts, nous ne pouvons déterminer le loyer final réel rue Beaubourg puisque nous ignorons les coûts d’aménagement. Il semble que cet immeuble ne réponde pas aux normes d’accessibilité des handicapés et ne dispose pas de restaurant inter-entreprises. Il est difficile de comparer ce qui n’est pas comparable.

Mme Christine Le Bihan-Graf : La réforme de l’État ne s’inscrit pas dans une temporalité de court terme. En revanche, le moyen terme nous semble raisonnable. C’est pourquoi nous avons demandé un bail de six ans pour l’immeuble de la rue Beaubourg : il faut inclure les délais de concertation et de négociation liés à toute réforme, ceux qu’implique la rédaction d’un décret en Conseil d’État, puis la réorganisation elle-même, pendant que s’effectue parallèlement le travail du programmiste immobilier.

L’immeuble de la rue des Bons-Enfants a fait l’objet de rapports très pertinents de la Cour des comptes. Il faut cependant reconnaître la singularité de la démarche patrimoniale du ministère de la Culture, même si je connais les limites du discours de la spécificité, monsieur le Président. On ne peut reprocher au ministère de la Culture de vouloir occuper des bâtiments pour les restaurer, les valoriser et sauvegarder leur dimension patrimoniale. Dans le cas de la rue des Bons-Enfants, nous sommes dans une autre logique, celle de la création, du geste architectural, à laquelle je crois savoir que le Président de la République lui-même n’est pas insensible : au-delà des aspects fonctionnels, l’architecture doit devenir un vecteur de la politique de création.

C’est ce geste architectural qui entraîne des contraintes que ne présenterait sans doute pas un immeuble de bureaux banal répondant à la seule logique de la rentabilité.

Il nous faut donc prendre ce qui existe aujourd’hui, avec les contraintes d’organisation administrative et d’organisation spatiale que nous connaissons, et essayer de faire de ces contraintes des leviers permettant d’améliorer notre gestion patrimoniale.

Si le mandat de France Domaine était de gérer l’immobilier à notre place et de nous indiquer de façon totalement directive où nous devons aller, nous nous y conformerions. Mais l’heure est à un dialogue serein avec France Domaine, où les intérêts du propriétaire se conjuguent avec ceux du locataire. Lorsqu’un particulier visite plusieurs appartements, le fait que ceux-ci soient tous différents ne l’empêche de garder en tête l’ordre de ses priorités. Or, pour moi qui suis chargée de la coordination de l’administration, la priorité est que les conditions de cette coordination ne soient pas rendues encore plus compliquées par la dispersion des services.

M. Georges Tron, Président : Cela étant, je constate que le ministère a fait des recherches par lui-même, que des éléments ne figurant pas au cahier des charges, comme les trente minutes – dont on m’a affirmé avec assurance qu’elles y sont inscrites –, sont ajoutés ; on nous présente des coûts très supérieurs à ceux du marché comme étant particulièrement avantageux… Tout cela reste très surprenant.

J’en viens maintenant à une dernière série de questions. Pourriez-vous m’indiquer où en sont le recensement et l’évaluation des opérateurs du ministère de la Culture ? Il s’agit, pour le coup, d’une véritable spécificité.

Qu’en est-il également de la mise à jour du schéma pluriannuel de stratégie immobilière, le SPSI, et des SPSI déconcentrés ? Quelles sont actuellement les perspectives de diminution des effectifs du ministère dans le cadre de la RGPP ? On nous promet depuis longtemps une réduction annuelle de l’ordre de 100 équivalents temps plein travaillé – ETPT –, mais il ne semble pas que ce soit le cas. Si l’on s’en tenait à la norme de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, le total serait de 350 ETPT en trois ans et de 700 en six ans, dont un tiers dans les services centraux.

Qu’en est-il enfin, dans ce contexte, de la réorganisation de la fonction immobilière du ministère après la création du bureau de la politique immobilière en 2002 ?

Mme Christine Le Bihan-Graf : Le ministère de la Culture est en effet atypique puisqu’il comporte plus de 30 SCN – services à compétence nationale – et 78 opérateurs, soit 72 établissements publics et 6 associations. Cela complique singulièrement la connaissance du patrimoine immobilier, qui a été inscrite comme un objectif prioritaire de l’année 2008. Dans le cadre du chantier de la qualité comptable, nous avons engagé six actions, pour la plupart consacrées à l’immobilier.

Ainsi nous mettrons en place, dans tous les établissements publics, un réseau de correspondants qui fourniront régulièrement des données mises à jour et nous tiendront au courant des projets d’opération. Ces correspondants se verront proposer des formations aux outils de gestion immobilière les plus récents et les plus performants. Le dispositif permettra d’améliorer la fiabilité et la cohérence des données du tableau général des propriétés de l’État. La fiabilisation des données nous semble en effet un préalable indispensable pour entrer dans une logique de cession plus dynamique en ce qui concerne le patrimoine des opérateurs : contrairement à ce qu’un esprit naïf pourrait penser, ce n’est pas parce que nous sommes l’administration que nous faisons moins bien que nos opérateurs en matière immobilière.

M. Georges Tron, Président : Pensez-vous que ce reproche de naïveté pourrait nous être adressé ?

Mme Christine Le Bihan-Graf : Je ne le crois pas, monsieur le Président. (Sourires.)

Avec ce réseau, notre objectif est de monter en compétence sur ces sujets et d’agir sur la base de données fiables.

S’agissant des effectifs, la seule règle validée politiquement est celle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Aucun secrétaire général, quel que soit son ministère, n’a d’autre instrument pour mettre en œuvre la RGPP. Or cette règle est d’ores et déjà appliquée dans l’ensemble des ministères, ce dont la direction du Budget s’assure chaque année lors des négociations budgétaires.

M. Georges Tron, Président : Pourtant, dans le projet de loi de finances pour 2008, le chiffre n’est pas de un sur deux, mais de un sur trois et il ne s’applique pas de la même façon à tous les ministères. Ce n’est de toute façon pas contradictoire avec les engagements pris au cours des années précédentes. Quoi qu’il en soit, je prends note de votre réponse.

Pour en venir au recensement des 78 opérateurs, je souhaite savoir si vous êtes en mesure de m’indiquer de combien d’immeubles leur patrimoine est constitué, pour quelles surfaces et pour quelle évaluation.

Mme Sophie Moussette : Le travail n’est pas totalement terminé. Nous avons procédé à la fiabilisation des données du TGPE pour les services déconcentrés et nous abordons maintenant les opérateurs. Le chiffre que l’on peut avancer aujourd’hui est de 3,8 millions de mètres carrés de surface utile brute. Il doit être affiné dans les mois qui viennent car le recensement n’est achevé que pour quinze établissements publics et est en cours pour vingt-quatre autres.

M. Georges Tron, Président : Nous en sommes donc à moins de la moitié du parcours.

Mesdames, je vous remercie.

Audition du 3 avril 2008

9 heures 30 :

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy, secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales, M. Jean-René Masson, directeur de l’administration générale et de la modernisation des services (DAGEMO) au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, accompagné par M. Philippe Moreau, chef de la division des moyens des services, et par Mme Sylvie Morello, chef de bureau de l’assistance logistique de l’administration centrale, M. Étienne Marie, directeur de l’administration générale, du personnel et du budget (DAGPB) au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, accompagné par M. Jean-Loup Moussier, sous-directeur de l’administration des services centraux, par M. Philippe Benoist, chef de la division de la politique immobilière et des investissements, et par M. Jean-François Fillion, chargé de mission sur l’immobilier des services déconcentrés

Présidence de M. Georges Tron

M. Georges Tron, Président : Je remercie MM. Claude Lion, conseiller référendaire et Claude Mollard, conseiller maître à la Cour des comptes, ainsi que M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du Conseil de l’immobilier de l’État, le CIE, d’assister à cette audition.

Je souhaite la bienvenue aux représentants des ministères sociaux, qui nous ont fait visiter l’immeuble Ségur-Fontenoy avant-hier.

Messieurs les Rapporteurs, vous avez la parole pour vos premières questions. Je propose que nous distinguions trois thèmes : le cas particulier de l’immeuble Ségur-Fontenoy ; l’organisation de la fonction immobilière dans les ministères sociaux ; la situation de l’immobilier dans les ministères chargés de la santé et du travail.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : La gestion immobilière de l’État est entourée de beaucoup de flou et nous avons constaté des différences entre les ministères. La plupart des décisions concernant les grosses opérations sont prises à un niveau élevé, parfois par le Premier ministre. Or, pour la rénovation de l’immeuble Ségur-Fontenoy, opération provisoirement évaluée à 175 millions d’euros, nous avons été extrêmement choqués de ne trouver aucune trace de décision politique formelle. La décision a pris corps au fil de l’eau, depuis 1992, sous de nombreux ministres et malgré deux alternances. Le schéma directeur architectural et technique, le SDAT, ne porte pas de signature ministérielle. Pouvez-vous expliquer cette absence de validation politique ?

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Vous n’avez pas de chance de devoir répondre à ces questions alors que vous n’occupiez pas les mêmes responsabilités lorsque l’opération a été lancée, mais nous avons le devoir de comprendre. Il faudrait identifier les responsabilités des ministres et directeurs de cabinet qui se sont succédé depuis 1992. À quelles époques les décisions se sont-elles imposées, sans le moindre écrit, qu’il s’agisse d’un courrier ou d’une note de service ? Nous pourrions suggérer, pour des opérations aussi lourdes, l’élaboration de protocoles détaillés à certains ministères qui semblent faire de la résistance contre la transparence et la rigueur de gestion réclamées par le Parlement.

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : La fonction de secrétaire général des ministères sociaux, que j’occupe depuis septembre 2006, a été créée en février 2005. Je précise que les programmes immobiliers ne sont pas placés sous ma responsabilité mais sous celles d’Étienne Marie pour la santé et le social et de Jean-René Masson pour le travail et l’emploi. Toutefois, ce sujet est suffisamment important pour que je m’y intéresse, d’autant que je le connais bien, puisque j’ai dirigé l’administration générale du travail et de l’emploi entre 1995 et 2000 puis l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, entre 2000 et 2006.

De 1991 à 2007, les ministères sociaux ont eu plus de onze configurations ministérielles différentes, avec des changements de compétences importants et à chaque fois plusieurs ministres. Tous ont été informés des orientations du schéma et les ont validés. Il n’y a certes pas eu de réunions interministérielles, mais la question a été régulièrement évoquée avec les directeurs de cabinet du champ social et lors des comités de direction santé-social qui se réunissent tous les quinze jours.

Nos ministres sont beaucoup sollicités sur leurs politiques d’intervention, très sensibles du point de vue sociétal. Et nos ministères sont petits : nous disposons de moins de 10 000 agents dans le champ du travail et de l’emploi, et de 15 000 agents dans le champ de la santé et du social. Les enjeux de l’appareil de production et des conditions de travail sont donc forcément secondaires : les ministres les évoquent avec leurs collaborateurs et les directeurs d’administration mais ne s’en occupent vraiment qu’une fois par an, avant les négociations budgétaires. De surcroît, contrairement aux établissements publics, nous travaillons dans une logique d’annualité budgétaire. Mais nous sommes volontaires pour aller vers une logique de pôle interministériel de compétence et pour nous engager dans une démarche pluriannuelle. Je ne crois d’ailleurs pas que nous méritions certains commentaires qui ont été formulés : décisions prises « au fil de l’eau » ou « résistance à la transparence ».

Dans les années quatre-vingt-dix, face à l’émergence des enjeux de sécurité sanitaire – affaires du sang contaminé, maladie de Creutzfeldt-Jakob, etc. –, il a fallu rapprocher très rapidement la direction générale de la santé du cabinet ministériel. Parallèlement, dans une logique d’autonomisation croissante des différentes thématiques sociales, nous avons décidé de nous organiser par pôles : la santé et l’offre de soins à Ségur-Fontenoy ; la ville, l’intégration, la protection de l’enfance et le revenu minimum d’insertion à Montparnasse ; le travail, l’emploi et la formation professionnelle dans la tour Mirabeau. L’administration a décidé de procéder à cette rationalisation précisément pour éviter la gestion « au fil de l’eau ». La nécessité de ce schéma est apparue en 1995 ou 1996, avec l’objectif d’agir opération par opération. Celle concernant l’immeuble Ségur-Fontenoy n’a donc pas débuté en 1992 mais en 1998.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Vous avez très bien dressé l’historique. Depuis le début de nos travaux sur l’immobilier de l’État, en 2005, notre obsession est de promouvoir le cadre interministériel en mettant en avant la notion d’État propriétaire, doté d’un organe de gestion spécialisé. Comment vous inscrivez-vous dans cette démarche ? Comment imaginez-vous le fonctionnement de cette autorité unique chargée de l’immobilier de l’État ?

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : Je répète que, pour nos ministres, l’immobilier n’est pas un sujet de préoccupation prioritaire. En effet, contrairement à leurs collègues des finances, de la défense ou de l’intérieur, ils ne dirigent pas un appareil de production lourd. C’est pourquoi les initiatives interministérielles nous intéressent. Le seul interlocuteur interministériel que nous ayons eu est le Comité pour l’implantation territoriale des emplois publics, le CITEP. Or celui-ci s’est contenté de s’opposer à toute opération dans Paris intra muros, ce qui a bloqué toute réflexion générale.

J’ajoute que nos directions ont beaucoup évolué : nous avons créé la DAGEMO en 1990, la DARES en 1993, la DGEFP en 1997, la DRES et la DAEI en 1998, la DHOS et la DGAS en 2000, le secrétariat général et la DGT en 2005, et nous venons de recomposer la DGS et la DHOS, avec à chaque fois des changements de frontières et des effets considérables sur nos localisations. Et le Président de la République annoncera prochainement d’autres modifications de périmètre.

Le CITEP n’avait qu’une vision partielle de la situation, même si nous avons systématiquement abordé avec lui la cohérence du SDAT et l’importance de nos opérateurs situés à l’extérieur de Paris. Nous aurions besoin d’un interlocuteur nous donnant des éléments de comparaison financière et nous proposant des expertises pointues sur des montages juridiques novateurs afin de nous aider dans nos arbitrages. Par exemple, nous souhaitons installer l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, en dehors de Paris, mais il devra aussi bénéficier de conditions relativement sécurisées puisqu’il hébergera nos stocks stratégiques. Nous avons actuellement du mal à choisir un plateau de regroupement pour nos agences car nous prendrions un risque si nous ne connaissions pas les autres futurs occupants d’un immeuble. Si l’État parvient à organiser des regroupements qui font sens, nous avancerons mieux. Nous attendons donc trois fonctions d’une future plate-forme commune : orientation des allocations domaniales entre ministères ; valorisation et identification des coûts ; expertise juridique.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Attendez-vous cela de France Domaine dans sa nouvelle configuration ?

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : Tout à fait.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Selon vous, dans quelle mesure ce service est-il actuellement en mesure de vous aider ?

M. Étienne Marie : L’opération Ségur-Fontenoy est une reconfiguration interne. Or les ministres se mobilisent davantage sur les ventes d’immeubles prestigieux ou les constructions nouvelles. De plus, cette opération comporte une dimension de sécurité importante qui engage la responsabilité personnelle du directeur chargé des affaires générales ; enfin le projet a traversé des points de passage politiques réguliers, qu’il s’agisse des autorisations budgétaires, des choix d’implantation des différents pôles et des grandes options architecturales, arrêtées par le directeur de cabinet.

Nous nous inscrivons dans une trajectoire de mutualisation interministérielle. Lorsqu’a été envisagée la perspective de création d’une agence unique de gestion des propriétés immobilières de l’État, nous avons été le seul ministère à nous prononcer favorablement. Nous regardons par conséquent d’un œil très positif le CIE et France Domaine.

France Domaine s’est emparé de son rôle à bras-le-corps mais reste un propriétaire aux prérogatives limitées, notamment pour ce qui concerne les gros travaux d’entretien. En outre, il manque encore un plan interministériel de l’implantation des propriétés de l’État.

Une longue route a été parcourue et les ministères sociaux se sont impliqués à chacune des étapes de la réforme de l’immobilier de l’État et de la construction d’une démarche interministérielle.

M. Georges Tron, Président : Les ministères se trouvent généralement des spécificités justifiant des règles dérogatoires dans leur gestion immobilière. Au lieu de vous efforcer de démontrer que l’opération Ségur-Fontenoy s’est déroulée à peu près normalement, je souhaiterais que vous nous fassiez profiter de l’expérience de vos ministères pour enrichir la réforme que nous portons depuis quelques années. Notre propos, vous l’avez compris, n’est pas de vous culpabiliser mais de recueillir votre appréciation sur ce qui, d’après vous, a mal fonctionné depuis dix ou quinze ans.

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : J’entends bien ! Nous regrettons que ce grand projet n’ait pas été doté d’une enveloppe pluriannuelle calculée convenablement. Je suis convaincue qu’une opération coûte d’autant moins cher qu’elle est menée rapidement. Cela dit, sur bien des aspects, il aurait été difficile d’anticiper les besoins actuels il y a cinq ou dix ans. La difficulté est là : bien caler le tempo et le niveau de l’enveloppe puis fixer des points de rendez-vous. Nous ne revendiquons pas des règles dérogatoires adaptées aux spécificités de nos ministères mais nous attirons l’attention sur le fait que leur organisation n’est pas stabilisée.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Il est assez peu courant d’entendre les représentants d’un ministère désirer la montée de l’outil de gestion interministériel de l’immobilier de l’État. Néanmoins, s’agissant de l’immeuble Ségur-Fontenoy, nous n’avons eu une idée approximative des modalités, des délais et du coût de l’opération que des années après son lancement.

Je reviens sur ma question. Quelles contributions France Domaine vous apporte-t-il ? S’améliorent-elles au fil du temps ? De quelles prestations supplémentaires avez-vous encore besoin ?

M. Étienne Marie : Le travail de France Domaine sur la notion de performance immobilière, mesurée à partir de six indicateurs, constitue un changement extrêmement important pour nous aider à maîtriser nos coûts d’exploitation et à optimiser nos localisations. Nous sommes aussi très intéressés par tout ce qui peut nous être apporté concernant les montages financiers innovants et nous avons chaque mois des échanges sur ce sujet avec les autres ministères dans le cadre du COMO.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Avec quels ministères ?

M. Philippe Benoist : Notamment avec les ministères chargés des finances et de l’équipement.

M. Georges Tron, Président : La Cour des comptes, dans son dernier rapport public, a voulu porter un jugement sur la conduite de l’opération Ségur-Fontenoy avant son achèvement. Elle a rendu hommage à l’esprit de responsabilité, aux compétences et même à la continuité de l’action de ceux qui sont chargés du dossier. Elle a donc mis en cause non les personnes, mais les structures. Je le dis en présence de M. Claude Mollard, non seulement magistrat mais également constructeur du Centre Pompidou, qui a, en 1971, créé le premier établissement public gestionnaire d’une grande opération de l’État, laquelle n’a pas dérapé puisque 5 millions de francs ont été reversés au Trésor public.

Les représentants de la Cour des comptes nous ont fait part de leur conviction qu’une opération de cette ampleur ne peut être correctement pilotée sans une structure dotée de la personnalité morale, sans l’identification d’un responsable et sans une relation de tutelle avec l’exécutif. Faute d’un établissement public, les reports de crédits dont a fait l’objet l’opération du musée du quai Branly n’auraient pu être gérés, ce qui aurait entraîné des interruptions de chantier très graves et par conséquent condamné des entreprises au dépôt de bilan. C’est au demeurant ce qui s’est passé pour l’immeuble Ségur-Fontenoy, à cause des régulations opérées par le ministère du Budget. Il est regrettable que ce dernier n’ait pas répondu par écrit aux questions posées par la Cour sur ce sujet.

Qui a pris la décision du démarrage de l’opération ? Il n’est pas douteux que les directeurs de cabinet soient intervenus ni que les ministres aient été informés mais cela ne figure dans aucun compte rendu de réunion. Pour un projet de 165 millions d’euros, c’est particulièrement étonnant, tant l’administration française est imprégnée de la culture de l’écrit. L’opération n’a peut-être débuté qu’en 1998 mais la décision semble avoir été prise par Mme Simone Veil en 1993. Et les scénarios présentés en 1999, après l’adoption du SDAT, constituaient plutôt des justifications a posteriori que de véritables propositions alternatives.

Pour l’opération Ségur-Fontenoy, entre 1998 et 2011 ou 2012, treize ou quatorze ans se seront écoulés. Or, le seul écrit ministériel disponible à propos de cette opération est la réponse des ministères sociaux à l’insertion au rapport de la Cour des comptes.

Ce rapport laisse à penser que le ministère de la santé, eu égard à ses moyens et à sa taille, a fait de son mieux. Si le résultat est insatisfaisant, c’est que, à partir de 50 ou 100 millions d’euros, la création d’un établissement public constructeur ou la délégation de maîtrise d’ouvrage – par exemple à l’Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, l’EMOC – est indispensable. Cela permet de désigner une responsabilité, d’exercer un contrôle et de s’appuyer sur des hommes de l’art, la priorité des ministères de la santé ou du travail n’étant jamais l’intendance.

Toute opération immobilière se doit de respecter trois objectifs : qualité, coût et délais. Dans le cas de Ségur-Fontenoy, la qualité est assurée grâce au SDAT et au choix des architectes mais l’hétérogénéité des maîtres d’œuvre au fil du temps aura été dommageable. Pour ce qui concerne le coût, ce n’est qu’en 2005, sept ans après le lancement du SDAT, que les responsables ont eu des assurances sur l’enveloppe financière qui serait allouée. Enfin, l’annualité complique le respect des délais ; mais la comptabilité publique prévoit des autorisations d’engagement, et les crédits non utilisés auraient pu être reportés d’une année à l’autre si une personne morale avait été créée. M. Mollard a rappelé que, si en 1974, le Président de la République nouvellement élu avait voulu arrêter le projet du Centre Pompidou, la continuité avait pu être assurée grâce à l’existence d’un établissement public.

En somme, le rapport de la Cour confirme que l’administration de la santé, contrairement à d’autres, ne peut être taxée d’aucun manquement mais que l’absence de trace écrite de pilotage politique est étonnante.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Personne ne met en cause la nécessité de rénover et de mettre aux normes l’immeuble Ségur-Fontenoy. Dans les années quatre-vingts déjà, le moindre établissement hospitalier rural était mieux équipé en bureaux que la direction des hôpitaux ! Les ministres fraîchement nommés, en prenant leurs fonctions, ne font-ils pas le tour de leurs locaux pour évaluer la nécessité de les remettre en état ? Il semble que le périmètre du ministère ainsi que celui des grandes directions et agences soient stabilisés. Quoi qu’il en soit, lorsque l’opération Ségur-Fontenoy a été lancée, sa durée et les difficultés budgétaires qu’elle allait rencontrer étaient-elles prévues ?

M. Étienne Marie : Au comité de pilotage ministériel sur la révision générale des politiques publiques – la RGPP – qui se tiendra demain, il nous sera vraisemblablement demandé de fusionner les directions supports de la partie santé et de la partie jeunesse et sports, ce qui aura des conséquences en matière immobilière. Et je ne parle pas des services déconcentrés. Nous allons au-devant de changements administratifs et par conséquent immobiliers tout à fait considérables.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : La RGPP amènera à une refonte de vos périmètres d’intervention, comme pour d’autres ministères.

M. Georges Tron, Président : Voilà l’enjeu inhérent à la mission du CIE et aux réflexions de la MEC : les restructurations, fusions, regroupements et créations qui seront décidés dans le cadre de la RGPP entraîneront des bouleversements immobiliers qui requièrent une connaissance d’autant plus précise du patrimoine de l’État.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : La création du service France Domaine s’est accompagnée de la mise en place d’un instrument budgétaire destiné à gérer une partie importante des crédits consacrés à l’immobilier : le compte d’affectation spéciale, le CAS. Que pensez-vous de ce nouvel outil ? Je crois savoir que les dotations sur le budget opérationnel de programme – le BOP – des ministères sociaux ont connu quelques difficultés.

France Domaine est-il en mesure d’apporter une expertise réelle sur les montages financiers innovants ?

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : Je répondrai par un exemple. Lorsque j’étais chef de l’IGAS, France Domaine a identifié le bâtiment de la rue d’Astorg comme « pépite » de l’État et nous a aidés à fixer un prix puis à mettre en vente ce bien. Nous l’avons finalement cédé à un investisseur étranger pour un montant presque deux fois supérieur à celui proposé par France Domaine. Sans France Domaine, nous ne nous serions pas lancés spontanément dans une telle opération.

Je laisse Étienne Marie et Jean-René Masson répondre à votre question sur les soucis que nous rencontrons avec le CAS.

M. Étienne Marie : Je distingue dans le fonctionnement du programme 722 Dépenses immobilières du CAS l’administration centrale et les services déconcentrés.

S’agissant de l’administration centrale, l’immeuble de la rue d’Astorg, mis à prix 60 millions, a été vendu 101 millions. Le montant prévu ne nous a pas encore été rétrocédé, hormis l’enveloppe nécessaire à l’engagement de la première tranche des travaux de Ségur-Fontenoy. Compte tenu du débat que nous avons avec France Domaine pour la densification du site.

Les services déconcentrés posent un autre problème. Lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2006, la direction du budget avait souligné nos efforts remarquables en matière de cessions immobilières au niveau local et nous avait proposé d’inscrire tous nos investissements immobiliers sur le programme 722 plutôt que sur notre programme support. Dans un deuxième temps, France Domaine nous a fait savoir que le CAS était réservé à des travaux très précis comme par exemple des travaux sur des immeubles propriétés de l’État, alors que 45 % de nos installations locales appartiennent aux conseils généraux. Nous nous retrouvons par conséquent dans l’impossibilité d’opérer des investissements immobiliers, ce qui déçoit beaucoup nos services, retarde des travaux nécessaires et dégrade nos relations avec les conseils généraux.

M. Philippe Benoist : Le ministère de la santé n’utilise guère de montages innovants. Pour une expertise, nous nous tournerions plus volontiers vers la Mission nationale d’appui à la réalisation des contrats de partenariat (la maPPP), qui ne fait pas partie de France Domaine.

M. Jean-François Fillion : Des montages innovants ou mixtes ont été utilisés pour trois grosses opérations de regroupement de services déconcentrés.

M. Jean-René Masson : Le ministère du travail ne demande pas à être traité différemment des autres ministères. En consultant les comptes rendus des précédentes auditions de la MEC, je me suis rendu compte des écarts de moyens entre les différents ministères. Notre surface immobilière représente 0,2 % des emprises de l’État. Tous nos moyens immobiliers sont pilotés par le programme 155 de la mission Travail et emploi ; nous ne possédons pas de trésor caché. Nos localisations sont locatives pour 49 % et domaniales pour 51 %. Pour la seule administration centrale, le locatif atteignait 75 % en 2007 et a même grimpé à 80 % en 2008 ; le domanial se limite aux deux immeubles de Grenelle et à celui de la rue Saint-Dominique. Par ailleurs, nous avons externalisé la sécurité ou le nettoyage et les coûts annoncés sont transparents : ils englobent la totalité de la dépense.

Le CAS immobilier intègre en moyenne 500 000 à 600 000 euros pour notre ministère et notre contribution aux cités administrative est supérieure à 1 million. Nous sommes par conséquent l’une des seules administrations à devoir alimenter le CAS à partir de son budget général de fonctionnement. Par ailleurs, notre budget continue à être abondé par une dotation d’investissement immobilier de l’ordre de 10 millions par an, ce qui nous permet de conduire deux ou trois opérations.

Nous sommes donc extrêmement intéressés par le soutien que France Domaine est susceptible de nous apporter dans deux directions : pour nous trouver du domanial et, au niveau déconcentré, pour bénéficier de son expertise lorsque nous renégocions les baux.

M. Jean-Pierre Lourdin : J’insiste sur les possibilités de mutualisation qu’offre le CIE aux ministères. Je m’associe pleinement aux commentaires sur l’exemplarité de la démarche concernant l’immeuble Ségur-Fontenoy. De nombreuses difficultés ont effectivement été rencontrées, notamment liées à l’annualité budgétaire. Les discussions sur le CAS devraient aboutir prochainement. Il importe d’adapter l’opération aux objectifs de la nouvelle politique immobilière de l’État en termes de surface et de coût d’exploitation.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Pouvez-vous nous donner davantage de précisions sur vos interrogations à propos du CAS et sur votre analyse budgétaire ?

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : Pour deux programmes différents, les mêmes questions se sont posées. Les règles du jeu sont incohérentes. Les décisions des deux bureaux différents de la direction du budget à propos du CAS, entérinées par France Domaine, sont hétérogènes. Enfin, je rappelle que nous ne disposons pas d’une surface financière importante et ne pouvons engager d’opérations sans garantie de délai sur le retour des crédits de cession. Nul ne conteste le problème, mais personne ne fait en sorte de le résoudre. Pour nos services déconcentrés, les conséquences sont très lourdes.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Visez-vous Bercy ?

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : Je pense à la direction du budget et à France Domaine. Nous réclamons des règles du jeu permettant des mutualisations mais qui soient justes et cohérentes.

M. Jean-René Masson : Outre les difficultés budgétaires, nous sommes très sensibles aux modifications de périmètre ministériel. Dans la sphère du social, le seul ajout d’un ou deux secrétaires d’État nous oblige à supprimer des crédits de fonctionnement sur des fonctions facultatives. Or la marge de manœuvre est étroite puisque 90 à 95 % de nos dépenses sont obligatoires. En 2008, les annulations de crédits de fonctionnement pourraient représenter quelques 5 millions, avec pour conséquence une diminution de 1 à 2 millions de crédits d’investissement immobilier. Nous devrons donc automatiquement différer une opération.

Nous pouvons bâtir une stratégie immobilière pluriannuelle à condition que des décisions nouvelles ne viennent pas contredire nos choix. Premier exemple, nous avions pour projet de réunir toute notre administration centrale à la tour Mirabeau et d’installer nos commissions satellites à la plaine Saint-Denis. Le transfert à Bercy de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP, nous a fait abandonner ce site mais la création de tout nouveau satellite dans la sphère du travail nous contraindra à rechercher une nouvelle solution. Deuxième exemple, nous avions prévu de nous séparer de l’immeuble de la rue Lecourbe. Mais les locaux de la rue Saint-Dominique, où nous pensions installer les bureaux du cabinet, sont provisoirement occupés par des services de l’Élysée et par la commission de M. Balladur.

M. Georges Tron, Président : Vos propos méritent d’être portés in extenso à la connaissance de tous ceux auprès desquels nous plaidons depuis trois ans en faveur d’une réforme intelligente et courageuse. Nous sommes stupéfaits par les conditions dans lesquelles l’État vend certains immeubles alors que le ministère d’à côté s’apprête à acquérir des locaux semblables. Nous ne cherchons pas à montrer du doigt les gestionnaires des ministères mais à faire évoluer le système.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Je remercie en tout cas les représentants des ministères sociaux pour les informations intéressantes dont ils nous font part ce matin. Étant le rapporteur spécial pour ce CAS, j’y reviendrai dans le questionnaire budgétaire.

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : Merci !

M. Yves Deniaud, Rapporteur : En loi de finances, 166 millions d’euros étaient prévus pour l’opération Ségur-Fontenoy. Les dernières évaluations ont porté cette somme à 175 millions, soit 9 millions d’augmentation en quatre mois. Le montant est-il maintenant figé ou devons-nous nous attendre à de nouvelles augmentations ?

Pour les surfaces, les chiffres sont contradictoires. Le schéma pluriannuel de stratégie immobilière – SPSI – de 2006 indique une surface hors œuvre nette, ou SHON, de 51 111 mètres carrés avant travaux et de 26 000 mètres carrés après travaux, ce qui me paraît peu. La Cour des comptes mentionne une surface utile de pas moins de 82 515 mètres carrés. Une étude menée par le groupe CBRE à la demande du CIE a comptabilisé 54 696 mètres carrés de surface utile. Enfin, durant notre visite, j’ai vu un panneau indiquant 45 000 mètres carrés après réalisation des travaux. Quels sont les chiffres exacts SHON et SUN, surface utile nette ?

M. Étienne Marie : M. Benoist a préparé un tableau qu’il vous commentera.

La négociation avec les entreprises soumissionnaires sur les plateaux de bureaux a conduit à cette ultime réévaluation de 9 millions d’euros.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : De nombreux avenants ont déjà été signés. J’espère que les dernières réévaluations seront marginales.

M. Jean-Loup Moussier : Nous avons choisi de faire un marché négocié car un nouvel appel d’offres aurait fait glisser le planning de plusieurs mois. La différence de coût entre les 166 millions d’euros et 175 millions d’euros se trouve donc dans ce marché plus onéreux que l’évaluation de notre cabinet d’architectes et les difficultés actuelles du marché immobilier. Le dernier marché que nous avons contractualisé est le plus gros : celui de la restructuration, jusqu’en 2012, des 40 000 mètres carrés de plateaux de bureaux, qui s’élève à 82,8 millions d’euros. L’appel d’offres s’est soldé par treize visites sur site, six dossiers retirés et trois candidatures déposées. Une seule d’entre elles a été retenue car les deux autres ne répondaient pas aux conditions juridiques de l’appel d’offres. Après avoir renégocié la seule offre qui nous semblait respecter les conditions requises, la moins disante des trois au demeurant, nous avons obtenu une baisse substantielle de 3 millions d’euros tout en clarifiant un certain nombre d’éléments à notre bénéfice – sur les chapes, les volets roulants, les portes, les cloisons, etc. –, ce qui évitera autant d’avenants. L’installation du chantier commencera le 15 avril et les travaux débuteront en juin.

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : Les cinq ans prévus pour les travaux correspondent à une durée fonctionnelle ; il serait impossible de faire déménager à chaque « rocade » 500 personnes plus rapidement. Je rappelle que nous continuons à fonctionner sur le même site pendant les travaux. Et si le périmètre des directions change, je crains que nous ne devions signer des avenants. Nous demandons à nos directions d’anticiper et nous avons pensé à installer à proximité celles qui travaillent ensemble et qui ont des frontières communes et modifiables.

M. Georges Tron, Président : Les deux tiers des décisions de la RGPP portent sur des modifications de périmètre ministériel ou infraministériel. Or le coût immobilier de ces changements, sur longue période, se chiffre sans doute en millions d’euros. Le CIE ne devrait-il pas se pencher sur la question ?

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Cet argument plaide également en faveur du renforcement de la démarche interministérielle : les ministères doivent cesser de se cramponner à leur immobilier.

L’immobilier des ministères sociaux est évidemment affecté par l’instabilité de l’organisation ministérielle mais aussi par le poids des cabinets : jusqu’à sept cabinets ont coexisté, avec plusieurs centaines de personnes à loger pour une durée limitée. D’après une étude récente, les cabinets des ministères sociaux représentent jusqu’à 10 % des effectifs de l’administration centrale.

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : En ce sens, nos ministères ne sont pas petits puisque leurs ministres représentent 20 à 30 % du Gouvernement, mais leurs recompositions ne concernent qu’un petit périmètre. Lorsqu’un responsable déménage, il faut lui faire accepter l’évolution, organiser sa nouvelle localisation et la rendre la moins perturbatrice possible pour la continuité de l’administration. C’est peut-être au secrétaire général que cette tâche devrait être confiée, mais mes prérogatives elles-mêmes ne sont pas stabilisées.

M. Georges Tron, Président : Les décisions politiques prises au sommet de l’État ne tiennent nullement compte des problématiques de gestion quotidienne que vous affrontez. Cela conduit à des situations surréalistes.

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : La RGPP démultiplie les difficultés rencontrées au plan local. Une réflexion pilotée en interministériel est indispensable pour comparer toutes les opportunités intelligentes. Nous allons intégrer les services de la jeunesse et des sports dans les directions de la cohésion sociale, nous externalisons nos maisons départementales des personnes handicapées – MDPH – et nous allons accueillir les inspections de l’agriculture et des transports. Si chacun agit isolément, le coût sera très lourd. Par ailleurs, sans rapprochement géographique des équipes, les révisions d’organisation échoueront. Il faut prendre conscience que les restructurations seront assorties d’une facture immobilière.

M. Philippe Benoist : Les surfaces hors œuvre brute et nette – SHOB et SHON –, qui procèdent de relevés géométraux, s’établissent respectivement à 82 514 et à 67 743 mètres carrés. Un quart de la SHON est en sous-sol.

La surface utile a été déterminée suivant la définition donnée par France Domaine pour les immeubles de bureaux. La surface utile brute – SUB – est de 46 243 mètres carrés en superstructure, moins 1 762 mètres carrés de sanitaires et 10 724 mètres carrés de circulation, égale 33 756 mètres carrés de SUN. En accord avec France Domaine, afin de faciliter les comparaisons interministérielles, nous avons retranché de cette surface utile 7 714 mètres carrés de locaux considérés comme spécifiques, notamment la zone cabinet, le centre de ressources documentaires multimédias – CRDM – et les locaux d’accueil de la petite enfance.

Pour l’activité des services, il reste 26 042 mètres carrés, soit 12,8 mètres carrés pour chacun des 2 035 postes de travail. Sans les salles de réunions mutualisées et l’emprise des cloisons, la SUN tombe à 21 077 mètres carrés, soit 10,7 mètres carrés par agent.

Les 51 111 mètres carrés de SHON indiqués dans le SPSI ont été obtenus en défalquant un quart de la superstructure, toujours en accord avec France Domaine.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Pourquoi ?

M. Philippe Benoist : Elle correspond à la surface moyenne neutralisée pour chaque tranche de travaux.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quels problèmes la taille de l’immeuble a-t-elle posés ?

M. Philippe Benoist : Le huitième étage dépassait d’1,20 mètre la hauteur limite, qui correspond à l’amplitude de la grande échelle des pompiers. En accord avec la commission de sécurité, nous avons décidé de démolir la moitié des planchers du huitième étage pour déclasser le bâtiment et le faire passer de la catégorie d’immeuble de grande hauteur en ne maintenant que le classement d’établissement recevant du public de première catégorie. La surface démolie ayant été récupérée pour construire le bâtiment central, la SHON ne s’en trouve pas affectée.

Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy : Ces travaux ont fait l’objet de débats préalables car les immeubles de grande hauteur génèrent des coûts liés à la sécurité.

M. Étienne Marie : J’attire votre attention sur la densification de nos services. Aujourd’hui, la SUN par agent s’établit à 15,06 mètres carrés. Nous projetons donc de descendre à 12,8 et même, en réalité, à 10,7 mètres carrés par agent. France Domaine nous incite à faire encore baisser le ratio de 12,8 pour le rapprocher de 12. Nous considérons que notre proposition entraînerait déjà une densification très significative, puisque le nombre de bureaux individuels serait divisé par deux.

M. Jean-Pierre Lourdin : L’immeuble, je crois, est susceptible d’accueillir 4 000 personnes. Or vous prévoyez de n’y faire travailler que 1 965 personnes. Il est normal que le propriétaire, France Domaine, s’étonne de cette rentabilité très faible. Nous partons d’une SHON de 67 743 mètres carrés pour descendre à une SUN de 21 077 mètres carrés. Les arguments avancés ne sont pas suffisamment clairs. Mais le problème provient peut-être de la superposition du politique et de l’administratif dans le même immeuble.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Certains services prévus dans l’immeuble, comme les archives, pourraient-ils être transférés ailleurs ?

M. Jean-Loup Moussier : Plus de 10 000 mètres carrés sont déjà consacrés à la circulation. Les archives sont situées en sous-sol. Les surfaces des trois cabinets, qui représentent 3 500 mètres carrés, c’est-à-dire un étage et demi, ne sont pas comptabilisées dans le calcul du ratio mètres carrés par agent. Le nombre de 4 000 personnes inscrit dans la notice de sécurité de la préfecture de police correspond à la capacité d’accueil totale au même instant dans tout le bâtiment, y compris le restaurant administratif et toutes les salles de réunion ; mais il n’arrivera jamais que 4 000 personnes soient présentes en même temps sur le site.

Au total, 2 035 personnes peuvent être assises à un poste de travail. Nous proposons d’abaisser le taux de bureaux individuels de 66 à 32 %. Pour la direction de la sécurité sociale, par exemple, ils seront réservés à l’encadrement à partir du niveau de chef de bureau.

Nous aimerions que les discussions avec France Domaine aboutissent, car les travaux réels commenceront dans deux mois, les étages seront cloisonnés dans cinq ou six mois et nous devrons ouvrir un dialogue social pour faire accepter la mutualisation des bureaux à nos services.

M. Georges Tron, Président : Je vous remercie tous pour ces précisions très intéressantes.

Audition du 16 avril 2008

16 heures 15 :

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes et M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre

Présidence de M. Georges Tron

M. Georges Tron, Président : Je vous remercie, Monsieur le Ministre, de votre participation à cette audition consacrée aux questions immobilières liées au ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE). Je salue également M. David Habib, co-président de la MEC et M. Didier Migaud, président de la commission des Finances. Nous travaillons ensemble de façon consensuelle, sans considérations politiciennes : nous voulons uniquement connaître ce qui marche, ce qui ne marche pas et, dans ce dernier cas, nous essayons de formuler des propositions. Je salue aussi Monsieur le sénateur Paul Girod, membre du Conseil de l’immobilier de l’État (CIE), M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du CIE, ainsi que M. Claude Lion, conseiller référendaire à la Cour des comptes. Les deux rapporteurs, MM. Yves Deniaud et Jean-Louis Dumont, qui remettront leur rapport d’ici un ou deux mois, mèneront les débats.

Nous évoquerons ensemble trois thèmes, et tout d’abord cette affaire qui a beaucoup accaparé la MEC et le CIE, qui a donné lieu à deux rapports, celui de l’inspection générale des finances et celui de la Cour des comptes : l’acquisition de l’immeuble de la rue de la Convention, vendu en 2003, racheté en 2006, dans des conditions suffisamment particulières pour que nous nous y intéressions avec beaucoup d’attention.

M. Habib et moi-même nous autoriserons d’autant plus à intervenir que nous avons eu l’occasion d’entendre les représentants du ministère des Affaires étrangères en décembre 2006 lors d’une audition du CIE consacrée à l’exposition des projets de schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI). Il n’y fut à aucun moment question de cette opération alors qu’elle était en train d’avoir lieu et qu’elle défraierait bientôt la chronique.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Les conditions de la vente, puis du rachat par l’État de l’ancien immeuble de l’Imprimerie nationale ont été amplement exposées dans le cadre du rapport de l’inspection des finances, de mon rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2008, des rapports du Sénat, enfin, du rapport public annuel de la Cour des comptes. La vente a été conclue en 2003 pour 85 millions d’euros et le rachat, pour 325 millions hors taxes. On relèvera dans la vente le manque de professionnalisme de la chaîne des décideurs publics qui a conduit à minorer de 10 millions le prix de vente, puis à négocier une clause de complément de prix très en défaveur de l’État – 65 % pour l’acquéreur, 35 % pour le vendeur. Le MAEE a par ailleurs effectué l’essentiel du paiement en 2007 alors que la prise de possession complète de l’immeuble ne sera effective qu’en 2009. Le loyer intercalaire de l’immeuble de l’avenue Kléber, bien entendu toujours occupé, s’élève à 16 millions d’euros par an ; il faudra donc s’acquitter de 32 millions avant d’intégrer l’immeuble de la rue de la Convention. Pourquoi avoir procédé ainsi ?

La plus-value réalisée par le groupe Carlyle en seulement 18 mois, déduction faite des travaux évalués à une centaine de millions d’euros, s’élève vraisemblablement à 130 millions. Celle-ci a en outre été exonérée d’impôt – au taux de 33 % - en raison de la faille de la convention fiscale liant la France et le Luxembourg.

M. Georges Tron, Président : L’élaboration de cette opération, Monsieur le Ministre, ayant donné lieu à un échange de courrier entre nous dans lequel vous avez assez clairement explicité les raisons qui ont conduit le MAEE à procéder de la sorte, peut-être pourriez-vous exposer votre point de vue.

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Comme vous l’avez dit, cette opération a eu lieu en 2003.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : De 2003 à 2007.

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Hors les immeubles de l’avenue Kléber, qui ont été vendus et dont le loyer devrait s’élever à 12 millions d’euros par an, il n’existe pas à Paris de centre international de conférences. Or, la France prendra la présidence de l’Union européenne (UE) au mois de juillet et une grande conférence internationale sur l’Afghanistan se déroulera au mois de juin à Paris : il importe donc de continuer à pouvoir disposer d’un tel espace. Je précise qu’entre la vente puis le rachat de l’immeuble de la rue de la Convention, de très nombreux travaux ont été effectués pour une somme d’environ 100 millions. C’est France Domaine qui s’est occupé de la négociation, pas le MAEE. Quoi qu’il en soit, je suis bien d’accord : il est préférable de se trouver à la tête d’un fonds immobilier plutôt qu’à celle de l’immobilier de l’État (Sourires) ! Plus sérieusement, je vous avoue avoir été également surpris par les chiffres annoncés. Nous souhaitons la mise en place d’un service de l’immobilier de l’État compétent à la fois en France et à l’étranger car tout cela peut être traité d’une manière plus professionnelle.

Nous avons par ailleurs eu raison de regrouper rue de la Convention, hors les services du Quai d’Orsay, la dizaine d’implantations immobilières malcommodes et coûteuses du MAEE. J’ajoute que les archives du ministère seront, elles, regroupées à La Courneuve et seront ainsi consultables par les chercheurs, les diplomates et les étudiants.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Connaissez-vous, Monsieur le Ministre, le montant exact des travaux effectués rue de la Convention ?

M. Barnier, lorsqu’il était ministre des affaires étrangères, avait exposé un projet de réorganisation du MAEE. À partir de quel moment a-t-il été remis en question ? Comment était-il maîtrisé par les services du MAEE sachant que l’on ne peut à la fois déplorer l’absence d’un centre de conférences internationales et vendre les immeubles de l’avenue Kléber. Un tel centre sera-t-il donc réalisé rue de la Convention ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : C’est impossible, faute de place, même si nous aurons à la Convention des espaces de réunions pour les besoins du ministère des Affaires étrangères. Les seules réunions de l’UE impliquent par exemple de disposer de 23 cabines de traduction. J’ajoute que les services de l’État sont divers et que je n’ai pas toujours accès aux réflexions ou aux décisions de Bercy, donc de France Domaine. En l’occurrence, l’État a mal équilibré ses choix.

M. Georges Tron, Président : Je prends note, Monsieur le Ministre, de ce que vous considérez vous-même que cette opération a été mal pilotée par l’État. Ce qui m’intéresse tout autant, c’est de savoir comment corriger ce qui a été mal engagé.

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : Le promoteur ne nous a pas informés du montant précis des travaux, mais d’après les renseignements que nous avons eus et que nous avons fait valider par un bureau d’études, d’après également les rapports de l’inspection des finances et de la Cour des comptes, ils s’élèveraient à une centaine de millions d’euros. Le fonds d’investissement en question, ne l’oublions pas, a racheté l’immeuble d’un site industriel pollué et l’a transformé en un immeuble moderne.

Monsieur le Rapporteur Deniaud a eu raison de relever la disjonction de calendrier entre la vente de l’avenue Kléber, au printemps 2007, l’encaissement par l’État du produit de cette vente – 404 millions – et le fait que le MAEE se maintiendra en site occupé dans cet immeuble pour les raisons déjà évoquées. La nouvelle politique de France Domaine prévoit, dans ces cas-là, un tel type de vente en site occupé. La mise à disposition de l’immeuble de la rue de la Convention est par ailleurs très récente. Des travaux d’aménagement doivent être effectués car cet immeuble est livré « nu » et le déménagement des services n’est prévu qu’à la fin 2008.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Je regrette que l’on ait été contraint de payer le bâtiment de la rue de la Convention en 2007 alors que le site ne sera occupé qu’en 2009. La négociation a été mauvaise et c’est le MAEE qui est en l’occurrence responsable, France Domaine n’ayant été créée qu’en 2006.

M. David Habib, Président : En effet. Ce n’est pas France Domaine mais bel et bien le MAEE qui a piloté cette opération, ce que confirme un rapport de la Cour des comptes. Quels ont donc été les rôles respectifs de ces deux institutions ? Selon quelle modalité pensez-vous que France Domaine pourrait intervenir plus efficacement dans la gestion du patrimoine immobilier de votre ministère ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Comment vous répondre sur la manière dont les décisions ont été prises en 2006 ? Je constate la dysharmonie de l’achat de l’immeuble en 2007 et de la vente en 2003. À cette époque, le projet de regroupement du ministère n’était pas encore assez précis. Le regroupement des services a été décidé début 2006, l’achat de la Convention n’intervenant qu’un an plus tard. Les réflexions successives depuis dix ans sur le redéploiement des différents sites ont également été un peu contradictoires et ont nui à l’ensemble des opérations.

M. Georges Tron, Président : M. Romatet pourrait-il préciser les rôles respectifs de France Domaine et du MAEE ? Pourquoi ni l’un ni l’autre, à ma connaissance, n’ont-ils réalisé d’étude de performance immobilière de l’opération ? Nous vous avons entendu, M. Romatet, lors de la réunion du CIE du 12 décembre 2006 consacrée aux SPSI du MAEE. Or, à aucun moment vous n’avez fait état de ce projet de regroupement alors que la négociation était très avancée. Dans le courrier qu’il m’a adressé le 10 décembre 2007, Monsieur le Ministre indique que son prédécesseur avait donné pour consigne aux représentants du ministère d’occulter l’état d’avancement du processus d’acquisition de l’immeuble de la rue de la Convention auprès du CIE. Cela aurait été justifié par la nécessité de préserver le secret dans le cadre de la difficile négociation commerciale avec le Groupe Carlyle. Or, les SPSI ayant pour objet de permettre au CIE d’y voir clair, comment expliquer sérieusement une telle attitude ? J’ai quant à moi adressé une lettre au Premier Ministre le 23 mars 2007 pour lui faire part des plus extrêmes réserves du CIE à ce sujet.

M. Jean-Pierre Brard : Vente, achat, vente, achat… C’est un peu le bonneteau, avec un enrichissement invraisemblable à la clé. Sauf erreur de ma part, l’État avait un droit de préemption lorsqu’il a racheté et pour signer l’acquisition, le notaire a dû disposer du certificat de non-préemption. Qui a décidé de ne pas préempter ? Qui a décidé de porter préjudice à l’intérêt public en favorisant délibérément un enrichissement injustifié ?

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : Le MAEE a en effet changé de stratégie immobilière. Jusqu’en 2004, le projet était celui porté par M. Barnier et consistait à construire sur une emprise publique un nouveau MAEE, comparable à un « Pentagone à la française » en quelque sorte. Ce projet n’a pu voir le jour en raison d’un différend entre la Ville de Paris et l’État sur l’utilisation du site Saint Vincent de Paul. En 2006, une nouvelle impulsion a été donnée à la politique immobilière de l’État, le gouvernement étant à la recherche d’une importante opération immobilière de manière à illustrer la capacité de l’État à mettre sur le marché des biens de prestige. La vente des immeubles de l’avenue Kléber a alors semblé idoine.

L’opération de cession de l’ensemble de ces biens a relevé de la responsabilité de France Domaine, avec l’appui technique du MAEE. Ce dernier n’a quant à lui été guidé que par une seule considération : le consentement à la vente de Kléber n’interviendrait qu’à la condition de trouver un site adapté à nos besoins et favorisant donc le regroupement de l’ensemble des services.

Sur le plan technique, l’acquisition de l’immeuble de la rue de la Convention incombait au MAEE, mais la conduite de la négociation financière avec le promoteur a été réalisée par France Domaine, en présence du MAEE.

Il était par ailleurs très difficile de réaliser des études de performance immobilière à l’automne 2006 sur un immeuble dont la rénovation venait à peine d’être entreprise. Nous avons en revanche réalisé une succession d’« études en chambre » et, sur la base de ratios et des coûts de fonctionnement, nous avons fait un certain nombre d’estimations des coûts futurs d’utilisation de l’immeuble : cette opération de regroupement serait susceptible de permettre à l’État une économie de 5 millions par an en crédits de fonctionnement.

L’audition du 12 décembre au CIE a été préparée très minutieusement d’une part avec M. Lourdin et d’autre part avec les cabinets des ministres concernés. Nous avons constaté que deux sujets intéressaient en particulier le CIE : notre stratégie générale de valorisation de notre patrimoine à l’étranger et notre opération de relocalisation des services du MAEE à Paris. Nous avons sollicité des instructions car le 12 décembre 2006, les négociations entre l’État et le fonds d’investissement étaient déjà très avancées, de même que les conseils juridiques négociaient le jeu de la clause de confidentialité demandée par France Domaine et exigée par le vendeur. Quelles informations, dans ces conditions, donner aux membres du CIE ?

M. Georges Tron, Président : Le CIE est composé de parlementaires et de spécialistes des questions immobilières qui exercent depuis longtemps dans la haute administration. Nous sommes de facto responsables de plusieurs dossiers de cette nature. Estimez-vous normal que la confidentialité nous ait été objectée, de surcroît pour une opération qui s’est révélée si contre-productive ? Si vous nous en aviez parlé, ne pensez-vous pas que l’on aurait pu par exemple insister sur l’aspect contradictoire de cette opération avec la stratégie que vous envisagiez et souligner également que vous vous apprêtiez à engager l’État dans une opération parmi les plus maladroites qui soit ? Les coûts sont lourds ; l’invocation du secret bien légère.

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : En tant que directeur du service des affaires immobilières du MAEE à l’époque, j’avais reçu instruction des cabinets de Bercy et du MAEE de ne pas évoquer à ce stade les pistes précises de relogement. J’ajoute que le directeur général de l’administration avait alors suggéré aux cabinets que cette opération vous soit signalée avant la réunion du CIE.

Enfin, cet incident a été pris en compte, puisque le CIE pourra désormais avoir connaissance des opérations nécessitant une confidentialité à l’endroit du marché.

M. Jean-Pierre Brard : Pourquoi évoquer la confidentialité à l’égard du marché quand c’est l’État qui est en cause ? Aviez-vous oui ou non reçu instruction de ne pas dire la vérité aux parlementaires ?

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : J’ai reçu instruction de ne pas évoquer précisément l’avancement de l’opération de la rue de la Convention.

M. Jean-Pierre Brard : Un haut fonctionnaire n’est donc pas gêné à l’idée de taire la vérité aux parlementaires. Par ailleurs, qui a décidé de délivrer un certificat de non-préemption ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Ce n’est pas la même chose de taire la vérité et d’affirmer la règle de la confidentialité.

M. Jean-Pierre Brard : En quoi ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Dans le cadre de cette négociation financière, les deux cabinets d’alors pensaient qu’il fallait rester très discret sur ce point. Que peut faire un haut fonctionnaire dans ces conditions ?

M. Jean-Pierre Brard : Et la clause de conscience ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Oh…

M. Jean-Pierre Brard : C’est un gros mot ?

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : A posteriori, la meilleure façon de procéder aurait été que l’État se porte acquéreur du site de la Convention en 2003 aux fins d’y reloger des services de l’État, notamment du MAEE. Or, à ce moment-là, le schéma immobilier du MAEE était différent. Une consultation avait été lancée par Bercy afin de vérifier si d’autres utilisations publiques étaient possibles sur le site de l’imprimerie nationale ; aucun ministère n’étant demandeur, il n’a pas été repris par l’État.

M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du CIE : Je souhaite préciser qu’en aucune façon je n’ai participé à une quelconque réunion préparatoire de ce SPSI non plus qu’à des réunions de cabinets ministériels. La réunion du 14 novembre 2006 à Matignon dont il a été question dans un courrier, et à laquelle j’ai participé, a conclu à la nécessité d’engager des discussions avec le promoteur de la rue de la Convention mais également avec celui d’un autre site de manière à pouvoir choisir. J’ajoute que le compte rendu de la réunion du CIE du 12 décembre avec M. Romatet comporte un renvoi précisant les deux adresses des sites en question et qu’une référence est faite à la réunion du 14 novembre.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Le fait que la convention fiscale entre la France et le Luxembourg était obsolète devait être connu de tous les investisseurs. Cela a-t-il joué un rôle dans les négociations ?

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : À ma connaissance, à aucun moment, cet aspect fiscal de l’opération n’a été évoqué, ni avec l’investisseur, ni avec Bercy.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Ce dysfonctionnement n’est pas imputable au MAEE mais à Bercy.

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Je vous remercie de le dire.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Le MAEE vient de faire une demande à France Domaine pour financer - sur le compte d’affectation spéciale - les travaux supplémentaires de l’immeuble de la rue de la Convention pour un montant de 31 millions. Cela concerne-t-il les travaux mentionnés lors de la discussion budgétaire – installation du courant faible et câblage informatique, décorations des espaces communs, mobilier, déménagement, création d’un centre de conférence ministériel ? Où accueillir, par ailleurs, des conférences internationales ? Qu’en est-il à ce propos de l’idée un peu farfelue de « dupliquer » l’Aérogare des Invalides de l’autre côté de l’Esplanade ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Le site de la Convention comportera un centre de réunion ministériel, mais ne suffira absolument pas pour de grandes réunions internationales. La somme de 31 millions permettra de disposer d’un site aménagé.

À partir de décembre 2008, il n’y aura donc plus de centre international de conférences à Paris. Un projet Quai Branly datant de la fin des années 80 devait en abriter un mais il est devenu le musée des arts premiers, ce qui est par ailleurs fort bien. Je souligne tout de même que la présidence slovène, elle, a fait construire un somptueux centre de conférences à Brno ! Rien n’est fait, en l’état, mais il y aurait la possibilité d’une création de ce centre sous l’Aérogare des Invalides, qui a l’avantage d’être très proche du Quai d’Orsay. Il semble que ce soit le dernier emplacement utilisable à cet effet dans Paris. J’ajoute que l’idée de constituer un grand centre international de conférences est un projet présidentiel, qui pourrait d’ailleurs être financé sans appel à l’État.

M. Jean-Pierre Brard : Cela entre-t-il dans les prérogatives constitutionnelles de la présidence de la République ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Un certain président Mitterrand s’est occupé de projets qui n’étaient pas si mauvais que cela.

M. Jean-Pierre Brard : Je serais étonné que ceux de l’actuel Président soient à la hauteur.

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Vous auriez tort d’en préjuger.

M. David Habib, Président : Peut-on avoir des précisions sur l’intervention de la société de conseil immobilier Stratégies and corp, acteur majeur de l’opération dont nous parlons ? Pourquoi avoir choisi ce cabinet ? Quelle a été sa rémunération ?

M. Georges Tron, Président : Quelles sont les performances immobilières de l’immeuble de la rue de la Convention ? La surface utile nette (SUN) par agent s’élève à plus de 15 m² alors que France Domaine a fixé un ratio de 12 m². Quid de la qualité environnementale eu égard aux exigences du Grenelle de l’environnement ? France Domaine a-t-il vérifié les données calculées par le MAEE ? Pourquoi aucune étude de qualité environnementale n’a-t-elle été effectuée préalablement à l’acquisition ?

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : Suite à un appel d’offres, un conseil en immobilier a en effet été recruté afin de nous appuyer dans l’identification des solutions de relogement, la formulation de notre cahier des charges – besoins en effectifs, en m² -, le lancement d’un appel de marchés et, enfin, la vérification de l’adéquation entre les solutions immobilières proposées et les besoins exprimés. Stratégies and corp a travaillé avec nous de la fin du printemps 2006 à la fin de cette année-là. La rémunération totale versée par le MAEE s’est élevée à 23 000 euros hors taxes et 30 000 euros TTC alors que le devis initial s’élevait à 70 000 euros – mais sur les huit immeubles qui devaient être évalués, seuls quatre l’ont été. Le ratio moyen de surface de bureau par agent est de 10,5 m².

M. Georges Tron, Président : La différence d’appréciation, sur ce dernier point, est sensible.

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : Je me propose de vous faire passer une note technique à ce sujet, de même que sur les performances environnementales.

Je rappelle en outre que l’État a acheté cet immeuble avec les conditions normatives qui s’imposaient en 2003 ou 2004. Le permis de construire obéit en l’occurrence à la norme RT 2000.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Quels sont le calendrier et le coût de la rénovation des bâtiments du Quai d’Orsay ? L’estimation de 60 millions est-elle confirmée ? Qui en sera le maître d’œuvre ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Il n’est pas possible de rénover le Quai d’Orsay avant le déménagement des archives. Les travaux seront terminés à La Courneuve à l’automne prochain et vous disposerez de toutes les informations nécessaires à la fin de l’année vraisemblablement.

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : Je signale que la dernière opération de rénovation d’envergure du Quai d’Orsay remonte à la fin des années trente. Le Quai est un peu un « village Potemkine » : belle apparence, réalité désastreuse – l’électricité n’est pas aux normes, l’accès est impossible aux handicapés…

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Je signale qu’il est prévu d’installer 250 bureaux à l’emplacement actuellement occupé par les archives.

M. Georges Tron, Président : M. Lion, avez-vous des remarques à formuler ?

M. Claude Lion, conseiller référendaire à la Cour des comptes : Je ne suis pas habilité à parler au nom de la Cour des comptes et je ne peux que renvoyer au rapport public, notamment s’agissant de la société Stratégies and corp.

Sommairement, ce rapport a tiré en particulier trois enseignements de cette opération. Tout d’abord, un défaut de pilotage dans les relations entre France Domaine et les ministères, le partage des rôles n’étant pas optimal. Le professionnalisme, ensuite : s’il n’est évidemment pas question de contester le recours à des tiers extérieurs, leurs conditions d’intervention doivent être précisément encadrées. Enfin, la nécessité de mettre en place une stratégie globale de l’immobilier de l’État.

M. Georges Tron, Président : Je remercie Monsieur le Ministre et ses collaborateurs de leurs réponses.

Il est très difficile pour nous de devoir revenir sur un tel ratage. Nous avons le sentiment que la réforme de 2005, qui visait précisément à éviter ces dysfonctionnements aurait gagné à être pleinement appliquée.

Nous en venons au deuxième thème de cette audition : l’organisation des services de l’État à l’étranger.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Pourquoi existe-t-il toujours au MAEE trois comités en charge de l’immobilier de l’État à l’étranger : le comité interministériel des moyens de l’État à l’étranger (CIMEE) – qui s’est réuni pour la dernière fois le 25 juillet 2006 – , la commission interministérielle (CIM) – qui se réunit tous les mois –, enfin, le comité de politique immobilière (CPI) – réuni une fois en 2002 et une en 2005 seulement ? Ne serait-il pas plus utile de disposer d’une seule structure ? Comment préparez-vous l’extension des SPSI et des loyers budgétaires aux services de l’État à l’étranger ? Quelles sont les conséquences immobilières des décisions du comité de modernisation des politiques publiques du 4 avril en matière d’allègement et de regroupement des implantations diplomatiques, consulaires et culturelles à l’étranger ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Vous avez raison. Toutefois, les trois comités n’ayant pas eu la possibilité de se réunir trop souvent, ils ne se sont au moins pas trop contredits entre eux (Sourires) ! Tout cela doit être en effet rationalisé. Avant d’agir, je dois néanmoins attendre que la revue générale des politiques publiques (RGPP) et le Livre blanc exposent leurs conclusions. Une réorganisation harmonieuse est d’autant plus indispensable dans les services en charge de l’étranger que les marchés varient d’un pays à l’autre. Sans doute faut-il se diriger vers la mise en place de collaborations entre secteurs public et privé de telle manière que l’immobilier soit évalué par des professionnels et que les décisions soient prises par l’État.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Serait-il possible d’avoir des précisions sur les projets relatifs à la Chancellerie et à la résidence diplomatique de la France à Dublin, estimés à 80 millions d’euros ? Outre que cette opération aurait sans doute dû être réalisée plus tôt en raison de la présente baisse de l’immobilier, où l’ambassade sera-t-elle transférée ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Il faut y mettre bon ordre, pas seulement en Irlande mais partout. Des professionnels doivent proposer des plans de gestion afin que l’on puisse décider en toute connaissance de cause. Je suis prêt à travailler avec vous dans la plus grande transparence. La gestion de cet immobilier elle-même doit devenir locale, c’est ainsi que nous réaliserons des économies. Une fois de plus, j’attends les conclusions de la RGPP et le Livre blanc. Nous prendrons des décisions plus économiques, plus rationnelles et plus efficaces. La situation de notre ambassade au Congo est par exemple catastrophique : voilà dix ans que l’on attend les crédits afin de procéder à des rénovations et une très belle maison coloniale a été achetée sur un beau terrain… Est-ce cela qu’il fallait faire ? Des spécialistes doivent nous le dire.

M. Georges Tron, Président : Qu’en est-il de la création d’une unique société foncière de l’État à l’étranger ? Comment s’insérerait-elle dans les modifications en cours, en particulier dans le cadre des SPSI ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Ce n’est évidemment pas moi qui oriente les discussions du Livre blanc. Quoi qu’il en soit, MM. Juppé et Schweitzer sont d’accord pour confier les expertises aux secteurs privé et public. Ce nouvel opérateur de l’immobilier sera étroitement encadré par l’État mais je ne sais pas où en sont les ultimes réflexions. Nous devrions recevoir le rapport au mois de juin.

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : L’État veut en effet proposer la mise en place d’une société foncière publique afin de gérer le patrimoine de l’État à l’étranger. Il s’agirait soit de gérer un certain nombre d’opérations immobilières pour le compte de l’État, soit de gérer une partie des actifs de l’État, soit de gérer tout le portefeuille des actifs de l’État à l’étranger. Nous étudions en ce moment la faisabilité technique, juridique et financière de cette société. Nous avons proposé qu’une mission de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires étrangères étudie les termes de référence de cette société. Nous souhaitons aussi consulter le CIE.

M. Georges Tron, Président : Qu’en sera-t-il de l’articulation de cette société avec France Domaine ? Le développement d’un grand nombre de structures s’inscrit un peu en faux par rapport au pilotage que nous avions souhaité mettre en œuvre dans le cadre de la réforme de 2005.

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : La CIM (Commission interministérielle sur les opérations immobilières de l’État à l’étranger, présidée par un représentant de la Cour des comptes), qui se réunit chaque mois, est particulièrement importante car elle donne un avis, en pratique toujours suivi, sur toutes les opérations immobilières de l’État à l’étranger.

L’ambassadeur, quant à lui, est en quelque sorte « l’officier des Domaines » à l’étranger et il agira dans le cadre des activités de cette société foncière en tant que représentant du Ministre du Budget. La mission de préfiguration qui sera mise en place au printemps permettra d’affiner le cadre des relations avec France Domaine.

M. Georges Tron, Président : Nous en venons au troisième thème : les divers autres aspects des questions immobilières liées au MAEE.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : S’agissant des archives et de La Courneuve, le MAEE a financé la construction des bâtiments dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) sous la forme d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public. Le MAEE a donc engagé l’État à verser à la société ICADE, filiale du groupe Caisse des Dépôts, des loyers de 3,5 millions d’euros. Or, la Cour des comptes a calculé que leur cumul entraîne un surcoût de 41 % par rapport au financement sur les crédits budgétaires alors que, selon vos déclarations, Monsieur le Ministre, celui-ci ne serait que de 11 %. Comment expliquer cette différence ? Comment cette opération a-t-elle été menée ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Je connais ce rapport de la Cour des comptes mais je n’ai pas d’explications particulières à vous fournir à ce propos.

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : Voilà plus de vingt ans que le MAEE évoque la nécessaire relocalisation de ses archives diplomatiques. Ce transfert est d’une absolue nécessité. Ce projet a d’abord été conduit en maîtrise d’ouvrage publique, puis le gouvernement a décidé de changer de mode opératoire en le faisant passer en PPP. Non seulement tel n’était pas le choix du ministère mais cela s’est traduit par des complications très importantes. Le bâtiment sera d’ailleurs livré avec retard.

M. Jean-Pierre Brard : Qui a décidé de ce changement ?

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : C’est parce que nous n’avions pas obtenu d’assurance sur la disponibilité des crédits d’investissements pour financer cette opération que le Premier Ministre a décidé, sur proposition de M. Barnier, de passer en PPP.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : S’il n’y a guère d’observation à faire lorsqu’une stratégie est précisément définie, il n’en va pas de même lorsque le schéma est flou : les surcoûts et les délais varient alors considérablement. Le président du CIE doit pouvoir exposer fortement les protocoles à appliquer, de manière à ce que personne ne puisse y déroger. Parfois, une succession de petites erreurs suffit à former un vaste ratage.

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Cette opération a été échelonnée sur plusieurs années. Hubert Védrine a bien fait de décider de transférer les archives à La Courneuve, mais au cours de l’opération, l’argent que l’on escomptait ayant fait défaut, il fallait bien en trouver ailleurs, d’où le PPP.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Les PPP sont souvent des réussites.

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : Le projet a en l’occurrence changé dix fois ! Il faut à ce propos rendre hommage à l’architecte Henri Gaudin et à l’entrepreneur, parce que la réalisation sera finalement une réussite.

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : En matière immobilière, la seule formule clé est : continuité des décisions. Le contraire est démobilisateur, irresponsable et ruineux. La Courneuve est l’exemple même de ce qui n’aurait pas dû avoir lieu. Je note enfin que l’immobilier est un métier à part entière, nécessitant de recourir à des professionnels.

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Où en sont les projets d’implantation des organisations liées à la francophonie après le probable abandon du regroupement dans l’immeuble du 20 avenue de Ségur ? Un autre bâtiment où les travaux ne s’élèveraient qu’à 5 millions aurait été trouvé avenue Bosquet. Qu’en est-il exactement ?

M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et européennes : À quelques détails près, je crois que les conditions financières sont celles que vous évoquez. M. Diouf a accepté ce regroupement et a remercié M. Sarkozy pour ce choix de l’avenue Bosquet.

M. Stéphane Romatet, Directeur-adjoint du cabinet du Ministre : Cette opération sera un véritable test pour la politique immobilière de l’État, puisque c’est la première dont nous confierons la mise en œuvre à la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM).

M. Yves Deniaud, Rapporteur : Nous nous en réjouissons. Notre intervention a heureusement permis d’interrompre le processus de l’avenue de Ségur qui s’enlisait dangereusement.

M. Jean-Pierre Brard : On dit que l’on apprend toujours à ses dépens, mais en l’occurrence, c’est aux dépens de l’État. Deux siècles après la Révolution, c’est un peu long pour découvrir qu’il faut travailler avec des gens compétents. Nous aurions pu réaliser quelques économies.

M. Georges Tron, Président : Je vous remercie d’avoir participé à cette audition.

——fpfp——

ANNEXES

ANNEXE N° 1 : L’IMMOBILIER DANS QUELQUES MINISTÈRES

1.– Ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Selon les SPSI (2006) l’immobilier des administrations centrales des deux anciens ministères de l’Équipement et de l’Écologie était le suivant :

– ancien ministère de l’Écologie : effectif physique de 984 personnes, SHON de 37 100 m2, SUB de 32 500 m2 et surface de bureaux de 19 500 m2 (principalement avenue de Ségur) ;

– ancien ministère de l’Équipement : effectif physique de 6 441 personnes, SHON de 217 000 m2, SUB de 188 000 m2 et surface de bureaux de 95 000 m2 (principalement au quartier de La Défense, avec notamment l’Arche, les ministres et leurs cabinets étant hébergés dans l’hôtel de Roquelaure, boulevard Saint-Germain).

Le rapport de la MEC de juillet 2005 comptait jusqu’à sept services gestionnaires de l’immobilier de l’ancien ministère de l’Équipement (direction du personnel, des services et de la modernisation ; direction des affaires financières et de l’administration générale ; direction des routes ; DGAC ; direction de la sécurité et de la circulation routière ; direction des affaires maritimes ; direction du tourisme). Il faut maintenant y rajouter ceux de l’ancien ministère de l’Écologie, ainsi que de la direction générale de l’énergie et des matières premières. Le ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (MEEDDAT) a entrepris d’unifier sa fonction immobilière, sous l’autorité du secrétaire général de l’administration, avec la direction générale du personnel et de l’administration et la délégation à l’action foncière. Il reste à ces structures nouvelles de s’affirmer face aux grandes directions sectorielles.

À la suite notamment des travaux des commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, le Gouvernement a abandonné le projet de rénovation l’immeuble du 20 avenue de Ségur, Paris 7ème arrondissement, d’un montant évalué à au moins 85 millions d’euros, pour héberger certains services de l’ancien ministère de l’Écologie et la Maison de la Francophonie(19). Cet immeuble est inscrit pour 270 millions d’euros au TGPE alors que sa valeur vénale est manifestement supérieure. On peut s’interroger sur l’avenir de cet immeuble sachant qu’il est actuellement inoccupé pour un tiers de sa surface (11 000 m2 sur 43 000 m2 SUB), qu’il n’est plus entretenu depuis le départ des services du ministère des Finances (ancien ministère des postes et télécommunication) et que ses qualités environnementales sont très dégradées. Le MEEDDAT s’est rapproché du service France Domaine pour étudier en commun une solution, qui pourrait être une vente pure et simple. Vos Rapporteurs rappellent que le rapport de l’Inspection des finances de décembre 2007 évoquait une alternative à la vente, à savoir un portage de longue durée par une société publique ou privée, qui pourrait rapporter à l’État les deux tiers de la valeur de marché du bien ; l’avantage serait que l’État ne se dessaisirait pas de cet immeuble dans un quartier central de Paris dont dans 30 ans, dans 50 ans, il pourrait avoir à nouveau besoin.

Le MEEDDAT a le projet de regroupement de ses services centraux sur le site de La Défense, dans une tour à construire sur un délaissé de voirie consécutif à la remise à plat du boulevard circulaire. En soi le projet de regroupement est conforme aux orientations de la politique immobilière de l’État en ce qu’il favorise les synergies, la mutualisation des moyens et la fusion des cultures entre les services en provenance des ministères de l’Équipement, de l’Écologie et de l’Industrie (direction générale de l’Énergie et des matières premières). Il suscite néanmoins des interrogations dans la mesure où le calendrier de l’opération projetée (2015/2016), son coût réel (environ 700 millions d’euros), son financement (partenariat public privé, les cessions ne pouvant couvrir qu’une part minoritaire de ces coûts), son bilan d’ensemble et l’évolution des surfaces (100 000 m2) ne sont pas clairement établis. Les professionnels de l’immobilier sont unanimes à indiquer que les coûts de construction d’une tour de grande hauteur (environ 7 000 euros le m2) sont très supérieurs à ceux de bureaux ordinaires (environ la moitié). En contrepartie les loyers marchands actuellement payés par le ministère sont d’environ 30 millions d’euros par an. Une telle construction priverait l’État d’une recette de droits à construire, dans l’hypothèse d’un projet équivalent effectué par une personne privée, estimée entre 200 et 300 millions d’euros. D’autre part le MEDAD est-il dans son rôle en s’érigeant en maître d’ouvrage, alors que ce n’est pas le « cœur de métier » d’un ministère, fût-il celui en charge de l’Équipement, et que le quartier de La Défense dispose déjà d’un établissement public pour ce faire (l’EPAD) ?

Pour toutes ces raisons vos Rapporteurs se prononcent pour que le ministère de l’Écologie et le service France Domaine définissent en commun un cahier des charges pour trouver un site de regroupement, et que l’hypothèse de la construction de la tour soit comparée aux autres possibilités, notamment l’achat ou la location d’immeubles existants. Bien sûr le ministère de l’Écologie devra se montrer exemplaire au regard des objectifs de développement durable, en privilégiant par exemple un immeuble à « énergie positive », comme il en apparaît depuis peu sur le marché.

Le « rapport Pommelet » d’octobre 2003 concluait que 3 millions de m2 de terrain pouvaient être à court et moyen termes cédés par le RFF, la SNCF, la RATP et le ministère de l’Équipement, afin de faciliter la construction de logement social en Île de France. À plus long terme, le rapport concluait que 10 millions de m2 pourraient également être mobilisables. Une première évaluation réalisée à la fin de 2006 montre que 40 % des cessions prévues ont été réalisées. Le bilan 2007 n’est pas encore publié. On peut s’interroger sur l’articulation de l’action la Délégation à l’action foncière du MEEDDAT avec celle de la Délégation interministérielle pour le développement de l’offre de logements (DIDOL) pilotée par le ministère du logement.

D’un point de vue purement rationnel, il est difficile de justifier la présence dans un quartier central de Paris de l’ENIM (Établissement national des invalides de la marine), 3 place de Fontenoy, Paris 7ème. On rappelle que cet établissement est le régime de sécurité sociale commun à tous les navigants professionnels du commerce, de la pêche et de la plaisance. Ce régime spécial couvre toutes les branches, sauf la famille gérée par la caisse maritime d’allocations familiales rattachée au régime général. Il offre une protection pour les risques maladie, maternité, invalidité, décès et accident du travail et le risque vieillesse, assuré par la caisse de retraites des marins (code des pensions de retraite des marins). L’Enim développe également une action sociale avec le versement d’aides individuelles et des subventions à des établissements d’accueil pour les personnes âgées ou handicapées. Il participe aussi à des actions de prévention sous forme de soutien à des associations.

Le ministère de l’Écologie souhaite maintenir un pôle maritime sur ce site, avec l’ENIM, la direction des Affaires maritimes, la direction de la Pêche, le secrétariat général de la Mer et la Commission nationale de la navigation de plaisance. Le ministère allègue de l’attachement du monde maritime à ce site historique pour des « raisons sentimentales ». Une vision globale de l’immobilier des administrations centrales des ministères montre qu’une libération de ce site permettrait d’organiser des opérations tiroirs dans le cadre de relogements successifs. En outre une cession par l’État de l’ensemble constitué par les deux immeubles contigus de la place de Fontenoy et du 20, avenue de Ségur permettrait une valorisation très intéressante.

Le ministère de l’Écologie indique que l’immeuble de l’École des ponts et chaussées rue des Saints Pères devrait être cédé rapidement, l’idée étant de créer un grand pôle scientifique et technique à Marne la Vallée. Il assure la tutelle des deux opérateurs IGN et Météo France, avec une étude de relocalisation à Saint Mandé en cours des deux sièges actuellement situés au centre de Paris (rue de Grenelle et quai de Passy).

Le MEEDDAT devra chiffrer précisément les conséquences en termes de réduction des surfaces des décisions de réduction d’effectifs prises dans le cadre de la RGPP. En particulier il devra prochainement mettre en œuvre la décision de fusionner sous une même direction générale les directions régionales de l’équipement (DRE), les directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE) et les directions des ressources énergétiques et minérales (DIREM). Sur le plan départemental, cela revient à fusionner les directions départementales de l’équipement (DDE) et les directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF).

2.– Ministère de la Défense

Votre commission des Finances a demandé à la Cour des comptes une enquête en application de l’article 58-2° de la LOLF, enquête qui lui a été remise le 15 octobre dernier(20). L’impression générale donnée par ce rapport est que le ministère de la Défense se prévaut d’un particularisme fort pour se tenir à l’écart des évolutions suivies dans le cadre de la nouvelle politique immobilière de l’État. Ce « particularisme » est même revendiqué dans le document remis par les représentants du ministère de la Défense à l’issue de leur audition par la MEC : biens immobiliers principalement en province, caractère militaire de ces biens, limites de l’application des loyers budgétaires au ministère.

La Cour des comptes indique que le ministère de la Défense dispose de 30 000 emprises (unités administratives), 52,3 millions de m² de surface utile, pour une valeur de 19 milliards d’euros inscrite au bilan de l’État (43 % du parc immobilier de l’État). Ce parc est très hétérogène et comporte un grand nombre d’éléments spécifiques : bureaux, terrains, cantonnements et bases militaires, monuments historiques, nécropoles, installations industrielles, logements… La Cour note une connaissance du parc encore très imparfaite, ainsi qu’une évaluation qui reste encore à fiabiliser. Les systèmes d’information de gestion immobilière sont multiples et insuffisants. Le ministère se trouve sans système central de gestion domaniale, avec un progiciel SAGRI en fin de vie qui n’est pas alimenté depuis 2006, l’échec du projet SAGRI 2 qui devait lui succéder, et l’attente nouveau progiciel prévu en 2008…

La Cour des comptes a relevé que d’importants crédits immobiliers échappent au Secrétariat général pour l’administration (SGA) et sont gérés directement par les états-majors. M. Éric Lucas, Directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives, a évalué lors de son audition devant la MEC que la moitié seulement du milliard d’euros des crédits que le ministère consacre à l’immobilier était regroupée au sein des crédits gérés par le SGA. Il n’est pas fait de distinction entre les dépenses de gros entretien et celle d’entretien courant. Ces particularités font obstacle à l’indication par le ministère de la Défense du coût budgétaire annuel de son immobilier, en distinguant par grande rubrique (acquisitions ; entretien, grosses réparations et maintenance ; dépenses de fonctionnement…). Le système des crédits « massifiés » empêche de déterminer précisément le montant des crédits consacrés à l’entretien.

L’organisation de la fonction immobilière du ministère de la Défense est particulièrement complexe, avec le Secrétariat général pour l’administration (SGA) avec ses différents services (Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA), créée en 1999, Mission de réalisation des actifs immobiliers (la MRAI), créée en 1987, et Service de l’infrastructure de défense (SID), créé en 2005. Ce dernier service emploie 4 444 agents en ETPT. On peut s’interroger sur le poids de ces structures centrales face aux autres services et surtout aux trois états majors (terre, air, mer). La Cour des comptes note que « les relations entre le SID et les états-majors ne sont pas parfaitement clarifiées ». « La concentration de la gestion immobilière entre les mains du SGA, à des fins de coordination des moyens, est conforme aux orientations générales de la politique immobilière de l’État, mais elle ne s’est pas encore pleinement traduite par un cadre organisationnel et budgétaire réellement unifié ».

Les services du SGA disposent de moins de 30 % des crédits d’entretien immobilier. Certes une souplesse de gestion justifie qu’une part de ces moyens reste en propre aux unités et services, mais ils devraient progressivement être limités aux seules dépenses d’entretien courant et les responsabilités en la matière devraient être clairement définies. La charte régissant ces relations a été signée tardivement avec l’armée de terre (1er juin 2007) ; l’armée de terre en avait refusé le principe même, en raison de son attachement à l’autonomie des services. De plus, dans le budget 2008, les responsables de BOP du programme Préparation et emploi des forces n’ont pas accepté le transfert de leurs crédits gérés en propre au profit du programme Soutien de la politique de défense.

La politique de cessions de la MRAI s’effectue à un rythme annuel d’environ 50 à 60 millions d’euros par an depuis de nombreuses années, cette valeur moyenne étant dépassée ces trois dernières années du fait de quelques grosses cessions ponctuelles à Paris. Il s’agit d’un rythme particulièrement lent pour un parc immobilier d’une telle ampleur. À titre de comparaison, le produit des cessions pour l’ensemble des ministères est de l’ordre de 800 millions d’euros en 2006 comme en 2007. La Cour a calculé que six années en moyenne s’écoulent pour que les procédures particulièrement complexes de cession se réalisent, ce qui paraît pour le moins excessif, même en tenant compte du caractère particulier des opérations de restructuration urbaine et des sujétions de dépollution des sites. La segmentation du patrimoine en trois catégories (« biens utiles », « biens cessibles » sous certaines conditions et « biens inutiles ») est loin d’être achevée (elle porte sur seulement 2/3 des emprises en métropole et pas du tout sur l’outre-mer et l’étranger). Cette segmentation ne repose pas sur des critères de classification clairement établis, ce qui laisse envisager des possibilités de cessions supérieures à celles qui sont affichées. M. Éric Lucas a déclaré lors de son audition devant la MEC que l’accélération des cessions ne pourrait intervenir qu’après les décisions de l’été prochain concernant la modification du plan de stationnement des troupes. Il a avancé l’idée de la création spécifique d’une « société foncière de défaisance » ou une « société foncière de restructuration ou de partage de terrain » pour réaliser plus rapidement les cessions sur les emprises les plus faciles à dépolluer, à reconvertir et à vendre, création qui risque de s’analyser comme la mise en place d’un dispositif parallèle.

Le ministère de la Défense continue de bénéficier d’un régime dérogatoire lui permettant de bénéficier d’un taux de retour de 100 % sur les cessions. La réponse fournie à la Cour des comptes par le ministère, à savoir les difficultés budgétaires du ministère de la Défense, pourrait s’appliquer à tous les ministères. On peut s’interroger sur le rôle du service France Domaine dans l’activité de cessions de la MRAI (définition de la liste de biens immobiliers mis en vente, évaluation, étude de réaffectation…) et dans le remploi des fonds issus du produit des cessions, afin d’en examiner la compatibilité avec les orientations stratégiques en matière d’immobilier de l’État.

Comme tous les ministères, le ministère de la Défense a présenté en 2006 son Schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) pour ses services centraux. La Cour des comptes note que « du fait de l’importance et de la grande diversité des éléments qui constituent le patrimoine du ministère de la Défense, les instruments destinés à définir la stratégie pluriannuelle du ministère ne représentent encore qu’une part limitée des immeubles dont il dispose ». L’actualisation 2008 du SPSI des administrations centrale du ministère semble prendre du retard à cause de l’étude du projet de « Pentagone à la française » à Balard (21). Les SPSI des services déconcentrés seront élaborés en 2008, en complément des schémas directeurs interarmées (SDIA), qui étaient en grande partie restés lettre morte et qui ne sont pas pour autant abandonnés. L’instruction de ces dossiers est arrêtée dans l’attente des décisions relatives au plan de stationnement des forces. Il faut espérer voir s’établir un lien entre les SPSI déconcentrés et la programmation des opérations d’infrastructure des états-majors, à la différence de ce qui se passait jusqu’à présent avec SDIA.

Le ministère de la Défense gère 76 196 logements de gendarmes et 52 452 logements dans les autres armes (essentiellement pour « nécessité absolue de service »). La Société nationale immobilière - SNI (groupe Caisse des dépôts) bénéficie d’un contrat de gestion et d’entretien du parc de logements, hors gendarmerie. Ce contrat avec la SNI a été contesté par la Commission européenne, au motif d’absence de concurrence. Le ministère de la Défense travaille avec le ministère du Budget pour une mise en concurrence. L’examen du parc des logements de fonction de la gendarmerie nationale montre un entretien très insuffisant et un âge moyen élevé, avec comme conséquences d’importants travaux de rénovation à prévoir (2 milliards d’euros sur 30 ans). Cette somme est à comparer à la valeur du parc, estimée en 2004 à 2,9 milliards d’euros et en 2005 réestimée à 5,2 milliards d’euros. Le parc de logements des autres armes devrait faire l’objet de dépenses de rénovation estimée à 1 milliard d’euros sur 30 ans, somme très proche de la valeur estimé du parc (1,1 milliard d’euros). La gendarmerie s’oriente vers des opérations d’externalisation régionale, afin de trouver des marges utilisables pour les réhabilitations.

Le rapport de la Cour des comptes note un sous-entretien chronique des immeubles occupés par le ministère de la Défense, au détriment de la valeur patrimoniale du parc (il faudrait tripler les budgets).

Le premier conseil de modernisation de l’État, dans le cadre de la RGPP, a décidé le lancement d’une étude de faisabilité du regroupement de l’ensemble de l’administration centrale dans un format resserré sur le site de Balard à Paris, avec cession des immeubles libérés (« Pentagone à la française »). Cette opération est prévue à l’horizon de 2012 et devrait être financée sur le produit des cessions d’immeubles actuellement occupés par le ministère.

3.– Ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

Comme indiqué dans le rapport spécial M. Yves Deniaud (n° 276 annexe 48) sur le compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État, à l’automne dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2008, le ministère de l’Immigration est à la recherche d’un immeuble pour héberger ses services parisiens.

D’après le rapport spécial (n° 276 annexe 24) de Mme Béatrice Pavy sur le même projet de loi de finances, l’administration centrale du ministère s’appuiera ainsi, en premier lieu, sur des personnels transférés d’autres administrations :

– 231 équivalents temps plein travaillé (ETPT) correspondent à la direction de la population et des migrations (DPM) du ministère du Travail, des relations sociales et de la solidarité ;

– 137 ETPT proviennent du service des étrangers en France de la direction des Français à l’étranger et des étrangers en France (DFAE) du ministère des Affaires étrangères ;

– 101 ETPT sont transférés de la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontière de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

– des effectifs plus modestes proviennent de la mission « visas biométriques » (8 ETPT), du haut conseil à l’intégration et du comité interministériel de contrôle de l’immigration ;

– l’ambassadeur au codéveloppement et ses collaborateurs (3 ETPT) sont également transférés du ministère des Affaires étrangères.

Au total, 489 ETPT sont transférés. S’y ajouteront 120 emplois créés dont 50 à 60 seront affectés aux services du cabinet du ministre et 60 à 70 aux services à compétence transversale du secrétariat général.

Mme Béatrice Pavy concluait dans son rapport spécial « qu’une localisation dans le centre de Paris présenterait certes l’avantage de la proximité avec le ministre et son cabinet (actuellement au 101, rue de Grenelle), mais qu’elle renchérirait considérablement le coût de l’opération, qui sera financé par la vente du siège de l’ANAEM (Agence nationale de l’accueil des étrangers – 926 ETPT), située dans le 15ème arrondissement », évalué à 18 millions d’euros.

Le ministre de l’Immigration souhaite regrouper l’ensemble de ses services, à l’exception de la sous-direction des naturalisations de la direction de la population et des migrations, ainsi que de la sous-direction de la circulation des étrangers, qui resteront implantées à Nantes et à Rezé (42 % des effectifs centraux en province). Les effectifs appelés à être hébergés dans l’immeuble recherché, pour l’opération de regroupement, oscillent entre 300 agents et 450 agents, en rattachant ou non les services du siège de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers (ANAEM), principal opérateur du ministère. En soi le regroupement des services centraux du nouveau ministère de l’Immigration est conforme aux orientations de la politique immobilière de l’État. Il reste à en préciser les modalités (localisation, surfaces, caractéristiques, coûts), également en fonction de ces orientations.

Le service France Domaine et le ministère de l’Immigrations sont convenus, en août 2007 d’un cahier des charges relatif à la recherche d’un immeuble regroupant les services centraux du ministère. Le ministère a convenu avec le service France Domaine d’une localisation de l’immeuble dans Paris intra muros ou une commune limitrophe, avec desserte en transports, notamment en transports en commun. Le ministre et son cabinet resteraient au 101 rue de Grenelle. Ce cahier des charges ne mentionne pas de coût maximum au m2, il « exclut les propositions de prestige » et mentionne seulement une « préservation des deniers publics ». La date d’occupation est fixée au « 1er septembre 2008 » au plus tard, afin de pouvoir faire face aux tâches de la présidence française de l’Union européenne. La surface moyenne retenue est de 15 m2 par agent, sur un immeuble compris entre 4 500 et 6 700 m2, alors que la recommandation du service France domaine, depuis 2006, est d’une moyenne de 12 m2 par agent pour des activités de bureau.

Sur la base de ce cahier des charges, le service France Domaine a prospecté le marché et établi entre septembre et octobre 2007 trois listes d’une vingtaine de propositions. Les localisations variaient entre Paris 2ème, 8ème, 9ème, 12ème, 19ème arrondissements, Issy les Moulineaux, Courbevoie, Puteaux, Neuilly sur Seine, Saint Denis, Charenton le Pont, Ivry sur Seine et Montrouge ; les prix variaient entre 690 et 250 euros le m2(22). Plusieurs visites ont été effectuées en commun. Le ministère de l’Immigration n’a pas souhaité visiter les deux immeubles situés dans le 19ème arrondissement. Le marché de l’immobilier évoluant vite, d’autres offres sont apparues ultérieurement, à Issy les Moulineaux, dont le loyer au m2 s’établit entre 400 et 450 euros le m2, et dans le quartier de La Villette à Paris 19ème, avec un loyer de 210 euros le m2.

Le ministère de l’Immigration a alors refusé toutes ces propositions, exigeant une localisation au 103 rue de Grenelle, dans l’immeuble mitoyen de celui hébergeant le ministre et son cabinet. Cet immeuble, qui n’a jamais été proposé ni visité par le service France Domaine, résulte d’une démarche propre du ministère. Il comporte une surface utile d’environ 19 000 m2 et le bailleur en demande (avant entrée en négociations) un loyer de 750 euros le m2 par an, hors taxes hors charges. 96 places de parking sont disponibles au loyer de 2 500 euros l’un hors taxes hors charges. Les hypothèses d’occupation partielle de cet immeuble, correspondant aux besoins du ministère de l’Immigration (8 000 m2 et 50 place de parking), s’établissent aux alentours de 8 millions d’euros TTC par an. Les charges ne sont pas connues et sont évaluées à environ 500 000 euros par an. Le loyer de cet immeuble se situe dans la fourchette haute du 7ème arrondissement. Il ne sera disponible qu’au 1er trimestre 2009.

Le 103 rue de Grenelle

« L’immeuble du 103 rue de Grenelle, paris 7ème arrondissement, était à l’origine un hôtel particulier. En 1825, l’État rachète le 101 et le 103 rue de Grenelle pour 1 million de francs à Jeanne Jomard, veuve du chevalier Desgraviers. Le ministère de l’Intérieur l’occupa et fit construire des locaux (dont une tour de 31 mètres) recevant les services et les machines du télégraphe. Claude Chappe y inventa la communication par sémaphore. Après l’abandon du télégraphe aérien au profit du télégraphe électrique, en 1839, les vieux bâtiments sont démolis.

À partir de 1866, l’administration des Postes et Télégraphes s’y installe. La radiodiffusion verra le jour au 105-109 rue de Grenelle et la première télédiffusion interviendra en 1935 dans le bâtiment C du 103 rue de Grenelle. L’immeuble est transféré à titre gracieux à France Telecom en 1997. France Telecom le cède à un consortium privé en 2002. L’immeuble est racheté par la Société foncière lyonnaise en 2006 (dont l’actionnaire principal est une société espagnole), son propriétaire actuel, pour 125 millions d’euros. Environ 50 millions de travaux sont effectués : mise aux normes HQE, deux niveaux de sous-sol creusés, salles de réunion, restaurant interentreprises, cour intérieure, verrière...

La livraison de l’immeuble est prévue pour fin 2008. Ce nouveau joyau de la Rive gauche serait loué au prix de 750 euros le m2 par an. Son standing attirerait les cabinets d’avocats internationaux et les sociétés de service ou des industries de premier rang, sa situation géographique les ministères ou les ambassades. »

Source : dossier complet paru dans « Business Immo » d’avril 2008

Selon des indiscrétions émanant d’opérateurs immobiliers privés, le ministère de l’Immigration a alors entamé de son propre chef une négociation avec le bailleur du 103 rue de Grenelle, et a obtenu une réduction substantielle du loyer, à condition que le ministère de l’Immigration trouve d’autres administrations publiques pour occuper l’intégralité de l’immeuble. Le ministère de l’Immigration a alors prospecté d’autres ministères, notamment le ministère de l’Intérieur, pour leur proposer de partager l’immeuble. Il s’est donc mis en position de faire le travail qui normalement est dévolu au service France Domaine.

Pour rejeter les offres du service France Domaine, le ministère de l’Immigration allègue qu’il ne peut pas s’installer dans un immeuble destiné à des activités de service. Une contre expertise diligentée par le service France Domaine a montré le contraire. Cet immeuble ne doit répondre à aucun besoin spécifique (espaces recevant du public, sécurité, prestige…).  Un audit demandé aux services de police a conclu qu’en cas de manifestations sur la voie publique, un immeuble parisien, situé dans un pâté de maisons, est plus difficile à sécuriser qu’un immeuble individuel situé en proche banlieue.

Selon un article paru dans Le Figaro du 29 janvier 2008, page 38, le ministre de l’Immigration « a avancé un argument de poids pour justifier un prix au m2 élevé : 40 % de ses effectifs, composés d’agents du service des naturalisations, occupent des bureaux en banlieue (sic). Du coup, le prix au m2 par fonctionnaire de son ministère reste inférieur à celui des autres administrations ! »

4.– Ministère de la Culture et de la communication

À la suite d’un amendement adopté à l’initiative de la commission des Finances sur le projet de loi de finances pour 2005, le ministère de la Culture a cédé deux des six immeubles (53 rue Saint Dominique et hôtels Vigny/Croisille 10/12 rue du Parc Royal à Paris) qu’il s’était engagé à vendre pour financer les travaux de rénovation de l’immeuble de la rue des Bons Enfants. Le premier a été vendu pour 38 millions d’euros (estimation initiale de 28 millions d’euros par le ministère) et le deuxième pour 28 millions d’euro (estimation de 22 millions d’euros).

Le ministère de la Culture est en train de reloger les fondations situées au 10/12 rue du Parc Royal. La Cour des comptes, dans son rapport public annuel 2008, note qu’il est question de transférer la Médiathèque du patrimoine dans les anciens locaux de l’école d’architecture de Charenton-le-Pont, à la faveur d’une réhabilitation du site engagé pour au moins 10 millions d’euros. Il reste à reloger les 145 agents de la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS), qui se trouvent encore au 53, rue Saint Dominique.

On rappellera le premier rapport de la MEC de juillet 2005, à la suite d’une visite sur pièces et sur place dans l’immeuble des « Bons Enfants », et les deux rapports de la Cour des comptes (2001 et 2005) sur l’immobilier du ministère de la Culture. L’audition par la commission des Finances du précédent ministre de la Culture, M. Renaud Donnedieu de Vabres, le 14 novembre 2006, portait déjà essentiellement sur le relogement de la DMDTS.

Selon le SPSI (2006), les services centraux du ministère de la Culture et de la communication comptent un effectif physique de 1 778 agents et occupent une surface SHON de 64 288 m2, une SUB de 52 995 m2 et une surface de bureaux (SUN) de 25 697 m2. Le ratio de surface brute par agent est proche de 30. Les ratios de coût global annuel au m2 SUB (590 euros) et de coût global annuel par effectif (17 586 euros) sont parmi les plus élevés de tous les ministères. Le ministère justifie ces ratios par le fait qu’ils sont conformes aux ratios retenus par le service France Domaine dans la catégorie « haut de gamme et prestige » (classification selon les critères de l’étude d’IPD France / INEUM de 2006).

Le Bureau de la politique immobilière (Sous-direction des affaires financières et générales de la Direction de l’administration générale - DAG, qui dépend elle-même du Secrétariat général à l’administration du ministère) a été créé en 2002 à la suite du premier rapport de la Cour des comptes sur l’immobilier du ministère de la Culture.

Depuis le regroupement de plusieurs services du ministère dans l’immeuble des « Bons Enfants » au 181 rue Saint Honoré, réalisé en janvier 2005, l’administration centrale se trouve répartie sur 9 sites (avant elle était répartie sur 18 sites). 8 sont situés à proximité immédiate de la rue de Valois et un dans les Yvelines. 7 sites sont domaniaux et 2 locatifs (3 place de Valois et 12, rue de Louvois) :

Les sites immobiliers du ministère de la Culture

– 3 rue de Valois (« hôtels de Jaucourt Fontenay » des XVII et XVIIIème siècles classés monuments historiques, 9 452 m2 pour le ministre, son cabinet et certains services : information et communication, délégation aux arts plastiques ; ce bâtiment est situé dans l’ensemble immobilier « Palais Royal » hébergeant également le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et la Comédie française) ;

– 3 place de Valois (1 172 m2 pour l’inspection générale du ministère, le contrôle d’État des établissements publics, le Comité d’histoire du ministère) ;

– 56 rue des Francs Bourgeois (3 000 m2 pour la direction des archives de France) ;

– 6 rue des Pyramides (immeuble faisant partie de l’ancien domaine de la Couronne et entièrement restauré par les architectes Daniel et Patrick Rubin en 1992 ; 6 433 m2 pour la direction des musées de France et la délégation générale à la langue française) ;

– 19 rue du Renard (436 m2 pour l’association du personnel – salle de sport, salle de danse, salle polyvalente) ;

– 53 rue Saint Dominique (« hôtel Kunsky » datant du XVIIIème siècle, 3 509 m2, cédé en 2006 avec engagement contractuel de libération des lieux avant le 1er juillet 2008, sous peine de loyer majoré) ;

– 12 rue de Louvois (1 130 m2 pour les syndicats du ministère – 34 permanents syndicaux) ;

– 182 rue Saint Honoré (immeuble des « Bons enfants » ; 21 000 m2) ;

– fort Saint Cyr à Montigny le Bretonneux - Yvelines (classé monument historique, 3 250 m2 pour les archives photographiques et cinématographiques, la direction des systèmes d’information).

Ont été cédés les immeubles domaniaux suivants : 53 rue Saint Dominique (3 509 m2) ; 10/12 rue du Parc Royal (deux beaux hôtels du XVIIème siècle) ; 4, rue de Louvois ; et 4 rue d’Aboukir (bail emphytéotique de 38 ans au profit de l’OPAC de la Ville de Paris). L’immeuble domanial du 65, rue de Richelieu a été échangé directement avec le ministère de l’Éducation contre une partie du domaine de Saint Cloud.

Les autres immeubles locatifs du ministère, tous situés dans les 1er et 2ème arrondissements de Paris, ont été libérés : 2 rue Jean Lantier ; 180 rue de Rivoli ; 59 rue des Petits Champs ; 38 avenue de l’Opéra ; 8 rue Vivienne ; et 4 rue de la Banque.

Le projet initial, tel que présenté dans les documents budgétaires de l’époque, prévoyait un regroupement de la plupart des services centraux du ministère dans l’immeuble des « Bons Enfants ». Rappelons que le coût de rénovation des « Bons Enfants » est évalué à 75 millions d’euros, à quoi il faut ajouter au moins la même somme pour le portage d’un immeuble resté inoccupé pendant 12 années.

Il faut reloger les 145 agents de la DMDTS, dont le bail au 53 rue Saint-Dominique expire le 30 juin prochain. Cet immeuble avait une surface de 3 500 m2 (beaucoup de pertes de surface due à la conception ancienne du bâtiment) ; le ministère estime que 2 500 m2 seront suffisants pour réimplanter la DMDTS.

Après la cession de l’immeuble du 53 rue Saint Dominique, le ministère de la Culture a demandé pendant de nombreux mois un relogement de la DMDTS dans le Louvre des Antiquaires. Il s’est jusqu’à présent heurté au refus persistant des deux ministres du Budget qui se sont succédés.

À la fin de l’année 2007, et pour tenter de débloquer la situation, le service France Domaine a proposé ses services au ministère de la Culture. Il a défini avec lui un cahier des charges pour servir de base aux recherches : effectif de 150 agents ; ratio de 12 m2 de SUN par agent, plus le restaurant administratif, des locaux d’archive et un centre de documentation ; pas de besoins spécifiques ; loyer inférieur à 400 euros le m2 HT HC ; disponibilité le 1er février pour une occupation après travaux en mai 2008 ; « la desserte en transports, et notamment en transports en commun, doit être satisfaisante et permettre de relier facilement l’immeuble avec le ministère de la Culture (métros Palais Royal et Pyramides) ». A contrario, aucune indication de durée maximale de transport n’a été convenue.

Le service France Domaine a élaboré après consultation du marché une liste de 13 immeubles. Après la visite d’un seul immeuble situé dans Paris intra muros, le ministère de la Culture a refusé de continuer les visites proposées par le service France Domaine. Le marché de l’immobilier évoluant vite, un immeuble répondant aux besoins est libre rue Albert dans le 13ème arrondissement de Paris, pour un coût au m2 de l’ordre de 300 euros.

Par une démarche parallèle, le ministère de la Culture a alors pris l’initiative de consulter les opérateurs du marché auxquels il avait l’habitude de s’adresser, et a réalisé un programme de visites sur des immeubles tous différents de ceux figurant sur la liste de France Domaine (certaines visites ont été effectuées conjointement avec France Domaine ou avec l’accord de France Domaine).

Il résultait de cette prospection que le ministère s’orientait vers une implantation au 62 rue Beaubourg, Paris 3ème. La surface utile est de près de 2 900 m2 avec 18 places de parking. Le prix facial de 450 euros le m2 HT HC, tel que demandé par le bailleur, a pu être négocié à 394 euros le m2 HT HC, pour descendre sous la barre des 400 euros. Le bailleur a alors exigé un bail de 9 ans avec une période ferme de 6 ans. Le cabinet du ministère de la Culture est alors intervenu auprès du cabinet du Premier ministre pour conclure sur ces bases. Le service France Domaine a émis un avis défavorable pour plusieurs raisons : le prix dépasse légèrement la fourchette haute, il y a des offres moins coûteuses qui respectent le cahier des charges ; une durée ferme de 6 ans est trop longue, la réduction des effectifs envisagée dans la RGPP devant produire ses effets avant ce terme ; les travaux à effectuer ne sont pas chiffrés (évalués à 500 euros le m2).

Le ministère de la Culture a alors proposé au ministère du Budget de libérer trois immeubles locatifs ou domaniaux. Mais aucun engagement de date de libération n’est pris par le ministère et leur libération est conditionnée à leur relocalisation (23). S’agissant de la densification des « Bons Enfants », aucun engagement n’est pris, le ministère renvoyant le sujet à une étude dont le résultat n’est pas attendu avant 2009. Le service France Domaine a alors émis un avis domanial défavorable.

Le Conseil de l’immobilier de l’État (CIE) a donné un avis défavorable car cette demande n’entre pas dans les critères définis par la politique immobilière de l’État. Outre les arguments du service France Domaine, le CIE note que la promesse du ministère de loger à terme dans l’immeuble du 62 rue de Beaubourg les 98 agents de la délégation aux arts plastiques n’est assortie d’aucun engagement ferme de délai. Dans l’attente, le ratio d’occupation de cet immeuble s’établirait à plus du double du ratio préconisé dans l’étude IDP France/INEUM (12 m2 par agent). Par ailleurs, la proposition commerciale sur le 62 rue Beaubourg ne mentionne pas le montant des charges et des impôts, qui n’a pas encore été négocié avec le bailleur. Lors de leur audition par le CIE, les représentants du ministère de la Culture ont mentionné le « prestige » nécessaire à la nouvelle implantation, ainsi que le « confort » des agents, qui doit se traduire par une durée de transport de « moins de trente minutes ». On peut noter que le 62 rue Beaubourg est à moins de trente minutes à pied de la rue de Valois.

On peut se demander comment le ministère de la Culture justifie sa demande d’implantation « à proximité immédiate de la rue de Valois » pour les services de la DMDTS (anciennement dans Le Louvre des Antiquaires, pour un loyer supérieur à 500 euros le m2 ; maintenant au 62 rue Beaubourg, pour un loyer de dépassant 400 euros le m2 quand on prend en compte les coûts d’aménagements). Plus généralement, le ministère peut-il raisonnablement affirmer que les quelque 1 700 agents de son administration centrale participent directement au pilotage stratégique de la politique culturelle ?

Le ministère de la Culture doit assurer le recensement et l’évaluation de l’immobilier de ses quelque 80 opérateurs. On peut s’interroger sur la tutelle qu’exerce le ministère sur ces opérateurs, en particulier le rôle du « contrôle d’État des établissements publics » en la matière. Selon le principe de « déconcentration fonctionnelle » cher au ministère, plus de 60 % des emplois de la Culture relèvent des budgets des opérateurs. Les représentants du ministère ont indiqué lors de leur audition devant la MEC que le recensement est achevé pour 15 opérateurs, et en cours pour 24 autres. Il serait utile que le ministère de la Culture élabore un SPSI de l’immobilier de ses opérateurs, qui rappelons-le disposent d’un parc immobilier plus important que ses services centraux. Ainsi le ministère pourrait demander à ses opérateurs de respecter des critères de localisation, de rendement d’occupation et de performance immobilière identiques à ceux applicables aux administrations d’État.

Par ailleurs le ministère de la Culture devra, comme les autres ministères, tirer les conséquences des réorganisations et des réductions d’effectifs prévues dans le cadre de la RGPP. L’application « mécanique » de la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite signifie une diminution de 350 agents à trois ans et 700 agents à 6 ans, dont environ 230 dans les services centraux. Cette règle étant une moyenne pour l’ensemble des services de l’État, le ministère de la Culture devra sans doute faire un effort de rationalisation plus important. Le même effort devra concerner les effectifs de ses opérateurs. Le SPSI (2008) de ce ministère devra donc chiffrer précisément ces réductions d’effectifs et en tirer les conséquences immobilières.

Le ministère doit également préparer l’élaboration prévue en 2008 des SPSI de ses services déconcentrés, dans le cadre de la réorganisation des services de l’État en département et en région (rapprochements des directions régionales des affaires culturelles - DRAC et des services départementaux de l’architecture et du patrimoine - SDAP). Une réduction des surfaces occupées est attendue de ce rapprochement, dans un contexte où les ratios d’occupation sont souvent doubles de ce qu’ils sont en Île de France.

Rapport public annuel 2008 de la Cour des comptes

La Cour consacre à nouveau un chapitre entier sur la restructuration de l’immeuble des « Bons Enfants ».

Elle rappelle ses critiques précédents sur la gestion de cette opération : désaccords entre les ministères du Budget et de la Culture avec pour conséquence un bâtiment resté inoccupé pendant 12 ans ; non respect du calendrier et dépassement du budget des travaux de rénovation (+ 16,5 %), sans compter les 16,3 millions d’euros de travaux commencés par le ministère des finances et dépensés en pure perte ; perte irrémédiable de droit à construire de 4 000 m2. La Cour note comme la MEC que l’opération n’a pas permis le regroupement d’autant de services que le ministère avait envisagé en 1995, si bien que les économies espérées demeurent largement virtuelles.

La Cour déplore également le triste décès des eucalyptus composant la « forêt tempérée de l’hémisphère sud, stratifiée verticalement par des espèces végétales diversifiées », qui n’étaient par originaires de Tasmanie (les seules susceptibles de s’acclimater au climat parisien) mais d’Italie, et « l’installation acoustique aléatoire reliée aux ascenseurs où, à intervalles irréguliers - et imprévisibles -, les usagers de l’ascenseur devaient assister à un événement artistique », qui n’a fonctionné que quelques semaines. L’ascensoriste avait notifié au ministère qu’il ne pouvait assurer la sécurité de fonctionnement de l’ascenseur tant que cette installation électrique était en place.

Dans la présentation du ministère, le ratio SUN/SUB (10 000 m2 / 21 000 m2) de l’immeuble « Bons Enfants » est de 48 %. L’étude IPD France/INEUM de 2006 indiquait un ratio cible de 61 % ; un ratio inférieur à 55 % « rend nécessaire une analyse complémentaire systématique ». Le rendement de cet immeuble est donc particulièrement médiocre. Le ministère de la Culture a annoncé qu’il avait demandé une étude complète sur la densification, à faire par un programmiste, sur la base d’un projet à définir. Cette étude ne sera pas rendue avant 2009, alors que le problème est connu depuis l’origine. À titre préliminaire, un gain d’environ 10 % de surfaces pourrait être réalisé : hall d’entrée, salles de documentation, sous-sol… Le ministère a pour objectif d’installer 50 à 100 agents supplémentaires dans l’immeuble. Il faut noter qu’il y a trois ans le ministère indiquait que l’on ne pouvait rien gagner.

Dans ce ministère comme dans d’autres, il est très difficile de se faire une idée précise des ratios de surface par m2. La SUN comprend, outre les bureaux, les surfaces pouvant être transformées en bureaux comme les salles de réunions et les locaux annexes (réserves, local photocopie…). Dans la présentation du ministère de la Culture, seuls 10 000 m² sont classés en bureaux, ce qui donne un ratio voisin de 11 m² par agent. Si cette surface ne comprend pas les espaces de réunion, la SUN est en fait de 17 000 m², et le ratio devient plus proche de 20 m², ce qui est loin de l’objectif cible.

Au vu de ces performances immobilières médiocres, vos Rapporteurs s’interrogent sur le bien fondé de la continuation de l’occupation de l’immeuble de la rue des Bons Enfants par le ministère de la Culture. En outre, on rappelle que l’objectif du ministère de regrouper l’ensemble de ses services centraux n’a pas été atteint. Le ministère pourrait dans ces conditions se rapprocher du service France Domaine pour étudier en commun des solutions alternatives. En particulier pourrait être étudié un schéma consistant à chercher un immeuble unique, fonctionnel et performant regroupant les 1 700 agents des services centraux dans une commune limitrophe de Paris correctement desservie par les transports en commun.

5.– Ministères sociaux (ministère de la Santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, ministère du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité)

• Immeuble Ségur-Fontenoy (ministère de la Santé)

Le ministère de la Santé occupe un ensemble immobilier formant un triangle légèrement tronqué, d’environ 500 mètres de façade sur rue, délimité par l’avenue de Ségur, la place Fontenoy, la rue d’Estrée, l’avenue Duquesne et la rue Lowendal dans le 7ème arrondissement de Paris.

À la suite de la loi sur les assurances sociales du 5 avril 1928, le ministre du Travail a fait édifier en 1930 un bâtiment « remarquable de par ses techniques de construction moderne et l’utilisation de décors de verre et de bas reliefs, caractéristiques de la création artistique de cette période. L’immeuble Ségur-Fontenoy a donc une forte valeur historique, artistique et symbolique que les travaux en cours contribuent à révéler. (...) Situés au cœur d’un quartier historique, à proximité de monuments majeurs tels les Invalides, la Tour Eiffel ou l’École militaire, les bâtiments se révèlent d’une grande valeur: ordonnancement des façades en pierre, modénatures des façades intérieures en brique, volumétrie de la salle des premiers guichets de la sécurité sociale, grande verrières décors soignés des bas reliefs et vitraux réalisés par des artistes de renom et technique de construction novatrice avec l’utilisation d’une ossature métallique dont les profilés ont été fournis par l’Allemagne au titre de la dette de la guerre 1914-1918 ou premiers grands ensembles verriers sur la façade Duquesne datant de 1970 ».

Le TGPE a évalué l’immeuble Ségur-Fontenoy à 342,16 millions d’euros en 2007 et l’a réévalué à 366,11 millions en 2008. Une étude du groupe CBRE l’avait évalué entre 500 et 600 millions d’euros en 2007.

Les documents remis lors de la visite du site le 1er avril indiquent pour cet immeuble une surface de SHOB de 82 515 m2, une surface SHON de 67 743 m2 et 26 000 m2 de surface de bureaux (surface utile) après l’achèvement de tous les travaux. Une étude demandée par le Conseil de l’immobilier de l’État au groupe CBRE avait comptabilisé 54 696 m2 de surface utile. Selon que l’on prend l’une ou l’autre surface, on aboutit à 13,7 ou 28,8 m2 par agent… En outre le document remis indique que la stratégie immobilière du ministère doit « permettre la flexibilité des espaces en maintenant la capacité actuelle du site Ségur tout en rendant possible une augmentation de la capacité à long terme ». Aucun des objectifs du SDAT, tels que décrits dans le document transmis par le ministère, n’a trait à la performance immobilière. Le ministère de la Santé devrait dès maintenant profiter des travaux en cours pour améliorer les taux d’occupation du bâtiment (réduction des surfaces dédiées aux salles de réunion, conversion de bureaux individuels en plateaux collectifs). Une diminution de 2 m2 par agent aboutit à un excédent de surface de bureau de 4 000 m2 (8 000 m2 de surface occupés) ce qui, compte tenu des prix du quartier, représente un enjeu financier considérable.

Le loyer budgétaire payé sur cet immeuble est de 18,3 millions d’euros en 2008.

L’immeuble Ségur Fontenoy a fait l’objet d’une enquête de la Cour des comptes dont les résultats principaux ont été publiés dans son rapport public annuel (2008). Il a fait l’objet d’une rénovation complète pour des raisons de vétusté et de sécurité. D’abord sous forme d’opérations ponctuelles entre 1994 et 1998, pour un coût cumulé de 10,8 millions d’euros (valeur 1997), la rénovation a fait l’objet d’un schéma directeur architectural et technique (SDAT) qui a été élaboré entre 1997 et 1998, pour un montant total de 99 millions d’euros de l’époque (123 millions d’euros valeur 2005). Le ministère de la Santé a fait le choix d’être lui-même maître d’ouvrage. La Cour des comptes indique que ce SDAT ne constitue pas une référence suffisamment précise en matière budgétaire et qu’il a constitué jusqu’en 2005 le seul document de programmation en la matière. Le SDAT n’a fait l’objet ni d’une approbation politique au niveau ministériel, ni d’engagements financiers, ni d’un cadre approprié d’organisation, de pilotage et de gestion.

La régulation budgétaire intervenue deux ans de suite au début des années 2000 a entraîné l’interruption des travaux, des intérêts moratoires importants et le dépôt de bilan d’une des entreprises en charge des travaux.

Les conséquences en ont été une « gestion au fil de l’eau » en fonction des crédits budgétaires disponibles. Alors que l’opération de rénovation était initialement prévue pour être conduite entre 1997 et 2005, sa date d’achèvement est désormais prévue en 2012, soit une durée de mise en œuvre de 18 ans depuis les premiers travaux, et 13 ans depuis l’établissement du schéma directeur. Le coût complet des travaux est estimé à 166 millions d’euros dans la loi de finances pour 2008, à comparer au montant de 123 millions d’euros initialement prévu, ce qui représente un dépassement d’environ 35 %. Vos Rapporteurs ont été surpris d’apprendre, lors de la visite de contrôle qu’ils ont effectuée sur le site Ségur-Fontenoy le 1er avril 2008, que le montant global avait été réévalué à 175 millions d’euros.

Le ministère a souvent résilié et renouvelé de nombreux marchés, dès lors que les avenants occasionnaient un dépassement de budget trop visible. La raréfaction des crédits budgétaires et la complexité des opérations de ce type (difficultés techniques, déplacements de personnel) laissent craindre des retards supplémentaires et de nouveaux dérapages de coûts.

En 2006 les besoins d’engagement se situent à 51 % et le solde des paiements à 69 % de cette enveloppe de 166 millions. Ces chiffres étaient de respectivement de 55 % et 70 %, soit une progression des paiements de seulement un point en un an. Il restait donc en 2006 plus des deux tiers des paiements à effectuer.

Pendant la durée des travaux, le quart des surfaces est indisponible (l’opération de rénovation est découpée en quatre tranches qui se dérouleront successivement). Dans la loi de finances pour 2008 et pour l’immeuble Ségur-Fontenoy, les crédits s’élèvent à 19,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 23 millions d’euros en crédits de paiement.

Les travaux visent notamment à restaurer deux verrières historiques de 1930, sous lesquelles est maintenant installé le centre de documentation. Elles sont ornées de vitraux et la salle contient des sculptures et bas-reliefs datant de la même époque. Une salle de conférence de 300 personnes est prévue. L’ancienne entrée monumentale sur la place de Fontenoy sera transformée en centre de presse. La note remise à vos Rapporteurs lors de la visite du site le 1er avril précise que :

« La requalification des façades et la création d’une arche verrière monumentale avenue Duquesne permet de créer une cohérence à l’ensemble de l’îlot bâti. Cette arche se lit comme une ré-interprétation contemporaine des vitraux en grisaille créés par Gruber en 1930.

(…) Le restaurant associé étroitement au jardin sera entièrement rénové. Des ambiances différentes seront créées pour répondre à la diversité des habitudes et des envies pour la pause déjeuner. »

Projet annuel de performances (2008) du programme
Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances
– extraits -

L’administration sanitaire et sociale poursuit sur la durée (1998 – 2012) la réhabilitation totale de son siège de Ségur–Fontenoy. Cette réhabilitation a été rendue nécessaire par la vétusté des implantations et des installations techniques (la construction du site s’est échelonnée entre 1930 et 1970), l’insécurité et l’incohérence technique et architecturale qui en découlent. L’objectif du projet est donc de remettre le site aux standards de fonctionnement modernes et aux normes de sécurité, de lui redonner sa cohérence et de le valoriser financièrement.

La valeur initiale, estimée par le service des Domaines (150 millions d’euros) sera en effet presque quadruplée (entre 500 et 600 millions d’euros) par les travaux engagés (165 millions d’euros), selon une récente étude du Conseil de l’immobilier de l’État (CIE)(*).

Les travaux sont organisés par un schéma directeur architectural et technique adopté en 1998, qui donne la visibilité du projet à toutes ses parties prenantes ; la maîtrise d’ouvrage est assurée par le ministère, assisté par divers cabinets. Chaque étape donne lieu à un projet spécifique, en cohérence avec le schéma directeur, avec une maîtrise d’œuvre désignée après appel d’offres.

Depuis 1998 ont été réhabilités les équipements collectifs de l’immeuble : nouveau centre de ressources documentaires multimédia, salle de conférences, nouveau hall d’entrée et pavillon central redistribuant les circulations internes, création de salles de réunions et de salles d’archives, nouvelles installations sanitaires et techniques, notamment en termes de sécurité.

Le programme des années 2007 à 2012 inclut, outre la fin des installations techniques, la création d’un nouveau centre informatique et la rénovation totale des 45 000 m2 des plateaux de bureau et des façades sur 8 étages. Il s’agit là en 4 tranches annuelles, de reconstruire totalement ces plateaux pour leur assurer une meilleure fonctionnalité, une meilleure flexibilité, une meilleure sécurité. Le maître d’œuvre de cette deuxième grande étape a été désigné en avril 2005 après concours (le cabinet Braun) et les travaux de déconstruction / désamiantage de la première tranche ont débuté en janvier 2007.

Cette opération est particulièrement lourde (travaux sur site occupé avec leurs nuisances, imposant de nombreux resserrements et déménagements – soit internes à Ségur-Fontenoy, soit vers le site de repli loué à Montparnasse) et longue (plus de 10 ans), afin de minimiser les coûts de la réhabilitation totale (l’achat de m² neufs aurait conduit à un coût nettement supérieur).

L’échéancier indicatif de l’opération est le suivant :

Coût global de l’opération

Affecté et dépensé jusqu’en 2005

2007

2008

2009

2010

2011

2012

AE

166

88

12,5

19,3

18

20

8,2

0

CP

166

53,7

8,5

23

25,3

25

25

5,5

Ces dépenses sont dorénavant financées sur le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État, suite à la vente de l’immeuble d’Astorg à Paris, intervenue en décembre 2006, pour un montant de 101,2 millions d’euros dont 85 % reviennent au Ministère.

(*) En fait une étude remise au Conseil de l’immobilier de l’État par le cabinet CBRE.

Les dépenses de rénovation sont financées sur le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État depuis la vente de l’immeuble d’Astorg à Paris, intervenue en décembre 2006, pour un montant de 101,2 millions d’euros, dont 85 % reviennent au Ministère. Il est à noter que le produit de cette cession (86 millions d’euros) ne suffira pas à financer le projet jusqu’à son terme (restent à financer 112,3 millions d’euros de CP).

L’avis du Comité pour l’implantation territoriale des emplois publics (CITEP) n’a été sollicité qu’en 1999, soit un an après l’élaboration du SDAT. Des schémas alternatifs d’implantation (rénovation versus vente + rachat en périphérie de Paris ou versus vente + location) n’ont été présentés qu’en 1999, soit cinq ans après le début des travaux de rénovation. Compte tenu des dépassements de budget prévus (+ 35 %), il n’est pas sûr que la solution de rénovation soit toujours la moins coûteuse.

On peut se demander pourquoi une crèche, et surtout un jardin d’enfant – qui relève des infrastructures du ministère de l’Éducation nationale –, sont installés dans ce bâtiment administratif à caractère historique. Il en est de même la présence d’un centre de documentation dans un quartier parmi les plus chers de Paris.

Il y a lieu de se poser la question de savoir si un ministère peut et doit faire le choix d’être lui-même maître d’ouvrage pour des opérations lourdes de rénovation. Pourquoi l’a t il fait ici ? Les moyens humains et les compétences internes au ministère sont-ils en mesure d’assumer la charge de cette rénovation ? On peut s’interroger sur le choix alternatif consistant à confier les travaux à un établissement public, qui aurait permis l’apparition d’un gestionnaire responsable, qui s’engage sur des délais courts et des budgets tenus. Une politique d’entretien préventif de l’immeuble tout au long de sa vie aurait sans doute permis de réduire les coûts supportés actuellement par la rénovation (166 millions d’euros).

• L’organisation de la fonction immobilière des ministères sociaux

L’organisation de la fonction immobilière des deux ministères sociaux fait intervenir le secrétaire général (Mme Marie-Caroline Bonnet-Galzy au moment de la visite effectuée sur le site) et des trois directeurs en charge de l’immobilier : directeur de l’administration générale et de la modernisation des services - DAGEMO (M. Jean-Louis Masson), directeur de l’administration générale, du personnel et du budget – DAGPB (M. Étienne Marie) et directeur des ressources humaines, de l’administration et de la coordination générale pour l’administration de la Jeunesse et des sports (M. Hervé Canneva). De par le décret n° 2005-91 du 7 février 2005, le secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales « contrôle la gestion optimale des ressources et conduit les projets d’intérêt commun, notamment en matière de systèmes d’information, d’achats et de politique immobilière ». Cette formulation est sans doute trop faible pour que le secrétaire général qui, comme dans tous les ministères est en charge de la modernisation de l’administration, ait sous son autorité directe les services en charge de l’immobilier. De fait, le secrétaire général des ministères sociaux intervient très peu dans la gestion des trois directeurs en charge de l’immobilier.

La maquette budgétaire relative aux ministères sociaux est relativement complexe, notamment pour les fonctions soutien. On peut notamment se demander pourquoi le programme Soutien des administrations sanitaires et sociales est géré dans un programme relevant du ministère du Travail.

STRUCTURE DES MISSIONS, PROGRAMMES ET OPÉRATEURS
GÈRÉS PAR LES MINISTÈRES SOCIAUX

Ministère

Mission

Programmes

Opérateurs

Ministère de Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative (Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Bernard Laporte)

mission Santé

3 programmes

8 opérateurs (INPES, INCa, DATIS, CNG, ATH, CIFAD, OFDT)
+ les agences régionales d’hospitalisation (*)

 

mission interministérielle Sécurité sanitaire

1 programme Veille et sécurité sanitaire

6 opérateurs (AFSSAPS, InVS, ABM, AFSSA, AFSSET, EPRUS)

 

mission interministérielle Solidarité, insertion et égalité des chances

1 programme Protection maladie

1 opérateur (Fonds CMU)

 

mission Sports, jeunesse et vie associative

3 programmes y compris un programme soutien (Hervé Canneva, Directeur des ressources humaines, de l’administration et de la coordination générale pour l’administration de la Jeunesse et des sports)

3 opérateurs (INSEP, CNDS, INJEP)
+ les Écoles nationales des sports

Ministère du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité (M. Xavier Bertrand, Mme Valérie Létard, Mme Nadine Morano)

mission interministérielle Solidarité, insertion et égalité des chances

4 programmes relatifs aux Familles vulnérables, handicap et dépendance, Égalité hommes femmes et Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales (Étienne Marie, DAGPB)

4 opérateurs (AFA, GIPED, ESTHER-GIP, ENSP)
+ 5 instituts nationaux des jeunes aveugles

 

mission interministérielle Travail et emploi

2 programmes relatifs à la Qualité de l’emploi et des relations du travail et Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail (Jean-René Masson, DAGEMO)

4 opérateurs (ANACT, AFSSET, INTEFP, CEE)

(*) Sans compter les caisses nationales de sécurité sociale, les hôpitaux, les organismes de sécurité sociale, les mutuelles, les associations, qui ne sont pas des « opérateurs de l’État » au sens de la LOLF.

• L’immobilier des ministères sociaux

Le SPSI (2006) du ministère de la Santé dénombre près de 2 700 agents publics dans l’administration centrale et 1 200 dans les services déconcentrés du ministère de la Santé. Depuis la cession de la rue d’Astorg (101,2 millions d’euros), cette administration centrale a été regroupée essentiellement sur deux sites, distants de 20 minutes à pied : Ségur-Fontenoy (domanial, 51 111 m2 SHON hors zone en travaux pour 1 556 personnes) ; Atlantique Montparnasse (plusieurs baux, 32 931 m2 pour 1 117 personnes). L’hôtel de la rue Duquesne héberge la ministre. Les autres petites implantations du ministère devraient être libérées à la fin de la rénovation de l’immeuble Ségur-Fontenoy (rue Saint-Georges, avenue de Suffren, rue Boissière).

Les ratios pour l’ensemble de ces deux immeubles sont de 31,3 m2 SHON par agent et 29,2 m2 SUB par agent. Les principales raisons avancées de ces ratios élevés sont : 17 000 m2 de sous-sols de l’immeuble Ségur-Fontenoy ; 20 % de surfaces utiles en « second jour » de l’immeuble Montparnasse, sans fenêtres, utilisables en stockage, salles de réunions ou locaux de services ; espaces destinées aux ministres, salles de réunion, centres de documentation nécessaires à une administration de pilotage et non de production.

Le ministère regrette de n’avoir jamais eu les crédits budgétaires lui auraient permis d’acquérir l’un des sites de Montparnasse, une opportunité ayant été manquée il y a quelques années auprès du propriétaire japonais pour 35 millions d’euros. En raison de l’augmentation continue des loyers parisiens, le cumul des loyers sur l’ensemble des baux de Montparnasse s’élève à plus de 23 millions d’euros TTC par an.

À terme, après travaux, le SPSI (2006) indique que les deux sites seront d’ampleur équivalente en ce qui concerne la surface de bureau : 26 000 m2 pour Ségur-Fontenoy et 30 000 m2 pour Montparnasse.

Le SPSI (2006) du ministère du Travail indique des effectifs de 11 000 agents, dont 1 400 dans les services centraux. Il montre que le parc immobilier du ministère du Travail est constitué à 70 % de surfaces locatives, soit 30 000 m2 sur huit sites, essentiellement la tour Mirabeau (DAGEMO, DRT, DARES et DILTI) et l’immeuble du square Max Huymans (DGEFP)(24), situés dans le 15ème arrondissement. Les autres immeubles sont situés quai André Citroën, rue Lecourbe, rue de Malte, boulevard Bonne-Nouvelle, rue Lecuirot (ces trois derniers sites sont occupés par les syndicats du ministère pour une surface de 1 100 m2). Le ministère dispose de deux biens domaniaux, les deux hôtels particuliers à usage de deux ministres et leurs cabinets, pour une surface de 7 000 m2 (127, rue de Grenelle et 55, rue Saint Dominique, dans le 7ème arrondissement). Reste à déterminer l’hébergement de Mme Nadine Morano, nouvellement désignée secrétaire d’État chargée de la Famille.

Le SPSI mentionne comme orientation stratégique de « mener une politique de regroupement des services centraux dans le 15ème arrondissement, à proximité du cabinet du ministre ». À terme de 3 à 5 ans le SPSI envisage un regroupement de l’ensemble des services centraux sur les seuls sites Mirabeau et Max Huymans, par optimisation de l’utilisation des surfaces, tout en conservant le site implanté à Saint Denis, « pour des raisons d’aménagement du territoire ». Le site Mirabeau représente un coût global annuel de plus de 18 millions d’euros, sans que l’on sache précisément la ventilation entre les différentes catégories de dépenses que ce chiffre recouvre.

L’immobilier des deux ministères sociaux présente des problématiques très voisines. Quel est le critère de choix entre occupation domaniale et locative ? Quelles sont les raisons pour lesquelles des services de l’État à vocation pérenne occupent des immeubles locatifs ? Les ministères ont-ils fait des calculs comparés des coûts domaniaux et locatifs sur 20 ans, 50 ans ? Les deux ministères du Travail et de la Santé ont actuellement des ratios de surface SUN par agent proches de 30 m2. Des actions de densification devraient donc être entreprises pour se rapprocher des valeurs cibles de 12 m2 SUN par agent. Parallèlement, les ministères sociaux devraient se rapprocher du service France Domaine pour étudier la possibilité de libérer les baux très coûteux des sites Montparnasse et Mirabeau et, en échange, rechercher des localisations dans des communes limitrophes de Paris bien desservies par les transports en commun.

Les deux ministères devront actualiser leurs SPSI en tirant les conséquences des décisions prises dans le cadre de la RGPP (fusion des directions support de l’ensemble du champ santé, jeunesse et sports et vie associative ; non remplacement d’un départ à la retraite sur deux). Pour le seul ministère de la Santé, la règle de non remplacement représente une diminution de 200 emplois en cinq ans. Les ministères devraient en particulier étudier la possibilité de regrouper les services de la Jeunesse et de sports avec ceux de la Santé, qui font maintenant partie du même ministère. Le total des loyers des immeubles hébergeant les services centraux de la Jeunesse et des sports s’élève à 13,4 millions d’euros TTC par an, soit un prix unitaire de 949 euros TTC charges comprises le m2 SUB.

Les deux ministères devront également préparer l’extension des SPSI et des loyers budgétaires à leurs services déconcentrés (directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales, directions départementales et régionales de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle, création des agences régionales de santé). Ils ont sous leur tutelle un grand nombre d’opérateurs et doivent recenser et évaluer leurs biens immobiliers.

6.– Ministère des Affaires étrangères et européennes

• Immeuble du 27 rue de la Convention, Paris 15ème arrondissement

L’objectif de regroupement des services centraux du MAEE sur trois sites (Quai d’Orsay, La Courneuve et un troisième site), contenu dans le SPSI (2006) du MAEE, hébergeant les 3 000 agents publics, est en soi conforme aux orientations de la nouvelle politique immobilière de l’État.

Les conditions de la vente, puis du rachat par l’État de l’ancien immeuble de l’imprimerie nationale sont connues, elles ont été amplement exposées, à la suite du rapport de l’inspection des finances, dans le rapport spécial (n° 276 annexe 48) de M. Yves Deniaud sur le projet de loi de finances pour 2008, les rapports du Sénat (25), puis enfin dans le rapport public annuel (2008) de la Cour des comptes : vente conclue en 2002 pour 85 millions d’euros (HT) et rachat en 2007 pour 325 millions d’euros (HT).

On relèvera dans la vente le manque de professionnalisme de la chaîne des décideurs publics qui a conduit à : minorer de 10 millions d’euros le prix de vente ; négocier une clause de complément de prix très en défaveur de l’État (65 % acquéreur – 35 % vendeur) ; effectuer un paiement pour l’essentiel en 2007 ; le MAEE ne s’est intéressé à cet immeuble que tardivement (aucun ministère consulté en 2002 n’ayant manifesté d’intérêt pour une reprise). La plus-value réalisée par le Groupe Carlyle en seulement 18 mois, déduction faite des travaux évalués à une centaine de millions d’euros, est sans doute d’environ 130 millions d’euros. Cette plus-value a en outre été exonérée d’impôt (au taux de 33 %), du fait de la faille de la convention fiscale liant la France au Luxembourg.

Cette opération a été financée par les produits des cessions des immeubles du centre de conférences internationales de l’avenue Kléber (404 millions d’euros), de la rue Monsieur (142 millions d’euros) et de la rue de l’Université (échangé avec l’Assemblée nationale pour 9,9 millions d’euros).

Rapport public annuel (2008) de la Cour des comptes

(Immeuble du 27 rue de la Convention)

Cette première illustration d’envergure des nouvelles orientations de la politique immobilière de l’État est particulièrement instructive du point de vue, plus large, de la qualité et des performances de la gestion patrimoniale.

1.– Une insuffisante unité de pilotage

En dépit de la collaboration effective entre France Domaine et le ministère des affaires étrangères, les dysfonctionnements observés dans la conduite des opérations témoignent des progrès qui restent à accomplir pour assurer une véritable unité de pilotage de la politique immobilière, sous la direction du ministère chargé du budget.

En l’espèce, le ministère occupant – celui des affaires étrangères - a mené de bout en bout la recherche et la sélection du site de regroupement, tandis que la négociation du prix avec le vendeur a reposé sur France Domaine. Dans un contexte marqué par une précipitation certaine, sans véritable urgence, et par l’absence de réelle recherche de solution alternative, l’État n’a jamais été, de son fait, en bonne situation pour négocier un meilleur prix. En réalité, France Domaine n’aura pas été en mesure d’assurer pleinement son rôle de propriétaire et de garant de la cohérence de la stratégie immobilière de l’État. En outre, le conseil de l’immobilier de l’État a été délibérément tenu à l’écart.

De même, alors que France Domaine relève du ministère chargé du budget, la dimension fiscale des opérations n’a aucunement été prise en considération.

2.– Un professionnalisme encore défectueux

L’acquisition de l’ancien siège de l’Imprimerie nationale pose également la question de l’expertise et de la professionnalisation des services de l’État dans un secteur, l’immobilier, aux enjeux financiers lourds et complexes.

(...) De façon générale, un renforcement des ressources humaines de France Domaine en compétences spécialisées reste nécessaire.

3.– Une véritable stratégie à définir

Obéissant en priorité à une logique budgétaire de court terme, la politique immobilière de l’État privilégie l’objectif de cession, au détriment d’une vision plus stratégique. La conduite d’opérations au coup par coup, dans le cadre du compte d’affectation spéciale où les cessions conditionnent les acquisitions, n’offre pas une garantie d’optimisation financière suffisante.

La politique immobilière de l’État devrait reposer, non pas sur une approche par administration, mais sur une stratégie et une vision patrimoniale d’ensemble. En dépit des efforts entrepris depuis deux ans, une telle approche reste à construire.

L’État pourrait de la sorte mieux intégrer le facteur temps dans la conduite de ses projets immobiliers et dans la gestion de ses interventions sur le marché. Il éviterait ainsi qu’obéissant à des préoccupations de court terme une entreprise publique cède son siège, à contre cycle et de façon peu optimale, puis que l’État le rachète peu après au prix fort.

Lors de son audition par le Conseil de l’immobilier de l’État le 12 décembre 2006, le représentant du MAEE n’a pas fait état du projet, dont la négociation avec le propriétaire était déjà très avancée, de regroupement des services sur le site de la rue de la Convention. Dans l’échange de courriers des 10 et 11 décembre 2007 entre MM. Bernard Kouchner et Georges Tron, le ministre reconnaît que son prédécesseur avait donné consigne au représentant du MAEE d’occulter au CIE l’état d’avancement du processus d’acquisition de l’immeuble de la rue de la Convention. Il la justifie en invoquant le nécessaire secret dans la difficile négociation commerciale avec le groupe Carlyle.

On peut cependant noter que le Conseil de l’immobilier de l’État est un organe du Gouvernement, même s’il est présidé par un parlementaire et s’il comporte également deux députés et deux sénateurs. À ce titre, ses membres sont amenés régulièrement à connaître des informations qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’État de divulguer aux opérateurs du marché, et d’en respecter le caractère confidentiel (listes d’immeubles à céder, négociation de baux commerciaux, projet d’implantation, de construction ou de rénovation... ).

Les rôles respectifs des services du MAEE et de France Domaine dans la préparation de cette opération sont aussi sujets à débat. Ni le MAEE ni le service France Domaine n’ont réalisé d’étude de performance immobilière de l’opération (surfaces, coûts de fonctionnement...). La Cour des comptes indique que les prestations de la société de conseil immobilier Stratégies and corp. ont été rémunérées « d’une commission d’intermédiation, à la charge exclusive » lors de la cession de l’immeuble de la rue Monsieur.

Les parlementaires se sont interrogés sur le choix du MAEE sur l’immeuble de la rue de la Convention, dans un des quartiers les plus coûteux de la capitale, alors que le SPSI (2006) et les travaux préparatoires envisageaient une installation en proche banlieue parisienne (la même surface à La Défense, Suresnes ou Issy les Moulineaux aurait limité le budget d’acquisition à environ 200 millions d’euros).

Lors de la visite effectuée par M. Yves Deniaud en septembre 2007, il lui a été indiqué que le centre de conférence en construction dans l’immeuble de la rue de la Convention ne pourrait pas servir pour les grandes conférences internationales ou celles nécessitant des conditions de sécurité particulières. De par sa taille et surtout pour des raisons de sécurité (sous une verrière exposée aux immeubles alentour), il ne pourra pas héberger des événements comme par exemple un Conseil européen à 27. Le ministre auditionné le 16 avril par la MEC a reconnu qu’« il y aurait la possibilité d’une création de ce centre sous l’Aérogare des Invalides, qui a l’avantage d’être très proche du Quai d’Orsay. Il semble que ce soit le dernier emplacement utilisable à cet effet dans Paris. J’ajoute que l’idée de constituer un grand centre international de conférences est un projet présidentiel, qui pourrait d’ailleurs être financé sans appel à l’État. » Vos Rapporteurs ne comprennent pas, dans ces conditions, pourquoi le MAEE a fait en mars 2008 une demande auprès du service France Domaine pour financer sur le CAS des travaux supplémentaires pour un montant de 31 millions d’euros ; cette somme se décompose en 14,6 millions d’euros pour les aménagements des espaces de bureau, et 16,4 millions d’euros pour « la création d’un centre de conférences ministériel, devant remplacer l’actuel centre de conférences internationales installé dans l’immeuble de l’avenue Kléber. » Le ministère n’a jamais indiqué le nombre annuel de ces grandes conférences internationales ; on sait que la construction d’un tel centre de conférences coûterait plusieurs dizaines de millions d’euros et les calculs des professionnels de l’immobilier montrent qu’en deçà de 50 conférences par an, il est préférable de louer auprès du secteur privé. Ainsi le Palais des Congrès de la Porte Maillot avait été utilisé pour le sommet Afrique France en 2005 (une cinquantaine de chefs d’État africains pendants deux jours). Dans l’hypothèse où le service France Domaine donnerait son accord à ces 31 millions d’euros de dépenses supplémentaires, on ne sait pas si elles seront considérées pour solde de tout compte. En tout état de cause, vos Rapporteurs estiment que la priorité devrait consister à étudier la faisabilité d’adapter le centre de conférence « ministériel » de la rue de la Convention pour qu’il puisse héberger ces grandes conférences internationales. En outre ce centre de conférence prétendument « ministériel » devrait être mutualisé auprès des autres ministères.

Le MAEE n’a jamais chiffré les réductions d’effectifs qui découleraient du regroupement de ses services, grâce à la mutualisation de certaines fonctions, alors que l’une des motivations du projet de regroupement avait trait aux économies et suppressions d’emploi permises par le site unique. Il est à souhaiter que le ministère chiffre précisément ces réductions d’effectifs, ainsi que celles qui découleront des décisions prises dans le cadre de la RGPP.

En outre, le budget prévisionnel des travaux de l’hôtel du ministre et des bâtiments administratifs du quai d’Orsay (rénovation et réalisation de surfaces de bureaux supplémentaires) est actuellement estimé à 70 millions d’euros, pour un achèvement prévu en 2011.

• Services de l’État à l’étranger

Le rapport de la MEC de juillet 2006 sur les services extérieurs de l’État, présenté par MM. Éric Woerth et Jérôme Chartier, avait conclu à une dispersion des forces. Il avait présenté 72 propositions, parmi lesquels plusieurs avaient trait à l’immobilier de l’État.

Propositions du rapport (n° 3255) de la MEC de juillet 2006

sur les services extérieurs de l’État (extraits)

– accélérer la restructuration du dispositif de représentation de la France à l’étranger en le recentrant sur les besoins effectifs ;

– développer, approfondir et encadrer les partenariats entre les structures de représentation française (ambassades, consulats, établissements culturels…), avec la mise en place à titre expérimental d’équipes diplomatiques franco-allemandes ;

– renforcer la coordination interministérielle tant au niveau du pilotage de l’action extérieure de l’État que de la gestion des moyens ; inclure les opérateurs publics intervenant à l’étranger dans le champ de compétence du CIMEE (comité interministériel des moyens de l’État à l’étranger) ; affirmer le rôle de l’Ambassadeur, à l’image du préfet dans les départements (un décret de 1979 confie aux ambassadeurs le rôle de représentant des domaines, mais les ambassadeurs n’ont jamais vraiment rempli cette tâche) ;

[Le rapport de la MEC notait que la France ne connaît pas actuellement le montant et la répartition des moyens qu’elle consacre à sa représentation à l’étranger (la dernière enquête datait de 2001). Seule une volonté politique forte permettrait au CIMEE de jouer enfin le rôle stratégique qui devrait être le sien en matière de rationalisation des moyens.]

– étendre le dispositif des SAFU (services administratifs et financiers uniques) à l’ensemble des services de l’État à l’étranger en 2007, pour une application généralisée en 2008.

Il existe toujours au MAEE trois comités en charge de l’immobilier de l’État à l’étranger, CIMEE, CIM et CPI.

Le CIMEE (Comité interministériel des moyens de l’État à l’étranger), créé le 5 février 1994 par M. Alain Juppé, a pour rôle de coordonner et définir les grandes orientations relatives aux moyens de l’État à l’étranger : implantation des services de l’État à l’étranger, gestion, finances, informatique... Mis en sommeil entre 1997 et 2006, il s’est réuni le 25 juillet 2006, mais plus depuis. Il est géré par les services du Premier ministre.

Créée par l’article D.36 du code du domaine de l’État, la CIM (Commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur les opérations immobilières de l’État à l’étranger) a pour fonction de donner un avis sur les dossiers d’acquisition, de cession et de prise à bail, pour les ministères ayant des biens immobiliers à l’étranger : Affaires étrangères, Défense, Économie et finances, Éducation nationale. Elle se réunit tous les mois, examine environ 200 dossiers par an et est gérée par le MAEE.

Le CPI (Comité de politique immobilière) propose au ministre les orientations stratégiques relatives aux biens occupés par le MAEE. Fonctionnant comme une direction collégiale (cabinet et directeurs des services), il n’est que rarement réuni (une fois en 2002, une fois en 2005 et plus depuis). Il est géré au MAEE.

On peut se demander quelle est l’articulation de ces comités avec le service France Domaine, et ce d’autant plus que le MAEE est en train de mettre en œuvre la décision du Comité de modernisation des politiques publiques (RGPP) du 4 avril 2008 de « création d’une foncière de l’État à l’étranger qui gérerait l’ensemble du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger ».

Le MAEE a pris la décision de céder l’immeuble de la Chancellerie et la résidence diplomatique de la France à Dublin (valeur estimée de 80 millions), alors qu’aucune possibilité de relocalisation n’est possible. Les professionnels privés de l’immobilier, interrogés le 24 janvier dernier par la MEC, ont fait remarquer que l’appel d’offre pour trouver un nouveau site méconnaissait totalement la réalité du marché dans cette ville et demeurerait certainement infructueux…

• Les autres aspects de l’immobilier du ministère

Le SPSI (2006) des services centraux du ministère des Affaires étrangères tient en tout et pour tout en deux pages, plus une page d’annexe présentant la liste des immeubles parisiens occupés. Le ministère présentait sa stratégie de localisation en trois pôles : le « cœur historique » au quai d’Orsay avec l’hôtel du ministre, les cabinets du ministre et des ministres délégués, le secrétariat général et la plupart des directions à vocation politique ; les « [sept] autres sites aujourd’hui dispersés qui seront réinstallés dans un immeuble de bureau plus adapté, modernisé et fonctionnel qui sera recherché dans Paris ou en proche banlieue » ; enfin « le ministère a entrepris, selon une formule innovante d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public (AOT) et d’une convention de location de longue durée, d’un centre des archives diplomatiques à La Courneuve. Ce site devrait être disponible fin 2008 début 2009 ». Curieusement, le SPSI ne mentionne pas le centre de conférences internationales du 19 avenue Kléber, qui a constitué la meilleure vente de l’État de ces dernières années.

Ce SPSI conclu que « sa mise en œuvre devrait conduire, à un terme que le ministère souhaite le plus rapproché possible, à une organisation spatiale plus fonctionnelle, plus économe et en ligne avec les orientations générales de la politique immobilière de l’État ».

À l’issue du regroupement sur le site de la rue de la Convention, le ministère a cédé ou est en train de céder ses autres sites parisiens : 103 rue de l’Université (remis à l’Assemblée nationale contre « indemnité »), 23 rue La Pérouse, 244 bd Saint Germain, 57 bd des Invalides, 20 rue Monsieur (ancien ministère de l’Outre mer), 6 rue de Talleyrand et 3 rue Lowendal. Le centre de conférences internationales a été vendu à un groupe du Qatar pour 404 millions d’euros, et que les deux bâtiments de la rue Monsieur l’on été à un groupe russe pour 142 millions d’euros.

Les effectifs centraux du MAEE sont d’environ 4 500, dont les deux tiers à Paris (3 000) et un tiers à Nantes (1 500).

Au bilan de l’État présenté pour la première fois en mai 2007 dans le projet de loi de règlement pour 2006, le MAEE dispose de bâtiments représentant 4,6 milliards d’euros, soit 10 % de la valeur du patrimoine immobilier de l’État (44,3 milliards d’euros).

La Direction générale de l’administration (DGA) du MAEE dispose d’un service de l’équipement et, depuis 2006, d’une sous-direction des affaires immobilières. Cette dernière « est responsable de la mise en œuvre et du suivi des opérations d’investissement, de la maintenance immobilière ainsi que de la fourniture des matériels techniques et de sécurité. Elle suit également, en liaison avec la direction des affaires budgétaires et financières, les questions relatives au domaine et au patrimoine immobilier en matière d’acquisition, de prise à bail et d’aliénations liées à ces opérations d’investissement. »

Le MAEE a obtenu un régime dérogatoire à la règle du CAS qui lui assure un « retour » de 100 % sur les cessions de ses biens immobiliers à l’étranger. La seule justification avancée est que cette dérogation a fait partie de la négociation du contrat de performance (2006 – 2008) conclu entre le MAEE et le ministère du Budget. On peut s’interroger sur les poids respectifs du service France Domaine et de la direction du Budget dans cette négociation avec le MAEE…

Le projet d’implantation des archives diplomatiques à La Courneuve a été décidé en 2001 par l’acquisition d’un terrain de 20 000 m2 devant héberger 300 agents. Le projet prévoit l’occupation progressive du site à partir de 2009. Faute de crédits budgétaires, le MAEE a financé la construction des bâtiments par un partenariat public privé sous la forme d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public (AOT) assortie d’une convention d’occupation. Le MAEE a donc engagé l’État à verser à la société ICADE (groupe Caisse des dépôts) des loyers de 3,5 millions d’euros pendant 28 ans. La Cour des comptes a calculé que le cumul de ces loyers entraîne un surcoût de 41 % par rapport au financement sur crédits budgétaires. Dans sa réponse, le MAEE chiffre ce surcoût à seulement 11 %. Fait également débat la densité d’occupation du site. Le ministère a indiqué récemment qu’il acceptait l’installation de 120 postes de travail supplémentaires ; les travaux d’aménagement sont cependant évalués à 9 millions d’euros supplémentaires.

Rapport public annuel (2008) de la Cour des comptes

(Archives diplomatiques à La Courneuve)

La formule juridique et financière retenue pour en assurer la réalisation, à savoir une autorisation d’occupation temporaire du domaine public (AOT) assortie d’une convention de location, ne manquera pas d’avoir, à terme, de lourdes conséquences sur les comptes de l’État, tout en évitant dans l’immédiat de dégrader le déficit budgétaire et la dette publique au regard des critères de Maastricht. (...)

De manière générale, cette opération pose la question des conséquences budgétaires et financières des opérations de partenariat public-privé notamment dans le cas des autorisations d’occupation temporaire du domaine public. Cette formule apparaît inopportune s’agissant d’un service public non marchand puisqu’en l’absence de recettes elle fait entièrement reposer sur les finances de l’État une charge disproportionnée au regard de l’allègement de la charge budgétaire immédiate qu’elle permet sur le montant du déficit comme sur celui de la dette publique.

La Cour invite à une réflexion approfondie sur l’intérêt réel de ces formules innovantes qui n’offrent d’avantages qu’à court terme et s’avèrent finalement onéreuses à moyen et long termes.

ANNEXE N° 2 :
ENQUÊTE DE LA COUR DES COMPTES
SUR L’IMMOBILIER DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

PA 49664

COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES,
DE L’ECONOMIE GENERALE ET DU PLAN
DE L’ASSEMBLEE NATIONALE

article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances

octobre 2007


L’IMMOBILIER DU MINISTERE

DE LA DEFENSE

TABLE DES MATIÈRES

PARTIE I :  Le parc immobilier du ministère de la défense 5

I. Les immeubles gérés par le ministère de la défense (le parc immobilier) 5

A. L’armée de terre est le principal attributaire 6

B. Un parc immobilier spécifique et diversifié 7

C. L’importance de l’immobilier non domanial 8

II. L’évaluation de l’actif immobilise 9

A. Une valorisation en rapport avec la répartition du parc attribué 9

B. L’évaluation s’améliore mais ses résultats demeurent incertains 10

III. La gestion du patrimoine 11

A. L’évolution du patrimoine 12

1. Les cessions 12

2. Les acquisitions 14

B. Des procédures génératrices de délais importants 14

1. La segmentation du patrimoine, première étape récente de la procédure de cession 14

2. Les particularités du ministère de la défense 16

3. Les délais de traitement des dossiers 17

PARTIE II :  L’organisation de la fonction immobilière du ministère de la Défense 19

I. Les services du ministère : une multiplicité d’intervenants 19

A. Le secrétariat général pour l’administration (SGA) et ses services 19

B. Les autres acteurs de la politique immobilière 22

C. L’accompagnement des restructurations 24

D. L’immobilier de la défense et le développement durable 25

II. Les systèmes d’information de la fonction immobilière 26

A. Un système d’information défaillant 26

B. La nécessité d’une évolution prise en compte : G2D, un projet stratégique pour le service de l’infrastructure de la défense (SID). 27

PARTIE III :  Le budget de l’immobilier au Ministère de la Défense 29

I. L’immobilier de la Défense dans la nouvelle présentation budgétaire 29

II. Les coûts d’exploitation et d’entretien (titre 3) 31

A. Une gestion budgétaire relativement dispersée 31

B. Une sous estimation des dotations du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » 32

1. La location 32

2. L’entretien 32

III. Les coûts d’infrastructure immobilière (titre 5) : l’exercice 2006 et ses difficultés 33

A. Les crédits du programme 212 « soutien de la politique de la défense » 33

B. Les crédits du programme 152 « gendarmerie » 35

IV. L’utilisation des recettes de cessions : le compte d’affectation spéciale « gestion du patrimoine immobilier de l’Etat » 35

A. Le compte d’affectation spéciale et les conditions de rétrocession des crédits 35

B. Le remploi des produits de cession : des reports importants 37

V. Le budget de la direction centrale du service de l’infrastructure de la défense (DCSID) 40

PARTIE IV :  La mise en œuvre des actions immobilières au Ministère de la Défense 42

I. Le « logement familial » 42

A. Les bénéficiaires et les procédures 42

B. La société nationale immobilière (SNI), la convention de 1972 et sa remise en cause 43

C. Vers l’externalisation de la gestion des logements sociaux 45

II. Les opérations d’infrastructure et de gros entretien 46

A. L’importance des opérations en cours ou envisagées 46

1. Les travaux d’infrastructure 46

2. Le gros entretien 47

B. Le respect des coûts et des délais 48

1. Des indicateurs de mesures de l’efficacité 48

2. Les opérations achevées en 2006 49

3. Le cas des « grandes opérations » 50

C. Le point de vue des attributaires 50

III. Les démarches visant à définir une stratégie immobilière pluriannuelle 51

A. Les schémas directeurs interarmées d’agglomération 51

B. Les schémas pluriannuels de stratégie immobilière 51

INTRODUCTION

La Cour a contrôlé les conditions dans lesquelles est géré l’immobilier du ministère de la défense.

Ce contrôle a été engagé à la demande du Président de la commission des finances de l’économie générale et du plan de l’Assemblée nationale formulée, en application des dispositions de l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, par lettre en date du 12 octobre 2006.

Le présent rapport évoque successivement :

• la consistance et la valorisation du parc immobilier de la défense,

• l’organisation de la fonction immobilière au sein de ce ministère,

• le budget de l’immobilier dont il dispose et sa gestion,

• les modalités de mise en œuvre des actions immobilières du ministère.

LE PARC IMMOBILIER DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

L’expression’ « immobilier de la défense » peut être prise dans trois acceptions différentes :

• l’ensemble des immeubles gérés par le ministère et qui comprend notamment le parc locatif qu’il utilise ;

• l’ensemble des immeubles possédés par l’Etat et constituant la part de son patrimoine, au sens juridique du terme, affecté à la défense ;

• les actifs immobiliers du ministère de la défense portés au bilan de l’Etat, notion comptable, qui ne coïncide pas avec la notion patrimoniale précédente et qui repose sur le « contrôle » des immeubles concernés (cf. infra).

• Si l’on se fonde sur la notion comptable, la seule qui comporte une valorisation et donc rende possible la totalisation d’actifs disparates, le ministère de la défense dispose, afin de permettre aux armées, à la gendarmerie nationale et à ses différentes directions et services de remplir leurs missions, d’un parc immobilier qui, selon la dernière estimation disponible du bilan de l’Etat 2006, représente 43,2 % de la valeur de l’ensemble de ses actifs immobiliers. Ce chiffre fait de la Défense - de très loin - le premier gestionnaire de ces actifs, le second, le ministère de l’économie et des finances, ne disposant quant à lui que d’un peu plus de 13 % et le troisième, le ministère des Affaires étrangères, que d’environ 10 %.

• On analysera dans les développements qui suivent la consistance du patrimoine immobilier que gère le ministère de la défense ; celle des actifs immobiliers qui en relèvent ainsi que les conditions de leur valorisation ; enfin les opérations de gestion – acquisitions et cessions– qui modifient les limites de ce parc.

LES IMMEUBLES GÉRÉS PAR LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE (LE PARC IMMOBILIER)

C’est à partir du tableau général des propriétés de l’Etat (TGPE) qu’il est possible de dessiner les contours du parc immobilier de la défense. Figurent au TGPE l’ensemble des biens qui sont mis à disposition de l’Etat ou de ses établissements publics, à savoir

― les biens qui sont propriété de l’Etat,

― les biens détenus par lui en vertu d’un contrat de location ou de location-financement,

― les biens mis gratuitement à sa disposition,

― les biens qui le sont à titre quasi gratuit (baux emphytéotiques).

― Physiquement, ce parc est constitué de près de 30 000 unités immobilières (UI) - dont près de 6 000 relèvent du domaine de l’État - couvrant plus de 331 000 hectares pour une surface utile de 5 230 hectares. Ces emprises sont situées sur l'ensemble du territoire (métropole et outre-mer) et aussi à l’étranger selon la répartition suivante :

1. Parc immobilier de la défense au 15 mai 2007*

Situation

Nombre d’UI

Surface d’emprise (m²)

Surface utile (m²)

Métropole

24 275

2 722 093 069

49 971 460

DOM

3 446

475 497 258

1 006 241

TOM

769

90 995 652

802 754

Etranger

1 422

21 576 008

518 391

Total

29 912

3 310 161 987

52 298 846

* y compris établissements publics nationaux (Source SGA/DMPA)

Chaque emprise est mise à la disposition de son, ou éventuellement ses, attributaire(s) (état major, direction ou service) qui est chargé de sa gestion et qui a, notamment, toute latitude pour établir les protocoles d’accord avec les différents occupants afin de définir les modalités de soutien sur le site (cf. infra, point sur l’organisation de la fonction immobilière).

Le tableau inséré plus loin, reprenant des données issues du serveur du tableau général des propriétés de l’Etat (STGPE) retraitées par le ministère de la défense à la date du 15 mai 2007, détaille la répartition du parc immobilier, domanial ou non, situé en métropole, en outre-mer ou à l’étranger, dont disposent actuellement les armées, directions, services et établissements publics du ministère de la défense, à savoir les surfaces d’emprise, les surfaces utiles et le nombre d’unités administratives (UA)26 au sens du tableau général des propriétés de l’Etat (TGPE) dont ils disposent pour exercer leurs missions27.

Compte tenu de la différence d’approche dans la gestion immobilière entre le ministère de la défense et le TGPE, il fait apparaître un total de 31 274 UA pour 29 912 UI pour une même surface d’emprise de 331 016 hectares et une même surface utile de 5 230 hectares.

L’ARMÉE DE TERRE EST LE PRINCIPAL ATTRIBUTAIRE

L’armée de terre est de loin le plus important occupant du patrimoine immobilier du ministère de la défense avec plus de 70 % de la surface d’emprise, soit près de 233 797 ha, qui représente plus de 34 % de la surface utile, soit 1 808 ha. Suivent la DGA (14,8 %) et l’armée de l’air (8,6 %).

En revanche, plus de 80 % de la surface utile se répartissent entre l’armée de terre, la gendarmerie nationale et l’armée de l’air.

Compte tenu des caractéristiques de son parc immobilier essentiellement constitué de casernes et de logements, la gendarmerie nationale se singularise par la détention du plus grand nombre d’UA, 65 % de l’ensemble, pour une surface d’emprise de moins de 4 500 ha.

Les établissements publics ne représentent qu’une faible part de l’ensemble du parc immobilier puisqu’ils ne totalisent que 149 UA, 466 ha de surface d’emprise et 47 ha de surface utile.

2.  Parc immobilier au 15 mai 2007

Attributaire

Nombre d'UA

 

Surface d'emprise

 

Surface utile

 
   

%

(ha)

%

(ha)

%

Armée de terre

3 640

11,6

233 796,78

70,6

1 807,87

34,6

Délégation générale pour l'armement

293

0,9

49 131,37

14,8

224,79

4,3

Armée de l'air

1 057

3,4

28 425,24

8,6

1 051,93

20,1

Marine

1 188

3,8

10 755,63

3,2

411,92

7,9

Gendarmerie nationale

20 319

65,0

4 484,48

1,4

1 281,23

24,5

SGA/DMPA (cimetières, hauts lieux de mémoire)

1 419

4,5

1 514,60

0,5

1,92

-

SGA/DMPA (logement)

2 641

8,4

667,93

0,2

179,76

3,4

Service des essences de l'armée

113

0,4

648,78

0,2

27,61

0,5

SGA/SMG (administration centrale)

60

0,2

602,24

0,2

55,57

1,1

Service de santé des armées

59

0,2

262,92

0,1

104,35

2,0

SGA/ DFP (action sociale)

109

0,3

232,41

0,1

22,56

0,4

Office national des anciens combattants et victimes de guerre

112

0,4

195,03

0,1

12,04

0,2

Ecole polytechnique

2

-

154,67

-

11,86

0,2

Musée de l'espace et de l'air

3

-

27,34

-

5,28

0,1

ONERA

3

-

23,21

-

3,47

0,1

Caisse nationale militaire de sécurité sociale

16

0,1

21,70

-

3,98

0,1

ENSAE

2

-

20,54

-

4,66

0,1

EMA (postes permanents à l'étranger)

152

0,5

17,62

-

3,63

0,1

Etablissement public d'insertion de la défense

2

-

12,89

-

1,26

-

SGA/SMG (services déconcentrés des anciens combattants)

69

0,2

8,04

-

7,73

0,1

ENSIETA

1

-

7,18

-

0,91

-

Musée de la Marine

5

-

2,49

-

1,31

-

EMA (organismes interarmées)

6

-

2,17

-

1,82

-

Musée de l'armée

2

-

0,93

-

0,23

-

Institution nationale des invalides

1

-

0,00

-

2,21

-

Total Défense

31 274

100,0

331 016,20

100,0

5 229,88

100,0

(Source SGA/DMPA)

UN PARC IMMOBILIER SPÉCIFIQUE ET DIVERSIFIÉ

Le parc immobilier du ministère de la défense est spécifique et diversifié. A côté des équipements militaires (installations de défense, bases navales et aéronavales, champs d’exercices, camps militaires, champs de tir, etc…), il compte également des équipements collectifs (culturels, sportifs, d’enseignement, etc…), des cimetières28, des monuments, des infrastructures de communication (télécommunications, routes, ports, ouvrages de signalisation, etc.…), des établissements de production, des entrepôts, des terrains agricoles, des espaces naturels, et, bien entendu, des immeubles de bureaux et d’habitation.

Au 23 mai 2007, selon le classement effectué sur la base des catégories foncières du TGPE, sur les quelques 330 850 ha de surface d’emprise recensés, la catégorie « espaces aménagés » (camps et terrains militaires, champs d’exercices ou de tirs, etc.…) en totalise plus de 210 500, soit près des 2/3, suivent les catégories « équipements militaires » (installations de défense, bases aéronavales ou navales, etc..) avec plus de 55 370 ha (17 % du total), puis « terres agricoles, prairies et terrains divers » avec 30 260 ha (9 %) et la catégorie « établissements scientifiques, techniques, de production et entrepôts » (4 %). Le reste est constitué essentiellement des emprises des divers réseaux et des immeubles collectifs.

La catégorie « équipements militaires » occupe, à elle seule, la moitié de la surface utile totale (2 611 ha sur 5 226). En revanche, toujours dans la nomenclature du TGPE, elle ne regroupe que 20 % des immeubles (6 328 UA sur 31 251) alors qu’avec 19 858 UA, les « immeubles d’habitation et de bureau » en représentent près des deux tiers. Dans cette dernière catégorie, il faut noter que l’essentiel des UA relève de la sous classification « maisons individuelles » (10 589) et des « immeubles collectifs et appartements » (8 629), les bureaux ne constituant que 542 UA.

L’IMPORTANCE DE L’IMMOBILIER NON DOMANIAL

L’essentiel du parc immobilier du ministère de la défense est situé sur le territoire métropolitain : environ 82 % des immeubles et des surfaces d’emprise et plus de 95 % de la surface utile. Il se caractérise aussi par l’importance de l’immobilier non domanial ; ainsi, sur les 31 274 UA recensées au 15 mai 2007, plus des 3/4 ne relèvent pas du domaine de l’Etat, soit 24 121 emprises. Mais elles ne représentent que moins de 7 % de la surface d’emprise et de 16 % de la surface utile.

3.  Recensement du parc immobilier3

   

Métropole

Départements d’Outre-mer

Territoires d’Outre-mer

Etranger

Total

Domanial

nombre d’UA

6 590

263

158

142

7 153

 

nombre d’UI

5 450

247

149

140

5 986

 

Surface d’emprise (m²)

2 525 058 178

474 313 485

90 653 505

1 105 415

3 091 130 583

 

Surface utile (m²)

42 695 590

624 883

725 680

122 858

44 169 011

Non domanial

nombre d’UA

19 012

3 205

622

1 282

24 121

 

nombre d’UI

18 825

3 199

620

1 282

23 926

 

Surface d’emprise (m²)

197 034 891

1 183 773

342 147

20 470 593

219 031 404

 

Surface utile (m²)

7 275 872

381 358

77 074

395 533

8 129 835

Total

nombre d’UA

25 602

3 468

780

1 424

31 274

 

nombre d’UI

24 275

3 446

769

1 422

29 912

 

Surface d’emprise (m²)

2 722 093 069

475 497 258

90 995 652

21 576 008

3 310 161 987

 

Surface utile (m²)

49 971 460

1 006 241

802 754

518 391

52 298 846

• (Source SGA/DMPA)

• Cette situation est essentiellement due à la part importante des logements pris à bail dans le parc de logements de la gendarmerie nationale. En effet, la direction générale de la gendarmerie nationale dispose, en métropole, d’un parc domanial de 31 330 logements mais aussi d’un parc locatif de 28 314 logements en casernes et de 16 552 logements hors casernes. En revanche, les quelques 11 129 logements destinés au personnel civil et militaire hors gendarmerie relèvent tous du domaine de l’Etat (cf. infra partie consacrée au logement).

• Le tableau ci-dessus met également en évidence la différence de critère retenu dans le recensement des immeubles entre le ministère de la défense (gestion par unité immobilière ou immeuble) et France domaine (gestion par unité administrative dans le TGPE). Ainsi le nombre d’UA est toujours supérieur ou égal à celui des UI.

L’ÉVALUATION DE L’ACTIF IMMOBILISE

Les chiffres communiqués à la Cour par le ministère de la défense (Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives) résultent de l’évaluation des actifs pris en compte dans la comptabilité générale de l’Etat. L’évaluation des actifs immobiliers a été réalisée conformément à la norme comptable de l’Etat n° 629. Cette norme prévoit une évaluation de ces biens à leur valeur de marché. Celle-ci est effectuée selon des procédures spécifiques à l’Etat prenant en compte, entre autres, les valeurs observées par les services des domaines sur les transactions récentes dans une zone géographique donnée et l’état d’entretien du bien tel qu’appréhendé par les services gestionnaires du ministère.

Il est à noter que ne sont valorisés que les biens immobiliers contrôlés par le ministère de la défense. Cette notion, qui se distingue de la notion juridique de propriété, conduit à inclure dans cette valorisation des biens dont le ministère n’est pas propriétaire, mais dont il maîtrise les conditions d’utilisation et le potentiel de service, et, a contrario, à exclure des biens dont il a la propriété mais qu’il ne contrôle pas. Le ministère n’a pas procédé à des évaluations des biens non contrôlés.

Bien évidemment, les immeubles pris à bail évoqués dans les développements qui précèdent ne sont pas compris dans l’actif immobilisé.

UNE VALORISATION EN RAPPORT AVEC LA RÉPARTITION DU PARC ATTRIBUÉ

Au 31 décembre 2006, le parc immobilier de la défense, évalué selon les critères rappelés ci-dessus, s’élève donc à plus de 19 251 M€ (cf. tableau ci-après). Ce montant résulte du calcul effectué par le ministère de la défense à partir des données France Domaine du 9 mars 2007.

Sur ce total, la part du parc détenu par l’armée de terre représente presque 33 % et celle de la gendarmerie nationale 30 %. Il est à noter dans ce bilan la part relativement importante de l’immobilier de l’administration centrale, attribué au service des moyens généraux du SGA – il est vrai situé essentiellement à Paris-, qui, avec 8 % du total, détient un parc quasiment analogue, en valeur, à celui de la marine alors qu’il ne représente que 0,2 % de l’emprise et 1,1 % de la surface utile.

4.  Evaluation du parc immobilier au 31/12/2006 (en €)

Attributaire 

Valeur UA métropole/DOM

Valeur UA TOM

Valeur UA Etranger

Total

EMA (postes permanents à l'étranger)

0

0

17 477 560

17 477 560

Armée de l'air

1 080 598 094

0

0

1 080 598 094

Armée de terre

5 749 016 484

440 161 697

0

6 189 178 181

Marine

1 453 132 237

91 809 850

0

1 544 942 087

Délégation générale pour l'armement

980 754 177

0

0

980 754 177

Gendarmerie

5 671 651 530

103 214 214

0

5 774 865 744

Service de santé des armées

902 141 203

0

0

902 141 203

Service des essences de l'armée

55 058 600

0

0

55 058 600

SGA/ DFP (action sociale)

166 186 074

3 863 180

0

170 049 254

SGA/DMPA (cimetières, hauts lieux de mémoire)

1 332 415

0

106

1 332 521

SGA/DMPA (logement)

766 876 554

97 370 208

0

864 246 762

SGA/SMG (administration centrale)

1 613 889 716

0

0

1 613 889 716

SGA (services déconcentrés des AC)

56 753 760

0

0

56 753 760

Total

18 497 390 844

736 419 149

17 477 666

19 251 287 659

• (Source SGA/DMPA)

L’ÉVALUATION S’AMÉLIORE MAIS SES RÉSULTATS DEMEURENT INCERTAINS

Le nombre des UA "contrôlées"30 et donc valorisées et inscrites au bilan de l’État est très inférieur au nombre des UA faisant l'objet d'une occupation et recensées précédemment.

De 2004, début des opérations de valorisation, à 2006, le nombre des UA contrôlées évaluées est en nette progression puisqu’il passe de 5 338 à 5 909, soit une augmentation de 571 unités, sur un nombre total de 6 335 UA contrôlées. Ce phénomène est particulièrement remarquable pour les UA situées dans les TOM qui n’avaient pas été valorisées en 2004 et en 2005 et pour celles de l’étranger, dont la valorisation a commencé en 2005.

5.  Evaluation du parc immobilier de 2004 à 2006

   

2004

2005

2006

Nombre d’UA évaluées

Métropole/DOM

5 338

5 385

5 698

 

TOM

0

0

103

 

Etranger

0

112

108

 

Total

5 338

5 497

5 909

Evaluation (en €)

Métropole/DOM

13 756 762 419

15 019 466 314

18 497 390 844

 

TOM

0

0

736 419 150

 

Etranger

0

17 477 670

17 477 666

 

Total

13 756 762 419

15 036 943 984

19 251 287 660

• (Source SGA/DMPA)

• Cette amélioration quantitative s’accompagne d’une très significative augmentation de l’évaluation financière de l’immobilier contrôlé comptabilisé au bilan (de près de 40 %) puisque par rapport à 2004 la valorisation croît de près de 5 500 M€ - 4 740 M€ pour les seules UA de métropole et des DOM - pour atteindre plus de 19 251 M€ au 31 décembre 2006 alors qu’elle n’était que de 13 757 M€ au 31 décembre 2004.

Si, sur le plan quantitatif, le ministère de la défense indique qu’à ce jour près de 95 % des UA contrôlées sont évaluées, et qu’un objectif de quasi-exhaustivité a été fixé pour 2007, le résultat des évaluations effectuées à fin 2006 demeurait, selon la Cour, incertain. Plusieurs constats en ce sens ont en effet été effectués lors de ses missions de contrôle :

– une liste de biens évalués à l’euro symbolique avait été arrêtée par le ministère. Certains de ces biens ayant été ultérieurement cédés et par conséquent valorisés, la fiabilité de cette liste a été remise en question. Une nouvelle table a été depuis lors établie et transmise en juillet 2007 à la DGCP ;

– de manière plus notable, des faiblesses avaient été identifiées en ce qui concernait la mise en œuvre des procédures d’inventaire du ministère : d’une part sur le recensement global des biens immobiliers, le rapprochement de la base SAGRI et du TGPE n’ayant pas été mené à son terme en 2006) ; d’autre part sur l’appréciation du critère de contrôle, certains biens ayant été répertoriés avec des droits incertains tels que « non catalogué » ou « occupation sans titre » ;

– par ailleurs, la Cour a insisté sur la nécessaire fiabilisation des données qualitatives (surfaces et des états d’entretien des biens) recensées par les services gestionnaires du ministère et utilisées pour le calcul des valeurs de marché des biens immobiliers. Sur la base des anomalies identifiées dans le cadre des différents contrôles effectués dans le cadre de la certification, le bien fondé d’une amélioration des procédures d’inventaire et de contrôle interne n’avait pas été remis en question par le ministère;

– enfin, l’évaluation à la valeur de marché par les services des domaines des biens les plus atypiques du ministère, pour lesquels, en l’état, il n’existe pas de marché « comparable » reste aléatoire, et, en tout état de cause, ne permet vraisemblablement pas d’appréhender la juste valeur de ce patrimoine. Il est à noter sur ce point que le ministère n’avait pas entrepris, au moment du contrôle de la Cour, de véritable réflexion sur la valorisation de ces actifs « atypiques », par exemple la base des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de l’Ile Longue.

Au total, si des efforts importants et indéniables ont été effectués par le ministère de la défense pour l’inventaire de ses actifs immobiliers, les missions de contrôle effectuées en 2006 sur la comptabilité générale ont mis en évidence des faiblesses significatives dans la chaîne des travaux et contrôles aboutissant à la valorisation du patrimoine de ce ministère. Une réserve substantielle sur la valorisation du patrimoine immobilier de l’Etat dans son ensemble a donc été formulée, lors de la certification des comptes de l’Etat, en prenant en compte, en sus des observations portant sur d’autres services de l’Etat, l’ensemble des faiblesses relevées ci-dessus.

LA GESTION DU PATRIMOINE

Le ministère a engagé depuis de nombreuses années une politique de cession des immeubles qu’il estime inutiles. La mise en œuvre en a été confiée à la mission de réalisation des actifs immobiliers (MRAI) créée en 1987 et rattachée à la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA)31. La MRAI est notamment chargée de conduire avec les collectivités locales les négociations de cession d'immeubles inutiles et de promouvoir des études de reconversion. Elle a traité en vingt ans près de 18 000 sites pour une valeur de 850 M€. En 2006, près de 150 décisions de remise aux services fiscaux aux fins d'aliénation ou de changement d'affectation ont été prises pour une superficie de 1 225 hectares. Par ailleurs, 19 décisions d'acquisition ou de changement d'affectation au profit de la Défense portant sur 30 hectares ont également été prises.

L’ÉVOLUTION DU PATRIMOINE

1. Les cessions

Une activité relativement contrastée selon les sources d’informations

Le tableau ci-après retrace les cessions immobilières réalisées au cours des cinq derniers exercices (de 2002 à 2006) ; il retrace en nombre et en valeur à différentes
étapes de la procédure les dossiers traités par la MRAI
32, les décisions de remises aux services fiscaux aux fins d’aliénation ou de changement d’affectation par le DMPA et les recettes enregistrées au compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » dont le rattachement n'intervient qu'avec leur perception très postérieure à la transaction (délai de passation des actes, travaux de dépollution éventuels, encaissement du produit de la vente).

6.  Cessions réalisées de 2002 à 2006

 

 

2002

2003

2004

2005

2006

Dossiers traités par la MRAI

Nombre

85

95

81

74

83

 

Montants en M€

51,30

50,52

52,51

51,86

58,81

 

           

Décisions de remise aux services fiscaux

Nombre

64

93

118

166

145

 

Montants en M€

29,04

41,63

53,94

161,35

30,37

             

Cessions rattachées

Montants en M€

26,60

27,00

33,40

128,30

76,44

• (Source SGA/DMPA)

Globalement, sur la période 2002-2006, la MRAI a ainsi traité quelques 418 dossiers représentant 265 M€ alors que 586 dossiers pour 316,33 M€ sont passés entre les mains de la DMPA. Son activité a été relativement stable avec un nombre moyen de 83 dossiers pour un montant moyen annuel de 53 M€. Il convient de noter, cependant, que la DMPA n’a pas souhaité faire apparaître, dans ce bilan, la vente en 2005 de trois immeubles parisiens33 pour un montant total de 70,23 M€, en raison de leur caractère hors normes habituelles. De fait, en incluant, ces trois dossiers, le bilan de l’année 2005 se traduit par 77 dossiers et un montant exceptionnel de 122,09 M€ à côté duquel les chiffres affichés pour 2006 – quoiqu’en nette hausse par rapport à l’année précédente -, apparaissent très en recul.

Au cours de l’année 2006, les 83 dossiers traités par la MRAI d’un montant total de 58,81 € se sont décomposés en 68 cessions amiables pour un montant de 50,40 M€, et 15 adjudications publiques fructueuses qui ont rapporté 8,4 M€.

La part la plus importante des cessions de 2006 a porté sur des biens attribués à l’armée de terre, à savoir quelques 50 dossiers pour plus de 39 M€, soit près des 2/3 du montant de l’année, alors que ceux de l’armée de l’air n’interviennent que pour moins de 0,5 M€.

Parmi les dossiers traités, sont récapitulées ci-après les ventes amiables supérieures à 900 000 €, qui ont notamment concerné des immeubles apportés par la Défense dans le cadre du plan logement du Gouvernement :

– Village de la Faisanderie à Fontainebleau : 14 500 000 € ;

– Hôpital Hyacinthe Vincent à Dijon : 3 500 000 € ;

– Ile Beaulieu à Nantes : 3 300 000€ ;

– Résidence du Petit Prince à Saint-Dizier: 3 000 000 € ;

– Camp Robert à Fréjus : 2 250 000 € ;

– Zone aéronautique Louis Bréguet à Vélizy : 1 778 000 € ;

– Caserne Rapp à Colmar : 1 524 000 € ;

– Quartier Lieutenant Tom Morel à Cran-Gevrier : 1 341 000 € ;

– Quartier Fieschi et terrains de sports à Vernon : 1 275 000 € ;

– Pavillon 89 à Belfort : 1 200 000 € ;

– Cité Boisgelin à Saint-Chamas : 1 162 000 € ;

– Cité cadres du Pharon à Marseille : 933 750 €.

Parmi les adjudications publiques fructueuses, il y a lieu de citer les principales opérations suivantes :

– Villa Plasse à Marseille : 3 500 000 € ;

– Villa Vista à Nice : 812 000 € ;

– 6 maisons d’habitation, atelier et logement Cité du Blamont à Amiens : 1 277 000 € ;

– Ex-arsenal Saint-Vincent à Laon : 629 000 €.

Pour 2007 le montant prévisionnel des cessions estimé par la MRAI est de l’ordre de 70 M€ pour 87 emprises ou fractions d’emprise.

Les acquéreurs des biens cédés sont en très grande majorité des collectivités publiques, essentiellement des collectivités locales. Sur la période considérée et les 586 dossiers remis aux services fiscaux, les acquéreurs ne sont connus de la DPMA que dans 363 cas. On relève notamment dans cet ensemble :

– 168 communes, soit 46 % ;

– 19 communautés d’agglomérations ou urbaines, soit 5 % ;

– 28 départements ou régions, soit 8 % ;

– 31 ministères, soit 10 %.

– Ainsi, dans plus de la moitié des cas (59 %), les ventes ont été effectuées au profit de collectivités locales souvent pour des travaux de reconversion dans des agglomérations touchées par la fermeture d’un site militaire.

– En ce qui concerne plus particulièrement l’année 2006, les 83 dossiers traités par la MRAI se sont répartis de la façon suivante :

– 42 immeubles ont été acquis par des communes ou des groupements de communes ;

– 5 immeubles ont été acquis par des départements ou des régions ;

– 20 immeubles ont été acquis par des particuliers, des sociétés privées ou nationales ou des établissements publics ;

– 15 immeubles ont été acquis par des particuliers après adjudication publique ;

– un immeuble a fait l’objet d’un changement d’affectation.

2. Les acquisitions

Au cours de la période 2002-2006, les acquisitions34 (hors changements d’affection) ont porté sur quelques 121 ha pour un montant de plus de 9 M€ principalement auprès de collectivités territoriales.

La Gendarmerie nationale a été le principal acquéreur en valeur avec un montant de plus de 6,28 M€ ; il s’est agi principalement de casernes dans les départements de Haute-Corse, Côte d’Or et Hérault.

En surface, l’armée de l’air et la DGA ont été les principaux acquéreurs, avec respectivement 75 et 40 ha (95 %).

DES PROCÉDURES GÉNÉRATRICES DE DÉLAIS IMPORTANTS

1. La segmentation du patrimoine, première étape récente de la procédure de cession

Un patrimoine segmenté en trois catégories selon son utilité

La DMPA a lancé en 2003 un travail de classement de l’ensemble des emprises domaniales métropolitaines du ministère de la défense en fonction d’un critère d’utilité au regard des missions des différents attributaires.

Cette segmentation, périodiquement mise à jour, a notamment permis d’identifier les emprises cessibles, l’objectif étant de faciliter les cessions afin de rationaliser l’utilisation du patrimoine immobilier.

Dans le cadre de ce recensement, trois grandes catégories ont été créées afin de déterminer:

– les biens utiles aux besoins des armées (catégorie 1), immeubles dont le caractère opérationnel apparaît comme incontestable ;

– les biens cessibles sous réserve de reconstitution du potentiel (catégorie 2.1) ou cessibles mais dont la cession n'est pas souhaitable (par exemple, en raison de pollutions) ou difficile (catégorie 2.2) ;

– les biens inutiles et par conséquent immédiatement cessibles (catégorie 3). Les immeubles susceptibles de changement d'affectation au profit d'une autre administration entrent dans cette catégorie.

– Le reclassement d'un immeuble s’effectue selon trois modalités : par la volonté de l’attributaire, lors de réunions « segmentation » d’une fréquence annuelle ; sur accord écrit de sa part à l’occasion d’une cession, ou bien encore lors de la validation d’un schéma directeur interarmées.

– Le principe d’une segmentation des actifs immobiliers en vue d’en rationaliser l’utilisation est utile dans son principe. Encore conviendrait-il qu’elle soit réalisée en fonction de critères de classification clairement établis, ce qui n’est pas le cas. Il n’est ainsi possible ni d’en apprécier valablement la pertinence, ni de vérifier le caractère réellement opérationnel des moyens immobiliers que le Ministère souhaite conserver. Il n’est pas impossible que les marges réelles dont dispose le Ministère en matière de cessions dépassent les résultats de la segmentation.

L’état actuel de la segmentation

Globalement, en l’état actuel de la segmentation, sur quelques 3 600 emprises domaniales segmentées, (hors logements et emprises situées en outre-mer), environ 62 % des emprises sont considérées comme utiles aux besoins des armées (catégorie 1), soit 2 250 emprises environ ; 21 % comme inutiles et immédiatement cessibles (catégorie 3), soit 751 emprises. Les 17 % restants (599 emprises) sont considérées comme cessibles sous conditions ou difficilement cessibles (catégories 2.1 et 2.2). L’ensemble des emprises cessibles représente donc 1 350 emprises soit quelques 37 % du total des emprises segmentées et 15 636 ha soit quelques 5,70 % de la surface d’emprise totale du ministère de la défense en métropole.

7. Patrimoine immobilier segmenté cessible

Catégories

Nombre

Surface d’emprise

(ha)

Catégorie 3

751

9 721

Catégorie 2-1

210

474

Catégorie 2-2

389

5 441

 

1 350

15 636

(Source SGA/DMPA)

• Ce bilan reste très partiel. Les quelques 3 600 emprises segmentées ne représentent que deux tiers des emprises devant faire l'objet d'une classification en métropole. La segmentation n'a pas été entamée outre-mer.

2. Les particularités du ministère de la défense

Plusieurs éléments spécifiques aux opérations de cession du ministère de la défense contribuent à allonger les délais de réalisation.

Des obligations réglementaires spécifiques

Avant toute procédure d'aliénation, le ministère doit se conformer à des obligations réglementaires spécifiques particulièrement lourdes.

Le décret du 4 mars 197635 modifié impose au ministère de la défense de dépolluer ses terrains avant tout changement d’affectation au profit d’un service civil de l’Etat, d’une collectivité territoriale ou d’un organisme public, toute cession et toute occupation à titre privatif. Ces opérations demeurent de sa compétence lors des travaux d’aménagement réalisés par le nouvel occupant en vue de la nouvelle destination des terrains, et pendant une période de dix ans après leur achèvement. Ce dispositif juridique a été récemment assoupli par un décret du 26 octobre 200536 visant à permettre aux entreprises privées d’intervenir pour des opérations d’enlèvement, de neutralisation et de destruction des engins explosifs dans des chantiers ouverts et conduits par les services de la défense ; cependant, le contenu de l’étude de sécurité pyrotechnique, prévue par ce texte, préalable à l'exécution des travaux, réalisée par l'entreprise titulaire du marché, et destinée servir de base aux contrôles de l’inspection du travail, reste à préciser.

Cependant pour accélérer les cessions d’emprises au profit d’opérateurs gérant des logements destinés aux personnels de la Défense, l’article 130 de la loi de finances rectificative pour 2004 autorisant la cession à l’amiable à ces opérateurs des biens domaniaux reconnus inutiles à la Défense, prévoit que, lorsque ces emprises doivent faire l’objet d’une dépollution avant leur aliénation, l’État peut confier, sous sa responsabilité, la gestion et le financement des opérations de dépollution à l’opérateur bénéficiaire de la cession. Ce dispositif applicable aux cessions décidées avant le 31 décembre 2005 a été pérennisé par l’article 126 de la LFR pour 2005.

Des opérations complexes

La complexité de certains dossiers d’aliénation liés à des opérations de reconversion de sites militaires qui, souvent constitués d'emprise importantes au centre ou à proximité d'agglomérations, impose au ministère de la défense, propriétaire, de dégager avec ses divers interlocuteurs (acheteurs potentiels, collectivités locales et autres administrations de l’Etat) les potentialités des sites.

La MRAI fait ainsi réaliser des études de reconversion37 sur divers aspects de l'opération : diagnostic de chacun des bâtiments et capacité à trouver un usage autre que militaire, évolution du plan local d’urbanisme, découpage possible de l'emprise et affectation des parcelles, nature des activités possibles, bilan global de l’opération d’aménagement.

Le ministère de la défense considère que les études commandées par la MRAI constituent un apport à la négociation ; elles permettent d’éclairer les acheteurs potentiels sur les possibilités de réutilisation des emprises et d'élaborer un projet qui aura une incidence sur le prix de cession du bien38.

Une multiplicité d’intervenants

La procédure d’aliénation se caractérise par la multiplicité des acteurs : DMPA, direction centrale et échelons locaux du service d’infrastructure de la défense, MRAI, France Domaine et services fiscaux. Elle s'écarte rarement d'un schéma établi.

Une fois le bien classé en catégorie 3 (biens ayant vocation à être cédés) par la DMPA et l’accord de l’attributaire obtenu, la direction centrale du service d’infrastructure de la défense (SID) procède à une consultation inter services (CIS) afin de s’assurer que le bien immobilier à céder n’est pas susceptible d’intéresser une autre armée ou direction au sein du ministère de la défense. Le dossier d’aliénation est alors constitué par les échelons locaux du SID afin de requérir l’accord définitif de l’attributaire. La DMPA mandate ensuite la MRAI qui, en liaison avec les échelons locaux du SID engage les négociations puis demande l’accord ou l’avis de France Domaine. La DMPA, après, le cas échéant, agrément du ministre, prend la décision de déclassement du domaine public, s'il y a lieu, et de remise aux services fiscaux. Les échelons locaux du SID sont chargés de produire et faire signer aux services fiscaux le procès verbal de la décision prise par la DMPA. Ces derniers procèdent à la vente, signent l’acte avec les acquéreurs et les échelons locaux du SID et le font enregistrer. Après paiement par l’acquéreur auprès des services fiscaux, les échelons locaux du SID mettent à jour le système d’information et adressent à la DMPA le compte rendu d’exécution de l’opération.

3. Les délais de traitement des dossiers

La mise en œuvre des procédures de cessions, en particulier d’aliénation, exige des délais importants. Sur un échantillon de 1 477 dossiers d’aliénations ou de changements d’affectation extraits de la base segmentation (dossiers en cours ou clos, pour lesquels un acte de procédure est intervenu à un stade quelconque entre le classement du bien en catégorie 3 et l’acte de vente) dont 928 ont donné lieu à décision de remise aux services fiscaux prises localement ou par la DMPA et 711 à la signature d’un acte de vente ou d’un arrêté de changement d’affectation, les délais moyens suivants ont été observés par la DMPA  selon les différentes étapes de la procédure :

1. entre le lancement de la consultation inter services et le mandatement de la MRAI : 18 mois ;

2. entre le mandatement de la MRAI et la remise du dossier à la DMPA  pour la prise de décision : 32 mois.

Ce délai recouvre aussi bien les négociations MRAI que les études d’aménagement du site, le dossier envoyé par la MRAI devant comporter au minimum l’engagement d’acquérir, la délibération de la collectivité locale et l’avis des services fiscaux ;

3. entre la remise du dossier par la MRAI et la prise de décision de remise aux services fiscaux ou d’autorisation du changement d’affectation par la DMPA : 7 mois.

La prise de décision autorisant la remise au service France Domaine ne peut intervenir qu’au vu d’un dossier complet qui doit comporter, notamment l’attestation de dépollution pyrotechnique ;

4. entre la prise de décision (locale ou par la DMPA) et la signature de l’acte : 14 mois.

Ce laps de temps comprend la réalisation des procédures liées aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), les différents diagnostics (plomb, amiante, performance énergétique, etc..) et la signature du procès-verbal (PV) de remise aux services fiscaux. Le délai moyen entre la prise de décision et le procès-verbal de remise est de 5 mois.

Ainsi, pour réaliser l’aliénation d’un bien immobilier, il s’écoule en moyenne près de 6 ans (71 mois) entre le lancement du processus interne au ministère de la défense et la signature de l’acte de vente. Dans ce total, la part du délai plus particulièrement visible aux yeux de l’acheteur (en général une collectivité locale), entre le moment où il prend la décision d’acquérir (dossier traité par la MRAI et remis à la DMPA pour décision) et celui de la signature de l’acte de vente est de 21 mois.

Au rythme d’environ 83 dossiers par an traités par la MRAI (moyenne annuelle observée pendant la période sous revue) et compte tenu d’un délai moyen de 6 ans pour traiter un dossier, il apparaît que les quelques 1 350 emprises actuellement considérées comme cessibles pourraient être vendues d’ici à près d’un quart de siècle (22 ans), à condition bien évidemment de trouver preneur. Ce constat pose la question du coût de possession d’actifs devenus inutiles.

L’ORGANISATION DE LA FONCTION IMMOBILIÈRE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

L'organisation de la fonction immobilière au sein du ministère de la défense est particulièrement complexe et mérite d'être présentée dans son ensemble, Certains éléments de cette organisation ayant fait l'objet de développements dans les pages qui précèdent.

LES SERVICES DU MINISTÈRE : UNE MULTIPLICITÉ D’INTERVENANTS

Les textes régissant la fonction immobilière et fixant la répartition des compétences résultent actuellement:

– du décret du 25 mars 1993 portant délégation de pouvoirs du ministre de la défense et délégation de signature en matière d'opérations domaniales ;

– du décret du 30 mars 2000 relatif à la gestion et à l'administration de l'infrastructure du ministère de la défense, modifié par le décret du 8 février 2006 ;

– de l’arrêté du 16 novembre 2005 fixant les limites de l’exercice de certaines compétences confiées aux autorités appartenant à l’administration centrale du ministère de la défense. Cet arrêté donne compétences au délégué général pour l’armement en matière d’opérations domaniales et de logement du personnel pour un certain nombre d’actes soumis à des conditions d’exercice précises.

– Les décisions relatives à la constitution du domaine relèvent désormais de la compétence générale de France Domaine39, à l'initiative et avec l'assistance du ministère de la défense, qui en application de l'article 16 de l'ordonnance de 1959 portant organisation générale de la défense codifié à l'article L.1142-1 du code de la défense, « est responsable sous l'autorité du Premier ministre, de l'exécution de la politique militaire et en particulier [...] de l'infrastructure militaire [...] nécessaire à l'ensemble des forces ».

LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL POUR L’ADMINISTRATION (SGA) ET SES SERVICES

Aux termes de l’article 7 du décret du 30 mars 2000 : « le secrétaire général pour l'administration propose au ministre, en liaison avec les états- majors, directions et services, la politique immobilière d'ensemble du ministère en matière domaniale, d'infrastructure, d'environnement et de logement, et notamment la programmation des crédits relatifs à cette politique immobilière. Il en assure la mise en œuvre en coordination avec les attributaires ».

L’article 2 du décret 99-164 prévoit que le SGA « peut habiliter les commandants de région terre, de région et d'arrondissement maritimes, de région aérienne et de région de gendarmerie à représenter le ministre de la défense auprès des services déconcentrés de l'Etat. »

La responsabilité du secrétaire général pour l'administration en matière d'infrastructure du ministère de la défense est triple :

– fonctionnelle : le SGA est responsable, en tant que grand subordonné du ministre, de la politique immobilière du ministère, de sa définition et de sa mise en application ;

– budgétaire et financière : il est responsable budgétaire du programme 212 «soutien de la politique de Défense» ;

– technique, sur la conduite des opérations d'infrastructure du ministère la DCSID lui étant rattachée.

– Le SGA dispose de deux directions qui assurent chacune une partie de ces attributions: la DMPA et, depuis 2006, le SID (direction centrale et échelons locaux).

La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA)

La DMPA a été créée en novembre 1999 (décret n° 99-949 du 15 novembre 1999). En vertu de l’article 28 du décret du 8 mars 1999, elle « élabore et met en oeuvre la politique d'ensemble du ministère en matière immobilière et domaniale. Elle coordonne l'élaboration et la mise à jour des schémas directeurs des implantations des organismes et services du ministère et en établit le plan de localisation. Elle élabore et met en oeuvre la politique du logement au sein du ministère. Dans la région Ile-de-France, elle attribue les logements au profit du personnel civil et militaire de la défense et assure la gestion du parc ». Elle conduit les négociations en vue de l'aliénation des immeubles reconnus inutiles au ministère de la défense et mène éventuellement des études de réaménagement de sites. Elle représente le ministère de la défense au sein du Comité d’orientation de la politique immobilière de l’État et auprès du secrétaire général du Conseil immobilier de l’État qui le préside.

La DMPA élabore et met en oeuvre la politique culturelle et éducative du ministère de la défense, la politique domaniale et immobilière et la politique des archives et des bibliothèques. Elle participe à la politique de l'État dans le domaine de la mémoire.

Elle assure les relations avec le service France Domaine pour la mise en œuvre de la modernisation de la gestion du patrimoine immobilier de l’État : élaboration des schémas pluriannuels de stratégie immobilière, mise en place des loyers budgétaires.

Par l'intermédiaire de la Mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI) qui lui est rattachée, elle procède aux études de reconversion et mène les négociations de vente du patrimoine dont les armées n'ont plus l'utilité. La DMPA (direction et MRAI) assure les relations du ministère de la défense auprès du délégué interministériel pour le développement de l’offre de logement (DIDOL).

La DMPA est responsable du budget opérationnel de programme (RBOP) de l'action 212 75C ; à ce titre elle assure la gestion financière et budgétaire des crédits centralisés sur ce BOP et présente à ce titre au responsable de programme les propositions de financement. Elle fait réaliser les programmes arrêtés par le ministre et gère les crédits correspondants.

Les décisions relatives à l'occupation du domaine sont de la compétence des attributaires, dans la limite de 150 000 € par an. La DMPA doit donner une autorisation préalable en ce qui concerne les décisions supérieures à 150 000 €. La mise en œuvre des décisions incombe alors au SID.

Enfin, la DMPA gère la politique du logement menée par le ministère à l’égard de ses personnels (hors gendarmerie nationale). Elle est menée au niveau central par la DMPA et notamment son bureau du logement (BILRIF), qui a pour mission d’animer et de coordonner la politique du logement familial dans tous ses aspects.

La mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI)

Les contraintes budgétaires s’ajoutant aux réorganisations de l’appareil militaire ainsi qu’au souci d’améliorer l’offre foncière, ont conduit le ministère de la défense à adopter une politique active de cessions et à se doter, en 1987, d’un service spécifique, la Mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI). La MRAI est rattachée au Secrétariat général pour l’administration et fait partie de la DMPA. Son rôle est de négocier la vente des biens immobiliers devenus inutiles aux armées en raison de restructurations et de regroupements géographiques en développant partout où cela est possible un partenariat avec les collectivités locales.

Il s’agit d’une structure légère, qui comprend douze personnes. Six d’entre elles sont des négociateurs, à chacun desquels une zone territoriale est attribuée, la MRAI a traité et conclu depuis sa création, plus de 1850 dossiers représentant un montant total de 840 M€.

Le service d’infrastructure de la défense (SID)

Le 12 septembre 2005, les trois directions centrales d'infrastructure (direction centrale du génie, direction centrale de l'infrastructure de l'air, direction centrale des travaux immobiliers et maritimes) ont été fusionnées pour donner naissance à un service d'infrastructure unique, directement rattaché au secrétariat général pour l'administration (SGA) : le Service d'infrastructure de la défense (SID).

Le SID a pour mission d’assurer le soutien comme l’adaptation de l'infrastructure et du domaine immobilier du ministère de la défense en métropole et sur les théâtres d'opérations extérieures (Afghanistan, Kosovo, Côte d'Ivoire, …). Il est gestionnaire des crédits d'infrastructure et assiste le SGA et les états-majors dans ses domaines de compétence. Il intervient aussi bien sur le sol national que sur les théâtres d'opérations extérieures pour répondre aux besoins des forces.

Ce regroupement des trois services constructeurs de la défense s'inscrit dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme. Il vise à donner au ministère une meilleure maîtrise des dépenses et à lui permettre d’assurer plus efficacement sa politique immobilière. Grâce à cette mutualisation des moyens entre les armées, la répartition des responsabilités entre maître d'ouvrage et maître d'œuvre se trouve clarifiée. Ce regroupement vise également à faciliter l'identification de la fonction infrastructure du ministère et à améliorer la qualité de la filière des métiers liés à la fonction immobilière.

L'inventaire permanent du domaine immobilier est de la compétence du SID, qui est chargé de la mise en œuvre des décisions relatives à la constitution et à l'occupation du domaine. Il est ainsi le dépositaire des actes qui permettent d’assurer cet inventaire : documents relatifs à la conservation des actes, plans, bases domaniales, cadastre, comptabilité patrimoniale.

Les échelons locaux du service ont délégation pour mettre en œuvre les procédures avec les services de France Domaine.

Le SID dispose d'une couverture territoriale étendue, tant sur le territoire métropolitain qu’en dehors de la métropole par une présence en outre-mer et à l'étranger auprès des forces pré-positionnées, à savoir :

- en métropole :

- une direction centrale du SID (DCSID), située à Versailles (280 personnes issues des armées terre, air, marine et gendarmerie)

- 3 directions des travaux maritimes (DTM) : Brest, Cherbourg et Toulon

- 4 directions régionales du génie (DRG) : Bordeaux, Lyon, Metz et Rennes auxquelles s’ajoute la direction régionale Ile-de-France du SID.

- 17 établissements du génie (EG) sur tout le territoire métropolitain, relayés par 120 services locaux d'infrastructure

- 2 services techniques : le service technique des bâtiments, fortifications et travaux (STBFT) et le service technique des travaux immobiliers et maritimes (STTIM), basés respectivement à Versailles et à Paris

- l'école nationale des travaux maritimes (ENTM), sur le site de l'école nationale des travaux publics de l'Etat (ENTPE), à Vaulx-en-Velin.

- hors métropole :

- 7 directions de travaux outre-mer (DT) : Cayenne, Dakar, Djibouti, Fort-de-France, Nouméa, Papeete et Saint-Denis

- 3 services locaux constructeurs à l'étranger (SLC) : Libreville, Port-Bouêt et N'Djamena.

Enfin, sur les théâtres d'opérations extérieures les personnels du SID soutiennent les troupes projetées pour leur installation et participent aussi à des missions humanitaires.

Au 31 décembre 2006, l’effectif du SID est de 4 444 personnes (en ETPF), 1 126 militaires et 3 318 civils. Les personnels du SID interviennent à tous les niveaux : maîtrise d'ouvrage (conduite et suivi des opérations d'infrastructure) et maîtrise d'oeuvre (conception et contrôle de la réalisation des projets d'infrastructure) ; assistance du commandement en matière d'infrastructure, sur le plan technique, administratif et financier ; passation des marchés sur le plan administratif et comptable ; gestion domaniale, entretien et conservation du patrimoine immobilier de la défense ; création, développement et soutien des outils informatiques adaptés au SID ; administration et gestion du personnel civil et militaire.

En outre, l'école supérieure et d'application du génie (ESAG) délivre la formation statutaire et la formation continue nécessaires aux agents qui serviront dans le SID.

Il convient de souligner que concernant spécifiquement l’armée de l’air, c’est le ministère de l'équipement qui réalise la plus grosse part des ses investissements et est son principal partenaire. C’est lui, en effet, qui intervient en effet pour le soutien des bases aériennes comportant une plate-forme aéronautique. Cette action mobilise quelques 800 agents, qui sont répartis au sein de la direction centrale du SID, du service technique de l'aviation civile (STAC), des trois services spéciaux des bases aériennes (SSBA du sud-est, sud-ouest et Ile-de-France) et de 35 directions départementales de l'équipement (DDE). Les services spéciaux des bases aériennes (SSBA) et les DDE sont « services locaux d'infrastructure » (SLI) et disposent d'implantations sur les bases soutenues.

LES AUTRES ACTEURS DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE

Le chef d’État major des armées :

Le chef d’État major des armées veille à la cohérence de l'organisation des armées et donne, à ce titre, son avis sur les propositions des chefs d'état-major, qu'il transmet au ministre (art. 8 du décret du 21 mai 2005).

Il définit les priorités interarmées en matière d'infrastructures et approuve celles des armées et veille à leur prise en compte (art. 9 du décret du 21 mai 2005).

Les chefs d'état-major (CEMAT, CEMAA et CEMM) :

Les chefs d'état-major expriment les besoins en matière d'infrastructure de leur armée, proposent au secrétaire général pour l'administration les programmes correspondants en fonction des priorités définies par le chef d'état-major des armées et en suivent la réalisation Ils organisent et assurent l'entretien et le soutien logistique de leur armée dans le cadre des directives du chef d'état-major des armées.

Aux termes de deux instructions, en date respectivement du 1er juillet 2001 et du 3 mars 2004, les chefs d’état major des armées de terre et de l’air sont responsables du maintien en condition de leurs infrastructures. Par la suite, l’arrêté du 22 novembre 2005 est venu disposer, par son article 3, que la DCSID élabore la politique en matière de gestion technique du patrimoine. Il n’apparaît pas que les conséquences de ce dernier texte aient encore été tirées par une nouvelle instruction ministérielle.

Le service des moyens généraux (SMG) :

Le SMG,  dont l'activité principale dans le domaine de l'infrastructure consiste à assurer la maîtrise d'ouvrage des immeubles de l'administration centrale, conduit aujourd'hui, dans le cadre du schéma directeur de l'Îlot Saint Germain, les relocalisations des services du cabinet du ministre et du SGA, ainsi que les travaux de refonte de la protection incendie, de la sûreté et de la prévention du risque d'inondation de ce site. Il mène également, dans le cadre du schéma directeur d'Île-de-France, la restructuration de deux bâtiments du site de Saint Thomas d'Aquin, et la mise en sécurité contre les risques incendie de la tour « A »" de la cité de l'air. Il assure de plus le maintien en condition des installations du centre automobile de la défense (CAD).

La direction des affaires financières :

La DAF, ordonnateur principal du ministère, est responsable de l’exécution de la loi de finances, assure la synthèse des données financières et budgétaires ; à ce titre elle connaît donc des implications financières du domaine immobilier.

Les attributaires et les occupants :

Les principaux attributaires que sont les états majors, directions ou services assurent la gestion des biens immobiliers mis à leur disposition ou sous leur garde (art. 4 du décret du 30 mars 2000). Ils interviennent dans la définition de la politique immobilière notamment la programmation des opérations d'infrastructure.

Selon l’arrêté du 9 février 2001, la liste des attributaires est fixée limitativement par le ministre. Sont actuellement inclus dans cette liste l’état major des armées, l’état major de l’armée de terre, l’état major de la marine, l’état major de l’armée de l’air, la direction générale de la gendarmerie nationale, la délégation générale de l’armement, la direction centrale du Service de santé des armées, la direction centrale du service des essences des armées, la direction de la mémoire du patrimoine et des archives, le service des moyens généraux, le service historique de la défense, les établissements publics administratif (écoles de la DGA, Caisse nationale militaire de sécurité sociale, ...) ou industriel et commercial (Economat des armées).

La compétence des autorités militaires territoriales est fonction de l’organisation de chaque armée.

Il est envisagé que pour chaque emprise domaniale, la DMPA soit amenée à désigner un attributaire unique. Celui-ci pourrait alors avoir toute latitude pour établir des protocoles d'accord avec les différents occupants afin de définir les modalités de soutien sur le site. La désignation d'un attributaire unique permettrait d’éviter la multiplication des interlocuteurs sur un site donné et faciliterait ainsi la cohérence de la réalisation des schémas directeurs ou de la programmation des travaux d'infrastructure.

Le comité de coordination de la fonction infrastructure du ministère de la défense :

L’article 19 du décret n° 2000-288 du 30 mars 2000 prévoit la mise en place d’un comité de coordination de la fonction infrastructure, présidé par le secrétaire général pour l’administration.

Ce comité se réunit au minimum une fois par an à l’initiative du secrétaire général pour l’administration, qui en fixe l’ordre du jour après examen des propositions présentées par les états-majors, directions et services.

Les états-majors, directions et services sont tenus à la communication d’un bilan des opérations retenues. Ce bilan ainsi que les principaux projets doivent être adressés deux mois avant la réunion du comité de coordination de la fonction infrastructure.

C’est la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives qui assure le secrétariat de ce comité.

Le décret n° 2006-131 du 8 février 2006 est venu modifier le décret n° 2000-288 du 30 mars 2000. Désormais : « Le comité de coordination de la fonction immobilière examine les orientations de la politique immobilière de la défense ; il propose au SGA, sur la base des propositions des états-majors, directions et services établies,…, la programmation des crédits couvrant les dépenses immobilières du ministère répondant aux besoins organiques et opérationnels des forces, aux besoins des divers organismes de soutien, à la satisfaction des besoins opérationnels de la gendarmerie nationale, au logement du personnel et des familles et au fonctionnement du service infrastructure ».

L’ACCOMPAGNEMENT DES RESTRUCTURATIONS

La délégation interministérielle aux restructurations de défense (DIRD) :

Le décret n° 96-561 du 28 mars 1996 a créé un comité interministériel pour les restructurations de défense, chargé de délibérer sur les mesures d’accompagnement et d’en évaluer l’impact afin de permettre de faire face aux effets de la réduction des personnels des entreprises liées aux activités de Défense. La délégation interministérielle aux restructurations de défense (DIRD), placée auprès Premier ministre, travaille en partenariat avec les collectivités pour aider à la reconversion économique de sites précédemment liés aux activités de défense. Elle prépare les délibérations du comité interministériel et coordonne l’action des ministères concernés par les restructurations de défense. Elle comprend six personnes.

Le fonds pour les restructurations de la défense (FRED) :

Créé par la loi de finances n° 91-1322 du 30 décembre 1991, le FRED voit ses modalités d’intervention définies par la circulaire n° 2-0017 DEF/SGA/DAR du 14 janvier 1992, actualisée par plusieurs circulaires postérieures, la dernière en date étant celle du 20 mars 2000.

La mise en oeuvre du FRED fait appel à plusieurs intervenants, la DIRD qui préside la commission nationale d’attribution du FRED, le SGA qui notifie au préfet concerné les décisions d’attribution de la commission nationale et le service des moyens généraux (SMG) du ministère de la défense qui en tant que responsable du BOP « administration centrale » délègue aux préfets les autorisations d’engagement et les crédits de paiement relatifs aux décisions concernant le FRED, la DAR, la direction des affaires financières, la DMPA et la MRAI qui sont membres de la commission.

Ce fonds intervient par le biais de subventions permettant de pallier les conséquences locales induites par les restructurations des entreprises oeuvrant dans le domaine de l’armement, soumises à une réduction drastique de leur activité industrielle ou à la baisse de leurs effectifs, en raison de la réduction du format des armées.

Le FRED fonctionne sur le programme 212 « Soutien de la politique de défense » -Action 3 « Gestion centrale » et relève du BOP 21277C « Administration centrale ».

Une enveloppe financière annuelle, fixée par le ministre de la défense, est affectée aux actions de restructuration. Ce fonds, doté de 9,7 M€ de CP en 2006 et 1,7 M€ en 2007, a permis d’investir 200 M€ en dix ans et généré plus de 25 000 emplois. Il joue également un rôle de levier pour mobiliser des fonds nationaux ou européens dans un ratio de 1 à 5.

La délégation d’accompagnement des restructurations (DAR) :

Créée par l'arrêté du 27 août 1991, la délégation aux restructurations (DAR) assure, sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration (SGA), la coordination de l'ensemble des opérations de restructurations du ministère et la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement économique et d'accompagnement social. La DAR se compose d’un officier supérieur, responsable des aspects militaires et domaniaux ; d’un contrôleur des armées, responsable des aspects sociaux ; d’un ingénieur général de l'armement, responsable de l'accompagnement économique.

L’IMMOBILIER DE LA DÉFENSE ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Le Fonds interarmées de dépollution (FID) :

Afin d’accélérer la dépollution des emprises du ministère, un fonds interarmées de dépollution (FID) a été créé en 2005 pour financer ces opérations (dépollution pyrotechnique, industrielle, chimique,…). Il a été doté de 74,6 M€ en 2005, dont seul 1,48 M€ a pu être effectivement engagé sur l’exercice. En effet, les textes juridiques permettant aux entreprises privées d’intervenir en matière de dépollution pyrotechnique ont été pris tardivement40. Les opérations prévues en 2005 ont été engagées pour un montant supplémentaire de 27,4 M€ en 2006. Depuis 2006, les opérations nouvelles inscrites au FID sont financées par le compte d’affectation spéciale qui est alimenté par le produit de ventes de terrains et d’immeubles de la Défense.

Au-delà de l’assainissement de certaines zones (une soixantaine d’opérations de dépollution sont programmées), le FID permet également le financement de projets de reconversion, comme celui de l’ancienne poudrerie nationale de Braqueville.

Depuis 2007, ce fonds n’est plus alimenté, les crédits nécessaires à la dépollution étant désormais prélevé sur le BOP Défense du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l’Etat ».

LES SYSTÈMES D’INFORMATION DE LA FONCTION IMMOBILIÈRE

UN SYSTÈME D’INFORMATION DÉFAILLANT

Le volet relatif au domaine « ressources immobilières » du schéma directeur stratégique des systèmes d’information d’administration et de gestion (SIAG) du ministère de la défense recense quatre applications informatiques principales dans le système d’information concernant l’immobilier.

Trois relèvent du SID :

- PLIMAT : progiciel initialement destiné à la liquidation des marchés de travaux puis élargi ultérieurement à la conduite d’opérations ;

- SAGRI 1: principal progiciel et base de gestion domaniale du patrimoine immobilier du ministère ;

- Outil des SLI (services locaux d’infrastructure) qui permet l’accès, au niveau local, à diverses données (suivi des opérations d’infrastructures ; informations comptables ; renseignements domaniaux).

Une application relève de la DMPA :

- GALILEE : application de la chaîne logement (gestion du parc immobilier, gestion des demandes et des attributions de logements, gestion des locataires…).

Ce système d’information - qui interagit avec d’autres systèmes de gestion périphériques internes ou externes au ministère de la défense, notamment dans les domaines des ressources humaines ou de la comptabilité -, se caractérise par la simple juxtaposition des systèmes issus des trois services constructeurs fusionnés au sein du SID. En outre, certaines applications sont aujourd’hui techniquement obsolètes et fonctionnellement très incomplètes.

C’est le cas de SAGRI 1, progiciel en fin de vie, dont les lacunes ont été relevées par la Cour des comptes lors des missions intermédiaires menées en vue de la certification des comptes 2006.

SAGRI est parcellaire et propre au SID. Les immeubles qui y figurent sont ceux gérés par le SID et les immeubles d'administration centrale gérés par le SMG. Si on y trouve les immeubles attribués à l’armée de terre, la marine, l’armée de l'air, la gendarmerie (gendarmeries domaniales et relais rubis), au service des moyens généraux de l’administration centrale, au service des essences, du service de santé des armées, à l’action sociale et les logements domaniaux, en revanche, n’y sont pas pris en compte les prises à bail des gendarmes, les immeubles relevant des anciens combattants, les cimetières nationaux et étrangers, et les hauts lieux de mémoire. De plus, elle n’intègre pas les données relatives aux actifs immobiliers de l’outre-mer et de l’étranger.

Ses fonctionnalités ne permettent pas également de répondre de manière satisfaisante aux besoins de rapprochement et de mise en cohérence avec les données du tableau général des propriétés de l’Etat (STGPE). Selon le ministère de la défense, ces rapprochements sont difficiles s'agissant du recensement des occupations : « cette notion est, d'après ses indications, difficilement applicable au parc immobilier de la Défense, car beaucoup d'immeubles possèdent de nombreux bâtiments aux utilisations, années de construction et état d'entretien hétérogènes ; de surcroît, le STGPE n'accepte que cinq occupations par UA alors que les emprises de la Défense peuvent donner lieu à un nombre d'occupations très nettement supérieur ».

Compte tenu de ses imperfections, le ministère de la défense a tenté de faire évoluer cet outil vers une version SAGRI 2. Cette application lancée en 2002 qui n’a pas fait l’objet d’une véritable appropriation de la part des armées et des directions, a été abandonnée en 2006. SAGRI 1 est aujourd’hui utilisé par l’ensemble des services mais certains d’entre eux ayant cessé de le mettre à jour pendant la période de migration vers SAGRI 2, cette carence a nuit à l’exhaustivité et à la fiabilité des informations immobilières traitées. L’application est aujourd’hui en fin de vie, il n’est pas prévu de la maintenir après 2007.

De plus, la multiplicité des applications et le cloisonnement des réseaux interdisent quasiment les échanges, ce qui a conduit à l’existence d’applications annexes de type Excel ou Access pour répondre à des besoins spécifiques.

LA NÉCESSITÉ D’UNE ÉVOLUTION PRISE EN COMPTE : G2D, UN PROJET STRATÉGIQUE POUR LE SERVICE DE L’INFRASTRUCTURE DE LA DÉFENSE (SID).

La création du SID, les exigences de la LOLF (nouveaux besoins d’informations des responsables de programmes ou de budgets opérationnels de programmes) et le contexte instauré par les nouvelles orientations de la politique immobilière de l’Etat (besoins au titre du schéma pluriannuel de stratégie immobilière) ont convaincu le ministère de la défense de la caducité de ses outils actuels et l’ont placé devant la nécessité de procéder à une profonde refonte du système d’information immobilier.

Dans ce cadre, le SID joue un rôle central  à la fois, en tant que service gestionnaire, responsable de budget opérationnel de programme, service constructeur et gestionnaire de patrimoine. A ce dernier titre, il est chargé de la conduite des opérations domaniales et donc de la tenue à jour de la base de données domaniales sur le STGPE et sur l’outil SAGRI ; il assure aussi le contrôle des inventaires et l’établissement des certificats de conformité du bilan en matière d’immobilisation du parc immobilier pour la certification des comptes. Dans l’accomplissement de son rôle de responsable d’inventaire, il procède à l’étude et à la validation des documents transmis par les services gestionnaires et au rapprochement des renseignements présents dans le STGPE et SAGRI sur un échantillonnage des UA. En effet, c’est sur la base de la cohérence des données entre les deux applications que la Défense confirme la validité des informations fournies auprès de la Cour, du département comptable ministériel et des services de la direction générale impôts.

Après l’identification des besoins du domaine « ressources immobilières »41 dont il est prévu que les applications devront pouvoir s’interfacer avec les applications support (RH, finances …) ministérielles ou interministérielles42, trois projets majeurs ont été lancés ; il s’agit de la réalisation et de la mise en service entre 2007 et de 2009, d’un outil de conduite des opérations du service d’infrastructure (COSI), d’un outil de gestion technique du patrimoine (GTP) et d’un outil de gestion du domaine de la défense (G2D) destiné à remplacer SAGRI 1.

A partir de fin 2007 -date prévue pour l’arrêt de la maintenance de SAGRI 1- le SID devra pouvoir disposer de G2D, outil moderne permettant aux agents domaniaux de mettre à jour le référentiel domanial au profit de tous les organismes référents. Le référentiel domanial doit intégrer les nouvelles technologies pour permettre de disposer des données domaniales au sein d’un système général de base de données standard facilement interrogeable au moyen d’un logiciel de requêtes grand public. A ce jour, la version expérimentale du projet fonctionne sur les serveurs internes du service. Les campagnes de test ont commencé et il est prévu des sessions de formation pour les futurs utilisateurs. L’application sera déployée prioritairement à l’automne sur trois sites pilotes (l’établissement du génie de Tours, la direction des travaux maritimes de Toulon et la base aérienne 123 d’Orléans).

Pour couvrir les besoins en matière de pilotage de la politique immobilière du ministère assurée par la DMPA, une remontée des données stratégiques sera organisée au niveau d’un entrepôt central de données (Infocentre) à partir duquel seront construits les flux permettant de satisfaire aux besoins des utilisateurs tant internes qu’extérieurs au service.

Le caractère lacunaire et parfois techniquement dépassé des applications informatiques de gestion immobilière n'est pas récent et a déjà été constaté par la Cour, notamment dans un référé au ministre de la défense du 25 avril 2000. Conscients de cette réalité, les services du ministère, après avoir tenté en vain d’améliorer l’existant, développent désormais de nouveaux outils.

Ce nouveau système d’information de l’immobilier est encore largement en devenir. Cela impose la fiabilisation des données immobilières nécessaires à la gestion du parc immobilier avec des outils qui sont, encore pour un temps, loin d’être adaptés.

LE BUDGET DE L’IMMOBILIER AU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Bien qu'un effort ait été fait pour rationaliser et regrouper la fonction immobilière au sein de la Défense, les structures budgétaires dédiées à la politique immobilière n'en rassemblent pas toutes les ressources et les limites du périmètre financier de l'immobilier au sein du budget de la Défense appellent des précisions.

Cette analyse sera complétée par un examen des coûts d'exploitation et d'entretien (titre 3), d'une part, et des coûts d'infrastructure (titre 5), d'autre part, ainsi que de la gestion budgétaire correspondante dans le cadre récent de la LOLF. Les conditions dans lesquelles la Défense utilise les recettes de ses cessions immobilières feront l'objet d'un développement particulier. Le budget du SID et son articulation avec les différentes armes seront enfin évoqués.

L’IMMOBILIER DE LA DÉFENSE DANS LA NOUVELLE PRÉSENTATION BUDGÉTAIRE

Le programme 212, « Soutien de la politique de défense », regroupe l'essentiel des crédits destinés à l’immobilier dans une action n° 4 "Politique immobilière". Comme l'indique le projet annuel de performance du programme 212, « Cette action résulte directement de la stratégie ministérielle de réforme ; elle regroupe d’une part les moyens du service d’infrastructure de la défense provenant de la fusion des trois services d’armée effectuée en 2005, d’autre part, les crédits d’infrastructure sous le pilotage du secrétaire général pour l’administration (SGA) et la création d’un service unique gestionnaire de l’ensemble de ces crédits ont pour objet de donner une plus grande cohérence à la politique d’infrastructure et permettre une optimisation de la gestion des crédits. »

« (…) La mise en œuvre de ce dispositif repose sur une organisation adaptée (…) une gestion de l’ensemble des crédits par le service d’infrastructure permettant une réactivité accrue en matière de redéploiement… »

Le tableau ci-après récapitule les crédits concernés du programme 212 pour les années 2006 et 2007.

8. Crédits de l’action 4 « politique immobilière » du programme 212

(en M€)

Logement familial

Infrastructures

Total action 4

A.E.

2006

2007

109,753

66,231

1.278,482

1.200,123

1.388,235

1.266,354

CP

2006

2007

102,810

81,567

1.215,548

1.254,175

1.318,358

1.335,742

Source : Ministère de la défense

Tous titres confondus, les crédits ainsi disponibles représentent un montant qui, tant en 2006 qu’en 2007, est de l’ordre d’un peu plus de 1,3 Md € en CP.

Outre ceux proprement destinés à l’immobilier (titres 3 et 5) et gérés par la DMPA (BOP 212 75C), ces crédits englobent une partie du budget de fonctionnement du SID (BOP 212 79C), mais aussi des personnels du réseau déconcentré des services locaux d’infrastructure qui, comme l’indiquent les documents budgétaires du ministère, « relèvent soit du programme 178 (EMAA), soit du ministère de l’équipement, des transports et de la mer pour lesquels le ministère de la défense assure une partie des frais de fonctionnement dans le cadre d’un protocole interministériel ».

Fonctionnellement, ces crédits recouvrent l’ensemble des coûts liés à :

– la sous-action 41, « logement familial », soit les loyers, ainsi que les frais d’entretien de maintenance et de travaux immobiliers, mais aussi des crédits d’investissement (titre 5) destinés à la construction (496 logements en 2007) ou à la réhabilitation (295 logements en 2007) de logements domaniaux.

– La sous-action 42, « infrastructure », qui regroupe l’ensemble des travaux portant sur les infrastructures (cf. le détail de ces opérations ci-après en partie IV).

– Les crédits figurant dans le programme 212 ne constituent pas toutefois la totalité des moyens budgétaires consacrés aux infrastructures par le ministère de la défense. S’agissant en effet des crédits du titre 3 dédiés à cette fonction, à titre principal, deux autres programmes sont eux aussi concernés :

– le programme 178, « préparation et emploi des forces », pour lequel dans les « crédits liés à la structure » figurant dans le rapport annuel de performance sont englobés des frais d’entretien et maintenance immobilière. Il s’agit là de dépenses courantes (titre 3), qui pour partie relèvent pour leur gestion du régime particulier dit « des masses »43 ;

– le programme 146, « équipement des forces » comprend une action n° 5, « préparation et conduite des opérations d’armement », dont l’objet est de fournir à la DGA « les moyens d’exécuter ses missions de conduite des programmes d’armement en exécutant des prestations de différentes nature ». Pour partie, ces crédits financent des dépenses immobilières.

– A ces programmes, il faut enfin ajouter le programme 152, « gendarmerie nationale », qui dans son action 4 « commandement, ressources humaines et logistique » retrace l’intégralité des crédits destinés à l’immobilier et aux infrastructures spécifiques à cette arme.

Tableau n° 1 : Ainsi, à l’exception de ceux de la gendarmerie et des services techniques de la DGA, ainsi que de certains cas particuliers limités (DGSE, fonds de concours du service de santé des armées), les crédits d’infrastructure sont-ils désormais inscrits dans un seul programme,  le 212 , et dépendent d’un seul BOP, le 212 75C. Il n’en va pas de même des crédits d’entretien courant, qui relèvent de plusieurs programmes et de différents BOP.

LES COÛTS D’EXPLOITATION ET D’ENTRETIEN (TITRE 3)

UNE GESTION BUDGÉTAIRE RELATIVEMENT DISPERSÉE

La répartition des crédits d’entretien et de maintenance des infrastructures (titre 3) montre une dispersion organisationnelle et opérationnelle des centres de décision, en dépit de la volonté d’une réorganisation visant à centraliser la fonction immobilière et patrimoniale, ainsi que les crédits qui leur sont liés, au sein des services du SGA.

9. Dépenses d’entretien et de maintenance (titre 3)
du ministère de la défense, en 2006*(M€)

Imputations

Dépenses 2006

Programme 212 (SGA)

101,76

Autre programmes (sauf 152)

253,58

Total (hors gendarmerie)

355,34

Programme 152 (gendarmerie)

54,09

Total ensemble

409,43

Source : Ministère de la défense

• * Ces chiffres communiqués par le ministère de la défense et tirés du RAP doivent être pris avec précaution du fait de leur caractère encore provisoire.

Tous programmes confondus, les crédits du titre 3 relatifs à l’entretien et à la maintenance de l’immobilier ont au total représenté 409,43 M€, et 355,34 M€ hors gendarmerie. Dans cet ensemble, 101,76 M€ seulement, soit 29 % du total hors gendarmerie, relèvent du BOP 212 75 C, destiné à regrouper les crédits de la politique immobilière du ministère et dont, à ce titre, le responsable est le DMPA sous l’égide du SGA responsable du programme.

Pour les 253,58 M€ restants, la responsabilité de leur engagement est directement entre les mains des armées ou des services concernés, puisque inscrits à leurs BOP respectifs44. Pour partie, ces crédits relèvent du régime dit des « masses » : crédits déconcentrés figurant aux différents BOP dépendant du programme 178 (ou 146 pour la DGA), et qui permettent aux unités des différentes armes ou aux services de faire par eux-mêmes réaliser les travaux, en principe de maintenance, qu’ils estiment nécessaires sur certains sites importants (bases aériennes, sites DGA, bases navales d’outremer, infrastructures d’OPEX).

Au-delà du cas de la gendarmerie, particulier et reconnu comme tel dans le cadre de la LOLF, il sera nécessaire que le ministère de la défense clarifie plus précisément sa doctrine entre sa volonté générale de regroupement des moyens de la politique immobilière autour du SGA et de ses services, et la nécessité de préserver une capacité autonome de la part des autres acteurs.

Dans sa réponse à la Cour, le ministère de la défense a fait valoir qu'une centralisation progressive devait en particulier prendre en compte le fait que « la catégorie de coût « entretien immobilier » recouvre des dépenses de natures très différentes », tout en reconnaissant « qu’il y a effectivement lieu de s’interroger sur le niveau de centralisation déconcentration le plus approprié et le plus efficace ». A l’heure actuelle aucune instruction interne n’est venue préciser cette distinction.

UNE SOUS ESTIMATION DES DOTATIONS DU PROGRAMME 212 « SOUTIEN DE LA POLITIQUE DE LA DÉFENSE »

1. La location

Outre cette première limite, le programme 212, sur lequel sont donc financés une partie de l’entretien des infrastructures mais aussi la totalité des locations (hors OPEX), n’a pas vu dans le passé récent ses crédits dédiés aux locations évoluer aussi rapidement que les coûts de ces dernières qui, selon les estimations de la DMPA, ont connu une croissance qui aura été de 29 % entre 2005 à 2007. Cette évolution résulte pour partie des conditions du marché45, mais aussi d’une augmentation des prises à bail.

10. Crédits du titre 3 relevant du programme 212 (action 4)

(en M€)

LFI 2005

LFI 2006

Dépenses 2006

LFI 2007

Besoin 200746

Estimation 2008

Loyers47

50,650

52,14

58,77

44,90

65,243

62,90

Entretien

88,625

77,98

90,7248

83,05

91,921

133,16

TOTAL

139,275

130,83

149,49

127,95

157,164

196,06

Source : ministère de la défense

Aussi, afin de faire face à des dépenses de location, qui ne peuvent être éludées, limitation globale des crédits et fongibilité aidant, cette situation, s’est, en conséquence, traduite par une forte pression sur les moyens alloués à l’entretien des infrastructures ; cela, alors même que les crédits alloués en LFI apparaissent sensiblement inférieurs aux dépenses effectivement réalisées.

2. L’entretien

S’agissant de l’entretien, sur le périmètre du BOP 212 75C, les crédits d’entretien dont dispose la DMPA seraient actuellement de 2,4 €/ m2 loin du ratio de 1 % par rapport à la valeur neuve par an et mètre carré dont elle se réclame pour parvenir à assurer un niveau suffisant de gros entretien du patrimoine. Sans doute, pour mesurer l’effort du ministère, conviendrait-il de considérer l’ensemble des crédits effectivement disponibles y compris ceux qui sont à la disposition des armées. Mais au sein des masses, qui par définition ne sont pas destinées au gros entretien, il n’est pas fait de distinction entre les dépenses allant effectivement à cette dernière catégorie, qui devraient relever de la DMPA et les dépenses d’entretien courant.

En tout état de cause, la situation est aujourd’hui suffisamment dégradée pour avoir conduit le SGA à reconnaître, en novembre 2006, la nécessité d’une réflexion sur la mise à niveau des crédits d’entretien, considérés dans leur ensemble. Cette réflexion conduite actuellement n’avait pas encore été complètement finalisée au moment du contrôle de la Cour. En son état actuel, elle conduirait à des montants de crédits considérablement majorés.

En effet, outre une augmentation de 3,2 % des crédits locatifs, l’application d’un ratio de 6,4 €/m2 considéré par la DMPA comme le niveau souhaitable pour les dépenses de gros entretien qu’elle assure, conduirait, pour les 38,56 millions de mètres carrés qui sont dans le périmètre du BOP 212 75, à des crédits d’entretien de 246,792 M€, au lieu des 83,05 M€ de la LFI 2007.

Une telle mise à niveau représenterait, en effet, une quasi multiplication par trois des crédits. Les services du ministère de la défense envisagent qu’elle soit réalisée en trois années.

Au-delà d’un chiffrage précis, il y a tout lieu de considérer que les crédits du titre 3 du BOP 212 75C sont aujourd’hui globalement insuffisants pour assurer de façon satisfaisante « l’entretien du propriétaire » qui incombe au SID. Il a fallu, en 2006, opérer une réallocation de 21,5 M€ du titre 5 vers le titre 3 pour en combler l’insuffisance. De même, en 2007, l’armée de terre a demandé et obtenu le transfert de 20 M€ d’AE du titre 5 vers le titre 3.

LES COÛTS D’INFRASTRUCTURE IMMOBILIÈRE (TITRE 5) : L’EXERCICE 2006 ET SES DIFFICULTÉS

LES CRÉDITS DU PROGRAMME 212 « SOUTIEN DE LA POLITIQUE DE LA DÉFENSE »

Les crédits du titre 5 dévolus à la construction des infrastructures dans le cadre du programme 212, ont connu une sensible diminution au cours des dernières années ; ceci vaut tant en AE qu’en CP. A ne se situer que sur le seul terrain budgétaire, il apparaît donc que l’évolution en a été maîtrisée49.

11. L’évolution des crédits d’infrastructure (titre 5) du ministère de la défense (Programme212, périmètre loi de programmation militaire)

212 (en M€)

2004

2005

2006

2007

Autorisations d’engagement

990,18

877,24

920,88

769,79

Crédits de paiement

966,80

938,82

879,65

883,84

Source SGA/ DMPA

Au-delà de ce contexte général plutôt restrictif, mais dont il faut souligner qu’il tient compte aussi de la difficulté que rencontre de façon récurrente le ministère à utiliser les autorisations d’engagements qui lui sont attribuées en ce domaine, la dernière période a été très atypique. Elle a, en effet, été marquée tout à la fois par le passage en mode LOLF et par la création du SID. Cette double innovation intervenue sur la période 2005-2006, n’a pas été sans entraîner des difficultés et, en définitive, un certain retard dans la mise en place de la gestion.

De cela la courbe des affectations d’AE au cours de cet exercice 2006 témoigne très directement : la mise en place de la LFI a été tardive (16 février) et la gestion n’a pu être véritablement démarrée qu’en début mars.

Il est de ce fait difficile de tirer une conclusion quelque peu assurée sur la gestion du nouveau service qu’est le SID au vu de ce premier et seul exercice.

On relèvera toutefois qu‘en dépit de ces difficultés le SID est néanmoins parvenu en fin d’exercice à affecter la quasi-totalité des crédits dont la gestion lui est confiée. Même si, comme le reconnaît le service dans son rapport d’activité, « de nombreuses autorisations d’engagement ont été mises en place le dernier jour de la gestion 2006 par contact direct entre la DCSID et la DAF », il a, au total, été « en mesure d’affecter la quasi-totalité des autorisations d’engagements qui lui ont été confiées ». Ainsi, la totalité des crédits LFR ont été attribués et seuls 6 M€ des AE n’ont pu l’être à temps.

Cette analyse, faite à partir des seules affectations d’AE, vaut de façon à peu près similaire pour ce qui concerne les CP et leur mandatement.

Ainsi, s’agissant du BOP 21275C, les mandatements de CP ont représenté quelque 99,6 % de la norme de dépense, même si 43 % des mandatements ont été réalisés entre septembre et décembre. En définitive, 947,6 M€ ont été mandatés sur les 951,72 M€ qui étaient alloués en 2006.

Il convient à cet égard de souligner que la gestion des CP a été de l’aveu de la DCSID facilitée par les possibilités nouvelles de transferts offertes au sein du BOP ; c’est ainsi que des transferts ont été réalisés en cours d’exercice au profit du titre 3, - dont on a vu précédemment combien il avait rencontré de difficultés -, et des armées de terre et de l’air.

Au regard des CP délégués, le pourcentage de CP non consommés de ce programme apparaît donc limité, d’autant qu’il se concentre sur certains opérateurs bien particuliers : les DDE (taux de non consommation 2,92 %), qui sont opérateurs sur les bases aériennes, et les ambassades (13,2 %). On ne peut à cet égard que suivre l’analyse de la DCSID lorsqu’elle remarque que « le grand nombre d’opérateurs conduit à un accroissement des crédits non mandatés et que leur taille en dessous d’une masse critique ne permet pas une gestion optimale des crédits », surtout lorsque les outils informatiques de gestion ne sont pas compatibles.

A fin juillet 2007, les taux de consommation sont de 61,94 % pour les AE (contre 40,13 % à la même date en 2006) et de 83,2 % (contre 77,47 %) pour les CP. Ce qui marque une amélioration du rythme de consommation des crédits.

Pour l’exercice 2006, - dont il faut souligner qu’il fut très particulier puisqu’il ayant été le siège de deux novations : la création de la DCSID et la mise en place de la LOLF - les résultats plutôt positifs que l’on peut constater dans la gestion des crédits du BOP 212 ont été obtenus grâce à une concentration des engagements en fin d’exercice que le ministère explique par des éléments particuliers liés à la mise en œuvre de la LOLF (début tardif de la gestion, médiocre disponibilité de l'application ACCORD, effet des mesures de gel). Il reste à vérifier que les engagements tant d’AE que de CP se feront à l’avenir selon un calendrier aussi régulier que possible. La gestion 2007 fait à cet égard apparaître une nette amélioration. Il reste que seul un recul suffisant, qu’il n’est pas encore possible d’avoir, permettra d’apprécier les avancées permises par la création du SID sur le plan de la gestion budgétaire.

LES CRÉDITS DU PROGRAMME 152 « GENDARMERIE »

Les remarques, qui viennent d’être formulées à propos du programme 212, ne valent pas moins pour les AE du programme 152, qui est spécifique à la gendarmerie, et dont la DCSID est service gestionnaire, mais non responsable budgétaire.

Pour ces crédits, on peut relever un écart entre les affectations réalisées et les ressources initialement disponibles. Cet écart résulte d’une part d’un gel d’AE et, d’autre part, du fait que 13,9 M€ n’ont pas été affectés sur demande de la DGGN, qui, selon le rapport d’activité de la DCSID, « souhaitait financer des programmes d’équipements et pour lesquels un complément d’AE était nécessaire ». Au total, il apparaît ainsi que « malgré un début tardif, l’ensemble des AE nouvelles pour 2006 a été affecté ».

Par ailleurs, comme pour le programme 212, cette bonne réalisation apparente des affectations en fin d’exercice des AE du programme 152 recouvre un calendrier qui a, en réalité, été très déséquilibré et concentré sur la fin de l’exercice.

Enfin, pour ce qui est des CP de ce programme, les mandatements ont en définitive représenté 162 M€, soit 91 % des 178 M€ de crédits disponibles (soit 187 M€ en LFI, augmentés d’un report de 2005 de 6 M€ et diminués d’une réserve rendue au BOP). Cette relative sous-consommation s’explique par des aléas de programmation concernant certains projets d’envergure (construction d’une caserne à Argentan), par des appels d’offres infructueux et des retards dans des chantiers en cours (Marseille Beauvau).

L’UTILISATION DES RECETTES DE CESSIONS : LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’ETAT »

On a pu voir précédemment que les recettes potentiellement tirées des cessions, très variables au cours du temps, avaient représenté quelque 161,3 M€ en 2005, mais seulement 30,3 M€ en 2006. Comme l’indique une réponse de la DMPA à la Cour sur ce point, « les recettes prévisibles résultant de l’action de la MRAI ne peuvent être transposées ipso facto en recettes comptabilisées (…) Il existe un décalage inévitable entre l’engagement d’acquérir proprement dit et la perception de la recette correspondante ».

C’est pourquoi les recettes effectivement perçues par le ministère en 2006 à ce titre par l’intermédiaire du compte d’affectation spéciale destiné à cet effet ont été de 74,68 M€. Ce montant est plus élevé que celui des années précédentes et notamment que celui de 2005, du moins si l’on exclut pour cette année les ventes qui peuvent être considérées comme exceptionnelles de trois immeubles parisiens pour près de 70 M€.

LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE ET LES CONDITIONS DE RÉTROCESSION DES CRÉDITS

Dans le cadre de la mise en œuvre de la modernisation de la gestion immobilière de l’Etat, la loi de finances initiale pour 2006, par son article 47, a créé un compte d’affectation spéciale (CAS) « gestion du patrimoine immobilier de l’Etat ».

Ce compte d’affectation spéciale est alimenté par les recettes provenant de toutes les cessions immobilières de l’Etat (et plus largement de vente de droits immobiliers) et, depuis la LFI 2007, des fonds de concours ad hoc50.

Il a en dépenses pour objet de participer au désendettement de l’Etat, de financer les investissements nécessaires aux relogements induits par les cessions, et de financer pour le reste toute autre dépense immobilière de l’ancien attributaire à l’exception des dépenses à caractère pérenne,comme les loyers. Aucun mouvement de crédits ne peut être opéré du CAS vers les programmes du budget général.

Depuis 2007, le CAS est le support budgétaire de deux programmes 721, « désendettement de l’Etat », et 722, « gestion du patrimoine immobilier »51, dont le chef du service de France Domaine est responsable (RPROG), et est divisé en budgets opérationnels de programme (BOP) ministériels. Le directeur de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives, DMPA, est responsable du BOP du ministère de la défense.

En 2006, comme en 2007, le droit commun veut que la participation du CAS au désendettement de l’Etat se fasse à hauteur de 15 % du montant des cessions, à l’exception des cessions d’immeubles vides pour lesquelles la participation se monte à 50 % (cf. tableau ci-dessous). L’usage de ces ressources est libre pour le produit des cession inférieures à 2 M€, mais suppose l’accord de France Domaine pour ceux des cessions qui sont supérieures à ce seuil.

12. Conditions d’utilisation des crédits de cession

Type de cession

Situation de l’immeuble

Taux de retour

Conditions d’utilisation des crédits

< 2 M€

Occupé ou inutilisé

15 % vers le 721

85 % vers le 722

Discrétion des ministères

>2 M€

Occupé

15 % vers le 721

85 % vers le 722

Constitution d’un dossier de remploi établissant la performance immobilière des opérations de relogement ou des travaux d’entretien lourd ou de rénovation envisagés

> 2 M€

Inutilisé

50 % vers le 721

50 % vers le 722

Idem

• Source : Service France Domaine

Par exception aux conditions de droit commun, les cessions du ministère de la défense ne participent pas au désendettement de l'Etat et le retour sur cession y est donc de 100 % dans tous les cas de figure52.

Antérieurement à la création du CAS, le ministère a toujours eu la possibilité de conserver 100 % des produits de cession des immeubles et emprises inutiles qu’il était amené à céder. Cette dérogation a été confirmée, afin, a-t-il été indiqué à la Cour, de tenir compte des difficultés particulières de financement de la loi de programmation militaire, et de faciliter ainsi la politique d’infrastructure de la défense en en soulageant la difficulté budgétaire. Au-delà du 31 décembre 2007, une réflexion doit être engagée, selon le ministère « dans le cadre d'objectifs liés à la réduction des coûts ».

Actuellement, cette dérogation reste une originalité au sein des administrations de l’Etat. Les trois autres ministères ou services qui en bénéficient : affaires étrangères, DGTPE, équipement et transports, le font, en effet, dans des conditions moins favorables et qui sont, de surcroît, encadrées par un contrat d’objectif. Les ressources issues des cessions réalisées rétrocédées au ministère de la défense le sont actuellement sans impliquer de contrepartie sous forme d’engagement contractuel.

LE REMPLOI DES PRODUITS DE CESSION : DES REPORTS IMPORTANTS

S’il bénéficie d’une dérogation notamment en matière de montant des retours, le ministère de la défense n’en est pas moins soumis à la règle générale qui impose que les relogements induits par les cessions d'un montant supérieur à 2 M€ fassent l'objet d'une décision du ministre chargé du budget sur la base des propositions du ministère concerné, après instruction du dossier par le service France Domaine.

Au titre de cette règle, les recettes des cessions d'un montant inférieur à 2 M€ sont chaque mois rattachées directement au crédit du BOP 722 IEC, tandis que celles des cessions d'un montant supérieur ou égal à 2 M€ ne le sont qu'après présentation d'un dossier justifiant que l'opération envisagée entre pleinement dans le cadre d'une rationalisation immobilière.

Tableau n° 2 : Le tableau ci-après retrace les ouvertures de crédits en AE et CP (recettes rattachées de l'année et reports) et les dépenses.

13. Ouvertures de crédits et dépenses sur le CAS
« Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

Source : SGA/DMPA

A fin avril 2007 et pour les deux exercices en cause, au regard de ces crédits, les dépenses réalisées ont été :

• En 2006,

o le changement d'affectation au profit de la gendarmerie à Issoire pour un montant de 161 700 € (AE et CP) ;

o l’affectation de 3,702 M€ d'AE pour des opérations d'infrastructure ayant généré 2,888 M€ d'engagements juridiques et 0,328M€ de paiements ;

• Pour 2007, au 15 mai 2007 et au titre de la programmation 2007 :

o 13,5 M€ au profit de la 1ère phase du SDIA de Marseille sur produits de cessions d'un montant supérieur ou égal à 2 M€ ;

o 1,6 M€ au profit de la déconstruction de la DIRCEN Polynésie ;

o 4,144 M€ d'opérations diverses préalables à cession ;

o 0,448 M€ de cotisation du ministère de la défense aux investissements réalisés sur les cités inter administratives.

• Par ailleurs, en 2007, parmi les dépenses envisagées, on peut relever les opérations suivantes :

o SDIA Nouvelle Calédonie (1 950 000 € en AE) ;

o Construction d'un bâtiment pour cadres célibataires à Brive La Gaillarde (9 400 000 €) et à Villacoublay (4 700 000 €) pour cession du site de St Cyr ;

o - dépenses réalisées à partir des autres produits de cession et des produits de changement d'affectation :

o SDIA Belfort (1  500 000 € en AE) ;

o 40 150 000 € en AE au titre d'opérations nécessaires avant cession (dépollutions, clôtures, déménagements, diagnostics…) – opérations dont l'avis de faisabilité des services constructeurs a été obtenu ;

o 20 510 000 € en AE au titre d'opérations nécessaires avant cession (dépollutions, clôtures, déménagements, diagnostics…) – opérations pour lesquelles les services constructeurs n'ont pas encore rendu d'avis de faisabilité ;

o cotisation du ministère de la défense aux investissements réalisés sur les cités inter administratives, 268 500 € en AE et CP.

o Au total, à fin 2006, les reports de crédits ont représenté quelque 89,5 % d’AE non affectées et 95,6 % de CP non dépensés au cours de l’exercice, pour les produits de cession inférieures à 2 M€ et 100 % pour les cessions supérieures à ce seuil.

o Dans le rapprochement des disponibilités en autorisations budgétaires et des dépenses du ministère, il convient sans aucun doute de tenir compte du caractère très particulier de l’exercice 2006. Il n’en demeure pas moins qu’à la mi-mai 2007, soit plus de 15 mois après la mise en place du nouveau dispositif, les deux tiers des AE et des CP correspondant à des cessions supérieures à 2 M€ et plus de 46 % des AE et 78 % de CP de celles inférieures à 2 M€ n’avaient pas encore pu trouver leur utilisation.

o Le ministère de la défense ne conteste pas les difficultés d'utilisation des crédits. Il formule dans ses réponses à la Cour plusieurs suggestions :

o - la prise en compte de schémas directeurs dans leur ensemble, alors qu'une demande doit être présentée aujourd'hui pour chaque opération (4 demandes pour le schéma directeur de Marseille) ;

o - un assouplissement de la justification des transferts de service mal adaptée à la fréquence des opérations correspondantes ;

o - une suppression de la distinction des opérations selon leur montant « obligeant à utiliser chaque compte non seulement en fonction de la disponibilité budgétaire en AE et CP mais aussi selon l'importance de l'opération » ;

o - la gestion d'un programme spécifique du CAS par le ministère lui-même.

o Cette dernière proposition accentuerait fortement le caractère dérogatoire des dispositions dont il bénéficie déjà, alors même que la faible utilisation qui est faite des crédits ainsi disponibles conduit à s’interroger sur le bien-fondé de cette dérogation.

LE BUDGET DE LA DIRECTION CENTRALE DU SERVICE DE L’INFRASTRUCTURE DE LA DÉFENSE (DCSID)

Le budget de la DCSID consacré au fonctionnement du service d’infrastructure de la défense présente en 2006 une double particularité : il est le premier budget exprimé en mode LOLF ; il est aussi le premier budget de gestion réellement établi de ce service, créé en 2005.

Cette double novation n’a pas été sans entraîner des difficultés sur l’exercice 2006, pendant lequel des réajustements sensibles ont du être opérés pour répondre aux besoins réels du service.

Construit à partir de références, ou d’historiques de données provenant des réseaux qui lui préexistaient (service du génie, service des travaux immobiliers et maritimes, service de l’infrastructure de l’air) ou d’organismes centraux, le budget du service (BOP 212 79C) s’est établi en LFI pour 2006 à 297,76 M€, dont 281,16 M€ au titre des rémunérations et charges sociales, et 16,6 M€ pour le titre 2 de fonctionnement interne, cela pour un effectif de près de 4 500 agents environ.

Les dotations du titre 2 (RCS) nécessaires ont été primitivement évaluées à 281,16 M€ sur la base des informations disponibles. Les suivis de gestion du premier semestre 2006 ont montré que les dépenses du compte d’affectation spéciale des pensions de personnels civils étaient sensiblement sous évaluées, alors que, à l’inverse, celles du CAS des pensions militaires étaient fortement surévaluées. Au total, les dépenses 2006 se sont établies à 245,3 M€, ceci représentant un écart de -35,9 M€ par rapport à la LFI-. Quant aux crédits du titre 3 attribués au fonctionnement du SID, ils n’ont représenté que 56 % des 30 M€ qui lui auraient été nécessaires pour assurer son fonctionnement normal. Les compléments de ressources nécessaires ont dû être, soit alloués en gestion en cours d’exercice, soit affectés au SID à partir d’autres BOP.

Au total, si le SID a pu en définitive obtenir les moyens qui lui étaient nécessaires, une part non négligeable (près d’un tiers) de ces crédits dépendait d’autres BOP et échappait ainsi à sa gestion.

Il est compréhensible que la création du service et la nouveauté de la mise en œuvre de la LOLF aient conduit à des difficultés dans l’appréciation des besoins budgétaires du service. Celles-ci, rencontrées en 2006, ne paraissent pas cependant avoir trouvé de réponse satisfaisante.

Tout d'abord les relations entre le nouveau service et les états-majors ne sont pas parfaitement clarifiées. Si une charte permettant « de compléter les textes réglementaires et les règles issues des travaux de construction de la loi de finances pour 2006, afin de fixer un cadre général aux concours apportés (…) au nouveau service d’infrastructure de la défense, responsable de sa propre administration » a été élaborée et rapidement signée avec l’état-major de la Marine (le 31 mai 2006), charte qui définit les conditions de participation de cette arme au fonctionnement du SID, l’armée de terre a quant à elle tardé à le faire. La charte régissant les relations entre l’armée de terre et le SID n'a été signée que le 1er juin 2007. Quant à l’armée de l’air elle en a refusé le principe même, en raison de son attachement à l’autonomie des services locaux d’infrastructure présents sur ses bases et dépendant du ministère de l’équipement.

Par ailleurs, les contraintes budgétaires n'ont pas été assouplies même s'agissant des armées ayant consenti à une charte. En particulier, la LFI 2007 a reconduit les dotations de 2006 (18,68 M€) pour le titre 3, soit 60 % des 31 M€ qui ont été en définitive nécessaires au SID en 2006.

Quant à la LFI 2008, il semble devoir en aller de même, les responsables de BOP relevant du programme 178 n’ayant, au moment du contrôle de la Cour, pas accepté de transfert nouveau en faveur du programme 212.

LA MISE EN œUVRE DES ACTIONS IMMOBILIÈRES AU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

LE « LOGEMENT FAMILIAL »

On doit distinguer, dans le domaine du logement, deux éléments dans la politique du ministère :

1. Le premier concerne la gendarmerie. Administrés de façon autonome par la DGGN, dont les crédits sont individualisés dans un BOP spécifique, les logements des gendarmes font partie intégrante de leur statut ; ils sont logés par nécessité absolue de service. Le parc de la gendarmerie est de 76 196 logements, dont 31 330 sont domaniaux et 44 866 en location à l’extérieur (28 314 en caserne, 16 552 hors caserne).

2. Formant un volet distinct, le logement de l’ensemble des autres armes comprend 59 452 logements sociaux dont de 12 573 sont domaniaux, dits « de répartition ». Ces derniers sont gérés par la Société nationale immobilière (SNI), filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations, en vertu d’une convention de 1972. Le reste est loué, ou plus exactement réservé, auprès de bailleurs extérieurs, dont le principal est la SNI.

Pour ces personnels le logement constitue, sauf cas particulier, une aide à caractère social et non un droit intégré à leur statut. Cette politique comme l’ensemble de la politique immobilière est gérée par la DMPA. Elle est essentiellement destinée à faciliter une mobilité imposée par le rythme des mutations et des affectations impliquées par le statut des militaires. Elle comporte une dimension sociale en s’attachant à proposer à ses ressortissants des loyers en adéquation avec leurs revenus.

LES BÉNÉFICIAIRES ET LES PROCÉDURES

Les procédures d’attribution aux personnels sont régies par l’instruction n° 21467 du 2 juin 1997 sur le classement, les conditions d’attribution et d’occupation des logements du ministère de la défense, qui détermine les personnels qui peuvent bénéficier d’un logement familial en métropole.

Peuvent ainsi demander l’attribution d’un logement dans une garnison déterminée s’ils ont reçus une affectation dans celle-ci :

• les personnels militaires de carrière ou sous contrat, à l’exception des sous officiers et militaires du rang célibataires, veufs ou divorcés, s’ils n’ont pas d’enfant à charge au sens fiscal ;

• les personnels civils en activité, à l’exception des auxiliaires occasionnels et des ouvriers non réglementés non mensualisés.

A ces deux catégories de personnel, il convient d’ajouter :

• Le personnel de la gendarmerie de la spécialité « emplois administratifs et de soutien » qui n’a pas le statut de gendarme et ne bénéficie donc pas d’un logement par nécessité absolue de service ;

• les sapeurs pompiers ou marins pompiers appartenant à des formations mises à la disposition des collectivités publiques et non logés par celle-ci, dès lors qu’ils peuvent présenter une attestation de celle-ci « affirmant que celle-ci n’a pu procéder à leur logement » (art. 5 de la circulaire précitée).

• Les fonctions qui, par exception à ce droit commun, permettent de bénéficier d’une concession de logement par nécessité absolue de service sont limitativement énumérées par cette circulaire.

• Pour tenir compte des situations familiales nouvelles (création du PACS, familles recomposées…) et des incidences en termes de personnels de la professionnalisation des armées, la notion de personnel éligible, plus souple, remplace désormais celle d’ayant droit.

• Les demandes de logement sont effectuées auprès des bureaux de logement de garnison, qui sont les échelons locaux de la chaîne technique du logement militaire. Le dossier est alors apprécié suivant deux critères de situation familiale du demandeur et de son niveau de ressources.

• Les critères permettant d’organiser les priorités au sein des personnels éligibles sont définis par la circulaire précitée (dans son article 23) :

• la situation familiale, qui permet de déterminer le type de logement auquel il peut être prétendu,

• le niveau de ressources.

Les candidats à un même type de logement sont classés en fonction de leur rang de priorité dans le rang suivant :

o personnel en provenance d’établissements restructurés,

o mutation de l’étranger,

o autres mutations,

o rupture du bail par le propriétaire,

o loyer excessif (> 1/3 des revenus),

o hébergé provisoire,

o changement de situation de famille.

o Ces logements, dits « de répartition », « ne font pas l’objet d’arrêtés de concession, car ils ne sont pas juridiquement concédés mais loués aux ressortissants civils ou militaires du ministère » (art. 19 de la circulaire).

LA SOCIÉTÉ NATIONALE IMMOBILIÈRE (SNI), LA CONVENTION DE 1972 ET SA REMISE EN CAUSE

Les quelque 60 000 « logements familiaux » propres au ministère de la défense (hors gendarmerie) sont classés selon deux groupes :

• les logements domaniaux proprement dits, sont au nombre de 12 573, soit 21 % du parc, tous gérés par la SNI ;

• les « autres logements », 46 879, soit 79 %, sont réservés auprès de bailleurs extérieurs, dont celle-ci peut faire partie.

• Les logements « de répartition » des immeubles domaniaux sont gérés par la SNI sur le fondement de l’article R 76 du code du domaine de l’Etat et de la convention du 1er février 1972.

Cette convention stipule que la SNI :

• assure la gestion et l’entretien du parc ;

• reçoit des loyers dont elle reverse chaque année 40 % au budget général de l’Etat, en conservant ainsi 60 % ;

• reçoit également une dotation d’entretien et une dotation pour gros travaux versées par la DMPA, après examen des propositions d’intervention sur le parc.

• Le ministère de la défense qui souhaite pouvoir sortir de cette gestion, trop contraignante et onéreuse à ses yeux, s'est interrogé sur la reconduction de la convention avec la SNI. La possibilité d’autres solutions d’externalisation est envisagée depuis au moins 2002.

• Des diagnostics ayant pour objet de disposer d’une évaluation de l’état technique des bâtiments, assortie d'une programmation des travaux de réhabilitation et de gros entretien, ainsi que d'une évaluation de la surface hors d’œuvre développée des bâtiments et de leurs valeurs vénale et locative ont été commandés à des prestataires extérieurs.

• L'examen du parc de la DGGN a été confié à la SOCOTEC et remise en décembre 2004. Elle met en évidence à la fois un entretien insuffisant et un âge moyen élevé : 70 % du parc a plus de vingt ans, 25 % plus de cinquante ans. De là l’importance des travaux de rénovation qui seraient nécessaires : 635 M€ sur cinq ans et un peu plus de 2 Md€ sur 30 ans. Cette dépense est à comparer à une valeur vénale du parc estimée à 2,878 Md€ par la DGI en 2004, mais réestimée à 5,215 Md€ en 2005. Les travaux de rénovation jugés nécessaires dans les cinq ans représentent ainsi entre 22 % et 12 % de la valeur du parc, selon les estimations.

• Le diagnostic portant sur le parc des autres armes a été confié au bureau VERITAS et a été remis en mai 2005. Construite selon la même grille d’analyse que pour la gendarmerie, cette étude constate un effort d’entretien jugé globalement correct, même si, dans certaines régions, le parc est dans un état très insatisfaisant (en particulier dans les régions Nord-Est et Nord-Ouest), sans qu’il soit aisé de distinguer dans cette vétusté entre ce qui relève d’un âge élevé du parc et d’un entretien insuffisant.

• Toutefois, les travaux jugés nécessaires sont estimés par cette étude à 316 M€ sur 5 ans et à 1 Md€ sur 30 ans. Ces coûts sont à rapprocher d’une valeur vénale estimée à 1,12 Md€. Les travaux nécessaires sur les cinq premières années seraient ainsi de l’ordre de 28 % de la valeur du parc hors DGGN.

• Une étude juridique a été confiée à un cabinet d’avocats ; on peut en retenir deux séries de conclusions53.

Sur le plan économique :

• « les chiffres font apparaître une grande stabilité du montant des loyers perçus et reversés à l’Etat par la SNI » ;

• de même, il apparaît que le montant des dotations pour entretien et gros travaux versés par l’Etat ajusté à la quote-part des loyers conservés correspond à 5/6 M€ près au montant total des loyers perçus par la SNI. On peut considérer qu’il s’agit de « jeu à somme nulle » ;

• ainsi, « exception faite de l’année 2002 »54, les revenus annuels de la SNI oscillent entre 46,08 M€ (1999) et 49,14 M€ en 2004.

• Dans le domaine spécifiquement juridique, se pose la question de la légalité de la convention de 1972. Elle a confié à la SNI sans mise en concurrence la gestion des logements hors gendarmerie. Cette démarche s'appuyant sur l’article R 76 du Code des domaines de l’Etat55, c’est, en définitive, la légalité de ce texte qui est en cause. Celui-ci pourrait être contraire aux directives européennes n° 92-50/CEE du 18 juin 1992 (remplacée depuis par la directive n° 2004-18-CE du 31 mars 2004)56. La Commission européenne a déjà soulevé cette question.57

• Par ailleurs, selon le rapport précité, la convention « met à la charge de la SNI certaines taches de réhabilitation du parc immobilier dont elle assure la gestion et la légalité de cette convention paraît douteuse au regard de la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique ».

• L'étude effectuée pour le ministère de la défense conclut au total à la dénonciation de la convention.

VERS L’EXTERNALISATION DE LA GESTION DES LOGEMENTS SOCIAUX

L'orientation retenue vers une externalisation de la gestion des logements du ministère de la défense s’est matérialisée, à partir de 2004, par un ensemble de courriers entre le ministre de la défense et celui de l’économie et des finances.

Pour ne reprendre que les plus récents d’entre eux, dans une lettre en date du 31 mars 2006, la ministre de la défense a estimé que « la mise en concurrence de la gestion de ce parc (celui de la Défense hors DGGN) paraît nécessaire tant au regard des textes nationaux et européens relatifs aux marchés publics que pour moderniser les conditions de la gestion ». Elle a indiqué s'être placée « dans l’optique d’une dénonciation (de la convention de 1972) au 1er janvier 2007 pour une résiliation effective au 1er janvier 2008 ».58

Dans sa réponse du 10 juillet 2006, le ministre de l’économie et des finances donne son accord pour cette résiliation, sous la réserve que ses services et France domaine soient associés à la préparation de la procédure de mise en concurrence qui est à venir.

Depuis lors, la décision prise d’engager une externalisation du parc de logements a commencé d’être mise en oeuvre.

La DGGN s’est engagée dans une externalisation partielle portant sur les ensembles suivants :

• l’ensemble du parc domanial et locatif des régions de gendarmerie du Nord-Pas de Calais et Picardie, correspondant à la zone de défense nord (252 casernes comprenant 5 472 logements) ;

• un ensemble de 14 casernes domaniales situées en Ile-de-France (comprenant 5 137 logements) ;

• l’ensemble des six casernes domaniales de plus de 100 logements situés en PACA (comprenant 1 050 logements).

• Chacun de ces ensembles fait l’objet d’un lot séparé dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres restreint. Le cahier des charges de la consultation a été présenté en juin 2007 à la Commission des marchés publics de l’Etat, qui a émis un avis réservé.

• Pour ce qui est des logements domaniaux hors DGGN, après l’accord donné en juin 2006 par le ministre de l’économie et des finances, la convention de 1972 a été dénoncée le 1er janvier 2007 avec effet au 1er janvier 2008. La DMPA avec l’assistance de la société Périgée et du cabinet d’avocats Lefèvre Pelletier, prépare le cahier des charges en vue d’un appel d’offres restreint.

• Selon la réponse de la DMPA à la Cour, cette opération n’est pas encore finalisée ; elle pourra l’être « dès que le calendrier précis de l’opération aura été arrêté avec le ministre de l’économie et des finances, ce qui n’est pas encore fait ».

LES OPÉRATIONS D’INFRASTRUCTURE ET DE GROS ENTRETIEN

L’IMPORTANCE DES OPÉRATIONS EN COURS OU ENVISAGÉES

1. Les travaux d’infrastructure

Les travaux d’infrastructure actuellement à l’étude ou déjà engagés et considérés comme indispensables à l’accueil des nouveaux matériels, à l’entraînement des forces ou à l’adaptation des structures aux nouvelles organisations opérationnelles des armées sont diversifiés et représentent une charge très importante. Aux opérations qualifiées par le ministère de « grande envergure », il convient d'ajouter celles, en général de moindre montant, entrant dans la catégorie des « opérations d’intérêt majeur ».

Ces opérations doivent être complétées par celles qui figurent au programme 152 de la gendarmerie, et sont prévues dans le cadre de la LOPSI.

L’ensemble de ces travaux engagés depuis 2002, et dont il est prévu qu’ils soient achevés avant 2014, atteint un total de 1,7 Md€. La liste en est donnée dans le tableau ci-après.

14. Les opérations d’infrastructure engagées ou envisagées
(programmes 212 et 152)

Opération

Crédits prévus
(en M€)

Infrastructure d’accueil du VBCI

149,2

Ecole d’hélicoptère franco allemande

79,4

Infrastructure d’accueil du Tigre

147,8

Réalisation du CENZUB

77,6

Transfert EMAT vers école militaire

85,9

Réalisation du pôle stratégique de Paris

57,8

Construction de l’hôpital Ste Anne

227,0

Refonte des installations Ile longue

130,0

Modernisation du bassin de Brest

130,0

Travaux préparatoires à l’IPER du PA CDG

58,0

Réhabilitation tour F cité de l’air

117,0

Infrastructure accueil du Rafale

70,6

TOTAL « opérations de grande envergure »

1200,3

   

Infrastructures Leclerc

60,0

Infrastructure RAF 2 Landivisiau

22,0

Rénovation hôpital Bégin

88,0

Restructuration du Val de grâce

42,0

TOTAL « opérations d’intérêt majeur »

212,0

   

Construction de logements à Châteauroux

25,0

Transfert siège DGGN à Issy les Moulineaux

130,0

Construction caserne à Laval

26,0

Construction caserne à Lyon

130,0

Construction caserne à Caen

50,0

TOTAL BOP 152 « gendarmerie »

361,0

   

TOTAL GENERAL

1.773,0

Source DCSID

Certaines opérations, dont on sait qu’elles seront à réaliser mais ne sont pas encore suffisamment définies pour faire l’objet d’un chiffrage ne sont pas retracées dans ce tableau. Il en est ainsi des infrastructures nécessaires à l’accueil de l’appareil de transport aérien A 400M.

2. Le gros entretien

A ces grandes opérations entrant dans les catégories précitées, il faut ajouter celles, d’un montant certes limité mais nombreuses, qui concourent à la mise en conformité ou à la sécurité, à la protection de l’environnement et au maintien en condition des immeubles.

Le montant des crédits délégués et mandatés par la DCSID pour la gestion 2006 en entretien (infrastructures et locations) est retracé dans le tableau ci-après.

15. Dépenses du titre 3 mandatées en 2006
(programmes 212 et 178)

(en M€)

Entretien

Locations

BOP 212 75 C

   

Armée de terre

67,58

41,0

Marine

5,30

9,50

Armée de l’air

0,64

6,5

Service de santé

1,24

-

TOTAL

74,76

57,00

     

BOP 178 21C

   

Marine

43,06

 
     

BOP 178 4C

   

Service de santé

7,82

 

Source DCSID

LE RESPECT DES COÛTS ET DES DÉLAIS

1. Des indicateurs de mesures de l’efficacité

La DCSID a mis en place des indicateurs pour vérifier le respect des engagements qu’elle prend sur les opérations d’infrastructure qu’elle conduit. En l’absence d’évaluation par les services qui lui préexistaient, il n’existe pas de série historique ; ces indicateurs portent donc sur la seule année 2006.

Le respect des engagements de la DCSID est mesuré par deux indicateurs :

• le taux d’évolution de la durée prévisionnelle des opérations ;

• le taux d’évolution du coût prévisionnel.

Ces indicateurs comparent pour toutes les opérations de plus de 1 M€ terminées dans l’année les coûts et les délais constatés à l’issue de l’opération, au regard de ceux, prévisionnels, mentionnés au programme et approuvé par l’attributaire. La cible (+/- 20 %) a été fixée, selon le SID, au regard des tolérances usuellement pratiquées par la maîtrise d’œuvre privée.

Pour 2006, l'indicateur de délai s'est établi à + 16 %, celui des coûts à -1 %. La DCSID estime donc, dans son rapport d’activité, que « les objectifs ont été atteints ».

Une mauvaise appréciation des délais semble donc, et de très loin, la principale cause d'écart, du moins s'agissant de l’exercice 2006.

Cette dérive s'explique par deux séries de facteurs :

• la mauvaise prise en compte des contraintes techniques (33 % des cas), opérationnelles (10 %) et administratives (6 %) ;

• les modifications d’expression de leurs besoins par les attributaires (19 % des cas). Celles-ci constituent également la première cause de dérive des coûts (25 % des cas).

Le très faible écart constaté pour les coûts doit beaucoup au mode de calcul de l'indicateur fondé sur une moyenne et qui « mutualise » des évolutions de sens opposé entre les opérations, voire au sein d’une même opération (cas de l’IPER CDG)59. Satisfaisant sur le terrain budgétaire, il est plus discutable d'un point de vue opérationnel.

2. Les opérations achevées en 2006

Les délais

Le dépassement général des délais, de 16 % en moyenne, traduit un décalage systématique des opérations quel que soit l’attributaire. Les retards vont, en effet, de + 13 % (55 opérations de l’EMAT) à + 40 % (4 opérations de la DCSSA).

Au-delà des attributaires, cette dispersion est encore plus marquée lorsque l’on examine chaque opération :

• deux opérations ont vu leur délai de réalisation doublé par rapport à la prévision initiale : la construction d’un barrage flottant au port de Cherbourg (1,51 M€), et la construction d’un bâtiment multifonction à Carayon Bordeaux (4,49 M€) ;

• onze, représentant un montant total d’un peu moins de 31 M€, ont été réalisées dans des délais compris entre 1,4 et 2 fois leur délai initial.

Les coûts

Un examen par attributaire et par opération montre que les dérives peuvent être parfois importantes. Dans l’ensemble des opérations achevées en 2006, si la plupart d’entre elles sont restées à l’intérieur de la norme de +-20 %, certaines ont connu des dérapages non négligeables.

Ainsi, six opérations ont connu une dérive supérieure à 20 % (mais néanmoins demeurée inférieure à 50 %) :

• restructuration d’un bâtiment à Brest ;

• création d’un centre de simulation à Paris ;

• aménagement d’un service dans un hôpital à Bordeaux ;

• rénovation d’un hangar à Lann Bihoué ;

• création du centre d’entraînement aux actions en zone urbaine (CENZUB) ;

• rénovation de la piste de Carmaux.

• Il convient de remarquer que, pour ce qui est de celles achevées en 2006, les retards significatifs, comme d’ailleurs les surcoûts importants, ont pour l’essentiel concerné des opérations d’une importance relativement limitée : le montant moyen des 13 projets fortement retardés est inférieur à 3 M€, celui des projets ayant connu de larges surcoûts est de 3,6 M€.

Peut être une attention insuffisante est-elle parfois accordée à des projets non considérés comme majeurs.

3. Le cas des « grandes opérations »

S’agissant des « opérations de grande envergure », achevées ou en voie de l’être, l’analyse des fiches de projet présentées par le SID dans son rapport d’activité donne une estimation des délais et des coûts récapitulée dans le tableau ci-après.

Tableau n° 16 : Coûts et délais : écarts à la prévision pour les
« opérations de grande envergure »

Opérations

Montant

(en M€)

Ecart sur les coûts (%)

Retards
(en mois)

Ecole franco allemande Tigre

+29,22

+58,0

+6

Infrastructure Tigre

-16,21

-11,0

+18

Infrastructure programme Leclerc

+0,13

+0,2

+4

CENZUB

+14,8

+23

+24 à +36

Pôle stratégique Paris

-6,1

-12,0

+8

Transfert EMAT

+7,3

+9,3

+3

Brest Landivisiau Rafale

+2,0

+10,0

+17

Refonte Ile Longue60

+78,0

+40,0

De +12 à +24

Toulon IPER

CDG (selon l’opération)

-8,1

+39,0

-13,9

+67,2

-

Hôpital Bégin

-14,0

-12,7

+4

Val de grâce

-27,0

-39,0

+10

Hôpital Toulon

+30,0

+20,0

+26

Source DCSID

LE POINT DE VUE DES ATTRIBUTAIRES

Une mesure de la satisfaction des utilisateurs des ouvrages d’infrastructure de la défense a été mise en œuvre dès 1995 dans le service du génie. Il s’agit d’une vérification annuelle portant sur un échantillon représentatif des utilisateurs des réalisations récentes au moyen d'un questionnaire comportant la notation de 0 à 20 de plusieurs items et la possibilité de formuler des réclamations. Cette méthode a été reprise par la DCSID en 2006. Elle ne concerne pas toutefois tous ses utilisateurs. L’extension à l’ensemble (aux 38 DDE et au SSBA) est envisagée.

Plus de 1 000 réclamations ont été formulées, « dont 700 jugées recevables ». Parmi les motifs, la durabilité et la solidité des matériaux viennent en têtes suivies de l’insuffisance de sécurité contre l’intrusion, et de l'aménagement des accès (voierie et parkings).

Au total, le SID constate qu’il s’écoule «  structurellement un délai de 2 à 4 ans entre le constat de points à améliorer (…), la définition et le lancement de plans d’actions d’amélioration, et le constat des résultats de ces plans d’actions ».

Les réclamations, ainsi formulées, font depuis 2006 l’objet d’un traitement particulier en concertation avec les services concernés, à qui il est demandé de préciser et de confirmer leurs réclamations. Dans un second temps, il est demandé aux échelons locaux de la DCSID de se prononcer sur celles qu’ils considèrent comme recevables et devant être traitées par leurs soins.

• les désordres, classés en critiques, majeurs, et mineurs et qui impliquent un traitement par le service et en conséquence un suivi interne et un compte rendu à l’attributaire ;

• les demandes d’évolution des utilisateurs qui exigent une officialisation par l’attributaire ;

• enfin, les remarques qui servent à améliorer l’action du service sans qu’il y ait lieu à une action particulière.

Les indicateurs correspondants ne sont pas encore disponibles.

LES DÉMARCHES VISANT À DÉFINIR UNE STRATÉGIE IMMOBILIÈRE PLURIANNUELLE

LES SCHÉMAS DIRECTEURS INTERARMÉES D’AGGLOMÉRATION

Depuis 1995, la DMPA a développé une démarche de « schémas directeurs interarmées d’agglomération » (SDIA) qui vise à faire apparaître des logiques globales d’implantation de la défense au sein des grandes agglomérations afin d'améliorer la visibilité des opérations pour le ministère comme pour les collectivités territoriales concernées. Ces documents de programmation élaborés généralement sur un horizon décennal programment des opérations dont le financement est principalement assuré par les retours de cessions évoqués plus haut.

Au moment du contrôle de la Cour, fin avril 2007, les SDIA de Lyon, Belfort et Besançon avaient été finalisés ; ceux de Toulon, Strasbourg, Toulouse et Bordeaux, étaient en voie d’achèvement. Les SDIA de Rennes, Brest, Nantes/Saint-Nazaire, et la Rochelle/Rochefort devaient l’être avant la fin du troisième trimestre 2007. Les actualisations des SDIA de Metz et Orléans étaient en cours ; ceux de Limoges, Nancy, Clermont-Ferrand seraient lancées avant la fin de l’année. En 2008, il était prévu que seraient engagées les définitions des SDIA de Tours, Pau/Tarbes, Chalons en Champagne, Angers, Poitiers et Nîmes.

Il est désormais prévu que ces SDIA, dont les procédures d’élaboration devront être revues, serviront de base à la définition des SPSI déconcentrés (cf. infra).

A leur propos, la Cour, lors d’un précédent contrôle sur l’utilisation du patrimoine immobilier de la Défense, avait relevé que « la mise en place des SDIA témoign(ait) d’une volonté de rationalisation (…) (mais) qu’il n’exist(ait) aucune relation entre les schémas directeurs locaux sur lesquels s’appuie la programmation des opérations des infrastructures de l’armée de terre et, depuis 1999, de l’armée de l’Air et les SDIA établis sous l’égide du SGA ». La création de la DCSID et la relative et progressive concentration des moyens financiers, sous l’égide du SGA, paraissent avoir mis fin à ces dysfonctionnements.

LES SCHÉMAS PLURIANNUELS DE STRATÉGIE IMMOBILIÈRE

Dans le cadre de la politique immobilière de l’Etat arrêtée par le conseil des ministres du 22 février 2006, chaque ministère doit élaborer un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI). Ces schémas doivent permettre de dresser un inventaire documenté (diagnostic physique et financier du parc immobilier) et d'en définir les objectifs et les perspectives sur cinq ans.

Les premiers travaux ont porté sur l'Île-de-France. Dans une première étape, un inventaire physique et financier des seuls immeubles à usage de bureau occupés par les services d’administration centrale à Paris et en Région Ile de France a été établi. Un document concernant l’administration centrale de la défense a été transmis par le ministère le 18 juillet 2006 au ministre chargé du budget.

Ont été recensés quelque 390 immeubles représentant 15 emprises couvrant une superficie d’emprise de 5 551 hectares et une SHON de 5 590 000 m2, et répondant aux critères définissant les immeubles d’administration centrale. Leur état a été analysé. Au cours des cinq dernières années, 185 M€ d’investissement ont été engagés pour ces immeubles dont le coût d’exploitation s'élève à 17 M€, dont 5,5 M€ de consommation d’énergie et 5,3 M€ de frais de nettoyage.

Pour les cinq années à venir, il est envisagé une diminution de 130 000 m² des superficies.

La deuxième étape, actuellement en cours, est celle de l'élaboration de SPSI déconcentrés.

A partir des SPSI doivent être déterminés les « loyers budgétaires » portant sur les immeubles domaniaux de bureau des administrations centrales. S’agissant de la Défense, 69 M€ de crédits ont été inscrits en 2007 pour couvrir les loyers mis en place. Ce mécanisme sera étendu en 2008 aux immeubles de bureau de province. Ces loyers sont calculés sur la base de 6 % de la valeur vénale des immeubles.

Du fait de l'importance et de la grande diversité des éléments qui constituent le patrimoine du ministère de la défense, les instruments destinés à définir la stratégie pluriannuelle du ministère ne représentent encore qu'une part limitée des immeubles dont il dispose.

ANNEXE

1 () Précédemment dénommés conventions d’utilisation, conventions d’occupation, ou quasi-baux publics.

2 () Sociétés Ineum et Investment Property Data (IPD).

3 () Cf infra la partie sur « La nécessité de définir un tableau de bord fondé sur un système d’information performant ».

4 () CB Richard Ellis.

5 () L’article 21 de la LOLF dispose que les recettes propres des comptes d’affectation spéciale « peuvent être complétées par des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte ».

6 () Voir infra.

7 () Voir l’annexe n° 1 au présent rapport.

8 () Voir en annexe au présent rapport le texte de cette enquête.

9 () Rapport d’information (n° 37 – 2007-2008) de la commission des Finances du Sénat présenté par MM. Gouteyron, Girod, Angels et Beaufils le 17 octobre 2007.

10 () Périmètre légèrement plus restreint que pour les loyers budgétaires.

11 () Voir en annexe cette enquête.

12 () Immeubles du domaine forestier.

13 () Les biens des opérateurs de l’Etat.

14 () Rapport d’information (n° 660) présenté le 29 janvier 2008 par M. Max Roustan au nom de la Délégation de l’Assemblée nationale à l’aménagement du territoire.

15 () Rapport d’information (n° 213 – 2002/2003) présenté en mars 2003 à la commission des Finances du Sénat par M. Jean-Léonce Dupont « Voyage au bout ... de l’immobilier universitaire ».

16 () Rapport de la mission d’audit de modernisation sur « la politique immobilière des établissements publics de santé » présenté au nom de l’Inspection des finances par M. Philippe Dumas en juin 2007.

17 () Rapport d’information (n° 382 – 2006/2007) présenté en juillet 2007 à la commission des Finances du Sénat par M. Yann Gaillard « L’EMOC : des performances contrastées, des responsabilités partagées ».

18 () Le code des marchés publics, 10 octobre 2007.

19 () Voir le rapport spécial (n° 276 annexe 48) de M. Yves Deniaud sur le compte d’affectation spéciale, précité.

20 () Voir en annexe au présent rapport le texte de cette enquête.

21 (1)  Voir ci-dessous.

22 () Il s’agit des « prix faciaux », selon la terminologie utilisée par les professionnels de l’immobilier, avant entrée en négociation avec les bailleurs.

23 () Immeubles du 3 place de Valois (inspection, …), 12 rue de Louvois, (organisations syndicales) et 19 rue du Renard (association du personnel).

24 () Il convient de noter que, depuis juin 2007, la DGEFP, qui occupe l’immeuble du square Huymans, est rattachée au ministère de l’Économie.

25 () Rapport d’information (n° 37 – 2007/2008) présenté le 17 octobre par MM. Gouteyron, Girod, Angels et Mme Beaufils au nom de la commission des Finances du Séant sur les conditions de cession de l’immeuble de l’Imprimerie nationale.

Avis budgétaires présentés par M. Jean-Guy Branger au nom de la commission des Affaires étrangères du Sénat sur le projet de loi de finances : action extérieure de l’État.

26 Le TGPE privilégie un classement par unité administrative (UA) basé sur une logique géographique (département et commune) et de service contrairement au ministère de la défense qui fonde sa gestion immobilière sur une logique par unité immobilière (UI). Une UI est un ensemble immobilier (bâti et/ou non bâti) d’un seul tenant, situé dans un même département (métropole ou OM), territoire d’outre-mer ou pays étranger, quels que soient le nombre des services attributaires et leur titre d’attribution, le nombre de communes d’implantation, le nombre et la qualité des propriétaires, la domanialité des différentes parties de l’ensemble immobilier en cause. Ainsi, certaines UI peuvent être découpées en plusieurs UA (c’est notamment le cas des camps militaires couvrant un territoire assis sur plusieurs départements et communes).

27 Figurent au TGPE l’ensemble des biens qui sont mis à disposition de l’Etat ou de ses établissements publics, à savoir les biens qui sont propriété de l’Etat, les biens détenus par lui en vertu d’un contrat de location ou de location-financement, les biens mis gratuitement à sa disposition et enfin ceux qui le sont à titre quasi gratuit (baux emphytéotiques).

28 Notamment 563 nécropoles nationales.

29 La norme n° 6 sur « Les immobilisations corporelles » énonce les conditions d’inscription et les méthodes de valorisation initiale et postérieure des actifs corporels au bilan de l’Etat. Les immobilisations corporelles sont définies de manière générale comme des actifs physiques identifiables, figurant normalement dans un inventaire physique. Elles sont par ailleurs classées en six catégories, dont trois peuvent se retrouvant au patrimoine immobilier de la défense : les terrains, la parc immobilier spécifique et le parc immobilier non spécifique.

30 Le contrôle se caractérise par la maîtrise des conditions d’utilisation du bien et du potentiel de services et/ou des avantages économiques futurs qui en dérivent.

31 Cf. infra point sur l’organisation

32 Un dossier est considéré traité par la MRAI dès lors qu’un acquéreur a été dûment identifié et a obtenu l’accord de son instance de délibération (conseil d’administration ou conseil municipal, général ou régional). La MRAI transmet ces éléments au DMPA qui prend la décision d’aliénation (ou de transfert) au nom du ministre, sous réserve que le dossier d’aliénation transmis par l’État major concerné soit complet et comprenne notamment l’attestation de non pollution ou de dépollution. La date d’envoi du dossier à la DMPA par la MRAI est le critère de la prise en compte dans les bilans annuels des ventes réalisées. En raison des aléas de cette procédure, un dossier qui se conclut par une mise en adjudication publique n’est pas considéré comme traité. En revanche, un dossier qui a fait l’objet, dans la période considérée, d’une adjudication fructueuse est pris en compte.

33 Il s’agit de la vente après mise en concurrence d’opérateurs privés après publicité de : l’immeuble militaire sis 91, bd Pereire Paris 17è (500 m² pour 2 263 000 €) , l’îlot Comète sis 71 rue Saint Dominique à Paris 7è (1 700m² pour 6 900 000 €) et de l’immeuble, sis 3 rue Octave Gréard à Paris 7è (10 900 m² pour 61 100 00 €).

34 Il s’agit ici des acquisitions ayant fait l’objet d’un acte signé.

35 Décret n° 76-225 fixant les attributions respectives du ministre de l’intérieur et du ministre de la défense en matière de recherche, de neutralisation, d’enlèvement et de destruction des munitions et des explosifs.

36 Décret n° 2005-1325 du 26 octobre 2005 relatif aux règles de sécurité applicables lors des travaux réalisés dans le cadre d’un chantier de dépollution pyrotechnique.

37 Les études varient selon les emprises en cause : travaux d’architectes, d’urbanistes, ou études de valorisation. Depuis 1996, plus de 7 M€ de crédits d’études ont été alloués à la MRAI.

38 La valeur vénale des biens mis en vente est toujours demandée à France Domaine qui détermine le prix fixé pour une cession amiable ou la mise à prix dans le cas d’une vente par adjudication. Cependant, pour favoriser la négociation, la MRAI peut négocier une marge autour du prix fixé.

39 Depuis le 1er février 2006, l’administration des domaines a pris le nom de « Service France Domaine ».

40 Le décret relatif aux règles de sécurité applicables aux chantiers de dépollution pyrotechnique et visant à permettre aux entreprises privées d’intervenir dans ces opérations a été signé en octobre 2005 et deux arrêtés d’application l’ont été en janvier 2006. En outre, le contenu de l’étude de sécurité préalable à l’exécution de ces travaux prévu par le décret de 2005 n’est pas encore totalement maîtrisé, ce qui retarde les dossiers

41 Le domaine « ressources immobilières » comporte quatre sous-domaines : pilotage, politique du logement familial, adaptation et maintenance de l’infrastructure, traitement des questions domaniales.

42 En particulier, l’outil de comptabilité Chorus qui devra pouvoir fournir en retour les informations nécessaires tant à la conduite financière des opérations qu’à la gestion des actifs immobiliers (au sens immobilisations et stocks) ou encore à la réalisation de la comptabilité analytique et d’exploitation.

43 Régime défini par le décret n° 71-336 du 29 avril 1971. Les masses sont « des fonds destinés à subvenir forfaitairement aux besoins de divers services nécessaires au fonctionnement des formations militaires ». Elles peuvent, entre autres, être destinées à « l’entretien courant du matériel ».

44 BOP 178 11C, armée de terre ; 178 21C, marine ; 178 31C, armée de l’Air ; 178 64C, service de santé des armées ; 178 65C, service des essences ; 146 05C, DGA.

45 Il est difficile de saisir précisément cette évolution. On indiquera néanmoins à cet égard que le poste « loyers » de l’indice général des prix à la consommation a connu en juillet 2007 une progression de + 7 % par rapport à sa valeur en moyenne 2005.

46 Selon une estimation de la DMPA

47 Les montants ici indiqués pour les loyers sont hors « garanties » apportées par la DMPA pour assurer la continuité des paiements en dépit des périodes où ils se trouvent vides pour cause de mutation des personnels. Ces garanties sont intégrées dans les conventions de location passées avec les bailleurs. Les crédits budgétaires prévus pour la garantie sont de 4,2 M€ en LFI 2006, sur ce montant, 3,4 M€ ont été effectivement dépensés.

48 Y compris 18,66 M€ « exécutés par erreur sur le titre 5 » selon le ministère de la défense.

49 Le faible montant des AE 2007 s’explique par la volonté du ministère d’utiliser les AE non engagées afin d’apurer sa gestion.

50 Pour l’instant, un seul fonds de concours a, semble-t-il, été créé ; il permet la contribution d’organismes extérieurs à l’Etat à des travaux réalisés dans des cités administratives.

51 En 2006, un seul programme, le 721 était créé, qui comprenait deux actions, désendettement de l’Etat et dépenses immobilières.

52 Selon la charte de gestion du CAS, outre le ministère de la défense, sont en dérogation au droit commun : le ministère des affaires étrangères et la DGTPE dont le retour est de 100 % pour le produit des seules ventes d’immeubles situés à l’étranger et le ministère des transports et de l’équipement (retour de 95 %) dans la limite de 100 M€ de cessions et pour la durée 2007-2009, de son contrat d’objectifs.

53 « Diagnostic juridique des procédures et des contrats relatifs à l’externalisation de la gestion du parc immobilier métropolitain de la gendarmerie nationale et à la gestion des logements domaniaux, hors gendarmerie nationale », Lovells, cabinet d’avocats, octobre 2005. On utilise ici des passages extraits des pp. 168-170.

54 Cette année là, en effet aucune dotation n’a été reversée à la SNI.

55 « La gestion, l'entretien et le gardiennage des immeubles domaniaux à destination de logement, affectés au ministère des armées, peuvent être confiés à des organismes d'habitations à loyer modéré ou à des sociétés d'économie mixte, aux conditions fixées par des contrats de gérance établis à la diligence du service des domaines ». « A défaut du concours de tels organismes, la gérance peut être confiée à des offices de logement créés par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre des finances ».

56 La convention de 1972 contrevient en effet sur trois points, selon cette étude, aux stipulations de la directive.

57 La DG « marché intérieur » a ainsi adressé une lettre du 30 juin 2004 demandant aux autorités françaises toutes précisions sur ce sujet.

58 La convention de 1972 prévoit en effet, dans son article 28, qu'à l’issue d’une période de cinq ans, la convention sera résiliable à tout moment moyennant un préavis d’un an et sans indemnité.

59 IPER : indisponibilité périodique pour entretien et réparations.

60 Estimation à partir des éléments fournis par la DCSID dans son rapport d’activité concernant les seuls éléments d’un montant unitaire de plus de 10 M€. Cette dérive est due à plusieurs facteurs, mais, à titre principal, elle résulte « pour 50 % d’une sous-évaluation des travaux révélée à l’issue du principal appel d’offres. »


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