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N° 991

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 juin 2008

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC)  (1)

sur la gestion des ressources humaines au ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

ET PRÉSENTÉ

par MM. Jean LAUNAY et Michel PIRON

Députés

___

MM. Georges TRON et David HABIB

Présidents.

___

La mission d’évaluation et de contrôle est composée de : MM. Georges Tron, David Habib, Présidents ; M. Didier Migaud, Président de la commission des Finances, de l’économie générale et du Plan, M. Gilles Carrez, Rapporteur général ; MM. Pierre Bourguignon, Jean-Pierre Brard, Alain Claeys, Charles de Courson, Richard Dell’Agnola, Yves Deniaud, Jean-Louis Dumont, Jean-Michel Fourgous, Laurent Hénart, Jean Launay, François de Rugy, Philippe Vigier.

SYNTHÈSE DU RAPPORT 5

PROPOSITIONS DE LA MEC 7

INTRODUCTION 9

I.– UN MINISTÈRE BOUSCULÉ PAR DES RÉFORMES SUCCESSIVES ET EXIGEANTES 11

A.– LES SERVICES FOURNIS AUX DÉPARTEMENTS DE 1982 À 2003 11

B.– LA DÉCENTRALISATION DE 2004 12

C.– LA CRÉATION DU MEDAD EN 2007 ET DU MEEDDAT EN 2008 14

1.– La fusion de ministères de traditions divergentes 14

2.– Un ministère à l’ambition sans équivalent en Europe 16

3.– Une organisation nécessitant de nouveaux efforts d’adaptation 17

D.– UN PROCESSUS DE CRÉATION FRAGILE DANS LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES 18

II.– L’IMPÉRATIF D’UNE GESTION MOBILISATRICE POUR EMPORTER L’ADHÉSION DES PERSONNELS 21

A– LES INTERROGATIONS SUR LES EFFECTIFS ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL 21

B.– LES RÉMUNÉRATIONS, UN PARAMÈTRE CRITIQUE 23

C.– LA DIVERSIFICATION DES RECRUTEMENTS 25

D.– LA FORMATION ET LA GESTION DES CARRIÈRES : GARANTIR LA QUALITÉ 25

E.– NE PAS SOUS-ESTIMER L’IMPACT BUDGÉTAIRE DES FUSIONS DE CORPS 27

F.– L’IDENTITÉ DU MINISTÈRE : UN LONG CHEMIN 28

III.– ADAPTER LES EFFECTIFS NÉCESSAIRES AU DÉVELOPPEMENT DE LA PERFORMANCE, DES SERVICES, DE LA SÉCURITÉ ET DES COMPÉTENCES 31

A.– DES MODES DE DÉCISION PERFORMANTS 31

1.– La gouvernance à cinq 31

2.– Réduire les délais de réalisation des grandes infrastructures 32

3.– Le choix et la programmation des grands projets d’infrastructure 34

B.– LA PRIORITÉ DU SERVICE RENDU AUX USAGERS 35

1.– Les services aux usagers 35

2.– L’ingénierie publique 36

C.– DES COMPÉTENCES ET DES EFFECTIFS POUR LA SÉCURITÉ 37

D.– LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES TECHNIQUES 39

EXAMEN EN COMMISSION 43

I.– LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 51

II.– COMPTE RENDU DES AUDITIONS 53

SYNTHÈSE DU RAPPORT

La gestion des ressources humaines au ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (MEEDDAT), constitue un chantier d’une exceptionnelle importance, tant par son ampleur que par ses enjeux.

Fer de lance de la décentralisation en 2004, le MEEDDAT résulte de la fusion de deux ministères, l’ancien ministère des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer (MTETM) et l’ancien ministère de l’écologie et du développement durable, et d’une direction générale d’administration centrale, la direction générale de l’énergie et des matières premières (DGEMP). Sa mission est de mettre le développement durable au cœur de l’action publique. Simultanément, il est le point d’application des réformes administratives programmées par le conseil de modernisation des politiques publiques, qui devraient accélérer la diminution de ses effectifs et le redéploiement de ses compétences. Ces réformes, réalisées, engagées ou prévues, auxquelles les personnels du MEEDDAT ont travaillé à marche forcée, sollicitent en profondeur leur engagement et leur motivation.

Alors que ses structures sont aujourd’hui fixées, la gestion des ressources humaines du MEEDDAT doit se donner comme priorité la mobilisation de ses agents, en utilisant toute la gamme des outils disponibles. L’augmentation de la productivité et la couverture de nouveaux besoins ne pourront pas être obtenues par le seul jeu des diminutions d’effectifs et des réorganisations subséquentes. La diminution des effectifs devra s’accompagner d’une attention accrue aux conditions de travail et à la revalorisation des rémunérations. L’acquisition de nouvelles compétences et le redéploiement des personnels nécessitent un effort de formation d’une ampleur exceptionnelle. La gestion de carrière revêt également une importance décisive pour faire émerger la nouvelle culture administrative que doit se forger le MEEDDAT. En tout état de cause, il semble nécessaire d’accorder à ce ministère une attention particulière, voire une pause sans laquelle ses objectifs risquent d’être compromis.

Tout en assurant l’intégration des contraintes du développement durable dans les politiques d’aménagement et de développement du territoire, le MEEDDAT ne doit pas perdre de vue un certain nombre de ses fonctions identitaires et doit leur allouer des effectifs adéquats.

La gouvernance à cinq, qui a pour but d’associer à la discussion des choix d’investissement de la Nation, l’ensemble des parties prenantes – élus, représentants de l’État, entreprises, syndicats et associations de protection de l’environnement – doit favoriser la réactivité du MEEDDAT et la réduction des délais de réalisation des infrastructures, et non pas introduire un facteur de blocage supplémentaire.

Par ailleurs, des effectifs suffisants doivent être alloués aux services rendus aux usagers, à l’ingénierie publique à laquelle les prestataires privés ne peuvent se substituer dans des pans entiers de territoires, ainsi qu’à la prévention des risques technologiques et naturels.

Enfin, il paraît indispensable que la gestion des ressources humaines accorde la plus grande importance au développement des compétences du réseau scientifique et technique, dont la vitalité et le haut niveau ont assuré, pour une part, la compétitivité de bon nombre d’entreprises françaises.

Pour mener à bien les chantiers de création et de mise en route du ministère, la gestion des ressources humaines au MEEDDAT doit se voir accorder les moyens nécessaires à la motivation et à la mobilisation de ses personnels, dont l’exceptionnelle capacité à se réformer a été démontrée par le passé et dont l’adhésion est aujourd’hui indispensable à la prise en compte de l’objectif ambitieux du développement durable.

PROPOSITIONS DE LA MEC

Proposition n° 1 : Les effectifs chargés de la gestion des ressources humaines au MEEDDAT, au niveau national comme au niveau régional, doivent être renforcés significativement dans les cinq années à venir.

Proposition n° 2 : Une étude prévisionnelle des conséquences budgétaires à court et à long termes, de la fusion des corps de fonctionnaires du MEEDDAT doit être fournie au Parlement avant le 31 décembre 2009.

Proposition n° 3 : La gouvernance à cinq, qui, en application du Grenelle de l’environnement, a pour objectif de rassembler, pour la discussion des choix d’investissement, les élus, les représentants de l’État, les entreprises, les syndicats et les associations de protection de l’environnement, doit accorder une place primordiale aux parlementaires, représentants de l’intérêt général. La gouvernance à cinq doit, par ailleurs, être mise en place dans le cadre des instances de concertation existantes, éventuellement modifiées à cet effet. Elle doit avoir comme objectif prioritaire de réduire les délais de réalisation des grandes infrastructures de transport qui sont excessifs en France.

Proposition n° 4 : Le Gouvernement est invité à constituer, au sein du MEEDDAT, une instance d’évaluation des choix d’investissement dans les infrastructures de transport, dont la composition soit publique, pluraliste et ouverte à des experts extérieurs, notamment universitaires, et dont les études soient communiquées au Premier ministre pour arbitrage et au Parlement pour information et contrôle, ces études traitant en particulier des conséquences économiques, sociales et environnementales des projets examinés.

Proposition n° 5 : Le Gouvernement doit arrêter et communiquer au Parlement, avant le 31 décembre 2009, et l’actualiser ensuite tous les deux ans, une liste de ses projets d’infrastructures de transports nationales ou régionales, en précisant notamment leur ordre de priorité, leur date prévisionnelle d’entrée en service, ainsi que les modalités de leur financement.

Proposition n° 6 : La fusion des directions départementales de l’équipement (DDE) avec les directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF) doit viser à maintenir et à améliorer la qualité du service aux usagers et aux collectivités territoriales.

Proposition n° 7 : Les perspectives d’évolution à moyen et long termes de l’aide technique pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (ATESAT) doivent être communiquées au Parlement avant le 31 décembre 2008.

Proposition n° 8 : Un plan national d’ingénierie du développement durable, élaboré par le MEEDDAT en concertation avec les collectivités territoriales et le secteur privé, doit établir les perspectives à dix ans des besoins, des formations, des recrutements et des filières professionnelles correspondantes.

Proposition n° 9 : Les priorités d’action de l’inspection des installations classées définies pour 2008 par le Gouvernement doivent être complétées par un plan pluriannuel à trois ans de renforcement de ses effectifs, de développement des inspections sur site et de réalisation des études de dangers.

Proposition n° 10 : Les plans de prévention des risques technologiques doivent être réalisés et mis en place avant le 31 décembre 2010, selon un programme dont les priorités et l’état d’avancement sont communiqués chaque année au Parlement en annexe au projet annuel de performances du MEEDDAT.

Proposition n° 11 : Le réseau scientifique et technique du MEEDDAT est invité à rapprocher certaines de ses composantes et à mutualiser dans toute la mesure du possible ses équipements de recherche, de manière à en améliorer les performances.

Proposition n° 12 : Les collectivités territoriales doivent être associées à la gouvernance du réseau scientifique et technique et leurs besoins de formation initiale ou continue pris en compte par les écoles de ce réseau.

INTRODUCTION

Innovation marquante dans l’organisation administrative française, le ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durable (MEDAD) a été créé par le décret du 18 mai 2007. Le décret arrêtant les structures détaillées du ministère est prévu pour le début juillet 2008. Le processus de création de ce ministère aura donc duré plus d’un an.

Dès juillet 2007, toutefois, le bureau de la commission des Finances inscrivait au programme des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle le thème de la gestion des ressources humaines au MEDAD, tant paraissaient importants les défis déjà relevés à cette date par ce ministère lors de la décentralisation et les nouveaux objectifs qu’il allait devoir atteindre.

Depuis juillet 2007, l’importance du sujet s’est encore accrue. Le MEDAD devenu en mars 2008 le MEEDDAT, ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, a en effet été appelé à participer à la modernisation des politiques publiques par des restructurations complémentaires, alors même qu’il était en pleine réorganisation.

Les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle sur la gestion des ressources humaines du MEEDDAT ont commencé, pour leur part, en avril 2008. À cette date, l’ensemble des arbitrages n’était pas encore rendu. Les responsables du ministère ont toutefois répondu aux questions de vos Rapporteurs avec disponibilité, compétence et la plus grande précision possible.

Deux spécificités de la présente mission doivent être soulignées.

En premier lieu, si le thème initial de l’étude porte sur la gestion des ressources humaines, il est rapidement apparu indispensable de prendre en compte l’évolution des structures du ministère, dans la mesure où elles constituent le cadre encore mouvant de cette gestion.

Par ailleurs, la mission est intervenue au cours d’un processus, et non pas à l’issue de celui-ci pour en analyser les effets. On comprendra donc que le présent rapport s’attache avant tout à souligner des enjeux et des objectifs, plutôt que d’évaluer les effets de réformes encore inachevées.

Conséquence logique de son calendrier particulier, la présente mission d’évaluation et de contrôle devra sans doute se prolonger au cours de l’année qui vient, afin de porter un diagnostic sur l’efficience de la gestion des ressources humaines au MEEDDAT au regard des objectifs stratégiques assignés à ce nouveau ministère.

I.– UN MINISTÈRE BOUSCULÉ PAR DES RÉFORMES SUCCESSIVES ET EXIGEANTES

Le ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (MEEDDAT) résulte de réformes successives de grande ampleur.

Le ministère des Transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer (MTETM), son prédécesseur, a été l’un des acteurs principaux de la décentralisation de 2004. À ce titre, près d’un tiers de ses effectifs ont été transférés aux départements, ce qui a entraîné une réorganisation de ses services.

Puis le ministère a expérimenté dans huit départements la fusion des directions départementales de l’équipement (DDE) et des directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF).

En mai 2007, l’ancien MTETM a fusionné avec l’ancien ministère de l’Écologie et du développement durable, ainsi qu’avec la direction générale de l’Énergie et des matières premières (DGEMP) pour constituer le ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables (MEDAD), devenu en mars 2008 le MEEDDAT.

En pleine réorganisation, le MEEDDAT doit aussi répondre aux décisions du conseil de modernisation des politiques publiques, qui prévoient une diminution de ses effectifs et une modification de ses structures régionales et de plusieurs de ses corps.

A.– LES SERVICES FOURNIS AUX DÉPARTEMENTS DE 1982 À 2003

La loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État avait prévu dans son article 4 qu’une loi ultérieure déterminerait les transferts de compétence, notamment dans le domaine des transports. La loi du 22 juillet 1983 (2) est bien intervenue à cet effet mais en limitant les transferts aux ports, aux voies d’eau et aux transports scolaires.

Le désaccord entre l’État et les départements en matière de routes, dont témoigne la loi du 22 juillet 1983, portait principalement sur la gestion des personnels d’entretien et de construction et a perduré jusqu’en 1992.

La décentralisation des routes s’est ultérieurement révélée impossible à réaliser de 1982 à 1992.

À cette date, toutefois, la loi du 2 décembre 1992 (3) a mis en place des mesures permettant ultérieurement la mise à disposition des collectivités territoriales de parties de services ou de services entiers des directions départementales de l’équipement et d’effectuer des transferts de personnels pour la maîtrise d’œuvre.

Les présidents des conseils généraux ont exercé alors sur les services ou les parties de services le pouvoir de leur donner les instructions nécessaires pour l’exécution des tâches qu’ils leur confiaient. Les tâches comme la comptabilité et la gestion des opérations de maintenance et de construction des routes ont été assurées par les départements eux-mêmes.

Des difficultés de gestion sont néanmoins apparues au sein de l’État et des collectivités territoriales et dans leurs rapports mutuels. Une nouvelle étape, cette fois décisive, a été franchie avec la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

B.– LA DÉCENTRALISATION DE 2004

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales organise la décentralisation de différentes compétences – développement économique, tourisme, formation professionnelle, développement d’infrastructures, utilisation des fonds structurels, protection de l’environnement, etc. – et d’actifs patrimoniaux – voiries, grands équipements (aérodromes, ports, canaux, etc.). Le transfert des routes représente les montants financiers les plus importants.

Les autoroutes et les routes d’intérêt national ou européen constituent, selon l’article 18 de cette loi, le domaine public routier national. Des décrets en Conseil d’État, actualisés tous les dix ans, fixent, parmi les itinéraires, ceux qui appartiennent à la catégorie d’autoroute ou de route nationale. Les autres routes sont transférées dans le domaine public routier départemental.

Au total, 17 330 kilomètres de routes ont été transférés aux départements. Les tronçons de route nationale n’ayant pas de vocation départementale mais devant rejoindre le domaine public routier communal, ont été conservés dans le domaine public routier national jusqu’à leur déclassement.

Dans le domaine de la gestion des ressources humaines, la loi du 13 août 2004 a créé un droit d’option en faveur de la fonction publique territoriale, pour les fonctionnaires de l’État exerçant leurs fonctions dans un service ou une partie de service transféré à une collectivité territoriale (4).

La loi a transformé, le cas échéant, les agents non titulaires de droit public de l’État en agents non titulaires de droit public de la fonction territoriale. La loi a permis également de réexaminer la situation des personnels en catégorie active, de manière à verser dans des métiers sans danger des personnels précédemment exposés aux risques des intempéries et du trafic routier.

Le transfert des parcs de l’équipement, une question inaboutie en 2004, a été reporté à une date ultérieure (5).

La mise en œuvre des dispositions de la loi du 13 août 2004 a constitué, pour le ministère de l’Équipement et des transports un chantier très lourd.

Avec 15 512 intégrations à la fonction publique territoriale au 31 août 2007, le transfert d’une fonction publique à l’autre, aussi complexe soit-il à mettre en œuvre, n’a représenté qu’une partie de ses tâches.

Après la réduction du kilométrage des routes placées sous leur responsabilité, les missions des directions départementales de l’équipement ont en effet été réorganisées autour des quatre activités suivantes, fondamentales pour remplir la mission du MEEDDAT : l’aménagement et l’urbanisme ; le logement, la politique de la ville et la construction ; l’environnement et les risques ; enfin, les déplacements, la sécurité des transports et la gestion des risques. Un renouvellement de leurs compétences est donc exigé des agents.

La création du nouvel échelon administratif des directions interdépartementales des routes, en charge de l’exploitation du réseau routier non transféré, a, par ailleurs, entraîné des mutations fonctionnelles et géographiques de personnels.

Au total, 60 000 agents ont vu changer leur position sur les organigrammes.

Certes, les savoir-faire déployés au niveau des administrations centrales comme au niveau local en termes de gestion des ressources humaines pour opérer cette réorganisation, ont été remarquables (6).

Si le plus grand soin a été apporté à leur information et à leur écoute, il n’en demeure pas moins que ces réorganisations en profondeur ont généré de vives inquiétudes chez les agents. Pour autant, aucune grève n’est intervenue pendant le processus de décentralisation. Mais, ainsi qu’il a été indiqué à vos Rapporteurs, « cela ne marchera pas forcément une deuxième fois » (7).

La décentralisation des routes à peine achevée, le ministère des Transports et de l’équipement a de nouveau été mobilisé dans la constitution d’un grand ministère du développement durable, impliquant non seulement de nouvelles missions, de nouvelles réorganisations administratives mais aussi un changement culturel profond.

C.– LA CRÉATION DU MEDAD EN 2007 ET DU MEEDDAT EN 2008

La création du MEDAD en mai 2007 et la modification de son intitulé en mars 2008 représentent une innovation politique et administrative d’une grande ambition.

1.– La fusion de ministères de traditions divergentes

La création du ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables (MEDAD) par le décret du 18 mai 2007 est une décision présentée comme emblématique d’une politique de développement durable dotée de moyens jusqu’alors éparpillés.

Le décret du 18 mai 2007 fusionne en effet le précédent ministère de l’Équipement, des transports, de l’aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, d’une part, et, d’autre part, le ministère de l’Écologie et du développement durable, deux ministères à part entière.

Par ailleurs, est rattaché à la nouvelle entité, l’aménagement du territoire, inscrit précédemment, de juin 2005 à mai 2007, dans le périmètre du ministère de l’Intérieur.

Enfin, la direction générale de l’Énergie et des matières premières, rattachée précédemment au ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie, passe sous l’autorité du MEDAD.

La politique du logement voit, pour sa part, sa priorité encore rehaussée, par la création du ministère du Logement et de la ville, après avoir été, de juin 2005 à mai 2007, du ressort des missions du ministère de l’Emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Établi par le décret du 18 mars 2008, le ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (MEEDDAT) succède au ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables (MEDAD), qui était issu du décret du 18 mai 2007.

Cette nouvelle dénomination explicite les missions d’un ministère dont la finalité et les contours ont été définis dès la constitution du premier gouvernement du quinquennat du Président de la République, M. Nicolas Sarkozy.

Le tableau suivant présente l’évolution, depuis 2002, des dénominations et des périmètres des entités constitutives du MEEDDAT.

LES ANTÉCÉDENTS DU MEEDDAT DEPUIS 2002

Gouvernement

Ministère

Ministère

Ministère

Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin (I)

Équipement, transports, logement, tourisme et mer – décret du 17 juin 2002

Écologie et développement durable – décret du 17 juin 2002

Fonction publique, réforme de l’État et aménagement du territoire – décret du 17 juin 2002

Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin (II)

Équipement, transports, aménagement du territoire, Tourisme et Mer – décret du 31 mars 2004

Écologie et développement durable - décret du 31 mars 2004

Secrétariat d’État au Logement – décret du 31 mars 2004

Gouvernement de M. Dominique de Villepin

Transports, équipement, tourisme, mer – décret du 2 juin 2005

Écologie et développement durable – décret du 2 juin 2005

Économie, finances et industrie – décret du 2 juin 2005

Emploi, cohésion sociale et logement – décret du 2 juin 2005

Intérieur et aménagement du territoire – décret du 2 juin 2005

Gouvernement de M. François Fillon (I)

Écologie, développement et aménagement durables – décret du 18 mai 2007

 

Logement et ville – décret du 18 mai 2007

Gouvernement de M. François Fillon (II)

Écologie, développement et aménagement durables – décret du 19 juin 2007

 

Logement et ville – décret du 19 juin 2007

Gouvernement de M. François Fillon (III)

Écologie, énergie, développement durable et aménagement du territoire – décret 18 mars 2008

   

Un véritable défi organisationnel doit être relevé par les responsables du MEEDDAT.

Il s’agit d’inscrire dans les faits la grande ambition d’un État moderne de promouvoir le développement durable, à partir d’un socle constitué de ministères de cultures et de moyens très disparates : l’ancien ministère de l’Équipement aux traditions séculaires et à l’administration très structurée, l’ancien ministère de l’Environnement aux moyens sous-dimensionnés par rapport à ses missions et un sous-ensemble de l’ancien ministère de l’Industrie lui-même rattaché au ministère de l’Économie et des finances.

2.– Un ministère à l’ambition sans équivalent en Europe

Le périmètre du MEEDDAT est, par son ampleur, sans équivalent en Europe. Son rôle comparé à celui des agences ou opérateurs est sans conteste beaucoup plus important que dans les États comparables.

Au Royaume-Uni, trois ministères exercent les compétences dévolues au MEEDDAT : le ministère de l’environnement en charge également de l’agriculture, de l’alimentation et de l’énergie, le ministère des transports et le ministère du commerce, des entreprises et de la réforme réglementaire, en charge également de la prévention des risques. En tout état de cause, il n’est pas inutile de noter que les arbitrages relatifs au développement durable sont assurés par le Premier ministre lui-même.

En Suède, les tâches correspondant au MEEDDAT sont assumées par le ministère de l’environnement et par le ministère de l’entreprise, de l’énergie et des communications.

En Allemagne, malgré les compétences exclusives des Länder pour la protection de l’environnement et le droit de la construction, les domaines de compétences du MEEDDAT sont répartis entre le ministère fédéral de l’environnement, de la protection de la nature et de la sûreté nucléaire, le ministère des transports, de la construction et des affaires urbaines et le ministère de l’économie et des technologies.

Autre originalité, la taille du MEEDDAT est largement plus grande que celle des ministères homologues. Les effectifs du MEEDDAT dépassent largement les quelques centaines d’emplois des ministères poursuivant les mêmes objectifs dans d’autres États membres de l’Union européenne (8).

Ses opérateurs sont, par ailleurs, à la fois moins nombreux que les agences en Suède et au Royaume Uni et dotés d’un rôle différent.

Comparées à la trentaine d’opérateurs à titre principal de la mission Écologie, développement et aménagement durables de la loi de finances pour 2008, les agences correspondantes sont au nombre de 130 environ au Royaume Uni et d’environ 300 en Suède.

Les agences ont pour mission, au Royaume Uni, de gérer les politiques publiques définies par les ministères, et en Suède, de mettre en œuvre sur le plan opérationnel les lois votées par le Parlement.

L’articulation entre les ministères et les agences nécessite, dans les deux pays, des améliorations permanentes. Au Royaume Uni, la tutelle des ministères sur les agences a été fortement renforcée afin d’améliorer leurs prestations aux ministères, aux usagers ou leur rôle de régulation. En Suède, où le poids des agences dépasse souvent celui des ministères, les récentes réformes ont porté sur l’amélioration de leur gouvernance, leur restructuration pouvant conduire à la privatisation de certaines d’entre elles et le statut de leurs agents publics rapproché des règles du privé.

En définitive, s’il ne semble pas exister d’architecture administrative modèle, les exemples européens montrent que les principaux problèmes à régler sont la définition d’objectifs et l’émergence d’une culture commune, la cohérence de l’action et le contrôle des performances.

La création et l’animation du MEEDDAT représentent donc, sans conteste, un défi de management.

3.– Une organisation nécessitant de nouveaux efforts d’adaptation

Le MEEDDAT est aujourd’hui confronté à un processus de réorganisation d’une ampleur considérable, au terme duquel les trente-deux directions d’administration centrale et les dix délégations interministérielles actuelles seront regroupées dans cinq directions générales.

La nouvelle direction générale de l’Énergie et du climat regroupera la précédente direction générale de l’énergie et des matières premières, une partie de la direction climat de l’ancien ministère de l’environnement, la sous-direction de la construction appartenant jusqu’alors à la direction générale de l’urbanisme et de la planification.

La direction générale des Infrastructures et des transports regroupe la direction générale des routes et la direction générale de la mer et des transports.

La direction générale de l’Aviation civile est, dans l’attente des évolutions communautaires prochaines, conservée dans ses structures actuelles qui réunissent des fonctions régaliennes, des fonctions de contrôle et des fonctions de sécurité.

La direction générale de l’Aménagement, du logement et de la nature réunira l’actuelle direction générale de l’Urbanisme et de la construction, la direction générale de l’Eau et la direction de la Nature et des paysages.

La direction générale de la Prévention des risques aura la responsabilité du traitement de l’ensemble des risques, technologiques, naturels ou chroniques.

Par ailleurs, un commissariat général au Développement durable réunira les instances statistiques des ministères fusionnés, ainsi que leurs unités chargées de l’élaboration de la stratégie.

Enfin, le secrétariat général aura pour rôle d’assurer les fonctions transversales d’animation et de coordination, en liaison étroite avec le ministre et son cabinet ainsi qu’avec le Parlement.

Les délégations interministérielles mises à disposition du MEEDDAT par les services du Premier ministre ne seront pas concernées par l’actuelle réorganisation.

D.– UN PROCESSUS DE CRÉATION FRAGILE DANS LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES

La réorganisation de l’administration centrale, indispensable pour prendre en compte les nouvelles missions du MEEDDAT, va entrer progressivement dans les faits. Avant même que ce dispositif soit éprouvé, les structures déconcentrées seront elles-mêmes en pleine réorganisation dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques.

La quasi-simultanéité des bouleversements au niveau central et au niveau local pourrait entraîner une certaine désorganisation sinon une désarticulation du ministère.

Au niveau des départements, après l’expérience positive, conduite dans huit départements depuis janvier 2007, de la fusion des directions départementales de l’équipement (DDE) avec les directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF), la généralisation à l’ensemble du territoire a été décidée par la circulaire du Premier ministre du 19 mars 2008 dans le cadre de la réforme des services territoriaux de l’État.

Elle sera réalisée au 1er janvier 2009 pour 45 départements et au 1er janvier 2010 pour 39 départements, les cas des départements d’outre-mer et de la petite couronne étant hors calendrier.

Au niveau régional, selon la circulaire du Premier ministre du 19 mars 2008, seront créées des directions régionales du Développement durable qui reprendront les compétences des directions régionales de l’équipement, y compris le logement, des directions régionales de l’environnement et des DRIRE (directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement), à l’exception, pour ces dernières, de leurs missions de développement industriel.

Trois vagues de fusion sont programmées, séparées d’une année, la première étant prévue pour janvier 2009.

La concomitance de la réorganisation des trois niveaux organisationnels - national, régional et départemental – représente à l’évidence un défi de management rarement posé dans ces termes dans les entreprises privées et une source de perplexité, sinon d’inquiétude, pour les agents du MEEDDAT.

La pression exercée sur ceux-ci est d’autant plus forte que les effectifs pourraient, simultanément, être sensiblement réduits.

D’où la nécessité d’une gestion des ressources humaines particulièrement moderne et efficace.

*

* *

II.– L’IMPÉRATIF D’UNE GESTION MOBILISATRICE POUR EMPORTER L’ADHÉSION DES PERSONNELS

La constitution et la gestion du ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire représentent un véritable défi de management.

Ce défi ne pourra pas être relevé sans mettre l’accent sur une gestion des ressources humaines permettant de mobiliser les personnels, après une première année consacrée à la définition des structures.

A– LES INTERROGATIONS SUR LES EFFECTIFS ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL

Les effectifs budgétaires du ministère des Transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, ont diminué, à périmètre constant, de 17,7 % entre 1981 et 2006.

Les effectifs du MEEDDAT, stricto sensu (9), devraient atteindre 78 141 équivalents temps plein travaillé (ETPT) au 31 décembre 2008, dont 66 581 pour le budget général et 11 560 pour le budget annexe de l’aviation civile.

ÉVOLUTION, A PÉRIMÈTRE CONSTANT, DES EFFECTIFS DU MINISTÈRE DES TRANSPORTS, DE L’ÉQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER

Source : MEEDDAT

Le tableau ci-après présente la répartition des effectifs du budget général par catégorie d’emplois, puis par échelon d’intervention.

PRÉVISIONS DES EFFECTIFS DU MEEDDAT AU 31 DÉCEMBRE 2008 (BUDGET GÉNÉRAL)

(équivalent temps plein emploi EPTE) (10)

 

Budget général

   

Budget général

A

11 897

 

Central

6 423

B

17 569

 

Régional

8 825

C

17 053

 

Interdépartemental

17 007

Exploitation

19 330

 

Départemental

31 848

Vacataires

732

 

Autres

2 478

Total

66 581

 

Total

66 581

Source : MEEDDAT

Les départs définitifs en 2007, comprenant les départs à la retraite et les autres départs, ont été chiffrés à 1 950 par le contrat de performance 2007-2009 du ministère, sur la base du périmètre du ministère des Transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Les suppressions d’emploi prévues en 2007 sont de 880, d’où un taux de suppression d’emplois de 45 %.

LES DÉPARTS À LA RETRAITE ET LES TAUX DE SUPPRESSION AU MEEDDAT

(équivalent temps plein emploi EPTE)

 

2007*

2008*

2009*

2010**

2011**

Départs définitifs

1 950

2 050

2 150

2 612

2 636

Suppression d’emplois

880

1 020

1 300

   

Taux de suppression

45 %

50 %

60 %

   

* Contrat de performance 2007-2009 – hypothèses de départs définitifs fixées avec la Direction du Budget

** Prévisions sur les effectifs du MEEDDAT hors DAOL.

Source : MEEDDAT

Les départs définitifs prévus au même contrat de performance 2007-2009 sont chiffrés à 2 050 en 2008 et 2 150 en 2009. L’objectif de taux de suppression est de 60 % en 2009.

Les dernières prévisions disponibles montrent une forte augmentation des départs à la retraite, à 2 612 en 2010 et 2 636 en 2011. Les taux de départ annuels devraient varier de 3,2 à 4,4 % selon les catégories d’emplois.

Sur la période 2009-2011, les suppressions de postes devraient atteindre 3 500 équivalents temps plein, provenant essentiellement de la modernisation des fonctions support.

Une accélération des suppressions de postes est jugée, par plusieurs syndicats, incompatible avec les ambitions du Président de la République en matière de développement durable (11).

Le non-remplacement de la moitié des départs en retraite pourrait avoir pour effet que l’affectation des agents aux fonctions de base soit prioritaire pour maintenir la cohérence du système, au détriment de l’adaptation aux nouveaux champs de compétences.

Le MEEDDAT est, selon la CGT, le ministère où les accidents de service sont les plus nombreux. La baisse des effectifs est, selon le même syndicat, la cause première de ces accidents, dans la mesure où elle met à mal les normes de sécurité. Cette baisse est également la cause d’un stress important et d’une démotivation des personnels lorsque leur charge de travail s’accroît brutalement ou qu’ils doivent prendre en charge des tâches pour lesquelles leur formation et leur expérience sont insuffisantes.

Pour Force ouvrière, c’est l’existence même du MEEDDAT qui serait compromise si le taux de suppression d’emplois dépassait 50 % des départs en retraite.

Enfin, la fusion des directions départementales de l’équipement et des directions départementales de l’agriculture et de la forêt n’exprimera tous ses avantages potentiels que dans la mesure où les personnels correspondants seront implantés dans les mêmes locaux. Loin d’être en vigueur pour le moment, ce rassemblement des équipes doit constituer un objectif prioritaire du MEEDDAT.

B.– LES RÉMUNÉRATIONS, UN PARAMÈTRE CRITIQUE

L’amélioration de la rémunération des fonctionnaires est un objectif du Président de la République, qui l’a rappelé le 11 janvier 2008 à Lille, dans ses vœux aux corps constitués et aux agents de la fonction publique.

À cet égard, selon les représentants des syndicats entendus par la MEC, la situation la plus critique est celle des bas salaires. Les recrutements des agents d’exécution par les directions départementales de l’équipement et les directions interdépartementales des routes s’effectuent en dessous du SMIC (12). Une indemnité différentielle permet d’élever leur rémunération sans toutefois leur donner de garantie à long terme.

Pour les catégories B et A, les niveaux de rémunération et leur évolution sont jugés insuffisamment attractifs par les syndicats pour recruter des compétences rares sur le marché et même pour retenir celles que le ministère possède. Les vocations pour le service public risquent à l’évidence de diminuer encore dès que le secteur privé appliquera davantage les objectifs du développement durable.

La perspective tracée par le Président de la République est celle d’un pacte de progrès avec la fonction publique, les agents dont le nombre aura diminué bénéficiant de rémunérations en hausse.

L’objectif du partage moitié-moitié des gains de productivité entre les agents et les finances publiques a été rappelé par le Président de la République lors de son discours du 11 janvier 2008. Il a également souligné que « le mérite et l’effort doivent jouer une part beaucoup plus importante dans la détermination des rémunérations des agents publics. Il faut réduire la part automatique et égalitaire au profit d’augmentations méritées, qui traduisent une reconnaissance des efforts et du mérite de chacun ».

La modulation indemnitaire est pratiquée depuis longtemps au MEEDDAT, quels que soient le corps et le niveau hiérarchique. Le traitement principal est lié au déroulement de carrière. Les indemnités sont modulées selon le mérite, par un coefficient variant de 0,8 à 1,2, avec la contrainte de compensation des plus et des moins values au niveau du budget global. Les commissions administratives paritaires pourraient avantageusement jouer un rôle accru à l’avenir, notamment pour traiter des recours indemnitaires, dont le nombre augmentera sans doute à l’avenir.

L’intéressement est rejeté pour plusieurs raisons par l’ensemble des syndicats auditionnés. Pour la CFDT, il serait difficile de définir des critères globaux pour le ministère, comme la diminution des accidents de la route ou autres phénomènes qui dépendent d’une pluralité de facteurs dont certains sont extérieurs à son action. Pour FO, le statut général de la fonction publique est incompatible avec la notion même d’intéressement, chaque fonctionnaire étant par définition responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Pour la FSU, l’intéressement nécessiterait de recourir à des indicateurs chiffrés qui peuvent présenter l’inconvénient de focaliser l’attention sur un domaine particulier au détriment des autres.

L’intéressement est toutefois mis en pratique au MEEDDAT. Dans l’acception de la direction générale du Personnel et de l’administration, il est lié à la définition préalable d’objectifs et non pas à la manière de servir. Depuis 2005, l’intéressement est mis en place pour les directeurs des administrations centrales, lié à des lettres de mission définissant des objectifs et des missions.

Les mesures catégorielles ont représenté un montant de 34 millions d’euros en 2007 et ne devraient pas dépasser 18 millions en 2008. On peut se demander si cette évolution est adaptée aux défis que le personnel du MEEDDAT doit aujourd’hui relever.

C.– LA DIVERSIFICATION DES RECRUTEMENTS

La diversification des recrutements du MEEDDAT est souhaitée par le conseil de modernisation des politiques publiques. Elle prête toutefois à des interrogations.

Pour la plupart des syndicats, le recrutement de contractuels ne présente pas par définition les garanties d’égalité et de transparence des concours de la fonction publique. Il ouvre la voie par ailleurs à la précarité, à une surcharge de travail exigé des contractuels et à un déficit de droits par rapport à ceux des titulaires.

Il n’en demeure pas moins que certains recrutements pourront difficilement s’effectuer par voie statutaire. Il en est ainsi, par exemple, de spécialistes de certains domaines, par exemple l’écologie, dont la formation et l’expérience de recherche exigent des niveaux bac+8.

Par ailleurs, les recrutements de compétences nouvelles seront de plus en plus nécessaires à l’avenir et devront s’effectuer, pour des profils confirmés, selon des modalités adaptées. À cet égard, le MEEDDAT a déjà mis en place les procédures nécessaires, en particulier des concours sur titres comportant des épreuves novatrices.

D.– LA FORMATION ET LA GESTION DES CARRIÈRES : GARANTIR LA QUALITÉ

Les formations initiales et continues sont, de par leur grande qualité, un des atouts majeurs du MEEDDAT. Ceci vaut aussi bien pour les écoles nationales que pour les centres de formation régionaux.

La formation continue revêtira une importance décisive dans les prochaines années. À cet égard, le MEEDDAT pourrait trouver avantage à mettre en place rapidement le droit individuel à la formation et le congé de formation professionnelle, tels que prévus par le décret du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l’État.

On peut s’interroger, à l’invitation des syndicats, sur le regroupement des cellules de formation, comme celles des directions départementales de l’équipement, dans la mesure où l’éloignement peut entraîner une perte de substance par l’affaiblissement du compagnonnage.

Par ailleurs, la gestion des carrières est rarement considérée comme un paramètre essentiel de l’action et de la performance, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Dans ce dernier cas, la difficulté est accrue par la taille des effectifs, la complexité des structures et la multiplicité des corps.

Compte tenu des défis qu’il doit relever, le MEEDDAT doit mettre en place des structures performantes de gestion des carrières, tant au niveau national qu’au niveau des régions. Des effectifs doivent être dégagés pour développer les structures existantes ou en créer lorsqu’elles n’existent pas.

Proposition n° 1 : Les effectifs chargés de la gestion des ressources humaines au MEEDDAT, au niveau national et au niveau régional, doivent être renforcés significativement dans les cinq années à venir.

L’évolution de carrière des agents du MEEDDAT dépend de leurs performances. Contrairement aux idées reçues, l’avancement d’échelon, qui entraîne une augmentation de traitement, dépend des performances de l’agent et non pas seulement de son ancienneté. L’avancement de grade, qui permet d’accéder à des fonctions supérieures, dépend de la valeur professionnelle de l’agent dans le cadre de l’avancement au choix ou de la réussite à un examen ou à un concours professionnel.

À ce titre, le MEEDDAT est, depuis plusieurs années, en pointe pour la valorisation des compétences et de l’expérience professionnelle. Faisant figure d’exemple à ce titre pour d’autres ministères, la méthode du MEEDDAT s’est trouvée confortée par le Président de la République, qui dans son discours du 11 janvier 2008 a déclaré : « les modalités de promotion de la fonction publique doivent évoluer. Il faut faire une place plus importante à la promotion interne et supprimer l’académisme des concours internes au profit de la prise en compte de l’expérience professionnelle. »

La mobilité est un paramètre important de la progression de carrière. Ses avantages sont multiples pour l’institution. Elle démontre une volonté de progresser, une capacité d’adaptation, tout en garantissant l’absence de relations privilégiées entre un agent et l’extérieur, la sélection des meilleurs potentiels et la diffusion des idées et des bonnes pratiques.

La mobilité au MEEDDAT, qui se révèle satisfaisante, pourrait encore s’améliorer. La bourse interministérielle de l’emploi public mériterait d’être déclinée par la mise en place de bourses d’emploi régionales du MEEDDAT.

La mobilité des agents contractuels de droit public mérite sans doute d’être améliorée. Ainsi que le prévoit le projet de loi, lorsqu’une personne morale de droit public voit s’opérer un transfert de ses activités à une autre personne morale de droit public, les agents non titulaires de la première peuvent se voir proposer un contrat de même nature par la seconde. On peut se demander s’il ne serait pas nécessaire d’aller plus loin et d’étudier les conditions sous lesquelles cette mobilité pourrait ne plus être liée au transfert d’activité.

Enfin, la suppression de directions départementales et de directions générales au niveau central pose des problèmes majeurs de progression de carrière. Il n’est pas acquis que des postes d’adjoints suffisent à satisfaire les attentes des fonctionnaires de direction dont les postes sont supprimés.

D’une manière générale, pour la plupart des catégories, il existe des déficits de postes pour accueillir les bénéficiaires de promotions.

E.– NE PAS SOUS-ESTIMER L’IMPACT BUDGÉTAIRE DES FUSIONS DE CORPS

La fusion des corps est une évolution administrative actuellement privilégiée. Plusieurs avantages en sont attendus. La gestion des ressources humaines devrait en être simplifiée. La mobilité des personnels en serait facilitée.

Ce processus est entamé au MEEDDAT. En 2002, le corps des ingénieurs des Ponts et chaussées a fusionné avec les corps des ingénieurs géographes, de l’aviation civile et de la météorologie. Ce processus devrait, selon toute probabilité, s’accélérer dans les prochaines années.

Le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 a décidé la fusion du corps des ingénieurs des Ponts et chaussées et du corps des ingénieurs du Génie rural, des eaux et des forêts. Il en est de même pour le corps des Mines et celui des Télécommunications.

Ces fusions sont emblématiques de la création d’un grand ministère chargé du développement durable. L’objectif est de donner une souplesse à la gestion des crédits de personnel pour mieux atteindre les objectifs des programmes.

Il serait toutefois souhaitable de disposer d’informations plus précises, à la fois sur les effectifs concernés et sur l’impact budgétaire des fusions de corps.

Les documents annexés aux projets de lois de finances et de lois de règlement ne présentent plus, en effet, en application de la LOLF, que les effectifs en équivalents temps plein travaillé, sans plus de détails concernant les effectifs de chacun des corps.

En tout état de cause, plusieurs difficultés sont à surmonter pour opérer la fusion des corps.

Chacun des corps du MEEDDAT correspond à des missions spécifiques exécutées par les personnels qui les composent. La fusion des corps ne supprime pas la particularité des missions. Si, au terme de la fusion de deux corps, il peut être envisagé qu’une mission relevant précédemment de l’un soit effectuée par un membre de l’autre, c’est nécessairement au prix d’une formation et sans doute après une expérience préalable à un niveau de responsabilité inférieur.

L’accroissement de la mobilité ne peut être immédiat et demande, en tout état de cause, d’importants investissements de formation.

Par ailleurs, l’effort financier pour combler des différences de régimes indemnitaires n’est pas à négliger.

Dans la pratique, la création du MEEDDAT va conduire à la mise en concurrence pour un même poste, par exemple de direction régionale du développement durable, de fonctionnaires appartenant à des corps différents avec des différences de rémunération indemnitaire pouvant aller jusqu’à 50 %. Une telle situation n’est pas acceptable dans la durée. La mise à niveau des rémunérations présentera un coût qu’on ne saurait négliger. La proposition syndicale de constituer des commissions administratives paritaires communes à plusieurs corps pourrait être mise à l’étude.

La fusion du corps des Ponts et chaussées et de celui du Génie rural et des eaux et forêts devra prendre en compte le décalage temporel entre les deux corps pour le versement des primes. Pour d’autres corps, on peut s’attendre que l’harmonisation des régimes indemnitaires se fasse par le haut. À plafonds budgétaires constants, des économies devront être faites ou des moyens supplémentaires devront être alloués.

La dépense de rattrapage pour tous les agents des corps techniques est estimée à 140 millions d’euros. Pour la fusion des corps des Ponts et chaussées et du Génie rural et des eaux et forêts, la dépense est estimée à 8 millions d’euros.

Proposition n° 2 : Une étude prévisionnelle des conséquences budgétaires, à court et à long termes, de la fusion des corps de fonctionnaires du MEEDDAT doit être fournie au Parlement avant le 31 décembre 2009.

F.– L’IDENTITÉ DU MINISTÈRE : UN LONG CHEMIN

Plus d’une année aura été nécessaire pour passer de la création du MEDAD par le décret du 18 mai 2007 à l’organisation détaillée du MEEDDAT, dont le décret correspondant est attendu pour le début juillet 2008.

Il était sans doute inévitable que la mise au point de l’organisation d’un ministère aux responsabilités aussi étendues soit longue et complexe.

L’impact négatif de cette durée, amplifié par une communication interne sans doute insuffisante, ne doit pas être sous-estimé.

Lors de la table ronde tenue devant la MEC, les syndicats ont été unanimes à souligner l’adhésion de principe de la majorité du personnel au projet de création d’un grand ministère doté de tous les moyens nécessaires pour mettre en œuvre un développement durable et donner à la France une avance dans ce domaine.

Mais ils ont été également unanimes à souligner la démoralisation d’une grande partie du personnel, désorienté par l’incertitude qui a régné pendant une durée trop longue, de leur point de vue, sur les structures du ministère. Cette incertitude règne encore sur les conséquences pratiques des réorganisations projetées dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP).

Autre défi à relever par le MEEDDAT, les cultures de ses différentes composantes, au demeurant très différentes, vont devoir évoluer pour former une synthèse originale.

Si l’on prend le seul exemple de l’énergie, la culture industrielle, volontariste et centralisatrice de la direction générale de l’Énergie et des matières premières va devoir évoluer pour prendre davantage en compte d’une part les énergies dites décentralisées, c’est-à-dire produites localement, au demeurant souvent renouvelables, et, d’autre part, la lutte contre le changement climatique qui passe par un accent plus fort mis sur les économies d’énergie et les énergies nouvelles dans les transports et le résidentiel tertiaire.

L’éclatement des directions régionales de l’industrie et de l’environnement (DRIRE), dont les missions d’aide au développement de l’industrie et de métrologie sont rattachées au ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi (MEIE) depuis le décret du 18 mars 2008, est jugé, par certains syndicats, comme une difficulté supplémentaire à surmonter. En tout état de cause, les contacts étroits au niveau local entre agents du MEEDDAT et agents du MEIE, semblent utiles pour l’émergence d’une culture commune.

Quoi qu’il en soit, les processus d’hybridation culturelle dans les organisations seront très longs.

Une culture d’entreprise ou d’organisme se forge essentiellement par des expériences partagées. La tâche sera d’autant plus complexe que l’arbitrage entre les exigences du développement économique et celles de sa durabilité est supposé se faire à chaque niveau du ministère. Une logique nouvelle est donc à mettre en place là où prévalaient des cultures essentiellement techniques.

Les fusions d’entreprise ont conduit au développement d’outils de gestion pour favoriser et hâter l’émergence d’une culture commune. Ces outils – communication interne, séminaires d’intégration, développement de l’esprit d’équipe, gestion des carrières, etc. – devront être utilisés massivement, tant l’émergence d’une culture commune est vitale pour la réussite du MEEDDAT.

*

* *

III.– ADAPTER LES EFFECTIFS NÉCESSAIRES AU DÉVELOPPEMENT DE LA PERFORMANCE, DES SERVICES, DE LA SÉCURITÉ ET DES COMPÉTENCES

Dépendant de la structure du ministère et de ses objectifs, la gestion de ses ressources humaines doit œuvrer pour mettre à sa disposition des personnels qualifiés et motivés.

Si le MEEDDAT se voit investi de nouvelles missions, il ne saurait se désengager de celles qu’il remplit de longue date dans des domaines clés.

Le présent rapport met l’accent sur les missions du MEEDDAT dont vos Rapporteurs ainsi que M. David Habib, Président de la MEC, ont tenu à souligner l’importance.

A.– DES MODES DE DÉCISION PERFORMANTS

Confronté à une multitude de projets, le MEEDDAT ne peut pas s’épuiser dans la gestion d’instances de concertation trop nombreuses, ni dans la conduite de projets indéfiniment reportés dans le temps.

Au contraire, ses structures doivent être organisées de manière à atteindre la meilleure performance possible dans les délais de réalisation et la rationalité des choix d’investissements.

1.– La gouvernance à cinq

La mise en place d’une gouvernance à cinq constitue l’un des aboutissements du Grenelle de l’environnement. Il s’agit de mettre en place un cadre formalisé de discussion des choix d’investissement de la Nation, rassemblant l’ensemble des parties prenantes : élus, représentants de l’État, entreprises, syndicats et associations de protection de l’environnement.

Si la gouvernance à cinq était mise en place au niveau local, alors il s’agirait d’une nouvelle étape de discussion de chaque projet d’investissement, dont on peut se demander si elle ne ferait pas double emploi avec des processus existants, comme l’enquête d’utilité publique ou les débats organisés par les commissions particulières du débat public.

La gouvernance à cinq pourrait être, au contraire, mise en place au niveau national. Il s’agirait alors de discussions sur les grandes orientations d’investissement en infrastructures, au regard de leurs dimensions économique, sociale et environnementale. La discussion pourrait également porter sur les indicateurs de développement durable.

En tout état de cause, il est souhaitable d’examiner dans quelle mesure les institutions existantes pourraient, moyennant d’éventuelles modifications de leur composition, prendre en charge ces discussions.

Les effectifs du MEEDDAT, confrontés à une multiplication de leurs tâches, ne doivent pas être mobilisés en trop grand nombre, pour l’animation de ces instances.

On peut attendre de la gouvernance à cinq qu’elle permette d’améliorer l’information du public et de réduire les oppositions de certaines parties prenantes. Il est à l’inverse permis de redouter que les coagulations d’intérêts particuliers soient inchangées au terme d’un processus qui n’aurait pas fait émerger la priorité de l’intérêt général.

En tout état de cause, il semble indispensable que la gouvernance à cinq n’allonge pas davantage les délais de réalisation des grandes infrastructures. Elle ne saurait entraver les efforts du MEEDDAT, auquel il est par ailleurs demandé réactivité et efficacité pour placer la France sur le chemin du développement durable.

2.– Réduire les délais de réalisation des grandes infrastructures

Le processus de réalisation d’une infrastructure de transport – autoroute ou ligne à grande vitesse – est, en France, l’un des plus complexes et les plus longs de l’Union européenne.

En prenant comme point de départ, non pas la date de la première formulation du projet mais celle de l’enclenchement des procédures, la durée totale est de l’ordre de 15 ans et atteint souvent 20 ans en cas de contentieux, de retards dans les libérations foncières et dans le financement.

Le tableau suivant résume les principales étapes et leur durée.

DÉLAI DE RÉALISATION DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT EN FRANCE

Étape de la procédure

Durée moyenne

Préparation de la saisine de la commission nationale du débat public (CNDP)

1 an

Décision de la CNDP, organisation et tenue du débat public, prise de décision

1,5 an

Étude de tracé, concertation, choix de tracé

2 ans

Études d’avant-projet sommaire, enquête publique, déclaration d’utilité publique

3 ans

Dévolution éventuelle d’un contrat de partenariat

1,5 an

Études de projet, enquêtes complémentaires (loi sur l’eau)

1 an

Acquisition de terrains, archéologie préventive, remembrement, construction et mise en service

5 ans

Durée totale minimale

15 ans

Complications additionnelles éventuelles : dépassement des délais ci-dessus notamment dans la libération des emprises foncières et la mise en place des financements ; contentieux,

5 ans

Durée totale fréquente

20 ans

Source : MEEDDAT, Direction générale du personnel et de l’administration

Selon les informations communiquées à vos Rapporteurs, les délais de réalisation observés en France sont supérieurs à ceux observés dans d’autres États membres.

On note toutefois une tendance quasi générale, quel que soit l’État membre considéré, à l’allongement des délais, tendance que les gouvernements s’efforcent de contrecarrer.

Au Royaume-Uni, le délai actuellement requis pour réaliser un tronçon autoroutier est de l’ordre de 10 ans. L’agence britannique tente actuellement d’accélérer les procédures de façon à réduire le délai total de réalisation à 7 ans (13).

En Espagne, les délais de réalisation s’étagent entre 7 et 10 ans. La phase des acquisitions foncières et de réalisation des travaux, qui représente 2 à 3 ans, est celle qui « dérape » le plus souvent et doit être mieux maîtrisée, en particulier pour les grands projets.

Par comparaison avec les exemples ci-dessus, la France ne semble donc pas particulièrement bien placée. À multiplier les études préalables chronophages et les contentieux sur leurs modalités de réalisation, les délais s’allongent et l’insatisfaction des usagers potentiels croît ; de plus, les coûts directs de l’infrastructure augmentent ainsi que ses coûts indirects, notamment financiers.

Dans ces conditions, la formalisation en cours des modalités de la gouvernance à cinq revêt une importance considérable. Il est impératif de ne pas introduire des délais supplémentaires alors que la France est déjà l’un des États membres les moins performants dans ce domaine.

Proposition n° 3 : La gouvernance à cinq, qui, en application du Grenelle de l’environnement, a pour objectif de rassembler, pour la discussion des choix d’investissement, les élus, les représentants de l’État, les entreprises, les syndicats et les associations de protection de l’environnement, doit accorder une place primordiale aux parlementaires, représentants de l’intérêt général. La gouvernance à cinq doit être mise en place dans le cadre des instances de concertation existantes, éventuellement modifiées à cet effet. Elle doit avoir comme objectif prioritaire de réduire les délais de réalisation des grandes infrastructures de transport qui sont excessifs en France.

3.– Le choix et la programmation des grands projets d’infrastructure

Dans son rapport budgétaire pour 2008, M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a indiqué que l’impasse de financement pour les projets d’infrastructures de transport actuellement arrêtés, est de 10,5 milliards d’euros, compte non tenu des projets proposés par le Grenelle de l’environnement et décidés par le Président de la République.

D’où l’importance encore accrue du calcul économique pour le choix des investissements futurs et leur programmation.

La nouvelle structuration du MEEDDAT assigne à son commissariat général au développement durable, la mission de fixer le référentiel des études ainsi que des normes de qualité pour celles-ci. Il reste à définir la composition du groupe d’experts chargés d’assister le Commissariat général.

La réalisation des études proprement dites resterait de la responsabilité de la direction générale concernée.

Le rapport du conseil de modernisation des politiques publiques en date du 4 avril 2008 indique que le Gouvernement a déjà engagé la révision du référentiel de calcul économique des grands projets d’infrastructure.

En tout état de cause, il semble de la plus haute importance que le MEEDDAT se dote d’une ou plusieurs instances d’évaluation des choix d’investissements. Ces instances devraient comprendre des représentants, puisés dans ses effectifs, de toutes les disciplines, et faire un appel systématique à des experts extérieurs, notamment universitaires, de manière à multiplier les points de vue.

Proposition n° 4 : Le Gouvernement est invité à constituer, au sein du MEEDDAT, une instance d’évaluation des choix d’investissement dans les infrastructures de transport, dont la composition soit publique, pluraliste et ouverte à des experts extérieurs, notamment universitaires, et dont les études soient communiquées au Premier ministre pour arbitrage et au Parlement pour information et contrôle, ces études traitant en particulier des conséquences économiques, sociales et environnementales des projets examinés.

Dans le contexte actuel de foisonnement des projets d’infrastructures et de pénurie de moyens budgétaires, une hiérarchisation des investissements est seule de nature à utiliser au mieux des ressources rares et à éviter de décevoir les usagers potentiels.

Proposition n° 5 : Le Gouvernement doit arrêter et communiquer au Parlement, avant le 31 décembre 2009, et l’actualiser ensuite tous les deux ans, une liste de ses projets d’infrastructures de transports nationales ou régionales, en précisant notamment leur ordre de priorité, leur date prévisionnelle d’entrée en service, ainsi que les modalités de leur financement.

B.– LA PRIORITÉ DU SERVICE RENDU AUX USAGERS

L’ancien ministère des Transports et de l’équipement a fait partie des ministères dont les contacts avec les usagers – particuliers ou collectivités territoriales – et les services rendus ont été parmi les plus appréciés.

La proximité et la qualité de ces services ne peuvent être remises en cause, alors que des investissements nombreux et importants devront être réalisés dans le domaine des économies d’énergie ou de protection de l’environnement, par exemple, afin de mettre en pratique le développement durable.

1.– Les services aux usagers

Les services de proximité assurés par le MEEDDAT dans les départements sont d’une grande utilité. Les subdivisions territoriales ou antennes des directions départementales de l’équipement constituées à cet effet répondent aux interrogations des usagers, des personnels et des élus des petites communes.

Le MEEDDAT ne devrait pas restreindre les services rendus par ces antennes et les compétences des agents qui y sont affectés.

Proposition n° 6 : La fusion des directions départementales de l’équipement (DDE) avec les directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF) vise à maintenir et à améliorer la qualité du service aux usagers et aux collectivités territoriales.

Les engagements pris de ne pas restreindre l’aide technique pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (ATESAT) devront également être tenus à l’avenir.

Proposition n° 7 : Les perspectives d’évolution à moyen et long et termes de l’aide technique pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (ATESAT) doivent être communiquées au Parlement avant le 31 décembre 2008.

2.– L’ingénierie publique

L’ingénierie publique assure deux missions. L’ingénierie pour compte propre constitue l’ingénierie intégrée de l’État pour ses missions propres. L’ingénierie des services déconcentrés fournit des prestations techniques aux collectivités territoriales.

L’ingénierie pour le compte des collectivités territoriales a fait l’objet, en 1999, d’un plan de modernisation, nécessaire pour répondre à l’intercommunalité, à la mise en œuvre des mesures de protection de l’environnement (air, eau, traitement de déchets), à l’ouverture à la concurrence des marchés publics d’ingénierie. En conséquence, les types de prestations et les domaines d’intervention ont été élargis et de nouveaux outils de gestion ont été mis en place (14).

L’ingénierie publique doit, selon le conseil de modernisation des politiques publiques en date du 4 avril 2008, se désengager progressivement des tâches pouvant être prises en charge par le secteur privé et se redéployer vers les nouveaux domaines d’expertise du développement durable.

L’ingénierie publique, dans les faits, a déjà largement investi ces nouveaux domaines de compétence. Pour autant, elle ne peut se désengager d’un coup des domaines d’intervention traditionnels, en l’absence d’offres de services alternatives constatées et confirmées.

En termes d’effectifs, les prestations techniques apportées aux collectivités territoriales représentent, selon la loi de finances pour 2008, un total d’environ 11 200 équivalents temps plein travaillé (ETPT), sur un total de 17 042 pour le programme n °113 Aménagement, urbanisme et ingénierie publique.

Le conseil de modernisation des politiques publiques dans sa réunion du 4 avril 2008 a prescrit un redéploiement d’une partie des effectifs de l’ingénierie dite concurrentielle, « l’État n’ayant pas vocation à concurrencer l’offre privée » (15).

Cette orientation soulève au moins quatre questions.

Certaines prestations d’ingénierie publique étant gratuites (16) et d’autres facturées à des niveaux peu élevés (17), on peut redouter que les dépenses d’ingénierie à la charge des collectivités territoriales augmentent en cas de recours à des bureaux d’études privés.

D’ailleurs, l’ingénierie publique est appréciée par les collectivités territoriales pour sa proximité, sa connaissance du territoire, son indépendance et sa neutralité par rapport aux entreprises du BTP. Il est loin d’être établi que le recours à l’ingénierie privée conduise à une diminution des coûts globaux de réalisation.

Au demeurant, pour le moment, l’ingénierie publique pour le compte des collectivités locales ne pourrait pas toujours être remplacée par des bureaux d’études concurrents privés, soit parce que, localement, il n’en existe pas, soit parce qu’ils ne disposent pas encore de compétences dans les nouveaux domaines du développement durable.

Enfin, en réduisant le rôle de l’ingénierie publique, l’État perdrait un moyen important d’impulsion de ses politiques territoriales, alors même qu’il inscrit le développement durable au premier rang de ses priorités.

Proposition n° 8 : Un plan national d’ingénierie du développement durable, élaboré par le MEEDDAT en concertation avec les collectivités territoriales et le secteur privé, doit établir les perspectives à dix ans des besoins, des formations, des recrutements et des filières professionnelles correspondantes.

C.– DES COMPÉTENCES ET DES EFFECTIFS POUR LA SÉCURITÉ

La catastrophe survenue dans l’enceinte de l’usine AZF proche de Toulouse, le 21 septembre 2001, a mis l’accent sur la nécessité de renforcer encore, en France, la protection contre les risques technologiques et industriels.

L’augmentation des effectifs de l’inspection des installations classées est, depuis lors, une demande constante du Parlement et un engagement renouvelé de tous les gouvernements.

Dès après la catastrophe, le gouvernement avait résolu de faire passer le nombre d’inspecteurs de 870 équivalents temps plein en 2001 à 1 020 en 2002.

Pour sa part, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la sûreté des installations industrielles (18) avait recommandé, en janvier 2002, le doublement des effectifs de l’inspection des installations classées à l’horizon 2005.

Les effectifs ont, dans les faits, augmenté, mais le rythme observé a été plus lent qu’espéré.

L’augmentation a été de 50 % entre 1998 et 2004. 300 postes supplémentaires ont été créés entre 2005 et 2007. En 2007, le nombre d’agents était de 1 484, représentant 1 184 équivalents temps plein, contre 581 équivalents temps plein en 1995.

L’évolution des effectifs va ainsi dans le bon sens. Mais elle est inférieure aux attentes et est effectuée avec retard.

La tâche de l’inspection à l’avenir est pour autant considérable. C’est pourquoi, après le programme de modernisation et de renforcement de l’inspection des installations classées en DRIRE engagé de 2004 à 2007, l’année 2008 verra la mise en œuvre d’un nouveau plan pluriannuel de modernisation de l’inspection, qui fixera les objectifs et leur déclinaison technique et organisationnelle.

La formation des nouveaux inspecteurs est une entreprise de longue haleine. Compte tenu de leur technicité et de leur utilité, la revalorisation des rémunérations est une condition critique pour les conserver en fonction dans l’administration. Par ailleurs, un allègement des tâches de gestion des inspecteurs est impératif pour leur permettre d’être davantage présents sur le terrain, en particulier sur les 660 sites à hauts risques.

En tout état de cause, l’application de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages présente un bilan décevant.

Selon son article 8, les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) devaient être élaborés et approuvés dans un délai de cinq ans suivant la publication de la loi.

Sur les 420 PPRT à mettre en place sur le territoire national en application de la loi, seuls 2 l’étaient effectivement fin 2007, ainsi que l’indique le rapport annuel de performances annexé à la loi de règlement pour 2007. En conséquence, fin juillet 2008, l’objectif fixé par la loi du 13 juillet 2003 ne sera rempli qu’à hauteur de 5 % environ (19).

Si la préparation des plans de prévention des risques technologiques s’est révélée plus complexe que prévu, il n’en reste pas moins que le contrôle des 660 sites à hauts risques représente une priorité. Ceux-ci ont fait l’objet en 2007 de 1 618 visites d’inspection, en hausse de 3,5 % par rapport à 2006.

Les inspections des sites et les études de dangers doivent à l’avenir constituer la priorité des priorités du MEEDDAT. Les moyens correspondants doivent en conséquence être affectés à l’inspection des installations classées.

Proposition n° 9 : Les priorités d’action de l’inspection des installations classées définies pour 2008 par le Gouvernement doivent être complétées par un plan pluriannuel à trois ans de renforcement de ses effectifs, de développement des inspections sur site et de réalisation des études de dangers.

Proposition n° 10 : Les plans de prévention des risques technologiques doivent être réalisés et mis en place avant le 31 décembre 2010, selon un programme dont les priorités et l’état d’avancement sont communiqués chaque année au Parlement en annexe au projet annuel de performances du MEEDDAT.

D.– LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES TECHNIQUES

Le ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a pour mission centrale la mise en œuvre du développement durable, concept à préciser dans de nombreux domaines, au moyen de politiques innovantes. Le réseau scientifique et technique est, dans ces conditions, appelé à jouer un rôle décisif pour développer les moyens techniques correspondants.

Ce réseau se compose d’organismes scientifiques et techniques (20), d’écoles (21), de services techniques centraux (22) et des centres d’études techniques de l’équipement (23).

Au total, le réseau scientifique et technique comptait, fin 2007, environ 14 700 agents, dont 1 710 chercheurs.

En formant des ingénieurs de haut niveau, à la pointe des techniques du secteur des BTP, et en participant au progrès scientifique et technique, ce réseau a joué un rôle important dans l’expansion des entreprises françaises et leur conquête du marché mondial.

Les écoles d’ingénieurs du MEEDDAT, en particulier l’École nationale des ponts et chaussées et l’École nationale des travaux publics de l’État, représentent un atout considérable non seulement du ministère mais aussi de l’économie française tout entière. Ces écoles dont les diplômés sont recrutés par le MEEDDAT mais aussi par les entreprises privées du BTP et des autres secteurs d’activité, ont largement contribué à porter le réseau scientifique et technique et les entreprises françaises aux tout meilleurs rangs mondiaux.

Une diminution forte sur longue période des recrutements par l’État d’ingénieurs formés par ces écoles, non seulement les affaiblirait en termes de volumes de formations à dispenser mais distendrait leurs liens avec la puissance publique, dont le rôle d’impulsion et d’orientation restera pourtant fondamental en matière d’infrastructures et de développement durable.

C’est le réseau scientifique et technique qui doit aujourd’hui permettre l’évolution des technologies de construction et d’aménagement vers une meilleure qualité environnementale. Il convient donc de préserver son potentiel de recherche et d’innovation.

Plusieurs évolutions pourraient permettre de dynamiser le réseau.

Proposition n° 11 : Le réseau scientifique et technique du MEEDDAT est invité à rapprocher certaines de ses composantes et à mutualiser dans toute la mesure du possible ses équipements de recherche de manière à en améliorer les performances.

Proposition n° 12 : Les collectivités territoriales doivent être associées à la gouvernance du réseau scientifique et technique et leurs besoins de formation initiale ou continue pris en compte par les écoles de ce réseau.

*

* *

CONCLUSION

Pour le MEEDDAT, investir les nouveaux domaines du développement durable avec des effectifs en diminution présente le risque d’entraîner un désinvestissement de ses missions traditionnelles.

La mission d’évaluation et de contrôle souligne l’importance de quelques-unes de celles qui ne sauraient souffrir un quelconque désengagement.

Une évaluation et un contrôle renouvelés sont à l’évidence à programmer dans les prochains mois.

Il s’agira alors, non seulement de constater les suites données au présent rapport, mais aussi de vérifier si les défis de la création du MEEDDAT et de la réorganisation de ses services ont permis de rendre l’action de l’État plus efficace dans le domaine du développement durable, sans oublier ses activités identitaires.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mardi 24 juin 2008, votre Commission a procédé à l’examen des conclusions du présent rapport.

Le Président Didier Migaud a rappelé que, dès l’été 2007, la commission des Finances a constitué une mission d’évaluation et de contrôle sur la gestion des ressources humaines au ministère chargé du développement durable et sur les problèmes systémiques éventuellement rencontrés par ce « super ministère », créé après avoir subi la décentralisation et concerné par la révision générale des politiques publiques (RGPP). La commission des Affaires économiques a été associée aux travaux de la mission et les deux rapporteurs ont suivi de près, au cours de la précédente législature, les questions de décentralisation.

M. Jean Launay, Rapporteur de la MEC, a souligné que le rapport présenté est un rapport d’étape et que l’importance du sujet nécessite qu’une suite lui soit donnée.

Il a rappelé la création du ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durable (MEDAD) en mai 2007, sa transformation en ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (MEEDDAT), en mars 2008, le décret d’organisation étant attendu pour juillet 2008, au terme d’un processus dépassant une année.

Auparavant, un tiers des effectifs de son prédécesseur, le ministère des Transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer (MTETM), avait été transféré aux départements en application de la décentralisation de 2004, ce qui a entraîné une réorganisation de ses services. Une expérimentation de la fusion des directions départementales de l’équipement (DDE) et des directions départementales de l’agriculture et des forêts (DDAF) a été réalisée dans huit départements dont le Lot.

Aujourd’hui, le MEEDDAT est un ministère d’un périmètre sans équivalent en Europe, qui va mettre en œuvre une réorganisation majeure, avec le passage de trente-deux directions d’administration centrale à cinq directions générales, un commissariat général et un secrétariat général. Sans attendre que ce dispositif soit éprouvé, le ministère généralisera avant 2010 la fusion des DDE et des DDAF en métropole hors la petite couronne et réalisera, avant 2012, le regroupement des directions régionales de l’équipement (DRE), des directions régionales de l’environnement (DIREN) et des directions de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE).

Les réorganisations aux trois niveaux, national, régional et départemental, inquiètent les agents du ministère et ne doivent pas entraîner la désorganisation, ou pire la désarticulation, de ce dernier.

M. Michel Piron, Rapporteur de la MEC, a ensuite présenté les douze propositions de la mission.

Pour effectuer les réorganisations nécessitées par les suppressions de postes, 3 500 équivalents temps plein environ sur la période 2009-2011, consécutives au non-remplacement de la moitié au moins des départs en retraite et pour mobiliser les personnels sur les nouvelles ambitions du MEEDDAT, il est impératif de développer, avec les effectifs adéquats, la fonction de gestion des ressources humaines dans ce ministère (proposition n° 1).

La fusion des corps, qui apparaît nécessaire pour rapprocher des cultures administratives différentes, nécessite une évaluation précise de ses conséquences budgétaires (proposition n° 2).

La « gouvernance à cinq » proposée par le Grenelle de l’environnement doit accorder une place primordiale aux élus et avoir comme objectif prioritaire la réduction des délais de réalisation des infrastructures de transport qui sont actuellement, en France, largement supérieurs à ceux de plusieurs autres États membres de l’Union européenne (proposition n° 3).

Pour évaluer les coûts respectifs des différents projets d’infrastructures de transport et déterminer les meilleurs choix, une instance d’évaluation pluraliste doit être créée au sein du MEEDDAT, dont les études seront communiquées au Premier ministre pour arbitrage et au Parlement pour information et contrôle (proposition n° 4). Les priorités, les dates d’entrée en service et les modalités de financement des projets retenus devront être communiquées au Parlement avant la fin 2009 et actualisées ensuite tous les deux ans (proposition n° 5).

Les services de proximité aux usagers et aux collectivités territoriales rendus par le MEEDDAT ainsi que l’aide technique pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (ATESAT) ne peuvent être remis en cause par la réorganisation des services déconcentrés mais doivent, au contraire, être confortés à cette occasion (propositions n° 6 et 7). Un plan national d’ingénierie du développement durable doit établir les perspectives de l’ingénierie publique (proposition n° 8).

Assurant une fonction régalienne fondamentale du MEEDDAT, les effectifs de l’inspection des installations classées doivent faire l’objet d’un plan pluriannuel à trois ans de renforcement de ses effectifs (proposition n° 9), complété par un programme de réalisation et de mise en place des plans de prévention des risques technologiques dont les résultats figurent dans le rapport annuel de performances du MEEDDAT (proposition n° 10).

Pour assumer son rôle clé dans la mise au point de la politique de développement durable, le réseau scientifique et technique du MEEDDAT doit être renforcé par une mise en commun accrue des moyens de ses différentes composantes, les collectivités territoriales étant associées à sa gouvernance et leurs besoins de formation mieux pris en compte (propositions n° 11 et 12).

Le Président Didier Migaud a remercié les Rapporteurs pour la qualité de leur travail ainsi que pour les propositions qu’ils ont émises. Il leur a demandé s’ils estimaient pertinente la nouvelle architecture de ce ministère, à laquelle il s’est lui-même déclaré favorable.

M. Michel Piron, Rapporteur de la MEC, a indiqué qu’il ne remettait pas en cause l’idée du regroupement de ces administrations en une seule structure ministérielle, mais qu’il fallait l’organiser, puisque, selon Spinoza, « toute idée perd en compréhension ce qu’elle gagne en extension ».

M. Jean Launay, Rapporteur de la MEC, a signalé que les propositions du rapport peuvent être regroupées en plusieurs blocs.

S’agissant du choix des infrastructures, il est indispensable de mettre fin au va-et-vient des décisions, comme pour le projet de ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse équipée de rames pendulaires, adopté à la grande satisfaction des collectivités territoriales puis rejeté sans explication par le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) de décembre 2003. De façon générale, en matière de transports, s’agissant d’investissements structurants, il est nécessaire de décider en coopération avec les collectivités territoriales.

S’agissant de l’ingénierie publique, la mission souhaite son maintien non pas pour des raisons de doctrine, mais parce que, loin d’être un frein, elle est un moteur du développement économique.

Le contrôle des risques technologiques est également un point sur lequel le ministère doit exercer toutes ses compétences. Les élus de la région Midi-Pyrénées n’ont pas oublié la catastrophe d’AZF, en septembre 2001.

Les réseaux du MEEDDAT doivent être associés aux entreprises. Des pans entiers de savoir-faire, qui pourraient pâtir de la réorganisation en cours, doivent être sauvegardés.

À titre personnel, M. Jean Launay, Rapporteur de la MEC, a estimé que le poids de la réorganisation des structures ne devait pas bloquer l’organisation décisionnelle du ministère. À titre d’exemple, la notion de « mieux-disant environnemental » qu’il avait préconisée il y a dix ans n’est toujours pas prise en compte dans les cahiers de charges de concessions telles que celles des barrages hydroélectriques. Faudra-t-il attendre la nomination d’un nouveau directeur de la direction Énergie et climat pour aboutir à une réécriture de ces cahiers de charges ? Trop pyramidale, la structure peut être paralysée.

Le bouleversement de l’organisation de ce ministère a été ressenti comme un véritable choc par les personnels, aussi bien pour les agents d’exécution que pour le personnel d’encadrement, même pour ceux qui étaient chargés de la mise en œuvre de la réforme. Le pyramidage forcené auquel nous assistons ne va-t-il pas nous écarter du système traditionnel français d’administration pour nous rapprocher d’un « système des dépouilles » à l’américaine ?

M. Michel Piron, Rapporteur de la MEC, a noté que la structure actuelle du MEEDDAT, si elle n’est pas choquante, pourrait être différente. L’urbanisme a été confié à ce ministère alors que les ministères de la Ville ou du Logement en sont dépossédés. La préoccupation principale porte sur la gestion commune de l’ensemble des ressources humaines de cette administration qui reste à réaliser.

M. David Habib, co-Président de la MEC, a souligné que peu de ministères suscitaient autant de doutes que le MEEDDAT quant à leur organisation. L’image de ce ministère ainsi que celle des compétences professionnelles qu’on lui prête se sont dégradées. Surtout, c’est la rareté de la dépense publique qui conduit à une remise en cause du MEEDDAT. La chance de ce ministère peut néanmoins venir de la diversité des cultures de ses agents. Ceux issus de l’Équipement ont une chance d’introduire un aspect social et environnemental à leur mode de réflexion ; de même, on peut espérer que ceux qui travaillent déjà sur l’environnement partageront désormais aussi des préoccupations en matière de croissance. La vraie question demeure l’adéquation des réponses que le ministère apportera aux attentes de la population et des collectivités territoriales.

M. David Habib s’est également interrogé sur la durée de réalisation des infrastructures de transport, surtout lorsqu’on la compare avec celle de nos voisins étrangers. Défavorable au principe de « gouvernance à cinq », il a regretté que des procédures qui sont déjà parmi les plus fastidieuses d’Europe soient encore alourdies. On ne construit plus d’aéroport en France, celui de Nantes devant demeurer une exception.

L’audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, à la fin des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle sur l’allocation des moyens aux universités, a été très utile. La ministre a répondu avec talent et efficacité aux questions des députés. De la même façon, sur le présent thème, l’exercice aurait pu être réalisé avec le ministre d’État, ministre de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean Launay, Rapporteur de la MEC, a confirmé que la mission avait en effet l’intention d’entendre le ministre d’État dans le cadre de son devoir de suite, après publication du décret d’organisation du ministère.

M. David Habib, co-Président de la MEC, a enfin cité l’exemple d’un quartier de sa ville inondé le 16 mars 2006 et qui n’a reçu de réponse de la part du ministère qu’en avril 2008, alors qu’était sur le point de survenir, début juin 2008, une deuxième inondation qui aurait pu être évitée si l’administration avait fait preuve d’un peu plus de promptitude.

M. Jean-Louis Dumont, tout en s’associant aux propos des Rapporteurs, a souligné à quel point il était difficile de travailler sur le MEEDDAT. Pas plus que les Rapporteurs, il n’a obtenu de réponse à ses interrogations sur la RGPP. Il a regretté que la décision de construire une tour de 700 millions d’euros pour abriter les services centraux ait été prise alors que le périmètre de ses services n’est pas encore défini avec précision, certaines directions comme celle de l’Aviation civile étant supposées prendre leur autonomie. Compte tenu des enjeux, une plus grande rigueur serait bienvenue.

Tout en se déclarant favorable à la constitution d’un grand ministère, il a insisté sur la nécessité d’y apporter les compétences et une bonne gestion des ressources humaines, ne serait-ce que parce que les lauréats de concours administratifs ont droit au respect et à des perspectives.

Il a estimé judicieux de concevoir ce travail comme un rapport d’étape. La MEC doit continuer ses travaux sur le MEEDDAT, sans s’arrêter aux déclarations, quelquefois incantatoires, du ministre, comme celles sur l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). Il faut être exigeant sur la cohérence à donner à l’architecture du ministère. Les travaux ultérieurs de la MEC devront examiner la réussite de la réforme engagée au regard des ambitions affichées. Le périmètre du ministère devra s’adapter non à l’ego du ministre, mais aux besoins de politique, de stratégie, de compétence en vue d’une bonne administration. Pour l’heure, on constate sur le terrain que des directives contradictoires émanent de ce ministère, ce qui n’est pas sans inquiéter les maires sur la sécurité.

En conclusion, dans une opération comme celle-ci, il importe de comparer les avantages de la décentralisation, de la déconcentration et même de la délégation de certaines compétences, ainsi pour les aides à la pierre.

M. François Scellier a indiqué partager les remarques de M. Jean-Louis Dumont, notamment sur le logement et la construction. La structure du ministère lui a semblé à l’image d’un nom si long qu’il doit être condensé en une appellation quelque peu « barbare » ; il est à craindre que sa durée de vie n’excède guère celle de l’organisation gouvernementale actuelle. Ce ministère semble constitué, non en fonction des objectifs à atteindre, mais de nécessités d’importance inégale : problèmes liés à la décentralisation, volonté justifiée de renouveler les conceptions sur le développement, recherche d’un modèle de développement durable pour la préservation de la planète. Parmi les points positifs, au niveau départemental, on a pu voir avec intérêt les regroupements effectués entre directions de l’agriculture et de l’équipement. L’exemple du Val d’Oise montre toutefois que les propositions ambitieuses des préfets n’ont pas toujours été suivies.

En matière de décentralisation, la pratique territoriale révèle quotidiennement des problèmes considérables. On a décentralisé les routes sans les coordonner entre elles au travers des territoires. Le manque de moyens et le désengagement de l’État créent des situations absurdes : en région Île de France, la mauvaise jonction routière entre le Val d’Oise et la ville de Clichy La Garenne aboutit ainsi à une asphyxie de la circulation à son abord.

Sans être trop critique sur le changement de format et la réorganisation des services, une logique administrative et des objectifs lointains de développement durable ont parfois prévalu sur le souci d’une organisation plus efficace. C’est ce qui explique sûrement qu’il faille deux fois plus de temps qu’en Espagne pour construire une autoroute…

M. Bertrand Lesterlin, usant de la faculté que l’article 38 du Règlement de l’Assemblée nationale confère aux députés d’assister aux réunions des Commissions dont ils ne sont pas membres, a noté que l’idée à l’origine de cette organisation imposante et complexe, qui est source de problèmes de gestion des ressources humaines, n’est pas neuve, puisqu’elle date de 2004-2005 : il s’agit de faire prendre en compte la dimension du développement durable dans toutes les politiques publiques. Certes, l’organisation administrative est encore difficile à gérer, mais l’objectif est bon. Seul l’avenir dira si l’idée aboutit, mais on peut dire que, politiquement, l’Écologie a gagné en fédérant les moyens des autres ministères. Il est vrai que ce grand ministère avait été conçu à l’origine pour un autre ministre.

Sur la proposition n° 3, qui découle des délibérations du « Grenelle de l’environnement », il convient d’éviter une confusion entre gouvernance à plusieurs et concertation. Il n’est pas sûr que la réorganisation aboutisse au résultat recherché : réduire les délais de réalisation des infrastructures de transport. L’État ne doit pas baisser la garde sur ses prérogatives régaliennes en matière de prévention des risques : il ne doit ni déléguer ni décentraliser ces fonctions. L’État doit rester le gardien de la protection contre les risques majeurs. Or, il n’est pas sûr que l’organisation décrite par le rapport de la MEC, jointe aux risques de réduction des effectifs dans le cadre de la RGPP, permettent de respecter cet impératif.

M. Jean-Louis Dumont a considéré qu’il fallait s’inscrire dans le cadre de l’équité républicaine.

M. Michel Piron, Rapporteur de la MEC, a précisé que, concernant la proposition n° 3, il avait parlé de hiérarchisation et qu’il acceptait de mettre des guillemets à l’expression « gouvernance à cinq ». Dans le vocable « développement durable », le substantif ne doit pas se soumettre à l’adjectif. C’est bien sûr le choc entre les partisans du substantif et de l’adjectif que le ministère et la MEC tentent de faire la synthèse. Le vocabulaire auquel nous nous sommes soumis représente un recul idéologique qui n’est pas neutre. C’est ainsi que l’on continue à parler de « plans de prévention des risques », alors que « plan de gestion des risques » serait infiniment plus juste et soutenable, car refuser le risque signifie confondre risque et danger. Qui ne prend pas de risque se prive de toute chance.

Les travaux de la commission des Lois sous la précédente législature ont soulevé la question de la gouvernance générale du pays, au niveau de l’État et des territoires. En matière d’ingénierie, il faut savoir ce que l’on attend de l’État et, là où il se retire, quelles collectivités le remplacent. Cela révèle l’absence de concomitance dans notre pays entre la réforme de l’État et la réforme de l’architecture des pouvoirs territoriaux. L’Espagne il y a vingt ans, le Royaume-Uni avec la loi de dévolution, la Suède ont réformé leurs collectivités territoriales. La réforme de l’État menée en Italie par le ministre Bassanini a échoué en partie parce qu’elle n’était pas accompagnée d’une réforme des collectivités.

M. Jean Launay, Rapporteur de la MEC, ne pense pas que l’aboutissement des réformes soit la revanche des corps techniques sur les conceptions environnementales. La notion de développement durable mérite une autre ambition. L’introduction du développement durable dans le périmètre ministériel n’a pas exagérément compliqué la réorganisation du ministère et elle sera certainement digérée. En accord avec les propos de M. David Habib, il convient d’affirmer que la Commission attend opérabilité et réactivité de l’administration centrale et des services déconcentrés du MEEDDAT. Or, la durée de réalisation des projets d’infrastructure ferroviaire et routière et des cahiers des charges des concessions hydro-électriques est révélatrice d’un ministère « à la peine ». De même, les plans de prévention et d’analyse des risques doivent faire l’objet d’un ressaisissement rapide pour assurer l’opérationnalité attendue sur le terrain.

À l’issue de ce débat, le Président Didier Migaud a estimé que le droit de suite devait être exercé sur ce rapport et qu’il conviendrait d’auditionner le ministre à la prochaine rentrée parlementaire.

La Commission a enfin autorisé la publication du rapport.

I.– LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

10 avril 2008 Pages

9 h 30 : Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale du personnel et de l’administration du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Vincent Motyka, chef du service des effectifs et du budget, M. Yves Malfilatre, sous-directeur des personnels techniques d’exploitation et contractuels et M. Benoît Piguet, conseiller au secrétariat général. 53

17 avril 2008

10 h 00 : M. Didier Lallement, secrétaire général du ministère, Mme Corinne Étaix, préfiguratrice du pilotage et de l'évolution des services, Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale des personnels et de l'administration, M. Daniel Pfeiffer, chef de mission pilotage des services, et M. Benoît Piguet, conseiller au secrétariat général 67

15 mai 2008

9 h 00 : Table ronde de délégations syndicales du personnel du ministère : MM. Hubert Lebreton, secrétaire général de l’Union des syndicats de l’équipement USE CFDT, et Patrick Grosroyat, membre du Bureau national de l’USE-CFDT ; MM. Willy Garing et Didier Horeau, secrétaires nationaux de la Fédération de l’Équipement-Environnement CGT ; MM. Jean Hédou, secrétaire général de la Fédération Force ouvrière de l’Équipement, de l’Environnement, des Transports et des Services (FEETS FO), et Pascal Pavageau, secrétaire du cartel fédéral FEETS FO ; Mme Claude Bessis et M. Daniel Gascard, de la FSU-Syndicat national de l’Environnement ; Mme Chantal Craipeau et MM. Jean-Pierre Frileux, Alain Ximenes et Patrice Longe, du Syndicat Unitaire de l’Industrie-Fédération Solidaires Finance ; Mme Isabelle Viallat et MM. Gérard Ferre et Didier Mazouni, de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) MEEDDAT 83

10 h 30 : Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale des personnels et de l'administration, M. Vincent Motyka, chef de service des effectifs et du budget, M. Yves Malfilatre, sous-directeur des personnels techniques d'exploitation et contractuels, M. Benoît Piguet, conseiller au Secrétariat général, M. Patrick Lambert, directeur général adjoint de Voies navigables de France, M. Daniel Horel, directeur des ressources humaines de l’Institut géographique national 100

II.– COMPTE RENDU DES AUDITIONS

Audition du 10 avril 2008

9 heures 30 :

Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale du personnel et de l’administration du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Vincent Motyka, chef du service des effectifs et du budget, M. Yves Malfilatre, sous-directeur des personnels techniques d’exploitation et contractuels et M. Benoît Piguet, conseiller au secrétariat général.

Présidence de M. David Habib, coprésident

M. David Habib, Président : Nous ouvrons aujourd’hui les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle sur un thème nouveau : la gestion des ressources humaines au ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire – le MEEDDAT.

Je remercie Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale du personnel et de l’administration du MEEDDAT, M. Vincent Motyka, chef du service des effectifs et du budget, M. Yves Malfilatre, sous-directeur des personnels techniques d’exploitation et contractuels et M. Benoît Piguet, conseiller au secrétariat général, d’avoir répondu à notre invitation.

Je salue M. Jean Launay, qui partage la fonction de rapporteur avec M. Michel Piron, aujourd’hui excusé de même que M. Georges Tron, co-président de la MEC.

Cette réunion intervient alors que le processus d’organisation du ministère né du regroupement de plusieurs composantes ministérielles n’est pas complètement achevé. Elle est pour nous l’occasion de mesurer les efforts menés tant en matière de cohésion que d’économies. Ce travail fait du MEEDDAT, d’un certain point de vue, le précurseur d’autres restructurations au sein de différents départements ministériels.

J’ai plaisir à saluer la présence de M. Yves Gleizes, conseiller maître en service extraordinaire à la Cour des comptes.

La MEC est une mission de contrôle au sens où le Parlement dans son ensemble contrôle l’action du Gouvernement. La majorité et l’opposition se partagent la présidence de la mission, mais aussi sa composition et l’élaboration de ses rapports.

Un élu béarnais, on l’imagine, ne peut qu’entretenir des relations difficiles avec le MEEDDAT. Soyez cependant rassurés : en tant que président, je saurai m’abstraire des réalités locales et des multiples raisons que mon département et le ministère ont de s’opposer.

M. Jean Launay, Rapporteur : En tant que député du Lot, quant à moi, j’ai été convié mardi dernier à rencontrer à Cahors le Président de la République à l’occasion de son déplacement sur le thème de la réforme de l’administration territoriale de l’État. Le Président a salué l’expérimentation menée dans notre département pour regrouper des services de l’État travaillant sur des politiques proches, le regroupement le plus significatif étant celui des directions départementales de l’équipement – DDE – et de l’agriculture – DDA – pour donner la direction départementale de l’agriculture et de la forêt – DDAF. Le Président de la République a exprimé la volonté de créer des directions régionales du développement durable et du logement afin de prendre en compte cette orientation de façon plus marquée dans l’ensemble des politiques concernées.

On le voit, la question de la gestion des ressources humaines au MEEDDAT est un sujet dont certains d’entre nous ont pu mesurer l’importance et la réalité sur le terrain.

Grâce au dossier que vous nous avez confié et aux informations que vous allez nous communiquer, Madame la directrice générale, la représentation nationale pourra, par notre intermédiaire, être éclairée non seulement sur les buts à atteindre, mais aussi sur le déroulement du processus en cours, ses difficultés et ses avancées.

Lorsque le sujet de la mission d’évaluation et de contrôle a été choisi par notre commission, l’intitulé du ministère était « ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables », ou « MEDAD ». Aujourd’hui, le périmètre s’est élargi et le nouveau sigle est « MEEDDAT » : ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Les changements structurels en cours justifient que nous adoptions une approche extensive de la notion de gestion des ressources humaines. Au sens strict, celle-ci s’inscrit dans le cadre du droit du travail, porte principalement sur le parcours professionnel
– recrutement, évolution professionnelle – et les conditions de travail : rémunération, temps de travail, sécurité et santé au travail. Mais il est évident qu’elle est fortement dépendante des structures de l’organisme ou de l’institution, en termes de postes de travail, de responsabilités et d’évolution de carrière notamment.

C’est pourquoi notre étude ne peut manquer de prendre en compte l’évolution des structures du MEEDDAT, et ceci d’autant plus que la création d’un ministère au périmètre aussi large est une première en France, voire dans le monde, et qu’il sera chargé d’arbitrages fondamentaux, par exemple, entre le court et le long terme, entre la demande d’énergie et la lutte contre le changement climatique, entre les besoins de mobilité et la protection de l’environnement, etc.

En accord avec vous, nous avons donc organisé les auditions des représentants de votre ministère en trois séquences.

Dans la première séquence, qui correspond à l’audition de ce matin, nous souhaiterions que vous dressiez, pour le ministère en charge de l’équipement et des transports, un bilan de la première étape des changements structurels lié à la décentralisation.

La deuxième séquence, jeudi prochain, sera menée par M. Michel Piron et portera sur l’évolution des structures du MEEDDAT, tant au niveau des administrations centrales qu’à celui des directions régionales et départementales. Bien que la totalité des détails ne soit pas encore arrêtée, les grandes lignes de ces réformes sont connues et la publication du décret d’organisation est prévue en mai prochain.

Enfin, la troisième séquence, qui aura lieu le jeudi 15 mai, sera consacrée au cœur de notre sujet, à savoir la gestion des ressources humaines proprement dite dans des structures profondément modifiées.

Pour terminer ces quelques mots d’accueil, je voudrais introduire notre sujet du jour, les conséquences et les résultats de la première phase de la décentralisation au sein du MEEDDAT.

Les lois de décentralisation du 13 décembre 2000 et du 13 août 2004 ont permis le transfert aux collectivités territoriales des services ferroviaires régionaux de voyageurs, des 18 000 kilomètres de routes nationales d’intérêt local, des ports d’intérêt national et de certaines voies navigables. Il s’agit d’un changement majeur dans l’organisation administrative des transports de notre pays. Pour faire le bilan de cette réorganisation, nous disposons certes d’informations préalables. Je citerai en particulier les analyses de M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial de la commission des Finances sur les crédits des transports terrestres, fluviaux et maritimes, et le rapport de la mission d’audit de modernisation, daté de juillet 2007, préparé par l’inspection générale des finances, le conseil général des ponts et chaussées et l’inspection générale de l’administration.

Mais votre vision des transformations intervenues dans l’organisation territoriale de l’État, Madame la directrice générale, et votre appréciation des succès et des difficultés rencontrées seront précieuses pour établir les recommandations qui concluront notre travail.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale du personnel et de l’administration du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire : M. le Président, M. le Rapporteur, il n’y a pas lieu de nous remercier d’avoir répondu à votre invitation : il est prioritaire, pour un fonctionnaire, d’accéder à une demande du Parlement. Je me félicite de ce que les auditions ont été organisées en plusieurs journées, car nous ne pourrions vous rendre compte en détail de l’action de notre administration en une ou deux heures seulement.

Par-delà les documents déjà transmis à la mission d’évaluation et de contrôle, par-delà la froideur des circulaires, je vais m’efforcer de mettre un peu de chair sur ce qui s’est passé depuis 2004. Je consacrerai plus particulièrement mon propos aux routes, qui constituent le principal aspect de la décentralisation en termes de financements et de personnel.

Dans ce domaine, les processus se sont déroulés sur deux niveaux : la fin de la décentralisation de 1993 et la nouvelle décentralisation des routes nationales. Le fait que l’on ait traité ces deux questions en même temps a parfois jeté de la confusion dans certaines discussions.

Si, de 1982 à 1993, on n’est pas parvenu à pratiquer la décentralisation des routes, c’est à cause d’un blocage au sujet de la gestion des personnels. L’État et les collectivités n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur l’organisation du transfert des personnes concernées. La loi de 1993 a permis de mettre structurellement les services à disposition et d’organiser éventuellement des transferts de personnel en matière de maîtrise d’œuvre. Ce système a été jugé assez satisfaisant pendant une dizaine d’années mais s’est révélé délétère : aussi bien les conseils généraux que l’État ont rencontré des difficultés croissantes pour le gérer. En 2002 et 2003, il est apparu que l’on pouvait faire un pas de plus en séparant les responsabilités. La loi de 2004 a permis d’instaurer un droit d’option permettant de prendre en compte les agents sous contrat et de prendre une position sur le maintien du service actif. Ce dernier point est très important pour les agents qui en bénéficient, car le travail à l’extérieur après l’âge de cinquante-cinq ans présente des risques : en particulier, les réflexes face aux dangers de la circulation ne sont plus forcément aussi rapides.

Par ailleurs, comme les négociations n’étaient pas suffisamment avancées, le traitement des parcs de l’équipement a été repoussé à une date ultérieure.

La loi avait également prévu un décret d’homologie organisant le transfert en mise à disposition et ouvrant le droit d’option dans des conditions correctes, en précisant que les agents de tel corps ont vocation à intégrer tel autre statut d’emploi, avec tel niveau et tel échelon.

Toujours en ce qui concerne les routes, la fin de la mise à disposition des services pour la gestion des voies départementales a été assurée au nom et sous l’autorité du président du conseil général. Par ailleurs, le transfert de 17 330 kilomètres de routes nationales s’est accompagné du transfert des personnes qui les géraient ainsi que des bureaux d’études, comme cela avait été le cas en 1993 pour les routes départementales. C’est un sujet dont il a été beaucoup question en commission consultative sur l’évaluation des charges – la CCEC.

Le pilotage de ce chantier, qui s’est révélé très lourd et très dur, a porté en parallèle sur l’organisation des transferts et sur la gestion du personnel. Il fallait en effet s’assurer de ne pas provoquer un déséquilibre d’un côté lorsque de l’autre l’on faisait un pas en avant. Il était impossible de prendre des engagements envers les agents sans être couvert par un accord avec l’assemblée des départements de France – ADF –, de même qu’il était impossible d’avancer sur un sujet avec l’ADF sans en étudier les conséquences pour les agents. Nous avons donc essayé d’associer l’ADF, la commission nationale de conciliation, la CCEC, la direction générale des collectivités locales, et bien entendu la direction générale des routes, chargée de concevoir l’organisation des services qui allaient récupérer la gestion du réseau routier non décentralisé. Il fallait parvenir à répartir les mêmes agents entre les anciennes DDE, les directions interdépartementales des routes et les conseils généraux.

Les préfets ont eu un rôle essentiel dans le dispositif. Ils ont déployé beaucoup d’efforts pour obtenir des accords locaux. Les commissions tripartites associant conseils généraux, syndicats et administration ont été très efficaces. La CCEC a validé les modes de calcul sans acrimonie, ce qui prouve que l’on peut travailler ensemble même lorsque l’on n’est pas d’accord sur tout…

Nous nous sommes efforcés d’identifier le plus localement possible les points de blocage et de réfléchir aussitôt à des solutions. Certains étaient tentés par un pilotage centralisé, mais comment reconstituer depuis Paris le fonctionnement d’une DDE en 2001 ou 2002 et la répartition du personnel selon les types de tâches ? On se serait sans doute contenté d’une règle de trois, alors qu’il est indispensable de tenir compte de la différence entre départements de plaine et de montagne, entre départements touristiques ou non, etc.

Nous avons donc identifié au niveau local les emplois concernés, en totalité ou en partie, et pourvus au 31 décembre de l’année de référence. Il a fallu aussi revenir en arrière pour déterminer si l’État n’avait pas trop diminué les effectifs, si l’on devait des postes ou non, quels étaient les postes vacants… Ce travail de fourmis a été largement couronné de succès. Une dizaine de cas seulement sont remontés à la CCEC, où ils ont d’ailleurs été tranchés sans difficulté. La signature de conventions ou la publication d’arrêtés précisant les modalités de la mise à disposition ont généralement rencontré un accord réel, sinon formel – certains n’ont pas voulu que l’on rende public leur accord –, des présidents de conseil général.

M. Jean Launay, Rapporteur : Ces dix cas tranchés par la CCEC ne sont pas forcément des recours…

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : En effet. Parfois, il s’agissait de mettre en cause le principe même de calcul. Il y a eu aussi des erreurs de calcul, que nous avons reconnues et rectifiées. Nous avons même capitulé en rase campagne dans une affaire où l’enjeu était 0,03 équivalent temps plein ! Les deux ou trois blocages que nous avons rencontrés tenaient plutôt, me semble-t-il, à des prises de position politique. Le travail de terrain se faisait derrière.

À l’automne 2005, nous avons traversé une période qui n’était pas très saine et les présidents de conseil général ont dû commencer à nous soupçonner de nourrir des arrière-pensées. La communication devenait difficile. Le ministère de l’intérieur a alors mobilisé les préfets pour remettre les choses en place. Visiblement, les explications livrées par les préfets sont apparues beaucoup plus claires que les nôtres. Il s’agit de toute façon plus d’une clarification que d’une reprise en main. Il a pu exister des tensions en CCEC, mais pas chez nous.

Avant le transfert du personnel, le conseil général a dû exposer sa nouvelle organisation en publiant un organigramme prévisionnel, de même que la DDE, réduite à la partie hors-routes, et la direction interdépartementale des routes en construction. Nous avons ensuite proposé à chaque personne de se positionner sur ces organigrammes. Il ne s’agissait pas d’organiser une bourse aux emplois mais de proposer un poste à chacun. C’est ainsi que nous avons pu affecter les agents et publier les arrêtés de mise à disposition, avec un taux de recours en commission administrative paritaire de seulement 2 %, sur un total de 60 000 personnes repositionnées.

L’inquiétude des agents étant vive, nous avons beaucoup travaillé sur des ateliers de transformation associant plusieurs niveaux hiérarchiques et plusieurs métiers, ce qui a permis d’expliquer le processus. Nous avons adressé des communications périodiques aux réseaux professionnels des directeurs, des métiers, des secrétaires généraux, des conseillers de gestion et de management, ainsi qu’aux systèmes sociaux. Les informations ont été également diffusées à l’occasion des formations de prise de poste de la filière des ressources humaines. Elles se retrouvent sur un site intranet.

Sur le plan social, nous avons mis en place des cellules d’écoute et organisé un suivi par les bureaux d’action sociale. Un comité national de suivi est chargé d’examiner avec les syndicats les éventuelles difficultés sur le terrain. L’État nous a fourni une aide en accordant une indemnité spécifique de mobilité, qui lui a coûté moins de 20 millions d’euros, pour le déplacement, je le rappelle, de 60 000 personnes.

Il n’est pas certain que cela marche une seconde fois : nous avons beaucoup mobilisé les syndicats et ceux-ci nous ont considérablement aidés à porter cette réorganisation qu’ils comprenaient, même si, officiellement, ils l’ont combattue. Nous avons, en quelque sorte, « usé » la capacité des agents à supporter toute cette tension. Quoi qu’il en soit, on n’a pas beaucoup entendu parler de grèves de l’équipement durant la décentralisation.

J’en viens aux résultats. Nous avons transféré 27 400 personnes, soit 27 000 emplois. Les agents ayant opté au 31 août 2007 pour un transfert de paye au 1er janvier 2008 sont au nombre de 19 123. Sur cet effectif, 15 512 ont demandé à être intégrés. Ce taux important montre que, contrairement aux prévisions, les agents n’ont pas attendu pour se décider. Le versement des compensations aux conseils généraux s’est fait le plus possible en gestion, sans attendre la loi de finances rectificative. On a pu ainsi transférer les crédits de fonctionnement, notamment ceux destinés à la formation, à l’hygiène et la sécurité, à l’action sociale. Ce sont donc 90 millions d’euros dans l’année qui se sont ajoutés au milliard d’euros de transferts décidé en loi de finances initiale.

M. David Habib, Président : Je vous remercie. Nous allons maintenant essayer de mettre la question des ressources humaines en perspective et de la relier à la problématique de la bonne utilisation des fonds publics. Les structures centralisées et décentralisées du MEEDDAT fonctionnent-elles mieux qu’auparavant ? Quelle est l’efficacité locale de ces dispositifs ?

Enfin, existe-t-il encore un ministère en province ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Je le pense.

M. David Habib, Président : Forts de votre expérience parisienne et, pour ce qui me concerne, de mon expérience provinciale, nous aurons l’occasion de confronter nos points de vue sur ce sujet. Si nous vous avons remerciée d’être venue, Madame la directrice générale, c’est que nous avons souvent du mal à rencontrer votre ministère en province.

M. Jean Launay, Rapporteur : Quel est le bilan actuel des recours contre les décisions de transfert du réseau routier national d’intérêt local et contre les compensations financières accordées ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : À l’exception de certains départements d’outre-mer – pour des raisons complexes de « détricotage » du réseau – et de la Seine-Saint-Denis, où le processus a été décalé d’un an, tous les transferts ont été réalisés au 1er janvier 2006. Le décret initial a fait l’objet de douze recours en annulation puis de quatre autres recours. Le Conseil d’État les a tous rejetés. Nous avons rencontré le cas intéressant de départements déposant un recours tout en signant une convention, ce qui montre que certains conseils généraux ont estimé que le fait d’attaquer le processus au fond n’empêchait pas de continuer à essayer de gérer malgré tout le système.

M. Jean Launay, Rapporteur : Pour quel linéaire de routes nationales le choix reste-t-il à faire entre un département ou une commune ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Nous avons déjà déclassé 500 kilomètres de ces routes – souvent des petites portions – et il reste 380 kilomètres. Le déclassement exigeant un accord de toutes les parties, il est possible que nous soyons obligés de passer de façon autoritaire par un décret en Conseil d’État. Ce n’est pas dans nos habitudes et nous nous efforcerons de l’éviter : nous préférons négocier.

M. Jean Launay, Rapporteur : À l’époque du transfert des routes nationales, on a insisté sur la nécessité de maintenir la cohérence du réseau national restant, tant du point de vue des itinéraires qu’en ce qui concerne les liens avec le réseau autoroutier. Il aurait dû s’agir d’un réseau structurant. Or il me semble qu’il reste encore quelques incohérences : certaines routes nationales restent en impasse. Est-il politiquement correct d’ouvrir ce dossier ? Comme se l’est demandé M. le Président, trouvera-t-on encore un interlocuteur sur ces questions d’aménagement et de maillage du territoire ? De plus en plus, les conseils généraux essaient de raisonner par itinéraires. Qu’en est-il au niveau national ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Je le répète, nous privilégions la négociation. De ce fait, il est possible que les tronçons que vous évoquez résultent de négociations, donc d’accords politiques et non pas techniques.

M. David Habib, Président : Nous nous écartons certes de la gestion des personnels, mais vous comprendrez que les élus de terrain aient ces préoccupations. Quelle est désormais la capacité du ministère à entretenir les axes restés sous son autorité ? Prenons la nationale 134, qui relie la France à l’Espagne et qui intéresse quatre députés : Jean Lassalle, François Bayrou, Martine Lignières-Cassou et moi-même : tous les maires de communes de plus de 3 500 habitants situées sur son tracé ont été battus, de quelque bord qu’ils soient. Vous avez perdu une partie de vos effectifs. Le personnel assurant les capacités d’intervention se raréfie, de même que celui qui pourra analyser en amont les projets susceptibles d’améliorer le confort et la sécurité sur ces liaisons.

Par ailleurs, quels sont les critères retenus pour justifier le maintien de portions de routes dans le portefeuille de l’État ?

Ces questions s’écartent de celle des ressources humaines mais, au fond, elles n’en sont pas si éloignées : la décentralisation n’a-t-elle pas été trop poussée, au point que vous ne puissiez plus aujourd’hui intervenir sur ces voies ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Je suis d’accord avec vous, M. le Président : nous nous écartons de la question des ressources humaines et je ne suis pas responsable des questions routières au sein du ministère. Mon sentiment de gestionnaire est qu’il ne faut pas confondre le fait d’être responsable d’un secteur et le fait d’assurer directement cette responsabilité.

Plutôt que l’exemple de la route du Somport, qui me semble un peu fragile, je prendrai celui de la route nationale reliant l’Autoroute blanche au tunnel du Mont-blanc. Cette voie, qui relie un axe international à une autoroute concédée, ne peut être départementale : il est normal qu’elle revienne à l’État. Cependant, comme elle dessert aussi Chamonix, elle n’est pas payante et ne peut être concédée. Nous avons pour le moment maintenu sur place les agents qui assurent l’entretien, les travaux d’amélioration et de sécurité, le déneigement, le blocage de l’accès en cas de risque d’avalanche, etc., mais on peut tout à fait imaginer de passer un accord d’entretien et d’exploitation, sous notre surveillance et notre responsabilité, avec les responsables de l’Autoroute blanche. La responsabilité de l’État et l’utilisation de ses moyens ne sont pas en cause : à terme, on sait bien que le maintien en exploitation directe n’est pas rentable.

M. David Habib, Président : La question était donc opportune, puisque vous y avez apporté une réponse.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Sans préjuger de ma qualification sur ces questions, je pense que ma réponse est techniquement correcte.

M. David Habib, Président : Ce qui nous amène à évoquer l’activité des directions interdépartementales et le dispositif que votre ministère met en place pour le suivi de ces différentes routes.

M. Jean Launay, Rapporteur : Avant cela, si vous le permettez, je souhaite aborder la question des effectifs des services centraux. D’après les conclusions de la mission d’audit, la décentralisation s’est accompagnée d’une forte réduction des effectifs déconcentrés du ministère, sans que, pour autant, les effectifs des services centraux aient diminué. Sans méconnaître l’ampleur des tâches normatives et techniques de ces services et leurs missions de contrôle et de régulation, quelles conséquences peut-on attendre de la décentralisation à ce niveau, en particulier à la direction générale du personnel et de l’administration, à la direction générale des routes et dans les services déconcentrés ?

S’agissant des directions interdépartementales des routes, qui ont désormais la responsabilité de l’exploitation du réseau routier non transféré, est-il possible de dresser un bilan ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : L’évolution des effectifs de l’administration centrale peut en effet surprendre, mais elle n’est pas forcément fonction de ce qui se passe sur le terrain. Depuis deux siècles, les cantonniers sont gérés au niveau départemental. Le ministère ne fait que décider du nombre d’agents dans chaque département. C’est le département qui assure le recrutement, la paye, la gestion, les mutations, les promotions, les sanctions, les mises à la retraite. Les circulaires de transfert nous ont donné beaucoup de travail et nous avons aussi examiné quelques recours. Au total, le transfert nous a plutôt compliqué la vie. L’administration centrale a perdu peu de cadres car ceux-ci étaient déjà partis en nombre en 1993. La direction générale du personnel n’a pas eu à déplorer – ou à saluer – une diminution de charge.

La direction générale des routes, quant à elle, n’a jamais eu pour rôle de passer des marchés ou de gérer au jour le jour le travail des DDE, mais de répartir des crédits dans le cadre d’une programmation et d’intervenir sur les décisions techniques. Si l’ADF et le Gouvernement ont considéré qu’il fallait transférer une grande partie des routes nationales d’intérêt local, c’est qu’ils considéraient que l’État ne s’y intéressait pas assez. Les tâches de programmation de la direction générale des routes, qui mobilisent un personnel restreint, n’ont pas diminué. De toute façon, il s’agit pour nous d’une petite structure : deux cents personnes, pour une administration centrale qui pilote autant d’investissements, ce n’est pas beaucoup.

Cette direction a augmenté ses effectifs pour deux raisons : on lui a demandé de gérer plus étroitement les concessions et les appels d’offres – le dernier rapport public de la Cour des comptes a formulé des recommandations fortes en ce sens – et on l’a chargé d’accueillir des inspecteurs généraux et des ingénieurs généraux des Ponts responsables d’audits techniques au Conseil général des Ponts et Chaussées. Le but de ce transfert de personnel est d’assurer une démarche de qualité permettant au maître d’ouvrage de piloter directement le processus. Pour ces raisons, l’augmentation de quarante agents en quelques années n’est qu’apparente.

Le réseau que le ministère a conservé sous sa compétence recueille 40 % du trafic quotidien alors qu’il ne représente que 1 % du linéaire national. C’est pourquoi le traitement par itinéraires s’imposait. Le temps de réaction aux incidents et les dispositifs de prévention se sont améliorés.

L’entretien des routes, qui faisait déjà l’objet de marchés, devrait continuer à fonctionner de la même manière. En revanche, nous avons beaucoup mutualisé les fonctions support, après les avoir mises en place comme on crée un service ex nihilo. À la différence de ce qui se passe dans le reste du ministère, les secrétariats généraux de ces directions ont été directement dimensionnés sur la commande de prestations et la gestion de proximité des agents, le back office étant transféré vers les secrétariats généraux des directions régionales de l’équipement. Tout en nous épargnant des dépenses inutiles, cela nous a permis d’éviter de nommer des agents sur certains postes alors que nous savions que nous engagions un processus de mutualisation très importante du back office.

M. Jean Launay, Rapporteur : Peut-on déjà tirer des enseignements de l’expérience de fusion des DDE et des DDA dans certains départements, dont celui du Lot ? Dans son discours de mardi, le Président de la République en a annoncé l’extension à toute la région Midi-Pyrénées. Comment avez-vous vécu les choses de votre côté et comment prévoyez-vous une éventuelle généralisation ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Il me serait difficile de commenter les propos récents du Président de la République. La première fois que j’ai eu à travailler sur un projet de fusion entre DDE et DDA, c’était en juillet 1990. À l’époque, on considérait que c’était un enjeu très important. Nous avons presque réussi en 1996. Quand des perspectives d’expérimentation se sont à nouveau présentées, on s’est dit tant du côté de l’agriculture que du côté de l’équipement qu’on allait enfin y arriver. Ayant commencé ma carrière dans une DDE, je sais d’expérience que ces deux directions départementales, après avoir exercé des activités très différentes dans les années 1950 et 1960, période où leurs ingénieurs et leurs techniciens reconstruisaient la France, se sont de plus en plus souvent retrouvées sur des sujets communs – c’est ce qui s’est passé, par exemple, pour la police de l’eau ou pour la tenue des digues. Les formations initiales des agents sont complémentaires. Il était donc navrant que la structure de l’État nous oppose au plan local, alors que chacun sentait bien que les compétences devaient être réunies.

Même si les agents adhéraient intellectuellement à cette idée, la mise en œuvre a soulevé de multiples questions, sans qu’il y ait pour autant de révolte. Nous avons fait le point sur les huit fusions il y a quelques mois et, hier encore, une réunion s’est tenue avec les syndicats pour discuter de la généralisation de la fusion en 2009 et 2010. Il reste encore beaucoup de points à résoudre en matière de gestion. Par exemple, l’agriculture organise deux cycles de mutations par an tandis que l’équipement en organise trois : quel système retenir, chacun estimant que le sien est le meilleur ?

Les fusions déjà réalisées étant récentes, il est difficile d’évaluer leurs résultats en termes d’amélioration des politiques publiques. Certains retours laissent néanmoins apparaître que nos partenaires ont remarqué des progrès, notamment en ce qui concerne les avis de l’État en matière urbanistique. Les prémices sont donc positives.

M. Jean Launay, Rapporteur : Les parcs de l’équipement, en tant que services à caractère industriel et commercial des DDE, assurent diverses prestations comme la gestion et la maintenance de véhicules ou d’engins de travaux ou bien encore des travaux routiers. Au motif que les commandes de l’État ne représenteraient plus qu’un quart de leur activité, leur transfert aux départements semble s’imposer.

La loi du 13 août 2004 n’a pas prévu ce transfert, dont l’échéance approche pourtant – la date du 1er janvier 2009 est-elle toujours d’actualité ? Quels sont les avantages et les inconvénients d’une telle solution ? Quelle évolution peut-on anticiper ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Pendant tout le premier semestre 2007, nous avons sollicité l’avis de chacun des départements, sur l’avenir du parc local. En effet, chacun des parcs agit différemment. Alors qu’en Bretagne, ils travaillent beaucoup pour les communes, ailleurs, ils ne travaillent que pour l’État, ou le conseil général, voire les deux. Nous avons voulu mettre en place un transfert minimum, avec la possibilité de prendre en compte un éventuel accord local.

Au final, beaucoup de conseils généraux ont souhaité recevoir une partie des parcs plus importante que le minimum prévu.

Nous avons également travaillé sur le statut des agents, qui ne sont ni des contractuels, ni des fonctionnaires, pour créer une sorte de statut commun entre la partie collectivité et la partie État. Ces personnes ont en effet souvent reçu une formation technologique, et leur profil ne correspond pas aux concours classiques.

J’espère que cette idée continuera à prospérer, et que l’on pourra tenir le calendrier du 1er janvier 2009.

M. Jean Launay, Rapporteur : Après la décentralisation, les directions départementales de l’équipement étaient appelées à se recentrer sur quatre activités fondamentales : l’aménagement du territoire et l’urbanisme, l’habitat, le logement et les constructions publiques, l’environnement et les risques, enfin les transports, l’ingénierie et la gestion des risques.

Pouvez-vous confirmer ces orientations ?

Que se passe-t-il sur le terrain ? Quel bilan peut-on dresser du recentrage des activités des DDE ? Qu’en est-il en particulier de l’ingénierie concurrentielle, que le ministère devrait abandonner ?

Dans le domaine de la sécurité, quels types d’interventions les DDE sont-elles conduites à réaliser sur le réseau routier national ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : S’agissant des quatre activités fondamentales que vous venez de rappeler, les résultats montrent que ces choix étaient les bons. Bien sûr, on pouvait toujours faire de l’urbanisme ou de l’habitat pour le plaisir, mais il est préférable de le faire dans le cadre d’une politique de développement durable.

Il ne faut pas confondre l’ingénierie concurrentielle et l’ingénierie tout court. L’ingénierie concurrentielle a permis à nos entreprises privées, depuis une cinquantaine d’années, de se structurer. Au début, seul l’État détenait les compétences. Peu à peu les agents de l’État ont intégré des entreprises privées ou en ont créé. Le réseau technique a continué à faire profiter les services de l’État, les collectivités et les entreprises privées d’améliorations techniques. Si la France compte des entreprises privées qui sont parmi les premières mondiales en BTP, ce n’est pas par hasard. Il est évident aujourd’hui que nous sortons de ce domaine d’intervention. Nous remplissons davantage des missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage que de maîtrise d’œuvre.

Il faut distinguer trois niveaux dans l’ingénierie publique. Tout d’abord, elle permet de porter assistance aux petites communes qui n’ont pas d’entreprise privée à qui faire appel, ou qui hésitent à en contacter parce qu’elles craignent des surcoûts. Tant que la loi ne nous l’interdit pas, nous continuons l’ATESAT (assistance technique de l’État pour la solidarité et l’aménagement du territoire).

À l’autre extrémité, l’ingénierie permet de valider les calculs ou de composer la structure d’ouvrages comme le pont de Normandie. Nous avons aussi besoin d’une ingénierie de haut niveau, ne serait-ce que parce que les entreprises privées françaises s’appuient sur nous et sont très porteuses sur le plan international.

Reste, entre les deux, l’ingénierie concurrentielle classique, qui, reconnaissons-le, ne nous donne pas beaucoup de travail, aussi l’autorisation politique de nous désengager de ce secteur est-elle bienvenue, car nous subissions les pressions de l’AMF d’un côté, et des entreprises privées de l’autre. Bien sûr, nous accompagnerons les élus dans cette transition, par exemple en les aidant à faire venir des représentants de quelques entreprises privées si nécessaire. Dans ce cas, une part des gens qui accomplissaient ce travail sera rendue à l’État, et une autre pourra être redéployée en fonction des besoins du ministère.

M. Jean Launay, Rapporteur : Se pose aujourd’hui la question du maintien de l’État dans le contrôle des installations classées. Le débat sur le transfert au privé de l’analyse des dossiers d’installations classées n’a pas encore été tranché. Combien de personnes seraient concernées par l’abandon de cette mission ? Des craintes ont-elles été exprimées par les industriels concernés ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Cette question est très éloignée de mon champ de compétences, et je ne pourrai pas vous donner de chiffres. Je ne connais pas davantage la position du ministère sur ce sujet, mais à titre personnel, en tant qu’ingénieur, je ne serais pas rassurée de voir le contrôle des installations classées intégralement abandonné au privé.

M. David Habib, Président : Revenons donc au recentrage des activités de la DDE. En avez-vous dressé un bilan ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Non car, je vous le rappelle, je suis en charge du personnel. Je peux juste vous dire que, la réorganisation des DDE datant d’un an et demi, elle est en train de prendre. Les postes sont attractifs, et il n’a pas été difficile de les pourvoir.

Même s’il a été traumatisant pour les DDE de perdre les routes, la moitié des agents ne travaillaient pas sur ce sujet mais sur ceux qu’on leur demande d’aborder aujourd’hui, ce qui a facilité la transition. C’est plutôt le déménagement qui les a déstabilisés.

M. David Habib, Président : Je comprends bien qu’en tant que directrice des ressources humaines, vous ne puissiez répondre à ces questions, mais nous avons besoin de mesurer l’efficacité de l’action publique sur le terrain.

S’agissant ainsi du recentrage des personnels, les maires des milieux ruraux se plaignent aujourd’hui de perdre une demi-journée de travail chaque fois qu’ils déposent un permis de construire, du fait de la centralisation des services d’instruction des documents d’urbanisme à la préfecture ou la sous-préfecture. Les maires le vivent comme un transfert de responsabilité, car les agents susceptibles de répondre aux administrés ne sont plus sur place. Ils se retrouvent donc à jouer les médiateurs, ce qui demande du temps et des compétences.

S’agissant des DRIRE et des PPRT (plans de prévention des risques technologiques), 400 sites en France sont aujourd’hui susceptibles de faire l’objet d’un PPRT, mais seuls deux ont été acceptés et signés. Si l’on se limite à une discussion sur les effectifs et les ressources humaines, l’on ne pourra pas mesurer la pertinence ou les difficultés d’application des décisions prises par le Parlement. Je souhaite que sur l’ensemble de ces questions, nous recevions des personnes qui puissent nous faire part de leur expérience et nous répondre sur l’efficacité de l’action publique.

M. Jean Launay, Rapporteur : S’agissant des conséquences de la réforme du MEEDDAT sur la maquette budgétaire, les différentes activités du MEEDDAT seront-elles regroupées dans une même et unique mission ? Le nombre de programmes et leur périmètre seront-ils modifiés ? Par ailleurs, le développement durable étant la mission centrale du ministère, de nouveaux indicateurs de performance seront-ils mis en place pour mesure les progrès réalisés dans cette direction ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Nous avons dû construire rapidement le budget 2008 car nous n’avons connu que très tard la structure du ministère. Tout en respectant une certaine continuité de gestion pour pouvoir au moins payer les fournisseurs et les agents, nous avons procédé par étapes communes avec la réorganisation du ministère. Le ministre nous ayant donné des instructions sur les grandes directions, nous avons proposé une maquette dans laquelle les programmes rejoignaient ces thèmes.

À peu de choses près, tout est regroupé dans une seule mission, qui pourrait s’intituler Écologie, développement et aménagement durables. En revanche n’y figurent pas les programmes de recherche qui sont censés se retrouver dans la mission interministérielle de la recherche et de l’enseignement supérieur, non plus que les crédits des comptes d’affectation spéciale ou des budgets annexes. L’on s’interroge sur les missions de régimes sociaux et de retraite : doit-on intégrer la partie SNCF ou reste-t-elle dans le régime de retraite ? En tout état de cause, ce ne serait qu’un déplacement d’écritures, et non un problème de fond.

Cette maquette n’est pas encore validée par le ministre, car des questions de frontières, soulevées par Bercy, se posent encore, mais elles devraient être rapidement résolues.

M. Jean Launay, Rapporteur : Le rapport de la mission d’audit de modernisation appelle à une gestion partenariale de certaines ressources entre l’État et les collectivités locales. L’exemple de l’application de la LOLF témoigne du bien-fondé de cette recommandation.

Le programme n° 203 Réseau routier national tend à améliorer le niveau de sécurité et de qualité du réseau routier national, à moderniser ce réseau en maîtrisant les dépenses, à l’entretenir et à l’exploiter au meilleur coût. Neuf indicateurs permettent de jauger l’efficience des actions mises en œuvre à cet effet.

Après le transfert de 18 000 kilomètres de routes nationales aux départements, on comprend la difficulté devant laquelle la MEEDDAT se trouve pour donner une image complète de l’état du réseau routier dans notre pays et de l’efficience de l’action des pouvoirs publics, nationaux ou territoriaux. L’on peut se demander s’il ne serait pas nécessaire d’inventer de nouveaux indicateurs globaux.

Comment développer des indicateurs synthétiques du niveau de sécurité et de qualité de l’ensemble du réseau routier national et départemental, et d’autres indicatifs relatifs aux coûts de son développement et de sa modernisation ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Nous disposons déjà d’indicateurs de qualité de service et de coût économique, qui reposent sur une démarche développée il y a une trentaine d’années pour intégrer dans des indicateurs globalisants la valorisation de l’état réel d’une chaussée ou de l’état réel d’un ouvrage d’art. On peut soit procéder par dépréciation d’amortissement, ce qui n’est pas évident car les ouvrages d’art se vendent très peu, soit évaluer le coût de l’usure au sens de remise au niveau initial, ce qui est techniquement plus réalisable. Il faut cependant tenir compte de l’évolution des méthodes qui permettent aujourd’hui un entretien à moindre coût qu’à la date de construction. Heureusement, nous disposons d’un historique d’une trentaine d’années de l’évolution des chaussées et des ouvrages d’art, et nous avons réalisé avec la Cour des comptes un important travail sur la valorisation du patrimoine et l’évolution de son état.

Nous avons par ailleurs lancé, ces dernières années, des enquêtes de satisfaction auprès des usagers, car un ingénieur peut être content d’une route alors qu’elle ne convient pas aux automobilistes.

S’agissant en revanche des collectivités, qui sont de libre administration, je ne sais pas comment leur faire remplir des indicateurs dont elles ne voudraient pas.

M. Jean Launay, Rapporteur : Le réseau scientifique et technique de l’équipement joue un rôle clé pour la sécurité des infrastructures de transport, mais aussi pour l’innovation et le développement de l’expertise nationale dans ce domaine.

Pour améliorer la gouvernance de ce réseau, peut-on envisager le regroupement de ces moyens d’étude au sein d’un établissement public commun à l’État et aux collectivités territoriales ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Nous avons déjà commencé à travailler avec les collectivités sur les différents modes de co-gouvernance, aussi bien pour les écoles de formation que pour les établissements publics – nous veillons toujours, lorsque nous les créons, à réserver dans les conseils d’administration ou les conseils d’orientation, des places aux représentants des collectivités territoriales.

Cependant les règles européennes de la concurrence ne permettent de s’adresser à un établissement public qu’à condition que l’on en détienne la majorité des intérêts et qu’il travaille majoritairement pour vous. Si l’on doit systématiquement lancer un appel à la concurrence, on perd l’intérêt de la simplicité. Prenons une idée technique à tester, par exemple un nouveau béton : il faut un pont, donc un maître d’ouvrage qui accepte le risque. Si on lance un appel d’offres, les entreprises voudront qu’on leur paye, en plus du pont, la prise de risque ! Il serait beaucoup plus simple de rester en gestion interne.

En revanche, le réseau technique doit être le plus accessible possible à l’ensemble des collectivités. On sait le faire, il n’est pas besoin d’une nouvelle structure. Ainsi, le service d’étude technique des routes et autoroutes a mis en place, depuis vingt ou trente ans, un groupe de travail avec des ingénieurs des villes de France et les directeurs des services techniques des départements, pour travailler sur les problèmes pratiques des routes qui ne sont pas nationales. Nous avons besoin de techniques de réparation et de construction pas trop chères, stables, qui s’inscrivent aussi dans une politique de développement durable (utiliser ainsi des matériaux locaux). Nous y arrivons pour tous les travaux sur les très gros ouvrages, mais nous devons formaliser et élargir davantage ce dispositif.

M. Jean Launay, Rapporteur : La question de la productivité des services des collectivités territoriales comparée à celle des services correspondant de l’État est controversée. Certains documents font état d’une productivité inférieure, d’autres non. Certains expliquent la croissance forte des effectifs des collectivités territoriales enregistrée dans les domaines de la voirie et des transports par un retard de productivité. Qu’en pensez-vous ? Quels types de services et quelles fonctions seraient concernés ?

Au-delà de ces appréciations, quelles suggestions pouvez-vous faire, par exemple en matière de formation ou de détachement, pour que les services de l’État et leurs homologues des collectivités territoriales progressent ensemble en technicité et en efficacité ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : C’est une question piège ! Sur la comparaison des taux de productivité, la Cour des comptes dispose sans doute de plus de données que moi. La réponse peut d’ailleurs varier selon que l’on mesure la productivité en actes produits ou en qualité des actes produits. Le contrôle de gestion impose de mesurer, non seulement ce qui a été dépensé, mais aussi la qualité de ce qui a été produit, ce qui est moins évident. Par exemple, lorsque l’on sépare les réseaux routiers, on perd des économies d’échelle, mais on gagne en qualité de service rendu.

S’agissant par ailleurs du détachement de nos agents, ou de la fonction publique territoriale, les recrutements d’ingénieurs ou de techniciens n’ont jamais été dimensionnés en fonction des seuls besoins de l’État. Il a toujours été tenu compte des besoins des collectivités locales ! Si l’on peut continuer à les alimenter, c’est bien parce que l’on continue de recruter !

Quant à la formation, nous avons essayé, voici une quinzaine d’années, de mettre en place un cycle de formation à l’École nationale des travaux publics de l’État pour que des élèves qui se destineraient à la fonction publique territoriale puissent suivre le même cycle que les autres. Malheureusement, la sortie de l’école avait lieu deux ou trois mois après la date du concours, et les ingénieurs TPE, qui avaient besoin de travailler dix mois en attendant de passer le concours, finissaient par intégrer le privé qui les paye davantage. Nous avons donc travaillé avec la DGCL et le CNFPT pour créer un concours prépayé par le CNFPT, une sorte de pré-embauche. Idem pour les techniciens.

M. Jean Launay, Rapporteur : Merci, Madame, de vos réponses. Nous avons bien conscience que le thème de travail que nous avons choisi d’aborder est en perpétuelle évolution, comme en témoigne le changement de périmètre du ministère. Si certaines de nos questions ont pu vous sembler déborder du sujet, c’est que nous relayons les préoccupations qu’expriment nos concitoyens sur le terrain.

Par ailleurs, la composante Aménagement du territoire, aujourd’hui intégrée à votre ministère, nécessitera sans doute une nouvelle journée d’auditions.

M. David Habib, Président : Tout comme un ministre peut porter un jugement sur des parlementaires, ces derniers peuvent juger de l’action d’un ministère. Nous essaierons d’auditionner un préfet, un représentant d’une DDE, d’une DRIRE, un président de conseil général, un maire, sur l’ensemble des thématiques aujourd’hui suivies par le MEEDDAT, afin de visualiser ce que représente votre ministère au niveau local. Pendant toute la campagne des dernières législatives, j’ai évoqué localement la disparition de votre ministère – je parle du ministère de l’Équipement. À 800 kilomètres, c’était peut-être un effet d’optique. Nous verrons si d’autres ont eu le même sentiment. Au-delà des ressources humaines, nous devons mesurer l’efficacité de cette réorganisation des services au regard de l’action publique, c’est-à-dire du service rendu aux collectivités comme aux citoyens.

Merci, Madame, de votre intervention.

Audition du 17 avril 2008

10 heures :

M. Didier Lallement, secrétaire général du ministère, Mme Corinne Étaix, préfiguratrice du pilotage et de l'évolution des services, Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale des personnels et de l'administration, M. Daniel Pfeiffer, chef de mission pilotage des services, et M. Benoît Piguet, conseiller au secrétariat général

Présidence de M. David Habib

M. David Habib, Président : Nous poursuivons les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle consacrés à la gestion des ressources humaines au ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, ou MEEDDAT.

Je remercie M. Didier Lallement, secrétaire général du ministère, Mme Corinne Étaix, préfiguratrice du pilotage et de l'évolution des services, Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale des personnels et de l'administration, M. Daniel Pfeiffer, chef de mission pilotage des services, et M. Benoît Piguet, conseiller au secrétariat général, d’avoir répondu à notre invitation.

J'ai plaisir à saluer la présence de deux représentants de la Cour des comptes, M. Yves Gleizes, conseiller maître, et M. Alain Mangeol, rapporteur. Leur contribution à nos travaux est extrêmement précieuse.

Je salue également M. Michel Piron, qui partage la fonction de rapporteur avec M. Jean Launay, aujourd’hui excusé de même que M. Georges Tron, co-président de la MEC.

Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. Michel Piron, Rapporteur : Monsieur le secrétaire général, madame la directrice générale, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à venir nous décrire, de la façon la plus détaillée possible, les changements structurels des administrations désormais intégrées dans le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Monsieur le préfet Didier Lallement, nous sommes heureux de vous accueillir en tant que secrétaire général du MEEDDAT, fonctions que vous exercez, certes, dans un nouveau ministère mais dans un ministère dont vous connaissez des rouages essentiels puisque vous avez été de 2005 à 2007, directeur du cabinet du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, et, pendant une partie de l'année 2007, directeur général de l'aviation civile, avant de prendre vos fonctions actuelles en octobre de l'année dernière.

Madame Jacquot-Guimbal, en tant que directrice générale du personnel et de l'administration du MEEDDAT, vous avez su donner la semaine dernière à mon co-rapporteur Jean Launay et au président David Habib des réponses précises à nos questions sur le bilan des décentralisations de 2000 et 2004 pour votre ministère. Ces réponses m'ont été transmises et je vous en remercie. De même, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui encore, alors que vous êtes en première ligne pour faire passer dans les faits les réformes de structure qui nécessitent sans aucun doute de très importants efforts d'explication et de mise au point.

Je remercie aussi pour sa participation Mme Corinne Étaix, préfiguratrice du pilotage et de l'évolution des services, qui a, notamment, la lourde tâche d'imaginer concrètement de nouveaux circuits d'information et de décision, de les tester et de les optimiser.

Merci également à M. Daniel Pfeiffer, chef de mission pour le pilotage des services. Merci enfin à M. Benoît Piguet, conseiller au secrétariat général du MEEDDAT, dont le rôle est essentiel pour l'organisation de ces auditions de la MEC.

Comme vous le savez, nous avons adopté ce qui peut être considéré comme une définition extensive de notre thème d'étude – la gestion des ressources humaines – en portant aussi notre attention sur la réforme des structures du MEEDDAT. Mais comment ne pas considérer que les structures conditionnent la gestion des ressources humaines, tout spécialement en période de réforme profonde de l'organisation ?

Au cours de l’audition de jeudi dernier, consacrée plus particulièrement au bilan, pour votre ministère, de la décentralisation résultant des lois de 2000 et 2004, des informations très intéressantes nous ont été fournies par Mme Jacquot-Guimbal et ses collaborateurs sur le thème de la gestion des ressources humaines dans les administrations centrales et les services déconcentrés, telles qu'elles ont été influencées par le transfert aux départements de près de 18 000 kilomètres de routes nationales d'intérêt local.

Nous attendons aujourd'hui une présentation aussi précise que possible de ce que sera le MEEDDAT une fois les réformes actuelles achevées, tant au niveau des administrations centrales qu'à celui de vos services dans les départements et les régions.

Parmi les nombreuses questions auxquelles notre commission des finances porte un intérêt particulier, je citerai :

– l'évolution non seulement des effectifs mais aussi des compétences au sein de votre ministère ;

– ses capacités d'évaluation ex ante de la rentabilité des investissements dans les infrastructures et la mesure ex post de leur contribution tant au développement durable qu’à la compétitivité de l'économie de notre pays ;

– l'efficacité de la dépense publique ;

– la qualité du service rendu aux usagers, individuels ou collectifs.

Conformément aux méthodes de la MEC, notre réunion se déroulera sous la forme d'échanges et de questions-réponses. Je commencerai par une question générale sur la finalité des réformes en cours au MEEDDAT.

La formation du MEEDDAT est présentée comme une grande première européenne, sinon mondiale. Pour quelles raisons n'y a-t-il aucune structure comparable ? Quels sont les avantages attendus de la nouvelle structure ministérielle ? Sur quelle durée sa constitution va-t-elle se dérouler ? Quels sont les écueils à éviter pendant ce processus ? Quels sont les inconvénients potentiels d'une structure administrative aussi étendue ? Comment les atténuer ?

M. Didier Lallement : Le MEEDDAT regroupe trois départements ministériels – la partie énergie du ministère de l’industrie, l’équipement et l’environnement – auxquels il faut ajouter la direction interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires – DIACT –, bien qu’il s’agisse d’un service du Premier ministre. Il n’existe pas d’élément de comparaison en Europe pour un tel périmètre. Beaucoup de pays de l’Union fonctionnent avec des administrations centrales très réduites et de grosses agences. En un certain sens, le MEEDDAT intègre pour sa part la fonction d’administration centrale et celle d’agence, même si certains opérateurs et établissements publics dépendent de ce ministère.

En Grande-Bretagne, un même département regroupe environnement et affaires rurales. En Suède, ce sont l’environnement, l’énergie et la communication qui sont réunis. Ces périmètres sont larges, mais sans équivalent ailleurs. Le MEEDDAT n’en a pas davantage.

L’objectif de cette nouvelle structure ministérielle est simple : intégrer en un lieu unique un ensemble de préoccupations afin que les questions relatives à la réalisation d’infrastructures ou à l’énergie ne puissent être abordées sans que l’on mette en avant les aspects environnementaux. Les inconvénients de cet objectif lui sont inhérents : le MEEDDAT ne doit pas devenir une « boîte noire » où l’on rendrait les arbitrages à la place du Premier ministre. Si l’avantage est de regrouper les préoccupations, le risque est de trop les intérioriser. Comme en beaucoup de matières, tout l’art sera dans l’exécution.

M. Michel Piron, Rapporteur : Si j’ai bien compris, la nouvelle structure laissera au ministre la possibilité de réchauffer une cuisine à moitié préparée…

Existe-t-il des éléments de comparaison avec l’Allemagne ?

M. Didier Lallement : Nous pourrons vous les fournir.

M. Michel Piron, Rapporteur : J’en viens au rôle et aux moyens du secrétariat général. En tant que structure transversale au MEEDDAT, quelles seront ses tâches au sein du ministère ? Quelles directions générales fonctionnelles lui seront directement rattachées ? Quel sera son rôle par rapport au cabinet du ministre et aux cabinets des secrétaires d'État, ainsi que par rapport aux directions générales dites « directions de métiers » ?

M. Didier Lallement : Il n’existe pas, à proprement parler, de spécificité du secrétariat général du MEEDDAT. Les modèles d’organisation se répartissent entre des versions très « animatrices », comme au ministère de l’économie où le secrétaire général coordonne la modernisation et dispose d’un nombre réduit de services, et des versions très « intégratrices », comme au ministère de l’intérieur où la plupart des fonctions support dépendent du secrétariat général. Le MEEDDAT a choisi le modèle intégrateur. Son secrétariat général regroupera les affaires internationales, les affaires juridiques, le pilotage des services et de leur modernisation, la communication interne et externe, ainsi que la direction générale des personnels, le service du budget et le service de défense.

On ne saurait nier que cette intégration des fonctions support, outre la recherche d’une meilleure efficacité, vise à réaliser des économies par rapport aux activités réparties dans les trois entités précédentes. L’objectif principal n’en reste pas moins de concilier des cultures et des pratiques administratives très différentes. La culture du ministère de l’équipement est très régalienne, très organisée, très lourde, tandis que celle de l’environnement est plus spontanée, plus mouvante…

M. Michel Piron, Rapporteur : Plus poétique, peut-être ?

M. Didier Lallement : Pourquoi pas ?

M. Michel Piron, Rapporteur : Je n’ai rien contre la poésie !

M. Didier Lallement : La partie issue du ministère de l’industrie, qui inclut notamment le secteur nucléaire, présente des caractéristiques beaucoup plus classiques.

Les origines de corps sont également très différentes. Le MEEDDAT regroupe des ingénieurs des Ponts et chaussées, des Mines, du Génie rural, des eaux et forêts. Les administrateurs civils y sont somme toute peu nombreux.

La question du mariage des cultures se pose également au niveau de l’organisation des anciens ministères. Le ministère de l’équipement abritait un petit nombre d’établissements publics importants, comme Météo France ou l’IGN, mais externalisait assez peu ses fonctions et conservait de grosses directions – mille personnes pour celle de l’aviation civile, par exemple. L’externalisation était au contraire une pratique courante du ministère de l’environnement, où l’administration centrale était réduite et les agences très développées. L’industrie se situe entre les deux modèles, notamment dans le secteur nucléaire où l’on a externalisé certains processus en les confiant, entre autres, à l’Autorité de sûreté nucléaire.

Cette situation disparate pose le problème de l’harmonisation du réseau des opérateurs, à la fois par rapport au ministre et sur le terrain. Nous devons notamment améliorer l’articulation entre l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME – et les services déconcentrés de l’État.

Tous ces enjeux d’harmonisation et de synthèse des cultures justifient l’existence d’un secrétariat général très intégrateur.

M. Michel Piron, Rapporteur : En effet, les questions culturelles sont loin d’être indifférentes pour la réussite de la démarche.

Quels ont été les critères de la décision pour arrêter les nouvelles grandes directions de métiers au MEEDDAT ? Quelles sont ces directions générales de métiers et comment les structures précédentes s'y trouvent-elles intégrées ? Quel est le sort réservé à la délégation interministérielle à la sécurité routière ? A-t-on évalué les économies budgétaires générées par le regroupement des services en quatre ou cinq grandes directions générales, contre une douzaine auparavant ? Enfin, chacune des directions générales de métiers sera-t-elle dotée d'un échelon chargé du développement durable, ou la prise en compte de cette dimension est-elle du ressort du commissariat général ?

M. Didier Lallement : Le décret et les arrêtés d’organisation, qui doivent faire l’objet d’ultimes arbitrages interministériels, sont dans une phase de finalisation. Après leur examen par les trois comités techniques paritaires ministériels, qui feront ultérieurement l’objet d’une unification, ils devraient être publiés fin mai ou début juin, c'est-à-dire avant le début de la présidence française de l’Union européenne. Il est en effet important que toutes les connexions soient faites à temps puisque, selon nos estimations, environ 60 % des sujets de cette présidence pèseront sur les épaules du MEEDDAT.

À ce stade d’élaboration administrative, l’idée est de regrouper les quarante-deux structures dont les dirigeants sont nommés en Conseil des ministres – parmi lesquelles trente-deux directions d’administration centrale – dans cinq directions générales.

La première, celle de l’énergie et du climat, organisera la politique française en matière de lutte contre les changements climatiques. Elle sera le fruit de la fusion de la direction générale de l’énergie et des matières premières, issue du ministère de l’industrie, et des structures consacrées au climat dans l’ancien ministère de l’environnement. L’intégration inclura aussi certaines sous-directions comme celle de l’automobile – dont les compétences recouvrent les normes automobiles, la circulation et la sécurité routière. Il ne s’agit pas de jeter la pierre aux constructeurs automobiles mais de rassembler tous ces éléments. De même, la sous-direction de la construction, qui est aujourd'hui en charge des normes des bâtiments au sein de la direction générale de l’urbanisme et du logement, sera rattachée à la direction générale de l’énergie et du climat, qui sera en première ligne lors de la négociation du « paquet énergie-climat », un des grands enjeux de la présidence française.

La procédure est la même pour les autres directions générales : nous ne nous contentons pas d’assembler des éléments épars, nous essayons de constituer des blocs cohérents.

La deuxième direction générale est celle des infrastructures et des transports, qui regroupera l’ensemble des directions ayant à connaître de sujets d’infrastructures dont, au premier chef, la direction générale de la mer et des transports et la direction générale des routes, qui seront fusionnées. L’objectif est de traiter les infrastructures de façon globale : le ferré et le routier, par exemple, seront abordés en fonction du sujet à traiter et non de façon sectorielle comme c’était le cas auparavant. La mise en œuvre de la priorité que constitue la réduction du trafic routier gagnera, nous l’espérons, en efficacité.

Si nous n’avons pas touché à la troisième direction générale, celle de l’aviation civile, c’est pour des raisons qui tiennent aux évolutions communautaires sur le « ciel ouvert » et au rôle des agences européennes en matière de navigation aérienne. Les négociations sont en cours et l’impact des décisions est difficile à prévoir. Il est cependant clair que la DGAC – qui présente cette particularité unique au monde de regrouper le contrôle, la sécurité et les aspects régaliens – ne sera plus, dans cinq ans, une direction générale de l’administration centrale. Pour autant, nous n’évoluerons certainement pas vers le modèle anglais car l’objectif n’est pas de privatiser la navigation aérienne.

La quatrième direction générale sera celle de l’aménagement, du logement et de la nature. Y seront réunies l’ancienne direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, la direction de l’eau et la direction de la nature et des paysages. Il s’agit donc, en quelque sorte, de mettre en place une approche globale de l’ensemble des habitats, humains ou non. C’est un pari. L’objectif reste d’atteindre les chiffres de construction de logements que le Gouvernement s’est fixés et relève, de ce fait, de la responsabilité de Mme Boutin. Telle est bien la spécificité de ce ministère, dont le fonctionnement, sous certains de ses aspects, est soumis à une double tutelle. Au total, cette direction s’attachera à mettre en place une gestion rationnelle et équilibrée des ressources naturelles, tant en matière de foncier que de biodiversité.

La cinquième direction générale, celle de la prévention des risques, rassemblera le traitement de l’ensemble des risques, technologiques, naturels ou chroniques, de façon à ce que notre approche soit plus transversale.

Il n’y a pas lieu de détailler dans cette audition la subdivision de chacune des directions générales : le ministère pourra vous fournir, messieurs les députés, ses avant-projets d’organigramme.

Le commissariat général est en quelque sorte la sixième direction du dispositif. Sont rassemblées sous cette appellation les missions de stratégie et d’évaluation du ministère. Les équipes de l’ancien ministère de l’équipement fournissaient un important travail statistique. Elles rejoindront l’Institut français de l’environnement, structure plus modeste issue du ministère de l’environnement, pour constituer un pôle statistique commun. Alimenté par les données de ce dispositif d’observation, le commissariat général établira la stratégie de développement durable non seulement du MEEDDAT, mais aussi de tous les autres ministères. En effet, le décret d’attribution du ministre d’État prévoit que celui-ci a à connaître des sujets relatifs au développement durable dans tous les autres départements ministériels. Le commissariat général aura donc à y promouvoir l’ardente obligation du développement durable.

Ni la délégation interministérielle à la sécurité routière, qui était tout à la fois une délégation interministérielle et une direction d’administration centrale de l’ancien ministère de l’équipement, ni la DIACT ne sont modifiées. L’une et l’autre sont mises à la disposition du ministre d’État, mais en tant que services du Premier ministre. Il n’est pas certain en revanche que la sécurité routière reste une direction du ministère, car nous sommes tenus par la nécessité de réduire le nombre de directions d’administration centrale. Il me paraît exclu, dans le futur périmètre ministériel, de dépasser le nombre total de vingt directions, directions générales et secrétariat général compris.

Pour ce qui est des économies budgétaires, si l’ensemble de ces actions vise à rendre le meilleur service possible au citoyen, la finalité est aussi de réduire les emplois. Nous ne connaissons pas encore la norme qui nous sera appliquée en la matière par rapport au principe général du non-remplacement d’un départ en retraite sur deux. Pour la période couverte par la prochaine loi de programmation budgétaire triennale, on peut estimer que 3 500 équivalents temps plein ne seraient pas remplacés. Ces ETP seront gagnés non pas sur les fonctions métiers mais sur les fonctions support, tant au secrétariat général que dans les services déconcentrés.

Autant le secrétariat général du MEEDDAT a une fonction support, autant le commissariat général exerce une fonction d’animation en matière de développement durable – il a ainsi organisé la semaine du développement durable, animation interministérielle impliquant le réseau déconcentré. Les deux structures s’efforcent, avec succès jusqu’à présent, d’être complémentaires.

De même, la répartition des tâches pour l’élaboration des projets de loi destinés à mettre en œuvre les conclusions du Grenelle de l’environnement est la suivante : le commissariat anime le secrétariat des comités opérationnels du Grenelle, puis le résultat de ces travaux est transmis au secrétariat général, qui se charge de l’écriture juridique et de la mesure de l’impact financier.

Pour en venir enfin aux relations entre le secrétaire général et les différents cabinets ministériels, il ne me semble pas que le MEEDDAT fasse exception. Le secrétaire général étant, par définition, en contact avec le ministre, il l’est avec son cabinet. Ses fonctions ne recoupent pas celles du cabinet, mais il doit les intégrer. Je considère qu’un secrétaire général ne doit pas se contenter de faire de l’« administration administrante » : il doit aussi établir des liens avec l’extérieur, avec le Parlement, etc. Cette fonction de représentation nécessite une bonne entente avec le cabinet. Un conflit entre un directeur de cabinet et un secrétaire général ne serait pas gérable.

M. Michel Piron, Rapporteur : Le commissariat général au développement durable rapportera-t-il directement au ministre ou sera-t-il placé sous l'autorité du secrétaire général ? Le commissariat sera-t-il chargé des études préalables au choix des infrastructures ? A-t-il vocation à prendre en charge toutes les études en amont des décisions prises par les directions générales ? De quels moyens disposera-t-il ?

Le site Internet du ministère indique que le commissariat s'appuiera sur un comité d'experts de haut niveau. S'agit-il d'un Conseil général de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, issu de la fusion du Conseil général des Ponts et chaussées et du Conseil général de l'environnement, ou d'une autre instance ?

M. David Habib, Président : On ne saurait trop se méfier des experts qui gravitent autour de ce ministère !

M. Michel Piron, Rapporteur : Vous m’autoriserez, monsieur le président, à ne pas partager tout à fait ce point de vue.

M. David Habib, Président : Bien entendu !

M. Didier Lallement : De même que le secrétariat général, le commissariat général dépend du ministre et s’inscrit dans un fonctionnement administratif traditionnel. Il comprend environ quatre cent cinquante fonctionnaires. En droit, le commissariat est une direction d’administration centrale ; au travers de son appellation originale, le ministre d’État a voulu marquer sa fonction d’animation de l’ensemble du dispositif du Grenelle de l’environnement et de la mise en place de la « gouvernance à cinq ». Au-delà de sa dimension stratégique, cette structure doit parvenir à servir d’interface au sein de cette gouvernance.

Ce n’est pas elle qui réalisera les études préalables : les directions de métiers en conserveront la charge. Le commissariat général élaborera en revanche le référentiel d’évaluation et vérifiera que ces études intègrent jusqu’au bout la dimension du développement durable. Il ne s’agit pas d’instaurer un climat de suspicion mais de compenser la tendance des directions d’administration centrales à s’affranchir des contraintes ne relevant pas de leur compétence.

Les experts de haut niveau n’ont pas été désignés. Le travail porte actuellement sur la gouvernance à cinq.

M. Michel Piron, Rapporteur : Pourriez-vous en rappeler les composantes ?

M. Didier Lallement : Elle associe les ONG, les entreprises, les syndicats, les élus et collectivités territoriales, et enfin l’État.

M. Michel Piron, Rapporteur : J’ose espérer que le Parlement est inclus dans la catégorie « élus ».

M. Didier Lallement : Je l’espère aussi.

M. David Habib, Président : J’espère pour ma part que l’ordre dans lequel vous avez cité les acteurs de la gouvernance à cinq ne reflète aucune hiérarchie.

M. Didier Lallement : S’il existe une hiérarchie, elle doit respecter les principes constitutionnels et les prérogatives du Parlement. Au demeurant, vos remarques mettent en relief le caractère inédit de ce système d’animation. Le commissariat général s’emploie à déterminer ce que signifiera la gouvernance à cinq en matière de grands projets. Se limitera-t-elle à une évaluation nationale ou descendra-t-elle au niveau local ? Un premier débat a eu lieu au sujet de la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : nous avons demandé au préfet de région d’organiser une table ronde. Le dispositif devra cependant être précisé et institutionnalisé. Il appartiendra à la représentation nationale de décider si la gouvernance à cinq s’exerce uniquement au niveau national ou si elle s’exerce projet par projet sur le plan local. Les deux options sont radicalement différentes. Il faudra également mesurer les incidences du dispositif sur le respect des compétences des collectivités territoriales, sur les déclarations d’utilité publique, les enquêtes publiques, etc. Les questions politiques et juridiques soulevées sont complexes. Il appartient au commissariat général de déblayer le terrain et de permettre d’avancer. C’est à cela que servira le think tank. Le ministère a d’ores et déjà mis en place un comité stratégique réunissant, sous la présidence du ministre d’État, les directeurs généraux, le commissaire général et le secrétaire général pour commencer à avancer sur ces sujets.

Pour résumer, le commissariat général est une structure intermédiaire entre une direction d’administration centrale et une interface avec le système résultant du Grenelle de l’environnement. Il n’est pas question qu’il assure la mise en œuvre des projets, qui restera de la compétence des directions de métier.

M. Michel Piron, Rapporteur : Le commissariat général assurera-t-il les études amont, dont dépend la qualité de la gouvernance ?

M. Didier Lallement : Il ne prendra pas en charge les études mais il en fixera les référentiels, qu’il s’agisse de chartes de qualité ou de cahier des charges des études. C’est en quelque sorte une norme qui sera établie, afin que l’on retrouve systématiquement un certain nombre d’items relatifs au développement durable dans les études, qui restent néanmoins de la compétence des directions de métiers.

M. Michel Piron, Rapporteur : Le rapport du conseil de modernisation des politiques publiques, en date du 4 avril, précise que le MEEDDAT doit « constamment veiller à renforcer ses capacités d'expertise dans les domaines nouveaux ou en croissance, comme la prévention des risques, l'expertise sur l'énergie ou la biodiversité ». Comment cet objectif sera-t-il atteint, par quelle stratégie et avec quels moyens ?

Le même rapport du conseil de modernisation précise que des marges de manœuvre en termes de personnels seront dégagées par le redéploiement des effectifs de l'ingénierie concurrentielle et d'une partie des effectifs du réseau scientifique et technique du ministère. Quels sont les effectifs des personnels concernés ? Quels sont les recrutements ou les formations envisagés ?

M. Didier Lallement : Nous sommes partis du principe qu’il convenait de conserver au sein des services tant centraux que déconcentrés de l’État une capacité d’expertise de haut niveau. Les services déconcentrés garderont donc leurs forces vives, car le MEEDDAT doit rester le ministère de l’expertise. La place qu’occupent les ingénieurs des différents corps dans l’organisation demeure donc essentielle.

Le système actuel d’expertise est assez ancien. Si l'Assistance technique pour la solidarité et l’aménagement du territoire – ATESAT – continuera d’apporter son aide en matière d’ingénierie aux petites communes, l’ingénierie de nos services déconcentrés doit évoluer. C'est ainsi qu’à la suite du Grenelle de l’environnement, ils doivent pouvoir apporter aux collectivités locales qui le souhaitent une ingénierie de qualité dans de nombreux domaines : villes durables, avec la prise en compte, dans l’organisation de la cité, de la politique des transports ou encore des changements climatiques ; bâtiments durables, qu’il s’agisse de la mise aux normes d’immeubles tant publics que privés, notamment HLM, ou de la rénovation énergétique des bâtiments ; lutte contre l’habitat indigne et insalubre ; meilleure connaissance et prévention des risques technologiques ; traitement des déchets ou encore planification et sécurité dans le domaine de l’eau. L’idée est de redéployer l’ingénierie traditionnelle vers ce type d’ingénierie.

Il convient toutefois de laisser émerger un secteur privé, car si toutes les conséquences du Grenelle sont tirées, les besoins seront énormes ne serait-ce qu’en matière de mise aux normes des bâtiments. L’État n’a pas vocation à remplir tout le spectre. Les collectivités territoriales doivent pouvoir s’adresser indifféremment soit au secteur privé soit à l’État.

Sur le terrain, le renforcement de l’expertise du MEEDDAT conduit à recruter beaucoup plus d’agents de catégorie A, c’est-à-dire d’ingénieurs, que de personnels de catégorie C. Un plan de reconversion, ou de repyramidage, sera donc effectué dans les prochaines années. Une circulaire adressée aux préfets leur demande de réfléchir d’ores et déjà sur ce sujet, et une concertation sera engagée avec les représentants des collectivités territoriales – AMF, ADF, ARF – afin d’éviter toute méprise, sachant que notre objectif est de susciter une ingénierie de haut niveau.

M. Michel Piron, Rapporteur : Comme dans le domaine routier, il est donc envisagé un certain partage d’expertise. Cependant, le secteur de la sécurité nécessitera peut-être, du fait de son caractère régalien, une ingénierie publique prédominante.

M. Didier Lallement : Les priorités pourront être hiérarchisées, mais l’idée est avant tout de redéployer une ingénierie qui, si elle a beaucoup servi au développement du pays, n’a pas toujours vocation à être conservée au niveau de l’État – comme pour les routes à la suite de leur décentralisation. Il s’agit de faire émerger un autre type d’ingénierie, concurrentielle, car les collectivités territoriales ne voudront pas forcément s’adresser à l’État.

Pour les personnels du MEEDDAT, très attachés à l’ingénierie, le ministère doit rester celui de l’expertise. Leur crainte est que les services déconcentrés soient absorbés par les services d’autres ministères, mais l’ingénierie sera conservée car il est essentiel de reconnaître le travail des personnels et sa valeur ajoutée. À cet égard, l’ingénierie apparaît également comme un outil de transformation interne.

M. Michel Piron, Rapporteur : Dans son rapport budgétaire pour 2008, M. Hervé Mariton, rapporteur spécial, indique que l'impasse de financement, pour les projets d'infrastructures de transport retenus, est de 10,5 milliards d'euros, compte non tenu des projets proposés par le Grenelle de l'environnement et de ceux décidés par le Président de la République. C'est ce qui explique l'importance accrue du calcul économique pour le choix des investissements et leur programmation.

Selon le rapport du conseil de modernisation des politiques publiques en date du 4 avril 2008, le Gouvernement aurait déjà engagé la révision du référentiel de calcul économique des grands projets d'infrastructure. Quelles sont les grandes orientations qui ont été arrêtées ?

Il est par ailleurs envisagé de mettre en place, au niveau national, un cadre formalisé de discussion des choix d'investissement de la nation associant l'ensemble des parties prenantes, selon une gouvernance à cinq. Quelles sont les principales caractéristiques de ce cadre formalisé ? Quelle sera la place des élus, en particulier des parlementaires dans cette instance ?

Il est enfin prévu de rendre la procédure de débat public national plus transparente et de l'appuyer sur une évaluation socio-économique contradictoire. La Commission nationale du débat public sera-t-elle confirmée dans son rôle, mais modifiée dans sa structure et ses modes de travail et d'intervention ?

M. Didier Lallement : M. Mariton avait soulevé la question de l'équilibre budgétaire de l’Agence de financement des infrastructures de transports – AFIT. Ce problème n'est cependant pas une surprise puisqu’il résulte du choix fait à l’époque de privatiser les autoroutes. En effet, il avait bien été précisé qu’au terme de la consommation de la part de 4 milliards d’euros de recettes de privatisation affectée à l’Agence, celle-ci devrait trouver d’autres modes de financement. Aussi proposerons-nous à l’examen de la représentation parlementaire la « taxe poids lourds », qui ne pourra toutefois être l’unique source de financement de l’AFIT, celle-ci ayant progressivement pris en charge des compétences qui n’étaient pas initialement prévues, notamment la rénovation des voies ferrées.

M. Michel Piron, Rapporteur : Cette taxe poids lourds vous paraît-elle être à la hauteur des enjeux ?

M. David Habib, Président : Ne faut-il pas plutôt se demander si c'est la privatisation des autoroutes qui est à la hauteur des enjeux ?

M. Didier Lallement : Le revenu de la taxe poids lourds n'est pas très éloigné de ce que pouvait être la productivité financière des autoroutes. En tout état de cause, le débat sur l’équilibre budgétaire de l’AFIT aura lieu en loi de finances, sachant que ses dépenses sont de 2 milliards en moyenne annuelle et que l’État a la possibilité d’abonder lui-même budgétairement l’Agence, ce qu'il fait d’ores et déjà.

Le référentiel de calcul économique doit intégrer non seulement le taux de rentabilité des investissements, mais également leur dimension en termes de développement durable, ce qui est d’ailleurs plus facile à faire pour les nouveaux projets que pour les anciens. Par exemple, lorsque le Président de la République annonce le gel de certaines constructions autoroutières, à quel moment du processus le réexamen des projets doit-il intervenir ? Il en va de même que pour le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes : à quel moment la gouvernance à cinq doit-elle s’appliquer ?

Pour ce qui est du cadre formalisé de discussion des choix d’investissement, l’avant-projet de loi issu du Grenelle de l’environnement prévoit qu’une conférence nationale associant ces fameux cinq partenaires se réunira chaque année pour valider les indicateurs du développement durable. Il convient maintenant de trouver un mode de consultation portant sur les infrastructures majeures afin de définir le niveau auquel la discussion doit avoir lieu. Selon qu’il s’agira du niveau national ou local, le choix sera politiquement lourd de sens.

M. Michel Piron, Rapporteur : Ne peut-on concevoir que la discussion se déroule sur les deux plans, sans pour autant prendre les mêmes formes ?

M. Didier Lallement : C'est un choix à faire dans le cadre de la préparation du projet de loi. Pour notre part, nous réfléchissons à la gouvernance à cinq afin de proposer des mécanismes qui fonctionnent.

Notre souci est de prendre en compte le développement durable, non de mettre fin à la construction d’infrastructures autoroutières ou ferroviaires. Il s’agit, pour le MEEDDAT, d’arbitrer entre le développement durable et la poursuite d’un développement au bénéfice des populations et des entreprises. À cet égard, la gouvernance à cinq ne doit pas être un obstacle. Elle doit, au contraire, nous aider à progresser et à mieux faire accepter certains projets essentiels, face à des coalitions d’opposition dont la cohérence ne provient pas forcément de leur attachement à l’intérêt général.

M. David Habib, Président : Dispose-t-on d’éléments permettant de comparer le temps qu’il faut en France par rapport aux autres pays de l’Union européenne pour passer de la genèse d’un projet – une autoroute, par exemple – à sa réalisation ? N’ajoute-t-on pas, avec la gouvernance à cinq, une étape supplémentaire retardant le processus de décision de l’action publique ? Le ministre d’État a-t-il été alerté sur le risque qu’il y a, en termes tant d’aménagement du territoire que de croissance économique, à multiplier ces étapes ?

M. Didier Lallement : La direction générale des routes pourra vous adresser un comparatif des temps de réalisation.

Quant à la gouvernance à cinq, elle devrait permettre de dépasser certaines contradictions, même si, au moment des choix, nous serons toujours confrontés à des oppositions.

M. David Habib, Président : Selon vous, la gouvernance à cinq permettra-t-elle de les surmonter ?

M. Didier Lallement : La réalisation d’une route, par exemple, demande aujourd’hui beaucoup plus de temps que lorsque j’ai débuté ma carrière. La gouvernance à cinq ne permettra pas de mettre tout le monde d’accord, mais au moins montrera-t-elle que la discussion a eu lieu. Les gens semblent en effet finir par se persuader du contraire alors que les enquêtes publiques leur ont permis de s’exprimer. Certes, cela n’empêchera pas un riverain d’intenter un recours, mais personne ne pourra dire qu’il n’a pas été consulté.

M. David Habib, Président : On sait, en outre, que des associations représentées dans la gouvernance à cinq peuvent participer à de tels recours. Peut-être est-ce là le côté poétique souligné par M. le rapporteur ?

M. Michel Piron, Rapporteur : La gouvernance ne doit-elle pas obéir tout simplement à l’intérêt général et chercher la meilleure manière de le servir ? Lorsque l’on ne fait plus la différence entre le point de vue de l’élu, censé exprimer l’avis d’une majorité, et celui des particuliers qui, bien que regroupés sous une forme associative, ne représentent qu’une somme d’intérêts individuels, c’est l’idée même d’intérêt général qu’il devient difficile de faire valoir.

La formalisation doit faire en sorte que les notions d’intérêt général et d’utilité publique ne soient jamais perdues de vue dans les procédures complexes, sources de contentieux. Ce n'est pas le contenant qui doit déterminer le contenu, mais l’inverse. La hiérarchisation des points de vue est à cet égard essentielle.

M. David Habib, Président : Les procédures de plus en plus sophistiquées finissent en effet par faire oublier qu’il y a une mission à remplir. La concertation est souhaitable, mais elle ne peut résumer l’action publique.

M. Michel Piron, Rapporteur : Il ne faut pas en effet la confondre avec la délibération.

M. David Habib, Président : André Labarrère, auquel j’ai succédé, me rappelait toujours que, pour arriver au même résultat, la concertation coûtait deux fois plus cher et demandait dix fois plus de temps – c'est ce qui explique peut-être que je sois l’un des sept députés socialistes qui n’ont pas bénéficié du soutien des Verts lors des dernières législatives !

La réponse à la question relative au délai nécessaire pour réaliser un projet permettra de mieux comprendre pourquoi l’action publique n’aboutit pas aussi rapidement qu’on le souhaite, entraîne des coûts souvent exorbitants par rapport à nos moyens et n’est pas de nature à assurer une bonne régulation entre les différents acteurs puisque les contentieux ont malgré tout lieu.

Le processus initié par le Président de la République, que nous aurons à valider avec les projets de loi issus du Grenelle de l’environnement, permettra à chacun de faire valoir sa vision de la démocratie participative.

M. Bernard Piron, Rapporteur : Qu’en est-il à cet égard de la Commission nationale du débat public ?

M. Didier Lallement : Il n'est pas prévu, à ce stade, de la faire évoluer de façon substantielle.

M. Michel Piron, Rapporteur : La comparaison internationale concernant les délais de réalisation des grandes infrastructures me semble également très intéressante.

M. David Habib, Président : Nous avons beaucoup à apprendre de l’Espagne, notamment dans le domaine des liaisons ferroviaires.

M. Didier Lallement : Nous ne construisons pas suffisamment d’aéroports pour que la comparaison en la matière soit pertinente, mais des études seront conduites dans le domaine des autoroutes, des voies ferrées ou encore des voies navigables.

M. Bernard Piron, Rapporteur : Parlons de la structure du budget. Après la constitution du MEEDDAT, le nombre de programmes de votre mission, qui sont au nombre de douze dans la loi de finances de 2008, seront-ils modifiés ? Faut-il s'attendre à des rectifications de périmètres pour certains programmes et lesquels ?

Le nombre d'objectifs de chaque programme sera-t-il revu à la baisse ? Quels indicateurs de performance seront mis en place pour mesurer la contribution des différentes actions d'un programme au développement durable ?

Les actions de recherche relatives au développement durable seront-elles rattachées à la mission MEEDDAT ou appartiendront-elles à la mission Recherche et enseignement supérieur ? Dans le second cas, comment la coordination pour le choix des priorités et le contrôle des résultats seront-ils organisés entre les deux missions ou les deux ministères ?

M. Didier Lallement : La maquette budgétaire construite pour 2008 ne connaîtra pas d’évolution majeure. Nous tirerons simplement les conséquences de la réorganisation du ministère en regroupant au sein d’un programme Infrastructures tout ce qui a trait au réseau routier national et aux transports terrestres et maritimes ainsi qu’à la gestion des infrastructures et au trafic, domaines qui relèvent du programme Sécurité routière. De même, un programme Aménagement, urbanisme et ingénierie publique sera créé qui reprendra, à l’instar de la réunion de la direction générale de l’urbanisme et de la construction et de la direction de l’eau, de la nature et des paysages, des éléments budgétaires figurant dans les programmes précédents.

Pour le reste, le ministère présente la spécificité de disposer d’un programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables qui est très mutualisé. Il sera conservé, car il servira à réaliser l’intégration en même temps que des économies.

Les programmes seront recalés en fonction de notre organisation, de manière à faire parfaitement coïncider le champ des directions générales concernées et la maquette budgétaire. Il ne sera cependant pas touché à la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur, tout simplement parce qu’elle n’est pas directement de notre compétence.

Les premières discussions avec la direction du budget ont montré, en revanche, un souhait partagé de limiter les objectifs à cinq par programme et les indicateurs à deux par objectif. Il conviendra de préciser quels indicateurs nous conservons au regard de l’impact du développement durable sur les différents programmes.

M. Michel Piron, Rapporteur : Selon la circulaire du Premier ministre du 19 mars 2008, des directions régionales du développement durable reprendront les compétences des directions régionales de l'équipement – DRE –, y compris le logement, des directions régionales de l'environnement – DIREN – et des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement – DRIRE –, à l'exception, pour ces dernières, de leurs missions de développement industriel.

Séparées d'une année, trois vagues de fusion sont programmées, la première étant prévue pour janvier 2009. Quelles sont les principales difficultés prévisibles pour une telle réforme ? Comment le retour d'expérience sera-t-il mis en œuvre ? Quelles sont les économies de fonctionnement attendues de ce regroupement ?

M. Didier Lallement : Le regroupement au niveau régional se fera bien en trois phases et non en deux comme au niveau départemental avec la fusion des DDE et des DDA menée après une expérimentation dans huit départements. Certes, une expérience a eu lieu avec la fusion des DRIRE et des DIREN dans cinq régions, mais elle n'est pas transposable pour un mariage à trois.

M. Michel Piron, Rapporteur : Pourquoi cette expérience ne pourrait pas servir en la matière ?

M. Didier Lallement : On ne peut tirer de l’expérience de fusion des DRIRE et des DIREN, menée sous la précédente législature en Corse, en Haute-Normandie, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Picardie et en PACA, un modèle généralisable du fait de la taille des DRE. C’est d’ailleurs toujours ce problème de taille qui pose problème tant au niveau de l’administration centrale qu’au niveau régional, car à chaque fois l’on trouve une partie équipement importante, une partie environnement plus légère et une partie industrie d’importance intermédiaire.

M. Michel Piron, Rapporteur : On peut être poète et penser. Il n’y a pas forcément antinomie entre cultures rationalistes et cultures plus créatives. Finalement, ces questions de taille ne cachent-elles pas des questions de pouvoir ?

M. Didier Lallement : La poésie n’empêche en effet pas le pragmatisme. Cependant, de tels rapprochements soulèvent des problèmes non seulement de taille, mais également de culture et, bien entendu, de gestion de corps. Alors que l’équipement comprend une majorité d’ingénieur des Ponts, les DRIRE comptent une majorité d’ingénieurs des Mines, tandis que les DIREN accueillent des ingénieurs à la fois des Mines et des Ponts. En outre, les modes de rémunération sont différents. Il n’existe pas, par ailleurs, d’emploi fonctionnel de DRIRE contrairement à la DRE et à la DIREN.

La question fondamentale est de savoir comment la future entité sera organisée. Si elle doit l’être en trois services, en reprenant chacun des services précédents, la fusion n’aura pas été réussie. Il faut donc l’organiser de façon plus transversale, ce qui demande de la réflexion, de l’ingénierie et la maîtrise technologique du processus de fusion.

L’étalement de cette dernière sur trois ans tient également au fait qu’il faudra passer, en métropole, de soixante-six directeurs à vingt-deux. Au terme de la réorganisation de l’administration centrale, une vingtaine de directeurs, quarante-quatre directeurs régionaux et cinquante directeurs départementaux ne seront plus directeurs, car si l’on comptera, par exemple, toujours 100 directions départementales de l’équipement et de l’agriculture (DDEA), le partage des emplois à part égale avec le ministère de l’agriculture a été décidé – la répartition aurait logiquement dû être de 80/20, mais nous avons préféré mettre notre patriotisme de ministère de côté au regard de l’intérêt général que représente la fusion.

D’autres ministères connaissent un même problème de retraitement de cadres supérieurs, mais il n’atteint une telle intensité que dans le nôtre. Or régler l’aspect humain demande du temps, car on ne fait pas de réforme en décourageant l’encadrement. Certains directeurs régionaux accepteront d’être adjoints dans une autre région, mais d’autres, à juste titre, le refuseront. Il faut les utiliser sans forcément les envoyer au Conseil général des Ponts et chaussées, qui deviendra demain le Conseil général du développement durable.

M. Michel Piron, Rapporteur : Il va de soi que la fusion ne peut être réalisée de façon mécanique.

Le rapport du conseil de modernisation des politiques publiques, en date du 4 avril 2008, indique que la réorganisation du MEEDDAT s'accompagnera d'un regroupement des personnels sur un nombre limité de sites, principalement à La Défense. Quels sont ces sites ? Quels critères sont utilisés pour décider de regrouper telle ou telle autre direction générale ? Quelles ont été les réactions et les demandes des personnels ?

S'agissant de la direction générale de l’énergie et des matières premières - DGEMP – et de ses personnels, quelle sera leur localisation, leur situation actuelle dans le XIIIe arrondissement les plaçant à l'écart des autres équipes ?

M. Didier Lallement : Le schéma immobilier que nous avons présenté repose sur le regroupement de l’ensemble des implantations sur deux pôles : d’une part, le pôle traditionnel du ministère de l’équipement à Saint-Germain, agrandi des bâtiments du ministère des transports, soit une surface allant de l’hôtel de Roquelaure à la rue du Bac, où sera implanté l’ensemble des cabinets ministériels ainsi qu’un nombre limité de fonctionnaires dont le Haut fonctionnaire de défense (HFD) ; d’autre part, le pôle du quartier de La Défense, qui accueillera l’ensemble des services, à l’exception de la direction générale de l’aviation civile qui conservera son bâtiment en propriété le long de l’héliport. Toutefois, nous souhaitons garder le bâtiment traditionnel de l’entité Mer de la place Fontenoy qui accueille non seulement les services maritimes du MEEDAT, mais également l'Établissement national des invalides de la marine – ENIM –, la sécurité sociale des marins, la direction des affaires maritimes et la direction des pêches, laquelle relève du ministère de l’agriculture.

Comme je crois beaucoup à la valeur de l’exemple, je m’installerai dans l’une des tours de La Défense au début du mois de mai. Nous étalerons les déménagements tout au long de la présidence française afin de ne pas la perturber, car ces déménagements sont l’occasion de mettre en place le nouvel organigramme de l’administration centrale. En l’occurrence, je pense plus particulièrement à la direction générale de l’énergie et des matières premières. En effet, le poids qu’aura la future direction générale de l’énergie et du climat dans la négociation qui sera menée sous présidence française empêche d’envisager son déménagement avant le deuxième trimestre 2009.

À terme, lorsque tous les déménagements auront été réalisés, l’implantation Ségur sera vendue. Le ministère sera alors l’un des rares à être implanté en dehors de Paris. Il faut souhaiter que cet exemple soit suivi par mes collègues secrétaires généraux d’autres ministères.

M. Michel Piron, Rapporteur : La création du MEEDDAT résulte d'une forte volonté politique. La question de l'efficacité de la nouvelle structuration de l'action publique dans le domaine de la protection de l'environnement, de l'énergie, du logement, de l'équipement, des transports, de la prévention des risques, doit toutefois être posée.

Sachant que l'efficience du nouvel ensemble sera mesurée à l'aune du développement durable, quels sont les critères d'ensemble qui peuvent être définis dès maintenant à cet effet ?

M. Didier Lallement : Le propre de la constitution du ministère est de définir des critères, même si les conclusions du Grenelle de l’environnement ou le discours du Président de la République en ont déjà donné un certain nombre, tel l’objectif de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020. Ces critères ambitieux serviront d’indicateurs pour mesurer si nous avons été ou non efficaces. Auparavant, le paquet « Énergie-Climat » permettra déjà de savoir si, dans le cadre de la présidence française, des dispositifs ont pu être présentés au Parlement européen en matière d’énergie et de climat ou encore de taux d’émission de CO² des véhicules. Au fur et à mesure de la mise en œuvre des engagements internationaux, de nombreux éléments permettront de juger de la pertinence du dispositif ministériel.

Le ministère a les moyens de son ambition. À lui de réussir. C’est d’ailleurs pourquoi nous tenons à régler tout de suite les problèmes d’organisation. La finalité de l’administration n'est pas sa réorganisation. S’il lui faut rationaliser l’utilisation de ses locaux, diminuer le nombre de ses emplois, elle doit surtout mettre en œuvre les politiques du Gouvernement et démontrer à la représentation parlementaire que ses objectifs ont été atteints.

M. Michel Piron, Rapporteur : Le terme de développement durable est composé d’un substantif et d’un qualificatif. Pour prendre l’exemple du logement, si l’aspect durable a été mis en valeur avec le Grenelle de l’environnement, il ne faut pas oublier l’aspect développement, en particulier, la production de logements en termes quantitatifs, fut-elle qualifiée de durable.

L'audition précédente a fait apparaître une dimension fondamentale à prendre en compte dans la mise en œuvre de la réforme, à savoir le service rendu aux collectivités territoriales et aux consommateurs. Quel est le point de vue du ministère sur cette question ?

La dématérialisation des procédures peut-elle servir de substitut au contact direct avec les usagers ? Des enquêtes de satisfaction sont-elles prévues pour mesurer l'impact de la réforme ?

M. Didier Lallement : On ne peut répondre à ces questions sans rappeler ce qu’a été la réorganisation de nos principales implantations territoriales à la suite de la décentralisation des routes. L’ex-ministère de l’équipement s’est, à l’époque, rapproché des collectivités locales afin que le nombre d’implantations territoriales reste assez proche de ce qu’il était avant la fusion, mais le transfert empêchait de garder les mêmes implantations. Dans certains endroits, les personnels ont eu du mal à le comprendre, et c'est pourquoi nous avons mis en place un système d’antennes qui était coûteux en termes de personnels, mais qui rassurait à la fois ces derniers et les élus des petites communes, très attachés à la présence de l’équipement sur leur territoire. Devoir se rendre au chef-lieu pour y trouver un guichet unique répondant à tous les besoins, n'est en effet tout simplement pas concevable pour certains maires ruraux.

M. David Habib, Président : Je vous invite à m’accompagner en Béarn dans un canton de ma circonscription afin que vous vous rendiez compte du niveau d’écoute de votre ministère vis-à-vis par exemple d’un pétitionnaire en matière de certificat d’urbanisme !

M. Didier Lallement : Ma carrière m’a permis de vivre des moments surréalistes, notamment lorsque des élus m’expliquaient qu’ils pourraient à la limite se rendre à la sous-préfecture, mais certainement pas – plus pour une question de culture que de transport – au chef-lieu distant de soixante kilomètres.

Si je faisais ce rappel de la décentralisation des routes, c'est pour expliquer qu’en matière d’implantations territoriales, le ministère a donné ce qu’il y avait à donner. Il n'est pas envisagé en effet dans la réorganisation des services départementaux d’aller plus loin. L’ATESAT sera maintenue et les ETP resteront à 1 800 dans les bleus budgétaires qui lui sont consacrés. Ce service de proximité est une absolue nécessité pour les communes rurales. Il est d’ailleurs exigé par la loi, et l’engagement est pris devant vous de ne pas le réduire en le réorganisant.

Pour ce qui est de la satisfaction des usagers, la dématérialisation des procédures n’a pas de sens partout. Ne trouve-t-on pas encore dans les fermes de nombreux Minitel, matériel qui reste toujours un outil pour les aides agricoles ? Les générations qui vont arriver aux affaires passeront sans difficulté à l’Internet, mais nombre de nos anciens ne s’y mettront jamais. Un système de guichet reste donc nécessaire.

M. David Habib, Président : Il me reste, monsieur le secrétaire général, à vous remercier. La tâche est énorme, mais notre impatience l’est tout autant. Aussi comptons-nous organiser ultérieurement des auditions tant avec les organisations syndicales qu’avec l’échelon local en la personne d’un préfet et d’un président de conseil général.

Auditions du 15 mai 2008

a) 9 heures :

Table ronde, ouverte à la presse, de délégations syndicales du personnel du ministère : MM. Hubert Lebreton, Secrétaire général de l’Union des syndicats de l’équipement USE CFDT, et Patrick Grosroyat, membre du Bureau national de l’USE-CFDT ; MM. Willy Garing et Didier Horeau, Secrétaires nationaux de la Fédération de l’Équipement-Environnement CGT ; MM. Jean Hedou, Secrétaire général de la Fédération Force ouvrière de l’Équipement, de l’Environnement, des Transports et des Services (FEETS FO), et Pascal Pavageau, Secrétaire du cartel fédéral FEETS FO ; Mme Claude Bessis et M. Daniel Gascard, de la FSU-Syndicat national de l’Environnement ; Mme Chantal Craipeau et MM. Jean-Pierre Frileux, Alain Ximenes et Patrice Longe, du Syndicat Unitaire de l’Industrie -Fédération Solidaires Finance ; Mme Isabelle Viallat et MM. Gérard Ferre et Didier Mazouni, de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) MEEDDAT

Présidence de M. Jean-Louis Dumont, membre de la MEC

M. Jean-Louis Dumont, Président : Je salue l’ensemble des représentants syndicaux et les remercie d’avoir répondu, en ce jour particulier de manifestation, à l’invitation de la Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des Finances sur la gestion des ressources humaines au MEEDDAT, le ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

La MEC, qui rassemble à parité des membres de la majorité et de l’opposition, donc un rapporteur de la majorité – M. Michel Piron – et un de l’opposition – M. Jean Launay –, présente l’originalité d’intervenir alors que le processus de création du MEEDDAT n’est pas encore achevé. Ce processus est en particulier lié aux lois de décentralisation et à la déconcentration de certains effectifs du fait du transfert de responsabilités aux collectivités départementales. Le périmètre du ministère étant large, puisqu’il rassemble les anciens ministères de l’Équipement, de l’Environnement et du Développement durable, il ne doit pas être aisé de bien en définir les contours.

La table ronde d’aujourd’hui m’intéresse à un double titre, puisque je siège au Conseil de l’immobilier de l’État. En plus des conditions de travail, de la projection dans les prochaines années de la réorganisation des services et de l’évolution des effectifs, je souhaite que soit abordée la question de l’évolution du schéma pluriannuel de stratégie immobilière – SPSI – car il peut entraîner des mouvements de personnel du fait de l’abandon de certains immeubles au profit de trois sites : le site historique boulevard Saint-Germain, la Défense et Marne-la-Vallée.

Cette audition est une première puisqu’elle s’attache à la gestion des ressources humaines, au moment où le Gouvernement fixe des objectifs pour les effectifs, propose de nouveaux profils de qualification et suggère une évolution des missions jadis considérées comme régaliennes.

M. Michel Piron, Rapporteur : Notre rencontre présente l’intérêt d’intervenir durant la réflexion en cours sur la réorganisation du MEEDDAT, qu’elle peut donc alimenter.

La mission a commencé ses auditions par un bilan de la décentralisation de 2004 et de l’expérience de fusion des DDE et des DDAF dans huit départements, en recevant les responsables de la direction générale du personnel et de l’administration. Nous avons ensuite porté notre attention sur les nouvelles structures du MEEDDAT, avec l’audition de son secrétaire général. Nous sommes avec vous aujourd’hui au cœur de notre sujet, à savoir la gestion des ressources humaines.

J’invite chacune des organisations représentées à prendre la parole pendant une dizaine de minutes afin que nous puissions ensuite échanger sur les sujets suivants :

– perspectives d’évolution des effectifs du MEEDDAT ;

– profil et diversification des recrutements ;

– modulation indemnitaire, intéressement ;

– formation initiale et formation continue ;

– gestion de carrière et vivier de futurs cadres dirigeants ;

– perspectives de fusion des corps, impact budgétaire.

Comme on ne saurait être exhaustif en si peu de temps, nous vous demanderons de bien vouloir nous faire parvenir par écrit toutes les observations que vous jugerez utiles pour alimenter une réflexion que nous menons sans aucun a priori.

M. Jean Launay, Rapporteur : Les travaux de la mission sont programmés longtemps à l’avance et nous vous remercions d’être présents en dépit du contexte particulier de cette journée nationale d’action.

Nous sommes également conscients des difficultés de la période de transition actuelle. Sachez que la mission a un rôle non seulement de contrôle mais également de prospective, et qu’elle peut, à ce titre, faire passer des messages.

M. Hubert Lebreton : Nous vous remercions de nous avoir invités. C’est la première fois que nous sommes auditionnés par la commission des Finances et il est intéressant de faire part aux représentants des citoyens des difficultés que rencontrent les personnels de la fonction publique pour exercer leur métier.

S’agissant des perspectives d’évolution des effectifs, je rappelle que le MEEDDAT est la réunion de plusieurs administrations qui ont connu des fortunes diverses en matière d’emploi. Cela fait des années que le ministère de l’Équipement subit des suppressions d’effectif, qui mettent à mal l’organisation du travail et les conditions de travail. Le Gouvernement passe aujourd’hui la vitesse supérieure en annonçant la suppression d’un emploi sur deux à l’occasion des départs en retraite, ce qui ne peut qu’accroître encore les difficultés.

Le MEEDDAT est en effet en pleine réorganisation, que je qualifierai pour ma part de désorganisation. Alors que le ministère a été créé depuis un an, l’administration centrale n’est toujours pas organisée. Dans le même temps, des fusions de services sont annoncées aux niveaux départemental et régional. L’ensemble des personnels du ministère, des cadres aux agents d’exécution, a le moral au plus bas. Ils ont l’impression qu’il n’y a aucune stratégie ni aucun pilotage. Comment peut-on réorganiser les services, renforcer les moyens de la formation initiale, améliorer les conditions de travail, assurer une meilleure écoute du personnel avec la perspective du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux ? Cela va créer des vides dans les services et le travail qui ne sera plus assuré retombera sur ceux qui restent.

Nous nous interrogeons toujours sur les missions du MEEDDAT et sur l’organisation de ses services. Si par « diversification des recrutements », vous songez au remplacement des fonctionnaires par des contractuels, nous n’y sommes pas favorables. Le recrutement d’un fonctionnaire est soumis, certes, à des contraintes, mais il assure une certaine égalité et une certaine transparence qu’il nous paraît nécessaire de conserver. Embaucher davantage de contractuels revient à renforcer la précarité. Ils auront moins de droits et seront plus corvéables.

Dans des ministères techniques comme ceux que regroupe le MEEDDAT, la modulation indemnitaire est appliquée depuis longtemps et, pour certains corps, elle représente une part non négligeable du salaire. Les coefficients vont de 0,8 à 1,2 et donnent lieu, parfois, à des exercices périlleux car, pour appliquer 1,2 à l’un, il faut appliquer 0,8 à un autre. Les critères de fixation de ces coefficients ne sont pas toujours très clairs et entraînent des différences de rémunération importantes. Quant à l’intéressement, il n’a pas de sens dans la fonction publique. Le personnel de l’Équipement bénéficiera-t-il d’un intéressement s’il y a moins de morts sur les routes, si les températures baissent ou s’il y a moins de pollution ?

En ce qui concerne la formation initiale et la formation continue, les différents ministères avaient des écoles de formation de techniciens et d’ingénieurs de grande qualité et des centres interrégionaux de formation professionnelle. La désorganisation totale du MEEDDAT les a mis à mal. Dans les directions départementales de l’équipement – DDE –, par exemple, il y avait des cellules de formation dotées d’effectifs suffisants pour mettre en œuvre une réflexion réelle et concrète sur les besoins de formation et l’évolution des compétences. La réduction des effectifs a obligé à regrouper les moyens à des niveaux supérieurs, ce qui a eu pour effet d’éloigner la cellule des personnels qui sont sur le terrain, donc de l’appréciation des besoins. La construction du ministère étant encore des plus approximatives, les personnels sont complètement déboussolés et ne savent plus à quel saint se vouer, si bien que la question de la formation passe au second plan.

La révision générale des politiques publiques – RGPP – vient encore se greffer sur les difficultés existantes. Je suis content de pouvoir interpeller des parlementaires à ce sujet. Je suis surpris que la RGPP ait été lancée sans débat au Parlement ni dialogue social. Ce dernier s’est réduit à deux dates – 12 décembre et 4 avril – où la liste des mesures nous a été énumérée. Quand on a annoncé le recours à un opérateur spécifique pour l’examen du permis de conduire, nous sommes allés voir la déléguée interministérielle à la sécurité routière qui s’est déclarée surprise de cette mesure ! C’est catastrophique.

Vous nous interrogez également sur la gestion de carrière et le vivier de futurs cadres dirigeants. Quand c’est par une circulaire que vous apprenez si vous serez ou pas le préfigurateur de la fusion DDE-DDA et que vos personnels l’apprennent en même temps que vous, il y a un problème. La révision générale des politiques publiques et la construction du MEEDDAT semblent se faire sans les cadres dirigeants de ce ministère. L’avancement à l’ancienneté est aussi une vue de l’esprit. Les personnels sont organisés dans des corps et dans des cadres. À l’intérieur d’un grade, le déroulement de carrière se fait à l’ancienneté mais la durée de l’échelon est variable selon la notation. Les changements de grade se font aussi sur une évaluation des mérites et, souvent, il n’y a pas assez de places pour tous les agents méritants. Cela vaut pour les catégories C, B et A. Contrairement à ce que l’on croit, tous les personnels n’accèdent pas au dernier niveau de grade de leur corps.

M. Michel Piron, Rapporteur : Vous considérez donc que le système actuel est bon et peut rester en l’état ?

M. Hubert Lebreton : Non, il n’y a pas assez de possibilités de promotion. Les personnels méritants sont bien plus nombreux qu’il n’y a de postes pour les récompenser. Je signale que, dans la fonction publique, il est assez fréquent de remonter le salaire de début de carrière par rapport au SMIC. Si l’on continue comme cela, on risque de recruter, dans quelques années, les catégories A et B au SMIC. Le salaire de début de carrière de la catégorie A est actuellement à 25 % au-dessus du salaire minimum et celui de la catégorie B à 10 ou 12 % au-dessus. Si, en plus, on dit aux personnels qu’ils doivent rester au premier niveau de grade parce qu’ils coûtent trop cher, cela n’ira pas.

Le système actuel ne fonctionne pas du tout à l’ancienneté. Le mérite est évalué et tout le monde ne bénéficie pas d’un changement de grade.

S’agissant enfin des perspectives de fusion des corps et de l’impact budgétaire, la CFDT est plutôt favorable aux fusions car il existe parfois des concurrences entre les corps et certains corporatismes. Mais force est de constater que les fusions de corps n’améliorent pas les déroulements de carrière.

Je reviens brièvement sur les effectifs. Avec la LOLF, on calcule par équivalents temps plein, de sorte qu’on raisonne en fonction d’un plafond d’emploi et d’une masse salariale. Il est très difficile pour les organisations syndicales de connaître les effectifs, donc de suivre, corps par corps, leur évolution.

Chaque année, on dégage sur le budget du ministère une masse salariale pour des mesures catégorielles destinées à améliorer le régime indemnitaire et les carrières. Cette masse était en 2007 de 34 millions d’euros dans le champ du ministère de l’Équipement. Elle est tombée en 2008 à 18 millions d’euros pour l’ensemble du ministère.

M. Jean Launay, Rapporteur : La commission des Finances a demandé, par l’intermédiaire de son président, à porter un regard précis sur les conditions de mise en œuvre de la RGPP, mission par mission. La commission a procédé hier à des auditions sur deux missions particulières : politique de la ville, ainsi que recherche et enseignement supérieur.

J’invite les représentants des organisations syndicales à concentrer leurs propos sur les différences ou les points qui n’auraient pas été évoqués par le premier intervenant, sans reprendre nécessairement toutes les questions.

M. Didier Horeau : Nous sommes à quelques jours d’une nouvelle réunion du conseil de modernisation des politiques publiques, très attendue car les annonces du 4 avril ont suscité de nombreuses interrogations, de l’agent d’exploitation à l’encadrement supérieur, troisième niveau, où 200 agents d’encadrement ont été déclarés « en trop ».

Le manque de considération à l’égard de l’encadrement supérieur a posé de graves problèmes chez les agents des services. Ils ont connu, depuis quelques années, de nombreuses réorganisations, la dernière en date étant le transfert des routes nationales. L’évolution des métiers et des carrières dans le MEEDDAT-ex Équipement et les autres ministères a été très importante. L’ingénierie publique, par exemple, a été balayée d’un revers de main par une décision politique, ce qui pose un problème de fond vis-à-vis des collectivités locales. Les services ont montré qu’ils savaient évoluer, notamment dans le cadre du développement durable, lequel ne consiste pas à regarder les besoins sous l’angle de l’économie mais à réfléchir aux solutions à mettre en place aujourd’hui pour répondre aux objectifs fixés.

La ville de Lorient a décidé de réduire par quatre sa consommation d’eau en vingt ans, elle y a mis les moyens, a embauché les personnes nécessaires et elle a gagné son pari.

Si le MEEDDAT doit être investi de missions spécifiques, cela ne doit pas entraîner des réductions d’effectif et de mission.

M. Michel Piron, Rapporteur : J’aimerais que vous précisiez votre vision de l’ingénierie publique. À quel niveau doit-elle intervenir ? On peut imaginer que de centralisée, elle devienne territorialisée.

M. Didier Horeau : La bonne échelle pour l’ingénierie publique, ce sont les services déconcentrés. Nous souhaitons que le MEEDDAT continue à aider les collectivités en ce domaine. Les collectivités ne savent par exemple pas forcément ce qu’implique l’AMO – assistance maître d’ouvrage – processus relativement compliqué et long. Par ailleurs, dans de nombreuses parties du territoire, il n’y a pas d’ingénierie privée.

Le chiffre de 17 000 suppressions d’emplois au MEEDDAT circule depuis déjà plusieurs semaines. Ce serait une catastrophe. Le ministre d’État nous a répondu qu’il se fondait sur une réduction de 3 500 postes au maximum. Vous comprendrez dès lors que les agents, qui ont déjà subi plusieurs réorganisations, aient le moral au plus bas. La CGT a organisé une journée d’action spécifique sur ce sujet. Certains pays reviennent déjà en arrière en matière de RGPP.

Les modulations indemnitaires existent déjà. La part des primes dans la rémunération globale augmente avec le grade mais les primes ne comptent pas pour la retraite. Une action est prévue la semaine prochaine pour protester contre la mise à mal des retraites.

La CGT revendique des évolutions statutaires, par le haut. Or les propositions de fusions ont toujours pour but de réduire l’effectif et l’évolution des carrières. Beaucoup d’agents partent à la retraite avec un revenu juste au-dessus du SMIC.

La formation, initiale et continue, est très importante. Les approches différentes entre le MAP – le ministère de l’Agriculture et de la pêche – et le MEEDDAT ont fait qu’on a demandé aux agents du réseau formation de Valenciennes, qui avaient travaillé et fait des propositions pour l’IAT – l’Ingénierie d’appui territorial– de tout arrêter, alors qu’il y a un besoin de formation pour des métiers spécifiques qui n’existaient pas auparavant comme celui de correspondant territorial.

Notre réseau de formation est connu et réputé. Il faut donner aux agents les moyens d’aller en formation, non seulement au sein du MEEDDAT mais également à l’extérieur.

M. Willy Garing : Je représente plus spécifiquement les personnels d’exploitation. Le MEEDDAT est le ministère où il y a le plus d’accidents et de morts en service. Depuis le 31 août 2007, on a dénombré plus de quarante accidents, des véhicules de service ayant été littéralement pulvérisés. Supprimer encore des effectifs posera de graves problèmes de sécurité tant pour les personnels que pour les usagers.

Le gros problème, commun à l’ensemble des catégories, ce sont les bas salaires. Les personnels d’exploitation encore présents dans les DIR – directions interdépartementales des routes – et les DDE sont recrutés en dessous du SMIC. Grâce à une indemnité différentielle, ils perçoivent une rémunération un peu plus élevée, mais le salaire de recrutement reste le salaire de référence pour toute leur carrière. Je vous laisse imaginer ce que cela donne pour les retraites.

Le souci majeur, y compris pour les catégories d’encadrement B et A, c’est la fuite des personnels vers le privé. La notion de service public s’effrite vite quand les fins de mois arrivent le 15 !

Il faut faire par ailleurs attention aux fusions de corps. Les corps ont été créés pour exécuter des missions précises et parfois spécifiques – dans les secteurs des routes, des voies navigables ou des ports maritimes, par exemple. Avec la bourse aux effectifs dans le cadre des réorganisations des services, on a ouvert à toute la catégorie B des postes réservés à des contrôleurs ou à des techniciens, si bien que des secrétaires administratifs de catégorie B se sont retrouvés à des postes de contrôleurs, alors qu’être contrôleur de travaux requiert des compétences particulières. Cela a une répercussion non seulement sur les personnels, qui se retrouvent en difficulté professionnelle, mais aussi sur le fonctionnement des services.

M. Jean Hédou : Nous vous remercions pour votre invitation. Le hasard fait que vous recevez aujourd’hui une délégation de représentants à la fois d’organisations syndicales et de grévistes qui manifestent contre la RGPP et la loi sur la modernisation de l’économie. N’oubliez pas non plus que nos organisations syndicales ont été le 6 mars dernier à la tête d’une manifestation qui a réuni plus de 10 000 agents issus du MEEDDAT pour s’opposer à un abandon de la constitution d’un ministère fort pour la promotion de l’économie durable, de l’écologie et de la défense de l’environnement, après le Grenelle de l’environnement.

FO, qui représente, bon an, mal an, 80 % des corps d’ingénieurs au sein du MEEDDAT, est favorable à une ingénierie publique et non pas concurrentielle comme l’a malheureusement déclaré le Président de la République.

Le ministère est soumis à un régime qui va au-delà de la rigueur, puisque les suppressions d’effectifs annoncées sont supérieures au non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, soit 3 200 suppressions d’emploi, ce qui est déjà beaucoup pour un ministère qui doit se construire.

À l’Élysée, M. Guéant a annoncé 5 200 suppressions d’emploi. Veut-on vraiment mettre en place un ministère à la hauteur des enjeux prônés par la présidence de la République ou oublie-t-on les promesses pour passer autre chose ?

Le ministère de l’Équipement a déjà largement contribué aux plans de rigueur successifs. Si le MEEDDAT doit de nouveau faire des efforts, et au-delà de ceux qui sont demandés aux autres ministères, autant dire clairement qu’il n’a pas vocation à exister.

S’agissant des recrutements, alors que le ministère compte des fonctionnaires, des non-titulaires et des ouvriers d’État, avec la loi de décentralisation, on risque de supprimer le statut d’ouvrier d’État. Cela ne va guère dans le sens de la diversification…

J’imagine que la question sur « le profil et la diversification des recrutements » porte sur la diversification des profils et non des origines car, dans la fonction publique, les secondes n’ont pas lieu d’être examinées.

M. Michel Piron, Rapporteur : Et moi j’imagine que nous sommes tous ici républicains. Je n’ai jamais fait de procès d’intention. Je souhaiterais qu’il en aille de même à mon endroit.

M. Jean Hédou : Je ne me le permettrais pas, ne serait-ce que parce que, dans la fonction publique, la diversification des recrutements ne peut être fondée que sur les statuts.

J’ai bien noté votre attachement au statut général de la fonction publique et au cadre républicain. Mais alors dans quel cas peut-il y avoir intéressement ? Si la modulation indemnitaire est connue, débattue et fait à l’occasion l’objet de recours en commission administrative paritaire, l’intéressement est une autre notion. Admettriez-vous que des fonctionnaires n’accomplissent pas leur mission ou aillent au-delà de celles qui leur sont confiées ? L’intéressement n’a pas lieu d’être dans le cadre général de la fonction publique. Ce serait le dévoyer !

La formation est assurée par des écoles. Se pose là encore le problème des effectifs. S’il n’y a pas de recrutement, quelle formation peut-on proposer, y compris pour l’ingénierie publique ? Les écoles ne forment pas seulement les « fonctionnaires » du ministère. Le réseau des CIFP – les centres interrégionaux de formation professionnelle – de l’ancien ministère de l’Équipement s’ouvre à d’autres organismes et à des formations autres que technique. Cela nécessite une formation continue permanente. Si l’industrie, les bâtiments et les travaux publics sont au niveau qu’on leur connaît et qu’on apprécie, c’est, en partie, grâce à l’outil de formation dont dispose le ministère de l’Équipement. La suppression de cet outil sera lourde de conséquences pour ces secteurs.

Les fusions de corps doivent tenir compte de leurs missions. Le propre d’un corps est d’être attaché à des missions. Si on supprime des missions, on peut envisager des fusions de corps, mais si ces missions sont maintenues, il faut maintenir les corps spécifiques créés pour les mener à bien, sauf à leur demander d’abandonner leur spécificité et leur technicité. Cela renvoie à la question : que veut-on faire du MEEDDAT ?

M. Pascal Pavageau : Pour FO, le MEEDDAT reste et doit rester un ministère technique. Pendant les négociations en vue du Grenelle de l’environnement, les associations d’élus ont fait valoir qu’elles auront besoin de ce ministère pour les aider à mettre en œuvre l’ensemble de l’ingénierie territoriale que nécessitera le développement durable. Il n’y a pas d’un côté une ingénierie d’État et de l’autre une ingénierie des collectivités territoriales. Aujourd’hui, on voit dans l’« ingénierie » publique – donc partagée et devant pouvoir se situer hors du champ concurrentiel –, une simple notion et on estime que, lorsqu’une entreprise privée peut se charger du travail, la puissance publique ne doit plus l’exécuter. Ce n’est pas comme cela que les choses se passent.

Si les entreprises privées se sont développées en France, c’est grâce au réseau scientifique et technique de l’État, qui a su développer l’innovation et la recherche fondamentale, et aux écoles de formation technique. L’ingénierie publique représente 2 % de l’ensemble de l’ingénierie. Il nous paraîtrait aberrant et suicidaire pour l’économie française et pour la mise en œuvre des politiques publiques au plus proche des territoires, de supprimer ces 2 % uniquement pour faire quelques économies. Or la différence entre le nombre des réductions d’emplois annoncé rive droite – 5 600 – et celui résultant du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux – 3 200 – porte précisément sur l’ingénierie. Ne brisons pas la colonne vertébrale du système. N’affaiblissons pas la compétence technique du MEEDDAT.

Dans une agence de l’eau, on fait de l’ingénierie. Quand on fait Natura 2000 dans une DIREN – direction régionale de l’environnement –, quand on essaie avec les collectivités territoriales de mettre en œuvre des zones de protection, de développer de la biodiversité ou de créer une trame verte, on fait de l’ingénierie. Ce n’est pas que la bordure de trottoir, qui est maintenant dévolue aux collectivités territoriales. Comment les ingénieurs et les techniciens territoriaux, qui sont d’ailleurs pour la plupart issus de l’État, pourront-ils mettre en œuvre leurs prérogatives au service des élus s’ils n’ont plus à leur disposition la compétence technique publique ?

Nous prônons la création d’une ingénierie publique partagée, hors champ concurrentiel, tant au niveau de l’État qu’à celui des collectivités territoriales, et la mise au service des collectivités territoriales du réseau scientifique et technique de l’État, par l’ouverture de sa gouvernance.

Enfin, sur 10 000 personnes dans la rue le 6 mars 2008, il y avait 2 000 cadres supérieurs, dont des directeurs et des directeurs adjoints. Je veux témoigner ici du fait que l’encadrement supérieur du MEEDDAT a cru que la création de ce ministère permettrait de rebondir, de repartir vers des champs nouveaux, y compris sociétaux. Or, ces cadres font désormais le choix de partir, soit dans les collectivités territoriales, par le biais des détachements de droit commun, soit dans le privé. Au moment où l’on nous explique que la compétence se raréfie, en particulier dans la catégorie A et dans les corps d’ingénieurs au point qu’on ne sait pas si on pourra recruter demain au bon niveau dans la fonction publique d’État, le MEEDDAT, qui aurait dû être le fer de lance de la technicité de la puissance publique, voit partir ses cadres supérieurs, notamment techniques.

On l’a dit, ce sont les organisations syndicales qui ont appris à des directeurs départementaux de l’équipement ou de l’agriculture et de la forêt, à des directeurs régionaux de l’équipement, de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, ou de l’environnement qu’ils n’étaient pas préfigurateurs et étaient donc « virés ». Je ne suis même pas certain que la directrice générale de ce ministère ait été officiellement informée qu’elle était remplacée !

M. Jean-Louis Dumont, Président : Merci. Nous avons bien noté l’importance de la formation professionnelle continue et de la présence de cadres capables de susciter de grandes aspirations pour assurer la concrétisation des ambitions politiques affichées.

M. Daniel Gascard : La création du MEEDDAT relève d’une grande ambition, à la hauteur d’un État moderne désireux de répondre aux enjeux mondiaux. Cela étant, elle présente une grande difficulté du fait des différences de taille, d’organisation et de culture entre les ministères qu’il regroupe. Il n’y a, en effet, rien de commun entre un grand ministère séculaire doté d’une administration hyper-organisée, un ancien ministère qui n’a jamais vraiment eu les moyens de sa politique malgré des enjeux très importants, notamment vis-à-vis de l’Union européenne, et un ministère qui a toujours été un cas à part dans la fonction publique française. Leur regroupement nécessite une volonté politique et des moyens.

Vos deux premières questions – perspectives d’évolution des effectifs et diversification des recrutements – sont profondément liées. La création du MEEDDAT réclame, en effet, le recrutement de personnels très divers, notamment de spécialistes environnementaux qu’il est très difficile aujourd’hui de recruter par voie statutaire. La meilleure manière de diversifier les effectifs est de le faire au moment des départs en retraite. Or comment fait-on si on ne remplace pas ces départs ? La formation continue joue un rôle très important. Mais on ne transformera jamais les excellents ingénieurs généralistes que fournissent les écoles en spécialistes ayant fait cinq ou huit ans de faculté dans un domaine précis, dont on a également besoin.

Le réseau scientifique et technique – RST – joue un rôle essentiel. Ce que le ministère nouvellement créé doit mettre en œuvre, ce n’est pas une politique, mais un concept : le développement durable, qu’il revient au RST de décliner et de mettre en musique.

Je ferai un aparté sur l’ingénierie publique. Pour nous, inciter par son biais les collectivités à mettre en œuvre une politique décidée nationalement est de loin la meilleure façon de faire passer une nouvelle politique. C’est en étant maître d’œuvre des travaux que vous avez le plus de prise sur les chantiers. Privatiser l’ingénierie revient à se priver de ce mode d’incitation, sans parler des dérives de coûts que cela induit. L’ingénierie publique définit actuellement une référence pour le prix des travaux.

Nous ne voyons pas ce que peut être l’intéressement dans la fonction publique.

Certains indicateurs créés en application de la LOLF sont totalement inadaptés pour définir une performance de service. Ils peuvent même être dangereux et contre-productifs en centrant l’action du service sur un point particulier et en laissant de côté des actions importantes et nécessaires.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Les organisations syndicales ont-elles été interrogées sur ces indicateurs ?

Mme Claude Bessis : Très peu.

M. Daniel Gascard : Savez-vous à quelle vitesse ils ont été mis en place ?

M. Michel Piron, Rapporteur : Vous soulevez un point important, qui est la formulation des questions car, quand on pose de mauvaises questions, on obtient rarement de bonnes réponses.

Les parlementaires s’interrogent également parfois sur la pertinence de certains indicateurs mais il faut reconnaître qu’il est très difficile d’en définir de bons, et reconnus comme tels par tout le monde.

Mme Claude Bessis : Quand des indicateurs ne sont pas jugés pertinents par ceux qui doivent s’y référer, il paraît difficile d’atteindre les résultats escomptés. Les indicateurs sont décidés en haut lieu et, pour la plupart, ne correspondent pas du tout à la réalité du terrain.

M. Daniel Gascard : L’État possède d’excellentes écoles de formation d’ingénieurs généralistes, qu’il est important de conserver, surtout dans une période de changement de politique. Cela étant, ces écoles devraient s’ouvrir plus largement à la fonction publique territoriale pour diffuser au sein des services techniques des collectivités la culture et les politiques voulues par le ministère. Elles sont un moyen de diffusion.

Il est prévu la création de grands services départementaux – les DDEA, directions départementales de l’équipement et de l’agriculture – et régionaux, dont l’appellation est en discussion. Cela signifie qu’il va y avoir, à des mêmes postes d’ingénieurs généralistes ou de techniciens, des gens issus de trois corps différents en concurrence et ayant, pour un même travail, des rémunérations de 1 à 1,5.

La FSU est surtout présente dans l’ex-ministère de l’Environnement, qui a « vécu » la création des DIREN avec des personnels de l’Équipement et de l’Agriculture. Au bout de quinze ans, la fusion n’est toujours pas terminée parce que les problèmes de personnels n’ont jamais été réglés.

On ne peut pas admettre que, dans un même service, des gens de même niveau, faisant le même métier et souvent les mêmes missions, puissent avoir de tels écarts de rémunération. Qui plus est, on risque ainsi de voir se créer, au sein de chaque service, des chasses gardées, tel poste étant réservé à tel corps. C’est le meilleur moyen de « rater » le MEEDDAT.

M. Michel Piron, Rapporteur : Vous avez soulevé deux questions qui ne me semblent pas tout à fait de même nature : la présence dans les services de personnels issus de différents corps, et la rémunération. S’il est inadmissible que des gens qui assument le même travail ne perçoivent pas le même salaire, le fait d’être issus de plusieurs corps peut être perçu comme une source d’enrichissement humain et professionnel. Une fois réglée la question des rémunérations, le fait que des personnels soient issus de différents corps vous paraît-il un obstacle insurmontable ?

Mme Claude Bessis : Le MEDD – le ministère de l’Écologie et du développement durable – n’était pas un corps mais avait un vivier de plusieurs corps. Cela n’a jamais posé de problèmes, hors la question des rémunérations. La FSU est tout à fait favorable à la mixité des corps. Cela a d’ailleurs été très profitable au ministère de l’Écologie.

M. Didier Mazouni : Le MEDD avait en fait deux corps : les agents techniques et techniciens de l’environnement.

M. Daniel Gascard : Enfin, il existe, au sein de nos ministères, nombre de contractuels, en particulier issus de l’ex-MEDD, qui sont partie intégrante de la communauté de travail mais à qui la LOLF, telle qu’elle est appliquée, leur interdit toute mobilité au sein du MEEDDAT.

Mme Claude Bessis : Cela tient à une lecture particulière de la LOLF par Bercy.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Je me demandais pourquoi les demandes de mobilité n’aboutissaient jamais. Vous venez de me donner une réponse.

M. Jean-Pierre Frileux : Je vais vous parler d’une culture un peu différente, celle de l’Industrie, qui semble appartenir à la préhistoire puisque, dans le premier gouvernement Fillon, il n’y avait pas de secrétariat d’État à l’industrie et que, dans le deuxième, le secrétaire d’État qui a été nommé est au MEIE – ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi – dont nous ne dépendons plus. Les missions de contrôle réalisées par les DRIRE – les directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement – le sont essentiellement « au profit » de l’ancien MEDD, donc du MEEDDAT. Nous avons perdu notre identité et notre âme, les agents de l’Industrie aussi.

Il y a quelques années, l’Industrie assumait une mission de contrôle, au sens général du terme, c’est-à-dire qu’on effectuait des contrôles de premier niveau dans tous les domaines. Cela allait de la sécurité routière – vérification des véhicules – à la sécurité industrielle – inspection des installations classées – en passant par la sécurité des sous-sols et des carrières. Il y a trois ans, toutes ces missions ont été, par décision politique, confiées au privé. Le retour que l’on reçoit aujourd’hui de la part des transporteurs sur les contrôles des véhicules routiers, y compris pour le transport des matières dangereuses et le transport de personnes – qui était une mission importante des DRIRE – est qu’il n’est pas mieux fait – parfois au contraire – mais surtout qu’il est beaucoup plus cher. DEKRA et les autres établissements privés de contrôle ne se sont pas privés de doubler ou de tripler les prix dès qu’ils ont eu la responsabilité des contrôles.

En 1999, les agents ont cru que l’Industrie était enfin reconnue dans le cadre du ministère des Finances, les DRIRE ayant également une mission économique englobant le développement industriel et la métrologie. Or, cinq ou six ans après, les missions ont été séparées, du fait de l’éclatement des DRIRE. La majorité des missions, qui concerne l’environnement industriel, c’est-à-dire l’inspection des installations classées, s’est retrouvée sous la coupe du MEEDDAT et la partie économique – développement industriel, aide aux entreprises – qui est très importante aux niveaux à la fois territorial et local, est placée sous l’autorité de l’ancien ministère rebaptisé MEIE. On est en train d’éclater une structure qui devrait, de l’avis de tout le monde, exister au niveau régional.

Dans l’industrie, il y a trois catégories de personnels techniques : A, B et B +, et une catégorie C de personnels administratifs, qui est majoritaire et a un régime différent. La gestion des personnels est très compliquée. Je pourrai vous donner des compléments d’information par écrit.

Des agents de différentes catégories remplissent les mêmes missions, ce qui entraîne, comme cela a déjà été évoqué, des différences de rémunérations, de mobilité et d’évolution de carrière.

Quant aux personnels administratifs, ils sont mis à disposition des DRIRE mais sont gérés par l’administration centrale du MEIE. Les personnels de l’Industrie ne savent plus par qui ils sont gérés, entre Mme Lagarde et M. Borloo. Il devient très difficile de les motiver.

Les personnels de soutien vont payer le plus lourd tribut lors des regroupements régionaux, voire interrégionaux, des missions, puisqu’ils subiront des réductions d’effectif et des économies budgétaires.

Par exemple, lorsque les DIREN, les DRIRE et les DRE seront regroupées au niveau régional, les personnels d’accueil seront réduits de cinq ou six à deux. Il sera demandé à ceux qui ne seront pas conservés et qui, comme tous les fonctionnaires, sont vieillissants, soit de suivre – à cinquante-cinq et quelques années – une formation pour trouver un autre emploi, soit de se soumettre à une mobilité contrainte. Ce n’est pas acceptable.

Cela est déjà arrivé à plusieurs reprises à l’Industrie, la dernière fois lors de l’externalisation des contrôles techniques des poids lourds en 2005. Il est difficile, dans ces conditions, de convaincre les personnels que la construction du MEEDDAT va les épanouir dans leur vie professionnelle et personnelle.

Alors que cela fait presque un an que le MEEDDAT existe, nous n’avons eu connaissance des effectifs – 107 000 agents – que récemment, en prévision des élections au mois de juin. Et on parle déjà de les réduire. Cela conduit à s’interroger sur les ambitions affichées par M. Borloo le 18 décembre et sur les objectifs du Grenelle de l’environnement, auxquels tout le monde est prêt à adhérer !

Quant aux recrutements, avant de diversifier, il faudrait d’abord remettre de l’ordre et réidentifier les missions. Les concours exigent un certain niveau : brevet des collèges pour la catégorie C, bac +2 pour la catégorie B et bac +5 pour la catégorie A. Or, aujourd’hui, des candidats à bac +5 se présentent à des concours de catégorie C.

L’intéressement est évidemment hors sujet en ce qui concerne le service public. J’ai bien du mal à comprendre qu’on ait privatisé une mission comme celle des contrôles techniques. Comment faire coïncider profit commercial et sécurité ? Cela m’a beaucoup choqué.

La modulation indemnitaire existe depuis toujours partout, même si la pression syndicale a réussi à faire « démoduler » la catégorie C. Le phénomène n’est pas forcément sain puisqu’il aboutit à mettre en concurrence des gens effectuant les mêmes missions dans un même bureau.

Concernant la gestion des carrières, nous gardons à l’esprit la promesse tonitruante faite par le ministre des Finances de 2004, M. Sarkozy, pour qui, si une réduction du nombre de fonctionnaires était inévitable, ceux qui resteraient en place auraient une reconnaissance aussi bien professionnelle que financière. On ne croit plus aujourd’hui à une gestion de carrière rendant l’avenir lisible. Tout se fait à la petite semaine et, parfois, au petit bonheur la chance, suivant le changement de missions et de périmètre.

Nous ne sommes pas opposés à la fusion des corps mais, si cela se solde par des différences de rémunérations pour des missions identiques, il faut peut-être songer à adapter le nouveau corps à la mission globale.

La RGPP est opaque. Ni les personnels ni les cadres directeurs ne sont au courant de ce qui se passe. Ces derniers apprennent bien souvent par la presse ou par les organisations syndicales, la veille pour le lendemain, qu’ils sont ou virés ou préfigurateurs. C’est extrêmement grave !

Si nous comprenons les réformes, qu’il s’agisse des économies budgétaires et des réductions de personnel, nous n’avons pas l’impression qu’elles servent le service public de proximité et les fonctionnaires.

M. Gérard Ferré : Je reviendrai brièvement sur la formation du ministère. Dire qu’il faut faire évoluer la fonction publique au service des usagers en fonction des modifications de la société, en rendant compte de l’usage des deniers publics, nous paraît tout à fait normal. En revanche, attendre pratiquement un an avant de définir le contour de ce ministère tout en demandant de régler des questions comme la formation nous a semblé complètement irréel.

M. le Président Dumont a soulevé la question de la gestion immobilière, très importante car elle a des répercussions sur la gestion du personnel. Certains personnels ont, depuis septembre de l’année dernière, changé cinq fois de bureau, si bien qu’ils n’ont toujours pas défait leurs cartons et n’ont parfois même plus de téléphone. Ils sont contraints à un certain nomadisme et ne savent parfois même plus à quel ministère ils appartiennent.

Lors des premières fusions DDE-DDA, on a essayé de regrouper des personnels sans regarder leur culture et leur mode de fonctionnement. Pour arranger les choses, on les a laissés sur deux implantations différentes, ce qui rend encore plus difficile l’émergence d’une culture et d’un travail en commun. Parfois, ils ne disposent pas du même service de messagerie ni du même accès aux fichiers, ce qui conduit à des situations irréelles. Au sein de la DRE Lorraine, moins de 100 personnes sont installées sur quatre sites différents !

Alors qu’on a opéré, pour – a–t–on dit – des raisons budgétaires, comptables et d’efficacité – un regroupement, dans le cadre des CSM – les centres supports mutualisés – tout ce qui concerne le suivi et la gestion des personnels au quotidien, certains personnels de l’ex-MEDD attendent depuis près de deux ans leur nomination, leur transfert ou leur détachement, tout simplement parce que l’on manque de personnels pouvant gérer leur carrière. Dans les DDE, on a reporté vers la CSM, dont on attend toujours la création, un certain nombre de décisions concernant la gestion au quotidien des personnels. Tout cela ne concourt pas à leur donner la quiétude nécessaire à l’accomplissement de leurs missions, quand ils les connaissent.

Ne croyez pas que, parce que je parle au nom d’une organisation syndicale, je vous décrive le tableau plus noir qu’il n’est. Je ne fais pas du Zola : c’est hélas la réalité…

Le profil des recrutements sera fonction des missions quand elles seront enfin complètement définies et qu’on aura décidé ce que l’on veut faire de ce ministère. Pour l’instant, on n’a aucune lisibilité.

Pour avoir travaillé sur le répertoire interministériel des métiers de l’État, je me souviens que nous avions été incapables de remplir la partie des fiches portant sur le recrutement car il fallait répondre aux questions : Quels personnels ? Avec quel niveau de recrutement ? Pour remplir quelles missions ?

Je suis, moi aussi, favorable à une ouverture des écoles de formation technique à la fonction publique territoriale puisque nous n’aurons plus demain les moyens de porter comme nous le faisions jusqu’à présent la volonté et les politiques de l’État. Quand on faisait de l’ingénierie publique pour le compte des collectivités territoriales, on en profitait aussi pour porter la parole de l’État sur les politiques publiques. Il faudra désormais trouver d’autres moyens.

M. Pavageau a vanté, à juste titre, la qualité du réseau scientifique et technique de l’État français, probablement l’un des meilleurs d’Europe. Pour de simples raisons budgétaires et comptables, on est en train de le brader.

Il nous a été demandé, toujours dans le cadre de la modification de l’ingénierie publique, de modifier nos pratiques et de ne plus faire de l’ingénierie publique concurrentielle pour passer, en particulier, à l’AMO. Mais comment fera l’État, demain, s’il ne dispose plus d’aucun savoir-faire, pour conserver le même niveau de technicité ?

C’est le réseau scientifique et technique qui a produit les nouvelles techniques et technologies utilisées aujourd’hui par les entreprises privées. Nous avons bien du mal à comprendre le but que l’on poursuit aujourd’hui.

S’agissant de la formation continue, nous nous demandons pourquoi on a mis autant de temps à instaurer le DIF –droit individuel à la formation –, qui n’est encore qu’au stade de volonté affichée – et pourquoi la valorisation des acquis de l’expérience – VAE – n’est toujours pas lancée ? L’État est le plus mauvais employeur de France puisqu’il n’applique pas ce qu’il demande aux entreprises privées d’appliquer.

Il faudra, à un moment, expliquer aux personnels ce que l’on attend d’eux et les possibilités de carrière que pourra leur offrir le MEEDDAT. Pour l’instant, on se demande si l’on n’a pas envie de tuer la poule dans l’œuf.

Mme Isabelle Viallat : Comme l’a indiqué mon collègue, si, en tant que citoyens et contribuables, nous comprenons les économies budgétaires, nous estimons que le MEEDDAT n’a pas les moyens financiers et humains de ses ambitions. Les services les plus fréquemment déshabillés sont ceux qui gèrent les ressources humaines. Cela entraîne des retards dans l’application des arrêtés, des années blanches pour l’avancement, des erreurs dans les décrets.

Les mutualisations se font à divers niveaux. On manque cruellement d’information à ce sujet.

Une commission de reconversion va être créée pour s’occuper des agents qui perdent leurs fonctions du fait de l’abandon des missions d’ingénierie publique. Il est urgent de mettre en place un dispositif d’accompagnement pour tous les agents impactés par les mutualisations et notamment pour ceux des activités support. Il serait intéressant de prévoir des bourses d’emplois départementales et régionales de toute la fonction publique pour que les restructurations ne portent pas un préjudice excessif aux agents au niveau local : on ne peut pas demander à tout le monde d’aller ailleurs.

L’intéressement n’est pas compatible avec le principe d’égalité qui prévaut dans le service public.

La modulation indemnitaire est pratiquée depuis très longtemps dans le ministère qui était chargé auparavant de l’équipement et des transports. Il importe d’en définir le périmètre, d’en fixer les critères, d’assurer la transparence.

La modulation pratiquée par le ministère de l’Équipement était incohérente : certains corps étaient modulés de 0,9 à 1,10, d’autres de 0,8 à 1,20. Notre organisation syndicale a saisi plusieurs fois la Cour des comptes, qui a jugé nos remarques intéressantes mais notre ministère n’a pas donné suite.

Des différences apparaissent aussi sur les parts modulables : certaines indemnités sont modulées entièrement, d’autres partiellement. Les niveaux indemnitaires sont très différents puisqu’ils vont de 1 à 1,6.

Dans le cadre de la modulation indemnitaire qui s’annonce, il est important de prévoir des possibilités de recours indemnitaires en CAP – commission administrative paritaire – avant d’aller devant le tribunal.

Alors qu’il était annoncé moins de fonctionnaires mieux payés, nous constatons une paupérisation. Tandis qu’on leur demande d’être de plus en plus pointus, leur perte de pouvoir d’achat est sensible.

Pour gérer les carrières, il faut prévoir des moyens suffisants en gestion des ressources humaines et harmoniser les pratiques de gestion : les attachés de l’Équipement sont pyramidés en A + à 20 % tandis qu’à l’Agriculture, ils le sont à 43 %. C’est tout à fait anormal.

L’encadrement supérieur ne s’estime pas assez considéré. Il lui est demandé de porter les réformes alors qu’il n’est pas informé.

Les corps, au sens strict du terme, n’ont plus vocation à exister. Ce qu’il faut regarder, c’est la formation de l’agent. Si l’on a besoin d’un métier particulier, l’important est que le candidat ait la formation correspondante, quel que soit son corps d’appartenance.

La fusion de corps ne peut intervenir dans de bonnes conditions que si on harmonise les régimes indemnitaires, les promotions et les conditions de mobilité. Cela signifie qu’il faut dès maintenant mettre en place des CAP inter-corps.

Actuellement, pour pourvoir des postes, il y a des listes communes. Par exemple, un poste de secrétaire général est ouvert aux urbanistes, aux attachés principaux, aux ingénieurs divisionnaires, aux ingénieurs des ponts, tous dépendant de CAP différentes. La mise en place de CAP inter-corps sera un prélude à la suppression ultérieure des corps.

Dans le rapport Dutreil et le livre blanc de M. Silicani, il est question de filiarisation : sept grands métiers seraient retenus. La notion de corps disparaîtrait au profit de celle de métier En effet, un juriste peut aussi bien exercer dans un ministère, un hôpital ou la fonction publique territoriale. Cela étant, on a un peu peur que des ministères forts comme celui des Finances favorisent largement les filières financières au détriment des autres. Ainsi, les propositions ministérielles du 21 février 2008 « relatives à la reconnaissance des efforts des agents de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique à l’occasion de la création de la nouvelle direction générale des finances publiques » – document que je vous remettrai – ont fait un pont d’or aux agents des Finances : promotions majorées, pérennisation de primes annuelles, déroulement de carrière. Des moyens importants ont été consacrés pour les fusions des directions aux Finances, alors que, pour les fusions de corps au MEEDDAT, il n’y a pas d’argent. C’est inacceptable.

Il ne peut y avoir deux poids, deux mesures. Ce qui est possible aux Finances l’est également au MEEDDAT.

M. Didier Mazouni : Il a été très peu question de l’écologie ce matin. L’ex-MEDD comprenait des agents techniques et des techniciens de l’environnement. Ces personnels, qui viennent en majorité des grandes écoles et ont bac + 3 ou bac + 5, sont payés en début de carrière en dessous du SMIC. Ils assurent des missions techniques et de police de l’environnement sur le terrain et sont essentiellement affectés dans des établissements publics aux budgets très limités et non dans les services déconcentrés. On ne les trouve ni dans les fusions des DRIRE et des DIREN, ni dans celles des DDA et DDE. En tant que fonctionnaires de l’ex-MEDD, ils voudraient pouvoir participer à l’évolution de ce grand ministère et ne pas rester affectés seulement dans des établissements publics.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Je vais, pour terminer, redonner la parole à ceux d’entre vous qui souhaitent apporter des précisions complémentaires.

M. Pascal Pavageau : Avant de répondre sur la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs, des compétences et des carrières au sein du MEEDDAT, il convient de s’interroger sur ce qu’est réellement ce ministère. Cela fait un an que l’on pose la question au ministre d’État et à son administration. Or, l’on n’a toujours pas de décret d’administration centrale, ni même lettres de cadrage ou lettres de mission. Le fiasco du Grenelle de l’environnement provient en partie de ce que le MEEDDAT n’est qu’un nom, une coquille vide. Les mesures du Grenelle de l’environnement ne peuvent pas être portées par un ministère technique et territorial pour la bonne et simple raison que celui-ci, malheureusement, n’existe ni par son administration centrale ni par ses directions régionales. Or il est prévu de fusionner trois de celles-ci au 1er juillet 2009. De qui se moque-t-on ?

Enfin, est-ce qu’une DDEA a encore une signification depuis le discours de M. le Président de la République à Cahors le 8 avril 2008 ? Y aura-t-il des DDEA dans les départements ou des directions inter-services des territoires ou encore des directions générales de préfecture des territoires, comme le ministère de l’Intérieur le demande à M. Canepa dans le cadre de l’association des préfets ?

Aujourd’hui, on ne connaît ni le périmètre du ministère, ni son contour, ni son contenu, ni ses missions, ni sa stratégie. On ne sait pas quelle sera sa technicité puisque ce qui devrait être la colonne vertébrale de la politique environnementale est attaqué de plein fouet, de façon dogmatique et uniquement selon un plan comptable. Enfin, on ne sait même pas s’il restera encore des services de l’État dépendant de ce ministère sur le territoire dans un an.

M. Willy Garing : En quelques années, il y a eu 450 tentatives de suicide à l’ex-Équipement. Or les chefs de service sont en train d’établir, dans le cadre du décret sur la mobilité, des listes de personnels dont il faudra qu’ils se séparent.

Ce qui nous semble un peu paradoxal, c’est qu’on supprime des services de proximité ou qu’on les fasse mourir petit à petit en diminuant leurs effectifs. Tout ce qui vient en aide aux communes est abandonné peu à peu.

M. Jean-Pierre Frileux : La mission la plus importante des DRIRE est l’inspection des installations classées. Après l’accident d’AZF, il avait été promis de renforcer l’inspection au-delà de 1 000 inspecteurs. Quelques années après, on n’en est même pas à la moitié, dont la moitié encore par redéploiement. Le recrutement n’est pas à la hauteur des enjeux, alors que l’inspection des installations du type Seveso devient de plus en plus complexe et demande un investissement de plus en plus important de la part des inspecteurs. Qui plus est, la partie administrative prend parfois tellement de temps qu’on n’a plus le temps d’aller sur le terrain.

En matière de formation, on est dans un cercle vicieux. La formation continue ne peut pas être assurée par manque d’inspecteurs, qui sont débordés et perdent le contact avec le terrain. Les personnels, de leur côté, perdent leurs compétences et n’ont pas le temps de suivre une formation continue pour se mettre à jour. Si cela continue, dans quelques années, les inspecteurs ne sauront plus du tout de quoi ils parleront.

Par ailleurs, on a l’impression que la loi sur la mobilité des fonctionnaires va servir de couperet. La mobilité qu’elle introduit pourrait être bénéfique mais elle est assortie de tellement de conditions qu’elle risque d’être très mal utilisée et se retourner contre les fonctionnaires.

Enfin, Mme Viallat a parlé des avantages accordés à un ministère, dont nous n’avons pas bénéficié alors que nous faisons toujours partie de ce ministère. Il y a des disparités de traitement totalement anormales entre les fonctionnaires.

M. Daniel Gascard : Vous semblez vous interroger sur la pérennité du ministère. Nous pouvons témoigner que le ministère de l’Environnement tel qu’il existait était arrivé à ses limites.

La conclusion de notre rencontre de ce matin est qu’il y a urgence : urgence à donner un sens à ce ministère, à arrêter la RGPP – on ne peut rien construire si, tous les trois mois, de nouvelles décisions sont prises pour cisailler ce qui est en train de se faire –, urgence à envoyer des signes aux personnels et à donner les moyens humains permettant aux services gestionnaires d’opérer des redéploiements.

M. Hubert Lebreton : Je veux insister sur la difficulté d’exercice du dialogue social. Les organisations syndicales ont eu communication du texte du projet de loi sur la mobilité, appelé « boîte à outils de la RGPP », le 4 février pour une réunion prévue le 6 février, alors que le même jour un article paraissait dans Les Échos à ce sujet. Il est inadmissible de ne remettre des documents aux organisations syndicales que quarante-huit heures avant une réunion, surtout sur des sujets aussi importants. Nous regrettons que le dialogue social n’ait pas sa place aujourd’hui dans la fonction publique d’État.

Concernant le MEEDDAT, la CFDT avait deux demandes, qu’elle a portées auprès de M. Borloo le 18 juillet. Premièrement, elle souhaitait qu’un accord soit trouvé avec les organisations syndicales sur la méthode de travail et l’organisation du dialogue social pour la construction de ce grand ministère. Deuxièmement, elle demandait la mise en place d’un cadre national de garantie collective pour les personnels, qui préserve leur situation, en termes d’emploi, de rémunération, de conditions de travail, de vie sociale et familiale.

Aucune de ces demandes n’a été satisfaite à ce jour. Aucune méthode de travail n’a été définie, ce qui explique que les personnels soient complètement perturbés. Il n’est pas prévu de cadre de garantie collective, ce qui explique l’inquiétude des personnels pour leur avenir et la façon dont ils vont être traités. Dans le même temps, une loi sur la mobilité menace de mise en disponibilité d’office ceux qui ne répondront pas à trois offres d’emplois publics.

Vous comprendrez dès lors que le moral des personnels ne soit pas tel qu’il devrait être pour faire du MEEDDAT le grand ministère que tout le monde souhaiterait.

M. Jean Launay, Rapporteur : Nous avons bien mesuré que les convictions que vous avez exprimées sont le reflet des interrogations, voire du désarroi, des personnels, quels que soient leurs grades, fonctions et qualités.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Je remercie l’ensemble des intervenants.

b) 10 heures 30 :

Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale du personnel et de l’administration au MEEDDAT, M. Patrick Lambert, directeur général adjoint de Voies navigables de France, M. Daniel Horel, directeur des ressources humaines de l’Institut géographique national, M. Vincent Motyka, chef du service des effectifs et du budget et M. Yves Malfilatre, sous-directeur des personnels techniques d’exploitation et contractuels au MEEDDAT

Présidence de M. Jean-Louis Dumont, membre de la MEC

M. Jean-Louis Dumont, Président : Madame Jacquot-Guimbal, nous vous accueillons pour la troisième fois dans le cadre de la MEC, ce qui est exceptionnel dans le cadre d’une seule et même étude. Les présentations sont donc inutiles. Avant de vous donner la parole, je voudrais appeler l’attention sur l’enjeu que représente la mise en place du MEEDDAT, qu’il s’agisse de la redéfinition de son périmètre comme de son organisation. Il doit prouver sa capacité d’action dans un domaine, la gestion des ressources humaines, qui est essentiel. Les attentes sont grandes et il y a une ardente obligation de résultat, quelles que soient les difficultés qui se présenteront, notamment la fusion des corps et l’évolution des effectifs décidée par le Président de la République et des métiers qui sont ceux de votre ministère. Le rendez-vous de la modernisation de l’État, il faut en être bien conscient, ne peut pas être manqué.

M. Jean Launay, Rapporteur : Les sujets qui seront abordés avec vous sont ceux qui l’ont été avec les organisations syndicales. Nous voudrions donc avoir le point de vue du ministère et de ses grands opérateurs sur les grands thèmes suivants : perspectives et évolution des effectifs du ministère ; diversification des recrutements ; modulation indemnitaire et intéressement ; formation initiale ou continue des personnels ; gestion des carrières et positionnement des cadres dirigeants ; fusion des différents corps ; impact budgétaire. Nous vous demanderons d’entrer plus dans le détail des leçons à tirer de l’expérience de la fusion des directions départementales de l’équipement (DDE) et des directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF), notamment en ce qui concerne les économies de personnel et de frais généraux ; et de celle des nouvelles directions régionales du développement durable qui rassemblent désormais les compétences des directions régionales de l’équipement (DRE) et des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Quelles sont, plus généralement, les perspectives d’évolution de l’effectif total de la mission Écologie, développement et aménagement durables dans le cadre du budget pluriannuel 2009-2011 ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale du personnel et de l’administration au MEEDDAT : Nous vous remercions de nous avoir communiqué vos questions par avance, ce qui nous a permis de préparer les réponses. Une remarque préliminaire : les trois morceaux de ministère qui constituent le MEEDDAT aujourd'hui rassemblent des gens dont le nombre, l’histoire, la culture sont très différents, au point que les mêmes termes n’ont pas le même sens. Certains parlent de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), d’autres de mutations. Chez les uns, la mutation se fait à l’ancienneté, chez les autres, en fonction du seul avis du chef de service. Outre les outils, qui font l’objet de vos questions, il faut réfléchir à la façon de les utiliser pour faire converger les cultures. Un bon outil sur un mauvais cuir ne donnera jamais une bonne chaussure. Nous sommes en situation d’urgence.

M. Jean Launay, Rapporteur : Sur ce point, vous êtes d’accord avec les syndicats.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : On peut être d’accord avec les syndicats sur certains points. Heureusement !

En matière de gestion des ressources humaines, l’urgence se traite en années. Changer les habitudes de mutation, de promotion ou de rémunération, prend beaucoup de temps, de l’ordre de cinq à dix ans. Raison de plus pour s’y mettre très rapidement. C’est la raison pour laquelle la réorganisation du ministère a dissocié deux fonctions d’habitude exercées par le directeur du personnel : celle d’employeur et celle de gestionnaire de personnel. Au MEEDDAT, 80 % des agents ne sont pas gérés au nom du ministre et on gère en son nom des corps dont 15 % à 20 % des effectifs sont en poste à l’extérieur, en détachement ou ailleurs. Il n’y a pas de superposition entre les agents que l’on gère et ceux qui sont affectés à nos postes. Cette séparation entre les deux fonctions permet de savoir ce dont l’employeur a besoin, et d’être attentif, dans la gestion, aux agents pour atténuer quelques-uns des chocs qu’on les oblige à subir. Je serai donc amenée à prendre alternativement l’une ou l’autre des deux casquettes.

J’aurai beaucoup de mal à vous donner des réponses chiffrées à propos des effectifs. Le Gouvernement et l’administration sont en plein débat sur la norme de réduction d’effectif et son application au MEEDDAT. Bercy avance une proposition, la RGPP une autre. J’ignore quel arbitrage sera rendu.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Avez-vous une date ? Les décisions qui sont en train de se prendre en matière immobilière sont aussi guidées par les effectifs à terme.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Une parenthèse sur l’immobilier. L’aménagement d’un bâtiment peut se faire en y mettant plus ou moins de gens. On peut économiser sur les normes de surface avec des open spaces, quitte à se compliquer la tâche avec des négociations sociales.

Le troisième conseil de modernisation devrait annoncer des décisions, mais je ne sais pas lesquelles. Peut-être seront-elles prises au moment de l’envoi des lettres de cadrage ou de la programmation triennale, au plus tard fin juin.

En ce qui concerne la fusion DDE-DDAF, un peu d’histoire. Les DDE étaient formatées pour gérer entièrement leurs effectifs, soit en moyenne 800 personnes. Aujourd'hui, elles en comptent 300. Les services de gestion ont été éclatés en trois : un morceau en proportion aux conseils généraux ; un morceau en sous-proportion à la direction interdépartementale des routes, parce qu’on en a profité pour faire des économies en mutualisant au niveau des DRE ; et un troisième morceau est resté à la DDE, qui ne suffit pas pour faire une gestion de bonne qualité à cause des déséconomies d’échelle, que les soixante ou quatre-vingts personnes récupérées auprès des DDAF n’ont pas permis de compenser. La fusion DDE-DDAF ne nous a pas dispensés d’opérer une mutualisation au niveau régional, voire interrégional, pour la comptabilité, les marchés, les achats, la gestion administrative et la paie des agents, ou la formation. Je préfère vous répondre sur la mutualisation des moyens généraux et de la gestion parce qu’une étude globale prévoit d’économiser environ 1 500 emplois dans les trois ans qui viennent, à condition que les outils – Chorus, le système d’information financière de l’État et l’ONP, l’opérateur national de paye – arrivent. Les économies réalisées iront bien au-delà de celles qu’autoriserait une simple fusion des services car il s’agira d’une réorganisation complète de tout le système de gestion, y compris celui des ressources humaines.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Pour l’administration centrale, quelles sont les prévisions, je parle d’une enveloppe globale ? Est-ce un secret d’État ? Le bruit circule d’une diminution de 3 200 ETP.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : On essaie de savoir quels seront les besoins dans six ou sept ans. Cela étant, il n’y a pas de lien proportionnel entre ces besoins et les effectifs du ministère. Par exemple, le ministère de l’Équipement comptait à peu près 4 000 personnes en centrale, pour un effectif total de 100 000, soit un rapport de 4 %. L’activité de l’administration centrale n’était pas liée à ce que faisaient les services déconcentrés, principalement les DDE, les DRE ou les services de navigation. Elle pilotait leur travail, mais elle ne les gérait pas. Les effectifs techniques ou administratifs de catégorie C sont totalement gérés sur le terrain. Dès lors, le transfert de personnel aux conseils généraux ou autre n’allège pas le travail en centrale. Au ministère de l’environnement, il y avait 3 500 personnes – 1 000 en DRIRE, 1 500 en DIREN (directions régionales de l’environnement) et 1 000 en centrale. L’administration centrale ne suivait pas beaucoup l’activité des DIREN, mais, comme il y avait de gros problèmes politiques, elle gérait en direct, par-dessus les DIREN. Si l’on opère des redéploiements, il est probable que l’on supprimera des postes du côté ex-équipement, mais que l’on en fabriquera du côté ex-environnement puisque le développement durable créera vraisemblablement de nouvelles missions, ce qui est synonyme de suppression de postes en province et d’augmentation, légère dans les directions régionales en particulier, et aussi à Paris. Il m’est donc difficile de savoir ce que seront les effectifs de la centrale. Si l’on décide de faire appliquer la politique par des opérateurs parapublics ou privés, le suivi sera assuré à Paris. En revanche, si l’on développe une politique de terrain, il faudra des ingénieurs et des techniciens sur place comme interlocuteurs des collectivités locales. J’ignore les choix qui seront faits, lesquels conditionneront les effectifs.

M. Jean Launay, Rapporteur : En ce qui concerne l’ingénierie publique, la messe est dite.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : L’effectif global du ministère baissera, mais on n’a pas décidé de la répartition entre chaque mission, selon l’organisation retenue : pilotage et organisation centralisés, ou organisation centralisée s’appuyant sur des opérateurs scientifiques et techniques pour définir les méthodes et les faire appliquer au niveau régional, ou encore reprise du schéma des années 1973-1974 où chaque DDE avait créé ex nihilo une petite équipe pour aller convaincre tout le monde de faire des économies d’énergie. Comment puis-je deviner ?

Quant à la conception du bâtiment, on part de l’effectif existant et on cherche à concevoir un bâtiment qui abrite tout le monde, en faisant beaucoup d’économie d’espace, de l’ordre de 20 % à 30 %. Quant à savoir qui, dans six ans, ira à tel ou tel endroit ou si l’on vendra l’hôtel de Roquelaure, je n’en ai pas la moindre idée. Dans un mois et demi, il y aura un arbitrage et on en déduira combien de postes il faudra rendre, combien on pourra en redéployer sur les missions fixées par le ministre, avant de décider de la méthode de mise en œuvre. Actuellement, il y a une foule d’hypothèses.

M. Jean Launay, Rapporteur : Puisque ces arbitrages sont imminents, pouvez-vous exercer une influence ? Quelles sont, à l’intérieur du périmètre défini, les missions qui vous semblent nécessaires ? Pardonnez-moi ces questions très directes.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Cela dépend de la casquette que je mets pour vous répondre ! Toute structure, celle à laquelle j’appartiens comme les autres, a toujours intérêt à se développer. Réduire les missions et les effectifs est forcément vécu comme une perte et on pourrait toujours faire plus avec plus de moyens. En tant que haut fonctionnaire de l’administration de l’État, je dirai qu’il faut dépenser non pour se faire plaisir, mais pour répondre aux priorités. Or les priorités, c’est le Gouvernement qui les définit. Et il a jugé qu’il fallait avant tout réduire les dépenses pour diminuer le déficit de l’État. Il faut désormais s’attaquer aux structures parce que, depuis des années, les économies réalisées l’ont été en n’engageant pas de dépenses nouvelles. Dans ce cadre, l’intérêt de l’État et du service public, c’est de faire le tri dans l’ensemble des missions. À cet égard, la RGPP est un bon outil, même si elle a des allures de couperet sanglant quand elle s’abat sur vous. Mais son intérêt est évident.

Ma priorité, dans la fonction que j’occupe, c’est de me débrouiller pour que les services qui ont besoin d’agents pour travailler aient du personnel compétent, ce n’est pas de faire des économies pour l’État. Mais je vais avoir le même discours que les syndicats et cela ne vous apportera pas grand-chose. Si je me mets à la place des financiers de Bercy, je vous répondrai qu’il faut participer aux économies. Les effectifs de l’Équipement sont passés de 115 000 personnes en 1982 à 92 000, à périmètre constant, sans tenir compte de la décentralisation. Depuis vingt ans, les gains annuels de productivité tournent autour de 4 % à 5 %. Nous sommes capables de nous adapter. Même si tous ceux qui partent ne sont pas remplacés, on formera des gens peu à peu. Ce sera plus difficile mais on le fera quand même. On peut emprunter des voies rapides et simples ou d’autres, plus longues et douloureuses. La politique de la ville et des quartiers sensibles est partie de rien, les effectifs baissaient, on l’a faite quand même.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Vous avez fait référence au logement social. Dans le contexte que vous décrivez, comment cette politique a-t-elle été mise en œuvre à l’échelon central ? De quels moyens disposez-vous pour retracer l’évolution des missions et des effectifs d’un ministère qui a marqué notre pays de son empreinte ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Avec la LOLF, on mesure, par mission et par action, le nombre d’agents qui travaillent effectivement sur chacune d’elles, et nous nous étions engagés auprès du Parlement et des responsables de programme à le leur fournir régulièrement. Nous menons des enquêtes exhaustives et nous avons constaté, par rapport aux droits que l’on avait donnés aux DRE qui les répartissent ensuite dans les services, que, aussi bien en 2006 qu’en 2007, les redéploiements internes avaient dépassé ce à quoi l’on s’était engagé. Le Parlement a été prévenu, ce qui a permis d’obtenir une centaine d’emplois de plus pour le ministère du logement dans le budget 2008. Au plan local, les effectifs du Logement et du MEEDDAT se confondent et il ne paraissait raisonnable ni aux préfets ni aux DDE de ne pas répondre à une urgence telle que le logement parce que, faute d’avoir anticipé, on n’avait pas demandé les effectifs au Parlement. En revanche, il fallait rendre compte et corriger le tir. Cette année, le nombre d’emplois a encore augmenté du fait de la loi DALO (droit au logement opposable). Nous avons obtenu pour 2008 le recrutement d’une centaine d’emplois de catégorie A pour le premier semestre et nous avons commencé les affectations par redéploiement, sans passer par le circuit classique des écoles, qui prend du temps. Quand ils en sortiront, les élèves seront utilisés à d’autres tâches.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Quand on entend « DALO », chacun comprend les nécessités de recruter pour traiter les 17 000 dossiers en souffrance, dont 12 000 à 15 000 en Région parisienne. En Meuse, c’est autre chose. En tout cas, il faut des capacités d’intervention pour ces missions nouvelles, et, sans doute, des profils de poste différents. Mais l’incidence sur les effectifs paraît marginale.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Compte tenu de l’effet masse, même les marges sont difficiles à gérer. Si 3 % partent à la retraite, et qu’il faut redéployer 5 %, cela demande un gros effort. Trouver 100 cadres, c’est facile, mais en trouver 100 qui connaissaient le logement et qui pouvaient travailler sans avoir suivi deux ans de formation, ce n’était pas évident. Il faut du doigté et de l’expérience pour ne pas traiter de tels dossiers de façon purement administrative. On a préféré répondre en priorité aux besoins du logement, quitte à créer un peu partout des trous que l’on bouchera ensuite, avec des agents éventuellement détachés par d’autres ministères ou avec de jeunes recrues sortant des écoles. Nous avons réussi à nous adapter vite, nous avons les outils. Cela nous a permis de vérifier que ceux que nous avions fabriqués fonctionnaient bien.

M. Jean Launay, Rapporteur : Quel a été l’impact des réductions d’effectif sur les grands opérateurs du ministère, en particulier pour VNF (Voies navigables de France), à qui le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril a fixé un objectif de rationalisation de l’organisation ?

M. Patrick Lambert, directeur général adjoint de Voies navigables de France : VNF fait partie de la même masse décrite par Mme Jacquot-Guimbal. Il s’agit d’un EPIC qui emploie 360 personnes environ – ce sont des salariés de droit privé – et qui s’appuie sur les services du ministère de l’écologie mis à sa disposition, soit 4 500 ETP environ. La réorganisation vise la structure dans son ensemble et les évolutions du ministère ont un impact direct sur l’activité. L’enjeu des discussions avec la direction générale de la mer et des transports (DGMT), qui est la tutelle de VNF, et la direction générale du personnel et de l’administration (DGPA) pour ce qui concerne les effectifs, porte sur l’automatisation des équipements et la rationalisation de l’organisation sur le terrain. Par ailleurs, les mutualisations mises en œuvre par le ministère de l’écologie permettent de réduire les effectifs tout en maintenant un niveau de service cohérent avec les objectifs. C’était l’objet du contrat de moyens et d’objectifs 2005-2008 conclu entre l’État et VNF. Nous entamons les discussions pour le contrat 2009-2013.

M. Jean Launay, Rapporteur : Vous ne pouvez pas fournir de chiffres plus précis ?

M. Patrick Lambert : En fonction des scénarios envisagés, il est facile de faire une règle de trois puisqu’il s’agit de services de l’État. Il y aura nécessairement des évolutions importantes. Dans le contrat d’objectifs, la baisse programmée des effectifs était de 2 % par an et elle a été à peu près respectée. Avec la mise en œuvre de la LOLF, il a fallu caler nos outils de mesure et cela n’a pas été simple. Avec la rationalisation telle qu’en parle le conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), il y a tout un travail, y compris de professionnalisation. Il y a là un véritable enjeu de gestion des ressources humaines car le monde fluvial est probablement un peu un retard par rapport au monde routier. Les métiers évoluent beaucoup vers plus de technicité, avec des exigences assez fortes. Nous discutons avec le ministère de l’écologie des schémas de gestion – il faut d’abord une connaissance très fine des métiers des voies navigables – pour obtenir un schéma de formation spécifique pour les métiers fluviaux. La mutualisation de moyens de support devrait préluder à celle de certains métiers techniques pour maintenir un niveau de service pour ce que nous estimons essentiel, le réseau emprunté par le fret.

M. Jean Launay, Rapporteur : Puisque vous faites le lien avec la question de la sécurité du réseau, dans la perspective d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens, envisagez-vous un scénario catastrophe ?

M. Patrick Lambert : Nous avons des soucis de sécurité sur notre réseau.

M. Jean Launay, Rapporteur : Y a-t-il une corrélation avec les effectifs ?

M. Patrick Lambert : Les soucis tiennent aussi à l’état des ouvrages, indépendamment de ceux qui les manœuvrent, encore qu’ils soient les premiers concernés par la vétusté. Mais il faut des moyens financiers et le problème ne peut pas se régler rapidement. Nous avons déjà engagé un programme de reconstruction, notamment des barrages manuels qui sont extrêmement anciens et dangereux à manier, mais l’échelle de temps est forcément longue puisque 150 ouvrages sont en cause. La diminution des effectifs fait prendre le risque de laisser des agents isolés, ce qui crée des situations de risque. Notre travail consiste à les éviter en anticipant les départs et en favorisant la mobilité, et à prendre les décisions de ne pas maintenir le niveau de service là où nous ne le jugeons pas utile, plutôt que mettre le personnel en situation de risque. Cela étant, ce n’est pas encore arrivé. Mais ce n’est pas exclu dans les années à venir. C’est aussi une question de priorité. Le scénario catastrophe serait de ne pas pouvoir tenir le réseau grand gabarit. L’hypothèse, aujourd'hui, n’est pas envisagée.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Qu’en est-il de l’Institut géographique national ?

M. Daniel Horel, Directeur des ressources humaines de l’Institut géographique national : L’IGN, qui est un établissement public administratif, emploie environ 1 700 personnes. Le contrat d’objectifs et de moyens 2003-2006 prévoyait un plafonnement de la masse salariale, qui a conduit à une baisse limitée des effectifs. Nous sommes en train de négocier un nouveau contrat d’objectifs et, compte tenu des activités qui ont été définies, le projet est bâti sur une baisse de 15 ETP par an, soit environ 1 % par an. L’Institut a réalisé, sur la période, des gains de productivité considérables grâce à l’informatisation et au développement de nouveaux processus de production. Depuis 1986, les effectifs baissent régulièrement, de 2 400 à 1 700, alors que l’activité progresse, surtout dans le domaine commercial qui n’est pas subventionné. Les ressources commerciales représentent près de 55 % des ressources. L’activité se développe malgré la baisse de la subvention.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Votre déménagement n’a pas posé de problème particulier ?

M. Daniel Horel : Nous sommes passés de la rue de Grenelle à Vincennes, en attendant l’installation définitive à Saint-Mandé. Quelques agents n’ont pas pu suivre : ils ont démissionné ou obtenu une affectation dans une autre administration. L’installation provisoire à Vincennes s’est faite dans de bonnes conditions. L’emménagement définitif, avec Météo France, est prévu pour la fin de 2010.

M. Jean-Louis Dumont, Président : C’est une bonne nouvelle, après ce que nous avons entendu ce matin, et qui était tout de même impressionnant.

M. Daniel Horel : Quant à la stratégie, elle reste à définir, puisque le contrat d’objectifs est en cours de négociation. Il couvrira la période 2009-2011.

M. Jean Launay, Rapporteur : Le ministère fixe-t-il des normes aux opérateurs ? Et en quoi le ministère est-il affecté ? Je pense aux 4 500 personnes mises à la disposition de VNF.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Les vases ne communiquent pas. En général, les plafonds d’effectifs des opérateurs qui figurent dans le projet de loi de finances ne s’additionnent pas à ceux du ministère. Ensuite, s’il y a des transferts, ils se feront à masses égales avec des normes d’évolution qui seront définies séparément, mais la norme d’évolution du ministère sera fixée d’un côté, et celle propre à chaque opérateur d’un autre, dans le cadre d’un contrat pluriannuel.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Qu’advient-il quand un opérateur recherche un profil particulier qui existe chez vous ? La mobilité fonctionne ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Il faut distinguer les postes et les individus. La mobilité peut aider.

M. Jean-Louis Dumont, Président : En cas d’évolution substantielle, comment les agents sont-ils reclassés ? Existe-t-il une porosité entre les opérateurs et l’administration ? Je pense en particulier à VNF qui s’est installé à Béthune.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Quand VNF a été créé en 1991 et transféré à Béthune, le personnel de l’organisme qui l’a précédé, l’ONN, qui n’a pas voulu suivre a été repris à Paris, dans différents services, en fonction des compétences. Nous savons gérer les compétences.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Il semblerait, d’après les représentants du personnel, qu’il y ait des difficultés pour ce type de mobilité. Partagez-vous cet avis ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : En général, les syndicats n’ont pas la même vision de la mobilité que nous… Les mêmes sont capables, dans une même commission administrative paritaire (CAP), de m’expliquer simultanément qu’il ne faut pas déplacer les gens qui ont envie de faire toujours le même travail en bas de chez eux et qu’il ne faut pas non plus que j’empêche de bouger ceux qui en ont envie... Je constate que, dans les années soixante, les personnels, en particulier les sub-divisionnaires ou les chefs d’équipe, ne bougeaient jamais. C’était pratique, parce qu’ils connaissaient tout le monde, mais dramatique, pour la même raison. À partir du milieu des années soixante-dix, mes prédécesseurs ont tenté de convaincre du bien-fondé de la mobilité. Au début, les syndicats se sont opposés à l’administration qui obligeait les gens à bouger. Tel était le mot d’ordre côté Équipement. Du coup, cette contrainte est devenue une médaille. Nos syndicats expliquent aux autres à quel point la mobilité profite tant aux agents qu’aux services. Désormais, certains agents sont atteints de « bougeotte ». Il faut leur rappeler qu’un changement tous les trois ans ne relève pas de l’obligation statutaire.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Dans certains ministères, comme celui de l’Intérieur, on ne peut pas être promu sur place, en particulier dans l’encadrement.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Dans de tels cas, la mobilité précède la promotion. Un ingénieur des travaux publics de l’État (TPE), pour être promu divisionnaire, doit avoir exercé trois types de poste prouvant ses capacités techniques, de management et d’initiative. S’agissant d’experts très « pointus », dont personne n’aurait intérêt à ce qu’ils bougent, on les fait qualifier par un comité d’experts et ils restent sur place. Nous avons des règles, des sous-règles et il nous arrive aussi, de temps en temps, de nous en affranchir.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Certains postes de directeur départemental sont très spécialisés, mais, à ce niveau, les candidats s’adaptent rapidement. Parmi les cadres moyens, la mobilité est plus facile du fait du maillage cantonal, mais j’ai l’impression qu’on n’a pas la culture de la mobilité dans notre pays. Qu’en pensez-vous ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Il m’est difficile de vous contredire mais, au ministère de l’Équipement, les cadres bougent, en moyenne, tous les quatre à cinq ans. C’est moins vrai pour les catégories B qui, à 70 % ou 80 %, sont mutés dans la même région. La proportion est la même dans les catégories C, mais, pour elle, la mobilité s’impose moins dans la mesure où il leur est demandé une production à moins forte valeur ajoutée. À ce niveau, les habitudes sont moins dangereuses. Je rappelle qu’il n’y a pas que la compétence ou les besoins du service. La neutralité du service public est importante, et les « incrustations » ne la favorisent pas.

M. Jean Launay, Rapporteur : Y a-t-il une corrélation entre la mobilité et la progression dans le cadre ? Les syndicats nous ont parlé d’un effet d’entonnoir qui empêcherait des évolutions statutaires, malgré l’ancienneté acquise et les mérites reconnus.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : C’est vrai pour les catégories B et C. Les taux de promotion ne sont pas suffisants à nos yeux, mais c’est une question financière, et aussi de complexité statutaire car elles appartiennent au cadre administratif de l’ensemble de la fonction publique. Les taux de promotion ne peuvent pas s’écarter de ceux des autres ministères. C’est horriblement compliqué à gérer. Je suis consciente du problème, j’ai essayé quelques montages et je discute avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) pour trouver des solutions. La reconnaissance professionnelle, pour ces catégories, n’est pas suffisante. Mais ce n’est pas vrai pour la catégorie A et pour les corps techniques. Les attachés qui ont accepté de changer de poste et de ne pas faire que de la comptabilité toute leur vie en restant dans leur coin, peuvent passer un concours ; sinon, ils peuvent passer plus tard attachés principaux sur liste d’aptitude. La moitié des ingénieurs des Travaux publics d’État (TPE) passent divisionnaires normalement autour de quarante ans et il existe quelques mécanismes de rattrapage pour ceux qui n’ont pas eu une mobilité suffisante ou qui n’ont pas montré suffisamment d’énergie. Une bonne partie est récupérée autour de cinquante ans, en deuxième carrière. Je suis prête à vous fournir des statistiques.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Et qu’en est-il des contractuels, qui sont nombreux ? Comment s’intègrent-ils ?

M. Yves Malfilatre, Sous-directeur des personnels techniques d’exploitation et contractuels du MEEDDAT : Il y a dix-neuf types de contractuels au sein du ministère. Ils sont apparus au fil du temps, en fonction des besoins. Vous les trouvez dans le réseau scientifique et technique, au SETRA (Service d’études techniques des routes et autoroutes), etc. Ils ont tous un statut particulier. Toute la population de contractuels qui travaillent dans les services déconcentrés a été regroupée, sous le nom de règlement intérieur national (RIN).

M. Jean-Louis Dumont, Président : Un contractuel peut donc faire carrière chez vous ?

M. Yves Malfilatre : Les RIN ont un semblant de carrière.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Ce sont les contractuels recrutés avant 1984 qui ont un CDI – il y a aussi des contractuels en CDD – et ils se sont égaillés un peu partout. Ils ont évolué. Une bonne partie d’entre eux ont été intégrés en tant que fonctionnaires ; ceux qui n’ont pas voulu sont restés contractuels. Il en reste. Les dix-neuf statuts ont tous plus de vingt ans. Depuis, on n’en a pas réinventé. La loi de 2005 prévoit qu’au bout de six ans au même endroit, on leur propose un CDI, auquel cas, ils passent sous le statut RIN, pour éviter de créer de nouvelles catégories de contractuels.

M. Jean Launay, Rapporteur : Vous avez commencé à répondre aux questions relatives au profil et à la diversification des recrutements. Voulez-vous compléter vos propos à ce sujet ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Structurellement, on embauche non pas des profils, mais des gens dans des corps, lesquels ont vocation à accomplir des types de tâches. C’est le principe de la fonction publique.

M. Jean Launay, Rapporteur : Il n’empêche que le dernier CMPP parlait bien de profil.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Ce n’est pas incompatible. Les corps n’ont pas empêché de fabriquer beaucoup de profils différents. On doit avoir 5 000 ingénieurs des TPE qui vont du sociologue au spécialiste du béton précontraint en passant par le statisticien-économiste. La population des attachés aussi est très diversifiée. Cela concerne surtout les A et les A+, dont on attend une spécialité professionnelle, même si nous développons la gestion de la catégorie B par profil et par métier. Depuis quinze ou vingt ans, les concours sur titres se sont développés, pour recruter des gens qui ont un profil ne correspondant pas à nos formations. Par exemple, le spécialiste du béton précontraint se trouve à l’École nationale des travaux publics d’État (ENTPE), qui m’en fournit autant qu’il m’en faut. Mais il y a des profils pour lesquels la mise sur pied d’une filière de formation coûterait exagérément cher : il nous a ainsi fallu trouver deux ou trois spécialistes des nanostructures pour l’un de nos laboratoires de recherche. Nous sommes allés les chercher à l’université, mais leur proposer un CDD n’aurait pas suffi à les attirer car les entreprises se les arrachent. Notre argument, c’est la stabilité d’un corps d’ingénieurs. Nous avons donc un concours sur titres d’ingénieurs TPE pour recruter de dix à trente personnes par an, et, parallèlement un concours d’attaché autour du logement social. On s’est posé la question d’en organiser un pour la loi DALO, mais on a finalement préféré des gens plus aguerris.

Comme nous gérons une population de 10 000 à 12 000 cadres, nous proposons des formations professionnalisantes et nous n’allons chercher dehors que ce que nous n’arrivons pas à fabriquer nous-mêmes. Dans cette optique, nous avons beaucoup développé depuis une quinzaine d’années les allers-retours avec d’autres ministères ou des opérateurs publics ou semi-publics. L’Environnement, notamment, allait « se servir » dans les agences de l’eau. Cette piste devait continuer à être explorée, notamment avec le ministère de l’agriculture puisque nous voyions se rapprocher la fusion DDE-DDAF. Le détachement n’était pas une solution. Le procédé concernait des fonctionnaires, dotés d’une certaine expérience, généralement bons, ce qui fait que, souvent, ils venaient d’être promus, ou qu’ils étaient en passe de l’être. La CAP du ministère d’arrivée renâclait parce que cela faisait un poste de moins. Bref, on n’y arrivait pas. On s’est donc mis d’accord pour s’échanger les gens, en les mettant en position normale d’activité, ce qui veut dire que le ministère employeur paie, mais que la personne continue d’être gérée par son ministère d’origine, ce qui évite les prises de bec. Au bout de trois ou quatre ans, si la personne en question veut rester, il est beaucoup plus facile d’obtenir son détachement parce que tout le monde la connaît. La DGAFP s’est montrée très intéressée au point de généraliser le dispositif dans ses derniers décrets. C’est un apport Agriculture-Équipement, et je m’en réjouis. Il nous arrive même de prendre des fonctionnaires territoriaux ainsi que des militaires, avec la professionnalisation de l’armée – et nous sommes très contents du résultat.

M. Jean Launay, Rapporteur : Venons-en maintenant à la modulation indemnitaire et à l’intéressement. Je ne vous cacherai pas, et cela ne vous étonnera pas, que les syndicats ont émis, à propos de l’intéressement, les plus expresses réserves. C’est un doux euphémisme. Ils considèrent que l’intéressement est antagonique avec la fonction publique.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : C’est le discours classique.

Je suis arrivée au ministère de l’Équipement en 1984 pour participer aussitôt à une réunion sur la mise au point de la modulation des primes. Tout le monde trouvait ça naturel et elle était déjà entrée dans les mœurs. J’ignore à quand cette modulation remonte. Les modulations de prime sont de plus en plus élevées au fur et à mesure que l’on monte dans la hiérarchie : elle représente 5 % à 10 % pour la catégorie C et 20 % à 30 % pour les ingénieurs des Ponts. L’acceptabilité sociale est suffisante pour que j’aie pu organiser des réunions avec les syndicats de façon que chaque regroupement de service puisse expliquer aux représentants syndicaux les primes de tout le monde, à l’exception des directeurs, des sous-directeurs et des chefs de service d’administration centrale. L’avantage, c’est que chaque agent comprend qu’il n’a pas été soumis à l’évaluation d’un petit chef qui a voulu se venger car il est très difficile d’expliquer devant les syndicats et ses collègues tel ou tel coefficient de prime s’il n’est pas clairement justifié. Sur le terrain, les syndicalistes savent très bien que leurs ressortissants ne méritent pas tous d’être défendus. Le coefficient peut même être inférieur aux bornes si l’on fait un rapport. Quand on justifie sa décision, en général, les représentants syndicaux comprennent très bien. Ces commissions n’ont rien d’obligatoire mais elles permettent d’éviter des problèmes. Il arrive que l’on se trompe et elles nous aident à corriger le tir. La dernière réunion remonte à octobre dernier et concernait l’administration centrale : nous avons passé en revue la rémunération de 4 000 personnes en cinq heures. Certains des syndicalistes que vous avez reçus y ont participé, et ils étaient contents parce qu’ils trouvaient que c’était mieux d’avoir ce genre de réunion.

M. Jean Launay, Rapporteur : Les réserves portaient sur l’intéressement. Le discours sur la modulation indemnitaire allait dans le sens que vous dites.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : De quelque modulation qu’il s’agisse, il est préférable qu’elle soit liée à des objectifs définis avant, plutôt qu’à ce que l’on appelle la manière de servir. Pour les directeurs d’administration centrale, seul niveau concerné pour le moment, nous faisons partie depuis 2005 de l’expérimentation de l’intéressement et l’on nous donne des lettres de mission assorties d’objectifs. Mais, pour les remplir, il y a des conditions. Supposons qu’il me soit demandé de changer un statut, mais s’il n’a pas été bleui en réunion interministérielle, s’il y a eu un changement de gouvernement, on ne doit pas me dire que je n’ai pas bien travaillé. Ce n’est pas très différent de la manière de servir, c'est-à-dire déterminer si quelqu’un travaille bien et fait tout son possible pour arriver à remplir ses objectifs, ce qui est examiné dans le cadre des entretiens d’évaluation. Chez nous, ils existent depuis des années et servent à faire le bilan de l’année, le point sur les compétences, les besoins de formation et les objectifs. Ils sont à ce point centraux que la notation est obligatoirement remise en cause par la CAP si l’entretien d’évaluation n’a pas eu lieu. Sauf à faire état de problèmes dans d’autres ministères, dénoncer l’intéressement n’a au MEDDAT pas grand sens.

M. Jean Launay, Rapporteur : Nous pouvons passer au recrutement et à la formation.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Le recrutement par concours tend à sélectionner des gens qui apportent rapidement des solutions à des problèmes bien posés. Par la suite, on leur demande de poser eux-mêmes les problèmes, et la plupart du temps ils y arrivent. Il y a aussi quelques échecs monumentaux. En s’appuyant sur près de vingt ans d’expérience de concours sur titres, on s’efforce d’élaborer des tests sur la capacité à travailler en équipe, de développer un travail d’analyse à partir de données d’origine différente, de sortir de son cadre de référence. Il y a plus de vingt ans, on a commencé à embaucher des normaliens dans le corps des Ponts. Tant qu’il n’y avait que des X, on se référait à leur rang de sortie, tranche par tranche – Mines, Ponts, …–, mais, à Normale, il n’y a pas de classement de sortie. Comment faire ? On a organisé un oral. Les premières années, on a posé d’abord des questions de mathématiques ou de physique, ce qui était plutôt ridicule, ces élèves étant censés sortir avec un certain niveau. La seconde épreuve étant destinée à savoir ce que les candidats avaient « dans les tripes ». Après deux ou trois ans, on a abandonné la partie académique, pour passer au moins une heure à discuter avec chaque candidat car on sait ainsi à qui on a affaire et on distingue les professeurs Nimbus avec des lunettes au bout du nez, dont on n’a pas besoin, des autres. Il nous est même arrivé d’embaucher des littéraires atypiques, qui avaient une capacité de vision globale tout à fait passionnante.

À partir de cette expérience, nous travaillons désormais sur les concours professionnels internes. Essayer de récupérer quelqu’un qui a entre quarante et quarante-cinq ans, pour le faire passer de la catégorie C à la catégorie B, en lui faisant passer un concours pour vérifier qu’il a le niveau de droit ou de comptabilité qu’il aurait dû avoir à vingt-cinq ans s’il avait eu une licence, c’est vraiment idiot. On traumatise beaucoup de gens et, par-dessus le marché, s’ils y arrivent, cela ne correspond pas forcément à ce qu’on leur fera faire. Depuis trois ou quatre ans, nous organisons des concours professionnels. L’épreuve écrite consiste à décrire un projet professionnel que le candidat a mené à bien dans sa carrière. On fait valider la description par le chef de l’époque. Cela permet de récupérer des gens qui ont fait quelque chose.

M. Jean Launay, Rapporteur : N’y voyez-vous pas une forme de validation des acquis de l’expérience ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : À l’époque, cela n’existait pas. Je me demande même si on ne nous a pas copiés ! L’oral sert ensuite à vérifier si les candidats peuvent aller un peu plus loin. De cette façon, on n’a pas du tout recruté les mêmes personnes, on a pris des gens qui avaient fait des choses. Et c’est bien. On s’inscrit dans la ligne d’action de la DGAFP, avec laquelle nous travaillons beaucoup. Le sujet est passionnant.

M. Jean Launay, Rapporteur : Comment intégrer progressivement, mais rapidement, la préoccupation du développement durable dans les formations ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Cela ne pose pas de problèmes, parce qu’on le faisait déjà. Je m’explique. L’expression « développement durable » ne veut rien dire sur le plan scientifique ou académique. On peut enseigner la géologie ou la mécanique des matériaux, l’hydrologie, la botanique. Penser « développement durable », cela veut dire que, à chaque fois que l’on fait quelque chose, on réfléchit à la bonne technique pour le faire, au regard du milieu, qu’il faut éviter de dégrader, du coût économique et des implications sociales. Le développement durable, c’est un triptyque : environnement, société, économie. Tous les ministères, qu’il s’agisse de l’Équipement, de l’Industrie, et a fortiori de l’Environnement, et même de l’Agriculture, s’en préoccupent. Ceux qui font les chaussées savent utiliser les matériaux calcaires pourris que l’on retraite, plutôt que des beaux matériaux qui obligent à creuser au fond des rivières ; les botanistes évitent les remembrements comme ceux qui ont été pratiqués à une époque ; les agents des DRIRE prônent une économie industrielle plus axée sur le développement des PME que sur celui de Total ou de Renault. Les effectifs de l’Environnement affectés au développement durable se recrutaient à l’Équipement et à l’Agriculture. Cela fait donc longtemps que des modules sont destinés à apprendre des méthodes d’intégration des différents sujets. C’est le chapeau intégrateur qui a été ajouté, mais il n’y a pas de discipline spécifique.

M. Jean Launay, Rapporteur : Peut-être la mobilité permet-elle de croiser les expériences. Depuis une vingtaine d’années que je suis élu local dans le Lot, j’ai vu des politiques massives d’enrochement de la Dordogne, menées par la DDE. Aujourd'hui, celle-ci prône des méthodes de protection végétale plus douces. Il est clair que la culture a changé.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Pour mettre une technique en œuvre, il a d’abord fallu la mettre au point. Au début, on maîtrisait l’enrochement, mais pas l’enherbement à partir d’espèces particulières, pour éviter de polluer les champs alentour. On a beaucoup fait travailler ensemble le SETRA, le LCPC (laboratoire central des Ponts et chaussées) et le CEMAGREF (centre national du machinisme agricole, du génie rural des eaux et forêts). Cela ne veut pas dire qu’il ne nous reste pas des progrès à faire, mais intégrer la préoccupation du développement durable dans la formation est un sujet qui nous tient à cœur depuis longtemps.

M. Jean Launay, Rapporteur : Les syndicats ont beaucoup insisté sur l’importance des formations internes, et sur la nécessité de maintenir ces savoir-faire. J’ai eu l’impression qu’ils y voyaient le socle qui continuait d’unir les personnels. Quelles sont les évolutions prévues pour les cursus de l’École nationale des ponts et chaussées et l’École nationale des travaux publics de l’État ? Seront-elles maintenues à l’intérieur du périmètre du ministère ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Ces écoles ne forment pas que des fonctionnaires ; c’est d’ailleurs l’une de leurs richesses. Nous avons beaucoup d’autres écoles : de l’IGN (Institut géographique national), de l’aviation civile, de la météo, de la mer…

M. Jean Launay, Rapporteur : Plus largement, qu’adviendra-t-il du réseau scientifique et technique de l’État ? Dans le cadre de l’ingénierie partagée, quelle place garderont les écoles ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Les écoles d’ingénieurs, qui fournissent les cadres techniques A et A+, ont un triple rôle : dispenser la formation initiale, c'est-à-dire le savoir académique – à ce stade, le social s’enseigne très difficilement – ; faire de la recherche en lien avec le réseau scientifique et technique (RST) – les laboratoires universitaires et ceux de nos écoles sont très liés – ; assurer la formation continue pour que les développements réalisés par les labos se transforment en capacité à faire. Le statut de l’École des ponts a été changé il y a une bonne dizaine d’années ; celui de l’ENTPE l’année dernière, de sorte que l’intégration avec la recherche universitaire soit maintenue, voire développée. Nous craignions que ces écoles ne s’ankylosent dans leur coin. Elles sont un peu plus autonomes dans leurs choix pédagogiques mais, en tant qu’employeur, nous leur passons des commandes. Les liens ne sont certes plus les mêmes qu’il y a vingt ans, puisque ces écoles ne sont plus des services du ministère, mais elles restent très fortes pour tout ce qui a trait aux compétences et à la formation. Cela ne veut pas dire que nous ne faisons pas appel à d’autres. Si un laboratoire universitaire est très calé sur un point non encore développé, on fera appel à lui, c’est normal.

M. Jean Launay, Rapporteur : Sur les sujets qui ont été évoqués – profil et diversification des recrutements, modulation tarifaire et intéressement, formation – les opérateurs ont-ils des précisions à apporter ?

M. Daniel Horel : L’IGN n’emploie pas que des fonctionnaires : la moitié de son effectif est composée d’ouvriers de l’État qui sont les techniciens d’exploitation et de production. Nous avons aussi environ 150 contractuels, sous différents statuts : des pilotes pour les avions photographes, des travailleurs à domicile pour rédiger les cartes, etc – il en reste une cinquantaine. Et, par dérogation, nous recrutons en CDI pour occuper des emplois pour lesquels les fonctionnaires de l’IGN ne sont pas les plus compétents. Il s’agit essentiellement d’une cinquantaine d’emplois dans la sphère commerciale : vente, marketing, droit des affaires, dans la communication…

En ce qui concerne la modulation des fonctionnaires, nous sommes à peu près alignés sur le modèle du ministère. Le cadre est peut-être plus formalisé dans la mesure où chaque agent est positionné sur un emploi et une fonction qui sont cotés. Il y a en quelque sorte une note de fonction. La modulation, qui s’applique aux corps gérés par l’IGN, dépend de la note de fonction et de la note de mérite. Une formule permet d’obtenir le niveau et la modulation des primes en fonction de ces deux critères. Le système est parfaitement transparent. Il est connu et admis des agents. La majorité des agents appartenant à des corps qui nous sont propres, et qui sont formés à l’École nationale des sciences géographiques (ENSG) par laquelle passent tous nos cadres – ingénieurs, techniciens des catégories B, les géomètres – et les ouvriers de l’État. Depuis l’an dernier, nous pouvons recruter sur titres, notamment dans le corps des ingénieurs des travaux géographiques et cartographiques de l’État, pour certaines fonctions particulières.

M. Patrick Lambert : Les 350 personnes travaillant à VNF relèvent d’une convention collective. Leur rémunération peut être augmentée en fonction des appréciations individuelles. Un accord d’intéressement a été conclu conformément au code du travail. L’intéressement dépend des résultats collectifs et il est uniforme.

VNF recrute sur le marché du travail, avec les avantages et les inconvénients que cela représente pour un établissement public de la taille d’une PME. Nous recrutons des profils très spécifiques et sommes soumis aux tensions du marché. Actuellement, nous avons du mal à pourvoir les postes très techniques, d’autant que notre base, en province, n’est pas très facile d’accès. Nous avons aussi des fonctionnaires en détachement.

Une petite parenthèse pour compléter ce qui a été dit. VNF a organisé un colloque sur les réhabilitations de berge en technique végétale pour généraliser les techniques douces, en liaison étroite avec le réseau scientifique et technique du ministère de l’équipement, le CETMEF, et avec une agence de l’eau.

M. Jean Launay, Rapporteur : Il nous reste, pour conclure, deux points à examiner : la gestion de carrière et les perspectives de fusion des corps.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Nous réfléchissions depuis plusieurs années à la fusion des corps des Ponts et du GREF (génie rural, eaux et forêts), mais sans aucune couverture politique. Ce n’était pas facile d’avancer. Maintenant, c’est l’inverse : nous connaissons le résultat, à nous de trouver comment faire. Cela simplifie beaucoup les choses. La méthode est très classique : on va décortiquer les différences entre des statuts au fond assez proches même si la gestion en est différente. Pas mal de métiers se recoupent parce que, quand ils sortent de l’école, Ponts ou GREF, les ingénieurs ont acquis une spécialité, si bien qu’ils ne sont pas interchangeables. Et on souhaite conserver cette capacité technique, sinon, cela ne sert à rien d’avoir des ingénieurs. Au fur et à mesure qu’ils évoluent, ils deviennent plus généralistes et plus gestionnaires, des managers en quelque sorte. S’ils sont intégrateurs en ayant une base de type botanique ou autre, ce n’est pas très grave s’ils sont un peu curieux et s’ils voient un peu loin. On peut donc conserver des formations initiales multiples, afin de préserver l’intérêt pour l’État d’avoir un corps technique, en envisageant ensuite une gestion de carrière qui les rapprochent. On a ainsi besoin de travailler aux rapprochements de statut et de règles de gestion, à la définition des métiers et des compétences, pour être sûr que le système tienne la route.

En revanche, il y aura des problèmes de régime indemnitaire. C’est la difficulté la plus sérieuse. Elle ne tient pas tant au montant des indemnités, dont l’écart n’est pas si grand, qu’au décalage dans leur versement. À l’Équipement, les primes les plus importantes sont versées avec un an de retard, mais pas du côté GREF. Ce sont des primes qui venaient des travaux que l’on faisait pour les communes dans le temps, même si le lien est rompu depuis plus de vingt ans. Au moment de la budgétisation, le ministère de l’Agriculture a réussi à obtenir le rattrapage de l’année en cours, pas l’Équipement. La fusion provoquerait un désordre majeur si l’on rapprochait des populations aussi intégrées. On a déjà l’expérience avec le corps des Ponts, qui résulte lui-même d’une fusion entre l’équipement, qui représente la plus grosse part, l’IGN, la météo et l’aviation civile. Les trois derniers sont déjà à l’année en cours alors que l’équipement a un an de retard. C’est déjà le désordre. Si on ajoute encore un corps supplémentaire, nombreux, on ne s’y retrouvera pas. Allez donc expliquer à Bercy qu’il faut qu’ils sortent de leur poche une année de prime supplémentaire. Ils ne veulent pas en entendre parler d’autant que, si on le fait pour les ingénieurs des Ponts, ce sera difficile de laisser de côté les 5 000 ingénieurs des TPE, les 10 000 techniciens, et les autres, qui touchent le même type de prime, qui comprendraient mal qu’on rattrape les primes des chefs, mais pas les leurs. L’impact budgétaire serait entre 120 et 140 millions d’euros, certes une fois pour toutes, mais personne n’a envie de payer. C’est une bombe à retardement, qui ne demande qu’à exploser.

On envisage aussi des fusions dans les corps des affaires maritimes. Des corps de militaires font des choses assez proches, ont des grilles à peu près équivalentes. En tout, cela doit représenter 250 personnes pour trois corps. Mais ce sont des militaires. On a commencé à discuter avec eux il y a trois ans, sans problème, mais ce qui pose problème, c’est de fusionner des corps de militaires entre eux. C’est beaucoup plus compliqué que tout ce que j’ai vu par ailleurs.

On essaie aussi de fusionner le corps des techniciens supérieurs de l’équipement et des contrôleurs des travaux publics de l’État. La DGAFP est au courant, mais les syndicats pas encore, parce que cela suppose de restructurer le corps des techniciens supérieurs qui, actuellement, est assez curieusement coté bac + 2. Avec l’évolution des diplômes universitaires et le système LMD (licence-mastère-doctorat), 3-5-8, on ne peut pas maintenir la qualification bac + 2, qui ne veut plus rien dire, dans la catégorie B. Il faut les professionnaliser en les faisant passer à l’équivalent licence, mais pas forcément quand ils sont embauchés. Cette opération a un effet domino sur l’ensemble de la grille de la fonction publique parce que cela signifie que les cadres doivent sortir de leur formation à bac + 5, et les A+ à bac + 8. Pour les ingénieurs du type Ponts, qui sortent à bac + 7,5, cela peut s’arranger, mais je rappelle que les administrateurs civils sortent à bac + 5. Autrement dit, cela pose un problème supplémentaire : il faut changer tous les statuts de la fonction publique. La DGAFP est très intéressée et veut en faire en cas d’école. Mais on ne l’a pas encore dit aux syndicats. On a aussi des corps techniques de catégorie C, des dessinateurs, des experts techniques, qui étaient utiles il y a trente ans mais qu’on utilise maintenant de façon assez indifférenciée. Mieux vaudrait donc les fusionner. Il y a aussi des corps homologues, mais de statuts différents, dans la marine. Des A, B, C font la même chose que partout ailleurs, mais les fusionner est très difficile. N’oublions pas les TPE et leurs homologues, du côté de l’Agriculture. Si on fusionne les GREF, il faudra bien faire quelque chose.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Nous avons été saisis par une association de TPE, dont nous avons reçu plusieurs courriers.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : En général, l’impact budgétaire d’une fusion n’est pas très élevé dans la mesure où la mise à niveau indemnitaire entre dans le cadre catégoriel annuel classique. L’augmentation du paquet des primes n’est pas gérée en pourcentage attribué à chaque corps, mais elle fait l’objet chaque année d’une négociation avec les syndicats, pour concentrer les primes sur tel ou tel point, quitte à ne pas toucher à certains corps. De toute façon, il reste la modulation, le GVT – glissement, vieillesse, technicité, etc. On fait une politique catégorielle, et pas une règle de trois. Le seul obstacle, c’est la soulte de 120-140 millions d’euros. J’ignore quand nous aurons l’obligation de les régler. On ne le fera sans doute pas, jusqu’à ce qu’il y ait des contentieux qu’on est sûr de perdre.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Cela ouvre des perspectives pour les travaux de la MEC !

M. Jean Launay, Rapporteur : Ces 140 millions sont une vraie bombe à retardement. N’est-ce pas le type même de la mesure qui peut entrer dans le champ des négociations et de l’arbitrage ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Tout est possible, même de ne pas fusionner. Je ne sais pas ce qui va se passer. Tant qu’on n’a pas de contentieux, on n’est pas obligé de payer. Si l’État est condamné, il peut étaler le paiement sur plusieurs années. De toute façon, c’est un « fusil à un coup ».

M. Jean-Louis Dumont, Président : Ne peut-on considérer cette soulte comme un investissement ?

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : C’est de l’argent que l’on doit et qu’il était prévu de payer entre maintenant et dans quarante ans. Le ministère de l’Agriculture est arrivé à obtenir le rattrapage au moment de la budgétisation, il y a quinze ans, nous pas, parce que cela aurait coûté beaucoup plus cher. Cela ne coûtera pas 140 millions au moment de la fusion des Ponts et du GREF, mais 15 millions seulement la première année. Ce qui m’inquiète, c’est qu’il sera difficile d’expliquer qu’on rattrape pour eux, pas pour les autres. Ce serait une injustice flagrante. Autre problème : c’est un frein pour la mobilité. Pas au départ : la première année, on est payé par son employeur et on touche les primes de l’année précédente. Mais au retour, c’est dramatique. C’est embêtant parce que, de temps en temps, on a besoin de récupérer les agents pour profiter de leurs acquis, de leurs nouvelles compétences. Avec un tel système, on ne peut pas, ou alors, il faut faire une avance que l’on récupère l’année d’après. Bref, c’est très compliqué. Au moins, cela prouve que les gestionnaires sont utiles...

M. Jean-Louis Dumont, Président : Les rapporteurs vont se jeter là-dessus ! Ils vous apporteront leur appui.

Mme Hélène Jacquot-Guimbal : Sans compter la fameuse sagesse du Parlement…

M. Jean Launay, Rapporteur : Je vous remercie pour vos réponses et vos contributions. Nous vous savons gré de votre grande disponibilité dans ce moment agité.

M. Jean-Louis Dumont, Président : Il ne me reste plus qu’à vous remercier, madame, messieurs, de nous avoir éclairés ce matin. Vous avez montré votre capacité à envisager l’avenir et à répondre à nos rapporteurs. Je remercie également le représentant de la Cour des comptes.

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Loi du 22 juillet 1983 complétant la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat.

3 () Loi du 2 décembre 1992 relative à la mise à la disposition des départements des services déconcentrés du ministère de l’équipement et à la prise en charge des dépenses de ces services.

4 () D’après l’article 109 de la loi du 13 août 2004, dans le délai de deux ans à compter de la date de publication des décrets en Conseil d'État fixant les transferts définitifs des services, les fonctionnaires de l'État exerçant leurs fonctions dans un service ou une partie de service transféré à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités territoriales peuvent opter soit pour le statut de fonctionnaire territorial, soit pour le maintien du statut de fonctionnaire de l'État. Les fonctionnaires de l'État ayant opté pour le maintien de leur statut sont placés en position de détachement sans limitation de durée auprès de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales mais peuvent demander à tout moment à être intégrés dans la fonction publique territoriale.

5 () La loi prévoit que, dans un délai de trois ans à compter de son entrée en vigueur, le Gouvernement déposera devant le Parlement un rapport sur le fonctionnement et l'évolution de ces parcs.

6 () La direction générale du Personnel et de l’administration du ministère a associé à sa démarche la direction générale des Routes, la direction générale des Collectivités locales du ministère de l’Intérieur, la Commission consultative sur l’évaluation des charges de la décentralisation et l’Assemblée des départements de France. Au plan local, les préfets ont fait preuve d’une forte implication, notamment en présidant avec efficacité des commissions tripartites, rassemblant des représentants des conseils généraux, des syndicats et de l’administration.

7 () Audition du 10 avril 2008.

8 () En Allemagne, le ministère fédéral de l’environnement, de la protection de la nature et de la sûreté nucléaire, comprend 830 agents. Les trois agences qui lui sont rattachées – agence fédérale pour l’environnement, agence fédérale pour la protection de la nature et office fédéral pour la protection contre les rayonnements ionisants – ont un effectif total de 1 880 agents.

9 () C’est-à-dire hors programme Développement et amélioration de l’offre de logement et hors services transférés aux collectivités territoriales.

10 () Les équivalents temps plein emplois (ETPE) comptabilisent les équivalents temps plein, quelle que soit la date d’arrivée ou de départ de l’agent dans le poste. Pour passer de l’ETPE à l’équivalent temps plein travaillé (ETPT) des lois de finances, on applique un coefficient inférieur à 1, au prorata de la durée d’emploi sur l’année, pour chaque emploi concerné. Les ETPE sont donc supérieurs aux ETPT.

11 () Table ronde des syndicats, 15 mai 2008.

12 () Le salaire au sens du nombre de points de la fonction publique multiplié par la valeur du point est inférieure au SMIC. Néanmoins, des primes s’y ajoutent et l’échelon le plus bas est rarement utilisé.

13 () Source : MEEDDAT, DGPA.

14 () Prestations : maîtrise d’œuvre, assistance à donneur d’ordre, assistance à maîtrise d’ouvrage, conduite d’opération, assistance à la gestion des collectivités. Domaines : infrastructures routières et ouvrages d’art, aménagement opérationnel, environnement, urbanisme, aménagement du territoire, développement durable.

15 () Décisions du CMPP du 4 avril 2008 – MEEDDAT.

16 () Missions de conseil non rémunérées sur un projet déterminé ; application du droit du sol ; élaboration des documents d’urbanisme.

17 () Les missions de l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (ATESAT) sont rémunérées selon un barème forfaitaire.

18 () Les leçons de Toulouse : 90 propositions pour réduire, ensemble, les risques industriels, rapport de la commission d’enquête sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l’environnement en cas d’accident industriel majeur, n° 3559, Assemblée nationale, 29 janvier 2002.

19 () Fin 2007, 350 PPRT étaient à l’étude. Une quarantaine devrait l’être en 2008.

20 () Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), Ifremer, Institut géographique national(IGN), Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS), Laboratoire central des Ponts et Chaussées (LCPC), Météo-France.

21 () École nationale de l’aviation civile (ENAC), École nationale de la météorologie (ENM), Écoles nationales de la Marine marchandes (ENMM), École nationale des Ponts et Chaussées (ENPC), École nationale des sciences géographiques (ENSG), École nationale des techniciens de l’équipement (ENTPE), École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE).

22 () Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (CERTU), Centre d’études techniques maritimes et fluviales (CETMEF), Centre d’étude des tunnels (CETU), Centre national des ponts de secours (CNPS), Direction générale de l’aviation civile (DGAC) – Direction des services de la navigation aérienne (DSNA), Direction de la technique et de l’innovation (DTI), Sous-direction des études et de la recherche appliquée (Sdér), Service d’études techniques des routes et autoroutes (SETRA), Service technique de l’aviation civile (STAC), Service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STMRTG).

23 () Centres d’études techniques de l’équipement (CETE) : Est, Lyon, Méditerranée, Nord-Picardie, Normandie-Centre, Ouest, Sud-Ouest, pour partie Direction régionale de l’équipement de l’Ile de France.


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