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N° 1242

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 novembre 2008.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

sur l’influence européenne au sein du système international

et présenté par

Mme Nicole AMELINE

Députée

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INTRODUCTION 5

I – AU SEIN D’UN SYSTÈME INTERNATIONAL EN AFFAIBLISSEMENT CHRONIQUE, L’EUROPE DOIT PASSER DE LA PRÉSENCE À LA PUISSANCE 7

A − SYSTÈME INTERNATIONAL : LA FIN D’UNE ÉPOQUE, UN NOUVEAU LOGICIEL À INVENTER 7

1) Un système né des guerres mondiales, conçu avec la contribution essentielle de l’Europe et de la France 7

a) Des idéaux fondateurs aux réalisations de l’ONU 7

b) D’actives organisations internationales spécialisées 12

2) Les signes d’un affaiblissement chronique 14

a) La mosaïque onusienne confrontée au risque de l’éparpillement 14

b) Les institutions spécialisées exposées au risque de l’inefficacité 16

3) La montée des systèmes alternatifs et des nouvelles stratégies nationalistes 20

a) De nouveaux acteurs globaux : Brésil, Russie, Inde, Chine 20

b) Organisations nouvelles et systèmes alternatifs 21

B − L’EUROPE DE LA PRÉSENCE À LA PUISSANCE : UNE RÉALITÉ CONTRASTÉE 23

1) La représentation européenne au sein des organisations internationales : le poids du nombre 24

a) Une légitimité incontestée 24

b) Une Union surreprésentée ? 29

c) Une Union mal acceptée car complexe et autocentrée 37

2) Vu de Bruxelles : le miroir grossissant d’une intégration communautaire inaboutie et d’une absence de leadership 41

a) La difficulté inhérente à la représentation extérieure de l’UE 41

b) Un révélateur des faiblesses internes de l’Union et d’un manque de coordination 43

3) Le point de vue français : l’arbitrage entre le particulier et le collectif 50

a) Le complexe de la grandeur 50

b) L’Europe comme relais de puissance 53

II – DE L’EUROPE RÉGLEMENTAIRE À L’EUROPE RÉGULATRICE : L’EUROPE, NOUVELLE PUISSANCE D’ÉQUILIBRE 57

A – DE L’EUROPE RÉGLEMENTAIRE À L’EUROPE RÉGULATRICE 57

1) L’apport multiple de la présidence française de l’Union européenne 57

a) Le choix de l’agenda : la préfiguration d’une doctrine européenne 58

b) L’affirmation de la présidence 59

c) L’Union pour la Méditerranée, un changement de paradigme 61

d) L’élaboration d’une perspective européenne à l’Est du continent 63

2) L’acuité révélatrice de la crise : le sursaut européen 65

a) La crise géorgienne porte en germe la redéfinition des rapports Est-Ouest 65

b) La crise financière marque le retour des États dans le financement de l’économie mondiale 67

c) Les enseignements des crises sont largement partagés 69

3) Les évolutions institutionnelles et politiques attendues : pour une stratégie européenne d’influence dans les enceintes internationales 70

a) Comment faire vivre et fructifier les institutions du Traité de Lisbonne ? 70

b) Quelle attitude adopter dans les organisations internationales existantes ? 73

B – L’EUROPE, NOUVELLE PUISSANCE D’ÉQUILIBRE 74

1) Une Europe politique 75

a) Pour une nouvelle classe politique européenne 75

b) Pour une nouvelle réflexion stratégique européenne 76

c) Pour une nouvelle classe de fonctionnaires européens 77

d) Pour une Europe subsidiaire recentrée sur l’essentiel et qui se consacre davantage au monde 77

2) Une Europe globale, ouverte sur le monde 78

a) L’Europe globale à concrétiser 79

b) L’Europe des partenariats à repenser 80

3) Les principes de la refondation du système international : pour une éthique de la mondialisation 82

a) La promotion d’idées et de normes 82

b) La responsabilité de nouveaux enjeux globaux 84

CONCLUSION 87

EXAMEN EN COMMISSION 89

ANNEXE : AUDITIONS DE LA RAPPORTEURE 95

“ Les princes sages ne doivent pas seulement

avoir l’œil sur les désordres présents

mais aussi sur ceux qui adviendront. ”

Le Prince, chapitre III.

Mesdames, Messieurs,

Au cours d’une récente conversation, à propos du présent rapport, avec le directeur du cabinet du ministère des Affaires étrangères et européennes, votre Rapporteure a entendu M. Philippe Étienne lui faire la remarque que ce document devrait paraître « entre un Sommet européen et un Sommet mondial », entre la réunion des 27 chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne sur la crise financière à la mi-octobre et la réunion du G20, à la mi-novembre, consacrée à la refondation du système financier international, à l’instigation des Européens − et de la présidence française au premier chef.

Quel signe plus éloquent de la réalité de cette intuition longuement mûrie, et soudainement projetée au premier plan de l’actualité : l’Europe a la capacité de refonder le système international ? Il y va sans doute de la pérennité d’un multilatéralisme essoufflé, concurrencé et critiqué − cela, chacun le perçoit aujourd’hui, à la lumière crue des crises actuelles. Les pages qui suivent retracent ce déclin, sans minorer toutefois les apports précieux du système multilatéral au monde issu de la dernière guerre.

Moins nombreux peut-être sont ceux qui pressentent qu’il y va également de la survie de l’Europe en tant qu’entité crédible sur la scène mondiale. Il est crucial aujourd’hui que cette prise de conscience advienne parmi les Européens. L’alternative est simple : leur avenir est dans une refondation du monde… ou dans la marginalisation. En convaincre le plus grand nombre, telle est l’ambition de ce rapport.

Lorsque la commission des Affaires étrangères a confié à votre Rapporteure une mission d’information sur la présence et l’influence de l’Union européenne dans les organisations internationales, au printemps dernier, la difficulté à faire partager ce sentiment d’urgence sur la nécessité, pour l’Europe, de développer et de promouvoir sa propre vision politique de la mondialisation, avait conduit au choix d’un thème précis, assez peu exploré, mêlant des éléments juridiques et techniques. C’était surtout un thème aux formidables prolongements culturels et politiques ; un thème d’une grande profondeur historique.

Les défis nouveaux qui se sont présentés à l’Union européenne sous présidence française ont permis à votre Rapporteure de resituer sa réflexion dans la dimension historique qui convenait à son sujet. La crise financière et bancaire que nous vivons n’est pas seulement celle des soubresauts boursiers ou des flux erratiques de capitaux d’une place de marché à l’autre ; elle est une crise des cadres de référence.

À Washington et à New York, à Genève et à Bruxelles, à Paris enfin, votre Rapporteure a beaucoup écouté, « testé » ses intuitions, affiné sa perception des enjeux. Que tous ceux qui l’ont aidée à nourrir sa réflexion et à l’éclairer par leur pratique des relations internationales et leur connaissance des organisations qui structurent le système multilatéral actuel, trouvent ici l’expression de sa profonde reconnaissance. Ces remerciements s’adressent tout particulièrement à notre réseau diplomatique, dont votre Rapporteure aura, une nouvelle fois, pu mesurer la compétence et la réactivité. Le caractère exemplaire, visionnaire, de la présidence française de l’Union européenne, en ce second semestre de 2008, en est aussi l’illustration.

De la fin d’un système international conçu « pour éviter la dernière guerre » à sa Renaissance sous l’impulsion de l’Europe, le présent rapport entend tracer une perspective historique qui se prolonge bien au-delà des crises du moment pour lancer un vibrant appel aux Européens, à qui il appartient de donner à l’Union européenne toute sa place dans le monde.

I – AU SEIN D’UN SYSTÈME INTERNATIONAL EN AFFAIBLISSEMENT CHRONIQUE, L’EUROPE DOIT PASSER DE LA PRÉSENCE À LA PUISSANCE

La crise actuelle, financière d’abord mais dont les répercussions sont nombreuses, n’est pas la cause mais la conséquence de l’effondrement du système international. Pour paraphraser Hubert Beuve-Méry décrivant le passage en France de la IVe à la Ve République, on serait tenté de dire que « le système international meurt moins des coups qui lui sont portés que de son inaptitude à vivre ».

Cette crise nous invite par conséquent à regarder le XXe siècle comme l’âge révolu des organisations internationales, avant de penser le XXIe sur des fondements nouveaux, à la définition desquels l’Europe doit prendre toute sa part… en surmontant pour ce faire ses difficultés propres.

A − Système international : la fin d’une époque, un nouveau logiciel à inventer

Né de deux guerres mondiales et empreint d’un humanisme tout européen, le système international actuel a connu de brillants développements mais se trouve aujourd’hui à bout se souffle, engoncé dans de lourdes procédures, alourdi par la profusion d’organes concurrents, et concurrencé par de nouveaux acteurs.

1) Un système né des guerres mondiales, conçu avec la contribution essentielle de l’Europe et de la France

a) Des idéaux fondateurs aux réalisations de l’ONU

• Déjà, dans la courte période de l’entre-deux-guerres, l’Europe et le monde ont paru renoncer à la menace et à la force pour privilégier un règlement négocié et pacifique des différends internationaux. En témoigne, parmi d’autres réalisations moins célèbres, le plan en quatorze points du Président des États-Unis Thomas Woodrow Wilson, proposé alors que les hostilités sont loin d’être terminées, le 8 janvier 1918, le dernier point du plan consistant à créer une Société des Nations.

Au sortir de la Grande guerre, les années 1925 à 1929 peuvent être considérées comme l’âge d’or de la sécurité collective incarnée par la SDN − ou, pour reprendre la formule de ses opposants, l’âge d’or de la « pactomanie ». C’est l’époque où Aristide Briand peut s’exclamer, lyrique, à l’occasion de l’obtention par l’Allemagne d’un siège permanent au Conseil de la SDN : « Arrière les canons, les mitrailleuses, les voiles de deuil ; place à l’arbitrage, à la conciliation, à la paix ! » Le Pacte de renonciation générale à la guerre fait figure de point d’orgue de cette période.

Moins connue que la SDN mais tout aussi symbolique − et combien plus durable − est la création, en marge du Traité de Versailles, en 1919, de l’Organisation internationale du travail (OIT). Cette création a constitué la réponse de la communauté internationale à un certain nombre de préoccupations sur le plan sécuritaire, humanitaire, politique et économique. Ainsi, selon les termes du préambule de la Constitution de l’OIT, les Hautes Parties contractantes étaient « mues par des sentiments de justice et d’humanité, aussi bien que par le désir d’assurer une paix mondiale durable… ». Le premier directeur du secrétariat permanent de l’OIT, le Bureau international du travail, qui exerça ces fonctions jusqu’à sa mort, le 7 mai 1932, était un député français, Albert Thomas, réélu en 1919 au siège qu’occupait Jean Jaurès.

• C’est un autre après-guerre qui favorise la naissance de l’ordre international structuré autour du « système des Nations unies », tel qu’il s’est développé jusqu’à aujourd’hui pour devenir l’arborescence que nous connaissons (1). Rien mieux que le préambule de la Charte des Nations unies signée à San Francisco le 26 juin 1945, ne peut exprimer l’idéal associé à la création de l’ONU :

PRÉAMBULE DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES

« Nous, peuples des Nations unies,

Résolus

− à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances,

− à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites,

− à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international,

− à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,

Et à ces fins

− à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage,

− à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales,

− à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun,

− à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples,

Avons décidé d’associer nos efforts pour réaliser ces desseins

− En conséquence, nos gouvernements respectifs, par l’intermédiaire de leurs représentants, réunis en la ville de San Francisco, et munis de pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont adopté la présente Charte des Nations Unies et établissent par les présentes une organisation internationale qui prendra le nom de Nations Unies. »

Ainsi, comme le soulignent les auteurs du rapport du groupe de haut niveau sur la cohérence de l’action du système des Nations unies (2), il y a 60 ans, pour relever les défis de leur temps, les dirigeants du monde ont créé de nouvelles institutions multilatérales – outre l’ONU, les institutions spécialisées que sont en particulier le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, dites Institutions de Bretton Woods –, pour faire la preuve que la coopération internationale était la meilleure façon de surmonter les problèmes qui se posaient au lendemain de la guerre. Les concepteurs de ces institutions ont non seulement édifié pour leur temps et leur génération tout un ensemble de règles nouvelles gouvernant le système international, mais encore aussi formulé une nouvelle mission d’intérêt public fondée sur de nobles idéaux.

• En dépit des profondes divisions qui ont marqué la communauté internationale par le passé, en particulier durant la guerre froide, les Nations unies ont réussi à résoudre des conflits ou aidé à créer les conditions d’une paix durable. Toujours en cours, comme le montre le tableau suivant, la première opération de maintien de la paix a été lancée en mai 1948. Le nombre total des opérations de maintien de la paix de l’ONU s’élève à 63, ce qui a donné la possibilité aux habitants de plus de 45 pays de participer à des élections libres et équitables et a permis de désarmer plus de 400 000 combattants rien qu’au cours des dix dernières années. On compte actuellement plus de 100 000 militaires et civils engagés dans des opérations de maintien de la paix de l’ONU dans le monde entier :

Au fil du temps, le maintien de la paix par l’ONU a évolué pour répondre aux besoins des différents conflits et aux changements apportés dans les paysages politiques. Il a démontré qu’il représentait un instrument international efficace et peu onéreux pour restaurer la paix dans les circonstances qui surviennent après les conflits. Le maintien de la paix de l’ONU ne se limite plus aujourd’hui à des opérations militaires et comprend de nombreuses autres tâches complexes de tous ordres : les Casques bleus sont maintenant administrateurs et économistes, policiers et experts juridiques, démineurs et observateurs d’élections, surveillants des droits de l’homme et spécialistes des affaires civiles, de la discrimination envers les femmes et de gouvernance; ils sont aussi travailleurs humanitaires, experts en communication et en information au public.

L’essentiel des troupes est mis à disposition par des pays « du Sud », mais comme le montre le graphique suivant, sur le plan budgétaire, ceux « du Nord », et parmi eux les Européens, prennent leur part du fardeau :

Source : ONU.

L’ONU et son système sont également parvenus à établir une série de normes et d’objectifs de développement internationalement reconnus et ont su donner une impulsion intellectuelle aux actions menées dans des domaines divers. Ainsi, le Rapport sur le développement humain, lancé au début des années 1990, a joué un rôle moteur dans l’élaboration du concept de développement durable, et a placé le bien-être et la dignité des personnes au cœur du programme pour le développement. Lors du Sommet du millénaire des Nations unies, en 2000, 191 États membres, dont 147 représentés par leur chef d’État et de gouvernement, ont adopté la Déclaration du millénaire. Jamais auparavant pays riches et pays pauvres ne s’étaient ralliés à l’unisson à de tels engagements concrets. Jamais auparavant non plus les Nations unies, la Banque mondiale, le FMI et tous les éléments qui constituent le système international ne s’étaient rassemblés autour de la même série d’engagements en faveur du développement. Les Nations unies peuvent rapprocher les parties prenantes, grâce à la légitimité unique que leur confère leur composition universelle et à leurs rôles divers en matière de définition des normes, d’appui institutionnel et matériel et de protecteur.

b) D’actives organisations internationales spécialisées

• Parmi les organisations considérées comme « apparentées » au système des Nations unies, votre Rapporteure veut mentionner l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Au cours de ces 50 dernières années, le commerce mondial a connu une croissance exceptionnelle. Les exportations de marchandises ont augmenté de 6 % par an en moyenne. Le total des échanges en 2000 était 22 fois supérieur au niveau atteint en 1950. Le GATT (3) et l’OMC − qui lui a succédé en 1995 − ont donc contribué à créer un système commercial solide et prospère, favorisant une croissance sans précédent.

Les cycles successifs de négociations commerciales organisées sous les auspices du GATT ont d’abord essentiellement porté sur l’abaissement des droits de douane, puis les négociations se sont élargies à d’autres domaines tels que les mesures antidumping et les mesures non tarifaires, jusqu’à l’achèvement en 1994 du « Cycle d’Uruguay ». Les négociations se sont alors poursuivies sous l’égide de l’OMC dans certains domaines particuliers : services de télécommunication, commerce en franchise des produits de la technologie de l’information, services financiers. De nouvelles négociations sur l’agriculture et les services ont été engagées en 2000, intégrées dans un programme de travail élargi, le Programme de Doha pour le développement, adopté à la quatrième Conférence ministérielle de l’OMC, tenue en novembre 2001. Ce programme prévoit en outre des négociations et d’autres activités concernant les droits de douane applicables aux produits autres qu’agricoles, le commerce et l’environnement, les règles de l’OMC dans des domaines comme les mesures antidumping et les subventions, l’investissement, la politique de la concurrence, la facilitation des échanges, la transparence des marchés publics et la propriété intellectuelle, et diverses questions soulevées par les pays en développement, relatives aux difficultés qu’ils rencontrent pour mettre en œuvre les accords actuels de l’OMC.

Que l’OMC compte aujourd’hui quelque 153 membres qui représentent plus de 97 % du commerce mondial, une trentaine d’autres pays négociant actuellement leur accession à l’Organisation, démontre assez, en plus de l’existence d’un mécanisme original et particulièrement égalitaire de règlement des différends commerciaux, le succès global du système.

• Le déploiement de l’activité des institutions de Bretton Woods, FMI et Banque mondiale, a lui aussi été remarquable depuis juin 1944 dans la gestion des marchés des changes, le rééquilibrage des flux financiers internationaux ou le financement du développement.

Les participants à la conférence de Bretton Woods avaient pour ambition d’établir un cadre de coopération et de développement économiques qui jetterait les bases d’une économie mondiale plus stable et plus prospère. Bien que cet objectif demeure fondamental pour les deux institutions, leurs activités ont évolué en réponse à la mutation et aux nouveaux enjeux de l’économie mondiale.

Le FMI a ainsi œuvré en faveur de la coopération monétaire internationale et fourni aux pays des conseils de politique économique et une assistance technique pour les aider à bâtir et à maintenir des économies robustes. Il leur a également consenti des prêts − et continue à le faire − et les a guidés dans l’élaboration de programmes d’action en vue de résoudre leurs problèmes de balance des paiements, face à l’impossibilité d’obtenir des financements suffisants à des conditions abordables pour régler leurs paiements internationaux. Les prêts accordés par le FMI sont assortis d’échéances relativement courtes, et sont financés essentiellement sur les ressources issues des souscriptions de quotes-parts des membres.

La Banque mondiale a tendu et tend encore à favoriser le développement économique à long terme et la réduction de la pauvreté en accordant aux pays des concours techniques et financiers pour les aider à conduire des réformes sectorielles ou à réaliser des projets spécifiques − construction d’écoles et de centres sanitaires, alimentation en eau et en électricité, lutte contre les maladies, protection de l’environnement par exemple. L’aide qu’elle consent s’inscrit généralement dans la durée; elle est financée à la fois par les contributions des pays membres et par l’émission d’obligations.

Le FMI et la Banque mondiale se sont rapprochés au fil du temps ; ils collaborent régulièrement et sur de nombreux plans dans le cadre de l’aide aux pays membres et ont lancé en commun plusieurs initiatives. Les conditions régissant leur coopération ont été définies dans un « concordat » en 1989, afin d’assurer une coopération efficace dans les domaines où leurs responsabilités se recoupent. Il est fréquent aussi que les deux institutions organisent des missions parallèles dans les pays ; les services des deux institutions coopèrent également en ce qui concerne la conditionnalité associée à leurs programmes de prêts respectifs.

Comme l’observait naguère M. Pierre Duquesne (4), alors administrateur pour la France auprès des deux institutions, les statuts de 1944 se sont révélés particulièrement flexibles : né sous le régime des changes fixes, le FMI s’est adapté aux changes flexibles. Quant à la Banque mondiale, « sa vie a été rythmée depuis 60 ans par des changements “doctrinaux” à peu près à chaque décennie ».

• Enfin, votre Rapporteure tient à souligner, pour clore ce bref rappel historique, le rôle croissant joué par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et de ses 26 États membres d’Amérique du Nord et d’Europe dans la gestion des crises et le maintien de la paix, après avoir tout au long de la Guerre froide incarné la notion de sécurité collective en application du Traité signé le 4 avril 1949. Aux termes de ce traité, l’OTAN a pour rôle fondamental de sauvegarder la liberté et la sécurité de ses pays membres par des moyens politiques et militaires. Ses réussites ne peuvent qu’être saluées.

Le présent rapport n’est naturellement pas le lieu d’une fresque historique exhaustive du système international né des deux guerres mondiales du siècle dernier. Les quelques lignes qui précèdent suffisent cependant à évoquer l’efficacité démontrée de ces coopérations entre peuples et entre États, en demeurant volontairement à l’échelle planétaire − donc sans évoquer l’aventure de la construction européenne, puisqu’il s’agit justement d’explorer ici comment l’Union européenne s’insère dans ce système.

Ainsi, que le regard se tourne vers l’implication du Conseil de sécurité de l’ONU dans la gestion des conflits, vers la construction d’un ordre humanitaire à l’échelle mondiale, vers l’ouverture et la réglementation des échanges promus par l’OMC, ou encore vers la protection stratégique de l’OTAN, se sont affirmés les principes constitutifs du système international : un système de gouvernance universelle axé sur la paix, la légitimité des États, la prévention des conflits généralisés.

Pourtant, à bien des égards, il apparaît aujourd’hui que ce système s’essouffle et peine à correspondre aux enjeux du siècle qui s’ouvre : le système international est, en quelque sorte, parfaitement adapté… pour éviter la guerre précédente.

2) Les signes d’un affaiblissement chronique

a) La mosaïque onusienne confrontée au risque de l’éparpillement

• Comme il y a 60 ans, nous nous trouvons aujourd’hui dans un monde en mutation. Nous vivons à l’ère de la mondialisation et d’un changement général sans précédent de par son rythme, sa portée et son ampleur. Alors que l’interdépendance s’accroît à l’échelle de la planète, des inégalités sociales et économiques criantes subsistent. Certains des pays et des communautés les plus pauvres restent exclus de l’intégration économique et des bienfaits de la mondialisation, et sont extrêmement vulnérables aux crises et aux bouleversements sociaux. Nous avons pris davantage conscience de l’accélération de la dégradation de l’environnement et du changement climatique, et de leurs conséquences sur la production agricole et la sécurité alimentaire. Les conflits sont plus nombreux à l’intérieur des États qu’entre eux, et les dangers du terrorisme et des maladies infectieuses témoignent que les menaces sécuritaires ignorent les frontières.

La pauvreté, la dégradation de l’environnement et les retards pris en matière de développement exacerbent la fragilité et l’instabilité, et nous en pâtissons tous. Aujourd’hui, plus que jamais, s’attaquer au problème de l’inégalité – notamment en parvenant aux objectifs du millénaire pour le développement – est essentiel à la stabilité économique et à la sécurité mondiale. Face à une misère intolérable, nous sommes tenus par un impératif moral sans ambiguïté d’intervenir lorsque nous avons les connaissances, la capacité et les ressources voulues. Pourquoi le système international semble-t-il ne plus progresser en ce sens ?

• Comme l’analyse avec justesse le Groupe de haut niveau sur la cohérence de l’action du système des Nations unies dans son rapport précité, les raisons de la fragmentation et de l’affaiblissement dudit système « sont multiples et vont du manque d’adhésion aux messages contradictoires des États membres circulant entre les capitales et les représentants auprès de différents organes, en passant par la prolifération d’organisations, de mandats et de bureaux, à l’origine de la redondance des activités et de la langueur des efforts axés sur les résultats, les entités moribondes n’étant jamais dissoutes ». Même lorsque des mandats se recoupent, les entités du système tendent à agir chacune de son côté sans grande synergie ou coordination. Le schéma reproduit page 9 est l’illustration d’un ensemble qui compte aujourd’hui 17 institutions spécialisées et organisations apparentées, 14 fonds et programmes, 17 départements et bureaux du secrétariat, 5 commissions régionales, 5 instituts de recherche et de formation et une pléthore de structures régionales et nationales. À l’évidence, comme le souligne le rapport, « un tel manque de cohésion [du système] l’empêche d’être plus que la somme de ses éléments »

Ce constat vaut à l’échelle des pays d’intervention. Pour prendre l’exemple actuellement emblématique de l’Afghanistan, véritable test de l’engagement de la communauté internationale au service de la paix, de la démocratie, de la reconstruction et du développement, ce sont quelque dix-sept « entités onusiennes » qui interviennent… en plus du Représentant spécial du Secrétaire général de l’Organisation, naturellement. La mission d’information confiée par la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale à deux de ses membres, MM. Henri Plagnol et Jean Glavany, sur la situation dans ce pays et dans la région, permettra sans doute d’évoquer la question.

Au niveau régional également, des signes de fragmentation apparaissent. En effet, les bureaux régionaux des différents organismes sont éparpillés sur différents sites, et la définition des régions peut varier d’un organisme à un autre. Dans certaines d’entre elles, des institutions régionales ou sous-régionales solides existent déjà ou évoluent rapidement, tandis que d’autres se sont écartées de leurs mandats originaux. À l’échelle mondiale enfin, une plus grande synergie est également nécessaire : dans certains secteurs, comme l’eau et l’énergie, plus de vingt organismes interviennent et se disputent des ressources limitées sans être guidés par un cadre de collaboration précis. Plus d’une trentaine d’organismes et de programmes s’occupent de la gestion de l’environnement, et plusieurs organismes s’intéressent légitimement à certaines questions précises, comme celle des personnes déplacées, mais aucun n’est clairement doté des responsabilités principales. Las, la fusion d’organismes n’est pas toujours synonyme de meilleurs résultats…

En outre, le financement insuffisant et imprévisible du système contribue lui aussi à la dispersion, en même temps qu’il nuit à son caractère multilatéral. Le rapport du groupe de haut niveau note que « la croissance exponentielle des ressources extrabudgétaires par rapport aux ressources de base a encouragé l’adoption d’approches de l’aide axées sur l’offre plutôt que sur la demande, sapant ainsi le principe du contrôle national. L’absence de coordination entre les donateurs et la concurrence que se livrent les organismes pour obtenir des ressources autres que les ressources de base implique un gaspillage de temps et d’effort au profit des appels de fonds, et la capacité des Nations unies de prendre des décisions stratégiques à long terme dont les résultats seraient plus probants s’en trouve affaiblie. » Les Nations unies sont loin de disposer d’un mécanisme unifié de suivi du financement du développement qui permettrait de mesurer les résultats obtenus de manière transparente et systématique.

Si l’on ajoute à ce constat sévère les difficultés persistantes de réforme interne auxquelles continue de se heurter le Secrétaire général Ban Ki-Moon après l’insuccès rencontré par son prédécesseur Kofi Annan en dépit des efforts qu’il a déployés, tout concourt à justifier l’expression « Réformer l’ONU : mission impossible ? », titre d’une fine et lucide analyse de M. Jean-Marc Châtaigner, récemment publiée (5).

b) Les institutions spécialisées exposées au risque de l’inefficacité

• À l’OMC, les négociations apparaissent aujourd’hui enlisées. L’Europe en porte parfois la responsabilité médiatique, pour une défense jugée trop intransigeante de ses intérêts agricoles. Les torts sont en réalités également partagés entre Nord et Sud. Le problème est ailleurs, comme le fait valoir le rapport de M. Laurent Cohen-Tanugi sur l’Europe dans la mondialisation (6) : on peut incriminer tel ou tel pays ou groupe de pays, mais fondamentalement se pose la question de la nature de l’OMC actuelle.

Le rapport indique ainsi qu’initialement, l’OMC et son ancêtre le GATT étaient des instances de régulation des conflits commerciaux entre pays développés, essentiellement le Japon, les États-Unis et l’Europe. L’élargissement de l’OMC à quelque 150 membres, au cours des années 1990, a eu pour effet d’appliquer à des pays en développement, voire aux pays les moins avancés, des dispositions conventionnelles destinées à régir des relations entre pays développés : ouverture la plus large des économies, suppression des barrières, traitement national pour les entreprises étrangères… « L’application de ces dispositions de pays riches était inadaptée dans les pays pauvres. Les pays pauvres s’en sont aperçu et ont bloqué le cycle de négociations à Seattle. » Réorienté pour devenir, à Doha, le « cycle du développement », le processus a intégré de nombreuses concessions unilatérales en faveur des pays en développement. Mais cette réorientation a posé la question du traitement des pays émergents comme la Chine et de l’intérêt que pouvaient y trouver les pays occidentaux. Ainsi, selon le rapport, « entre organisation de régulation pour les pays développés, et organisation de développement au profit des émergents ou des exclus, l’OMC devra choisir sa voie ».

Ces incertitudes pesant sur le processus multilatéral semblent avoir conduit certains pays à adopter une stratégie alternative de relance de leurs accords bilatéraux. C’est le cas, notamment, des États-Unis, qui ce faisant obtiennent pour eux-mêmes des avantages qui ne sont pas mutualisés au sein de l’OMC et pénalisent les entreprises européennes, par exemple : un accord bilatéral avec la Thaïlande a ainsi ouvert il y a quelques années les secteurs assurantiels et bancaires aux investisseurs américains, assurant aux entreprises américaines 50 % du marché local. Au-delà des incertitudes propres à ce secteur à l’heure actuelle, il ne fait guère de doute que ce retour au bilatéralisme place l’Europe en porte-à-faux : assimilable à un « État fort » en matière commerciale, l’Union européenne a en ce domaine des intérêts offensifs directement concurrents de ceux des États-Unis. Il n’est donc pas surprenant que la Commission européenne se soit elle aussi orientée dans la voie de la relance des accords bilatéraux, en particulier avec les pays d’Asie, comme en témoigne le rapport Global Europe de M. Peter Mandelson, alors Commissaire européen au Commerce extérieur, paru en 2006.

• L’OIT se trouve quant à elle en butte à la détérioration croissante des principes et droits sociaux qu’elle promeut. Elle avait pourtant accompli un bel effort avec la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail adoptée le 18 juin 1998 par son organe plénier, la Conférence internationale du travail. La déclaration a posé pour les États membres l’obligation de respecter, promouvoir et réaliser, du seul fait de leur appartenance à l’Organisation et en l’absence de ratification des conventions pertinentes, les droits fondamentaux suivants : liberté d’association et reconnaissance effective du droit de négociation collective, élimination du travail forcé ou obligatoire, du travail des enfants, ainsi que de la discrimination en matière professionnelle. Cette déclaration se voulait une réponse aux défis soulevés par une mondialisation considérée jusqu’alors à travers le seul prisme économique, c’est-à-dire comme une libéralisation du commerce international, des investissements et des flux de capitaux. Dès les années 1990 pourtant, l’aspect inéquitable des retombées économiques de la mondialisation entre pays, voire entre régions, était devenu manifeste et, à la limite, intolérable pour certains observateurs de la scène internationale. Devant le rejet de l’idée d’une clause sociale par la toute nouvelle OMC à Singapour en 1996, et rappelée à sa propre mission institutionnelle, l’OIT se devait d’agir en faveur de la justice sociale, sous peine de subir une marginalisation progressive au sein du système international. Ainsi, la déclaration de 1998 visait à arrimer la croissance économique au progrès social en établissant un minimum de règles sociales universelles, applicables indépendamment de la volonté expresse des États pris individuellement, et inscrites dans le droit international.

La déclaration ne se limitait pas à l’énonciation de principes et de droits dans le cadre professionnel. Elle était accompagnée d’un mécanisme de suivi − à distinguer d’un mécanisme de contrôle proprement dit des obligations juridiques posées. Or il faut s’interroger sur l’adéquation aux défis de la mondialisation de la déclaration et de son suivi : le choix d’une telle forme de régulation pour l’établissement d’un programme aussi ambitieux que celui d’un « socle social minimal universel » était-il vraiment judicieux ? Des critiques sont ainsi formulées à l’encontre de la démarche de l’OIT, qui s’interrogent, pour l’essentiel, sur l’efficacité de la déclaration elle-même. Certes, il y avait un réel courage à emprunter la voie du droit et non celle de la soft law, ce « droit mou » qu’aurait constitué une clause sociale à l’OMC.

Pour autant, conformément à la tradition du droit international classique, la déclaration s’adresse aux États, censés modifier les comportements sur leur territoire et envers leur population afin de respecter les normes internationales auxquelles ils auront librement consenti au préalable. En outre, l’OIT ne s’adresse pas directement aux « entreprises mondialisées », ces nouveaux acteurs de l’économie globale surpassant parfois en puissance les petites Nations. Rendre effectives les normes promues par l’OIT demeure par conséquent un défi dans la mondialisation actuelle.

• FMI et Banque mondiale ont dû, de longue date, essuyer des critiques, aussi bien des critiques « de droite », sur le mode « le marché a toujours raison ; s’il y a des crises, c’est en raison des défaillances des politiques », que des critiques « de gauche », fustigeant des institutions dominées par les États-Unis et mettant en application le « consensus de Washington », cette « potion libérale »…

Pour maints observateurs, le FMI s’est écarté de sa mission fondamentale, qui consiste à prévenir les crises et à mettre en œuvre des mécanismes de surveillance. Il devrait plus efficacement se pencher sur les questions macro-économiques et au premier chef les taux de change et l’observation des « trous noirs » de la finance internationale que sont les fonds spéculatifs, les centres off-shore, les officines de blanchiment. Par ailleurs, les spécificités des pays n’ont pas été suffisamment prises en compte : il faut du sur-mesure et non pas du prêt-à-porter − c’est-à-dire une attitude trop doctrinaire.

Les réévaluations doctrinales périodiques de la Banque mondiale ont suscité une certaine perplexité. Jusqu’au milieu des années 1970, elle plaidait pour le secteur public, les infrastructures, l’État ; l’accent a ensuite été mis sur le secteur privé, la libéralisation et les privatisations. Aujourd’hui, l’approche est mixte, avec la prise en compte de la nécessité des investissements collectifs, notamment dans l’éducation et la santé. Elle a également repris à son compte les objectifs du millénaire, embrassé le thème nouveau de la lutte contre la corruption… et dû faire face à des concurrents multiples : banques régionales de développement, agences bilatérales, fondations privées − celle de Bill Gates par exemple −, et autres « fonds verticaux » spécialisés.

Mais le coup le plus sévère est sans doute celui qui, en ce moment, même, voit les institutions chargées de la stabilité financière internationale − le FMI en particulier − comme frappées de stupeur, laissant les États et les banques centrales improviser leur coordination directe face à la crise bancaire et financière, avant − espérons-le − de participer à la mise en place d’une solution globale.

• Enfin, concernant l’OTAN, la quête de légitimité est manifeste depuis la fin de la Guerre froide. Au cours de la dernière décennie, l’Organisation a connu des évolutions majeures. Elle s’est élargie en intégrant de nouveaux États issus de la sphère d’influence soviétique et des Balkans. Ce processus semble appelé à se poursuivre, mais l’extension géographique pose problème au sein même de l’Alliance. Si, lors du Sommet de Bucarest d’avril dernier, l’Albanie et la Croatie ont été admises, il n’en a pas été de même pour l’Ukraine et la Géorgie. Malgré le souhait du Président américain George W. Bush, plusieurs pays se sont opposés à leur admission. Lors du débat, la question de fond s’est inévitablement posée : l’OTAN a-t-elle vocation à s’inscrire dans une aire géographique, allant de la Baltique à la Mer Noire, se déplaçant ensuite vers l’Asie centrale, aux confins de la Chine, et pour quels objectifs ? Le contentieux latent avec la Russie, qui risque de s’aggraver encore. La question est d’autant plus importante que la dilatation de la zone d’influence de l’Alliance a déjà conduit, débordant la mission initiale de défense collective, au domaine de l’action militaire concrète, y compris hors zone continentale comme en Afghanistan.

L’ambition de transformer l’OTAN en organisation « globale », étendant graduellement son champ géographique et ses formes d’intervention ne fait pas l’unanimité de ses membres, car y est décelée une volonté de se substituer, au moins en partie, à l’ONU. Les récentes auditions des commissions des Affaires étrangères et de la Défense de l’Assemblée nationale sur la situation en Afghanistan ont souligné l’ambiguïté de l’engagement parallèle de l’OTAN sous mandat de l’ONU, et des États en propre, au sein de la coalition menée par les États-Unis dans le cadre de l’opération Liberté immuable (Enduring Freedom). L’OTAN est-elle appelée à devenir une « agence globale pourvoyeuse de sécurité » dans les zones d’instabilité, à la disposition de l’ONU ou directement des États-Unis ? Après la définition d’un nouveau concept stratégique en 1999, alors que l’OTAN se dirige vers une réédition de l’exercice lors du « Sommet du soixantenaire » de 2009. Elle va alors devoir, comme l’envisage Stephanie C. Hofmann dans la livraison de printemps de la revue Politique étrangère (7), choisir entre trois stratégies : celle, classique, de l’alliance défensive, celle de la prévention et de la gestion des conflits à l’échelle mondiale, ou celle de l’intervention dans les crises au cas par cas, en articulation avec d’autres institutions.

De toutes parts, l’essoufflement menace intrinsèquement le système international dans ses diverses composantes. Mais il y a plus : le risque manifeste d’un débordement du système par d’autres acteurs autonomes, étatiques, régionaux ou alternatifs.

3) La montée des systèmes alternatifs et des nouvelles stratégies nationalistes

a) De nouveaux acteurs globaux : Brésil, Russie, Inde, Chine

• Déjà perceptible et annoncée en l’an 2000, la montée en puissance des pays émergents, notamment de ceux qu’il est convenu d’appeler les « BRIC » (Brésil, Russie, Inde et Chine), confronte les économies européennes et celles des autres pays développés à un défi renouvelé : s’il s’agit toujours pour ces économies de profiter de la croissance de ces pays émergents en concurrençant leurs autres fournisseurs potentiels, il leur faut également faire face à la concurrence croissante de ces économies elles-mêmes en plein essor.

Comme l’indique le rapport précité de M. Laurent Cohen-Tanugi, le phénomène concerne de nombreux secteurs, qui ne se réduisent plus aux produits manufacturés et au bas de gamme. Que l’on se remémore ainsi la fin − pourtant programmée − de « l’accord multifibres » en 2005, qui a suscité de nombreuses craintes en Europe quant à la pérennité d’une industrie textile européenne et la mise en place, en urgence, de dispositions transitoires de protection. Celles-ci viennent pour la plupart d’être levées, sur le fondement d’une analyse relativement simple : des secteurs comme celui du textile ont plutôt vocation à se développer dans les pays émergents, qui produisent moins cher au grand bénéfice des consommateurs européens ; les pays européens peuvent conserver une partie de la production ciblée sur le haut de gamme grâce à leur valeur ajoutée et à leur proximité des marchés. Ces controverses sur la concurrence des pays émergents en matière textile étant en grande partie dépassées, on peut aujourd’hui se demander si cette approche européenne pourra être maintenue face à la montée en puissance des émergents dans les productions à forte valeur ajoutée.

Pour autant, il faut évidemment se réjouir de la sortie progressive de la pauvreté de 2,5 milliards d’habitants de la planète, et voir combien un tel décollage peut d’ailleurs profiter aux pays développés, notamment sous forme de débouchés nouveaux pour leurs entreprises et pour soutenir la croissance mondiale.

• Le rapport Cohen-Tanugi évoque également un phénomène de « géopolitisation de la mondialisation », néologisme qui fait référence à un double mouvement : d’une part, l’émergence de nouvelles puissances économiques et politiques non européennes et non occidentales, et d’autre part le développement d’une série de tensions identitaires et géopolitiques. Ces deux tendances convergent dans le domaine énergétique, où les pays producteurs utilisent leurs ressources comme une arme politique et où les grands consommateurs manient une « diplomatie énergétique » parfois délicate.

Au-delà, de nouvelles stratégies de puissance sont menées par des États comme la Russie, la Chine ou les Émirats du Golfe dotés de fonds souverains, d’une façon difficilement compatible avec le développement du système international tel qu’il a été façonné au siècle dernier. Le rapport précité peut ainsi adresser à l’Europe et aux États-Unis cette mise en garde : « Avec l’émergence de nouvelles grandes puissances économiques et politiques, qui ne sont, pour la plupart ni des économies de marché, ni des démocraties libérales, ni des alliés naturels de l’Occident, et manient sans complexe les armes économiques à des fins politico-stratégiques, et vice versa, qu’on le veuille ou non, le dogme libéral de la déconnexion de l’économique et du politique qui avait marqué les deux dernières décennies du XXe siècle a vécu. »

• Le monde a changé de paradigme : l’Occident n’est plus central, et il n’est tout simplement plus pensable de continuer à organiser le système international comme si les forces et tensions nouvelles décrites à l’instant n’étaient pas à l’œuvre. S’y ajoute la concurrence grandissante des organisations régionales – Union africaine, ASEAN, Mercosur – qui encourage la contestation de la compétence les Nations unies à l’égard de certaines situations, dès lors que celles-ci font l’objet d’une concertation régionale. Citons, à titre d’exemples récents, le refus de l’ASEAN d’aborder la situation de la Birmanie dans son dialogue avec l’Union européenne à New York, ou bien la condamnation par l’Union africaine de la recommandation du procureur de la Cour pénale internationale à l’encontre du président soudanais.

Votre Rapporteure a pu personnellement, au cœur même du « monde » onusien, à New York, de par les très nombreux contacts qu’elle a noués avec des représentants de pays « du Sud », mesurer à quel point le système international finissant était assimilé au « Nord ». Il n’en est pas pour autant totalement disqualifié, car les idéaux fondateurs gardent leur puissance d’appel ; mais il doit être à ce point repensé qu’il en vacille sur ses bases, sous l’effet de contestations multiples et répétées.

De surcroît, d’autres acteurs sont prêts à remplir le vide laissé par le système international vieillissant.

b) Organisations nouvelles et systèmes alternatifs

• Il n’est pas possible de conclure ce survol des mutations du système international sans évoquer, en marge du système international « classique » voire contre lui, le développement d’une opinion publique mondiale. Quiconque s’est rendu à l’une des réunions du Forum social mondial né en 2001 à Porto Alegre peut l’attester : une telle opinion publique existe – même si les « mouvements altermondialistes » ne peuvent s’en arroger le monopole.

Initialement conçu comme un « contre-Forum économique mondial », comme un symbole inversé de la réunion de Davos – érigée en caricature de la mondialisation confisquée par le Nord –, le Forum social mondial, d’anti-mondialiste qu’il était en 2001, est devenu, toujours à Porto Alegre, altermondialiste l’année suivante. Réuni chaque année – voire davantage – depuis lors, au Brésil, en Inde, au Venezuela, au Mali, au Pakistan ou au Kenya, ce forum prend soin de s’écarter du schéma pyramidal – un leader, quelques dirigeants et des militants chargés de mettre en œuvre les orientations décidées d’en haut –, pour adopter la formule d’un espace ouvert, où l’autonomie des participants doit être protégée et ainsi toute instrumentalisation évitée : « les idées discutées dans le forum ne sont pas les idées du Forum ».

Un « Manifeste de Porto Alegre » a néanmoins été écrit à l’occasion du Forum social mondial de 2005 afin de rassembler une forme de socle minimal sur lequel puissent s’accorder tous les mouvements se réclamant de l’altermondialisme. Sous-titré « douze propositions pour un autre monde possible », il porte sur les points suivants :

« – annuler la dette publique ;

– mettre en place des taxes internationales sur les transactions financières ;

– démanteler progressivement toutes les formes de paradis fiscaux ;

– faire du droit à l’emploi une priorité ;

– lutter contre toutes formes de discrimination ;

– prendre des mesures urgentes pour mettre fin au saccage de l’environnement ;

– promouvoir les formes de commerce équitable ;

– garantir le droit à la souveraineté alimentaire ;

– interdire toute forme de brevetage des connaissances et du vivant ;

– garantir le droit à l’information ;

– exiger le démantèlement des bases militaires ;

– réformer et démocratiser en profondeur les organisations internationales. »

Le manifeste souligne que les signataires ne se font « aucune illusion sur la volonté réelle des gouvernements et des institutions internationales de mettre en œuvre spontanément ces propositions », et préconise leur mise en œuvre par les acteurs et les mouvements sociaux de tous les pays. Comment mieux signifier le contre-pied que représente cette mobilisation de l’opinion publique mondiale à l’égard du système international établi ?

• Plus largement, comme le note le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France remis en juillet dernier au ministre des Affaires étrangères et européennes, les États « doivent aujourd’hui faire face à l’émergence d’acteurs qui – comme les entreprises multinationales – disposent d’une réelle autonomie vis-à-vis d’eux, quand bien même ils ont en réalité une affiliation nationale. Leur capacité financière (les plus grandes fondations philanthropiques américaines par exemple), leur impact politique (les ONG de promotion de la démocratie), leurs capacités de violence (Al Qaïda) ou de déstabilisation (les réseaux criminels transnationaux) peuvent parfois se comparer à ceux des États. Certains interviennent en outre dans les domaines régaliens : aide au développement, sous-traitance confiée aux sociétés de sécurité privées, agences de renseignement. » Ces tendances qui débordent les États débordent aussi les organisations internationales qui émanent desdits États. Autant de défis qui accélèrent l’obsolescence de la construction héritée de l’après-Seconde Guerre mondiale.

En dépit d’un développement remarquable dans la seconde moitié du XXe siècle, et sans nier ses apports ni récuser ses principes ni ses valeurs, le système international est manifestement arrivé à la fin d’un cycle. Son affaiblissement était inéluctable et les crises de l’heure – financière, mais aussi alimentaire, sociale, énergétique – en sont les symptômes les plus criants. Comme l’analyse le Livre blanc : « L’onde de choc de la disparition du monde “ d’avant ” continue de se propager sans qu’un consensus sur l’ordre nouveau émerge. De nouveaux problèmes apparaissent que les anciennes structures prennent difficilement en charge. » Ayant tant contribué à la définition du système ancien, l’Europe ne peut qu’être ébranlée par la crise qui agit comme révélateur de la faiblesse de ce système. Dans l’exercice d’analyse de la place et du rôle que tient l’Europe aujourd’hui, le prisme des organisations internationales est particulièrement éclairant.

B − L’Europe de la présence à la puissance : une réalité contrastée

L’Europe actuelle est une Europe paradoxale : forte d’une incontestable légitimité historique, modèle économique, en quelque sorte « dépositaire du multilatéralisme », elle présente aussi de nombreux signes d’affaiblissement. Elle est aussi paradoxale au sens où il semble qu’il faille être un non-Européen pour croire en l’Europe ! Telle est bien l’impression qui ressort de la réflexion de fins connaisseurs, celle d’un Kemal Derviş (8) ou d’un Élie Barnavi (9).

L’exemple de la représentation européenne au sein des organisations internationales est topique. La perception de la présence européenne dans ces enceintes varie selon les points de vue. Vue depuis les organisations elles-mêmes, elle est pour l’essentiel un legs historique, en même temps qu’une représentation en ordre dispersé. Vue depuis les institutions européennes, elle est le reflet d’une intégration communautaire différenciée, inachevée. Vue de France enfin, elle pose la question de l’arbitrage entre le particulier et le collectif, entre le national et le communautaire.

1) La représentation européenne au sein des organisations internationales : le poids du nombre

a) Une légitimité incontestée

La présence numérique des États membres est d’abord et avant tout héritée de l’histoire : elle est le reflet de la contribution européenne à la reconstruction du monde de l’après-guerre, comme votre Rapporteur l’a montré plus haut. C’est l’Europe des idées, l’Europe des valeurs, l’Europe de la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948. La force du modèle européen réside avant tout dans la promotion, par l’exemple, d’idéaux de paix, de justice sociale, de démocratie, de droits de l’homme.

• L’Europe dispose ainsi d’une influence assise sur une solide légitimité. Elle est la dépositaire du multilatéralisme.

En effet, fidèle à sa vision des relations internationales, reflet de sa propre expérience, l’Union européenne a toujours été l’un des principaux soutiens du multilatéralisme. Avec le projet communautaire, les nations européennes ont entamé une forme de « révolution » de l’ordre international. Rejetant la politique de course à la puissance à l’origine de deux guerres mondiales, elles se sont détournées des rapports de force et ont appliqué une nouvelle approche pour régler leurs relations réciproques, fondée sur le droit. Selon cette conception, les relations entre États sont pacifiées et coopératives, la guerre n’est plus une solution, les conflits sont résolus par la négociation, le compromis et, en cas d’échec, en ayant recours à un « tiers de confiance », arbitre ou juge.

L’Europe a tendu à exporter ce modèle sur la scène internationale, luttant ainsi pour assurer la primauté du droit international et défendre la priorité accordée au règlement pacifique des différends dans le cadre des Nations unies, promouvant une régulation du système financier international à travers des institutions comme le G 7, le G 10, le G 20 ou le FMI pour l’architecture du système monétaire et financier international, comme le Club de Paris pour le traitement de la dette publique des pays en développement, comme le Groupe d’action financière internationale (GAFI) pour la lutte contre le blanchiment, comme l’OCDE pour la lutte contre la corruption internationale et les paradis fiscaux. Elle a depuis longtemps cherché à renforcer des institutions telles que l’Organisation internationale du travail ou l’Organisation maritime internationale, à créer des instances susceptibles d’assurer la mise en œuvre effective des accords internationaux sur l’environnement. Elle a joué un rôle moteur, avec le Canada, dans la création de l’OMC, afin de donner un cadre normatif équitable au commerce mondial. En l’espèce, le multilatéralisme était aussi un moyen pour l’Europe de contourner l’affrontement direct avec les États-Unis.

• La force du modèle européen réside également dans son poids économique, financier et commercial. L’Union européenne est un acteur de premier rang en termes économiques puisqu’elle constitue le premier marché du monde, un marché intégré de quelque 500 millions d’habitants, concentrant près de 25 % du PIB mondial. L’élargissement confère même à l’Europe un poids accru, et lui permet de représenter 17 % du commerce mondial en 2006 – 29 % si l’on inclut le commerce intracommunautaire –, 26 % des exportations mondiales de services en 2006, 17 % des exportations mondiales de produits de haute technologie – soit la première place –, et 21 % des flux mondiaux d’investissements directs étrangers en 2005. Les nouveaux États membres, par leur dynamisme, sont également susceptibles de soutenir la croissance européenne.

En termes financiers et monétaires, l’euro est une incontestable réussite, y compris à l’extérieur de la zone euro : la monnaie unique est par exemple depuis 2004 la première devise mondiale sur les marchés obligataires, elle est devenue la deuxième monnaie de réserve internationale – avec plus de 25 % des réserves officielles –, et cette montée en puissance devrait se poursuivre dans les années à venir.

• Le site Internet de la direction générale du Développement de la Commission européenne comporte au bas de chaque page ce qui constitue une forme de devise : « L’Europe est le plus grand fournisseur d’aide au développement au monde. » En 2005, l’Union européenne à Quinze représentait, en ajoutant les contributions des États membres et celles des institutions communautaires, 52,4 % du total de l’aide publique au développement accordée par les pays de l’OCDE, quand les États-Unis en représentaient 25,6 %, le Japon 12,9 % et les autres pays membres, 9,1 %. En élargissant encore la norme de comparaison, comme le fait la Commission dans son EU Donor Atlas 2008, on obtient le graphique suivant :

TOTAL DE L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT (BILATÉRALE ET MULTILATÉRALE)

(en millions de dollars)



UE

États-Unis

Japon

Autres
donateurs du CAD (*)

Autres
donateurs hors CAD

(*) Comité d’aide au développement de l’OCDE.

Source : Commission européenne.

C’est dès le milieu des années 70 que l’assistance et la coopération au développement, qui à l’origine concernaient essentiellement l’Afrique, ont été étendues à l’Asie, à l’Amérique latine et aux pays de l’est et du sud de la Méditerranée. L’objectif sous-jacent reste le soutien à la croissance et au développement durables dans les pays bénéficiant de ces mesures, afin qu’ils disposent des ressources nécessaires à l’éradication de la pauvreté, l’Union ayant tout intérêt à soutenir ses partenaires et à les encourager à réussir et à prospérer.

Les accords conclus entre l’Union et ses partenaires englobent non seulement le commerce et l’assistance financière et technique traditionnelle, mais aussi des réformes économiques, ainsi qu’un soutien aux programmes consacrés aux infrastructures, à la santé et à l’éducation. Ils représentent aussi un cadre pour le dialogue politique et comportent une clause qui permet à l’Union de suspendre ou d’annuler l’aide ou les échanges commerciaux si le pays partenaire enfreint les droits de l’homme. De plus, l’Union a décidé en 2003 que tous les nouveaux accords devaient prévoir une clause par laquelle les partenaires s’engagent à garantir la non-prolifération des armes de destruction massive. L’Union affirme ainsi sa position d’acteur global, de bridge builder.

• À l’origine de la construction européenne, dans les années 1950, c’est dans le cadre de sa politique commerciale commune, de l’octroi d’une assistance au développement et de la conclusion d’accords formels de commerce et de coopération avec des pays ou des groupes régionaux, que l’Union a constitué un réseau de relations avec le reste du monde. Dans les années 1970, l’Union a commencé à fournir une aide humanitaire aux populations éprouvées. Depuis 1993, au titre du traité de Maastricht, sa politique étrangère et de sécurité commune (PESC) lui permet d’engager une action conjointe lorsque les intérêts de l’Union, dans son ensemble, sont en jeu. À compter de 1998 et de la rencontre fondatrice de Saint-Malo, la défense est devenue un aspect important de la PESC, l’Union s’efforçant de promouvoir et de maintenir la stabilité dans le monde. Par ailleurs, elle coopère étroitement avec d’autres pays et organisations internationales pour lutter contre le terrorisme, la criminalité internationale, le trafic de drogue et l’immigration illégale et aborder des questions planétaires comme l’environnement.

Dans le domaine de la promotion de la paix et de la résolution des conflits, l’Europe a ainsi récemment émergé comme un acteur majeur. À cet égard, le succès de l’opération Artémis en Ituri, au nord-est de la République démocratique du Congo, apparaît comme un engagement fondateur.

Opération Artémis

L’opération militaire Artémis a été menée du 6 juin au 6 septembre 2003 en Ituri, par l’Union européenne, au titre de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), sous l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU, selon sa résolution 1484 du 30 mai 2003.

Objectifs

Le Conseil de sécurité de l’ONU « Autorise le déploiement, jusqu’au 1er septembre 2003, d’une force multinationale intérimaire d’urgence à Bunia, en coordination étroite avec la MONUC, en particulier son contingent déployé dans la ville, en vue de contribuer à y stabiliser les conditions de sécurité et à y améliorer la situation humanitaire, d’assurer la protection de l’aéroport et des personnes déplacées se trouvant dans les camps de Bunia et, si la situation l’exige, de contribuer à assurer la sécurité de la population civile et du personnel des Nations unies et des organisations humanitaires dans la ville ».

Cette force avait été déployée pour mettre fin dans l’immédiat aux combats et faire cesser les exactions à l’encontre des populations civiles dans la capitale de ce district de la République démocratique du Congo. Ainsi, les Nations unies disposaient du temps nécessaire à la mise en place d’une nouvelle « Brigade Ituri » des casques bleus de la MONUC.

Il s’est agi de la première opération militaire agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies réalisée par l’Union européenne hors d’Europe et sans le recours aux accords dits de « Berlin plus » qui permettent aux Européens de bénéficier de moyens de l’OTAN.

Effectifs et organisation

La France a assumé la fonction de « nation cadre » de l’opération et a fourni le contingent le plus étoffé. Bien que 18 nations participassent à l’opération, environ 80 % des effectifs engagés émanaient des armées françaises. Environ 2 200 personnes ont été mobilisées pour cette opération. 2 060 étaient effectivement présentes sur place, tandis que les autres étaient affectées au quartier général stratégique, installé à Paris. 1 035 soldats étaient effectivement présents à Bunia au moment où la force a atteint sa pleine capacité opérationnelle. Le reste du contingent se répartissait entre la Base de soutien à vocation interarmées de la mission – établie à Entebbe – et des aérodromes gabonais et tchadiens qui accueillaient les avions de combat destinés à protéger et appuyer la composante terrestre.

La carte page suivante illustre le développement des interventions menées dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD).

OPÉRATIONS CIVILES, POLICIÈRES ET MILITAIRES DE L’UNION EUROPÉENNE (PESD) DEPUIS 2003

Source : Conseil de l’Union européenne et Commission européenne, L’Europe dans le monde. Agir pour la paix, la sécurité et la stabilité, 2007.

• L’Union doit s’assurer que les différents aspects de ses politiques extérieures sont compatibles entre eux et porteurs d’un message clair. C’est dans ce but qu’a été nommé, en 1999, un Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, et qu’en juin 2004 les chefs d’État et de gouvernement sont convenus de créer un poste de ministre des affaires étrangères de l’Union, dont l’existence effective devient chaque jour plus nécessaire (cf. infra page 70).

En attendant cette concrétisation, il convient tout de même de souligner l’étendue et l’efficacité du réseau diplomatique européen, à travers les États membres de l’Union comme à travers son réseau propre : les représentations de la Commission européenne, dont l’action bénéficie à l’ensemble de l’Union bien qu’elles soient administrativement rattachées à la direction générale des Relations extérieures de la Commission. Elles sont au nombre de 118 dans les pays tiers, auxquelles s’ajoutent, à Genève, New York, Paris, Rome et Vienne, 5 délégations auprès d’organisations internationales : l’OCDE, l’OSCE, les Nations unies et l’OMC.

Pour autant, vue depuis le « cœur historique » du système international que sont les organisations internationales, l’Europe ne sait pas tirer parti des atouts majeurs qui viennent d’être présentés. C’est l’image de la surreprésentation brouillonne qui domine.

b) Une Union surreprésentée ?

La représentation de l’Union européenne en tant que telle diffère selon les organisations internationales auxquelles les États membres participent. On peut ainsi distinguer cinq types de représentation, en fonction du statut réservé à l’Union stricto sensu à côté du statut de ses États membres : les modèles de l’OMC, de l’ONU, des institutions de Bretton Woods, de l’OTAN et du G8-G20. Un trait domine toutefois, dans la perception de l’Europe telle qu’elle est vécue « de l’intérieur » de ces organisations internationales : le poids du nombre.

Le tableau suivant expose la situation dans les organisations internationales les plus emblématiques :

POIDS DE L’UNION EUROPÉENNE DANS LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Institution

Part de l’UE
en voix

Part de l’UE
en PIB

Part de l’UE
en PIB, en PPP (*)

Part de l’UE
en population

ONU

       

Membres

13 % (25 sur 192)

30,3 %

20,9 %

7,2 %

Financement

36,5 %

     

FMI / Banque mondiale

       

Membres

13,6 %

30,3 %

21 %

7,2 %

Quotas

31,9 %

     

Contrôle

33,6 %

     

Sièges

29,5 % (25 sur 184)

     

OMC

17,4 %

31,7 %

22,6 %

8,1 %

G7

57,1 % (4 sur 7)

32,8 %

31 %

36,4 %

G8

50 % (4 sur 8)

31,9 %

29,2 %

30,3 %

Source : Alan Ahearne, Jean Pisani-Ferry, André Sapir et Nicolas Véron, The EU and the Governance of Globalisation, Institut Bruegel, septembre 2006.

Des différences notables existent d’une organisation à l’autre.

– À l’OMC : un statut de membre pour la Communauté européenne

Première puissance commerciale au monde, comme votre Rapporteure l’a indiqué plus haut, la Communauté européenne est, conjointement avec les États qui la composent, membre originel de l’OMC (10). La Commission, mandatée par le Conseil, siège ainsi aux côtés des États membres au sein de la Conférence ministérielle et du Conseil général, principaux organes de l’OMC. Elle peut aussi participer aux réunions de toutes les autres instances – notamment le Comité des négociations commerciales pour l’actuel cycle de Doha – et, enfin, déposer plainte devant l’Organe de règlement des différends. Entre 1995 et 2001, elle a ainsi déposé 55 plaintes, été poursuivie 32 fois et obtenu satisfaction à 19 reprises) (11). Cette représentation se limite au territoire douanier communautaire.

En pratique, la Commission soumet des propositions et des recommandations au Conseil. Sur la base de celles-ci, ce dernier délivre à la Commission un mandat de négociation (12). Le Conseil se prononce à la majorité qualifiée, permettant ainsi l’expression de l’intérêt général de l’Union (13). Ensuite, les négociations sont conduites par la Commission seule, en consultation avec le « comité 133 », constitué par des représentants des États membres, et dans le cadre des directives que le Conseil peut lui adresser. Dans les faits, la Commission assiste seule aux réunions de l’OMC restreintes à moins de 20 participants ; elle est accompagnée par la présidence de l’Union pour les réunions restreintes de plus de 20 participants ; la délégation communautaire inclut l’ensemble des États membres pour les autres réunions. Par ailleurs, des réunions de coordination et de compte rendu sont organisées entre la Commission et les représentants des États membres avant et après chaque réunion à l’OMC.

– À l’ONU : l’Union européenne observatrice

On trouve trace d’échanges de lettres entre les secrétariats de l’ONU et de la Communauté économique européenne dès 1958 (14). La Commission européenne est présente à l’ONU depuis l’ouverture d’un bureau d’information à New-York en 1964 qui est par la suite devenue une délégation, en 1974, lorsque la Communauté européenne obtint le statut d’observateur à l’Assemblée générale. C’est toujours, à l’heure actuelle, la seule reconnaissance juridique existante, ce qui justifie au plus haut point l’impression de « présence sans la puissance » de l’Europe aux Nations unies.

Bien que l’Union européenne en tant que telle n’ait pas de statut officiel aux Nations unies, elle y est ainsi très présente, à travers les missions de ses 27 États membres et les bureaux du secrétariat du Conseil et de la Commission. Elle est de plus, collectivement, le premier partenaire global de l’ONU, ainsi que votre Rapporteure l’a rappelé : premier donateur d’aide publique au développement, premier fournisseur d’aide humanitaire, mais aussi premier contributeur au budget général de l’ONU (avec près de 40 %) et premier contributeur de troupes et de policiers dans le cadre des opérations de maintien de la paix (en sus des opérations conduites directement par l’Union européenne sous mandat des Nations unies).

• L’Union européenne parle à l’ONU d’une seule voix, à travers sa présidence tournante, dans la grande majorité des réunions de l’Assemblée générale et de ses six commissions, ainsi que lors des réunions du Conseil économique et social et de sa trentaine d’organes subsidiaires (commissions régionales, commissions spécialisées et comités d’experts). Font exception les conseils d’administration des fonds et programmes (Programme des Nations unies pour le développement [PNUD], Fonds des Nations unies pour l’enfance [UNICEF], Fonds des Nations unies pour la population [FNUAP]), au sein desquels les principaux donateurs préfèrent continuer de s’exprimer à titre national. La Commission intervient par ailleurs dans les domaines de compétence exclusive qui sont les siens.

Le graphique suivant, issu d’une étude (15) de deux universitaires pour le compte du European Council on Foreign Relations, illustre le taux de désaccord entre États membres de l’Union à l’occasion des votes individuels émis à l’Assemblée générale de l’ONU :

ÉVOLUTION DES DÉSACCORDS ENTRE MEMBRES DE L’UE
EN POURCENTAGE DES VOTES DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES

Sessions de l’Assemblée générale

Source : European Council on Foreign Relations.

À l’exception de l’attitude à adopter face à l’Irak, dont on ne sait que trop quelles divisions elle a provoquées, on constate que les élargissements de l’Union intervenus depuis dix ans n’ont pas été source de dispersion plus grande des votes émis, la cohésion restant appréciable.

• Au Conseil de sécurité, la règle demeure également celle d’une prise de parole à titre national par les seuls membres du Conseil, même si le Secrétaire général du Conseil de l’Union européenne, Haut représentant pour la PESC, a pu intervenir régulièrement devant le Conseil de sécurité des Nations unies et si un certain nombre d’interventions ont pu être faites « au nom de l’Union européenne » lors de réunions « ouvertes ». Selon les informations recueillies par votre Rapporteure auprès du secrétariat général de la présidence française de l’UE à New York, des progrès ont été accomplis en termes d’information et de consultation des partenaires communautaires, mais la réflexion préparatoire et la coordination avec les partenaires non membres du Conseil de sécurité demeurent assez formelle. C’est la raison pour laquelle, de l’aveu même des proches observateurs, l’appartenance ou non au Conseil de sécurité continue de constituer un facteur discriminant au sein de l’Union européenne à New York, qu’il s’agisse de la frustration de l’Allemagne, de l’aigreur de l’Italie ou du sentiment de marginalisation des petits pays. Régulièrement, il faut veiller à éviter le plus possible la situation délicate dans laquelle l’Union européenne ne serait représentée que par les deux seuls membres permanents.

En revanche, plus encore qu’à l’Assemblée générale, une grande proximité existe la plupart du temps entre les positions des États de l’Union européenne membres du Conseil de sécurité, qui ne se divisent vraiment que rarement, selon une ligne de partage souvent en relation avec la relation avec les États-Unis et/ou les sensibilités différentes sur la question israélo-palestinienne. On relèvera notamment qu’environ deux tiers des textes adoptés par le Conseil de sécurité sont le fruit d’une initiative des deux membres permanents européens du Conseil ; cette proportion atteint même 70 à 80 % concernant les textes relatifs à l’Afrique, principal sujet de préoccupation du Conseil de sécurité. Le secrétariat général de la PFUE fait ainsi valoir que « De façon un peu paradoxale, l’Union européenne reste donc moins présente en tant que telle dans le domaine où la compétence des Nations unies est incontestée (maintien de la paix) que sur les dossiers du développement où l’ONU opère dans un contexte concurrentiel au sein du système international et où elle peine parfois à affirmer son leadership. »

• La mise au point des positions communes engendre un intense travail de coordination au cours des quelque 1 100 réunions internes que tient chaque année l’Union européenne à New York, principalement dans les bureaux du secrétariat du Conseil – six salles de réunion, souvent occupées simultanément par des réunions parallèles –, afin d’agréer, en liaison avec Bruxelles et les capitales et en complément des consultations par COREU, les textes des interventions communautaires prononcées par la Présidence sur tous les principaux points de l’ordre du jour, ainsi que les positions de l’Union sur les très nombreux projets de résolution soumis à l’Assemblée générale, à l’ECOSOC et à leurs organes subsidiaires – auxquelles s’associe régulièrement une dizaine de pays candidats ou associés. Outre les réunions organisées au niveau des « experts » dans chaque secteur d’activité, on notera en particulier la tenue hebdomadaire d’une réunion de coordination au niveau des chefs de mission, ainsi qu’une réunion au niveau des conseillers politiques. Le réseau électronique communautaire mis au point et administré par le Secrétariat du Conseil facilite, en automatisant les procédures, l’échange des milliers de messages qu’exige cette coordination.

Outre ces réunions internes est organisée, chaque semestre, une vingtaine de rencontres au niveau des représentants permanents, en format troïka ou à 27, avec les principaux partenaires – États-Unis, Russie, Chine, Autorité palestinienne notamment – et les principaux groupes régionaux ou politiques – G77, Non-alignés, Groupe africain, Groupe Arabe, Organisation de la Conférence islamique, Petits États Insulaires, Groupe de Rio, Micro-États… Se tient également sous chaque présidence, une série de réunions ou de déjeuners de travail avec le Secrétaire général et les principaux responsables du secrétariat ainsi qu’avec le président de l’Assemblée générale et les présidents des principaux organes. Enfin un point d’orgue est marqué chaque année, lors de la « semaine ministérielle » à la fin septembre, à laquelle participe en fait un grand nombre de chefs d’État et de gouvernement, par le discours prononcé par la Présidence en exercice devant l’Assemblée générale pour rappeler les priorités de l’Union.

Grâce à cette présence soutenue, le secrétariat général de la PFUE à New York note que l’Union européenne a souvent été, notamment sous l’impulsion de la France, en pointe dans la promotion des valeurs, des concepts et des initiatives qui ont fait peu à peu évoluer le corps de doctrine international aux Nations unies : concept de développement durable dans sa dimension environnementale et sociale, promotion de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption), défense des droits de l’Homme, y compris les droits de la femme et des enfants, élaboration d’un droit humanitaire international, promotion de la justice pénale internationale, abolition de la peine de mort, etc.

– Au FMI et à la Banque mondiale : l’Union européenne invitée

L’Union européenne est peu influente au sein des institutions de Bretton Woods. Elle n’y est pas présente ès qualités, mais seulement comme « invitée ». En tant qu’organes communautaires compétents pour la politique monétaire, la Banque centrale européenne (BCE) et la Communauté européenne se sont vues accorder le statut d’observateur au conseil d’administration de chacune des deux institutions lorsque sont traitées des questions relatives à leur champ de compétence.

La caractéristique essentielle de la présence de l’UE dans ces enceintes réside dans le fait que l’Union n’y a pas de représentation unique : les 27 États membres agissent de façon individuelle, éclatés dans sept circonscriptions de vote – sept « chaises » –, ce qui limite grandement leur influence. Il existe de ce fait une réelle division dans la représentation des intérêts européens au FMI. De plus, aucun de ses États membres n’est véritablement en mesure, seul, de peser sur les choix internationaux des institutions financières internationales. En définitive, la disproportion est flagrante entre le poids de l’Union – sept administrateurs à la Banque mondiale et au FMI, et près de 32 % des droits de vote dans chacun de ces institutions, quand la stricte application du calcul des quotes-parts devrait lui en attribuer 38 % – et sa réelle portée.

• Au FMI existe une coordination européenne formelle, lancée véritablement depuis 2000, qui se manifeste par un double mécanisme :

– l’EURFMI est la structure de coordination quotidienne à Washington qui réunit les représentants européens au FMI, un représentant de la Commission et un de la BCE. Ces réunions permettent l’échange d’information sur les opinions des différents États européens sur les thèmes traités au FMI et favorisent une éventuelle coordination des positions. Le groupe des administrateurs européens du Conseil d’administration du FMI, qui peut être qualifié de « mini EURFMI », se réunit fréquemment pour tenter de dégager des positions communes sur les sujets à l’ordre du jour du conseil d’administration ;

– le SCFMI est la structure de coopération à Bruxelles qui se réunit régulièrement sur les questions économiques et monétaires internationales. Des contacts réguliers ont lieu entre les services du FMI et le SCFMI.

Actuellement, la coopération est la plus aboutie entre membres de la zone euro. Sur les sujets qui les concernent, ces pays tendent à parler d’une seule voix, par la bouche de l’administrateur de l’État de la présidence. D’une façon générale, la coordination au FMI est souvent limitée à des déclarations écrites de la présidence européenne.

• À la Banque mondiale, la coordination est moins formalisée mais beaucoup plus efficace qu’au FMI. Il n’existe pas de structure similaire au SCFMI mais la Commission organise régulièrement des réunions avec les administrateurs européens afin de promouvoir des positions communes. Cette coordination politique se limite à des réunions régulières entre les représentants européens à Washington, mais produit des résultats tangibles. Ainsi, les administrateurs de la Banque ont publié, entre juin 2004 et juin 2007, une quarantaine de déclarations communes sur des sujets divers mais souvent stratégiques. Ces déclarations ont l’avantage d’attirer d’autres signataires et de pousser à l’adoption par d’autres pays des positions européennes. Cette situation contraste nettement avec celle du FMI où il n’existe aucune déclaration commune.

En outre, les administrateurs à la Banque Mondiale agissent dans une optique de coopération. Les réunions hebdomadaires se déroulent désormais avec une hypothèse de travail simple : « Sur quels sujets les pays européens peuvent-ils faire une déclaration commune ? » Enfin, les administrateurs européens de la Banque mondiale effectuent un voyage annuel à Bruxelles pour rencontrer les commissaires, leurs collaborateurs et les parlementaires européens.

– À l’OTAN : l’Union européenne partenaire

L’Union fonde ses relations avec l’OTAN sur un partenariat dont les maîtres mots sont la consultation, la coopération et la transparence. Ce partenariat stratégique n’a cessé de se préciser. La déclaration du 16 décembre 2002 UE/OTAN sur la PESD, ayant conduit aux accords dits de « Berlin plus » adoptés le 17 mars 2003, a posé trois principes cardinaux :

– l’OTAN apporte son soutien à la PESD et donne à l’Union européenne, entre autres et en particulier, un accès garanti aux capacités de planification de l’OTAN ;

– l’Union européenne veille à associer autant que possible à la PESD les membres européens de l’OTAN ne faisant pas partie de l’UE (ce principe a été notamment posé sous l’influence de la Turquie) ;

– les deux organisations ont reconnu la nécessité d’arrêter, dans un esprit d’ouverture, des arrangements visant à assurer le développement cohérent et transparent de leurs besoins communs en matière de capacités.

Sur le plan institutionnel, des responsables de l’OTAN et de l’Union se réunissent régulièrement à différents niveaux : les ministres des affaires étrangères: deux fois par an, les ambassadeurs (Conseil de l’Atlantique Nord et Comité politique et de sécurité de l’Union [COPS]) au moins trois fois par semestre, les comités militaires deux fois par semestre, les différents comités de façon régulière et enfin l’exécutif de façon courante.

Quant aux relations sur le terrain, elle a été renforcée par la mise en place d’un dispositif militaire permanent de liaison afin de faciliter la coopération au niveau opérationnel. Une cellule de l’UE au SHAPE – le commandement stratégique de l’OTAN pour les opérations, situé à Mons, en Belgique – et un dispositif de liaison de l’OTAN à l’état-major de l’Union ont été institués.

– Les organisations informelles : les cas du G8 et du G20

• Les rencontres du G8 – il s’agissait à l’origine du G5 plus l’Italie – ont débuté en 1975 à Rambouillet, à l’instigation du Président Valéry Giscard d’Estaing. Le Sommet de Puerto Rico en 1976 a entériné l’entrée du Canada, le Sommet de Londres en 1977, celle de la Communauté européenne – qui pour autant ne « compte » pas comme un membre du groupe –, enfin le Sommet de Birmingham en 1998 a marqué l’association de la Russie.

Les Sommets traitaient initialement de gestion macroéconomique, de commerce international, des relations avec les pays en voie de développement mais également des relations Est-Ouest, de terrorisme etc. L’agenda s’est élargi au cours du temps à des questions plus microéconomiques mais aussi plus transversaux, comme l’emploi, l’environnement, la lutte contre la criminalité ou la drogue, les droits de l’homme, la sécurité régionale, le contrôle des armes.

• Le G20 a été créé le 25 septembre 1999 lors d’une réunion des ministres des finances des pays du G7, à Washington. La formation de ce nouveau regroupement de pays devait permettre de promouvoir une stabilité financière internationale accrue en créant une nouvelle tribune internationale de discussion entre pays industrialisés et pays en développement. Le G20 est formé de 19 pays, représentés par leurs ministres des finances et les gouverneurs de leurs banques centrales, l’Union européenne est le vingtième membre, et les institutions de Bretton Woods participent également : le directeur général du FMI et le président de la Banque mondiale, de même que les présidents du Comité monétaire et financier international et du Comité de développement des deux institutions.

Les États membres du G20 sont les suivants : l’Afrique du Sud, l’Allemagne, l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, la France, l’Inde, l’Indonésie, l’Italie, le Japon, le Mexique, le Royaume-Uni, la Russie et la Turquie (16). Le G20 ne dispose pas de secrétariat permanent. Le pays qui le préside fournit le soutien nécessaire aux activités du groupe.

Contrairement au G7, le G20, est un groupe relativement hétérogène de pays économiquement dissemblables et qui de fait n’ont pas toujours les mêmes préoccupations sur la scène internationale. Il a été créé pour pallier le défaut de représentation des pays en voie de développement au sein du G7-8 et élargir les points de vues auxquels les membres peuvent être confrontés lors de discussions sur des enjeux globaux, mais essentiellement dans la sphère économique et financière. L’objectif principal de ce nouveau forum de discussion est, selon l’expression de l’un de ses plus ardents promoteurs, en 1999, le ministre canadien des Finances Paul Martin : « que la croissance soutenue de l’économie mondiale se traduise par de meilleures conditions de vie, des revenus plus élevés et une plus grande sécurité pour la population de tous les pays. »

c) Une Union mal acceptée car complexe et autocentrée

– À côté de l’OMC qui ferait presque figure d’« idéal-type »…

Du strict point de vue de la cohérence de la représentation de l’Union européenne, l’OMC est l’organisation modèle – bien qu’elle ne soit pas exempte de défauts. Schématiquement, le fait que la compétence propre de la Commission en matière commerciale recouvre quasi exactement celle de l’organisation internationale, que la Communauté jouisse directement du statut de membre, que l’organisation fonctionne sur un mode égalitaire et possède un mécanisme autonome et original de règlement des différends : maints aspects de la structure et de l’activité de l’OMC en font une enceinte qui convient bien à l’Union.

Pour autant, la rémanence de compétences partagées entre la Commission et les États et la règle du vote à l’unanimité constituent un frein à la présence internationale de l’Union à l’OMC. En effet, l’unanimité est requise sur les thèmes suivants :

– la négociation et la conclusion d’accords dans les domaines du commerce des services et des aspects commerciaux de la propriété intellectuelle comprenant l’adoption de règles internes ou portant sur un domaine dans lequel la Communauté n’a pas encore exercé, en adoptant des règles internes, ses compétences en vertu du traité (17) ;

– la négociation et la conclusion d’accords dans les domaines du commerce des services culturels et audiovisuels, des services d’éducation, ainsi que des services sociaux et de santé, qui relèvent de la compétence partagée des États membres et de l’Union (18) ;

– la négociation et la conclusion d’accords de nature horizontale qui contiennent l’un où l’autre des domaines précédemment évoqués (19).

Par exemple, en l’état actuel des négociations, le projet final d’accord du cycle de Doha devrait être soumis à un vote à l’unanimité au Conseil, c’est-à-dire en quelque sorte à un double processus de ratification : au niveau de l’Union par le Conseil avant la signature, puis au niveau de chacun des États par leur Parlement après la signature.

En outre, le flou juridique n’est pas absent, au moment des négociations, au sujet de la répartition des compétences entre la Commission et le Conseil. La Commission en tire parti au détriment des États membres, qui peuvent se trouver écartés des réunions restreintes, imparfaitement informés par la Commission de l’évolution des négociations et par conséquent mis dans l’impossibilité d’exercer leur pouvoir de contrôle via le Conseil. Certains États membres tentent d’élever le conflit lorsqu’ils considèrent que la Commission outrepasse son mandat – encore faut-il qu’ils sachent quels engagements partiels ou « engagements pré-juridiques » le Commissaire au commerce prend parfois, au risque de faire trop de concessions. Il arrive par conséquent que l’Union perde sa cohérence externe.

Enfin, on peut noter le faible degré d’association du Parlement européen au processus de négociation. N’étant souvent informé qu’ex post, il doit cependant émettre un avis lorsque l’accord commercial conclu a des implications institutionnelles ou budgétaires, ou s’il requiert des modifications d’actes communautaires ayant été adoptés en codécision – ce qui est généralement le cas. Cette intervention demeure toutefois largement formelle.

Que l’enceinte où la représentation de l’Union est la plus aboutie puisse faire l’objet de telles critiques est révélateur de l’ampleur du problème posé.

– … il est souvent difficile à l’Union d’exister pour elle-même, surtout au sein du système international actuel

Vue depuis les organisations internationales, l’Union européenne n’offre souvent que l’apparence de compétences enchevêtrées, de procédures internes complexes à décoder de l’extérieur, sur fond de non-reconnaissance de l’Union ou de la Communauté européennes, et de rivalité entre les organisations et l’UE.

• L’Union européenne est mal appréhendée, mal acceptée par les organisations internationales, généralement de par leurs statuts mêmes, mais aussi du fait d’une forme de concurrence.

L’exception de l’OMC ayant été décrite, ne restent dans le paysage, pour l’essentiel, que des organisations internationales qui ne prévoient l’octroi du statut de membre qu’aux États. Ainsi, l’ONU devait modifier sa Charte pour reconnaître d’autres entités que les États, et la liste est longue des organisations régionales qui pourraient alors prétendre au statut de membre : comment faire valoir en effet une spécificité de l’UE sans s’attirer le reproche d’un nouveau privilège pour des pays du Nord ? De surcroît, les États-Unis − sous réserve de l’attitude que pourra adopter la nouvelle administration démocrate à compter de 2009 − sont hostiles à tout renforcement de la représentation de l’Union qui accroîtrait encore sa cohésion et son pouvoir de conviction, d’entraînement et d’initiative.

Le FMI et la Banque mondiale devraient modifier leurs statuts sur la même question, ce qui n’est possible qu’avec l’assentiment des États-Unis ; en effet, avec 17 % des droits de vote au sein des institutions de Bretton Woods, ils disposent de facto d’un droit de veto sur une telle modification, qui nécessite 85 % des votes.

L’OTAN présente même cette difficulté supplémentaire : l’absence de participation de certains États membres de l’UE, six d’entre eux n’appartenant pas à l’organisation, savoir l’Autriche, la Finlande, l’Irlande, Malte, la Suède et Chypre. La question chypriote complique d’ailleurs les relations entre l’Union et l’OTAN, dont la Turquie est membre. La question de fond est la suivante : une alliance défensive peut-elle accepter une organisation dont la défense n’est pas aboutie en son sein? On touche ici aux obstacles plus politiques à la clarification des relations entre l’UE et les principales organisations internationales : la sourde rivalité existant entre ces deux modèles de coopération, voire d’intégration supranationale. Complémentarité, appartenance ou autre type de relation, la question n’a pas été définitivement tranchée.

Durant les années 1990, avait été développée « l’identité européenne de sécurité et de défense » (IESD), tendant à créer un pilier européen aux côtés d’un pilier américain au sein de l’OTAN. Cependant, l’échec de l’IESD − notamment l’échec du commandement Sud − a mis en lumière certains obstacles à cette option en deux piliers : l’UE, plus faible sur un plan militaire que les États-Unis, n’a pas encore acquis la taille critique lui permettant de faire contrepoids dans une Alliance dominée par les Américains. L’opération Artémis évoquée plus haut (page 27) avait ainsi été critiquée par les États-Unis qui reprochaient à l’UE d’avoir agi sans le consentement de l’OTAN.

• À côté des organisations elles-mêmes, les États tiers ont leurs propres raisons de ne pas encourager une représentation moins équivoque de l’Union européenne sur la scène internationale. Les États-Unis tiennent à leur position dominante − en particulier au FMI et à la Banque mondiale. Les pays émergents n’ont de cesse de réclamer un rééquilibrage en leur faveur au sein des grandes organisations internationales. D’ores et déjà, la réforme interne au FMI entérinée au printemps dernier est un pas en ce sens.

La réforme des quotes-parts et de la représentation au FMI

Le 28 avril 2008, le Conseil des gouverneurs du FMI a adopté à une très large majorité une réforme de la gouvernance de l’institution. Parmi les Gouverneurs de 180 des 185 pays membres ayant pris part au vote, 175 pays représentant 92,93 % des voix au FMI ont accepté que des modifications soient apportées à la structure des quotes-parts et des droits de vote pour renforcer la participation et la représentation des marchés émergents et des pays en développement, tout en réalignant les quotes-parts relatives des membres sur le poids et le rôle de chacun d’eux dans l’économie mondiale. Le Directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a déclaré : « Je considère que ce résultat marque le début d’une nouvelle légitimité pour le FMI . « La nouvelle structure représente un pas important vers la redistribution des quotes-parts relatives en faveur des marchés émergents et des pays en développement dynamiques, et nous espérons que ce mouvement se poursuivra dans la prochaine décennie » », a-t-il ajouté.

La France et la Grande-Bretagne ont accepté de perdre 0,52 point et de revenir à 4,51 % chacune. Les États-Unis, le Japon et l’Allemagne ont admis de ne pas augmenter leur poids comme ils auraient été en droit de le faire. Cela a ainsi permis d’améliorer la représentation de la Chine de 1,02 point, à 4 %.

Outre les modifications de la structure des quotes-parts, l’ensemble de réformes recommandé par le Conseil d’administration du FMI le 28 mars 2008 augmentera la part des voix attribuées à plus des deux tiers des 185 pays membres. Il renforcera aussi la représentation et la participation des pays à faible revenu en triplant le nombre des voix de base − pour la première fois depuis la création de l’institution en 1944 − et permettra à chacun des deux administrateurs représentant les pays africains de nommer un second administrateur suppléant. Cette réforme déplace 2,7 points de quotas des pays riches vers les pays pauvres. Le total des voix de ceux-ci passe à 42,1 % et celles des pays riches à 57,9 %. « Sachant que le bon équilibre tourne autour de 50 / 50, commente Dominique Strauss-Kahn, nous aurons fait les deux tiers du chemin, car la formule permettra d’actualiser tous les cinq ans la représentativité des uns et des autres. »

Pour prendre effet, l’amendement aux statuts du FMI proposé dans la résolution devra être accepté par les 3/5es au moins des pays membres, représentant 85 % des voix attribuées. La plupart des pays membres devront obtenir l’approbation de leur Parlement national pour accepter le projet d’amendement.

Ce « premier pas dans la bonne direction », selon ses partisans, est considéré comme une mesure « cosmétique » par les ONG et ceux qui jugent que la réforme devrait être autrement ambitieuse pour donner une vraie voix aux pays en développement. « Nous pouvons difficilement parler de réforme, a résumé Elizabeth Stuart, porte-parole de l’ONG Oxfam International, quand 144 pays ne bénéficieront même pas d’une augmentation de leurs droits de vote de 1 %. »

Malgré le soutien des États membres de l’Union à cette réforme, l’Europe dans son ensemble a exprimé une certaine résistance à ce projet car elle perdra une partie de son influence au profit des États tiers, notamment asiatiques. La question de la représentation des pays émergents pouvait être envisagée différemment : en raisonnant en nombre de chaises, ces pays sont déjà convenablement représentés au sein du conseil d’administration, en particulier la Chine, la Russie, l’Arabie Saoudite, le Brésil et l’Inde, qui détiennent chacun un siège permanent, les trois premiers étant d’ailleurs seuls dans leur circonscription.

Un regard lucide sur la représentation de l’Union européenne au sein du système international actuel devrait inciter à conclure que cette représentation risque de demeurer éclatée tant que le système dans son ensemble ne sera pas unifié… Pour autant, œuvrer à une meilleure influence proprement européenne est nécessaire. Cela passe, aux yeux de votre Rapporteure, par une clarification de ce sujet, tant à Bruxelles que, pour nous Français, à Paris.

2) Vu de Bruxelles : le miroir grossissant d’une intégration communautaire inaboutie et d’une absence de leadership

a) La difficulté inhérente à la représentation extérieure de l’UE

• L’Union européenne étant toujours, dans l’attente de la ratification du Traité de Lisbonne, dépourvue de personnalité juridique propre, c’est la Communauté européenne qui est compétente pour conclure des accords avec les organisations internationales en vue de permettre à l’extérieur l’existence d’une « représentation européenne ».

À cette fin, comme le relève l’étude précitée du Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères et européennes en association avec Sciences Po (20), le Traité instituant la Communauté européenne (Traité CE) prévoit que la Commission établit des « liaisons » avec « toutes organisations internationales » (article 302, alinéa 2) et plus spécialement avec « les organes des Nations unies et leurs institutions spécialisées » (article 302, alinéa 1er). De même, la Communauté établit des « coopérations » et une « collaboration », respectivement avec le Conseil de l’Europe (article 303) et l’OCDE (article 304). C’est ce qui permet à certains auteurs de la doctrine de considérer que les articles 303 et 304 du Traité CE « à la limite, autoriseraient » l’adhésion pleine et entière de la Communauté au Conseil de l’Europe et à l’OCDE (21).

La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a précisé dans un avis de 1978 que « seule la Communauté était compétente pour négocier au sein d’une conférence ou d’une organisation internationale un engagement obligatoire portant en tout ou partie sur des matières relevant de ses compétences » (22). La Communauté peut ainsi conclure avec les organisations internationales des accords portant sur : l’association (article 310 du Traité CE), la monnaie et le change (article 111, paragraphe 3), le développement et la recherche technologique (article 170), l’environnement (article 174, paragraphe 4), la coopération et le développement (article 181), le commerce (article 133, paragraphe 3), et les modalités de coopération économique, financière et technique en faveur de pays non classés « en développement » (article 181A). En outre, la Communauté et les États membres peuvent promouvoir la coopération au sein des organisations internationales dans les domaines de l’éducation (article 149, paragraphe 3), de la formation (article 150, paragraphe 3), de l’éducation (article 151, paragraphe 3) et de la santé (article 152, paragraphe 3).

Deux stipulations du Traité CE concernent les modalités concrètes de la participation de la Communauté aux activités des organisations internationales. L’une (article 300, paragraphe 2), générale, prévoit une prise de décision à la majorité qualifiée au Conseil sur proposition de la Commission ; l’autre (article 111, paragraphe 4) concerne l’Union économique et monétaire et prévoit en outre une consultation de la Banque centrale européenne.

Selon le relevé effectué par le Centre d’analyse et de prévision du MAEE, la CJCE a confirmé le droit de la Communauté européenne d’adhérer à une organisation internationale et d’y assumer des engagements obligatoires lorsque l’objet de l’organisation entre dans le champ de ses compétences (23). Elle lui a également reconnu, dans certaines limites, le droit de créer des structures susceptibles de prendre des décisions de nature à lier ses propres institutions, non seulement sur le fondement des dispositions explicites du Traité CE en la matière mais, au-delà, en vertu de la théorie des compétences implicites (article 308 du Traité) (24).

• Le Traité sur l’Union européenne (Traité UE) aborde la question sous un angle plus politique. La participation aux organisations internationales y est vue comme un moyen pour l’Union d’assurer la « cohérence de l’ensemble de son action extérieure » (article 3, paragraphe 2), et par conséquent « d’affirmer son identité sur la scène internationale » (article 2, paragraphe 2).

S’agissant de la participation de l’Union aux instances internationales à travers ses États membres, les dispositions du Traité UE relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (« deuxième pilier », articles 18 à 20) ainsi qu’à la justice et aux affaires intérieures (« troisième pilier », article 37 qui renvoie aux mêmes stipulations) sont explicites :

− l’article 18 du Traité sur l’Union européenne prévoit que « la présidence […] exprime, en principe [c’est à dire si elle y est représentée], la position de l’Union dans les organisations internationales » (paragraphe 2), qu’elle est pour ce faire assistée du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et, le cas échéant, de l’État qui exercera la présidence suivante (paragraphe 3) et que la Commission est « pleinement associée » à cette tâche (paragraphe 4) ;

− l’article 19 prévoit que les États membres « coordonnent leur action » et « défendent les positions communes » au sein des organisations internationales. En outre, dans les organisations où seulement certains États membres de l’Union seraient représentés, ceux-ci informent les autres États membres et défendent les positions de l’Union. C’est notamment le cas au Conseil de sécurité des Nations unies, où ils le font « sans préjudice des responsabilités qui leur incombent en vertu de la Charte » ;

− l’article 20 invite enfin les représentations des États auprès des organisations internationales et les délégations de la Commission, qui abritent les représentants du secrétariat général du Conseil, à coopérer pour assurer le respect et la mise en œuvre des actions et positions communes arrêtées par le Conseil.

Enserrée dans ce cadre normatif typique du fonctionnement de l’Union, la question de la représentation extérieure est un miroir des compétences partagées entre la Communauté et les États membres. En fonction des sujets qui y sont abordés, chaque organisation internationale constitue ainsi un cas particulier, dont les principaux ont été évoqués. De façon plus préoccupante, on peut aussi voir dans les difficultés de la représentation commune le révélateur de discordances plus profondes.

b) Un révélateur des faiblesses internes de l’Union et d’un manque de coordination

À observer la place et le rôle de l’Union européenne dans le système international et les organisations qui en sont encore l’ossature, se dégage la nette impression d’une absence préjudiciable de leadership et d’un risque consécutif de marginalisation de l’Europe. Outre le défaut d’une communauté de vues sur le plan politique, d’évidents dysfonctionnements minent l’influence européenne sur la scène mondiale.

– Politiquement, où sont les stratégies, les acteurs, les instruments ?

• Dans un monde qui attendrait d’elle autre chose, l’Union européenne apparaît trop souvent comme un « ventre mou ». À l’ONU par exemple, comme le note avec justesse le secrétariat général de la PFUE à New York dans l’analyse qu’il a développée auprès de votre Rapporteure, l’Union fait preuve d’une trop grande timidité dans l’affirmation de son rôle de « partenaire global » de l’ONU. Nous devrions plus systématiquement insister sur notre rang de premier partenaire de l’ONU et sur la large gamme d’instruments mis en place par l’Union européenne, qui lui permet d’agir aux côtés des Nations unies dans presque tous ses domaines d’intervention. L’Europe semble souffrir d’introspection maladive, de vision autocentrée des enjeux.

En parallèle, la culture du « consensus à tout prix », entretenue notamment par les pays nordiques, conduit souvent l’Union à s’interdire un recours au vote, même lorsque certaines de ses valeurs prioritaires se trouvent contestées. Il faut certes nuancer cette critique car, du fait de la concertation ainsi effectuée en amont, les positions de l’UE deviennent souvent la base du compromis final à l’Assemblée générale des Nations unies ; en effet, l’Union s’est imposée au fil des années comme l’interlocuteur principal du G77 − qui regroupe en réalité 132 pays en développement −, face aux positions plus tranchées adoptées par certains autres pays industrialisés. A contrario, la persistance des divergences internes lors des votes sur certaines questions à caractère très politique, comme la situation au Moyen-Orient ou le thème de la décolonisation, nuit à l’image de cohésion de l’Union.

On peut, avec M. Laurent Cohen-Tanugi (25), « se demander si l’Union européenne est aujourd’hui suffisamment armée pour faire face à cette nouvelle donne, dès lors qu’elle ne dispose pas des mêmes instruments que les nations-continents qui sont à la fois ses partenaires et ses concurrents ». Et le rapport d’énumérer un certain nombre de faiblesses intrinsèques de l’UE :

− la construction européenne a en grande partie été fondée sur la volonté d’encadrer l’usage potentiellement destructeur des souverainetés nationales, tant sur le plan politique qu’économique. Ce faisant, elle a conduit à limiter strictement les interventions des États membres dans les secteurs qu’ils jugent stratégiques, sans parvenir pour l’heure à dégager une définition claire des « intérêts stratégiques européens » en matière économique ;

− hormis dans la sphère commerciale, l’Union s’est peu préoccupée de mener la « bataille de la mondialisation » et n’a pas, en conséquence, su tirer parti de son poids comme « géant économique ». Le rapport Cohen-Tanugi évoque à cet égard « la vision économique “ introvertie ” portée par le Traité de Rome (axée sur la construction d’un marché unique) » ;

– le refus, par l’OMC naissante, de l’introduction d’une « clause sociale » dans les négociations commerciales internationales a également constitué un échec patent pour les Européens dans l’une de leurs premières tentatives pour s’affirmer sur la scène internationale au-delà du champ purement technique ;

− la construction européenne a en grande partie reposé sur la production de règles de droit communes plutôt que sur l’institution d’acteurs capables de produire des choix politiques adaptés à l’évolution du contexte. L’Union ne dispose donc aujourd’hui que de peu d’outils d’action intégrés (politique de concurrence, politique commerciale, politique monétaire) dont l’usage est confié à des organes dont les statuts et missions sont définis par les États membres ;

− sur le plan institutionnel, la construction européenne a conduit à la mise en place d’une « souveraineté partagée » entre États membres d’une part, entre institutions de l’Union d’autre part, dont l’exercice est beaucoup plus complexe et plus lent que celui en usage dans les pays fortement centralisés − et parfois autoritaires ;

− sur le plan diplomatique enfin, l’Europe projette ses valeurs de paix, de droit, son credo multilatéral sur un monde marqué par le retour des intérêts de puissance et de la Realpolitik.

À cela s’ajoute un rapport ambigu de l’Europe au monde, marqué par la crainte rémanente du colonialisme. Par contraste, les « grands émergents » sont exempts de tels stigmates, et à ce titre ils s’imposent de plus en plus – la Chine en particulier – comme les nouveaux partenaires des pays en développement, qui apprécient une aide offerte sans les « conditionnalités » qui assortissent et donc alourdissent, selon eux, la coopération avec l’Union européenne.

• À cet égard, la question des droits de l’homme telle qu’elle est traitée à l’ONU est tout à fait emblématique des faiblesses de l’Union européenne dans la promotion de ce qui constitue le cœur de ses valeurs.

Certes, des causes exogènes expliquent en partie ces difficultés. Il y a ainsi un véritable hiatus entre les discours des États-Unis en faveur de la démocratie et des droits de l’homme et les dérives de l’administration américaine sortante − que l’on songe par exemple aux entorses aux droits de l’homme en Irak et à Guantanamo, ainsi que dans la lutte contre le terrorisme. Le même reproche vaut pour son approche « à la carte » du multilatéralisme, à travers ses références opportunistes à la Cour pénale internationale, ou bien dans la résistance opposée au consensus sur la lutte contre le changement climatique. Cette attitude a sans doute rejailli sur la crédibilité globale des Occidentaux. Une autre cause exogène peut être recherchée dans l’alliance objective, bien qu’elle ne soit pas sans failles, entre la Russie et la Chine, qui les conduit à s’opposer à toute initiative qui pourrait être conçue comme une remise en cause du principe de souveraineté. Ainsi en va-t-il des résolutions « pays » sur les droits de l’homme, des sanctions contre le Zimbabwe, ou de la « responsabilité de protéger ».

Mais à en croire le European Council on Foreign Relations dans son étude précitée, qui se fonde sur les mêmes exemples récents, « l’Union européenne aux Nations unies connaît un lent mouvement de crise » dans le domaine des droits de l’homme. Elle est en net recul par rapport à la Russie, à la Chine et à leurs alliés. Alors qu’à la fin des années 1990 elle pouvait compter sur le soutien de 72 % de l’Assemblée générale sur ces questions, à l’heure actuelle l’UE ne parvient pas à en rassembler la moitié des membres. Par contraste, sur la même période, la Chine est passée de 50 % de soutien à 74 %.

Les deux graphiques suivants sont édifiants à cet égard. Le premier illustre à la fois l’effort de cohésion de l’Union et son inexorable perte d’influence en matière de droits de l’homme à l’ONU :

ÉVOLUTION DU DEGRÉ DE COHÉSION DE L’UE ET DE SON INFLUENCE SUR LES VOTES EN MATIÈRE DE DROITS DE L’HOMME À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES

Sessions de l’Assemblée générale

Lecture :la courbe foncée correspond au degré de cohésion dans les votes émis par les États membres de l’UE en matière de droits de l’homme à l’Assemblée générale (100 % lors des trois dernières sessions étudiées). La courbe claire retrace le taux d’accord de l’ensemble des votants à l’Assemblée avec les positions de l’UE (48 % au cours de la session 2006-2007 et 55 % l’an dernier).

Source : European Council on Foreign Relations.

Le second graphique montre la nette évolution de l’influence respective de l’Union et des Occidentaux en général face à la Chine et à la Russie sur cette question des droits de l’homme :

ÉVOLUTION DE LA CONCORDANCE DES VOTES DE L’AGNU
AVEC L’UE, LES ÉTATS-UNIS, LA CHINE ET LA RUSSIE SUR LES DROITS DE L’HOMME


États-Unis

UE

Russie

Chine

Sessions de l’Assemblée générale

Source : European Council on Foreign Relations.

Selon le think tank dans son étude, la perte d’influence de l’Union sur ce sujet cardinal serait due à un manque de crédibilité, tandis que la Chine et la Russie feraient preuve d’« habileté diplomatique ». Ces deux pays ont clairement abandonné leur prudence ou leur discrétion passées pour déployer une attitude beaucoup plus « compréhensive » à l’égard des pays en développement du G77 et en retour, ces États leur en savent gré. L’Union a trop peu d’alliés sur les questions de droits de l’homme − 20 % seulement des membres de l’Assemblée générale − et elle se montre moins conciliante avec les pays en développement. En conséquence, elle a récemment été à la peine sur une série de résolutions emblématiques : Birmanie, Zimbabwe, Kosovo, Darfour. Dans l’enceinte spécialisée des Nations unies, le Conseil des droits de l’homme − successeur en 2006 de la Commission des droits de l’homme, totalement discréditée −, le constat est même aggravé, depuis la création de cet organe : le sujet est de plus en plus politisé, voire instrumentalisé. Un diplomate européen a ainsi pu se plaindre : « Ce n’est plus “ l’Ouest contre le reste ”, c’est l’Europe contre le monde. »

L’étude précitée identifie ainsi une liste d’« amis absents », les pays qui votaient naguère comme l’Union européenne en matière de droits de l’homme et ne le font plus systématiquement : 18 pays d’Afrique (dont l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Égypte et le Sénégal), 13 pays d’Asie (dont l’Arabie saoudite et bon nombre d’autres États du Golfe) et 10 pays d’Amérique latine (dont le Venezuela).

Et pourtant, lorsque la détermination est suffisante et la stratégie adéquate, les Européens peuvent remporter de belles victoires, telle la résolution de décembre 2007 appelant à un moratoire sur la peine de mort, alors même que des alliés occidentaux traditionnels, les États-Unis et le Japon, faisaient défaut. De tels succès sont trop rares. Ils ne doivent pas non plus faire oublier que de graves dissensions sont toujours possibles entre Européens sur des questions majeures, telle l’invasion de l’Irak en 2003.

– En pratique, des désaccords, des lourdeurs et d’évidents dysfonctionnements

Quelle que soit l’organisation internationale, les États membres, si proches soient-il, comme c’est le cas au sein de l’Union européenne, conservent inévitablement certaines divergences idéologiques, politiques ou diplomatiques. Ainsi, sur les sujets de politique extérieure, les points de vue des « atlantistes » et des partisans d’une Europe-puissance indépendante sont difficilement conciliables ; les questions économiques suscitent des désaccords entre les promoteurs du libre-échange et ceux qui le remettent en question au nom d’autres visions de ce que doit être l’aide au développement ; quant au rôle à accorder aux organisations internationales, la perception en est systématiquement biaisée selon le statut des États membres, entre nouveaux venus, réservés, et pays « installés » bénéficiant déjà de prérogatives particulières qu’ils souhaitent pérenniser.

• Votre Rapporteure n’a pas manqué de le constater à New York : la présidence de l’Union européenne y est largement consacrée à la coordination interne, ce qui peut présenter certains aspects positifs mais demeure globalement un inconvénient majeur, source évidente de perte d’énergie, de faiblesse pour l’influence de l’UE.

Le secrétariat général de la PFUE n’hésite pas à dire que les « procédures actuelles de coordination pointilleuse des positions communautaires » au niveau des experts, qu’il s’agisse des interventions ou des amendements aux résolutions, étaient « gérables » à 12 ou à 15 mais le sont beaucoup plus difficilement à 27. De plus, la présidence se trouve, en séance, excessivement contrainte par ce langage agréé dans le détail, et ne bénéficie plus de la latitude d’intervention et de la capacité de réactivité nécessaires pour la négociation ou pour le type de débat interactif qui devient de plus en plus la norme à l’ONU.

Le temps et l’énergie dépensés pour cette coordination interne le sont au détriment d’une utilisation optimale du potentiel diplomatique de l’Union pour la promotion des priorités et des projets communautaires auprès des autres groupes, en utilisant les cercles d’influence privilégiés des divers États membres − par exemple la Francophonie pour la France, le Commonwealth pour le Royaume-Uni, les pays de l’Europe de l’Est pour les anciens membres de la Communauté des États indépendants, l’Amérique centrale et l’Amérique latine pour l’Espagne et le Portugal.

Sur un plan plus pratique encore, il faut souligner qu’un certain « décalage des ordres du jour » existe entre Bruxelles et New York, aux sens français et anglo-saxon du terme, c’est-à-dire dans le temps comme dans la perspective. Dans le temps : les lignes directrices sont souvent fixées à Bruxelles alors que les négociations sont déjà entamées à New York. Dans la perspective : le contexte d’une concertation à 27 à Bruxelles ne tient pas toujours compte des réalités de la négociation à 192 à New York. Cet état de fait nuit également à la capacité de négociation européenne.

Enfin, continue de faire défaut à New York une vraie réflexion « stratégique », permettant de prendre une certaine hauteur vis-à-vis des activités immédiates de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, de discerner nos réelles priorités et de concevoir la façon d’assurer une meilleure visibilité et une plus grande efficacité des activités de l’Union européenne à l’ONU. Il y ici a en réalité un problème de culture, qui se traduit par une approche très différente des sujets entre ces deux « mondes ».

• Dans d’autres enceintes, comme au FMI et à la Banque mondiale, les divergences d’intérêt sont importantes, largement fonction de la taille de l’État membre et de l’ouverture internationale de son secteur privé, mais également liées à la dispersion des Européens au sein de « chaises » différentes.

Sur le fond, la France et la Grande-Bretagne considèrent les institutions de Bretton Woods comme des instruments de politique d’aide développement et de soutien financier à l’échelle internationale. Leur héritage colonial les pousse à vouloir utiliser le FMI et la Banque mondiale comme des outils politiques d’aide financière à leurs anciennes zones d’influence. A contrario, l’Allemagne se détourne de cette vision politique et considère en premier lieu le FMI comme un stabilisateur économique international et un outil de surveillance multilatérale. Les pays scandinaves se concentrent sur l’utilisation du FMI dans la lutte pour la transparence. L’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et la « chaise » nordique composent ainsi le clan des « orthodoxes » qui plaident pour une grande rigueur au FMI, mais pas uniquement à l’encontre des pays pauvres.

S’agissant de la question plus pratique d l’éclatement de la représentation européenne en plusieurs « chaises », de nombreux États membres ont intérêt à faire perdurer la situation actuelle. En effet, certains « petits » pays, comme la Belgique et les Pays-Bas, qui président une circonscription dans le système actuel et bénéficient ainsi d’un moyen d’expression politique sur la scène internationale, s’opposent à la perspective d’un remaniement des circonscriptions qui leur ferait perdre automatiquement leur présidence. Les trois grands pays qui ont une chaise unique − France, Allemagne, Royaume-Uni − ne souhaitent pas abandonner leurs prérogatives actuelles et la position d’influence qu’ils exercent actuellement au sein du conseil d’administration. En particulier, le Royaume-Uni qui a réellement développé une capacité d’influence au sein des institutions de Bretton Woods pourrait ne peut pas être favorable au regroupement des circonscriptions qui le priverait d’un levier d’action important. Enfin, d’autres pays européens comme l’Irlande ou l’Espagne peuvent poursuivre leur logique propre.

Ainsi, en dépit d’efforts de cohésion chronophages et qui sont parfois source de moindre efficacité collective, les démarches bilatérales ne sont jamais totalement absentes au sein des organisations internationales de la part des États membres de l’Union. Cette question se pose bien sûr également à la France.

3) Le point de vue français : l’arbitrage entre le particulier et le collectif

L’arbitrage entre positions nationales et communautaires prend certes un relief particulier lorsqu’un État, comme c’est le cas actuellement pour la France, assume la présidence tournante de l’Union européenne − en toute rigueur, la présidence des différentes formations du Conseil de l’UE et la présidence du Conseil européen. Même en dehors de ces périodes cependant, force est de reconnaître que notre statut de pays fondateur de la Communauté européenne nous oblige. Si la politique de la France sur la scène internationale ne peut se diluer dans la promotion exclusive de l’Europe, elle ne peut ni ne doit, à aucun moment, s’en abstraire complètement.

a) Le complexe de la grandeur

Au début des années 1960, le général de Gaulle déclarait, ramassant sa vision de la place de la France dans le monde : « C’est parce que nous ne sommes plus une grande puissance qu’il nous faut une grande politique. Car si nous n’avons pas une grande politique, comme nous ne sommes plus une grande puissance, nous ne serons plus rien. » Nous percevons toujours aujourd’hui les dividendes de cette politique ambitieuse qu’il a fallu, dans l’intervalle, articuler avec le choix de la construction européenne et la promotion du multilatéralisme.

– Notre pays jouit d’un statut privilégié dans de grandes organisations internationales…

Comme l’indique le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France publié en juillet dernier, « le multilatéralisme est, pour la France, non seulement un outil, mais un principe d’action dont elle se réclame. » Cet engagement en faveur de la coopération internationale suppose, selon les auteurs du Livre blanc, le maintien au sein du ministère des Affaires étrangères et européennes d’une expertise institutionnelle permettant d’avoir une vision du rôle et des atouts de chaque organisation, agence, fonds et programme, surtout dans un système international de plus en plus complexe. Il justifie aussi l’entretien de 21 représentations permanentes auprès des organisations internationales au sein de notre réseau diplomatique, qui ne méritent que des éloges.

Les contributions financières de la France aux institutions internationales participent de notre soutien au « multilatéralisme efficace » que promeut l’Union européenne. Elles participent aussi de notre influence et de notre crédibilité. Sur ce point, la commission du Livre blanc estime que des progrès peuvent être accomplis dans nombre d’institutions pour la maîtrise des dépenses et une meilleure répartition de l’effort. Est notamment soulignée la faiblesse des contributions volontaires au financement du multilatéralisme.

Le ministère des Affaires étrangères et européennes demeure pourtant soucieux de la présence française dans les instances de décision des grandes enceintes multilatérales, qu’il voit à la fois comme « indicateur et vecteur de la capacité à assurer efficacement, sur la scène internationale, la promotion des positions de la France », pour reprendre les termes mêmes du dernier projet annuel de performances du programme « Action de la France en Europe et dans le monde », document budgétaire destiné à exposer la stratégie du Gouvernement dans le domaine de l’Action extérieure de l’État.

Ce document comprend justement un indicateur de performance mesurant la capacité de la France à promouvoir ses nationaux et sa langue dans les organisations internationales :

INDICATEUR 1.2 : PRÉSENCE DES FRANÇAIS ET USAGE DU FRANÇAIS
DANS LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

 

2006
Réalisation

2007
Réalisation

2008
Prévision
PAP 2008

2008
Prévision
actualisée

2009
Prévision

2011
Cible

1. Taux d’« élections » remportées par la France ou des Français

87 %

100 %

90 %

90 %

100 %

100 %

2. Encadrement ONU

6 %

6,24 %

6 %

5,37 %

5,3 %

5 %

3. Encadrement UE

12,4

11,8 %

12 %

11,76 %

11,7 %

11,5 %

4. Usage du français à l’ONU

16 %

14 %

14 %

14 %

14 %

14 %

5. Usage du français dans les instances de l’UE

14 %

12,3 %

11 %

11 %

10,5 %

10 %

Source : projet annuel de performances du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » pour 2009.

Le contenu des deux premiers sous-indicateurs est le suivant :

− le premier porte sur les candidatures de la France ou de Français à des élections pour des instances décisionnelles d’organisations internationales du système des Nations unies, des institutions de Bretton Woods, de l’OMC, de l’OCDE, de l’OSCE et du Conseil de l’Europe. Ce taux consiste à rapporter le nombre d’élections remportées par la France ou des Français au nombre d’élections pour lesquelles la France ou des Français étaient candidats. Les cibles sont ambitieuses et les résultats en 2007 et 2008, excellents, votre Rapporteure étant fière d’y avoir contribué ;

− le deuxième sous-indicateur calcule la part de Français dans le nombre total d’administrateurs à l’ONU. Le pourcentage d’administrateurs français à l’ONU est passé de 6,24 % en 2007 à 5,37 % en 2008 ; cependant, la France figure toujours en deuxième position dans la catégorie des administrateurs, après les États-Unis et devant le Royaume-Uni, et en première position à Genève.

Naturellement, au-delà des représentations permanentes, des contributions budgétaires et des fonctionnaires en place au sein des organisations internationales, le statut éminent de la France est lié à son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies et à sa chaise au FMI et à la Banque mondiale. La mise en cohérence de ces outils de puissance nationale avec notre engagement européen comme avec la promotion d’un multilatéralisme plus équilibré entre Nord et Sud ne va pas sans tensions, parfois.

– … dont l’articulation avec le fait européen n’est pas toujours évidente

Sommes-nous prêts à renoncer à nos « privilèges » ? Comment utilisons-nous les leviers dont nous disposons dans certaines institutions internationales pour promouvoir des positions européennes ? Telles sont les deux questions clefs qui sont le test de notre engagement européen. Précisément, selon le Livre blanc précité, la France « doit […] mieux faire coïncider son discours et son engagement ».

Nulle part mieux qu’à l’ONU, la tension n’est palpable entre identité européenne forte et préservation de l’intérêt national. La France − non plus que le Royaume-Uni − ne souhaite pas renoncer à son siège de membre permanent au Conseil de sécurité. Il est particulièrement difficile d’envisager une volonté commune pour une amélioration de la représentation européenne dans cette enceinte si cette dernière implique la perte d’un siège permanent pour ces deux États membres. De plus, certains États particulièrement atlantistes ne souhaitent pas forcément que l’Union mette en place un mécanisme de représentation se détachant des États-Unis.

L’asymétrie entre États membres au regard de leurs intérêts au changement est flagrante. Ne soyons d’ailleurs pas naïfs : quelles sont les arrière-pensées de ceux qui demandent aux autres − donc à nous − de renoncer à leur siège dans une organisation ?Il faut bien admettre que la France a dans ce domaine une position ambiguë : elle s’affiche clairement en faveur d’une représentation accrue et unifiée de l’UE à l’ONU mais ne cache pas non plus sa volonté de conserver ses prérogatives et de protéger son statut de puissance ainsi que son influence sur la scène internationale.

Beaucoup a été écrit sur le sujet, pourtant la réponse définitive à la question suivante se fait toujours attendre : l’intérêt collectif que possède aujourd’hui l’Union à compter deux des « siens » comme membres permanents du Conseil de sécurité, serait-il mieux servi dans une autre configuration ? Il est manifeste, à travers cet exemple emblématique entre tous, que la question de la conciliation entre le national et le communautaire n’est pas univoque.

b) L’Europe comme relais de puissance

– Alors que notre action diplomatique ne peut, dans la mondialisation, faire abstraction de la dimension européenne…

On l’a dit, les Traités européens font obligation à la France d’inscrire son action diplomatique dans le cadre communautaire, et elle y trouve d’ailleurs naturellement son intérêt propre. Cette attitude déborde d’ailleurs le seul cercle des organisations internationales pour s’inscrire dans la problématique de la mondialisation.

Dans son récent Rapport au Président de la République sur la France et la mondialisation, M. Hubert Védrine a raison d’écrire qu’après avoir pendant des années fait porter à « Bruxelles » la responsabilité de réformes indispensables et librement assumées, les gouvernements français successifs ont eu tendance à déconnecter largement leurs programmes de réforme de toute perspective européenne − tendance qui s’est accentuée après l’échec du référendum du 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel européen.

M. Védrine estime avec justesse que cette déconnexion apparaît aujourd’hui contre-productive : abstraction faite de l’incertitude conjoncturelle de l’heure, l’ambitieux programme de réformes mis en chantier par le Gouvernement depuis la mi-2007 gagnerait encore en soutien public et en lisibilité si ces réformes étaient mises en cohérence au sein d’une stratégie globale de dimension européenne, en vue de « l’économie de la connaissance », à laquelle participent l’ensemble des États membres de l’Union et produisant chez plusieurs d’entre eux des résultats très positifs. Qui plus est, la référence explicite à la stratégie européenne contribuerait à valoriser davantage les réformes françaises aux yeux de Bruxelles.

Il y a donc bien un levier européen à faire jouer au service d’une cause et d’enjeux nationaux.

– … la question d’un renforcement mutuel entre influences française et européenne dans les enceintes multilatérales est éminemment actuelle

• Le cas de l’OTAN est révélateur des enjeux de puissance entre États dans lesquels la dimension européenne interfère largement. En effet, alors que les pays d’Europe centrale et orientale et le Royaume-Uni se rangent parmi les atlantistes et veillent à toujours être en accord avec les États-Unis, d’autres États membres de l’Union − la France, la Belgique, le Luxembourg et l’Espagne − optent pour une « Europe-puissance », sans toutefois être très précis sur son rapport aux États-Unis et à l’OTAN ; la France, par exemple, est puissante au sein de l’OTAN mais plaide également pour une Europe forte et libre vis-à-vis des États-Unis. Enfin, l’Allemagne ou le Danemark souhaitent une OTAN forte, et seul pilier de la défense commune, en raison de difficultés budgétaires notamment.

La position de la France à l’OTAN est redevenue celle d’une puissance de premier plan, bien que restant en dehors du processus de planification de défense, apanage du comité des plans de défense. La participation de la France à l’OTAN, qu’il s’agisse de la KFOR au Kosovo ou de la FIAS en Afghanistan, la place au troisième rang des pays contributeurs de troupes, à un niveau comparable à celui de l’Allemagne et de l’Italie. On sait trop peu qu’il y a plus de soldats français que de soldats américains sous le drapeau de l’OTAN, en raison de la propension américaine à intervenir sous son propre drapeau. Notamment depuis la Déclaration du Président de la République Jacques Chirac à Riga en novembre 2006, la France émet le souhait d’une représentation accrue de l’Union européenne au sein de l’OTAN. Les avantages que nous y trouverions sont doubles : d’une part, la France pourrait démultiplier son influence et son point de vue, et d’autre part, la présence renforcée de l’Union permettrait de contrebalancer le point de vue américain.

Cependant, la France opte pour une Europe puissance tout en refusant les blocages diplomatiques et politiques qu’elle pourrait entraîner, et qui seraient autant d’obstacles potentiels à la puissance et à l’action françaises dans le monde. Au fond, le point de vue français reste la traditionnelle vision gaulliste d’une Europe qui permettrait, au sein de l’OTAN comme ailleurs, d’agrandir la zone d’influence française.

• « Ce n’est pas manquer d’humanité que d’estimer qu’une politique étrangère réaliste doit d’abord se préoccuper d’assurer à moyen et long terme notre sécurité géopolitique, stratégique, économique, écologique », écrit M. Védrine dans son rapport au Président de la République, pour s’empresser d’ajouter que cela n’exclut en rien, au contraire, de contribuer de la meilleure façon possible à la résolution des problèmes du monde, comme nous devons le faire de toutes façons en tant que membres du Conseil de sécurité ou du G8 notamment. « La France a, à cet égard, une expérience, une créativité et un savoir-faire tout à fait particuliers. Mais pas en faisant comme si nous n’avions pas d’intérêts vitaux à défendre, et que des idéaux universels. »

Ainsi, pour corriger « l’illusion d’optique » qui s’est installée sur le multilatéralisme, le rapport préconise d’agir le plus efficacement possible dans le cadre des institutions internationales où les États essaient de coopérer avec un maximum d’efficacité, sans attendre que ce qu’il appelle « la communauté internationale mythique » le fasse à notre place. Il s’agit d’inciter fortement l’Union européenne à se penser comme une puissance, faute de quoi elle ne sera même pas un pôle dans le monde multipolaire en formation, et de l’encourager à construire « des rapports de force intelligents » avec les grands pays émergents.

*

Relativisme des positions, présidence fluctuante à rotation rapide et dont la représentativité varie d’un semestre à l’autre, faible degré de réactivité dû notamment à la lourdeur des procédures internes de coordination et, parfois, à des divergences de vues ou d’intérêts, défaut d’offre politique faible − que dit-on à la Chine ? à la Russie ?… l’Europe est présente universellement sans idées fortes. Après avoir façonné un système international qu’elle croyait « doux », la voici empêtrée dans ses procédures et son manque d’affirmation au sein d’un monde « dur ». À être un espace trop sophistiqué, trop introverti, l’Union européenne risque de ne montrer que de la faiblesse en cas de crise. De réglementaire, l’Europe doit devenir régulatrice pour proposer au monde un modèle attractif et s’affirmer comme puissance d’équilibre.

II – DE L’EUROPE RÉGLEMENTAIRE À L’EUROPE RÉGULATRICE : L’EUROPE, NOUVELLE PUISSANCE D’ÉQUILIBRE

M. Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, a résumé en septembre dernier à votre Rapporteure, d’une formule qui depuis a été reprise par M. Dominique Strauss-Kahn et n’a cessé de gagner en pertinence à la lueur de nouvelles crises, le chemin à parcourir : il faut passer « des pompiers aux architectes », le système international a besoin de davantage qu’un sauvetage d’urgence − même si celui-ci est indispensable −, il doit être repensé et refondé.

A – De l’Europe réglementaire à l’Europe régulatrice

La première partie du présent rapport a permis de montrer, dans le domaine de la représentation et de l’action extérieures, combien l’Europe pouvait ressembler à un « Gulliver empêtré », peinant à faire de son poids économique et des valeurs qu’elle incarne un véritable outil d’influence, sinon de puissance.

Votre Rapporteure en avait l’intuition l’an dernier à la même époque, alors qu’elle s’interrogeait sur ce qu’allait être la présidence française de l’Union européenne (26) ; elle en est aujourd’hui convaincue : la PFUE, en plus de marquer avec éclat le retour de la France en Europe et de l’Europe en France, est d’ores et déjà une rupture fondamentale. Les événements en auront même fait une présidence historique − encore fallait-il que ses responsables fussent au rendez-vous de cette histoire-là. Le moment est donc favorable, il s’agit de le saisir pour que l’Union assume le rôle de régulatrice qui devrait être le sien.

1) L’apport multiple de la présidence française de l’Union européenne

Dans la mécanique classique et bien huilée que constitue généralement le déroulement d’une présidence, alors que se succèdent les échéances à honorer et à préparer selon un calendrier bien souvent imposé par les procédures existantes, le premier trait distinctif qu’un pays peut dégager en utilisant les quelques marges de manœuvre disponibles au sein du calendrier est le choix des priorités qui seront inscrites à l’ordre du jour, ce qu’en langage communautaire − comme d’ailleurs dans les organisations internationales − on nomme le choix de l’agenda.

a) Le choix de l’agenda : la préfiguration d’une doctrine européenne

Puisqu’il n’y a pas de bonne présidence sans grandes priorités, il importait de les définir avec pertinence, de les placer au bon niveau d’ambition ; c’est ce qui a été fait, à travers des sujets qui sont les réponses à apporter aux défis mondiaux :

− la maîtrise des migrations ;

− la relance de la politique européenne de la défense ;

− la politique européenne de l’énergie et du développement durable ;

− la croissance et l’emploi, par le développement d’une économie de la connaissance et de l’innovation, domaine dans lequel les imprévus de ces dernières semaines ont quelque peu bouleversé l’agenda ;

− s’y ajoute le « bilan de santé » de la politique agricole commune (PAC), qui peut paraître plus centré sur l’Europe seule mais qui résonne au-delà de nos frontières en ces temps de crise alimentaire mondiale.

Après un peu plus de quatre mois de présidence française et sans préjudice de ce qui sera accompli d’ici au Conseil européen de décembre, un premier bilan a pu être esquissé en dernier lieu à l’Assemblée nationale, par M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, à l’occasion de l’examen en commission, le 7 novembre dernier, des crédits à inscrire au budget de 2009 pour « solder les comptes » de la PFUE l’an prochain.

S’agissant de l’immigration, le « pacte européen » qui a été conclu sous l’impulsion de la présidence française est d’ores et déjà un sujet de légitime satisfaction. L’Europe a besoin d’immigration. Il est évident que son déficit démographique doit être comblé et que l’immigration constitue pour elle une chance à saisir. L’objet du pacte est de l’organiser, dans un espace de Schengen qui reste le plus important espace de libre circulation des personnes de la planète avec 450 millions de personnes. En outre, ce pacte s’inscrit dans la continuité des actions déjà menées depuis 2005 par la Commission européenne. Il met l’accent sur deux éléments importants : d’une part, le codéveloppement et les accords avec les pays d’origine des migrants ; d’autre part, la relation entre les besoins économiques et sociaux de l’Union et son attractivité à l’égard des populations migrantes. De ce point de vue, nous nous rapprochons plutôt du bon modèle des États-Unis.

Concernant la défense et la sécurité, après la réunion informelle des ministres de la défense tenue à Deauville le mois dernier, un consensus devrait être trouvé au Conseil européen de décembre sur une nouvelle stratégie de sécurité, qu’il s’agisse des relations entre l’Union européenne et la Russie, des nouvelles menaces terroristes, des déséquilibres et des catastrophes naturels, de la cybercriminalité. Autant d’enjeux cruciaux dans le monde actuel. Par ailleurs, le lancement de programmes de coopération militaire devrait être annoncé, dans le domaine aéronaval ou aéroporté, par exemple. Des progrès sont également à attendre sur l’avion A 400 M.

Sur le thème de l’agriculture, la présidence devrait parvenir, lors de la prochaine réunion du conseil des ministres concernés, en novembre, à un accord sur le « bilan de santé » de la politique agricole commune. Il existe déjà un consensus sur la nécessité de conserver une forte production agricole en Europe – ce qui n’était pas acquis, notamment aux yeux de nos partenaires britanniques – et de développer une agriculture prenant en compte les besoins environnementaux tout en l’orientant davantage vers la sécurité alimentaire. Il reste à trancher la question de l’intervention. Dans ce domaine, la présidence française est attachée au maintien des dispositifs existants, en raison de l’extrême volatilité des cours sur le marché agricole, dont on a vu encore récemment les manifestations.

Le dossier le plus important et le plus délicat est celui du paquet « énergie-climat », pour lequel les négociations restent difficiles dans trois domaines. Le premier est celui du partage de l’effort de réduction des émissions polluantes, notamment dans les pays d’Europe centrale et orientale. Dès lors que certains pays produisent 95 % de leur électricité à partir du charbon, il faut bien prendre en compte leur spécificité ; le tout est de savoir de quelle façon. Le deuxième problème concerne certains secteurs industriels à haute intensité énergétique, qui doivent rester compétitifs si l’on veut éviter les délocalisations liées à l’environnement. Enfin, le troisième problème a trait aux mécanismes d’affectation de revenus tirés des permis de polluer et à la solidarité dont nous devons faire preuve en matière énergétique, afin, notamment, de rendre un certain nombre de pays moins dépendants de la Russie. Dans ce domaine, l’Europe ne doit pas perdre de vue les responsabilités qui lui incombent avant les prochaines conférences internationales, à Poznan avant la fin de l’année, et à Copenhague dans un an.

Votre Rapporteure a l’intention de revenir ultérieurement, après la fin du semestre de présidence française, sur le bilan de ses réalisations et les enseignements exhaustifs à en tirer.

b) L’affirmation de la présidence

Quelles que soient les ressources de l’« ingénierie institutionnelle », la qualité de la présidence passe par son affirmation au quotidien. Pour renverser la formule de Jean Monnet, si rien n’est durable sans les institutions, rien n’est possible sans les hommes. À cet égard, même en faisant abstraction des crises qui ont rythmé ce semestre, la PFUE a pris un certain nombre d’initiatives visant à renforcer l’efficacité de l’Union, comme en témoignent les éléments suivants, recueillis par votre Rapporteure sur la conduite de la présidence à New York.

• Vis-à-vis des 26 autres États membres, la présidence s’efforce tout d’abord d’imposer une certaine rationalisation des procédures de coordination, visant à raccourcir les délais et à retrouver une certaine marge de manœuvre : par exemple l’élaboration de la version finale des déclarations sous la seule responsabilité de la présidence, la lecture en séance de versions abrégées des déclarations − une version plus longue sur papier étant distribuée en salle − et la pratique, chaque fois que possible, du « partage du fardeau » avec les partenaires, permettant à la présidence de se concentrer sur la coordination et les initiatives spécifiques de l’Union européenne.

La PFUE tend également à appliquer de façon plus dynamique l’article 19 précité du Traité sur l’Union européenne, consacré à la coordination des positions extérieures. Ainsi, les réunions hebdomadaires au niveau des conseillers politiques sont désormais consacrées à un compte rendu des activités du Conseil de sécurité des Nations unies durant la semaine précédente, afin de permettre une approche plus prospective lors des réunions au niveau des chefs de mission et une meilleure prise en compte des positions des partenaires non membres du Conseil pour les réunions à venir.

Dans le même esprit, afin que les réunions qui sont la « marque de fabrique » européenne soient aussi efficaces et productives que possible, la PFUE a prévu la tenue chaque mois d’un déjeuner « stratégique » au niveau des chefs de mission. Ces déjeuners sont l’occasion d’échanges en vue de l’élaboration, sous l’égide conjointe de la Présidence et du secrétariat du Conseil, d’un document évolutif sur les modalités d’une meilleure visibilité et d’une plus grande efficacité de l’Union au sein des Nations unies.

Il faut en outre signaler l’organisation par la PFUE, durant l’Assemblée générale, le 26 septembre dernier, d’un séminaire présidé par le ministère des Affaires étrangères et européennes, en présence du Secrétaire général de l’ONU, pour mettre en valeur la coopération entre l’Union européenne et l’ONU dans le domaine de la paix et de la sécurité. Ce séminaire a notamment été l’occasion de souligner que de nouvelles propositions concrètes de renforcement de la coopération entre les Nations unies et l’Union européenne − alerte précoce, entraînement et échange de personnels, développement d’une planification d’anticipation en vue d’un appui de l’UE de courte durée à des missions des Nations unies, possibilité de laisser du matériel de l’UE au profit des Nations unies et inversement − ont été approuvées fin juillet 2008 au sein de l’Union. Au-delà, le partenariat entre les Nations unies et l’Union européenne est en train de se développer sur les questions de sécurité au sens large, en amont des crises.

• Sur le fond également, la PFUE vise à s’affirmer, par exemple en maintenant des positions fermes lorsque des principes fondamentaux du droit international ou les positions cardinales de l’Union sont remis en question, afin que l’Union européenne soit non seulement appréciée comme « l’artisan du consensus », mais que, forte d’une quarantaine de voix avec les pays associés, elle sache également « se faire respecter ». C’est ainsi qu’a été demandé, en juillet dernier, un vote sur la résolution de l’ECOSOC relative à l’assistance humanitaire, face au refus du G77 d’inclure une référence à l’accès aux victimes. C’est ainsi également qu’a été décidé le report de la réunion de la Troïka avec l’Association des nations du Sud-est asiatique (ASEAN) car cette organisation avait refusé que soit évoquée la situation en Birmanie.

Enfin, en lien avec la réponse apportée à la crise financière en cours (cf. infra), la présidence française est aussi celle qui défend l’idée d’un élargissement du G8 au G14, par inclusion dans cette structure souple de concertation sur les enjeux globaux de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du Sud, du Mexique et de l’Égypte. Il s’agit d’un moyen de rapprocher Nord et Sud dans la gouvernance mondiale ; l’Union pour la Méditerranée en est un autre, à la fois plus ciblé et plus concret, mais non moins visionnaire.

c) L’Union pour la Méditerranée, un changement de paradigme

• La mise en place d’une Union pour la Méditerranée restera, à n’en pas douter, l’un des temps forts de la présidence française de l’Union. Évoqué dès le 14 janvier 2007 par le candidat à l’élection présidentielle Nicolas Sarkozy, confirmé à Toulon le 7 février, le projet a été officialisé par le Président de la République lors de la Conférence des ambassadeurs le 27 août et précisé par le « Discours de Tanger » le 23 octobre. Une première série de consultations informelles a été effectuée auprès de nos partenaires du Nord et du Sud. L’appel lancé de Rome, le 20 décembre 2007, par le président Nicolas Sarkozy et les Premiers ministres espagnol et italien, a ensuite invité les chefs d’État et de gouvernement des pays riverains de la Méditerranée à se réunir avec les pays de l’Union européenne le 13 juillet 2008, à Paris.

Ce projet est un véritable défi, tant la « fracture méditerranéenne » est profonde à bien des points de vue et les problèmes de fond à résoudre complexes. Il faut se réjouir de la constance de la France dans la concrétisation de cette vision, qui a su convaincre nos partenaires européens et méditerranéens après un premier accueil mitigé ; l’enjeu n’est rien de moins qu’un changement de paradigme dans les relations Nord-Sud, la construction d’un nouvel équilibre qui aille jusqu’à reposer sur un dialogue inédit des cultures et des religions.

• Le Sommet de Paris pour la Méditerranée aura été une belle réussite de la présidence française, pour le projet lui-même bien sûr, mais aussi sur un plan plus « classiquement » diplomatique avec la présence à une même table du président syrien et du premier ministre israélien.

Dans son discours d’ouverture de la réunion ministérielle précédant le Sommet, M. Bernard Kouchner a déclaré : « Ce projet consiste simplement à prendre en mains ensemble les grands défis du siècle qui s’ouvre. Changement climatique, dégradation de l’environnement, accès à l’eau et à l’énergie, migrations, dialogue entre les civilisations, droits de l’Homme : de tous ces sujets dont dépend notre avenir, la Méditerranée est le centre. Non pas seulement le centre géographique, comme un simple aléa de la terre. Mais le centre politique, historique et moral. »

Outre 43 États et les institutions de l’Union européenne, étaient représentés au Sommet :

− les Nations unies (par leur Secrétaire général) ;

− des entités régionales comme l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, le Conseil de coopération des États arabes du Golfe, la Ligue des États arabes, l’Union africaine, l’Union du Maghreb arabe, l’Organisation de la conférence islamique ;

− des banques interétatiques comme la Banque africaine de développement, la Banque européenne d’investissement et la Banque mondiale ;

− de « nouveaux acteurs du système international » comme l’Alliance des civilisations et la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue des cultures.

Un nouveau cadre lie désormais, sur la base du processus de Barcelone, les pays de la Méditerranée et les États membres de l’Union européenne. Il organise une coopération sur de grands projets comme la dépollution de la Méditerranée, la création d’autoroutes maritimes ou la protection civile, cette nouvelle forme de gouvernance devant renforcer la co-appropriation du processus par le Sud. L’idée qu’il fallait tenter d’accomplir davantage de projets concrets à caractère régional a fait l’objet d’un consensus lors du Sommet.

Déclaration commune du sommet de Paris pour la Méditerranée (extrait)

« Les chefs d’État ou de gouvernement ont la conviction commune que cette initiative peut jouer un rôle important pour ce qui est de relever les défis communs qui se posent à la région euro-méditerranéenne, comme : le développement économique et social ; la crise mondiale dans le domaine de la sécurité alimentaire ; la dégradation de l’environnement, y compris le changement climatique et la désertification, en vue de favoriser le développement durable ; l’énergie ; les migrations ; le terrorisme et l’extrémisme ; la promotion du dialogue interculturel.

« Cette initiative englobera tous les États membres de l’UE et la Commission européenne, ainsi que les autres États (membres et observateurs) du processus de Barcelone. La Ligue arabe sera invitée aux réunions du processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée, selon sa participation au processus de Barcelone. Le processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée est heureux d’accueillir la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, Monaco et le Monténégro, qui ont accepté l’acquis du processus de Barcelone. »

• La réunion des ministres des Affaires étrangères des 3 et 4 novembre derniers à Marseille a permis de dresser l’état des lieux du travail accompli. Les ministres ont adopté une déclaration sur la gouvernance, les projets et le dialogue politique régional. La gouvernance du processus a été précisée, notamment s’agissant du rôle et du fonctionnement du secrétariat, chargé de mettre en œuvre les projets concrets. Les nouvelles institutions traduiront les grands principes arrêtés lors du sommet de Paris, allant dans le sens d’une gestion plus partenariale, plus équilibrée et plus pérenne de la coopération autour de la Méditerranée.

Le programme de travail de l’Union pour la Méditerranée pour l’année 2009 a été arrêté. Les réunions qui se dérouleront l’an prochain permettront de mettre en œuvre des projets concrets à caractère régional dans les six domaines identifiés au sommet de Paris, sur lesquels les ministres ont fait un point de situation : la dépollution de la Méditerranée, les autoroutes de la mer et les autoroutes terrestres, la protection civile, les énergies de substitution (avec un plan solaire méditerranéen), l’enseignement supérieur et la recherche (avec une Université euro-méditerranéenne), l’initiative méditerranéenne de développement des entreprises.

Sur le plan politique, un texte ambitieux a été adopté. Une séance de travail a également été consacrée à une évaluation de la situation politique et des derniers développements dans la région.

Ouverte vers le Sud comme jamais auparavant, l’Union poursuit aussi son dialogue et sa coopération avec ses voisins de l’Est.

d) L’élaboration d’une perspective européenne à l’Est du continent

• La Commission européenne a publié le 5 novembre dernier la mise à jour de sa stratégie d’élargissement, portant sur la période 2008-2009 ; le Commissaire européen Olli Rehn est d’ailleurs venu dès le lendemain devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale pour l’exposer et en discuter, dans un contexte où les États membres « établis » se montrent volontiers sceptiques à l’égard de la perspective d’un élargissement supplémentaire.

L’élargissement sert pourtant les intérêts stratégiques de l’Union européenne en matière de stabilité, de sécurité et de prévention des conflits. Il a contribué à renforcer la prospérité et les perspectives de croissance, à améliorer les connexions avec les axes de transport et d’approvisionnement énergétique essentiels, et à donner plus de poids à l’UE dans le monde.

• Le programme actuel d’élargissement concerne les pays des Balkans occidentaux et la Turquie, auxquels s’ouvre la perspective d’adhérer à l’Union lorsqu’ils satisferont aux conditions requises. Le contexte des problèmes de stabilité qui se posent actuellement à l’Est de l’Union européenne, notamment dans le Caucase du Sud, renforce l’intérêt de cette question.

L’Union a pris des mesures pour améliorer la qualité du processus d’élargissement : une importance accrue est accordée, à un stade précoce dans les négociations, à l’État de droit et à la bonne gouvernance, notamment à la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, aux réformes administratives et judiciaires et au développement de la société civile.

Eu égard au progrès d’ensemble à ce jour, le Commissaire à l’élargissement a estimé qu’il devrait être possible de parvenir à la phase finale des négociations d’adhésion avec la Croatie d’ici la fin de 2009. La Turquie doit pour sa part redoubler d’efforts en matière de réformes politiques afin de renforcer la démocratie et les droits de l’homme, de moderniser et de développer le pays, et de le rapprocher de l’Union. Quant à l’ancienne République yougoslave de Macédoine, elle doit garantir la tenue d’élections libres et équitables, améliorer le dialogue entre les principaux partis et acteurs politiques et répondre aux principales priorités du partenariat encore en suspens.

• Le « deuxième cercle » de l’élargissement envisageable concerne les pays des Balkans occidentaux. Les progrès accomplis par ces derniers sur la voie de l’adhésion continuent d’être suivis par la Commission. Ainsi, la mise en œuvre des accords intérimaires avec l’Albanie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine progresse; le respect de l’État de droit restant toutefois un défi majeur et les capacités administratives et d’application de la législation devant être encore améliorées. La Serbie doit confirmer son évolution positive en coopérant pleinement avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et en obtenant des résultats concrets dans les domaines de réforme prioritaires. La Commission est d’avis qu’il devrait être possible d’accorder le statut de pays candidat à la Serbie en 2009. Enfin, une perspective européenne claire est offerte au Kosovo : à l’automne 2009, la Commission présentera une étude de faisabilité.

S’agissant des liens à nouer avec des pays plus éloignés encore de l’orbite européenne − Ukraine (27), Biélorussie (28), Moldavie (29)… −, votre Rapporteure estime que la réflexion prospective de l’Union ne doit rien s’interdire, quitte à s’inscrire dans le long, voire le très long terme.

• Dans la poursuite des négociations en vue de l’élargissement, la présidence française se montre d’une parfaite loyauté, œuvrant pour la clôture du plus grand nombre possible de chapitres avec les pays candidats. Elle ne fait pas non plus mystère de sa position de fond sur le sujet, et qui peut se résumer d’une formule : « pas d’élargissement sans Lisbonne » ; la ratification et l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne est ainsi un préalable à l’accueil de tout nouvel État membre, y compris pour les pays jouissant actuellement du statut de candidat. La PFUE contribue ainsi à poser la question d’une véritable stratégie pour l’achèvement de l’élargissement, autrement dit d’une réflexion sur le degré d’élargissement à atteindre pour l’Union.

Ainsi, dans tous les registres d’une présidence « classique », du choix de l’agenda à la poursuite loyale de l’avancée de dossiers non prioritaires, en passant par des manifestations de prestige, la PFUE pouvait présenter un bilan remarquable. En l’espace de trois mois, deux crises l’auront fait changer de dimension.

2) L’acuité révélatrice de la crise : le sursaut européen

Une présidence se joue et se gagne − ou se perd − sur l’imprévu. De ce point de vue, la capacité de réactivité et d’innovation de la France fera date évidemment. Pour reprendre les mots de M. Jean-Pierre Jouyet lors de la réunion précitée du 7 novembre dernier à l’Assemblée nationale : « Elle a su bouleverser les habitudes, bousculer les calendriers établis d’ordinaire selon un ordre quasi liturgique et cela restera, quels que soient les responsables aux commandes. La Commission et le Parlement européen, le Conseil surtout, ne pourront plus rester sans réaction immédiate. »

a) La crise géorgienne porte en germe la redéfinition des rapports Est-Ouest

S’il fallait un résumé de l’action diplomatique de la PFUE dans sa réponse, exemplaire, à la crise géorgienne, le document suivant y pourvoirait :

Tout y dit la rapidité de la réaction, à la limite de la géniale improvisation : de l’en-tête à la signature, de la forme à la syntaxe du texte… Et pourtant, peut-être ce document restera-t-il comme le premier Manifeste de la politique étrangère européenne, l’acte d’émancipation de l’Europe au sein du camp occidental, la première pierre d’une nouvelle conception du leadership de l’Union européenne.

Le présent rapport d’information n’est pas le lieu d’un examen détaillé des tenants et aboutissants du conflit russo-géorgien du mois d’août dernier ; la commission des Affaires étrangères poursuit d’ailleurs ses travaux sur ce thème. L’« utilité » de cette crise pour le propos de votre Rapporteure réside dans sa valeur d’exemple pour illustrer un changement d’époque : le sursaut européen alors que les États-Unis étaient totalement absents.

Le tableau suivant reprend les principales étapes dans l’intervention de la France, au nom de l’Union européenne, pour obtenir un règlement pacifique de la crise entre la Russie et la Géorgie, et pour faire respecter l’intégrité du territoire géorgien, tout en permettant le déploiement de l’aide humanitaire et l’organisation de la reconstruction :

CHRONOLOGIE DE L’INTERVENTION DE LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE DE L’UE
DANS LE RÈGLEMENT DE LA CRISE GÉORGIENNE

12 août

Conclusion du cessez-le-feu. Plan en six points.

18 août

Conférence de presse de M. Kouchner : la France se mobilise sur la mise en œuvre du suivi de l’accord de cessez-le-feu.

19 août 

Déclaration : vers le renforcement de la présence de l’UE en Géorgie.

22 août

L’aide humanitaire française en Géorgie s’élève à 1,4 million d’euros.

23 août

Entretien téléphonique de M. Bernard Kouchner avec Mme Condolezza Rice et M. Alexander Stubb.

27 août

Déclaration des ministres des Affaires étrangères d’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de France, d’Italie, du Japon et du Royaume-Uni.

1er septembre

Conseil européen exceptionnel.

3 septembre

La France rappelle son attachement à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de la Géorgie.

9 septembre

Accord sur la mise en oeuvre du plan en six points.

11 septembre

Annonce de la rencontre de Genève du 15 octobre.

22 septembre

Déploiement des observateurs de l’UE en Géorgie : la France premier contributeur

24 septembre

La mission d’observation de l’Union européenne en Géorgie pourrait compter environ 300 observateurs.

9 octobre

Adoption de la résolution 1839 au Conseil de sécurité : le mandat de la Mission d’observation des Nations unies en Géorgie est renouvelé.

10 octobre

La Mission de surveillance de l’UE en Géorgie compte plus de 300 observateurs sur le terrain.

16 octobre

Annonce : les discussions reprendront le 18 novembre.

22 octobre

Conférence internationale des donateurs pour la reconstruction de la Géorgie à Bruxelles : 3,4 milliards d’euros levés.

Ainsi, dans la gestion de cette crise, la présidence a réussi, tout à la fois, à faire prévaloir l’unité de vues des Européens et à déployer, en un temps record, une mission civile d’observation, illustrant ainsi la capacité de l’UE à s’affirmer en tant qu’acteur global dans la résolution d’un conflit.

L’un des éléments fondateurs de la réponse franco-européenne à la crise géorgienne a été l’absence de réponse visible de la part des États-Unis aux demandes de soutien de leur allié géorgien face à l’incursion territoriale russe puissamment armée. La crise est ainsi partiellement due à la faiblesse américaine, même si celle-ci peut n’être que conjoncturelle. À ce schéma d’un problème dont les causes sont peu ou prou américaine et les solutions, européennes, répondent également l’engagement militaire en Afghanistan ou, dans une dimension tout autre, la crise financière.

b) La crise financière marque le retour des États dans le financement de l’économie mondiale

Sur ce sujet non plus votre Rapporteure ne prétend pas au traitement exhaustif. Aux dérégulations excessives de l’appareil financier et aux défaillances de la supervision des institutions bancaires et des établissements de crédit, dont les effets de contagion sont planétaires, la réponse coordonnée des gouvernements européens, en association avec la Banque centrale européenne et avec la Commission, a permis de démontrer l’efficacité de l’Union européenne :

− le premier acte de la réponse à la « grave crise de confiance [qui] ébranle l’économie mondiale et l’activité financière » est une lettre du Président Nicolas Sarkozy aux autres membres du Conseil européen, en date du 3 octobre ;

− le lendemain, samedi 4 octobre, un sommet réunissant les chefs d’État et de gouvernement de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni et de la France, ainsi que le Premier ministre du Luxembourg, président de l’Eurogroupe, le président de la Commission européenne et le président de la Banque centrale européenne se tient au palais de l’Élysée ;

− il débouche le 6 octobre sur une déclaration des 27 chefs d’État et de gouvernement relative à la stabilité du système financier ;

− le Conseil Ecofin, réuni le 7 octobre, traite naturellement de la question ;

− le dimanche 12 octobre, M. Nicolas Sarkozy, accompagné du président de la Commission européenne, du président de l’Eurogroupe et du président de la Banque centrale européenne, reçoit M. Gordon Brown, Premier Ministre du Royaume-Uni. Puis se réunit un « Sommet de l’Eurogroupe » au niveau des chefs d’État et de gouvernement.

Deuxième crise du semestre, deuxième « Manifeste » de la PFUE :

Propos introductifs de M. Nicolas Sarkozy, président du Conseil européen

Séance du Conseil européen sur la crise financière

Bruxelles, le mercredi 15 octobre 2008

1− Au cours de la semaine qui vient de s’achever, les initiatives prises en Europe ont permis de fournir une première réponse globale à la crise financière. Celle-ci n’est pas achevée mais pour la première fois les Européens ont montré leur capacité à agir dans l’urgence de manière coordonnée.

2− Pour la première fois dans l’histoire financière, ce sont des plans élaborés dans l’Union européenne qui ont inspiré les mesures prises dans d’autres pays du monde, y compris aux États-Unis. L’Europe a fait preuve de leadership dans le traitement de la crise et je m’en félicite.

3− Nous devons aussi montrer ce leadership dans la réflexion pour l’avenir et nous avons commencé. Cette crise n’est pas d’origine européenne. Mais ce sont les Européens qui formulent − et parfois depuis longtemps − des propositions de réforme de notre système financier international. J’avais moi-même saisi le G8 en ce sens dès août 2007, et j’ai renouvelé cet appel à la tribune des Nations unies.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à un double défi, d’ampleur historique. Tout d’abord assurer le traitement définitif de cette crise. Ensuite être sûr que les erreurs commises lors des précédentes crises de 1998, celle des pays émergents, et de 2001, celle de la bulle Internet, ne se reproduiront pas. Nous avions alors traité les signes immédiats de la crise, mais sans nous attaquer aux racines du mal.

4− Cette crise est la crise de trop. Il faut refonder le système. Cette refondation doit être globale. Il faut fonder un nouveau capitalisme sur des valeurs qui mettent la finance au service des entreprises et des citoyens et non l’inverse :

− Il faut revoir le rôle des acteurs publics : je propose un principe simple, aucune institution financière ne doit échapper à la régulation et à la surveillance. Je pense par exemple à la nécessaire discipline à laquelle nous devons soumettre les agences de notation et à la surveillance qu’il convient d’exercer sur les hedge funds. Les règles doivent être revues, mises en cohérence, et veiller à éviter l’apparition de nouvelles bulles spéculatives. À cet égard, la méthode d’élaboration des normes comptables, leur cohérence avec les règles prudentielles, doivent être revisitées.

− Les acteurs privés doivent être responsabilisés : je pense par exemple à la question des rémunérations sur laquelle nous progressons déjà en Europe.

5− Cette refondation ne peut s’arrêter à l’Europe. L’économie est globale, aucun pays ne peut se protéger seul. Certes les États sont souverains, certes il y a des différences entre les pays les plus riches, les pays émergents et les autres pays en développement. Mais la théorie du découplage n’a pas résisté à l’épreuve des faits. Il y a un seul monde, tout le monde est concerné. Nous devons associer à nos réflexions ceux qui sont d’ores et déjà des puissances économiques et financières, les pays émergents. Nous devons aussi œuvrer pour éliminer les zones d’ombres qui compromettent nos efforts de coordination, en l’occurrence les centres off-shore. Je veux dire enfin que nous ne laisserons pas tomber les pays les plus pauvres et ruiner les bénéfices d’années d’efforts en faveur du développement.

6− La gouvernance économique mondiale est trop fragmentée. Nous devons rechercher une nouvelle articulation entre tous les acteurs : organisations internationales, autorités de régulation et de supervision, et plus généralement toutes les enceintes qui produisent des normes dans le domaine économique. Mais je pense aussi à la nécessaire mise en cohérence des mandats donnés à tous ces acteurs. Je l’ai dit à New York à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre. Il nous faut un nouveau Bretton Woods. Le nouveau système devra avoir toute la légitimité politique nécessaire et montrer sa capacité à traiter les nouveaux défis globaux.

7− Je propose que nous sortions du Conseil européen en portant ensemble ce message. C’est dans cet esprit que j’ai proposé un Sommet international avant la fin de l’année, de préférence à New York là où tout a commencé. Je souhaite que sur ce sujet nous Européens, soyons pleinement unis. Ce Sommet est un point de départ qui doit arrêter l’agenda, les objectifs et les valeurs de cette grande réforme. Je fais appel dès maintenant à vos propositions.

Plus encore que celui de la crise géorgienne, le traitement de la crise financière comporte une série d’enseignements et fera date à ce titre.

c) Les enseignements des crises sont largement partagés

Parmi les leçons à tirer de la gestion de crise qui continue de se dérouler sous nos yeux, se mêlent les éléments propres au fonctionnement de la présidence et les éléments de refondation du système international.

• Concernant le fonctionnement de la présidence de l’Union, c’est la personnalisation de la fonction qui d’emblée s’impose. A contrario, les risques d’une présidence tournante n’en sont que plus évidents : quelles eussent été la capacité de réaction et la force d’entraînement, en plein mois d’août et à la veille de l’ouverture des Jeux olympiques de Pékin, d’une présidence qui n’aurait pas été incarnée par le chef d’un grand État fondateur ?

Dans l’affaire russo-géorgienne comme en matière bancaire et financière, les réponses données et les solutions apportées auront nécessité une coordination politique inédite en l’absence de mécanismes institutionnels pertinents : pour l’envoi immédiat d’une délégation européenne au plus haut niveau dans un État tiers ou pour la formalisation d’une enceinte qui n’existait pas − l’Eurogroupe au niveau des Chefs d’État et de gouvernement, en association avec le chef du Gouvernement d’un État non membre − le Royaume-Uni.

D’une façon générale, c’est le retour des États qui est consacré, et celui des institutions qui en émanent directement (Conseil et Conseil européen, Eurogroupe), aux dépens des institutions proprement communautaires, Commission, Parlement ou Banque centrale européenne. Ce qui signifie qu’à côté de la Commission qui ne peut s’en arroger le monopole, les États membres aussi peuvent être porteurs de l’intérêt général européen.

• En termes de redéfinition des rapports entre acteurs du système international, et sans préjudice de l’attitude qu’adoptera la nouvelle administration américaine, on assiste, à la faveur des deux crises étudiées, à un déclin des États-Unis et à l’affirmation d’un leadership européen, ces tendances étant de parfaites évidences jusque dans l’opinion publique.

Parallèlement, l’Europe apparaît en soi, sans contestation possible, comme une réponse à la mondialisation − ce qu’elle était sans doute déjà avant la prise de conscience accélérée de ces dernières semaines. Les évolutions institutionnelles prévues n’en sont que plus nécessaires.

3) Les évolutions institutionnelles et politiques attendues : pour une stratégie européenne d’influence dans les enceintes internationales

a) Comment faire vivre et fructifier les institutions du Traité de Lisbonne ?

• Les traits saillants de l’amélioration du fonctionnement de l’Union européenne sur la scène internationale sont connus ; ils étaient déjà contenus dans le Traité établissant une Constitution pour l’Europe et figurent aujourd’hui dans le Traité de Lisbonne en attente de ratification par l’ensemble des États membres :

– le Traité contient la reconnaissance explicite de la personnalité juridique de l’Union européenne, qui est de nature à résoudre la plupart des problèmes de représentation unifiée de l’UE dans les organisations internationales auxquels ses États membres appartiennent ;

– la création d’un président stable du Conseil européen, détenteur d’un mandat renouvelable de deux ans et demi, doit permettre d’éviter qu’une présidence forte soit remplacée six mois plus tard par un titulaire n’ayant ni les moyens ni l’ambition de se maintenir au même niveau, à la fois dans les rapports internes entre institutions de l’Union, et vis-à-vis de l’extérieur ;

– l’institution d’un nouveau Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, également vice-président de la Commission, qui veillera à la cohérence de l’action extérieure de l’Union en s’appuyant sur un nouveau service européen pour l’action extérieure, est le miroir de la création d’une présidence stable. Ce Haut représentant serait son véritable « ministre des Affaires étrangères ». Le service européen pour l’action extérieure se composera de fonctionnaires du Conseil, de la Commission et des services diplomatiques des États membres ;

− accessoirement, la plupart des dispositions sur les relations extérieures contenues dans les traités en vigueur sont regroupées dans un titre unique du Traité de Lisbonne, ce qui en facilitera la lisibilité et renforcera la cohérence de l’action de l’Union ;

− enfin, ce traité introduit une base juridique spécifique pour l’aide humanitaire. Cette stipulation insiste sur l’application des principes du droit international, ainsi que des principes d’impartialité, de neutralité et de non-discrimination. Le traité prévoit en outre la création d’un Corps volontaire européen d’aide humanitaire.

• Le Traité de Lisbonne a été ratifié par 23 États membres sur 27. Outre le « non » au référendum irlandais, le Président polonais n’a pas encore signé l’instrument de ratification après le vote positif du Parlement en avril dernier, le Parlement suédois doit se prononcer le 20 novembre prochain et la décision de la Cour constitutionnelle tchèque préalable à la procédure de ratification proprement dite devrait intervenir d’autant plus prochainement que la République tchèque assumera la présidence de l’Union au premier semestre 2009.

Devant l’absolue nécessité de disposer des nouveaux outils décrits ci-dessus, votre Rapporteure estime du devoir des Européens de se pencher, le cas échéant, sur le recours à un accord interinstitutionnel ad hoc permettant leur création indépendamment de la question de la ratification pleine et entière du nouveau Traité. Alternativement, la solution de coopérations renforcées pourrait être explorée, et ce d’autant plus facilement qu’une telle possibilité est expressément prévue par les traités. En la matière, toute attitude trop timorée est à proscrire.

Dans la mise en œuvre de ces nouvelles stipulations une fois entrées en vigueur, il faudra appliquer le principe : « tout sauf le statu quo ». En particulier, la mise en place effective des nouvelles modalités de représentation extérieure devra s’effectuer en ayant pleinement intégré le gigantesque « saut qualitatif » qui aura été accompli sous présidence française. Assurer un véritable « continuum politique » dans la gestion de crise, par exemple, doit désormais relever de l’évidence. Par ailleurs, le choix des personnalités chargées d’incarner l’Union dans le monde devra être réfléchi et ambitieux. Quant à la dimension humanitaire mieux identifiée au sein de l’action extérieure, elle devra être intelligemment articulée avec les politiques de l’UE en direction de l’Afrique.

• En sus des avancées contenues dans le Traité institutionnel, il est grand temps de donner corps à une idée promue de longue date par certains États membres, dont la France : l’organisation d’une gouvernance économique rééquilibrée, passant notamment par la mise en place d’une représentation extérieure de la zone euro. Cette réforme serait, d’une part, la conséquence logique de la place acquise par l’euro dans le monde comme monnaie de référence, et d’autre part, l’esquisse d’un schéma plus cohérent que l’actuel, où la Banque centrale européenne est trop « esseulée » et où l’impulsion politique fait défaut lorsqu’il s’agit de définir une stratégie économique et monétaire dans l’intérêt commun européen. Un tel mouvement est apparu, en quelques semaines sinon en quelques jours, comme un aboutissement naturel des liens toujours plus étroits qu’entretiennent les économies de la zone euro, laquelle a elle-même vocation à s’élargir.

D’ores et déjà, il est tout à fait possible de généraliser les missions diplomatiques conjointes du président de l’Eurogroupe et du Commissaire européen aux affaires monétaires, accompagnés du président de la BCE pour tout ce qui relève des questions monétaires internationales. Le déplacement récemment organisé auprès des autorités chinoises constitue à cet égard un heureux précédent, qui doit aboutir à la mise en place d’un dialogue international régulier sur l’évolution des taux de change entre l’Union européenne et ses principaux partenaires ; il est également nécessaire de développer une vision et des positions communes sur la stratégie internationale de l’euro, l’Eurogroupe étant la bonne enceinte pour ce faire.

Mais il conviendrait d’aller au-delà, en instituant une présidence stable de l’Eurogroupe au niveau des chefs d’État et de gouvernement, là où n’existe aujourd’hui qu’une présidence à l’échelle des ministres des finances. Ce format est apparu particulièrement adapté à la gestion de crise ; il faut donc le pérenniser car c’est en soi une réforme institutionnelle utile ; elle l’est d’autant plus que la présidence stable du Conseil européen ne sera pas encore une réalité au 1er janvier prochain.

Enfin, certains instruments européens méritent d’être renforcés ou réorientés. Tel est par exemple le cas de la Banque européenne d’investissement (BEI). Créée en 1958 par le Traité de Rome en tant qu’institution de financement à long terme de l’Union européenne, la BEI a pour mission de contribuer à l’intégration, au développement équilibré et à la cohésion économique et sociale des États membres. Elle emprunte d’importants volumes de fonds sur les marchés des capitaux et les prête à des conditions favorables en faveur de projets contribuant à la réalisation des objectifs de l’Union. Elle est censée adapter en permanence son activité à l’évolution des politiques européennes et trouve donc, dans le contexte de la crise financière, à s’employer.

D’ores et déjà, à la demande des ministres des finances de l’Union européenne réunis en Conseil informel à Nice les 12 et 13 septembre derniers, le Groupe Banque européenne d’investissement renforce et modernise son appui aux PME en Europe, afin de les soutenir en période de crise financière.

Le Conseil d’administration de la banque a ainsi adopté le 23 septembre une première série de mesures. La BEI va consacrer 15 milliards d’euros sur la période 2008-2009 à des prêts pour les PME par l’intermédiaire de banques commerciales, dans le cadre d’une enveloppe de 30 milliards d’euros d’ici 2011. Cela représente une augmentation significative par rapport à son activité habituelle dans ce secteur. La BEI développe de surcroît une nouvelle formule de prêts, appelée « prêt BEI pour les PME », toujours accordée par l’intermédiaire de banques commerciales, mais plus simple, plus flexible et plus transparente de façon à bénéficier concrètement à un plus grand nombre de PME. Ce dispositif rénové fait suite à une large consultation des acteurs du marché des PME, menée par la BEI en 2007-2008.

Dans un deuxième temps, d’ici la fin de l’année, la BEI proposera aux banques intermédiaires des produits plus sophistiqués par lesquels elle interviendra en partage de risques afin de stimuler les segments où les banques commerciales ont du mal à s’engager (PME dont le risque est perçu comme trop élevé ou dont les garanties sont jugées insuffisantes).

Votre Rapporteure estime qu’il est possible d’aller plus loin dans la dimension extérieure de l’action de la BEI : pourquoi ne pas faire de celle-ci, par l’extension à la marge de son mandat, un outil de financement des projets de développement élaborés par l’Union ? Ce point mérite de figurer au nombre des priorités de l’action extérieure de l’UE en direction du Sud, dans le cadre de la nouvelle éthique de la mondialisation à bâtir (cf. infra).

La palette des instruments est large et la période propice aux évolutions audacieuses. En se concentrant dans un premier temps sur l’objectif d’une influence accrue au sein du système international et des organisations qui le composent, une stratégie pratique à usage immédiat peut être définie.

b) Quelle attitude adopter dans les organisations internationales existantes ?

D’ores et déjà, avant d’envisager la refondation du système international, il est possible de consolider les bonnes pratiques existantes pour dépasser le simple raisonnement quantitatif − le poids du nombre − et améliorer l’influence européenne.

• L’exemple de la PFUE à New York se révèle une fois encore éclairant. La stratégie préconisée à la lumière de l’expérience en cours comprend, à l’égard des partenaires de l’Union, une attitude plus « prospective » et une meilleure communication. Cela passe par l’élaboration d’une véritable politique de relations publiques et d’information sur les réalités de l’Union européenne et sur sa contribution à l’ONU. Est mentionnée également l’invitation plus régulière du Secrétaire général de l’ONU ou du président du Conseil de sécurité à Bruxelles, par exemple pour participer à une réunion du COREPER. Enfin, sur un plan plus pratique, la diffusion d’une fiche synthétique d’information régulièrement actualisée sur l’UE à l’ONU est recommandée.

Les personnes ou sujets-clefs justifient une attention toute particulière. Ainsi convient-il de procéder à l’identification précise des ressortissants de l’Union européenne occupant des postes de responsabilité au sein du Secrétariat.

Dans le même ordre d’idées, le document stratégique en cours d’élaboration recommande l’identification, dès le début des sessions de l’Assemblée générale, des thèmes et résolutions-clefs sur lesquelles l’Union européenne entend concentrer son énergie et sa capacité d’influence, et les initiatives d’autres groupes nécessitant au contraire une vigilance particulière de l’Union.

L’accent est mis également sur la promotion des échanges avec les autres organisations ou groupes régionaux (en particulier l’Union africaine), et sur la recherche d’initiatives conjointes ou « trans-régionales » permettant de donner une assise plus large aux priorités de la présidence − et, par exemple, de renouveler le succès déjà mentionné de la proposition de l’an dernier en faveur d’un moratoire sur la peine de mort.

Enfin, est identifié le besoin d’une supervision au niveau « politique » du débat budgétaire à l’ONU, afin de s’assurer que les préoccupations en matière de discipline budgétaire demeurent en cohérence avec les priorités politiques de l’Union.

Lorsque se confirmera la perspective d’une entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, devra également être poursuivie une réflexion sur le statut du secrétariat du Conseil et de la Commission à l’ONU, et de la répartition, dans le nouveau cadre institutionnel, des rôles dans la présentation des positions de l’Union dans le cadre des principales réunions de l’Organisation.

• En définitive, à New York comme dans les autres organisations internationales majeures, il faut élaborer un « code de conduite » européen, qui pourrait être formalisé autour des trois points suivants :

− désigner un coordinateur européen au sein de chaque organisation internationale ;

− s’accorder sur des candidatures communes aux fonctions de responsabilité ;

− s’assurer de la cohérence des positions européennes entre les différentes organisations internationales.

Rien n’interdit, à l’image des indicateurs de performances précités associés au projet de loi de finances à l’échelle nationale, d’envisager un « tableau de bord » des objectifs fixés, des moyens disponibles et des résultats obtenus dans la mise en œuvre du code de conduite.

Les moyens pour l’Europe de changer de dimension en s’appuyant sur les acquis du Traité de Lisbonne et le levier inespéré d’une PFUE historique sont à portée de main. Il faut absolument mettre à profit ce que les Anglo-saxons appellent le momentum, l’élan de l’heure. Mais il faut déjà voir au-delà pour donner une nouvelle crédibilité à l’UE et faire de l’Europe une véritable « puissance d’équilibre ».

B – L’Europe, nouvelle puissance d’équilibre

L’Europe a devant elle aujourd’hui la chance et l’occasion historique de refonder le système international, de le remodeler en lui insufflant une nouvelle éthique. Elle en a également l’ardente obligation : si elle devait manquer ce rendez-vous, il y aurait fort à craindre qu’elle soit marginalisée, et même balayée de la scène internationale à brève échéance. Pour relever le défi, l’Union doit d’abord être « une Europe aux idées claires », une Europe politique, capable de nourrir un projet global, à proposer ensuite à ses partenaires du Nord comme du Sud.

1) Une Europe politique

a) Pour une nouvelle classe politique européenne

L’Europe politique, c’est avant tout une nouvelle classe politique européenne à former, à mobiliser et à promouvoir. Une Europe au sein de laquelle il ne serait plus pensable de voir un membre éminent du collège de la Commission, chargé du suivi d’un dossier en pleine actualité, démissionner soudainement dès qu’un portefeuille ministériel national lui est proposé… Symétriquement, l’Europe dotée d’une ambition politique suppose la mobilisation d’une classe de fonctionnaires européens dédiés à cette tâche, qui ne soient ni les relais de leur administration d’origine ni ceux qui auraient dû se résigner à quitter celle-ci pour, faute de mieux, travailler dans les institutions communautaires.

Que l’on ne se méprenne pas : votre Rapporteure ne remet nullement en cause l’engagement des commissaires européens ni la qualité des fonctionnaires de l’Union mais appelle à un plus haut degré d’ambition pour progresser encore dans la construction de l’Europe politique. M. Laurent Cohen-Tanugi a raison d’écrire, dans son rapport précité sur L’Europe dans la mondialisation : « Les opinions publiques attendent plus d’Europe : seuls manquent encore l’ambition collective et les moyens. » Selon lui, l’Europe progressera désormais sous la pression de son environnement extérieur ; « Il est grand temps qu’elle change d’échelle et qu’une nouvelle génération de dirigeants retrouve la vision nécessaire pour lui insuffler un nouvel élan. »

Nombre d’observateurs partagent cette vision. Dans sa contribution à l’ouvrage collectif Think Global – Act European (30), qui regroupe les propositions de treize think tanks européens faites au trio des présidences française, tchèque et suédoise de l’Union européenne, une contribution intitulée « Un plaidoyer pour une Europe plus politique », M. Loukas Tsoukalis, président d’Eliamep (31), écrit ainsi : « L’Union a besoin d’une bouffée d’air frais politique ; et la politique implique des combats et des visages. »

Cet auteur rappelle que les prochaines élections au Parlement européen auront lieu en juin 2009. Il y a un risque réel que la participation électorale soit encore plus faible que précédemment, et que les candidats à ces élections soient insuffisamment représentatifs d’une réelle classe politique européenne de haut niveau. Cela porterait un coup majeur à la légitimité du Parlement, ainsi qu’au processus d’intégration en général. Les citoyens doivent avoir devant eux, au niveau européen, de véritables choix et des visages familiers si l’on veut qu’ils prennent le processus au sérieux et ne le considèrent pas comme une élection de second ordre. Cela implique que les partis politiques européens adoptent des plates-formes communes sur les principales questions traitées au niveau de l’UE, proposant des choix politiques et non de simples généralités.

Les partis en présence pourraient aussi s’accoutumer à l’idée de présenter des candidats au poste de président de la Commission européenne, puisque la désignation de ce dernier devrait être soumise aux votes des nouveaux membres élus du Parlement européen, quand adviendra l’application du Traité de Lisbonne.

En songeant au moyen de progresser concrètement et sans tarder sur la voie de « l’européanisation » de la classe politique existante, votre Rapporteure estime que des stages favorisant l’immersion des parlementaires nationaux au sein des différentes institutions européennes, l’espace de quelques semaines, seraient des plus profitables. Une immersion au sein d’organisations internationales présenterait en outre l’avantage d’une prise de conscience de la façon dont les Européens y sont perçus.

b) Pour une nouvelle réflexion stratégique européenne

Pas d’« Europe aux idées claires » sans formulation d’une pensée et d’une stratégie qui puisse nourrir les prises de position politiques, qui soit source de débats et de commentaires au sein de la classe politique comme dans l’opinion publique européenne.

La réflexion des think tanks européens est de plus en plus considérée comme une contribution essentielle à la définition de « l’agenda communautaire. » La force de cette réflexion réside aussi dans la capacité de ces structures à développer entre elles des synergies et une stimulation intellectuelle fructueuses. C’est dans ce contexte que deux d’entre elles, Notre Europe et la Fondation pour l’innovation politique, ont décidé de constituer un groupe de treize think tanks européens dont les réflexions et propositions viendraient nourrir la préparation du prochain trio, comme votre Rapporteure l’a indiqué plus haut en citant des extraits de ce projet intitulé Think Global – Act European. Puisqu’il a reçu le soutien des trois gouvernements concernés, français, tchèque et suédois, ce projet pourrait constituer l’embryon d’un think tank européen pérenne qui devienne une « boîte à idées » stimulant en permanence décideurs et observateurs.

Un autre stimulant pourrait consister en la rédaction d’un Livre blanc sur la politique extérieure de l’Union européenne, afin de fixer une feuille de route au nouveau Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité une fois qu’il sera en fonctions – voire dès à présent, si la désignation de ce nouveau responsable devait être trop longtemps différée.

Ces avancées concrètes devront servir à l’Europe pour qu’elle puisse développer dans le monde une communication fière, offensive et ambitieuse sur son modèle, notamment car il s’agit d’un modèle exportable. La mise en œuvre de cette stratégie de communication devra s’appuyer sur une classe renforcée de fonctionnaires européens.

c) Pour une nouvelle classe de fonctionnaires européens

La classe de fonctionnaires européens à mettre en place pourra s’appuyer sur le Service européen d’action extérieure prévu par le Traité de Lisbonne. En effet, si les 27 ont pu s’entendre pour créer un service commun, qui mutualise les compétences des institutions communautaires et des États membres, dans l’un des domaines les plus sensibles en termes politiques, la politique étrangère et de sécurité, ils doivent pouvoir le faire pour l’ensemble des composantes externes d’une stratégie européenne pour la mondialisation : énergie, environnement, migrations, etc. Dans ces domaines, il apparaît nécessaire de mettre en place des structures d’état-major composées de représentants de la Commission et des États membres.

En prolongement, les contacts entre administrations européennes et nationales devraient être développés, non seulement sur une base individuelle – par l’envoi d’experts détachés –, mais aussi à l’occasion de réunions régulières, par exemple sous la forme de missions régulières des administrations communautaires dans les capitales nationales.

Il sera alors indispensable de progresser dans la valorisation des cursus européens pour les fonctionnaires nationaux. Trop souvent en effet, dans la fonction publique française en particulier, les compétences acquises au sein des institutions communautaires ou auprès d’elles sont laissées en jachère lors du retour dans l’administration nationale. Or, d’une part, cette politique – ou cette négligence – est un frein à la mobilité européenne des fonctionnaires nationaux, et d’autre part elle prive les administrations d’atouts précieux. Par conséquent, la réflexion sur la modernisation de notre fonction publique doit absolument intégrer une dimension de « gestion des ressources humaines européennes ».

d) Pour une Europe subsidiaire recentrée sur l’essentiel et qui se consacre davantage au monde

L’Europe politique passe également par la définition et le développement de liens de travail nouveaux entre le Parlement européen et les parlements nationaux. C’est ainsi que pourra se développer l’Europe subsidiaire. Dans l’esprit de votre Rapporteure, cette expression ne désigne pas une Europe diminuée, repliée sur un petit nombre de compétences, mais bien plutôt une Europe davantage intégrée, mieux assimilée par les institutions nationales, avec lesquelles le dialogue serait à la fois plus confiant et plus fructueux car elle aurait enfin accepté de ne pas pouvoir tout régler par des procédures uniformes, à 27 ou davantage encore.

C’est le sens de la belle et optimiste réflexion de M. Kemal Derviş (32) : « Aujourd’hui, nous sommes un peu prisonniers du rêve impossible d’un super État fédéral européen : nous voulons que l’UE soit homogène comme un territoire national, nous réclamons qu’elle ait des frontières bien bornées, une identité unique… Il faut sortir de ce rêve. Alors tout devient plus facile. Il devient plus facile de définir la mission de l’UE : qu’est-ce qu’on peut faire ensemble, maintenant et demain, pour peser dans le monde ? Il devient plus facile de définir la subsidiarité : qu’est-ce qu’on ne va pas faire ensemble ? Il devient plus facile d’accepter des formats de coopérations plus variées : est-il essentiel que la France et la Turquie aient exactement les mêmes formes de coopération que la France et la Belgique si l’on s’entend sur les mêmes objectifs stratégiques vis-à-vis du monde ? »

La nouvelle culture administrative à développer au sein de l’Union serait fondée sur ce principe de subsidiarité et permettrait par conséquent de le faire fonctionner harmonieusement. Il y va de l’acceptation pleine et entière de l’Europe par ses citoyens ; les récents débats référendaires sur les Traités institutionnels n’ont que trop douloureusement rappelé aux Européens convaincus que cette question demeurait d’actualité, chez les anciens comme chez les nouveaux États membres.

L’Europe sera plus démocratique si elle devient plus politique. L’émergence d’une opinion publique européenne est vitale à cet égard. Ce n’est qu’en étant un moteur de l’innovation politique que l’Europe saura mobiliser ses citoyens et, sur la scène internationale, sortir de l’introspection pour parler au monde.

2) Une Europe globale, ouverte sur le monde

Alors que l’émergence de nouvelles puissances comme les « BRIC » a un impact croissant sur les équilibres mondiaux et sur le poids relatif des États-Unis et de l’UE dans le monde, l’Union se voit contrainte de renforcer son rôle de stabilisateur et de régulateur sur la scène internationale. C’est au tour de l’Europe de s’engager à défendre des biens publics mondiaux – et pas seulement par altruisme : cette nouvelle politique étrangère participe de l’intérêt des Européens et de la survie même de l’Europe en tant que telle.

La capacité de l’Union à s’adapter à ce nouveau contexte international et à en anticiper les évolutions repose largement sur la volonté des États membres de faire valoir un intérêt commun qu’ils puissent présenter au reste du monde, plutôt qu’une somme d’intérêts nationaux plus ou moins compatibles. C’est l’affirmation de cette solidarité européenne et la confiance dans le rôle que l’UE peut jouer dans le monde qui permettra à l’Europe de rester ouverte à la mondialisation, d’en tirer des bénéfices, et dans le même temps de contribuer à sa régulation pour en atténuer les effets négatifs.

a) L’Europe globale à concrétiser

• M. Laurent Cohen-Tanugi pose la bonne question : le projet européen reste-t-il pertinent dans l’économie globalisée de ce début de XXIe siècle ? De son point de vue, deux thèses s’affrontent sur cette question cruciale pour la restauration d’une pleine adhésion des opinions publiques à l’aventure européenne comme pour l’avenir du Vieux Continent lui-même. Selon la première thèse, la dimension européenne se trouverait doublement contestée, d’un côté, par l’accélération et l’effet dilutif du processus de mondialisation, et de l’autre, par le caractère indépassable de l’État-nation comme lieu d’existence du lien social et d’exercice de la démocratie. Selon la seconde thèse, la mondialisation ne ferait au contraire que renforcer la finalité d’origine de la construction européenne, consistant, au-delà de l’établissement d’une paix durable, à redonner à ses États membres la capacité de peser au niveau international, en les dotant d’une taille critique et d’une volonté commune face aux nations-continents de l’économie mondiale.

Même si l’on n’y adhère pas, à l’instar des auteurs de L’Europe dans la mondialisation et de votre Rapporteure, la première thèse repose sur un constat en forme de défi majeur pour le projet européen. Quant à la seconde thèse, sa validité présumée ne peut plus faire l’économie d’une démonstration, qui renvoie aux moyens et ambitions dont l’Union européenne voudra ou non se doter pour lui donner raison.

Dès lors, la question centrale qui se pose aujourd’hui à l’Europe – comme projet politique, mais aussi comme ensemble continental – est celle de sa capacité à éviter la marginalisation face à la dynamique qui s’instaurera, au cours du siècle qui vient, entre les États-Unis et les nouvelles puissances d’Asie. Cela suppose que l’Union européenne préserve son existence et sa spécificité comme construction politique, et se donne les moyens diplomatiques, militaires, intellectuels de devenir un acteur global. Pour « rester dans la course », elle doit également relever les défis économiques et sociaux d’une croissance trop faible, d’une innovation insuffisante, d’une politique énergétique balbutiante, d’un enseignement et d’une recherche déficients et d’une démographie déclinante. Rien de tout cela ne pourra s’accomplir sans un sursaut refondateur, assorti de moyens adéquats ; rien de tout cela ne saurait advenir si l’Europe devait verser, à cause de l’incertitude économique conjoncturelle, dans la tentation – empoisonnée – du repli protectionniste. L’Europe elle-même en serait la première victime.

Cet ensemble de défis offre cependant aux dirigeants européens le nouveau projet mobilisateur qu’ils recherchent depuis le Marché unique et l’euro pour prendre le relais de la paix et de la prospérité – pourtant toujours d’actualité – comme finalités de la construction européenne. Il s’agit tout simplement pour l’Europe de continuer à exister et à compter dans l’univers globalisé. Un tel mot d’ordre a l’évidence d’une nécessité vitale et revêt un caractère suffisamment général pour mobiliser toutes les énergies, dans tous les domaines. Il s’inscrit dans la parfaite continuité du projet des Pères fondateurs, puisqu’il s’est toujours agi, au-delà de la réconciliation historique de la France et de l’Allemagne, de mettre en commun les atouts des nations européennes pour peser à nouveau sur la scène internationale. La mondialisation, l’émergence de nouvelles puissances au-delà de l’espace atlantique, le retour de la géopolitique, les dérèglements du système financier international ne font qu’accentuer aujourd’hui cette nécessité.

• Comme une telle vision n’est pas universellement partagée, et qu’il est toujours bon de stimuler la réflexion, votre Rapporteure veut convoquer à ce stade la pensée critique de M. Hubert Védrine, dans son rapport précité sur La France et la mondialisation : « On abuse du terme “ global ”. Les problèmes sont globaux, donc la solution serait globale, ce qui est compris comme : un État seul ne peut rien faire. Cette conception déresponsabilise les États et décourage la démocratie. Mais cela ne veut rien dire : il n’y pas de gouvernement global, ni de gouvernance globale du peuple global mondial. C’est toujours des 192 États qu’il s’agit. Heureusement d’ailleurs. Ce qui n’empêche pas un Secrétaire général d’organisation, ou un Directeur général, d’avoir de par une charte ou par délégation des États membres une mission précise. » Or il n’y a pas de contradiction entre la permanence des États et la nécessaire projection d’une Europe globale ; la présidence française de l’Union en est la lumineuse illustration.

En revanche, M. Védrine a raison lorsqu’il diagnostique la faiblesse du système multilatéral qui souffre, en dehors des problèmes de moyens et d’organisation, d’un « contresens » : « Il a été présenté dans un esprit “ moderne ” après la Seconde Guerre mondiale comme une sorte de substitut aux États nations égoïstes et périmés. Alors qu’en réalité il est le cadre au sein duquel les États nations coopèrent plutôt que de s’affronter. » Pour renouveler le multilatéralisme, la mission des organisations qui le concrétisent, ainsi que le mandat de ses dirigeants, doivent être clarifiés, selon M. Védrine. Il faut d’une façon ou d’une autre « exercer sur eux un contrôle démocratique ». En fait il faut combiner les deux formes de multilatéralisme que distingue Kemal Derviş : la gouvernance coopérative circonstancielle et ciblée entre États souverains, et la gouvernance partagée au sein d’institutions internationales au mandat et à la légitimité incontestés.

b) L’Europe des partenariats à repenser

Globale, l’Europe doit être ouverte, aux pays en développement comme à ses grands partenaires. Elle aura beau arguer de sa contribution financière sans égale au développement, tant que cette aide demeurera diluée et insuffisamment visible, tant qu’elle ne sera pas appuyée sur une stratégie, sur une offre politique globale, elle restera perfectible. C’est le sens du « paquet » mêlant paix et développement, proposé infra.

• Le partenariat à développer avec l’ONU pourrait nécessiter des développements propres à chaque agence spécialisée ; il est d’ailleurs particulièrement opportun – et même prioritaire – que l’Europe plaide pour une accélération de la réforme de l’ONU, trop longtemps différée.

Votre Rapporteure veut insister ici sur la gestion des crises, comme M. Bernard Kouchner l’a fait lors du déjeuner-débat qu’il présidait le 26 septembre dernier à New York. Au-delà de la coopération en matière de gestion des crises, le partenariat entre les Nations unies et l’Union européenne est en train de se développer sur les questions de sécurité au sens large, en amont des crises comme en aval. En amont, il s’agit de la formation de personnels déployés dans les OMP des Nations unies, et du renforcement des capacités africaines de gestion des crises. En aval, il s’agit de la réforme des systèmes de sécurité, du processus « désarmement, démobilisation et réinsertion », et de l’appui à la Commission de consolidation de la paix des Nations unies, notamment.

L’Union européenne dispose d’une large gamme d’instruments, dans le cadre du premier comme du deuxième pilier. Sur ce dernier point, on peut citer, dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense, les missions de police, de justice, de soutien aux administrations civiles et de renforcement de l’État de droit. Cette gamme d’instruments peut être mobilisée en appui des Nations unies. Mais ce partenariat peut être renforcé. Par exemple, sur quels théâtres d’opération les Nations unies et l’Union européenne peuvent-elles mieux agir ensemble et selon quelles modalités concrètes ? Quels sont les nouveaux domaines de coopération envisageables ? Comment l’UE pourrait-elle mieux affirmer à l’ONU les concepts qui lui sont chers, telle la « responsabilité de protéger », et mieux les faire partager ?

• L’heure n’a jamais été aussi propice à la refondation d’un ambitieux partenariat transatlantique : le monde va mieux quand la relation transatlantique est forte. Il faut ainsi saisir l’occasion unique de l’élection du Président Barack Obama et de la constitution en cours d’une nouvelle administration démocrate pour jeter les bases d’un nouveau consensus transatlantique, notamment sur le rôle et la légitimité des institutions internationales. La relation transatlantique devrait servir de socle pour la rénovation des organisations internationales.

Pour ce faire, il faut une offre politique de l’Europe à l’adresse du « président élu ». Telle est précisément – signe des temps – la démarche qu’ont accomplie les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne réunis informellement à Marseille les 3 et 4 novembre derniers. À propos du document de travail, qui ne sera pas immédiatement rendu public, M. Bernard Kouchner a déclaré : « Ce n’est pas une série de certitudes ou de leçons données à nos amis américains, mais au contraire il se présente comme un socle de valeurs et d’objectifs communs, comme une boîte à outils à la disposition des Vingt-sept pays de l’Union européenne. Ces derniers l’utiliseront comme ils le veulent, comme ils le voudront en fonction de leur histoire nationale, de leur rapport toujours un peu particulier avec les États-Unis d’Amérique. »

Le ministre a accepté de mentionner les cinq thèmes qui structurent ce document transatlantique : le premier est le multilatéralisme, les quatre autres concernent des pays ou des régions en particulier – Moyen-Orient, Afghanistan et Pakistan, rapports entre l’Europe et la Russie, grands émergents (Chine, Inde, Brésil).

• Précisément, le développement d’une politique étrangère davantage unifiée dans sa doctrine et dans ses instruments – perspective offerte par le Traité de Lisbonne ou par les accords institutionnels qui pourront en reprendre la substance –, doit encourager l’Union à jeter les bases d’un partenariat renouvelé avec ces trois grands émergents. Les Européens ont pris conscience de l’urgence qu’il y avait à aborder un certain nombre d’enjeux d’une seule voix sur la scène internationale, qu’il s’agisse de définir une position commune vis-à-vis d’un pays comme l’Iran ou de sécuriser l’approvisionnement énergétique de l’Union. De même doivent-ils prendre conscience du besoin et du devoir qu’ils ont à dialoguer d’une voix ferme et unie avec la Chine, l’Inde et le Brésil.

L’évocation des partenariats dans le domaine du développement resterait incomplète si votre Rapporteure ne mentionnait deux points supplémentaires : le dialogue à redessiner avec les deux grands ensembles que sont Russie et avec l’Afrique, d’une part, et le préalable de l’achèvement du Cycle de Doha, le cycle du développement en cours de négociation à l’OMC, d’autre part.

Ainsi au clair sur les enjeux fondamentaux, au sein du nouveau système international l’Europe doit se penser comme une force d’influence, porteuse d’un projet universel : bâtir une éthique de la mondialisation.

3) Les principes de la refondation du système international : pour une éthique de la mondialisation

L’Europe a vocation à refonder le système international sur une légitimité politique incontestée. Seul ensemble de cette taille qui se soit édifié sur le droit et la démocratie, elle peut – et doit – servir de guide à ses membres et à ses partenaires pour sortir d’un monde marqué par des failles d’insécurité, afin de retrouver un monde de responsabilité, de régulation et de transparence.

a) La promotion d’idées et de normes

• L’éthique de la mondialisation doit d’abord s’appuyer sur l’Europe des idées : du XVIe siècle de la Renaissance au XVIIIe siècle des Lumières, l’Europe a été le centre de gravité dans ce domaine. Il faut aujourd’hui renouer avec le génie européen. Les think tanks peuvent et doivent y aider ; votre Rapporteure a eu l’occasion de citer les travaux de certains d’entre eux tout au long de son rapport. Ils sont un stimulant intellectuel indispensable pour forger le corpus doctrinal de l’éthique de la mondialisation.

Comme l’illustrent les articles portant sur les valeurs, les objectifs et l’action extérieure de l’Union européenne inscrits dans les articles 2, 3 et 21 du traité sur l’UE selon la nouvelle numérotation issue du Traité de Lisbonne, l’Union est désormais explicitement engagée, sur un plan « constitutionnel » et donc juridiquement garanti, dans la promotion des principes de paix, de liberté, de démocratie, des droits de l’homme, d’État de droit, d’égalité, de solidarité sociale, de développement durable et de bonne gouvernance. Pour la première fois, ces principes doivent s’appliquer aussi bien aux politiques internes qu’aux procédures d’adhésion ou aux actions extérieures, ce qui doit permettre de dépasser toutes les incohérences résultant de leur promotion parfois inconstante, ou trop timorée, dans les politiques d’élargissement, de voisinage, de développement, la politique commerciale ou la politique extérieure.

• Cette promotion de grands principes sera rendue possible par l’ambition de l’Europe à agir par l’exemple, fondé sur le droit et les normes. Si l’Union européenne a parfois été définie comme une « puissance normative » par opposition à la puissance militaire, il lui reste à se doter d’une stratégie internationale plus cohérente de promotion des normes économiques et sociales qu’elle développe sur son territoire. La question des droits de l’homme ayant été évoquée plus haut, une approche globale touchant d’autres types de normes, dans les domaines les plus variés, contribuerait à une meilleure défense de ses intérêts tout en créant les conditions d’une concurrence mondiale plus profitable, plus acceptable, plus éthique en somme, éloignant toute tentation protectionniste. Cette stratégie doit cependant être adaptée à chaque type de normes :

– la promotion des « droits internationalement reconnus de la personne humaine au travail », tels que reconnus par l’Organisation internationale du travail, pourrait être plus active au niveau européen. La refonte du « système de préférences généralisées » de l’Union en 2005, en matière d’échanges commerciaux, a conduit à la création d’un accès préférentiel aux marchés européens aux pays mettant en œuvre les principales conventions internationales relatives aux droits de l’homme et du travail – a contrario, le Bélarus s’est vu infliger des sanctions. Cette règle selon laquelle « l’OMC écoute l’OIT » est une très bonne chose. Dans ses négociations bilatérales en cours, l’Union européenne doit envisager d’aller plus loin ; elle doit également s’assurer de la responsabilité sociale de ses entreprises et de leur code de conduite dans les pays émergents ;

– l’exemple des normes comptables et financières utilisées au niveau international est lui aussi révélateur des progrès que l’Union européenne doit accomplir. Alors que par défaut d’implication européenne naguère, l’adoption des normes comptables produites par l’International Accounting Standards Board a abouti à des critères de comptabilisation parfois déstabilisants pour les entreprises, qui contribuent aujourd’hui à l’aggravation de la crise financière internationale, l’Europe doit être à la pointe de leur redéfinition dans le cadre de la refonte du système financier international ;

– en matière de respect des droits de la propriété intellectuelle, l’Union européenne doit également se doter d’une stratégie qui agrège une meilleure protection des avancées de l’activité européenne de recherche et développement, des mesures de coopération avec les États tiers et des mesures de sanction plus énergiques à l’égard du viol de la propriété intellectuelle et de la contrefaçon ;

– s’agissant du respect des règles de concurrence, d’investissement et d’accès aux marchés publics – qualifiées de « sujets de Singapour » à l’OMC et écartés de l’agenda de Doha –, l’Union doit se montrer plus énergique vis-à-vis de ses partenaires, et exiger davantage de réciprocité de la part des autres pays de l’OCDE, mais aussi de la part des pays émergents qui commencent à investir sur les marchés européens ;

– enfin, l’Union a récemment pris conscience de ce que son marché intérieur vaste et prospère lui conférait un avantage compétitif important pour ce qui relève des normes et standards industriels appliqués dans le monde. En matière automobile, elle a par exemple adopté des normes reprises par la plupart des constructeurs des autres pays, et qui lui donnent un leadership dont bénéficient ses entreprises et ses travailleurs. L’UE pourrait élargir cette influence à tous les secteurs industriels ayant fait l’objet d’une harmonisation au niveau communautaire.

Les succès ne seront probablement ni immédiats ni aisés ; il reste que la légitimité pour développer cette stratégie est essentiellement européenne, tout comme est européenne dans une large mesure l’attention portée aux nouveaux défis globaux.

b) La responsabilité de nouveaux enjeux globaux

• Votre Rapporteure emprunte à M. Jean-Marie Guéhenno, il y a peu de mois encore Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé du département des opérations de maintien de la paix, l’enjeu global humainement le plus noble : la proposition aux États particulièrement vulnérables dans la mondialisation d’un « paquet » paix, reconstruction et développement. Il y a là comme un aboutissement ultime du concept de « responsabilité de protéger » ; une magnifique ambition assurément pour l’Union qui pourrait, forte de son expérience croissante et croisée dans les domaines de la sécurité et de l’aide au développement, offrir l’envoi de contingents de « casques bleus européens » chargés de cette double mission.

Il faut y insister : l’Europe seule est capable de présenter aux pays en développement ce type de « prestation ». Elle doit cependant s’organiser pour ne pas décevoir les attentes en la matière. En particulier, il lui faut dégager les moyens d’intervention humains et matériels à déployer. C’est sur ce second point que l’essor précédemment évoqué des activités de la Banque européenne d’investissement dans le domaine des relations avec les pays en développement prend toute sa dimension stratégique.

Au-delà, il est même possible d’envisager de confier la conduite opérationnelle des projets à une « Agence européenne de développement » qui serait l’opérateur visible de l’action de l’UE en ce domaine, tant il est vrai que le « premier bailleur de fonds en faveur du développement » peine à progresser sur ce point. L’envoi de fonctionnaires européens spécialistes du développement pourrait renforcer l’efficacité de cette agence et son articulation avec les financements de la BEI et des autres contributeurs.

• Le projet mondial européen doit également être adossé aux enjeux environnementaux et sociaux. L’Europe peut être motrice dans la promotion d’une croissance écologique, dans le cadre de l’économie sociale de marché qui demeure son modèle dominant et n’est pas, au contraire, remis en question par la crise actuelle. Ici, votre Rapporteure empruntera une dernière fois au rapport sur L’Europe dans la mondialisation pour souscrire à l’objectif qui y est décrit de « développer les nouvelles politiques extérieures “ particulièrement nécessaires à notre temps ” ».

Répondant, pour certaines, à des défis vis-à-vis desquels la prise de conscience est récente, ces nouvelles politiques doivent permettre aux États membres de l’Union d’atteindre plus facilement des objectifs aujourd’hui largement communs :

– mieux tirer parti des migrations, au bénéfice des pays d’origine comme des pays d’accueil ;

– renforcer et sécuriser l’accès de l’Union européenne aux richesses énergétiques dont elle a besoin ;

– peser au niveau international dans les négociations sur la préservation de l’environnement ;

– protéger ses actifs stratégiques de possibles tentatives de prédation à visée géopolitique.

Dans le prolongement de cette dernière préconisation, votre Rapporteure juge très opportune la réflexion sur la possible constitution de « fonds souverains européens », instruments propres de l’Union européenne ou forme de coopération entre des instruments nationaux. Même si la dimension européenne semble plus crédible, compte tenu de la situation économique des États membres considérés individuellement, que la création de fonds souverains exclusivement nationaux, l’analyse prospective à mener sur ce point devrait envisager plusieurs cas de figure.

• À ces fins multiples dont le point commun est de constituer, prises ensemble, une certaine éthique de la mondialisation, l’Union et ses États membres doivent consacrer toute leur énergie et, pour ce faire :

– s’appuyer sur la qualité absolument remarquable des réseaux diplomatiques européens, en leur insufflant davantage encore une vision européenne des enjeux et le souci de promouvoir l’Europe comme acteur global ;

– en amont, faire en sorte que ces diplomates soient les vecteurs d’un politique réfléchie, pensée comme un prolongement de l’influence européenne dans tous les domaines concernés par la mondialisation ;

– multiplier dans ce but l’implication des parlementaires nationaux dans les débats européens, créer une véritable culture politique européenne ;

– en aval, utiliser toutes les ressources prévues par le Traité de Lisbonne, ou créées à l’occasion des crises gérées sous présidence française, pour déployer l’influence européenne dans toutes les enceintes pouvant servir de chambre d’écho à la vision européenne de la mondialisation : ONU et système onusien, institutions financières internationales, OTAN, OMC, OIT.

En devenant cette nouvelle puissance d’équilibre, l’Union atteindra enfin le point où la question de sa représentation au sein des organisations internationales – Qui doit parler à Washington ou à New York ? – sera résolue… simplement parce qu’elle n’aura plus à se poser : une Europe « aux idées claires », dont la politique globale vis-à-vis de tous les acteurs mondiaux sera incarnée par des personnalités éminentes et déterminées, aura de loin dépassé le stade de l’introversion. Elle pourra alors adopter, dans tous les domaines où cela sera nécessaire, l’attitude de partage ainsi résumée par M. Pascal Lamy : « Le poids, c’est le compromis. »

*

L’Union européenne ne peut plus croire que ses valeurs, ses idéaux et ses normes sont suffisants et naturellement contagieux. Et il est – particulièrement dans le contexte actuel – de la responsabilité de la France de la rendre plus consciente de sa mission, pour qu’elle réalise ce que va être la géopolitique en formation, le choc démographique, l’émergence de nouvelles puissances, la compétition énergétique, les tensions écologiques, sociales, culturelles, religieuses. Pour qu’elle bâtisse une autonomie dans une alliance refondée avec les États-Unis et un rapport de forces intelligent avec les nouvelles puissances émergentes.

En tout état de cause, il s’agit de faire de l’Union européenne, pour sa survie même, le niveau d’action le plus efficace dans la mondialisation, le pôle de puissance régulateur par excellence, la source d’une nouvelle mondialisation.

CONCLUSION

« Ce que Paris conseille, l’Europe le médite.

Ce que Paris entame, l’Europe le continue. »

Victor Hugo,
Discours à l’Assemblée constituante
,
20 juin 1848.

La présidence française de l’Union européenne exprime le retour de l’Europe en France et de la France en Europe. Nul ne pouvait prédire quelles crises surviendraient au cours de ce semestre qui fera date. En réagissant avec l’énergie et le sang-froid nécessaires, en allant de l’avant seule, à quelques-uns ou à 27 selon la nécessité de l’heure, mais toujours au nom de l’Union, la France et son Président se sont montrés exemplaires. Dans ce contexte particulier, notre pays retrouve son ambition de l’après-guerre : et comme l’après-crise sera l’après-guerre, il importe de le préparer sans tarder.

Votre Rapporteure a tenté de montrer que, pour exceptionnelles qu’elles soient, les crises récentes n’ont agi que comme le révélateur des faiblesses d’un système international finissant, affaibli, dépassé par des enjeux et des acteurs nouveaux bien qu’ayant rendu d’inestimables services aux générations de la seconde moitié du XXe siècle.

Aujourd’hui, il faut refonder. Les pompiers ont agi, les architectes doivent se mettre au travail. Mais ils ne le feront pas seuls. À dire vrai, l’ambition du présent rapport est de réveiller en chaque Européen, partie prenante de la mondialisation, son âme d’architecte : comme politique destiné à donner du souffle à l’Europe, comme dirigeant chargé de promouvoir la vision européenne dans les négociations sur la refondation des institutions internationales héritées de la dernière guerre, comme fonctionnaire appelé à se coordonner avec ses partenaires de l’Union, comme entrepreneur censé privilégier les normes et les valeurs consubstantielles à l’Europe, comme citoyen s’interrogeant sur son appartenance à une opinion publique européenne politiquement éduquée.

Chacun pourra alors conclure avec M. Kemal Derviş : « Discuter de l’Europe en soi comme  marché à protéger  ou comme  identité collective à construire  n’a plus vraiment de sens ou d’intérêt dans un monde globalisé, mobile, fluide. Si l’Europe a un avenir, celui-ci doit s’inscrire dans la mondialisation et la manière dont elle peut peser, influencer,  civiliser  la mondialisation. »

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent rapport d’information au cours de sa réunion du mercredi 12 novembre 2008.

Après l’exposé de la Rapporteure, un débat a lieu.

Le Président Axel Poniatowski. L’exposé de Mme Ameline est très intéressant et permet de lancer un débat d’idées au sein de la commission. L’Europe est en effet un géant économique mais un nain politique : la crise géorgienne d’une part et la crise financière d’autre part lui ont récemment fourni l’occasion de sortir de cette situation en faisant émerger une diplomatie européenne. Reste à savoir si ce mouvement va se consolider ou retomber. L’Europe a toujours eu une approche en termes de soft power ; elle a fondé son influence sur sa culture, les droits de l’Homme, son modèle social, ses valeurs. Mais elle a aujourd’hui besoin de véritables outils de puissance. Un fonds souverain européen serait très utile à cet égard, mais il est à craindre que nos partenaires soient difficiles à convaincre. En effet, le soft power ne suffit plus pour s’imposer quand les autres grands acteurs du monde, les Etats-Unis, la Russie, la Chine ou l’Inde, n’hésitent pas à défendre leurs intérêts de manière plus stratégique.

M. Jacques Myard. L’exposé de la Rapporteure est effectivement très dense. L’utilisation qu’elle fait de la citation de Victor Hugo « Ce que Paris conseille, l’Europe le médite » est erronée. Victor Hugo, qui n’a été qu’un piètre politique et un mauvais parlementaire, exprime par cette formule son nationalisme : il ne soutient une voie européenne que si celle-ci est conduite par la France, ce qui n’est pas la préconisation de Mme Ameline.

Pour ce qui est de la carrière des fonctionnaires internationaux français, il faudrait suivre le modèle britannique. Alors que les fonctionnaires français vont, pour certains, jusqu’à prendre des positions hostiles à la France lorsqu’ils travaillent pour une organisation internationale, les fonctionnaires britanniques défendent toujours les intérêts de leur pays. En effet, ils sont soumis à une procédure de notation par leur administration d’origine, qui tient compte de cet aspect.

Le rapport de Mme Ameline constitue en fait un essai académique décalé, qui repose sur le postulat non démontré selon lequel l’émergence d’une Europe puissance est dans notre intérêt. L’Europe a certes un poids économique si on additionne les PIB de chacun des Etats membres, mais elle forme un magma hétéroclite dépourvu de vision commune du monde et ses composantes se livrent à une concurrence économique acharnée. Dans ce contexte, la question qu’il faudrait poser est celle de la nécessité de conserver la maîtrise de nos moyens d’action nationaux ! Il est contradictoire de se féliciter des succès de la présidence française comme étant des succès de l’Union européenne, alors qu’ils ont été réalisés à l’initiative de la seule France, qui a pris la conduite des opérations et a ensuite entraîné les autres Etats derrière elle. Ceux-ci n’ont en effet ni la même volonté d’influence ni la même capacité militaire que notre pays !

Lorsque l’Union européenne a vu le jour, le monde était bipolaire et on espérait constituer un troisième bloc pour peser sur l’ordre international. Nous sommes à présent dans l’ère des puissances relatives. Le monde se régénère autour des puissances nationales, il est redevenu multilatéral, en même temps qu’apparaît le phénomène nouveau de la mondialisation, qui transcende la construction européenne. Si la coopération européenne est indispensable dans certains domaines, elle ne l’est pas dans tous. Il est probable que l’Union pour la Méditerranée échouera parce qu’elle a été intégrée dans le cadre communautaire. L’avenir de la France n’est plus seulement en Europe. En matière de défense, par exemple, elle doit coopérer avec les Etats du Maghreb et avec la Turquie, et pas seulement avec ses partenaires européens. Le projet européen est désormais dépassé par la globalisation.

M. Jean-Marc Roubaud. Le principe actuel de la présidence tournante de l’Union européenne me préoccupe, dans le contexte de crise internationale que nous connaissons. La présidence française se termine fin décembre prochain. Un certain nombre d’avancées ont été faites, des décisions ont été prises, mais compte tenu du fait que le Traité de Lisbonne n’a pas été adopté, de la complexité des structures, aussi, et de la non définition des compétences, je me demande quelle sera l’évolution dès janvier 2009 et je voudrais savoir s’il n’y a pas des dispositions particulières à prendre ; ce sont des sujets qui me semblent particulièrement importants si nous voulons rendre l’Europe plus cohérente et assurer une continuité politique.

M. François Loncle. Je voudrais dire que j’ai été très intéressé par ce rapport, lucide et qui offre des perspectives. Je ferai une remarque critique : la présidence française de l’Union européenne a certes été dynamique et réussie, mais il ne faut toutefois pas en rajouter pour ne pas tomber dans l’arrogance française bien connue et qui finit par nous nuire. Il y a en tout cas quelque chose qui n’a pas avancé durant la présidence française, c’est la relation avec l’Allemagne ; il faudra s’atteler à faire le point si l’on veut reconstruire ce moteur de l’Europe, d’autant plus qu’il y a eu au contraire détérioration ces derniers temps. À la suite de l’audition la semaine dernière du commissaire Olli Rehn, je me demande si le moment n’est pas venu de définir les frontières ultimes de l’Europe pour à la fois marquer cette puissance à laquelle vous aspirez et aussi essayer d’ôter le flou et l’inquiétude de beaucoup d’Européens, à l’idée que la construction n’a pas de fin. Est-ce que ce ne pourrait pas être un objectif pour les mois qui viennent ? Je vous remercie pour ce rapport tout à fait intéressant.

M. Jean-Michel Boucheron. Il y a deux choses à mon avis qui freinent l’Europe ; en premier lieu, c’est précisément l’idée du « soft power ». Nous sommes dans un monde dans lequel les ressources naturelles vont se raréfier et devenir extrêmement disputées. Continuer dans un schéma de faiblesse stratégique est une grave erreur, car les autres puissances ne partageront pas ce qui ne relève pas d’un rapport de force. La deuxième remarque porte sur la nécessité de ne pas se focaliser excessivement, comme le font trop de responsables européens, sur l’approche uniquement institutionnelle. Tout ce qui a été fait de grand en Europe l’a été dans le cadre d’une Europe à plusieurs vitesses : Schengen, l’euro, etc., et il continuera nécessairement d’en être ainsi, car l’Europe est au-dessous du seuil critique de puissance mondiale de 1 milliard d’habitants. Il faut donc construire un ensemble qui ne soit pas institutionnel, mais un ensemble de dynamiques, et l’on voit bien que c’est la géographie qui fixe l’histoire. Donc, je suis satisfait de l’évolution positive de l’attitude du gouvernement français vis-à-vis de la Russie. J’ai été très enthousiaste sur l’initiative du Président de la République sur l’Union pour la Méditerranée, mais je regrette qu’il ait cédé à Mme Merkel…

M. Jacques Myard. Bravo.

M. Jean-Michel Boucheron. … car, je le crains, nous allons perdre en vitesse et en détermination. J’espère que passée la présidence française on pourra rectifier le tir. Cette présidence se passe de façon très intéressante. Je partage l’idée que l’Europe a besoin d’une « bouffée de politique », qu’il lui faut un combat et un visage qui incarne l’Europe. Il y aujourd’hui peu de candidats à ce rôle, mais il faut créer une dynamique. Sans nationalisme, la France a toujours été en tête d’un certain nombre de combats, elle n’a pas à s’excuser de faire l’Histoire ni à culpabiliser et devrait être fière aujourd’hui. Mon seul souci est de voir que l’Euro-Méditerranée risque de s’enliser à cause de la bureaucratie de Bruxelles.

M. Henri Plagnol. Je voudrais remercier Nicole Ameline de son rapport qui montre bien comment l’Europe peut jouer son rôle civilisateur dans la mondialisation. Ma question porte sur l’aide publique au développement de l’Union européenne. Vous avez souligné à juste titre que l’Union européenne est de très loin le premier donateur du monde mais avec une visibilité très faible. J’ai pu constater, avec mon collègue Jean Glavany, en Afghanistan et au Pakistan ces derniers jours, que ce que fait l’Europe est ignoré des populations, alors que le drapeau européen pourrait leur redonner espoir. Pire, la conférence des ambassadeurs de l’Union européenne dans ces pays n’arrive pas à obtenir de la part des représentants de la commission de mandat politique sur ces questions. Cela ne pourra évoluer que si l’agence de développement que vous suggérez intervient avec un droit de contrôle ou un regard fort de la part de la conférence des ambassadeurs, pour sortir des méandres de la bureaucratie européenne. Cela pourra contribuer aussi à donner un visage à notre diplomatie. Je voudrais votre sentiment sur cette question.

Mme Nicole Ameline, rapporteur. Je vais d’abord répondre à M. Jacques Myard. Je respecte tous les talents, le vôtre comme celui de Victor Hugo. Simplement, je ne partage pas votre vision de l’Europe. C’est parce que les 27 ont été unis dans l’affaire géorgienne, et face à la crise financière, que leurs propositions ont pu avoir un tel impact. L’action en matière financière ne relève pas de la simple coopération sur le moment, mais doit permettre de lancer une démarche de long terme. L’Europe doit assurer le continuum économique et financier.

Concernant les relations entre les Etats membres et la Commission, la crise financière a montré que le processus de construction communautaire n’est plus le seul moteur de l’Europe, puisque la plupart des réponses apportées à la crise récente ont été élaborées dans un cadre intergouvernemental. Un tel constat n’empêche pas de préconiser un renforcement de l’unité européenne.

Le monde actuel n’est plus seulement structuré de façon « verticale » par les seuls Etats, il est aujourd’hui traversé par des flux économiques internationaux représentés par les grands fonds privés et les réseaux ou les mouvements alternatifs – songeons au sommet de Porto Alegre. Le retour à une logique d’Etats et de repli sur les intérêts nationaux conduira à la dilution de l’influence européenne dans le monde, et à son incapacité à peser sur les évolutions internationales en promouvant ses valeurs. Ainsi, alors que la promotion des droits de l’homme est en recul à l’ONU depuis quelques années, l’Europe se focalise essentiellement sur les questions institutionnelles internes, et néglige son action internationale. De la même manière, l’Europe n’a pas su imposer la généralisation de la « clause sociale » dans les accords de commerce internationaux.

Il faut donc revenir à une démarche puissante, collective, organisée, structurée, appuyée sur des instruments européens. Cela n’exclut pas l’action des Etats, mais sans vision unifiée de l’Europe dans le monde, l’influence européenne ne pourra que diminuer. Les réseaux diplomatiques, et notamment nos représentations permanentes auprès des organisations internationales, jouent un rôle éminent dans ce domaine, qui doit être salué.

Dans un nouveau monde, c’est bien de l’Europe globale qu’il doit s’agir.

En réponse à M. Jean-Marc Roubaud, il est certain que la question de la suite de la présidence française de l’Union européenne, notamment face à la crise financière, est essentielle. Le rapport propose de renforcer la gouvernance économique et de recourir à l’Eurogroupe, qui peut constituer le cadre adapté pour consolider la démarche collective qui vient d’être engagée.

Pour répondre à M. François Loncle, l’élargissement n’a pas été un facteur de ralentissement. Aujourd’hui, l’image de l’Europe dans les organisations internationales est celle d’une Europe à quarante membres. Toutefois, la réflexion à mener sur les frontières est importante, car elle permettra de clarifier des aspects importants de la construction communautaire.

Concernant le partenariat franco-allemand, il est juste d’affirmer que l’Europe doit se fortifier à l’intérieur si elle veut se fortifier hors de ses frontières. Elle doit donc s’appuyer sur ses bases les plus solides, dont le moteur franco-allemand est la première, bien que les efforts réalisés par la Grande-Bretagne suite à la crise financière soient notables.

Je remercie M. Jean-Michel Boucheron d’avoir partagé mes analyses. Je pense aussi qu’il faut dépasser les réflexions institutionnelles, qui ont trop longtemps obturé la vision européenne. Comme le déclare Kemal Derviş : « Si l’Europe a un avenir, celui-ci doit s’inscrire dans la mondialisation et la manière dont elle peut peser, influencer, “ civiliser ” la mondialisation. ». Les problèmes internes doivent donc rester secondaires par rapport au besoin d’Europe exprimé aujourd’hui par le monde.

Comme l’indique M. Henri Plagnol, le déséquilibre entre, d’une part, l’ampleur de l’aide européenne au développement et, d’autre part, la faible reconnaissance internationale du rôle joué par l’Union dans ce domaine, suscite une grande frustration. Une agence européenne de développement pourrait travailler en lien avec les réseaux européens, importants, pour apporter la coordination et la cohérence dont l’action européenne en faveur du développement a besoin. A l’heure actuelle, 17 agences de l’ONU travaillent en Afghanistan, ce qui montre à quel point l’enjeu de la coordination des actions menées est crucial.

Pour conclure, les fonctionnaires européens placés dans les organisations internationales doivent être considérés comme des « investissements » de l’Europe dans le monde. Il serait judicieux de valoriser leur rôle, par exemple en créant un groupe de fonctionnaires chargés de la mise en œuvre de programmes de long terme permettant de définir de véritables politiques de développement dans certains pays, par exemple en Afrique.

M. Jacques Myard : J’approuve la publication de ce rapport. Je recommande simplement d’en modifier le titre, et propose de l’intituler : « L’Europe : de l’utopie aux dures réalités ».

Après avoir remercié la Rapporteure pour son exposé et ses réponses, le Président Axel Poniatowski demande à la Commission de se prononcer sur la décision de publier le rapport présenté par Mme Nicole Ameline.

La Commission autorise la publication du présent rapport d’information (no 1242).

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ANNEXE : AUDITIONS DE LA RAPPORTEURE

(par ordre chronologique)

À Washington

– M. Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international

– M. Ambroise Fayolle, administrateur pour la France au FMI et à la Banque mondiale

– M. Bernd Esdar, secrétariat du conseil d’administration du FMI

– M. Klaus Stein, administrateur pour l’Allemagne au FMI, président de l’EURFMI

– Mme Meg Lundsager, administratrice pour les États-Unis au FMI

– M. José Alejandro Rojas, administrateur pour le Vénézuela, le Mexique et l’Espagne au FMI

– M. Thomas Bernes, directeur de l’Office indépendant d’évaluation du FMI

– M. Philippe Le Houerou, Vice-président de la Banque mondiale, en charge des partenariats et des financements concessionnels

– Mme Kristalina Georgieva, secrétariat du conseil d’administration de la Banque mondiale

– M. Michael Hofmann, administrateur pour l’Allemagne à la Banque mondiale

– M. Jorge Familiar Calderon, administrateur pour le Mexique à la Banque mondiale

– M. Svein Aass, administrateur pour les pays nordiques à la Banque mondiale

− M. Pierre Vimont, Ambassadeur de France aux États-Unis

– M. François Rivasseau, ministre conseiller à l’ambassade de France

– M. Reinhold Brender, conseiller politique à la délégation de la Commission européenne

– M. Grover Rees, Ambassadeur, Acting assistant secretary au bureau des organisations internationales du Département d’État

– M. Reginald Dale, expert de l’Union européenne, Center for Strategic and International Studies

À New York

− M. Kemal Derviş, administrateur du Programme des Nations unies pour le développement

− Mme Eva Busza, Programme des Nations unies pour le développement, unité de planification stratégique du Bureau de la prévention des crises et du relèvement

− M. Jean-Marie Guéhenno, secrétaire général adjoint de l’ONU, chef du département des opérations de maintien de la paix (33)

− M. John Holmes, secrétaire général adjoint de l’ONU, chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires

− M. Parfait Onanga, chef de cabinet de Mme Asha-Rose Migiro, Vice-secrétaire générale de l’ONU

– M. Philippe Delacroix, secrétaire général de la Présidence française de l’Union européenne auprès de l’ONU

– M. Stephan Marquardt, ministre conseiller, chef adjoint du bureau de liaison du secrétariat général du Conseil de l’Union européenne

− M. Hans Peter Schwaiger, chef adjoint de la délégation de la Commission européenne auprès de l’ONU

− Mme Sanja Štiglic, Ambassadeur, Représentant permanent de la Slovénie auprès de l’ONU

− Des membres des représentations permanentes d’autres États membres auprès de l’ONU : Royaume-Uni, Espagne, Belgique, République tchèque et Pologne

− M. El Mostafa Sahel, Ambassadeur, Représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU

− M. Éric Falt, directeur de la division des services et produits destinés au public au département de l’information de l’ONU

− M. François Carrel-Billiard, Visiting Senior Fellow au sein du think tank International Peace Institute

À Genève

– M. Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce

À Bruxelles

– M. Eneko Landaburu, directeur général des Relations extérieures à la Commission européenne

– M. Patrice Bergamini, directeur adjoint du cabinet de M. Javier Solana, Haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune

– Mme Pascale Andréani, Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Atlantique nord

– M. Martin Erdmann, secrétaire général adjoint de l’OTAN en charge des affaires politiques

– M. Jamie Shea, directeur de la Policy Planning Unit

– M. Jean-François Bureau, secrétaire général adjoint de l’OTAN en charge de la diplomatie publique

– M. David Bertolotti, directeur adjoint du cabinet du secrétaire général de l’OTAN

– Général Gilles Rouby, adjoint du chef de la représentation militaire de la France

– M. Marc Abensour, Représentant permanent adjoint (délégation permanente de la France auprès du Conseil de l’Atlantique nord)

– M. Gabriel Bernier, conseiller à la délégation permanente de la France auprès du Conseil de l’Atlantique nord

– Mme Sophie Martin-Lang, conseillère à la délégation permanente de la France auprès du Conseil de l’Atlantique nord

À Paris

– M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État chargé des Affaires européennes

– M. Jean-David Levitte, conseiller diplomatique et Sherpa du Président de la République

– M. Philippe Étienne, directeur du cabinet du ministre des Affaires étrangères et européennes.

1 () Voir page 9 le schéma du système des Nations unies.

2 () Unis dans l’action, Rapport du groupe de haut niveau sur la cohérence de l’action du système des Nations unies dans les domaines du développement, de l’aide humanitaire et de la protection de l’environnement, novembre 2006.

3 () Le General Agreement on Tariffs and Trade a fonctionné entre 1947 et 1994.

4 () Interview de Philippe Plassart, « Le FMI et la Banque mondiale à la recherche d’un nouveau souffle », in Le nouvel économiste n° 1389, 24-30 mai 2007.

5 () Article paru dans la Revue française d’administration publique, n° 126, 2008, pp. 359-372.

6 () Rapport de la mission sur l’Europe dans la mondialisation confiée à M. Laurent Cohen-Tanugi par Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi et M. Xavier Bertrand, ministre du Travail, des relations sociales et de la solidarité, remis en avril 2008.

7 () « OTAN : vers un nouveau concept stratégique ? », in Politique étrangère, Printemps 2008 / 1, pp. 105-118.

8 () « Réformer la gouvernance mondiale », document de travail de la Fondation pour l’innovation politique, juin 2007.

9 () L’Europe frigide. Réflexions sur un projet inachevé, André Versaille éditeur, 2008.

10 () Déjà membre de facto du GATT (du fait de son poids commercial et de ses compétences, les États y ayant par ailleurs consenti), la Communauté européenne est devenue membre de l’OMC à part entière en 1995, en vertu de l’article XI, paragraphe 1 de l’accord de Marrakech.

11 () Source : Annie Krieger-Krynicki, « OMC et Union européenne », in Revue juridique et parlementaire, 2003, p. 111, article cité par le Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères et européennes et Sciences Po (Fanny Arnaud, Camille Bedin, Paul Piaton, Luce Ricard), La représentation de l’Union européenne dans les organisations internationales, juillet 2007.

12 () Article 133, paragraphe 3, premier alinéa du Traité instituant la Communauté européenne.

13 () Même article, paragraphe 4.

14 () Commission des communautés européennes, La Communauté européenne, les organisations internationales et les accord multilatéraux, 1983.

15 () Richard Gowan et Franziska Brantner, A Global Force for Human Rights? An Audit of European Power at the UN, Policy paper du European Council on Foreign Relations, septembre 2008.

16 () À titre exceptionnel, l’Espagne devrait participer au G20 réuni le 15 novembre 2008, la France lui cédant l’un des deux sièges dont elle dispose, comme membre plein et comme présidente du Conseil de l’Union européenne.

17 () Article 133, paragraphe 5, premier alinéa du Traité instituant la Communauté européenne.

18 () Article 133, paragraphe 6, alinéa 2 du même Traité CE.

19 () Article 133, paragraphe 6, alinéa 3.

20 () Voir note page 30.

21 () Guy Isaac et Marc Blanquet, Droit général de l’Union européenne, Dalloz, 9e édition, p. 181.

22 () CJCE, Avis 1/78 du 4 octobre 1979, Projet d’accord concernant le caoutchouc naturel, Rec. p. 2871.

23 () CJCE, Avis 1/76 du 26 avril 1977, Fonds d’immobilisation de la navigation intérieure, Rec. P. 754.

24 () CJCE, Avis 2/94 du 28 mars 1996, Adhésion de la Communauté à la Convention européenne des droits de l’homme, Rec. p. I-1783.

25 () L’Europe dans la mondialisation, rapport cité, page 51.

26 () Avis sur les crédits de la mission Direction de l’action du Gouvernement pour 2008, programme Présidence française de l’Union européenne, doc. AN n° 279, tome VI, octobre 2007.

27 () Le sommet avec l’Ukraine, qui s’est tenu à Paris le 9 septembre, a constitué une échéance majeure dans le renforcement des relations de l’UE avec ce pays européen avec lequel elle partage une histoire et des valeurs communes. L’UE a décidé que les négociations lancées en 2007 devaient aboutir, si possible d’ici fin 2009, à un accord d’association, qui laisse ouverte la possibilité de développements ultérieurs.

28 () Au lendemain des élections législatives du 28 septembre, l’UE a décidé de reprendre progressivement le dialogue avec ce pays, qui est jusqu’à présent soumis à un régime de sanctions, ce qui pourrait ouvrir la voie à la mise en œuvre des mesures prévues par la politique européenne de voisinage.

29 () Le Conseil du 13 octobre a adopté des conclusions qui ouvrent la voie à la négociation prochaine d’un nouvel accord ambitieux avec ce pays.

30 () Rapport élaboré sous la direction d’Elvire Fabry (Fondation pour l’innovation politique) et de Gaëtane Ricard-Nihoul (Notre Europe), mai 2008.

31 () Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère.

32 () « Réformer la gouvernance mondiale », document cité.

33 () Depuis lors, M. Alain Le Roy lui a succédé dans ces fonctions.


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