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N° 1058

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juillet 2008

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

sur la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692
du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF)

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Michel BOUVARD, Jean-Pierre BRARD,

Thierry CARCENAC et Charles de COURSON

Députés.

——

INTRODUCTION 5

I.– LA GESTION BUDGÉTAIRE DÉCONCENTRÉE : LA RÉVOLUTION DE LA LOLF N’A PAS (ENCORE) EU LIEU 7

A.– LE CADRE GÉNÉRAL DE LA GESTION DÉCONCENTRÉE S’EST GLOBALEMENT AMÉLIORÉ 7

1.– La cartographie des budgets opérationnels de programme a été simplifiée 7

2.– La mise à disposition des crédits a été accélérée 9

3.– La prise en compte de la dimension territoriale des politiques publiques a progressé 11

4.– La réforme du contrôle financier a commencé à porter ses fruits 15

B.– MAIS LA LIBERTÉ DE GESTION PROMISE AUX RESPONSABLES LOCAUX RENCONTRE ENCORE D’IMPORTANTS OBSTACLES 18

1.– La qualité du dialogue de gestion n’est pas toujours au rendez-vous 18

2.– Les pratiques de fléchage et de fractionnement des crédits ne semblent pas se démentir 20

3.– La fongibilité asymétrique est largement virtuelle, la déconcentration de la GRH encore balbutiante 22

4.– Les outils de pilotage à la disposition des gestionnaires ne sont pas à la hauteur des enjeux 25

5.– La performance apparaît comme un « exercice obligé » à l’horizon pratique limité 28

II.– LES OPÉRATEURS DE L’ÉTAT : ENTRE NÉCESSAIRE AUTONOMIE ET RISQUE DE DÉBUDGÉTISATION 33

A.– LES OPÉRATEURS N’ONT PAS RÉUSSI A ÊTRE L’ÉQUIVALENT FRANÇAIS DES « AGENCES » ANGLO-SAXONNES OU SCANDINAVES 34

1.– Le besoin d’autonomie de gestion 34

2.– La définition des opérateurs au sens de la LOLF 37

B.– LA TENTATION D’UTILISER LES OPÉRATEURS POUR CONTOURNER LES DISCIPLINES BUDGÉTAIRES 40

1.– La tendance à la multiplication du nombre d’opérateurs 41

2.– Les ressources fiscales affectées permettent de contourner la norme d’augmentation de la dépense publique 43

3.– Le phénomène de « vases communicants » des effectifs de l’État et de ses opérateurs 48

4.– Les règles en matière d’endettement sont floues 55

5.– La réforme de la gestion immobilière de l’État ne couvre pas encore les opérateurs 57

C.– LA NÉCESSAIRE INTÉGRATION DES OPÉRATEURS DANS LE CADRE BUDGÉTAIRE ET COMPTABLE DE LA LOLF 59

1.– Le pilotage des opérateurs est encore limité 59

2.– Les contrats d’objectifs et de moyens ne sont pas généralisés 66

3.– Les opérateurs sont peu intégrés dans les stratégies de performance des missions et programmes 70

4.– La qualité des documents comptables et budgétaires est perfectible 73

LISTE DES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION 77

EXAMEN EN COMMISSION 81

ANNEXE 1 : AUDITIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES 89

A.– Audition de M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’enseignement supérieur, responsable des programmes Formation supérieure et recherche universitaire et Vie étudiante de la mission Recherche et enseignement supérieur 89

B.– Audition de M. Yves-Laurent Sapoval, délégué interministériel à la ville et au développement social urbain, responsable des programmes Rénovation urbaine et Équité sociale et territoriale et soutien de la mission Ville et logement 101

ANNEXE 2 : AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE LA MISSION 109

ANNEXE 3 : ÉVOLUTION DE LA CARTOGRAPHIE DES BOP ENTRE 2007 ET 2008 113

ANNEXE 4 : LES PROJETS DE RÉFORME DE L’ORGANISATION TERRITORIALE DE L’ÉTAT ARRÊTÉS PAR LE CONSEIL DE MODERNISATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DU 12 NOVEMBRE 2007 115

ANNEXE 5 : LE CENTRE NATIONAL POUR L’AMÉNAGEMENT DES STRUCTURES DES EXPLOITATIONS AGRICOLES (CNASEA) 119

INTRODUCTION

Dans quelques jours, la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) fêtera son septième anniversaire. L’année 2008 n’est cependant que sa troisième année d’application complète. Il s’agit d’une durée trop brève pour pouvoir dresser un bilan global et porter un jugement définitif sur cette profonde réforme de notre cadre budgétaire.

C’est néanmoins une durée suffisamment longue pour permettre de tirer quelques enseignements relativement solides et pour suggérer plusieurs évolutions visant à mieux « faire vivre » la LOLF. C’est dans cette optique que votre commission des Finances a constitué, comme chaque année depuis 2003 (1), la Mission d’information relative à la mise en œuvre de la LOLF (Milolf), composée d’un député représentant chacun des groupes de l’Assemblée nationale.

Pour son cinquième rapport, les questions susceptibles d’intéresser la Mission étaient nombreuses. Elles auraient pu porter sur la qualité des rapports annuels de performances (RAP) joints au projet de loi de règlement du budget de 2007, sur les perspectives offertes par la future procédure budgétaire pluriannuelle présentée au Parlement lors du débat d’orientation des finances publiques pour 2009, sur les évolutions de la structure des missions et programmes envisagées pour la prochaine loi de finances, sur la modernisation comptable de l’État ou encore sur l’adaptation des systèmes d’information financière de l’État (2).

Pour légitime que soient ces sujets – sur lesquels la Mission se réserve naturellement la possibilité de revenir ultérieurement – ce sont deux autres thèmes qui ont été privilégiés cette année.

Le premier consiste à faire le point sur l’application de la LOLF dans les services déconcentrés de l’État. Une question centrale se pose : la plus grande liberté de gestion promise aux responsables locaux est-elle véritablement au rendez-vous ? Dans son précédent rapport, s’appuyant sur l’analyse des premiers mois de la gestion 2006, la Mission avait apporté un premier éclairage sur la situation des gestionnaires locaux en « mode LOLF ». L’admiration pour le travail d’adaptation accompli par les administrations le disputait aux inquiétudes quant à la réalité et à l’ampleur du changement (3).

Deux ans plus tard, la Mission a souhaité mesurer le chemin parcouru, en réitérant certains déplacements en région auprès de services déconcentrés. C’est ainsi que, au premier trimestre 2008, la Mission s’est rendue à Châlons-en-Champagne (Champagne-Ardenne), Orléans (Centre) et Paris (Île-de-France), afin d’entendre les services des préfectures de région et de département, les directions régionales des services déconcentrés et les autorités chargées du contrôle financier. Si d’incontestables améliorations sont intervenues depuis 2006, on verra que beaucoup reste à faire pour donner corps à la nouvelle gestion budgétaire promise aux responsables locaux.

Le second thème retenu par la Mission est celui des opérateurs de l’État. Les établissements publics, forme majoritaire des opérateurs, sont souvent de création ancienne dans notre pays. Dans la mouvance des « agences » anglo-saxonnes ou scandinaves, les opérateurs ont connu un regain d’intérêt ces dernières années et concrétisent le besoin réel d’autonomie et de souplesse de gestion dans la mise en œuvre des politiques publiques. La tentation est grande cependant pour les ministères d’utiliser ce type d’organismes pour se soustraire aux disciplines budgétaires (norme de dépense, endettement, effectifs, immobilier). Les opérateurs doivent s’insérer pleinement dans la démarche de performance instaurée par la LOLF. La Mission a enquêté particulièrement sur trois opérateurs (Opéra national de Paris, Agence de l’Eau Rhône-Méditerrannée et Corse et Centre national d’aménagement des structures et exploitations agricoles – CNASEA) en auditionnant leurs dirigeants.

Sur ces deux thèmes, la Mission a complété ses investigations par l’audition de plusieurs responsables de programmes et par le recueil d’informations auprès du ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Sur le fond, qu’il s’agisse de la responsabilisation des gestionnaires locaux ou de l’adaptation des opérateurs au cadre budgétaire et comptable de la LOLF, la Mission a pu constater de très importantes lacunes – détaillées dans les développements qui suivent. Sauf à démotiver les différents acteurs de la LOLF et à renoncer à une part importante des ambitions initiales du législateur organique, il convient de les combler rapidement.

I.– LA GESTION BUDGÉTAIRE DÉCONCENTRÉE :
LA RÉVOLUTION DE LA LOLF N’A PAS (ENCORE) EU LIEU

A.– LE CADRE GÉNÉRAL DE LA GESTION DÉCONCENTRÉE S’EST GLOBALEMENT AMÉLIORÉ

À l’issue de ses déplacements auprès de services déconcentrés, la Mission a pu constater les améliorations concrètes apportées en 2007 et 2008 à la gestion budgétaire et, plus particulièrement, prendre la mesure des progrès accomplis depuis son précédent rapport présenté en juin 2006 – progrès qui, pour la plupart, demandent à être confortés et amplifiés.

1.– La cartographie des budgets opérationnels de programme a été simplifiée

La souplesse nouvelle dans la gestion publique que tend à offrir la LOLF est réduite à peu de chose lorsque la déclinaison des programmes du budget de l’État donne lieu à une trop grande dispersion des budgets opérationnels de programme (BOP). Comme l’a relevé à plusieurs reprises le Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP), la cartographie des BOP traduit trop souvent « un fléchage des crédits, un morcellement des responsabilités ainsi que des procédures de consommation des crédits lourdes et complexes, qui constituent autant de freins à une amélioration de l’efficacité de la dépense publique » (4).

Par rapport à 2006, la cartographie des BOP a été améliorée. Quantitativement, le nombre de BOP – tous niveaux confondus – a été réduit, passant de 2 200 en 2006 à 2 165 en 2007, puis à 1 918 en 2008 (5). Le nombre de BOP déconcentrés a, quant à lui, diminué de près de 15 % entre 2007 et 2008, passant de 1 874 à 1 595.

D’un point de vue plus qualitatif, le positionnement régional des BOP a été privilégié, du fait notamment de la « régionalisation » des BOP des préfectures et des trésoreries générales : les BOP régionaux représentent en 2008 près des deux tiers du nombre total de BOP et 79 % des BOP déconcentrés. En sens inverse, les BOP départementaux, que la Mission proposait de limiter au strict minimum dans son précédent rapport, ont été ramenés de 516 en 2007 à 180 en 2008. En particulier, l’ensemble des BOP du ministère de l’Agriculture et de la pêche ont été repositionnés au niveau régional, lequel couvre les moyens des DRAF et des DDAF ou DDEA pour le programme Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture et les moyens des DDSV pour le programme Sécurité et qualité sanitaire de l’alimentation (6). À lui seul, le ministère de l’Agriculture a ainsi supprimé 199 BOP départementaux entre 2007 et 2008. Toutefois, certaines des DRAF rencontrées lors des déplacements de la Mission estiment que le changement n’est pas totalement entré dans les mœurs, l’échelon central ayant parfois tendance à continuer à dialoguer directement avec les unités opérationnelles (UO) départementales (7).

Deux ministères seulement conservent des BOP au niveau départemental : celui de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales (18 BOP départementaux en outre-mer) et celui du Budget, des comptes publics et de la fonction publique (162 BOP départementaux, répartis entre 107 directions des services fiscaux et 55 trésoreries générales). La création de la direction générale des Finances publiques le 4 avril dernier, fusion de la direction générale des Impôts et de la direction générale de la Comptabilité publique devrait certainement contribuer à une réduction du nombre de BOP départementaux, conséquence des expérimentations de guichets fiscaux uniques.

Ces améliorations demeurent toutefois insuffisantes. Certains BOP présentent toujours un volume budgétaire trop étroit et ne disposent pas de la « taille critique » offrant une réelle marge de manœuvre à leur responsable. Les exemples les plus fréquemment cités par les services déconcentrés rencontrés par la Mission sont notamment les BOP Tourisme, Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, Sécurité routière, Forêt, Aménagement, urbanisme et ingénierie publique et Transports terrestres et maritimes.

Des fusions de BOP, au niveau régional voire inter-régional, sont donc nécessaires. La Cour des comptes l’a récemment rappelé : « la moitié des BOP environ continue à ne pas avoir une taille critique, notamment au niveau déconcentré. De façon générale, la fongibilité des crédits, qui était une innovation importante de la LOLF et visait à renforcer les marges de manœuvre des gestionnaires, est peu appliquée, et quand elle l’est, c’est pour des montants très restreints au regard des masses budgétaires. Ce constat, sans doute provisoire, n’est pas cohérent avec les résultats des expérimentations antérieures à la mise en œuvre de la LOLF réalisées dans certains ministères, [lors desquelles] les gestionnaires avaient très souvent utilisé cette faculté. La Cour rappelle donc la nécessité de poursuivre le regroupement des BOP » (8).

Les fusions de BOP sont effectivement préférables à la reconcentration au niveau central, laquelle s’apparente souvent à une technique de « fléchage » des crédits (9) – les UO de BOP centraux étant alimentées par une procédure (NAPA) qui conduit à affecter les crédits sur un objet précis avant leur transmission au niveau opérationnel (10). À cet égard, il y a donc plutôt lieu de s’inquiéter de l’augmentation du nombre de BOP centraux entre 2007 et 2008, passés de 291 à 323. Cette évolution s’explique notamment par la centralisation de certains BOP du ministère de l’Équipement, consécutivement à la création du ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (MEEDDAT) : les BOP régionaux supports des directions régionales de l’Environnement (DIREN) ont été supprimés au profit de BOP centraux afin, semble-t-il, de « sanctuariser » des crédits du programme support de l’ancien ministère de l’Écologie lors de sa fusion avec le programme support de l’ancien ministère de l’Équipement (11).

Recommandation n° 1 : Poursuivre la réduction du nombre de BOP, en supprimant les BOP de taille trop réduite et en limitant le nombre de BOP centraux.

2.– La mise à disposition des crédits a été accélérée

En 2006, première année de complète application de la LOLF, la mise en place des crédits au niveau déconcentré avait été particulièrement tardive, du fait des retards pris dans l’approbation de la programmation budgétaire initiale (PBI) et dans l’élaboration et la validation des BOP.

Pour 2007 et pour 2008, le calendrier a été avancé, dans l’optique de pouvoir disposer courant janvier de BOP validés (12). À cette fin, les responsables de programme ont été invités à faire connaître dès l’été aux responsables de BOP le cadrage financier global. À l’issue du dialogue de gestion sur les crédits, au tout début de l’automne, ils doivent ensuite pré-notifier les enveloppes budgétaires correspondant à chaque BOP. Parallèlement, l’approbation de la PBI par le contrôleur financier – qui avait souvent pris beaucoup de retard pour 2006 – doit intervenir plus tôt, soit dès la fin novembre ou dans le courant du mois de décembre (13).

L’ambition est de permettre :

– au contrôleur financier de donner un avis provisoire sur le projet de BOP, au vu du projet de loi de finances, entre le 15 octobre et le 15 décembre ;

– au préfet de région de donner son avis sur les BOP déconcentrés avant mi-novembre, si possible après l’avis provisoire du contrôle financier ;

– au contrôleur financier de donner son avis définitif sur les BOP fin décembre ou début janvier, toujours au vu du projet de loi de finances (14). Il faut cependant rappeler qu’à la différence du visa sur la PBI, l’avis du contrôleur financier sur le BOP ne lie pas le gestionnaire : un avis négatif ou une absence d’avis (au-delà d’un délai de 15 jours) n’empêche pas l’exécution du BOP.

Selon les informations recueillies par la Mission, si le calendrier « idéal » est loin d’être partout parfaitement respecté, les améliorations par rapport à la mise en place de la gestion 2006 sont incontestables :

– l’élaboration des BOP 2007 et 2008 s’est faite davantage en amont, grâce notamment aux procédures d’avis provisoire du contrôleur financier et du préfet. On relève d’ailleurs que, dans l’immense majorité des cas, les avis définitifs confirment le sens des avis provisoires, ceci dans des délais raisonnables et sans que le risque de « double instruction » des BOP, un temps évoqué, ne se réalise ;

– les procédures spéciales prévues pour assurer le début de la gestion (gestion anticipée ; mise à disposition immédiate de 25 % des crédits ; paiements urgents) ont bien fonctionné. Il importe cependant de ne pas y voir une facilité évitant de respecter les délais du dialogue de gestion ;

– la validation définitive des BOP et la délégation des crédits sont intervenues plus tôt en 2007 et 2008 qu’en 2006 ;

– les crédits effectivement disponibles dès le début de la gestion sont en augmentation. Ainsi, les crédits délégués au niveau déconcentré ont atteint 79 milliards d’euros d’autorisations d’engagement en janvier 2008, à comparer à 76 milliards d’euros en janvier 2007 et à 71 milliards d’euros en janvier 2006.

Toutefois, plusieurs validations tardives sont encore à signaler, du fait notamment de retards des responsables de programme dans le lancement du dialogue de gestion et dans la pré-notification des crédits aux responsables de BOP (15). Mais l’on peut aussi parfois regretter chez ces derniers un manque d’anticipation de la procédure budgétaire, certains n’évaluant leurs charges qu’après pré-notification des ressources, ce qui limite fortement l’efficacité des procédures d’avis provisoires.

En outre, le calendrier suivi ne garantit pas toujours une participation utile du préfet de région (dialogue de gestion « horizontal ») et des UO départementales (dialogue de gestion « vertical ») avant que les échanges entre le responsable de programme et les responsables de BOP n’aient complètement abouti (16). Il est donc nécessaire que les responsables de programme adressent leurs circulaires de cadrage suffisamment tôt dans l’année.

Pour l’avenir, il convient de chercher à rendre le calendrier d’élaboration des BOP plus « contraignant », au besoin en recourant à des directives ministérielles nationales déclinant précisément le calendrier de référence. La Mission précise cependant que le respect formel du calendrier ne garantit pas nécessairement la richesse du dialogue de gestion (17).

Recommandation n° 2 : Faire du responsable de programme et, in fine, du ministre, le garant du respect du calendrier d’élaboration et de validation des BOP.

3.– La prise en compte de la dimension territoriale des politiques publiques a progressé

La logique verticale et pyramidale de la LOLF (qui découle de la structuration en missions-programmes-actions et de sa déclinaison en programmes-BOP-UO) doit être conciliée avec la dimension horizontale, territoriale et interministérielle de la mise en œuvre des politiques publiques. C’est pourquoi, dans le contexte de réforme de l’administration territoriale, impulsée par le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, se trouve posée la question de l’association de l’échelon préfectoral à la nouvelle procédure budgétaire.

En 2006, la Mission insistait ainsi sur la nécessaire mise en place d’outils et de structures permettant de réaffirmer le rôle du préfet de région dans son rôle de garant de la cohérence de l’action des services de l’État.

D’un point de vue strictement juridique, « la qualification d’ordonnateur secondaire attribuée au préfet continue, par la délégation de signature (et non plus des crédits, ces derniers étant mis directement à la disposition des responsables de BOP), de signifier la "dépendance" des chefs de services déconcentrés à son égard » (18). En outre, la compétence du préfet en matière budgétaire a été encore renforcée par l’article 23 du décret précité, qui prévoit que tous les projets de BOP déconcentrés lui sont soumis pour avis.

Plus généralement, l’échelon préfectoral en région a un rôle primordial, puisqu’il doit veiller à ce que soit prises en compte :

– une vision transversale qui transcende les périmètres ministériels et garantisse la cohérence des BOP avec l’action de l’État au niveau local (ce qui devrait d’ailleurs contribuer à freiner les tentations de « fléchage » des crédits (19) ) ;

– les politiques « prioritaires » de l’État telles que la cohésion sociale, l’emploi ou le logement ;

– l’articulation entre les BOP et les documents stratégiques (PASER) ou les politiques contractuelles (CPER) (20). À cet égard, la nouvelle procédure budgétaire triennale qui régira les dépenses de l’État pour 2009–2011, à condition qu’elle fasse l’objet d’une déclinaison suffisamment fine (21), pourrait faciliter la coordination avec ces deux outils régionaux dont l’horizon est pluriannuel (trois ans pour les PASER, sept ans pour les CPER).

Depuis 2006, des progrès ont été réalisés, grâce à la valorisation des dialogues au sein du Comité de l’administration régionale (CAR), désormais considéré comme l’état-major de l’action régionale et auquel sont soumis pour avis les BOP « à enjeux ». La plupart des régions ont en outre mis en place un « pré-CAR », présidé par le secrétaire général aux affaires régionales (SGAR), associant le contrôleur financier en région, les directeurs régionaux adjoints et les secrétaires généraux des préfectures, afin d’examiner des BOP qualifiés de non stratégiques, ne nécessitant pas d’arbitrage direct du préfet de région et permettant ainsi d’alléger l’ordre du jour du CAR.

Ainsi, comme la Mission a pu le constater, les préfets de région apparaissent désormais comme de véritables acteurs budgétaires « de terrain ». Ont notamment été développées auprès des SGAR des compétences en matière de suivi des dotations budgétaires et des objectifs et indicateurs des BOP relevant des services placés sous leur autorité. Le dialogue de gestion ne se cantonne généralement plus à la seule période automnale durant laquelle sont formalisés les avis sur les BOP : la majorité des régions ont prévu des temps de préparation et d’échange avant même le mois d’octobre. Dans certains cas, le préfet commence à dialoguer dès le mois d’avril en examinant avec les gestionnaires locaux les résultats obtenus l’année précédente, l’ajustement éventuel sur l’année en cours et les perspectives pour l’exercice suivant.

Naturellement, ce rôle du préfet de région doit aller croissant avec le mouvement déjà évoqué de « régionalisation » des BOP déconcentrés (22). Il devrait également être amplifié par la réforme de l’organisation territoriale prévue dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui tend à renforcer le rôle du préfet de région et à affirmer son autorité hiérarchique sur le préfet de département dans la conduite des politiques publiques. Le CAR, dont la composition devrait être resserrée, serait renforcé dans son rôle de coordination et de pilotage des services déconcentrés, tandis que seraient créées de grandes directions régionales, correspondant globalement aux périmètres des missions des actuels ministères (23).

Dans un tel cadre de gestion, il sera encore plus nécessaire d’associer le niveau départemental – préfets et UO – à l’élaboration et au suivi des BOP.

À l’heure actuelle, les ministères dont les BOP sont régionalisés depuis 2006 ont mis en place plusieurs modalités d’association de l’échelon départemental :

– des structures : le comité technique régional et interdépartemental (CTRI) des ministères sociaux (Santé et Travail) ou le « comité de BOP » aux Douanes ou dans les DIREN ;

– une organisation : des réunions mensuelles des chefs de service, des réunions thématiques avec des responsables « métiers », etc. ;

– des supports : par exemple, un « document de coordination régionale » prospectif sur trois ans dans les directions régionales de l’équipement et établi par les responsables de BOP avec les différentes UO qui leur sont rattachées, fixant la trajectoire stratégique sur trois ans et incluant des éléments prévisionnels en matière de ressources humaines.

DEUX EXEMPLES D’ASSOCIATION DES SERVICES DÉPARTEMENTAUX
À L’ÉLABORATION DES BOP EN RÉGION CENTRE

1. La direction régionale du Travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) a mis au point un calendrier de travail associant les directions départementales (DDTEFP).

Pendant l’été, chaque service analyse son activité, ses résultats et prépare un diagnostic. Une journée de dialogue de gestion est organisée durant la deuxième quinzaine de septembre, réunissant le responsable de BOP, le secrétaire général de la DRTEFP, les responsables de BOP délégués et les DDTEFP. Il est alors établi : un diagnostic et un bilan provisoire de l’année ; un examen des actions conduites ; des propositions d’actions pour l’année suivante ; une analyse budgétaire. Un comité de pilotage pour chaque BOP se réunit en octobre pour harmoniser les contributions et construire les projets de budget de l’année suivante en fonction des pré-notifications. Le Comité technique régional et interdépartemental (CTRI) d’octobre finalise les propositions de BOP avant examen en Comité de l’administration régionale (CAR).

2. La direction régionale des Affaires sanitaires et sociales (DRASS) associe le niveau départemental dans le cadre de comités de BOP.

Ceux-ci sont animés par le responsable de BOP par délégation et regroupent les responsables d’UO, les correspondants budgétaires, le contrôleur de gestion et les services du secrétariat général. Ils se réunissent tous les deux à trois mois en fonction des échéances, en vue de proposer des orientations régionales et leurs déclinaisons départementales et d’en faire le suivi. Cette structuration permet d’harmoniser les pratiques et les procédures entre les départements, ainsi qu’entre les BOP. Les comités de BOP et d’engagement préparent le projet de BOP avec une proposition de stratégie, un projet de répartition des crédits et des cibles d’indicateurs. Le CTRI amende, modifie ou accepte cette proposition, qu’il soumet ensuite au CAR.

Selon les informations recueillies par la Mission auprès de la direction générale de la Modernisation de l’État (DGME), ces progrès dans la mise en place de structures de dialogue de gestion sont « plus particulièrement significatifs dans le cadre des BOP régionaux qui s’organisent, avec l’appui des administrations centrales et des préfets, pour piloter le périmètre budgétaire et fonctionnel qui leur est confié. Ils sont surtout constatés sur les programmes supports pour lesquels les acteurs des administrations centrales et déconcentrées se sentent mieux armés compte tenu des démarches et des outils d’analyse de gestion actuels ».

En revanche, l’association des UO de niveau départemental – ou même de niveau régional – est beaucoup moins répandue dans le cas des BOP gérés au niveau central. Il ne semble pas exister de structures équivalentes à celles mises en place par les responsables de BOP régionaux, ni de modalités d’échanges formalisées et régulières (24).

Recommandation n° 3 : Renforcer la collégialité du dialogue de gestion, en associant en particulier le niveau départemental.

4.– La réforme du contrôle financier a commencé à porter ses fruits

Le rôle et les fonctions du contrôle financier ont été profondément remaniés, au plan central comme au niveau déconcentré, par le décret n° 2005-54 du 27 janvier 2005. Il s’agit tout à la fois de prendre en compte l’assouplissement des contraintes a priori pesant sur les gestionnaires et la nécessité pour l’État de conserver un instrument de maîtrise de la dépense, au plan infra-annuel comme à plus long terme. Le contrôle a donc été réorienté vers une dimension proprement budgétaire, l’article 1er du décret disposant que « l’autorité chargée du contrôle financier participe à la maîtrise de l’exécution des lois de finances, tant en crédits qu’en effectifs. Elle concourt, à ce titre, à l’identification et à la prévention des risques financiers ainsi qu’à l’analyse des facteurs explicatifs de la dépense et du coût des politiques publiques ».

Concrètement, le contrôle financier a priori a été considérablement allégé. Le visa préalable n’est plus qu’une procédure résiduelle, requise dans trois situations (25) :

– l’approbation du document annuel de programmation budgétaire initiale des ministères. Il s’agit d’identifier des incohérences évidentes dans la répartition des crédits et des emplois entre les programmes et entre les BOP, de vérifier la constitution de la réserve de précaution et de corriger toute erreur manifeste dans la masse salariale et, dans la mesure du possible, d’apprécier la soutenabilité des dépenses de personnel ;

– l’approbation de toute proposition susceptible de diminuer la réserve de précaution constituée en début d’exercice ;

– l’approbation des actes d’engagement des dépenses présentant un enjeu budgétaire majeur, soit du fait de la nature de la dépense (par exemple des recrutements de personnel), soit de son montant. Les critères et les seuils, « à géométrie variable », sont fixés par arrêté du ministre du Budget pour chaque ministère.

Par ailleurs, on l’a vu, le contrôleur financier donne un avis – provisoire puis définitif – sur les projets de BOP, centré sur la question de leur soutenabilité budgétaire. Ce contrôle consiste à s’assurer de la cohérence budgétaire d’ensemble du BOP, de l’impact des charges prévues sur les finances publiques (projets à incidence pluriannuelle) et de la couverture des dépenses obligatoires (restes à payer, reports de charges, rémunérations des personnels, etc.) et des dépenses inéluctables, c’est-à-dire indispensables au fonctionnement du service.

En pratique, cette réforme semble avoir porté ses fruits et est souvent bien ressentie par les gestionnaires locaux :

– le nombre d’avis favorables avec réserves et d’avis défavorables sur les BOP régionaux a sensiblement diminué entre 2007 et 2008 (8 avis défavorables en 2008, au lieu de 22 en 2007 ; 273 avis réservés en 2008 après 309 en 2007). Dans les régions dans lesquelles s’est déplacée la Mission, les avis défavorables sur des projets de BOP caractérisés par une « insoutenabilité budgétaire absolue » (par exemple des BOP Constructions universitaires ou Développement et amélioration de l’offre de logement) ont été suivis d’une réévaluation des enveloppes de crédits (26) ;

– le nombre d’actes d’engagement de dépenses soumis à visa préalable a été fortement réduit, ce dont se sont félicités tous les gestionnaires rencontrés par la Mission, qui ont jugé adaptés les seuils de déclenchement des contrôles ;

– les contrôleurs budgétaires en région participent à l’information des préfets, en leur fournissant tout au long de l’année des données financières commentées, issues des systèmes d’information, sur l’état des consommations budgétaires des administrations locales ;

– le rôle de « conseil » du contrôleur financier local, qu’appelait de ses vœux la Mission en 2006, se développe progressivement. Ainsi, l’autorité chargée du contrôle financier peut contribuer à l’évaluation des circuits et procédures de dépense, afin de s’assurer de la fiabilité de l’organisation des services gestionnaires. Certains contrôleurs régionaux ont par ailleurs créé des supports d’analyse des risques et de la soutenabilité budgétaire, qui permettent de suivre l’exécution des BOP. Ainsi, en région Aquitaine, le contrôleur financier dispose d’un tableau de bord trimestriel visant à « nourrir » l’expertise budgétaire des services et le dialogue avec les responsables de BOP.

Toutefois, la transformation du contrôle financier mériterait d’être approfondie dans deux directions.

D’une part, d’une région à l’autre, il peut exister de fortes disparités dans les appréciations portées par les contrôleurs financiers – faute d’une « doctrine » homogène et partagée par tous. Il convient donc de renforcer la fonction de coordination du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) et de faire de ce dernier l’animateur d’un dialogue entre la Direction du Budget et le ministère concerné.

Recommandation n° 4 : Renforcer le rôle des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) en vue d’une meilleure harmonisation des contrôles financiers en région, assise sur une analyse préalable des risques partagée avec les ministères.

D’autre part, la Mission a été frappée de constater que les gestionnaires locaux ne sont généralement pas demandeurs d’allégements supplémentaires du contrôle financier – par exemple d’un relèvement des seuils d’intervention du visa préalable. Cette « frilosité » des services est vraisemblablement imputable à une collaboration insuffisamment régulière avec les autorités chargées du contrôle financier et, plus encore, aux faiblesses de leurs propres procédures de gestion et de contrôle interne – faiblesses rendant plus « confortable » le maintien du statu quo.

Si les limites inhérentes aux actuels systèmes d’information ne doivent pas être mésestimées, une véritable responsabilisation des gestionnaires passe par un allégement accru du contrôle financier, voire – à terme – par sa suppression pure et simple. Dans un premier temps, aller plus loin dans l’allégement du contrôle consisterait par exemple à permettre aux services gestionnaires de prendre l’initiative, dans certaines situations délicates, de recueillir un avis a priori du contrôleur financier qui le lierait ensuite lors de ses contrôles a posteriori. Une telle procédure conforterait la conception du contrôle financier comme « prestation de service » à destination des gestionnaires locaux.

L’une des orientations arrêtées par le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) le 12 décembre dernier, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), poursuit un objectif proche : « Une suppression du visa préalable sera expérimentée, avec un remplacement par un comité d’engagement en amont. L’objectif est de rendre ce contrôle moins procédural et plus stratégique, pour qu’il remplisse bien son rôle de veiller à la soutenabilité budgétaire. Ce dispositif se rapproche du contrôle interne comptable, tel qu’il est organisé par les directions financières des grandes entreprises ». Ces nouvelles modalités de contrôle seront expérimentées au ministère de la Culture et de la communication à partir de 2009.

Recommandation n° 5 : Mieux associer contrôleurs financiers et services gestionnaires, afin d’aller plus loin dans l’allégement du contrôle financier et de tendre progressivement vers sa suppression.

B.– MAIS LA LIBERTÉ DE GESTION PROMISE AUX RESPONSABLES LOCAUX RENCONTRE ENCORE D’IMPORTANTS OBSTACLES

La question du degré de liberté laissée aux gestionnaires publics n’est, en soi, pas spécifique aux services déconcentrés. On pourra d’ailleurs constater que certains des obstacles évoqués dans les développements qui suivent – a fortiori ceux relatifs aux opérateurs de l’État dans la seconde partie du présent rapport – peuvent concerner tout autant les responsables de programme que les responsables de BOP locaux. C’est pourtant sur ces derniers que la Mission a concentré l’essentiel de ses investigations, non seulement parce qu’elle souhaitait ainsi faire le point sur les progrès réalisés depuis 2006, mais aussi parce qu’elle partage les craintes émises par nombre d’acteurs et d’observateurs selon lesquelles ce sont principalement – sinon exclusivement – les administrations centrales qui profitent des nouvelles souplesses de gestion offertes par la LOLF.

1.– La qualité du dialogue de gestion n’est pas toujours au rendez-vous

Pour utiles qu’elles soient, les améliorations du calendrier d’élaboration et de validation des BOP précédemment évoquées ne garantissent en rien la qualité du dialogue de gestion entre ses différents protagonistes.

Dans la plupart des ministères, les échanges entre le niveau central et les échelons déconcentrés ont certes connu des développements encourageants. Plusieurs initiatives ont permis d’enrichir le dialogue de gestion :

– la création auprès des responsables de programme ou des secrétaires généraux des ministères de cellules d’animation du dialogue de gestion ;

– le développement du contrôle de gestion au niveau ministériel et auprès des responsables de programme et de BOP (27) ;

– la diffusion de circulaires de cadrage (« directives nationales d’orientation », « directives d’application des programmes », etc.) visant à mieux structurer les échanges entre responsables de programmes et responsables de BOP ;

– l’officialisation, par la circulaire budgétaire du 6 août 2007 sur la préparation des BOP pour 2008, de comptes rendus de gestion périodiques. Deux comptes rendus établis par les responsables de BOP doivent ainsi être présentés au contrôleur budgétaire, l’un au 30 mai et l’autre au 30 septembre (ce dernier accompagnant le projet de BOP de l’exercice suivant).

Toutefois, au-delà des structures et des procédures, le contenu du dialogue de gestion n’est pas toujours satisfaisant. Les chartes de gestion censées l’encadrer constituent parfois un cadre formel qui n’est pas nécessairement la référence dans les relations entre responsables de programme et responsables de BOP. Quoique les différences soient grandes d’un ministère, d’un service ou d’une région à l’autre, deux séries de critiques ou de regrets ont été portées à la connaissance de la Mission.

D’une part, la performance occupe trop peu de place dans le dialogue de gestion. La discussion sur les objectifs et les leviers d’action est souvent traitée à part, lorsqu’elle n’est pas franchement négligée (28). Le dialogue de gestion reste donc essentiellement centré sur les éléments proprement budgétaires des BOP.

D’autre part, les différents acteurs du dialogue de gestion ont parfois le sentiment de ne pas être suffisamment entendus des responsables de programme. C’est le cas des responsables de BOP et d’UO, qui gagneraient à être davantage consultés en début d’année – avant le cadrage financier global. C’est le cas également – et sans doute plus encore – des préfets, dont le rôle n’a pas toujours été compris et intégré par certaines administrations centrales. En pratique, il est peu fréquent qu’un préfet reçoive un retour d’information des responsables de programme sur les avis qu’il a formulés ou qu’il soit convié à la discussion de cadrage budgétaire avec les responsables de BOP, y compris lorsqu’il a transmis un avis circonstancié.

Pour s’en tenir à un seul exemple, la préfecture de la région Île-de-France a indiqué à la Mission que « comme les années précédentes, le préfet de région n’a pas été informé des dates des dialogues de gestion ni de la teneur des échanges entre les responsables de programme et les responsables de BOP. Seuls les services de la DIREN / DRIRE (29) ont organisé une réunion associant les services de la préfecture de région et les responsables d’UO pour faire le point sur l’exécution du BOP 2007 et la préparation du BOP 2008 avant leur dialogue de gestion avec le responsable de programme. Les autres services ont continué à attendre d’avoir reçu des pré-notifications pour présenter un projet de BOP à l’examen du pré-CAR. Ainsi, malgré le souhait rappelé aux chefs de service d’examiner les BOP le plus en amont possible pour pouvoir donner un avis sur un projet de budget correspondant à des besoins validés localement, le pré-CAR n’a le plus souvent examiné que des BOP déclinant des notifications de crédits sans lien réel avec les besoins ». Alors qu’en 2007 le préfet avait émis des avis défavorables ou réservés sur sept BOP « à enjeux », un seul responsable de programme avait jugé utile d’y apporter une réponse.

Pallier de telles insuffisances est difficile : la qualité du dialogue de gestion ne se décrète pas. Toutefois, il semble que la richesse des échanges soit assez directement corrélée à l’implication active et personnelle du responsable de programme dans le processus. Il convient donc de réaffirmer le rôle d’animateur du dialogue de gestion qui lui incombe. Cette fonction doit être comprise comme l’un des corollaires du développement par le responsable de programme d’une vision stratégique – dont les projets annuels de performances (PAP) soumis au Parlement devraient se faire l’écho.

En pratique, il appartient au responsable de programme de ne pas céder à la tentation de laisser l’initiative et le pilotage du dialogue de gestion aux seuls services du contrôle de gestion : il « importe avant tout que le responsable de programme, ainsi que les responsables opérationnels, s’y impliquent personnellement, car les procédures et les dispositifs de contrôle de gestion ne sont que des outils dont l’efficacité dépend de l’emploi qu’en font les responsables des services » (30).

Recommandation n° 6 : Conforter le responsable de programme dans son rôle d’animateur du dialogue de gestion.

2.– Les pratiques de fléchage et de fractionnement des crédits ne semblent pas se démentir

Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF en 2006, le « fléchage » par le niveau central de crédits déconcentrés est régulièrement dénoncé, car peu compatible avec l’idée de responsabilisation des gestionnaires et, plus précisément, contraire au principe de fongibilité des crédits figurant à l’article 7 de la loi organique. De surcroît, le fléchage de crédits vide de l’essentiel de leur portée les avis des préfets sur les BOP et empêche le CAR de jouer pleinement son rôle de mise en lumière des spécificités du contexte local (31)des stratégies interministérielles.

Une autre pratique contestable – parfois à tort assimilée à une forme de « régulation budgétaire » – consiste pour le responsable de programme à ne déléguer au niveau déconcentré qu’une partie des crédits en début d’année. Beaucoup plus que la mise en réserve de crédits pratiquée en début de gestion par le ministre chargé du Budget – laquelle bénéficie désormais d’une visibilité nouvelle grâce aux indications figurant dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances (32) – ces délégations tardives ou fractionnées de crédits réduisent la capacité d’anticipation des gestionnaires locaux et, partant, entravent d’autant leur liberté de gestion. Comme l’ont déjà souligné MM. Alain Lambert et Didier Migaud, « redonner corps à la notion de budget global par politique publique » (33) suppose de déléguer la quasi-totalité des crédits (hors réserve de précaution) aux responsables de BOP en début d’année.

La nouvelle procédure de gestion pluriannuelle du budget de l’État pour la période 2009-2011 pourrait d’ailleurs rendre encore plus tentantes les pratiques de « précaution » des administrations centrales. Il conviendra de conjurer ce risque, en fixant des règles claires quant au fonctionnement des différentes réserves susceptibles d’être constituées pour faire face aux aléas de la programmation. En plus d’un éventuel cadrage du Premier ministre, ce type de question a vocation à être traité dans les chartes de gestion ministérielles régissant les rapports entre les responsables de programme, les responsables de BOP et les acteurs ministériels transversaux (secrétaires généraux, DAF, DRH, etc.) (34).

S’il est souvent malaisé de lutter contre les pratiques limitant la fongibilité des crédits et la responsabilisation des gestionnaires locaux, c’est parce qu’elles prennent des formes très diverses, ainsi qu’en attestent ces quelques exemples relevés par la Mission :

– au ministère de l’Agriculture, le dialogue direct entre les responsables de programme et les responsables d’UO départementales « court-circuite » parfois l’échelon régional. Ainsi, en Champagne-Ardenne, la DRDAF indique que le BOP Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture est entièrement fléché et que le dialogue de gestion pour 2008 s’est exercé directement entre chaque UO (DDAF et DDEA) et le niveau central. Si de telles pratiques peuvent s’expliquer, à titre transitoire, par la récente régionalisation du BOP en question, elles ne trouvent guère de justification s’agissant par exemple du BOP Forêt ;

– dans le domaine de la Culture, des fléchages de crédits par l’échelon central ont été signalés à la Mission jusqu’au niveau de la sous-action, voire de l’opération (c’est-à-dire, en matière de monuments nationaux, au niveau de l’édifice) (35) ;

– l’existence de BOP « miroirs » au niveau national représentant la somme des BOP déconcentrés et des crédits restés en centrale permet de constituer une réserve destinée à couvrir des besoins imprévus ou de pratiquer des re-programmations budgétaires au fil de la gestion, souvent suivies de délégations fléchées de crédits. De telles pratiques sont signalées notamment dans les secteurs de l’Agriculture, du Logement ou de la Culture. Par exemple, le BOP miroir des crédits des directions régionales des Affaires culturelles (DRAC), permet de compenser a posteriori les sous-dotations budgétaires chroniques affectant les archives et les musées, au détriment des monuments historiques, de l’archéologie et du patrimoine monumental ;

– les mesures de reclassement et de reconversion de salariés licenciés lors de restructurations économiques, financées par le programme Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi, sont souvent pilotées au niveau national, sans association suffisante des DRTEFP ;

– dans le domaine sanitaire et social, les fléchages de crédits concernent fréquemment l’hébergement d’urgence et les tutelles et curatelles. Ils peuvent également prendre une forme moins directe lorsque la mise en place de crédits, par exemple dans le domaine de l’insertion et de l’accompagnement social, est liée à des appels à projet lancés au niveau national, limitant d’autant le rôle des DRASS.

Recommandation n° 7 : Formaliser au sein des chartes de gestion ministérielles les « bonnes pratiques » de délégation des crédits en début d’année et de re-programmation en cours d’exercice.

Au-delà des effets des « codes de bonne conduite », la diminution des fléchages des crédits pourrait également découler de certaines des réformes administratives et territoriales envisagées dans le cadre de la RGPP ou des modifications de la maquette budgétaire rendues nécessaires par l’élaboration d’un budget triennal. Par exemple, la fusion de certains programmes actuellement peu dotés dans des enveloppes plus vastes devrait favoriser la suppression de certains BOP centraux (36). En outre, le recentrage des administrations centrales sur le cœur de leur mission – la conception des politiques publiques et le contrôle de leur bonne exécution – et l’affirmation de la région comme échelon de droit commun du pilotage local des politiques publiques devraient logiquement conduire à diminuer les bureaux « guichets » centraux souvent à l’origine du fléchage de crédits.

D’ici à ce que ces réformes structurelles puissent, le cas échéant, produire leurs effets, seule une volonté politique forte, exprimée par le Premier ministre à destination de l’ensemble des membres du Gouvernement peut mettre fin aux fléchages intempestifs de crédits.

Recommandation n° 8 : Proscrire explicitement, par circulaire du Premier ministre, le fléchage depuis le niveau central des crédits des services déconcentrés.

3.– La fongibilité asymétrique est largement virtuelle, la déconcentration de la GRH encore balbutiante

S’il est une difficulté d’application de la LOLF qui recueille un large consensus (au moins sur son diagnostic), c’est bien celle de la mise en œuvre de la fongibilité asymétrique.

Sur l’ensemble du budget de l’État, la fongibilité asymétrique n’a fonctionné qu’à hauteur de 260 millions d’euros en 2007, après 385 millions d’euros en 2006. Ces montants sont modestes : ils représentent respectivement 0,2 % et 0,3 % des crédits initiaux du titre 2. Encore sont-ils dus pour l’essentiel à des enveloppes de crédits de personnel « surbudgétisées » en loi de finances initiale par rapport aux besoins réels et par rapport à des plafonds d’emploi eux-mêmes surévalués. Dans ces conditions, le ministère chargé du Budget a naturellement tendance à s’opposer à des mouvements de fongibilité asymétrique qui s’apparentent moins au recueil du fruit d’efforts dans la gestion de la masse salariale qu’à des effets d’aubaine inhérents aux difficultés d’apprentissage des premières années d’application de la LOLF.

Sur le terrain, très rares sont les services déconcentrés rencontrés par la Mission qui ont pu mentionner des exemples d’utilisation de la fongibilité asymétrique. Cette situation est souvent particulièrement mal ressentie par les gestionnaires locaux, chez lesquels l’amertume le dispute à la résignation :

– le plus souvent, les consignes nationales de « saturation » des plafonds d’autorisation d’emploi, qui visent à optimiser les moyens par une réduction des vacances de postes, empêchent de dégager des marges de manœuvre. Ainsi, la plupart des préfectures regrettent de disposer aujourd’hui d’une souplesse de gestion inférieure à celle qu’elles ont connue lors des phases d’expérimentation de globalisation de leurs crédits de rémunération et de fonctionnement préalable à l’entrée en vigueur de la LOLF ;

– lorsque des marges de manœuvre sur le titre 2 sont malgré tout dégagées, elles sont difficiles à « recycler » à d’autres fins, du fait des délais très contraints en fin de gestion, du rapatriement des crédits au niveau central ou encore des annulations de crédits, destinées à respecter la norme de dépense régissant l’ensemble du budget général ;

– la situation est encore moins favorable lorsque, au vu des crédits de titre 2 non consommés, les moyens en personnel et le plafond d’emploi pour l’année suivante sont réduits d’autant, ce qui s’apparente à une forme de « double peine ».

Faire réellement vivre la fongibilité asymétrique, à l’origine présentée comme l’une des innovations essentielles de la LOLF, passe par plusieurs étapes d’inégale d’importance. Il faut, d’abord, confier aux gestionnaires des enveloppes de crédits disposant de la « masse critique » nécessaire. Il faut, ensuite, tirer parti de la nouvelle procédure budgétaire triennale pour :

– programmer l’évolution de la masse salariale sur un horizon pluriannuel, faute de quoi continueront à survenir en cours d’exercice des mesures salariales non financées en loi de finances initiale, justifiant une extrême prudence dans la gestion du titre 2 durant l’année ;

– inscrire la fongibilité asymétrique dans une perspective pluriannuelle, les crédits non consommés devant pouvoir bénéficier de davantage de souplesse dans les reports vers l’exercice suivant. En effet, ce n’est généralement qu’en fin d’année, au moment de la pré-liquidation de la paye de décembre, que les responsables ont réellement connaissance des reliquats de crédits de personnel. Faciliter leur report permettrait d’ « intéresser » les gestionnaires aux économies réalisées, tout en leur évitant d’agir dans la précipitation.

D’une manière plus générale, il faut, enfin, qu’une plus grande confiance s’instaure entre les ministères dépensiers et le ministère chargé du budget. Comme l’a récemment souligné le Rapporteur général, « après deux exercices budgétaires complets, il apparaît que la fongibilité asymétrique ne fonctionnera réellement que lorsque le pilotage de la masse salariale aura été amélioré et lorsque, au-delà des quelques assouplissements apportés en 2007, le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique consentira à davantage parier sur la responsabilité des gestionnaires » (37).

Recommandation n° 9 : Mettre à profit la nouvelle procédure budgétaire pluriannuelle pour faire vivre la fongibilité asymétrique, en particulier en facilitant les reports des crédits économisés d’un exercice à l’autre.

Au-delà du sujet de la fongibilité asymétrique se trouve également posée la question du pilotage de la masse salariale et des emplois, qui constitue l’un des enjeux essentiels de la réforme de la gestion publique.

Certains gestionnaires locaux rencontrés par la Mission sont demandeurs d’une plus grande capacité de pilotage des crédits du titre 2 et, plus largement, se plaignent de l’insuffisante déconcentration de la gestion des ressources humaines (GRH). Il s’agit le plus souvent de services déconcentrés des secteurs de l’Agriculture, de l’Emploi ou de la Culture. En sens inverse, la déconcentration de la masse salariale est plus forte dans les préfectures, les rectorats et les directions des affaires sanitaires et sociales. Par exemple, en Champagne-Ardenne et en Île-de-France, les responsables de DRASS ont déclaré apprécier les éléments de souplesse nouveaux, tels que le recours à des agents vacataires ou de statuts différents.

Toutefois, aller plus loin dans la responsabilisation des gestionnaires locaux sur leurs moyens en personnel suppose de dépasser les traditionnels enjeux de la déconcentration des actes de GRH et de l’exécution locale des dépenses de rémunération. Une telle vision, purement juridique, est tributaire de l’étroitesse des corps de la fonction publique et de leurs faibles effectifs. De surcroît, elle bénéficie en général au département, échelon où le nombre de fonctionnaires de chaque corps est peu élevé. Elle fait également peu de cas de la nécessaire évolution de la fonction publique vers une logique de métiers.

Or, la responsabilisation des gestionnaires locaux en matière de ressources humaines ne signifie pas nécessairement déconcentration de l’essentiel des actes de GRH. L’objectif devrait plutôt consister à procéder à une déconcentration « managériale », fondée sur une meilleure répartition des rôles entre administration centrale et niveau local. Plus concrètement, ce dernier doit pouvoir assumer pleinement sa responsabilité en termes de pilotage de sa pyramide d’emploi (arbitrage sur la structure et le coût des emplois), de recrutement (profil et délais), de satisfaction des agents dans le déroulé de carrière, de qualité du dialogue social et d’efficience du traitement administratif (back-office, marqué notamment par la création de l’Opérateur national de paye).

L’ensemble de ces questions devraient être traitées dans le cadre d’un dialogue de gestion spécialement dédié à la GRH, formalisé dans les chartes de gestion et permettant d’articuler précisément les différents échelons pour parvenir à une « fonction RH partagée » (38). Cela suppose, naturellement, que soient poursuivis les efforts de convergence dans les modes de comptabilisation des emplois publics.

Recommandation n° 10 : Profiter des actuelles réflexions sur la gestion des ressources humaines (GRH) pour promouvoir une conception « managériale » de la déconcentration de la GRH.

4.– Les outils de pilotage à la disposition des gestionnaires ne sont pas à la hauteur des enjeux

Le contrôle de gestion est un élément essentiel de la nouvelle gestion publique et du pilotage des politiques publiques. Il doit en effet permettre de « nourrir » le dialogue de gestion, dans sa dimension budgétaire comme dans son volet performance, en contribuant par exemple à la mise en place des objectifs opérationnels et des cibles de résultat, à l’identification de leviers d’action, à la formalisation de plans d’action, etc.

Auparavant cantonné dans certains services déconcentrés tels que les préfectures et les rectorats, le contrôle de gestion se déploie progressivement dans les autres ministères. La Mission a cependant pu constater que ce développement s’accompagnait d’assez fortes disparités d’un ministère, d’un service ou d’une région à l’autre.

Par exemple, interrogé sur les dispositifs de pilotage interne des services, M. Michel Clément, responsable du programme Patrimoines, évoque une situation « contrastée » : si certains opérateurs du programme ont mis en place de véritables systèmes de contrôle de gestion (Centre des monuments nationaux, Réunion des musées nationaux, Musée du Louvre, etc.), encore peu de directions, qu’elles soient centrales ou régionales, disposent de véritables outils de pilotage – y compris, parfois, de simples tableaux de bord.

L’aspect disparate du contrôle de gestion a récemment été confirmé par la Cour des comptes, qui a pointé son « essor inégal » : « le rôle des services de contrôle de gestion consiste pour l’essentiel, à ce stade, à produire des tableaux de bord et des indicateurs et à organiser le dialogue de gestion entre les services du ministère et avec celui chargé du budget. Lorsque celui-ci est plus avancé (missions du ministère de l’Intérieur), il se développe vers la recherche d’économies structurelles (mutualisation des services comme la fonction achats ou diffusion de bonnes pratiques). Ces travaux se limitent cependant aux dépenses de fonctionnement et d’investissement (diffusion de la dématérialisation, maîtrise des coûts bureautiques, énergétiques et téléphoniques, loyers). Ils ne portent ni sur les perspectives d’une adaptation du nombre des emplois, ni sur le niveau ou l’efficacité des interventions, ni sur l’évolution des organisations ou des pratiques gestionnaires (suppression ou regroupement de services, simplification de procédures, recours à la sous-traitance…). Par ailleurs, au-delà de l’élaboration du RAP, les outils de contrôle de gestion ne sont qu’exceptionnellement mobilisés pour expliquer les écarts, en matière budgétaire, entre prévisions et réalisations et, au regard de la mesure des performances, entre objectifs et résultats » (39).

Le développement du contrôle de gestion – au niveau central comme au plan déconcentré – doit donc s’accompagner d’une évolution de ses finalités. Il conviendrait d’y voir non seulement un outil descriptif renseignant sur le passé ou l’existant, mais aussi un instrument d’aide à la décision, destiné à améliorer la gestion budgétaire et le pilotage par la performance. D’un point de vue plus structurel, il importe également de donner davantage de poids au contrôle de gestion, en lui conférant une position élevée dans la hiérarchie administrative et en lui assurant une proximité suffisante avec les responsables de programmes.

Recommandation n° 11 : Professionnaliser le contrôle de gestion et en faire un instrument de pilotage par la performance.

Les limites du contrôle de gestion sont liées, pour une part sans doute non négligeable, à l’inadaptation des systèmes d’information mis à disposition des différents acteurs de la LOLF.

Certes, le « palier LOLF » (40) a connu des améliorations en 2007, telles qu’un meilleur traitement des opérations de fin de gestion, de nouveaux domaines de restitutions offerts par INDIA ou un recensement des charges à payer par ORCHIDÉE (41). Mais ces applications ne sont pas réellement adaptées aux besoins des responsables de BOP, qu’il s’agisse de la programmation budgétaire, du suivi des mécanismes de fongibilité, de la gestion de la trésorerie ou du suivi de la performance.

Les différents ministères ont donc développé ou adapté leurs propres outils, ouvrant la voie à une multitude d’applications diverses, généralement dénuées de connexion entre elles. Ainsi, pour M. Dominique Sorain, secrétaire général du ministère de l’Agriculture et de la pêche, « les systèmes d’information sont très hétérogènes – ce qui est un facteur important de surcharge de travail – et ne permettent pas de partager entièrement une information fiabilisée. Basés sur des concepts antérieurs à la LOLF, ils ne sont pas capables de la mettre en œuvre pleinement. Les restitutions, nécessaires au suivi de l'exécution, illustrent les insuffisances des dispositifs existants ».

C’est pour pallier ces lacunes que le ministère de la Culture et de la communication, en association avec le ministère de la Justice, a créé l’application ARPEGE (42), outil commun aux échelons central et déconcentré, permettant une homogénéisation des pratiques de gestion, une consolidation nationale des données et un partage de l’information pour l’exercice du dialogue de gestion. Selon M. Michel Clément, responsable du programme Patrimoines auditionné par la Mission, les gestionnaires peuvent ainsi suivre la programmation et l’exécution des BOP selon la double nomenclature par nature de dépenses (titres et catégories) et par destination (missions, programmes et actions). ARPEGE est particulièrement bien adapté pour suivre les opérations pluriannuelles d’investissement et les subventions, qui représentent l’essentiel des crédits gérés par les DRAC. Outre qu’il offre au gestionnaire une meilleure vision de ses engagements, un tel outil permet d’alimenter le dialogue de gestion, tous ses protagonistes y ayant accès : responsables d’UO, de BOP, de programmes, DAF, directions sectorielles.

En région Centre, la Mission a également pu découvrir une autre application – cette fois à vocation horizontale – à la disposition du CAR et du préfet de région : le logiciel OEDIPE (43). Il s’agit d’un outil de pilotage financier et de la performance utilisé dans plusieurs régions, présentant notamment le bilan d’exécution des BOP de l’année précédente, les engagements de l’année en cours et des restitutions trimestrielles des indicateurs de performance.

Au-delà de la diversité des applications utilisées, la Mission a pu constater l’existence de fortes attentes des gestionnaires quant aux systèmes d’information. Pour beaucoup de responsables de BOP, seul le déploiement de Chorus permettra d’exploiter véritablement les potentialités de la LOLF. Il convient donc d’associer étroitement les gestionnaires locaux aux expérimentations et au développement de Chorus – ce qui, semble-t-il, n’a guère été le cas jusqu’à une période récente. De ce point de vue, il paraît pertinent d’avoir retenu le programme Administration territoriale (mission Administration générale et territoriale de l’État) pour procéder à l’expérimentation de Chorus dans deux régions en 2008 : Haute-Normandie et Pays-de-la-Loire.

Recommandation n° 12 : Associer l’ensemble des acteurs de la LOLF, en particulier les responsables de BOP, à la préparation du déploiement de Chorus.

5.– La performance apparaît comme un « exercice obligé » à l’horizon pratique limité

Traiter de la performance au sein de développements consacrés aux obstacles à la liberté de gestion devrait a priori surprendre. Pourtant, la Mission a pu constater qu’en pratique la gestion du volet « performance » des BOP et des programmes apparaît très souvent comme une charge supplémentaire, rarement comme un outil nouveau : en d’autres termes, la performance est fréquemment vécue comme un « exercice obligé », dépourvu d’enjeu concret.

Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, les efforts de rationalisation des objectifs et des indicateurs de performance n’ont certes pas été négligeables, ainsi qu’en atteste le tableau ci-après. Entre le projet de loi de finances pour 2006 et le projet de loi de finances pour 2009, 220 indicateurs ont été supprimés, soit une diminution de près de 16 %. Qualitativement, leur répartition a été rééquilibrée : les indicateurs d’efficacité socio-économique prenant en compte le point de vue du citoyen sont moins nombreux, tandis qu’ont été renforcés les indicateurs de qualité de gestion des services publics et des indicateurs d’efficience, représentatifs de l’intérêt du contribuable.

ÉVOLUTION DES INDICATEURS DE PERFORMANCE

 

PLF 2006

PLF 2007

PLF 2008

PLF 2009

Nombre total

1 398

1 295

1 276

1 178

Répartition :

– efficacité

– qualité

– efficience


53 %

18 %

29 %


49 %

22 %

29 %


42 %

23 %

35 %


42 %

23 %

35 %

N.B. : Budget général, comptes spéciaux et budgets annexes.

En dépit de ces améliorations, la Mission retient de ses déplacements en région auprès des services déconcentrés deux enseignements majeurs (44).

D’une part, la déclinaison du dispositif de performance du niveau national au niveau local est une importante source de difficultés. Certains gestionnaires régionaux pointent la déconnexion – apparente ou réelle – entre les objectifs locaux et les objectifs nationaux. D’autres responsables locaux, plus nombreux, se plaignent de l’inadaptation à l’échelon déconcentré d’objectifs et indicateurs repris « tels quels » des programmes. Pourtant, dans la « doctrine » de mise en œuvre de la LOLF développée par le ministère du Budget, l’adaptation des indicateurs nationaux aux réalités locales est une possibilité reconnue, passant par la création d’objectifs « intermédiaires » (par exemple le suivi d’une « feuille de route » propre à un service mais concourant à un objectif national) ou d’objectifs « complémentaires » à ceux du programme dans la seule limite de leur absence de contrariété avec les objectifs nationaux.

En pratique, au tout début de l’application de la LOLF, la volonté d’ancrer et de diffuser les objectifs figurant dans les projets annuels de performances (PAP) a plaidé en faveur d’une déclinaison des objectifs nationaux au niveau des BOP aussi fidèle que possible. Aujourd’hui, cette logique atteint sans doute ses limites lorsqu’elle a pour conséquence un relatif désintérêt des gestionnaires locaux pour les questions de performance. Dans ces conditions, le développement d’indicateurs intermédiaires et complémentaires, à condition qu’il soit maîtrisé et appuyé sur un diagnostic commun, permettrait sans doute une meilleure appropriation de la démarche de performance. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, l’association des responsables de BOP à l’adaptation des objectifs nationaux à la diversité de la gestion opérationnelle est naturellement essentielle.

La Mission tient en effet à réaffirmer que le volet performance du BOP ne doit pas être conçu comme un simple relevé de données en vue d’une consolidation nationale au niveau des programmes. Il doit être un outil à disposition du responsable de BOP et des UO pour analyser les résultats obtenus et en tirer des conclusions opérationnelles et managériales. Or, les exemples concrets d’utilisation des résultats fournis par les indicateurs de performance pour décider d’une modification de la répartition des moyens ou pour évaluer les agents – pratiques existant notamment dans l’administration financière – font figure de rares exceptions.

Recommandation n° 13 : Faire de la performance un outil de management dans les services déconcentrés, notamment en adaptant les indicateurs au niveau opérationnel et en comparant leurs résultats d’une région à l’autre.

D’autre part, la seconde difficulté limitant singulièrement l’intérêt de la démarche de performance au niveau déconcentré est sa déconnexion quasi-totale avec le processus d’allocation des ressources budgétaires. Il ne faut pas, dès lors, s’étonner de constater que la performance est souvent traitée comme un élément accessoire et « à part » du dialogue de gestion entre le responsable de programme et les responsables de BOP.

Ce problème excède néanmoins le champ du présent rapport, ce constat d’excessive séparation entre dispositif de performance et processus de budgétisation valant sans doute tout autant au plan national (45) qu’au plan déconcentré. Il n’est, de surcroît, pas spécifique à la France. Une récente étude de l’OCDE portant sur l’Australie, le Canada, la Corée du sud, le Danemark, les États-Unis, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède propose de distinguer trois types de budgétisations axées sur la performance : la première, qualifiée de « présentationnelle », se limite à fournir des informations sur la performance sans lien avec la budgétisation et qui, quand elles sont utilisées, « le sont surtout à des fins de responsabilisation et plutôt en dehors de la procédure de négociation du budget » ; la deuxième établit un lien lâche ou indirect entre les deux volets, la performance venant (entre autres éléments) « éclairer » la budgétisation ; la troisième, rare en pratique et impossible à généraliser à l’ensemble d’un budget, repose sur un lien étroit ou direct entre performances réalisées et répartition des ressources (46). Au regard de cette classification, on peut considérer que la France doit actuellement être rangée dans la première catégorie et qu’elle gagnerait à évoluer vers la deuxième, c’est-à-dire vers une plus grande interaction entre performance et budgétisation.

À plus court terme, pour « faire vivre » la performance au sens de la LOLF et ne pas en faire un exercice désincarné, il convient, par le choix des objectifs, des indicateurs et des cibles, de clairement l’articuler avec, d’une part, les lettres de mission de chaque ministre et, d’autre part, les travaux de la RGPP.

Recommandation n° 14 : Intégrer la performance aux processus de discussion et de décision budgétaires.

En définitive, les différents obstacles qui précèdent expliquent la déception d’assez nombreux gestionnaires locaux, déception généralement proportionnelle aux attentes conçues quant aux effets potentiels de la LOLF. Encore n’a-t-on pas abordé un autre aspect fréquemment évoqué par les responsables de BOP rencontrés par la Mission : l’insuffisante articulation entre le niveau déconcentré et les opérateurs des programmes (soit que leurs crédits émanent directement de l’échelon central et « court-circuitent » le niveau local, soit qu’ils transitent par les BOP régionaux mais sans réelle association de ces derniers).

Évoquer cette question invite à poser le problème, beaucoup plus vaste, de la place et du rôle des opérateurs de l’État dans la gestion budgétaire en mode LOLF.

II.– LES OPÉRATEURS DE L’ÉTAT : ENTRE NÉCESSAIRE AUTONOMIE ET RISQUE DE DÉBUDGÉTISATION

Les opérateurs de l’État forment un ensemble très hétérogène sur le plan des statuts : établissements publics administratifs (EPA) ou industriels et commerciaux (EPIC), établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnels (EPSCP), groupements d’intérêt public (GIP), associations… Sur le nombre total d’opérateurs, les EPA représentent 50 %, les EPIC 9 % et les EPSCP 19 %. Ils se différencient également par leurs financements publics (subventions, ressources affectées), le poids relatif qu’ils représentent au sein de chaque programme, ainsi que la tutelle plus ou moins efficacement exercée par les administrations.

Depuis 2006, une annexe générale « jaune » sur les opérateurs de l’État, créée par amendement parlementaire lors de la discussion du projet de loi de règlement pour 2005, accompagne le projet de loi de finances. Elle synthétise une liste des opérateurs, des flux financiers dont ils bénéficient (crédits budgétaires, ressources fiscales, ressources propres et autres) ainsi que les emplois qu’ils rémunèrent. En juillet 2007, par amendement de votre commission des Finances au projet de loi de règlement 2006, le Parlement a demandé une extension des informations contenues dans le « jaune » aux exercices en cours et passés. En novembre 2007, une information détaillée pour les 38 plus grands opérateurs a complété cette annexe. Par ailleurs les agences de l’eau présentent chaque année au Parlement, en annexe au projet de loi de finances, une annexe « jaune » spécifique.

Le projet de loi de finances pour 2008 identifie 649 organismes répondant à la définition d’opérateurs de l’État, dont 485 opérateurs qualifiés d’opérateurs principaux, qui font l’objet d’un développement spécifique dans les projets et rapports annuels de performances, et 164 opérateurs secondaires.

L’annexe « jaune » recense 19 programmes dont plus de 50 % de l’enveloppe est affectée aux opérateurs dans les missions en charge de l’action extérieure de l’État, de l’agriculture, de la culture, de l’écologie, de la recherche, des régimes sociaux et de retraite, de la sécurité sanitaire et de la ville et du logement. Les marges de manœuvre des responsables de programmes concernés s’en trouvent réduites d’autant (crédits, effectifs, stratégie…).

La création de cette annexe « jaune » correspond au souhait d’un contrôle parlementaire plus étroit des opérateurs de l’État, se rapprochant du contrôle exercé sur le budget de l’État, tant au niveau du budget initial que des résultats enregistrés.

Le lien de financement et de tutelle reconnu entre l’État et des organismes qui mettent en œuvre des politiques publiques leur impose logiquement :

– de répondre à l’exigence d’information et de contrôle sur leurs emplois, leurs financements et leurs résultats en termes de performance ;

– de s’inscrire dans le cadre budgétaire et comptable de la LOLF (les actifs des opérateurs figurant dans l’actif de l’État, à côté des participations classiques dans les entreprises publiques) ;

– de participer aux objectifs de finances publiques (maîtrise de l’emploi public et de la dépense publique, gestion de la dette publique).

Le rapporteur général de la commission des Finances du Sénat appelait à « concilier "l'agencisation" de l’État avec la maîtrise de dépenses publiques et des prélèvements obligatoires » (47). « Encore convient-il de vérifier que " l'agencisation" en cours de l'État n'est pas de pure opportunité budgétaire et qu'elle ne conduit pas à des doublons, à une fragmentation accrue de l'action publique et à une inflation des emplois. » Le sénateur Philippe Dallier estimait l’année suivante, dans son rapport spécial (n° 91) sur la mission Ville et logement, qu’une « clarification des périmètres de compétence de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ) avec la Délégation interministérielle à la ville (DIV) est le préalable à l’amélioration de la performance du programme Équité sociale et territoriale et soutien ». La DIV doit se recentrer sur son rôle de pilotage et d’évaluation et l’ACSÉ sur la gestion des interventions. La même remarque serait valable pour les relations entre la DIV et l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU).

D’un coté, les opérateurs de l’État ont été créés pour donner la souplesse de gestion nécessaire à la mise en œuvre opérationnelle de certaines politiques publiques. D’un autre côté, leur multiplication et les conditions d’exercice de leur tutelle par les services de l’État laissent craindre des dérives en matière budgétaire et financière.

A.– LES OPÉRATEURS N’ONT PAS RÉUSSI A ÊTRE L’ÉQUIVALENT FRANÇAIS DES « AGENCES » ANGLO-SAXONNES OU SCANDINAVES

1.– Le besoin d’autonomie de gestion

La création des agences est en soi un vecteur intéressant de modernisation de la gestion de l'État. On ne peut pas dire simultanément que les agences sont la « panacée » et que les opérateurs sont le « problème ». Un équilibre doit être trouvé entre l’autonomie de gestion des opérateurs et la maîtrise des décisions ont potentiellement une incidence sur l’équilibre des finances publiques.

Les agences bénéficient de l’autonomie de gestion, de la mise en adéquation de moyens et de résultats, d’une certaine proximité avec les usagers. Elles ont vocation à s’inscrire, avant même l’entrée en vigueur de la LOLF, dans un cadre de recherche de la performance. Dans son principe, le développement des agences doit permettre l'introduction d'éléments de flexibilité, notamment dans la gestion des moyens financiers (ressources propres) et des ressources humaines (recrutements, personnel contractuel, niveau de rémunération…). Cette souplesse de gestion devra s’effectuer dans le cadre d’un dialogue social approprié pour assurer le respect des conditions de travail et des droits des salariés. Est recherchée également la transposition de la souplesse des méthodes de gestion en provenance du secteur privé, dès lors que pour certaines tâches assumées par l’État elles se révèlent utiles pour la mise en œuvre de politiques publiques. L’agence, comme modèle de modernisation de l’action de l’État, est en effet censée améliorer la qualité, l’efficacité et l’adaptabilité des services, tout en dynamisant l’appareil administratif.

La mise en place d’agences disposant d’une autonomie de gestion accrue et de méthodes de management plus modernes a permis dans un certain nombre de pays de rationaliser l'action publique et d'en accroître l'efficacité. Ces agences participent à l’essor de ce que l’on appelle le « nouveau management public », avec l’éloignement du politique de la mise en œuvre des politiques publiques. Les agences créées au Royaume-Uni ont ainsi permis de séparer la conception des politiques publiques de leur mise en œuvre qui revient à des agences. Dans ce pays, elles sont passées de 28 en 1986 à 164 en 2002. De même aux Pays-Bas où l’on ne comptait que 4 unités en 1994, ce sont 31 agences qui, en 2004, emploient près de 40 % des agents publics. Si le modèle français dispose de la personnalité juridique, ce n’est pas le cas de ses pendants britannique et néerlandais.

Les pays anglo-saxons, de tradition libérale, n'ont pas été les seuls à recourir au modèle des agences. Elles ont également vu le jour dans des pays de culture sociale-démocrate. Ainsi, le système administratif de la Finlande se caractérise par le modèle d'agences en réseau souvent puissantes, face à des ministères en nombre réduit. Une réforme a été engagée dans ce pays de façon progressive à partir de 1988, dans le but d'adopter les techniques inspirées du secteur privé. La sphère publique a donc été recentrée sur son cœur d'activités traditionnelles. La Suède présente une situation similaire. Ce pays ne compte que 13 ministères employant environ 3 000 fonctionnaires ; l'essentiel de leurs compétences opérationnelles a été transféré en 1990 à de puissantes agences au nombre de 250, qui comptent 200 000 fonctionnaires.

Il est difficile de soutenir que la France dispose d’une telle stratégie d’« agences » pour les opérateurs de l’État, avec en contrepartie une surveillance accrue de la part des administrations centrales. En effet, les opérateurs constituent autant de structures différentes que de ministères. À aucun moment la représentation nationale n’a été consultée sur la création de ce type d’organismes.

La France n’a pas attendu cette vague récente et a créé depuis longtemps des établissements publics. De façon paradoxale, ces établissements publics ont souvent un budget très rigide où la souplesse de gestion est très limitée. Le rapport d’audit de modernisation (avril 2007) sur la tutelle et le pilotage des opérateurs du ministère de la Culture suggérait d’inciter les conseils d’administration à voter le budget en trois enveloppes globalisées de crédits fongibles : personnel avec plafond d’emplois associé, fonctionnement et investissement. Le rapport proposait également d’aller plus loin dans la fongibilité : les crédits de personnel vers le fonctionnement et l’investissement, les crédits de fonctionnement vers l’investissement.

M. Dominique Sorain, Secrétaire général du ministère de l’Agriculture et de la pêche, déclarait devant la Mission que « les opérateurs permettent une mise en œuvre efficiente de certaines politiques. Cela permet une plus grande souplesse de gestion notamment la mise en œuvre de mesures d'urgence pour l'agriculture. (…) En ce qui concerne plus particulièrement les opérateurs du programme 215, l’Institut national de formation des personnels du ministère de l’agriculture (INFOMA) mène la politique de formation au sein du ministère. L'existence d'un établissement permet plus de souplesse pour l'organisation de formation. »

La réflexion sur les opérateurs doit s’insérer dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Le conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 indiquait que : « la mise en place d’agences de service public, sans personnalité morale, mais disposant d’une grande autonomie de gestion et d’une gouvernance assurant la responsabilité de leurs dirigeants, permettra de répondre aux besoins des administrations chargées de la mise en œuvre des politiques, tout en permettant à l’État de contrôler les objectifs et les résultats des politiques qu’il finance et dont il est responsable. Des expérimentations de ce nouveau mode de gestion publique seront mises en œuvre. » Ces agences permettraient d’offrir, au sein de l’État, la création de « véritables structures autonomes sur le modèle suédois ».

Le conseil explique qu’« une telle innovation répond au constat simple que les structures administratives en charge de la mise en œuvre des politiques publiques n’ont ni les mêmes besoins, ni les mêmes missions que les directions d’administration en charge de leur définition. Les administrations de gestion s’apparentent fortement à des entreprises de production de services, qui doivent faire face à une charge donnée dans les meilleures conditions de qualité et d’efficience.

Il convient donc de leur accorder beaucoup d’autonomie et de souplesse de gestion, en matière budgétaire comme de GRH. En contrepartie, elles doivent être soumises à un contrôle de leurs performances plus professionnel. Pour autant, ces structures légères, sans personnalité juridique, resteraient dans le giron de l’État. Des expérimentations de ce dispositif devraient être menées, à la fois sur des administrations et sur des structures qui ont actuellement le statut d’établissements publics. »

La Mission suivra attentivement l’expérimentation d’agences de service public permettant de créer un nouveau type d’opérateur, moins lourd que l’établissement public et plus proche de ses administrations de tutelle.

Recommandation n° 15 : S’assurer que l’existence d’opérateurs de l’État correspond exclusivement aux besoins de souplesse de gestion et de nouveau management public pour la mise en œuvre de certaines politiques publiques, dans le respect des conditions de travail et des droits des salariés.

2.– La définition des opérateurs au sens de la LOLF

Les articles 5, 51 et 54 de la LOLF identifient, sans utiliser le terme même d’opérateur, les « organismes bénéficiaires d’une subvention pour charges de service public », qui constituent de fait la catégorie des opérateurs de l’État.

Pour être qualifié d’opérateur de l’État, un organisme doit, quel que soit son statut (établissement public administratif ou industriel et commercial, groupement d’intérêt public, association,…), satisfaire à trois critères cumulatifs proposés en 2004 par le ministère chargé de la réforme budgétaire et validés par la mission d’information de MM. Alain Lambert et Didier Migaud sur la mise en œuvre de la LOLF en septembre 2005 :

– une activité de service public, rattachable à une politique de l’État dans la nomenclature budgétaire (mission-programme-action) ;

– un financement assuré majoritairement par l’État, directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, notamment fiscales. Ceci n’exclut pas la possibilité pour l’opérateur d’exercer des activités marchandes à titre subsidiaire ;

– un contrôle direct de l’État avec une tutelle ayant la capacité à orienter les décisions stratégiques.

Le critère du contrôle a conduit à exclure des organismes, même majoritairement financés par l’État, pour des raisons d’indépendance éditoriale (organismes de l’audiovisuel public), du fait du paritarisme (établissements publics de la sphère sociale), pour l’autonomie d’action des dirigeants (organismes consulaires) ou considérés comme des partenaires (établissements d’enseignement privé sous contrats). Des décisions spécifiques ont exclu les 8 000 établissements publics locaux d’enseignement (collèges et lycées), dont le budget hors dépenses de personnel est financé par les collectivités territoriales. De même ont été exclus les organismes couverts par le rapport de l’Agence des participations de l’État annexé au projet de loi de finances sur l’État actionnaire.

La liste des opérateurs 2007 comptait 798 organismes. La procédure d’actualisation 2008 a conduit à retirer de cette liste 149 structures. Il s’agit principalement de 73 conseils départementaux d’accès au droit et de 27 centres d’insertion et de formation professionnelle. Ceux-ci ne faisaient l’objet, en 2007, d’aucun rattachement à un programme et n’étaient donc pas retracés dans les PAP. Ils ne remplissaient pas les critères de qualification, notamment les critères de financement et de contrôle par l’État.

Présentation synthétique des modifications
entre les listes 2007 et 2008 des opérateurs

Entrées :

– Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

– Agence nationale des aires marines protégées

– Parcs nationaux de France

– Parc national de Guyane

– Parc national de la Réunion

– 2 associations régionales pour la mesure de la qualité de l’air (Drôme-Ardèche-PACA)

– Bureau d’évaluation des risques, des produits et agents chimiques (BERPC)

– Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA)

–  Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS)

– 3 pôles universitaires (Strasbourg, Lorraine Guyane)

– Centre national de gestion (CNG)

Retraits :

– Autorité des marchés financiers (AMF)

– Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions financières (CCAMIP)

– Établissement français du sang (EFS)

– Institut national de transfusion sanguine (INTS)

– Agence nationale des chèques vacances (ANCV)

– 73 centres départementaux d’accès au droit

– 27 centres d’insertion et de formation professionnelle

– 8 IUFM

– AREMA Lille Métropole

– AREMARTOIS

– AREMASSE

Modifications :

– L’ENESAD intègre le CNPR Clermont-Ferrand

– L’Institut des sciences et de l’industrie du vivant et de l’environnement (Agro Paris TECH) regroupe l’Institut national agronomique Paris Grignon (INA PG), l’ENGREF et l’ENSIA et est inclus dans les établissements sup agri et vétérinaires

– Montpellier Sup Agro regroupe l’ENSAM Agro-Montpellier et le CNEARC

– L’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace intègre l’ENSICA et l’ENSAE (dite Sup Aéro)

– L’Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC) a fusionné l’ONIC, l’ONIL et le FIRS

Source : annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2008 sur les opérateurs

Vos Rapporteurs notent que le Parlement ne dispose d’aucun pouvoir sur la constitution de la liste des opérateurs, qui figure dans une annexe « jaune » au projet de loi de finances et donc qui ne peut faire l’objet d’amendement ni de vote. On peut s’étonner de l’exclusion de cette liste de l’Agence nationale des chèques vacances (ANCV). Cette agence bénéficie en effet de dispositifs d’exonérations fiscale et sociale qui constituent un financement - certes indirect - de l’État.

Les critères de définition des opérateurs posent un problème de frontière pour certains organismes : les entreprises de transport (RATP, SNCF, RFF), les sociétés de l’audiovisuel et l’Agence française du développement (AFD) ne sont pas actuellement considérées comme des opérateurs. Dans son rapport spécial (n° 276 annexe 4) sur la mission Aide publique au développement du projet de loi de finances pour 2008, M. Henri Emmanuelli demandait que l’AFD soit considérée comme un opérateur, afin qu’elle fasse l’objet d’une restitution de comptes dans les projets et rapports annuels de performances.

En effet, l’information sur l’AFD présentée chaque année dans l’annexe « orange » au projet de loi de finances portant document de politique transversale sur la « politique française en faveur du développement » est pour le moins restreinte. Intervenant lors de la séance publique du 6 décembre 2007 sur l’examen du projet de loi de finances rectificatif pour 2007, M. Michel Bouvard, Rapporteur, estimait qu’« il serait également utile de glisser dans cette même annexe des informations détaillées sur le financement et l’activité de l’Agence française de développement qui, jusqu’à présent, fait plutôt figure de boîte noire. Depuis plusieurs années déjà, le Parlement tente de savoir ce qui s’y passe. Nous voulions qu’elle soit considérée comme "opérateur public" au sens de la LOLF, mais cela a été jugé impossible, pour des raisons d’ailleurs compréhensibles. Cependant, à lire un amendement déposé par le Gouvernement sur le projet de loi de finances rectificative, je suis plus que jamais enclin à réclamer des détails sur l’activité de l’AFD : il apparaît en effet que l’agence assure en partie la trésorerie du ministère de l’agriculture, en proie à des difficultés dans la réorganisation de ses budgets opérationnels de programme. »

Á l’issue de ce débat, un amendement a été adopté prévoyant que l’annexe « orange » précitée soit complétée par :

« – une présentation détaillée des ressources budgétaires et extra-budgétaires de l'Agence française de développement, de l'emploi de ces ressources et des activités de l'agence prises en compte dans les dépenses d'aide publique au développement ;

– la répartition géographique et sectorielle des concours octroyés par l'Agence française de développement, et la ventilation de ces concours par catégorie, en particulier entre prêts, dons, garanties et prises de participation. »

La Cour des comptes et le Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) se sont également prononcés pour que l’AFD soit considérée comme un opérateur. Seule cette qualification permettrait que cette agence rende compte de sa gestion et s’inscrive dans la démarche de performance instaurée par la LOLF. Les raisons du refus du ministère du Budget ne sont pas très claires. Est-ce parce que, dans cette hypothèse, l’AFD aurait été incluse dans le périmètre de consolidation de la dette publique de la France ?

Les opérateurs au sens de la LOLF représentent une notion très proche des organismes divers d'administration centrale (ODAC). Ils entrent donc dans le périmètre de la dépense publique, des prélèvements obligatoires et de la dette publique. Les ODAC – il y en a environ 850 recensés par l’INSEE – se retrouvent dans leur très grande majorité parmi les opérateurs de l’État recensés dans l’annexe « jaune » sur les opérateurs. Quelques exceptions toutefois peuvent être signalées :

– les agences de l’eau sont des opérateurs mais pas des ODAC ;

– les structures de désendettement et de défaisance (Consortium de réalisation - CDR par exemple) sont des ODAC mais pas des opérateurs.

Dans son rapport sur la certification des comptes de l’État (exercice 2007), la Cour des comptes estime que « les modalités d’établissement de la liste des entités qualifiées d’opérateurs altèrent la qualité de leur recensement. En témoignent les nombreuses anomalies identifiées dans le compte général de l’État au 31 décembre 2007 (entités répondant aux critères normatifs définissant la qualité d’opérateur mais non recensées ou, à l’inverse, ne répondant pas aux critères mais dont la qualité d’opérateur est maintenue). Le recensement présente des faiblesses en termes d’outils (absence de base de données), de méthode (absence de recoupement avec d’autres listes d’entités pouvant répondre aux critères, comme les organismes divers d’administration centrale en comptabilité nationale ou les associations subventionnées par l’État) et de contrôle interne (défaut de traçabilité des décisions de classement). Ces insuffisances expliquent que l’administration ait été, dans l’impossibilité de justifier plusieurs mouvements d’entrée et de sortie du périmètre intervenus au cours de l’exercice 2007 et, de fournir une analyse du respect des critères de classement en réponse à une liste, soumise par la Cour, de 50 entités non recensées au 31 décembre 2007. »

Recommandation n° 16 : Affiner la liste des organismes considérés comme opérateurs de l’État au sens de la LOLF pour correspondre au plus près aux trois critères d’activité de service public, de financement majoritaire – direct ou indirect - par l’État et de contrôle direct par l’État.

B.– LA TENTATION D’UTILISER LES OPÉRATEURS POUR CONTOURNER LES DISCIPLINES BUDGÉTAIRES

Les opérateurs doivent participer aux objectifs assignés aux finances publiques : maîtrise des financements publics et du niveau des emplois, endettement, immobilier, mais aussi mise en réserve, gestion de trésorerie, dépenses fiscales. Force est de constater que les contraintes pesant sur les finances publiques ont créé la tentation pour les ministères d’utiliser les opérateurs pour se soustraire à ces objectifs. Comment ne pas craindre que la création d’un opérateur ne sanctuarise les financements (dotations budgétaires, ressources fiscales affectées) et les emplois sui seraient supprimés dans les administrations centrales ou déconcentrées ?

1.– La tendance à la multiplication du nombre d’opérateurs

L’évolution du nombre des opérateurs de l’État n’est pas facile à suivre. D’abord, on l’a déjà dit, la définition des opérateurs prise en application de la LOLF ne couvre pas l’ensemble des organismes gravitant autour de l’État. Ensuite, trois ans après l’entrée en vigueur de la LOLF, l’application même des critères de définition des opérateurs est encore hésitante. Alors qu’au sens de la LOLF le nombre d’opérateurs baisse, le nombre d’organismes publics jouissant d’une autonomie de gestion a tendance à augmenter.

On peut citer, au cours des dernières années, la création de l’Agence du patrimoine immatériel de l’État (APIE), l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ), l’Opérateur national de paie, l’Agence nationale de la recherche, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) ou encore l’Agence pour l’innovation industrielle (fusionnée ensuite avec le groupe OSEO). L’année 2008 a vu la création de plusieurs agences représentant la création de 209 emplois : Agence nationale des titres sécurisés, Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), Agence des aires marines protégées, Parcs nationaux de France, ainsi que deux nouveaux Parcs nationaux, Guyane et Réunion…

Le ministère de la Culture dispose de 80 opérateurs, ce qui est sans doute trop important. Ce ministère a théorisé cette situation en parlant de « déconcentration fonctionnelle ». Le rapport de la mission d’audit de modernisation d’avril 2007 sur la tutelle et le pilotage des opérateurs du ministère de la Culture notait que les opérateurs représentent plus de 40 % des crédits de ce ministère et emploient plus de 22 000 ETP. Les opérateurs représentent 57 % des crédits consommés hors titre 2 et 29 % des ETPT du programme Patrimoines. M. Gérard Mortier, Directeur de l’Opéra national de Paris, déclarait lors de son audition par la Mission que la création d’un nouvel opérateur, l’Opéra-comique, non concertée préalablement avec l’Opéra national de Paris, avait suscité une surabondance d’offre de spectacles à Paris (Théâtre de la Ville et Théâtre des Champs-Élysées). Le ministère de la Culture a pris seul la décision et n’assure pas la coordination indispensable à la multiplicité de ces scènes parisiennes. Cette situation pèse lourdement sur les dotations budgétaires (notamment rénovation de l’Opéra-comique), exerce une pression à la baisse sur les prix des places et une surenchère des cachets des meilleurs artistes, au détriment des ressources propres. En conséquence, la salle modulable de l’Opéra Bastille n’est pas utilisée faute de crédits budgétaires.

Le conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 reconnaissait que : « les établissements publics de tous les ministères ne seront pas à l’écart de cette évolution(48). Il est nécessaire, en effet, de remédier à leur trop grand nombre, qui conduit à la fois à une perte de contrôle sur les politiques publiques et sur l’évolution des effectifs. »

Un trop grand nombre d’opérateurs présente des risques de doublonnage entre eux ou avec les services de l’État. Il convient d’examiner systématiquement les conséquences de la création d’un opérateur en termes de réorganisation de l’État. Mal maîtrisés, les opérateurs peuvent entraîner une dilution de la responsabilité de l’État et une opacité budgétaire. Les rapporteurs spéciaux des commissions des Finances seraient pleinement dans leur rôle en exerçant leur contrôle sur les opérateurs.

On peut s’interroger par exemple sur la création de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui supporte depuis le budget 2007 l’essentiel des investissements dans les transports routiers, ferroviaires ou collectifs (2,2 milliards d'euros), à charge d’en assurer le financement sur ses ressources propres, alors que ces charges étaient précédemment supportées par le budget de l’État. Il s’agit donc d’une opération de débudgétisation, dont on peut craindre que la raison principale en soit le contournement de la norme de dépense.

De même n’apparaît pas de façon clairement justifiée l’existence de l’Agence de mutualisation des universités et des établissements d’enseignement supérieur et de recherche (AMUE), groupement d’intérêt public chargé d’élaborer une offre de logiciels qui réponde aux besoins spécifiques de la gestion des établissements d’enseignement supérieur. Il semble en effet que cette agence a été créée en 1992 uniquement pour faire ce que ne faisait pas – et ce qu’aurait dû faire – la direction générale de l’Enseignement supérieur (DGES). Cette agence fonctionne maintenant plutôt bien ; il n’en demeure pas moins que l’administration centrale ne devrait pas s’exonérer de sa mission d’accompagnement des universités. La responsabilité du ministère dans la mise en place de systèmes d’information adaptés et communs se justifie d’autant plus qu’il a lui-même besoin, pour établir des comptes consolidés, notamment dans les rapports annuels de performances, de disposer d’informations financières fiables et uniformes de ses opérateurs.

Recommandation n° 17 : Revenir sur la création d’opérateurs qui ne sont visiblement que des démembrements de l’État sans réelle autonomie. Informer de façon motivée le Parlement de la création de chaque nouvel opérateur et évaluer préalablement la valeur ajoutée et les inconvénients de cette création.

2.– Les ressources fiscales affectées permettent de contourner la norme d’augmentation de la dépense publique

Les opérateurs de l’État disposent de plusieurs types de ressources : dotations budgétaires en provenance du budget de l’État, autres subventions et dotations (collectivités territoriales, fonds européens…), ressources fiscales affectées, ressources propres et autres ressources. Certains opérateurs (essentiellement dans le secteur culturel ou des grands établissements de recherche et d’enseignement supérieur) bénéficient de dépenses fiscales, pour des montants parfois supérieurs aux crédits budgétaires. Ces dépenses fiscales ne sont pas recensées dans le décompte permettant de respecter la norme de dépense publique (49).

L’annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2008 indique que les subventions budgétaires de l’État s’élèvent à hauteur de 22,4 milliards d'euros en AE et 21,7 milliards d'euros en CP. S’il était une mission du budget de l’État, le budget des opérateurs représenterait le 4ème budget civil après l’enseignement scolaire, les charges de la dette, la recherche et l’enseignement supérieur. Au titre du projet de loi de finances pour 2008 et à structure courante, les crédits versés par l’État aux opérateurs progressent de 10 % en AE et 7 % en CP par rapport à la loi de finances pour 2007.

Cette variation est principalement liée à la progression du montant des subventions pour charges de service public. 62 % des charges de service public sont versées aux opérateurs de la mission Recherche et enseignement supérieur, 11 % à ceux de la mission Travail et emploi et 6 % à ceux de la mission Culture. Les dotations en fonds propres progressent significativement entre 2007 et 2008 de 75 à 315 millions d'euros en AE et de 63 à 220 millions d'euros en CP. Cette évolution résulte de la clarification de l’imputation des dépenses d’investissement ayant un impact patrimonial, et devant par ce fait être financées par des dotations en fonds propres en loi de finances 2008. Les transferts sont quasi stables entre 2007 et 2008 ; ils représentent 18 % des crédits versés aux opérateurs, soit 4,5 milliards d'euros en AE et 3,95 milliards d'euros en CP dans le projet de loi de finances pour 2008. Ils correspondent aux interventions versées à des tiers pour le compte de l’État.

À titre d’exemple, M. Gérard Mortier, Directeur de l’Opéra national de Paris, indiquait lors de son audition devant la Mission que l’augmentation continue des ressources propres ces dernières années (fréquentation accrue, augmentation sélective et mesurée du prix des places, mécénat, ponction du fonds de roulement) arrivait aux limites possibles (autofinancement de 45 %) et que l’État devrait en tirer les conséquences en termes budgétaires. Il y a donc lieu de prévoir une augmentation des dotations budgétaires pour les années à venir.

• Les ressources fiscales affectées

Selon l’annexe « jaune » sur les opérateurs (2008), les taxes affectées aux opérateurs principaux sont prévues à un montant total de 7,9 milliards d'euros. Il est dommage que cette annexe ne comptabilise pas le montant total des taxes affectées pour l’ensemble des opérateurs. Sur ces 7,9 milliards d'euros, 3,1 milliards d'euros concernent la mission Écologie, développement et aménagements durables (dont 1,7 milliard d'euros pour les agences de l’eau et 785 millions d'euros pour l’Agence de financement des infrastructures de transport d’Île-de-France - AFITF), 1,5 milliard d'euros la mission Solidarité et intégration (fonds couverture maladie universelle - CMU), 1,2 milliard d’euros la mission Travail et emploi (fonds de solidarité) et 967 millions d'euros la mission Recherche et enseignement supérieur (Agence nationale de la recherche - ANR principalement). L’annexe « jaune » détaille les ressources fiscales de chacun des opérateurs principaux de l’État. Les 7,9 milliards d'euros de recettes fiscales affectés aux opérateurs principaux concernent à plus de 85 % sept organismes : Agence nationale pour la recherche (ANR), fonds couverture maladie universelle (CMU), Fonds de solidarité, Agences de l’eau, AFIFT, Centre national de la cinématographie (CNC) et Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Au sein de ces 7,9 milliards d'euros, d’autres opérateurs principaux sont bénéficiaires de taxes fiscales affectées pour un montant de 1 milliard d'euros, dont l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), le Centre national pour le développement du sport (CNDS), les offices et agences d’intervention agricole, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS),  « OSEO Innovation » et Voies navigables de France (VNF).

L’autre source d’information transmise au Parlement est l’annexe au projet de loi de finances « Évaluation des voies et moyens ». Le tome deux de ce document recense et évalue le « produit des impôts affectés à des personnes morales autres que l’État ». Le périmètre de ce recensement ne correspond pas à celui des opérateurs de l’État. Les données sont classées en dix catégories thématiques (social, agricole, industrie, équipement, culture…) qui incluent, outre les opérateurs, les organismes sociaux et les collectivités territoriales. Il serait utile que les regroupements proposés dans ce document distinguent d’abord pour chacune des trois grandes catégories, à savoir collectivités territoriales, organismes sociaux et opérateurs de l’État, et qu’ensuite s’effectue la classification sectorielle. Trois opérateurs secondaires sont recensés comme bénéficiaires de taxes affectées à d’autres personnes morales que l’État par cette annexe : l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz et le Centre national du livre. Pour 2007, le montant des taxes affectées à chacun de ces organismes est respectivement de 39 millions d'euros, 15,9 millions d'euros et 35,2 millions d'euros. L’Institut national de la propriété industrielle (INPI) bénéficie des redevances perçues à l’occasion des procédures et formalités en matière industrielle évaluées dans l’annexe sur les « voies et moyens » à 159 millions d'euros en 2007.

Les taxes nouvellement affectées bénéficient depuis peu d’un effort de transparence.

Le rapport d’audit de modernisation publié en avril 2007 par l’Inspection générale des finances sur « la gestion pluriannuelle des finances publiques » présente une liste des taxes nouvellement affectées dans le projet de loi de finances pour 2007, hors transferts aux collectivités territoriales.

TAXES NOUVELLEMENT AFFECTÉES DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2007
(HORS TRANSFERTS AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES)

(millions d’euros)

Bénéficiaire

Montant

Sécurité Sociale

480

Conservatoire du littoral

7

Agence nationale des titres sécurisés

45

Agence nationale de la recherche

825

OSEO-ANVAR

130

IRSN

6

Centre national de développement du sport

20

Conseil supérieur de la pêche

23

Budget annexe « contrôle et exploitation aériens »

20

Centre des monuments nationaux

70

TOTAL

1 626

Source : rapport d’audit de modernisation sur « la gestion pluriannuelle des finances publiques » (avril 2007)

La loi de finance pour 2008 a intégré dans la norme de dépenses les affectations de ressources nouvelles à une autre personne morale que l’État pour financer des dépenses de cette dernière.

AFFECTATIONS DE RECETTES RETENUES
DANS LA NORME DE DÉPENSE DE L’ÉTAT EN 2008

(millions d’euros)

Libellé

Montant de l’affectation 2008

Relèvement de la fraction de taxe de l’aviation civile affectée au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »

14

Relèvement de la taxe d’aéroport (TAP)

66

Revalorisation de la taxe sur l’attestation d’accueil

4

Relèvement de la fraction de taxe passeport affectée à l’ANTS

2,5

Relèvement de la part des recettes de La Française des jeux affectée au CNDS

30

TOTAL

116,5

Source : loi de finances pour 2008

À titre d’exemples, M. Alain Pialat, Directeur de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse, indiquait lors de son audition devant la Mission que cette agence programmait une indexation du montant de ses redevances sur l’inflation. La loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 donne désormais au Parlement le pouvoir de fixer les règles concernant l’assiette, les taux plafonds, les modalités de recouvrement, ainsi que les critères qui permettront aux Comités de Bassin de moduler les taux des redevances. En application de cette loi, plusieurs nouvelles redevances ont été créées. Un plafond de 14 milliards d'euros ne peut être dépassé pour les dépenses et les recettes dans la période 2007-2012. Un « toilettage » des financements est en cours depuis quatre ans pour éviter les doublons et bien répartir les financements.

Sept types de redevances alimentent le budget des agences de l’eau

– Redevances pour pollution de l’eau

– Redevances pour modernisation des réseaux de collecte

– Redevance pour pollutions diffuses

– Redevances pour prélèvement sur la ressource en eau

– Redevance pour stockage d’eau en période d’étiage

– Redevance pour obstacle sur les cours d’eau

– Redevance pour protection du milieu aquatique

La Cour des comptes dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire (exercice 2007) a calculé que de 2005 à 2008, pour les quatre plus grands opérateurs rattachés à la mission Écologie et développement durable, les subventions sur crédits budgétaires sont passées de 533 à 333 millions d'euros, quand les taxes qui leur sont affectées ont cru de 72 à 361 millions d'euros. La dépense publique s’est ainsi accrue de 14,7 % alors qu’apparemment la contribution de l’État a diminué.

L’article 48 de la loi de finances pour 2007 a prévu l’affectation d’une recette fiscale au Centre des monuments nationaux (CMN), qui devrait assurer les opérations de maîtrise d’ouvrage sur les monuments. Cette mesure fiscale était rétroactive pour 2006, 70 millions d’euros complétant la dotation de la mission Culture pour ces restaurations de monuments nationaux. Cette affectation a été supprimée en 2008.

Vos Rapporteurs ont le sentiment que, faute de contrôle approprié, la création ou l’augmentation de taxes affectées est considérée par certains ministères comme un moyen de contourner la norme de dépense.

Recommandation n° 18 : Fournir chaque année au Parlement un recensement et une évaluation des ressources fiscales affectées à chacun des opérateurs de l’État dans une annexe au projet de loi de finances, avec indication du montant total des sommes ainsi perçues. Envisager la possibilité d’intégrer l’ensemble des taxes affectées – et non seulement les affectations nouvelles – dans la norme de dépense.

• Les dépenses fiscales et les exonérations de cotisations sociales

En l’absence d’étude exhaustive des multiples dispositifs portant dépenses fiscales et exonérations de charges sociales, on peut raisonnablement penser que de nombreux opérateurs de l’État bénéficient indirectement de ces financements publics dans le cadre de leur activité.

On se reportera utilement à deux rapports d’information récents de l’Assemblée nationale :

– rapport d’information (n° 946) sur les niches fiscales déposé le 5 juin 2008 au nom de votre commission des Finances par MM. Didier Migaud (Président), Gilles Carrez (Rapporteur général), Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Charles de Courson et Gaël Yanno ;

– rapport d'information (n° 1001) déposé en conclusion des travaux de la mission d'information commune sur les exonérations de cotisations sociales et présenté le 25 juin 2008 par M. Yves Bur.

Le cas de l’Agence nationale des chèques vacances (ANCV) a été cité plus haut. Cette agence bénéficie d’exonérations fiscales et sociales importantes, notamment sur la taxe sur les salaires et sur les cotisations patronales de retraite complémentaire.

Le domaine de la formation professionnelle bénéficie également de plusieurs dispositifs sociaux qui concourent notamment à l’activité de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). S’agissant du Fonds couverture maladie universelle (CMU), la loi dit que les personnes enceintes, les enfants, et celles bénéficiant de la CMU sont exonérées de franchises médicales. La politique de la ville, qui est mise en œuvre par deux opérateurs de l’État, l’ANRU et l’ACSÉ, est financée en grande partie par des exonérations accordées aux personnes ou aux activités situées dans les zones sensibles urbaines. L’Établissement national des invalides de la Marine (ENIM) bénéficie d’exonérations de charges sociales. S’agissant de l’Agence nationale des services à la personne, la fourniture de services à la personne visée à l’article L.129-1 du Code du travail par une entreprise, prestataire ou mandataire, lui ouvre droit, sous réserve d’obtenir l’agrément, d’une part, à l’application du taux réduit de TVA (article 279-i du Code général des impôts (CGI)) et, d’autre part, à une exonération de cotisations sociales.

La conclusion commune des deux rapports d’information précités mérite d’être rappelée, à savoir la nécessité d’une information complète du Parlement sur ces dispositifs dérogatoires fiscaux et sociaux, ainsi qu’une évaluation de leur coût. Pourrait en outre être mentionnée la participation des opérateurs de l’État, chaque fois qu’un dispositif contribue à financer, même indirectement, l’activité de l’un d’eux.

3.– Le phénomène de « vases communicants » des effectifs de l’État et de ses opérateurs

Le souci d’éviter des effets de fuite sur les opérateurs au regard de la contrainte pesant sur les administrations concerne aussi la maîtrise de l’emploi public. Le rapport de la Cour des comptes sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État (exercice 2007) parle « d’un contexte caractérisé par le transfert massif d’effectifs de l’État vers les opérateurs ».

À titre d’exemples, la sphère culturelle comptabilise 30 780 emplois dont seuls 7 751 figurent sur le budget du ministère de la Culture, les autres l’étant sur les budgets des opérateurs. Ce ministère a réduit de 28 % en deux ans les emplois imputés sur son plafond. Une délégation de gestion des emplois de fonctionnaires titulaires a ainsi été accordée à la Bibliothèque nationale de France à compter de 2007, soit 1 659 emplois. Les engagements à l’égard de ces personnels titulaires restent les mêmes.

La mission Travail et emploi représente 10 457 ETPT et ses opérateurs 41 500, alors qu’ils étaient moins de 30 000 en 2000. L’ANPE a augmenté ses effectifs de 14,7 % entre 2005 et 2007 (soit 25 792 emplois en 2007).

M. Gérard Mortier, Directeur de l’Opéra national de Paris, indiquait lors de son audition devant la mission qu’il ne pouvait envisager de réduction d’effectifs sans modifier le cahier des charges prévoyant 350 représentations par saison sur deux théâtres. Selon lui, la comparaison avec les autres grands opéras européens n’est pas défavorable à l’Opéra de Paris (effectifs et niveau des salaires). Il précise cependant que le statut particulièrement protecteur des personnels, dont des représentants siègent au conseil d’administration, comporte des rigidités que l’on ne constate pas dans d’autres opéras d’Europe. Selon M. Gérard Mortier, les possibles gains de productivité se heurtent « à de fortes résistances », alors que l’Opéra sort d’un conflit majeur sur les retraites. Les outils de la LOLF offrent cependant des perspectives favorables pour l’instauration d’une démarche de performance et la recherche d’une meilleure productivité dans le cadre d’un dialogue social approprié.

Le rapport annuel de performances Gestion des milieux et biodiversité (2007) et le projet annuel de performances Protection de l’environnement et prévention des risques (2008) (50) indiquent que les agences de l’eau employaient 1 838 ETPT en 2006 et 1 829 ETPT en 2007, pour une prévision de 1 884 en 2008.

• L’augmentation continue des effectifs des opérateurs

Selon l’annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2008 sur la fonction publique, l’État représente 2,5 millions d’emplois si l’on agrège les effectifs des ministères et des établissements publics. Les effectifs de la fonction publique de l’État sont globalement restés stables en 2005, ce qui est la résultante de deux évolutions contraires : une baisse de 0,7 % dans les ministères et une progression de 7,8 % dans les établissements publics. L’annexe « jaune » sur la fonction publique précise que : « depuis 1994, les effectifs de la fonction publique d’État ont progressé de 7,5 %, soit + 0,7 % en moyenne annuelle. L’essentiel de la progression des effectifs est lié à la croissance des établissements publics administratifs (EPA) auxquels sont transférées des compétences spécifiques. En effet, depuis 1994, les effectifs des EPA ont progressé de 46,7 % alors que ceux des ministères n’ont augmenté que de 4,5 %. Ainsi alors qu’ils ne représentaient que 7 % des effectifs de l’État en 1994, ils en représentent 9 % en 2005 et ont contribué pour 38 % à la croissance des effectifs de la fonction publique d’État. ».

Le document explique cependant une partie de cette évolution en disant que « dans les ministères, le non-remplacement de 9 800 maîtres d’internat et surveillants d’externat (MI-SE) rémunérés auparavant par l’Éducation nationale et remplacés progressivement par les assistants d’éducation affectés aux budgets des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) s’ajoute à la baisse des ouvriers d’État (4 800 agents), principalement des « techniciens à statut ouvrier » et des "ouvriers professionnels de la Défense" employés à la Délégation générale à l’armement. (…) Dans les établissements publics, deux mouvements importants de personnels se combinent : d’une part l’embauche des assistants d’éducation dans les EPLE (10 200 agents), d’autre part l’augmentation de 4 600 agents non titulaires à l’ANPE, principalement des "conseillers de l’ANPE" ».

L’annexe générale « jaune » (2008) sur les opérateurs a réalisé un décompte des emplois rémunérés par les opérateurs de l’État. Les chiffres bruts publiés dans ce document donnent un total d’« environ » 239 636 emplois dans le plafond des projets annuels de performances, soit un total de 237 278 emplois après retraitements comptables. Ce total était en 2007 de 248 521 ETPT dans le projet de loi de finances pour 2007 et de 237 089 ETPT dans le projet de loi de finances pour 2008 ; la différence résulte :

– d’un retraitement en ETPT de la loi de finances initiale 2007 qui prend en compte les modifications de liste entre 2007 et 2008 (par exemple dans le programme Veille et sécurité sanitaires, une prévision 2007 du projet annuel de performances 2007 de 8 763 emplois et une prévision 2007 du projet annuel de performances 2008 de 2 746 emplois, soit un solde de 6 017 emplois) ;

– d’une actualisation de la prévision 2007 par les ministères.

Le solde global des emplois entre 2007 et 2008 est donc de + 2 547 ETPT.

L’annexe générale « jaune » sur les opérateurs explique que pour 2008, ce solde est à corriger de quatre éléments principaux :

– l’extension en année pleine des créations d’emplois 2007 qui ne constitue pas des créations nettes d’emplois au titre de 2008. Elles représentent 1 150 emplois et concernent principalement les établissements de la recherche et de l’enseignement supérieur et les établissements de l’enseignement scolaire ;

– les transferts d’emplois de l’État vers les opérateurs effectués dans le projet de loi de finances pour 2008. Ces transferts ont fait l’objet d’un abattement du plafond d’emplois des ministères, non pris en compte dans les suppressions d’emplois. Ils représentent 730 ETPT et concernent principalement : la BNF, le Louvre, la RMN et la Cité de l’architecture et du patrimoine (CAPA), les écoles de la Défense ainsi que la mise en place du SHOM et l’École nationale supérieure de la Police ;

– la suppression des doubles comptes, liés notamment au retraitement de la loi de finances initiale pour 2007 suite à la modification de la maquette « missions, programmes, actions », qui représente 478 emplois (INRP, Écoles de la Défense, AFII, AFSSA) ;

– la création de nouveaux opérateurs. Celle-ci se traduit par la création de 209 emplois (Agence nationale des titres sécurisés, Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) – Agence des aires marines protégées – Parcs nationaux de France, ainsi que deux nouveaux Parcs nationaux, Guyane et Réunion…).

Pour l’annexe générale « jaune » sur les opérateurs, « le solde 2008/2007 des emplois rémunérés par les opérateurs est donc de + 189 ETPT y compris les emplois créés dans les nouveaux opérateurs (209 emplois). À périmètre constant, ce solde s’établit à – 20 emplois. »

• Le manque de fiabilité de la comptabilisation des effectifs des opérateurs

Vos Rapporteurs notent cependant que le nombre d’emplois mentionnés repose sur la fiabilité des données transmises par les opérateurs, et que leurs décomptes d’emplois revêtent souvent un caractère estimatif. C’est ce qu’a reconnu pour les effectifs des universités M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’Enseignement supérieur, lors de son audition devant votre commission des Finances.

Les retraitements effectués par l’annexe générale « jaune » sur les opérateurs sont en outre contestables. Ainsi pourquoi retrancher 730 ETPT au motif qu’ils sont des transferts d’emplois de l’État vers les opérateurs ? Pourquoi également retrancher les 209 ETPT qui correspondent à la création des nouveaux opérateurs ? Il s’agit justement de deux dérives contestables, d’une part le phénomène de « vases communicants » où les ministères compensent la réduction des effectifs placés sous plafond par une augmentation des emplois des opérateurs existants, d’autre part la création de nouveaux opérateurs, pour la même raison. Et pour quel motif retrancher les 1 150 ETPT qui résultent de l’extension en année pleine sur 2008 des créations d’emploi décidées en 2007 ? Le budget de l’État comporte également un tel effet d’extension en année pleine des créations d’emploi, et les effectifs correspondants n’en sont pas pour autant retranchés.

Enfin l’annexe générale « jaune » sur les opérateurs indique que les décomptes pour 2008 ne sont que des « prévisions susceptibles d’évoluer en fonction des budgets 2008 des opérateurs », du fait des décalages existants entre les calendriers des documents budgétaires de l’État et ceux des budgets des opérateurs. Le nombre des emplois rémunérés par les opérateurs effectivement inscrits dans leurs budgets primitifs n’est donc connu qu’après le vote de la loi de finances initiale… Il s’agit donc d’un problème d’articulation du calendrier de vote du budget de l’État et du calendrier d’élaboration de leurs budgets par les opérateurs.

Les administrations de l’État ont un décompte automatique des emplois en équivalent temps plein travaillé (ETPT) qui repose à titre principal sur l’existence d’un mécanisme comptable permettant de convertir des rémunérations versées en ETPT. Cette forme de décompte doit être adaptée pour être transposée à l’ensemble des opérateurs compte tenu des modes de paye qui diffèrent selon les opérateurs. Nombre d’entre eux ont toujours une comptabilisation en effectifs physiques ou en ETP (équivalent temps plein). Une comptabilisation exhaustive en ETPT sur l’ensemble des opérateurs peut donc rencontrer des difficultés d’ordre technique, mais est in fine nécessaire.

L’annexe « jaune » du projet de loi de finances 2008 sur les opérateurs reconnaît que « le nombre d’emplois mentionné repose sur la fiabilité des données transmises par les opérateurs ». Le décompte a été réalisé chaque fois que possible en ETPT (équivalent temps plein travaillé) selon la même méthodologie que pour les emplois de l’État. Lorsque ce recensement n’était pas disponible, soit, pour le projet de loi de finances pour 2008, pour 18 des 71 programmes concernés, les effectifs ont été indiqués par défaut en ETP ou en effectifs physiques.

• L’inclusion des effectifs des opérateurs dans le plafond d’autorisation d’emplois

À l’initiative des commissions des finances, deux amendements au projet de loi de règlement 2006 ont été adoptés afin d’améliorer la restitution d’informations sur les emplois des opérateurs dans les PAP 2008. Ceux-ci retracent donc désormais l’évolution des emplois des opérateurs tant pour la dernière année dont l’exécution est définitivement connue (2006) que pour l’année en cours (2007), étant précisé que le tableau de consolidation des emplois du programme retrace l’évolution des emplois pour 2006, 2007 et 2008. Par ailleurs, pour 38 opérateurs principaux (représentant plus de 70 % des effectifs rémunérés en propre par les opérateurs en 2006), le tableau d’emplois identifie les catégories statutaires (par la distinction entre titulaires et contractuels). L’annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2008 sur les opérateurs récapitule l’ensemble de ces emplois de manière synthétique puis détaillée pour chaque opérateur principal et secondaire. Elle comprend également, pour information, une liste des opérateurs non renseignés par les ministères ainsi qu’un tableau consolidant les emplois des 38 opérateurs principaux en distinguant les titulaires et contractuels.

L’article 64 de la loi de finances pour 2008, issu d’un amendement du Sénat, dispose qu’« à compter du 1er janvier 2009, le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État est fixé chaque année par la loi de finances. »

La circulaire de la direction du Budget du 25 avril 2008 a défini les conditions de mise en œuvre du plafond des autorisations d’emploi des opérateurs. La circulaire distingue trois catégories d’emplois recrutés par les opérateurs :

– les emplois financés en tout ou en partie par des ressources publiques, qui doivent sans conteste être inclus dans le plafond d’emplois ;

– les emplois dont l’existence est rendue possible par des ressources propres. L’examen de la soutenabilité du financement de ces emplois est plus difficile à apprécier. C’est pourquoi leur inclusion dans le plafond d’emploi pourra être assortie d’une révision annuelle tenant compte de l’évolution des ressources propres ;

– les emplois non permanents financés intégralement par des ressources propres, soit dans le cadre de conventions, soit d’un surcroît de recettes non pérennes, soulèvent moins de difficultés et peuvent logiquement être placés hors plafond.

La circulaire explique que la construction du plafond d’emplois de chaque opérateur s’inscrit dans le cadre de la maîtrise de l’emploi public et d’une logique de soutenabilité à moyen et long terme du financement des emplois. En pratique, le plafond d’emplois a vocation à couvrir l’ensemble des emplois de l’opérateur, à l’exception des contrats de travail limités dans le temps et des emplois financés intégralement par des ressources propres résultant en particulier de conventions entre le financeur et l’opérateur. Ainsi les emplois permanents doivent être inclus dans le plafond d’emplois, quelles que soient leurs modalités de financement, en raison de leur caractère pérenne. La possibilité de positionner hors plafond, le cas échéant, des emplois permanents financés sur ressources propres ne peut s’appliquer qu’à des emplois résultant d’activités intégralement financées par ces ressources propres, dont le suivi budgétaire et comptable est organisé dans le respect des dérogations aux principes d’unité et d’universalité du droit budgétaire (budgets annexes, services spéciaux et ressources gérées sous le régime des ressources affectées) et dont la rentabilité économique et financière (analyse de la couverture des coûts complets) est démontrée à long terme.

Il reste à préciser les modalités de mise en œuvre du plafond d’autorisation d’emploi des opérateurs. La circulaire du 25 avril précitée indique qu’« à l’issue de la phase d’arbitrage, les plafonds d’emploi des opérateurs seront consolidés pour déterminer le plafond d’emplois global fixé en PLF pour 2009. Il convient de noter que la déclinaison de ce plafond consolidé, par opérateur ou catégorie d’opérateur, constituera le mandat des représentants de l’État lors du vote des budgets 2009 des opérateurs ».

Vos Rapporteurs comprennent la justification des distinctions qui sont faites entre ressources budgétaires et non budgétaires, ainsi qu’entre emplois pérennes et temporaires des opérateurs. Il serait en effet contre-productif que l’augmentation des ressources propres des opérateurs soit limitée par l’impossibilité de recruter des personnels dans des conditions de marché. On peut néanmoins craindre qu’une mise en œuvre non surveillée de ces distinctions ne permette à certains opérateurs de soustraire une partie non négligeable des effectifs aux disciplines qui sont par ailleurs demandées aux services de l’État. En particulier le placement hors plafond des emplois pérennes financés sur ressources propres devra être strictement contrôlé. Une doctrine précise et une surveillance étroite devront être établies par la direction du Budget, dans des conditions de transparence vis-à-vis du Parlement. Votre commission des Finances sera attentive à la bonne application de ces règles.

À titre d’exemple de fixation du plafond d’autorisation d’emplois, le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) envisage de placer 600 emplois sous le plafond pour les activités menées pour le compte du ministère de l’Agriculture. 1 140 autres emplois seraient placés hors plafond, en raison de leur financement intégral par des ressources propres dans le cadre d’une convention, voire d’un marché (collectivités territoriales) ou par des ressources publiques dépendantes de l’activité (ministères de l’Emploi et de l’Intérieur).

Il faut distinguer la disposition législative relative à l’inclusion des opérateurs dans le plafond d’autorisation d’emplois de la décision du conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008 selon laquelle, « sous réserves de contraintes spécifiques, les opérateurs sont inclus dans le périmètre d’application du principe de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, comme l’ensemble des administrations de l’État. Par ailleurs, l’exercice de leur tutelle sera modernisé, notamment par la généralisation des lettres de mission pour les dirigeants et par la fixation d’objectifs précis. » Autant la première découle automatiquement de la logique de la LOLF, autant la seconde résulte d’un choix de politique budgétaire.

Ainsi selon M. Dominique Sorain, Secrétaire général du ministère de l’Agriculture et de la pêche, lors de son audition par la Mission, pour ses opérateurs « la norme générale est le remplacement d'un départ sur 3 pour l'ensemble des établissements à l'exception des EP d'enseignement. Cette norme de remplacement n'a pas concerné les établissements qui doivent faire face à de nouvelles missions comme l'INAO, le GIP Bio ou l'AFSSA. Les Offices d'intervention agricoles et l'AUP agissent dans le cadre de plafonds d'emplois fixés par les tutelles qui ont imposé ces dernières années d'importantes réductions d'effectifs et qui en imposeront de nouvelles pour les années à venir. » Selon l’annexe « jaune » sur les opérateurs (2008), les effectifs de tous les opérateurs du ministère de l’Agriculture (sauf l’Office interprofessionnel des produits de la mer et de l’aquiculture -OFIMER) augmentent entre la réalisation 2006 et la prévision 2007. Les informations données par M. Dominique Sorain à la suite de son audition ne confirment pas ces évolutions sur les données réalisées en 2007, mais ne permettent malheureusement pas de comprendre pourquoi. Il faudra attendre l’annexe « jaune » sur les opérateurs (2009) pour suivre les séries statistiques identiques.

Recommandation n° 19 : Comptabiliser les effectifs des opérateurs selon un niveau de fiabilité équivalent à celui des services de l’État et selon la même méthodologie (équivalents temps plein travaillé - ETPT). Préciser et contrôler les conditions de mise en œuvre pour les opérateurs de leur inclusion dans le plafond d’autorisation d’emplois, s’agissant en particulier des emplois pérennes financés sur ressources propres.

• La gestion des ressources humaines (GRH) des opérateurs

Au-delà du décompte des effectifs, on pourrait ainsi envisager la mise en œuvre d’un véritable pilotage par la masse salariale, plus adaptée aux opérateurs. Il s’agit du choix de promotions versus des créations d’emplois. Ce suivi de la masse salariale devra s’effectuer dans un cadre pluriannuel.

Enfin pourraient utilement figurer dans les engagements pris dans les contrats d’objectifs et de moyens conclus par les opérateurs la mise en place d’une GRH plus performante, une réflexion sur la définition et l’évolution des métiers et un plan de formation associé. Une bonne pratique consisterait également à inclure dans ces contrats des dispositifs de maîtrise de la masse salariale (stabilisation ou décroissance), ainsi qu’une décroissance programmée des effectifs en fonction des départs à la retraite.

La gestion des ressources humaines pose un vrai problème pour le fonctionnement de l’État et des opérateurs (51). Une des conditions de la réussite de la LOLF est d’obtenir une plus grande souplesse en la matière. M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’Enseignement supérieur, déclarait lors de son audition devant votre commission des Finances que « les universités seront responsables de la gestion de leur masse salariale et il appartiendra aux présidents d’utiliser cette nouvelle marge de manœuvre pour faire les choix pertinents. La loi LRU prévoit qu’ils définissent la politique de primes au sein de leur établissement. Si un président considère qu’il existe des fonctions stratégiques requérant une expertise renforcée – et le recrutement, par exemple, d’un administrateur civil –, il doit pratiquer une gestion dynamique de la masse salariale et ne pas pourvoir, le cas échéant, certains postes vacants pour privilégier tel ou tel emploi. »

4.– Les règles en matière d’endettement sont floues

Les auditions effectuées dans le cadre de cette Mission ont montré que les opérateurs ont la possibilité de s’endetter et ne s’en privent pas.

M. Gérard Mortier, Directeur de l’Opéra national de Paris, indiquait lors de son audition devant la Mission que le décret créant l’Opéra lui permettait de s’endetter, mais que cette possibilité n’avait jamais été utilisée.

Vos Rapporteurs ont été surpris d’entendre, lors de l’audition de M. Alain Pialat, directeur de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse, que les agences de l’eau portaient le projet de solliciter auprès de la Caisse des dépôts et consignations un droit de tirage sur une durée de 20 à 30 ans. Une enveloppe de 2 milliards d’euros serait envisagée dans le cadre du financement du fonds d’épargne pour le traitement des eaux usées. Il s’agit de prévoir le financement des échéances 1998 et 2000 de la directive européenne (n° 91/271/CEE) du 21 mai 1991sur les eaux résiduaires urbaines (ERU). Du fait des retards de mise en œuvre de la directive, la France fait l’objet de deux contentieux devant la Cour de justice des communautés européennes (CJCE). Prévu sur une période de cinq ans (2008-2012), le financement se ferait vis-à-vis des six agences de l’eau pour la métropole (1,7 milliard d’euros) et des collectivités locales pour l’outre-mer (0,3 milliard d’euros). On peut s’interroger fortement sur l’opportunité d’un dispositif qui, s’il était mis en place, aboutirait à faire financer par l’emprunt les subventions accordées aux collectivités locales pour se conformer à la directive communautaire. Certes les agences de l’eau espèrent rembourser cet emprunt par les redevances, mais ce serait une hypothèque lourde sur l’avenir alors que les contraintes communautaires entraîneront probablement des besoins de financement nouveaux.

Plusieurs agences de l’eau ont utilisé des emprunts de courte durée (six mois à un an) pour faire face à difficultés passagères de trésorerie. Le rapport annuel de performances (2007) du programme Gestion des milieux et biodiversité indique que deux agences (Loire-Bretagne et Rhin-Meuse) ont eu recours à l’emprunt en 2007. Leurs budgets avaient fait apparaître un besoin de financement de respectivement 82 et 50 millions d’euros. L’agence Loire-Bretagne a mobilisé la totalité des 82 millions d’euros et l’agence Rhin-Meuse a utilisé son droit à emprunter pour 35 millions d’euros. Ces emprunts devraient être remboursés avant la fin du IXème programme des agences de l’eau (2007-2012).

L’emprunt (25 millions d’euros) souscrit pour financer le siège du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) à Limoges a été décidé unilatéralement par l’État. Le CNASEA doit en supporter la charge pendant 30 ans.

L’Agence France Trésor a prêté 87 millions d’euros pour financer les avances remboursables du plan de secours de la pêche du printemps 2004 géré par le Fonds de prévention des aléas de la pêche (FPAP) : 22 millions d’euros au CNASEA et 65 millions d’euros à l’Office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture (OFIMER). Le FPAP s’étant trouvé dans l’incapacité d’honorer le remboursement des avances, une instruction des ministres chargés de la pêche et des finances en date du 14 mai 2007 a transformé ces avances en subventions. Seules une dotation budgétaire du ministère de l’Agriculture ou une remise gracieuse du ministère du Budget permettraient de dénouer cette situation. Vos Rapporteurs estiment que cette opération de trésorerie est contraire aux règles budgétaires les plus élémentaires. Une obligation d’information devrait être instaurée pour assurer la transparence de ces opérations vis-à-vis du Parlement.

Une ligne de trésorerie de 56 millions d’euros avait été ouverte en 2006 au CNASEA par la Société générale pour compenser le déficit des contreparties financières nationales sur les dispositifs CAD-CTE (52) et POA (53) au regard d’une consommation optimale de l’enveloppe européenne allouée à la France. Cette ligne a été remboursée en janvier 2007.

On peut également citer le cas de l’Institut d’études politiques de Paris qui a financé le rachat de l’ancien immeuble de l’ENA par un emprunt de 46 millions d’euros.

Alors que la dette publique s’élève à plus de 1 200 milliards d'euros (63,9 % du PIB à la fin 2007) et que le Président de la République s’est engagé à la réduire en deçà du plafond fixé par le Traité de Maastricht (60 % du PIB) à l’horizon 2012, ces structures publiques agissent dans la direction diamétralement opposée.

Le rapport de la mission d’audit de modernisation élaboré par l’Inspection générale des finances en avril 2007 sur « la gestion pluriannuelle des finances publiques » propose que soit conduite une réflexion sur la définition de règles générales encadrant le recours à l’emprunt, en particulier pour les opérateurs de l’État. Cette réflexion pourrait porter à la fois sur le rôle de la tutelle dans les décisions d’emprunt et sur les conditions de cette capacité d’emprunt, aujourd'hui ouverte pour un nombre important d’entre eux (54), même si l’essentiel de la dette est porté par la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et autres structures de défaisance.

Pour la mission d’audit de modernisation, il paraît cependant opportun d’étudier la possibilité de définir des règles encadrant le recours à l’emprunt, d’autant plus que pour certains d’entre eux il existe des projets avancés d’autonomie vis-à-vis des tutelles étatiques (les universités par exemple). Contraindre les ODAC qui peuvent s’endetter à respecter une règle d’or similaire à celle des collectivités territoriales permettrait par exemple d’homogénéiser les contraintes de gestion auxquels sont soumis ces acteurs très nombreux.

La dette maastrichtienne totale des ODAC était de 97,4 milliards d'euros fin 2007 et leur solde est légèrement déficitaire. Selon l’Inspection générale des finances, les décisions d’emprunt relèvent, dans le cas général, du conseil d’administration, au sein duquel l’État assure la tutelle.

À l’évidence, une plus grande transparence est nécessaire et les règles d’autorisation doivent être précisées.

Recommandation n° 20 : Présenter au Parlement un récapitulatif annuel de l’endettement des opérateurs de l’État, avec indication pour chacun du texte réglementaire autorisant son endettement, sa dette et le taux correspondant. Définir des règles encadrant le recours à l’emprunt des opérateurs.

De même, les engagements hors bilan des opérateurs pourraient suivre des disciplines identiques.

5.– La réforme de la gestion immobilière de l’État ne couvre pas encore les opérateurs

Le rapport (n° 2453) de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) présenté en juillet 2005 par M. Georges Tron avait montré qu’une part importante du patrimoine domanial est cantonnée auprès des opérateurs de l’État.

La direction générale de la Comptabilité publique (DGCP) estimait que les établissements publics et autres opérateurs de l’État contrôlent presque autant de biens, appelés « unités opérationnelles » (soit 23 000), que l’État (soit 30 000). Le recensement et l’évaluation des biens occupés par les opérateurs sont donc désormais un chantier prioritaire après le travail de mise à jour effectué pour le patrimoine de l’État. Il reste cependant à accélérer ce recensement et cette évaluation, qui étaient déjà prévus dans la circulaire du 28 février. Le ministre du Budget en a pris l’engagement, devant la commission des Finances (élargie) le 8 novembre 2007.

Selon le rapport (n° 923) de la MEC présenté en juin 2008 par MM. Yves Deniaud et Jean-Louis Dumont, la fiabilisation des données en cours pour 77 établissements qui détiennent 85 % du parc est achevée pour 39 d’entre eux. L’évaluation des biens n’est complète que pour 8 de ces établissements (ADEME, ANAH, BNF, quelques universités).

Ce recensement devra être l’occasion d’analyser les différents régimes de mise à disposition des biens immobiliers publics aux opérateurs de l’État, où les situations sont très variées et souvent inextricables : biens simplement utilisés par les opérateurs, biens remis en dotation, transferts de propriété…

La Cour des comptes dans son rapport sur la certification des comptes (exercice 2007) a évoqué le problème de l’inscription des actifs immobiliers au bilan des opérateurs, les difficultés d’identification des responsabilités financières respectives de l’État et des opérateurs en matière d’entretien et de renouvellement de ces biens, ainsi que les difficultés de recensement et d’évaluation des biens immobiliers. En conséquence, elle a émis une réserve substantielle sur les comptes des opérateurs. La Cour rappelle que le ministère du Budget s’était engagé à améliorer de manière systématique la qualité des comptes des opérateurs, notamment en lançant un chantier de grande ampleur sur la fiabilisation du parc immobilier qu’ils contrôlent.

La rationalisation des implantations immobilières pourrait utilement figurer dans les contrats d’objectifs et de moyens conclus par les opérateurs de l’État. Il est probable que le relâchement du contrôle de l’État propriétaire sur les immeubles occupés par les opérateurs ait eu pour conséquence une augmentation des surfaces et des coûts immobiliers, une mauvaise allocation des implantations et un entretien insuffisant. Enfin, le rapport de la MEC de juin 2008 suggérait qu’à terme les opérateurs paient un loyer budgétaire à l’État pour l’utilisation des immeubles domaniaux, sur le modèle des loyers acquittés par les services de l’État.

Il est regrettable qu’en dépit de cette recommandation, des lois récentes continuent à mettre gratuitement à la disposition d’opérateurs des biens immobiliers domaniaux. Ainsi le projet de loi de modernisation de l’économie, actuellement en discussion devant les Assemblées, dispose dans son article 8 que : « les biens et droits à caractère mobilier du domaine privé de l'État attachés aux services de la direction générale du Trésor et de la politique économique à l'étranger et qui sont nécessaires à l'accomplissement des missions d'UBIFrance lui sont transférés en pleine propriété. Les biens ainsi transférés relèvent du domaine privé de l'agence. Les biens immobiliers sont mis gratuitement à la disposition de l'agence à titre de dotation. L'agence supporte les coûts d'aménagement et les grosses réparations afférents à ces immeubles. »

« UBIfrance » (c’est le nom de l’Agence française pour le développement international des entreprises) est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) qui assure des prestations de service pour des entreprises à l'étranger. La remise en dotation à titre gratuit de biens immobiliers dans de telles conditions est tout à fait contraire aux orientations de la politique immobilière de l'État, soutenue par le ministre du Budget devant les membres du Conseil de l’immobilier de l’État (CIE) et reprise dans l'interview qu'il a accordée au Monde le 4 juillet dernier : « [le parc immobilier des opérateurs de l’État] sera connu dans le détail en 2009, mais nous pensons qu’il est peu ou prou de la même valeur que celui de l’État. Qu’il s’agisse de leurs effectifs ou de leurs immeubles, les opérateurs devront appliquer les mêmes règles de bonne gestion que l’État. Il faudra revoir certaines situations lorsque le patrimoine de l’État n’est pas correctement valorisé. Je pense au patrimoine utilisé par l’Office national des forêts (ONF), qui est la propriété de l’État, et pour lequel l’ONF n’a jamais versé de loyer. Je pense à l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui verse à l’État un loyer symbolique de quelques centaines d’euros pour chacun de ses sites depuis quarante ans. Cela peut se justifier, encore doit-on savoir pourquoi… ».

À titre d’exemple, M. Michel Jau, Directeur général du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), indiquait lors de son audition devant la Mission que la délocalisation du siège à Limoges avait sans doute été une erreur. Certes cette délocalisation profite à la vitalité de cette ville, mais elle n’est pas optimale en termes d’efficacité (allers-retours hebdomadaires avec la capitale pour les dirigeants) et de coûts de fonctionnement induits. S’agissant de ses délégations régionales (entre 20 et 100 agents), le CNASEA indique qu’on lui laisse la plus grande autonomie de gestion. Jamais le service France Domaine ne lui a proposé de solutions immobilières pour loger ses délégations. La réorganisation des services déconcentrés de l’État décidée par la révision générale des politiques publiques (RGPP) fournira pourtant des occasions de regroupement et de mutualisation. La décision de la RGPP de fusionner le CNASEA et l’Agence unique de paiement (AUP), dont le siège est à Montreuil-sous-Bois, aura des conséquences immobilières importantes et difficiles à gérer. Pour de raisons de personnel, il n’est pas envisagé de regrouper les deux sièges à Montreuil-sous-Bois, où sont déjà regroupés les offices agricoles. Les personnels déplacés à Limoges il y a quelques années ne veulent plus revenir en région Île-de-France. Aucune mobilité géographique ne sera imposée au personnel. Le regroupement des implantations immobilières des services déconcentrés du CNASEA et de l’AUP ne s’effectuera que dans les villes où les deux organismes sont présents (4 ou 5 sites seulement).

Recommandation n° 21 : Mener à terme dans les délais les plus brefs le recensement et l’évaluation des immeubles occupés par les opérateurs de l’État, préalables à la nécessaire rationalisation de leur gestion et à leur intégration, sauf disposition législative spécifique, dans la nouvelle politique immobilière de l’État.

C.– LA NÉCESSAIRE INTÉGRATION DES OPÉRATEURS DANS LE CADRE BUDGÉTAIRE ET COMPTABLE DE LA LOLF

La logique de la LOLF implique que l’on applique aux opérateurs de l’État le même type de stratégie de performance que pour ses services : définition d’une stratégie avec objectifs et indicateurs, justification au premier euro des dépenses, pilotage des emplois et de la masse salariale. Force est de constater que cette stratégie de performance, qui se met en œuvre progressivement pour les services de l’État, est encore embryonnaire pour les opérateurs.

1.– Le pilotage des opérateurs est encore limité

Avant la mise en œuvre de la LOLF, les établissements publics étaient contrôlés par l’État par le mécanisme de la tutelle. Cette tutelle n’a évidemment pas disparu avec la LOLF, mais s’est doublée d’un pilotage stratégique, sur le modèle de celui prévalant pour les services de l’État.

Chaque opérateur est soumis à une double tutelle, financière de la part du ministère du Budget, et sectorielle de la part de son ministère de rattachement. Cette tutelle sectorielle peut être multiple si l’opérateur exerce ses fonctions pour deux, voire plusieurs ministères.

La mise en place de la LOLF a permis de mettre en lumière des pratiques de la tutelle, technique comme stratégique, très hétérogènes selon les administrations comme les opérateurs. L’application de la LOLF aux opérateurs doit se traduire par un renouvellement des conditions d’exercice de la tutelle et par une nouvelle articulation à trouver avec la fonction de responsable de programme. Les responsabilités sont actuellement trop souvent fragmentées.

La tutelle, qu’elle soit financière ou sectorielle (également dénommée tutelle métier ou tutelle technique), n’est en effet que le contrôle exercé par l’État sur ses opérateurs en contrepartie du financement qu’il lui accorde pour la mise en œuvre de missions de service public.

Avec la mise en œuvre de la LOLF, le pilotage des opérateurs a vocation à se développer et à compléter l’exercice traditionnel de la tutelle. Il doit entraîner une rénovation de la tutelle, qui devient moins tatillonne et plus stratégique. On considère habituellement que les opérateurs sont surcontrôlés dans leur allocation de crédits et d’effectifs et sous-pilotés au niveau stratégique. La tentation de gestion directe par les tutelles et les contrôles a priori doivent céder la place à un pilotage stratégique. La pluriannualité budgétaire (2009-2001) offre aux opérateurs des perspectives de souplesse et de visibilité. Le pilotage stratégique ne doit pas absorber la tutelle mais les deux modes de contrôle doivent progressivement converger.

Le rapport d’information (n° 384) présenté en juillet 2007 par M. Yann Gaillard au nom de la commission des Finances du Sénat sur « la tutelle du ministère de la Culture sur quatre de ses opérateurs » montre que la tutelle et les contrôles financiers a priori sur l’Opéra national de Paris sont particulièrement pesants, alors que la situation financière de l’établissement est très difficile et que le pilotage par le ministère de la Culture est très affaibli. Ces contrôles particulièrement nombreux entraînent une confusion entre tutelle et gestion, déresponsabilisent les services de l’Opéra et font obstacle à la mise en place d’outils de gestion modernes. Ils induisent une dramatisation de chaque décision financière et entraînent le recours fréquent à des arbitrages politiques, ce qui a pesé lourdement dans la dérive financière de l’établissement. Le rapport conclut que l’État a choisi d’exercer cette tutelle par un certain formalisme budgétaire et financier. A contrario, le problème majeur du financement des travaux de rénovation des deux théâtres lyriques parisiens reste encore à ce jour sans solution (12 millions d’euros par an pendant au moins cinq ans). Entre une tutelle qualifiée de trop lointaine, tatillonne et lointaine sur des sujets techniques, les établissements publics culturels mènent leur action de façon isolée. La LOLF pourrait et devrait être un instrument de rénovation de la tutelle.

Le pilotage consiste à déterminer et à suivre les objectifs de la ou des politiques publiques mises en œuvre par un opérateur. Le champ d’action du pilotage des opérateurs comporte :

– la négociation de la stratégie et des objectifs et l’élaboration des indicateurs de mesure de l’activité et de la performance, formalisées dans un contrat de performance ;

– l’assurance de la cohérence de la stratégie de l’organisme avec la stratégie du ou des programmes de rattachement et avec les grandes orientations en matière de finances publiques (crédits, effectifs, fiscalité, endettement…) ;

– l’analyse annuelle ou infra-annuelle des résultats des indicateurs par rapport aux cibles fixées (restitution de comptes ou reporting) ;

– l’allocation des subventions en fonction de la performance atteinte dans l’exécution des budgets antérieurs, des objectifs fixés pour l’année suivante et de l’évaluation des ressources propres ;

– la prévention des risques budgétaires et financiers auxquels l’organisme est exposé ;

– la surveillance du respect de la réglementation budgétaire et comptable de l’organisme ;

– la surveillance de l’existence et de l’efficacité des procédures de contrôle et d’audit internes ;

– l’évaluation des résultats de l’opérateur ;

– la détermination des modalités et du montant de la rémunération à la performance des dirigeants, à l’instar de ce qui est pratiqué pour les cadres dirigeants de l’administration centrale.

La LOLF a formalisé le rôle de nouveaux acteurs dans les processus administratifs, notamment les responsables de programme. Force est de constater que pour les programmes où le poids des opérateurs est important, les marges de manœuvre des responsables de programme sont fortement limitées (crédits, effectifs, stratégie…). Au-delà de la tutelle métier, ces derniers doivent encore trouver leur positionnement par rapport aux directeurs des affaires financières dans l’exercice de la tutelle financière. Les responsables de programme doivent chercher à intégrer, dans les objectifs qui leur sont fixés, la contribution des opérateurs à l’atteinte de ces objectifs. Un véritable dialogue de gestion doit s’établir entre l’État (tutelle financière et responsable de programme) et ses opérateurs. Le pilotage stratégique doit permettre la définition de priorités dans l’accomplissement des fonctions de l’opérateur.

De même les instances de pilotage peuvent évoluer. Longtemps, les conseils d’administration ont constitué les seuls organes de gouvernance des opérateurs. Depuis quelques années, sur le modèle des sociétés du secteur marchand, les organes de gouvernance se diversifient, notamment avec la création de comités d’audit ou de comités stratégiques. Les conseils d’administration des opérateurs sont dans quelquefois pléthoriques. Composés de représentant d’intérêts sectoriels, voire de groupes de pression, ils ne peuvent jouer pleinement leur rôle d’organe de gouvernance. Il ne s’agit évidemment pas de porter atteinte aux droits des représentants du personnel dans les organismes publics ni aux instances dans lesquelles s’exerce le dialogue social. Il convient enfin de noter qu’une trop grande diversification des structures de gouvernance risque d’introduire une plus grande complexité et des coûts supplémentaires.

Rapport de la mission d’audit de modernisation d’avril 2007 sur
la tutelle et le pilotage des opérateurs du ministère de la Culture

Inspection générale des finances

Inspection générale de l’administration des affaires culturelles

(Conclusions)

1. Cadre de l’audit

– Le ministère de la culture et de la communication (MCC) assure la tutelle de 78 opérateurs. Leur nombre a doublé en vingt ans. Ils représentent aujourd’hui 10 % de l’ensemble des opérateurs de l’État.

– Ils représentent un enjeu essentiel pour le ministère : plus de 40 % des crédits du ministère leur sont affectés ; ils emploient plus de 22 000 ETP ; ils jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre de la politique culturelle française.

– Ils se caractérisent par leur grande diversité. Leur tutelle et leur pilotage ne peuvent donc s’exercer de manière uniforme.

2. Dysfonctionnements constatés

– L’exercice actuel des tutelles financière et sectorielle, plus souvent en réaction qu’en anticipation, s’opère au détriment du pilotage stratégique.

– Les compétences des acteurs de la tutelle et du pilotage sont imbriquées, ce qui ne permet pas d’avoir une vision d’ensemble des opérateurs.

– Le suivi des emplois est perfectible. Les modalités actuelles de gestion des personnels des établissements publics administratifs rémunérés par l’État freinent le développement d’une véritable gestion des ressources humaines chez les opérateurs.

– L’attention portée à la qualité de la comptabilité patrimoniale est encore insuffisante.

– La démarche ambitieuse de contractualisation engagée par le ministère avec l’ensemble des ses opérateurs a déjà produit des effets positifs. Elle nécessite toutefois des délais importants. Les premiers contrats conclus sont de qualité inégale.

3. Recommandations

– L’organisation de la tutelle : réaffirmer le rôle du ministère de la Culture dans la définition des politiques publiques mises en œuvre par les opérateurs. Donner toute leur place aux responsables de programme. Préciser la répartition des compétences entre les différents acteurs de la tutelle et du pilotage et le rôle des directions régionales des affaires culturelles comme relais des administrations centrales.

– Le budget : renforcer le rôle du ministère de la Culture dans la budgétisation initiale. Appliquer la mise en réserve au niveau des programmes, avant notification des budgets aux opérateurs. Autoriser une fongibilité accrue entre les crédits. Améliorer le suivi qualitatif de la gestion par le développement de l’analyse financière.

– La comptabilité : renforcer la qualité des comptes des opérateurs. Clarifier les responsabilités financières de l’État et des opérateurs en matière de renouvellement des actifs.

– La gestion des ressources humaines : Améliorer la connaissance des emplois des opérateurs. Associer davantage les établissements publics administratifs à la réflexion sur le schéma d’emploi cible. Envisager l’opportunité de la poursuite du transfert de la gestion et de la paie de ces agents aux opérateurs sur la base d’évaluations des transferts opérés au Louvre et à la BNF.

– La contractualisation : échelonner la négociation des contrats en fonction des enjeux retenus par le ministère. Renforcer le suivi de la mise en œuvre des contrats. Relancer la contractualisation pluriannuelle sur les moyens.

– Les fonctions d’animation et d’appui : animer un réseau d’échange de bonnes pratiques. Encourager la mutualisation des fonctions support.

4. Impacts attendus et échéances

– Pilotage stratégique renforcé.

– Meilleure répartition des compétences entre les différents acteurs du pilotage et de la tutelle.

– Efficacité accrue des contrats de performance qui deviendraient un véritable outil de dialogue de gestion.

– Application de ces recommandations à la tutelle et au pilotage des opérateurs d’autres ministères.

• Tutelle multiple

Dans de nombreux cas, les opérateurs dépendent de plusieurs ministères, missions ou programmes et sont soumis à une tutelle multiple. La tutelle sectorielle s’en trouve souvent compliquée et affaiblie. Cette tutelle multiple comporte des risques de contradiction et de dilution des responsabilités.

Ainsi, les grands opérateurs de recherche sont actuellement associés aux universités dans les structures mixtes de recherche. Quelle articulation envisager pour que la démarche budgétaire soit plus globale et plus lisible ? Dès l’origine, il y a là une source de confusion : on ne peut savoir ce qu’est le budget de l’université et quelles sont ses capacités d’agir. M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’Enseignement supérieur, répondait lors de son audition devant votre commission des Finances qu’« il est apparu nécessaire d’introduire des éléments de clarification entre ce qui relève de l’engagement de l’État et de l’engagement des organismes de recherche. »

Le CNASEA est le cas typique d’un opérateur dépendant de plusieurs ministères, principalement l’Agriculture et celui chargé de l’emploi, mais également l’écologie, sans oublier la tutelle financière du ministère du Budget. À la suite de la décentralisation, le CNASEA travaille aussi pour les collectivités locales dans un cadre concurrentiel. Son directeur général, M. Michel Jau, indiquait lors de son audition devant la Mission que cette interministérialité permettait une vision transversale des choses, une évolution constante et le bénéfice des meilleures pratiques. Elle est cependant jugée complexe à gérer et sa cohésion est très certainement perfectible. De surcroît, cette interministérialité est déséquilibrée avec des relations traditionnellement très proches avec le ministère de l’Agriculture. Le CNASEA doit se conformer aux exigences de tous ses donneurs d’ordre et a l’impérieuse nécessité d’une forte réactivité. Il a ainsi dû assumer dans des délais extrêmement courts la gestion des aides du plan de secours de la pêche et du bonus écologique pour les automobiles.

La politique de la ville, interministérielle par nature, dispose de deux opérateurs, l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) et l’Agence de cohésion sociale et de l’égalité des chances (ACSÉ), qui sont placées auprès de la ministre de la Ville et du logement.

M. Gérard Mortier, Directeur de l’Opéra national de Paris, indiquait lors de son audition par la Mission que la tutelle financière du ministère du Budget et la tutelle sectorielle du ministère de la Culture pouvaient occasionner des dysfonctionnements. Le ministère de la Culture défend en général les demandes budgétaires et de personnel formulées au ministère du Budget par son opérateur. M. Mortier précisait que les trop fréquents changements à la tête de la direction de la Musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS), dont le directeur est le responsable du programme Création, nuisaient à la bonne qualité des relations avec l’opérateur.

Dans ce cadre, la tutelle exercée par la direction du Budget peut gagner à se repositionner et évoluer d’une tutelle budgétaire de proximité vers une tutelle de type « administrateur de société » sur les grandes orientations stratégiques et financières de l’opérateur.

Recommandation n° 22 : Accompagner l’allègement de la tutelle a priori d’un renforcement du pilotage stratégique des opérateurs. Affirmer le rôle du responsable de programme dans le cadre d’un véritable dialogue de gestion avec la tutelle financière et l’opérateur. Clarifier les rôles de pilotage dans les cas d’un opérateur dépendant de plusieurs ministères, missions ou programmes et de plusieurs opérateurs intervenant dans un même programme. Demander pour chaque opérateur dépendant de plusieurs programmes la répartition de ses effectifs en fonction de leurs contributions respectives à ces programmes.

• Opérateurs et services déconcentrés de l’État

Les services déconcentrés de l’État ont également vocation à établir des relations de travail avec les opérateurs. La réalité sur le terrain est très nuancée.

M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’enseignement supérieur, a indiqué lors de son audition devant votre commission des Finances que « certains préfets se sont investis très fortement dans l’élaboration des projets du plan Campus. Tous les recteurs y ont été également associés, certains jouant même un rôle moteur dans l’organisation des relations entre des universités qui pouvaient éprouver des difficultés à dialoguer entre elles. De plus, ce sont les recteurs qui nous ont fait remonter l’ensemble des dossiers. (…) Le décret financier qui sera pris en application de la loi LRU prévoit en outre un renforcement du rôle des recteurs, qui seront responsables de la bonne exécution des budgets. (…) La Mission interministérielle recherche et enseignement (MIRES) permet une vision complète des institutions qui interviennent dans le champ de l’enseignement supérieur et de la recherche et donne une unité à la politique menée, par-delà les tutelles et les découpages administratifs hérités de l’histoire. La constitution des pôles recherche et enseignement supérieur se satisfait mal des découpages ministériels. La recherche agricole ou industrielle, par exemple, ne pourrait se passer d’une politique de sites fédérant l’ensemble du potentiel. Peut-on aller plus loin dans cette démarche ? La capacité à travailler ensemble n’est plus à prouver. Si des modifications de périmètre devaient intervenir, la question de l’évolution des tutelles se trouverait posée. (…) Les contacts avec la direction générale de la recherche et de l'innovation sont systématiques. Nous rencontrons les représentants des autres ministères à l’occasion des discussions contractuelles, notamment dans le cadre de la politique de sites. Par exemple, la reconfiguration des écoles d’ingénieurs sur le site de Bordeaux implique notre ministère, mais aussi d’autres tutelles avec lesquelles nous avons l’obligation de travailler. »

Les élus de terrain estiment souvent que la politique de la ville est très centralisée et que les services déconcentrés de l’État n’ont que peu de marges de manœuvre. Cette centralisation a allongé les délais d’intervention. M. Yves-Laurent Sapoval, délégué interministériel à la Ville, reconnaissait lors de son audition devant votre commission des Finances que « la maquette budgétaire, telle qu’elle est aujourd’hui conçue, laisse peu de moyens aux responsables de BOP au niveau régional. Les moyens sont délégués en grande partie à l’ANRU qui ne travaille pas au niveau régional, et à l’ACSÉ, dont les échelons régionaux ne s’occupent pas encore de la politique de la ville.

En dehors de notre intermédiaire, la politique de la ville n’est pas mise en œuvre dans les régions, où s’exercent toutefois des aspects fondamentaux de cette politique, comme la déclinaison, encore insuffisante, de l’interministérialité, l’engagement de crédits essentiellement destinés à la formation et à l’animation des professionnels, l’impulsion des dispositifs d’évaluation de la politique de la ville. (…) Les opérateurs devraient se placer au service des acteurs locaux alors qu’ils ont eu tendance à prendre localement le pas sur les préfets. Nous n’avons aucune volonté de centralisation. La politique de la ville a toujours été déconcentrée. Elle fut la première à mettre des crédits fongibles à la disposition des préfets, qui restent les acteurs principaux de cette politique, même si la création des opérateurs a pu inverser les rôles. »

M. Alain Pialat, directeur de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse, indiquait lors de son audition devant la Mission que les agences sont en contact avec les directions générales de l’environnement (DIREN) qui exercent les compétences régaliennes dans le cadre d’un dialogue de gestion.

M. Michel Jau, directeur général du CNASEA, indiquait lors de son audition devant la Mission qu’il établissait des rapports multiples et quotidiens avec les services déconcentrés des ministères de l’Agriculture et chargés de l’emploi. Il souhaiterait cependant l’établissement d’un lien plus organisé, afin que les échanges d’information soient réciproques et non unilatéraux. Les préfectures de région indiquent qu’ils souhaiteraient avoir une meilleure vue sur les opérateurs. Mais le CNASEA a envoyé un courrier à tous les préfets de région et les TPG pour demander la ventilation des crédits par programme, et il n’a reçu qu’une seule réponse. Les relations avec les responsables de programme sont très hétérogènes. Pour chaque procédure de paiement gérée par le CNASEA, les liens organisationnels avec les services de l’État sont spécifiques.

Le pilotage des opérateurs passe par un outil incontournable, le contrat d’objectifs et de moyens.

2.– Les contrats d’objectifs et de moyens ne sont pas généralisés

Les opérateurs doivent prendre des engagements vis-à-vis des responsables de programme et leur rendre compte des résultats obtenus. La contractualisation est sans doute le meilleur moyen d’expliciter et de clarifier les relations entre les opérateurs et l’État et, au sein de ce dernier, la répartition des compétences des différents acteurs de la tutelle et du pilotage.

De nombreux opérateurs de l’État n’ont pas signé de contrat. Cette situation pour critiquable qu’elle soit n’empêche pas les opérateurs concernés de pratiquer plus ou moins informellement une restitution de comptes et de performance (reporting) à leur ministère de tutelle (Agences de l’eau, Opéra national de Paris…). L’exemple le plus emblématique est certainement l’ENA, qui n’a toujours pas conclu de contrat et qui pourtant devrait être exemplaire en matière de gestion publique.

Ainsi, M. Gérard Mortier, Directeur de l’Opéra national de Paris, indiquait lors de son audition par la Mission que cet opérateur n’avait pas conclu de contrat, en raison d’un désaccord persistant entre le ministère du Budget et le ministère de la Culture sur les effectifs. L’arrivée de la pluriannualité devrait selon lui favoriser le déblocage de la situation. La Bibliothèque nationale de France est également sans contrat d’objectifs avec le ministère de la Culture.

Selon M. Dominique Sorain, Secrétaire général du ministère de l’Agriculture et de la pêche, « pour le programme 215, seul l'INFOMA a conclu un contrat d'objectifs et de moyens. Les offices d'intervention agricole et l'AUP (programme 227) n'ont pas conclu de contrat d'objectifs et de moyens dans la mesure où ces établissements sont en phase de restructuration (fusion au sein de France AgriMer, Agence de services et de paiement). De même, les établissements publics d'enseignement et de recherche des programmes 142 et 143 n'ont pas de contrats d'objectifs. Toutefois, pour ces établissements, des conventions d'établissement (définissant le projet éducatif et les missions de l'établissement) existent. »

M. Alain Pialat, directeur de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse, expliquait lors de son audition devant la Mission qu’un contrat (2007-2012) a été signé en mai 2007 avec la ministre de l’Écologie, mais pas par le ministère du Budget. Interrogée par vos Rapporteurs, la direction du Budget précise qu’elle a été associée à l'élaboration des contrats d'objectifs de l'ensemble des agences de l'eau et que le cabinet du ministre a donné son accord à la signature de ces contrats. Elle estime néanmoins que la signature du ministre du Budget sur ces contrats d'objectifs n'était pas indispensable. Il a alors été décidé que seule la ministre chargée de l'écologie les signerait au nom de l'État. Ce contrat est appliqué et fait l’objet d’un rapport annuel, le dernier présenté en juin 2008. Ce rapport comporte les résultats 2007 des indicateurs de bassin et nationaux, une évaluation des produits des redevances et des développements sur la GRH, le dialogue et la politique sociale, le management par objectif, l’informatique et la dématérialisation des procédures, le contrôle de gestion, la modernisation financière et comptable et la prochaine mise en place d’une comptabilité analytique. Le rapport rappelle que le ministère du Budget a demandé la suppression de 7 postes sur les 394 ETPT de l’agence (environ une suppression d’un poste par an entre 2007 et 2012). L’agence a demandé une augmentation des effectifs de 5 postes au titre du bassin de Corse, mais le ministère du Budget ne l’a pas accordé.

Le contrat d’objectifs (2006-2010) conclu par le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) devra être renégocié pour tenir compte de la fusion avec l’Agence unique de paiement (AUP).

L’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) n’a pas conclu de contrat d’objectifs et de moyens, car il ne reçoit pas jusqu’à présent de dotations budgétaires. Ses ressources étaient jusqu’en 2007 uniquement constituées de la redevance d’archéologie préventive et de la facturation des fouilles effectuées. Une subvention de l’État de 9 millions d’euros a été allouée à l’INRAP en 2008. Il est prévu que l’INRAP conclue un contrat de performance cette année, conformément à l’arbitrage rendu par le cabinet du Premier ministre en juin 2007. Ce contrat de performance serait bienvenu pour nombre de collectivités territoriales, qui se plaignent souvent des délais d’intervention trop longs de l’INRAP, de la qualité de ses prestations, de son organisation et de sa situation de monopole de fait dans nombre de sites. Il semble que l’INRAP rencontre des difficultés à mobiliser les équipes nécessaires.

Le Centre des monuments nationaux (CMN) n’a pas de contrat d’objectif et de moyens. Un projet de contrat de performance avait été initié, mais a été suspendu en raison de la décision prise dans le cadre de la révision générale des politiques publiques de fusionner cet organisme avec la Réunion des musées nationaux (RMN).

Annexé au projet de loi de finances pour 2008, le document de politique transversale sur la politique de la ville indique qu’un contrat d’objectifs et de moyens est en cours de finalisation pour l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ), nouvellement entrée en activité le 1er janvier 2007. Ce contrat triennal devrait préciser les relations entre la délégation interministérielle à la ville et l’agence. La fusion d’une partie de l’ACSÉ avec l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) pourrait retarder la conclusion de ce contrat.

Le contrat d’objectifs et de moyens de Voies navigables de France (VNF) portant sur la période 2004-2008 doit être renouvelé cette année pour la période 2009-2013. Ce renouvellement pourra être l’occasion d’une contractualisation sur toutes les fonctions des voies navigables, de façon à quantifier et qualifier pour chacune d’entre elles les actions qu’aura à conduite l’établissement.

La portée, le contenu et les instruments du pilotage stratégique impliquent que les règles et les modalités d’élaboration des contrats d’objectifs et de moyens soient fixées dans le cadre d’une programmation pluriannuelle des finances publiques. C’est sur cette base que pourront être conçus les outils et les procédures permettant de professionnaliser la démarche au sein de chaque ministère : contenu et méthodologie du contrat, avec l’appui éventuel d’une expertise externe, et de procédures de négociation, de suivi et d’évaluation du contrat.

Le contrat est un outil essentiel de formalisation du dialogue avec les opérateurs et de connaissance de leur fonctionnement. La pratique actuelle des contrats peut néanmoins se révéler décevante et il convient donc de rechercher comment en améliorer l’efficience.

La pratique quelque peu disparate a vu la conclusion de simples contrats d’objectifs et de contrats d’objectifs et de moyens. La différence consiste principalement en l’engagement de la part de l’État à fournir un certain niveau de ressources budgétaires, sous réserve de la réalisation de résultats en termes de performance.

Les contrats peuvent en effet être perçus par les tutelles comme porteurs de risques de rigidification de la dépense sans contreparties suffisantes. Notamment les diagnostics préalables, les modalités de suivi et d’évaluation et les exigences en matière d’efficience, d’organisation interne, de recherche d’économies ou de développement des ressources propres peuvent être perçus comme insuffisants. La question de l’inclusion dans ces contrats d’un volet moyens ne peut sans doute pas recevoir de réponse univoque, l’engagement sur les moyens constituant tantôt un facteur d’excessive rigidité, tantôt une incitation à l’évolution vers le pilotage par la performance. La contractualisation des masses budgétaires affectées aux opérateurs ne peut se concevoir que dans le cadre d’une baisse, afin de couvrir l’augmentation de la charge de la dette et des pensions de fonctionnaires.

Le rapport de MM. Alain Lambert et Didier Migaud sur l’application de la LOLF (2005) notait en ce sens : « l’étendue des garanties pluriannuelles doit être articulée avec le caractère annuel de l’autorisation budgétaire. Les ministères doivent conserver des marges de manœuvre et ne pas voir leur gestion contrainte par une rigidité excessive des relations financières avec leurs opérateurs (…). Si la contractualisation pluriannuelle présente des avantages de gestion incontestables, elle doit s’accompagner d’un dispositif de suivi approfondi de l’opérateur, mis en place annuellement, qui permette d’apprécier la fiabilité de ses résultats et d’établir un dialogue pendant toute la durée du contrat ».

Trop souvent, l’élaboration d’un contrat mobilise de manière intense les tutelles et l’opérateur mais son suivi paraît ensuite relativement formel et son évaluation ex post souvent inexistante.

Pour remédier à ces situations, on pourrait prévoir systématiquement des procédures et des calendriers pour la remontée d’information vers les administrations de tutelle. Il serait également utile de fixer les modalités de restitution (reporting), renforcer les fonctions de contrôle de gestion et la qualité des systèmes d’information des opérateurs. Le rôle du conseil d’administration et de son comité d’audit devrait être renforcé en termes de suivi du contrat. En cas de non-respect avéré du contrat, une réduction des moyens alloués pourrait être appliquée en tant que sanction. Ainsi les opérateurs seraient mis sous contrainte de productivité (efficacité, efficience, qualité). Une bonne pratique consisterait à prévoir un bilan d’application à mi-parcours des contrats.

Les contrats d’objectifs et de moyens pourraient utilement contenir des engagements en termes de stabilisation ou décroissance des charges de fonctionnement, d’encadrement de la politique d’investissement, de raisonnement en enveloppe (couvrant les risques de dérapage) et de croissance des ressources propres. Pourraient également être développées les dispositions des contrats relatives aux efforts d’efficience (maîtrise des coûts), de gestion administrative, d’organisation interne de l’établissement et de recherche d’économies.

Se pose également la question, en fin de contrat, de la méthodologie d’élaboration du contrat suivant. À cet égard, il paraît indispensable de pouvoir procéder à une véritable évaluation du contrat et de considérer qu’il n’y a pas un droit automatique à son renouvellement. Cette évaluation doit s’effectuer de façon contradictoire, avec la participation de l’opérateur, des tutelles sectorielles et financières et des contrôleurs. Elle peut combiner un audit interne (autoévaluation) et des audits externes (rôle du Parlement et de la Cour des comptes, rapports des inspections, recours à des prestataires externes).

La pluriannualité budgétaire offre des perspectives intéressantes pour la contractualisation avec les opérateurs. Il est en effet nécessaire d’avoir une visibilité à moyen terme sur les conditions dans lesquelles s’effectueront les réformes structurelles, celles-ci ne donnant des résultats qu’au bout de deux ou trois ans.

Alors que l’on passe à la pluriannualité au niveau de l’État, les opérateurs – en particulier les universités – ont toujours beaucoup de peine à disposer d’une vision complète sur une année budgétaire. Aucune université ne présente actuellement de budget pluriannuel. Pour les universités, le contrat quadriennal n’a pas provoqué le réflexe de la pluriannualité.

Recommandation n° 23 : Généraliser les contrats d’objectifs et de moyens qui lient les engagements du programme de rattachement (allocation de moyens, comme des subventions ou des recettes fiscales affectées) à ceux de l’opérateur (résultats obtenus dans le cadre de la stratégie de performance). Demander leur transmission systématique aux commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

3.– Les opérateurs sont peu intégrés dans les stratégies de performance des missions et programmes

L’intégration des opérateurs dans la stratégie de performance des missions et programmes est encore embryonnaire. Les opérateurs sont encore trop peu ou pas du tout associés à la procédure budgétaire : crédits, plafond d’autorisation d’emplois, stratégie, objectifs, indicateurs…

De leur côté, les responsables de programme devraient rendre compte dans les projets et rapports annuels de performances de la gestion de leurs opérateurs. Ils devraient en particulier répondre aux questions suivantes : comment l’opérateur s’insère-t-il dans le programme ? Comment l’opérateur contribue-t-il à la performance du programme ? La nature des liens entre le responsable de programme et les opérateurs devrait être présentée dans les projets et rapports annuels de performances : rôle dans la préparation budgétaire, organisation du dialogue de gestion…

Les objectifs et indicateurs devraient être élaborés dans le cadre d’un dialogue de gestion regroupant la tutelle technique, la tutelle financière et l’opérateur, puis soumis au vote du conseil d’administration simultanément au vote du budget. L’ensemble des activités d’un opérateur peut faire l’objet d’engagements de performance, y compris celles qui excèdent le domaine de compétence de l’État (cf. activités commerciales). Ces engagements doivent au minimum décliner les objectifs des projets annuels de performances, mais peuvent être complétés par des objectifs complémentaires et se décliner en objectifs de gestion interne.

Le renforcement de la tutelle et du pilotage doit faire apparaître la contribution des opérateurs aux objectifs de politiques publiques (définition des objectifs, contractualisation, évaluation des résultats). Les opérateurs doivent participer à la stratégie de performance du ou des programmes de rattachement. La tutelle doit participer à l’élaboration et au suivi des indicateurs de performance des contrats. En contrepartie les opérateurs doivent être associés à la définition de la stratégie globale du ou des programmes de rattachement. Cette association doit évidemment couvrir les moyens affectés, c'est-à-dire principalement les crédits et les emplois. Ces relations supposent l’instauration d’un dialogue de gestion selon une démarche itérative (top down et bottom-up).

M. Gérard Mortier, Directeur de l’Opéra national de Paris, déclarait lors de son audition devant la Mission qu’il n’était pas associé à la définition des objectifs et indicateurs de son programme de rattachement, même s’il les partage pour une très large part. Il précise qu’il aurait aimé moins d’objectifs et d’indicateurs, mais plus précis et ciblés.

M. Michel Jau, directeur général du CNASEA, indiquait lors de son audition devant la Mission qu’il était associé dès le mois de juin de chaque année à la procédure budgétaire classique (crédits et effectifs), mais pas dans la partie performance. Le CNASEA répond au questionnaire du responsable de programme sur la préparation de la stratégie de performance, mais les projets et rapports annuels de performances sont élaborés sous la seule responsabilité de ce dernier, sans démarche partenariale. Par ailleurs les organismes chargés d’une fonction de payeur (Trésor public, CNASEA, Agence unique de paiement - AUP) ne sont pas soumis aux mêmes indicateurs.

Quelle capacité a-t-on à articuler les objectifs et indicateurs figurant dans les projets annuels de performances au niveau des programmes et les objectifs et indicateurs fixés aux opérateurs ? L’exercice est certes plus difficile que la déclinaison des objectifs d’un programme par ceux d’un budget opérationnel de programme (55). Quand les objectifs et indicateurs figurant dans les projets annuels de performances sont de niveau agrégé et apparaissent peu opérationnels pour les opérateurs, il faut s’assurer que les seconds s’inscrivent dans l’esprit des premiers. Et il faut concilier le projet annuel de performances du programme avec un contrat d’objectifs pluriannuel pour l’opérateur.

Le rapport d’activité du quatrième cycle d’audits du Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) (septembre 2006 – juin 2007) estime que « la contribution des opérateurs de l’État à la performance des programmes doit être mieux mise en évidence dans leurs contrats ainsi que dans les projets et rapports annuels de performance » (56). Selon le CIAP, seul le contrat conclu avec le Centre national pour le développement du sport (CNDS) comporte des indicateurs qui font clairement le lien avec le dispositif de performance du programme Sports et tendent à inscrire l’opérateur dans une démarche de performance. « Pour l’essentiel, les contrats d’objectifs et de moyens, conclus ou renouvelés après la mise en œuvre de la LOLF, comme en cours de discussion à ce jour, sont établis sans lien explicite avec l’architecture des programmes auxquels ils contribuent, non plus qu’avec leur dispositif de performance. »

Le CIAP estime que c’est le cas pour l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Le contrat de performance (2007-2010) est structuré par activité sans lien avec ses quatre programmes de rattachement ; un seul indicateur du contrat est relié explicitement à un indicateur d’un programme. Les mêmes constatations peuvent être faites à propos du contrat avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Peuvent également être cités les projets de contrat que la direction de l’Hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) envisage de conclure avec les Agences régionales d’hospitalisation (ARH).

Pour le CIAP, « il résulte de ces constats, faits au travers des audits de ce 4ème cycle, que tant le niveau d’implication des opérateurs de l’État dans le dispositif de performance des programmes que celui de l’information fournie à ce sujet dans les PAP et les RAP sont moindres que ceux concernant les services de l’État. Ceci conduit le CIAP à recommander, en premier lieu, que les contrats conclus avec les opérateurs soient structurés par référence aux programmes dont ils assurent la mise en œuvre. Mais comme cette recommandation, qui figure déjà dans les circulaires annuelles de la direction du budget, n’apparaît pas suffisamment suivie d’effet, le comité suggère, en second lieu, que les PAP et RAP comportent, dans leur partie "opérateurs", un espace clairement identifié :

– qui, d’une part, mentionnerait les objectifs et indicateurs impliquant à titre exclusif ou significatif des leviers d’action détenus par les opérateurs, par un renvoi explicite depuis la partie "performance" des PAP et RAP ;

– qui, d’autre part, comporterait une description globale des moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs, que ceux-ci figurent dans d’autres programmes - qu’il conviendrait de préciser, – ou ne proviennent pas du budget de l’État – taxes affectées, assurance maladie par exemple.

M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’Enseignement supérieur, déclarait lors de son audition par votre commission des Finances : « en outre, les indicateurs joueront un rôle plus important dans les contrats : du niveau de réalisation des opérations déterminé à partir des indicateurs partagés dépendra l’allocation des moyens pour la période ultérieure. Nous nous emploierons à décliner ces indicateurs de performance pour vérifier annuellement l’évolution de la situation de l’université. Il ne s’agit pas seulement d’apprécier la beauté du geste, mais d’en tirer les conséquences : la dotation à la performance devrait passer de 3 % à 8 ou 10 %, comme c’est le cas à l’étranger. »

Recommandation n° 24 : Intégrer pleinement les opérateurs dans la stratégie de performance des programmes de rattachement. Accompagner leur association à la définition de la stratégie de performance de l’obligation de rendre des comptes, au moyen d’indicateurs chiffrés, sur leur contribution aux résultats.

Complémentaire de l’intégration dans la stratégie de performance de l’État, se pose la question de l’évaluation des opérateurs. Le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche est habitué depuis longtemps aux procédures d’évaluations. Comme l’a rappelé M. Bernard Saint-Girons, lors de son audition par votre commission des Finances, il dispose d’une instance spécialisée, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), créée par le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche le 21 mars 2007. Il a indiqué que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche allait travailler avec le Parlement pour formuler des propositions en matière d’allocation de moyens prenant en compte la performance et les activités de recherche et de formation assurées par les universités. De nombreux autres secteurs sont cependant dépourvus d’outils spécifiques d’évaluation.

4.– La qualité des documents comptables et budgétaires est perfectible

• Les lacunes de l’information sur les opérateurs dans les projets et rapports annuels de performances

L’autonomie des opérateurs de l’État est indissociable de l’impératif de transparence et de restitution des comptes (accountability). Force est de constater que la qualité de la prévision budgétaire et de la restitution des comptes est perfectible, et que les délais de reddition des budgets prévisionnels (après les PAP) et définitifs (après les RAP) sont souvent en décalage avec les projets de loi de finances initiale ou de règlement.

L’information transmise au Parlement sur les comptes des opérateurs se trouve d’une part dans chacun des projets et rapports annuels de performances et d’autre part dans l’annexe au projet de loi de finances « jaune » sur les opérateurs.

Les opérateurs sont classés en deux catégories qui font l’objet d’un traitement différencié dans les projets et rapports annuels de performances. Sur 649 opérateurs dans le projet de loi de finances pour 2008, 485 sont considérés comme opérateurs principaux et font l’objet de développements spécifiques et détaillés dans ces documents. Les 164 autres opérateurs sont considérés comme secondaires et font l’objet d’une présentation simplifiée et globale.

La qualité de l’information donnée au Parlement doit progresser afin que la comptabilité et la gestion interne de chaque opérateur soient conformes avec les orientations budgétaires et comptables issues de la LOLF. En effet, les informations budgétaires et comptables concernant les opérateurs ne sont pas jugées d’une qualité suffisante pour assurer l’information et le contrôle des structures. Les informations contenues dans les projets annuels de performance apparaissent dispersées, incomplètes et parfois incohérentes. Peuvent être citées à ce titre l’absence d’informations détaillées sur les ressources fiscales, des données relatives aux emplois souvent lacunaires (notamment l’identification et l’évolution des emplois rémunérés par l’État et par l’opérateur) ou encore une mesure trop faible de la contribution des opérateurs à la performance des programmes de rattachement. L’information relative au CNASEA est dispersée dans les projets et rapports annuels de performances de plusieurs programmes. Par conséquence, elle revêt un caractère fragmentaire, trop succinct et incomplet. Les décomptes d’effectifs sont même contradictoires dans ces différents documents.

La partie justification au premier euro des projets et rapports annuels de performances gagnerait à contenir une explication détaillée de la subvention pour charges de service public pour les opérateurs du programme. En parallèle, la partie opérateurs des projets annuels de performances devrait être améliorée et complétée : détail des ressources propres, justification des taxes affectées, explication des écarts entre la prévision et la réalisation, modalités de gestion des crédits mis en réserve, fongibilité (notamment asymétrique).

Recommandation n° 25 : Améliorer le niveau et de la qualité de l’information budgétaire et comptable par l’enrichissement du volet opérateurs des projets et rapports annuels de performances.

• L’insuffisance de la qualité des comptes des opérateurs

Sont inscrites à l’actif de son bilan patrimonial les participations de l’État dans ses opérateurs, notamment les participations financières. Leur évaluation à chaque clôture s’effectue à partir de la quote-part détenue par l’État des capitaux propres des entités concernées (dotations initiales et compléments de dotations en nature et en numéraire, résultat de l’exercice et subventions d’investissement). L’insuffisance de qualité des comptes de certains opérateurs nuit à la sincérité des comptes de l’État.

Le cadre budgétaire et comptable des opérateurs apparaît aujourd’hui très fragmenté en plusieurs sous-ensembles à l’intérieur desquels l’articulation entre les règles budgétaires et les règles comptables n’est pas réalisée. Cette situation, qui se cumule avec des pratiques très diverses des réglementations budgétaires et comptables en vigueur, nuit à la qualité et à la sincérité des budgets et des comptes des opérateurs.

Le traitement des autorisations d’engagement et des crédits de paiement dans les budgets et les comptes des opérateurs constitue une étape essentielle de la prise en compte des engagements de moyen et long terme pris par les opérateurs et est un instrument essentiel du pilotage des opérateurs. La nomenclature applicable aux différentes catégories de fonds versés par l’État gagnerait à être affinée.

La mise en place d’outils de gestion financière (comptabilité analytique, contrôle de gestion) pourrait utilement figurer dans les contrats d’objectifs et de moyens. Les opérateurs qui disposent d’une comptabilité analytique et d’un contrôle de gestion sont en avance sur les services de l’État. Le CNASEA a initié une telle comptabilité en 2008.

Comme cela a été dit pour l’immobilier des opérateurs, la Cour des comptes a, dans son rapport sur la certification des comptes de l’État (exercice 2007), maintenu une réserve substantielle sur les comptes des opérateurs. La Cour estime que les travaux lancés par le ministère du Budget doivent s’intensifier sur : le recensement des créances et des dettes vis-à-vis de l’État ; la généralisation du recours à un infocentre pour accélérer la centralisation de leurs comptes ; le développement du contrôle interne et la signature de protocoles de modernisation comptable et financière avec les plus significatifs d’entre eux.

La Cour estime que « la qualité des comptes d’une grande majorité d’opérateurs reste très insuffisante. Trois des faiblesses qui les affectent méritent particulièrement d’être relevées : la comptabilisation des biens, l’appropriation des nouvelles instructions sur les passifs et le contrôle interne comptable. (…) Des incertitudes significatives ont été décelées dans le recensement des passifs et des risques liés à l’activité de ces établissements et des engagements contractés dans le cadre de conventions pluriannuelles (Centre national d’études spatiales, Centre national de la recherche scientifique, Institut national de la santé et de la recherche médicale, Agence nationale pour la recherche, etc.). Sur ces sujets, des différences importantes de traitement comptable ont été relevées entre opérateurs (Agence de financement des infrastructures de transport de France, Agence nationale pour la rénovation urbaine, Agences de l’eau, etc.). Les dispositifs de contrôle interne comptable de la plupart des opérateurs sont encore trop embryonnaires pour offrir une assurance raisonnable que leurs comptes ne comportent pas d’anomalie significative. Les conditions de la montée en puissance du contrôle interne ne sont en outre pas encore réunies (caractère inachevé du référentiel, mobilisation insuffisante de l’ensemble de la chaîne de responsabilité). »

L’étape suivante sera constituée par la consolidation des comptes de l’État et des opérateurs. Les opérateurs de l’État constituent le premier cercle de participations financières ayant vocation à consolider à terme leurs comptes avec celui de l’État pour donner une « image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière » (article 27 de la LOLF).

Les calendriers d’élaboration et de production des comptes des opérateurs devraient mieux s’articuler avec celui de la préparation du budget de l’État. Dans son rapport sur le quatrième cycle d’audit, précité, le CIAP estime que « les calendriers de fourniture des informations et de dialogue de gestion, relatifs, l’un à la préparation du budget de l’État, l’autre aux volets annuels des contrats liant celui-ci aux opérateurs, doivent être mieux articulés, pour assurer la cohérence entre les dispositifs mis en œuvre et le contenu du pilotage par la performance qui concernent ensemble l’État et ses opérateurs. »

La Cour des comptes estime, pour sa part, dans son rapport précité sur la certification des comptes de l’État (exercice 2007), que « la part des opérateurs qui ne sont pas en mesure de communiquer leurs états financiers dans des délais compatibles avec la clôture des comptes de l’État reste trop élevée et ne diminue que trop lentement. Près de la moitié d’entre eux (contre les deux tiers 31 décembre 2006), représentant 41 % de la valeur des opérateurs dans les participations de l’État (contre 38 % au 31 décembre 2006), n’ont pu produire leurs comptes de 2007 dans les délais requis pour les opérations d’inventaire de l’État à la clôture de l’exercice. Leur valorisation n’a donc pu être effectuée que sur la base des comptes de 2006. Cette possibilité, bien qu’offerte au producteur des comptes par la norme n° 7, devrait pourtant constituer progressivement l’exception compte tenu des exigences de calendrier posées par la LOLF qui s’imposent aux opérateurs autant qu’à l’État. Ce n’est manifestement pas encore le cas. Une telle situation dégrade l’image fidèle que donne le bilan des participations financières de l’État. »

Recommandation n° 26 : Améliorer la qualité des comptes des opérateurs par la constitution d’un référentiel budgétaire et comptable commun aux opérateurs et déclinant les principes et les règles contenues dans la LOLF. Assurer la cohérence du calendrier d’élaboration des comptes prévisionnels et définitifs des opérateurs avec celui de l’élaboration des lois de finances initiale et de règlement. Préparer la consolidation des comptes de l’État et de ses opérateurs.

LISTE DES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION

I. Sur la gestion budgétaire déconcentrée

1.– Poursuivre la réduction du nombre de BOP, en supprimant les BOP de taille trop réduite et en limitant le nombre de BOP centraux.

2.– Faire du responsable de programme et, in fine, du ministre, le garant du respect du calendrier d’élaboration et de validation des BOP.

3.– Renforcer la collégialité du dialogue de gestion, en associant en particulier le niveau départemental.

4.– Renforcer le rôle des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) en vue d’une meilleure harmonisation des contrôles financiers en région, assise sur une analyse préalable des risques partagée avec les ministères.

5.– Mieux associer contrôleurs financiers et services gestionnaires, afin d’aller plus loin dans l’allégement du contrôle financier et de tendre progressivement vers sa suppression.

6.– Conforter le responsable de programme dans son rôle d’animateur du dialogue de gestion.

7.– Formaliser au sein des chartes de gestion ministérielles les « bonnes pratiques » de délégation des crédits en début d’année et de reprogrammation en cours d’exercice.

8.– Proscrire explicitement, par circulaire du Premier ministre, le fléchage depuis le niveau central des crédits des services déconcentrés.

9.– Mettre à profit la nouvelle procédure budgétaire pluriannuelle pour faire vivre la fongibilité asymétrique, en particulier en facilitant les reports des crédits économisés d’un exercice à l’autre.

10.– Profiter des actuelles réflexions sur la gestion des ressources humaines (GRH) pour promouvoir une conception « managériale » de la déconcentration de la GRH.

11.– Professionnaliser le contrôle de gestion et en faire un instrument de pilotage par la performance.

12.– Associer l’ensemble des acteurs de la LOLF, en particulier les responsables de BOP, à la préparation du déploiement de Chorus.

13.– Faire de la performance un outil de management dans les services déconcentrés, notamment en adaptant les indicateurs au niveau opérationnel et en comparant leurs résultats d’une région à l’autre.

14.– Intégrer la performance aux processus de discussion et de décision budgétaires.

II. Sur les opérateurs de l’État

15.– S’assurer que l’existence d’opérateurs de l’État correspond exclusivement aux besoins de souplesse de gestion et de nouveau management public pour la mise en œuvre de certaines politiques publiques, dans le respect des conditions de travail et des droits des salariés.

16.– Affiner la liste des organismes considérés comme opérateurs de l’État au sens de la LOLF pour correspondre au plus près aux trois critères d’activité de service public, de financement majoritaire - direct ou indirect - par l’État et de contrôle direct par l’État.

17.– Revenir sur la création d’opérateurs qui ne sont visiblement que des démembrements de l’État sans réelle autonomie. Informer de façon motivée le Parlement de la création de chaque nouvel opérateur et évaluer préalablement la valeur ajoutée et les inconvénients de cette création.

18.– Fournir chaque année au Parlement un recensement et une évaluation des ressources fiscales affectées à chacun des opérateurs de l’État dans une annexe au projet de loi de finances, avec indication du montant total des sommes ainsi perçues. Envisager la possibilité d’intégrer l’ensemble des taxes affectées – et non seulement les affectations nouvelles – dans la norme de dépense.

19 .– Comptabiliser les effectifs des opérateurs selon un niveau de fiabilité équivalent à celui des services de l’État et selon la même méthodologie (équivalents temps plein travaillé - ETPT). Préciser et contrôler les conditions de mise en œuvre pour les opérateurs de leur inclusion dans le plafond d’autorisation d’emplois, s’agissant en particulier des emplois pérennes financés sur ressources propres.

20.– Présenter au Parlement un récapitulatif annuel de l’endettement des opérateurs de l’État, avec indication pour chacun du texte réglementaire autorisant son endettement, sa dette et le taux correspondant. Définir des règles encadrant le recours à l’emprunt des opérateurs.

21.– Mener à terme dans les délais les plus brefs le recensement et l’évaluation des immeubles occupés par les opérateurs de l’État, préalables à la nécessaire rationalisation de leur gestion et à leur intégration, sauf disposition législative spécifique, dans la nouvelle politique immobilière de l’État.

22.– Accompagner l’allègement de la tutelle a priori d’un renforcement du pilotage stratégique des opérateurs. Affirmer le rôle du responsable de programme dans le cadre d’un véritable dialogue de gestion avec la tutelle financière et l’opérateur. Clarifier les rôles de pilotage dans les cas d’un opérateur dépendant de plusieurs ministères, missions ou programmes et de plusieurs opérateurs intervenant dans un même programme. Demander pour chaque opérateur dépendant de plusieurs programmes la répartition de ses effectifs en fonction de leurs contributions respectives à ces programmes.

23.– Généraliser les contrats d’objectifs et de moyens qui lient les engagements du programme de rattachement (allocation de moyens, comme des subventions ou des recettes fiscales affectées) à ceux de l’opérateur (résultats obtenus dans le cadre de la stratégie de performance). Demander leur transmission systématique aux commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

24.– Intégrer pleinement les opérateurs dans la stratégie de performance des programmes de rattachement. Accompagner leur association à la définition de la stratégie de performance de l’obligation de rendre des comptes, au moyen d’indicateurs chiffrés, sur leur contribution aux résultats.

25.– Améliorer le niveau et de la qualité de l’information budgétaire et comptable par l’enrichissement du volet opérateurs des projets et rapports annuels de performances.

26.– Améliorer la qualité des comptes des opérateurs par la constitution d’un référentiel budgétaire et comptable commun aux opérateurs et déclinant les principes et les règles contenues dans la LOLF. Assurer la cohérence du calendrier d’élaboration des comptes prévisionnels et définitifs des opérateurs avec celui de l’élaboration des lois de finances initiale et de règlement. Préparer la consolidation des comptes de l’État et de ses opérateurs.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de la séance du 16 juillet 2008 à 9 heures, la Commission des Finances a procédé à l’examen du présent rapport.

M. Michel Bouvard, Rapporteur, a indiqué que, comme chaque année depuis 2003, à l’exception, du fait des échéances électorales, de l’année dernière, la Mission s’est intéressée, de manière sélective, à certains aspects de l’application de la LOLF, pleinement entrée en vigueur en 2006. Pour son cinquième rapport, la Mission a retenu, d’une part, le thème de l’application de la loi organique dans les services déconcentrés de l’État autour d’une question centrale : la plus grande liberté de gestion promise aux responsables locaux est-elle véritablement au rendez-vous ? et, d’autre part, le thème des opérateurs de l’État, notion non prévue en tant que telle dans la LOLF, mais permettant de regrouper sous un vocable unique les différentes entités distinctes de l’État – essentiellement des établissements publics – qui participent aux politiques publiques.

En matière de gestion budgétaire déconcentrée, la Mission a constaté que la révolution de la LOLF n’avait pas – pas encore ? – eu lieu. La Mission a entendu exercer son « droit de suite » sur cette thématique qu’elle avait déjà explorée dans son précédent rapport, qui s’appuyait sur l’analyse des premiers mois de la gestion 2006 en « mode LOLF ». Pour mesurer le chemin parcouru, la Mission est retournée dans certaines régions visitées en 2006
– Champagne-Ardenne, Centre et Île-de-France –, afin d’entendre les services des préfectures de région et de département, les directions régionales des services déconcentrés et les autorités chargées du contrôle financier.

Il en ressort, tout d’abord, une amélioration du cadre général de la gestion budgétaire locale :

– la cartographie des budgets opérationnels de programme – BOP – a été simplifiée. Mais il faut aller encore plus loin, en supprimant des BOP centraux ;

– le calendrier d’élaboration et de validation des BOP a été accéléré : pour les gestionnaires locaux, les crédits sont donc disponibles plus tôt dans l’année. Des disparités importantes demeurent néanmoins ;

– la prise en compte de la dimension territoriale des politiques publiques a progressé, grâce à la meilleure valorisation du rôle du préfet de région sur les BOP « à enjeux » ;

– le contrôle financier a effectivement été allégé. Mais il faudrait encore progresser dans l’allègement, en rapprochant davantage contrôleurs financiers et ordonnateurs déconcentrés.

Toutefois, la liberté de gestion promise aux responsables locaux est encore loin d’être au rendez-vous. Le sentiment est donné d’une appropriation par les échelons centraux

– ministères et responsables de programme – des souplesses de gestion offertes par la LOLF :

– au-delà de l’amélioration de son calendrier, le dialogue de gestion n’est pas nécessairement satisfaisant dans son contenu, soit que le responsable de programme ne s’y investisse pas, soit que les points de vue des gestionnaires locaux et de l’échelon préfectoral soient négligés ;

– le fléchage de crédits déconcentrés par le niveau central ne se dément pas. La délégation fractionnée des crédits en cours d’année vient également limiter les marges de manœuvre des gestionnaires locaux. Il faut mettre fin à ces pratiques contraires à la LOLF ;

– la fongibilité asymétrique n’est guère utilisée et parfois pas même utilisable. La gestion pluriannuelle des dépenses de l’État sur la période 2009-2011 devra être mise à profit pour responsabiliser davantage les gestionnaires et leur permettre de reporter d’une année sur l’autre sur les économies qu’ils ont pu réaliser grâce à une gestion plus « tendue » de la masse salariale. La Mission a pu constater une attente très forte des gestionnaires locaux sur les effets bénéfiques de la pluriannualité budgétaire : il ne faut pas les décevoir. Au-delà, il faut progresser vers un meilleur décompte des emplois publics et vers une déconcentration « managériale » de la gestion des ressources humaines – GRH. Cette dernière question est en effet l’un des grands points faibles de la gestion locale ;

– si la liberté de gestion des responsables de BOP rencontre des obstacles, c’est également faute d’outils de pilotage adaptés. Il convient donc, d’une part, de renforcer le contrôle de gestion, par exemple en lui conférant une place élevée dans la hiérarchie administrative et suffisamment proche du responsable de programme et, d’autre part, de mettre au point des systèmes d’information à la fois simples d’utilisation et permettant réellement d’exploiter les potentialités de la LOLF. Les attentes relatives à l’application Chorus sont également très fortes ;

– enfin, le volet « performance » de la gestion publique n’a toujours pas l’importance qui devrait être la sienne. Au plan local, il est davantage perçu comme une charge de travail supplémentaire qu’un outil de gestion nouveau. Or, la performance doit devenir un outil de management dans les services déconcentrés : il faut adapter les indicateurs au niveau opérationnel et comparer leurs résultats d’une région à l’autre. Les rapporteurs spéciaux de la commission des Finances devraient d’ailleurs davantage s’intéresser aux modalités de déclinaison des dispositifs de performance « sur le terrain ».

Quant aux opérateurs de l’État, M. Michel Bouvard, Rapporteur, a indiqué que ces derniers forment un ensemble très hétérogène sur le plan des statuts : établissements publics, groupements d’intérêt public, associations,…

Depuis le projet de loi de finances 2007, une annexe générale « jaune » sur les opérateurs de l’État accompagne le projet de loi de finances. Elle présente une liste des opérateurs, les flux financiers dont ils bénéficient ainsi que les emplois qu’ils rémunèrent. Le projet de loi de finances pour 2008 identifie 649 organismes – c’est beaucoup – répondant à la définition d’opérateurs de l’État, dont 485 opérateurs principaux qui font l’objet d’un développement spécifique dans les projets et rapports annuels de performances.

La création des « agences », sur le modèle anglo-saxon ou scandinave, est en soi un vecteur intéressant de modernisation de la gestion de l'État. D’un coté, les opérateurs de l’État ont été créés pour donner la souplesse de gestion nécessaire à la mise en œuvre de certaines politiques publiques, notamment dans la gestion des moyens financiers et des ressources humaines. D’un autre côté, leur multiplication et les conditions d’exerce de leur tutelle par les services de l’État laissent craindre des dérives en matière budgétaire.

Le rapport de septembre 2005 de MM. Alain Lambert et Didier Migaud avait fixé trois critères pour qualifier un organisme d’opérateur de l’État : activité de service public, financement majoritaire et contrôle direct de l’État. L’évolution du nombre des opérateurs de l’État n’est pas facile à suivre car l’application même des critères de définition des opérateurs est encore hésitante. Ces dernières années ont cependant vu se créer un grand nombre d’opérateurs, par exemple l’Agence nationale de rénovation urbaine – ANRU –, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances – ACSÉ –ou l’Agence nationale des titres sécurisé… Le ministère de la Culture dispose de 80 opérateurs – ce qui est sans doute beaucoup trop – et a même théorisé cette situation en parlant de « déconcentration fonctionnelle ».

On peut craindre que les ministères n’utilisent les opérateurs pour contourner les objectifs du Gouvernement en matière de finances publiques.

De nombreux opérateurs disposent de taxes affectées. Selon l’annexe « jaune » sur les opérateurs de 2008, les taxes affectées aux seuls opérateurs principaux sont prévues à un montant total de 7,9 milliards d'euros. Il est dommage que cette annexe ne comptabilise pas pour l’ensemble des opérateurs le montant total des taxes affectées. D’un autre côté, l’annexe annuelle au projet de loi de finances sur « L’évaluation des voies et moyens » recense le « produit des impôts affectés à des personnes morales autres que l’État », mais ne distingue pas les opérateurs des organismes sociaux et des collectivités territoriales. Une plus grande transparence vis-à-vis du Parlement sur le produit de l’ensemble de ces taxes affectées aux opérateurs permettrait de contrôler que leur augmentation ne devienne pas un moyen de contourner la norme de dépense de l’État.

S’agissant des effectifs, le rapport de la Cour des comptes sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État de 2007 parle « d’un contexte caractérisé par le transfert massif d’effectifs de l’État vers les opérateurs ». L’annexe « jaune » de 2008 sur la fonction publique précise que : « depuis 1994, les effectifs des EPA ont progressé de 46,7 % alors que ceux des ministères n’ont augmenté que de 4,5 %. (…) Ils ont contribué pour 38 % à la croissance des effectifs de la fonction publique d’État. »

La même annexe comptabilise un total d’« environ » 239 636 emplois, alors qu’ils étaient 237 089 en 2007. Le solde global des emplois entre 2007 et 2008 est donc de + 2 547 ETPT. Ce décompte des effectifs des opérateurs manque de fiabilité : une partie seulement des opérateurs utilise la méthodologie commune en ETPT ; en outre le calendrier d’élaboration des décomptes sur les effectifs prévus et définitifs des opérateurs est postérieur aux lois de finances initiale et de règlement.

L’article 64 de la loi de finances pour 2008 dispose qu’« à compter du 1er janvier 2009, le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État est fixé chaque année par la loi de finances. » La circulaire de la direction du Budget du 25 avril 2008 effectue une distinction entre effectifs pérennes et temporaires, ainsi qu’entre effectifs financés sur dotations budgétaires et sur ressources propres. La mise en application de cette circulaire devra être surveillée pour qu’elle n’aboutisse à soustraire des plafonds d’emplois la plus grande partie des effectifs pérennes financés sur ressources propres.

Les opérateurs ont la possibilité de s’endetter et ne s’en privent pas. La dette maastrichtienne totale des organismes divers d’administration centrale – ODAC – était de 97,4 milliards d'euros fin 2007. Si cet endettement est consolidé dans la dette publique au sens du Traité de Maastricht, il ne fait pas l’objet d’une information suffisante au Parlement. En outre une réflexion devrait être conduite sur la définition de règles générales encadrant le recours à l’emprunt des opérateurs.

Le rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle – MEC – de la commission des Finances présenté en juin 2008 par MM. Yves Deniaud et Jean-Louis Dumont rappelait qu’une part importante du patrimoine domanial est cantonnée auprès des opérateurs de l’État. La direction générale des Finances publiques – DGFiP –, en charge du recensement et de l’évaluation, estime que les opérateurs contrôlent presque autant de biens immobiliers – 23 000 – que l’État – 30 000.

La Cour des comptes, dans son rapport sur la certification des comptes de l’exercice 2007, a maintenu sa réserve substantielle sur les comptes des opérateurs, en grande partie en raison de l’incertitude pesant sur l’évaluation de leurs patrimoines immobiliers.

La logique de la LOLF impliquerait que l’on applique aux opérateurs de l’État le même type de stratégie de performance que pour ses services.

Le pilotage des opérateurs est limité. Avec la mise en œuvre de la LOLF, le pilotage des opérateurs a vocation à se développer et à compléter l’exercice traditionnel de la tutelle. Il devrait entraîner une rénovation de la tutelle, qui deviendrait moins tatillonne et plus stratégique. Force est de constater que, pour les programmes où le poids des opérateurs est important, les marges de manœuvre des responsables de programme sont fortement limitées – crédits, effectifs, stratégie…. Au-delà de la tutelle métier, ces derniers doivent encore trouver leur positionnement par rapport aux directeurs des affaires financières dans l’exercice de la tutelle financière. Dans les nombreux cas où les opérateurs dépendent de plusieurs ministères, – par exemple le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles – CNASEA –, la tutelle multiple s’en trouve souvent compliquée et affaiblie et comporte des risques de contradiction et de dilution des responsabilités. Le lien des opérateurs avec les services déconcentrés de l’État reste encore à parfaire. Il en est ainsi pour la politique de la ville, où les préfets peinent à trouver des marges de manœuvre face à l’ANRU ou l’ACSÉ.

Le pilotage des opérateurs passe par un outil incontournable, le contrat d’objectifs et de moyens, qui n’est pas généralisé loin s’en faut – par exemple à l’Opéra national de Paris ou dans les offices agricoles. Ces contrats peuvent être perçus par les tutelles comme porteurs de risques de rigidification de la dépense sans contreparties suffisantes. Ils devraient lier les engagements du programme de rattachement – allocation de moyens– à ceux de l’opérateur
– résultats obtenus dans le cadre de la stratégie de performance. Les universités constituent un des rares cas de contractualisation aboutie avec des contrats quadriennaux assortis d’un dispositif d’évaluation et de présentation de résultats.

L’intégration des opérateurs dans la stratégie de performance des missions et programmes est encore embryonnaire. Les opérateurs sont encore trop peu ou pas du tout associés à la procédure budgétaire. Le dialogue de gestion entre les opérateurs et leurs tutelles devrait permettre aux opérateurs de participer à la stratégie de performance du ou des programmes de rattachement ; en contrepartie, il devrait faire apparaître la contribution des opérateurs aux objectifs des politiques publiques.

Enfin la qualité des documents comptables et budgétaires, tels que transmis au Parlement dans les projets et rapports annuels de performances, est perfectible.

M. Michel Bouvard, Rapporteur, a conclu en rappelant que les travaux de la Mission ont conduit ses membres à dresser un constat largement partagé, au-delà des sensibilités politiques différentes. Par exemple, un consensus existe pour approuver le fait que les opérateurs soient maintenant placés sous plafond d’autorisation d’emplois. Cela ne revient pas à souscrire au choix gouvernemental – qui fait débat – du non remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Les membres de la Mission, qui a exclusivement à connaître de la mise en œuvre de la LOLF, ne se prononcent pas sur le suivi de cette décision du Gouvernement chez les opérateurs de l’État.

Le Président Didier Migaud a jugé que la LOLF constitue en effet un outil pour plus de transparence et une meilleure efficacité de la dépense. Mais il convient de ne pas confondre l’outil avec les objectifs des politiques. La LOLF est l’un des outils d’une bonne gestion publique. À cet égard, les travaux de la Mission sont essentiels. La Commission des Finances doit d’ailleurs jouer un rôle de gardien de l’esprit de la LOLF, tant on voit qu’elle est d’une application très inégale selon les ministères et selon les territoires. De la même manière, les principes de la responsabilité du gestionnaire et de la souplesse de la gestion des crédits sont très inégalement appliqués. La réduction des contrôles tatillons doit conduire à plus faire confiance, quitte à engager les évaluations et les vérifications nécessaires.

M. Charles de Courson, Rapporteur, a invité le Président à transmettre les travaux de la Mission aux différents acteurs, assortis de ses propres commentaires, en particulier sur telle ou telle proposition. Un exemple serait celui de la recommandation n° 17, qui préconise de revenir sur la création d’opérateurs qui ne sont visiblement que des démembrements de l’État sans réelle autonomie. C’est par exemple le cas de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF –, qui a été mise en place et dotée de ressources propres, dont la plus grande partie était issue des dividendes des sociétés d’autoroutes. Le Gouvernement a autorisé l’AFITF à s’endetter pour accélérer notamment la mise en place de certaines infrastructures. Toutefois, avec la vente des sociétés d’autoroutes, les recettes de l’agence se sont taries. Celle-ci a donc obtenu une dotation en capital pour lui permettre de se maintenir pendant deux ans. L’agence voit donc fondre ses ressources, et n’a pas eu d’autorisation d’emprunt, alors même qu’elle verse des fonds de concours à l’État. Elle devra faire face à un besoin de financement de 900 millions d’euros par an entre 2009 et 2012. Une seule solution s’avère donc praticable : il faut « rebudgétiser » cet opérateur qui se révèle en réalité inutile.

Une autre question peut se poser : celle des comptes consolidés de l’État qui, à l’heure actuelle, n’existent pas. Les transferts de recettes et de charges à des opérateurs reviennent à une déconsolidation. ODAC et opérateurs ne se recouvrent que partiellement : il y a plus de 600 opérateurs sur 800 ODAC. Ainsi, les agents de l’eau sont des opérateurs qui regroupent près de 95 % des moyens financiers de la politique de l’eau. Les chambres consulaires, qui gèrent les aéroports sauf Aéroports de Paris, ne sont pas considérées comme des opérateurs.

M. Michel Bouvard, Rapporteur, a souligné qu’en effet, si les opérateurs et les ODAC sont proches – ils entrent tous dans le périmètre de la dépense publique, de la dette publique et des prélèvements obligatoires –, ils ne se recoupent pas : par exemple, les agences de l’eau sont des opérateurs mais pas des ODAC, tandis que les structures de désendettement et de défaisance, comme le Consortium de réalisation – CDR – sont des ODAC, mais pas des opérateurs. Un tableau indiquant les périmètres respectifs et les intersections des deux notions serait bienvenu.

M. Charles de Courson, Rapporteur, a ajouté qu’en loi de finances, la dette de l’État correspond à celle des administrations publiques – APU –, mais elle ne recoupe pas les données qui sont celles de la loi de règlement, pas plus qu’elles ne comportent l’éventuelle dette des opérateurs. On estime que la dérive de la dépense réelle est environ supérieure d’un point à l’augmentation des dépenses de la loi de finances. Cela signifie que l’on utilise les opérateurs pour contourner les règles que l’État s’impose par ailleurs à lui-même.

M. Michel Bouvard, Rapporteur, a également signalé le problème des entrées et des sorties des opérateurs dans la liste de l’annexe « jaune » au projet de loi de finances, qui ne donnent véritablement lieu à aucune explication. Le périmètre des opérateurs change donc en permanence. Si l’on peut comprendre la sortie des instituts universitaires de formation des maîtres – IUFM – du champ des opérateurs, en raison de leur intégration aux universités, ou celle de l’Établissement français du sang – EFS –, qui n’existe plus, en revanche certains disparaissent de ce périmètre alors que les structures existent toujours, comme l’agence nationale pour les chèques-vacances – ANCV. Cette agence, comme d’autres, est d’ailleurs bénéficiaire de dépenses fiscales ou de dépenses liées à des niches sociales. Il faut donc impérativement parfaire notre connaissance des opérateurs, mieux piloter et s’orienter progressivement vers la consolidation des comptes, pour ensuite pouvoir exercer un contrôle réel et efficace.

Le Président Didier Migaud a toutefois rappelé que certains opérateurs présentent un bilan positif : on peut penser à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU – malgré des difficultés de pilotage qui ont pu être identifiées. Il convient donc de faire le tri, pour distinguer entre les opérateurs dont l’utilité est avérée et ceux dont l’utilité est discutable.

M. Michel Bouvard, Rapporteur, a indiqué que la transparence de ce point de vue est incomplète : en loi de finances pour 2007, par exemple, le Gouvernement a demandé à la Caisse des dépôts et consignations de verser un complément à l’ANRU car le budget de l’État n’a finalement pas octroyé les fonds prévus initialement pour l’agence.

M. Thierry Carcenac, Rapporteur, a estimé qu’un autre problème est celui de la gestion des ressources humaines et du manque de recours à la fongibilité asymétrique. Il conviendrait que les rapporteurs spéciaux de la commission des Finances se montrent attentifs à ces questions dans leurs domaines respectifs. Un sujet qui n’a pas été évoqué est celui de l’efficacité des systèmes d’information financière et budgétaire, dont le financement doit être particulièrement surveillé. Il faut également rappeler que la transparence des opérateurs passe par une comptabilisation fiable du nombre des équivalents temps plein travaillé – ETPT.

La Commission a autorisé la publication du rapport d’information.

ANNEXE 1 :
AUDITIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES

A.– Audition de M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’enseignement supérieur, responsable des programmes Formation supérieure et recherche universitaire et Vie étudiante de la mission Recherche et enseignement supérieur

Le Président Didier Migaud : Mes chers collègues, la commission des Finances a souhaité auditionner plusieurs responsables de programmes dans le cadre du suivi de l’exécution du budget, en liaison avec la mission d’information sur la loi organique relative aux lois de finances. La MILOLF a repris ses travaux au tout début de l’année. Elle s’est déplacée dans plusieurs préfectures de région et a commencé à rencontrer des responsables de programme. D’ici à l’été, elle compte donner un « coup de projecteur » particulier sur la gestion des opérateurs de l’État. L’objet de ses investigations est de vérifier que la structure du budget et l’organisation des administrations sont bien conformes à l’intention du législateur organique de 2001. L’amélioration de la gestion publique est-elle bien en marche ? Les pesanteurs et les difficultés relevées dans les précédents rapports de la mission se sont-elles atténuées ?

Ces sujets sont suffisamment importants pour que certaines auditions soient réalisées dans le cadre des réunions ordinaires de la commission des finances. Ces réunions font du reste la transition avec celles auxquelles nous procéderons sur le projet de loi de règlement de 2007.

Tel est le cas de l’audition de M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l’enseignement supérieur au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, que je remercie d’avoir répondu à l’invitation de la Commission. C’est en tant que directeur de deux programmes – Formations supérieures et recherche universitaire et Vie étudiante – que nous l’entendons aujourd’hui. Ces sujets intéressent aussi la mission d’évaluation et de contrôle qui, comme je l’ai annoncé hier, va se pencher sur l’allocation de moyens aux universités. Les rapporteurs, MM. Laurent Hénart et Alain Claeys, doivent commencer bientôt leurs travaux.

Aujourd’hui, les questions de la MILOLF et de la Commission porteront probablement sur des sujets de nature plus strictement budgétaire, notamment ceux de la soutenabilité de certains budgets opérationnels de programme – les BOP – ou des restes à payer, traditionnellement élevés pour ces programmes. Cette audition sera aussi l’occasion d’évoquer les relations du ministère avec ses opérateurs et les perspectives de la mission, – qui, je le rappelle, est interministérielle – dans le cadre du passage à la pluriannualité.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Après les déplacements que la MILOLF a déjà effectués dans plusieurs préfectures de région, la première interrogation porte sur l’état de la consommation des crédits et sur les engagements en matière de construction universitaire. Quels sont les décalages et comment sont-ils gérés ? Quelles dispositions l’État a-t-il prises pour être au rendez-vous dans les opérations faisant l’objet de financements croisés avec les collectivités territoriales ?

La mise en œuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités – LRU – nous a fait entrer dans une période de mutation. Comment envisage-t-on d’articuler les mesures aujourd'hui engagées dans le cadre du programme de construction universitaire et le plan Campus qui a été annoncé ?

M. Bernard Saint-Girons : L’exercice budgétaire en cours se caractérise par un ensemble de réformes importantes. Les textes d’application de la loi LRU ont été publiés et les premières universités candidates accéderont aux compétences élargies le 1er janvier 2009, avec l’accompagnement qui convient. On assistera également à une montée en puissance de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – AERES –. Celle-ci assure désormais l’ensemble de l’évaluation des universités – formation, recherche et gouvernance. Elle procède actuellement à l’évaluation des établissements de la vague C dont le renouvellement des contrats est en cours. Enfin, le ministère va travailler avec le Parlement pour formuler des propositions en matière d’allocation de moyens prenant en compte la performance et les activités de recherche et de formation assurées par les universités.

S’agissant plus précisément de la mise en œuvre des contrats de projets État-région et la consommation des crédits dans ce domaine, des retards ont été pris. Grosso modo, c’est une année théorique qui a été réalisée en deux. Il en a résulté des problèmes matériels et techniques quant à la réalisation des projets, aggravés par une mauvaise couverture des autorisations d’engagement par les crédits de paiement. Le ministère est donc contraint de fournir un effort particulier tant pour combler les retards dans l’exécution des derniers contrats de plan État-région que pour enclencher les contrats de projets.

Le Président Didier Migaud : Pourriez-vous être plus précis ? Qu’en est-il du solde des contrats de plan État-région – CPER – ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur : En d’autres termes, les CPER qui s’achevaient en 2006 sont-ils totalement soldés aujourd'hui ? Les opérations de report vers les contrats de projets lancés en 2007 sont-elles soldées ou sont-elles encore engagées ? Nous aimerions avoir une photographie de la situation.

M. Bernard Saint-Girons : Nous avons en effet procédé à la réinscription de certaines opérations. Pour autant, il faut aborder le taux de réalisation du CPER précédent avec une relative prudence : certains projets ont été abandonnés au profit de projets qui avait pris, localement, une autre dimension, notamment en matière de recherche.

Pour ce qui est des chiffres, nous avons prévu d’élaborer un document de récapitulation. M. Brice Lannaud, qui suit ces questions de près, peut vous fournir d’ores et déjà quelques données.

M. Brice Lannaud, sous-directeur de la performance et des moyens au ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur : Il reste environ 400 millions d’euros de crédits de paiement à ouvrir au titre des précédents CPER. Nous espérons que la couverture sera achevée d’ici à 2010.

Le Président Didier Migaud : Les opérations étaient censées s’achever en 2006… Vraiment, il serait souhaitable que vous nous fournissiez le tableau évoqué par M. Saint-Girons.

M. Bernard Saint-Girons : Le document est en cours de validation.

Pour nos esquisses budgétaires, nous travaillons sur l’hypothèse d’une année théorique pleine en 2009.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Après avoir réalisé l’équivalent d’une année en 2007 et 2008, on essaierait donc d’accomplir une année pleine en 2009 ?

M. Bernard Saint-Girons : Oui. Schématiquement, 2007 a correspondu à 40 % d’une année théorique ; ce sera 60 % pour 2008 et nous envisageons 100 % en 2009.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Dans les retards accumulés, quelle est la part imputable à une insuffisance des crédits inscrits en loi de finances initiale ou consécutifs à des régulations et quelle est la part des retards techniques ou des abandons de projets ?

Le Président Didier Migaud : Pour les contrats de plan 2001-2006, il manque déjà 400 millions. Cette somme correspond-elle à des opérations engagées et réalisées ? De plus, il semblerait que l’on n’ait fait qu’accentuer le retard en 2007 et 2008, puisque l’on n’a accompli qu’une seule année en deux.

M. Bernard Saint-Girons : L’année 2008 constitue une rupture puisque l’on a réaffirmé la priorité de la réalisation des CPER. Certes, il y a des retards, mais la mobilisation des crédits monte de nouveau en puissance. Cette tendance devrait se poursuivre en 2009, modulo ce qui pourrait résulter des régulations budgétaires.

Le Président Didier Migaud : Qu’en est-il de ce document « en cours de validation ».

M. Bernard Saint-Giron : Il nécessite une relecture précise…

Le Président Didier Migaud : Je le conçois, mais j’insiste pour qu’il nous soit transmis très rapidement après sa validation par le cabinet.

M. Bernard Saint-Girons : Il ne s’agit pas d’une validation par le cabinet, mais bien d’une relecture.

Mme Christine Coste, sous-directrice de l’égalité des chances et de l’emploi au ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur : Je puis vous donner d’ores et déjà quelques chiffres.

Pour le CPER 2000-2006, les engagements de l’État s’élèvent à 2,185 milliards d’euros. À la fin de 2007, les autorisations d’engagement étaient affectées à hauteur de 1,757 milliard d’euros ; 1,172 milliard de crédits de paiement était mandaté. Selon les prévisions d’exécution pour 2008, 176 millions d’euros d’AE seraient engagés et 265 millions d’euros de crédits de paiement seraient mandatés. Les ouvertures en crédits de paiement envisagées sont de 215 millions d’euros pour 2009 et de 104 millions d’euros pour 2010.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : En d’autres termes, une partie des opérations du CPER qui s’est achevé le 31 décembre 2006 continue à vivre et fait l’objet de crédits. D’autres opérations ont été abandonnées, soit définitivement, soit parce qu’elles ont été réinscrites dans le contrat de projets 2007-2013 qu’elles ont, en quelque sorte, préempté. Dans le CPER actuel, quelles sont les opérations nouvelles ? Ne sommes-nous pas en train de solder purement et simplement des reports du CPER 2000-2006 ou de réinscrire des opérations non démarrées à l’époque ?

Le Président Didier Migaud : Dans le prolongement de ces questions, quand retrouverons-nous le niveau d’engagement de l’État en 2000, qui était en effet de l’ordre de 2,185 milliards ? Manifestement, nous n’y sommes pas encore en 2008.

M. Bernard Saint-Girons : Les opérations réinscrites ne le sont pas forcément en l’état : elles ont été repensées en tenant compte des nouvelles relations établies avec les universités ou des priorités définies en matière de recherche.

Il faut aussi distinguer, dans l’exécution des contrats, ce qui relève de la construction universitaire et du logement étudiant. Les taux de réalisation sont plus satisfaisants dans le premier cas que dans le second, où le retard accumulé a conduit, à la suite du plan Anciaux, à faire basculer du programme 150 vers le programme 231 les constructions de logement universitaire.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Dans un contrat de plan comme dans un contrat de projets, il existe des opérations faisant l’objet de financements croisés et dont la maîtrise d’ouvrage revient aux collectivités territoriales. Nous souhaitons vérifier si l’État a bien rempli ses engagements et à quel rythme, mais nous voulons aussi savoir si les autres partenaires des CPER ont rempli les leurs. Un tableau d’ensemble sur cette question serait bienvenu.

De plus, comment les contrats de projets s’articuleront-ils avec les contrats de plan et, désormais, avec le plan Campus ? Mme Pécresse a affirmé hier que les opérations urgentes non comprises dans le plan Campus pourraient faire l’objet d’inscription sur crédits budgétaires.

M. Bernard Saint-Girons : Tout d’abord, la mobilisation des crédits issus de la vente d’actions d’EDF ne se traduira en aucun cas par un jeu de bonneteau…

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Le bonneteau ayant été largement pratiqué par tous les gouvernements, de droite comme de gauche, vous comprendrez que nous restions attentifs…

M. Bernard Saint-Girons : Je n’en doute pas. Les crédits que j’ai mentionnés
– 3,5 milliards d’euros – correspondent bien à un engagement de l’État qui vient s’ajouter aux engagements passés dans le cadre des contrats de projets.

Le Président Didier Migaud : Qu’en est-il du montant des engagements pour les CPER 2007-2012 ?

Mme Christine Coste : Ils s’élèvent à 2,123 milliards.

Le Président Didier Migaud : Soit légèrement moins que l’engagement de 2000.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les reports sont-ils compris dans ce chiffre ?

Mme Christine Coste : Ils représentent une part très réduite du montant.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Donc ce ne sont pas les 400 millions manquants pour les CPER 2000-2006…

Mme Christine Coste : Non. Lors de la préparation des nouveaux CPER, il avait été clairement signifié aux ministères qu’il était hors de question de reporter des opérations non réalisées. Après sept années d’exécution,…

M. Michel Bouvard, Rapporteur : …elles tombaient, mais pouvaient être réinscrites si elles apparaissaient toujours utiles…

Mme Christine Coste : …à condition qu’elles comportent des modifications. Les nouveaux CPER n’étaient pas censés reprendre des opérations abandonnées. Le taux d’engagement était très important pour l’enseignement supérieur. Les problèmes se sont posés plutôt pour les crédits de paiement.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les autorisations d’engagement pour les CPER représentent donc 2,123 milliards d’euros, à côté desquels il faut compter le financement spécifique au titre des réalisations d’EDF.

Le Président Didier Migaud : N’a-t-on pas prévu, au départ, 5 milliards d’euros ?

M. Bernard Saint-Girons : Pour l’instant, les ventes d’actions d’EDF représentent 3,5 milliards.

Par ailleurs, le plan Campus ne concernera que dix sites retenus à l’issue d’une expertise…

M. Michel Bouvard, Rapporteur : S’agit-il de dix, quinze ou vingt sites ?

M. Bernard Saint-Girons : Dix.

Le Président Didier Migaud : Les chiffres que l’on entend varient en effet…

M. Bernard Saint-Girons : La ministre est très attentive à ce que le plan Campus ne subisse pas les dérives qui ont conduit à la multiplication par trois du nombre des pôles de compétitivité. Reste que le chiffre sera évidemment différent selon que l’on dénombre les sites ou les universités. Le site de Montpellier réunit trois universités, mais il s’agit d’une seule opération dans le cadre du plan Campus.

Le Président Didier Migaud : Quoi qu’il en soit, les dix sites n’épuisent pas les 3,5 milliards d’euros….

M. Bernard Saint-Girons : Normalement, non.

Le Président Didier Migaud : Il faut en effet prévoir la deuxième « salve ».

M. Bernard Saint-Girons : D’ici à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin, un premier ensemble de six projets sera retenu. Quatre autres le seront un mois plus tard. À l’évidence, ces opérations ne couvrent pas l’ensemble du spectre des contrats de projets. De surcroît, seul un certain nombre de sites concernés par ces contrats fera l’objet d’un abondement dans le cadre du plan Campus. Il faudra veiller attentivement à la complémentarité des différentes opérations. Il serait par exemple absurde de lancer une opération Campus autour d’un pôle thématique et de continuer parallèlement des constructions qui ne s’intégrerait pas clairement dans le processus. De ce point de vue, le plan Campus jouera un rôle structurant dans la valorisation des engagements des collectivités territoriales et de l’État. Du reste, les quarante-sept dossiers déposés font presque systématiquement apparaître l’articulation entre les projets inscrits dans les contrats et les apports possibles du plan Campus.

Pour ce qui est des sites non retenus, nous devons éviter de créer des « déçus du plan Campus », en veillant notamment à identifier les problèmes immobiliers majeurs – vétusté, défaut de sécurité – sur lesquels l’État devra se mobiliser prioritairement.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment articulera-t-on la mise en œuvre du plan Campus avec celle des CPER, qui implique traditionnellement les préfets de région et les recteurs chanceliers des universités – dont je m’étais demandé avec Alain Claeys s’ils s’intéressaient vraiment aux universités ?

M. Bernard Saint-Girons : En tant qu’ancien recteur, je me sens interpellé par cette question !

Certains préfets se sont investis très fortement dans l’élaboration des projets du plan Campus. Tous les recteurs y ont été également associés, certains jouant même un rôle moteur dans l’organisation des relations entre des universités qui pouvaient éprouver des difficultés à dialoguer entre elles. De plus, ce sont les recteurs qui nous ont fait remonter l’ensemble des dossiers.

Comme l’a indiqué la ministre, c’est un comité indépendant qui instruira les projets. Une fois le choix arrêté, nous travaillerons avec les recteurs et les présidents d’université pour passer de la lettre d’intention – les dossiers transmis ne comptent que dix à vingt pages, avec des annexes plus ou moins nourries – à la finalisation du projet d’ici à la fin de l’année civile.

Le décret financier qui sera pris en application de la loi LRU prévoit en outre un renforcement du rôle des recteurs, qui seront responsables de la bonne exécution des budgets.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Pour en revenir aux contrats de projets, vous avez indiqué que 2009 devait constituer une année budgétaire complète. En quoi la pluriannualité peut-elle faciliter le pilotage des programmes dont vous avez la charge et l’exécution des opérations en cours ?

Le Président Didier Migaud : Sachant que la pluriannualité existe déjà dans les contrats de plan et de projets…

M. Bernard Saint-Girons : Nous attendons de la pluriannualité – c’est une banalité que de le dire – un renforcement de la visibilité de notre action, de nos objectifs et des niveaux intermédiaires de réalisation. Il s’agit d’un outil de projection et de suivi indissociable de la LOLF, dans la mesure où il permet d’identifier les étapes qui restent à accomplir pour boucler un dossier.

Les contrats de plan étaient aussi pluriannuels, certes. Cependant, de mesure budgétaire ponctuelle en mesure budgétaire ponctuelle, on a réduit la capacité à déterminer ce qui restait à accomplir.

La pluriannualité permettra également de mieux mesurer l’efficacité des dispositions prises. Cela sera d’autant plus important que la direction générale de l’enseignement supérieur est confrontée à des opérateurs multiples.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Alors que l’on passe à la pluriannualité au niveau de l’État, les opérateurs – en particulier les universités – ont toujours beaucoup de peine à disposer d’une vision complète sur une année budgétaire. Les accompagnerez-vous pour qu’ils s’inscrivent dans une démarche de pluriannualité ? Comment articuler votre budget pluriannuel avec le leur ? On sait qu’ils ont déjà un retard important à combler pour établir des comptabilités analytiques et des budgets consolidés.

M. Bernard Saint-Girons : Le lien naturel est le contrat quadriennal existant, qui permet de définir les objectifs et d’en décliner annuellement l’exécution par les opérateurs.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Il n’en reste pas moins qu’aucune université ne présente actuellement de budget pluriannuel. Or, dans les deux programmes dont vous avez la responsabilité, l’essentiel de la masse des crédits passe par les opérateurs. Pour les universités, le contrat quadriennal n’a pas provoqué le réflexe de la pluriannualité.

M. Bernard Saint-Girons : La raison en est simple : le contrat quadriennal découpait en quatre la période d’exercice, si bien que l’on obtenait des tranches annuelles égales. Aujourd'hui, la perspective est tout autre. Les enjeux du contrat ne seront plus les mêmes dès lors que les universités seront passées aux compétences élargies et auront vu leur budget multiplié par 3 ou 3,5 du fait du transfert mécanique de la masse salariale. Le contrat s’inscrira dans une perspective de dialogue de gestion portant sur les priorités et sur l’agenda – qu’il s’étale sur deux ans, par exemple, ou sur une durée plus longue – selon lequel elles seront réalisées. Les universités pourront utiliser davantage de leviers.

En outre, les indicateurs joueront un rôle plus important dans les contrats : du niveau de réalisation des opérations déterminé à partir des indicateurs partagés dépendra l’allocation des moyens pour la période ultérieure. Nous nous emploierons à décliner ces indicateurs de performance pour vérifier annuellement l’évolution de la situation de l’université. Il ne s’agit pas seulement d’apprécier la beauté du geste, mais d’en tirer les conséquences : la dotation à la performance devrait passer de 3 % à 8 ou 10 %, comme c’est le cas à l’étranger.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Qu’en est-il, dans cette évolution, de la pluralité des intervenants au sein de l’université ? Les grands opérateurs de recherche sont actuellement associés aux universités dans les structures mixtes de recherche. Quelle articulation envisager pour que la démarche budgétaire soit plus globale et plus lisible ? Dès l’origine, il y a là une source de confusion : on ne peut savoir ce qu’est le budget de l’université et quelles sont ses capacités d’agir.

M. Bernard Saint-Girons : Les universités éprouvent des difficultés à assumer la gestion financière qui leur incombe. Pour y remédier, nous avons entamé un important travail de formation auprès de l’ensemble des équipes présidentielles et d’encadrement. Les compétences doivent être à la hauteur des enjeux.

Par ailleurs, nous avons engagé la globalisation des dotations aux universités au titre de la recherche pour la vague contractuelle A et nous l’avons poursuivie avec la vague B. Il est apparu nécessaire d’introduire des éléments de clarification entre ce qui relève de l’engagement de l’État et de l’engagement des organismes de recherche. Se pose notamment un problème de traçabilité auquel le rapport d’Aubert, remis à la ministre il y a deux semaines, propose de remédier par le biais d’une convention cadre définissant, pour la durée du contrat quadriennal, ce que sera l’apport de l’organisme de recherche dans l’action des équipes mixtes. D’un côté, le contrat quadriennal structure la politique de recherche et de formation de l’université et détermine le soutien que l’État lui apporte ; de l’autre, une convention cadre fixe pour la même durée l’engagement financier du ou des organismes de recherche.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Faut-il comprendre que le contrat quadriennal, qui constitue le vrai rendez-vous pour les universités, s’applique aussi aux autres opérateurs qui leur sont associés, notamment dans les unités mixtes ? La convention que vous évoquez peut-elle prévoir un mandat de gestion des crédits de l’opérateur associé par l’opérateur principal, à savoir l’université ?

M. Bernard Saint-Girons : L’élaboration du contrat quadriennal est un rendez-vous essentiel pour les universités et pour les organismes de recherche. Il n’y a pas deux politiques scientifiques mais une seule, que l’État accompagne et que les organismes soutiennent. L’université autonome pourra négocier en pleine responsabilité avec les organismes de recherche car elle sera sur le même plan qu’eux, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. L’organisme de recherche n’est plus l’instance qui évalue ou qui labellise : il devient partenaire.

Le rapport d’Aubert propose également que l’on puisse confier un mandat de gestion à l’hébergeur. S’il peut apparaître plus opportun de confier, dans certaines circonstances, la gestion de telle ou telle unité au CNRS, ce sera à l’université et au CNRS d’en décider d’un commun accord. La formule du mandat de gestion à l’hébergeur n’en devrait pas moins constituer le droit commun.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Les universités vont s’approprier leur budget. Elles devront répondre aux défis de la globalisation budgétaire et de l’élargissement de l’enveloppe. Quelles dispositions l’État entend-il prendre en matière de ressources humaines ? Les universités disposent actuellement d’agents comptables – qui dénoncent leur isolement – et de secrétaires généraux issus pour la plupart de l’administration scolaire. Envisage-t-on de diversifier le recrutement des cadres, en incitant par exemple les administrateurs civils à se porter candidats aux fonctions de secrétaire général dans les futures grandes universités regroupées ?

M. Michel Vergnier : On peut en effet nourrir des inquiétudes sur l’administration. De plus, les indicateurs de performance ne risquent-ils pas de mettre en difficulté les « petites » universités, comme celle de Limoges ?

M. Bernard Saint-Girons : La qualité des activités d’une université n’est pas directement corrélée à sa taille. L’université d’Avignon compte environ 10 000 étudiants mais est un pôle d’excellence en recherche agronomique. D’une manière générale, les universités qui ont choisi de mettre en valeur des atouts réels en s’appuyant sur un environnement favorable connaissent à la fois la réussite et la reconnaissance. L’université de Limoges compte parmi celles qui sont susceptibles de passer à l’autonomie dès le 1er janvier 2009. La qualité de la gestion du président Jacques Fontanille est reconnue – mais peut-être est-ce un signe de fragilité que de dépendre aussi fortement de la qualité des personnes…

Comme la ministre l’a indiqué, l’État n’encouragera pas de nouveaux essaimages. En revanche, il s’emploiera à consolider l’existant et à aider la mise en réseau des universités. Dans certains domaines de recherche, Limoges se rapproche de La Rochelle et de Poitiers.

Pour ce qui est de l’encadrement, la langue de bois n’est pas de mise : nos universités sont sous-encadrées. C’est pourquoi nous avons entamé un travail important de repyramidage, qui sera poursuivi en 2009 si la loi de finances le permet, afin de transformer et de requalifier certains emplois. Des personnels de catégorie A viennent d’ores et déjà renforcer le dispositif d’encadrement. Cela dit, le vivier de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur est certainement insuffisant pour répondre à la demande. Nous devons disposer d’autres personnels, notamment issus des collectivités territoriales – directeurs généraux des services, directeurs de service –, pour conduire le changement. Certaines universités ont déjà approché des personnels appartenant à d’autres administrations.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Quels ont été les obstacles rencontrés ? La gestion des ressources humaines pose un vrai problème pour le fonctionnement de l’État et des opérateurs. Une des conditions de la réussite de la LOLF est d’obtenir une plus grande souplesse en la matière.

M. Bernard Saint-Girons : L’obstacle principal réside dans l’écart entre les pratiques salariales dans l’enseignement supérieur et la recherche et celles d’autres ministères ou des collectivités, notamment en matière de primes.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment résoudre ce problème ?

M. Bernard Saint-Girons : Le Parlement a sa part dans la réflexion. La variation des primes d’un ministère à l’autre constitue un vrai sujet. Cela étant, les universités seront responsables de la gestion de leur masse salariale et il appartiendra aux présidents d’utiliser cette nouvelle marge de manœuvre pour faire les choix pertinents. La loi LRU prévoit qu’ils définissent la politique de primes au sein de leur établissement. Si un président considère qu’il existe des fonctions stratégiques requérant une expertise renforcée – et le recrutement, par exemple, d’un administrateur civil –, il doit pratiquer une gestion dynamique de la masse salariale et ne pas pourvoir, le cas échéant, certains postes vacants pour privilégier tel ou tel emploi.

Nous apporterons des aides pour que les universités qui passent aux nouvelles compétences disposent des marges de manœuvre nécessaires : ainsi 250 000 euros seront versés à celles qui passeront à l’autonomie le 1er janvier.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : La logique de la loi organique est de fixer un plafond de dépenses d’emplois et un plafond d’emplois. Cela suppose que l’on ait une connaissance correcte du nombre d’emplois actuellement rémunérés dans chaque université. Considérez-vous que c’est le cas aujourd'hui pour les programmes dont vous avez la charge ?

M. Bernard Saint-Girons : Pour ce qui est des emplois, je ne puis faire état d’une connaissance ferme et définitive. Nous ne sommes pas dépourvus d’outils, mais il nous faut démarrer avec les universités nouvellement autonomes sur des bases clairement partagées. Dès que la liste de ces établissements sera connue, nous engagerons une discussion pour nous entendre sur les emplois – fonctionnaires ou contractuels – effectivement financés par l’État. Ce sera l’occasion de travailler sur les emplois rémunérés sur ressources propres afin que nous ayons, à l’instant t, une connaissance exhaustive de la situation.

Dans cette période transitoire, nous avons décidé de recourir à la paye à façon, assurée par les trésoriers payeurs généraux. Nous pourrons ainsi suivre la consommation des crédits et nous assurer que nous respectons le plafond d’emplois. Cela peut sembler bien coercitif dans un processus d’accession à l’autonomie mais, après avoir discuté de la méthode avec le bureau de la conférence des présidents d’université, nous considérons que l’enjeu est d’abord d’assurer la paye d’octobre ou novembre 2009. Le dispositif fait l’objet d’une élaboration concertée avec Bercy, moyennant quelques ajustements suggérés par les présidents.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous espérons que la méthode retenue permettra d’améliorer rapidement les informations fournies par le « jaune opérateurs », notamment sur les effectifs. Si le Parlement doit évaluer à l’avenir des politiques à coût complet, il est nécessaire de porter à sa connaissance cette donnée essentielle.

Nous sommes en discussion avec le Gouvernement sur la maquette budgétaire, notamment celle des missions interministérielles. Quels sont, pour vous, les avantages et les inconvénients de la MIRES – Mission Interministérielle Recherche et Enseignement Supérieur – ?

M. Bernard Saint-Girons : L’avantage, c’est que la MIRES permet une vision complète des institutions qui interviennent dans le champ de l’enseignement supérieur et de la recherche et donne une unité à la politique menée, par-delà les tutelles et les découpages administratifs hérités de l’histoire. La constitution des pôles recherche et enseignement supérieur se satisfait mal des découpages ministériels. La recherche agricole ou industrielle, par exemple, ne pourrait se passer d’une politique de sites fédérant l’ensemble du potentiel.

Peut-on aller plus loin dans cette démarche ? La capacité à travailler ensemble n’est plus à prouver. Si des modifications de périmètre devaient intervenir, la question de l’évolution des tutelles se trouverait posée.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Existe-t-il des échanges institutionnalisés entre responsables des différents programmes de la MIRES ?

M. Bernard Saint-Girons : Les contacts avec la direction générale de la recherche et de l'innovation sont systématiques. Nous rencontrons les représentants des autres ministères à l’occasion des discussions contractuelles, notamment dans le cadre de la politique de sites. Par exemple, la reconfiguration des écoles d’ingénieurs sur le site de Bordeaux implique notre ministère, mais aussi d’autres tutelles avec lesquelles nous avons l’obligation de travailler.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Monsieur le directeur général, je vous remercie. Il est donc convenu que vous nous transmettrez très rapidement des documents précis et chiffrés sur les contrats de plan 2000-2006 et sur les contrats de projets 2007-2013.

B.– Audition de M. Yves-Laurent Sapoval, délégué interministériel à la ville et au développement social urbain, responsable des programmes Rénovation urbaine et Équité sociale et territoriale et soutien de la mission Ville et logement

Le Président Didier Migaud : Monsieur Yves-Laurent Sapoval, délégué interministériel à la ville et au développement social urbain, je vous remercie de votre présence. Vous êtes responsable de deux des programmes de la mission Ville et logement : Rénovation urbaine d’une part, Équité sociale et territoriale et soutien d’autre part.

Les membres de la mission d'information sur la loi organique relative aux lois de finances, la MILOLF, ont estimé que cette audition, outre l’intérêt propre des sujets en cause, permettrait de mettre en avant quelques problématiques exemplaires dans la mise en œuvre de la LOLF : qualité du dialogue de gestion, fléchage des crédits, relations de l’État avec de grands opérateurs tels que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), ou l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ).

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment pilotez-vous, avec l’ANRU, l’ensemble du programme dont vous avez la charge, s’agissant tant des crédits propres de l’État, même s’ils ne sont pas importants, que des crédits gérés par les opérateurs ? Comment, sur le terrain, les responsables des budgets opérationnels de programme – BOP – et les préfets peuvent-ils piloter les opérations de l’ANRU ? Si l’ANRU s’est révélée un outil très efficace, les moyens consacrés au niveau régional ne sont pas lisibles. Pouvez-vous influencer ses choix ? Quelle est la marge de manœuvre locale des opérateurs et des responsables des BOP ?

M. Yves-Laurent Sapoval : Permettez-moi tout d’abord de rappeler trois fondamentaux de la politique de la ville. Il existe des quartiers en difficulté, que la politique de la ville vise à mieux intégrer dans les villes. Aucun acteur public ne peut y parvenir en agissant seul. Enfin, ces quartiers, qui font partie des dynamiques de ville ou d’agglomération, ne peuvent être envisagés indépendamment du développement urbain.

Au service de la ville sont menées une politique interministérielle, au niveau de l’État, et une politique partenariale, avec les collectivités locales, dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale – CUCS –, les anciens contrats de ville, conclus pour une durée déterminée et dont l’objet est de fédérer les actions de l’ensemble des partenaires du contrat. Enfin, la politique de la ville dispose de moyens fiscaux et budgétaires, également répartis entre les investissements, le développement social et le développement économique.

Ce programme se caractérise par la présence importante de puissants opérateurs.

L’ANRU mutualise des moyens au service d’un programme. Réunissant l’État et différents partenaires, dont les HLM, l’UESL – Union d’économie sociale pour le logement –, la Caisse des dépôts et consignations, elle fonctionne dans une logique partenariale. L’État n’est pas majoritaire au conseil d’administration.

L’ACSÉ, en revanche, ne mutualise pas de moyens externes. Sous la co-tutelle du ministère chargé de l’intégration et du ministère chargé de la politique de la ville, elle tire principalement ses moyens des programmes 104 et 147.

J’insiste tout particulièrement sur le fait que l’interministérialité est consubstantielle à la politique de la ville.

J’en viens à votre question. La maquette budgétaire, telle qu’elle est aujourd’hui conçue, laisse peu de moyens aux responsables de BOP au niveau régional. Les moyens sont délégués en grande partie à l’ANRU qui ne travaille pas au niveau régional, et à l’ACSÉ dont les échelons régionaux ne s’occupent pas encore de la politique de la ville.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Nous sommes d’accord sur le constat.

M. Yves-Laurent Sapoval : Cette situation a été relevée par la RGPP – Revue générale des politiques publiques – qui a abouti à un certain nombre de décisions.

Il faut convenir que l’ACSÉ s’est mise en place récemment et rapidement. Décidée en mars 2006, sa création a été effective en 2007, année de transition. Nous sommes dans la première année d’application plus globale de la mécanique ACSÉ.

En dehors de notre intermédiaire, la politique de la ville n’est pas mise en œuvre dans les régions, où s’exercent toutefois des aspects fondamentaux de cette politique, comme la déclinaison, encore insuffisante, de l’interministérialité, l’engagement de crédits essentiellement destinés à la formation et à l’animation des professionnels, l’impulsion des dispositifs d’évaluation de la politique de la ville.

Un certain nombre de crédits ont été fléchés en 2007, parce qu’il était trop tôt pour les transférer à l’opérateur.

S’agissant du pilotage central de l’ANRU et de l’ACSÉ, nous entretenons aujourd’hui avec elles une relation beaucoup plus nationale/départementale que nationale/régionale/départementale. Cependant les préfets sont très associés localement et ils sont les délégués de ces deux agences, qui sont normalement à leur service.

Concernant le pilotage de l’ANRU, le règlement général des aides a été validé par le ministre du budget. Nous sommes présents à la RTP – réunion technique paritaire –, dans les comités d’engagement et au conseil d’administration.

Quant à l’ACSÉ, nous nous réunissons régulièrement avec elle, et nous sommes également présents au conseil d’administration.

M. François Goulard : Quelles sont les projections, pour les prochaines années, des crédits de la ville, sachant que de nombreux projets sont en gestation ?

Nous avons par ailleurs le sentiment que la politique de la ville est très centralisée et que les instances départementales n’ont que peu de marge de manœuvre. Est-ce voulu ? Que pensez-vous de ce mode de fonctionnement ?

Enfin, ne vous semble-t-il pas que le volet économique, pourtant important en matière budgétaire, est relégué au second plan ?

M. Alain Rodet : C’est vrai, la centralisation ne cesse de se renforcer, au grand dam des acteurs de terrain, aussi bien sur le plan de la procédure que des arbitrages.

L’État n’est peut-être pas majoritaire au conseil d’administration de l’ANRU, mais nul n’ignore que les décisions sont prises non par les partenaires, mais par le directeur général, par conséquent par l’État.

L’on a beau vanter la simplification, le pilotage, la coordination, la politique interministérielle, il reste que les délais s’allongent, à tel point que l’on regretterait presque le bon temps des préfets et des directions générales de l’équipement – DRE – !

Est-il aujourd’hui envisageable de limiter cette centralisation épuisante ?

M. Alain Cacheux : Si les décisions sont centralisées, il n’en va pas de même des financements ! Les contributions des collectivités locales ne cessent d’augmenter, en raison notamment de la complexité des programmes et de l’accumulation des retards qui conduisent à des dérives de prix parfois très importantes, quelles que soient les opérations concernées.

L’engagement de l’ANRU étant fixe, il revient aux collectivités locales de procéder aux réajustements financiers. N’y aurait-il pas moyen d’agir autrement ?

M. Dominique Baert : Faut-il aujourd’hui maintenir ou supprimer l’ACSÉ ? En effet, les procédures ont non seulement centralisé les décisions, mais aussi allongé les délais, ce qui pose des problèmes de financement. Le calendrier imposé par l’ACSÉ joint au déblocage souvent tardif des décisions de financement ne permettent pas de bien fonctionner.

Par ailleurs, avez-vous les moyens humains de vos ambitions ? Ainsi, que peut faire la Délégation interministérielle à la ville si le dispositif des adultes-relais promis aux préfets au début de l’année dernière n’est pas déployé ? Dans le Nord, sur les deux cents adultes-relais promis, nous n’en avons reçu que vingt. Quel avenir pour ce dispositif ? La problématique est la même pour les contrats aidés.

Enfin, est-il prévu de revoir le périmètre des zones urbaines sensibles, qui commence à dater, et le cas échéant, sur quels critères ? Quant aux zones franches urbaines, plus personne n’en parle, alors que le gouvernement précédent envisageait de réviser leur périmètre. Qu’en déduire ?

M. René Couanau : J’insiste à mon tour sur l’absence d’actualisation des financements dans le temps, qui pose de graves problèmes. Les financements sont votés, puis les coûts dépassent les prévisions, et rien n’est prévu pour réajuster.

Cela étant, ne soyons pas trop sévères envers la politique de la ville. L’ANRU et les CUCS, que j’ai expérimentés, sont de bons outils. Malheureusement, comme d’habitude, un bon système peut devenir mauvais si l’administration qui l’applique tente de tirer profit de la mutualisation des moyens. Ce n’est pas la centralisation qui pose problème, mais l’administration déconcentrée de l’État, source de retards et de complexité. Il semble qu’après avoir mutualisé dans une armoire, on démutualise dans les tiroirs…

Le Président Didier Migaud : Pourriez-vous également faire le point sur la consommation des crédits en 2007, nous indiquer le pourcentage des crédits éventuellement annulés et nous donner quelques informations sur le début de cette année ?

M. Yves-Laurent Sapoval : Il est vrai que de nombreux dispositifs complexes ont été mis en œuvre de manière assez innovante, l’ANRU en témoigne. Cela étant, je puis vous assurer, pour l’avoir moi-même expérimenté, que les opérations de démolition et de reconstruction qui ont eu lieu en Seine-Saint-Denis à l’époque où la LOLF n’existait pas ont été d’une complexité sans commune mesure avec ce que vous décrivez.

C’est vrai, les délais de paiement posent un réel problème, mais jamais les moyens n’ont été autant mobilisés au service des élus.

L’organisation partenariale de l’ANRU a induit un certain pilotage national, ce qui était souhaité par les partenaires du fait de l’importance des projets. Cette gestion offre d’ailleurs des capacités d’action sans précédent. Cela étant, des améliorations sont possibles pour conférer localement plus de souplesse. Si certains ont perçu cette centralisation comme un handicap, d’autres y ont vu la possibilité d’améliorer le niveau d’exigence des projets et de discuter directement avec l’ANRU puisque les collectivités territoriales sont aussi partenaires.

L’ACSÉ permet aux préfets une fongibilité locale complète : les objectifs sont fixés, mais ils peuvent largement utiliser les crédits comme ils le souhaitent. Si les préfectures de région s’impliquent moins dans la répartition des crédits qu’avant la création de l’ACSÉ, l’usage des moyens est plus souple et plus rapide. C’est pourquoi vos remarques m’étonnent, mais nous vérifierons au cas par cas. En tout cas, l’ACSÉ n’a pas pour objet d’introduire plus de complexité et, si 2007 fut une année particulière, les délais de paiement ont été très courts en 2008 : Aujourd’hui, une partie importante des crédits de l’ACSÉ sont déjà engagés, bien plus tôt que ce ne fut jamais le cas dans la politique de la ville.

Par ailleurs, il est évident que le programme de rénovation urbaine se décale du fait de sa complexité. Il est vrai aussi qu’un certain nombre de collectivités territoriales ont annoncé des projets comme opérationnels alors qu’ils ne l’étaient pas.

Pour ce qui est des surcoûts, l’ANRU fonctionne à enveloppes fermées et constantes, ce qui est probablement une faiblesse. Les partenaires ont évoqué ce problème au conseil d’administration, mais il n’est pas résolu à ce jour.

La question relative aux adultes-relais m’étonne également car 700 postes ont été créés l’année dernière et nous en sommes à 4 200 postes en début d’année. En principe, ce dispositif ne cesse de monter en puissance, même si la progression peut être plus lente que prévu. En tout cas, il me semble étonnant que l’on puisse passer de 200 créations de postes en prévision à 20.

Sur le « périmétrage », la révision de la géographie prioritaire de la politique de la ville est prévue pour 2009. La méthode, en cours d’évaluation, sera diffusée à la fin du deuxième ou au troisième trimestre 2008, l’idée étant de s’appuyer sur l’étude menée par l’INSEE dans le cadre du recensement.

Les quartiers des CUCS ont tous été « périmétrés ». Nous sommes en train de constituer une base d’adresses et ces données serviront à la future géographie prioritaire, sachant que, selon les vœux du Président de la République, les priorités seront plutôt resserrées.

Nous avons par ailleurs étendu 30 zones franches urbaines, et nous en avons créé 15 en 2006. Le dispositif reste stable.

S’agissant de la montée en puissance des crédits, la première conférence budgétaire a eu lieu la semaine dernière, et nous y avons présenté nos maquettes, qui seront discutées. Il est difficile à ce stade de connaître les orientations. Nous souhaitons poursuivre le développement des équipes de réussite éducative et du dispositif des adultes-relais, sachant qu’en la matière les zones franches urbaines ne dépendent pas de nos programmations budgétaires.

J’en viens à l’ACSÉ, qui est une agence à la fois jeune et vieille. Elle est née du FASILD – Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations – dont elle a conservé les agents, ce qui nécessite une adaptation, encore en cours. La RGPP a formulé des préconisations à ce sujet. À titre personnel, il me semble que l’ACSÉ n’a pas été au bout de ses capacités, en termes de reporting, de précision, de fongibilité, de disponibilité des crédits etc. Une partie des objectifs a été atteinte, notamment la mise à disposition plus tôt des crédits. La mécanique de paiement ACSÉ est assez performante, même si elle n’a pas fait ses preuves en 2007, puisqu’il a fallu ressaisir l’ensemble des dossiers et adapter le système informatique.

M. René Couanau : Ce vieillissement précoce des institutions françaises est tout de même inquiétant : l’ACSÉ est toute récente !

M. Yves-Laurent Sapoval : La création de l’ACSÉ est récente, mais elle s’est faite à partir du FASILD, avec des agents du FASILD et un nombre limité d’agents venus de la DIV – Délégation interministérielle à la ville –. Cette structure a besoin de s’adapter, et nous devons lui fixer des objectifs ambitieux. Nous avions préparé à cet effet un contrat d’objectifs et de moyens – COM –, mais la RGPP en a gelé la rédaction. La réforme viendra d’elle-même.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Quelle serait la bonne formule ?

M. Yves-Laurent Sapoval : L’ACSÉ devrait être centrée sur les missions politiques de la ville, comme l’a préconisé la RGPP, et les opérateurs devraient se placer au service des acteurs locaux alors qu’ils ont eu tendance à prendre localement le pas sur les préfets. Je souhaiterais inverser cette tendance pour que les préfets considèrent l’ANRU et l’ACSÉ comme des outils à leur disposition.

Nous n’avons aucune volonté de centralisation. La politique de la ville a toujours été déconcentrée. Elle fut la première à mettre des crédits fongibles à la disposition des préfets, qui restent les acteurs principaux de cette politique, même si la création des opérateurs a pu inverser les rôles.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment « inverser la tendance » ?

M. Yves-Laurent Sapoval : D’ici la fin de l’année, nous aurons rédigé un contrat d’objectifs et de moyens de l’ACSÉ conforme à la nouvelle problématique de la RGPP, et nous aurons précisé la convention signée avec l’ANRU pour la transformer en un véritable COM.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Vous pourrez donc nous présenter des documents au moment de la discussion de la loi de finances ?

M. Yves-Laurent Sapoval : Sans doute…

Pour ce qui est de la consommation des crédits, je vous enverrai des documents, mais je peux d’ores et déjà vous indiquer que sur le programme 202 – logement – la Direction du budget a récupéré 228 millions de moyens de paiement sur un total d’environ 383 millions. Cette opération correspond à une adaptation aux besoins de trésorerie de l’ANRU, qui ne sont pas aussi importants.

Quant au programme 147, sur un total d’environ 751 millions, 46 millions d’autorisations d’engagement et 28 millions de moyens de paiement ont été supprimés, ce qui nous a obligés à resserrer un certain nombre d’opérations.

Une fois ces crédits retirés, nous avons dépensé 97 % de ce qui nous avait été officiellement délégué.

M. Dominique Baert : Les conventions ANRU entendent permettre aux habitants au chômage d’accéder à des emplois dans les entreprises qui interviennent sur les chantiers de ces quartiers. Malheureusement, seuls peuvent postuler les habitants de ces quartiers ANRU, sans élargissement à ceux des quartiers CUCS. Au final, l’offre ne rencontre pas forcément la demande.

Par ailleurs, les préfets délégués à l’égalité des chances vont-ils subsister encore longtemps ?

M. Yves-Laurent Sapoval : Cinq préfets délégués à l’égalité des chances sont aujourd’hui nommés, le poste de Lyon étant encore vacant. Je ne sais que répondre à votre question, car j’ai tout entendu en la matière.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : En tant que responsable de programme, que souhaiteriez-vous ?

M. Yves-Laurent Sapoval : Il serait souhaitable de maintenir ces préfets, qui apportent un plus là où ils ont été nommés, notamment au regard du pilotage local.

J’aimerais, par ailleurs, dire quelques mots de l’interministérialité, sujet délicat pour la mise en œuvre de la politique de la ville dans le cadre de la LOLF, pour de multiples raisons, notamment la gestion des personnels au niveau central : nous avons beaucoup de mal à obtenir des mises à disposition de la part des administrations, sans doute à cause des PAE – programmes d'aménagement d'ensemble –.

Nous disposons d’un document de politique transversale, qui est un outil très important, assez compliqué à réaliser. Du fait du nombre limité des indicateurs qui doivent figurer dans les programmes des autres ministères, nous devons souvent discuter âprement et nous n’obtenons pas toujours gain de cause.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Qui arbitre ?

M. Yvez-Laurent Sapoval : Nous sommes chefs de file, et pour le moment nous ne portons pas ces questions à l’arbitrage. Simplement, tout ne se réalise pas forcément comme nous le souhaiterions, souvent par manque de moyens. Ainsi, nombre d’indicateurs ne peuvent pas être territorialisés, contrairement à ce que nous préconisions.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Est-ce dû à l’absence d’objectifs partagés ?

M. Yves-Laurent Sapoval : Rarement, d’autant que l’interministérialité connaît en ce moment un vrai regain, grâce aux orientations fixées par le Président de la République.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : De nombreux indicateurs ne sont pourtant pas renseignés.

M. Yves-Laurent Sapoval : C’est vrai. Pour beaucoup, nous sommes tributaires des renseignements des autres. Nous souhaiterions également ajouter d’autres indicateurs, mais qui ne sont pas « territorialisables » en l’état.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Comment progressez-vous pour ceux qui ne sont pas renseignés ?

M. Yves-Laurent Sapoval : Nous assurons un travail assez suivi avec les administrations qui, elles-mêmes, font souvent partie du comité d’orientation de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles.

M. Michel Bouvard, Rapporteur : Par exemple, sur le taux d’insertion dans l’emploi durable, qui est une donnée importante, le tableau ne présente que des prévisions.

M. Yves-Laurent Sapoval : Certes, mais nous avons beaucoup progressé sur les questions de l’emploi, grâce à une convention passée avec la Direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle et avec l’ANPE.

Le Président Didier Migaud : Nous vous remercions.

ANNEXE 2 :
AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE LA MISSION

A.– Auditions de la MIssion

1.– Responsables de programmes

Le 23 avril 2008 : M. Michel Clément, Directeur de l’architecture et du patrimoine, responsable du programme Patrimoines (mission Culture), accompagné de Mme Dominique Lefeuvre, secrétaire générale du programme

Le 14 mai 2008 : M. Bernard Saint-Girons, Directeur général de l’enseignement supérieur, responsable des programmes Formations supérieures et recherche universitaire et Vie étudiante (mission Recherche et enseignement supérieur), accompagné de M. Brice Lannaud, sous-directeur de la performance et des moyens et de Mme Christine Coste, sous-directrice de l’égalité des chances et de l’emploi

Le 14 mai 2008 : M. Yves-Laurent Sapoval, Délégué interministériel à la ville (DIV) et au développement social urbain, responsable des programmes Rénovation urbaine et Équité sociale et territoriale et soutien (mission Ville et logement), accompagné de Mme Françoise Giboteau, chef du service administratif et financier de la DIV

Le 28 mai 2008 : M. Dominique Sorain, Secrétaire général du ministère de l’Agriculture et de la pêche, responsable du programme Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture (mission Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales), accompagné de M. Michel Gomez, sous-directeur des affaires budgétaires à la Direction des affaires financières et de la logistique et de M. Norbert Chitrit, chargé de la mission de modernisation financière à la Direction des affaires financières et de la logistique

2.– Opérateurs de l’État

Le 10 juin 2008 : M. Gérard Mortier, Directeur de l’Opéra national de Paris, et M. Roland Sparfel, Adjoint au Directeur

Le 11 juin 2008 : M. Alain Pialat, Directeur de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse

Le 12 juin 2008 : M. Michel Jau, Directeur général du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), accompagné de MM. Bernard Bezeaud, directeur général adjoint, Henri Robert, Secrétaire général, Joël Tixier, délégué financier et Jean-Paul Tarraso, TPG

B.– DÉPLACEMENTS DE LA MISSION

1.– Châlons-en-Champagne, région Champagne-Ardenne, le 13 février 2008

M. Philippe Deslandes, Préfet de la Marne et de la région Champagne-Ardenne

M. Xavier Gelot, secrétaire général pour les affaires régionales

M. Emmanuel Suquet, cabinet du préfet de région

M. Nacer Meddah, Préfet de l’Aude

M. Alain Carton, secrétaire général de la préfecture de la Marne

M. Denis Dahan, trésorier-payeur général de la région Champagne-Ardenne

M. Bernard Colonna d’Istria, contrôleur financier à la trésorerie générale de région

M. Christian Marie, directeur régional adjoint de l’Équipement

M. Jean-François Boyer, secrétariat général de la DRE

M. Jacques Murat, directeur régional et départemental des affaires sanitaires et sociales

M. Emmanuel Bruggeman, secrétariat général de la DRDASS

M. Didier Pinçonnet, adjoint au directeur régional de l’agriculture et de la forêt

M. Dominique Ledeme, secrétariat général de la Direction générale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

2.– Orléans, région Centre, le 14 février 2008

M. Jean-Michel Bérard, Préfet de la région Centre

M. Claude Bourmaud, trésorier payeur général de la région Centre

M. Bernard Haddad, contrôleur général économique et financier de la région Centre

M. Jean-Marie Pelat, secrétaire général de l’académie d’Orléans-Tours

Mme Isabelle Chmitelin, directrice régionale de l’agriculture et de la forêt

M. Daniel Jeantelet, directeur régional du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

M. Pierre-Marie Détour, directeur régional des affaires sanitaires et sociales

M. Jean-Claude Van Dam, directeur régional des affaires culturelles

M. Michel Bergue, secrétaire général de la préfecture du Loiret

M. Pierre Bessin, secrétaire général pour les affaires régionales

Mme Dominique Bastard, directrice administrative du SGAR

Mme Nicole Hadorn, responsable du service administratif et financier du SGAR, mission LOLF

Mme Laure Valette, chargée d’études au SGAR, mission LOLF

3.- Paris, région Île-de-France, le 27 mars 2008

M. Pierre Mutz, Préfet de Paris et de la région Île-de-France

M. Philippe Parini, Receveur général des finances, trésorier-payeur général de la région Île-de-France

M. Philippe Josse, Directeur du budget au ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique

M. Pierre-André Peyvel, secrétaire général de la préfecture de région

Mme Corinne Orzechowski, directrice du cabinet du préfet

Mme Frédérique Cazajous, secrétaire générale de l’enseignement scolaire au rectorat de Paris

M. Daniel Bazin, directeur délégué auprès du directeur régional de l'Équipement

Mme Stéphanie Aliotti, chef de mission à la direction régionale de l’Équipement

M. Jean-François de Canchy, directeur régional des affaires culturelles

M. Michel Peltier, directeur régional des affaires sanitaires et sociales

Mme Marie-Christine Querci, Contrôleuse financière

M. Bernard Saby, chef de la mission d’expertise économique et financière à la recette générale des finances

Mme Hélène Leroy, chef de cabinet du préfet

Mme Armelle Streiff Le Bozec, chef du bureau de la programmation et des finances à la préfecture

Mme Thifaine Rennert, bureau de la programmation et des finances à la préfecture

ANNEXE 3 : ÉVOLUTION DE LA CARTOGRAPHIE DES BOP ENTRE 2007 ET 2008

 
 

BOP
régionaux en 2007

BOP
régionaux en 2008

BOP
départe-mentaux en 2007

BOP
départe-mentaux en 2008

BOP
inter-régionaux ou zonaux en 2007

BOP
inter-régionaux ou zonaux en 2008

Total BOP
déconcentrés en 2007

Total BOP déconcentrés en 2008

BOP
centraux en 2007

BOP
centraux en 2008

Total BOP
en 2007

Total BOP
en 2008

Éducation nationale

178

126

       

178

126

17

9

195

135

Enseignement supérieur et recherche

 

59

         

59

 

7

 

66

Justice

   

 

 

98

98

98

98

9

9

107

107

Économie, finances et emploi

63

126

221

 

24

11

308

137

38

30

346

167

Budget, comptes publics et fonction publique

 

27

 

162

 

40

 

229

 

22

 

251

Sports, santé, jeunesse

78

104

 

 

 

 

78

104

4

11

82

115

Écologie

79

 

 

 

3

 

82

 

9

 

91

 

Culture

106

107

 

 

 

 

106

107

18

21

124

128

Équipement / Écologie

136

157

 

 

3

4

139

161

33

56

172

217

Logement et ville

 

86

 

 

 

 

 

86

 

10

 

96

Santé

182

 

 

 

 

 

182

 

21

 

203

 

Agriculture

127

174

199

 

 

 

326

174

17

18

343

192

Outre-mer

14

 

 

 

 

 

14

 

4

 

18

 

Travail, relations sociales et solidarités

199

143

3

 

 

 

202

143

15

13

217

156

Premier ministre

34

33

 

 

 

 

34

33

19

21

53

54

Immigration

 

62

 

 

 

 

 

62

 

9

 

71

Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

29

51

93

18

5

7

127

76

35

34

162

110

Défense

               

40

43

40

43

Affaires étrangères

               

12

10

12

10

Total

1 225

1 255

516

180

133

160

1 874

1 595

291

323

2 165

1 918

Source : ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique.

ANNEXE 4 :
LES PROJETS DE RÉFORME DE L’ORGANISATION TERRITORIALE DE L’ÉTAT ARRÊTÉS PAR LE CONSEIL DE MODERNISATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DU 12 NOVEMBRE 2007

Le niveau régional devient le niveau de droit commun pour mettre en œuvre les politiques publiques et piloter leur adaptation aux territoires.

Le préfet de région aura désormais une autorité hiérarchique sur le préfet de département dans la conduite des politiques publiques. Il sera ainsi le pilote et le garant de la cohésion de l’action interministérielle de l’État. Autour de lui, un comité de l’administration régional resserré sera le lieu de la coordination et du pilotage de l’État en région.

De grandes directions régionales seront créées avec des périmètres de compétence correspondant globalement aux missions des ministères dans l’organisation gouvernementale.

Ainsi, la création d’un grand ministère du développement durable se traduira par la création de directions régionales de l’aménagement et du développement durable, à partir des compétences exercées par les actuelles directions régionales de l’équipement (DRE), les directions régionales de l’environnement (Diren) et les directions de la recherche, de l’industrie et de l’environnement (Drire). Les agents chargés des projets d’infrastructure et ceux qui ont pour mission de protéger l’environnement travailleront ensemble dans les mêmes équipes. De même, les services d’inspection du travail, fusionnés, seront rattachés à une direction régionale unique. La cohérence de l’action de l’État sera ainsi mieux assurée.

À l’issue de la réforme, l’action de l’État en région, recentrée autour d’un nombre très réduit de directions régionales, aura considérablement gagné en lisibilité et en efficacité.

Parallèlement, l’État entend maintenir sa présence au plus proche des citoyens et des territoires, à travers son administration départementale. Celle-ci sera réorganisée en fonction des besoins des citoyens sur le territoire et non, comme dans les régions, selon les lignes de découpage des périmètres ministériels. Ces découpages donnent en effet lieu à des difficultés lorsque les compétences sont plurielles. Ainsi, lors de crises liées à la sécurité alimentaire, le préfet doit coordonner une série de services – directions départementales des services vétérinaires, directions départementales de l’action sanitaire et sociale, services départementaux de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – ce qui ne garantit pas la meilleure réactivité et la plus grande efficacité. De même, alors que le droit au logement a été mis sous la responsabilité de l’État, les services intervenant en la matière sont à la fois la direction départementale de l’équipement, la direction départementale de l’action sanitaire et sociale et le service logement de la préfecture. Sans évoquer de nouveau la difficulté pour un citoyen de s’y retrouver dans les missions des centres des impôts et des trésoreries pour les questions liées à ses impôts. Pour répondre mieux au besoin des citoyens, il n’est pas optimal de s’en remettre uniquement à la bonne coordination entre les personnes. Une mise en cohérence des organisations est nécessaire.

Pour ce faire, les services de l’État rassemblés autour des préfets dans les départements seront organisés en fonction des bénéficiaires de chaque politique publique : l’action de l’État doit désormais être déterminée en fonction des citoyens et non des structures administratives.

.../...

Les missions qui relèvent principalement de l’action de l’État dans le département sont les suivantes :

– veiller au respect des lois et des libertés publiques, et au bon fonctionnement de la démocratie ;

– assurer la sécurité des citoyens ;

– garantir que l’aménagement et le développement des territoires soient cohérents et respectueux de l’environnement ;

– assurer la protection des populations et faire face aux crises, qu’elles soient sanitaires, alimentaires, naturelles, liées à un accident industriel ;

– garantir la cohésion sociale ;

– organiser l’offre éducative ;

– assurer la gestion financière et fiscale.

C’est autour de ces missions que doit se dessiner l’organisation des services départementaux.

Tel est le sens de la fusion de la direction générale des impôts et de la comptabilité publique, qui permettra d’améliorer significativement la qualité du service rendu à tous les usagers (particuliers, professionnels, élus) et la performance de la gestion financière et fiscale. Tel est le sens des expérimentations qui, à l’instar de celle des directions départementales de l’équipement et de l’agriculture - DDEA, ont été conduites et évaluées positivement, notamment au regard de leur compatibilité avec un futur schéma d’organisation générale, et pour lesquelles le Comité a proposé une mise en œuvre et une généralisation rapides.

Tel est également le sens de l’orientation annoncée par le Conseil de modernisation des politiques publiques d’une plus grande mutualisation des moyens au niveau départemental.

Dans leur lettre de mission adressée au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités locales, le président de la République et le Premier ministre ont souhaité que les préfets disposent des moyens de mieux répartir les effectifs entre les services placés sous leur autorité. Ce besoin s’impose d’autant plus en ce qui concerne les agents des services départementaux, qui, à l’issue de la réforme, travailleront dans des structures qui ne seront plus directement rattachées à telle ou telle administration centrale. Ce sera le moyen de gagner en efficacité et aussi de valoriser les compétences et les métiers.

Source : dossier de presse du deuxième Conseil de modernisation des politiques publiques (4 avril 2008).

 

Source : dossier de presse du deuxième Conseil de modernisation des politiques publiques (4 avril 2008).

ANNEXE 5 :
LE CENTRE NATIONAL POUR L’AMÉNAGEMENT DES STRUCTURES DES EXPLOITATIONS AGRICOLES (CNASEA)

Créé en 1966, le Centre National pour l’Aménagement des Structures des Exploitations Agricoles (CNASEA) a d’abord géré les aides nationales agricoles. Les aides européennes liées au développement rural et à l’environnement sont venues enrichir ses missions avant que ne se développe son activité en matière de formation professionnelle et d’emploi. Aujourd’hui, les deux tiers des crédits qu’il distribue concernent la formation professionnelle et l’emploi.

Établissement public national sous la tutelle conjointe des ministères de l’Agriculture et de la pêche, de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, le CNASEA est un centre payeur. Si 80 % des crédits gérés concernent l’agriculture et l’emploi, le CNASEA assure ses activités pour le compte de 7 ministères, 8 missions et 19 programmes. Il gère 142 dispositifs les plus divers. Le CNASEA contribue à la mise en œuvre de politiques publiques et a été préféré, dans le cadre de son activité liée à la formation professionnelle et à l’emploi, au réseau du Trésor Public parce qu’il avait déjà l’expérience de la formation professionnelle agricole mais surtout parce que ses compétences lui permettaient de traiter tout ou partie de la chaîne de dépense, depuis la prise en charge d’une demande jusqu’au contrôle a posteriori des règles de paiement. Cette caractéristique rend aujourd’hui l’organisme intéressant du point de vue de la culture « lolfienne » de l’évaluation et de la rationalisation de la gestion.

Le CNASEA agit pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et de toute autre personne morale chargée d’une mission de service public dans ses différents domaines d’activité.

Il est géré par un conseil d’administration où siègent des représentants de l’État, des professionnels et des personnes qualifiées. Son siège se trouve à Limoges et est composé de six directions nationales. Un réseau s’étend également sur tout le territoire.

Opérateur des missions Agriculture, pêche, forêts et affaires rurales et Travail et emploi, le CNASEA travaille avec des donneurs d’ordre différents et développe des contacts avec tous les bénéficiaires de ces paiements. En chiffres, le CNASEA représente 1 800 agents, 20 délégations régionales et 30 sites, 4,5 millions de paiements effectués par an, soit 8 milliards d’euros d’aides publiques versées en 2007.

A.– LE CNASEA INTERVIENT DANS DEUX GRANDS DOMAINES D’ACTIVITÉ

L’activité du CNASEA est organisée autour de 4 métiers : paiement, contrôle, conseil et études. Sa mission principale est la mise en œuvre d’aides publiques et d’actions d’accompagnement, laquelle peut être confiée par décret ou convention, dans plusieurs domaines d’intervention.

1.– L’agriculture, le développement rural et l’environnement.

« Le CNASEA intervient à toutes les étapes de la vie de l’exploitation agricole » : installation, modernisation, cessation d’activité. Il collabore à la mise en œuvre de la politique nationale d’installation des jeunes, notamment par la dotation d’installation aux jeunes agriculteurs et par le répertoire à l’installation. Il participe encore à modernisation des exploitations agricoles et des entreprises de transformation par le biais de la gestion des prêts bonifiés à l’agriculture. Il participe également à des opérations d’aménagement rural avec en particulier les contrats territoriaux d’exploitation ou encore les contrats d’agriculture durable. Enfin, il met en œuvre, dans le cadre de la politique agricole commune, les programmes européens du second pilier de la PAC, le pilier développement rural.

2.– La formation professionnelle, l’emploi et l’action sociale.

S’agissant de la mission Travail et Emploi, le CNASEA procède au paiement des bénéficiaires des aides dont l’État décide de lui confier le traitement. Il assure notamment la gestion des dossiers des bénéficiaires des aides, la mise en œuvre des paiements, la mise en œuvre d’un dispositif de contrôle interne des procédures et des droits des bénéficiaires et la mise à disposition d’outils de pilotage, de contrôle de gestion.

• La formation professionnelle

Le CNASEA rémunère pour le compte de l’État, mais aussi des régions (75 % des crédits), les stagiaires des professions non salariées et les stagiaires demandeurs d’emploi non indemnisés, tous secteurs d’activité confondus.

Il gère les subventions de fonctionnement aux organismes qui assurent la formation des demandeurs d’emploi et assure enfin le paiement de certaines mesures liées à la formation des salariés comme le paiement du remplacement des salariés en formation.

• L’emploi

Les actions de plan de cohésion sociale ont été confiées au CNASEA qui gère les nouveaux dispositifs mis en place : contrats d’avenir, contrats d’accompagnement dans l’emploi, contrats initiative emploi… Cette mission lui a été confiée car il s’engageait à raccourcir les délais de paiement. Il avait auparavant géré le paiement des bénéficiaires des contrats emploi solidarité et des contrats emploi consolidé.

• L’insertion professionnelle.

Le plan de cohésion sociale a réformé les modalités de gestion des aides à l’insertion par l’activité économique et le CNASEA est introduit comme payeur unique des aides nationales et communautaires en la matière. Le CNASEA a aussi pris en charge l’insertion des jeunes par le biais du Contrat d’insertion dans la vie sociale. Dans ce domaine de l’insertion, le CNASEA a été sollicité par l’Association pour la gestion du fonds d’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) sur trois dispositifs en faveur de l’insertion des personnes handicapées.

Le CNASEA gère également des dispositifs pour le compte des ministères de l’Écologie, de la santé ou de l’Éducation nationale.

B.– LE CNASEA MONTRE DES EFFORTS CERTAINS DANS LA MISE EN œUVRE DE LA LOLF

1.– Il apporte une réponse à la conception d’un « État pilote »

Selon la délégation générale à l'Emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), qui est son principal donneur d'ordre, le recours au CNASEA se justifie aujourd’hui plus que jamais dans la perspective de l'application de la LOLF, qui doit conduire l'État à se recentrer sur les fonctions de conception et de pilotage, en sous-traitant les tâches qui peuvent être effectuées ailleurs avec plus d'efficience. En effet, le CNASEA assure autant un rôle de payeur que de remontée d'informations statistiques utiles et nécessaires au pilotage et au suivi des mesures - ce que ne fait pas le réseau du trésor -.

Dans cet esprit, la DGEFP a envisagé de lui confier d’autres paiements, comme le paiement des aides aux structures d'insertion par l'économique et aux structures qui assurent l'activité professionnelle des travailleurs handicapés. Selon la DGEFP, le recours à un opérateur « efficace et neutre » couvrant l'ensemble du territoire offre la possibilité de réorienter l'action des services déconcentrés vers la conduite des politiques et de spécialiser le prestataire en favorisant une meilleure efficacité des activités qu'il assure. La question que l’on peut se poser est de savoir si le ministère a supprimé les effectifs doublonnant avec ceux de l’opérateur dans ses propres services…

2.– Il est lié à l’État par un contrat d’objectifs qui intègre la notion de performance.

Le CNASEA a signé en 2006 un contrat d’objectifs avec ses ministères de tutelle, qui invite à penser que le CNASEA s’est engagé dans un processus de gestion par la performance. Ce contrat fixe au CNASEA, pour quatre ans, différents types d’engagement :

– un engagement de performance,

– un engagement de qualité vis-à-vis de l’usager,

– un engagement de qualité vis-à-vis des donneurs d’ordre,

– un engagement de cohérence.

Il faut resituer le contexte de ce contrat qui se veut ambitieux. L’État a confié au CNASEA une grande part de la mise en œuvre financière du plan de cohésion sociale – avec la gestion et le paiement des nouveaux contrats aidés – et du nouveau règlement de développement rural de la PAC. C’est donc dans le cadre de ces nouvelles missions mais aussi dans un contexte accru de décentralisation qu’a été mis en œuvre ce contrat d’objectifs, afin de permettre à l’établissement d’offrir des prestations de qualité et concurrentielles.

Le contrat revient sur les nouvelles missions du CNASEA, fixe des objectifs sur la période en matière d’outils de gestion, d’amélioration des documents budgétaires qui vont dans le sens d’une démarche de performance. Celle-ci est confirmée par l’annonce de dispositifs de performance vis-à-vis de l’usager, du donneur d’ordre. En sus intervient un « objectif de cohérence » entre le CNASEA et ses ministères de tutelle.

Pour remplir ce contrat d’objectifs, le CNASEA s’est doté d’un projet d’établissement, « Cap 2010 ». Ce projet a concentré son effort sur la qualité et la performance de ces prestations et a complété ses indicateurs de résultats. Chaque responsable de délégation régionale s’est engagé, dans le prolongement du contrat d’objectifs 2006-2010, sur la tenue d’objectifs de performance, allant ainsi dans le sens du renforcement du contrôle de gestion et du développement de la culture du résultat. Une application de gestion prévisionnelle de l’activité et des effectifs a été réalisée.

Avec la labellisation Marianne, le CNASEA fait le lien entre son projet d’établissement et la modernisation de l’État. L’établissement a saisi cette opportunité autant pour affirmer son image auprès de ses clients que pour agir sur ses agents. L’application du label leur demande une efficacité plus grande et donc les amène à des relations plus saines avec les usagers ou les partenaires.

Lille et Amiens, les deux sites volontaires pour le label Marianne, se sont appuyés sur le dispositif interne de projets qualité locaux qui favorisent l’implication, l’information et la motivation des agents. Le service Qualité et contrôle de gestion (SQCG) coordonne l’action engagée. « Son rôle est d’accompagner les sites par un apport méthodologique, la conduite du changement, et la diffusion des bonnes pratiques », estime Yannick Monteilhet, chef du SQCG.

Selon Michel Jau, directeur général du Centre : « pour les agents du CNASEA, la labellisation est une démonstration supplémentaire de leur engagement dans la RGPP. Leurs métiers donnent une place accrue aux nouvelles technologies. La nature de leurs échanges avec l’extérieur évolue vers plus de valeur ajoutée et d’exigence. Les agents portent les engagements de l’établissement en matière de délai, de qualité et d’efficience. Ils participent aux réformes de structure telles que le rapprochement avec l’Agence unique de paiement (AUP). C’est un défi certes, mais un défi stimulant, relevé avec la confiance renouvelée de nos partenaires, et dans un dialogue interne permanent.

3.– Cet opérateur est cependant multiple et difficile à cerner en termes de loi de finances, tant dans ses ressources que ses effectifs.

Le CNASEA est un centre payeur dans la mise en œuvre de différentes politiques publiques. Ainsi est-il à la fois opérateur principal de la mission Agriculture, pêche forêts et affaires rurales (pour le programme Gestion durable de l’agriculture, de la pêche et du développement rural) et de la mission Travail et emploi (pour le programme Accès et Retour à l’emploi). Il est également opérateur à titre accessoire au titre du programme Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi au sein de la mission Travail et Emploi.

Dès lors, il est question du CNASEA dans les PAP et RAP correspondant, de même que dans l’annexe générale « jaune » au projet de loi de finances consacrée aux opérateurs. Cependant, il est difficile de circonscrire son action et de déterminer par exemple les ressources mobilisées sur chacun des programmes et missions. Pour ce qui est du détail des effectifs, si « les emplois du CNASEA figurent dans le programme Gestion durable de l’agriculture, de la pêche et développement durable de la mission Agriculture » (57), et non au niveau du programme Accès et retour à l’emploi, on peut se poser la question de cet arbitrage compte tenu de l’importante activité du CNASEA dans le domaine de l’emploi et de la formation professionnelle par rapport à son activité première agricole. Dans le RAP Agriculture, pêche, forêts et affaires rurales, on apprend ainsi que sur les 1 918 ETP (réalisation 2007), 997 étaient mobilisés pour la mission Travail et Emploi contre 717 pour la mission Agriculture, forêts et affaires rurales. On peut souligner au-delà de la répartition que les chiffres se rapportant à l’exécution 2007 diffèrent en matière d’ETP dans le RAP Travail et Emploi, qui recense simplement un total 1 714 ETP, à rapprocher du chiffre donné par le ministère de l’Agriculture. Il semble par ailleurs que la justification des dépenses dans le cadre de chacune des deux activités soit meilleure dans le RAP Agriculture, pêche forêts et affaires rurales.

Il est donc question du CNASEA dans différents RAP en fonction de ces tutelles et celles-ci sont nombreuses. Il dépend bien du ministère de l’Agriculture, mais également du ministère chargé de l’emploi et de la formation professionnelle selon le RAP Agriculture, pêche forêts et affaires rurales. Il dépend enfin, comme tous les opérateurs, d’une tutelle du ministère du Budget. Au-delà de cette large co-tutelle interministérielle, le CNASEA est lié à différents donneurs d’ordre.

Le CNASEA entretient des relations financières diverses avec ses donneurs d’ordre. Ainsi, son mode de financement n’obéit pas aux mêmes règles selon le partenaire. Les collectivités territoriales seraient meilleures en la matière que l’État. Au sein de l’État, le ministère en charge de l’emploi serait plus juste que le ministère de l’Agriculture. C’est ce dont témoignait le rapport d'information (n° 276) présenté en avril 2004 par M. Joël Bourdin au nom de la commission des Finances du Sénat sur le rapport de la Cour des comptes relatif au CNASEA. Le ministère de l’Agriculture verse une subvention calculée sur une base forfaitaire sans aucune évaluation des coûts réels des prestations servies par le CNASEA, ce qui conduit à une sous-budgétisation. Pour le ministère en charge de l’emploi, le calcul se fait sur une base prévisionnelle du volume d’activité, à savoir le nombre de dossiers par dispositifs que le CNASEA serait amené à gérer. À partir de ce dispositif et d’un ratio correspondant au nombre de dossiers gérés par agent, est enfin évalué le nombre d’ETP. L’évaluation de la dépense est donc plus sincère. Enfin, pour les collectivités territoriales, donneurs d’ordres importants, la facturation représente le coût complet des prestations. Ce constat, daté de 2004, est toujours valable.

1 () À l’exception, compte tenu des échéances électorales, de l’année 2007.

2 () À l’automne prochain, la Cour des comptes remettra à votre commission des Finances les conclusions d’une enquête relative aux systèmes d’information financière de l’État, qui pourra servir de base à une prochaine mission d’évaluation et de contrôle (MEC).

3 () Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard, « Du débat parlementaire aux services déconcentrés de l’État : les conditions de réussite de la LOLF », Rapport d’information n° 3165, juin 2006.

4 () CIAP, Rapport d’activité, Quatrième cycle d’audits (septembre 2006 – juin 2007), novembre 2007, p. 56.

5 () Voir le tableau « Évolution de la cartographie des BOP entre 2007 et 2008 » figurant en annexe au présent rapport.

6 () DRAF : direction régionale de l’Agriculture et de la forêt ; DDAF : direction départementale de l’Agriculture et de la forêt ; DDEA : direction départementale de l’Équipement et de l’agriculture (expérimentation de la fusion des DDAF et des direction départementales de l’Équipement) ; DDSV : direction départementale des Services vétérinaires.

7 () Sur ce dernier point, voir également infra, B, 2.

8 () Cour des comptes, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État pour l’année 2007, mai 2008, p. 106.

9 () Sur cette question, voir infra, B, 2.

10 () Les crédits des BOP centraux sont délégués selon deux procédures : une partie des crédits est déléguée aux BOP régionaux au moyen d’une délégation d’autorisation de programme globale (DAPG) ; l’autre partie est déléguée aux UO au moyen d’une notification d’autorisation de programme affectée (NAPA), sans passer par les BOP régionaux.

11 () Depuis 2008, le programme Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables (mission Écologie, développement et aménagement durables) regroupe les crédits des anciens programmes Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable (mission Écologie et développement durable) et Soutien et pilotage des politiques de l’équipement (mission Transports).

12 () Circulaires budgétaires du 28 juillet 2006 et du 6 août 2007. La préparation de la mise en place de la gestion 2008 a néanmoins pâti des retards entraînés par les élections de 2007, du fait notamment des modifications de la maquette budgétaire.

13 () Selon le décret n° 2005-54 du 27 janvier 2005, chaque ministère doit établir la PBI au moins un mois avant le début de l’exercice et le visa doit être délivré au plus tard le 15 janvier. En l’absence de production du document de PBI ou en cas de document incomplet, et si le contrôleur financier estime qu’il ne sera pas en mesure d’apposer son visa avant le 15 janvier, il saisit avant le 10 janvier le ministre du Budget en vue de l’approbation de la PBI.

14 () La circulaire budgétaire du 28 juillet 2006 précise en effet : « si nécessaire, le BOP ajusté en fonction des crédits de la LFI sera présenté à l’autorité chargée du contrôle financier dans les toutes premières semaines de la gestion et au plus tard lors de la transmission du premier compte intermédiaire de gestion. Le BOP ainsi ajusté ne donnera pas lieu à un nouvel avis ».

15 () La préfecture de la région Île-de-France a par exemple indiqué à la Mission que, d’une manière générale, le calendrier normal d’élaboration des BOP n’était pas respecté. Ainsi, « peu de services disposent avant le dernier trimestre de l’année n-1 d’éléments de cadrage suffisamment précis leur permettant de préparer leur BOP, de le présenter au préfet pour permettre un examen en CAR (Comité de l’administration régionale) ou en pré-CAR et un avis motivé avant le début de l’exercice budgétaire. La validation des BOP par le responsable de programme intervient le plus souvent au cours du premier trimestre. Début mars [2008], au moins deux BOP de la Direction régionale de l’équipement (BOP Développement et amélioration de l’offre de logement et BOP Aménagement, urbanisme et ingénierie publique) n’avaient pas été validés, même si des informations partielles avaient été envoyées au service ».

16 () Sur le rôle du préfet, ainsi que sur l’association de l’échelon départemental, voir infra, 3.

17 () Sur ce dernier point, voir infra, B, 1.

18 () Jean-Pierre Duprat et Marc Simmony, « Les budgets opérationnels de programme », Revue française de finances publiques, février 2006, n° 93, p. 139. Les services déconcentrés ont la qualité d’ordonnateurs secondaires délégués, ce qui peut être interprété comme une concession de la logique verticale de la LOLF à la logique horizontale de l’organisation territoriale française (comme cela est par exemple démontré par Stéphane Thébault, L’ordonnateur en droit public financier, LGDJ, 2007).

19 () Sur le « fléchage » des crédits, voir infra, B, 2.

20 () PASER : projet d’action stratégique de l’État en région ; CPER : contrat de projets État-région.

21 () Bien entendu, la déclinaison pluriannuelle des plafonds de dépenses (fixés par missions) au niveau des programmes et a fortiori des BOP ne saurait être ni trop détaillée, ni entièrement figée. Conformément à l’esprit des propositions de MM. Alain Lambert et Didier Migaud, il s’agirait plutôt de « tracer des lignes directrices qui donnent de la visibilité (par exemple, sur une modification progressive du poids relatif des actions composant le programme, ou sur un rééquilibrage géographique progressif des dotations au niveau des BOP), et non d’établir la programmation précise des activités de chaque BOP sur trois ans » (La mise en œuvre de la LOLF. À l’épreuve de la pratique, insuffler une nouvelle dynamique à la réforme, Rapport au Gouvernement, octobre 2006, p. 27).

22 () Voir supra, 1.

23 () Voir en annexe au présent rapport la synthèse des projets de réforme de l’organisation territoriale de l’État arrêtés par le Conseil de modernisation des politiques publiques du 12 novembre 2007. Ces orientations ont récemment été affirmées par une circulaire du Premier ministre du 7 juillet 2008 adressée aux préfets.

24 () Sur la question des BOP centraux, voir également supra, 1.

25 () Les autres actes sont soit dispensés d’intervention du contrôleur financier, soit soumis à avis préalable (par exemple un projet tendant à diminuer les crédits de personnel) ou à avis motivé (par exemple une demande de crédits additionnels). À la différence du visa, ces avis ne lient pas le gestionnaire, qui doit seulement informer par écrit le contrôleur des motifs présidant à sa décision de ne pas s’y conformer.

26 () L’insoutenabilité « absolue », qui appelle obligatoirement l’émission d’un avis défavorable, peut correspondre à deux situations distinctes : le ressources en CP du BOP ne permettent pas de couvrir les charges à payer appréciées au 31 décembre de l’année n-1 ; le contrôleur financier n’est pas en mesure d’apprécier la soutenabilité en raison du refus définitif du responsable de programme d’apporter des éléments d’appréciation indispensables en sa possession.

27 ()  Sur ce point, voir infra, 4.

28 () Sur la performance, voir également infra, 5.

29 () DRIRE : direction régionale de l’Industrie, de la recherche et de l’environnement.

30 () Alexandre Siné et Isabelle Veillet, « La performance : un outil et une démarche indispensables au pilotage des politiques publiques », Regards sur l’actualité, novembre 2007, n° 335, p. 34.

31 () Sur ce point, voir également supra, A, 3.

32 () L’article 51 de la LOLF tel que modifié par la loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005 dispose que le projet de loi de finances de l’année comporte « une présentation des mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement, indiquant en particulier, pour les programmes dotés de crédits limitatifs, le taux de mise en réserve prévu pour les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel et celui prévu pour les crédits ouverts sur les autres titres ».

33 () Alain Lambert et Didier Migaud, La mise en œuvre de la LOLF. À l’épreuve de la pratique, insuffler une nouvelle dynamique à la réforme, Rapport au Gouvernement, octobre 2006, p. 18.

34 () DAF : direction des Affaires financières ; DRH : direction des Ressources humaines.

35 () Dans le même sens, voir le rapport d’information de M. Yann Gaillard, « Les DRAC et la LOLF : une administration en devenir », Sénat, 2007-2008, n° 386, p. 24-25. Il convient d’ajouter qu’en 2007 le fléchage a été d’autant plus fort dans le domaine de la politique patrimoniale qu’une partie des moyens mis en œuvre était issue de l’affectation, supprimée en 2008, d’une fraction du produit des droits de mutation à titre onéreux au bénéfice du Centre des monuments nationaux.

36 () Voir en ce sens le tome 2 du rapport du Gouvernement sur l’évolution nationale de l’économie et sur les orientations des finances publiques, juillet 2008, p. 6.

37 () M. Gilles Carrez, Rapport sur le projet de loi de règlement du budget de 2007, n° 1004, juin 2008, p. 36. Les assouplissements auxquels il est fait référence sont ceux introduits par la circulaire budgétaire du 31 août 2007 sur les modalités de mise en œuvre de la fongibilité asymétrique pour la gestion 2007, qui simplifie les modalités d’examen pour avis préalable des contrôleurs financiers (le contrôleur en région étant désormais compétent à l’égard des demandes de fongibilité asymétrique portant sur des crédits gérés localement) et en supprimant le double accord responsable de programme / directeur des affaires financières qu’imposait, pour 2006, la circulaire budgétaire du 9 août 2006.

38 () Voir par exemple, en ce sens, Yves Chevalier, « LOLF et fonction publique : GRH, performance et management », Revue française de finances publiques, 2007, n° 97, p. 99-111.

39 () Cour des comptes, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État pour l’année 2007, mai 2008, p. 112-113.

40 () Le « palier LOLF » désigne un ensemble d’applications qui, dans l’attente du déploiement du progiciel Chorus, permettent d’exécuter des dépenses aux niveaux central (ACCORD) et local (NDL), de tenir les comptabilités budgétaires (NDC) et générale (CGL) de l’État et de restituer les informations correspondantes (infocentre INDIA).

41 () ORCHIDEE : Outil de recensement des charges et produits inventaire de l’État.

42 () ARPEGE : Application relative à la programmation, la gestion et à l’exécution des BOP.

43 () OEDIPE : Outil d’évaluation et d’information sur la performance et les engagements.

44 () Il faut souligner par ailleurs que la question de la performance est intrinsèquement liée au développement, évoqué supra, du contrôle de gestion. À l’heure actuelle, en effet, « le dispositif de suivi disponible ne permet pas encore d’estimer si le fait qu’un objectif n’a pas été atteint résulte d’une défaillance dans la fixation de la cible, d’un effet de conjoncture, de l’insuffisance des moyens mis en place, de l’absence d’une stratégie bien établie ou d’une gestion défectueuse » (Emmanuel Belluteau, « Une première évaluation par la Cour des comptes de la démarche de performance », Revue française de finances publiques, 2007, n° 99, p. 185).

45 () À titre d’exemple, le responsable du programme Patrimoines, M. Michel Clément, a ainsi expliqué à la Mission que « si les objectifs de performance et les indicateurs associés portent tous sur des sujets majeurs du programme Patrimoines (conservation et protection, accès à la culture, sources d’enrichissement des patrimoines), force est de constater que le suivi du volet performance et celui du volet budgétaire s’effectuent encore de façon dissociée. L’analyse des résultats de performance n’est actuellement pas prise en compte au moment des négociations budgétaires. La seule interaction envisagée actuellement par la Direction du Budget est un éventuel ajustement des valeurs prévisionnelles et cibles des indicateurs suite aux décisions prises en matière budgétaire ».

46 () OCDE, « La budgétisation axée sur la performance dans les pays de l’OCDE », 2007.

47 () Rapport général n° 78 (2006-2007) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2006.

48 () Un État réorganisé et allégé.

49 () À l’exception, depuis la loi de finances pour 2008, de la prise en compte dans la norme de dépense des nouvelles affectations de recettes à des opérateurs (voir infra).

50 () Nouveau nom du programme à la suite de la modification de la maquette budgétaire.

51 () Voir également supra, I, B, 3.

52 () Contrats d’agriculture durable – contrats territoriaux d’exploitation.

53 () Prime d’orientation agricole.

54 () La liste précise des ODAC pouvant s’endetter est cependant inconnue aujourd'hui des services du ministère du Budget.

55 () Encore que, ainsi qu’on la vu (voir supra, I, B, 5), cette déclinaison au niveau opérationnel naille pas toujours de soi.

56 () http://www.performance-publique.gouv.fr

57 () Annexe « jaune » sur les opérateurs (2008).


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