Accueil > Documents parlementaires > Les rapports d'information
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N° 946

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 juin 2008

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

sur les niches fiscales

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Didier MIGAUD, PrÉsident, GILLES CARREZ, Rapporteur gÉnÉral, Jean-Pierre BRARD, JÉrÔme CAHUZAC,
Charles de COURSON et Gaël YANNO

Députés.

——

AVANT-PROPOS DE M. DIDIER MIGAUD 5

AVANT-PROPOS DE M. GILLES CARREZ 9

INTRODUCTION 11

I.– MAÎTRISER LA DÉPENSE FISCALE 13

A.– UN ENJEU BUDGÉTAIRE CRUCIAL 13

1.– Un développement spectaculaire 13

a) Une augmentation sensible du recours à la dépense fiscale 13

b) Une tendance inquiétante à la substitution de dépenses fiscales à des crédits budgétaires 18

2.– Des difficultés d’évaluation 21

a) L’évaluation du coût des dépenses fiscales n’est pas fiable. 21

b) L’évaluation de l’efficacité des dépenses fiscales reste embryonnaire. 23

B.– DES RÈGLES DE GOUVERNANCE INDISPENSABLES 24

1.– Améliorer l’évaluation de la dépense fiscale 24

a) Améliorer l’information sur la dépense fiscale 24

b) Renforcer l’expertise des dépenses fiscales 26

2.– Placer la dépense fiscale sous une norme pluriannuelle 27

3.– Consolider la dépense fiscale en loi de finances 31

4.– Appliquer aux dépenses fiscales la logique de performance prévue par la loi organique relative aux lois de finances 33

II.– AMÉLIORER L’ÉQUITÉ ET L’EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE FISCALE 36

A.– UNE ATTEINTE À L’ÉQUITÉ FISCALE 37

1.– L’utilisation des dispositions permettant de réduire l’impôt sur le revenu en diminuant son assiette 38

a) En matière de revenus fonciers 39

b) En matière de bénéfices industriels et commerciaux 40

c) S’agissant des autres catégories de revenus 41

d) L’imputation de déficits fonciers et industriels et commerciaux 41

2.– L’utilisation massive et concentrée des dispositions permettant de réduire l’impôt sur le revenu 41

3.– Une concentration sur certaines réductions d’impôt 44

B.– ENCADRER LES DÉPENSES FISCALES NON PLAFONNÉES 45

1.– L’aide à la réhabilitation des secteurs sauvegardés 46

a) Un dispositif dont l’évaluation complète reste à faire mais qui semble avoir permis des résultats 48

b) Une clarification et un encadrement indispensables 52

2.– Le régime applicable aux monuments historiques 55

a) Un complément indispensable aux interventions publiques 57

b) La nécessité de lutter contre les possibilités d’optimisation et de simplifier l’état du droit 59

3.– Le régime des loueurs en meublé 60

a) Un outil de défiscalisation dont l’utilisation est particulièrement mal connue 63

b) Une incongruité fiscale 65

4.– Le soutien à l’investissement outre-mer 66

a) La situation économique et sociale de l’outre-mer justifie le maintien du volume actuel des aides à l’investissement. 66

b) La défiscalisation, qui recouvre trois dispositifs, a produit des résultats. 68

c) Le dispositif actuel de défiscalisation des investissements produit des effets pervers qui doivent être corrigés. 79

C.– INSTAURER UN PLAFONNEMENT GLOBAL 93

1.– Les contraintes constitutionnelles 95

2.– Le plafonnement global 98

a) Les modalités envisageables 98

b) Le champ d’un plafonnement général 102

c) Le niveau d’un plafonnement général 102

3.– L’impôt minimal 103

EXAMEN EN COMMISSION 107

CONTRIBUTIONS 119

ANNEXE 1 : LISTE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION 129

ANNEXE 2 : RAPPORT PRÉSENTANT LES MODALITÉS DE MISE EN PLACE D’UNE IMPOSITION MINIMALE SUR LE REVENU DES PERSONNES PHYSIQUES 133

ANNEXE 3 : RAPPORT ÉVALUANT L’UTILISATION ET L’IMPACT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DES DISPOSITIONS PERMETTANT À DES CONTRIBUABLES DE RÉDUIRE LEUR IMPÔT SUR LE REVENU SANS LIMITATION DE MONTANT 199

ANNEXE 4 : LES EXEMPLES ÉTRANGERS D’IMPÔT MINIMAL 261

ANNEXE 5 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION D’INFORMATION 271

ANNEXE 6 : LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES LORS DU DÉPLACEMENT DE LA MISSION D’INFORMATION EN OUTRE-MER 275

AVANT-PROPOS DE M. DIDIER MIGAUD

L’IMPÔT ENTRE TECHNIQUE ET PHILOSOPHIE

Aborder le thème de la réforme fiscale suppose inévitablement de faire la part des principes et de la méthode. D’un côté, la Représentation nationale est dépositaire du consentement à l’impôt, chargée d’approuver périodiquement le « contrat fiscal », codicille du contrat social, qui lie la Nation à l’État ; de l’autre, elle est le législateur qui doit demeurer soucieux de l’intelligibilité et de l’accessibilité du droit fiscal. D’un côté, il faut s’assurer que l’impôt respecte les prescriptions de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aux termes duquel « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; de l’autre, il s’agit de faire en sorte que l’impôt réponde à des critères de simplicité et de rendement.

Le présent rapport, issu des travaux d’une mission dont j’ai souhaité la création, n’échappe pas à cette dualité. Il recherche, à travers les propositions qu’il formule, un louable équilibre entre toutes les sensibilités de la mission. Il devra guider l’adaptation de notre système fiscal dans les tous prochains mois. J’en partage l’essentiel des conclusions, très axées sur la pratique et la méthode.

Les auditions que nous avons menées, comme les déplacements que nous avons effectués, ainsi que les données que nous avons pu consulter, nous ont permis de confirmer le constat d’une multiplication de dispositifs fiscaux dérogatoires, dont l’efficacité n’est pas évaluée et, semble-t-il, peu assurée. Le rapport propose des moyens pour parvenir à une plus grande rigueur dans leur évaluation, et à leur suppression si elles ne sont pas ou plus légitimes. C’est bien le moins que l’on puisse proposer face à l’évolution déraisonnable des niches fiscales, dont les documents budgétaires pour 2008 indiquent qu’elles sont au nombre de 486 et représentent un coût cumulé de quelque 73 milliards d’euros, soit plus du quart des recettes fiscales nettes… sans que leur ventilation par programme prévue par la LOLF, qui est déjà un progrès, fournisse une évaluation équivalente à une justification au premier euro.

À terme, sans doute faudra-t-il que l’examen du projet de loi de finances soit l’occasion de voter chaque année un véritable article de « récapitulation » des multiples niches fiscales qui, trop souvent, sont adoptées dans divers textes sans vision d’ensemble de leur impact.

Le rapport confirme également l’existence de brèches dans l’équité de l’impôt sur le revenu (IR). Il en offre une analyse exhaustive et propose des préconisations précises, qui peuvent être mises en œuvre sans délai. D’une certaine façon, c’est la technique au secours de la philosophie : notre IR contient des failles permettant qu’il soit éludé, avec plus ou moins de bonne foi, dans des proportions qui heurtent la justice fiscale et minent le consentement à l’impôt ; cinq brèches sont bien identifiées ; colmatons-les (1).

Mais quid de la philosophie au secours de la technique ? Que ferons-nous si, par un malheureux hasard, telle ou telle des brèches à colmater ne l’est pas avec tout le soin que nous recommandons ? Surtout, compte tenu de l’arsenal existant des quelque 189 niches fiscales propres à l’IR, qui pourra garantir qu’aucun conseiller fiscal ne sera assez habile pour offrir à des contribuables très aisés d’autres voies vers une réduction manifestement excessive, en équité, de l’impôt dû ? On voit bien qu’un plafonnement analytique, « niche par niche », n’offre pas de réponse qui soit à la hauteur de l’enjeu : outre qu’il nécessite, dispositif par dispositif, des arbitrages parfois difficiles, il ne répond pas aux questions soulevées à propos de la justice fiscale et de l’efficacité des mesures prises au regard des objectifs affichés.

C’est la raison pour laquelle il m’apparaît indispensable d’en appeler résolument, comme le fait la troisième partie de ce rapport, à une réforme fiscale de plus grande ampleur assurant qu’aucun contribuable ne pourra s’affranchir de sa juste contribution au financement des charges publiques. Une réforme fiscale pour des prélèvements plus justes, plus efficaces, plus simples et plus transparents devrait être un chantier prioritaire. C’est ce que les députés socialistes s’efforcent de proposer depuis plusieurs années déjà ; c’est le débat que j’ai personnellement contribué à faire vivre encore récemment, dans un rapport d’information de mars 2007 (2), comme avec des amendements déposés en loi de finances, et même dès le tout début de la législature, dans le cadre de la loi dite « TEPA » (3) : il me paraissait notamment impératif, alors que le Gouvernement s’employait à renforcer le bouclier fiscal, de chercher à éviter que ne s’émousse le glaive de la justice fiscale.

Un tel souci n’est d’ailleurs pas absent du présent rapport ; je m’en réjouis. En particulier, il me semble primordial de réaffirmer que la censure de l’article 78 de la loi de finances pour 2006 – dont il ne faut pas regretter les effets compte tenu du caractère très insatisfaisant voire injuste du mécanisme proposé – n’obère en rien la faculté que le législateur tient de la Constitution d’instituer un plafonnement global des niches fiscales, même si les moyens concrets d’y parvenir doivent être mûrement réfléchis. Il est remarquable que l’unanimité de la mission se soit faite sur le principe d’un plafonnement global qui, s’il est conçu de façon suffisamment large, n’est pas très éloigné, dans ses effets sinon dans son principe, d’un impôt minimum.

Il est possible d’être plus audacieux − et ce faisant, de contourner l’éventuelle complexité technique du plafonnement global − en instaurant, à la lumière des expériences du Canada et des États-Unis que la mission a étudiées, un impôt minimum « à la française ». Peut-être cette piste, abordée à plusieurs reprises au cours des débats fiscaux récents, notamment à mon initiative ou encore à celle de mon collègue Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, et trop rapidement écartée par le Gouvernement dans le rapport remis au Parlement le 15 octobre dernier (4), aurait-elle mérité d’être explorée plus avant, en forme de prolongement des conclusions du présent rapport.

Car l’impôt minimum alternatif paraît à bien des égards un moyen de réconcilier technique et philosophie de l’impôt. S’il a été possible en effet de mettre en place un bouclier fiscal, rien ne justifie que l’on ne parvienne pas à mettre en place ce qui pourrait constituer son « miroir » sous la forme d’un impôt minimum ; non pas un impôt universel que tous devraient acquitter quelles que soient leurs facultés contributives, ou une forme de « flat tax » qui substituerait une imposition proportionnelle à l’imposition progressive : à bien des égards, la CSG joue d’ores et déjà ce rôle. Mais bien un impôt alternatif, avec un abattement à la base, et dont les taux suivraient un barème alternatif propre à corriger les défauts que connaît la progressivité actuelle de l’IR. Ainsi, nous nous doterions d’un filet de sécurité, ou plutôt d’un « filet d’équité », à même de garantir qu’aucun contribuable ne réduise son impôt de manière excessive au regard de ses facultés contributives, par quelque moyen que ce soit. Ce faisant, nous donnerions corps au souhait formulé par le constituant de 1789 dans l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

*

Le rapport gouvernemental d’octobre 2007 conclut sur l’idée selon laquelle la France dispose déjà d’une imposition minimale des revenus : la contribution sociale généralisée (CSG). Certes, mais cela ne signifie pas que l’imposition globale des revenus ainsi réalisée soit suffisamment juste et efficace. Il serait même plus pertinent de réfléchir à une amélioration en profondeur de l’existant, comme je m’y essayais dans mon rapport de mars 2007. Si l’on veut lier cette réflexion aux thèmes traités dans le présent rapport, alors l’alternative est la suivante :

− soit il convient de rapprocher, voire de fusionner l’IR et la CSG afin de mettre en place un véritable impôt citoyen dans notre pays, globalement progressif et plus équitablement réparti ;

− soit, tant que le fragile pilier de l’imposition progressive des revenus en France demeure le seul IR, il convient d’assortir celui-ci d’un dispositif d’impôt minimum afin de rendre cet impôt plus citoyen qu’il ne l’est aujourd’hui.

Voilà qui milite pour une étude objective de la mise en œuvre effective d’un impôt minimum alternatif ; faute de quoi l’on risque de reparler encore longtemps du lancinant problème des niches fiscales… nonobstant l’intérêt évident des observations et propositions du rapport de la mission et le progrès qu’entraînerait leur mise en œuvre.

AVANT-PROPOS DE M. GILLES CARREZ

La dépense fiscale est, en soi, un bon outil de politique économique et sociale. Il est en effet parfaitement légitime de créer des régimes fiscaux dérogatoires, afin de favoriser tel comportement économique ou de modifier la distribution des richesses nationales.

Cependant, les dépenses fiscales se sont, au fil des années, multipliées dans des proportions excessives. Elles ont progressivement démembré des pans entiers de notre fiscalité. Aujourd’hui, l’utilisation des « niches » fiscales permet à certains contribuables d’échapper à l’impôt, et la superposition des régimes dérogatoires nuit à l’efficacité de notre système fiscal. Ce sont ainsi les fondements de notre fiscalité qui sont mis à mal.

Comment, dans ces conditions, maîtriser les dépenses fiscales pour rendre l’impôt à la fois plus juste et plus efficace ? C’est pour tenter de répondre à cette question ambitieuse que notre commission des Finances a créé une mission d’information.

L’exercice n’était pas facile, tant le nombre et la diversité des dépenses fiscales compliquent leur évaluation, et, aux termes des nos travaux, j’ai bien conscience que nous n’avons pas épuisé pas la question.

La mission d’information a néanmoins réussi à rassembler l’ensemble des groupes politiques autour d’une quarantaine de propositions concrètes. C’est à mes yeux son principal mérite. À travers le présent rapport, le Gouvernement dispose ainsi d’une « feuille de route », susceptible de rassembler toutes les sensibilités politiques autour de trois convictions unanimes.

Première conviction : la dépense fiscale n’est plus une question purement fiscale, elle est devenue un enjeu budgétaire crucial pour l’avenir de nos finances publiques. Sur ce point, tous les membres de la mission d’information sont tombés d’accord pour que nous nous dotions des règles de gouvernance indispensables à la maîtrise des dépenses fiscales.

Deuxième conviction : pour rétablir l’équité de notre fiscalité, il est indispensable d’encadrer les dépenses fiscales qui actuellement ne sont pas plafonnées. Les plus gros contribuables optimisent en effet leur situation fiscale en recourant massivement aux dispositifs non plafonnés. La mission d’information est convaincue qu’il est possible de mettre fin à ces dérives, tout en maintenant l’aide fiscale bénéficiant aux secteurs concernés, et émet dans ce sens des propositions précises.

Enfin, troisième conviction, un encadrement des dépenses fiscales non plafonnées n’est pas suffisant : il n’empêchera pas aux contribuables aux revenus très élevés de combiner plusieurs dispositifs pour continuer à échapper à l’impôt. La mission d’information s’est donc prononcée en faveur d’un plafonnement global.

INTRODUCTION

Jusqu’à une époque récente, la dépense fiscale était considérée comme un enjeu budgétaire et fiscal secondaire. L’évolution préoccupante des comptes publics et l’instauration d’un bouclier fiscal la placent désormais au centre du débat sur l’avenir des finances de l’État.

La dépense fiscale a strictement le même effet sur l’équilibre du budget de l’État que la dépense budgétaire. Pourtant, les outils de pilotage des finances publiques mis en place depuis 2002 (5) se limitent aux dépenses budgétaires, élargies depuis la loi de finances pour 2008 aux prélèvements sur recettes. Si la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) a profondément rénové la programmation et l’exécution des crédits, elle reste très discrète s’agissant du suivi de la dépense fiscale pour lequel elle se borne à prévoir une information du Parlement (6).

Or, le respect de la trajectoire du retour à l’équilibre d’ici 2012 dépend aujourd’hui très largement de notre capacité à maîtriser la dépense fiscale. Les outils de pilotage n’ont pas suffi à maintenir le processus de baisse du déficit public amorcé en 2005 : en 2007, le déficit est reparti à la hausse, représentant 2,7 % du produit intérieur brut (PIB), contre 2,4 % en 2006. Parallèlement, après un recul enregistré en 2006, l’augmentation de l’encours de la dette de l’État a retrouvé en 2007 un niveau comparable à ceux constatés en 2004 et en 2005. L’explosion du nombre et du coût des dépenses fiscales n’est pas étrangère à ces résultats.

À cette situation budgétaire préoccupante s’ajoute un contexte fiscal nouveau, caractérisé par l’instauration du bouclier fiscal. Depuis le 1er janvier 2007, chaque contribuable dispose d’une protection contre un cumul d’impositions qui solliciterait au-delà du raisonnable sa faculté contributive, mesurée à l’aune de ses revenus.

L’existence du bouclier fiscal pose la question de l’opportunité et de la faisabilité d’un plafonnement des déductions et réductions d’impôt qui, en contrepartie du bouclier, garantirait que le contribuable paie bien une cotisation correspondant à ses facultés contributives. Faut-il déduire de la condamnation de l’impôt « spoliateur » une obligation d’impôt minimum ?

Cette question n’est aujourd’hui pas tranchée. Pourtant, à la suite de la publication en 2003 du rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité dérogatoire (7), plusieurs amendements au projet de loi de finances pour 2004 proposaient la mise en place de dispositifs de plafonnement des dépenses fiscales. Dans le projet de loi de finances pour 2006, le bouclier fiscal s’accompagnait d’un tel dispositif. Celui-ci a été censuré par le Conseil constitutionnel pour sa complexité excessive, qui n’était pas justifiée par des motifs d’intérêt général suffisants. De fait, en l’état du droit, il existe un plafond, sans qu’en contrepartie joue un plancher.

C’est dans ce contexte que, à la demande du Président et du Rapporteur général de la commission des Finances, le Gouvernement a remis deux rapports :

– le premier, prévu par l’article 15 de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, présente les modalités de mise en place d’une imposition minimale sur le revenu des personnes physiques. Il a été rendu public le 15 octobre 2007 (cf. annexe 2 du présent rapport) ;

– le second, prévu par l’article 68 de la loi de finances pour 2008, évalue l’utilisation et l’impact économique et social des dispositions permettant à des contribuables de réduire leur impôt sur le revenu sans limitation de montant. Remis aux commissions des Finances le 6 mai 2008, ce document figure en annexe 3 du présent rapport.

Pour sa part, la commission des Finances a créé, le 13 novembre 2007, une mission d’information, composée du Président et du Rapporteur général de la Commission, ainsi que d’un représentant de chaque groupe politique.

Conformément aux motifs qui ont justifié sa création, la mission d’information a centré ses travaux autour de deux axes :

– comment, dans un contexte de finances publiques particulièrement tendu, assurer la maîtrise budgétaire de la dépense fiscale ?

– la dépense fiscale porte-t-elle atteinte à l’équité de notre système fiscal ? Si oui dans quelle proportion et pour quelle efficacité socio-économique ?

I.– MAÎTRISER LA DÉPENSE FISCALE

A.– UN ENJEU BUDGÉTAIRE CRUCIAL

1.– Un développement spectaculaire

a) Une augmentation sensible du recours à la dépense fiscale

• Le nombre et le montant des dépenses fiscales ne cessent de s’accroître.

Les dépenses fiscales sont de plus en plus nombreuses. En 2003, le Conseil des impôts recensait 418 dépenses fiscales pour les seuls impôts d’État, hors dépenses fiscales affectant les impôts locaux et hors exonérations sociales. Le tome II de l’Évaluation des voies et moyens, annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2008, dénombre 486 dépenses fiscales, soit une augmentation de 3,6 % par rapport à 2007. En moyenne, près de 14 nouvelles mesures auraient donc été créées chaque année depuis 2003. Le rythme de création de ces nouvelles dépenses a fortement tendance à s’accélérer, puisque « seulement » une centaine de mesures a été créée entre le début des années 1980 et 2003, soit moins de 5 par an.

La France est le pays du G7 qui compte le plus grand nombre de dépenses fiscales, avec, en 2003, environ 200 dispositifs de plus que le Canada, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. De surcroît, le nombre réel de dépenses fiscales est probablement sous-estimé ; en effet, ainsi que le relevait le Conseil des impôts, la suppression d’un dispositif dans l’annexe Voies et moyens ne signifie pas la suppression effective de la mesure concernée : il s’agit en général du retrait de cette mesure du périmètre de recensement, le plus souvent sans justification. Le Conseil des impôts notait par exemple qu’« alors que le nombre des dépenses fiscales recensées n’a progressé que de 14 entre 1997 et 2003, le nombre des mesures fiscales dérogatoires (solde entre les créations et les suppressions effectives) a, lui, progressé de 59 sur la même période ».

Le coût des dépenses fiscales est croissant. En 2003, le Conseil des impôts évaluait le coût global des mesures recensées à 50 milliards d’euros, soit 3 % du produit intérieur brut (PIB) et 20 % des recettes fiscales nettes. En 2008, la perte de recettes générée par l’ensemble des dépenses fiscales pourrait atteindre 73 milliards d’euros, soit près de 27 % des recettes fiscales nettes et 3,8 % du PIB prévisionnels. Entre 2007 et 2008, le coût global des dépenses fiscales aurait augmenté de 7,1 %, soit plus de 4 fois la progression des dépenses budgétaires, alignée sur le niveau de l’inflation de façon à stabiliser la progression des crédits en volume. Encore faut-il préciser que ces données ne concernent que les dépenses fiscales dont le montant est connu ; en effet, une partie des mesures ne fait l’objet d’aucun chiffrage.

Il faut toutefois relever que la part des dépenses fiscales dans le PIB est relativement modeste en France : cette part est d’environ 15 % au Canada et d’environ 6 % en Espagne. Corrélativement, les dépenses fiscales représentent dans notre pays une portion relativement faible des recettes fiscales, cette portion pouvant atteindre 60 % au Canada ou aux États-Unis.

Le recours accru à la dépense fiscale est souvent source d’insécurité juridique. Les aides en faveur de l’investissement locatif sont sans doute le meilleur exemple d’instabilité de la norme fiscale. Depuis 1985, les ministres successifs ont tous souhaité attacher leur nom à la création d’un nouveau dispositif. À la réduction d’impôt utilisée de 1985 à 1995 dans les aides « Quilès » et « Méhaignerie » a été substitué en 1996 le dispositif d’amortissement fiscal « Périssol », ouvrant la possibilité d’imputer le déficit foncier sur le revenu global. Une contrepartie sociale a ensuite été exigée à partir de 1998 dans le dispositif d’amortissement « Besson », avec l’instauration d’un plafonnement des loyers qui, par la suite, a été réduit dans le dispositif « Robien », créé en 2002. Aujourd’hui, ces différentes aides s’empilent du fait de leur durée d’application. L’avantage fiscal s’applique en effet généralement sur une longue période, souvent déterminée en fonction de la durée de l’engagement de location, mais parfois fixée pour une durée plus longue. Ainsi le dispositif « Périssol » (déduction au titre de l’amortissement de 10 % pendant les 4 premières années et de 2 % pour les 20 années suivantes) produira-t-il des effets encore pendant 14 ans, bien qu’il ait été mis en extinction en 1998.

• L’essentiel des dépenses fiscales concerne l’impôt sur le revenu.

En ce qui concerne la part de dépenses fiscales dans les recettes d’impôt sur le revenu (IR), la France ne se distingue pas significativement de ses partenaires de l’OCDE. En effet, les dépenses fiscales affectant l’IR représentent une part considérable du produit de cet impôt : plus de 65 % pour 2008, soit 39,4 milliards d’euros (8) de dépenses fiscales pour un produit attendu de 60,5 milliards d’euros. Les dépenses fiscales sur l’IR représentent donc près de 54 % des dépenses fiscales totales. Parmi les 10 dépenses fiscales les plus importantes en montant, 6 sont relatives à l’IR.

LES 10 PREMIÈRES DÉPENSES FISCALES

(en millions d’euros)

Impôt

Mesure

2008

Mission

TVA

Taux de 5,5 % pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur des logements achevés depuis plus de deux ans

5 400

Ville et logement

IR

Prime pour l’emploi en faveur des contribuables modestes déclarant des revenus d’activité

4 230

Travail et emploi

IS

Taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant de cession de titres de participation et de certaines parts de fonds communs de placement à risque et de sociétés de capital-risque, ainsi que, sous certaines conditions, de leurs distributions, et des produits de concession de brevets

4 000

Développement et régulation économiques

IR

Exonération ou imposition réduite des produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie

3 200

Engagements financiers de l’État

IR

Abattement de 10 % sur les montants des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites

2 550

Solidarité, insertion et égalité des chances

IR

Crédit d’impôt pour dépenses d’équipements de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et du développement durable

2 400

Écologie, développement et aménagement durables

IR

Abattement de 50 % puis de 40 % à compter des revenus 2006 sur certains revenus distribués de sociétés françaises ou étrangères

1 790

Développement et régulation économique

TVA

Taux de 5,5 % pour la fourniture de logements dans les hôtels

1 750

Développement et régulation économique

IR

Exonération des prestations familiales, de l’allocation aux adultes handicapés ou des pensions d’orphelin, de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée, de l’allocation de garde d’enfant à domicile, et de la prestation d’accueil du jeune enfant

1 700

Travail et emploi

Droits d’enregistrement

Exonération en faveur de certains contrats d’assurance maladie complémentaire

1 700

Solidarité, insertion et égalité des chances

 

TOTAL

28 720

 

Source : Direction du Budget

L’essentiel de la dépense fiscale sur l’IR est concentré sur une quarantaine de dispositifs. Si 8 mesures sont réputées avoir un coût nul au titre de 2008 et 25 mesures un coût inférieur à 500 000 euros, 37 mesures ont un coût supérieur ou égal à 250 millions d’euros, soit un coût cumulé de 34,2 milliards d’euros, représentant 87 % du coût total de la dépense fiscale sur l’IR.

La nature des dépenses fiscales affectant l’IR est variable. À titre indicatif, les 37 mesures mentionnées ci-dessus se répartissent, outre la prime pour l’emploi, de la manière suivante :

– 20 mesures d’exonération ou d’imposition réduite de certains revenus (pour un coût total de 17,8 milliards d’euros ; type A) ;

– 5 mesures attachées à la situation personnelle du contribuable (2,9 milliards d’euros ; type B) ;

– 11 mesures permettant au contribuable de réduire son impôt en raison d’une dépense ou d’un investissement qu’il décide de réaliser (9,3 milliards d’euros ; type C).

LES 37 DÉPENSES FISCALES SUR L’IR DE 250 MILLIONS D’EUROS OU PLUS

(en millions d’euros)

Mesure

Montant

Type

Prime pour l’emploi

4 230

 

Exonération ou imposition réduite des produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie

3 200

A

Abattement de 10 % sur le montant des pensions et retraites

2 550

A

Crédit d’impôt pour dépenses d’équipement de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et du développement durable

2 400

C

Abattement de 40 % sur les dividendes des sociétés

1 790

A

Exonération d’impôt des prestations familiales et assimilées et de l’allocation pour adultes handicapés

1 700

A

Demi-part supplémentaire pour les personnes seules ayant eu un ou plusieurs enfants à charge

1 640

B

Crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile qui s’applique lorsque l’employeur a une activité professionnelle ou est demandeur d’emploi depuis plus de 3 mois

1 260

C

Déduction des dépenses de grosses réparations ou d’amélioration des immeubles

1 100

C

Réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile qui s’applique lorsque l’employeur n’a pas d’activité professionnelle

1 040

C

Exonération des gains de cessions de valeurs mobilières réalisés dans le cadre d’un plan d’épargne par actions

1 000

A

Exonération des intérêts et primes versés dans le cadre d’un plan d’épargne logement

900

A

Exonération des sommes reçues au titre de l’intéressement, de la participation ou de l’abondement de plan d’épargne salariale

900

A

Exonération des indemnités et prestations servies aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles

850

B

Réduction d’impôt au titre des dons

820

C

Crédit d’impôt pour frais de garde des enfants de moins de 6 ans

800

C

Taxation réduite des plus-values professionnelles à long terme et de certains produits de la propriété industrielle

600

A

Exonération des majorations de retraite ou de pension des personnes ayant eu ou élevé au moins 3 enfants

570

A

Réduction d’impôt à raison des investissements productifs dans les départements d’outre-mer

550

C

Crédit d’impôt au titre des dividendes

520

C

Déduction du revenu imposable des cotisations de retraite ou de prévoyance complémentaire versées à titre facultatif par les non-salariés et leurs conjoints collaborateurs

500

C

Exonération des gains réalisés lors des cessions à titre onéreux de titres acquis dans le cadre des dispositifs d'épargne salariale

500

A

Exonération des produits des plans d'épargne populaire

400

A

Déductions dites « Robien » hors zones de revitalisation rurale

400

C

Exonération des rémunérations au titre des heures supplémentaires

400

A

Déduction des cotisations plan d’épargne retraite populaire et assimilées

400

C

Demi-part supplémentaire, ou quart de part supplémentaire en cas de résidence alternée des enfants à charge, accordée aux parents isolés

390

B

Demi-part supplémentaire pour les contribuables invalides

380

B

Abattement sur certains revenus de capitaux

300

A

Exonération des revenus provenant de l’épargne salariale

300

A

Exonération des intérêts des livrets A

280

A

Exonération de la retraite du combattant et des pensions assimilées

270

A

Réduction de l’impôt sur le revenu pour les contribuables qui résident dans les DOM

270

A

Abattement en faveur des personnes âgées ou invalides de condition modeste

260

B

Exonération des dividendes capitalisés sur un PEA

250

A

Exonération de l’allocation personnalisée d’autonomie

250

A

Exonération du salaire des apprentis

250

A

Source : Annexe Voies et moyens PLF 2008

Entre 2006 et 2008, les dépenses fiscales sur l’IR ont augmenté 5 fois plus que les crédits de paiement des missions auxquelles ces dépenses fiscales se rattachent (9: + 7,4 % contre + 1,4 %.

Mais le nombre des dépenses fiscales concernant l’IR a augmenté presque 2 fois plus que leur coût : + 13 % entre 2006 et 2008. Au total, on dénombre 189 dépenses fiscales propres à l’IR.

Un nombre limité de politiques publiques concentre l’essentiel des dépenses fiscales sur l’IR. Si 23 des 34 missions du budget général sont concernées par ces dépenses, 6 missions rassemblent 75 % des 189 dispositifs concernés. C’est ce qu’illustre le graphique suivant.

NOMBRE DE DÉPENSES FISCALES SUR L’IR PAR MISSION

Source : Direction du Budget

Ce phénomène de concentration vaut également en matière de coût des dépenses fiscales. En effet, 4 missions concentrent 74 % du coût des dépenses fiscales propres à l’IR : Solidarité, insertion et égalité des chances (25 %), Travail et emploi (20 %), Engagements financiers de l’État (17 %), Développement et régulation économiques (12 %).

b) Une tendance inquiétante à la substitution de dépenses fiscales à des crédits budgétaires

L’utilisation de la dépense fiscale comme instrument de politique publique n’a, en soi, rien d’étonnant. Du point de vue de la théorie économique, l’outil fiscal peut jouer un rôle comparable à celui de l’outil budgétaire. La dépense fiscale peut ainsi modifier l’allocation globale des ressources économiques en favorisant certains comportements porteurs d’externalités positives, par exemple en accordant un régime favorable aux investissements en matière de recherche-développement (crédit d’impôt recherche). La dépense fiscale peut également remplir une fonction de redistribution en allégeant la charge fiscale théorique de certains contribuables modestes (exonération d’impôt de diverses prestations sociales type allocation logement).

Dans certains cas, la dépense fiscale peut même apparaître préférable à la dépense budgétaire. Le cas typique est celui d’une aide publique concernant un public large et pouvant être attribuée sans qu’il soit nécessaire de procéder à instruction très poussée. L’octroi d’une telle aide via une dépense budgétaire de type subvention nécessite l’intervention à grande échelle de l’administration, intervention que la simplicité des critères d’attribution de l’aide ne justifie pas. Le coût de l’aide ainsi versée est par conséquent majoré d’un surcoût administratif que l’instauration d’une dépense fiscale aurait pu permettre d’éviter.

Les caractéristiques des dépenses fiscales appellent néanmoins une vigilance particulière quant à leur usage. D’une part, à la différence des crédits budgétaires soumis au respect du principe d’annualité, les dépenses fiscales ne doivent pas nécessairement faire l’objet d’un examen détaillé régulier par le Parlement ; la seule autorisation de percevoir les impôts, donnée au moment du vote de la loi de finances, emporte reconduction des dispositifs dérogatoires existants. D’autre part, les dépenses fiscales ne sont pas soumises à la norme de dépense. Rappelons que depuis le début des années 2000, les pouvoirs publics s’astreignent, dans un souci de maîtrise des finances publiques, à faire progresser chaque année les crédits du budget de l’État selon une norme pré-établie, en général comme l’inflation (norme dite « zéro volume »). Cette norme ne concernant que les crédits budgétaires, le recours aux dépenses fiscales est perçu comme un moyen de s’exonérer des contraintes posées, avec pour conséquence une dégradation du solde budgétaire des administrations publiques.

Les dépenses fiscales sont devenues un complément habituel des crédits budgétaires dans le financement des politiques publiques. Elles représentent en moyenne un quart des ressources d’une mission. 10 missions sont constituées à plus d’un tiers par des dépenses fiscales, dont 6 par les seules dépenses fiscales propres à l’IR. Pour 8 de ces 10 missions, les dépenses fiscales sont supérieures aux crédits de paiement prévus par le PLF 2008.

MISSIONS DONT LES DÉPENSES FISCALES CONSTITUENT PLUS D’UN TIERS DES MOYENS

(en millions d’euros)

Missions

Dépenses fiscales IR

Dépenses fiscales

Crédits de paiement

Moyens (DF IR+CP)

Part
DF IR

Moyens (DF+CP)

Part DF

Développement et régulation économiques

4 728

13 023

1 268

5 996

79 %

14 291

91 %

Santé

232

1 392

430

662

35 %

1 822

76 %

Outre-mer

1 057

2 809

1 730

2 787

38 %

4 539

62 %

Sport, jeunesse et vie associative

835

1 297

782

1 617

52 %

2 079

62 %

Politique des territoires

1

628

420

421

0 %

1 048

60 %

Ville et logement

3 001

10 775

7 176

10 177

29 %

17 951

60 %

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

367

3 834

2 877

3 244

11 %

6 711

57 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

10 431

14 643

12 045

22 476

46 %

26 688

55 %

Pilotage de l’économie française

8

802

844

852

1 %

1 646

49 %

Travail et emploi

7 742

9 599

12 323

20 065

39 %

21 922

44 %

Source : Direction du Budget

Si corrélation n’est pas causalité, il est toutefois troublant de constater que l’accélération de la progression du nombre et du coût des dépenses fiscales, décrite supra, est concomitante de la mise en place de la norme de dépense. En effet, plus de 200 des 486 dépenses fiscales listées dans l’annexe Voies et moyens ont été créées depuis 2000. Le tableau suivant présente 5 des principales augmentations de dépenses fiscales sur l’IR constatées entre 2006 et 2008 et les compare à l’évolution des crédits de paiement des missions auxquelles ces dépenses sont rattachées ; les données sont révélatrices d’une tendance inquiétante : la substitution des dépenses fiscales à des crédits budgétaires.

MISSIONS DONT LES DÉPENSES FISCALES SONT EN FORTE AUGMENTATION

(en millions d’euros)

Missions

2006

DF

2008

Évolution

DF

CP

DF

CP

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

276

367

2 877

33 %

- 3 %

Travail et emploi

5 982

7 742

12 323

29 %

- 6 %

Outre-mer

906

1 057

1 730

17 %

- 9 %

Enseignement scolaire

250

280

59 264

12 %

- 1 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

9 382

10 431

12 045

11 %

- 1 %

Source : Direction du Budget

En matière de substitution d’une dépense fiscale à une dépense budgétaire, la réforme du prêt à taux zéro (PTZ) introduite par la loi de finances pour 2005 fait figure d’exemple emblématique. Rappelons que le PTZ offre, notamment sous condition de ressources et d’occupation, un financement complémentaire aux particuliers qui souhaitent réaliser sur des logements neufs ou existants des opérations de construction, d’acquisition, d’amélioration et de location-accession. Le PTZ est distribué par des établissements de crédit habilités à cet effet par convention. Jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 93 de la loi de finances pour 2005, les établissements servant le PTZ recevaient une subvention de l’État, destinée à compenser l’absence d’intérêts. En loi de finances initiale pour 2004, les crédits de paiement prévus à cet effet s’élevaient à 526,5 millions d’euros. La loi de finances pour 2005 a étendu le dispositif aux logements anciens et l’a rendu plus social et plus familial ; le Gouvernement entendait faire passer de 100 000 à 250 000 le nombre de prêts servis. Cette ambition nouvelle devait se traduire, selon les projections alors présentées, par un coût de la mesure réévalué à 1,2 milliard d’euros à échéance de 5 ans. Afin d’assumer l’augmentation de la charge du PTZ ainsi prévue, le Gouvernement a proposé de substituer au financement budgétaire un financement fiscal, via l’instauration d’un crédit d’impôt sur les sociétés accordé aux banques servant le PTZ nouvelle formule. Sortaient ainsi du périmètre de la norme de dépense des crédits continuant néanmoins à être versés sur fonds publics, et, au surplus, appelés en principe à s’accroître.

Ainsi décrite, la tendance à substituer des dépenses fiscales aux dépenses budgétaires est inquiétante. Elle permet en effet d’afficher un comportement vertueux en matière de dépenses publiques, traduit par le respect de la norme « zéro volume », alors que, de facto, les dépenses publiques ne cessent de croître. La dépense fiscale fonctionne en effet en mode « guichet » et non en crédits limitatifs. Non seulement elle n’est pas limitée par un plafond, mais elle n’est pas soumise à la régulation budgétaire. Au contournement du principe de sincérité budgétaire s’ajoute un véritable risque de dérive des finances publiques.

2.– Des difficultés d’évaluation

a) L’évaluation du coût des dépenses fiscales n’est pas fiable.

L’évaluation du coût des dépenses fiscales comporte des limites méthodologiques intrinsèques. D’une part, la méthode de calcul la plus utilisée, en France comme à l’étranger, consiste à mesurer la perte de recettes générée par le dispositif dérogatoire à la norme fiscale de référence, toutes choses égales par ailleurs ; cette méthode suppose le comportement des agents économiques stable, alors que l’évolution de la législation fiscale produit sans doute des effets sur les décisions des contribuables. D’autre part, il est difficile d’évaluer avec précision les coûts indirects des dépenses fiscales, dont certaines produisent des effets non neutres sur le niveau de la dépense ; ainsi que le relevait le Conseil des impôts, « les exonérations et les abattements au titre de l’impôt sur le revenu peuvent avoir pour effet de faire passer des allocataires au-dessous des plafonds d’exclusion, voire d’augmenter le niveau des aides versées, dans les cas où le barème des allocations varie en fonction du revenu fiscal, comme c’est le cas pour les aides au logement ou les bourses ». Un dispositif de dépenses fiscales peut donc générer, du seul fait de son existence, un accroissement des dépenses budgétaires par effet de seuil.

Une évaluation fiable des dépenses fiscales suppose l’existence d’informations aisément exploitables. Or, la qualité des informations varie selon les dispositifs concernés. Les dépenses fiscales affectant l’impôt sur le revenu sont parmi les mieux connues. L’IR est en effet perçu sur la base des déclarations remises par les contribuables, déclarations qui permettent de réaliser des simulations de pertes de recettes, qui sont ensuite extrapolées pour fournir une évaluation du coût des dépenses fiscales. Mais les données ainsi exploitées ne sont pas inépuisables ; en effet, les obligations déclaratives des contribuables sont limitées aux informations nécessaires à l’établissement de l’impôt, et ne sauraient être alourdies afin de constituer une base de données permettant de calculer avec précision le montant des dépenses fiscales. Ainsi, la déclaration d’IR n’impose pas une décomposition systématique de la somme des dépenses fiscales dont bénéficie le contribuable déclarant. Ce que l’administration ne peut établir par simulation, elle l’estime par reconstitution de la base soustraite à l’impôt. Cette reconstitution nécessite l’exploitation de données extérieures à l’administration fiscale, issues par exemple d’études économiques. Caractérisée selon le Conseil des impôts par « une précision très médiocre », cette méthode est pourtant la plus utilisée pour l’estimation des dépenses fiscales concernant les impôts non déclaratifs. Parvenir à une évaluation plus fiable du coût des dépenses fiscales impliquerait donc de procéder à un retraitement massif d’informations ne figurant pas dans les bases de données fiscales ; les moyens à mobiliser seraient alors considérables.

La fiabilité des évaluations fournies par l’annexe Voies et moyens est donc variable. L’annexe indique d’ailleurs le niveau de fiabilité du montant de chacune des dépenses fiscales. Dans l’ordre croissant, les indicateurs de fiabilité sont les suivants : absence de chiffrage, ordre de grandeur, bonne, très bonne. Dans l’annexe Voies et moyens annexé au PLF 2008, la fiabilité du chiffrage des dépenses fiscales sur l’IR est assez faible : 14 % des mesures ne sont pas chiffrées ; 44 % se voient assorties d’un simple ordre de grandeur ; la fiabilité du chiffrage est bonne pour 26 % des dispositifs et très bonne pour seulement 16 %. Une mesure réputée bien évaluée ne l’est pas nécessairement ; en effet, d’importants écarts à la prévision peuvent être constatés en exécution, ainsi que l’illustre le tableau suivant.

EXEMPLES D’ÉCARTS ENTRE PRÉVISION ET EXÉCUTION

Dépense fiscale

PLF 2003

Constaté

PLF 2004

Constaté

PLF 2005

Constaté

PLF 2006

Constaté
(PLF 2007)

Fiabilité (PLF 2007)

Exonération IR de l’APA

51

105

100

130

140

190

170

210

Bonne

Détermination du résultat imposable IS des entreprises de transport maritime à partir du tonnage de leurs navires

5

65

10

115

115

155

Bonne

Exonération partielle d’ISF des parts ou actions de sociétés objets d’un engagement collectif de conservation

75

20

150

40

25

60

Très bonne

Source : Inspection générale des finances, Rapport sur la gestion pluriannuelle des finances publiques, avril 2007

Rappelons enfin que le fascicule Voies et moyens ne recense pas l’ensemble des dépenses fiscales (10) ; de ce seul fait, la dépense fiscale ne saurait être chiffrée de façon complète.

b) L’évaluation de l’efficacité des dépenses fiscales reste embryonnaire.

Les dépenses fiscales ne font l’objet d’aucune évaluation spécifique ex ante. Le premier Conseil de la modernisation des politiques publiques, réuni le 12 décembre 2007, a cependant décidé de définir des règles d’adoption plus strictes pour les dépenses fiscales. Au rang de ces règles figure la subordination de la création de toute dépense fiscale à la réalisation d’une étude d’impact préalable. Cette étude devra comporter une comparaison des outils fiscaux et budgétaires, afin d’évaluer la pertinence du recours à l’outil fiscal. Les modalités de mise en œuvre de cette décision devraient être arrêtées lors du prochain Conseil d’orientation des finances publiques, ce qui aura le mérite d’associer le Parlement à l’élaboration du futur régime des dépenses fiscales.

À la différence de certains de ses partenaires de l’OCDE, notamment les Pays-Bas, la France n’a pas instauré de revue systématique, ex post, de l’efficacité des dépenses fiscales. La direction de la Législation fiscale et les missions d’inspection réalisent des études ponctuelles sur certaines dépenses fiscales, notamment les plus coûteuses. Ainsi, l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration ont réalisé conjointement en juillet 2006 un rapport sur l’évaluation de l’impact socio-économique du dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer. Par ailleurs, certaines évaluations résultent d’obligations légales ; il en est ainsi de l’évaluation du crédit d’impôt recherche, réalisée en application de l’article 34 de la loi de programme n° 2006-450 du 19 avril 2006.

B.– DES RÈGLES DE GOUVERNANCE INDISPENSABLES

1.– Améliorer l’évaluation de la dépense fiscale

a) Améliorer l’information sur la dépense fiscale

• Préciser la définition de la dépense fiscale

Le fascicule Voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mises en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allègement de la charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

Cette définition implique d’identifier la norme, ce qui n’est pas sans difficulté. Le fascicule Voies et moyens précise ainsi que les dispositifs dérogatoires anciens ou généraux doivent être regardés comme la norme, et par voie de conséquence exclus du recensement opéré chaque année au moment du dépôt du projet de loi de finances.

L’application des critères de généralité et d’ancienneté suscite quelques interrogations :

– concernant d’abord la généralité de la mesure, il apparaît en effet assez logique de considérer qu’un dispositif dérogatoire à la norme mais néanmoins appliqué à la plupart des situations fiscales constitue de facto la norme, ou à tout le moins une modalité du calcul de l’impôt. C’est ainsi que, depuis 1998, le quotient familial n’est plus regardé comme une dépense fiscale. Mais l’application du critère de généralité est à géométrie variable, ce qui entretient une certaine confusion. À titre d’exemple, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, l’abattement de 10 % sur le montant des pensions et retraites est regardé comme une dépense fiscale, alors que l’abattement de 20 % sur les traitements et salaires, lorsqu’il existait, était considéré comme la norme ;

– concernant ensuite l’ancienneté de la mesure, il est permis de s’interroger sur la pertinence même du critère. Dès lors qu’un dispositif est dérogatoire et qu’il ne remplit pas le critère de généralité précédemment décrit, sa seule ancienneté ne devrait pas pouvoir le faire accéder au statut de norme. L’application de ce critère d’ancienneté conduit à exclure du recensement opéré par le fascicule Voies et moyens des dispositifs qui conservent pourtant le caractère de dépense fiscale ; en conséquence, il paraît opportun de supprimer le critère d’ancienneté dans la définition de la norme fiscale et, en creux, de la dépense fiscale. D’une certaine manière, le critère d’ancienneté pourrait même être employé à l’inverse : il n’est pas illogique de penser que plus une mesure de dépense fiscale est ancienne, plus l’examen de sa pertinence est nécessaire.

Au-delà du renouvellement de la notion de norme fiscale, il conviendrait de distinguer les différents dispositifs dérogatoires selon l’esprit qui a présidé à leur création. C’est ce que préconisait en 2003 le Conseil des impôts en suggérant de différencier allègements structurels et instruments de politique publique, les premiers répondant à un objectif de nature fiscale, les seconds à un but non exclusivement fiscal. Cette distinction ne manque pas de pertinence, dès lors que certains dispositifs recensés comme dépenses fiscales n’ont pas d’autre objet que d’assurer le respect des principes d’une « bonne » fiscalité ; ainsi, lorsqu’il existait, l’avoir fiscal avait pour objet de garantir la neutralité fiscale en évitant la double imposition d’un même revenu. Mais certains dispositifs classés par le Conseil des impôts comme allègements structurels auraient tout aussi bien pu figurer au rang des instruments de politique publique. Il en allait ainsi de la demi-part supplémentaire par enfant à charge à compter du troisième : censée assurer l’équité fiscale « horizontale » (entre contribuables ayant les mêmes revenus mais pas les mêmes charges), cette dépense fiscale peut également être regardée comme un instrument au service d’une politique familiale.

Malgré les difficultés que cela peut présenter, notamment en raison de la nature complexe des dépenses fiscales intervenant dans le champ de la politique familiale, il est nécessaire, dans un souci de clarté, de fournir une typologie analytique des dépenses fiscales. Une première catégorie se dégage clairement, celle des dépenses fiscales attachées à la situation personnelle du contribuable ; ces mesures ont vocation à octroyer aux contribuables concernés un avantage fiscal destiné à compenser un handicap objectif, en général source de surcoûts pour le contribuable, dans un souci d’équité. Il s’agit, typiquement, des dépenses fiscales en faveur des personnes âgées, invalides, ou en situation précaire. L’avantage fiscal procuré aux contribuables par ces dépenses fiscales est un avantage « subi », résultant de leur situation objective et non de leur comportement économique. Une deuxième catégorie de dépenses fiscales a une vocation incitative, poursuivant des objectifs de politique publique. La plupart de ces mesures tendent à orienter le comportement des contribuables, leur procurant alors un avantage fiscal « choisi ». Il s’agit, notamment, des « niches » sur l’impôt sur le revenu, dont certaines seront présentées en détail plus loin dans le présent rapport. Encore une fois, la typologie des dépenses fiscales est nécessairement plus complexe que cette seule distinction entre mesures procurant un avantage subi et mesures procurant un avantage choisi ; néanmoins, une typologie analytique, même sommaire, rendrait plus lisible le fascicule Voies et moyens.

• Présenter les variations du champ des dépenses fiscales

Afin d’améliorer l’information du Parlement sur le champ des dépenses fiscales, il conviendrait que les variations de périmètre du fascicule Voies et moyens soient explicitées, précisant quelles sont les nouvelles mesures recensées et les dispositifs dont il n’est plus fait état. À ce propos, le Conseil de la modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 a arrêté le principe de la présentation, dans une annexe au projet de loi de finances, de l’évolution de la liste des dépenses fiscales.

• Améliorer l’information financière

Le fascicule Voies et moyens présente les dépenses fiscales selon une typologie essentiellement juridique : par nature d’impôt, par missions et programmes, par bénéficiaires. Cette typologie, parfaitement légitime, ne facilite toutefois pas l’exploitation des données présentées.

Il serait utile de compléter l’information donnée au Parlement par des éléments de nature plus financière, en fournissant notamment une totalisation du montant des dépenses fiscales pour l’année considérée. À cette suggestion pourraient être opposées les limites méthodologiques inhérentes à une telle totalisation ; de fait, le caractère approximatif de l’évaluation du coût de chacune des dépenses fiscales, évoqué précédemment, ainsi que les éventuelles interactions entre les différentes mesures, rendent fragile un chiffrage global. Néanmoins, un tel chiffrage, entouré des précautions méthodologiques nécessaires, apparaît indispensable eu égard aux montants considérés. On peut également envisager un classement des dispositifs en fonction de leur coût ou encore de l’avantage en impôt apporté aux bénéficiaires ; la mission d’information publie ainsi une liste des principales dépenses fiscales propres à l’IR classées par coût (11).

Proposition n° 1 : Améliorer le contenu de l’annexe Voies et moyens

1.1/ Supprimer, dans la définition de la norme fiscale, le critère d’ancienneté de la mesure

1.2/ Fournir une typologie des dépenses fiscales distinguant, a minima, les mesures attachées à la situation objective du contribuable et les mesures incitatives poursuivant un objectif de politique publique

1.3/ Indiquer explicitement les variations de périmètre de l’annexe

1.4/ Fournir une totalisation du montant des dépenses fiscales

b) Renforcer l’expertise des dépenses fiscales

En matière de création d’une dépense fiscale, la première question qui se pose est de connaître les motifs conduisant à préférer cette technique à la dépense budgétaire. À cette fin, il conviendra de veiller à ce que soit bel et bien mise en œuvre la décision du Conseil de la modernisation des politiques publiques évoquée supra, tendant à ce que la création d’une nouvelle dépense fiscale soit subordonnée à une étude d’impact explicitant les motifs de recours à l’outil fiscal plutôt qu’à l’outil budgétaire. Au-delà, il serait souhaitable que les dépenses fiscales existantes les plus coûteuses fassent l’objet d’une analyse comparative de ce type. Cette démarche peut paraître lourde à mettre en œuvre, mais certains États l’appliquent d’ores et déjà, notamment les Pays-Bas.

Proposition n° 2 : Justifier le recours aux dépenses fiscales

2.1/ Soumettre la création de toute nouvelle mesure de dépense fiscale à une étude d’impact présentant les avantages comparatifs de la dépense fiscale par rapport à la dépense budgétaire

2.2/ Étendre cette obligation aux dépenses fiscales existantes les plus importantes en volume

Par ailleurs, en dépit de leur croissance continue en nombre comme en volume, les dépenses fiscales ne sont pas pleinement intégrées à la procédure budgétaire. Ainsi, c’est seulement depuis 2006 qu’elles font l’objet d’un examen lors des conférences budgétaires, réunissant la direction du Budget et les ministères dits « dépensiers ». Mais, selon les informations recueillies par la mission, l’examen des dépenses fiscales est très largement subsidiaire au regard de l’attention portée à l’évolution des crédits budgétaires. Une plus grande prise en compte des dépenses fiscales dans les conférences de budgétisation permettrait de s’interroger, dès les premières phases de l’élaboration du projet de loi de finances, sur l’évolution du volume de ces dépenses et, au-delà, sur leur opportunité et leur efficacité. De ce point de vue, la circulaire du ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique en date du 10 avril 2008 marque un progrès certain, prévoyant pour les 11 missions bénéficiant d’un montant total de dépenses fiscales supérieur à 1 milliard d’euros un examen spécifique en conférence de budgétisation. Aux termes de la circulaire, « cet examen doit permettre de vérifier la cohérence des moyens budgétaires et fiscaux de l’action publique et de simplifier notre système fiscal » et de « dégager des propositions de recentrage ou de suppression des dispositifs dont l’efficacité n’est pas démontrée ». La mission considère que cette initiative, heureuse mais limitée, doit être élargie à l’ensemble des dépenses fiscales.

Proposition n° 3 : Généraliser l’examen des dépenses fiscales lors des conférences budgétaires

2.– Placer la dépense fiscale sous une norme pluriannuelle

● Depuis le début des années 2000, dans un souci de maîtrise de la dépense publique, l’État s’efforce de respecter une norme conventionnelle de progression des crédits budgétaires. En prévision, la norme de dépense consiste à fixer un objectif de progression des dépenses nettes du budget général de l’État. Ainsi, les lois de finances pour 2004, 2005 et 2006 ont été construites sur la base d’une norme dite « zéro volume », les dépenses budgétaires progressant au même rythme que l’inflation (12). La norme appliquée à la loi de finances pour 2007 a été plus ambitieuse encore, prévoyant une réduction de la dépense en volume, basée sur une croissance des crédits du budget général inférieure d’un point à la hausse du niveau général des prix. Malgré les dépenses imprévues survenant nécessairement en cours d’exécution, la norme « zéro volume » a pu être respectée sur toute la période 2004-2006.

À diverses reprises (13), la commission des Finances a exprimé le souhait de voir élargi le périmètre de la norme de dépense, afin de limiter les possibilités de contournement de ladite norme. Ce souhait a été entendu par le Gouvernement, puisque la norme de dépense pour 2008 a été étendue aux prélèvements sur recettes et aux nouvelles affectations de ressources à des personnes distinctes de l’État (14).

● En revanche, l’intégration des dépenses fiscales à la norme de dépense ne paraît pas souhaitable :

– d’une part, les dépenses fiscales ne sont pas toutes assimilables à des dépenses budgétaires. Ainsi, les mesures poursuivant un objectif proprement fiscal ne sauraient utilement être soumises à des contraintes pesant sur des instruments de politique publique telles les dépenses budgétaires ;

– d’autre, part, l’intégration des dépenses fiscales à la norme de dépense pourrait en affaiblir le caractère contraignant. Le pilotage infra-annuel des dépenses fiscales présente des difficultés tenant à leur nature même : au-delà des carences méthodologiques et pratiques évoquées précédemment (définition imparfaite, information incomplète, évaluation insuffisante), les dépenses fiscales sont servies « à guichet ouvert » et font par conséquent l’objet d’un chiffrage évaluatif et non limitatif. Si les dépenses fiscales étaient intégrées dans la norme de dépense, un accroissement imprévu de leur montant devrait être compensé par une réduction à due proportion des crédits budgétaires. L’évaluation du montant des dépenses fiscales est si incertaine qu’un risque de régulation sévère pèserait alors sur les crédits budgétaires. Symétriquement, le montant des dépenses fiscales pourrait être sous-évalué en prévision, favorisant l’accroissement de la dépense budgétaire ; l’inclusion de la dépense fiscale dans la norme de dépense pourrait donc rendre celle-ci plus facilement manipulable. De fait, une norme de dépense élargie aux dépenses fiscales risquerait fort de n’être pas respectée. Or, pour demeurer un véritable outil de pilotage des finances publiques, la norme de dépense doit être suffisamment réaliste pour être perçue comme contraignante.

● Pour autant, les possibilités de contournement de la norme de dépense offertes par la progression galopante des dépenses fiscales et leur substitution aux dépenses budgétaires ne sauraient rester sans réponse.

La solution réside dans la création d’une norme spécifique aux dépenses fiscales. Il s’agirait, comme pour la norme de dépense, de plafonner conventionnellement la progression du montant total des mesures recensées dans un fascicule Voies et moyens rénové. Cela permettrait de suivre de près l’évolution des différents dispositifs et de leur impact sur le solde budgétaire, sans pour autant dénaturer la norme de dépense telle qu’elle existe aujourd’hui. Il faut relever que le Conseil de la modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 a souhaité la mise en place d’un plafond de dépenses fiscales, afin que la création de nouvelles dépenses fiscales ne constitue pas un moyen de contourner la norme de dépense.

Il faut tout de suite préciser les limites intrinsèques d’une norme de dépense fiscale :

– la première limite tient, encore une fois, aux difficultés de chiffrage ex ante du montant des dépenses fiscales, tenant à sa méthodologie et à son caractère évaluatif ;

– la deuxième limite résulte du fait que les dépenses fiscales sont servies « à guichet ouvert », ce qui prive le Gouvernement d’outil de régulation en cours d’exécution. L’avantage fiscal est de droit et résulte, selon le type de dépense fiscale, du montant des revenus, du montant de l’impôt dû ou encore d’un comportement économique spécifique, variables que l’administration fiscale ne peut à elle seule modifier. Seules les dépenses fiscales soumises à agrément peuvent théoriquement faire l’objet de mesures s’apparentant à un gel ou une annulation de crédits budgétaires. Mais l’agrément n’est en aucun cas un outil de régulation des montants de recettes auxquels l’État consent à renoncer ; l’agrément permet simplement à l’autorité administrative de s’assurer que les conditions ouvrant droit à la mesure d’aide fiscale sont bel et bien remplies par le demandeur ;

– la troisième limite, découlant des deux précédentes, provient de la difficulté à sanctionner ex post le non-respect de la norme de dépense fiscale. Cela étant, il n’existe pas non plus de dispositif de sanction spécifique en cas de dépassement de la progression maximale fixée par la norme de dépense, qui, rappelons-le, est purement conventionnelle.

Malgré ces limites notables, l’instauration d’une norme de dépense fiscale constituerait une avancée considérable au regard de la situation actuelle, essentiellement en matière d’information du Parlement :

– d’une part, cela permettrait de comparer, au moment de l’examen du projet de loi de finances, l’évolution respective de la dépense budgétaire et de la dépense fiscale ;

– d’autre part, cela rendrait nécessaire l’arbitrage entre les différentes mesures existantes. La contrainte pesant sur la progression globale des dépenses fiscales devrait favoriser les dispositifs présentant le meilleur rapport entre coût pour les finances publiques et satisfaction de l’objectif de politique publique poursuivi ;

– enfin, cela permettrait à tout le moins d’engager un véritable débat sur l’éventuel écart constaté entre la prévision du montant de dépense fiscale et le résultat obtenu en exécution. Intrinsèquement, une norme de dépense fiscale serait certes plus difficile à respecter que la norme de dépense budgétaire, essentiellement en raison de l’absence d’instrument de régulation infra-annuelle ; mais rien ne fait obstacle à ce que le Gouvernement justifie, dans les rapports annuels de performances (RAP), les écarts constatés entre la prévision et l’exécution. Si certains de ces écarts peuvent s’expliquer par l’évolution de la base taxable ou du comportement des agents, données largement exogènes sur lesquelles l’administration fiscale n’a pas de prise, d’autres peuvent en revanche résulter d’une évaluation ex ante défaillante, sur laquelle un dialogue mérite d’être engagé entre les pouvoirs publics.

Cependant, la création d’une norme de dépense fiscale ne doit pas uniquement servir à renforcer l’information du Parlement : un dépassement en exécution de la norme de dépense fiscale prévue dans la loi de finances initiale doit pouvoir être sanctionné, en intégrant le montant du dépassement dans la norme prévue pour l’année suivante. Ainsi, si la norme de dépense fiscale prévue au moment de l’adoption de la loi de finances pour l’année n est dépassée au cours de l’exécution de ladite loi de finances, la norme de dépense fiscale pour l’année n+2 devra être plus restrictive, afin de compenser l’effet sur le solde budgétaire du dépassement constaté pour l’année n.

L’instauration d’une norme de dépense fiscale doit remplir deux exigences principales :

– prendre en compte le stock de dépenses fiscales : il s'agit non seulement de discipliner les projets de dépenses nouvelles mais également de tenir compte du dérapage budgétaire des dépenses fiscales existantes (15) ;

– intégrer l’évolution de la norme de dépenses fiscales dans la programmation pluriannuelle, en définissant un plafond sur trois ans et des plafonds annuels. La fixation du taux de progression de la norme doit être réaliste mais aucun argument convaincant ne s’oppose à l’alignement, à terme, de la norme ad hoc sur le « zéro volume ».

Dans cette optique, la mission reprend à son compte les propositions émises par le Rapporteur général dans son rapport d’information sur les premiers résultats de l’exécution du budget 2007 (16). Elle propose donc, dès le projet de loi de finances pour 2009, de :

– faire figurer dans le fascicule Voies et moyens une présentation de l’exécution des dépenses fiscales du dernier exercice clos et de l’exercice en cours, mettant en évidence les éventuelles dérives constatées ;

– présenter, dans l’exposé des motifs de l’article 1er de la loi de finances initiale (autorisation de percevoir les impôts), un objectif de dépenses fiscales (ODF) pour l’année ;

– inscrire dans les dispositions fiscales de la loi de finances initiale les mesures d’ajustement destinées à corriger les écarts entre l’ODF et les dépenses constatées.

À terme, une fois la définition et le suivi de la dépense fiscale mieux établis, il sera sans doute nécessaire de modifier la LOLF pour permettre au Parlement de voter chaque année l’ODF.

Proposition n° 4 : Créer une norme de dépense fiscale

4.1/ Faire figurer dans le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2009 une présentation de l’exécution des dépenses fiscales du dernier exercice clos et de l’exercice en cours, mettant en évidence les éventuelles dérives constatées

4.2/ Présenter, dans l’exposé des motifs de l’article 1er de la loi de finances initiale pour 2009 (autorisation de percevoir les impôts), un objectif de dépenses fiscales (ODF) pour l’année

4.3/ Inscrire dans les dispositions fiscales de la loi de finances initiale pour 2009 les mesures d’ajustement destinées à corriger les écarts entre l’objectif de dépenses fiscales et les dépenses constatées

4.4/ Modifier ensuite la LOLF pour permettre au Parlement de voter chaque année l’objectif de dépenses fiscales

3.– Consolider la dépense fiscale en loi de finances

La meilleure façon d’assurer le respect de la norme de dépense fiscale consiste à réserver la création des dépenses fiscales aux lois de finances. Deux solutions sont envisageables :

– une règle stricte faisant de la dépense fiscale le domaine exclusif des lois de finances. Une telle règle supposerait une modification de la Constitution. Elle ne serait en effet pas compatible avec l’article 34 de la Constitution qui met explicitement dans le domaine de la loi, sans restriction, la fixation des règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. En outre, elle porterait atteinte au droit d’initiative des parlementaires en interdisant toute disposition fiscale dans une proposition de loi et tout amendement fiscal à un projet ou à une proposition de loi ordinaire ;

– une solution moins radicale consistant à conditionner le maintien en vigueur des dépenses fiscales instaurées en loi ordinaires à leur ratification dans la plus prochaine loi de finances (17). Cette règle qui passerait par une modification de la LOLF permettrait aux lois sectorielles de garder une cohérence d’ensemble.

Ces deux solutions auraient cependant plus d’inconvénients que d’avantages. Une règle stricte consistant à réserver les dispositions fiscales aux lois de finances empêcherait d’utiliser la fiscalité à des fins contra-cycliques : il faudrait attendre la promulgation de la prochaine loi de finances pour qu’entrent en vigueur les mesures fiscales destinées à répondre à la conjoncture. Soumettre les dispositions fiscales votées en loi ordinaire à une validation en loi de finances donnerait à la norme fiscale une instabilité et serait source d’insécurité juridique.

C’est pourquoi la mission se prononce en faveur d’une règle plus souple et plus pragmatique consistant à limiter dans le temps l’application des nouvelles dépenses fiscales. En effet, une fois créées, les dépenses fiscales restent en vigueur même lorsqu’elles ont pu perdre leur utilité. Les dépenses fiscales ne doivent donc être autorisées que pour une durée limitée. Cette durée pourrait être de trois ans afin de faire correspondre le cycle d’application des dépenses fiscales avec le cadre temporel de la programmation du budget de l’État, sans porter atteinte à la sécurité juridique de la norme fiscale. Au bout de trois ans, la reconduction devra nécessiter une nouvelle intervention du législateur à l’occasion de l’examen des lois de finances qui pourront ainsi devenir le cadre d’une évaluation et d’une consolidation des dépenses fiscales.

En outre, l’exposé des motifs de l’article 1er de chaque loi de finances initiale pourrait récapituler l’ensemble des dépenses fiscales adoptées dans des lois ordinaires depuis le vote de la dernière loi de finances. Ainsi, au moment d’autoriser la perception des impôts, le Parlement aurait une information précise sur les mesures décidées en cours d’année.

Proposition n° 5 : Consolider la dépense fiscale en loi de finances

5.1/ Limiter l’application des nouvelles dépenses fiscales à une durée de trois ans

5.2/ Faire figurer dans l’exposé des motifs de l’article 1er de la loi de finances initiale (autorisation de percevoir les impôts) un tableau récapitulant l’ensemble des dépenses fiscales adoptées depuis la dernière loi de finances initiale

4.– Appliquer aux dépenses fiscales la logique de performance prévue par la loi organique relative aux lois de finances

L’article 51 de la LOLF prévoit la présentation, dans chaque projet annuel de performances, d’une évaluation des dépenses fiscales rattachées au programme concerné. Mais, à la différence de ce qu’elle impose pour les crédits budgétaires, la LOLF n’exige pas que les dépenses fiscales soient assorties d’objectifs et d’indicateurs de performance.

Ainsi, c’est uniquement à titre expérimental que la démarche de performances de la LOLF s’est étendue aux dépenses fiscales. Dans le projet de loi de finances pour 2007, des indicateurs de performance ont été associés à une douzaine de dépenses fiscales. L’expérimentation a été poursuivie dans le PLF 2008, qui compte 13 indicateurs de performance rattachés à des dépenses fiscales, figurant dans le tableau suivant.

PERFORMANCE DES DÉPENSES FISCALES

(en millions d’euros)

Indicateurs de performance des dépenses fiscales

Dépense fiscale

2008

Part des bénéficiaires de la prime pour l’emploi précédemment au chômage ou inactifs

Prime pour l’emploi en faveur des contribuables modestes déclarant des revenus d’activité

4 230

Dépense de recherche-développement privée supplémentaire par euro de crédit d’impôt recherche

Crédit d’impôt en faveur de la recherche

1 390

Part du temps de tournage réalisé en France

Crédit d’impôt pour dépenses de production d’œuvres cinématographiques

50

Part des dépenses effectuées en France, pour les films d’initiative française

Crédit d’impôt pour dépenses de production d’œuvres cinématographiques

50

Effet de levier de la part des fonds publics dans l’acquisition de trésors nationaux et d’œuvres d’intérêt national

Réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l’achat de Trésors nationaux et autres biens culturels spécifiques

20

Amélioration de la part des bénéficiaires des chèques-vacances partant effectivement en vacances

Exonération de la contribution patronale au financement des chèques vacances

20

Effet multiplicateur des mesures fiscales en faveur des chèques-vacances sur les recettes fiscales induites

Exonération de la contribution patronale au financement des chèques vacances

20

Part des ménages primo-accédants sur le total des accédants

Crédit d’impôt au titre d’une avance remboursable ne portant pas intérêt

500

Part des bénéficiaires du prêt à taux zéro selon leur niveau de revenu

Crédit d’impôt au titre d’une avance remboursable ne portant pas intérêt

500

Consommation énergétique globale des logements, corrigée des variations climatiques, dont consommation d’énergie pour le chauffage

Crédit d’impôt pour dépenses d’équipements de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et du développement durable

2 400

Consommation énergétique globale tous usages confondus (chauffage, eau chaude sanitaire et usages spécifiques), des bâtiments d’habitation et tertiaires, corrigée des variations climatiques

Crédit d’impôt pour dépenses d’équipements de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et du développement durable

2 400

Nombre de navires de commerce sous pavillon français armés par des compagnies ayant opté pour la taxe au tonnage

Détermination du résultat imposable des entreprises de transport maritime en fonction du tonnage de leurs navires

Non chiffré

Comparaison du taux de création d’entreprises dans les zones prioritaires d’aménagement du territoire par rapport à la moyenne nationale

Plusieurs dispositifs

 

Source : Direction du Budget

Les premiers résultats de cette expérimentation seront connus au moment de l’examen du projet de loi de règlement pour 2007. Les rapports annuels de performances annexés à ce texte devraient en effet renseigner le Parlement sur le degré de satisfaction, par les dépenses fiscales testées, des objectifs qui leur ont été assignés.

Par ailleurs, les RAP 2007 devraient permettre quelques améliorations en matière de présentation des dépenses fiscales, en fournissant un classement des dépenses fiscales par objectif et une totalisation des dépenses fiscales par programme. 13 dépenses fiscales dites « à fort enjeu » font quant à elles l’objet d’une présentation plus complète, en deux parties. Une partie « Description de la dépense fiscale » explicite l’objectif visé par la mesure et comprend un développement sur l’évolution croisée du coût de la mesure et du nombre de bénéficiaires. Une partie « Efficience de la dépense fiscale » mesure le degré d’atteinte de l’objectif assigné au dispositif, estime l’efficience de la dépense concernée et procède à une comparaison coûts/avantages entre dépense fiscale et dépense budgétaire. Cette démarche d’évaluation particulière sera poursuivie dans les projets annuels de performances pour 2009, et élargie à deux dépenses fiscales supplémentaires.

La mesure de la performance est nécessairement plus limitée pour les dépenses fiscales que pour les dépenses budgétaires, eu égard, à nouveau, aux caractéristiques des dépenses fiscales. Outre les difficultés de chiffrage plusieurs fois évoquées, qui créent un aléa certain sur la fiabilité des cibles définies dans les indicateurs, la principale carence affectant la mesure de la performance des dépenses fiscales tient à l’implication des responsables de programme. En effet, il paraît peu plausible d’associer à une dépense fiscale un indicateur d’efficacité de la gestion ; en effet, à la différence par exemple des subventions, les dépenses fiscales sont suivies pour la plupart d’entre elles par la direction générale des Impôts et non directement par le responsable du programme auquel elles sont rattachées en application de l’article 51 de la LOLF. En outre, le gestionnaire d’une mesure de dépense fiscale ne dispose d’aucun moyen d’intervention lui permettant de s’assurer, en cours d’exercice, de la réalisation des objectifs chiffrés prédéterminés.

Ces carences ne doivent pas empêcher l’extension de la démarche de performance à l’ensemble des dépenses fiscales. En dehors des indicateurs d’efficacité de la gestion, les dépenses fiscales peuvent être associées à des indicateurs mesurant l’efficacité socio-économique du dispositif, ou encore son efficience (mesure du coût rapportée au nombre de bénéficiaires). De fait, ce sont d’ailleurs les indicateurs d’efficacité socio-économique qui ont été privilégiés dans le cadre du PLF 2008, ainsi qu’en témoigne le tableau précédent. En outre, l’absence de mécanismes de régulation infra-annuel, que l’on retrouve mutatis mutandis en matière de subventions « à guichet ouvert », n’empêche pas ces mesures d’être soumises à la démarche de performance.

Si l’ensemble des mesures fiscales doit à moyen terme être associé à des indicateurs de performance, il convient, dans l’immédiat, de concentrer les efforts sur les dispositifs les plus coûteux. Sur la dizaine de dépenses fiscales concernées par l’expérimentation dans le PLF 2008, seules 3 sont chiffrées à plus d’un milliard d’euros, alors que le fascicule Voies et moyens recense 23 dispositifs dont le coût excède un milliard d’euros.

Proposition n° 6 : Mesurer la performance des dépenses fiscales

6.1/ À moyen terme : prévoir pour les dépenses fiscales des objectifs et des indicateurs de performance comparables à ceux appliqués aux dépenses budgétaires

6.2/ À court terme : privilégier, dans cette démarche, les dépenses fiscales les plus coûteuses

II.– AMÉLIORER L’ÉQUITÉ ET L’EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE FISCALE

Le propre d’une dépense fiscale est de permettre aux contribuables en bénéficiant « un allègement de la charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme ». Dans bien des cas, s’agissant par exemple de l’abattement en faveur des personnes âgées ou invalides de condition modeste ou de la prime pour l’emploi, l’objet même de la mesure est de permettre un tel allégement afin d’accroître l’équité de notre système fiscal ou d’augmenter le pouvoir d’achat de certaines catégories de la population. S’il convient de s’interroger régulièrement sur la légitimité de telles dépenses fiscales, on ne peut donc les critiquer à raison de leur effet sur le montant de l’impôt, qui est leur raison d’être.

Il est toutefois également des dépenses fiscales dont l’objectif n’est pas d’alléger la charge fiscale des contribuables concernés mais de les inciter à prendre une décision, décision que rémunère, en quelque sorte, l’avantage fiscal. Certaines de ces dépenses fiscales à vocation incitative prennent la forme d’une exonération d’impôt ou d’une imposition réduite de certains revenus. Ces dépenses fiscales sont nombreuses et représentent un enjeu budgétaire très important. Si elles réduisent l’impôt dû au titre des revenus bénéficiant d’un régime fiscal spécifique, ces dispositions ne permettent toutefois pas à un contribuable de réduire l’impôt au titre d’autres catégories de ses revenus.

En revanche, d’autres mesures dérogatoires le permettent et ce sont celles-ci auxquelles la mission d’information s’est intéressée, considérant que l’atteinte potentielle à l’équité fiscale est la plus forte lorsqu’une différence importante d’imposition entre deux contribuables percevant des revenus identiques et placés dans les mêmes situations personnelles peut résulter du recours volontaire à un instrument dérogatoire. La mission d’information a donc recueilli auprès de l’administration fiscale un certain nombre de données permettant d’évaluer l’ampleur du recours à ces instruments et leurs effets sur l’équité de l’impôt sur le revenu.

Ces données font apparaître une utilisation massive de ces instruments par certains contribuables. Elles mettent en évidence que les mesures dérogatoires permettant de procurer un avantage en impôt dont le montant n’est pas plafonné sont naturellement celles dont les effets sont les plus importants en valeur absolue par contribuable. Ces mesures sont également celles le plus utilisées par des contribuables dont les revenus sont les plus élevés pour échapper en tout ou partie à l’impôt.

Il apparaît également que, si l’utilisation de ces mesures dérogatoires est particulièrement concentrée sur certains dispositifs, la plupart des contribuables cumulent les bénéfices tirés de diverses dépenses fiscales.

Comme l’utilisation des dispositifs non plafonnés, le cumul du bénéfice des dispositifs plafonnés est donc de nature à porter atteinte au principe à valeur constitutionnelle résultant de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel la contribution aux charges communes « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

La mission a donc procédé à un réexamen de la possibilité de plafonner la somme des avantages fiscaux bénéficiant à un contribuable, qui avait été décidée par des dispositions déclarées non conformes à la Constitution de la loi de finances pour 2006, ou d’instituer une cotisation minimale d’impôt (18).

A.– UNE ATTEINTE À L’ÉQUITÉ FISCALE

Le recours aux dispositions dérogatoires procurant un avantage en impôt est principalement connu à partir des informations figurant dans les déclarations de revenus des contribuables qui en rendent compte avec un degré de précision très variable selon la technique fiscale utilisée.

L’effet des mesures prenant la forme de réductions ou de crédits d’impôt est le mieux connu puisque leur bénéfice est subordonné à une déclaration spécifique (le plus souvent sous la forme d’une case dédiée de la déclaration de revenus) et que l’avantage en impôt qu’elles procurent ne dépend pas d’autres éléments relatifs à la situation fiscale du contribuable (sous réserve de la fraction non imputable mais reportable de certaines réductions d’impôt).

L’effet des mesures d’assiette est en revanche plus délicat à mesurer. L’ampleur même de leur utilisation n’est, tout d’abord, pas connue avec la même précision par l’exploitation directe des données issues des déclarations de revenu. Outre le cas des revenus exonérés d’impôt dont la déclaration n’est pas obligatoire, beaucoup des mesures d’assiette concernent des revenus catégoriels dont seul le solde net est reporté sur les déclarations principales de revenus qui sont actuellement informatisées. Ainsi, par exemple, la déclaration principale de revenus d’un contribuable enregistrant un déficit de 100 000 euros au titre d’un immeuble monument historique et 110 000 euros d’autres revenus fonciers spéciaux ne sera pas distinguable, sans retraitement, de la déclaration de revenus d’un contribuable percevant 10 000 euros de revenus fonciers.

En outre, la diminution de l’impôt entraînée par des mesures agissant sur l’assiette de l’impôt dépend bien évidemment du montant du revenu fiscal qui conditionne le taux moyen auquel aurait été imposée la fraction du revenu à laquelle elles permettent d’échapper à l’application du barème, taux qui n’est pas nécessairement le taux marginal auquel est imposé le contribuable lorsque cette fraction se serait imputée sur plusieurs tranches du barème. Leur effet sur l’impôt dû par le contribuable dépend donc des autres éléments de sa situation fiscale de sorte que l’avantage en impôt ne peut être comparé avec celui produit par des réductions d’impôt que sous réserve soit d’un retraitement complexe (dont on verra infra qu’il explique en grande partie l’annulation par le Conseil constitutionnel des dispositions de la loi de finances pour 2006 prévoyant un plafonnement d’ensemble de divers avantages fiscaux), soit d’hypothèses nécessairement fragiles sur la situation fiscale des contribuables concernés.

Il est donc, en pratique, très difficile, en l’état des données transmises à la mission par la direction générale des Impôts, de procéder à une évaluation exhaustive de l’effet en termes d’équité des nombreuses dispositions dérogatoires intervenant dans le calcul de l’impôt sur le revenu et il est nécessaire d’analyser successivement l’effet des mesures portant sur l’assiette de l’impôt puis celui des mesures réduisant directement l’impôt.

1.– L’utilisation des dispositions permettant de réduire l’impôt sur le revenu en diminuant son assiette

Comme cela a été rappelé, si l’assiette de l’impôt sur le revenu peut être réduite en application de diverses dispositions permettant soit l’exonération totale ou partielle de certains revenus soit l’imputation directe sur le revenu global de certaines charges (principalement les pensions alimentaires et certaines cotisations sociales notamment des cotisations volontaires d’épargne pour la retraite), la mission d’information s’est intéressée à des mesures permettant l’imputation de certains déficits catégoriels sur le revenu global, à la seule exception du régime applicable aux propriétaires d’immeubles monuments historiques qui permet, dans certains cas, l’imputation directe d’un déficit sur le revenu global.

Aux termes de l’article 1 A du code général des impôts, l’impôt sur le revenu frappe, en principe, un revenu net global résultant de l’agrégation de revenus nets relevant de plusieurs catégories connaissant chacune des règles spécifiques (traitements, salaires, pensions et rentes ; revenus fonciers ; bénéfices industriels et commerciaux ; bénéfices non commerciaux ; bénéfices agricoles ; revenus de capitaux mobiliers ; plus-values de cessions ; rémunération de certains dirigeants et associés de sociétés).

En principe, un déficit catégoriel s’impute donc sur le revenu global, soumis au barème progressif. Cette règle conditionne la détermination d’un véritable revenu net, agrégeant les revenus des différentes catégories et n’est pas contestable dans son principe. Ainsi, par exemple, dans un couple comprenant un salarié et un indépendant, c’est par application de cette règle que les salaires du premier peuvent être réduits de l’éventuel déficit professionnel du second.

Des tempéraments ont été apportés à cette règle pour éviter une optimisation fiscale par la constitution délibérée de déficits temporaires permettant d’effacer pour tout ou partie d’autres revenus sur l’année mais conduisant, en réalité, à un enrichissement du foyer fiscal.

Sont concernés les déficits que l’on pourrait qualifier de « déficits patrimoniaux » résultant d’un investissement du contribuable et accroissant son patrimoine, c’est-à-dire principalement les éventuels déficits fonciers ou constatés dans la catégorie des revenus mobiliers ainsi que les autres déficits non professionnels. Pour ces catégories, une dérogation générale au principe de l’imputation est donc prévue et organise le cantonnement dans la catégorie concernée du déficit qui n’est imputable que sur des revenus de même nature.

Ce sont les dérogations particulières à cette dérogation générale qui sont susceptibles de constituer des dispositions permettant l’optimisation. Elles sont présentées ci-après par catégorie de revenus.

a) En matière de revenus fonciers

Si les déficits fonciers ne sont imputables que sur les revenus fonciers des années suivantes, l’imputation sur le revenu global est possible :

– dans la limite de 10 700 euros par foyer fiscal, pour la fraction de ces déficits résultant de dépenses autres que les intérêts d’emprunt (plafond porté à 15 300 euros s’agissant des déficits constatés sur les logements amortis au titre du dispositif Périssol) sous condition qu’ils concernent des logements que le contribuable prend l’engagement de louer pendant les 3 années suivantes ;

– sans limitation de montant, s’agissant des déficits :

– provenant de dépenses, autres que les intérêts d’emprunt, au titre de travaux de restauration effectués sur des logements loués à usage de résidence principale pendant 6 ans compris dans des secteurs sauvegardés et assimilés, et spécialement autorisés (régime Malraux) ;

– provenant d’immeubles historiques et assimilés selon des modalités et au titre de dépenses variables selon la nature de l’immeuble (classé, inscrit, agréé, labellisé), son affectation et son ouverture ou non au public ;

– issus de dépenses de grosses réparations (à l’exclusion des intérêts d’emprunt éventuellement contractés pour les financer) payées par les nus-propriétaires d’immeubles dont le démembrement de propriété résulte d’une succession ou d’une donation entre parents et affectés à la location pendant au moins 3 ans ;

– résultant de dépenses autres que les intérêts d’emprunt liées :

– aux opérations de réhabilitation complète de parties communes d’immeubles situés dans les zones franches urbaines (dispositif issu de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville), dans le cadre de conventions approuvées par le préfet et sous l’engagement de louer le logement pendant au moins 6 ans ;

– aux opérations de maintien et de protection du patrimoine naturel (dispositif issu de la loi de finances rectificative pour 2006).

Une différence de nature doit être notée au sein des déficits fonciers imputables entre ceux résultant d’un amortissement de la valeur du bien par détermination de la loi (divers dispositifs en faveur de l’investissement locatif) et les autres.

Dans le premier cas, c’est bien l’acquisition (donc l’enrichissement patrimonial) qui est directement financée en déduction du revenu imposable dans la limite du montant amorti, d’une part, et du plafond d’imputation, d’autre part, puisque l’ensemble des déficits résultant de ces dispositifs ne sont imputables que sous plafond.

Dans les autres cas, le contribuable va financer par une déduction du revenu imposable des travaux permettant d’accroître la valeur de son immeuble donc lui offrant ainsi une plus-value ultérieure, qui sera, en principe, elle-même imposée. Du point de vue du contribuable, l’opération peut donc s’analyser comme un transfert de l’impôt au barème vers le régime nettement plus favorable des plus-values immobilières de la fraction déduite de son revenu imposable au titre du déficit imputé.

b) En matière de bénéfices industriels et commerciaux

Les déficits d’activités industrielles et commerciales non professionnelles créées ou reprises depuis 1996 ne peuvent être imputés que sur des bénéfices tirés d’activités semblables, l’activité non professionnelle étant celle qui ne comporte pas une participation personnelle, directe et continue de l’un des membres du foyer fiscal sauf dans le cas particulier des loueurs en meublé qui sont considérés comme professionnels dès lors qu’ils sont, d’une part, inscrits au registre du commerce et des sociétés (RCS) et, d’autre part, qu’ils perçoivent plus de 23 000 euros TTC par an de recettes de cette activité (ou plus de la moitié de leurs revenus d’activité).

c) S’agissant des autres catégories de revenus

Les déficits agricoles ne sont imputables sur le revenu global que lorsque la somme des revenus nets des autres catégories est inférieure à 100 000 euros pour le foyer fiscal.

Les déficits constatés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ainsi que des pertes à l’occasion de cessions de valeurs ne peuvent être imputés que sur des bénéfices de même nature.

d) L’imputation de déficits fonciers et industriels et commerciaux

Selon les informations transmises par le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, 595 550 foyers ont imputé des déficits fonciers ou des déficits industriels et commerciaux sur leur revenu global 2006 pour un montant moyen de 6 932 euros.

90 % de ces foyers ont imputé un déficit inférieur ou égal à 10 700 euros, plafond d’imputation de droit commun des déficits fonciers, dont 88 300 (soit 15 % de la population totale) ont imputé un déficit égal à 10 700 euros.

Près de 60 000 foyers ont donc imputé un déficit supérieur à 10 700 euros. La moitié d’entre eux ont imputé un déficit inférieur à 20 234 euros et 1 %, soit 595 foyers, ont imputé un déficit supérieur à 219 000 euros et dont le montant moyen a été de 406 287 euros. Le contribuable ayant imputé le montant le plus élevé de déficit foncier et/ou industriel et commercial a réduit, à ce titre, son revenu global de 5 395 102 euros.

Ces imputations ne rendent naturellement pas compte du montant réel des économies d’impôt rendues possibles par des dépenses fiscales prenant la forme de mesures d’assiette et affectant des revenus catégoriels, les déficits qu’elles permettent le cas échéant de créer venant d’abord s’imputer sur les autres revenus relevant de la même catégorie.

2.– L’utilisation massive et concentrée des dispositions permettant de réduire l’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu repose sur la combinaison d’un barème progressif avec le revenu dont la dernière tranche impose les revenus dépassant 67 546 euros (pour les revenus perçus en 2007) au taux de 40 % et de l’imposition au taux proportionnel de certains revenus, notamment des plus-values. À même distribution relative entre revenus soumis au barème et revenus imposés à un taux proportionnel, le taux moyen d’imposition devrait donc, toutes choses égales par ailleurs, croître avec le niveau de revenu et le taux moyen d’imposition des revenus imposés au barème devrait tendre, aux niveaux de revenus les plus élevés, vers le taux marginal d’imposition.

En pratique, il n’en est rien : en moyenne, plus un très gros contribuable a des revenus élevés, moins il paie d’impôt en proportion. Ainsi, pour les 5 000 contribuables déclarant les montants de revenus (19) les plus importants, le taux moyen d’imposition (20) décroît avec le revenu : ce taux moyen, qui est de 36 % pour les 5 000 contribuables dont les revenus sont les plus élevés n’est que de 35,2 % pour les 1 000 contribuables dont les revenus sont les plus élevés, de 32,5 % pour les 100 contribuables dont les revenus sont les plus élevés et de 24,2 % pour les 10 contribuables dont les revenus sont les plus élevés (21).

Il convient, en outre, de noter que les taux moyens d’imposition ainsi calculés comparent au seul revenu imposé au barème un impôt comprenant l’impôt au taux proportionnel acquitté au titre d’autres revenus. En prenant comme référence non le seul revenu imposable au barème mais le revenu fiscal de référence (qui inclut notamment des revenus exonérés et des revenus imposés au taux proportionnel), le taux moyen d’imposition est sensiblement plus faible et entame sa décroissance plus précocement dans la distribution des revenus.

Ainsi, si les 25 000 contribuables dont les revenus imposables sont les plus élevés acquittent un impôt moyen égal à 25,2 % de leur revenu fiscal de référence, le taux moyen d’imposition (sur le revenu fiscal de référence) n’est plus que de 24,4 % pour les 1 000 contribuables dont les revenus imposables sont les plus élevés et est inférieur à 20 % pour les 10 contribuables dont les revenus sont les plus élevés.

On constate donc une véritable « régressivité » de fait de l’impôt. Celle-ci, qui n’apparaît qu’aux niveaux de revenus les plus élevés, ne s’explique pas principalement par la diminution, avec le niveau de revenus, de la part des revenus soumis au barème. De manière relativement surprenante, cette part est en effet croissante avec le revenu aux niveaux de revenus les plus élevés puisque la base d’imposition soumise à imposition proportionnelle représente en moyenne 24,9 % du revenu imposable au barème des 10 000 foyers fiscaux dont le revenu brut global est le plus élevé mais moins de 18 % pour les 100 foyers fiscaux dont le revenu brut global est le plus élevé.

Le facteur déterminant semble donc être l’effet des réductions et crédits d’impôt dont l’utilisation est croissante avec le niveau de revenu. Ainsi, si moins de 10 % des 100 000 contribuables dont les revenus imposables sont les plus élevés réduisent leur impôt (y compris l’impôt dû au taux proportionnel) de plus de 25 %, c’est le cas du quart des 1 000 contribuables dont les revenus imposables sont les plus élevés et de la moitié des 10 contribuables dont les revenus imposables sont les plus élevés.

Ces résultats moyens traduisent des utilisations d’ampleur très variable des réductions et crédits d’impôt. Si, à tous niveaux de revenus, beaucoup de contribuables réduisent peu en valeur absolue ou ne réduisent pas du tout l’impôt résultant du barème, certains le font, en revanche, de manière tout à fait massive.

Ainsi, en imputant des réductions et crédits d’impôt, 116 des 1 000 contribuables ayant déclaré les revenus imposables les plus élevés au titre de 2006 ont réduit leur impôt effectivement dû de près de 93 % de l’impôt résultant du barème et de plus de 75 % de la somme de l’impôt résultant du barème et de l’impôt proportionnel. Chacun de ces contribuables a ainsi réduit son impôt de plus d’un million d’euros.

Il est même des contribuables aux revenus exceptionnellement élevés ne payant pas du tout d’impôt ou obtenant une restitution du Trésor public constituant un impôt négatif. Cela a été le cas, au titre des revenus de 2006, de 150 des 10 000 contribuables dont les revenus imposables sont les plus élevés et dont le revenu fiscal de référence était de l’ordre du million d’euros. Cela a même été le cas de contribuables déclarant des revenus imposables parmi les 100 plus élevés du pays et auxquels le Trésor public a restitué, en moyenne, 230 euros au titre de leur impôt sur le revenu de 2006 alors que leur revenu fiscal de référence moyen était supérieur à 11,9 millions d’euros.

La très forte concentration du recours aux réductions et crédits d’impôt est également attestée par les chiffres suivants :

– les 100 000 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun, en moyenne, de 15 240 euros (pour une dépense fiscale totale de 1 524 millions d’euros) ;

– les 10 000 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun, en moyenne, de 67 290 euros (pour une dépense fiscale totale de 673 millions d’euros) ;

– les 1 000 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun, en moyenne, de 295 880 euros (pour une dépense fiscale totale de 295 millions d’euros) ;

– les 100 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun, en moyenne, de 1 132 160 euros (pour une dépense fiscale totale de 113 millions d’euros), soit 85 % de la cotisation d’impôt résultant du barème.

Il convient de noter que ces chiffres ne correspondent pas nécessairement à un gain net pour les contribuables concernés, soit que la réduction d’impôt résulte de dispositifs évitant une double imposition d’un revenu (par exemple, les crédits d’impôt au titre de revenus encaissés à l’étranger), soit qu’il s’agisse du cas particulier de la réduction d’impôt pour investissement productif outre-mer dont on verra infra qu’elle est le plus souvent acquise dans le cadre d’un montage organisant une restitution partielle du bénéfice de l’avantage fiscal à l’exploitant ultramarin.

3.– Une concentration sur certaines réductions d’impôt

Bien qu’il existe de très nombreux réductions et crédits d’impôt et que de très nombreux contribuables cumulent le bénéfice d’un nombre élevé d’entre eux, l’analyse de la situation fiscale des contribuables dont les revenus sont les plus élevés et des contribuables réduisant leur impôt de montants très élevés met en évidence le poids prédominant de quelques dispositifs.

Ainsi, pour les 100 000 foyers fiscaux dont le revenu brut global est le plus élevé, plus de 80 % du montant total des réductions et crédits d’impôt imputés résulte du recours à 4 dispositifs :

– la réduction d’impôt pour investissement productif outre-mer (qui représente, seule, près de 40 % du montant total des réductions et crédits d’impôt imputés) ;

– la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile (17,2 % du montant total des réductions et crédits d’impôt imputés) ;

– les crédits d’impôt au titre de conventions internationales et évitant les doubles impositions (16,8 % du montant total des réductions et crédits d’impôt imputés) ;

– la réduction d’impôt pour l’investissement dans le logement outre-mer (6,8 % du montant total des réductions et crédits d’impôt imputés).

Le phénomène est encore plus marqué pour les contribuables réduisant le plus leur impôt. Pour ces contribuables, qui recherchent le plus activement à optimiser leur situation fiscale personnelle, ce sont très clairement les avantages fiscaux liés à l’outre-mer qui prédominent si massivement que les autres dispositifs en deviennent quasiment anecdotiques.

Ainsi, les 20 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue et parvenant à un impôt nul ou négatif (avec une restitution moyenne du Trésor public de 751 euros pour un revenu imposable moyen supérieur à 2 millions d’euros) imputent, en moyenne, un montant total de réductions et de crédits d’impôt de 801 343 euros dont plus de 97 % au titre des investissements outre-mer dont l’essentiel (85 % du total, soit 679 670 euros) au titre de la réduction d’impôt pour investissement productif outre-mer et le solde (12,2 % du total, soit 98 424 euros) au titre de la réduction d’impôt pour l’investissement dans le logement outre-mer.

Privilégiée par des contribuables à très hauts revenus et pour des montants très élevés, cette utilisation des incitations à l’investissement à l’outre-mer aboutit à l’hyper-concentration de leur bénéfice.

S’agissant de l’investissement dans le logement outre-mer (article 199 undecies A du code général des impôts), on constate ainsi que 10 % des utilisateurs bénéficient de 43 % de la dépense fiscale et que le dernier centile des utilisateurs bénéficie d’une dépense fiscale équivalente à celle consacrée aux 45 premiers centiles.

Cette hyper-concentration est encore plus marquée s’agissant de l’investissement productif outre-mer (article 199 undecies B du code général des impôts). Pour ce dispositif, 5 % des utilisateurs bénéficient de près de 45 % de la dépense fiscale (soit environ 235 millions d’euros). Chacun de ces 555 contribuables réduit ainsi son impôt, en moyenne, de plus de 420 000 euros. Les 44 foyers bénéficiant des réductions d’impôt les plus élevées au titre de ce dispositif représentent une dépense fiscale de près de 80 millions d’euros, soit un montant équivalent à la somme de celles estimées au titre du régime Malraux et du dispositif en faveur des monuments historiques pour l’ensemble de leurs bénéficiaires ou à la dépense fiscale supportée au titre des 70 premiers centiles des bénéficiaires de la réduction d’impôt pour l’investissement dans le logement outre-mer.

B.– ENCADRER LES DÉPENSES FISCALES NON PLAFONNÉES

Sur le plan de la technique fiscale, on peut distinguer les dispositions agissant sur l’assiette de l’impôt (en permettant à un contribuable de réduire son revenu imposable soumis au barème progressif d’imposition, par une déduction directe du revenu global ou par la création d’un déficit catégoriel imputable sur le revenu global) de celles affectant directement son montant (réductions et crédits d’impôt permettant de diminuer directement l’impôt résultant du barème dit droits simples).

La mission d’information a particulièrement étudié les dispositions ouvrant droit à un avantage fiscal non plafonné, à savoir :

– parmi les mesures d’assiette :

– le régime dit « Malraux » permettant l’imputation sans limite sur le revenu global de certains déficits fonciers subis à l’occasion d’opérations de réhabilitation d’immeubles loués sis dans des secteurs urbains faisant l’objet d’une protection particulière ;

– le régime applicable aux monuments historiques et aux immeubles assimilés qui permet également l’imputation sans limite sur le revenu global de certains déficits fonciers ou l’imputation directe de certaines charges sur le revenu global ;

– le régime des loueurs de locaux d’habitation meublés qui permet d’imposer dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (dont les déficits sont imputables sans limite sur le revenu global) des revenus de location d’immeubles ;

– parmi les mesures affectant directement l’impôt, les réductions d’impôt ouvertes au titre d’investissements réalisés outre-mer.

1.– L’aide à la réhabilitation des secteurs sauvegardés

Traditionnellement appelé « régime Malraux », parce qu’il ne concernait initialement que des immeubles sis dans des secteurs sauvegardés créés par la loi n° 62-903 du 4 août 1962 complétant la législation sur la protection du patrimoine historique et esthétique de la France et tendant à faciliter la restauration immobilière dite « loi Malraux », le dispositif fiscal dérogatoire applicable aux revenus et charges de certains immeubles réhabilités est, en réalité, très postérieur à ce texte puisqu’il trouve son origine dans la loi de finances pour 1977. En interdisant l’imputation d’un déficit foncier sur le revenu global, cette loi a, en effet, prévu un dispositif dérogatoire pour les déficits supportés dans le cadre des opérations groupées de restauration immobilière.

La loi de finances rectificative du 22 juin 1993 ayant, malgré un assouplissement du dispositif (durée de location ramenée de 9 ans à 6 ans et suppression des conditions relatives aux ressources du locataire et au niveau du loyer), fortement réduit l’avantage relatif accordé en raison de ces opérations en autorisant, sous un plafond, l’imputation des déficits fonciers de droit commun sur le revenu global, la crainte d’un arrêt de l’investissement privé dans les centres urbains dégradés et d’un report de la charge sur les communes a conduit à une réforme du dispositif à l’occasion de la loi de finances rectificative pour 1994.

En l’état du droit, qui résulte pour l’essentiel de cette réforme, les propriétaires d’immeubles affectés à l’habitation et situés dans certaines zones peuvent déduire de leurs revenus fonciers certaines charges spécifiques principalement liées à des travaux de réhabilitation et imputer sur leur revenu global, sans limitation de montant, l’éventuel déficit supporté au titre de ces immeubles.

Le bénéfice du dispositif est conditionné :

– par la localisation de l’immeuble qui doit être sis soit dans un secteur sauvegardé, défini aux articles L. 313-1 à L. 313-3 du code du patrimoine, doté d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur, soit, sous réserve que les travaux aient été déclarés d’utilité publique, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) définie à l’article L. 642-1 du code du patrimoine ou dans un secteur sauvegardé non encore doté d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur ;

– par l’engagement du propriétaire d’affecter le logement à la location non meublée à usage de résidence principale du locataire pendant une durée d’au moins 6 ans ;

– par la nature des travaux réalisés qui doivent aboutir à la restauration complète d’un immeuble bâti, engagée à l’initiative du propriétaire lui-même ou d’une collectivité publique directement ou par l’intermédiaire d’un organisme (établissement public d’aménagement, société d’économie mixte, association agréée sans but lucratif, organisme d’HLM) chargé par elle de l’opération.

Lorsque ces conditions sont réunies, sont autorisées :

– la déduction de certaines dépenses énumérées à l’article 31 du code général des impôts et qui sont, outre les dépenses déductibles en application du droit commun des revenus fonciers :

– les frais d’adhésion à des associations foncières urbaines de restauration ;

– le coût des travaux de démolition imposés par l’autorité délivrant le permis de construire et prévus soit par la déclaration d’utilité publique (DUP) soit par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) rendu public ;

– le coût des travaux de reconstitution de toitures ou de murs extérieurs imposés par la DUP ou prévus par le PSMV et rendus nécessaires par les démolitions,

– le coût des travaux de transformation ou de réaffectation en logement de tout ou partie de l’immeuble ;

– l’imputation sur le revenu global sans limitation de montant des déficits résultant des charges déductibles (y compris les charges déductibles en application du droit commun) à l’exclusion des intérêts d’emprunt.

En pratique, ces règles permettent au contribuable optimisant sa situation fiscale par un investissement dans un immeuble sous le régime Malraux de déduire de son revenu imposable le coût des travaux de rénovation, coût généralement compris entre une et deux fois le prix d’achat de l’immeuble, et de profiter pleinement de la charge déductible en résultant même en l’absence d’autres revenus fonciers grâce à la possibilité d’imputation illimitée sur le revenu global. En supposant que les travaux valorisent le bien à due concurrence de leur prix, le contribuable va donc se constituer un patrimoine immobilier partiellement financé par une économie d’impôt, celle-ci représentant, pour un contribuable imposé au taux marginal supérieur, de 20 à 26 % du coût complet de l’immeuble, travaux inclus.

a) Un dispositif dont l’évaluation complète reste à faire mais qui semble avoir permis des résultats

Si la réhabilitation de certains quartiers constituant des secteurs sauvegardés constitue incontestablement de magnifiques réussites, il est difficile de déterminer dans quelle mesure ces succès sont imputables aux outils issus de la loi Malraux et, a fortiori, à l’avantage fiscal aidant à la réhabilitation des logements des secteurs sauvegardés.

L’évaluation complète de la dépense fiscale reste donc à faire. La direction de l’Architecture et du patrimoine a toutefois eu le mérite de faire réaliser, en septembre 2007, une évaluation combinant l’analyse de certaines données nationales et l’examen de la situation particulière de 7 villes (Bayonne, Bordeaux, Dieppe, Marseille, Perpignan, Sedan et Troyes). Cette évaluation ainsi que des données publiques ou communiquées à la mission par l’administration fiscale permettent de donner quelques éléments d’appréciation du dispositif.

• L’utilisation du dispositif et son coût direct

Au titre des revenus de 2005, 3 540 foyers ont déclaré des revenus ou charges au titre de 6 160 locaux sis dans l’un des 97 secteurs sauvegardés ou dans l’une des 550 zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.

La dépense fiscale correspondante est estimée au titre de 2008 à 50 millions d’euros dans le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances.

Ce chiffre, qui n’est qu’un ordre de grandeur, apparaît faible. En effet, selon des données issues de l’exploitation des fichiers fiscaux figurant dans l’étude remise à la mission par le ministère de la Culture, le déficit total imputé sur leurs revenus fonciers par des contribuables imputant un déficit supérieur à 15 300 euros (plafond d’imputation au titre du régime Périssol qui est en extinction) s’élevait, au titre des revenus de 2005, à 435 millions d’euros.

Ces déficits ne peuvent correspondre, outre à des dispositifs dont la portée est extrêmement limitée (grosses réparations d’immeubles dont la propriété a été démembrée, opérations de réhabilitation complète de parties communes d’immeubles situés dans les zones franches urbaines et opérations de maintien et de protection du patrimoine naturel) et dont le coût n’est d’ailleurs pas estimé dans le fascicule Voies et moyens, qu’à la mise en œuvre du régime Malraux ou de celui applicable aux monuments historiques.

Selon les informations communiquées par la direction générale des impôts à la mission, le taux marginal moyen d’imposition des contribuables bénéficiant du régime Malraux est estimé à 31,2 % et le taux marginal moyen d’imposition des contribuables bénéficiant du régime applicable aux immeubles historiques est estimé à 31,7 % au titre de l’imposition de leurs revenus de 2005. L’imputation sur leurs revenus du montant global des déficits fonciers supérieurs à 15 300 euros leur permettait donc, en 2005, de réduire leur impôt d’environ 140 millions d’euros, soit à un montant égal au double de la somme de l’estimation des dépenses fiscales au titre du régime Malraux (50 millions d’euros) et de l’imputation de déficits fonciers supportés au titre de monuments historiques (20 millions d’euros).

Les services fiscaux soulignent que ce montant ne correspond pas à la somme des dépenses fiscales des mesures permettant l’imputation de déficits fonciers supérieurs à 10 700 euros pour deux raisons principales. La première est que le total de 435 millions d’euros correspond à la somme des déficits supérieurs à 10 700 euros mais non à la somme de la fraction de ces déficits supérieure à 10 700 euros. Une part correspond donc à la fraction inférieure à 10 700 euros de déficits supérieurs à ce montant. La seconde raison est que les règles de droit commun n’interdiraient pas l’imputation intégrale de cette somme si ces déficits étaient traités comme les autres déficits fonciers. Leur fraction supérieure au plafond d’imputation pourrait, en effet, être reportée sur les revenus fonciers des années suivantes (pendant 10 années).

La portée de ces arguments ne doit toutefois pas être surestimée. On notera, en effet, en sens inverse que :

– la prise en compte de la fraction des déficits inférieure au plafond d’imputation de droit commun ne change pas l’ordre de grandeur dans la mesure où, sur la base d’environ 6 000 contribuables concernés, la fraction des déficits inférieure au plafond d’imputation de droit commun peut être estimée à environ 64 millions d’euros (6 000 x 10 700) de sorte que le montant des déficits dont l’imputation n’est possible qu’en l’application des règles dérogatoires est probablement de l’ordre de 370 millions d’euros (d’où un avantage en impôt d’environ 110 millions d’euros encore très supérieur à la somme de l’estimation des dépenses fiscales) ;

– le montant des déficits compris entre 10 700 euros et 15 300 euros n’est pas pris en compte dans ce calcul alors même que si ces déficits peuvent résulter de l’application du dispositif Périssol, certains correspondent aussi à l’application du régime Malraux ou du régime des monuments historiques ;

– le report en avant du déficit foncier serait effectivement possible en l’absence de la dépense fiscale mais pas pour ceux des contribuables qui n’imputent pas chaque année des déficits fonciers spéciaux supérieurs au plafond de droit commun et (en tout état de cause) pas pour la fraction des déficits supérieure à 107 000 euros (montant maximal imputable en 10 exercices à raison de 10 700 euros de déficit imputé par an) ;

– les dépenses fiscales propres aux régimes étudiés par la mission ne résultent pas seulement des possibilités d’imputation des déficits correspondants mais aussi de règles spécifiques de déductibilité de charges, dont les déficits ne rendent compte que pour la fraction qui n’« efface » pas d’autres revenus fonciers.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’estimation de la dépense fiscale supportée au titre du régime Malraux et du régime des monuments historiques apparaît donc basse. On notera d’ailleurs que l’étude remise à la mission par le ministère de la Culture chiffre, elle, la dépense fiscale imputable au régime Malraux, au titre de 2005, entre 100 et 130 millions d’euros.

• Les retombées économiques et fiscales

Selon l’étude communiquée à la mission par la direction de l’Architecture et du patrimoine :

– le chiffre d’affaires annuel des travaux relatifs à des immeubles bénéficiant du régime Malraux peut être estimé à 400 millions d’euros ;

– le nombre d’emplois direct généré serait de l’ordre de 3 800 ;

– la recette directe de TVA s’élèverait à environ 22 millions d’euros (5,5 % de 400 millions d’euros).

Ces chiffres, qui sont à rapprocher de la dépense fiscale au titre du dispositif estimée, dans la même étude, entre 100 et 130 millions d’euros, apparaissent comme des ordres de grandeur vraisemblables.

• L’évaluation de l’avantage consenti au contribuable bénéficiaire

L’étude du ministère de la Culture compare notamment le rendement pour un contribuable imposé au taux marginal d’un investissement foncier selon qu’il bénéficie du régime Malraux (sous l’hypothèse d’une location du logement à un loyer conventionné), du dispositif Robien recentré ou du dispositif Borloo neuf.

Pour un montant d’investissement identique (de 220 000 euros), l’étude conclut à un avantage fiscal total actualisé de 53 823 euros dans le cadre du régime Malraux, de 32 434 euros dans le cadre du dispositif Borloo (60 % de l’avantage du régime Malraux) et de 23 817 euros dans le cadre du dispositif Robien recentré (44,2 % de l’avantage du régime Malraux).

Malgré cet avantage fiscal supérieur pour le régime Malraux, l’étude conclut qu’en prenant en compte les revenus nets locatifs, le rendement global de l’investissement réalisé dans le cadre de ce régime est modeste et inférieur à celui rendu possible par le dispositif Borloo. La valeur actualisée du revenu net (y compris économies d’impôt) de l’investissement sur 15 ans s’établit, en effet, selon l’étude, à 103 714 euros pour un investissement dans le cadre du dispositif Borloo, à 100 392 euros pour un investissement dans le cadre du régime Malraux et à 83 692 euros pour un investissement dans le cadre du dispositif Robien recentré.

À l’examen, ces résultats semblent toutefois d’une grande fragilité.

Même sous les hypothèses retenues, dont on verra qu’elles sont très contestables, le résultat est très dépendant du taux d’actualisation choisi. Le régime Malraux assure un avantage fiscal immédiat qui prend fin dès le terme des travaux alors que l’avantage fiscal des dispositifs Borloo joue sur une longue période (15 ans dans l’hypothèse retenue pour le Borloo d’une prolongation de deux périodes successives de 3 ans ; 9 ans pour le Robien recentré). Il est donc bien évident qu’un taux d’actualisation faible (soit une faible préférence pour le revenu présent vis-à-vis du revenu futur) diminue fortement l’intérêt relatif du régime Malraux. Or, en l’espèce, il a été retenu un taux d’actualisation de 2 %. Les mêmes flux financiers actualisés à des taux supérieurs produisent des résultats très différents et le rendement global de l’investissement dans le régime Malraux devient le plus élevé dès un taux d’actualisation de 3,2 %.

Par ailleurs, et surtout, les hypothèses retenues paraissent contestables. Les loyers perçus sous chacun des trois régimes sont, en effet, supposés identiques. Ils correspondent à un loyer conventionné (fixé à 7 euros par m², soit 2,4 % de la valeur du bien) et indexé de 2 % par an pendant 15 ans. Cette hypothèse est crédible pour l’investissement sous le dispositif Borloo neuf (pour laquelle elle correspond au plafond de loyer en zone C) puisque le maintien de ce niveau de loyer conditionne l’acquisition par l’investisseur d’avantages fiscaux pendant la première période de 9 ans puis pendant les deux périodes supplémentaires de 3 ans chacune. En revanche, elle apparaît bien moins fiable sous le dispositif Robien (pour lequel l’engagement locatif n’est que de 9 ans et le maintien ultérieur d’un niveau de loyer faible n’apporte aucun avantage fiscal à l’investisseur) et, a fortiori, sous le régime Malraux qui ne prévoit qu’un engagement locatif de 6 ans sans condition relative au niveau du loyer. Sous ces hypothèses qui plafonnent de fait le rendement locatif à un niveau que seul l’avantage fiscal du dispositif Borloo est conçu pour compenser, il n’est donc pas étonnant que ce soit ce dispositif qui s’avère, au final, le plus avantageux.

Pour comparer l’effet du régime Malraux et du dispositif Borloo, on retiendra donc des hypothèses plus vraisemblables :

– la perception au titre du logement sous le régime Malraux d’un loyer libre correspondant à une rentabilité brute de 4,5 % ;

– un taux d’actualisation de 3 % ;

– une réalisation des travaux dans le logement sous le régime Malraux au cours de la première année et l’absence de loyer au cours de cette période.

Sous ces hypothèses :

– c’est clairement le régime Malraux qui accorde la rentabilité la plus élevée à l’investisseur, avec une valeur actualisée sur 15 ans du revenu net (y compris économies d’impôt) de l’investissement supérieure de près de 30 % à celle obtenue sous le dispositif Borloo ;

– l’avantage fiscal total actualisé s’établit, dans le cas d’un recours au régime Malraux, au double de celui accordé dans le cadre du dispositif Borloo et à 2,7 fois celui accordé dans le cadre du dispositif Robien ;

– l’avantage fiscal total actualisé représente 9,9 % du prix du logement sous le dispositif Robien, 13 % du prix du logement sous le dispositif Borloo et 26,4 % du prix du logement sous le régime Malraux.

b) Une clarification et un encadrement indispensables

Le régime Malraux peut aujourd’hui être un outil de réduction de l’impôt, commercialisé comme tel par des professionnels spécialisés au profit de gros contribuables.

Si l’immense majorité des bénéficiaires du régime n’en tire aujourd’hui qu’un bénéfice modeste, certains en profitent massivement. Il a ainsi été indiqué à la mission que l’administration fiscale estimait qu’au titre des revenus de 2005, 60 % des contribuables déclarant des revenus d’immeubles relevant du régime Malraux imputaient moins de 4 041 euros de déficit sur leur revenu global alors que 10 % de ces contribuables imputaient chacun plus de 77 063 euros.

La mission estime donc, en premier lieu, prioritaire de plafonner l’avantage fiscal afférent au régime Malraux, comme le recommande d’ailleurs l’étude communiquée à la mission par la direction de l’Architecture et du patrimoine qui juge « indispensable d’améliorer l’image du Malraux par une diminution des avantages consentis aux contribuables ».

Le niveau de ce plafond peut être apprécié au regard des dispositions relatives au plafonnement de certains avantages fiscaux de la loi de finances pour 2006 déclarées non conformes à la Constitution. La rédaction initiale du projet de loi prévoyait, en effet, de plafonner la somme des avantages fiscaux concernés, dont l’imputation d’un déficit au titre du régime Malraux, à 8 000 euros. Il en résultait implicitement que le Gouvernement de l’époque estimait opportun un plafonnement maximal du déficit imputable au titre du régime Malraux à 30 700 euros pour un contribuable dont les revenus effacés par ce déficit auraient été imposés au taux marginal supérieur.

On se souvient que le projet de loi avait été, notamment sur ce point, sensiblement assoupli au cours de la discussion parlementaire. Au terme de celle-ci, le texte adopté conduisait, en effet, à minorer l’avantage fiscal obtenu au titre du régime Malraux d’une fraction des dépenses de restauration des logements comprise entre 50 et 75 % de leur montant selon l’immeuble. En pratique, et en supposant un déficit égal au montant des travaux, ces règles permettaient donc une imputation d’un déficit maximal d’environ 60 000 à 120 000 euros selon la nature de l’immeuble, pour un contribuable dont les revenus effacés par ce déficit auraient été imposés au taux marginal supérieur.

On notera que ces calculs reposent sur l’hypothèse très majorante selon laquelle le contribuable concerné ne bénéficie d’aucun autre avantage fiscal plafonné. En supposant que l’avantage afférent au régime Malraux apporte à ses bénéficiaires la moitié de la somme des avantages fiscaux dont le plafonnement était prévu, le plafonnement implicite du déficit imputable s’établissait, dans le projet de loi initial, à environ 20 700 euros et, dans le texte définitivement adopté, entre 41 000 et 82 000 euros.

Ces montants correspondent à peu près, s’agissant des données sur l’imposition des revenus de 2005, à des plafonds d’imputation sur le revenu global de déficits au titre du régime Malraux sous lesquels on trouve 70 % des bénéficiaires pour un plafond à environ 25 000 euros, 80 % des bénéficiaires pour un plafond à environ 45 000 euros et 90 % des bénéficiaires pour un plafond à environ 77 000 euros.

Au regard de ces chiffres et en continuité avec les décisions prises en 2006, la mission estime donc raisonnable un plafond de déficit imputable de l’ordre de 45 000 euros ou un dispositif assurant un avantage en impôt équivalent.

Pour des opérations étalées sur 3 exercices fiscaux, un tel plafond permettrait de tirer pleinement parti de l’avantage fiscal jusqu’à 135 000 euros de travaux. L’étude communiquée à la mission par direction de l’Architecture et du patrimoine estimant le coût complet des travaux de réhabilitation entre 1 900 et 2 600 euros du m², ce plafond permettrait la prise en compte d’opérations portant sur des logements de 52 à 71 m² en l’absence de subvention complémentaire et sur des logements de 74 à 101 m² dans l’hypothèse de subventions (versées par l’Agence nationale de l’habitat ou les collectivités locales) couvrant 30 % du coût des travaux.

Il convient en outre de noter, comme le souligne le rapport du Gouvernement évaluant l’utilisation et l’impact économique et social des dispositions permettant à des contribuables de réduire leur impôt sur le revenu sans limitation de montant, que le risque d’une segmentation des immeubles relevant du régime Malraux en petits logements, d’une part, « n’est pas avéré » dans la mesure où « la taille des logements est dictée par la configuration de l’immeuble à restaurer et la surface des étages » et où des règles d’urbanisme peuvent permettre de le prévenir et, d’autre part, pourrait être évité par le recours plus important à des montages interposant des sociétés civiles immobilières.

La mission estime, en deuxième lieu, souhaitable de transformer l’avantage fiscal au titre des opérations relevant du régime Malraux en une réduction d’impôt, la technique fiscale du déficit imputable actuellement retenue présentant deux inconvénients majeurs.

Le premier est de conduire à un avantage en impôt dépendant du taux marginal d’imposition. Il en résulte donc un avantage en impôt croissant, toutes choses étant égales par ailleurs, avec le revenu du contribuable, à rebours du principe à valeur constitutionnelle posé par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel la contribution aux charges communes « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

En outre, comme on le verra infra, l’avantage en impôt variant selon la situation fiscale du contribuable, son éventuelle inclusion dans un dispositif de plafonnement couvrant un ensemble de mesures bénéficiant au contribuable est rendue plus difficile puisqu’une double liquidation de l’impôt devient nécessaire pour comparer la cotisation d’impôt qui serait due sans l’application du dispositif à celle qui serait dû en l’appliquant.

Le second inconvénient de cette technique d’imputation est qu’elle aboutit à une moindre fiabilité de l’information sur la dépense fiscale en résultant, celle-ci ne pouvant être estimée que très imparfaitement faute de déclaration explicite de l’avantage en impôt correspondant. Il en résulte d’ailleurs que l’estimation de la dépense fiscale imputable au dispositif n’est qu’un ordre de grandeur.

Il conviendrait donc de transformer le dispositif en une réduction d’impôt, dont l’assiette serait le montant des charges déductibles actuellement spécifiques au régime Malraux, prises en compte dans la limite du plafond précédemment évoqué.

Le taux de cette réduction d’impôt pourrait être fixé, dans le cas général, à 30 %, le taux marginal moyen d’imposition des contribuables bénéficiant actuellement du régime étant estimé par le Gouvernement, pour le dernier exercice pour lequel la donnée est disponible, à 31,2 %.

Le taux de la réduction d’impôt pourrait, en outre, être modulé selon le poids des contraintes d’urbanisme supportées par les propriétaires. Dans les secteurs sauvegardés, où les prescriptions sont les plus contraignantes, le taux plein s’appliquerait. En revanche, un taux minoré, égal, par exemple, à 20 %, s’appliquerait dans les ZPPAUP.

Enfin, la mission estime également opportun de rénover les règles encadrant le bénéfice du régime Malraux.

Celui-ci n’est pas actuellement ouvert aux propriétaires occupants. Cette restriction entrave la réhabilitation de certains immeubles. La réduction d’impôt proposée pourrait donc être ouverte, éventuellement à un taux spécifique minoré (22), aux propriétaires occupants pour leur résidence principale, ainsi d’ailleurs éventuellement qu’aux opérations portant sur des locaux professionnels, sous réserve d’un engagement de conservation du bien.

Par ailleurs, pour les logements loués, les contraintes imposées au contribuable devraient être rapprochées de celles prévues par les autres régimes fonciers spéciaux, en particulier, en portant la durée de l’engagement locatif au moins à 9 ans.

Proposition n° 7 : Encadrer et rénover le régime Malraux

7.1/ Convertir le dispositif en une réduction d’impôt et moduler son taux selon le poids des contraintes d’urbanisme supportées (30 % dans les secteurs sauvegardés, 20 % dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager)

7.2/ Plafonner l’assiette de cette réduction d’impôt à 45 000 euros par an

7.3/ Ouvrir le bénéfice du dispositif aux locaux professionnels et, sous réserve d’un engagement de conservation du bien, aux propriétaires occupants pour leur résidence principale

7.4/ Pour les logements loués, porter la durée de l’engagement locatif à 9 ans

2.– Le régime applicable aux monuments historiques

Les immeubles historiques au sens fiscal, à savoir non seulement les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, mais aussi d’autres immeubles présentant un intérêt patrimonial et bénéficiant soit d’un agrément des services fiscaux soit d’un label délivré par la Fondation du patrimoine après avis favorable du service départemental de l’architecture et du patrimoine, ouvrent droit à un régime fiscal dérogatoire au regard de l’impôt sur le revenu.

Ce régime est d’une rare complexité puisque les règles applicables varient selon que l’immeuble produit ou non des recettes, selon sa nature (immeuble classé, inscrit, agréé ou labellisé), selon son ouverture ou non au public et, enfin, selon qu’il est ou non occupé (le cas échéant, partiellement) par son propriétaire.

Lorsque l’immeuble historique ne produit pas de recettes, certaines charges qui lui sont afférentes sont directement déductibles du revenu global de son propriétaire.

Les charges correspondantes sont, en principe, celles résultant des travaux réalisés par l’administration des affaires culturelles ou subventionnés (pour leur part restant à la charge du propriétaire) ainsi que les autres charges foncières pour la totalité de leur montant si l’immeuble est classé ou inscrit et qu’il est ouvert au public ou pour 50 % de leur montant si l’immeuble est classé ou inscrit et qu’il est fermé au public ou si l’immeuble est agréé par l’administration fiscale et ouvert au public.

Des dispositions plus restrictives s’appliquent s’agissant des immeubles faisant partie du patrimoine national à raison du label délivré par la Fondation du patrimoine mais qui ne sont ni classés, ni inscrits, ni agréés. Pour ces immeubles, et à la condition qu’ils soient visibles de la voie publique, seules sont déductibles les charges correspondant aux travaux de réparation et d’entretien et, pour les immeubles habitables, aux seuls travaux de cette nature afférents aux murs, aux façades et aux toitures. La déduction est égale à 50 % du montant des charges sauf pour les charges résultant de travaux subventionnés à hauteur de 20 % au moins dont l’intégralité du montant est déductible.

Enfin, sont également déductibles les primes d’assurance, notamment les primes d’assurance habitation des propriétaires occupants.

Lorsque l’immeuble historique produit des recettes, qui peuvent être soit des loyers au titre de leur location totale ou partielle (lorsque le monument historique comprend des logements ou des locaux professionnels loués) soit des recettes afférentes à sa visite, celles-ci constituent des revenus imposés dans la catégorie des revenus fonciers selon des modalités particulières.

En premier lieu, outre les charges foncières qui sont imputables dans les conditions de droit commun (23), le propriétaire peut imputer la totalité des charges résultant de l’éventuelle ouverture au public (tels que les frais de promotion du monument, l’acquisition d’équipements de billetterie ou la rémunération de personnels gérant les visites), ce qui apparaît naturel puisque ces charges sont effectivement engagées en vue de l’acquisition du revenu tiré des visites. Il peut, en outre, être procédé à une déduction forfaitaire au titre des frais de visite pour un montant de 1 525 euros ou de 2 290 euros lorsque le monument comprend un parc ou un jardin ouvert au public.

En second lieu, l’éventuel déficit est imputable sur le revenu global sans limitation de montant par dérogation à la règle générale selon laquelle le déficit foncier net n’est imputable sur le revenu global que dans la limite de 10 700 euros par an. Il convient de noter que le régime d’imputation applicable aux monuments historiques est, sur ce point, particulièrement avantageux puisque le déficit est, en outre, imputable sur le revenu global y compris pour sa partie provenant des intérêts d’emprunt, possibilité qui n’est ouverte, hors le cas des monuments historiques, que dans le cas particulier des déficits résultant de travaux supportés en application de l’article 605 du code civil et qu’il ne l’est notamment pas s’agissant des immeubles relevant du régime Malraux.

Enfin, dans le cas où l’immeuble procurant des recettes et ouvert au public est occupé en tout ou partie par son propriétaire, la fraction des charges foncières correspondant aux locaux dont le propriétaire se réserve la jouissance (qui peut être évaluée forfaitairement à 25 % du total de ces charges) est directement déductible du revenu global pour l’intégralité de son montant si l’immeuble est classé ou inscrit ou pour 50 % de son montant si l’immeuble est agréé. Pour les immeubles labellisés, les charges déductibles des revenus fonciers au titre de cet immeuble (qui sont définies selon des règles particulières qui ont été rappelées supra) sont réparties, au prorata des surfaces entre les locaux dont le propriétaire se réserve la jouissance et les autres locaux, la fraction correspondant aux locaux dont le propriétaire se réserve la jouissance s’imputant sur le revenu global et le solde sur les revenus fonciers.

a) Un complément indispensable aux interventions publiques

Il ne fait pas de doute que le régime des monuments historiques présente des différences essentielles par rapport aux autres dispositifs étudiés par la mission. D’une manière générale, il ne semble pas constituer, dans la plupart des cas, un instrument de réduction de l’impôt utilisé dans le cadre d’une optimisation patrimoniale au même titre que d’autres régimes tel que le régime Malraux.

Les contraintes propres aux monuments historiques et le coût de leur entretien et de leur restauration rendent notamment difficile de profiter du régime fiscal dérogatoire pour financer par la réduction d’impôt qu’il rend possible des travaux valorisant le bien dans la perspective d’une plus-value de cession après l’achèvement de ces travaux.

Selon les représentants de l’association « La demeure historique », l’avantage fiscal (soit, au plus, un avantage en impôt de 40 % du montant déduit pour les contribuables dont les revenus sont les plus élevés) serait du même ordre de grandeur que le montant des surcoûts techniques (liés à la qualité des prestations exigées par le service des monuments historiques) et administratifs (études requises au titre du contrôle scientifique et technique, maîtrise d’œuvre spécialisée, constitution des dossiers) résultant des contraintes pesant sur les monuments protégés.

En outre, comme le souligne le rapport du Gouvernement évaluant l’utilisation et l’impact économique social des dispositions permettant à des contribuables de réduire leur impôt sur le revenu sans limitation de montant, ces immeubles donnent lieu à peu de transactions et sont notamment très rarement commercialisés par des opérateurs spécialisés dans les produits de défiscalisation.

Enfin, ce dispositif est très clairement l’un de ceux dans lesquels la dépense fiscale vient directement se substituer à une dépense budgétaire. Comme le rappellent à juste titre les représentants des propriétaires privés de monuments historiques, en l’absence des ressources qu’ils apportent à la conservation de ceux-ci et dont l’avantage fiscal favorise la mobilisation, l’État devrait soit accroître fortement ses subventions soit accepter la dégradation éventuellement irréversible de certains monuments dont la conservation présente pourtant un intérêt public (reconnu à l’occasion de leur classement) ou est jugé désirable par l’autorité administrative (dans le cas des monuments inscrits).

• Les éléments disponibles sur l’utilisation du dispositif et son coût direct

2 600 foyers ont déclaré, au titre de 2005, des revenus ou des charges au titre de 3 800 locaux ayant le caractère de monument historique ou d’immeuble assimilé. 43 % de ces foyers disposent d’immeubles ne produisant pas de loyers.

La dépense fiscale correspondante est estimée à 10 millions d’euros au titre des charges directement déduites du revenu global des propriétaires et à 20 millions d’euros au titre des règles spécifiques d’imputation sur le revenu global des déficits fonciers supportés au titre de monuments historiques. Ces deux estimations ne constituent que des ordres de grandeur.

Selon les représentants de l’association « La demeure historique », la dépense fiscale serait « un peu supérieure ». Cette association évalue, en effet, la dépense fiscale à environ 33 millions d’euros en estimant le montant total net des dépenses déductibles à 98 millions d’euros (pour un échantillon de monuments historiques partiel mais proche de la population totale) (24) et en ventilant l’imputation de ces sommes pour 60 % sur des contribuables imposés au taux marginal, pour 30 % sur des contribuables imposés à 30 % et pour 10 % sur des contribuables imposés à des tranches inférieures, soit à un taux moyen d’imposition de 33,7 %, taux vraisemblable et même légèrement supérieur au taux marginal moyen d’imposition des revenus des contribuables bénéficiant du régime au titre de leurs revenus de 2005 communiqué par l’administration fiscale à la mission (soit 31,7 %).

• Les retombées économiques et fiscales

Les représentants de l’association « La demeure historique » contestent la réalité d’une « dépense fiscale globale » au titre des monuments historiques en estimant que la somme des prélèvements fiscaux et sociaux (contributions et cotisations sociales des salariés) versés au titre de monuments historiques excède celle de la dépense fiscale prévue au titre de l’impôt sur le revenu.

L’association estime, en effet, la somme de ces prélèvements fiscaux et sociaux à 91,7 millions d’euros, dont :

– 57,2 millions d’euros au titre, d’une part, des contributions et cotisations sociales des salariés (46,8 millions d’euros) et, d’autre part, de la TVA sur les travaux et les recettes commerciales (10,4 millions d’euros) ;

– 34,5 millions d’euros au titre de l’imposition du patrimoine que constituent les monuments historiques (impôt de solidarité sur la fortune, droits de mutation) et des impôts directs locaux.

L’association note que cette évaluation ne prend pas en compte la contribution directe des monuments historiques à l’économie nationale et aux finances publiques et, notamment, leur contribution à l’attractivité touristique du territoire.

b) La nécessité de lutter contre les possibilités d’optimisation et de simplifier l’état du droit

La grande diversité des monuments historiques et le coût souvent très élevé de certains travaux les concernant rendent délicat le plafonnement du bénéfice tiré de ce régime sans en remettre en cause substantiellement l’efficacité. Du point de vue de l’équité fiscale, ce plafonnement s’impose, en outre, moins que s’agissant de dispositifs dans le cadre desquels de véritables produits financiers de défiscalisation sont proposés aux contribuables.

Des ajustements du dispositif visant d’une part à éviter son utilisation dans une perspective d’optimisation fiscale et d’autre part à assurer une meilleure adéquation entre l’avantage fiscal et les contraintes supportées par les contribuables sont néanmoins souhaitables.

Pour lutter contre l’utilisation du dispositif dans une logique d’optimisation fiscale et éviter les rares abus à l’occasion desquels le dispositif constitue un instrument de défiscalisation, deux réformes sont nécessaires.

En premier lieu, il conviendrait de réserver le bénéfice du régime aux contribuables prenant l’engagement de conserver l’immeuble concerné pendant 10 ans et, le cas échéant, de maintenir son ouverture au public durant la même période.

En second lieu, afin d’éviter l’utilisation du régime à des fins spéculatives par des opérateurs financiers, il conviendrait de ne pas ouvrir son bénéfice aux immeubles mis en copropriété à l’avenir afin d’éviter des opérations de découpe.

Pour assurer une meilleure adéquation entre l’avantage fiscal et les contraintes supportées par les contribuables, il apparaît souhaitable de plafonner le bénéfice tiré chaque année du régime des monuments historiques pour les monuments qui ne sont pas ouverts au public.

Il conviendra naturellement de prévoir des tempéraments à cette règle générale pour tenir notamment compte de la situation particulière des monuments temporairement fermés en raison, par exemple, des travaux qui y sont conduits.

Proposition n° 8 : Moderniser le régime applicable aux monuments historiques

8.1/ Subordonner le bénéfice du dispositif à un engagement de conserver l’immeuble pendant 10 ans et, le cas échéant, de maintenir, pendant la même période, son ouverture au public

8.2/ Interdire le bénéfice du dispositif aux immeubles nouvellement mis en copropriété

8.3/ Plafonner le déficit annuellement imputé au titre des monuments historiques qui ne sont pas ouverts au public

3.– Le régime des loueurs en meublé

La location à titre habituel de locaux à usage d’habitation meublés est considérée comme une activité commerciale dont les revenus sont imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

Ce rattachement aux bénéfices industriels et commerciaux est avantageux pour trois raisons principales.

En premier lieu, il permet, à la condition de percevoir des recettes brutes inférieures à 76 300 euros par an, de bénéficier du régime micro-BIC qui ouvre droit à un abattement de 71 %. Le niveau de cet abattement, défini dans la perspective d’activités commerciales, est évidemment hors de proportion avec les charges réelles supportées par le bailleur. Par comparaison, on rappellera que le régime micro applicable aux revenus fonciers ne prévoit qu’un abattement de 30 % et qu’il n’est, en outre, applicable, qu’aux foyers fiscaux dont les recettes annuelles brutes sont inférieures à 15 000 euros.

En second lieu, l’imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux permet d’amortir l’immeuble et le mobilier loués. Cet amortissement n’est admis en déduction du revenu imposable que dans la limite du montant du loyer acquis et ne peut, par lui-même, créer de déficit. Il permet, en revanche, d’effacer des revenus imposables. En outre, les amortissements qui ne peuvent être comptabilisés en l’absence de résultat positif peuvent être différés sans limitation de durée, faculté qui est au cœur de nombreux montages d’investissements pour la location en meublé.

Enfin, en troisième lieu, l’imputation des déficits supportés au titre d’une activité industrielle et commerciale obéit, comme cela a été précédemment rappelé, à des règles propres. Un tel déficit n’est, en particulier, reportable sur le revenu global que lorsque l’activité est exercée à titre professionnel. Il l’est, dans ce cas, sans limitation de montant.

Pour toutes les autres activités industrielles et commerciales, l’exercice est non professionnel lorsqu’il ne comporte pas « la participation personnelle, directe et continue » de l’un des membres du foyer fiscal « à l’accomplissement des actes nécessaires à l’activité » aux termes du dernier alinéa du I de l’article 151 septies du code général des impôts. Une définition dérogatoire s’applique toutefois aux loueurs en meublé, le VII du même article 151 septies disposant que « les loueurs professionnels s’entendent des personnes inscrites en cette qualité au registre du commerce et des sociétés qui réalisent plus de 23 000 euros de recettes annuelles ou retirent de cette activité au moins 50 % de leur revenu ».

La spécificité du régime des loueurs en meublé n’est donc pas de permettre l’imputation sans limitation de montant puisque celle-ci est possible pour tout déficit industriel et commercial professionnel. Sa spécificité réside plus précisément dans le fait qu’une activité de location en meublé peut être considérée comme professionnelle alors qu’elle constitue une simple opération d’investissement, sans participation personnelle du contribuable à l’exploitation.

On notera également qu’à la différence des déficits fonciers (à l’exception du cas particulier des monuments historiques), les déficits industriels et commerciaux reportés sur le revenu global peuvent résulter des intérêts d’emprunt et des autres charges financières.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le loueur en meublé peut également bénéficier d’avantages fiscaux substantiels au titre d’impôts autres que l’impôt sur le revenu notamment :

– le bénéfice du régime des plus-values professionnelles (et notamment l’exonération complète de plus-values dès lors que l’activité est exercée depuis au moins 5 ans et que les recettes brutes annuelles n’excèdent pas 250 000 euros hors taxes en moyenne au cours des deux derniers exercices) ;

– l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, qui permet de récupérer la TVA en cas d’acquisition d’un logement neuf, pour les logements appartenant à des résidences avec services dont l’exploitant offrent des services para-hôteliers ;

– pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit, le bénéfice, sous les conditions de droit commun, des mesures en faveur de la transmission des entreprises et notamment de l’abattement de 75 % et des possibilités de report du paiement des droits ;

– les immeubles loués meublés à titre professionnel ne sont pas pris en compte dans l’assiette de l’impôt sur la fortune lorsque le foyer fiscal tire plus de 50 % de ses revenus d’activité de leur location (ce qui revient notamment à exonérer de l’assiette de l’impôt sur la fortune les immeubles loués meublés à titre professionnel par des contribuables n’exerçant pas ou plus d’autre activité professionnelle).

Enfin, il convient de noter que l’éventuel déficit supporté au titre de la location en meublé peut, en s’imputant sur d’autres revenus industriels et commerciaux ou sur des revenus non commerciaux, réduire l’assiette de cotisations sociales de non salariés constituée, en application de l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, par leur revenu professionnel fiscal global.

Le régime des loueurs en meublé offre donc des avantages fiscaux nombreux.

En pratique, les montages les plus optimisants permettent de cumuler un avantage en impôt immédiat grâce à un déficit imputable créé principalement par les frais d’acquisition du logement (notamment les droits d’enregistrement), puis d’assurer ensuite un revenu locatif échappant à l’impôt en étant effacé d’abord par les intérêts d’emprunt (éventuellement maximisés par des montages organisant un financement remboursable in fine), puis par le stock des amortissements qui n’ont pas été antérieurement utilisés.

Soit, par exemple, un contribuable imposé au taux marginal acquérant, à Paris, un appartement ancien valant 600 000 euros. Il supporte à ce titre environ 38 500 euros de frais d’acquisition et il garnit l’appartement de meubles d’une valeur de 30 000 euros.

En supposant un financement intégral par un prêt amortissable sur 20 ans au taux total de 5 %, le montant total annuel de remboursement s’établit à environ 53 000 euros dont environ 33 000 euros d’intérêts au titre de la première année.

Le loyer annuel est initialement de 23 000 euros. Les charges et taxes supportées par le propriétaire s’élèvent à 4 000 euros. Le loyer comme la somme des charges sont supposés augmenter de 2 % par an.

La première année, le contribuable enregistra un résultat fiscal de 23 000 (loyers) – 4 000 (charges) – 33 000 (intérêts) – 38 500 (frais d’acquisition) soit un résultat net négatif de 52 500 euros, d’où une économie potentielle d’impôt de 21 000 euros. En trésorerie, ce contribuable devra débourser 34 000 euros.

La deuxième année, l’avantage fiscal diminue fortement du fait de la disparition de l’imputation des frais d’acquisition tandis que la charge de trésorerie reste équivalente.

Progressivement, le déficit fiscal de l’exploitation se réduit du fait de l’allégement progressif du montant des intérêts déductibles et, à partir de la neuvième année, le loyer revalorisé net des charges devient supérieur au montant des intérêts restant à payer. Toutefois, des montages optimisants organisent le financement de l’opération par un prêt remboursable in fine, maintenant la charge d’intérêt constante pendant toute la durée du prêt.

Après le remboursement du prêt ou progressivement au fil de la diminution du montant des intérêts déductibles, il peut être tiré parti des règles permettant l’amortissement du mobilier (sur 5 à 10 ans) et de l’immeuble hors foncier (sur 20 à 30 ans). Au cours des premières années, ces amortissements n’ont pas été utilisés en l’absence d’un résultat le permettant. Un stock d’amortissements différés a donc été constitué dont la reprise progressive permet d’effacer fiscalement le revenu tiré des loyers.

En pratique, le contribuable bénéficiera donc successivement d’un avantage fiscal immédiat lui permettant de réduire l’impôt au titre de ses autres revenus par l’imputation du déficit initial, puis d’une exonération fiscale de fait de ses revenus locatifs pendant 20 à 30 ans et enfin, s’il conserve le bien et si le niveau de ses recettes le lui permet, de l’abattement extraordinairement favorable du régime micro-BIC soit 71 %.

a) Un outil de défiscalisation dont l’utilisation est particulièrement mal connue

L’utilisation du régime fiscal de la location meublée ne fait l’objet d’aucune information publique. On notera, en particulier, que le dispositif n’étant pas considéré comme une dépense fiscale, son coût et son nombre de bénéficiaires ne sont pas mentionnés dans le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances.

Le nombre des contribuables relevant de ce régime est inconnu. Pour les seuls contribuables relevant du régime réel (à l’exclusion donc de ceux relevant du régime micro) et s’agissant de l’imposition des revenus de 2005, le Gouvernement estime que le chiffre de 43 000 loueurs en meublé dont environ 8 000 exerçant à titre professionnel constitue un ordre de grandeur majorant. Malgré l’imprécision du chiffre, on notera que le nombre de contribuables concernés semble donc très supérieur à celui des contribuables relevant du régime Malraux (environ 3 500) ou du régime des monuments historiques (environ 2 600).

Le rapport du Gouvernement évaluant l’utilisation et l’impact économique et social des dispositions permettant à des contribuables de réduire leur impôt sur le revenu sans limitation de montant, élaboré à partir d’informations plus complètes que celles transmises à la mission, indique que le nombre de contribuables relevant du régime des loueurs en meublé professionnels « enregistre une forte hausse depuis le début des années 2000, avec une multiplication par 2,4 entre 2001 et 2005 ».

Le nombre de locaux loués meublés, que permettent d’évaluer les rôles de taxe professionnelle, s’établirait à environ 35 000, répartis comme suit :

Type de meublés

Nombre de locaux

M1 (locaux d’habitation personnelle loués à titre de gîte rural)

1 093

M2 (locaux d’habitation personnelle classés « meublé de tourisme »)

2 599

M3 (locaux d’habitation personnelle loués meublés autres que ceux visés aux 1 et 2 de l’article 1459 du code général des impôts)

30 839

Total

34 531

La part de ces logements loués par des contribuables redevables de l’impôt sur le revenu (plutôt que par des sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés) n’étant pas connue, cette donnée reste toutefois d’un intérêt très limité pour estimer l’ampleur du recours au dispositif du point de vue de l’impôt sur le revenu.

On notera toutefois que nous sommes ici sur un ordre de grandeur 5 à 10 fois supérieur à celui du nombre de locaux relevant du régime Malraux (environ 6 100) ou du régime des monuments historiques (environ 3 800).

Certains de ces logements font partie de résidences offrant des services (résidences pour étudiants, résidences médicalisées notamment établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes, résidences non médicalisées pour personnes âgées, résidences de tourisme, résidences d’affaires) et la Fédération des promoteurs constructeurs estime qu’environ 30 % des logements des résidences avec services nouvelles sont acquis par des investisseurs les louant sous le régime des loueurs en meublé professionnels.

Le Gouvernement n’a pas transmis à la mission d’éléments sur le coût du dispositif. Le rapport évaluant l’utilisation et l’impact économique social des dispositions permettant à des contribuables de réduire leur impôt sur le revenu sans limitation de montant apporte toutefois quelques précisions sur ce point. Au titre de l’impôt sur les revenus de 2005 (donc hors avantages fiscaux au titre d’autres impôts) et pour les seuls loueurs professionnels, ce rapport indique que l’ordre de grandeur des déficits imputés sur le revenu global serait d’environ 110 millions d’euros, en précisant que ce chiffre est « vraisemblablement inférieur à la réalité ». Le rapport précise que « pour […] estimer le coût budgétaire, il convient de […] multiplier [ce montant] par un taux d’imposition » et indique « à titre indicatif » qu’« un taux moyen d’imposition de 16,5 % (taux marginal moyen constaté globalement sur l’IR dans la catégorie des BIC en 2005) aboutirait à un coût de 18 millions d’euros ». Le taux retenu semble toutefois faible. En outre, une part importante du coût du régime des loueurs en meublé (professionnels ou non) résulte non de l’impact de l’imputation du déficit (seul étudié par le rapport précité compte tenu du champ retenu) mais de sa capacité à alléger considérablement l’imposition des revenus fonciers tirés de la location meublée.

On notera également que si la population des loueurs professionnels a plus que doublé entre 2001 et 2005, le montant total des déficits qu’ils imputent aurait, au cours de la même période, été multiplié par 4,5. Le recours à ce régime semble donc connaître une évolution particulièrement dynamique.

Les bénéficiaires du régime applicable aux loueurs professionnels sont, par construction, aisés puisqu’ils doivent être propriétaires d’un ou plusieurs immeubles produisant des recettes supérieures à 23 000 euros par an ce qui correspond à une valeur des immeubles de l’ordre d’au moins 500 000 euros.

b) Une incongruité fiscale

Le régime des loueurs en meublé présente plusieurs spécificités dont la légitimité paraît d’autant plus fragile qu’aucune contrepartie n’est exigée des contribuables en bénéficiant.

Le dispositif est, en effet, ouvert non seulement à des logements neufs mais aussi à des logements anciens et, en tout état de cause, sans aucune condition quant aux modalités de la location. Le seul critère conditionnant le bénéfice du régime est, en effet, la présence de meubles dans le logement, présence dont on peine à voir pourquoi les pouvoirs publics l’encouragent. En particulier, on peut se demander pourquoi un logement ancien loué meublé aux conditions du marché peut, sans aucune condition, être intégralement amorti lorsque l’amortissement d’un logement loué nu constitue un avantage fiscal qui n’est ouvert que dans certains régimes spéciaux contraignants pour les propriétaires (engagements de durée de location, conditions de ressources des locataires, conditions de loyers et limitation du bénéfice des dispositifs aux logements neufs ou aux logements anciens réhabilités) et dans lesquels cet amortissement n’est, en outre, que partiel (au plus 65 % de la valeur du bien dans le cas du dispositif Borloo et 50 % dans le cas du dispositif Robien recentré).

L’ensemble des avantages du régime des loueurs professionnels en meublé mérite donc d’être remis à plat.

C’est manifestement le cas s’agissant des conditions particulières dans lesquelles cette activité peut être considérée comme professionnelle. Les deux critères imposés, l’inscription au registre du commerce et des sociétés, d’une part, et un montant annuel de recettes supérieur à 23 000 euros ou à 50 % du revenu total, d’autre part, ne garantissent en effet nullement la réalité de l’activité professionnelle et permettent au contraire à un pur investisseur d’être considéré comme un professionnel.

Il est toutefois vrai que l’application du critère de droit commun (la participation personnelle, directe et continue de l’un des membres du foyer fiscal à l’accomplissement des actes nécessaires à l’activité) n’est probablement pas systématiquement adaptée à tous les cas de location en meublé. Ainsi, la gestion d’un appartement loué meublé à l’année donne probablement peu d’occasions pour assurer cette participation personnelle, directe et continue.

On ne peut dès lors que se demander si la vraie difficulté n’est pas plutôt, en amont, dans la soumission au régime des activités commerciales d’une activité qui est, en réalité, bien souvent, de nature foncière. Il convient donc de distinguer dans les activités de location en meublé celles d’entre elles qui présentent un certain caractère commercial (exploitation de chambres d’hôte, par exemple) et qui pourraient conserver le bénéfice du régime des bénéfices industriels et commerciaux des autres dont les revenus ont vocation à être imposés selon les modalités de droit commun applicables aux revenus fonciers.

Bien qu’ils constituent manifestement des investissements à caractère, en réalité, non professionnel, un traitement particulier pour les logements compris dans celles des résidences dont le développement nécessite un encouragement fiscal spécifique pourrait être envisagé, éventuellement sous réserve de contreparties spécifiques (par exemple, des engagements relatifs aux loyers de l’exploitant).

Par ailleurs, même pour des locations présentant un caractère commercial marqué, le bénéfice de l’abattement prévu par le régime micro-BIC n’apparaît pas justifié et il conviendrait de prévoit l’application d’un abattement au même taux que celui prévu par le régime micro-foncier (soit 30 %).

Proposition n° 9 : Normaliser le régime des loueurs en meublé professionnels

9.1/ Réserver le bénéfice du dispositif aux revenus locatifs présentant un réel caractère commercial (exploitation de chambres d’hôte, par exemple) ou, éventuellement, un intérêt général particulier (notamment les résidences avec services dont le développement est prioritaire)

9.2/ Appliquer, dans les autres cas, le droit commun des revenus fonciers

9.3/ Ramener à 30 % le taux de l’abattement applicable dans le cadre du régime micro aux revenus locatifs imposés dans la catégorie des revenus industriels et commerciaux

4.– Le soutien à l’investissement outre-mer

a) La situation économique et sociale de l’outre-mer justifie le maintien du volume actuel des aides à l’investissement.

La situation économique et sociale de l’outre-mer, globalement dégradée par rapport à celle de la métropole, a justifié la mise en place de dispositifs propres de soutien à l’activité économique. Les spécificités des territoires ultramarins, dont certaines constituent de véritables handicaps, sont bien connues : étroitesse des marchés, éloignement résultant de l’insularité (à l’exception de la Guyane), phénomènes climatiques et naturels présentant des risques pour le tissu économique local (cyclones, séismes). Ces spécificités sont d’autant plus préjudiciables aux économies ultramarines que celles-ci sont peu ouvertes sur l’extérieur, à la différence d’autres petites économies insulaires qui, telles les régions ultrapériphériques ibériques, ont connu un développement certain. Ainsi, le taux d’ouverture (25) moyen des départements d’outre-mer (DOM) est de 18 %, tandis que celui des Canaries atteint 27 % et celui de Madère 44 % (26). En dépit d’une croissance plus dynamique depuis le début des années 1990 (27), les données macro-économiques témoignent encore d’un décalage considérable entre l’outre-mer et la métropole, essentiellement en matière de taux de chômage, ainsi que l’illustre le tableau ci-dessous. Par ailleurs, les données relatives au revenu minimum d’insertion (RMI) témoignent des difficultés rencontrées par une partie importante de la population ; à titre d’exemple, au 30 septembre 2007, les bénéficiaires du RMI représentaient 7,2 % de la population en Guadeloupe contre 1,7 % en métropole.

SITUATION ÉCONOMIQUE DE L’OUTRE-MER

 

Population

Évolution
(en %)

PIB/tête
(en euros)

Évolution
(en %)

Taux de chômage
(en %)

Évolution
(en %)

Inflation
(en %)

Guadeloupe

447 000

0,8

16 612

(2005)

0,6

27,3

1,3

2,1

Martinique

400 000

0,7

18 084

(2005)

nd

25,2

2

2,4

La Réunion

785 221

1,4

15 350

(2005)

5,5

29,1

- 2,8

2,6

Guyane

202 000

3,8

11 969

(2003)

-6,9

29,1

2,6

2,1

Mayotte

191 000

4,1

3 960

(2001)

nd

25,6

- 3,4

1,4

Polynésie française

259 800

1,4

17 071

(2003)

2,4

11,7

(2002)

nd

2,7

Nouvelle-Calédonie

236 528

1,8

20 388

(2004)

nd

16,3

(2004)

nd

2,9

Saint-Pierre-et-Miquelon

6 125

- 3

26 073

nd

9,1

1,2

1,8

Wallis-et-Futuna

14 944

(2003)

nd

nd

nd

15,2

(2003)

nd

2,5

Saint-Martin

29 112

(1999)

nd

14 500

(1999)

nd

26,5

(1999)

nd

2,1

Saint-Barthélemy

6 852

(1999)

nd

26 000

(1999)

nd

4,3

(1999)

nd

2,1

Métropole

61 044 684

0,56

27 272

(2005)

2,4

9,5

- 0,3

1,7

Les données sont celles de 2006, sauf indication contraire entre parenthèses. L’évolution est calculée par rapport à l’année n-1. Certaines données ne sont pas disponibles (nd).

Source : Secrétariat d’État à l’outre-mer

En conséquence de cette situation relativement dégradée, l’outre-mer bénéficie de dispositifs spécifiques destinés à soutenir l’activité et l’emploi. Tel est l’objectif final des mesures de soutien à l’investissement et notamment des mécanismes dits de « défiscalisation », régime d’incitation à l’investissement prenant la forme d’une déduction du revenu imposable d’un certain pourcentage de l’investissement réalisé ou d’une réduction de l’impôt dû à hauteur d’une fraction de l’investissement. L’outre-mer bénéficie depuis 1952 d’un système d’aide fiscale à l’investissement. Celui-ci a d’abord pris la forme d’une exonération des bénéfices sous condition de réemploi sur place. À partir de 1980, un dispositif de défiscalisation proprement dit a été mis en place. Ce dispositif a été amplifié par la loi dite « Pons » (loi de finances rectificative n° 86-824 du 11 juillet 1986). Depuis 1986, le dispositif a connu une évolution assez heurtée, retracée avec précision dans le rapport annuel sur les conditions de mise en œuvre de l’agrément prévu en faveur des investissements réalisés outre-mer, remis chaque année au Parlement par le Gouvernement en application de l’article 120 de la loi de finances pour 1992. Le dispositif actuel résulte de la loi de programme pour l’outre-mer n° 2003-660 du 21 juillet 2003, dite « LOPOM » ou encore « loi Girardin ». La défiscalisation est prévue en faveur des investissements réalisés jusqu’au 31 décembre 2017 dans les DOM, en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Peuvent en bénéficier les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts (CGI) et qui réalisent des investissements outre-mer, à l’exclusion des contribuables ayant leur domicile fiscal à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les TAAF.

En préalable aux développements qui vont suivre et notamment aux propositions de réforme du dispositif actuel de défiscalisation, il faut rappeler que la mission d’information considère qu’il est indispensable de maintenir le volume d’aide à l’investissement dont bénéficie l’outre-mer. Les différentes pistes d’évolution suggérées dans le présent rapport n’ont d’autre objet que de renforcer l’efficacité de la dépense fiscale à destination de l’outre-mer, afin d’en favoriser le développement économique.

b) La défiscalisation, qui recouvre trois dispositifs, a produit des résultats.

• La défiscalisation des investissements outre-mer recouvre trois dispositifs.

Avant même de présenter les trois dispositifs prévus par le code général des impôts, il faut préciser que l’investissement peut prendre deux formes distinctes :

– l’investissement peut être réalisé « en direct », par l’entreprise ultramarine exploitant ledit investissement. Cette possibilité est ouverte seulement dans les DOM et pour les entreprises des collectivités d’outre-mer (COM) et de Nouvelle-Calédonie n’acquittant ni impôt sur le revenu ni impôt sur les sociétés (IS). Seuls 10 % des investissements sont réalisés en direct ;

– l’investissement peut également être « externalisé ». L’investissement est réalisé par une structure du type société en nom collectif (SNC), puis loué à une structure exploitante outre-mer. L’entreprise locale partage alors le bénéfice de la défiscalisation avec un « monteur » en défiscalisation et des contribuables, métropolitains ou ultramarins. Elle verse pendant 5 ans un loyer qui correspond à la couverture du remboursement de l’emprunt contracté par la SNC pour compléter le financement du bien. Le contribuable rétrocède à l’entreprise locale une part importante de l’avantage fiscal (60 % pour les montages IR et 75 % pour les montages IS) (28).

– Les investissements productifs ouvrant droit à une réduction de l’impôt sur le revenu

L’article 199 undecies B du code général des impôts prévoit que les personnes physiques domiciliées fiscalement en France peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt lorsqu’elles réalisent outre-mer certains investissements productifs dans le cadre d’une entreprise soumise à l’IR.

Ouvrent droit à réduction les investissements productifs neufs, l’acquisition de logiciels nécessaires à l’utilisation des investissements, ainsi que les travaux de rénovation ou de réhabilitation d’hôtels, de résidences de tourisme et de villages de vacances classés.

Seuls les investissements réalisés dans les secteurs dits « éligibles » peuvent bénéficier de la défiscalisation. Depuis l’entrée en vigueur de la LOPOM, l’éligibilité est devenue la règle, l’article 199 undecies B du CGI dressant désormais la liste des seuls secteurs non éligibles, liste retracée dans le tableau ci-dessous.

SECTEURS NON ÉLIGIBLES ET EXCEPTIONS

Secteurs non éligibles

Exceptions

Commerce

 

Restauration, cafés, débits de tabac, débits de boisson

Restaurants de tourisme classés

Conseil ou expertise

 

Recherche et développement

 

Éducation, santé et action sociale

 

Banque, finance et assurance

 

Toutes activités immobilières

 

Navigation de croisière, locations sans opérateur, réparation automobile

Location de véhicules automobiles et de navires de plaisance

Services fournis aux entreprises

Maintenance, activités de nettoyage et de conditionnement à façon, centres d’appel

Activités de loisirs, sportives et culturelles

Activités s’intégrant à titre principal à une activité hôtelière ou touristique (hors jeux de hasard et d’argent)

Production et diffusion audiovisuelles et cinématographiques

Activités associatives

 

Activités postales

 

Source : Code général des impôts

L’octroi de l’avantage fiscal est subordonné à l’obtention d’un agrément lorsque l’investissement :

– est réalisé dans un secteur dit « sensible » (transports, navigation de plaisance, agriculture, pêche maritime et aquaculture, industrie charbonnière et sidérurgie, construction navale, fibres synthétiques, industrie automobile, rénovation et réhabilitation d’hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classé) ;

– concerne une entreprise en difficulté ;

– a pour objet de permettre l’exploitation d’une concession de service public local à caractère industriel ou commercial ;

– excède 1 million d’euros par programme et par exercice. Ce seuil est abaissé à 300 000 euros si l’investissement est réalisé par des personnes physiques agissant à titre non professionnel.

La délivrance de l’agrément est elle-même subordonnée à un certain nombre de conditions :

– l’investissement doit présenter un intérêt économique pour le territoire concerné ;

– l’investissement doit s’intégrer à la politique d’aménagement du territoire et de l’environnement ;

– l’investissement doit garantir la protection des investisseurs et des tiers ;

– l’investissement doit avoir pour but de créer ou maintenir des emplois dans le territoire où il est réalisé ;

– le bénéficiaire de l’agrément doit respecter ses obligations fiscales et sociales ;

– le bénéficiaire de l’agrément doit s’engager à ce que puissent être vérifiées sur place les modalités de réalisation et d’exploitation de l’investissement.

En matière de délivrance de l’agrément, la compétence est partagée entre l’échelon central et l’échelon déconcentré, selon des règles présentées dans le tableau ci-dessous.

RÉPARTITION DE LA COMPÉTENCE EN MATIÈRE D’AGRÉMENT

Agrément donné par le directeur des services fiscaux

Agrément donné par le Ministre
(bureau des agréments
de la direction générale des Impôts)

Investissement inférieur à 1,5 million d’euros

Investissement supérieur à 1,5 million d’euros

 

Projet concernant plusieurs DOM

 

Investissement réalisé dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie

 

Sociétés concessionnaires d’un service public industriel et commercial

 

Apport au capital de sociétés en difficulté

Les investissements agréés ouvrent droit à une réduction d’impôt en principe égale à 50 % du montant de l’investissement diminué des éventuelles subventions publiques dont cet investissement bénéficie.

Le taux de la réduction est majoré lorsque :

– l’investissement est réalisé en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Wallis-et-Futuna (60 %) ;

– l’investissement est réalisé dans le secteur de la production d’énergies renouvelables (majoration de 10 points) ;

– l’investissement a pour objet la rénovation ou la réhabilitation d’hôtels, de résidences de tourisme et de villages de vacances classés (60 % hors DOM et 70 % dans les DOM) ;

– l’investissement est réalisé dans un DOM et dans le secteur de la navigation de plaisance (70 %).

La réduction d’impôt est imputable sans limitation sur l’IR dû par le contribuable au titre de l’année de réalisation de l’investissement. Si le montant de la réduction d’impôt excède l’impôt dû, l’excédent constitue une créance sur l’État, reportable sur 5 ans. À l’issue de ce délai, la créance est soldée par l’État dans la limite d’un investissement total plafonné à 1,525 million d’euros (29).

Un régime particulier, dit de rétrocession, s’applique lorsque les immobilisations constituées par l’investissement sont données en location. Le propriétaire peut bénéficier de la réduction d’impôt mais il doit rétrocéder au moins 60 % de cette réduction à l’entreprise locataire sous forme de diminution du loyer. Ce taux est ramené à 50 % pour les investissements réalisés à compter du 21 juillet 2003 dont le montant est inférieur à 300 000 euros.

Les bénéficiaires de la défiscalisation sont soumis à des obligations de conservation de l’investissement. L’entreprise qui investit est tenue de conserver et de maintenir dans leur affectation les biens acquis pendant 5 ans ou pendant leur durée normale d’utilisation si elle est inférieure. Dans les mêmes conditions, le contribuable doit conserver les parts de la société de personnes qui a réalisé l’investissement. En cas de non-respect de ces obligations, la réduction d’impôt est en principe reprise au titre de l’année au cours de laquelle intervient la cession, le changement d’affectation de l’investissement, la cessation de l’activité éligible ou la cession des parts sociales.

Près de 10 000 contribuables bénéficient du dispositif prévu à l’article 199 undecies B du CGI.

– Les investissements ouvrant droit à une déduction de l’assiette de l’impôt sur les sociétés

En application des articles 217 undecies et 217 duodecies du CGI, les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) peuvent déduire de leur résultat les investissements directs (productifs et immobiliers) effectués outre-mer, ainsi que les souscriptions au capital de certaines sociétés.

En ce qui concerne les investissements directs, ouvrent droit à déduction les investissements productifs neufs (soumis aux mêmes conditions d’agrément que ceux réalisés dans le cadre d’une entreprise soumise à l’IR) ainsi que l’acquisition ou la construction de logements neufs à usage locatif, sous respect de certaines conditions (engagement de louer l’immeuble nu pendant au moins 6 ans à des personnes qui en font leur résidence principale et plafonnement des ressources du locataire et du montant du loyer). La déduction est égale au prix de revient des immobilisations (hors taxe sur la valeur ajoutée et subventions publiques). Le propriétaire non-utilisateur du bien peut pratiquer la déduction s’il loue le bien pendant 5 ans et s’il rétrocède à la société utilisatrice du bien 75 % de l'avantage fiscal procuré par la déduction. Les obligations de conservation du bien sont identiques à celles pesant sur les bénéficiaires de la réduction d’IR.

Les entreprises soumises à l'IS peuvent également déduire de leurs résultats l'intégralité des souscriptions réalisées à l'occasion de la constitution ou de l'augmentation de capital de certains types de sociétés : sociétés de développement régional des DOM, sociétés dont l'activité est exercée exclusivement outre-mer dans un secteur éligible, sociétés ayant pour objet exclusif l'acquisition ou la construction de logements neufs à usage locatif affectés au secteur intermédiaire (30), sociétés en difficulté exerçant exclusivement outre-mer dans des secteurs éligibles. Les sociétés bénéficiaires de la souscription doivent être soumises à l'IS et consacrer au moins 90 % de leurs actifs à l’exercice d’une activité dans les secteurs éligibles. Un agrément est nécessaire en cas de souscription au capital de sociétés concessionnaires de service public et de souscriptions supérieures à 1 million d'euros. Les sociétés bénéficiaires de la déduction doivent conserver les titres souscrits pendant au moins 5 ans (6 ans dans le secteur du logement). Les sociétés bénéficiaires de la souscription doivent réaliser les investissements l’ayant motivée dans un délai de 12 mois. Les règles de conservation des investissements sont les mêmes que celles applicables aux investissements directs.

– Les investissements non productifs ouvrant droit à une réduction de l’impôt sur le revenu

En application de l’article 199 undecies A du CGI, les personnes physiques ayant leur résidence fiscale en France métropolitaine ou dans les DOM peuvent bénéficier d'une réduction d'IR lorsqu'elles réalisent des investissements dans le secteur du logement ou lorsqu'elles souscrivent au capital de certaines sociétés.

Dans le secteur du logement, la réduction s’applique aux investissements suivants :

– construction ou acquisition d'un logement neuf affecté pendant au moins 5 ans à un usage de résidence principale (du propriétaire ou d'un locataire) ;

– travaux de réhabilitation réalisés sur un logement achevé depuis plus de 40 ans, affecté au même usage dans les mêmes conditions ;

– souscription au capital de sociétés dont l'objet exclusif est de construire des logements neufs donnés en location pendant 5 ans à des personnes qui en font leur résidence principale ;

– souscription au capital de sociétés civiles de placement immobilier qui s'engagent à affecter intégralement le produit des souscriptions annuelles à l'acquisition de logements neufs affectés pour 90 % au moins à usage d'habitation, et à donner les immeubles en location pendant au moins 5 ans à des locataires qui en font leur résidence principale.

La base de la réduction d'impôt est égale au prix de revient de l'investissement et son taux est variable : 25 % pour l'acquisition ou la construction d'un logement affecté à l'habitation principale du contribuable, ainsi que pour les travaux de réhabilitation ; 40 % pour les investissements réalisés dans le secteur locatif libre ; 50 % pour les investissements réalisés dans le secteur locatif intermédiaire. Ce taux peut être majoré de 4 points lorsque des équipements utilisant des sources d'énergie renouvelable sont installés dans le logement et de 10 points lorsque le logement est situé dans une zone urbaine sensible des DOM ou de Mayotte.

La réduction d'impôt s'applique, au taux de 50 %, aux souscriptions réalisées au capital de certaines sociétés : sociétés de développement régional d'outre-mer ; sociétés soumises à l'IS dont l'activité réelle est exercée outre-mer dans les secteurs éligibles ; sociétés dont l'objet est le financement d'entreprises exerçant leur activité exclusivement outre-mer dans les secteurs éligibles, si ces entreprises affectent le capital à l'acquisition et à l'exploitation d'investissements productifs neufs (Sofiom) ; souscription au capital d'entreprises en difficulté ; souscription au capital de sociétés qui réalisent des investissements nécessaires à l'exploitation d'un service public industriel et commercial local. Les sociétés bénéficiaires doivent effectuer les investissements productifs dans les 12 mois suivant la clôture de la souscription (ou achever les fondations des immeubles dans les 2 ans suivant la clôture de la souscription) et maintenir l'affectation des biens défiscalisés pendant au moins 5 ans. Les Sofiom ont quant à elles des obligations propres, à savoir financer au minimum 10 entreprises exerçant leur activité dans les secteurs éligibles, sans lien de capital entre elles. Les entreprises bénéficiaires sont soumises aux mêmes obligations que les sociétés hors Sofiom. Les obligations des souscripteurs sont variables : tout souscripteur doit conserver les titres pendant au moins 5 ans, mais le contribuable souscrivant au capital d'une Sofiom doit rétrocéder 60 % de la réduction d’impôt à l'entreprise qui acquiert et exploite l'investissement.

Doivent faire l’objet d’une procédure d’accord préalable les opérations supérieures à 4,6 millions d'euros et les souscriptions au capital de sociétés en difficulté.

Ce sont près de 30 000 contribuables qui bénéficient des dispositions de l’article 199 undecies A du CGI.

Le tableau ci-dessous récapitule, pour mémoire, les différents seuils d’agrément applicables aujourd’hui.

SEUILS D’AGRÉMENT

Seuil d’agrément

Type d’investissement

Au premier euro

– Dans les secteurs sensibles

– Rénovation ou réhabilitation d’établissements hôteliers

– Dans une entreprise en difficulté

– Dans une concession de service public

300 000 euros

– Dans un secteur sensible, mais réalisé par une entreprise exerçant outre-mer depuis plus de deux ans

– Montage locatif dans un secteur non sensible

1 million d’euros

– Investissement direct (sans montage locatif) dans un secteur non sensible

– Souscription au capital de certaines sociétés : société de développement régional, Sofiom

4,6 millions d’euros

Dans le secteur du logement (procédure d’accord préalable)

• La défiscalisation des investissements outre-mer a, sans nul doute, produit des résultats positifs.

Si la situation économique et sociale de l’outre-mer demeure globalement moins favorable que celle de la métropole, les collectivités ultramarines sont entrées dans une dynamique de développement assez soutenue depuis une quinzaine d’années. Depuis le début des années 1990, la croissance du PIB y a été en moyenne nettement supérieure à celle de l’hexagone, de 1 à 2 points selon les territoires. Entre 2001 et 2005, le taux de croissance annuel moyen du PIB ultramarin (+ 3,7 %) a largement dépassé celui du PIB national (+ 1,5 %). À l’exception de Mayotte et de la Guyane, l’outre-mer a connu une progression du PIB par habitant plus dynamique que la métropole : + 2,5 % par an contre + 2 % en moyenne. Entre 2001 et 2005, l’écart a été encore plus conséquent : + 2,8 % par an en moyenne contre + 0,8 %. La Réunion est particulièrement dynamique. Ainsi, entre 1993 et 2002, l’écart entre son PIB par habitant et celui de la France entière s’est réduit de près de 5 points : alors que le PIB réunionnais représentait seulement 48,5 % du PIB national en 1993, il atteignait 53,3 % en 2002. À l’inverse, la Guyane pâtit d’un accroissement rapide de sa population et de l’étroitesse extrême de son marché, facteurs qui concourent à expliquer le recul du PIB par tête constaté en 2006 (– 6,9 %).

Globalement plus dynamique qu’en métropole, la croissance ultramarine est tirée, notamment, par un niveau d’investissement supérieur. Entre 1993 et 2002, le taux d’investissement (31) national a été stable, autour de 19 % ; sur la même période, le taux d’investissement des DOM, plus fluctuant, a été en moyenne supérieur de 6 points. Ce constat permet d’affirmer, a minima, que la défiscalisation des investissements outre-mer joue sans doute un rôle positif sur le niveau de formation brute de capital fixe (FBCF), et donc, par un effet classique de multiplicateur, sur le niveau global d’activité. Ainsi que l’énonçaient l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration dans un rapport de juillet 2006 (32), « dans la mesure où elle constitue une aide à l’investissement, [la défiscalisation] contribue directement au développement de l’appareil productif, ainsi qu’à sa modernisation. À ce titre, son existence même, ainsi que l’engagement de pérennité à long terme inclus dans la LOPOM, créent un contexte favorable aux anticipations des chefs d’entreprise. ». Selon le secrétariat d’État à l’outre-mer, les dispositifs de défiscalisation expliqueraient environ 20 % des quelque 7 milliards d’euros de FBCF enregistrés outre-mer en 2006.

Lors de son déplacement en Guadeloupe et en Martinique, en janvier 2008, la mission d’information a pu se rendre compte de l’utilité de la défiscalisation des investissements pour les territoires en ayant bénéficié ; la modernisation des équipements industriels, notamment, n’aurait sans doute pas pu se réaliser sans l’aide apportée par les mesures d’aide fiscale. Mais l’impact positif de la défiscalisation sur le développement économique de l’outre-mer demeure assez largement intuitif, faute d’instruments d’évaluation suffisamment performants.

• L’évaluation de la défiscalisation des investissements outre-mer doit être améliorée.

Une meilleure évaluation de la défiscalisation passe d’abord par une plus grande qualité de l’information disponible. En l’état, les données sont assez frustes, ce qui est d’autant plus regrettable que les mesures de défiscalisation constituent des dépenses fiscales très conséquentes. Le projet annuel de performances du programme Conditions de vie outre-mer, annexé au projet de loi de finances pour 2008, évalue à 960 millions d’euros la dépense fiscale totale générée par la défiscalisation, soit plus du tiers des dépenses fiscales rattachées à la mission Outre-mer : 230 millions d’euros au titre de l’article 199 undecies A du CGI, 550 millions d’euros au titre de l’article 199 undecies B et 180 millions d’euros au titre des articles 217 Ces montants ont considérablement augmenté depuis 2003 ; à cette date, ils s’élevaient, respectivement, à 115, 140 et 85 millions d’euros.

DÉTAIL DE LA DÉPENSE FISCALE EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER

(en millions d’euros)

Objet de la mesure

2007

2008

Dépenses fiscales contribuant au programme Emploi outre-mer

   

Imputation sur le revenu global des déficits industriels et commerciaux non professionnels provenant de la location d’un hôtel situé dans les DOM avec travaux

3

3

Exonération, sur agrément, des bénéfices en cas de création d’activité nouvelle dans les DOM

≤ 0,5

0

Exonération des bénéfices réinvestis dans l’entreprise pour les sociétés de recherche et d’exploitation minière dans les DOM

≤ 0,5

≤ 0,5

Prise en compte réduite des résultats provenant d’exploitations dans les DOM (jusqu’en 2017)

85

90

Exonération des rémunérations versées dans le cadre des contrats aidés pour les Rmistes dans les DOM

nc

nc

Exonération de TVA de matières premières et des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion.

80

80

Déductibilité de la TVA afférente à certains produits exonérés.

200

200

Total pour le programme

369

373

Dépenses fiscales contribuant au programme Conditions de vie outre-mer

   

Déduction des investissements productifs réalisés outre-mer

nc

nc

Réduction d’impôt au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements situés outre-mer

220

230

Réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements productifs réalisés outre-mer (avant le 31 décembre 2007)

500

550

Réduction d’impôt sur le revenu (30 % en Guadeloupe, Martinique et Réunion, et 40 % en Guyane)

250

270

Réduction de l’imposition forfaitaire au taux de 16 % des plus-values réalisées outre-mer

4

4

Déduction des investissements productifs réalisés outre-mer (jusqu’en 2017)

160

180

Réduction de 50 % des tarifs des droits d’enregistrement et de timbre en Guyane

2

2

Exonération de TVA des transports maritimes de personnes et de marchandises dans la limite de chacun des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion

nc

nc

Régime de TVA des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion

1 040

1 070

Exclusion des DOM du champ d’application de la TIPP

130

130

Total pour le programme

2 306

2 436

Total pour la mission Outre-mer

2 702

2 809

Source : Projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2008

nc : non chiffrable

L’information relative à la défiscalisation outre-mer connaît les mêmes carences que l’information relative à la dépense fiscale en général, carences évoquées supra dans le présent rapport. L’existence d’un mécanisme d’agrément permet cependant de recueillir un certain nombre de données, consignées pour l’essentiel dans le rapport annuel sur les conditions de mise en œuvre de l’agrément prévu en faveur des investissements réalisés outre-mer, remis chaque année au Parlement en application de l’article 120 de la loi de finances pour 1992. L’encadré suivant présente quelques données significatives extraites du rapport pour l’année 2006.

La procédure d’agrément en 2006

Au titre de l’année 2006, 539 nouvelles demandes d’agrément ont été présentées, dont 285 au bureau des agréments, pour un montant total d’investissements de 1 773 millions d’euros. L’immense majorité des demandes d’agrément a concerné le dispositif prévu à l’article 199 undecies B du CGI : 398 demandes contre 135 au titre des articles 217 undecies et 217 duodecies et seulement 6 demandes d’accord préalable au titre de l’article 199 undecies A.

Dans le même temps, 560 dossiers ont été traités, dont 291 par le bureau des agréments, pour un montant total de 1 534 millions d’euros environ.

Sur ces 560 dossiers, 381 ont obtenu un agrément, soit 68 %. 76 ont reçu une réponse négative et 103 ont fait l’objet d’un désistement ou d’un classement sans suite.

Le montant total de projets agréés en 2006 s’est élevé à 852 millions d’euros (462,2 pour le « 199 B », 319,5 pour le « 217 » et 70,3 pour le « 199 A »), contre 552,8 en 2005.

En ce qui concerne la répartition géographique, 3 collectivités ont concentré environ 67 % des montants défiscalisés. La Réunion est le principal bénéficiaire des investissements défiscalisés (107 dossiers agréés pour 187,24 millions d’euros). Suivent la Polynésie française (34 dossiers pour 187 millions d’euros) et la Nouvelle-Calédonie (30 dossiers pour 152 millions d’euros). Le montant unitaire des dossiers agréés est nettement plus important dans les collectivités du Pacifique que dans les DOM, ce qui s’explique par la lourdeur des investissements qui y sont réalisés à titre principal : hôtellerie en Polynésie et exploitation du nickel en Nouvelle-Calédonie.

Tous les secteurs aidés ont connu en 2006 une hausse du montant d’investissements sauf la pêche, les industries de transformation et le secteur des énergies renouvelables. 4 secteurs ont connu une augmentation très importante de l’aide à l’investissement : l’hôtellerie (+ 198 %), les télécommunications (+ 172 %), les transports (+ 69 %) et l’industrie (+ 66 %). Les secteurs les plus aidés sont les transports (215 millions d’euros), le logement (130,5 millions d’euros) et l’hôtellerie (119,5 millions d’euros).

Au-delà de l’information disponible, c’est surtout l’évaluation de l’efficacité socio-économique de la défiscalisation qui est lacunaire. L’article 38 de la LOPOM prévoit pourtant qu’à compter de 2006, le Gouvernement remet tous les 3 ans au Parlement un rapport évaluant l’impact socio-économique des mesures de défiscalisation. Mais les différents travaux conduits sur ce sujet ont conclu à la quasi-impossibilité de réaliser une véritable évaluation. Dans leur rapport précité, l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration constataient que « l’évaluation de l’impact socio-économique de la défiscalisation est difficile à établir faute d’outils statistiques et méthodologiques ». Le Conseil économique et social, dans un avis rendu en juillet 2006, estimait qu’« il ne lui appartient pas de réaliser une évaluation proprement dite, mais plutôt, conformément à sa mission, de rendre un avis faisant apparaître le point de vue des partenaires économiques et sociaux » (33). Dans un rapport d’étape remis le 6 décembre 2006, la Commission nationale d’évaluation de la loi de programme pour l’outre-mer (34) déclarait n’être « pas à même de conduire une véritable évaluation d’impact » de la défiscalisation (35). Interrogé au sujet de l’efficacité de la défiscalisation par le Rapporteur spécial des crédits de la mission Outre-mer pour 2008, le secrétariat d’État à l’Outre-mer a reconnu qu’il « ne dispose pas d’outils permettant de mesurer l’effet direct des aides à l’investissement qui ont été ainsi accordées sur les performances globales du secteur économique concerné ».

La difficulté à évaluer l’impact réel de la défiscalisation des investissements sur l’économie ultramarine fait donc l’objet d’un parfait consensus. Cette difficulté tient, pour l’essentiel, à des considérations techniques et méthodologiques très clairement exposées dans le rapport d’inspection précité. Techniquement, l’évaluation de la défiscalisation se heurtait, en 2006, à l’absence de comptes récents. Seuls des comptes dits « rapides » étaient disponibles pour 2004 et, exclusivement à La Réunion, pour 2005. Le rapport subordonnait alors la réalisation d’une évaluation rigoureuse à une plus grande maturité de l’appareil statistique. Or, le mécanisme des comptes rapides a été institué en 2003 seulement ; l’expérience accumulée depuis devrait en principe permettre la production de données statistiques plus riches, laissant espérer une évaluation plus fiable.

Au-delà de ces difficultés techniques, l’évaluation de l’impact socio-économique de la défiscalisation rencontre des obstacles méthodologiques, qui tiennent principalement à l’imperfection d’un raisonnement « toutes choses égales par ailleurs ». En effet, comment isoler, dans l’ensemble des dispositifs de soutien à l’économie ultramarine, les effets de la seule défiscalisation ? En particulier, l’impact de la défiscalisation sur l’emploi est très délicat à évaluer. Rappelons que la loi de finances pour 1998 a ajouté aux conditions de délivrance de l’agrément la création ou le maintien d’emploi dans le territoire bénéficiaire de la défiscalisation. Mais l’effet de la défiscalisation sur l’emploi est difficilement estimable. D’une part, d’autres dispositifs poursuivent, encore plus directement, un objectif d’accroissement de la demande de travail, tout particulièrement le régime spécifique d’exonération des cotisations patronales de sécurité sociale applicable outre-mer (36). D’autre part, les données disponibles, qui font état des seules créations nettes d’emplois attribuées à la défiscalisation, ne peuvent rendre compte ni du nombre d’emplois que l’aide fiscale à l’investissement permet de maintenir, ni du nombre d’emplois indirectement créés. Ainsi, les projets qui bénéficient de la défiscalisation la plus importante en volume (logement, achat de moyens de transports,…) ne sont pas nécessairement les plus créateurs d’emplois directs. En conséquence, le coût moyen pour le budget de l’État d’un emploi créé grâce à la défiscalisation, retracé dans le tableau ci-après pour l’année 2006, ne saurait constituer à lui seul une mesure fiable de l’efficience du dispositif issu de la loi Girardin.

COÛT DES EMPLOIS CRÉÉS PAR LA DÉFISCALISATION

(en milliers d’euros)

2006

Nombre d’emplois créés

Montant d’investissements agréés

Coût budgétaire

Coût par emploi

Guadeloupe

89

118 178

58 026

652

Guyane

107

61 776

34 341

321

Martinique

151

122 294

54 516

361

Réunion

380

187 241

77 010

203

DOM

727

489 489

223 893

308

Mayotte

130

21 821

12 023

92

Polynésie

181

187 164

93 242

515

Nouvelle-Calédonie

136

151 846

75 087

552

Saint-Pierre et Miquelon

1

646

388

388

Wallis-et-Futuna

4

1 303

782

196

COM

452

362 780

181 522

402

DOM + COM

1 179

852 269

405 415

344

Source : Direction générale des Impôts

c) Le dispositif actuel de défiscalisation des investissements produit des effets pervers qui doivent être corrigés.

• La forte croissance du « plein droit » dans le secteur productif laisse craindre la défiscalisation d’investissements peu opportuns.

Les investissements outre-mer non soumis à agrément bénéficient de plein droit des dispositifs de défiscalisation : la seule réalisation de l’opération ouvre droit à l’avantage fiscal prévu par le code général des impôts. La défiscalisation de plein droit est une dépense fiscale parfaitement classique : alors que l’agrément permet de suivre l’évolution des recettes auxquelles l’État renonce volontairement et de s’assurer de la pertinence des projets aidés, le plein droit ne fait l’objet d’aucun suivi spécifique. La direction générale des Impôts ne dispose donc pas de données agrégées permettant de connaître avec précision le montant total de la dépense fiscale associée au plein droit ou encore la ventilation de cette dépense entre les différents secteurs économiques. Les données relatives au plein droit sont donc purement estimatives, se déduisant notamment de la différence entre l’évaluation de la dépense fiscale globale, retracée dans les documents budgétaires, et le montant des investissements agréés.

La grande imperfection qui caractérise l’estimation du plein droit a été relevée par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration qui, dans leur rapport de 2006, ont dû combiner plusieurs sources incomplètes pour se faire une idée du volume du plein droit et de son évolution : une « démarche de terrain » consistant en la rencontre, sur place, d’opérateurs de la défiscalisation ; l’exploitation d’une étude de la Chambre de commerce et d’industrie de Guadeloupe ; une « démarche estimative », consistant en l’exploitation des données fournies par des cabinets métropolitains spécialisés dans le montage d’opérations de défiscalisation outre-mer. Conscientes des limites méthodologiques d’une telle évaluation, les Inspections générales parvenaient néanmoins à la conclusion suivante : l’explosion du plein droit depuis le vote de la LOPOM, passé d’environ 240 millions d’euros en 2003 à 420 millions d’euros en 2005, puis 500 millions d’euros en 2006.

La mission d’information n’a pu obtenir de chiffrage plus précis ou plus récent, mais cette tendance à la progression du plein droit a été confirmée par l’ensemble de ses interlocuteurs. À l’avenir, la connaissance du plein droit devrait toutefois être améliorée grâce à la publication du décret n° 2007-1661 du 23 novembre 2007, qui a instauré une obligation déclarative pour chaque investissement bénéficiaire de la défiscalisation. La déclaration doit préciser, entre autres, la nature et le secteur de l’investissement, la collectivité sur le territoire de laquelle est situé ou exploité l’investissement, le montant de l’avantage fiscal, la part de rétrocession, le nombre d’emplois éventuellement créés. Les premières données issues de cette déclaration devraient être disponibles en 2009.

La tendance à la progression du plein droit s’explique très probablement par le relèvement des seuils d’agrément par la loi Girardin. Pour les investissements réalisés directement par les entreprises exerçant leur activité dans un secteur non sensible, le seuil de l’agrément a été porté de 760 000 euros à 1 million d’euros. Pour les investissements réalisés dans les secteurs sensibles par des entreprises exerçant leur activité exclusivement outre-mer depuis plus de deux ans, le seuil de l’agrément est passé de 150 000 euros à 300 000 euros.

Destiné à accélérer le processus d’investissement en limitant aux opérations les plus conséquentes l’examen administratif du projet, le relèvement des seuils d’agrément est potentiellement générateur d’effets pervers. En effet, dès lors qu’aucune obligation propre à l’octroi d’un agrément ne doit être remplie en régime de plein droit, peuvent bénéficier de la défiscalisation des investissements dont l’utilité économique finale est limitée. Lors de son déplacement en Guadeloupe et en Martinique, puis lors des auditions conduites en métropole, la mission d’information a été particulièrement sensibilisée à la forte croissance du parc de véhicules dans les DOM, sans doute plus importante que la croissance des besoins. Au-delà des véhicules utilitaires, sont également concernés les véhicules particuliers, dont certains bénéficieraient de la défiscalisation. La mission d’information doit préciser que la quasi-totalité de ses interlocuteurs a jugé cette pratique très contestable. Il convient donc de veiller à ce que la défiscalisation favorise des investissements productifs économiquement justifiés, évitant ainsi que des opérations quelque peu douteuses décrédibilisent un dispositif d’aide dont, encore une fois, les collectivités ultramarines ont besoin pour poursuivre leur développement.

Différentes mesures pourraient être prises afin d’éviter les effets pervers éventuels de la défiscalisation de plein droit. D’une part, et a minima, il conviendrait d’étendre aux entreprises bénéficiaires des investissements de plein droit l’obligation de produire un document attestant qu’elles sont bien à jour du paiement de leurs cotisations fiscales et sociales, obligation qui pèse d’ores et déjà sur les entreprises bénéficiaires d’investissements défiscalisés sous agrément. Il s’agit là d’une mesure d’équité, tendant à lever le soupçon qui pourrait peser, le plus souvent indûment, sur les exploitants bénéficiaires de la défiscalisation. D’autre part, il paraît opportun d’abaisser certains seuils d’agrément, afin de permettre à l’administration fiscale de s’assurer de l’utilité socio-économique de l’investissement défiscalisé ; le seuil applicable aux investissements réalisés directement par les entreprises exerçant leur activité dans un secteur non sensible (1 million d’euros actuellement) pourrait être ramené à 500 000 euros.

Par ailleurs, le dispositif de contrôle des investissements défiscalisés de plein droit pourrait être amélioré. Outre le contrôle fiscal de droit commun, l’administration des impôts dispose d’un outil spécifique aux investissements défiscalisés. L’article L. 45 du livre des procédures fiscales dispose en effet que « les agents mandatés par le directeur général des impôts peuvent contrôler sur le lieu d’exploitation le respect des conditions liées à la réalisation, l’affectation et la conservation des investissements productifs ayant ouvert un droit au bénéfice des dispositions des articles 199 undecies A, 199 undecies B, 217 undecies et 217 duodecies du code général des impôts et prévues aux mêmes articles ». Interrogée au sujet de la pratique de cette disposition, la direction de la Législation fiscale a reconnu ne pas disposer de données précises. Selon les informations qu’a pu recueillir la mission d’information lors de son déplacement en Guadeloupe et en Martinique, la lourdeur de la procédure prévue par l’article L. 45 du Livre des procédures fiscales, nécessitant l’intervention du directeur général des impôts lui-même, limiterait sa mise en œuvre. Un assouplissement de la procédure paraît nécessaire afin de pouvoir mettre en œuvre le dispositif de contrôle spécifique ; il pourrait par exemple être envisagé de supprimer l’intervention du directeur général des impôts et de donner au directeur des services fiscaux l’initiative des contrôles.

Proposition n °10 : Rendre plus transparente la défiscalisation de plein droit dans le secteur productif en outre-mer

10.1/ Rendre obligatoire la production d’une attestation fiscale et sociale pour les exploitants bénéficiaires d’un investissement défiscalisé de plein droit

10.2/ Ramener à 500 000 euros le seuil d’agrément des investissements réalisés directement par les entreprises exerçant leur activité dans un secteur non sensible

10.3/ Donner au directeur des services fiscaux l’initiative des contrôles spécifiques aux investissements défiscalisés

10.4/ Exclure du bénéfice de la défiscalisation l’achat de véhicules particuliers

• Dans les secteurs de l’hôtellerie et de la plaisance, les conditions d’agrément pourraient être revues.

Lors de son déplacement en Guadeloupe et en Martinique, la mission d’information a pu se rendre compte des difficultés du secteur touristique dans des îles qui ne manquent pourtant pas d’atouts. Le maintien d’un soutien aux activités du secteur touristique paraît donc nécessaire. Néanmoins, les modalités actuelles de défiscalisation des investissements hôteliers et plaisanciers, supports et vecteurs de flux touristiques, ne sont pas pleinement satisfaisantes.

L’investissement réalisé dans un DOM dans le secteur de la navigation de plaisance ouvre droit, pour les investisseurs, à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 70 % du montant dudit investissement, soit 20 points de plus que le taux normalement appliqué. Cette majoration se justifiait par le souci de permettre le renouvellement de la flotte, en particulier aux Antilles. Selon le secrétariat d’État à l’Outre-mer, les études les plus récentes conduisent à penser que cet objectif est atteint. En conséquence, le maintien d’un tel taux de réduction d’impôt peut créer un appel de fonds en direction de l’investissement plaisancier, sans véritable lien avec les besoins en la matière. Cet effet pervers, qui contribue à entretenir une forme de soupçon sur la défiscalisation, est amplifié par le fait que la durée de conservation d’un navire de plaisance, fixée actuellement à 5 ans, est assez faible et peut donc favoriser des stratégies d’investissement privilégiant la rentabilité financière à court terme ou la création d’un fructueux marché de l’occasion, et non la viabilité économique du projet support. La mission d’information propose donc de réviser les conditions d’agrément en matière d’investissement dans le secteur de la plaisance, en ramenant à 50 % le taux de réduction d’impôt et en allongeant de 5 à 8 ans la durée minimale de détention du navire défiscalisé.

La nécessité d’allonger le délai plancher de conservation du bien est plus évidente encore en matière d’investissement hôtelier, eu égard à la durée moyenne d’amortissement d’un tel investissement. L’allongement de la durée minimale de conservation du bien permettrait de limiter les investissements mal calibrés conduisant, après quelques saisons d’exploitation non rentable, à la fermeture de l’établissement ou à son découpage en appartements, tendance malheureuse à laquelle la mission d’information a été sensibilisée lors de son déplacement en Guadeloupe et en Martinique. Par ailleurs, l’hôtellerie bénéficie d’un régime de défiscalisation plus favorable que le régime normal, ainsi que le détaille l’encadré ci-dessous.

Le régime de défiscalisation des investissements hôteliers

Dans les DOM, les travaux de rénovation et réhabilitation d’hôtels, de résidences de tourisme et de villages de vacances classés bénéficient d’un régime particulier :

– la réduction d’impôt est majorée à 70 % ;

– lorsque l’hôtel est donné en location, la société de personnes qui a réalisé l’investissement peut déduire de son revenu imposable la totalité des amortissements pratiqués, par dérogation aux règles générales applicables en la matière ;

– lorsque l’hôtel est donné en location, le contribuable peut imputer sur son revenu global les déficits provenant des travaux ayant donné lieu à la réduction d’IR. Cette « détunnelisation » des revenus permet donc une double défiscalisation (double shot). Cette mesure, de même que celle qui précède, est applicable aux opérations réalisées jusqu’au 31 décembre 2008 et se trouve subordonnée à l’octroi d’un agrément. Il serait inopportun de les prolonger au-delà de la date prévue ;

– les conseils généraux peuvent en outre exonérer de taxe de publicité foncière ou de droit d’enregistrement les acquisitions d’immeubles que l’acquéreur s’engage à affecter à l’exploitation d’un hôtel, d’une résidence de tourisme ou d’un village de vacances classé.

Il n’est pas certain que ce régime spécifique permette de résoudre les problèmes structurels dont souffre le tourisme outre-mer. Plus favorable que la moyenne, ce régime présente, à la manière du dispositif applicable en matière de plaisance, un risque d’effet pervers qu’il ne faut pas négliger. Surtout, ainsi que le relevaient dans leur rapport de juillet 2006 l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration, « ce n’est pas le processus de défiscalisation qui est à améliorer, mais la politique de développement touristique dont il constitue un outil. Or, cette politique se cherche encore dans les départements français d’Amérique, notamment aux Antilles. La défiscalisation ne saurait compenser ce manque ». La mission d’information propose donc, en matière d’investissement hôtelier, un régime identique à celui suggéré pour la plaisance.

Proposition n °11 : Réformer les conditions de défiscalisation dans l’hôtellerie et la plaisance en outre-mer

11.1/ Allonger de 5 à 8 ans le délai minimum de détention du bien défiscalisé

11.2/ Ramener à 50 % le taux de la réduction d’impôt

11.3/ Supprimer les possibilités de double défiscalisation (dispositif dit double shot)

• La défiscalisation des investissements locatifs doit permettre de répondre aux besoins de logement social.

En matière d’investissement locatif, la loi prévoit un seuil d’accord préalable très élevé pour les opérations de défiscalisation soumises au régime prévu à l’article 199 undecies A du CGI : 4,6 millions d’euros. La place du plein droit est donc particulièrement importante, ce qui ne permet pas d’avoir une vision très claire du volume de la défiscalisation ni de ses effets.

En outre, ce dispositif engendre un certain nombre d’effets pervers, rapportés notamment dans un rapport d’audit de modernisation consacré au logement social outre-mer (37:

– le seuil élevé favorise le « saucissonnage » des opérations, destiné à échapper à la procédure de contrôle a priori que constitue l’accord préalable ;

– les calculs de rentabilité conduisent les promoteurs à privilégier des logements de type F2, alors que les besoins de la population domienne se concentrent plutôt sur des logements de type F4 ;

– l’aide fiscale à l’investissement locatif contribue au renchérissement du foncier, lui-même partiellement explicatif de la hausse du coût des opérations locatives.

Ces effets pervers sont renforcés par trois circonstances. D’une part, lorsqu’elle trouve à s’appliquer, la procédure de contrôle administratif prévue en matière d’investissement locatif (l’accord préalable) est plus souple qu’en matière d’investissement productif (l’agrément) : à la différence de l’agrément, l’accord préalable ne peut être repris par l’administration fiscale. D’autre part, la loi ne prévoit pas de mécanisme de rétrocession de l’avantage fiscal en matière d’investissement locatif, ce qui peut favoriser des stratégies d’optimisation fiscale sans lien direct avec la satisfaction des besoins locatifs. Enfin, l’avantage fiscal procuré par la réalisation d’un investissement locatif « 199 undecies A » n’est pas plafonné. Or, il ressort des données dont dispose la mission d’information qu’un plafonnement de la réduction d’IR à 25 000 euros par contribuable et par an permettrait à 95 % des ménages qui défiscalisent sur la base de l’article 199 undecies A du code général des impôts de continuer à bénéficier de ce dispositif. Le plafonnement de l’avantage fiscal à ce niveau assez élevé permettrait donc de préserver le financement de l’investissement locatif, tout en s’inscrivant dans la démarche consensuelle de la mission d’information, tendant à renforcer l’équité de notre système fiscal.

Les caractéristiques actuelles du dispositif ne sont pas particulièrement favorables au développement du logement social. La loi n’interdit pas la défiscalisation des investissements réalisés dans ce secteur, mais elle ne prévoit pas de dispositif spécifiquement incitatif. Or, les besoins en la matière sont considérables, évalués à 15 000 nouveaux logements par an par le secrétariat d’État à l’Outre-mer. Il apparaît donc nécessaire de prévoir un dispositif de défiscalisation tendant à orienter l’épargne privée vers la construction de logements sociaux, au besoin en réorientant vers ce secteur l’aide actuellement accordée aux secteurs libre et intermédiaire. Il s’agirait de prévoir une extinction progressive de l’avantage fiscal accordé aux contribuables investissant dans ces secteurs et d’en faire bénéficier ceux qui souscrivent à des projets répondant aux caractéristiques du logement social, en réservant le bénéfice de la défiscalisation aux opérations portées par des bailleurs sociaux qui en assureraient la gestion. Telle est d’ailleurs l’orientation générale du projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence économique outre-mer, actuellement en préparation.

Proposition n °12 : Réformer la défiscalisation des investissements locatifs en outre-mer

12.1/ Substituer l’agrément à l’accord préalable

12.2/ Fixer le seuil d’agrément à 1 million d’euros

12.3/ Prévoir un mécanisme de rétrocession de l’avantage fiscal

12.4/ Plafonner à 25 000 euros par contribuable et par exercice la réduction d’impôt

12.5/ Recentrer la défiscalisation des investissements locatifs sur le logement social

d) La dépense fiscale générée par la réduction d’impôt pour les investissements productifs pourrait être mieux utilisée.

• Le montage type conduit à une « évaporation fiscale » très élevée.

En matière de défiscalisation des investissements outre-mer, la procédure la plus utilisée, en montant global comme en nombre de dossiers, est celle prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts. Les développements suivants s’efforcent de décrire la mécanique d’un montage type, à savoir un investissement externalisé réalisé par une société en nom collectif (SNC) qui va louer le bien concerné à une société exploitante, celle-ci ne pouvant pas ou ne souhaitant pas réaliser directement l’investissement. Dans un souci de clarté, la présentation est très simplifiée.

Soit une entreprise ultramarine exerçant ses activités dans un secteur éligible. Cette entreprise (l’exploitant) souhaite pouvoir utiliser un bien de production, d’une valeur de 100. L’exploitant s’adresse à un intermédiaire (le cabinet de défiscalisation) qui se charge d’organiser le financement du bien. À cette fin, une société en nom collectif (SNC) est constituée entre des personnes physiques souhaitant bénéficier de la réduction d’impôt permise par la réalisation de l’investissement (les apporteurs de capacité fiscale). La SNC opte pour la transparence fiscale : ses membres seront redevables de l’impôt sur le revenu et non de l’impôt sur les sociétés. La SNC procède à l’investissement, qu’elle finance de la manière suivante :

– 50 par un emprunt contracté auprès d’établissements bancaires ;

– 30 par les fonds propres apportés par les membres de la SNC ;

– 20 par le dépôt de garantie de l’exploitant, caution de son implication réelle dans le projet (38).

La réduction d’impôt, à répartir entre les membres de la SNC à raison de leurs parts sociales respectives, s’élève à 50, soit 50 % du montant de l’investissement. Pour obtenir le gain net produit par l’opération au profit des apporteurs de capacité fiscale, il faut retirer de ces 50 :

– la commission perçue par les cabinets de défiscalisation pour couvrir les frais de montage et de gestion de la SNC (soit environ 6 en moyenne) ;

– 60 % de l’avantage fiscal (soit 30), qui doivent être rétrocédés à l’exploitant sous la forme d’une réduction des loyers versés par celui-ci à la SNC pendant 5 ans, soit la durée minimale pendant laquelle la SNC doit conserver l’investissement.

Pour un investissement de 100, l’avantage fiscal net au profit du contribuable est donc de 14 (soit 50 - 6 - 30).

Pendant les 5 années minimales de conservation du bien, la SNC perçoit les loyers versés par l’exploitant et rembourse ainsi les établissements bancaires qui ont apporté 50 dans le montage. Au terme de ces 5 ans, la SNC revend le bien à l’exploitant. Le bien est en général cédé à l’euro symbolique : les loyers versés pendant 5 ans, le dépôt de garantie apporté initialement par l’exploitant et le montant de la rétrocession ont en principe permis d’en couvrir le coût total. Pour l’exploitant, le gain permis par ce montage se résume donc à la rétrocession d’une partie de l’avantage fiscal procuré à la SNC, rétrocession qui lui permet d’acquérir le bien au terme d’une location-vente à loyer bonifié.

L’aide perçue par l’entreprise grâce à ce montage (soit 30 sous forme de rétrocession) aura coûté 50 à l’État, en termes de moins-values fiscales (30 au profit de l’exploitant + 14 au profit des membres de la SNC + 6 au profit du cabinet de défiscalisation). 40 % des recettes auxquelles l’État renonce volontairement dans l’objectif de concourir au développement économique de l’outre-mer (39) sont in fine captés par d’autres destinataires que les exploitants ultramarins. Cette part de la dépense fiscale s’assimile à de l’« évaporation fiscale », à de la « perte en ligne », à tout le moins au regard de l’objectif final poursuivi par la défiscalisation, à savoir le développement économique de l’outre-mer.

Le schéma ci-dessous présente, pour mémoire, le montage type permettant de financer un investissement par une SNC constituée d’apporteurs de capacité fiscale souhaitant bénéficier d’une réduction de leur impôt sur le revenu.


MONTAGE TYPE « IR »



Trésor public

Remboursement
de la TVA

Investisseurs
(apporteurs de positions fiscales)

 

Fournisseurs

   


Acquisition des parts et apports à fonds perdus


Fourniture des biens

 

Organismes subventionneurs



Délivrance des subventions

Véhicule fiscal
(de type SNC)

Contrat de location



Cession des investissements


Exploitant

 


Hypothèque ou nantissement des biens financés


Crédits bancaires
« sans recours » contre la SNC et ses associés

Direction générale
des Impôts

Agrément

Établissement bancaire


Caution solidaire
sur les crédits bancaires

Source : SOFICO Investissements

• L’évaporation fiscale ne saurait être regardée comme la contrepartie justifiée d’un risque réel.

À l’exposé qui précède, il pourrait être rétorqué que la « perte en ligne » constitue la contrepartie des risques pris par ceux qui la perçoivent, à savoir les apporteurs de capacité fiscale et les cabinets de défiscalisation.

En théorie, l’apporteur de capacité fiscale s’expose à deux types de risques : un risque économique en cas de défaut de paiement des loyers par l’entreprise exploitante et un risque fiscal en cas de reprise de l’agrément (40), qui a pour conséquence de rendre exigible l’avantage en impôt préalablement accordé.

De fait, l’occurrence de ces deux risques est très faible. En ce qui concerne le risque économique, la mission d’information a pu constater que la plupart des montages comprennent une clause de non-recours par laquelle les banques renoncent à poursuivre la SNC en cas de défaut de remboursement de l’emprunt consécutivement à une défaillance de l’exploitant. La responsabilité de l’exploitant se substitue dès lors à celle de la SNC. En ce qui concerne le risque fiscal, la direction de la Législation fiscale a fourni à la mission d’information les données retracées dans le tableau ci-dessous, qui concernent les réductions d’IR pour investissement productif mais également pour investissement locatif.

REPRISES D’AVANTAGE FISCAL RÉSULTANT DE CONTRÔLES FISCAUX

 

Nombre de contribuables contrôlés

Montant total des reprises (en euros)

Montant moyen de reprise (en euros)

2005

35

7 497 597

214 217

2006

56

14 231 424

254 133

2007

50

9 069 581

181 392

Total

141

30 798 602

218 430

Source : Direction de la législation fiscale

Le montant moyen de reprise est assez faible, représentant en 2006 (année au cours de laquelle les reprises ont été plutôt nombreuses) moins de 2,2 % de la dépense fiscale générée la même année par l’application des articles 199 undecies A et B du code général des impôts. Les reprises ainsi réalisées le sont sur la base de contrôles fiscaux de droit commun et non sur la base du dispositif spécifique créé par l’article L. 45 du livre des procédures fiscales, évoqué précédemment.

• Le soutien financier à l’investissement productif outre-mer pourrait être significativement accru, à dépense fiscale constante.

La description du montage type faite supra montre qu’il résulte des investissements défiscalisés via une SNC une perte en ligne de produit fiscal, qui ne profite nullement à l’outre-mer. Seul le contribuable souhaitant réduire sa cotisation d’impôt sur le revenu et le cabinet de défiscalisation qui l’assiste dans cette démarche bénéficie de cette partie de la dépense fiscale consentie par l’État.

Or, il paraît possible d’accroître le soutien apporté aux investissements réalisés outre-mer, en restituant aux exploitants la perte en ligne.

Le mécanisme actuel de défiscalisation des investissements productifs présente un atout principal, notamment lorsqu’il est réalisé sous le seuil d’agrément : sa rapidité. En effet, l’absence de tout mécanisme de contrôle a priori et l’existence d’un marché concurrentiel de « monteurs en défiscalisation » permettent la réalisation en un temps limité, parfois en seulement quelques semaines, des investissements de montant modeste. En conséquence, il ne paraît pas nécessaire de remettre en cause le principe même de la réduction d’IR pour les investissements réalisés outre-mer sous le seuil d’agrément.

En revanche, il n’existe pas d’obstacle majeur à plafonner l’avantage fiscal que chaque contribuable peut tirer d’un investissement réalisé outre-mer sous le seuil d’agrément. Selon les informations recueillies par la mission d’information, 50 % des foyers fiscaux qui bénéficient des dispositions de l’article 199 undecies B du code général des impôts en tirent un avantage fiscal inférieur à 20 000 euros. En plafonnant à 20 000 euros la réduction d’impôt, la moitié des contribuables investissant actuellement sous le régime de cet article pourraient continuer à en bénéficier, sous réserve de réaliser des opérations sous le seuil d’agrément, et ce sans même voir leur avantage en impôt réduit. L’autre moitié des contribuables concernés par l’article 199 undecies B pourra continuer d’investir outre-mer mais verra sa réduction d’impôt limitée à 20 000 euros par an. Pour ce type d’investissement, les cabinets de défiscalisation devraient donc parvenir sans peine à réunir un tour de table suffisant pour qu’une SNC puisse réaliser l’investissement. Par exemple, pour un investissement de 500 000 euros, ne nécessitant donc pas d’agrément, l’avantage fiscal total serait de 250 000 euros ; il suffirait donc de réunir 13 contribuables dont la réduction d’impôt serait plafonnée à 20 000 euros chacun pour réaliser l’investissement, sans même prendre en compte le financement bancaire et le dépôt de garantie de l’exploitant. Le flux de capitaux nécessaire au financement des « petits » investissements ultramarins serait donc maintenu.

Pour les investissements supérieurs au seuil d’agrément, une réorientation en profondeur de la défiscalisation paraît nécessaire.

S’agissant des investissements dans les DOM, la mission d’information propose de substituer à la réduction d’impôt sur le revenu prévue à l’article 199 undecies B un mécanisme de crédit d’impôt sur les bénéfices (41). Dans ce nouveau schéma, une entreprise réalisant un investissement productif outre-mer dans un secteur éligible bénéficierait d’une réduction de son IR ou de son IS (selon le régime fiscal auquel elle se trouve soumise) à hauteur d’un pourcentage du montant de l’investissement ; si le montant de la réduction excède l’impôt dû, l’État verse la différence à la société (42).

Un tel mécanisme ne pourrait s’appliquer directement dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie. En effet, ces territoires jouissent d’une autonomie fiscale et définissent eux-mêmes le régime d’imposition des bénéfices. Il conviendrait donc de leur proposer de mettre en place un mécanisme de crédit d’impôt similaire à celui préconisé pour les DOM et dont le coût leur serait compensé par l’État.

À défaut, un mécanisme alternatif pourrait être envisagé pour ces territoires, autour d’un prêt bonifié à destination des entreprises y réalisant des investissements productifs. Sur le modèle du prêt à taux zéro existant en matière de logement, les établissements bancaires recevraient un crédit d’impôt en compensation d’une réduction totale ou partielle des intérêts demandés aux exploitants réalisant l’investissement. Le niveau du crédit d’impôt correspondrait à une part de l’investissement, actualisée sur la durée du prêt de façon à ce que l’exploitant bénéficie in fine d’une aide fiscale comparable à celle accordée aux exploitants domiens.

Cette réforme du dispositif de défiscalisation présenterait deux atouts principaux :

– accroître le soutien apporté à l’investissement productif outre-mer en supprimant l’évaporation fiscale. Dans le dispositif actuellement en vigueur, l’exploitant ultramarin ne perçoit que 30, sous forme de réduction des loyers, pour un investissement de 100 défiscalisé à hauteur de 50 %. Un crédit d’impôt sur les bénéfices permettrait, à dépense fiscale constante, d’accroître significativement le soutien public à l’investissement ;

– fournir à l’exploitant un avantage immédiat. Le mécanisme actuel de la rétrocession permet à l’exploitant de réduire les loyers versés à la SNC pendant le délai minimum de conservation du bien par celle-ci. L’avantage de 30 est donc entièrement perçu à l’issue d’une exploitation d’au moins 5 ans. L’aide apportée par un crédit d’impôt sur les bénéfices aurait un caractère plus immédiat, permettant soit la réduction du montant de l’impôt dû, soit la perception du produit d’une créance détenue sur l’État.

Le dispositif proposé permettrait de cibler la dépense fiscale selon l’importance et le secteur de l’investissement, à travers une architecture à trois étages : une réduction d’IR plafonnée pour les investissements les moins importants (au-dessous du seuil d’agrément), un crédit d’impôt sur les bénéfices pour les opérations les plus conséquentes (au-dessus du seuil d’agrément) et un prêt bonifié pour le cas particulier des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie.

La mission tient à rappeler ici que l’objectif poursuivi par les propositions qu’elle formule est bien d’accroître l’aide fiscale bénéficiant directement au développement économique de l’outre-mer.

À l’évolution du dispositif ainsi proposée, il pourrait être objecté que l’aide fiscale apportée par le crédit d’impôt sur les bénéfices ne permettrait pas, à la différence d’un montage en réduction d’IR, de financer l’intégralité de l’investissement. Dans un schéma de crédit d’impôt sur les bénéfices au taux moyen de 50 % (43) et pour un investissement de 100, l’exploitant disposerait de 70, soit 50 d’avantage en impôt et 20 en fonds propres. Pour financer l’investissement, il lui manque donc 30, qui, dans un montage IR, sont apportés par les établissements bancaires. L’exploitant doit donc convaincre une banque de lui prêter 30, sachant que les montages IR ont notamment pour objet de pallier une certaine frilosité des établissements bancaires à l’égard des entreprises ultramarines. Mais dans un schéma de crédit d’impôt sur les bénéfices, l’assise financière de l’exploitant est plus solide, dès lors qu’il bénéficie dès la réalisation de l’investissement d’un apport en trésorerie considérable. En outre, le besoin de financement bancaire serait moindre que dans un montage IR car l’avantage en impôt serait nettement supérieur. Par ailleurs, le projet d’investissement devra être agréé par l’administration fiscale et donc présenter des garanties de rentabilité de nature à faciliter l’emprunt bancaire. Enfin, il faut rappeler que les exploitants sont d’ores et déjà, dans la plupart des montages IR, les débiteurs réels des banques du fait des clauses de non-recours. Il est donc permis de penser que les banques s’assurent de la solidité du projet et de la capacité de remboursement de l’exploitant avant d’octroyer un prêt à une SNC.

Proposition n° 13 : Instituer un dispositif d’aide à l’investissement productif en outre-mer à trois étages

13.1/ Pour les investissements sous le seuil d’agrément, maintenir la réduction d’impôt sur le revenu actuellement en vigueur, en la plafonnant à 20 000 euros par contribuable et par an

13.2/ Pour les investissements dans les départements d’outre-mer dépassant le seuil d’agrément, créer un crédit d’impôt sur les bénéfices

13.3/ Pour les investissements dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie dépassant le seuil d’agrément, compenser le coût de l’instauration, par les territoires concernés, d’un crédit d’impôt sur les bénéfices ou instaurer un prêt à taux bonifié

Selon les informations recueillies par la mission d’information, certaines pistes de réforme proposées dans le présent rapport pourraient figurer dans le projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence économique outre-mer, actuellement en préparation. Ce texte devrait comporter des mesures dont l’analyse dépasse le cadre du présent rapport d’information, mais qui pourraient réorienter utilement le soutien au développement de l’outre-mer vers des dispositifs territorialisés. Il s’agirait notamment de créer des zones franches globales d’activité au sein desquelles les entreprises, selon leur secteur d’activité, bénéficieraient d’un régime fiscal préférentiel destiné à faciliter leur développement. La proposition de substitution d’un crédit d’impôt sur les bénéfices à une réduction d’IR, destinée à soutenir plus directement les entreprises, s’inscrit donc dans une démarche similaire à celle de la future loi de programme. Il conviendra néanmoins de veiller à ce que les dispositions de ce texte n’alourdissent pas le poids de la dépense fiscale ; la mission d’information est en effet convaincue qu’il est possible, sans renoncer à maîtriser nos finances publiques, d’œuvrer plus efficacement en faveur du développement économique de l’outre-mer.

C.– INSTAURER UN PLAFONNEMENT GLOBAL

Si la défiscalisation des plus gros contribuables se concentre sur les dépenses fiscales non plafonnées examinées supra, de nombreux contribuables combinent l’utilisation de plusieurs dispositifs. Dans l’hypothèse où chaque dispositif serait individuellement plafonné, les quelques contribuables dont les revenus sont extrêmement élevés ne pourraient plus réduire leur impôt dont le montant brut atteint plusieurs millions d’euros dans des proportions très significatives. En revanche, la combinaison de plusieurs dispositifs continuerait à permettre à des contribuables aux revenus très élevés d’échapper très largement voire totalement à l’impôt. En effet, en cumulant les diverses réductions d’impôt incitant à des investissements, à l’exception de celles étudiées dans le présent rapport, un couple marié soumis à imposition commune peut réduire son impôt de plus de 100 000 euros comme l’illustre le tableau ci-après.

(en euros)

Dispositif

Plafond de la réduction d’impôt pour un couple

Réduction d’impôt au titre des investissements dans les résidences de tourisme (art. 199 decies E du CGI)

25 000

Réduction d’impôt au titre des travaux réalisés dans des logements touristiques (art. 199 decies F du CGI)

20 000

Réduction d’impôt au titre des souscriptions au capital de SOFICA (art. 199 unvicies du CGI)

18 000

Réduction d’impôt au titre des souscriptions de parts de fonds d’investissement de proximité majoritairement investis en Corse (art. 199 terdecies-0 du CGI)

12 000

Réduction d’impôt au titre des souscriptions au capital de sociétés non cotées (art. 199 terdecies-0 du CGI)

10 000

Réduction d’impôt au titre de la souscription de parts de fonds communs de placement dans l’innovation (art. 199 terdecies-0 du CGI)

6 000

Réduction d’impôt au titre de la souscription de parts de fonds d’investissement de proximité (art. 199 terdecies-0 du CGI)

6 000

Réduction d’impôt au titre des investissements dans une résidence hôtelière à vocation sociale (art. 199 decies II du CGI)

4 166

Réduction d’impôt au titre des investissements forestiers (art. 199 decies H du CGI)

2 850

Total

104 016

En ajoutant à ces divers dispositifs, les réductions d’impôt en faveur d’investissements outre-mer plafonnées aux niveaux proposés par la mission, une réduction d’impôt supplémentaire de 45 000 euros serait possible.

Enfin, l’imputation d’un déficit foncier de 10 700 euros (procurant un avantage en impôt maximal de 4 280 euros) et, en retenant les propositions de la mission, l’imputation d’une réduction d’impôt au titre d’un investissement Malraux d’un montant maximal de 13 500 euros seraient également possible, permettant un montant total de diminution de l’impôt de 166 796 euros.

On notera que ce montant minore la réalité de l’avantage fiscal total possible puisqu’il ne prend pas en compte ni les revenus fonciers éventuellement effacés au titre des amortissements Borloo ou Robien dont le montant n’est, en l’état du droit, pas plafonné (mais dont l’effet sur les revenus autres que fonciers l’est du fait du plafonnement du déficit imputable), ni les revenus exonérés.

Il n’est, en outre, pas exclu que cet hypothétique contribuable utilisant de manière systématique les possibilités de réduction d’impôt pourrait également bénéficier de dispositifs trouvant leur contrepartie dans des prestations et non dans l’acquisition d’un patrimoine, comme la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile.

Une diminution totale de l’impôt de l’ordre de 200 000 euros, permettant à un couple avec deux enfants gagnant, ensemble, environ 50 000 euros par mois d’annuler totalement leur impôt, ne serait donc pas impossible même en procédant, comme le propose la mission, au plafonnement des dispositifs dont le bénéfice est actuellement ouvert sans limitation de montant.

La mission a recueilli des données sur l’utilisation à leur plafond des principales réductions d’impôt à caractère patrimonial. Pour chacun des dispositifs suivants, le nombre de foyers fiscaux en bénéficiant au plafond s’établissait, au titre de l’imposition des revenus de 2006, comme suit :

Dispositif

Nombre de bénéficiaires au plafond

Réduction d’impôt au titre des investissements dans les résidences de tourisme (art. 199 decies E à G du CGI)

4 035

Réduction d’impôt au titre des souscriptions au capital de SOFICA (art. 199 unvicies du CGI)

1 585

Réduction d’impôt au titre des souscriptions au capital de sociétés non cotées (art. 199 terdecies-0 du CGI)

11 678

Réduction d’impôt au titre de la souscription de parts de fonds communs de placement dans l’innovation (art. 199 terdecies-0 du CGI)

7 853

Réduction d’impôt au titre de la souscription de parts de fonds d’investissement de proximité (art. 199 terdecies-0 du CGI)

3 190

Réduction d’impôt au titre des souscriptions au capital de Sofipêche (dispositif en extinction)

3

Par ailleurs et surtout, seuls 152 foyers fiscaux utilisaient à leur plafond au moins trois des réductions d’impôt figurant dans le tableau ci-dessus.

En pratique, un cumul systématique des dispositifs utilisés à leur plafond apparaît donc, à l’heure actuelle, comme une hypothèse d’école. Le plafonnement proposé par la mission des avantages fiscaux aujourd’hui ouverts sans limitation de montants pourrait toutefois modifier cette situation et conduire à un report partiel des contribuables concernés vers d’autres dispositifs.

Ce risque justifie d’étudier la possibilité de mettre en place un encadrement global du bénéfice tiré des différents avantages fiscaux, qui peut prendre la forme soit d’un plafonnement de celui-ci, soit d’une imposition minimale.

On se souvient qu’un tel encadrement, sous la forme d’un plafonnement, avait été décidé par la loi de finances pour 2006 mais que les dispositions correspondantes avaient été jugées non conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. On présentera donc les enseignements pouvant être tirés de cette expérience avant d’examiner les deux voies envisageables d’un encadrement global du bénéfice tiré des différents avantages fiscaux.

1.– Les contraintes constitutionnelles

La loi de finances pour 2006 avait prévu un plafonnement de l’avantage en impôt pouvant être obtenu par un contribuable au titre de certaines dépenses fiscales, en limitant l’avantage total en impôt obtenu au titre des mesures prises en compte à 8 000 euros par foyer fiscal ou à 13 000 euros pour les foyers dont au moins l'un des membres est titulaire de la carte d'invalidité ou qui comptent à charge au moins un enfant donnant droit au complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Ces plafonds étaient majorés de 1 000 euros pour chaque enfant à charge et pour chacun des membres du foyer fiscal âgé de plus de 65 ans.

N'entraient pas dans le champ du plafonnement les avantages fiscaux accordés à raison d'une activité professionnelle (prime pour l'emploi, crédit d'impôt formation par exemple), d'une situation subie (réductions d'impôt au titre de la prestation compensatoire ou pour hébergement en établissement de long séjour, crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale en faveur de l'aide aux personnes âgées ou handicapées) ou d'astreintes particulières (notamment les charges foncières et déficits afférents aux monuments historiques), ainsi que ceux qui ne se traduisent pas par des contreparties (réductions d'impôt au titre du mécénat). En outre, aucun revenu exonéré n’était soumis au plafonnement.

Seuls 17 dispositifs entraient, en conséquence, dans le champ du plafonnement de droit commun. Il s’agissait d’avantages encourageant les contribuables à procéder à des investissements ou des dépenses au titre desquels une contrepartie leur est apportée sous forme de retour sur investissement ou de prestation figurant dans la liste ci-après.

 

Souscriptions d’actions de SOFICA (article 163 sepdecies)

Pertes en capital subies par les créateurs d’entreprise

(article 163 octodecies A)

Réduction d’impôt pour investissements forestiers (article 199 decies H)

Réduction d’impôt pour souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, dite réduction d’impôt Madelin (article 199 terdecies-0 A)

Réduction d’impôt pour souscriptions de parts de fonds communs de placement dans l’innovation, FCPI (article 199 terdecies-0 A VI)

Réduction d’impôt pour souscriptions en numéraire de parts de fonds d’investissement de proximité, FIP (article 199 terdecies-0 A VI bis)

Crédit d’impôt pour revenus distribués (article 200 septies)

Déduction au titre de l’amortissement « Robien » pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2006

Déduction au titre de l’amortissement « Robien ZRR » et « Daubresse » pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2006

Imputation sans limitation des déficits « Secteurs sauvegardés ou assimilés Malraux » pour les autorisations de travaux données après le 1er janvier 2006

Réduction d’impôt pour investissements locatifs dans le secteur touristique (article 199 decies E, EA, F et G)

Crédit d’impôt pour dépenses d’équipement de l’habitation principale en faveur du développement durable et des économies d’énergie

(article 200 quater et 200 quater A)

Crédit d’impôt en faveur de l’acquisition de véhicules propres

(article 200 quinquies)

Crédit d’impôt pour primes d’assurance contre les loyers impayés (article 200 nonies)

Réduction d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile

(article 199 sexdecies)

Crédit d’impôt pour frais de garde des jeunes enfants (article 200 quater B)

Réduction d’impôt au titre de la souscription de la déclaration de revenus par voie électronique associée au paiement de l’impôt correspondant par voie de prélèvement ou électronique (article 199 novodecies)

S’ajoutaient à ces dispositifs ceux encourageant l’investissement outre-mer soumis à un plafond spécifique (égal au montant le plus élevé du plafond de droit commun ou d’un montant égal à 15 % du revenu imposable du contribuable).

Au cours de la discussion parlementaire, deux modifications substantielles au dispositif avaient été apportées.

La première concernait les avantages fiscaux afférents aux investissements réalisés outre-mer. Alors que le projet de loi initial soumettait l’avantage en impôt correspondant à un plafond spécifique, le texte adopté par le Parlement ne plafonnait plus les avantages fiscaux afférents aux investissements réalisés dans outre-mer mais prévoyait que « les conditions dans lesquelles [ces investissements] pourront être pris en compte dans le plafonnement […] seront fixées après la transmission par le Gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat du rapport d'évaluation prévu à l'article 38 de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer ».

La seconde modification concernait l’avantage résultant du régime Malraux. Cet avantage était, dans le texte initial, pris en compte dans le plafonnement à hauteur du montant du déficit net foncier dépassant le plafond d’imputation de droit commun (soit 10 700 euros). Dans le texte définitif, il était pris en compte à hauteur du même montant minoré des deux tiers des dépenses de restauration effectuées sur des logements situés dans des secteurs sauvegardés et de la moitié des dépenses de restauration effectuées sur des logements situés dans le périmètre d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur.

Il n’est donc pas excessif de dire que le plafonnement prévu par la loi de finances pour 2006 restait d’une portée limitée et qu’il ne répondait pas, en particulier, au problème d’équité posé par l’effet des avantages fiscaux non plafonnés. Ces éléments ont contribué à l’annulation de ces dispositions par le Conseil constitutionnel à l’occasion de sa décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005.

Celle-ci repose principalement sur l’objectif constitutionnel d’intelligibilité de la loi, objectif de portée générale mais auquel le Conseil attribue une portée particulière en matière fiscale, d’une part, au regard de l'article 14 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » et, d’autre part, dans la mesure où « la justification des dispositions fiscales incitatives est liée à la possibilité effective, pour le contribuable, d'évaluer avec un degré de prévisibilité raisonnable le montant de son impôt selon les diverses options qui lui sont ouvertes » (considérant 79), possibilité conditionnant l’égalité réelle des contribuables devant l’impôt. Le Conseil estime toutefois que « des motifs d'intérêt général suffisants peuvent justifier la complexité de la loi » (considérant 80).

En l’espèce, le Conseil a jugé :

– que le dispositif proposé présentait une complexité excessive, en particulier en raison du calcul nécessaire pour assurer la conversion en réduction d'impôt des avantages se traduisant par une déduction de l'assiette du revenu imposable (considérant 83) ;

– que cette complexité « ne trouve sa contrepartie dans aucun motif d'intérêt général véritable » (considérant 88) dans la mesure où « le gain attendu, pour le budget de l'État, du dispositif de plafonnement des avantages fiscaux […] est sans commune mesure avec la perte de recettes résultant des dispositions » de la même loi (considérant 87) instaurant un plafonnement des impôts directs (bouclier fiscal) et réformant l’impôt sur le revenu (réduction du nombre de tranches du barème et intégration de l’abattement de 20 % notamment).

2.– Le plafonnement global

L’éventuelle instauration d’un plafonnement général, c’est-à-dire couvrant la somme des avantages en impôt tirés des dispositifs entrant dans son champ, supposerait de définir ses modalités, son champ et son niveau.

a) Les modalités envisageables

La définition des modalités d’un éventuel plafonnement général est fortement encadrée par les contraintes constitutionnelles précédemment rappelées.

Toutefois, ces contraintes n’interdisent pas la mise en place d’un plafonnement général, ni même celle d’un plafonnement général aussi complexe que celui alors proposé. Elles n’interdisent, en réalité, qu’un plafonnement aussi complexe au regard de son intérêt général, c’est-à-dire principalement, au regard de la décision du Conseil constitutionnel, du supplément de recettes produit.

Un plafonnement similaire à celui décidé par la loi de finances pour 2006 mais dégageant un supplément de recettes fiscales supérieur pourrait donc, théoriquement, être conforme à la Constitution. Cela supposerait d’étendre le champ des avantages fiscaux concernés par le plafonnement (limité dès le dépôt du projet de loi à 17 dispositifs et, en outre, réduit au cours de la discussion parlementaire) et/ou de diminuer le montant du plafond, modifications qui augmenteraient mécaniquement le supplément de recettes produit par la mesure.

On notera, en outre, qu’il y a manifestement un intérêt général à mettre en place un plafonnement, compte tenu de l’effet du recours aux avantages fiscaux du point de vue de l’équité fiscale et du principe de progressivité de l’impôt, principe lui-même à valeur constitutionnelle et pourtant peu mis en œuvre jusqu’à présent par le Conseil constitutionnel. Bien qu’il ait été rappelé par le Gouvernement dans ses observations sur le recours dirigé contre la loi de finances pour 2006, cet objectif d’intérêt général n’a pas été explicitement évoqué par le Conseil dans sa décision, mais il est vrai que l’avantage tiré des dispositifs dont l’utilisation affecte le plus la progressivité de l’impôt (en particulier les réductions d’impôt afférentes aux investissements outre-mer) n’était pas pris en compte par le plafonnement qui lui a été soumis et que seul l’un des dispositifs dont le bénéfice n’est pas plafonné (le régime Malraux) entrait dans le champ de celui-ci. Là encore, une extension du champ des dispositifs concernés par le plafonnement serait donc de nature à accroître l’intérêt général qui y serait attaché.

Pour autant, il n’est pas sûr que des améliorations du plafonnement décidé par la loi de finances pour 2006 présentent un intérêt général suffisant pour justifier sa complexité. Il convient donc de rechercher un dispositif plus simple.

L’élément majeur de complexité du dispositif de 2006 résultait de la difficulté de rendre comparables les avantages fiscaux affectant le revenu imposable et ceux affectant directement le montant de l’impôt dû. C’est, en effet, le calcul nécessaire pour assurer la conversion en réduction d'impôt des avantages se traduisant par une déduction de l'assiette du revenu imposable qui a été jugé particulièrement complexe par le Conseil constitutionnel.

Cette difficulté pourrait être levée en transformant systématiquement en réductions d’impôt ceux des avantages fiscaux affectant l’assiette de l’impôt qui ont vocation à entrer dans le champ du plafonnement, préalable technique permettant ensuite le fonctionnement simple (c’est-à-dire sans retraitement en vue du calcul de l’avantage en impôt) d’un plafonnement d’ensemble.

Cette conversion a d’ailleurs déjà été engagée, s’agissant, au cours des dernières années, de l’avantage attaché aux souscriptions aux sociétés de financement d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles (SOFICA), converti en réduction d’impôt par l’article 102 de la loi de finances rectificative pour 2006, et de la possibilité de déduire les pertes en capital subies lors d’une création d’entreprise, abrogée par l’article 59 de la loi de finances pour 2007 au profit d’un renforcement de la réduction d’impôt au titre des souscriptions au capital de PME.

La même préoccupation a également conduit la commission des Finances, suivie par l’Assemblée puis par le Sénat, à transformer en réduction d’impôt l’avantage fiscal afférent aux dépenses de conservation des objets mobiliers classés que le projet de loi de finances rectificative pour 2007 proposait d’instituer sous la forme d’une déduction du revenu imposable.

Compte tenu des conversions déjà réalisées, les principaux dispositifs qu’il pourrait être nécessaire de transformer en réductions d’impôt sont, outre le régime Malraux (dont la mission propose la transformation en réduction d’impôt), les incitations à l’investissement locatif en tant qu’elles accordent un avantage fiscal sous la forme d’un amortissement de l’immeuble loué et, si son inclusion dans un plafonnement global est jugée opportune (44), la déductibilité des cotisations et versements visant à constituer une retraite complémentaire.

La conversion en réduction d’impôt des mesures d’assiette est, en outre, souhaitable indépendamment de la problématique du plafonnement dans un souci de justice fiscale puisque le propre des mesures d’assiette est de conduire à un avantage en impôt dépendant du taux marginal d’imposition et donc à un avantage en impôt croissant, toutes choses étant égales par ailleurs, avec le revenu du contribuable, à rebours du principe à valeur constitutionnelle posé par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel la contribution aux charges communes « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

Il en résulte également que la conversion en réduction d’impôt dont le taux sera nécessairement identique pour tous les contribuables d’une mesure d’assiette offrant un avantage en impôt variant selon la situation fiscale du contribuable produit mécaniquement des effets redistributifs. Elle diminue en effet l’avantage en impôt pour ceux dont le revenu déduit aurait été imposé à un taux moyen supérieur à celui du taux de la réduction d’impôt se substituant à la mesure d’assiette et accroît, à l’inverse, l’avantage en impôt pour ceux dont le revenu déduit aurait été imposé à un taux moyen inférieur.

Ces effets redistributifs impliquent probablement, notamment pour ne pas remettre en cause l’équilibre économique d’opérations engagées, de maintenir le bénéfice des dispositions actuelles aux investissements passés, et de n’appliquer qu’à des investissements futurs un nouveau régime prenant la forme d’une réduction d’impôt. Il en résulterait la juxtaposition des dispositifs à titre transitoire mais pendant une période relativement longue (le dispositif Borloo pouvant assurer un avantage fiscal pendant 15 ans) au cours de laquelle l’application du plafonnement resterait donc, de fait, partielle.

Les conséquences concrètes, en termes de répartition de la charge fiscale entre contribuables et en termes de produit de l’impôt, de l’éventuelle conversion en réduction d’impôt de mesures d’assiette doivent être analysées de manière plus approfondie et la mission n’est pas en mesure de procéder aux simulations correspondantes. Il conviendra de juger, au vu de leurs résultats, de la faisabilité d’une telle réforme.

Dans l’hypothèse où la conversion des mesures d’assiette poserait trop de difficulté ou dans l’attente de la réforme correspondante (qui ne produira de toute façon ses effets que de manière progressive), il peut être envisagé de limiter le plafonnement aux seuls réductions et crédits d’impôt pour lesquels un retraitement de l’avantage obtenu n’est pas nécessaire.

Cette solution ne prendrait évidemment pas en compte l’effet des mesures d’assiette, inconvénient dont la portée pourrait être limitée par la conversion en réduction d’impôt de la seule mesure d’assiette actuellement non plafonnée et ayant vocation à l’être, à savoir le régime Malraux, conversion proposée par la mission.

On aboutirait, sous réserve de cette conversion préalable, à un plafonnement, qui, comparé à celui proposé en 2006, n’exclurait en pratique de son champ que l’effet des amortissements prévus dans les régimes en faveur de l’investissement locatif (Borloo, Robien et dispositifs similaires en extinction). L’effet de ces dispositions sur les revenus non fonciers est d’ores et déjà plafonné par la limitation à 10 700 euros du montant annuel imputable au titre d’un déficit foncier. Tout se passerait donc comme si un avantage fiscal supplémentaire permettant de réduire l’impôt dû au titre de revenus non fonciers dans la limite maximale de 4 280 euros (10 700 euros imposés au taux marginal supérieur) était autorisé. Au regard du bénéfice total pouvant être tiré du cumul des réductions et crédits d’impôt, ce montant est très limité et l’effet de l’imputation de ce déficit peut donc être négligé sans remettre véritablement en cause l’efficacité d’ensemble du plafonnement.

Le véritable inconvénient de cette solution serait donc simplement de ne pas permettre de prendre en compte l’avantage en impôt résultant des facultés d’amortissement ouvertes par ces régimes fonciers en tant qu’elles viennent réduire des revenus fonciers, l’avantage en impôt correspondant pouvant en l’espèce être substantiel.

Pour résoudre partiellement cette difficulté, une voie envisageable pourrait être de compléter le plafonnement relatif aux réductions et crédits d’impôt par un second plafonnement indépendant concernant les mesures affectant l’assiette de l’impôt. Sous réserve que le plafonnement propre aux mesures d’assiette ne soit pas fixé en montant d’avantage en impôt mais en montant (relatif ou absolu) de réduction de l’assiette, un tel système permettrait de faire l’économie d’un retraitement complexe de l’effet des mesures d’assiette.

Cette formule permettrait, en outre, de prendre en compte de manière simple (dans le plafonnement propre aux mesures d’assiette) l’avantage résultant de l’exonération totale ou partielle d’impôt de certains revenus. Elle n’est, toutefois, pas pleinement satisfaisante du point de vue de l’égalité.

En premier lieu, elle permettrait par construction à un contribuable utilisant des mesures relevant des deux catégories de bénéficier d’un avantage potentiel en impôt plus important que celui n’utilisant que des avantages fiscaux relevant de la même technique fiscale. Toutefois, on constate déjà le même phénomène en raison des plafonds spécifiques à chaque dispositif : un contribuable ayant saturé le plafond d’un avantage fiscal ne peut plus obtenir d’avantage en impôt qu’en recourant un autre dispositif, de même que, dans un système de double plafonnement, un contribuable ayant saturé le plafond propre aux réductions et crédits d’impôt ne pourra plus obtenir d’avantage en impôt qu’en recourant à des mesures d’assiette.

En second lieu, il va de soi qu’un plafonnement des mesures d’assiette exprimé en montant de réduction de celles-ci produit des effets différents selon la situation fiscale du contribuable et que son effet serait d’autant plus rigoureux (du point de vue du seul critère pertinent in fine, à savoir l’effet sur l’impôt dû) que le taux marginal d’imposition du contribuable est faible.

La mission propose donc que l’ensemble des réductions et crédits d’impôt soit soumis à un plafonnement et souhaite que les mesures d’assiette soient, dans la mesure du possible, converties en réduction d’impôt pour être intégrées progressivement dans le plafonnement global.

b) Le champ d’un plafonnement général

Un plafonnement réellement général, c’est-à-dire couvrant l’intégralité des avantages fiscaux bénéficiant à un contribuable, n’est probablement pas souhaitable compte tenu des différences de nature entre les diverses dépenses fiscales dont peut bénéficier un contribuable. On voit par exemple mal pourquoi un contribuable invalide (et bénéficiant notamment, à ce titre, d’une demi-part supplémentaire lui procurant un avantage en impôt) ne pourrait pas, de ce fait, bénéficier dans les mêmes proportions qu’un contribuable valide d’autres avantages fiscaux.

Il conviendrait donc de procéder à un tri entre les différents avantages fiscaux pour n’en retenir que certains dans le champ du plafonnement. La ligne de partage pourrait reposer sur la distinction entre les dépenses fiscales subies qui ne seraient pas prises en compte dans le plafonnement et des autres dépenses fiscales qui auraient vocation à l’être. Ce tri avait été opéré s’agissant du plafonnement prévu par la loi de finances pour 2006. Le champ alors retenu (au stade du projet de loi initial) mériterait d’être complété, notamment pour l’actualiser compte tenu des évolutions du droit intervenues depuis lors, et peut-être ajusté, mais ne nécessiterait probablement pas d’être intégralement remis à plat.

c) Le niveau d’un plafonnement général

Le niveau d’un plafonnement général peut être exprimé de manière absolue (en euros d’avantage en impôt ou, dans l’hypothèse d’un plafonnement propre aux mesures d’assiette, de réduction d’assiette) ou de manière relative.

Un plafonnement en relation avec le revenu perçu ou avec l’impôt potentiellement dû (impôt résultant du barème) pourrait garantir qu’aucun contribuable n’échappe totalement à l’impôt. Un plafonnement selon de telles modalités assurerait donc une forme d’impôt minimal et une disposition symétrique du « bouclier fiscal ».

Toutefois, cette solution présenterait plusieurs inconvénients. Le premier serait de permettre un avantage en impôt croissant avec le revenu ou l’impôt potentiel, caractéristique dont la compatibilité avec le principe à valeur constitutionnelle de progressivité de l’impôt mériterait d’être démontrée. Cet inconvénient pourrait toutefois être en grande partie levé par la combinaison d’un plafonnement en valeur absolue et d’un plafonnement proportionnel (soit une règle du type : « nul ne peut réduire sa cotisation d’impôt de plus de N % ni de plus de N euros ») qui rendrait toutefois plus complexe le dispositif.

Le second inconvénient d’une telle solution serait d’aboutir à un plafond très faible en valeur absolue pour ceux des contribuables aux faibles revenus. Là encore, la difficulté pourrait être réglée par un élément de complexité supplémentaire, par exemple en excluant du plafonnement proportionnel les contribuables les plus modestes.

Enfin, un plafonnement proportionnel aboutirait à faire varier d’année en année le niveau du plafond en fonction de l’évolution des revenus du contribuable. Dans l’hypothèse où des avantages fiscaux produisant des effets sur plusieurs années (ce qui est le cas des règles d’amortissement des régimes Borloo ou Robien) seraient inclus dans le champ du plafonnement, cette caractéristique pourrait priver un contribuable dont les revenus diminueraient d’un avantage fiscal attendu et ayant déterminé son investissement.

L’option d’un plafonnement en valeur absolue qui avait été retenue en 2006 paraît donc préférable. Elle a le mérite de la simplicité et elle contribue, en outre, à accroître la progressivité effective de l’impôt (l’avantage en impôt maximal étant fixe, il représente, toutes choses étant égales par ailleurs, une part de l’impôt dû décroissante avec le revenu), même s’il est vrai qu’elle permet à un contribuable potentiellement imposé pour un montant inférieur ou égal au plafond d’échapper totalement à l’impôt.

Pour l’application de ce plafond aux investissements productifs en outre-mer, il conviendra de tenir compte du fait que l’avantage net obtenu par le contribuable peut être inférieur au montant brut de la réduction d’impôt.

Proposition n° 14 : Instituer un plafonnement global des dépenses fiscales

14.1/ Plafonner, en valeur absolue, la somme des réductions et crédits d’impôt dont peut bénéficier un contribuable, à l’exclusion des dépenses fiscales liées à sa situation personnelle (dépenses fiscales « subies »)

14.2/ Dans la mesure du possible, convertir en réductions d’impôt les avantages fiscaux qui prennent la forme de mesures d’assiette et qui ont vocation à être pris en compte dans le plafonnement

3.– L’impôt minimal

Davantage encore que celui de plafonnement général, le concept d’impôt minimal peut recouvrir une grande diversité de solutions techniques.

Certaines d’entre elles peuvent être d’ailleurs très proches d’une forme de plafonnement qui en assure, en quelque sorte, la définition en creux, le plafonnement de la réduction de l’impôt pouvant assurer, s’il est mis en place selon des modalités adaptées, la garantie du paiement d’un minimum d’impôt. On notera toutefois que la réflexion précédemment conduite sur le plafonnement s’est, pour les raisons qui ont été indiquées, explicitement inscrite dans la logique d’un plafonnement du seul effet de certains avantages fiscaux. Un tel mécanisme ne peut donc, en réalité, garantir le paiement d’un impôt minimal puisque ceux des avantages non pris en compte dans le champ du plafonnement pourraient venir annuler le minimum d’impôt garanti par ledit plafonnement.

La première question devant être tranchée dans la perspective de l’instauration d’une forme d’impôt minimal est donc probablement celle de savoir si la neutralisation de l’effet de l’intégralité des avantages fiscaux doit être recherchée, y compris s’agissant de ceux des avantages correspondant à des situations subies par le contribuable et ayant pour objet même d’améliorer l’équité de l’impôt pour tenir compte de situations particulières.

Dans l’hypothèse où cela serait le cas, seule option de nature à garantir effectivement le paiement d’un impôt minimal, la neutralisation en tout ou partie de l’effet de certains avantages fiscaux (demi-part supplémentaire pour les contribuables invalides, abattement en faveur des personnes âgées ou invalides de condition modeste ou exonération des prestations sociales par exemple) nécessiterait des adaptations.

À cet égard, une solution pourrait être de ne soumettre à l’impôt minimal que les contribuables dépassant un certain montant de revenus (ou d’impôt) ou d’instaurer une franchise d’impôt minimal. Dans une certaine mesure, cette solution reviendrait à placer sous conditions de ressources le plein bénéfice des avantages fiscaux. En tout état de cause, même dans cette hypothèse, le traitement spécifique de certains avantages fiscaux (notamment des dispositifs permettant d’éviter la double imposition) serait néanmoins nécessaire.

Il conviendrait donc probablement d’assortir un éventuel impôt minimal de règles de calcul propres préservant l’équité et aboutissant à préserver, dans le champ de l’impôt minimal, l’effet de certains avantages fiscaux. On aboutirait donc à un dispositif s’apparentant de fait à un impôt alternatif, c’est-à-dire à un impôt supposant un calcul spécifique, parallèle au calcul de l’impôt de droit commun et imposant donc une double liquidation de l’impôt, contrainte qui permet aussi une grande souplesse et notamment la définition fine du niveau de progressivité souhaité.

Ce sont d’ailleurs sous la forme d’impôt alternatif que les mécanismes d’impôt minimal existent aux États-Unis et au Canada  (45), seuls États de l’OCDE ayant mis en place des dispositifs de ce type. Ces exemples étrangers, présentés en annexe du présent rapport, ne sont toutefois pas très riches d’enseignements et ne permettent pas, en tout état de cause, de se prononcer sur la pertinence du principe d’un impôt minimal. Le dispositif canadien a, en effet, été conçu avec des objectifs très peu ambitieux tandis que le dispositif applicable aux États-Unis présente de multiples défauts qui ne sont pas consubstantiels à sa nature d’impôt minimal alternatif mais qui résultent des modalités techniques retenues au fil des années.

La réflexion sur les modalités d’instauration d’un éventuel impôt minimal alternatif en France ne peut donc guère s’appuyer sur ces exemples étrangers. Elle peut, en revanche, être nourrie par les éléments apportés par le rapport présentant les modalités de mise en place d’une imposition minimale sur le revenu des personnes physiques remis par le Gouvernement au Parlement en octobre 2007 en application de l’article 15 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur de l’emploi, du travail et du pouvoir d’achat.

Celui-ci souligne, en effet, que la solution technique la plus satisfaisante (à savoir l’instauration d’une imposition minimale proportionnelle à une cotisation d’impôt de référence) nécessiterait un double calcul de l’impôt, option que ledit rapport écarte en jugeant que ce double calcul « ne présente pas nécessairement les caractères de lisibilité et de simplicité requis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel » (46).

Cette analyse doit toutefois être appréciée en étant conscient des limites de l’étude conduite dans le cadre de ce rapport. Après avoir écarté l’option d’un impôt minimal universel touchant tous les contribuables même les plus modestes, celui-ci s’est, en effet, concentré sur l’analyse d’options techniques organisant un impôt minimal de remplacement visant « à corriger les situations les plus extrêmes » (47) en dégageant un produit fiscal de l’ordre de 200 millions d’euros (48) versé par 6 500 à 19 000 contribuables selon l’option retenue. On se souvient que le rapport conclut qu’il serait « plus opportun de procéder à un réexamen sélectif des quelques dispositifs fiscaux qui procurent, dans certaines situations, un avantage jugé excessif par rapport à leur objet » (49).

Une telle conclusion n’est guère étonnante compte tenu des hypothèses retenues. Il est, en effet, probablement peu pertinent d’instaurer un impôt minimal produisant environ 200 millions d’euros quand le plafonnement au niveau très élevé de 150 000 euros d’avantage en impôt du seul dispositif fiscal en faveur de l’investissement productif outre-mer assurerait un produit fiscal supérieur et quand la somme des dépenses fiscales relatives à l’impôt sur le revenu dont le coût est chiffré est de l’ordre de 39 milliards d’euros. De même, on peut probablement imaginer un dispositif affectant plus de quelques milliers de contribuables sans nécessairement mettre à contribution 35 millions de foyers fiscaux.

Pour les mêmes raisons, il est clair qu’un dispositif aussi peu ambitieux présenterait probablement effectivement une certaine fragilité du point de vue constitutionnel, l’intérêt général susceptible d’être mis en balance avec sa complexité étant limité. En revanche, comme cela a été rappelé, la jurisprudence constitutionnelle semble pouvoir être interprétée comme n’interdisant pas la complexité d’une double liquidation sous réserve qu’un intérêt général suffisant y soit attaché.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 5 juin 2008, la commission des Finances, de l’économie générale et du Plan a procédé, en application de l’article 145 du Règlement, à l’examen du présent rapport.

Le Président Didier Migaud a présenté la mission d’information sur les niches fiscales, dont il est membre avec MM. Gilles Carrez, Charles de Courson, Jérôme Cahuzac, Gaël Yanno et Jean-Pierre Brard. Celle-ci s’inscrit dans un ensemble de travaux et de débats sur la dépense fiscale. Notamment, lors de la dernière législature, le Président Pierre Méhaignerie et M. Gilles Carrez avaient pris position en faveur d’un plafonnement global des niches, et le Gouvernement l’avait d’ailleurs proposé dans la loi de finances pour 2006.

Le rapport de la mission d’information constate une prolifération des niches fiscales ces dernières années : il en dénombre 486, dont 189 pour le seul impôt sur le revenu, alors que le Conseil des prélèvements obligatoires en dénombrait 418 en 2003. Elles représentent un coût cumulé de 73 milliards d’euros, soit plus du quart des recettes fiscales nettes de l’État. Le débat sur la maîtrise de la dépense publique doit donc impérativement prendre en compte la dépense fiscale.

Le Gouvernement a remis un rapport, le 15 octobre dernier, sur les modalités de mise en place d’une imposition minimale du revenu des personnes physiques. Ce rapport, considéré comme insuffisant, a suscité la création de la mission d’information au sein de la commission des Finances. Celle-ci a participé à de nombreuses réunions de travail avec la direction de la législation fiscale, a effectué un déplacement dans les Antilles et s’est intéressée plus particulièrement aux niches fiscales non plafonnées. Si la dépense fiscale en faveur des investissements outre-mer est importante, l’objectif de la mission d’information n’est pas de diminuer l’effort financier de l’État en direction de ces territoires, mais bien d’assurer une plus grande efficacité des dispositifs fiscaux. M. Gaël Yanno a collaboré de façon constructive aux travaux de la mission en attirant l’attention de ses membres sur les possibles effets pervers de telle ou telle proposition ou sur le risque d’incompréhension des ultra-marins si un dispositif considéré comme source de dynamisme économique était remis en cause. Au cours des travaux de la mission, un nouveau rapport a été remis par le Gouvernement, centré sur l’évaluation de cinq niches fiscales non plafonnées affectant l’impôt sur le revenu. Le rapport de la mission d’information innove en ce sens qu’il constitue un travail collégial de l’ensemble des membres de la mission, chacun pouvant exprimer sa position par une contribution ou un avant-propos. Le Rapporteur général et les membres de la mission doivent être remerciés pour le travail constructif qu’ils ont mené sur un sujet difficile.

Le rapport se prononce en faveur d’un plafonnement global des avantages fiscaux. Cependant, pour certains membres de la mission, cette proposition doit constituer un premier pas vers une autre réforme plus ambitieuse mais surtout plus conforme à la justice, à la transparence et à l’efficacité de notre système fiscal, qui consiste en la mise en place d’un impôt minimum alternatif.

La meilleure maîtrise des dépenses fiscales est un sujet d’actualité. Le Premier ministre l’a évoquée lors de la dernière Conférence des finances publiques. Le rapport constate que les dépenses fiscales augmentent quatre fois plus vite que les dépenses budgétaires. La commission des Finances a donc un rôle essentiel à jouer pour éviter que, dans chaque projet de loi, soit adopté un nouveau dispositif sans évaluation de son impact. Le retour à l’équilibre du budget de l’État impose de maîtriser la progression des dépenses mais aussi de préserver ses recettes.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné que la mission fait des propositions très opérationnelles pour répondre à deux problématiques : la maîtrise de la dépense publique et l’équité de la dépense fiscale. Le contexte actuel est favorable à une réforme ambitieuse. Lors des débats à l’Assemblée nationale sur la réforme des institutions, a été inscrit dans la Constitution l’objectif d’équilibre des comptes publics. De plus, lors de la dernière Conférence des finances publiques, a été acté le fait de travailler dans un cadre pluriannuel, ce qui devrait permettre de mieux évaluer l’impact et l’évolution de la dépense fiscale. Le précédent gouvernement avait tenté, dans la loi de finances pour 2006, de mettre en place un plafonnement global des dépenses fiscales. Cette disposition a cependant été annulée par le Conseil constitutionnel en raison de sa complexité et son inintelligibilité. La commission des Finances a demandé au Gouvernement de poursuivre la réflexion sur ce sujet. Un premier rapport a été remis en octobre dernier au Parlement. Il montre de façon assez convaincante les limites d’un dispositif d’impôt minimal. Un deuxième rapport, remis au mois d’avril dernier, propose de plafonner les cinq dépenses fiscales qui ne le sont pas, ce qui constitue une innovation majeure.

La mission d’information a pour objectif de contribuer à une meilleure maîtrise des finances publiques mais aussi à une plus grande efficacité de la dépense fiscale. Cette dernière n’est en effet pas rejetée en tant que telle, mais il est parfois nécessaire d’en améliorer l’efficacité. Il est impératif d’éviter que, dans chaque projet de loi, soit adopté un nouveau dispositif fiscal sans étude d’impact préalable. Par exemple, hier, alors même que se tenait la dernière réunion de la mission, a été adopté par l’Assemblée un amendement au projet de loi de modernisation de l’économie prévoyant le rattrapage des seuils d’imposition pour les micro-entreprises. Cela représente un coût de 100 millions d’euros alors que la commission des Finances proposait un amendement moins onéreux prévoyant une indexation pour l’avenir de ces seuils.

Le Président Didier Migaud a fait observer qu’un amendement de M. Charles de Courson au projet de loi de modernisation de l’économie sur la réévaluation des seuils d’imposition pour les micro-entreprises représente un coût d’un milliard d’euros. Malgré ce coût très important, l’article 40 de la Constitution ne lui est pas opposable car il s’agit d’une perte de recettes gageable.

Le Rapporteur général a indiqué que le coût du projet de loi de modernisation de l’économie est évalué à 300 millions d’euros. Compte tenu des amendements déposés sur ce texte, ce coût pourrait doubler. C’est précisément pour répondre à la multiplication des dispositifs fiscaux que la mission propose de mettre en place, en plus de la norme de dépenses budgétaires, une norme de dépenses fiscales. Certes, il ne peut s’agir d’une norme aussi stricte que celle mise en place pour les dépenses budgétaires, car la dépense fiscale est servie à « guichet ouvert ». Cependant cette norme, inspirée de l’Objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM), permettrait d’activer des mécanismes de correction en cas de dérapage. En outre, le rapport propose que de nouvelles dépenses fiscales ne puissent être créées que pour une durée limitée à trois ans. Certains membres de la mission considèrent que les dépenses fiscales doivent relever du domaine exclusif des lois de finances. Le rapport ne fait pas de proposition en ce sens car une telle mesure priverait les parlementaires de toute initiative en matière fiscale en cours d’année, mais la réflexion se poursuit sur ce sujet. Il est important aujourd’hui de faire preuve de pédagogie à l’égard des autres commissions et d’inciter les parlementaires à évaluer l’impact et le coût des dépenses fiscales qu’ils proposent. Par exemple, les auteurs de l’amendement au projet de loi de modernisation de l’économie sur la réserve spéciale d’autofinancement, qui représente un coût d’un milliard d’euros, ont pris conscience qu’il affectait substantiellement les comptes sociaux. Mais cette pédagogie doit aussi s’exercer à l’égard des services de l’État. Ainsi, un rapport récent remis par l’ancien directeur de la Foire internationale d’art contemporain à Mme Christine Albanel sur les moyens d’aider l’art contemporain a fait 20 propositions de dépense fiscale sur 25 réformes envisagées. Il suggère notamment de créer un prêt à taux zéro pour l’acquisition d’œuvres d’art contemporain. L’impact de telles mesures doit être impérativement évalué de façon précise et rigoureuse.

M. Jean-François Lamour a souhaité savoir à qui serait confiée la mission d’évaluer a priori l’impact fiscal et social des niches proposées. On connaît trop, en effet, les biais inhérents aux évaluations pro domo. Quelle capacité les parlementaires auraient-ils de remettre en cause des évaluations « clés en main » ? En revanche, l’évaluation a posteriori est beaucoup plus objective puisqu’elle peut s’appuyer sur les effets concrets des mesures votées.

Le Président Didier Migaud a répondu qu’il existe en effet deux types d’évaluation : ex ante et ex post. Sur les mesures entièrement nouvelles, il faut s’en remettre aux services du ministère des Finances, dont l’analyse peut ensuite être appréciée par les parlementaires. Mais l’expérience montre que de telles évaluations comportent toujours une marge d’erreur, d’ailleurs positive ou négative. Au-delà, il s’agit de n’autoriser des mesures fiscales dérogatoires que pour une durée limitée et de faire régulièrement le point de leur efficacité à partir de résultats précis.

Le Rapporteur général, faisant référence au débat sur l’évaluation des politiques publiques ouvert par la réforme constitutionnelle, a appelé de ses vœux la mise en place d’une structure de coordination des travaux d’évaluation des commissions de l’Assemblée nationale. En parallèle, le délai plus important qui pourrait être laissé prochainement aux commissions pour examiner les textes inscrits à l’ordre du jour devrait permettre une évaluation systématique de leur impact sur les finances publiques. Cela dit, ce qui est envisageable pour les projets et les propositions de loi sera cependant beaucoup plus difficile à mettre en place pour les amendements.

Le Président Didier Migaud a précisé que la mission d’information commune à la commission des Finances et à la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales sur les exonérations de cotisations sociales doit prochainement achever ses propres travaux.

M. Hervé Mariton a souhaité opérer une distinction entre la limitation de la hausse des dépenses fiscales et la baisse desdites dépenses. Cette dernière orientation signifie une augmentation de l’impôt, qui relève d’un choix politique, probablement peu au goût de l’actuelle majorité. Par ailleurs, comment intégrer dans la réflexion de la mission d’information les annonces de M. Jean-Louis Borloo concernant l’évolution de la fiscalité écologique ?

Le Rapporteur général a répondu qu’il s’agit de protéger les recettes publiques pour l’avenir et non d’augmenter les prélèvements obligatoires. En effet, si l’on n’y prend garde, l’altération du niveau des recettes fiscales causée par la multiplication des mesures dérogatoires ne permettra pas d’atteindre l’objectif de retour à l’équilibre budgétaire en 2012. Ce retour n’est, pour le moment, pas compatible avec l’objectif d’une diminution de quatre points du poids des prélèvements obligatoires dans le PIB.

Le Président Didier Migaud, rappelant son expérience de membre de la Commission sur la dette publique présidée par M. Michel Pébéreau, a regretté que l’on oublie trop souvent une importante préconisation du rapport de cette commission : préserver les recettes publiques tant que l’équilibre budgétaire n’aura pas été atteint. Faire disparaître le déficit en 2012 requiert le maintien du niveau des prélèvements obligatoires, ce dont nos partenaires européens ne doutent pas un instant, eux qui sont souvent surpris par les annonces que les pouvoirs publics peuvent formuler en matière fiscale, notamment à propos de la TVA. L’institution du bouclier fiscal ou de niches supplémentaires réduit mécaniquement les prélèvements ; la suppression ou le plafonnement de quelques niches l’augmente tout aussi mécaniquement ; c’est le solde qui compte. En l’occurrence, l’évolution des recettes de l’impôt sur le revenu ne laisse pas d’inquiéter.

Le Rapporteur général a indiqué que le rapport de la mission propose l’inclusion, dans l’exposé des motifs de l’article premier du projet de loi de finances de l’année, d’un tableau récapitulatif de l’ensemble des dépenses fiscales nouvelles votées depuis la précédente loi de finances.

M. Hervé Mariton s’est interrogé sur la distinction, au regard des avantages fiscaux, entre ceux qui relèvent d’une situation subie par le contribuable et ceux qui prennent en compte une démarche volontaire de sa part. Cette distinction avait été mal faite dans la loi de finances pour 2006, mais la question demeure inévitablement posée.

Le Président Didier Migaud a entièrement souscrit à la nécessité de distinguer entre le « subi » et le « choisi ».

Le Rapporteur général a poursuivi en indiquant que le rapport de la mission d’information demande l’amélioration de cette distinction dans le tome II de l’annexe Voies et moyens. Cette distinction n’est toutefois pas toujours évidente. Ainsi, le Président Didier Migaud a demandé l’inclusion dans le corps du rapport d’une note de bas de page pour préciser que les dépenses liées à l’épargne retraite peuvent ne pas être considérées comme « subies » par le contribuable. C’est un point de débat, car la situation de notre régime de retraite par répartition peut faire penser le contraire. Quant à la prise en compte de la situation familiale du contribuable, le quotient familial, en tant que tel, n’est pas aujourd’hui considéré comme une dépense fiscale, à la différence de plusieurs mécanismes dérogatoires de majoration de ce quotient.

M. François Goulard a estimé que le sujet abordé par le rapport renvoie à la conception d’ensemble de la politique fiscale. Il est illusoire de croire qu’une solution à la prolifération des dépenses fiscales pourra être trouvée tant qu’il existera, par exemple, une disposition spécifique aux limeurs de cadres de bicyclette dans le département de la Loire. Une politique fiscale cohérente exige le monopole d’un seul texte de loi comme support des mesures dérogatoires, faute de quoi la surenchère perdurera, avec le soutien de majorités de circonstance. La situation actuelle provoque deux inconvénients majeurs. En premier lieu, un déficit d’évaluation des dépenses fiscales nouvelles, qui conduit le Gouvernement à proposer des chiffrages mouvants dont les hypothèses de calcul ne sont jamais fournies. En second lieu, la persistance de bien des illusions sur les bénéficiaires réels d’une mesure fiscale dérogatoire. Par exemple, une diminution d’impôt sur les sociétés peut, selon les cas, profiter à l’actionnaire, aux salariés ou aux consommateurs.

Citant son cas personnel, M. François Goulard a indiqué avoir, il y a quelques années, participé à l’achat d’un bateau amarré outre-mer, en profitant d’un avantage fiscal. L’année au cours de laquelle l’investissement a été effectué a engendré un bénéfice immédiat pour l’investisseur ; l’exploitation s’est ensuite déroulée normalement. Mais, lors de la revente, il est apparu que l’exploitant était à ce point indélicat que le prix de cession a été de trois fois inférieur à la valeur normale du bien. En définitive, cette opération a occasionné une perte de recette fiscale pour l’État, les acheteurs y ont perdu et l’économie locale n’y a rien gagné. Voilà une démonstration du fait que la dépense fiscale est une machine à fabriquer de la non-efficacité économique. En tout état de cause, c’est être mal informé que de croire que la dépense fiscale profite toujours au premier bénéficiaire apparent.

M. Michel Bouvard a estimé qu’il faut être très ferme dans l’exigence de cantonnement de la dépense fiscale en loi de finances. Il est également nécessaire d’améliorer la vision consolidée, par mission du budget de l’État, des dépenses fiscales aujourd’hui présentées dans les projets annuels de performances, en prévoyant des objectifs et des indicateurs d’efficacité. Il faut se féliciter que le rapport de la mission d’information démontre également la dégressivité de l’impôt sur le revenu en haut du barème du fait des niches existantes. S’agissant du plafonnement des avantages qui ne sont pas encore limités, il faut cependant être prudent dans l’appréhension du dispositif « Malraux » en faveur des secteurs urbains sauvegardés. En effet, s’il est tout à fait pertinent de l’ouvrir aux locaux professionnels, ou aux locaux occupés par leurs propriétaires, sous réserve d’assortir cette ouverture de conditions précises d’utilisation et de conservation des locaux, on ne peut négliger la très grande disparité des situations rencontrées. Le chiffrage du surcoût propre aux bâtiments situés en secteur sauvegardé, tel qu’il apparaît dans le rapport, correspond aux estimations habituellement publiées par le ministère des finances ; or ce chiffrage ne tient aucun compte du surcoût réel des travaux, qui est très variable d’un immeuble à l’autre. Un plafonnement de l’avantage fiscal est donc légitime, mais seulement s’il est pondéré par d’autres éléments. Par ailleurs, il faut souligner que les crédits budgétaires consacrés par l’État à l’entretien du patrimoine baissent régulièrement ; l’efficacité de la dépense fiscale du dispositif « Malraux » doit aussi être analysée à cette aune.

M. Marc Le Fur a fait observer que, si la révision constitutionnelle est adoptée, le débat en séance se fera sur le texte adopté par la commission saisie au fond. Ainsi, par exemple, la commission des Affaires économiques pourra inclure des dispositions fiscales, et les débats en séance publique s’inscriront dans un schéma plus dépensier que celui prévu par le projet du Gouvernement. La loi organique qui suivra nécessairement la révision constitutionnelle devra s’atteler au problème, par exemple en prévoyant une saisie pour avis de la commission des Finances sur les textes comportant des dépenses fiscales. Si le plafonnement global est une bonne proposition, sa mise en œuvre suppose cependant d’additionner des éléments disparates, les dépenses fiscales passant à la fois par des réductions de base, des réductions d’impôt et des crédits d’impôt.

Le Président Didier Migaud a indiqué qu’il s’agit effectivement d’un problème qui devra être résolu à l’occasion des prochains projets de loi de finances.

M. Marc Le Fur s’est interrogé sur les conséquences de l’intégration dans un plafond global des avantages fiscaux destinés à tenir compte de la situation familiale des contribuables. Il a relevé que des contribuables de plus en plus nombreux se font domicilier au Maroc pour bénéficier de la convention fiscale qui est plus favorable que le régime dont jouit l’outre-mer.

M. François Scellier a estimé indispensable de remettre de l’ordre dans un domaine où l’on perd les objectifs et le sens premier des impôts, à savoir assurer les recettes de l’État. Les objectifs économiques et sociaux qui ont justifié la création des dépenses fiscales privent l’État de ses recettes, ajoutent à la complexité de la législation fiscale et vont à l’encontre du principe de non compensation des créances et des dettes. L’efficacité de la dépense fiscale doit aller au-delà de l’analyse qui est faite par le ministère des Finances. Ainsi une déduction fiscale en matière d’environnement favorise le travail des entreprises environnementales et accroît les recettes de TVA. S’atteler au plafonnement des niches fiscales constitue un travail monumental car les crédits d’impôt sont très populaires, notamment auprès des professionnels du logement.

Le Président Didier Migaud a approuvé le fait qu’il faille aller au-delà du raisonnement purement comptable sur la perte directe de recettes fiscales. Ainsi l’abaissement du taux de TVA à 5,5 % pour les travaux d’amélioration et d’entretien des logements a des effets sociologiques, économiques et psychologiques, notamment pour lutter contre le blanchiment et le travail au noir.

Le Rapporteur général a confirmé que la réduction du taux de TVA pour les travaux dans les logements impacte de multiples recettes, notamment sociales. Au final, cette réduction est autofinancée à 50 %.

M. Jean-Pierre Brard a fait part de son adhésion au rapport de la mission d’information qui a le mérite d’apporter plus de transparence et de favoriser la confiance, la fiabilité et la pérennité de la législation fiscale. On ne peut résoudre les difficultés de notre pays en accumulant les privilèges. Certes, les opinions peuvent diverger sur l’impôt minimal. Mais le rapport, auquel sont jointes les contributions des membres de la mission, montre qu’il est possible que, sur des sujets importants, la commission des Finances trouve un consensus. Le plafonnement global des niches fiscales, même s’il est trop modeste, va dans le bon sens car il fait contrepoids au bouclier fiscal. Ceci dit, le plus gros du travail reste à faire car il faut traduire les propositions du rapport dans une loi de finances.

M. Gaël Yanno a remercié les membres de la mission d’information pour leur écoute des problèmes de l’outre-mer, écoute qui devra d’ailleurs être développée. La « loi Girardin » a prévu un engagement fort de l’État sur 15 ans (2003-2017) pour soutenir les économies dans les collectivités d’outre-mer. S’il n’est pas choquant de réviser cette loi au bout de cinq ans, cela ne doit pas aboutir à remettre en cause les principes mêmes sur lesquels elle est fondée. L’absence d’évaluation de la « loi Girardin » est regrettable. Il est également regrettable qu’en absence d’une telle évaluation, fleurissent ici et là des « anecdotes » sur les déductions fiscales outre-mer, anecdotes qui ne démontrent rien. Certes quelques excès minent la crédibilité de certaines mesures, mais ils ne justifient pas de remettre en cause les principes mêmes de la « loi Girardin », comme le fait malheureusement parfois le rapport de la mission d’information. Il est regrettable de fustiger les contribuables métropolitains qui investissent en outre-mer. Si un contribuable investit 100, il peut certes déduire 100 de son impôt, mais au bout de cinq ans il abandonne 80, qui sont investis dans l’économie d’outre-mer. Ces sommes confortent les fonds propre des entreprises, qui peuvent ainsi investir.

M. Jean-Louis Dumont a indiqué que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC) a exprimé sa satisfaction devant la création et les travaux de la mission. L’inflation de création des niches fiscales ces dernières années aboutit à une « débudgétisation » regrettable. Il faut remédier au caractère simplificateur des explications contenues dans les annexes au projet de loi de finances et à l’absence fréquente d’étude d’impact. Au-delà, le groupe SRC se prononce pour un impôt minimal et une progressivité de la contribution citoyenne. M. Jean-Louis Dumont a par ailleurs demandé si les 73 milliards d’euros de dépenses fiscales incluent le dispositif « de Robien ».

Le Président Didier Migaud a répondu que le dispositif « de Robien », qui constitue bien une dépense fiscale, est comptabilisé dans les 73 milliards d’euros.

M. Jean-Louis Dumont a demandé qui serait en charge de l’évaluation des dépenses fiscales, dans un contexte d’absence de culture en la matière. Les indicateurs, notamment ceux figurant dans les projets et rapports annuels de performances, sont trop souvent définis en fonction des résultats que l’on veut afficher en fin d’année. Ces pratiques, qui heureusement ne sont pas généralisées, doivent être dénoncées si on veut être efficace. La révision constitutionnelle prévoit une évaluation des politiques publiques, mais ne dit pas qui en aura la charge. Le Conseil économique et social avait réalisé il y a une vingtaine d’années, sous le rapport de M. Marcel Lair, un remarquable travail d’évaluation sur l’efficacité du financement du logement social, mais il avait fait l’objet de contestations dans le monde politique de l’époque. M. Jean–Louis Dumont a en outre rappelé qu’il est parfois difficile d’appréhender concrètement l’effet de certains investissements outre-mer.

Le Rapporteur général a expliqué que, sur environ 200 niches fiscales relatives d’impôt sur le revenu, cinq d’entre elles ne sont pas plafonnées et posent dès lors un réel problème d’équité fiscale. Il s’agit de l’aide à la réhabilitation des secteurs sauvegardés (dispositif « Malraux »), du régime en faveur des monuments historiques, de l’avantage fiscal pour les loueurs en meublé professionnels, de l’aide à l’investissement productif outre-mer et de l’aide à l’investissement dans le logement outre-mer.

Le contrôle sur pièces et sur place effectué à la direction de la législation fiscale par la mission d’information a permis de révéler que les contribuables qui ont les revenus les plus élevés utilisent massivement et de manière concentrée les dépenses fiscales non plafonnées. Ainsi, les 100 000 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun en moyenne de 15 240 euros. Si l’on se limite à 1 000 contribuables, ceux-ci réduisent leur impôt de près de 300 000 euros en moyenne. Quant aux 100 plus gros contribuables, ils réduisent leur impôt de plus d’un million d’euros en moyenne. Or, il apparaît que les contribuables à très haut revenu optimisent leur situation fiscale en recourant principalement aux cinq dispositifs dépourvus de plafonnement.

Parmi ceux-ci, les dispositifs relatifs à l’outre-mer sont ceux qui sont les plus difficiles à encadrer. La législation actuelle permet à un contribuable d’« acheter » une future réduction d’impôt : en investissant par exemple 100 euros dans l’économie outre-mer, il obtiendra en retour, en moyenne, une réduction d’impôt d’environ 130 euros, ce qui équivaut en quelque sorte à réaliser un investissement d’une rentabilité de 30 %. Le problème posé par ces opérations est, comme pour les SOFICA dans le secteur cinématographique il y a quelques années, qu’elles sont réservées de fait à quelques connaisseurs et spécialistes de montages économiques sophistiqués. Cela consiste par exemple à constituer une société en nom collectif (SNC) entre personnes physiques souhaitant bénéficier de la réduction d’impôt permise par la réalisation d’un investissement. Ce dernier est généralement financé pour environ la moitié par un prêt bancaire, ce qui augmente l’effet de levier de l’opération, l’avantage fiscal étant calculé sur l’investissement total – y compris la partie financée par emprunt. De surcroît, l’investisseur n’est pas exposé à un grand risque économique, la plupart des montages comprenant une clause par laquelle les banques renoncent à poursuivre la SNC en cas de défaut de remboursement de l’emprunt dû à une défaillance de l’exploitant. Le seul risque est donc finalement celui d’une reprise de l’agrément fiscal par les services des impôts.

La défiscalisation outre-mer a produit des résultats, mais au prix d’une « évaporation » fiscale trop élevée : sur une dépense fiscale totale de 550 millions d’euros, seuls 350 bénéficient à l’économie locale, le solde (200 millions d’euros) servant à rémunérer les investisseurs et les intermédiaires. Il importe donc de mieux encadrer ces dépenses fiscales, mais sans pour autant décourager l’investissement en outre-mer. C’est d’ailleurs l’un des effets pervers de la récente proposition du Gouvernement qui prévoit de plafonner l’avantage fiscal à 40 000 euros ou à 15 % du revenu imposable. Il serait donc préférable de réfléchir à un accroissement de la part de la dépense fiscale bénéficiant directement au développement économique de l’outre-mer, en substituant à la réduction d’impôt sur le revenu en faveur des contribuables métropolitains un crédit d’impôt sur les bénéfices en faveur des acteurs économiques ultra-marins. S’agissant du cas particulier des collectivités d’outre-mer qui sont fiscalement autonomes, il pourrait être envisagé de compenser par l’État le coût du crédit d’impôt qu’elles pourraient instaurer dans leur propre système fiscal. Un mécanisme de prêt bonifié aux entreprises pourrait en outre être étudié, dans la limite des capacités du système bancaire des collectivités d’outre -mer.

La mission propose également, comme le Gouvernement, d’encadrer les autres dépenses fiscales non plafonnées. Le dispositif « Malraux » serait plafonné, tout en étant ouvert aux locaux professionnels et aux propriétaires occupants. Pour sa part, le régime des loueurs en meublé professionnels doit se voir appliquer le droit commun des revenus fonciers quand il n’a pas de réel caractère commercial.

Le Rapporteur général a enfin estimé qu’on ne saurait se limiter à un plafonnement dispositif par dispositif et renoncer à un plafonnement global des dépenses fiscales, faute de quoi les contribuables les plus aisés parviendront toujours à combiner les différents dispositifs pour échapper, parfois totalement, à l’impôt.

M. Michel Bouvard a attiré l’attention sur la difficulté technique de l’encadrement du régime « Malraux » et des dispositions en faveur des monuments historiques. À la différence par exemple de la réduction « de Robien », ces dispositifs font peser une grande incertitude sur l’investisseur, du fait de l’apparition progressive au cours des travaux de contraintes nouvelles dues par exemple à la classification en secteur sauvegardé. Il y a en outre une grande inégalité de traitement fiscal des dépenses de restauration d’immeubles situés dans des zones protégées selon qu’elles sont engagées par les bailleurs ou par les propriétaires occupants. Enfin, en limitant le bénéfice de l’imputation des déficits sur le revenu global pour le calcul de l’impôt sur le revenu aux seuls locaux à usage d’habitation, la législation actuelle néglige la question, pourtant cruciale, du maintien des commerces de proximité.

M. Jean–François Lamour s’est interrogé sur la manière dont serait perçue l’économie de 100 millions d’euros à laquelle aboutirait le plafonnement des niches préconisé par le rapport, fort modeste en regard de l’augmentation de 25 milliards d’euros de la dépense fiscale en cinq ans. 

Après que le Rapporteur général eut indiqué que le présent rapport, centré sur la question de l’équité fiscale, ne concerne que le plafonnement des cinq niches qui ne le sont pas déjà, le Président Didier Migaud a fait observer que cette démarche est indépendante de celle pouvant conduire à remettre en cause certaines niches fiscales en elles-mêmes.

M. Jean–François Lamour s’est néanmoins étonné du décalage de ce premier niveau d’annonces avec les objectifs visés par la commission des Finances, qui a fait de l’évaluation le cœur de sa démarche. Une annonce qui serait perçue comme décevante dans l’opinion, après un travail de grande ampleur de la part de la mission d’information, poserait un problème de crédibilité. Et ce d’autant plus que la mise en œuvre des accords du « Grenelle de l’environnement » porte en elle la crainte d’une dérive supplémentaire de la dépense fiscale.

Le Président Didier Migaud a insisté sur le fait que ces propositions d’équité fiscale ne sont que le premier temps de la démarche d’évaluation de la commission des Finances : après le plafonnement général, c’est l’examen de l’utilité même de certaines niches fiscales qui doit aboutir à des résultats plus prometteurs en termes de maîtrise des dépenses publiques.

Reconnaissant l’importance d’expliquer l’esprit et la logique des travaux de la mission d’information, le Rapporteur général a tenu à rappeler que le passage de 50 à 70 milliards d’euros de dépenses trouve son explication dans des mécanismes ayant souvent leur utilité, comme la transformation du prêt à taux zéro en dispositif fiscal, les mesures liées aux services à la personne ou le volet fiscal de la loi TEPA. Mais l’état des finances publiques impose de protéger les recettes face à l’explosion de la dépense fiscale : les Français doivent en être conscients. De même, l’égalité entre contribuables oblige à résoudre le problème d’iniquité – et d’évaporation financière pour les entreprises – que constitue l’effet d’aubaine dont profitent les revenus les plus élevés, davantage tentés que les autres de concentrer leurs ressources dans les cinq mécanismes actuellement non plafonnés.

La dernière étape de la démarche initiée par la commission des Finances consistera, en fonction d’une distinction à établir entre dépenses choisies et dépenses subies, à proposer un plafonnement global de toutes les dépenses fiscales, suffisamment simple pour n’encourir aucun risque constitutionnel. Transformer en réduction d’impôt un nombre substantiel de dispositifs est une piste intéressante. Bien qu’insuffisant pour financer, par exemple, le revenu de solidarité active, l’enjeu budgétaire d’un plafonnement global est d’importance puisqu’il permet d’envisager des économies comprises, selon les hypothèses, entre 600 millions et un milliard d’euros.

En application de l’article 145 du Règlement, la Commission a alors autorisé la publication du présent rapport.

CONTRIBUTIONS

CONTRIBUTION DU GROUPE DU NOUVEAU CENTRE

Le groupe du Nouveau Centre partage le constat effectué par la mission d’information :

– la poursuite de la très forte croissance des dépenses fiscales (23 milliards d’euros supplémentaires, soit + 46 % en 5 ans) est incompatible avec le redressement des finances publiques ; il convient donc de maîtriser ces dépenses en fixant une norme des dépenses fiscales dans la loi de finances ;

– l’utilisation massive des dépenses fiscales aboutit à rendre dégressif un impôt sur le revenu en principe progressif.

Le groupe du Nouveau Centre, qui estime que le rétablissement de la progressivité de l’impôt sur le revenu constitue un impératif, est favorable :

– dans un premier temps, à un plafonnement de chacune des 5 dispositions fiscales dont l’impact n’est pas plafonné, selon des modalités spécifiques à chacun de ces dispositifs ; les solutions proposées par le rapport de la mission d’information paraissent raisonnables mais doivent faire l’objet, avant le vote de la prochaine loi de finances, d’une concertation la plus large ;

– dans un second temps, à l’étude du mécanisme le mieux adapté pour aboutir à un plafonnement global par foyer fiscal de l’ensemble des dépenses fiscales. Il apparaît qu’un plafond en valeur pour les petits et moyens contribuables et un plafonnement en pourcentage du revenu pour les contribuables les plus aisés pourrait constituer un mécanisme adapté à cet objectif.

CONTRIBUTION DE M. JÉRÔME CAHUZAC, MEMBRE DU GROUPE SOCIALISTE, RADICAL, CITOYEN ET DIVERS GAUCHE

La commission des finances, à l'initiative de son Président et avec le concours du Rapporteur général, a pu utilement mener un travail approfondi sur la question des niches fiscales, dont la réforme est essentielle pour des raisons d'efficacité et de justice fiscale.

Ce travail est l'aboutissement d'une démarche engagée depuis plusieurs années par les députés socialistes, et relancée lors du débat sur le projet de loi pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (TEPA) à l'été 2007. Désormais, le travail législatif doit s'engager rapidement pour mettre en oeuvre les réformes prônées par le rapport.

Dès 2003 et la publication par le Conseil des impôts de son rapport sur les dispositifs fiscaux dérogatoires, les députés socialistes avaient proposé des amendements à la loi de finances pour introduire dans notre droit fiscal un mécanisme de plafonnement global des avantages cumulés dont peuvent disposer les contribuables au titre des multiples niches fiscales.

Parallèlement, les députés socialistes ont constamment combattu les propositions visant à instaurer de nouvelles niches fiscales, souvent proposées sans aucune évaluation préalable et au mépris de la justice fiscale. Un des exemples les plus probants est sans doute le relèvement massif du plafond de la réduction d'impôt pour emploi de salariés à domicile.

On ne peut d'ailleurs que déplorer le constat fait par le rapport d'une accélération notable du rythme de création des nouvelles niches fiscales depuis 2003, avec 14 mesures nouvelles par an contre moins de 5 par an entre 1980 et 2003.

Le travail de la mission, qui reconnaît l'ampleur et les dangers des niches fiscales pour l'équilibre de nos comptes publics et leur impact sur le respect du principe posé à l'article 13 de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, rejoint donc les convictions des députés socialistes.

Le plafonnement des avantages fiscaux est rendu plus urgent et même impératif depuis l'introduction dans notre droit fiscal du « bouclier fiscal », qui constitue une brèche sans précédent dans la justice fiscale en permettant à des contribuables disposant de patrimoines et de revenus importants de s'exonérer pour des montants massifs de leur imposition due notamment au titre de l’ISF.

L'évaluation constante de la dépense fiscale, en terme de coût et d'efficacité, est une nécessité aussi impérieuse que celle de la dépense budgétaire. L'effet sur la dégradation des comptes publics d’une dépense fiscale est en effet identique à celui d'une dépense budgétaire. À cet égard, une plus grande qualité d'information dans le cadre du fascicule « Voies et Moyens » du PLF doit être désormais une obligation pour le gouvernement.

De même, l'intégration des dépenses fiscales dans une norme d'évolution annuelle est intéressante et souhaitable. Elle permettrait d'éviter le comportement de plus en plus affirmé des gouvernements depuis 2002, consistant, pour respecter en apparence la norme de dépense budgétaire, à transformer des dépenses budgétaires en dépenses fiscales. Ce mécanisme est d'autant plus pervers qu'il conduit à retirer de la démarche d'évaluation pourtant au coeur de la LOLF des dépenses publiques importantes.

Il est aussi très insatisfaisant puisqu'une dépense fiscale est reconduite mécaniquement en loi de finances, sauf décision expressément contraire ; alors qu'une dépense budgétaire suppose un vote annuel explicite pour être maintenue. Ainsi, sauf à accepter la dévalorisation du rôle du Parlement en matière budgétaire, il serait insupportable que le pouvoir exécutif persiste à substituer aux dépenses budgétaires des dépenses fiscales.

Enfin, le principe d'une récapitulation en LFI de l'ensemble des niches introduites en cours d'année est bienvenu. Reste qu'il faudra trouver les moyens de donner une traduction juridique plus forte que celle proposée dans le rapport.

La proposition de plafonnement des niches actuellement non plafonnées est également bienvenue. On ne peut que souscrire aux orientations du rapport en la matière, sous réserve que les plafonds choisis pour chacun des dispositifs ne soient pas d'un niveau manifestement trop élevé.

Concernant les dispositifs relatifs à l'Outre-Mer, les députés socialistes approuvent l'engagement pris de voir le total de la dépense fiscale aujourd'hui engagée être effectivement consacré aux départements ultra-marins. Actuellement, une partie de cette dépense (40%) est accordée à des intermédiaires et aux contribuables métropolitains sans effet positif pour les économies locales d'Outre-mer. Ce montant pourrait, sous la forme d'une dépense budgétaire, utilement abonder un fonds d'aide aux collectivités d'Outre-mer pour assurer le financement de leurs investissements publics ou l'amélioration des services publics locaux, tels les transports en commun.

Mais cette approche ne règle pas la question posée de la justice fiscale. Comme le reconnaît le rapport, il est à craindre que les contribuables qui jusqu'ici avaient recours à ces niches non plafonnées n'en viennent à développer des stratégies de cumul de multiples niches pour parvenir au même résultat, à savoir la diminution massive voire l'annulation de leur cotisation au titre de l'impôt progressif sur le revenu.

Qui plus est, les exemples des tentatives passées incitent à la prudence. La majorité pourrait fort bien choisir de ne pas mettre en application le plafonnement de certaines niches, ou y renoncer in fine.

À cet égard, la prise de position unanime de la mission en faveur de la mise en place d'un plafonnement global des avantages fiscaux constitue une proposition essentielle. Seul un tel dispositif sera à même d'assurer le respect de l'exigence de justice fiscale.

Cette exigence est aujourd'hui clairement bafouée, comme le démontrent les chiffres édifiants produits dans le cadre du rapport. Personne ne pourrait justifier la pérennité des situations mises en lumière par la mission : 100 contribuables parviennent à réduire leur impôt d'un montant moyen supérieur à 1,13 million d'euros, et leur cotisation due au titre de l'impôt sur le revenu de plus de 85% en moyenne ; et 10 000 contribuables parviennent à une réduction moyenne supérieur à 67 000 euros.

Reste qu'il y a parfois loin de la volonté affichée aux mesures réellement prises. L'exemple du mécanisme proposé en loi de finances pour 2006 par le précédent gouvernement, issu de l'actuelle majorité, est à cet égard édifiant.

Le mécanisme, finalement censuré par le Conseil constitutionnel en raison de sa grande complexité, présentait en effet de graves lacunes du point de vue de la justice fiscale. La discussion parlementaire avait conduit à sortir du plafonnement les dispositifs liés aux monuments historiques et à l'Outre-mer. Enfin, le produit attendu était négligeable, de l'ordre de 40 millions d'euros, preuve de sa faible d'efficacité.

En réalité, ce dispositif n'avait été présenté que comme un « contre-feu » pour justifier la mise en place du bouclier fiscal dont le coût était estimé à l'époque à plus de 400 millions d'euros, soit 10 fois plus.

Il faudra veiller à ce que le plafonnement global aujourd'hui proposé soit un dispositif efficace avec un rendement conséquent.

À cet égard, un dispositif d'imposition minimale alternative, qui accompagnerait une réforme en profondeur de l'imposition sur le revenu pour assurer la progressivité de notre système fiscal serait préférable.

L'imposition alternative ne peut se contenter d'être une forme de « flat tax », permettant aux contribuables les plus aisés d'échapper à la nécessaire progressivité de l'impôt. À cet égard, le raisonnement tenu parfois selon lequel la CSG représenterait déjà une forme d'imposition minimale en remplacement de l'IRPP n'est pas acceptable.

Le rapport apporte une critique juste et argumentée des analyses du gouvernement sur le projet de mise en place d'une forme de plafonnement global. Celui-ci avait en effet choisi de refuser a priori tout dispositif de ce type, et s'est contenté d'une analyse partielle et partiale. En posant dès l'origine des contraintes très fortes (faible rendement et très faible nombre de contribuables concernés), le gouvernement avait condamné a priori le dispositif qu'il prétendait évaluer.

Telle n'a heureusement pas été la démarche du rapport, dont le groupe socialiste approuve la position ouverte sur la nécessité de continuer le travail entamé pour préciser le projet d'une véritable imposition minimale alternative. Cette réforme, essentielle, reste à faire.

CONTRIBUTION DE M. GAËL YANNO

Le présent rapport propose de modifier de manière substantielle les cinq dépenses fiscales qui procurent un avantage non plafonné déductible de l'impôt sur le revenu. Serait ainsi remis en cause le mécanisme de défiscalisation, connu sous le nom de « loi Girardin », que la précédente législature a mis en place en 2003 au profit de l’outre-mer pour les quinze années à venir.

Les collectivités ultra-marines ont en commun un besoin élevé d’investissements productifs, qui seuls peuvent permettre le nécessaire rattrapage du niveau de développement de la métropole. Il faudrait sans doute d’ailleurs parler des outre-mer tant la situation de ces collectivités et des populations qui les occupent est diverse.

S’il peut apparaître utile d’apporter au dispositif issu de la loi dite « Girardin » un certain nombre d'améliorations au vu de sa mise en œuvre depuis cinq ans, sa philosophie générale doit, à mon sens, être préservée.

Bien plus que la recherche d'une correction des excès du dispositif, les propositions présentées dans ce rapport constituent une remise en cause de cette philosophie générale.

Je voudrais en premier lieu corriger une interprétation erronée du dispositif actuellement en place. Les contribuables qui réduisent fortement leur impôt sur le revenu en réalisant des investissements outre-mer n’échappent en aucun cas à l’impôt, contrairement à ce qui est souvent affirmé. Ils s’acquittent en réalité d’une forme d’impôt choisi : en échange d’un avantage fiscal se traduisant par une réduction d'impôt sur le revenu, ils consentent à abandonner la plus grande partie de leur économie d'impôt (entre 60 et 70 %) au profit d'entreprises d'outre-mer, en réalisant à fond perdu un investissement dont ils perdront au terme de 5 ans la propriété, contribuant, ainsi, au développement économique de la collectivité concernée.

J’ai pu apprécier au plus près du terrain les effets positifs de la défiscalisation telle qu’elle est prévue par la loi Girardin, et je considère en conséquence que les réformes proposées dans le présent rapport porteraient atteinte au rattrapage économique de l’outre-mer.

Grâce à la mobilisation d’une épargne disponible en métropole ou en outre-mer, la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts permet, grâce à un apport en fonds propres immédiat, le financement d’investissements qui, sans ce dispositif et en raison de la frilosité des établissements bancaires, ne verraient autrement pas le jour.

Certains projets vitaux pour l'économie locale ne seraient tout simplement plus finançables, par manque de fonds propres, tandis que d'autres le seraient dans des conditions très difficiles et à un coût bien trop élevé. Le transport, l'agriculture, l'hôtellerie sont autant de secteurs essentiels pour l'économie d'outre-mer qui sans apport de fonds propres n'auraient pas les moyens financiers de développer ou renouveler leurs investissements.

La réforme de ce dispositif proposée par le présent rapport limiterait fortement l’investissement productif outre-mer, d'une part en accroissant les besoins de financement bancaire et d'autre part en raison de l'instauration d'un plafonnement global.

1. Cette limitation de l'investissement productif, liée à l'accroissement des besoins de financement bancaire, se fera ressentir tant dans les 4 départements d'outre-mer que dans les 6 collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.

1.1 Cela est vrai pour le mécanisme proposé dans les 4 départements d’outre-mer – Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion - à savoir le remplacement de la réduction d’impôt sur le revenu actuellement consentie aux personnes physiques par un crédit d’impôt sur les bénéfices au profit de l’exploitant ultra-marin (proposition 13.2).

Dans le schéma actuel, grâce à l'apport à fonds perdus des contribuables, le prêt bancaire est limité à 50/60 % de l'investissement réduisant ainsi la prise de risque des banques et du même coup rendant possible le financement du projet.

En revanche, dans le schéma proposé dans le rapport, le prêt bancaire à mettre en place à l'origine du projet d'investissement devra atteindre la quasi-totalité de la valeur totale de cet investissement.

La mise en place d'un crédit d'impôt au profit d'une entreprise située dans un département d'outre-mer ne pourra donc avoir les mêmes effets incitatifs sur l'investissement productif que le dispositif actuel. Il rendra, en effet, impossible la réalisation de certains investissements, faute d'autofinancement suffisant, condition indispensable pour l'obtention d'un prêt bancaire.

1.2 Mais cela est d’autant plus vrai pour les 6 collectivités d’outre-mer – Mayotte, St Barthélémy, St Martin, St Pierre & Miquelon, Wallis & Futuna, Polynésie Française - et pour la Nouvelle-Calédonie, pour lesquelles le dispositif « crédit d’impôt » est inopérant du fait de leur autonomie fiscale. Le rapport propose, pour ces collectivités, l’instauration d’un prêt à taux bonifié au profit des exploitants ultra-marins (proposition 13.3). Par définition, la bonification ne pourrait porter que sur les intérêts d’emprunt, et non sur le capital. Par conséquent, les projets d’investissement seraient rendus quasi totalement dépendants du comportement des établissements bancaires. Or, l’offre bancaire dans ces collectivités, loin d’être pléthorique, est peu concurrentielle.

La proposition de mettre en place par convention fiscale un crédit d'impôt me paraît difficilement réalisable.

2. L'instauration d'un plafonnement global conduira à des arbitrages qui défavoriseront la défiscalisation outre-mer au profit d'autres défiscalisations.

La proposition d'un plafonnement global des dépenses fiscales (proposition 14), c'est-à-dire d'un plafonnement en valeur absolue des réductions et crédits d'impôt, dont peut bénéficier un contribuable, à l'exception des dépenses fiscales liées à la situation personnelle du contribuable, conduira nécessairement le contribuable à procéder à des arbitrages entre les différents dispositifs fiscaux.

Pour comparer ces dispositifs, le contribuable prendra en compte l'économie fiscale nette lui revenant et l'enrichissement patrimonial que lui procure son investissement. Les investissements outre-mer sont constitués quasiment exclusivement d'opérations de portage au terme desquelles l'investisseur ne conserve en fait que 20 % environ de l'économie d'impôt obtenue. En tant qu'opération de portage, le gain du contribuable se limite à cette économie d'impôt nette, sans aucune valorisation à terme de son patrimoine contrairement à d'autres dispositifs de défiscalisation qui permettent de constituer un patrimoine par le biais d'économies d'impôt. Comment imaginer, dans ce cas, un arbitrage en faveur des investissements outre-mer qui consommeront une base 100 de plafonnement et feront constater un gain net de 20 quand tous les autres investissements défiscalisés, de nature patrimoniale, permettront à la fois un gain fiscal et la constitution d'un patrimoine ?

Dans ce contexte, il n’y aura plus d'épargne privée pour s'intéresser aux articles 199 undecies A (logement social) ou 199 undecies B (investissements productifs). Le double effet d’un plafond calculé en valeur faciale de la réduction d'impôt sans prise en compte de la part rétrocédée et d'un plafond global, tous dispositifs confondus, sera particulièrement dommageable pour l'économie des outre-mers.

En conclusion, les propositions de réforme avancées dans le rapport, telles qu’elles sont formulées en l’état, risqueraient de tarir sérieusement les sources de financement des investissements productifs dans l'outre-mer français qui en ont particulièrement besoin.

CONTRIBUTION DE M. JEAN-PIERRE BRARD

Le traitement de la question de la dépense fiscale, des niches, est une nécessité pour restaurer un peu de justice fiscale, s'agissant d'une masse financière qui devrait atteindre 73 milliards d'euros en 2008 et de plusieurs milliers de foyers fiscaux très aisés qui sont, de fait, exonérés du paiement de l'impôt sur le revenu, et parfois bénéficient d'une restitution du Trésor public.

En effet, l'analyse de l'impact des niches fiscales, selon les niveaux de revenus de leurs bénéficiaires, fait apparaître qu'elles sont particulièrement profitables pour les plus hauts revenus, ce qui est préoccupant quand on sait qu'elles se multiplient au rythme moyen de 14 créations par an depuis 2003 et que les choix politiques du Président de la République sont de nature à impulser une accélération à ce rythme, avec les lois « Travail, emploi, pouvoir d'achat » pour des dépenses fiscales d'un montant de plus de 10 milliards, et « Modernisation de l'économie », dont on aimerait connaître le coût en la matière.

Le rapport emploie même, de façon très judicieuse, le néologisme de régressivité, de fait, de l'impôt, par le jeu des réductions et crédits d'impôts. Malheureusement il manque quelque peu de volontarisme quant aux mesures de nature à remédier de manière globale et significative à cette anomalie et à la recherche des moyens pour rétablir la progressivité de l'impôt, voire conférer aux niches importantes un caractère redistributif, contribuant à l'amélioration de la justice fiscale, au lieu de la dégrader.

Le rapport traite particulièrement et en détail de quatre mécanismes fiscaux ouvrant droit à un avantage fiscal non plafonné et propose diverses mesures de transparence, d'encadrement et de plafonnement utiles pour réduire l'évaporation fiscale générée par ces dispositifs. Hélas, il ne traite pas de la même manière le bouclier fiscal dont les effets sont extrêmement inégalitaires, avec des restitutions de plusieurs centaines de milliers d'euros, quand ce n'est pas davantage, pour les plus riches des contribuables, alors que la restitution médiane était de 800 euros en 2007. Il y a donc là, à l'évidence, matière à plafonnement de l'avantage fiscal pour le plus grand bénéfice des finances publiques.

Le rapport traite l'importante question du plafonnement du montant des niches fiscales par foyer fiscal. Cette question avait fait l'objet d'une disposition trop timide et alambiquée, dans la loi de finances pour 2006, disposition qui fut censurée par le Conseil constitutionnel. Les propositions qui sont faites sur ce registre sont encore trop modestes au regard des enjeux financiers et des dérives actuelles, surtout si on les rapproche de la montée en puissance du bouclier fiscal, amplifiée par le passage au plafond de 50 %. La conversion en réductions d'impôt des avantages fiscaux, prenant actuellement la forme de mesures d'assiette et ayant vocation à être prises en compte dans le plafonnement, conversion préconisée par le rapport, promet d'être une œuvre de longue haleine.

L'impôt minimal serait la mesure la plus efficace et la plus claire, mais son traitement est lapidaire dans le rapport qui l'expédie en deux pages. Il est regrettable que derrière des considérations techniques, des réticences idéologiques bloquent les avancées sur ce sujet.

Le rapport comporte aussi un volet en quelque sorte préventif et traitant des propositions relatives à la création des niches fiscales, à leur évaluation précoce et à la maîtrise de leur masse dans le budget, conformément à l'esprit de la loi organique sur les lois de finances. Il est tout à fait nécessaire que le Parlement soit complètement éclairé avant de créer une niche fiscale et que toute nouvelle dépense fiscale soit soumise à une étude d'impact, comportant des dimensions sociale et, le cas échéant, environnementale, étude présentant les avantages comparatifs de la dépense fiscale par rapport à la dépense budgétaire.

S'agissant de l'évaluation de l'efficacité des dépenses fiscales, l'obligation d'y procéder trois ans après leur création et la mise en place d'indicateurs de performance doivent permettre au Parlement d'être informé et de décider du devenir de la niche ainsi évaluée. Pour ce qui est de la mise en place d'un objectif global annuel de dépenses fiscales, l'ODF il pose la question des mécanismes d'ajustement qui ne sauraient en aucun cas affecter les niches à caractère social et ne sont pas précisés dans le rapport.

ANNEXE 1 :

LISTE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION

I.– MAITRISER LA DÉPENSE FISCALE

Proposition n° 1 : Améliorer le contenu de l’annexe Voies et moyens

1.1/ Supprimer, dans la définition de la norme fiscale, le critère d’ancienneté de la mesure

1.2/ Fournir une typologie des dépenses fiscales distinguant, a minima, les mesures attachées à la situation objective du contribuable et les mesures incitatives poursuivant un objectif de politique publique

1.3/ Indiquer explicitement les variations de périmètre de l’annexe

1.4/ Fournir une totalisation du montant des dépenses fiscales

Proposition n° 2 : Justifier le recours aux dépenses fiscales

2.1/ Soumettre la création de toute nouvelle mesure de dépense fiscale à une étude d’impact présentant les avantages comparatifs de la dépense fiscale par rapport à la dépense budgétaire

2.2/ Étendre cette obligation aux dépenses fiscales existantes les plus importantes en volume

Proposition n° 3 : Généraliser l’examen des dépenses fiscales lors des conférences budgétaires

Proposition n° 4 : Créer une norme de dépense fiscale

4.1/ Faire figurer dans le fascicule Voies et moyens  annexé au projet de loi de finances pour 2009 une présentation de l’exécution des dépenses fiscales du dernier exercice clos et de l’exercice en cours, mettant en évidence les éventuelles dérives constatées 

4.2/ Présenter, dans l’exposé des motifs de l’article 1er de la loi de finances initiale pour 2009 (autorisation de percevoir les impôts), un objectif de dépenses fiscales (ODF) pour l’année

4.3/ Inscrire dans les dispositions fiscales de la loi de finances initiale pour 2009 les mesures d’ajustement destinées à corriger les écarts entre l’objectif de dépenses fiscales et les dépenses constatées

4.4/ Modifier ensuite la LOLF pour permettre au Parlement de voter chaque année l’objectif de dépenses fiscales

Proposition n° 5 : Consolider la dépense fiscale en loi de finances

5.1/ Limiter l’application des nouvelles dépenses fiscales à une durée de trois ans

5.2/ Faire figurer dans l’exposé des motifs de l’article 1er de la loi de finances initiale (autorisation de percevoir les impôts) un tableau récapitulant l’ensemble des dépenses fiscales adoptées depuis la dernière loi de finances initiale

Proposition n° 6 : Mesurer la performance des dépenses fiscales

6.1/ À moyen terme : prévoir pour les dépenses fiscales des objectifs et des indicateurs de performance comparables à ceux appliqués aux dépenses budgétaires

6.2/ À court terme : privilégier, dans cette démarche, les dépenses fiscales les plus coûteuses

II.– AMÉLIORER L’ÉQUITÉ ET L’EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE FISCALE

Proposition n° 7 : Encadrer et rénover le régime Malraux

7.1/ Convertir le dispositif en une réduction d’impôt et moduler son taux selon le poids des contraintes d’urbanisme supportées (30 % dans les secteurs sauvegardés, 20 % dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager)

7.2/ Plafonner l’assiette de cette réduction d’impôt à 45 000 euros par an

7.3/ Ouvrir le bénéfice du dispositif aux locaux professionnels et, sous réserve d’un engagement de conservation du bien, aux propriétaires occupants pour leur résidence principale

7.4/ Pour les logements loués, porter la durée de l’engagement locatif à 9 ans

Proposition n° 8 : Moderniser le régime applicable aux monuments historiques

8.1/ Subordonner le bénéfice du dispositif à un engagement de conserver l’immeuble pendant 10 ans et, le cas échéant, de maintenir, pendant la même période, son ouverture au public

8.2/ Interdire le bénéfice du dispositif aux immeubles nouvellement mis en copropriété

8.3/ Plafonner le déficit annuellement imputé au titre des monuments historiques qui ne sont pas ouverts au public

Proposition n° 9 : Normaliser le régime des loueurs en meublé professionnels

9.1/ Réserver le bénéfice du dispositif aux revenus locatifs présentant un réel caractère commercial (exploitation de chambres d’hôte, par exemple) ou, éventuellement, un intérêt général particulier (notamment les résidences avec services dont le développement est prioritaire)

9.2/ Appliquer, dans les autres cas, le droit commun des revenus fonciers

9.3/ Ramener à 30 % le taux de l’abattement applicable dans le cadre du régime micro aux revenus locatifs imposés dans la catégorie des revenus industriels et commerciaux

Proposition n °10 : Rendre plus transparente la défiscalisation de plein droit dans le secteur productif en outre-mer

10.1/ Rendre obligatoire la production d’une attestation fiscale et sociale pour les exploitants bénéficiaires d’un investissement défiscalisé de plein droit

10.2/ Ramener à 500 000 euros le seuil d’agrément des investissements réalisés directement par les entreprises exerçant leur activité dans un secteur non sensible

10.3/ Donner au directeur des services fiscaux l’initiative des contrôles spécifiques aux investissements défiscalisés

10.4/ Exclure du bénéfice de la défiscalisation l’achat de véhicules particuliers

Proposition n °11 : Réformer les conditions de défiscalisation dans l’hôtellerie et la plaisance en outre-mer

11.1/ Allonger de 5 à 8 ans le délai minimum de détention du bien défiscalisé

11.2/ Ramener à 50 % le taux de la réduction d’impôt

11.3/ Supprimer les possibilités de double défiscalisation (dispositif dit double shot)

Proposition n °12 : Réformer la défiscalisation des investissements locatifs en outre-mer

12.1/ Substituer l’agrément à l’accord préalable

12.2/ Fixer le seuil d’agrément à 1 million d’euros

12.3/ Prévoir un mécanisme de rétrocession de l’avantage fiscal

12.4/ Plafonner à 25 000 euros par contribuable et par exercice la réduction d’impôt

12.5/ Recentrer la défiscalisation des investissements locatifs sur le logement social

Proposition n° 13 : Instituer un dispositif d’aide à l’investissement productif en outre-mer à trois étages

13.1/ Pour les investissements sous le seuil d’agrément, maintenir la réduction d’impôt sur le revenu actuellement en vigueur, en la plafonnant à 20 000 euros par contribuable et par an

13.2/ Pour les investissements dans les départements d’outre-mer dépassant le seuil d’agrément, créer un crédit d’impôt sur les bénéfices

13.3/ Pour les investissements dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie dépassant le seuil d’agrément, compenser le coût de l’instauration, par les territoires concernés, d’un crédit d’impôt sur les bénéfices ou instaurer un prêt à taux bonifié

Proposition n° 14 : Instituer un plafonnement global des dépenses fiscales

14.1/ Plafonner, en valeur absolue, la somme des réductions et crédits d’impôt dont peut bénéficier un contribuable, à l’exclusion des dépenses fiscales liées à sa situation personnelle (dépenses fiscales « subies »)

14.2/ Dans la mesure du possible, convertir en réductions d’impôt les avantages fiscaux qui prennent la forme de mesures d’assiette et qui ont vocation à être pris en compte dans le plafonnement

ANNEXE 2 :

RAPPORT PRÉSENTANT LES MODALITÉS DE MISE EN PLACE D’UNE IMPOSITION MINIMALE SUR LE REVENU DES PERSONNES PHYSIQUES

ANNEXE 3 :

RAPPORT ÉVALUANT L’UTILISATION ET L’IMPACT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DES DISPOSITIONS PERMETTANT À DES CONTRIBUABLES DE RÉDUIRE LEUR IMPÔT SUR LE REVENU SANS LIMITATION DE MONTANT

ANNEXE 4 :

LES EXEMPLES ÉTRANGERS D’IMPÔT MINIMAL

Les États-Unis (à partir de 1970) et le Canada (à partir de 1986) ont mis en place un impôt minimal (impôt minimum alternatif aux États-Unis, impôt minimum de remplacement au Canada) afin d’assurer une imposition effective de contribuables disposant de revenus élevés et échappant néanmoins pour tout ou partie à l’impôt.

Sur le plan technique, les deux systèmes sont très similaires : il s’agit, dans les deux cas, de mécanismes reposant sur une double liquidation de l’impôt avec application d’un barème spécifique à un revenu retraité (pour inclure des revenus exonérés) mais minoré d’un abattement spécifique.

Après un rappel des principaux traits de l’impôt sur le revenu au Canada et aux États-Unis, la présente annexe présente les deux dispositifs d’impôt minimal applicable dans ces États en évoquant les débats intenses entourant l’impôt minimal des États-Unis.

1. Principaux traits de l’impôt sur le revenu au Canada et aux États-Unis

Ces deux États ont des impôts sur le revenu dont les modalités de calcul sont proches et qui présentent, au regard de l’impôt français, les caractéristiques communes suivantes :

– ce sont des impôts sur le revenu commun aux sociétés et aux personnes physiques, l’impôt sur le revenu au sens français est dit impôt sur le revenu des particuliers (au Canada) et impôt sur le revenu individuel (aux États-Unis) mais l’on utilisera ci-après l’expression d’impôt sur le revenu dans le sens français donc pour désigner le seul impôt sur le revenu des personnes physiques ;

– il s’agit d’impôts fédéraux auxquels peuvent venir s’ajouter des impôts fédérés voire locaux assis, en principe, sur la même assiette ;

– le poids de leur produit dans les recettes fédérales est prédominant : en 2006-2007, l’IR canadien assurait 46,8 % des recettes fiscales et sociales fédérales et l’IR états-unien, environ 60 % des recettes budgétaires fiscales et sociales fédérales ;

– les dépenses fiscales sont nombreuses : aux États-Unis, on compte, en 2008, environ 150 dépenses fiscales au titre de l’impôt sur le revenu des particuliers et, au Canada, environ 100 dépenses fiscales au titre de l’impôt sur le revenu des particuliers ; la plupart de ces dépenses fiscales interviennent en amont du barème sous la forme d’une exonération totale ou partielle d’impôt ou d’une déductibilité ;

– les dépenses fiscales d’IR les plus onéreuses sont :

– au Canada, la déductibilité des cotisations (sous un double plafond, en valeur absolue et en part des revenus) à certains régimes de retraite (dépense fiscale égale à environ 20 % du produit total de l’IR), la non-imposition des plus values immobilières sur les résidences principales (dépense fiscale d’environ 10 % du produit de l’IR) et un crédit d’impôt au titre des dons (dépense fiscale d’environ 2 % du produit de l’IR) ;

– aux États-Unis, la non-imposition de l’avantage en nature résultant de la contribution des employeurs à la couverture médicale de leurs salariés (dépense fiscale d’environ 12,5 % du produit de l’IR) ou à leur constitution de droits à la retraite (environ 10 % du produit de l’IR répartis en différents dispositifs), la déductibilité des intérêts d’emprunts immobiliers (environ 8 % du produit de l’IR) et la déductibilité des dons (environ 4 % du produit de l’IR) ;

– les impôts sur le revenu reposent sur un système d’autoliquidation. Les contribuables procèdent donc non seulement à la déclaration de leurs revenus mais également au calcul de l’impôt dû. Il en résulte, a priori, une plus lourde charge déclarative pour le contribuable. Cette charge est manifestement très importante aux États-Unis, au moins pour ceux des contribuables dont la situation fiscale n’est pas très simple et rend quasiment nécessaire, en pratique, le recours à un conseil professionnel (dont la rémunération est, au demeurant, déductible), conseil qu’emploient plus de la moitié des contribuables et les trois quarts de ceux soumis à l’AMT.

2. Le système canadien

À l’exception des gains de loteries et de quelques prestations versées par l’État, la quasi-totalité des revenus est soumise à l’impôt sur le revenu (IR), y compris les dividendes (qui bénéficient toutefois d’un crédit d’impôt) et les gains en capital (exonérés pour moitié).

Le barème de l’IR comporte 4 tranches :

– 15,5 % pour la première tranche (jusqu’à 36 378 dollars canadiens de revenus);

– 22 % pour la deuxième tranche (36 379 à 72 756 dollars) ;

– 26 % pour la troisième tranche (72 757 à 118 285 dollars) ;

– 29 % pour la quatrième et dernière tranche.

Un certain nombre de déductions est prévu par la législation fiscale canadienne : déduction pour personne à charge, déduction pour les contribuables de plus de 65 ans, déduction des cotisations syndicales, des frais médicaux, des dons de bienfaisance…

En réponse aux critiques selon lesquelles un trop grand nombre de particuliers percevant des revenus élevés payaient peu ou pas d’IR, le Canada a instauré un impôt minimal de remplacement (IMR) le 1er janvier 1986

L’IMR consiste en l’application d’un taux proportionnel (le taux le plus bas du barème de l’impôt fédéral sur le revenu des personnes physiques, soit 15,5 % en 2006) à une assiette plus large que celle de l’impôt de droit commun.

Le mécanisme de l’IMR est fondé sur une double liquidation de l’impôt : le contribuable calcule l’impôt de droit commun, puis l’IMR ; si l’IMR est supérieur à l’impôt de droit commun, le contribuable doit s’acquitter de l’IMR.

La détermination de l’IMR comporte plusieurs étapes.

1) L’assiette de l’imposition est élargie par élimination de certains avantages fiscaux consentis au titre du calcul de l’impôt de droit commun (50) ;

2) En contrepartie de la réintégration de ces allègements, le revenu soumis à l’IMR est diminué d’un abattement particulier, s’élevant à 40 000 dollars canadiens (27 782 euros) ;

3) Le revenu net imposable est ensuite assujetti au taux le plus bas du barème de l’impôt fédéral sur le revenu des personnes physiques, soit 15,5 % en 2006 ;

4) Sur l’impôt ainsi déterminé s’impute un crédit d’impôt de base. En outre, les crédits d’impôt ou abattements de droit commun, accordés en fonction de la situation de famille ou des charges personnelles, sont pris en compte pour la détermination de l’IMR ;

5) Une fois ce calcul achevé, le contribuable doit acquitter le montant le plus élevé (IMR ou impôt de droit commun) ;

6) L’IMR acquitté par un contribuable au titre de l’année n ouvre droit à un crédit d’impôt imputable sur l’IR de droit commun dû au titre des 7 années suivantes, dans les limites de l’IMR(51).

Contrairement à l’impôt minimum américain, l’impôt minimum canadien ne fait pas l’objet de controverses majeures. Cela s’explique notamment par le fait que l’abattement de 40 000 dollars permet d’écarter de l’impôt minimal les ménages dont les revenus sont relativement faibles et qui bénéficient d’un montant limité d’avantages fiscaux, tout en continuant à viser les ménages à revenus élevés et bénéficiant d’avantages fiscaux significatifs. Le seuil de cet abattement n’a d’ailleurs pas été modifié depuis 1986.

Outre l’impôt minimal fédéral, existe également un IMR propre au Québec. L’IMR québécois est construit sur le même modèle que l’IMR fédéral. Lorsque le montant total des déductions auxquelles peut prétendre le contribuable dépasse 40 000 dollars canadiens, un nouveau calcul de l’impôt est opéré, en réintégrant dans l’assiette des revenus les déductions en question, puis en retirant de l’assiette les exemptions dites « de base ». Le taux applicable à l’assiette ainsi retraitée est de 16 %.

3. Le système États-unien

A. Le calcul de l’impôt sur le revenu

On part d’un revenu brut, dont sont exonérées certaines recettes, notamment les plus-values sur les résidences principales dans la limite de 250 000 dollars (pour un célibataire) (52).

Certaines charges sont ensuite déduites de ce revenu brut pour calculer le revenu brut ajusté (adjusted gross income). Ces charges incluent les remboursements de frais professionnels, les pensions alimentaires et certaines cotisations d’assurance notamment d’assurance retraite.

Enfin, le revenu imposable est obtenu à partir du revenu brut ajusté minoré par des déductions, qui sont soit une déduction forfaitaire (variable selon la situation de famille, l’âge et, le cas échéant, des infirmités, sachant que la déduction de base pour un enfant à charge est de 850 dollars) soit, sur option, la somme de déductions spécifiques (itemized).

Ces déductions spécifiques incluent par exemple :

– les intérêts d’emprunts immobiliers contractés pour l’acquisition ou l’amélioration d’une résidence principale ou d’une résidence secondaire, pris en compte dans la limite d’un montant emprunté d’un million de dollars (pour un couple) ;

– les dons à certains organismes ;

– les frais médicaux pour la fraction de leur somme excédant 7,5 % du revenu brut ajusté du contribuable,

– certaines taxes locales, notamment les impôts fédérés sur le revenu de l’année précédente et les taxes foncières,

– les dépenses supportées du fait d’un déménagement professionnel,

– les pertes (en capital) résultant de vols, d’accidents ou de causes exogènes similaires,

S’y ajoutent des déductions dites diverses, pour la fraction de leur somme excédant un plancher (2 % du revenu brut ajusté) qui correspondent principalement à des frais professionnels (achat d’uniformes, abonnements à des journaux professionnels, adhésion à des sociétés professionnelles) ou à des frais de conseil (notamment le conseil fiscal pour la déclaration de revenus).

Certaines déductions font l’objet d’une minoration forfaitaire (itemized deductions limit) pour les contribuables dont le revenu brut ajusté excède 156 400 dollars (pour un couple). La minoration est égale au plus faible des montants suivants : 3 % de la fraction du revenu brut ajusté excédant ce seuil ou 80 % du montant des déductions soumises à la minoration forfaitaire.

Le revenu imposable est ensuite soumis au barème (pour 2008, 6 tranches dont la première, applicable au premier dollar de revenu imposable, est au taux de 10 % et les deux dernières, dont les taux sont de 33 % et de 35 %, frappent respectivement les revenus supérieurs à 164 000 et à 357 000 dollars).

La plupart des États (43 sur 50) et certaines villes (dont la ville de New York) opèrent un prélèvement additionnel à l’impôt fédéral sur le revenu à un taux constant ou progressif. Le taux le plus élevé est appliqué par la Californie où le taux marginal fédéré supérieur est de 10,3 %.

Le barème fédéral est très partiellement familiarisé : il n’est pas tenu compte du nombre de personnes à charge mais les niveaux des tranches inférieures sont relevés pour un couple déclarant conjointement.

Si les plus-values sont, en principe, taxées au barème, il s’agit d’un barème particulier dont les taux sont plus faibles pour les plus-values dites à long terme (qui sont les plus-values réalisées sur des actifs détenus plus d’un an). Le taux applicable dépend du revenu global du contribuable en incluant les plus-values. Il est de 5 % pour la fraction des plus-values qui, ajouté aux autres revenus, n’excède pas 31 850 dollars et de 15 % pour la fraction dépassant ce montant.

Certaines plus-values connaissent des régimes particuliers, moins favorables (plus-values sur les œuvres d’art et les objets de collection imposées à 28 %) ou plus favorables (taux effectif de 14 % par combinaison d’un abattement de 50 % et d’un taux de 28 % sur les plus-values réalisées sur les parts de PME détenues au moins 5 ans).

Depuis 2003, les dividendes dits qualifiés (reçus au titre de parts détenues au moins 60 jours parmi les 60 jours précédant et les 60 jours suivant la distribution, soit, en pratique, la plupart des dividendes) sont imposés au même taux que les plus-values de long terme (5 % ou 15 %).

La cotisation d’impôt résultant du barème peut ensuite être réduite par des crédits d’impôt (ces « tax credits » pouvant être, dans certains cas, des réductions d’impôt au sens français lorsque l’excédent par rapport à l’impôt dû n’est, en principe, pas restituable).

Parmi ces crédits, dont les modalités sont à chaque fois très complexes, on notera, outre un dispositif de familiarisation de l’impôt (sous la forme d’un crédit d’impôt par enfant de moins de 17 ans à charge qui est, en principe, de 1 000 dollars) plusieurs dispositifs proches des dépenses fiscales applicables à l’IR français. Existent ainsi une réduction d’impôt pour les dépenses de prise en charge d’enfants (de moins de 13 ans) ou de personnes dépendantes, notamment l’emploi d’un salarié à domicile (dont le taux est décroissant avec le revenu brut ajusté) ou un crédit d’impôt pour l’acquisition d’un véhicule propre.

Il convient de noter que la plupart des montants utilisés pour le calcul de l’impôt sur le revenu sont indexés sur l’évolution des prix.

B. Le calcul de l’impôt minimum alternatif

L’impôt minimum alternatif est calculé selon ses règles propres. Il s’agit donc bel et bien d’un impôt alternatif, d’un autre impôt, parallèle à l’impôt sur le revenu ordinaire.

Il appartient aux contribuables eux-mêmes de procéder à la double liquidation (IR ordinaire et AMT) afin de déterminer s’ils sont redevables de l’AMT. À cette fin, concrètement, tous les contribuables procèdent, lors de la déclaration d’impôt, au remplissage d’un formulaire comprenant 14 lignes dont le résultat détermine s’il est nécessaire ou non qu’ils remplissent le formulaire déclaratif propre à l’AMT. Celui-ci comprend 55 lignes, sachant que tous les contribuables le remplissant ne seront pas nécessairement, au terme du calcul, effectivement redevables de l’AMT.

Schématiquement, le calcul repose sur la définition d’un revenu imposable plus large par exclusion de certaines des charges déductibles, ce revenu étant ensuite soumis à un barème spécifique dont les taux sont plus faibles que le barème de droit commun.

Le revenu imposable à l’AMT présente deux spécificités.

Il s’agit, en premier lieu, d’un revenu dont l’assiette est élargie par réintégration de certaines déductions (en particulier, des impôts fédérés et locaux) ou de certains revenus exonérés (les plus-values latentes résultant de la levée de stock options à un prix inférieur à la valeur de marché).

Toutes les déductions ne sont toutefois pas réintégrées et certaines peuvent l’être selon des modalités particulières (ainsi, les dépenses fiscales sont déductibles pour le calcul ordinaire pour leur montant excédant 7,5 % du revenu brut imposable alors qu’elles ne sont déductibles, pour le calcul de l’AMT, que pour leur montant excédant 10 % du revenu brut).

En second lieu, le revenu ainsi élargi fait l’objet d’une déduction forfaitaire spécifique (dite exemption), dont le montant est minoré pour les contribuables dont les revenus sont les plus élevés.

Pour un couple déclarant conjointement, la minoration forfaitaire s’établit (pour les revenus de 2007) à 66 250 dollars, contre 44 350 dollars (soit moins du double) pour un célibataire de sorte que l’AMT pénalise actuellement les couples. Ce montant est minoré du quart de la fraction du revenu brut dépassant un seuil fixé pour un couple à 150 000 dollars. Le revenu imposable à l’AMT correspond donc à l’intégralité du revenu des contribuables dont le revenu excède 415 000 dollars (pour un couple sans enfants).

À compter de 2007, une minoration forfaitaire supplémentaire s’applique par enfant à charge (6 300 dollars).

Le revenu imposable à l’AMT est ensuite soumis à un barème spécifique qui comprend deux tranches dont les taux sont respectivement de 26 % et de 28 % (la seconde tranche s’appliquant aux revenus dont le montant excède, pour un couple, 175 000 dollars). Il résulte de ce barème un impôt minimum potentiel (tentative minimum tax) dont est déduit le montant de la cotisation d’impôt calculé au titre de l’impôt sur le revenu ordinaire pour calculer la cotisation d’AMT qui vient s’ajouter à la cotisation d’IR.

En pratique, le contribuable paye donc la plus élevée des deux cotisations.

Il convient de noter que les taux spécifiques d’imposition des plus-values et des dividendes qualifiés restent applicables pour le calcul de l’AMT.

Les crédits d’impôt sont, pour la plupart, applicables à la cotisation d’AMT, cette application n’étant toutefois autorisée qu’à titre transitoire pour certains d’entre eux.

Comme dans le système canadien, le paiement de l’AMT peut ouvrir droit à un crédit d’impôt futur. Ce système n’est toutefois qu’un correctif des différences des règles déterminant le fait générateur de l’impôt de droit commun et de l’AMT et vise à neutraliser (pour éviter une double imposition) l’imposition anticipée par l’AMT (au regard de l’impôt de droit commun) de revenus dont l’imposition peut être différée dans le calcul de l’impôt de droit commun (dits « timing items »). Seule la fraction de la cotisation d’AMT due au titre de ces éléments ouvre droit à un crédit d’impôt, imputable au titre d’une année ultérieure, si l’impôt ordinaire du contribuable est supérieur à son impôt minimum potentiel.

Ainsi, par exemple, l’AMT, à la différence de l’impôt ordinaire, impose la plus-value latente sur des stocks options levées. L’impôt ordinaire imposera, lui, le cas échéant, la plus-value effectivement constatée à la cession. C’est ce type de double imposition que vise à corriger le crédit d’impôt au titre de l’AMT.

C. L’accroissement du nombre de contribuables soumis à l’impôt minimum alternatif

L’AMT trouve son origine dans une audition parlementaire du ministre des Finances au cours de laquelle a été révélé le fait que 155 contribuables n’avaient pas payé d’impôt fédéral sur le revenu au titre de l’année fiscale 1967 bien que chacun d’entre eux ait perçu un revenu brut ajusté supérieur à 200 000 dollars (environ 1 million d’euros au prix de 2008). Ces contribuables non imposés représentaient environ 1 % des contribuables percevant des revenus équivalents (15 669) mais le sujet provoqua une grande émotion populaire (un rapport parlementaire indique que le Congrès reçût en 1969 plus de courriers dénonçant l’absence d’imposition de ces 155 contribuables que de courriers relatifs à la guerre du Vietnam).

Un impôt minimal fut donc mis en place en 1969 sous une forme plus simple que l’actuel AMT (il semblait s’agir d’une taxe additionnelle, de 10 %, sur le montant des charges déduites au-delà d’une certaine somme). En 1975, environ 20 000 contribuables étaient redevables de cet impôt minimal pour un produit global de l’ordre de 0,1 % de celui de l’impôt sur le revenu de droit commun.

Après diverses réformes continuant notamment à l’introduction progressive d’une assiette d’imposition spécifique à l’impôt minimal, celui-ci fut transformé, en 1982, en l’actuel AMT.

Dans la mesure où il s’agit d’un impôt parallèle à l’IR ordinaire, il aurait semblé assez logique de faire évoluer les montants intervenant dans son calcul, ses taux et plus généralement ses règles de manière coordonnée. En particulier, l’AMT aurait logiquement dû suivre l’indexation sur les prix appliquée à l’impôt sur le revenu ordinaire. Cela n’a pas été le cas. Il en a résulté un accroissement progressif du nombre de contribuables soumis à l’AMT qui a atteint environ 1 million en 1999.

Le problème a été considérablement accru à partir des réformes fiscales proposées par le Président Bush en 2001 et 2003.

Les allégements généraux de l’IR ordinaire (notamment la baisse des taux, applicable de 2003 à 2011, et qui réduit, par exemple, le taux marginal supérieur de 39,6 % à 35 % ainsi que des mesures de familiarisation accrue) n’ayant pas été répercutés sur l’AMT, le nombre de contribuables soumis à celui-ci s’est très rapidement accru pour atteindre 3,5 millions en 2006 (et un produit de l’ordre de 30 milliards de dollars).

Il convient de noter que les allégements spécifiques aux revenus du patrimoine (abaissement du taux d’imposition des plus-values et des dividendes qualifiés) ont, eux, été pris en compte dans l’AMT.

Depuis 2006, le problème de l’extension du nombre de redevables de l’AMT est pleinement apparu sur la place publique et, depuis cette date, le nombre de redevables a été maintenu à peu près constant par des relèvements transitoires successifs de la déduction forfaitaire d’AMT alors que l’application du droit constant aurait conduit à un accroissement accru du nombre de redevables.

Ce régime a été prolongé pour 2008 par une loi du 26 décembre 2007 joliment appelée loi de prévention de l’augmentation des impôts (tax increase prevention act). La dépense fiscale afférente aux adaptations de l’AMT visant à en geler le nombre de contribuables était évaluée à environ 50 milliards de dollars.

Le projet de budget présenté début février 2008 par le Président Bush pour l’année fiscale 2009 propose une année supplémentaire de relèvement de la déduction forfaitaire.

D. Les appréciations portées sur l’impôt minimum alternatif

Il n’y a, semble-t-il, pas de consensus aux États-Unis sur le devenir de l’AMT, sans que les lignes de fracture épousent parfaitement le périmètre des formations politiques (le président démocrate de la commission des Finances du Sénat est, par exemple, partisan de la suppression de cet impôt, devenu « un monstre sur lequel il est temps de tirer le rideau »).

Les critiques adressées à l’AMT sont qu’il est :

– illégitime sur le principe (il reprend d’une main ce qui a été donné de l’autre) ;

– très complexe et coûteux dans sa mise en œuvre pour les contribuables comme pour l’administration ;

– facteur d’une grande insécurité juridique (les contribuables sont incapables d’évaluer avant le terme de la procédure déclarative l’impôt dont ils devront effectivement s’acquitter) ;

– pénalisant pour les familles ;

– pénalisant pour certains contribuables pour lesquels il annule l’effet de déductions légitimes (frais médicaux élevés, impôts locaux) ;

– payé de plus en plus par les classes moyennes sans empêcher pour autant certains contribuables très aisés d’échapper en tout ou partie à l’impôt.

Les défenseurs de l’AMT relèvent à l’inverse que :

– les principales critiques adressées à l’AMT (manque de familiarisation et effets sur les classes moyennes) peuvent être résolues par des réformes ponctuelles ;

– l’équité fiscale commanderait plutôt de faire perdre, pour le calcul de l’AMT, le bénéfice de l’imposition au taux réduit de certains revenus du patrimoine qui apparaît comme l’une des principales dépenses fiscales affectant la progressivité de l’impôt ;

– malgré l’augmentation du nombre de redevables et le traitement favorables de certains revenus du patrimoine, le produit reste concentré sur des contribuables aisés (en cas de suppression, 90 % de la perte de recettes profiterait aux 16 % des contribuables les plus aisés) ;

– le produit croissant de cet impôt rend coûteux sa suppression (le produit estimé pour 2010 est de l’ordre de 100 milliards de dollars, montant décroissant puis revenant à ce niveau vers 2016 dans l’hypothèse de la remise en cause prévue par le droit existant en 2011 des allégements fiscaux accordés à partir de 2001 et montant continuant à croître pour atteindre plus de 220 milliards de dollars en 2016 dans l’hypothèse du prolongement après 2011 des allégements fiscaux accordés à partir de 2001) ;

– l’AMT améliore l’équité du système fiscal. Si, en 2001 (dernière année avant le début de la dérive du dispositif), 100 contribuables dont le revenu déclaré excédait 1 million de dollars ont totalement échappé à l’impôt (malgré l’AMT), 700 contribuables supplémentaires auraient été dans ce cas en l’absence d’AMT.

ANNEXE 5 :

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION D’INFORMATION

Députés d’Outre-mer :

– M. Louis-Joseph Manscour, député de la Martinique

– M. Alfred Almont, député de la Martinique

– M. Serge Letchimy, député de la Martinique

– Mme Christiane Taubira, député de Guyane

– M. Jean-Claude Fruteau, député de la Réunion

– M. Abdoulatifou Aly, député de Mayotte

– M. Victorin Lurel, député de la Guadeloupe

– Mme Jeanny Marc, députée de la Guadeloupe

– M. Didier Robert, député de la Réunion

– M. René-Paul Victoria, député de la Réunion

Ministère de l’Économie, des finances et de l’emploi :

– Direction générale des Impôts :

Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la Législation fiscale

M. Jean-Pierre Lieb, chef du service juridique

M. Vincent Mazauric, chef du service de l’application

M. Frédéric Iannucci, sous-directeur

M. Patrice Laussucq, chef du bureau des agréments

– Direction du Budget :

M. Philippe Josse, directeur

M. Claude Wendling, sous-directeur

Mme Hélène Eyssartier, sous-directrice

M. Dan Lévy, chef de bureau

– Inspection générale des finances :

M. Christophe Baulinet, inspecteur, adjoint au chef du service

Mme Anne Bolliet, inspectrice générale

M. Philippe Dumas, inspecteur général

M. Daniel Lallier, inspecteur général

Ministère de l’Intérieur, des collectivités territoriale et de l’outre-mer :

– M. Philippe Leyssène, directeur des affaires économiques, sociales et culturelles de l’outre-mer

– Mme Martine Lévy, chargée de mission

Ministère de la Culture et de la communication :

– M. Michel Clément, directeur de l'Architecture et du patrimoine

– Mme Danièle Déal, sous-directrice, sous-direction des monuments historiques et des espaces protégés

– Mme Thérèse Laval, mission questions fiscales à la sous-direction des affaires juridiques de la direction l’Administration générale

Cour des comptes :

– M. Jean-Pierre Cossin, conseiller-maître, membre du Conseil des prélèvements obligatoires

Conseil économique et social :

– M. Michel Paoletti, Président du groupe Outre-mer du Conseil économique et social

Ministère des finances du Canada :

– M. Don Wilson, chef principal, division de l’impôt des particuliers, direction de la Politique de l’impôt

– Mme. Émilie Brown, analyste de politiques, division de l’impôt des particuliers, direction de la Politique de l’impôt

– Mme Marie-Claude Hébert, agent principal de la politique de l'impôt, revenus d'entreprises, de biens et impôt sur le revenu des particuliers, division de la législation de l'impôt, direction de la Politique de l'impôt

Universitaire :

– M. Jean-Claude Colliard, professeur à l’université de Paris I, ancien membre du Conseil constitutionnel

Mouvement des entreprises de France :

– M. Guy Dupont, Président de la Fédération des entreprises des départements d’outre-mer

– M. Jean-Pierre Helbert, directeur adjoint des relations institutionnelles du Mouvement des entreprises de France

Associations de défense du patrimoine :

– M. Jean-René Etchegaray, premier adjoint au maire de Bayonne, secrétaire de l'Association nationale des villes et pays d'art et d'histoire et des villes à secteur sauvegardé

– M. Christophe Eschlimann, président du Groupement des entreprises des monuments historiques

– M. Jean de Lambertye, président de l'association « La Demeure historique » et M. Patrice Cahart, vice-président

– M. Philippe Toussaint, président de l'association « Vieilles maisons françaises »

– M. Alain de la Bretesche, président de l’association des Journées juridiques du patrimoine

Cabinets de défiscalisation :

– MM. Geoffroy Marraud de Grottes et Laurent Mercier, cabinet SOFICO Investissements

– MM. Stéphane de Reynal et Stéphane Michaux, cabinet ACI Outremer financement

– MM. Lionel Desage et François Lochelongue, cabinet Coff

– M. Philippe Souchier, cabinet Outre-Mer Finance

– Mme Nathalie Le Roy, cabinet INFI

– M. Luc Domergue, cabinet LDC Conseil

ANNEXE 6 :

LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES LORS DU DÉPLACEMENT DE LA MISSION D’INFORMATION EN OUTRE-MER

En Guadeloupe

● Députés :

– Mme Gabrielle LOUIS-CARABIN

– Mme Jeanny MARC

– M. Éric JALTON

● Région Guadeloupe :

– M. Victorin LUREL, Président du Conseil régional, Député

– M. Jocelyn JALTON, Président du Conseil économique et social régional

– M. Marc VIZI, Directeur général des services

– M. Dominique LABAN, Directeur de cabinet du Président

– M. Max ETNA, Directeur adjoint de cabinet

● Conseil général :

– M. Jacques GILLOT, Président, Sénateur

– M. Félix DESPLAN, vice-Président 

– M. Jean BARDAIL, vice-Président, Président de la commission des Travaux

– M. Ferdy LOUISY, Conseiller général, Président de la commission Environnement et énergies

– M. Jean-Marie HUBERT, Conseiller général, président de la commission Agriculture et pêche

– M. Pierre REINETTE, Directeur général des services

– M. Henri LAVENTURE, Directeur général des services adjoint

– M. Daniel DUMIRIER, Directeur de cabinet du Président

● Préfecture de Guadeloupe :

– M. Emmanuel BERTHIER, Préfet de la région Guadeloupe, Préfet de Guadeloupe

– M. François PESNEAU, Directeur de cabinet du Préfet

– M. Stéphane GRAUVOGEL, Secrétaire général à l’action régionale

– M. Christian SONJON, Directeur des services du SGAR

– M. Claude LEBLANC, Chef du bureau de l’action économique de l’État

● Services de l’État :

– M. Germain JOLIBERT, Directeur des services fiscaux

– M. Bernard CRESSOT, Trésorier payeur général

● M. Franc-Gilbert BANQUEY, Président de la Chambre régionale des comptes de Guadeloupe-Guyane-Martinique

● Acteurs socioprofessionnels : table ronde organisée par Mme Colette KOURY, Présidente de la Chambre de commerce et d’industrie de Pointe-À-Pitre

● Société « Solar Electric » :

– M. David DOUMITH, Gérant

– Mme Catherine TALVASSON, Directrice d’agence Guadeloupe

– M. François BOTREAU, Directeur adjoint

● Opérateurs de la défiscalisation :

– M. Christophe LOUIS, Gérant de la société Caraïbe Location & Ingénierie

En Martinique

● Parlementaires :

– M. Alfred ALMONT, Député

– M. Serge LETCHIMY, Député

– M. Louis-Joseph MANSCOUR, Député

– M. Serge LARCHER, Sénateur

– Mme Madeleine JOUYE DE GRANDMAISON, Députée européenne.

● Conseil régional :

– M. Alfred MARIE-JEANNE, Président, Député

– M. Daniel MARIE-SAINTE, premier vice-Président, Président de la commission Bâtiment et travaux publics, transports et équipements régionaux

– M. Louis Félix Vincent DUVILLE, sixième vice-Président, Président de la commission Développement économique et emploi

– Mme Sandrine SAINT-AIME, Présidente de la commission Avis et propositions à caractère législatif et réglementaire

● Conseil général :

– M. Claude LISE, Président, Sénateur

– Mme Frédérique FANON-ALEXANDRE, Directeur général des services

– M. Fernand MOUNTO, Directeur général adjoint chargé des finances et des moyens

– M. Pascal MARGUERITTE, Chargé de mission à l’économie et aux relations européennes

● Préfecture de Martinique :

– M. Ange MANCINI, Préfet de la région Martinique, Préfet de Martinique

– M. Maurice TUBUL, Secrétaire général à l’action régionale

– M. Vincent-Guillaume POUPEAU, Chargé de mission pour le développement économique et social, l’emploi et la formation

● Services de l’État :

– Direction des services fiscaux (M. Daniel CASABIANCA, Directeur ; Mme Maryse LOWENSKI, Inspecteur départemental expert)

– M. Alain THÉBAULT, Trésorier payeur général

● Acteurs socioprofessionnels : table ronde organisée par M. Claude POMPIÈRE, Président de la Chambre de commerce et d’industrie de la Martinique

● Entreprises :

– Groupe SEEN (M. Éric COPPET, Directeur du développement ; Mme Josette ROSE, Directrice des ressources humaines ; M. Eddy ERICHER, Directeur administratif et financier ; M. Joël PONCEAU, Directeur juridique ; M. Lilian FANGET, Directeur des opérations)

– Unité de traitement des déchets de La Martiniquaise de valorisation (M. Jean-Claude FAGOUR, Directeur d’exploitation ; M. Didier SARDAIGNE, Directeur de Veolia Propreté)

– Club Méditerranée, village « Les Boucaniers » - Société martiniquaise des villages de vacances (M. Yan MONPLAISIR, Président directeur général ; Mme Catherine CADROT, Directrice générale)

– sociétés de plaisance du Marin (M. Jean-Louis DE LUCY, Gérant de Carenantilles, chantier naval ; M. Glenn JEAN-JOSEPH, Directeur général de la Société antillaise d’exploitation des ports de plaisance ; M. Jacques SCHARWATT, Expert maritime ; M. Éric VASSE, Gérant de Punch croisières)

– Société nouvelle des établissements modernes de boissons gazeuses (M. Alain HUYGUES DESPOINTES, Président du Groupe Antilles Glace, propriétaire de la SNEMBG ; M. Thierry HUYGUES DESPOINTES, Directeur général de la division boissons du Groupe ; Mme Valérie LADIEUR, Directrice financière du Groupe ; M. Alain MARRAUD DES GROTTES, Directeur des achats du Groupe ; M. Jean-Marc WINSBACK, Directeur de la SNEMBG ; M. Alain FARROUX, Directeur adjoint de la SNEMBG)

*

* *

1 () Au demeurant, un plafonnement de réduction d’impôt de l’ordre de 13 500 euros pour le cas général du dispositif dit « Malraux », ou de 25 000 euros pour les investissements locatifs outre-mer, tels qu’ils résultent des propositions du présent rapport, sont à mettre en regard de la cotisation moyenne d’IR, dont je rappelle qu’elle est inférieure à 1 500 euros.

2 () Vers l’impôt citoyen, rapport d’information de sur le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et le rapprochement et la fusion de l’IR et de la CSG, doc. AN n° 3779 (XIIe législature), mars 2007.

3 () Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat.

4 () Rapport sur les modalités de mise en place d’une imposition minimale sur le revenu des personnes physiques, remis au Parlement en application de l’article 15 de la loi « TEPA », joint en annexe au présent rapport.

5 () Notamment : norme d’évolution des dépenses de l’État déconnectée du cycle économique, affectation des surplus de recettes fiscales à la réduction du déficit, contrat de stabilité indexant sur la seule inflation les concours de l’État aux collectivités territoriales.

6 () L’article 51 de la LOLF prévoit une information sur la dépense fiscale, globale dans le fascicule Évaluation des voies et moyens et par programme dans les projets annuels de performances.

7 () Conseil des impôts, 21ème rapport au Président de la République, septembre 2003, La fiscalité dérogatoire – Pour un réexamen des dépenses fiscales.

8 () Cette somme correspond à l’addition des dépenses fiscales chiffrées dans l’annexe Voies et moyens ; en effet, 26 des 189 mesures propres à l’IR sont présentées, dans ce document, comme non chiffrables.

9 () Soit 23 des 34 missions du budget général ainsi que le compte d’affectation spéciale Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale.

10 () Cf. supra.

11 () Cf. p 17.

12 () Mesurée par l’indice des prix à la consommation hors tabac.

13 () Voir notamment Gilles CARREZ: Rapport d’information préalable au débat d’orientation budgétaire pour 2008, n° 67, juillet 2007 ; Rapport d’information sur les premiers éléments concernant l’exécution du budget en 2006, n° 3782, mars 2007.

14 () Voir Gilles CARREZ, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2008 – tome 1, n° 276, octobre 2007.

15 () Le Canada a mis en place une norme de dépense fiscale entre 1980 et 1994, en la limitant aux nouvelles dépenses créées chaque année, mais l’expérience n’a pas été probante.

16 () Gilles CARREZ, n° 1816, avril 2008.

17 () Dans cet esprit, le Sénat a adopté le 22 janvier dernier la proposition de loi organique présentée par le sénateur Alain VASSELLE tendant à prévoir l'approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d'exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale adoptées en cours d’exercice.

18 () Ces deux solutions ont été étudiées par le rapport sur le prélèvement à la source et le rapprochement et la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG (rapport n° 3779) présenté, sous la précédente législature, par M. Didier MIGAUD au nom de la commission des Finances.

19 () Imposables au barème.

20 () Taux rapportant l’impôt effectivement dû (y compris l’impôt dû au taux proportionnel) au revenu imposable au barème.

21 () Ces chiffres comme ceux présentés ci-après sont relatifs à l’imposition des revenus de 2006.

22 () Par exemple, au taux de 25 % applicable prévu par l’article 199 undecies A pour les dépenses de réhabilitation d’un logement constituant la résidence principale d’un contribuable ultra-marin.

23 () Sous réserve, le cas échéant, de la fraction de ces charges correspondant aux locaux dont le propriétaire se réserve la jouissance qui est imputable, selon des modalités particulières décrites infra, sur le revenu global.

24 () Ce montant est le solde des recettes perçues (estimées à 48 millions d’euros) et des dépenses déductibles qui seraient de l’ordre de 146 millions d’euros :

– le montant annuel des travaux restant à la charge des propriétaires des monuments historiques et assimilés serait de l’ordre de 70 millions d’euros, dont 58 millions d’euros de dépenses déductibles ;

– le montant annuel des rémunérations brutes des salariés assurant le gardiennage, l’entretien et la visite de ces monuments serait de l’ordre de 92 millions d’euros, dont 56 millions d’euros de dépenses déductibles ;

– les principales autres dépenses (assurance, intérêts d’emprunt, taxe foncière et frais de procédure) représenterait un montant de l’ordre de 40 millions d’euros dont 32 millions d’euros de dépenses déductibles.

25 () Rapportant le niveau des exportations et le niveau des importations au produit intérieur brut, le taux d’ouverture mesure le degré d’internationalisation d’une économie.

26 () Pour information, le taux d’ouverture de l’Île Maurice atteint 120 %.

27 () Cf. infra.

28 () Le détail d’un montage type sera présenté infra.

29 () Ainsi, si un contribuable réalise en 2008 un investissement de 1,525 million d’euros défiscalisé à hauteur de 50 % et que son IR dû au titre de chacune des années 2008 à 2013 est de 100 000 euros, son impôt sera de facto annulé pendant ces 6 années, à l’issue desquelles la somme de 162 500 euros lui sera versée par l’État (soit 50 % de 1 525 000 euros – 6 x 100 000 euros).

30 () Le secteur intermédiaire regroupe les logements dont le loyer et plafonné et qui doivent être donnés en location à des personnes dont le revenu ne dépasse pas un certain seuil.

31 () Mesuré en rapportant la formation brute de capital fixe à la valeur ajoutée brute.

32 () Rapport sur l’évaluation de l’impact socio-économique du dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer.

33 () M. Alain SAUBERT, Évaluation de la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003.

34 () Composée de parlementaires et de représentants de l’administration, la CNELPOM était chargée de dresser un premier bilan de l’application de la LOPOM.

35 () Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer : évaluation des mesures de défiscalisation des investissements et d’exonération des charges sociales.

36 () Pour la plupart des employeurs, exonération totale dans la limite d’un plafond de rémunération égal au SMIC majoré, selon les entreprises concernées, de 30, 40 ou 50 %.

37 () Mission d’audit de modernisation, Rapport sur la politique du logement social outre-mer (DOM et Mayotte), avril 2006.

38 () En réalité, le dépôt de garantie est plutôt de 10 %, le différentiel étant financé par différentes subventions, notamment par remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable (TVA NPR). Les subventions n’entrent pas dans la base de calcul de l’avantage fiscal. Afin de conserver une base de 100 facilitant la présentation du montage, le raisonnement a été volontairement simplifié. L’intégration des subventions au montage en modifie l’équilibre économique, soit en conduisant à une rétrocession effective supérieure et à un avantage en impôt moindre à apport fiscal constant du contribuable, soit en permettant à celui-ci un apport inférieur.

39 () Soit 20 sur 50.

40 () Ou de redressement consécutif à un contrôle fiscal de droit commun.

41 () Ce crédit d’impôt sur les bénéfices serait également applicable pour les investissements réalisés sous le seuil d’agrément, par les exploitants ne souhaitant pas recourir au montage « IR ».

42 () Dans un souci de clarté, il conviendrait de supprimer le mécanisme de déduction prévue aux articles 217 undecies et duodecies du code général des impôts. Cette modification de technique fiscale aurait l’avantage de s’inscrire dans une démarche globale tendant à faire prendre à la plupart des avantages en impôt la forme d’une réduction, démarche présentée en détail infra.

43 () Le taux serait bien évidemment ajusté pour tenir compte des différents niveaux de réduction d’impôt existant actuellement.

44 () Cette question a été soulevée par les auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2006 qui contestaient la constitutionnalité du plafonnement global adopté en dénonçant notamment, au regard du principe d’égalité, le fait que les déductions autorisées au titre des cotisations ou primes d’épargne retraite n’entraient pas dans son champ. Les requérants estimaient que le recours à « des instruments d'épargne privée qui n'ont aucun caractère obligatoire pour le contribuable » ne pouvait être assimilé à une situation subie par le contribuable. Le Conseil ayant décidé de déclarer le dispositif contraire à la Constitution compte tenu de sa complexité, il n’a pas examiné ce grief.

45 () Ces deux dispositifs sont présentés dans l’annexe 4 du présent rapport.

46 () Rapport présentant les modalités de mise en place d’une imposition minimale sur le revenu des personnes physiques, page 24.

47 () Ibid, p. 15.

48 () Ibid, p. 16.

49 () Ibid, p. 27.

50 () Les principaux retraitements sont les suivants :

– 80 % des plus-values de cession sont incluses dans le revenu soumis à l’IMR, contre seulement 50 % dans le revenu soumis à l’impôt de droit commun ;

– certaines pertes ne sont pas imputables sur le revenu global soumis à l’IMR, alors qu’elles le sont sur le revenu global soumis à l’impôt de droit commun (amortissements et frais financiers relatifs à des biens locatifs ou à des investissements dans des productions cinématographiques, pertes liées aux dépenses engagées pour des investissements miniers...) ;

– les dividendes sont totalement intégrés dans le revenu soumis à l’IMR, ce qui n’est pas le cas pour le calcul de l’impôt de droit commun.

51 () De fait, le crédit d’impôt s’ouvre en année n+1 lorsque les revenus imposables se sont accrus dans des proportions supérieures au taux de l’IMR. Le crédit d’impôt né au titre de l’année n constitue un stock épuisable en 7 ans, et non un crédit renouvelable 7 fois.

52 () Ainsi que, par exemple :les intérêts des obligations émises par des collectivités locales, les indemnités pour maladies et accidents sous certaines conditions,l’ avantage en nature constitué par la mise à la disposition d’un logement aux ministres d’un culte ou allocation pour frais de logement au profit des mêmes bénéficiaires, les primes aux militaires blessés,les bourses éducatives, l’avantage en nature constitué par les repas fournis par l’employeur sur le lieu de travail, ou certaines indemnités d’assurance.


© Assemblée nationale