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N° 1741

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 juin 2009

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,

DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

en conclusion des travaux du comité de suivi sur les questions ferroviaires,

présidé

par M. Patrick Ollier,

Président de la Commission des affaires économiques,

de l’environnement et du territoire

et présenté

par M. Yanick Paternotte,

Député,

Rapporteur.

Remettre le fret sur le rail :

un défi économique, social et environnemental.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— LE BILAN DE SANTÉ DU FRET FERROVIAIRE : CHRONIQUE D’UNE MORT ANNONCÉE ? 11

A.– LES CAUSES DU DÉCLIN : UN MANQUE DE VOLONTÉ POLITIQUE ET DE RÉACTIVITÉ AUX ALÉAS ÉCONOMIQUES 11

a) une frilosité politique regrettable, tant au plan national qu’à l’échelle européenne : la préférence française pour la route et pour le voyageur (« le colis ne vote pas ») ; le poids d’une contrainte sociale héritée de l’histoire 11

b) une conjoncture défavorable : le manque de réactivité du transport ferroviaire aux aléas de l’activité économique 12

B.– LES OBSTACLES STRUCTURELS À L’ACTIVITÉ : UN RÉSEAU INADAPTÉ ET UNE CONCURRENCE FAUSSÉE 14

a) la dégénérescence du réseau : un handicap structurel insuffisamment compensé 14

b) les entraves à la concurrence : le fer structurellement désavantagé ? 16

II.— REMETTRE LE FRET SUR LE RAIL : UN DÉFI ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL 19

A.– UN DÉFI ÉCONOMIQUE : PROFITER DE L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE ET/POUR INNOVER 19

a) l’ouverture à la concurrence : une occasion pour massifier les volumes transportés (cf. le modèle allemand) 19

b) l’innovation : expérimenter de nouvelles voies - grande vitesse, mixité d’usage, proximité… 20

1/ OUVRIR LA GRANDE VITESSE AU FRET FERROVIAIRE : 20

2/ RÉINTRODUIRE LA MIXITÉ D’USAGE DES RAMES ET DES INFRASTRUCTURES 21

3/ CONFIER À UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC - QUI POURRAIT ÊTRE RFF - LA GESTION DES GARES DE FRET ET DES EMBRANCHEMENTS FRET 23

4/ FAIRE DES RÉGIONS OU DES C.R.C.I. QUI LE SOUHAITENT LES CHEFS DE FILE DE LA GESTION DU FRET DE PROXIMITÉ 23

5/ GARANTIR AU FRET DES SILLONS DE QUALITÉ ET PROPOSER AUX OPÉRATEURS DE FRET DES TARIFS DE PÉAGES ABORDABLES 24

6/ FAVORISER LA RÉALISATION DES EMBRANCHEMENTS NÉCESSAIRES À L’ACTIVITÉ DES OPÉRATEURS FERROVIAIRES DE PROXIMITÉ ET DU CONTOURNEMENT DE CERTAINES MÉTROPOLES 25

7/ ACCOMPAGNER LA RÉGÉNÉRATION DU RÉSEAU 26

B.- UN DÉFI SOCIAL : RÉDUIRE LES COÛTS DE STRUCTURE 26

a) la filialisation de la branche de Fret de la SNCF 26

b) un statut et une rémunération garantis 27

C.– UN DÉFI ENVIRONNEMENTAL : PROMOUVOIR UN MODE NON POLLUANT ET DURABLE 27

a) les objectifs environnementaux : un aiguillon pour évoluer 27

b) la concurrence avec la route : renforcer la réglementation sur les émissions de gaz à effet de serre des poids lourds et faire échec aux gigaliners 28

c) généraliser les mesures de protection environnementale contre les nuisances sonores et visuelles 29

CONCLUSION 31

TRAVAUX DU COMITÉ DE SUIVI 33

COMPTE RENDU DE LA RÉUNION CONSTITUTIVE DU 26 NOVEMBRE 2008 33

COMPTE RENDU DE LA RÉUNION D’ÉTAPE DU 14 JANVIER 2009 55

COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE SYNTHÈSE DU 3 JUIN 2009 77

PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DES MISSIONS EFFECTUÉES 91

EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION 95

ANNEXES 107

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 123

Députés ayant participé au Comité de suivi :

- M. Patrick Ollier, Président

- M. Yanick Paternotte, Rapporteur

- M. Maxime Bono

- M. Jean-Claude Bouchet

- Mme Françoise Branget

- M. François Brottes

- M. Louis Cosyns

- Mme Catherine Coutelle

- M. Raymond Durand

- M. Philippe Duron

- M. Daniel Fasquelle

- Mme Cécile Gallez

- M. Claude Gatignol

- M. Jean Gaubert

- M. Christian Jacob

- M. Jean-Louis Léonard

- M. Bernard Lesterlin

- M. François Loos

- M. Philippe Meunier

- M. Daniel Paul

- Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont

- M. Serge Poignant

- M. Jean Proriol

- M. Martial Saddier

- M. Alain Suguenot

- M. Michel Zumkeller

Compte tenu de la situation difficile du fret ferroviaire et du blocage des discussions entre partenaires sociaux à ce sujet, M. Patrick Ollier, Président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, a pris l’initiative de mettre en place, en novembre 2008, un comité de suivi sur les questions ferroviaires, afin de permettre l’information des parlementaires et l’échange de points de vue avec les partenaires concernés : responsables des principales entreprises et institutions ferroviaires – SNCF, Réseau ferré de France (RFF), Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), Veolia Transport, Fédération nationale des associations d’usagers des transports, Association des utilisateurs du fret, représentants des différentes organisations syndicales de cheminots.

Les travaux du comité ont consisté en trois réunions plénières avec l’ensemble des acteurs présidées par le Président Ollier, quatre missions parlementaires - dans deux régions françaises, à la Commission européenne de Bruxelles et en République fédérale d’Allemagne, ainsi qu’en l’élaboration du présent rapport, confiée à M. Yanick Paternotte.

Parallèlement, la désignation du Rapporteur du comité de suivi en tant que Rapporteur du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, adopté en première lecture par le Sénat le 9 mars dernier et devant venir en discussion devant l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines, a permis de procéder à de multiples auditions en vue d’approfondir les sujets traités.

*

* *

Dès les premières réunions, il a été décidé de concentrer les travaux du comité de suivi sur la situation du fret ferroviaire, le présent rapport ayant pour objectif de formuler, sur la base d’un état des lieux réaliste, des propositions très concrètes en vue de sa revitalisation, pour l’aider à affronter la concurrence, notamment des entreprises étrangères, pour le plus grand intérêt de la SNCF et des cheminots.

10 PROPOSITIONS POUR RELANCER LE FRET FERROVIAIRE

1. Ouvrir la grande vitesse au fret ferroviaire, y compris la nuit : ouverture des lignes et encouragement au développement du fret rapide – fret express et fret cargo (page 20) ;

2. Réintroduire la mixité d’usage des rames et des infrastructures entre le transport de voyageurs et le fret : TER, RER et tramways « fret » (page 21) ;

3. Confier à un établissement public – qui pourrait être « Réseau ferré de France » - la gestion des gares de fret et des embranchements fret (voies de débord) (page 23) ;

4. Faire des Régions ou des Chambres régionales de commerce et d’industrie (CRCI) qui le souhaitent les chefs de file de la gestion du fret de proximité, en vue de favoriser l’émergence de plusieurs plates-formes de fret multimodales régionales (hubs régionaux(page 23);

5. Garantir au fret des sillons de qualité et proposer aux opérateurs ferroviaires de fret des tarifs de péages abordables (page 25) ;

6. Favoriser la réalisation des embranchements nécessaires à l’activité des opérateurs ferroviaires de proximité, ainsi que d’opérations de contournement de certaines métropoles (page 26) ;

7. Accompagner la régénération du réseau, en favorisant notamment les partenariats public-privé (PPP) (page 27) ;

8. Filialiser la branche Fret de la SNCF en créant un établissement public permettant de garantir aux personnels en place leur statut et leur rémunération (page 27) ;

9. Renforcer la réglementation sur les émissions de gaz à effet de serre des poids lourds et faire échec à la généralisation des camions de très grande capacité - gigaliners de 25 mètres et 60 tonnes - en vue de préserver le wagon isolé (page 29) ;

10. Généraliser les mesures de protection environnementale contre les nuisances sonores et visuelles, en vue de renforcer l’acceptabilité du fret –notamment nocturne - par les riverains (page 30).

Mesdames, Messieurs,

En grande difficulté depuis longtemps(1), le transport de marchandises par chemin de fer a bénéficié dans notre pays de plusieurs plans de relance successifs (2), impulsés par les pouvoirs publics comme par les opérateurs historiques du secteur. Ainsi, au cours des cinq dernières années, près de 3,5 milliards d’euros auraient été injectés par l’Etat et la SNCF dans l’économie du fret ferroviaire en vue de la soutenir.

Cette action volontariste n’a malheureusement pas abouti, les pertes du secteur ayant atteint 350 millions d’euros en 2008. Avec la crise mondiale – qui pose notamment le problème de la capacité de réaction rapide du ferroviaire aux aléas de l’activité économique -, les pertes pourraient atteindre 600 millions cette année.

Cette situation critique est à bien des égards paradoxale. En effet, la légitimité du chemin de fer à acheminer les marchandises qui irriguent l’activité économique est plus forte que jamais car elle est au cœur des enjeux environnementaux (3). Ainsi, dans le projet de loi « Grenelle I », les objectifs de report du mode routier sur le fer, à court et moyen termes, sont extrêmement ambitieux – report d’un quart des nouveaux trafics sur le transport ferroviaire et sur le fluvial - et l’investissement ferroviaire semble devoir l’emporter sur l’achèvement du réseau autoroutier national. Auparavant, dans son « discours de Roissy », le Président de la République avait préconisé une intensification significative du report modal.

La sensibilité de la population aux préoccupations environnementales plaide également pour le développement du fret ferroviaire, en écho au succès des TER et des TGV, que la crise ne dément pas. Encore faut-il veiller à créer les conditions d’un fret bien accepté par les riverains en généralisant les mesures de compensation des nuisances visuelles et sonores, surtout nocturnes.

Par delà les mesures volontaristes qui peuvent être préconisées pour donner un nouveau souffle à la logistique ferroviaire, que le présent rapport s’attachera à décrire, le contexte institutionnel, communautaire et national, crée, avec la perspective de l’ouverture accrue à la concurrence de l’activité ferroviaire, une bonne occasion de vitaliser l’activité. En effet, en Allemagne, où le fret ferroviaire est ouvert à la concurrence depuis une quinzaine d’années, il est unanimement partagé que l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs a directement entraîné une augmentation des volumes de marchandises transportés par le fer, au détriment de la route.

Même si la conjoncture économique actuelle rend prévisible un nouveau ralentissement de l’activité, plusieurs éléments de structure demeurent donc plutôt favorables à la vitalité de l’activité de fret ferroviaire : acceptation environnementale d’un mode de transport qui figure parmi les moins polluants, perspectives ouvertes par une diversification de l’activité liée au dynamisme des nouveaux entrants sur le marché, bénéfices attendus d’un climat social en voie d’apaisement, avancées techniques permettant d’envisager de compenser les principales faiblesses du secteur – vitesse, qualité du réseau, compatibilité avec les autres modes, bruit…

*

* *

Le présent rapport s’attache, dans une première partie, à dresser un diagnostic sans concession de la situation actuelle du fret ferroviaire, en analysant successivement les causes structurelles du déclin de l’activité elle-même et les raisons de l’échec des plans de relance successifs.

Dans un second temps, le Rapporteur présente le défi économique, social et environnemental que constitue l’objectif de « remettre le fret sur le rail », en insistant sur le profit qui pourrait être tiré de quelques mesures novatrices.

I.— LE BILAN DE SANTÉ DU FRET FERROVIAIRE : CHRONIQUE D’UNE MORT ANNONCÉE ?

Avec des pertes records que la crise mondiale risque encore d’aggraver, le fret ferroviaire connaît actuellement une situation de crise qui risque de mettre en péril son devenir si ne sont pas prises rapidement des mesures de correction très volontaristes(4).

Par delà ce péril conjoncturel, doivent aussi être pris en compte les désavantages compétitifs structurels du rail par rapport aux autres modes de transport de marchandises, qui semblent difficiles à surmonter.

A.– LES CAUSES DU DÉCLIN : UN MANQUE DE VOLONTÉ POLITIQUE ET DE RÉACTIVITÉ AUX ALÉAS ÉCONOMIQUES

Au cours de ses différentes missions, le comité de suivi a souvent entendu dénoncer le manque de détermination politique – en partie au plan communautaire – en vue de mieux coordonner la politique du fret. Parallèlement, les aléas de l’activité économique qui marquent le cycle actuel ne créent pas un environnement particulièrement favorable au mode ferroviaire.

a) une frilosité politique regrettable, tant au plan national qu’à l’échelle européenne : la préférence française pour la route et pour le voyageur (« le colis ne vote pas ») ; le poids d’une contrainte sociale héritée de l’histoire

Outre le manque d’impulsion au niveau européen précédemment évoqué, le secteur a pâti du manque d’investissements sur le réseau en France et de ce qui peut être considéré en tendance longue comme une forme de « préférence pour la route ». L’amélioration spectaculaire du réseau autoroutier national au cours des dernières décennies et le degré de taxation relativement limité de ce mode de transport ont également joué.

Un autre obstacle majeur à la vitalité du secteur du fret ferroviaire dans notre pays tient à la persistance de conditions sociales particulières, objectivement peu compétitives. Qu’il s’agisse des conditions d’emploi des personnels du fret - en particulier pour ceux qui relèvent du statut de l’opérateur historique (5), au sujet desquels la comparaison par rapport à la route n’a pas lieu d’être, les conditions d’emploi dans le secteur routier étant soumises à toutes les formes de « dumping social » – ou du risque de conflictualité sociale qui affecte le secteur, le désavantage compétitif par rapport à la route est patent :

– les charges sociales pesant sur une entreprise telle que Fret SNCF créent des coûts de structure supérieurs d’au moins 30 % à ceux des autres acteurs ;

– le risque de grève décourage certains chargeurs majeurs d’utiliser le réseau fret français (6).

Enfin, il faut dénoncer un certain manque de volontarisme dans l’acquisition de la compétence de logisticien.

Dans le circuit économique actuel, l’activité de fret ne consiste pas simplement à acheminer un produit d’un point A à un point B, sans fournir de solution de continuité au client, en amont comme en aval. Le retard pris dans l’ouverture à la concurrence du secteur a nui à la réactivité du secteur, ses acteurs traditionnels ne s’impliquant sans doute pas suffisamment dans l’accompagnement des chargeurs pour faire face aux multiples difficultés auxquelles ils se heurtent.

b) une conjoncture défavorable : le manque de réactivité du transport ferroviaire aux aléas de l’activité économique

Du fait de la crise économique mondiale, depuis le début de l’année 2009, l’entité Fret SNCF aurait connu une baisse de 28% de son chiffre d’affaires. Pour certains trafics – automobiles, produits de grande consommation, charbon et acier -, la chute serait même comprise entre 45% et 50% et la tendance se serait encore dégradée au mois de mars par rapport au début de l’année (7).

A l’évidence, le fer souffre par rapport à la route de sa moindre élasticité aux variations de l’activité économique. Rigide par essence, il peine à adapter son organisation lorsque les volumes à traiter fluctuent, à la hausse comme – le plus souvent ! - à la baisse. En situation d’atonie ou de récession, le maintien de coûts de structures incompressibles lui est en outre éminemment préjudiciable.

Parmi ses autres faiblesses, le fret ferroviaire présente un rayon d’action relativement limité : en règle générale, la route est plus avantageuse pour les courtes distances (8) et l’aérien mieux adapté aux longues et très longues destinations, notamment, bien entendu, transatlantiques et transcontinentales.

Le manque de souplesse du mode ferroviaire grève le poids de l’investissement de départ pour les candidats à l’entrée sur le marché. A ce titre, la présence d’une autorité de régulation aux pouvoirs affirmée, telle que le prévoit la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires qui doit être adoptée cette année, constituera un facteur de facilitation, les difficultés d’accès au réseau devant être sanctionnées sans faiblesse. D’évidence, l’ouverture à la concurrence eût produit des effets plus sensibles dans un contexte économique plus porteur, la perspective de retour d’investissement pour les entrants étant alors moins différée.

Au cours de leurs différentes missions, les délégations du comité de suivi ont soulevé la question du fret de retour, les entreprises ferroviaires mettant souvent en avant les contraintes qui s’attachent à la circulation de trains à vide. Faite à Berlin début mai, la réponse du responsable d’une entreprise ferroviaire privée résumé l’état d’esprit actuel des acteurs à ce sujet : « Avant de se soucier du retour, essayons d’abord de faire rouler nos trains à l’aller ! ». Il reste que la contrainte du fret de retour dans le cadre d’un mode rigide ne peut être ignorée à l’heure où la généralisation du cabotage routier tend à compromettre les équilibres de l’ensemble du secteur.

La question du niveau d’investissement lié au fret spécialisé a également été posée : à titre d’exemple, quel mode d’organisation faut-il privilégier pour tenter d’amortir l’investissement nécessaire à l’aménagement d’un wagon isolé dans le secteur de la chimie ?

En effet, si le wagon isolé, qui constitue un mode de transport sur mesure et ciblé, représente le tiers de l’activité de Fret SNCF, il est à l’origine de 70 % des pertes. Le subventionnement de l’activité a été évoqué mais le Gouvernement et la Commission européenne y sont défavorables.

Parmi les facteurs durablement défavorables à la vitalité du fret ferroviaire, on se doit enfin de relever – même si les avis à ce sujet ne sont pas univoques - l’impact de la généralisation de la gestion de l’activité économique en flux tendus - selon le modèle du « just in time » ; corrélée avec la vitesse moyenne insuffisante du fret tel qu’il est organisé aujourd’hui, cette organisation, prégnante dans le cycle économique des quinze dernières années, intègre mal les contraintes liées au transport de marchandises par voie ferrée.

B.– LES OBSTACLES STRUCTURELS À L’ACTIVITÉ : UN RÉSEAU INADAPTÉ ET UNE CONCURRENCE FAUSSÉE

Au cours de ses travaux, tous les interlocuteurs du comité de suivi ont, à un moment ou l’autre, dénoncé le fait que la France n’ait pas suffisamment adapté son réseau aux exigences de la logistique moderne ni pris en compte toutes les attentes des clients du fret. Au surplus, les conditions sociales en vigueur dans notre pays, notamment au sein de l’opérateur historique, créent une contrainte difficile à intégrer.

a) la dégénérescence du réseau : un handicap structurel insuffisamment compensé

En dépit des progrès déjà accomplis du fait d’une prise de conscience généralisée et de l’ambition des engagements formalisés dans divers documents d’orientation, il subsiste des marges de progrès considérables dans la voie de l’amélioration du réseau ferré de fret.

Au cours des différentes auditions, Réseau ferré de France a cependant confirmé que la dette était maîtrisée, conformément au contrat de performance signé avec l’Etat le 3 novembre 2008, ce qui permet une croissance très sensible des investissements. Pour la seule année 2009, RFF investit 3,5 milliards d’euros, dont 1,5 milliard au titre de la rénovation du réseau.

Du fait de décennies de sous-investissement caractérisé, le réseau français accuse aujourd’hui un retard certain, plus accentué encore dans certaines parties du territoire. A cet égard, il ne faut pas négliger le poids d’une géographie industrielle nationale plutôt défavorable à la bonne irrigation d’un réseau d’infrastructures. Le contre-exemple allemand est éclairant : conjugué à l’effet très favorable de sa structure administrative de type fédéral, la République fédérale d’Allemagne est forte d’un réseau industriel particulièrement dense, avec des circulations aisées entre des métropoles régionales équivalentes du point de vue de la production de richesse. Il n’y a pas de « déserts allemands » comme il peut y avoir des déserts français, par opposition à quelques zones sur-industrialisées relativement distantes les unes des autres. Dans ce contexte, du fait de son inertie, le mode ferroviaire n’est pas avantagé : d’abord parce que ce profil allonge les distances entre pôles d’activité, ensuite parce que l’entretien du réseau dans certains territoires économiquement faibles n’est pas rentable, enfin parce la concentration d’activités dans certaines zones restreintes favorise la desserte souple et de proximité, essentiellement assurée par la route.

Les corridors fret

Il s’agit d’une initiative européenne qui vise à améliorer la qualité de l’infrastructure. Certains pays – comme les Pays Bas - sont très avancés dans la voie des infrastructures dédiées. Par contre, et, en particulier au sud de l’Europe – Espagne, France… -, la situation reste très perfectible. La priorité a été trop longtemps donnée aux trains de voyageurs, qui s’approprient les investissements et les sillons sur les axes existants, au risque de pénaliser le développement et la ponctualité des services de transport de marchandises.

Par ailleurs, l’objectif de régénération de l’infrastructure européenne se traduit aussi par les aides apportées à certains réseaux nationaux, tels le réseau polonais.

A l’horizon de 2015, six corridors devraient être équipés - dont Anvers-Lyon, Anvers-Bâle, Valence (Espagne)-Budapest via le tunnel du Fréjus… Puis un déploiement à partir de ces six corridors est programmé pour 2020.

Un projet de règlement européen concernant les corridors fret transnationaux est en cours de rédaction. Le compromis en cours de finalisation sera fragile car certains Etats membres de l’UE – comme l’Allemagne – sont réfractaires à l’idée d’être contraints de réserver des sillons au trafic de marchandises

En RFA, le taux d’électrification du réseau national atteint désormais 97%. En France, la situation est beaucoup moins favorable, l’utilisation d’automotrices diesel restant largement répandue, notamment en zones sous-denses.

En France, de nouvelles étapes restent à franchir dans la voie de l’intermodalité comme dans l’amélioration de la capillarité du réseau.

Il convient notamment d’accélérer la démolition des hubs multimodaux anciens, parfois partiellement désaffectés - gares de marchandises et embranchements fret – et de remédier à notre incapacité à créer des hubs portuaires de rang européen sur les sites du Havre, de Bordeaux ou de Marseille.

L’enjeu de l’interopérabilité

Atteindre l’objectif d’une véritable interopérabilité exigerait de consentir un effort considérable d’harmonisation entre les Etats membres. Il existe par exemple une vingtaine de systèmes de signalisation au sein de l’UE. Pour circuler, le Thalys doit en intégrer sept ! Pour indispensable qu’il soit, le rapprochement des normes nationales prendra beaucoup de temps car il ne peut s’appliquer que sur du matériel neuf. En attendant, la méthode de l’homologation mutuelle, en vue d’une reconnaissance réciproque, a été privilégiée, comme entre la France et l’Allemagne. Dans notre pays, cette tâche incombe en priorité à l’Etablissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) et elle doit permettre de faciliter les échanges transfrontaliers. (voir aussi sur ce thème les aides à l’ERTMS – European Rail Traffic Management System)

b) les entraves à la concurrence : le fer structurellement désavantagé ?

Dans notre pays, en dépit de signes d’évolution encourageants au cours des dernières années(9), le secteur du transport ferroviaire dans son ensemble souffre d’un manque de flexibilité sociale qui impacte directement ses performances économiques.(10)

Au cours de ses auditions, le comité de suivi a pu constater que la position des industriels pouvait souvent se résumer de la manière suivante : « On ne met plus de marchandises sur le rail parce que les salaires à la SNCF sont trop chers et parce les grèves y sont trop fréquentes. »

D’après certaines sources, en matière de conditions d’emploi du personnel – retracés dans le volet salarié du statut -, l’écart entre les dispositions de la convention collective de branche et celles de la réglementation du travail à la SNCF est de l’ordre de 35% pour les conducteurs.

Cet écart tient à plusieurs facteurs objectifs :

– dans la convention collective, les conducteurs peuvent prétendre à 104 repos périodiques hors jours fériés, contre 126 à la SNCF ;

– là où la convention collective prévoit 25 jours de congés payés, le statut de l’opérateur historique en consent 28 ;

– alors que la durée maximale du repos journalier est fixée à 12 heures consécutives dans la convention collective, elle atteint 14 heures à la SNCF ;

– l’application de la règle du « 19-6 »(11) conduit à la neutralisation de 12 journées de travail.

Issues d’une histoire sociale particulièrement riche, ces conditions d’emploi du personnel ne seraient pas critiquables en tant que telles si elles n’étaient pas aujourd’hui devenues difficilement tenables dans un secteur aussi concurrentiel que celui des transports. Des solutions peuvent être recherchées entre l’Etat, la SNCF et les organisations syndicales.

Au cours des ses réunions plénières, le comité de suivi a travaillé dans un climat ouvert et constructif. Sur les sujets les plus sensibles, il convient de saluer tout particulièrement l’esprit de responsabilité de ses différents interlocuteurs, notamment syndicaux. Il n’a pas été constaté de refus de dialoguer ou de revenir sur certaines situations s’il était établi que les intérêts supérieurs du secteur l’exigeaient.

Par rapport au transport routier, il convient enfin de relever un désavantage lié aux modes de tarification : le rail est tarifé au coût marginal, la route l’est de manière optionnelle, à la discrétion des Etats. Avec l’eurovignette, la Commission européenne propose que les Etats membres puissent intégrer dans les péages les coûts environnementaux – NOx, bruit, congestion du trafic… Cependant, la négociation à ce sujet n’a pas abouti.

II.— REMETTRE LE FRET SUR LE RAIL : UN DÉFI ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

Le succès massif du TGV, des TER ou, en zones urbaines et suburbaines, des TCSP – transports collectifs en site propre – démontre s’il en était besoin que le mode ferroviaire demeure en lui-même parfaitement adapté aux exigences de déplacement contemporaines. Dans le domaine du fret, son déclin ne procède par conséquent d’aucune fatalité, d’autant que sa nécessaire revitalisation répond aux objectifs de préservation durable de l’environnement fixés par les plus hautes autorités politiques.

A.– UN DÉFI ÉCONOMIQUE : PROFITER DE L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE ET/POUR INNOVER

Le défi économique auquel s’affronte le domaine du fret ferroviaire dans la période présente pose avec une acuité renouvelée la question de la nécessité d’arbitrer sur la finalité du fret : est-ce prioritairement un outil d’aménagement du territoire destiné à maintenir – fût-ce en survie artificielle – le plus grand nombre possible de lignes ? Ou un secteur concurrentiel destiné à dégager des profits dans une logique compétitive ? Est-ce un mode résiduel, une survivance historique ? Ou un secteur d’avenir à revoir de fond en combles ? Faut-il, à l’image de la RFA, renoncer à certains trafics structurellement non rentables ?

Après avoir parfois suscité des inquiétudes, l’ouverture à la concurrence du marché du fret ferroviaire crée une occasion de dynamiser l’activité en vue de massifier les volumes transportés. Il convient cependant de l’accompagner de mesures novatrices et diversifiées tendant à mieux répondre aux multiples attentes des clients du fret.

a) l’ouverture à la concurrence : une occasion pour massifier les volumes transportés (cf. le modèle allemand)

Tous les interlocuteurs rencontrés à Berlin par la délégation du comité de suivi ont insisté, sans préjugé idéologique, sur une idée simple : en rompant le monopole de l’opérateur historique, l’ouverture à la concurrence du fret au début des années 1990 s’est immédiatement traduite par une augmentation des volumes acheminés sous ce mode.

Le dynamisme des entrants et le climat d’émulation qui en résulte sont en effet de nature à favoriser des démarches commerciales plus offensives qui produisent rapidement leurs effets. L’agressivité commerciale qui en résulte porte en effet sur une meilleure prise en compte des attentes des clients chargeurs, parfois délaissées par les « historiques ». En outre, la fin du monopole réactive la dimension concurrentielle d’une activité dont les enjeux de profitabilité redeviennent prioritaires. L’effet compétitivité-prix qui en découle peut ramener certains clients qui s’étaient détournés du secteur au bénéfice de la route.

Pour les députés du Bundestag de toute obédience politique rencontrés par les membres de la délégation, l’ouverture à la concurrence, loin d’affaiblir la dimension d’intérêt général de l’activité, a permis de briser l’hégémonie des opérateurs historiques. Elle a renouvelé l’intérêt pour un mode de transport que son profil « institutionnel » tendait à terme à marginaliser.

A Bruxelles, les interlocuteurs de la délégation ont rappelé qu’en Suède comme au Royaume Uni, l’introduction de la concurrence avait « boosté » le secteur. Dans ces pays, la survenue d’accidents sérieux a conduit à une remise à niveau des infrastructures et, depuis six à sept ans, le succès est au rendez-vous. Il reste cependant conditionné à l’existence d’un régulateur fort, en particulier dans le domaine de l’affectation des sillons. Le législateur français sera bien inspiré de tenir compte de cette exigence dans sa configuration opérationnelle de la future Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF).

Au titre des effets favorables de l’ouverture à la concurrence, on peut aussi citer la diversification modale – comodalité, multimodalité… - stimulée par l’entrée sur le marché d’opérateurs généralistes ayant intérêt à développer les complémentarités entre leurs différentes branches d’activité – fer, conteneurs, camions, péniches… -, ainsi que l’impact direct de l’arrivée de nouveaux entrants sur la remise à niveau du réseau.

b) l’innovation : expérimenter de nouvelles voies - grande vitesse, mixité d’usage, proximité…

1/ OUVRIR LA GRANDE VITESSE AU FRET FERROVIAIRE :

Le fret ferroviaire souffre aujourd’hui de plusieurs manques :

- absence de sillons, y compris la nuit ;

- trop faible vitesse commerciale ;

- difficulté à massifier ;

- faible harmonisation des réseaux ;

- absence de corridors fret dédiés ;

- réseau ferré contournant les agglomérations.

Le réseau LGV européen – en particulier le réseau TGV français – permet de pallier ces faiblesses sous réserve de certaines adaptations.

Cela suppose :

- d’utiliser le réseau LGV pour le fret, en particulier la nuit ;

- de créer des pôles multimodaux et des services de différents niveaux :

1) des hubs air-fer-route de TGV fret CAREX (12), essentiellement autour des aéroports internationaux de Roissy Charles-de-Gaulle, Lyon Saint-Exupéry, Aix-Marseille Provence, Lille Lesquin, Bordeaux Mérignac… et d’y concentrer un service express (250-350 km/h), complété par du fret cargo ;

2) des hubs régionaux connectés au réseau LGV permettant d’affréter des TBE (13) utilisant à la fois les lignes classiques et les LGV pour circuler à une vitesse moyenne de 160-220 km/h et desservir les sites industriels (exemples : hub Lorraine, hub du Valenciennois, Rhône-Alpes, Calais, Poitiers, Alsace, Champagne, etc.)

Cela exige :

- de repenser les plages d’entretien de nuit afin de favoriser le fret ;

- d’accepter de mixer des missions de vitesses différentes avec un cadencement complexe utilisant en opportunité les deux réseaux – LGV (14) et classique.

2/ RÉINTRODUIRE LA MIXITÉ D’USAGE DES RAMES ET DES INFRASTRUCTURES

Aux origines du chemin de fer comme de l’aviation – avec l’aventure de l’Aérospatiale, la mixité d’usage du matériel roulant/volant et du réseau entre le transport de passagers et de marchandises était la règle.

De nos jours, si la moitié du fret aérien reste acheminé dans des appareils qui transportent aussi des passagers (15), la pratique est tombée en désuétude dans le ferroviaire au cours des années 1960 et 70, sous l’effet d’une réglementation clivante, de certains préjugés, de la concentration de l’innovation industrielle sur le seul transport de passagers et de la montée en charge du mode routier pour les moyennes distances grâce au développement du réseau autoroutier. Moralité, seul le TGV jaune postal circule encore. Hors quelques emplacements pour vélos dans certains TER, rien n’est aménagé pour permettre l’emport de marchandises.

Le comité est favorable à la réintroduction d’une part de mixité d’usage sous deux modalités principales :

- par la (re)constitution de convois mixtes, composés de wagons de voyageurs et de messagerie, en particulier dans les TER mais aussi, à plus long terme, dans d’autres configurations. On pense notamment aux zones de montagne, aux territoires dans lesquels la circulation de poids-lourds crée le plus de dommages pour la sécurité et l’environnement, ainsi qu’aux zones suburbaines dans lesquelles le trafic est souvent saturé. Devant la réussite des dessertes TER et des tramways en zone dense, il paraît tentant d’utiliser les rames pour la desserte de marchandises peu pondéreuses, en dehors des heures de pointe et en aménageant les rames pour un usage mixte.

- par l’affectation de capacités du réseau à la circulation de convois de fret expérimentant des formes nouvelles, en particulier pour la desserte fine des centres villes aujourd’hui saturés et pollués. Cette proposition vient notamment en écho de la réintroduction massive de tramways dans les grandes métropoles régionales au cours de la dernière décennie. Pourquoi ne pas utiliser ce réseau reconstitué – y compris la nuit, lorsque les rames voyageurs sont à l’arrêt – pour acheminer jusqu’au cœur des villes le fret aujourd’hui livré par les camions de moyen tonnage et les camionnettes ? (16)

En Allemagne et au Pays-Bas, plusieurs initiatives ont été lancées, notamment à Dresde pour convoyer les pièces détachées venant alimenter l’usine Volkswagen, à Brème, à Amsterdam, à Vienne, à Zürich ou encore à Kislovodsk, au cœur du Caucase russe, pour acheminer les bouteilles de la célèbre eau de Narzan. L’impact psychologique de la circulation en ville et en première couronne de « trams fret » ou de « cargotrams » serait à l’évidence favorable à le revitalisation de l’activité de fret ferroviaire dans ses autres composantes, la notion parfois un peu abstraite de report modal prenant là une forme très parlante, immédiatement compréhensible.

Combiné à l’utilisation de véhicules électriques pour assurer la desserte finale, le « cargotram » offre la perspective d’un mode doux, efficace et porteur des valeurs environnementales que les citoyens des grandes villes plébiscitent aujourd’hui.

Le choix de quelques sites stratégiques sur le territoire national permettrait, par une massification vertueuse, de favoriser l’émergence d’opérateurs de fret ferroviaire de proximité, condition nécessaire à une massification pour les entreprises ferroviaires de « classe 1 ».

3/ CONFIER À UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC - QUI POURRAIT ÊTRE RFF - LA GESTION DES GARES DE FRET ET DES EMBRANCHEMENTS FRET 

Propriétés de l’Etat, les gares de fret sont confiées depuis les origines de l’aventure ferrée à l’opérateur historique, longtemps en situation de monopole.

Afin de favoriser l’entrée de nouvelles entreprises ferroviaires sur le marché du fret, il est proposé, en vue de créer les conditions de la concurrence la plus loyale, de confier à court terme l’animation et la gestion des gares de fret et des voies de débord dédiées au transport de marchandises à un établissement public distinct de l’EPIC « SNCF ».

Dans une approche de gestion intégrée, inspirée notamment de modèles étrangers, cet établissement public pourrait être celui qui a été créé en 1997 pour gérer le réseau, « Réseau ferré de France ».

Votre Rapporteur mesure la portée d’une telle évolution et propose qu’une mission de préfiguration soit rapidement constituée, en vue de mener une étude d’impact.

4/ FAIRE DES RÉGIONS OU DES C.R.C.I. QUI LE SOUHAITENT LES CHEFS DE FILE DE LA GESTION DU FRET DE PROXIMITÉ

Dans la mesure où il « impacte » fortement son environnement direct et parce qu’il est destiné à irriguer l’économie locale, le fret de proximité ne doit pas être géré « de loin », selon des règles ne souffrant aucune adaptation aux réalités de terrain.

A cet effet, il est proposé de faire des collectivités territoriales ou des chambres régionales de commerce et d’industrie qui le souhaitent, sur la base d’un volontariat ouvert, les collectivités ou les entités économiques chefs de file de la gestion du fret de proximité. De par ses compétences « Economie » et « Transports », la région est la collectivité la mieux armée pour relever le challenge. Le champ du partenariat avec les CCI et les autres acteurs économiques locaux doit pouvoir rester à géométrie variable, selon des modalités souples et adaptables, l’idée n’étant pas de substituer un carcan organisationnel à un autre.

L’objectif de cette évolution institutionnelle est de favoriser l’émergence de plusieurs plates-formes de fret régionales (hubs régionaux) reliées entre elles, multimodales, conçues selon les besoins spécifiques des chargeurs locaux, dans - et entre - les principaux centres d’activité névralgiques de notre pays.

Enrichir et fluidifier la chaîne logistique

Le passage d’un mode de transport à un autre dans le parcours d’un colis de fret d’un point à un autre doit s’intégrer dans une véritable chaîne logistique, en vue notamment de limiter les déperditions liées aux ruptures de charge.

S’agissant plus précisément des opérateurs fret de proximité, il est indispensable d’enrichir la compétence de logisticien mise à leur disposition car, outre les embranchements dédiés, les « tractionnaires » ont aussi besoin de consolider un savoir-faire dans l’approche logistique de nature à répondre à toutes les attentes des chargeurs.

Les PME susceptibles de recourir au ferroviaire pour leurs expéditions ont besoin de donneurs d’ordres clairement identifiés et demandent à pouvoir s’appuyer sur une expertise logistique qui dépasse les seules compétences ferroviaires.

Lors de ses missions, le comité de suivi a constaté que les grands logisticiens étaient favorables à la constitution de hubs multimodaux adossés au ferroviaire. Plutôt que d’opposer artificiellement un mode de transport à un autre – par exemple le ferroviaire « contre » le routier –, il importe d’enrichir la synergie mutimodale en aménageant les complémentarités.

5/ GARANTIR AU FRET DES SILLONS DE QUALITÉ ET PROPOSER AUX OPÉRATEURS DE FRET DES TARIFS DE PÉAGES ABORDABLES

Les premières années d’activité des entreprises ferroviaires de droit privé sur le réseau français depuis l’ouverture du marché du fret à la concurrence, le 1er avril 2006, ont permis de mettre en évidence l’impérieuse nécessité qui s’attache à la fourniture de sillons de qualité à l’activité.

En effet, les opérateurs doivent pouvoir disposer sur le réseau de capacités fiables, dans des conditions transparentes et selon des modalités connues de tous, permettant de fidéliser les clients et de (re)constituer une alternative valable à la route. La régulation des activités ferroviaires inscrite dans le projet de loi venant en débat cette année constitue une première avancée très attendue de l’ensemble des parties prenantes.

S’agissant des péages, le modèle économique doit se stabiliser et s’adapter aux contraintes particulières de l’activité dans le contexte de crise actuel. Il est cependant notable que, toutes choses égales par ailleurs, les EF donnent la priorité à la qualité des sillons. Nombre d’entre eux ont livré aux membres du comité de suivi la réflexion suivante : « En Allemagne, le sillon coûte plus cher mais nous sommes prêts à faire les efforts nécessaires car il est de bonne qualité. » S’il ne faut évidemment pas en déduire que les péages ne doivent pas faire l’objet d’une évolution maîtrisée, cette dimension doit être prise en compte car l’incertitude sur la qualité du sillon fait perdre des clients au fret pratiquement tous les jours.

6/ FAVORISER LA RÉALISATION DES EMBRANCHEMENTS NÉCESSAIRES À L’ACTIVITÉ DES OPÉRATEURS FERROVIAIRES DE PROXIMITÉ ET DU CONTOURNEMENT DE CERTAINES MÉTROPOLES 

Les opérateurs ferroviaires de proximité ne pourront émerger en alternative crédible aux transporteurs routiers que sous deux conditions :

- d’abord, le réseau ferré – qui se caractérise par sa rigidité structurelle – doit être adapté, de manière à leur offrir les voies d’accès et de débord qui sont indispensables à leur activité. Sans embranchement rapide au réseau, ne nécessitant pas des manœuvres compliquées génératrices de charges de personnel aggravées, le fret ferroviaire de proximité n’accèdera jamais à un modèle économique susceptible de créer les conditions de sa compétitivité. L’investissement de départ doit être réparti, au risque de compromettre l’entrée sur le marché des OFP.

- il faut ensuite s’attacher à la gestion complexe des contournements fret des agglomérations : au 19eme siècle, on a construit des voies de chemin de fer pour irriguer les centres villes. Au 21eme siècle, il est temps de les utiliser pour les liaisons inter-cités et de construire, hors agglomération, des lignes dédiées au fret (17) pour limiter l’impact des transports sur l’environnement. La conception du réseau LGV national et européen obéit à cette double logique : irriguer le cœur des agglomérations et contourner les zones urbanisées. L’utilisation discontinue, en fonction des besoins, de segments de LGV en contournement des centre-villes et de lignes ordinaires est du reste parfaitement envisageable, l’intérêt du client devant primer.

Le wagon isolé : mode en sursis ou solution d’avenir ?

S’agissant du wagon isolé, sur lequel se focalise parfois le débat actuel sur le devenir du fret ferroviaire (18), la position du Gouvernement vient d’être clairement réaffirmée par le Secrétaire d’Etat aux transports : « On ne demande pas à la SNCF d’abandonner le wagon isolé mais on ne le subventionne pas ; on attend les propositions de la SNCF ». Initialement prévu pour le début de l’été, le plan d’action de l’opérateur historique sur le wagon isolée devrait finalement être connu au mois de septembre 2009

Pour un chargeur n’acheminant pas des produits nécessitant des précautions particulières, le wagon isolé revient en moyenne 20% à 30% de plus que le transport par camion. Dès lors, les marges de négociation des entreprises ferroviaires – en particulier des OFP face à des PME – sont extrêmement réduites et le fret doit gagner en fiabilité afin de dégager une fenêtre de pertinence encore convaincante.

L’exemple suivant a été cité par un professionnel : si le prix de revient théorique du wagon isolé est de 2 et celui de la route de 1, on ne peut convaincre un chargeur de choisir le fer que si l’on peut ramener le coût final à 1,2, ce qui donner à imaginer les marges de progression à réaliser.

Selon certains interlocuteurs rencontrés par le comité lors de sa mission à Berlin, le marché pourrait évoluer à terme de la façon suivante : quelques grandes entreprises ferroviaires regroupées – sans forcément s’adosser à un opérateur historique – assureraient la massification sur les longues destinations, cependant que les opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) feraient du wagon isolé pour la logistique des derniers kilomètres. (19)

7/ ACCOMPAGNER LA RÉGÉNÉRATION DU RÉSEAU 

On l’a dit, les années de sous-investissement plus ou moins délibéré sur le réseau ont eu des conséquences lourdes sur la vitalité de l’activité de fret et la nécessité de sa régénération ne fait pas débat.

Il reste à concevoir des modalités de financement adaptées, l’allant des investisseurs à s’engager dans une activité dont les difficultés ne font pas mystère étant forcément limité. Dans cette voie, le comité propose d’approfondir la réflexion sur le recours aux partenariats public-privé, notamment parce que la régénération du réseau constitue un préalable à la tenue des engagements pris en matière de report modal et, à ce titre, un objectif d’intérêt général.

B.- UN DÉFI SOCIAL : RÉDUIRE LES COÛTS DE STRUCTURE

a) la filialisation de la branche de Fret de la SNCF

La démarche de filialisation de cette branche de l’opérateur historique doit être bien comprise : elle ne vise qu’à augmenter sa compétitivité relative. En effet, la perte de compétitivité structurelle de Fret SNCF par rapport à la Deutsche Bahn peut être estimée à au moins 30%. Dès lors, le modèle allemand (20) pourrait être utilement transposé dans notre pays.

b) un statut et une rémunération garantis

Afin de garantir aux personnels du fret en place leur statut et leur niveau de rémunération, la création d’un établissement public pourrait être envisagée. L’aide de l’Etat se concentrerait sur l’« Etablissement public de fret SNCF », en vue de créer les conditions d’un retour à l’équilibre financier de la division grâce à une politique tarifaire plus attractive.

Il restera à développer la « culture-client » au sein de la branche car il s’agit d’une condition sine qua non de progression du mode ferré. Les attentes du client doivent redevenir prioritaires, tant dans la division fret de la SNCF qu’au sein de RFF.

C.– UN DÉFI ENVIRONNEMENTAL : PROMOUVOIR UN MODE NON POLLUANT ET DURABLE

Si le report modal figure dans les objectifs chiffrés du Grenelle de l’environnement (et dans la Charte de l’environnement ?), c’est parce qu’il est incontestable que la traction ferroviaire sur voies électrifiées reste le mode d’acheminement des marchandises le moins polluant à l’échelle du continent européen. Son extension, liée à la mise en œuvre de plans concertés, s’inscrit par conséquent dans une véritable démarche de développement durable.

a) les objectifs environnementaux : un aiguillon pour évoluer

Les objectifs assignés au fret ferroviaire dans la démarche de concertation ayant présidé au « Grenelle de l’environnement » se caractérisent par une forte ambition :

– augmenter de 25 % la part des modes non routiers et non aériens en 2012 ;

– augmenter la part du fret ferroviaire de 25 % en 2012 [ce qui suppose une augmentation des trafics de 45 % ! ] ;

– améliorer les performances environnementales du fret routier ;

– préparer l’avenir par des actions de R&D appropriées (notion de fret « intelligent »).

Dans cette perspective, le Grenelle de l’environnement a identifié plusieurs leviers :

– développer un réseau ferroviaire à dominante fret ;

– faire évoluer la gestion de l’infrastructure ferroviaire – mécanismes d’allocation des sillons et de gestion des travaux, ouverture des sillons aux opérateurs du combiné, mise en place d’une autorité de régulation des activités ferroviaires ;

– renforcer le transport combiné et mettre en place des trains longs (21) ;

– développer les services de fret ferroviaire à grande vitesse ;

– développer des offres massifiées d’autoroutes ferroviaires et d’autoroutes de la mer ;

– massifier les dessertes des ports maritimes par voies ferroviaires et fluviales.

b) la concurrence avec la route : renforcer la réglementation sur les émissions de gaz à effet de serre des poids lourds et faire échec aux gigaliners

« Flexible, rapide, relativement peu taxé », le mode routier aurait, en première analyse, tout pour lui s’il n’était aussi polluant. Face à la prise de conscience environnementale à l’échelle du continent européen, les responsables politiques ont à cœur de faire échec à la généralisation des camions de très grande capacité - gigaliners de 25 mètres et 60 tonnes en vue de préserver le wagon isolé et d’éviter la dégradation des infrastructures routières et autoroutières. Les avancées récemment obtenues à cet égard dans un climat de consensus, notamment dans le cadre de l’examen en deuxième lecture du projet de loi « Grenelle I » à l’Assemblée nationale en juin 2009, sont donc bienvenues. La position sur le camion de 44 tonnes à six essieux, manifestement peu adapté à certaines sections du réseau routier français (22) mérite également d’être précisée.

Alors que le secteur des transports est directement concerné par la réduction des gaz à effet de serre, la présence d’une forte industrie ferroviaire – la France accueille les trois principaux industriels mondiaux – représente une chance pour le développement des transports collectifs et les alternatives au fret routier.

S’agissant des encouragements fiscaux au report modal, il convient de noter que les initiatives récentes relatives aux écotaxes, plutôt bien accueillies, peuvent poser problème dans les régions du territoire où le report est rendu difficile par des contraintes particulières ou parce que l’activité de fret ferroviaire a perdu trop de parts de marché pour se restaurer à brève échéance.

En parallèle des réflexions en cours sur l’instauration d’une éventuelle taxe carbone, notamment aux frontières de l’UE, l’on peut aussi imaginer de favoriser le recours aux modes routiers plus « doux » - GNV, hybrides, tout-électrique…, en particulier au cœur des agglomérations.

Une expérimentation de péages urbains dédiés aux poids-lourds, modulés en fonction du tonnage et de l’horaire, peut aussi être envisagée. En vue de limiter les nuisances liées aux livraisons par route, sans doute serait-il utile de durcir les modalités d’interdiction de certains trafics, d’un certain volume, à certaines heures et dans certaines zones. C’est dans les plages horaires d’interdiction des livraisons routières que les TER et Tramways Fret atteindraient toute leur cible de pertinence.

Enfin, dans le cadre du « Grenelle de l’environnement », est à l’œuvre une démarche visant à supprimer le transit des poids lourds dans l’hexagone sans aucune livraison ou réception de marchandises, de manière à limiter la pollution et les nuisances liées au trafic routier. Les conditions d’exercice du cabotage routier doivent également être revues, la France étant, de par sa position géographique au sein de l’Union européenne le premier pays « caboté », ce qui contribue à écraser les prix du transport routier de marchandises.

c) généraliser les mesures de protection environnementale contre les nuisances sonores et visuelles

Au cours des deux dernières décennies, le fret ferroviaire a aussi vu son image se dégrader du fait de deux handicaps :

- la gêne sonore qu’il génère n’est toujours pas maîtrisée et elle est de moins en moins acceptée par les riverains - souvent installés à proximité immédiate des voies, en particulier la nuit. S’agissant du bruit ferroviaire, la Commission européenne préconise de réaliser un effort de recherche particulier pour améliorer les systèmes de freinage des wagons, à l’origine des nuisances les plus importantes.

- l’intégration des infrastructures liées à l’activité de fret dans des paysages de plus en plus construits pose également problème, en particulier à proximité immédiate des centres villes. De plus, les emprises foncières y afférents sont souvent très convoitées et la démolition de ces équipements s’est accélérée à partir des années 1990.

En vue de compenser ces faiblesses structurelles, il est proposé d’imaginer des modes de financement innovants pour généraliser les mesures de protection environnementales – parois anti-bruit, enfouissement, opérations paysagées, réhabilitation de friches industrielles… - destinées à renforcer l’acceptabilité du fret dans les territoires de toute nature où il a vocation à se maintenir et à se développer.

CONCLUSION

Bien qu’ils se soient déroulés dans un laps de temps limité, les travaux du comité de suivi ont rapidement permis de constater que le fret ferroviaire affrontait en ce moment une crise sans précédent – et la situation a continué de se dégrader au fil des mois -, risquant de le condamner si n’étaient pas prises immédiatement des décisions novatrices.

Tel est l’objet des propositions que retrace le présent rapport : toutes sont inspirées d’une même logique de diversification des formes d’exercice de l’activité – grande vitesse, mixité d’usage, gestion du proche comme du lointain, enrichissement des complémentarités modales… - et de meilleure prise en compte des attentes du client.

L’entrepreneur qui doit acheminer des marchandises ne doit pas – ou plus ? – choisir le fer par défaut, pour faire une « bonne action » écologique et sociale, « parce qu’il l’a toujours fait » ou parce qu’il n’a pas trouvé d’autres modes disponibles : le fret ferroviaire doit gagner en compétitivité et redevenir attrayant, au prix d’un effort d’innovation et de rationalisation des pratiques, notamment sociales.

A cet égard, le comité a été frappé de constater, notamment au cours de sa mission en République fédérale d’Allemagne, que l’ouverture à la concurrence faisait l’objet moins de controverses idéologiques que d’une volonté partagée par toutes les familles politiques d’en faire le levier d’un renouveau du secteur.

TRAVAUX DU COMITÉ DE SUIVI

COMPTE RENDU DE LA RÉUNION CONSTITUTIVE DU 26 NOVEMBRE 2008

Présidence de M. Patrick Ollier,

Président de la Commission des affaires économiques,

de l’environnement et du territoire

La séance est ouverte à 11 heures 5.

M. le Président Patrick Ollier. La commission des affaires économiques, compétente dans le domaine des transports, a décidé de porter un regard particulier sur l'évolution des transports ferroviaires en France, au regard des difficultés qui existent, mais aussi dans la perspective de l'ouverture à la concurrence, qu'il faut préparer. Pour cela, nous sommes bien décidés à assumer nos responsabilités et à faire usage des nouveaux pouvoirs que la Constitution donne au Parlement, qu'il s'agisse de l'exécution des lois ou du contrôle et de l'évaluation des politiques publiques.

Cette décision a été prise en commun par des commissaires de la majorité et de l'opposition, au premier rang desquels le rapporteur du projet sur le « Grenelle de l'environnement », Christian Jacob, car ce texte aura un impact sur le fonctionnement des organismes de transport, le rapporteur du budget des transports terrestres, Martial Saddier, mais aussi les députés plus particulièrement chargés de ce sujet au sein de leur groupe, en particulier Yanick Paternotte pour l’UMP et François Brottes pour le groupe SRC.

Si nous avons souhaité porter ce regard particulier sur ce secteur, c'est en particulier pour éclairer le gouvernement, par la réflexion mais aussi par l'engagement à agir, dans les décisions qu’il a à prendre. Il s'agit donc en fait d'une sorte de mission d'information sur ce sujet.

Je remercie tous ceux qui ont accepté de participer à cette réunion.

Au titre des professionnels et des associations, nous accueillons :

- SNCF : M. Guillaume Pépy, président ;

- RFF : M. Hubert du Mesnil, président ;

- AFITF : M. Stéphane Khelif, secrétaire général ;

- Veolia Transport : M. Cyrille du Peloux, directeur général ;

- AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret) : M. Christian Rose, délégué général-adjoint ;

- FNAUT (Fédération nationale des associations d'usagers des Transports) : M. Marc Debrincat, représentant des voyageurs au Conseil d’administration de la SNCF ;

Sont également présents, au titre des organisations syndicales :

- Fédération CGT des Cheminots : M. Thierry Roy, animateur de la délégation CGT des salariés au Conseil d'administration de la SNCF et M. Alain Prouvenq, responsable du secteur économique fédéral avec en particulier la politique de la SNCF, du groupe et des transports ;

- CFDT : M. Michel Giraudon, au titre d'administrateur sans représentation syndicale et M. Dominique Aubry, secrétaire général adjoint au titre de la CFDT ;

- FO-Cheminots : M. Rémi Aufrère, suppléant MM. Éric Falempin, secrétaire général et Gérard Le Mauff secrétaire général adjoint ;

- CFTC-Cheminots : M. Roger Dillenseger, secrétaire général adjoint et M. Denis Dontenvill ;

- CFE/CGC Transports en relation avec la branche CFE/CGC SNCF : M. Gérard Blanc, président du syndicat national CFE-CGC de la SNCF et M. Philippe Francin, président de la délégation CFE-CGC du transport ferroviaire ;

- UNSA-Cheminots : M. Éric Tourneboeuf, Représentant UNSA des salariés au Conseil d'administration de la SNCF ;

- FGAAC : M. Christophe Dard, secrétaire fédéral de la fédération et M. Olivier Schlaflang, secrétaire fédéral de la fédération.

Je remercie également les parlementaires présents.

Notre objectif aujourd'hui est bien de tenter de régler les problèmes : c'est pourquoi, après un premier tour de table, nous nous efforcerons de faire ressortir les objectifs, mais aussi les axes de réflexion et de décision que nous pourrons ensuite étudier ensemble dans la perspective de la remise au gouvernement, après trois ou quatre mois de travaux, d’un rapport contenant un certain nombre de propositions concrètes. Au cours de la deuxième quinzaine du mois de janvier, nous demanderons au ministre de venir dialoguer avec nous, ce qui constituera une autre étape pour affiner notre réflexion et notre point de vue.

Pour ma part, je ne pars pas avec des idées préconçues et je souhaite que vous nous aidiez, lors de cette « table ronde », à tracer notre feuille de route. Il me semblerait intéressant, dans un premier temps, que nous nous penchions plus particulièrement sur l'avenir du fret ferroviaire, car c’est un sujet qui revient très souvent dans nos discussions. De même, les nombreux rapports qui viennent de sortir ne sauraient laisser la représentation nationale indifférente. Je pense en particulier à celui de la Cour des Comptes, qui critique assez vivement un certain nombre de dysfonctionnements, à ceux de M. Mariton sur les coûts et les tarifs, à ceux du sénateur Haenel, ainsi qu'à celui de Mme Keller sur les gares.

Nous vous serions donc reconnaissants de bien vouloir maintenant nous exposer les problèmes tels que vous les ressentez, avant que nous n'élaborions un plan de travail, que nous ne procédions à de nouvelles auditions et que nous ne prenions d'autres initiatives.

S'agissant plus précisément du fret, il faut innover en termes d'organisation, mais aussi voir comment envisager un fret plus efficace, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Il est bien évident que nous ne réglerons pas tous les problèmes aujourd'hui, d'autant que j'ai l'impression que ceux qui sont en charge du fonctionnement des sociétés concernées n'ont pas forcément les moyens des décisions qu'il serait souhaitable de prendre. Si tel est le cas, nous ferons en sorte de les prendre à leur place ou de proposer au gouvernement de le faire. Ce propos un peu provocateur vise surtout à vous montrer que nous ne nous fixons aucune limite quant aux solutions qui peuvent être envisagées. Cette réunion est destinée à confronter les idées, afin de tracer les lignes directrices de ces propositions. Nous n'avons pas lancé cette initiative pour le simple plaisir de nous réunir. Nous entendons faire preuve d'audace voire d'impertinence, car nous considérons que nous sommes élus pour assumer nos responsabilités et nous sommes bien décidés à le faire, dans ce domaine comme dans d'autres.

M. Guillaume Pépy. Je vous remercie d'avoir pris cette initiative, dont tout le monde ici se félicite, car nous partageons tous l'ambition de développer les transports collectifs, en particulier le transport ferroviaire, dans la lignée du « Grenelle de l'environnement ». Votre commission a l'intention d'écouter, de travailler, de suivre, de proposer : cette méthode répond à l'intérêt de tous.

Nous avons en outre la chance de nous retrouver à un moment où de nombreux travaux font réfléchir sur ce sujet. Vous avez cité les rapports de M. Haenel et de Mme Keller, ainsi que le projet de loi issu du « Grenelle de l'environnement » ou la création de la commission de régulation des activités ferroviaires ; on pourrait, d’ailleurs, ajouter à cette liste les projets du « Grand Paris ». Tous ces travaux témoignent d’une volonté nouvelle, qui nous réjouit, de développer les transports collectifs, en particulier ferroviaires, et d'adapter le système français à l'ouverture européenne, qui est désormais considérée comme un fait, qu'on s'en félicite ou qu'on le regrette.

En outre, le mandat nous est donné par le pays de moderniser et de transformer la SNCF, car c’est un enjeu de première importance pour les années qui viennent. Il ne s'agit nullement de « bazarder » les valeurs du passé, mais de les actualiser et de faire en sorte que nous jouions notre rôle, en France et en Europe, dans le respect de ces valeurs.

Je centrerai mon bref propos sur le développement et sur la concurrence.

La pierre angulaire du développement est le rôle futur de l'autorité de régulation. La SNCF souhaite qu'elle dispose de larges pouvoirs, afin de se situer d'emblée au niveau des meilleurs autorités de régulation comme la Commission de régulation de l'électricité ou l’ARCEP. Il nous apparaît donc nécessaire de la doter, dès le début, d'un maximum de pouvoirs, afin de ne pas être obligé ensuite d’y revenir tous les deux ou trois ans. Il convient de lui confier un rôle non seulement en matière de régulation de la concurrence mais aussi de développement économique de ce secteur, conformément à l'ambition du Grenelle. Nous espérons qu'il s'agira d'une autorité juridique, économique et technique qui deviendra, tout de suite, la Haute autorité du secteur.

S'agissant des rapports entre la SNCF et RFF, Dominique Bussereau n'a pas pris parti pour l'instant. Il nous réunira le 17 décembre prochain pour nous dire comment il souhaite traiter la question. D'ores et déjà, deux propositions de son rapport nous paraissent très intéressantes. La première vise à simplifier les relations contractuelles. Nous avons commencé à y travailler sans attendre le rapport, mais nous espérons qu'il nous aidera à aller plus loin et plus vite, car les deux établissements ont besoin de cette simplification.

L'autre proposition innovante porte sur les aiguilleurs et les horairistes. Ils sont pour partie à la SNCF et pour partie à RFF. Il est proposé de rendre ceux de la SNCF indépendants au sein de la société et de créer ensuite une filiale à 100 % de la SNCF pour accueillir l'ensemble de la chaîne d'attribution des capacités. Cela va dans la bonne direction et nous avons d'ores et déjà décidé de créer une direction indépendante, car il faut que les aiguilleurs du rail ne dépendent pas de la SNCF, tout comme les aiguilleurs du ciel ne dépendent pas d'Air France. Cette clarification est nécessaire et nous nous engageons à y procéder. La création d'une filiale nous paraît aussi plutôt une bonne initiative si l'on est clair sur l'objectif, qui ne doit pas être l'ouverture du capital et la privatisation mais l’indépendance, dans le respect des règles européennes. Mais le périmètre, la gouvernance et le format devront être discutés. Sans doute les travaux qui seront menés sous votre autorité permettront-ils également de se faire une idée plus précise.

En ce qui concerne le « Grand Paris », même si l'on nous reproche souvent d’oublier la province, il est indiscutable que le retard des transports collectifs en Île-de-France est sans commune mesure avec celui des autres régions. C'est un handicap pour l'économie comme pour la vie quotidienne. Il faut donc faire bouger le système de gouvernance des transports collectifs dans cette région, afin de le rendre plus efficace ; rattraper ce grand retard ; réfléchir à long terme, mais sans oublier que les utilisateurs du RER attendent des solutions immédiates. Le chef de l'État m'a donné comme priorité, entre autres, de faire bouger le centre de gravité de la SNCF. Le TGV est formidable, il n'a pas besoin de supporteurs, puisque 60 millions de Français le sont. En revanche les RER, les TER et le Transilien ont besoin qu'on mette plus d'énergie, plus de moyens, plus d'intelligence et plus d'argent.

J'en viens à la concurrence. J'ai dit que nous la percevons comme un fait et la SNCF ne demande donc en aucune manière à être protégée. D'ailleurs, les bonnes âmes qui ont voulu nous « aider » à retarder l'arrivée de la concurrence dans le fret ont en fait seulement retardé notre préparation et rendu les choses plus brutales. Ainsi, Véolia transports et la Deutsche Bahn ont acquis dans ce secteur 10 % des parts de marché en 18 mois, soit quatre fois plus vite que le rythme d'arrivée de la concurrence en Allemagne.

Dans le « rapport Haenel », il est question d'une nouvelle étape de développement des TER. La concurrence fait partie des propositions, mais le rapport évoque aussi un rôle accru des régions en tant que coordinateurs des transports collectifs -  nous pensons que c'est une bonne idée - et trace pour le financement des TER des pistes ambitieuses et novatrices, puisqu'il est question de péages urbains et de versement transport.

S'agissant toujours de l'ouverture à la concurrence, nous considérons que la bonne méthode consisterait à mettre toutes les parties prenantes autour d'une table pour apporter des réponses aux incertitudes juridiques, financières et techniques. C’est ainsi que l’on a réussi la décentralisation des TER en 1997. Il nous paraît également bon de passer par l'expérimentation, dans un certain nombre de régions volontaires, pour introduire une dose de concurrence. Cela avait aussi été fait en 1997 et les résultats nous paraissent aujourd'hui satisfaisants.

Un mot des gares, qui sont une force et un savoir-faire de notre pays. Aujourd'hui, nous construisons en Chine plus de gares que d'aéroports. J'observe en outre que les élus se réapproprient les gares, facteurs d’animation des centres-villes et que les gares SNCF regroupent en fait tous les transports publics collectifs, notamment les modes doux.

Nous proposons à Fabienne Keller de faire des gares multimodales et des gares SNCF ouvertes à nos concurrents, sous la surveillance de l’autorité de régulation, ainsi qu’aux élus et aux partenaires. À ce stade, nous ne voyons pas la nécessité de créer une nouvelle entité juridique, dans un monde ferroviaire déjà complexe. RFF, SNCF, Établissement public de sécurité ferroviaire, commission de régulation des activités ferroviaires, nouveaux entrants dont Véolia transports et la Deutsche Bahn : les acteurs sont déjà nombreux, prenons garde à bien réguler le système avant d’émietter.

M. Hubert du Mesnil. Merci de nous donner la possibilité de réfléchir avec vous à des sujets auxquels nous sommes très attachés.

Le système ferroviaire se transforme en profondeur depuis une dizaine d'années et ce mouvement n'est pas fini. Il doit s'adapter à des activités qui évoluent elles-mêmes et il devient de plus en plus complexe. Pour autant, il ne faut pas avoir peur de cette complexité : elle est un fait et il vaut mieux l'organiser et s’y adapter que la refuser.

Auparavant, l'opérateur unique maîtrisait l'ensemble du système. Désormais, il faut inscrire le réseau dans une dimension non seulement nationale mais aussi européenne ; il faut organiser la cohabitation d'activités très différentes et d'entreprises qui sont elles-mêmes en concurrence ou qui le seront dans les prochaines années. Face à cela, la seule nécessité est de veiller à ce que chacun soit bien à sa place, en particulier que l'État assume pleinement ses responsabilités de détermination de la politique des transports au niveau national et qu'il prenne sa part dans les décisions européennes. En tant que gestionnaire des infrastructures, nous souhaitons que l'État joue pleinement son rôle et qu’il nous dise ce qu'il attend de nous.

Pour notre part, nous avons à offrir des capacités à l'ensemble des entreprises, mais d'autres acteurs entrent également en jeu.

Le réseau est un bien qui appartient à la nation, qui est utilisé par différentes entreprises et activités et il faut organiser la cohabitation de tout cela. Le régulateur devra dans ce cadre être l'observateur de ce jeu complexe, mais aussi celui qui sépare les combattants en cas de litige et celui qui améliore les règles du jeu. C'est pourquoi nous sommes très favorables à ce qu'il arrive le plus vite possible et à ce qu’il soit armé pour jouer pleinement son rôle.

Le rôle du gestionnaire des infrastructures est défini dans un cadre européen car nous avons à construire un réseau européen. L'État vient – enfin ! - de fixer dans le contrat de performance notre ligne de conduite pour les années qui viennent.

Nous avons en premier lieu à gérer les capacités de ce réseau, à organiser l'arrivée de la concurrence en répartissant les capacités de manière équitable entre tous les acteurs et tous les demandeurs, à veiller à ce que ces capacités soient utilement et efficacement réparties, mais aussi à ce qu'elles soient en augmentation, c'est-à-dire que l'on puisse faire rouler de plus en plus de trains sur le réseau existant en améliorant son exploitation et son usage.

Il nous appartient également de rénover le réseau existant en lui donnant la priorité qui est désormais inscrite dans la loi Grenelle. Nous sommes sur ce point en totale convergence avec la SNCF. L'effort pour rénover et moderniser le réseau dans son ensemble - et pas seulement sa partie la plus moderne et la plus brillante - est particulièrement important. Cette rénovation a enfin été décidée et nous avons désormais la responsabilité de conduire, d'ici 2015, un investissement de 13 milliards d'euros. Nous disposons de la visibilité, de crédits pluriannuels, les choix sont arrêtés et il nous appartient désormais de réussir, avec comme principal partenaire SNCF Infrastructures.

Nous avons pour troisième mission de contribuer à l'équilibre économique de ce réseau et ce n'est pas le plus facile car nous devons traîner sa dette historique tout en assurant son développement et en allant si possible vers l’équilibre. Y parvenir immédiatement serait impossible ; or, nous ignorons quel temps nous avons devant nous. Même si nous savons que les subventions de l'État ne peuvent pas augmenter, mieux vaudrait qu'elles ne diminuent pas trop vite, si cela avait pour seul effet une augmentation immédiate des péages. La vraie question est donc de savoir si le réseau, dans son ensemble, peut dégager suffisamment de résultats pour pouvoir assumer le passé, équilibrer le présent et financer l'avenir.

M. le Président Patrick Ollier. Question provocatrice : le fret est-il ou non une priorité dans la rénovation du réseau d'ici 2015 ?

M. Hubert du Mesnil. Si l'on met de côté le transport régional, le fret est le principal bénéficiaire de la rénovation du réseau. Quand nous avons proposé, à l'occasion du Grenelle, de définir un réseau national orienté vers le fret, nous entendions nous engager à intervenir prioritairement sur certains axes, afin de répondre aux demandes des entreprises ferroviaires pour le fret, à maintenir les performances du réseau, à faire en sorte que les investissements de rénovation permettent aux trains de fret de rouler convenablement. Il convient également de remettre en état les toutes petites lignes pour permettre à de nouveaux opérateurs dont on espère qu'ils vont bientôt arriver, de développer des activités de proximité à petits prix venant en complément du grand fret national et européen. La rénovation du réseau vise donc bien en grande partie à faire du fret, y compris sur des lignes qui sont aujourd'hui largement inutilisées.

Notre quatrième mission, très consensuelle, consiste à faire du développement durable, c'est-à-dire à ne pas oublier que le réseau c'est aussi du bruit, des passages à niveau, des personnes à mobilité réduite (PMR) qui ne peuvent pas monter dans les trains, toutes choses dérangeantes que nous devons néanmoins prendre pleinement en compte.

L'ensemble de ces missions suppose de notre part beaucoup d'esprit d'innovation. De nombreuses choses qui étaient impossibles doivent devenir possibles. Ainsi la mixité des trafics sur certaines lignes nous paraît incontournable car on ne pourra jamais séparer le réseau national en grand réseau fret, grand réseau voyageur et grand réseau régional. Nous devrons assurer une cohérence nationale d'activités diverses sur un réseau unique. Nous entendons même renforcer la mixité des lignes, puisque nous voulons apprendre à faire rouler des trains à grande vitesse fret sur le réseau à grande vitesse. C'est ainsi que nous pourrons mieux répondre à une demande en pleine évolution.

Il nous faut donc faire preuve d'innovation et d'audace. L'esprit d'ouverture ne signifie pas simplement accueillir des concurrents qui nous apportent peut-être une nouvelle vision du réseau, mais aussi des offres, des propositions, des idées nouvelles, regarder ce qui se passe autour de nous. Notre entreprise entend résolument être une force de proposition, d'initiative et d'ouverture.

Il faut par ailleurs avoir bien en tête que deux échelons de responsabilité prennent de plus en plus de place : l'Europe et la région. Je n'insiste pas sur la première : chacun sait que l'on est entré dans une phase de construction d'un réseau et d’un marché européens. S'agissant des régions, le deuxième « rapport Haenel » comporte des choses intéressantes car il faut que l'on organise de manière intelligente la relation avec les régions, qui sont à la fois demandeuses de capacités pour le transport régional et des acteurs économiques capables de comprendre qu'il faut également faire rouler des trains de fret. Nous sommes donc persuadés qu'elles vont prendre de plus en plus de place dans la gestion du système ferroviaire et nous proposons de développer avec elles de plus en plus de relations contractuelles.

M. le Président Patrick Ollier. Pouvez-vous aussi nous dire un mot de l'autorité de régulation ?

M. Hubert du Mesnil. Nous l’attendons avec impatience, pour qu'elle régule non pas uniquement la relation entre les entreprises concurrentes, mais l'ensemble du système, notamment la relation entre le gestionnaire d'infrastructures et les entreprises. De ce point de vue, la question des péages est tout à fait centrale. Il nous paraît évident, que ce n'est pas au gestionnaire d'infrastructures, qui est en situation de monopole, de décider lui-même des péages qu’il fait payer aux entreprises ferroviaires. Dans la mesure où il souhaite réduire ses subventions et où il peut ainsi avoir envie d'augmenter les péages, l'État n'est pas non plus le mieux placé. Il faut donc absolument un acteur indépendant, apte à faire les comptes de ce réseau, à voir combien il coûte, combien le gestionnaire d'infrastructures propose de le facturer et combien les entreprises ferroviaires sont capables de payer. Aussi, il nous paraît indispensable que le régulateur ait un rôle économique et nous souhaitons nous-mêmes d'autant plus être jugés par lui que nous sommes en situation de monopole. Qui plus est, dans la mesure où, avec l'arrivée des partenariats public-privé (PPP), d'autres gestionnaires d'infrastructures vont cohabiter avec nous sur le réseau, de nouveaux litiges pourraient apparaître et il vaut donc mieux avoir un bon régulateur.

M. Cyrille du Peloux. Je vous remercie de donner à un acteur privé la possibilité de participer à ce débat.

Véolia Transports et le premier opérateur de transports privé dans le monde et en Europe. Nous sommes également un grand opérateur ferroviaire dans plusieurs pays, en particulier en Allemagne, aux États-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Pays-Bas, en République tchèque, en Suède. En France, pour l'instant, nous n’avons « que des miettes », puisque nous sommes sous-traitants de la SNCF en Bretagne et que nous avons quelques lignes à caractère touristique. Nous sommes aussi l'opérateur du premier « Partenariat-Public-Privé » entre Lyon et l'aéroport Saint-Exupéry, liaison qui ouvrira en 2010. Nous sommes également présents dans le fret ferroviaire à l'échelle européenne, en particulier en Europe du Nord et en Allemagne. Nous sommes convaincus que le ferroviaire, pour les passagers comme pour le fret, va jouer un rôle de plus en plus essentiel dans la mobilité et dans la protection de l'environnement.

Nous constatons que la France souffre d'un retard par rapport aux autres pays européens, qui ont tous ouvert leur activité ferroviaire à la concurrence, ce qui a permis d’améliorer la qualité du service, d'accélérer la fréquentation passagers et fret, de mieux contrôler les coûts, d'accroître l'efficacité de tous les exploitants, nouveaux comme historiques. L'exemple le plus frappant est celui de l'Allemagne, où, depuis 1996, les Länder mettent les opérateurs en concurrence : on y a observé une très forte augmentation du trafic, qui se poursuit ; les nouveaux entrants ont pris 15 % du trafic, dont la moitié pour notre société. Nous nous développons, nos parts de marché augmentent, nous sommes le deuxième opérateur dans le pays, présent dans huit Länder, ce qui n'empêche pas la « Deutsche Bahn » de se bien porter et de partir à la conquête du reste de l'Europe. Celle-ci s'est donc renforcée, pour les voyageurs comme pour le fret, grâce à l'ouverture à la concurrence.

Nous sommes un acteur significatif, là où l'ouverture s'est déjà réalisée, en particulier en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique. En revanche, en France, la croissance du fret est plus difficile à obtenir. La situation n'y est pas satisfaisante, en premier lieu, du fait de l'absence d'un régulateur. Pourtant, le texte est prêt depuis un an, il donne satisfaction à tout le monde, il faudrait donc qu’il entre rapidement en vigueur.

Autre explication de ce retard : les règles de gestion des infrastructures ne sont pas claires. En tant qu'opérateur de fret, nous nous heurtons à des problèmes de sillons de mauvaise qualité, à une tarification inadaptée, à des problèmes de confidentialité commerciale entre RFF et la SNCF, qui empêchent que la concurrence soit totalement équilibrée, à des difficultés d'accès aux facilités essentielles comme les gares, ce qui entraîne également une distorsion de concurrence.

Nous considérons que l'ouverture du transport ferroviaire pour les voyageurs est inéluctable. Elle a déjà été adoptée au niveau européen, avec une première étape au 1er janvier 2010 pour les lignes internationales et le cabotage intérieur. Mais le texte préparé par le gouvernement français nous paraît beaucoup plus restrictif et nous pensons qu'il sera considéré comme ne respectant pas la directive européenne.

Donner la liberté aux régions, comme cela été fait dans le reste de l'Europe, nous paraît également de bon sens. Pourquoi les régions françaises ne bénéficieraient-elles pas de la liberté qui sera offerte à partir de décembre 2009 par la réglementation sur les obligations de service public ? Dans ce cadre, chaque région pourrait décider de demeurer avec la SNCF ou de mettre en concurrence. Le sénateur Haenel a fait sur ce point des propositions timides, sans doute parce qu'il s'agit d'un sujet politiquement dangereux. Il parle ainsi pudiquement d’« expérimentation ». Pourquoi pas ? Mais ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : il est normal qu'en France les régions bénéficient de la même liberté que dans le reste de l'Europe.

Pour cela, une organisation claire de la gestion des infrastructures est nécessaire. En tant qu'opérateur ferroviaire un peu partout dans le monde, nous sommes très opposés à la solution de l'intégration du gestionnaire de la circulation dans l'opérateur dominant, donc à la proposition du sénateur Haenel d'une filiale au sein de la SNCF. Cela ne permettrait pas une concurrence loyale et ne serait pas efficace ; nous sommes donc clairement en faveur d'une gestion de la circulation rattachée à RFF. Pour cela, il faut respecter en premier lieu la continuité des fonctions - de l'attribution des sillons à la gestion de la circulation, en passant par les travaux - car, à défaut, RFF nous vend un produit qu'il ne fabrique pas et ne prend aucun engagement face aux opérateurs. Autre principe : l’indépendance vis-à-vis des différents opérateurs, car il ne peut pas, sinon, y avoir de concurrence loyale.

Nous sommes d'accord avec l'idée que les gares doivent être interopérables, qu’elles doivent faire partie du patrimoine collectif et être accessibles aux différents opérateurs. Nous souhaitons en outre, qu'elles soient gérées de manière séparée, car nous savons que, dans toutes les étapes d'ouverture du marché, l'opérateur historique a des moyens de pression très forts par rapport aux nouveaux entrants.

M. Christian Rose. Dans la mesure où l’Association des Usagers de Transport de Fret (AUTF) représente les intérêts des industriels utilisateurs du fret, j'interviendrai sur cette question.

Dans votre introduction vous avez souligné, Monsieur le Président, qu'il appartenait au monde ferroviaire d'innover en termes d'organisation et de rechercher l'efficacité. En tant que chargeurs et utilisateurs de tous les modes de transport, nous considérons, en effet, que le fret ferroviaire ne trouvera son développement et son salut qu'en lui-même. C'est essentiellement sur son fonctionnement, qu'il peut gagner en efficacité et en productivité et non, en tentant de reporter ses propres soucis sur d'autres modes de transport, en particulier sur le transport routier.

Il faut donc se fixer comme ligne directrice de renforcer l'attractivité du ferroviaire et d'en réduire les faiblesses, afin qu'il puisse trouver le créneau où il est le plus pertinent.

Nous sommes aujourd'hui véritablement passés de la période de service public du fret ferroviaire à un marché concurrentiel, qui oblige l'ensemble des opérateurs à atteindre un équilibre financier. Cela signifie, tout d'abord, que le fret ferroviaire ne pourra plus jamais remplir une mission d'aménagement du territoire et que tout le travail de dentelle et d'épicerie qui était réalisé par la SNCF avant la libéralisation est désormais fini. Il apparaît ensuite clairement que plus aucun train ne peut se permettre de circuler à perte. Enfin, il est nécessaire que le fret ferroviaire dégage une meilleure productivité d'un point de vue intramodal - c'est toute la question de l'harmonisation des conditions de concurrence entre l'opérateur historique et les nouveaux entrants - comme d'un point de vue intermodal - je pense essentiellement au transport combiné rail-route, directement concurrencé par le « tout routier ».

Aujourd'hui, il faut revenir aux fondamentaux du fret ferroviaire et s'affranchir des « solutions gadgets ». Cela signifie que le fret ferroviaire est constitué des trains complets et du combiné rail-route. J'insiste sur ce point, car il est important de ne pas se tromper de priorité et de ne pas gaspiller l'argent public dans des projets qui ne seraient pas performants sur un plan économique comme environnemental.

M. le Président Patrick Ollier. Nous sommes là pour tout nous dire : si certains projets vous paraissent devoir être condamnés, faites-le !

M. Christian Rose. Je pense, en effet, plus particulièrement aux projets d'autoroutes ferroviaires, tels qu'ils sont envisagés dans la loi Grenelle, qui peuvent venir en complément de certaines solutions, mais qui ne doivent pas concentrer les investissements au détriment de projets plus performants et davantage susceptibles de développer le fret ferroviaire.

S'agissant du fret ferroviaire proprement dit, les intervenants précédents ont bien mis l'accent sur les thèmes principaux. Le premier a trait aux infrastructures, c’est-à-dire à leur état, à la gestion de leur allocation et à leur coût d'utilisation. Ces sujets sont bien évidemment interdépendants, puisque plus il y aura de trains circulant sur le réseau, plus il y aura de recettes, meilleure sera la maintenance, plus le réseau sera performant et plus la circulation des trains sera facile.

Le deuxième thème est celui de l'exploitation, qui renvoie à la qualité du service, à la gamme d'offres de services et à la compétitivité.

Le troisième thème, qui transcende les deux autres, est celui des règles de la concurrence, ce qui nous renvoie à la création de l'autorité de régulation, très attendue par les industriels. Je rejoins totalement sur ce point les propositions de MM. Pépy et du Mesnil pour que cette autorité soit forte et investie des pouvoirs les plus étendus, dans le domaine de la régulation de la concurrence, mais aussi dans le domaine économique, notamment pour la fixation des redevances.

De nombreux rapports ont posé le diagnostic. On connaît les maux, mais il reste à trouver les remèdes et à lever certains obstacles. Je profite de la présence des représentants des syndicats de cheminots pour souligner que les chargeurs regrettent vivement que la réforme sociale du fret SNCF ait été reportée. M. Pépy a rappelé la mission qui lui avait été confiée par le Président de la République, à laquelle viennent s'ajouter les objectifs du « Grenelle de l'environnement ». Or nous considérons que le fret ne se développera pas sans un effort de productivité au sein de la SNCF, qui est aujourd'hui l'opérateur disposant du plus de moyens et de capacités.

M. Christian Jacob. Pouvez-vous nous dire un mot des péages, ainsi que de l’intermodalité et de la gestion des gares ?

M. Christian Rose. S’agissant de la gestion des gares, je rejoins M. du Peloux. Le « rapport Haenel » se focalise sur les gares de voyageurs. Au-delà de la question de la propriété des gares de marchandises, nous considérons que l'accès le plus libre possible aux gares doit être garanti et que leur gestion, comme celle des cours de gares, devrait revenir à RFF, qui dispose de toutes les compétences nécessaires pour garantir l'équité et la concurrence. Je note toutefois, que la création de la commission de régulation des activités ferroviaires éclaire d'un jour nouveau la ligne de partage que trace le « rapport Haenel » pour la gestion de l'allocation des sillons et l'établissement du graphique des circulations.

M. Pépy a semblé considérer qu'il n'était pas souhaitable d'ajouter une nouvelle structure à celles qui existent déjà. Dès lors que l'on disposerait d'une autorité de régulation forte et dotée de pouvoirs élargis, on voit mal l’intérêt de conduire, au risque de provoquer des réactions sociales, une petite révolution en créant une nouvelle entité. La proposition de M. Haenel vient donc un peu tard et je répète que nous préférons que RFF ait la maîtrise complète de la gestion des capacités.

Je conclurai par un mot sur la perspective de la libéralisation du transport de voyageurs. Je rappelle que la concurrence a pour vertu d'améliorer la qualité du service et de réduire les coûts. Il nous paraît nécessaire, si on veut que le fret ferroviaire se développe, que cette libéralisation soit appréhendée de façon globale et non qu'on laisse les régions multiplier les trains express régionaux au détriment du fret.

M. Marc Debrincat. Comment le transport ferroviaire pourra-t-il faire face à l’augmentation de la demande et aux attentes des voyageurs ?

Premier besoin : l’information en matière de tarifs, d’horaires et de perturbations. Les voyageurs veulent des tarifs compréhensibles et abordables. Ils doivent pouvoir se les approprier, y compris par le biais des médias.

Vient ensuite la question de l’offre. Certaines parties du réseau (ligne des Causses ou des Cévennes, par exemple), nécessitent des travaux importants de réhabilitation qui auront aussi un effet positif sur le fret. Plus généralement, il faut renforcer l’offre et mieux l’adapter aux besoins actuels des voyageurs. Le cadencement constitue, de ce point de vue, une amélioration. Quant à l’intermodalité, c’est une bonne chose, pour peu qu’elle s’accompagne d’une intermodalité tarifaire : il ne sert à rien d’avoir plusieurs modes de transport à sa disposition si l’on est obligé de jongler avec les tickets, les cartes ou, bientôt, le paiement via le téléphone mobile.

Troisième besoin, sur lequel je n’insisterai pas : l’accessibilité.

Quatrième besoin : la qualité de service et, en premier lieu, la régularité des liaisons quotidiennes. En automne, les feuilles mortes perturbent régulièrement le trafic et il faudrait que les exploitants équipent les trains de systèmes de freinage adaptés. Les voyageurs sont également demandeurs de certains accessoires de l’offre, des consignes traditionnelles à l’accès sans fil à l’Internet – gratuitement ou du moins à un prix modéré.

Enfin, le service après-vente doit être correct, rapide, accessible par l’Internet et affranchi des réponses stéréotypées.

Les associations de consommateurs feront peser ces exigences sur les nouveaux entrants, comme elles le font aujourd'hui sur la SNCF.

M. Thierry Roy. La CGT, considérant que la SNCF appartient à la nation, demande depuis un certain temps que la représentation nationale en débatte. C’est ce qui justifie notre présence à cette « table ronde ».

Le système ferroviaire et la SNCF ont évolué et se sont complexifiés. Les cheminots sont confrontés à des choix stratégiques qui les inquiètent beaucoup. Pourquoi ne pas avoir désendetté dès le départ le système ferroviaire ? On a choisi de « loger » la dette en créant RFF, ce qui a rendu la situation ingérable pour la SNCF, du fait notamment de la volonté d’augmenter les péages. Je vous renvoie sur ce point aux conclusions du « rapport Haenel ».

Dans d’autres pays, on a fait des choix différents et plus efficaces. En Allemagne, par exemple, on a désendetté par deux fois le système ferroviaire.

Comme leur entreprise, les cheminots ont beaucoup évolué. Je m’insurge contre l’image toute faite d’une SNCF figée. Les cheminots sont très investis : ils demandent seulement que l’on fixe des principes et des stratégies clairs et ils gardent les valeurs du service public chevillées au corps.

Alors qu’elle doit répondre à des besoins essentiels de la nation, la SNCF a de plus en plus de mal à assurer sa mission, par manque de moyens, mais aussi en raison de certains choix stratégiques, notamment en matière de fret. C’est ce qui explique le pessimisme et le mécontentement qui s’expriment.

D’ailleurs, on ne nous a jamais apporté la démonstration de l’efficacité de la concurrence dans le transport ferroviaire. Personne n’a dressé de bilan précis, au niveau européen, du choix de l’ouverture du transport de marchandises et de voyageurs à la concurrence.

Or c’est bien la SNCF, entreprise publique, qui a développé à la satisfaction générale des partenariats efficaces avec les régions en matière de transports régionaux et qui a ainsi rouvert des lignes, rénové le matériel et amélioré les dessertes. De tels résultats reposent sur trois piliers : une entreprise publique, des moyens, des salariés à statut. Comment ose-t-on affirmer que ce n’est pas efficace ?

La concurrence ne fera que pousser les entreprises à abaisser les coûts, donc à faire pression sur les conditions sociales des salariés et à pratiquer le « dumping social ». Je précise que tous les cheminots européens partagent cette préoccupation. Lors du congrès du syndicat allemand Transnet, auquel j’ai assisté hier, le bourgmestre de Berlin lui-même s’est montré plutôt défavorable à l’ouverture à la concurrence.

S’agissant du fret, nous sommes en désaccord profond avec la stratégie de l’entreprise. En recentrant ses activités sur le trafic le plus rémunérateur pour équilibrer les comptes, la SNCF a cédé certains segments et a permis à la concurrence de s’engouffrer dans la brèche. De plus, le fret souffre d’une concurrence déloyale de la part du transport routier. Tant que l’on n’y aura pas mis un peu d’ordre, on se heurtera toujours à un problème majeur.

Pour nous, les questions de production et d’organisation ne sont pas des tabous, mais il faut savoir dans quelles conditions on les aborde et dans quelle perspective stratégique. La CGT a publié à ce sujet un ouvrage intitulé La politique industrielle de Fret SNCF que nous tenons à la disposition des membres de la commission des affaires économiques.

M. Dominique Aubry. La CFDT considère que le « Grenelle de l’environnement » peut constituer une véritable chance de rééquilibrage entre les différentes modes de transport, notamment par un nouveau développement du fret ferroviaire au niveau national et européen. Nous avons fait des propositions, pour qu’on lui attribue un rôle d’aménagement du territoire et de service public, à l’instar du dispositif des TER que nous avons soutenu dès le départ. Dans les zones diffuses et dans les zones de montagne, pour le contournement des grandes villes et le transport des matières dangereuses, il existe des solutions qui méritent d’être étudiées. Cela suppose une triple ambition : environnementale, économique, mais aussi sociale.

Les entraves au développement du fret tiennent en premier lieu aux infrastructures, notamment à la qualité des sillons. Il faut régénérer le réseau, rendre les grands itinéraires accessibles aux grands gabarits moyennant l’amélioration de certains ouvrages d’art, créer de nouvelles infrastructures pour supprimer les nombreux goulets d’étranglement, ou encore électrifier les itinéraires alternatifs, afin de faciliter l’interopérabilité entre les voies électrifiées et celles qui ne le sont pas.

Nous considérons que l’augmentation des péages de RFF ne va pas dans le sens du développement du ferroviaire et que l’écotaxe sur les camions doit être obligatoire. Si le déséquilibre concurrentiel dont le ferroviaire a souffert pendant des décennies suppose un rééquilibrage des prix, ce rééquilibrage ne doit pas se faire au détriment des salariés et de leurs conditions sociales. Il faut qu’une autorité forte assure la régulation du système et veille, en particulier, à ce qu’il n’y ait de « dumping social » ni dans le secteur routier ni dans le secteur ferroviaire.

Au-delà de la question des nouveaux entrants, pour lesquels il y a, en effet, de la place, il est impératif d’aborder les problèmes de sécurité des circulations ferroviaires. Le système intégré que nous avons connu pendant des décennies a fait ses preuves. L’unicité de l’entreprise SNCF et les conditions de travail des cheminots ont permis de maintenir un haut niveau de sécurité. La dilution des responsabilités risque de remettre en cause cette sécurité, qui est pourtant un élément essentiel du ferroviaire, tant pour les voyageurs que pour les chargeurs. Enfin, le maintien de bonnes conditions de travail et d’un haut niveau social est primordial pour la santé des salariés.

Au total, nous souhaitons que l’État « reprenne la main » et définisse une véritable politique des transports où il joue tout son rôle, notamment en matière de financement des infrastructures.

M. le Président Patrick Ollier. Permettez-moi de vous rassurer au sujet de l’écotaxe : elle sera obligatoire en France en 2011 et dans l’Union européenne en 2012.

Par ailleurs, j’invite tous les participants à transmettre à la commission des affaires économiques leurs propositions écrites concernant les objectifs et les lignes d’action pour les atteindre.

M. Rémi Aufrère. Je vous prie d’excuser M. Éric Fallempin, secrétaire général de la fédération FO des cheminots, qui ne peut être présent.

L’année dernière, Monsieur le Président Ollier, vous dressiez à l’hôtel de Lassay un cruel constat : il n’y a pas de politique publique d’aménagement du territoire.

M. le Président Patrick Ollier. Ce constat est toujours le même et Christian Jacob, président de notre délégation à l’aménagement du territoire, le partage.

M. Rémi Aufrère. Moi aussi et c’est pourquoi mon intervention portera sur le service public ferroviaire. Le ferroviaire doit faire face à de grands défis mais de formidables chances se présentent aussi à lui.

Plusieurs rapports (école polytechnique de Lausanne, Conseil d’État, rapport Haenel…) ont souligné l’échec de la réforme de 1997, dont le financement n’a pas été assuré. Il existe pourtant un fort besoin de transports collectifs et le « Grenelle de l’environnement » a mis en exergue l’urgence environnementale. La France a la chance de disposer d’un service public ferroviaire et d’un réseau de qualité, même si une large rénovation est nécessaire.

Le « Grenelle de l’environnement » préconise un rééquilibrage entre les modes de transport par l’internalisation des coûts de transport. Cela pose la question essentielle du report modal et du juste prix du transport. Si l’on appliquait ce juste prix, il y aurait sans doute moins de concurrence, aussi bien dans le secteur ferroviaire que dans le secteur routier. Pour autant, une grande politique de développement durable devrait, contrairement à ce que certains pensent, limiter l’augmentation du fret ferroviaire, afin d’éviter que l’on fasse parcourir des milliers de kilomètres à des matières premières entrant dans la fabrication de produits de consommation courante.

En matière de financement, je remarque que personne ne souhaite payer pour les transports interrégionaux, pourtant emblématiques du service public ferroviaire républicain. Or, si le transport ferroviaire a une raison d’être, c’est bien pour des liaisons telles que Lyon-Nantes ou Lyon-Bordeaux, qui forment l’essentiel de sa trame.

Les partenariats public-privé ne sont ni une innovation ni un signe de courage politique. Je parlerais plutôt de « vrai-faux pragmatisme ». Certains camarades cheminots européens nous font valoir que la seule solution est de se tourner vers des sources de financement privé pour prendre en charge la rénovation du réseau ferroviaire public, puisque les caisses de l’État sont vides et que les collectivités territoriales se refusent à un tel financement. Aux yeux de la fédération FO des cheminots, il est dans la logique même du retour sur investissement que les financiers qui s’engageront dans des partenariats public-privé veuillent contrôler à terme l’exploitation de l’infrastructure qu’ils auront financée.

Nous regrettons aussi le manque d’ambition de la Présidence française de l’Union européenne en matière d’équipements ferroviaires. Nous sommes intervenus à plusieurs reprises auprès du commissaire chargé des transports – à l’époque, M. Jacques Barrot – pour lui rappeler une revendication importante du monde syndical : exonérer des critères européens de convergence économique les investissements publics d’État dans les réseaux de transport répondant aux impératifs du développement durable. Cette mesure est plus que jamais d’actualité !

Nous estimons par ailleurs que la concurrence dite « libre » est complètement faussée, l’« effet capillarité » du réseau n’étant absolument pas pris en charge par les concurrents de l’entreprise nationale historique. Nous reconnaissons la concurrence comme un fait mais il ne faut pas que le fait détruise l’outil. Alors que le Parlement européen n’envisage l’ouverture totale du transport de voyageurs à la concurrence qu’après 2017, je ne voudrais pas que la France fasse du zèle comme lorsqu’elle a instauré, en 1997, une séparation organique dont tout le monde a constaté l’échec.

Le transport de fret ferroviaire recouvre lui aussi une notion de service public, notamment en ce qui concerne le transport de matières dangereuses (les matières nucléaires, par exemple). Je doute que la représentation nationale puisse traiter ce sujet à la légère !

M. Roger Dillenseger. Sans remettre en cause l’organisation de cette « table ronde », à laquelle nous sommes heureux de participer, la CFTC remarque que les sujets abordés sont de la compétence du Conseil supérieur du service public ferroviaire (CSSPF) et du Conseil national des transports. Elle réitère donc sa demande de mise en œuvre rapide d’une structure de concertation et de prospective permanentes en remplacement de ces instances.

Il n’en reste pas moins que le débat est nécessaire à l’aube d’une nouvelle ère ferroviaire. Les paramètres conjugués de l’ouverture du fret – et, à terme, du transport de voyageurs – à la concurrence, du développement durable et de l’élargissement européen sont susceptibles de rompre un équilibre pourtant nécessaire à une activité où la sécurité des personnes et des biens est un enjeu majeur. Les schémas envisagés supposent un réseau en bon état. Or la seule étude incontestée à ce jour, l’audit de l’école polytechnique de Lausanne, indique que la poursuite du développement des lignes à grande vitesse et la réhabilitation du réseau classique sont les conditions sine qua non du développement.

Une telle démarche suppose des investissements lourds et à long terme. La politique du « juste-à-temps », dont la crise économique actuelle démontre les limites, ne peut y répondre. Le financement ferroviaire ne peut être ponctuel : il doit répondre à un plan s’inscrivant dans la durée. À ce titre, la CFTC considère que l’ouverture à la concurrence ne peut être considérée comme un facteur de stabilité.

Le paramètre du développement durable introduit une nouvelle notion de service public, en matière tant de fret que de transport de voyageurs. Il faudra s’interroger sur les financements publics qui iront aux infrastructures utilisées par l’entreprise historique et par ses concurrents. Selon nous, la volonté politique ne doit pas être assumée par les seules entreprises.

RFF, dont on connaît les relations délicates avec la SNCF, rencontre deux problèmes majeurs : la difficulté d’appliquer la convention liant les deux organismes et l’augmentation sensible des péages. La coexistence des deux structures mérite un examen objectif, afin d’assurer un équilibre intégrant les nouvelles contraintes d’exploitation concurrentielle du réseau. Nous sommes à cet égard favorables à la mise en place d’une instance de régulation forte.

Enfin, il nous semble que le redéploiement actuel du fret repose sur une vision franco-française. Les réformes successives du fret de la SNCF ont abouti au résultat que l’on sait. Pour nous, c’est à l’échelle mondiale que l’on doit apprécier le flux des transports et c’est à l’échelle du continent européen que l’on doit élaborer le redéploiement ferroviaire. Il est encore temps de tirer les leçons de la déréglementation du transport routier. Les reports de trafic auxquels on assiste sur les routes proches de l’Allemagne après la mise en place de la taxe dans ce pays vont à l’encontre du bon sens.

Nous avons tardé à transposer les directives européennes : c’est pourquoi le secteur ferroviaire connaît aujourd'hui ce que nous appelons un « emballement de l’ouverture à la concurrence ». L’approche économique ne peut à elle seule aboutir à un progrès social. Selon la CFTC, la construction d’un cadre social harmonisé pour les personnels de la branche est indispensable, si l’on veut pérenniser l’activité ferroviaire.

M. Gérard Blanc. Étant président de la CFE-CGC pour la SNCF, je partagerai le temps de parole de notre syndicat avec M. Philippe Francin, qui représente les métiers du ferroviaire.

Le vrai concurrent du ferroviaire, c’est la route. L’arrivée de la concurrence sur le rail a retiré à la SNCF un certain nombre de tonnes de fret, mais elle n’a pas retiré un seul gramme au transport routier ! Si l’État faisait respecter les règles du jeu qui découlent du Grenelle, il y aurait plus de fret ferroviaire. C’est une question de volonté politique.

Je m’étonne que M. Debrincat, qui représente les consommateurs, n’ait pas parlé de la désertification de certaines zones et des difficultés rencontrées sur plusieurs lignes. Châlon-en-Champagne, par exemple, est relié à Paris par un TGV le matin et un autre le soir, ce qui est une bonne chose, mais le nombre de trains classiques sur cette ligne a diminué de moitié et le trajet dure vingt minutes de plus. L’objectif de la concurrence étant de gagner de l’argent, ce n’est pas elle qui va remédier à la désertification de la France en matière de transport de voyageurs et s’occuper du service public avec tout ce que cela comporte comme sécurités.

M. Philippe Francin. La CFE-CGC a choisi d’être présente à la fois à la SNCF et dans le secteur privé. Nous considérons que le ferroviaire a besoin d’une forte stabilité sociale pour son développement et nous nous efforçons de bâtir un cadre social harmonisé à cet effet. Nous nous appuyons sur le savoir-faire social de la SNCF en matière de réglementation et de fonctionnement, même si la société publique doit encore améliorer ses relations sociales.

Pour gagner la confiance des chargeurs, le secteur ferroviaire doit garantir une certaine stabilité dans la gestion des trafics. Il n’est pas question pour nous d’opposer les cheminots du secteur privé à ceux de la SNCF : les uns et les autres sont des salariés qui concourent au développement d’un secteur économique.

De nombreuses obligations de service public que l’État devra mettre en œuvre avant la fin de 2009 n’ont pas été précisées. Or, c’est pour nous, un point essentiel : si 2010 doit marquer une nouvelle étape dans le développement du secteur ferroviaire, encore faut-il garantir une certaine cohérence dans les obligations auxquelles on soumettra les opérateurs. En particulier, nous ne comprenons pas que la notion de service public ne soit pas évoquée au sujet du fret, alors que ce secteur contribue bien évidemment à l’aménagement du territoire.

Nous estimons enfin que le système ferroviaire ne s’imposera que s’il démontre sa haute pertinence en matière de sécurité, tant sous l’aspect de la circulation que sous ceux du respect de l’environnement et de l’intégration industrielle. Il faut donc que l’établissement public de sécurité ferroviaire (le « gendarme »), dont les débuts ont été assez timides, prenne toute sa dimension. Ce sont la sécurité et l’aspect social qui conditionnent le développement du ferroviaire.

M. Éric Tournebœuf. Pour l’UNSA, le fait que l’on parle du ferroviaire en tant que tel est déjà une bonne chose : dans les années 1980-1990, l’on considérait que le secteur allait mourir de sa belle mort. Le « Grenelle de l’environnement » a au moins eu le mérite de mettre en avant les besoins de la nation en la matière.

La première condition du développement durable du ferroviaire est le bon état et la disponibilité des infrastructures. L’outil actuel n’est pas à la hauteur des ambitions et des besoins et le secteur ne pourra assurer tout seul sa mise à niveau : il faut un financement extérieur. La question de l’accessibilité n’est pas de nature organisationnelle : il ne s’agit pas de savoir qui attribuera le sillon, mais si ce sillon est disponible. On aura beau mettre en place toutes les organisations du monde, sans capacité d’investissement, on n’ira pas loin !

La deuxième condition est que les métiers du secteur ferroviaire restent attractifs. Par rapport à la route, les exigences techniques et le besoin de stabilité des personnels sont bien supérieurs. La formation, plus longue, doit être strictement contrôlée. Il ne faut pas que les conditions de travail deviennent un « repoussoir ». Nous regrettons que l’ouverture à la concurrence, qui présente des risques de dumping social, se fasse sans qu’un cadre social harmonisé ait été mis en place au préalable. C’est un véritable handicap pour le développement du secteur.

Pour certains, la concurrence est « l’alpha et l’oméga », la réponse à toute chose. Mais on n’en a jamais eu la moindre preuve ! Le développement du ferroviaire a été meilleur en France qu’en Allemagne et en Suède. Quelles qu’aient été nos difficultés, par ailleurs, nous n’avons pas à rougir de l’outil dont nous disposons.

L’augmentation exponentielle des péages depuis 1997 est un très mauvais signal. Comment augmenter le fret, alors que leur coût est multiplié par 2,5 ? On promet aux entreprises une compensation, certes, mais cette intervention de l’État fragilise le dispositif en jetant un doute sur sa pérennité. Plutôt qu’un système à double ou triple étage, nous préférerions que l’État s’engage à rénover le réseau et à rendre certains sillons accessibles.

Enfin, la performance économique de Fret SNCF est l’aboutissement de trente ans de non-investissement. Le président Ollier, qui siège depuis longtemps au conseil d’administration de la SNCF, sait bien que l’âge moyen des locomotives de fret est de quarante-trois ans. Imagine-t-on une telle situation pour le transport de voyageurs ? Il faudra malheureusement du temps, pour que Fret SNCF revienne dans la concurrence avec les outils de la concurrence.

M. Christophe Dard. La FGAAC, dont l’origine remonte à 1885, est un des plus anciens syndicats du secteur. Elle est heureuse de pouvoir s’exprimer devant la commission des affaires économiques et elle est sensible à l’attachement des pouvoirs publics français au ferroviaire. Il est vrai que l’engouement de la population n’est pas en reste, comme le prouve la hausse de la fréquentation des trains de voyageurs.

L’équation économique du transport de fret est beaucoup plus difficile à résoudre que celle du transport de voyageurs, en particulier du fait de la concurrence routière qui sévit à l’échelle du continent et qui cantonne les prix du transport de marchandises sur rail à un niveau très bas, parfois inférieur au prix de revient.

La réussite de la régionalisation tient à l’investissement massif des régions dans le développement du ferroviaire. Le transport régional de fret pose désormais la question de la capacité de financement des régions et des collectivités locales. Il existe pourtant des exemples de créations d’opérateurs ferroviaires de proximité qui jouent un rôle d’assembleurs de trains et complètent ainsi les grandes entreprises ferroviaires. Ces expériences doivent être encouragées et étendues, car les investissements, très lourds au départ pour les collectivités, s’avèrent fructueux en termes d’économies sur les infrastructures routières, de préservation de l’environnement, de fluidité des trafics et de sécurité des transports.

Les moyens de financement sont donc un élément clé de la réussite de la remise à niveau de notre réseau et de la création de sillons de qualités cadencés conservant le même mode de traction de bout en bout. Sans financement conséquent, toute réforme serait vouée à l’échec et la population d’aujourd’hui et de demain ne nous le pardonnerait pas.

Faciliter le transport est un élément de la croissance. Nous devons donc travailler pour améliorer l’organisation de notre système ferroviaire, de sorte qu’il offre à nos concitoyens et aux chargeurs une continuité de service et au meilleur coût. Si le prix du sillon est un élément essentiel du prix de revient, la qualité du sillon est tout aussi essentielle à la fiabilité et à la robustesse du service fourni.

L’objectif commun étant le développement du transport sur rail, la FGAAC peut comprendre la volonté des pouvoirs publics d’offrir de façon équitable et transparente des capacités à l’ensemble des entreprises ferroviaires. Mais l’organisation ne saurait pallier les nombreuses carences du système : le réseau est vieillissant, comme le souligne le rapport du sénateur Haenel, et il est mal adapté à des cadencements intercalés de fret et de trains de voyageurs. Trop de disparités subsistent en termes de limitation de gabarit, de tonnages, de longueur des trains, de vitesse et de modes de traction.

La FGAAC préconise la création de « corridors » nationaux et transeuropéens de fret, adaptés et modernisés afin de faciliter l’écoulement des flux Sud-Nord et Est-Ouest. Il est peu probable que les 200 millions d’euros accordés à RFF soient suffisants pour obtenir une amélioration sensible à court terme. Il convient de débarrasser le réseau de ses points de congestion et de ses limitations de gabarit et de vitesse, de telle sorte qu’il puisse offrir de bout en bout des itinéraires de qualité sans rupture de mode de traction et des solutions alternatives. On aurait ainsi des sillons rapides, cadencés, efficaces et robustes : un outil fonctionnel et moderne adapté au service du ferroviaire et sur lequel la concurrence intramodale pourrait s’exercer sans avoir recours au « dumping social ».

Nous pouvons accepter une concurrence donnant l’avantage au meilleur « savoir-faire » et au meilleur « rapport qualité-prix ». Nous ne pouvons en revanche accepter une concurrence fondée sur le « dumping social » et l’exploitation des carences d’un réseau qui donne l’avantage à la traction diesel et à l’entreprise qui allonge déraisonnablement les temps de conduite pour compenser des vitesses moyennes anormalement basses.

La FGAAC est attachée à un niveau social de qualité pour l’ensemble des salariés. L’équilibre entre les contraintes des métiers du ferroviaire et les compensations doit être conservé. Aujourd'hui, le statut et la réglementation du travail de la SNCF constituent des références dans un monde ferroviaire à l’identité sociale balbutiante. Il ne faudrait pas que le simple souci de rentabilité les remette en cause au détriment de ce qui nous est le plus cher : la sécurité des circulations.

Le 12 novembre, une commission nationale mixte s’est réunie pour imposer une modification importante de la réglementation du travail sans autre forme de concertation, en tentant de passer outre une forte opposition des cheminots. Or la réglementation du travail en vigueur à la SNCF est le fruit de longues années de négociations paritaires qui, au fil du temps et des évolutions du paysage ferroviaire, ont permis la création d’un équilibre entre contraintes inhérentes aux métiers et compensations sociales. Elle est aussi le résultat des retours d’expérience qui ont suivi des incidents de fonctionnement ou des accidents malheureux qui ont endeuillé le transport ferroviaire et parfois la nation tout entière.

Nous ne pouvons que nous féliciter du résultat de la concertation entre la FGAAC, la CFDT et la direction de la SNCF, qui a permis, après plus de vingt-cinq heures de négociations, d’amender le décret n° 2008-1198 conformément aux engagements pris. On a ainsi évité un conflit majeur préjudiciable à tous.

A contrario, les difficiles premiers pas sociaux réalisés lors de la rédaction du premier acte de la convention ferroviaire de branche nous font craindre une régression sociale. Si cette convention collective nationale était appliquée en l’état, nous nous exposerions à de graves risques d’accidents ferroviaires. La FGAAC ne peut en aucun cas cautionner un texte qui ne tient aucun compte de la physiologie des conducteurs et remet de ce fait en question la sécurité des circulations.

Nous ne pourrons construire une organisation efficace que sur un réseau efficace. C’est pourquoi l’État doit assumer ses responsabilités financières. Il faut définir une politique des transports au plan national comme les régions le font dans leur périmètre de compétences. Le développement du ferroviaire est lié aux financements, mais aussi à la capacité de l’État de décider d’une véritable politique économique et sociale des transports.

M. le Président Patrick Ollier. Concernant l’état du réseau, le constat est unanime et il est bon que les parlementaires en aient la plus large connaissance. Lors de la prochaine « table ronde », ce sont eux qui, forts de ces enseignements, ouvriront le débat. Nous pourrons auparavant effectuer des constats sur le terrain. Les intervenants sont-ils prêts à revenir, à échéance régulière et dans la même formation, pour discuter avec nous ?

M. Thierry Roy. Je suis prêt à revenir mais la configuration de notre délégation peut changer.

M. le Président Patrick Ollier. Bien entendu, pour peu que le temps de parole soit également réparti : nous ne menons pas une négociation syndicale ! Et vous êtes les bienvenus pour nous accompagner sur le terrain.

M. Bernard Lesterlin. Je propose que notre visite se fasse dans la région championne toutes catégories du ralentissement ferroviaire : l’Auvergne.

M. le Président Patrick Ollier. Pour nous indiquer les endroits les plus difficiles, je préfère m’en remettre aux spécialistes, mon cher collègue.

Merci à tous les intervenants. J’espère que nous pourrons faire ensemble du bon travail.

La séance est levée à 13 heures 10.

COMPTE RENDU DE LA RÉUNION D’ÉTAPE DU 14 JANVIER 2009

Présidence de M. Patrick Ollier,

Président de la Commission des affaires économiques, 

de l’environnement et du territoire

Etaient présents :

Au titre des professionnels et des associations :

- SNCF : M. David Azema, directeur général délégué « Stratégie et finances ».

- AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France) : M. Gérard Longuet, président ;

- RFF (Réseau ferré de France) : M. Hubert du Mesnil, président ;

- Véolia Transport : M. Cyrille du Peloux, directeur général ;

- AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret) : M. Christian Rose, délégué général.

- FNAUT (Fédération nationale des associations d’usagers des Transports) : M. Jean Lenoir, secrétaire général adjoint de la FNAUT.

Au titre des organisations syndicales :

- Fédération CGT des Cheminots : M. Thierry Roy, animateur de la délégation CGT des salariés au Conseil d’administration de la SNCF ; M. Didier Le Reste, secrétaire général.

- CFDT : M. Michel Giraudon, représentant CFDT des salariés au Conseil d'administration de la SNCF ; M. Dominique Aubry, secrétaire général adjoint au titre de la CFDT.

- FO-cheminots : M. Aufrere Rémi, secrétaire fédéral FO-cheminots.

- CFTC-Cheminots : M. Roger Dillenseger, secrétaire général adjoint ; M. Denis Dontenvill, représentant CFTC-Cheminots.

- CFE/CGC Transports en relation avec la branche CFE/CGC SNCF : M. Philippe Francin, président du syndicat national du transport ferroviaire CFE-CGC de la SNCF ; M. Philip Garnier, représentant du syndicat national CFE-CGC de la SNCF.

- UNSA-Cheminots : M. Eric Tourneboeuf, représentant UNSA des salariés au Conseil d’administration de la SNCF.

- Sud Rail : Stéphane Leblanc, représentant Sud Rail des salariés au Conseil d'administration de la SNCF ; M. Alain Cambi, membre du bureau.

- FGAAC : M. Christophe Dard, secrétaire fédéral de la fédération ; M. Jean-Michel Namy, secrétaire général adjoint de la fédération.

La séance est ouverte à neuf heures quarante

M. le Président Patrick Ollier. Je vous remercie tous d’être présents aujourd'hui.

Je vous rappelle que la commission des affaires économiques a décidé de débattre de manière concrète de tous les sujets relatifs à l'avenir du transport ferroviaire – passagers ou fret – et de s'intéresser tout particulièrement aux freins à leur développement.

Je souhaite qu'à l'issue de cette deuxième réunion en formation très large, nous constituions un comité de suivi qui permettra d'approfondir les idées déjà émises, en particulier lors de notre précédente rencontre. Nous organiserons également, à destination des parlementaires, des déplacements sur le terrain, en France et dans d'autres pays de l'Union.

Je souhaite que nous donnions aujourd'hui largement la parole aux parlementaires, qui n'avaient pu s'exprimer lors de la réunion du 26 novembre dernier. Nous constituerons ensuite le comité de suivi qui travaillera jusqu’à la mi-mars. Je tiendrai alors une réunion commune avec la commission des affaires européennes, car notre travail s'inscrit largement dans un cadre européen. À l'issue de tous ces travaux, le comité de suivi, uniquement composé de parlementaires, formulera des propositions très concrètes. Nous tiendrons à ce moment une dernière réunion en séance plénière, avec le ministre, afin qu’il nous donne son avis sur ces propositions. Nous n’hésiterons pas à faire usage de notre nouvelle maîtrise de la moitié de l'ordre du jour du Parlement pour faire inscrire des propositions de loi que nous jugerions utiles à la défense de l'intérêt général.

Nous souhaitons que cette réunion nous permette de traiter plus spécifiquement du fret, qui doit rattraper vingt ans de retards – tous les gouvernements en sont donc responsables – en matière d'infrastructures, de réseau, d’entretien et d’équipement. Notre objectif est donc de sensibiliser davantage encore le gouvernement à ce nécessaire rattrapage et je crois que les partenaires sociaux peuvent nous y aider, dans un esprit constructif.

Nous avons donc souhaité vous poser un certain nombre de questions.

Premièrement, pourquoi le fret se porte-t-il mal ? S’agit-il d’un problème d’infrastructures, de lignes, de personnels ou d’organisation globale ? Quels sont les dysfonctionnements majeurs constatés par les intervenants ? Quelles solutions leur apporter ?

Deuxièmement, quelles sont les priorités en matière d’investissements dans le fret ferroviaire ?

Faut-il créer des lignes spécifiques dédiées au fret ? Est-ce possible ? Le trafic fret est-il conciliable avec le trafic voyageurs, en particulier les liaisons cadencées ? Faut-il des lignes à grande vitesse fret ?

Faut-il, au contraire, privilégier les contournements de Lyon ou de Paris et améliorer le réseau existant, voyageurs et fret ? Peut-on faire les deux ? À quelles conditions financières ?

Quel avenir y a-t-il pour l’autoroute ferroviaire, aujourd'hui très critiquée ?

Quels sont les effets de l’ouverture à la concurrence sur le fret ferroviaire ? Les opérateurs privés se plaignent des obstacles mis à leur développement. Qu’en est-il ? Quelles réponses apporter ?

M. Daniel Paul. Lors des auditions habituelles de notre commission, un orateur de chaque groupe parlementaire intervient après le président de séance. Il semble qu’il en aille différemment aujourd’hui, ce qui me conduit à m’interroger sur la méthode.

M. le Président Patrick Ollier. Je l’ai dit, cette réunion n’est pas une audition classique de la commission des affaires économiques. Il ne s’agit pas d’auditionner toutes les personnes présentes, mais d’ouvrir un débat et de poser des questions à nos invités, qui ont peut-être des solutions à nous proposer.

M. Daniel Paul. Les problèmes du fret sont liés à des orientations et à des choix politiques globaux. Le président de la SNCF, que nous avons entendu hier, parle d’un retard, non pas de vingt, mais de quarante ans. Depuis un demi-siècle, notre pays, comme d’autres, a investi massivement dans le routier et dans l’autoroutier, beaucoup moins dans le ferroviaire.

Nous devons faire face aujourd’hui à la conjonction de plusieurs phénomènes. Premièrement, les règles de concurrence imposées par la politique européenne modifient totalement le schéma sur lequel tous les gouvernements successifs de la France s’étaient installés depuis une dizaine d’années. Deuxièmement, une succession de crises économiques a bouleversé l’économie des régions. L’exploitation des mines de charbon comme les chantiers de construction naval justifiaient une forte présence du fret ferroviaire. Beaucoup d’industries traditionnelles ont disparu, sans qu’il y ait une adaptation du fret à la nouvelle situation. Troisièmement, les règles environnementales imposent de nouvelles contraintes au fret, alors que manquent les investissements et les moyens pour faire face aux nouveaux enjeux.

Nous devons au moins nous entendre sur les éléments qui sont à l’origine de nombreuses difficultés actuelles.

M. le Président Patrick Ollier. Nous aurons ce genre de discussion entre députés au sein du comité de suivi. Il s’agit aujourd’hui de poser des questions aux personnes qui ont eu la gentillesse de venir devant notre commission. Notre réunion a pour but de nous enrichir de leurs avis pour alimenter les analyses stratégiques et politiques que nous échangerons ensuite entre nous.

M. Daniel Paul. Deux questions découlent directement de mes remarques préliminaires.

Premièrement, quels investissements sont prévus, aussi bien par RFF que par la SNCF, pour permettre au fret de rattraper les retards accumulés ?

Deuxièmement, les choix de la SNCF se sont orientés, depuis quelques années, vers une forme d’autonomie – ou de filialisation – du fret. Est-il exact que des cheminots sont dédiés au fret, qu’ils ne peuvent donc plus être utilisés pour d’autres trafics et qu’ils n’effectuent pas le temps de travail pour lequel ils sont normalement embauchés et rémunérés à la SNCF ? Est-il exact que cette filialisation entraîne des dysfonctionnements à l’intérieur de la maison SNCF ? Depuis 2003, le nombre de cheminots dans le seul secteur fret a été réduit de 10 000 et des centaines de lignes fret ont été supprimées. Si les solutions adoptées depuis quelques années pour remédier au retard du fret ne sont pas pertinentes, ne serait-il pas temps d’en changer et, éventuellement, de changer de philosophie ? C’est pourquoi, je faisais remarquer en introduction que, plus que des questions précises, ce sont les orientations et les choix politiques que nous devons examiner, la question essentielle étant : comment faire pour que le fret ferroviaire en France – et en Europe – soit mis au niveau des exigences requises aujourd’hui ?

M. Maxime Bono. Trois points sont inscrits à l’ordre du jour de notre réunion d’aujourd’hui : la relance du fret, l’ouverture à la concurrence et la nécessaire régénération du réseau. J’espère que nous aurons le temps d’aborder l’état du réseau, car c’est une préoccupation majeure de nos administrés en même temps qu’un élément déterminant pour le fret. Or nous prenons du retard pour l’entretien du réseau de fret, puisque nous sommes loin de consacrer les 500 millions d’euros supplémentaires nécessaires à son simple maintien en état.

Mes deux premières questions s’adressent plus particulièrement au Président de RFF. Premièrement, le fret est-il réellement une priorité pour RFF ? Si oui, comment va-t-elle s’exprimer ? Allez-vous partir des infrastructures existantes – par exemple, les ports – ou des trafics actuels ?

Deuxièmement, le contrat signé entre l’État et RFF prévoit d’intervenir sur les lignes recevant plus de dix trains par jour. Cela signifie-t-il que les lignes où circulent moins de dix trains seront abandonnées ou simplement qu’elles ne relèvent plus des priorités de RFF pour la régénération du réseau ?

Ma troisième question s’adresse au président de l’AFITF. Cette agence est désormais financée uniquement par des concours budgétaires. Compte tenu des programmes déjà engagés et de la dotation allouée, qui n’est jamais que la moyenne des crédits consommés précédemment, quelles sommes supplémentaires sont nécessaires pour permettre le développement d’un transport multimodal ?

M. Claude Gatignol. En ma qualité de député de l’Ouest de la Manche, je suis intéressé par deux lignes : Paris-Cherbourg et Paris-Granville, qui existe toujours en dépit de ses difficultés.

Ma première question porte sur le matériel roulant et l’état de la voie ferrée. Sur les lignes où l’on sait que la durée des trajets sera maintenue pour au moins une décennie, le confort doit être privilégié. Qui décide et qui finance en la matière, compte tenu de l’ouverture du réseau à la concurrence et des compétences données aux conseils régionaux ? Il règne un certain flou sur cette question.

Deuxièmement, la priorité continuera-t-elle d’être donnée aux lignes à grande vitesse au détriment de certaines lignes régionales ?

Troisièmement, quelles sont les orientations fixées pour le fret européen ? Sera-t-il interrégional ? Veillera-t-on à relier les zones portuaires au réseau ?

Quatrièmement, le Gouvernement a lancé un plan de relance des investissements. À quelle part peut prétendre le trafic ferroviaire ?

M. Raymond Durand. Deux brèves questions. Qu’en est-il du contournement de Lyon ? Où en est le projet Lyon-Turin ?

M. Bernard Lesterlin. Je me félicite de l’initiative que vous avez prise, Monsieur le Président, avec M. Jacob et M. Paternotte, de prévoir une réunion commune avec la commission des affaires européennes. Je n’ai eu de cesse, au cours de l’examen du Grenelle de l’environnement puis de la loi de finances, de déplorer, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, l’absence de l’Europe dans nos débats. Les investissements à très long terme et les montants en jeu – au-delà de la dizaine de milliards d’euros – imposent de raisonner au-delà des limites hexagonales.

Ma question s’adresse à la fois au Président de l’AFITF, au Président de RFF et au directeur général de la SNCF. Quelle est l’articulation prévue entre les nouveaux projets de long terme comme la LGV Paris-Bourges-Lyon – et toutes les nouvelles infrastructures évoquées lors du Grenelle et du débat sur le budget des transports – et la remise à niveau de l’existant ? Un TGV ne disposera que de quelques plateformes d’échange et de quelques gares sur son parcours. Il faudra pouvoir les rejoindre. Or, entre une ligne de TGV et certaines lignes existantes, il peut y avoir un décalage d’un demi-siècle, certaines lignes étant encore à voie unique et non électrifiées. L’électrification de Montluçon-Bourges, par exemple, a été évoquée par les responsables de la SNCF et de RFF.

Les propos du préfet Schmitt qui a reçu mission du ministre des transports de piloter la concertation laissent entendre que les choses avancent plus vite que nous ne pouvions le penser. Je représente une région – l’Auvergne – où le taux de ralentissement est le plus élevé et où les suspensions – pour ne pas dire les fermetures – de lignes se sont multipliées dernièrement. Nous aimerions avoir une vision plus claire de la stratégie de RFF et de la SNCF.

M. Louis Cosyns. Une grande partie de notre territoire n’est plus couvert par l’activité fret SNCF. Les OFP – opérateurs ferroviaires de proximité – devaient prendre le relais. Qu’en est-il ? Où en est le projet Proxirail ?

M. le Président Patrick Ollier. Je passe maintenant la parole à nos invités pour répondre à ce premier train de questions.

M. Gérard Longuet. Avant de répondre aux questions concernant l’AFITF, il me paraît utile de préciser son rôle. L’AFITF n’a pas vocation à se substituer à l’État. Elle met en œuvre une politique qu’elle ne définit pas. Elle n’aurait d’ailleurs aucune légitimité à le faire. Il y a un Parlement pour cela, un gouvernement responsable devant le Parlement et des comités interministériels pour préparer les décisions gouvernementales.

L’AFITF est responsable de la mise en œuvre financière des décisions prises à l’occasion du CIADT du 18 décembre 2003, qui est la charte fondatrice de l’agence. Elle a, par ailleurs, à la demande des ministres successifs, pris en charge un certain nombre de responsabilités liées à des infrastructures, pour l’essentiel de transport multimodales à dominante ferroviaire liées à l’interurbain, à une exception – significative – près : l’AFITF intervient dans les transports en commun en site propre, transports collectifs d’agglomération, à savoir les tramways.

Notre vocation est de veiller à ce que les moyens financiers soient mis à la disposition des maîtres d’ouvrage des travaux d’infrastructure. Parmi ces maîtres d’ouvrage figure – c’est un paradoxe que la Cour des comptes n’a pas manqué de souligner – l’État lui-même, lorsque nous finançons la part de celui-ci dans les contrats de plan Etat-région. Cette tâche nous incombe depuis que nous avons été dotés d’une partie des produits de privatisation de la part de l’État dans les sociétés d’autoroutes. Les 4 milliards d’euros de 2005 ont été entièrement consommés. Or, dans les CPER, il y a plus de route que de ferroviaire. À l’origine, les dépenses de subventions de l’AFITF – elle ne prête pas d’argent, mais verse des subventions – étaient à 70 % ferroviaires. Lorsqu’elle a été conduite à prendre en charge la part de l’État dans les CPER, ce taux est tombé à 50 %. Nos dépenses d’intervention sont passées de 1,2 milliard d’euros de subvention annuelle à 2 milliards, mais cette augmentation a fortement développé la part du routier par rapport au ferroviaire, parce que, dans les CPER, les demandes des régions étaient routières et peu ferroviaires.

L’AFITF a, certes, des recettes publiques, mais celles-ci ne sont pas nécessairement des recettes budgétaires. Nous percevons également la taxe d’aménagement du territoire payée par les sociétés d’autoroutes et la redevance domaniale, pour un total de 500 millions d’euros. Cela ne boucle pas notre budget, si bien que la participation de l’État a crû en 2008 et 2009. Il peut paraître paradoxal que l’État verse des sommes de son budget général à l’AFITF qui les verse à l’État... Le MEDAD ne s’en plaint pas parce que, ainsi, l’argent arrive où il doit aller. C’est l’avantage d’avoir un conseil d’administration composé de hauts fonctionnaires éminents et d’hommes politiques qui ont décidé de garder leur libre parole dans l’application de leur mission.

Nous avons l’espoir de voir se réaliser en France, grâce au Grenelle 1, une version du toll collect allemand, système de péage dématérialisé pour les poids lourds, refacturé aux utilisateurs de transport. Le projet est en cours. L’AFITF subventionne d’ailleurs largement les études pour permettre sa réalisation mais on peut difficilement espérer qu’il soit opérationnel avant 2011. Quand il le sera, nous pouvons espérer avoir, sur une enveloppe globale de plus de 2 milliards d’euros, 80 % de recettes venant de la route, s’apparentant à des redevances d’usage et non à des taxes.

Je répondrai maintenant à la question de M. Durand sur le Lyon-Turin ferroviaire. La mission que nous avons reçue à l’occasion du CIADT du 18 décembre 2003 est de faire en sorte qu’aucun temps ne soit perdu pour que les gouvernements puissent prendre leur décision sans retard. Nous nous trouvions en effet dans une situation paradoxale, puisque les gouvernements français et italiens devaient aboutir à un accord mais, cet accord n’étant pas certain, nous devions faire en sorte que le jour où il aboutirait, il n’y ait pas de solution de continuité et que les travaux puissent continuer. C’est le cas actuellement. Les 500 millions d’euros que nous avons budgétés sur à peu près cinq ans sont dépensés. Tous les travaux techniques préparatoires sur le tronçon central ont été réalisés, sans délai et sans perte. Les seuls retards constatés sont du côté italien, mais ils sont en voie de solution. Nous sommes en train de financer les études pour la conception juridique de la société de réalisation et d’exploitation de la partie centrale. Tout est prêt pour le moment où la volonté politique s’exprimera. Aucun temps n’est perdu.

Si les deux grands souterrains, sous Belledonne et sous la Chartreuse, ne sont pas actuellement prévus, tous les travaux d’amélioration du réseau existant pour le contournement de Lyon ont déjà été engagés.

En résumé, le ferroviaire est très aimé de l’AFITF, y compris dans sa dimension exploitation, puisque nous sommes partenaires de Bettembourg-Perpignan. Nous espérons bien, à force d’enfoncer le clou, faire la démonstration de la pertinence de cette autoroute ferroviaire.

M. Hubert du Mesnil. L’État a confié à RFF la responsabilité de gérer le réseau et de l’aménager pour qu’il réponde aux différents besoins, notamment à ceux du fret. Notre priorité absolue est de fournir des sillons de qualité permettant aux trains de circuler.

Les choix qui sont faits concernant le réseau ne dépendent pas de RFF. Ils sont discutés et partagés. L’État joue un rôle de leader en la matière. C’est lui qui décide de faire ou non une nouvelle ligne. Comme la plupart des opérations ferroviaires sont cofinancées par l’État, les collectivités locales – principalement les régions – l’AFITF et RFF et, à travers RFF, les utilisateurs du réseau par les péages, ces organismes sont également impliqués. Nous devons nous organiser – cette commission peut y contribuer – pour réfléchir entre nous aux besoins et à la manière d’y répondre et de les financer.

Fait-on ce qu’il faut sur ce réseau pour le fret ? Je rappelle tout d’abord que, quand on fait des investissements sur le réseau, il est difficile de dire, s’ils sont destinés au fret ou aux voyageurs, la plupart des réseaux étant utilisés à la fois par les deux. Il est donc impossible d’indiquer les sommes dépensées spécifiquement pour le fret.

Les investissements sur le réseau ferroviaire augmentent d’année en année, de manière assez impressionnante. Ils étaient de 2,6 milliards il y a deux ans, ils vont dépasser 3 milliards cette année. Avec le plan de relance, ils vont avoisiner les 3,4 milliards.

Sur ces 3 milliards, la moitié est employée pour renouveler l’existant, c’est-à-dire changer les voies, l’autre moitié pour améliorer et développer. Dans la partie consacrée au développement, une moitié concerne le réseau existant et l’autre les lignes à grande vitesse. En d’autres termes, l’argent que nous dépensons aujourd’hui en France pour les LGV représente le quart de l’investissement ferroviaire total, la moitié allant au renouvellement de l’existant.

Dans le cadre du Grenelle, nous avons souhaité que l’on pose comme principe de donner la priorité au réseau existant. Nous ne contestons pas l’intérêt des lignes à grande vitesse mais nous pensons – et cet avis est maintenant largement partagé – que ce serait une erreur de continuer à dépenser autant, voire de dépenser encore plus, pour les LGV – Dieu sait si elles sont attendues – et de ne pas assumer la responsabilité que nous avons de conserver, de valoriser et de développer le patrimoine constitué par le réseau existant, en particulier dans l’intérêt du fret.

Toutes ces remarques montrent que nous travaillons pour le fret. Le faisons-nous assez ? Si cela n’a pas, à l’évidence, été le cas dans le passé, des décisions lourdes sont prises aujourd’hui. Nous avons lancé un premier plan de rénovation il y a deux ans. Nous venons d’en lancer un nouveau, plus ambitieux et plus long, qui nous donne la responsabilité jusqu’en 2015 de conduire la rénovation du réseau pour un montant de 13 milliards d’euros. L’État nous fait confiance. Si, une année, nous n’avons pas les financements propres suffisants pour faire la tranche annuelle, nous avons le droit d’emprunter. C’est une décision lourde de conséquences et de responsabilités pour l’avenir.

La rénovation du réseau concerne l’ensemble des lignes, notamment les petites. Nous sommes actuellement conduits à faire des efforts très importants sur de petites lignes – les lignes 7 à 9 dans notre jargon – largement utilisées par le fret et les trains régionaux. Cet effort est rendu possible parce que les régions ont accepté, alors qu’elles n’y étaient pas obligées, de « mettre la main à la poche » pour contribuer au redressement, à la rénovation et parfois au salut de lignes menacées.

Le nombre de dix trains par jour posé comme minimum pour intervenir sur une ligne n’est pas un dogme. C’est un signal d’alerte. Quand moins de dix trains par jour circulent sur une ligne, nous devons nous interroger, avec les collectivités locales, les industriels, les chargeurs, sur les raisons de cette faible fréquentation. Soit la ligne n’est pas utile et il faut en tirer les conséquences. Soit elle n’est pas en état et il faut la rénover. Soit elle est mal exploitée et il faut chercher à y remédier.

Quels types d’investissement sont nécessaires pour le fret ? L’éventail est très large. Il nous faut, par exemple, dépenser de toutes petites sommes pour aménager une voie de service d’un petit triage auquel il manque 100 mètres de longueur. Nous avons décidé, avec la SNCF, de prendre sur nous ces petits investissements sans rien demander à personne. Si un train de 500 mètres de long ne peut pas s’arrêter dans une gare de triage, parce que la voie n’est pas assez longue, il ne faut pas perdre de temps en « parlotes », il faut agir. À l’autre bout de l’échelle, un contournement de grande ville est un très grand projet qui relève de la décision et de la responsabilité de l’État. Nous avons suggéré que, dans la loi Grenelle, la notion de grand projet ne concerne pas uniquement les lignes à grande vitesse voyageurs, mais soit étendue aux projets intéressant le fret, qui sont essentiellement les projets de contournement.

Ces projets sont parmi les plus difficiles à réaliser parce que, lorsqu’une voie ne transporte pas beaucoup de voyageurs à grande vitesse, elle est difficile à financer : il n’y a pas de péages payés par les voyageurs, les collectivités locales considèrent souvent que le fret n’est pas pour elles, les péages fret sont très faibles pour RFF.

En résumé, il faut, pour favoriser le fret, d’une part, sauver les petites lignes lorsqu’elles lui sont utiles et rénover le réseau existant, d’autre part, trouver les moyens de financer de très grands projets. Dans un avenir lointain, lorsque – nous l’espérons – le trafic de fret arrêtera de diminuer comme il le fait depuis vingt ans et se remettra à croître, si nous n’avons pas financé les contournements, cette croissance sera compromise.

M. le président Patrick Ollier. Ce que nous avons entendu jusqu’à présent me semble aller dans le bon sens. En effet, il est bon de s’intéresser à la « vitrine » que sont les trains à grande vitesse, mais il ne faut pas oublier pour autant le « fonds de commerce », à savoir le réseau ferré existant.

M. Philippe Francin. S’agissant des investissements dans les infrastructures lourdes, la CFE-CGC considère que la SNCF n’a pas à se substituer à RFF. La SNCF doit avoir ses propres investissements, par exemple en matière de matériel, de politique commerciale et d’infrastructures, mais elle n’a pas à assumer une responsabilité qui revient à l’Etat.

Selon nous, la situation actuelle mérite d’être clarifiée : certains investissements commerciaux, tels que ceux évoqués par le président de RFF, sont effectivement envisageables ; toutefois, il n’y pas lieu que la SNCF sorte de son rôle, et l’État ne doit pas continuer à exercer les ponctions que nous avons connues dans le passé.

Que des cheminots soient exclusivement affectés à l’activité de fret pose aussi un véritable problème. La SNCF a certes le droit de s’organiser comme elle l’entend, mais il faut éviter que son organisation la fragilise parce qu’elle occasionne des rigidités. Or, il se trouve que les personnels affectés au transport de fret ne sont plus en mesure de participer à d’autres activités, alors qu’il faudrait parfois être capable de prêter main forte ailleurs en cas de difficulté.

La coexistence entre les activités de transport de fret et de voyageurs est également une vraie question. En Alsace, par exemple, il n’est plus possible de faire circuler des trains de fret en cours de journée à cause du cadencement des TER et de la circulation des TGV. Les mêmes difficultés se présentent dans la région lyonnaise, ainsi que dans bien d’autres zones. Si l’on veut réellement développer les activités de fret, il faudra donc envisager de réaliser des investissements spécifiques, du type LGV fret.

Pour cela, nous aurons notamment besoin d’un effort de mise en cohérence au plan européen. Il faut en effet éviter de reproduire l’exemple belge en matière de LGV : il est difficilement compréhensible que la réglementation change lorsque l’on traverse la frontière, alors qu’il s’agit des mêmes voies, des mêmes caténaires et du même matériel.

La dimension sociale mérite enfin la plus grande attention, car le développement ferroviaire au plan européen ne doit pas se faire à l’image de ce qui s’est passé dans le secteur routier, victime de graves conséquences sociales depuis des années. Nous avons besoin d’un lissage des règles applicables dans un sens favorable aux salariés. Pour cela, il faudra veiller à ce que l’on adopte une vision globale de la politique de développement ferroviaire au niveau européen.

M. Didier Le Reste. Les débats sur l’avenir du fret ferroviaire présentent un intérêt particulier compte tenu des attentes de la collectivité nationale, dont le Grenelle de l’environnement a su se faire l’écho en dépit d’un certain nombre d’insuffisances.

Vous avez posé d’emblée la principale question, Monsieur le Président : comment en sommes-nous arrivés à la situation actuelle en France ? Parmi les différentes responsabilités qui s’entremêlent, il y a d’abord celle des politiques publiques : cela fait plus de trente ans que la priorité est donnée au « tout routier » de façon générale et, dans le secteur ferroviaire, au « tout TGV ». On a ainsi délaissé les infrastructures classiques ainsi que l’activité de fret. Alors que le réseau routier a triplé en trente ans, celui du fret a stagné, voire régressé.

Je rappelle que près de 80 % du trafic se concentre aujourd’hui sur 30 % du réseau ferré et que 50 % des lignes ne sont pas électrifiées, ce qui explique la constitution de points de saturation à certains endroits. Du fait de la dégradation du réseau et du non respect des normes de sécurité, les trains sont par ailleurs obligés de ralentir sur plus de 1 800 kilomètres – et je ne parle même pas des lignes qui ont été fermées, en particulier dans le Massif central.

De la responsabilité politique relèvent également la question de l’internationalisation des coûts externes, la nature des politiques sociales menées dans le domaine des transports routiers, ainsi que l’endettement de RFF, dont le niveau actuel – 28 milliards d’euros – ne peut que nuire aux investissements. Ceux-ci sont également entravés par les contraintes posées par l’article 4 du décret qui a institué RFF. Sans instruire ici le procès de la réforme menée en 1997, il me semble tout de même que les points négatifs l’emportent sur les aspects positifs.

Il y a ensuite une part de responsabilité qui relève de la gestion interne de la SNCF. À cet égard, le temps est sans doute venu de faire un retour d’expérience sur les stratégies qui ont conduit à la situation actuelle. Je rappelle que la SNCF transportait 56 milliards de tonnes-kilomètres en 2000, année au cours de laquelle son déficit d’exploitation s’élevait à 86 millions d’euros. Depuis cette date, la part du trafic ferroviaire dans le volume total des transports a chuté de 20 à 12 %. En 2003, la SNCF ne transportait plus que 47 milliards de tonnes-kilomètres, tandis que le déficit atteignait 450 millions d’euros. À l’issue du plan de restructuration « Véron », lancé par l’ancien directeur du fret, nous transportons aujourd’hui moins de 35 milliards de tonnes-kilomètres, et le déficit devrait s’élever à 350 millions d’euros pour l’année 2008. On annonce même qu’il pourrait revenir au niveau atteint en 2003 en l’absence d’inflexion notable.

J’ajoute que le trafic a diminué de 15,7 % au cours des 11 premiers mois de l’année 2008, et les recettes de 13 %. Il faudrait bien sûr faire la part entre ce qui relève de la conjoncture économique et de la stratégie de la SNCF, mais je rappelle que 40 % des effectifs de cheminots affectés au fret ont été supprimés depuis 2003. L’appareil de production a été amputé, ce qui limite d’autant les moyens permettant de développer le fret. On a ainsi fermé 500 gares assurant un trafic de fret par wagons isolés, ainsi que des milliers de dessertes et de gares de triage. C’est d’autant plus regrettable que l’un des atouts de la SNCF est de bénéficier d’un réseau puissant, caractérisé par une grande capillarité, des matériels roulants nombreux et des cheminots dotés d’une forte compétence professionnelle.

Au total, les différentes mesures de réorganisation destinées à rétablir un équilibre financier « par le bas » ont été un échec. Le rapport remis en 2006 par Benedikt Weibel, ancien président des Chemins de fer fédéraux suisses et membre du conseil d’administration de la SNCF, qui préconisait d’en revenir à une politique de croissance en volume afin de réduire les coûts fixes, n’a malheureusement pas été suivi d’effets. Au contraire, la SNCF a tenté de restaurer ses marges financières en supprimant massivement des emplois et en cassant l’appareil productif, à tel point qu’elle doit aujourd’hui utiliser des camions afin d’acheminer son propre matériel.

Les organisations syndicales avaient pourtant formulé de nombreuses propositions alternatives. La co-gestion n’est pas en vigueur à la SNCF, mais nous jouissons d’une certaine expertise et nous représentons les salariés, ce qui devrait conduire à nous octroyer un droit de cité. Or, le dialogue social s’est considérablement dégradé : le rôle des organisations syndicales a été cantonné à l’accompagnement des conséquences sociales de stratégies sur lesquelles elles n’ont pas de prise.

Compte tenu des conséquences désastreuses produites par les précédentes mesures de réorganisation, il me semble qu’il serait bon d’accepter de nous écouter. Il faudra bien que l’on finisse par se retrouver autour de la table et que l’on procède à un retour d’expérience. Ce que nous proposons, pour notre part, concerne tant le désendettement, l’organisation de la production, la question des wagons isolés et l’investissement, que la situation des infrastructures ou encore la présence du fret SNCF dans les ports. Les cheminots ont les moyens et la volonté de redresser durablement la situation afin de relever les défis actuels.

M. Jean Lenoir. Je rappelle que le report modal vers le secteur ferroviaire avait fait l’objet d’une quasi-unanimité lors du Grenelle de l’environnement. Or, on assiste aujourd’hui à des transferts massifs au profit de la route. Il faut donc agir – et très vite.

Mon premier constat est que le trafic tend à devenir de plus en plus diffus et à s’effectuer sur de plus longues distances. Cela ne signifie pas qu’il faut négliger le trafic massif, bien au contraire. Je pense notamment aux autoroutes ferroviaires et au transport combiné, qui sont autant de vecteurs prometteurs du point de vue de l’efficacité, de la qualité et du coût.

Pour favoriser leur développement, il est tout à fait possible de s’appuyer sur les infrastructures actuelles : sur l’axe Nord – Méditerranée, par exemple, la ligne empruntant la rive droite du Rhône pourrait être modernisée, et je sais que RFF envisage de rénover des lignes parallèles sur l’axe Nord – Atlantique. Cette stratégie me semble bonne, pourvu que l’on réalise également des investissements sur les lignes classiques, en particulier là où il existe des points de saturation – le contournement de Lyon en est un exemple-type.

Chacun sait par ailleurs que « ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières ». Pourtant, le trafic diffus tend à être abandonné : on ferme des gares assurant un trafic de fret par wagons isolés, alors qu’il faudrait à l’inverse développer les opérateurs de proximité. Au demeurant, peu importe que ceux-ci soient à caractère public ou privé : c’est leur souplesse qui compte, ainsi que leur efficacité économique et leur complémentarité avec le réseau principal.

S’agissant de ce dernier, il y a désormais coexistence entre l’opérateur national historique et les opérateurs privés, qui se portent en priorité sur le trafic le plus rentable, ce qui prive la SNCF de sa principale source de revenus.

J’en viens aux relations entre le développement des TER et celui du fret. Pour sa part, la FNAUT estime qu’il ne saurait y avoir d’opposition qui tienne en la matière. Les investissements réalisés par RFF sont autant d’opportunités à saisir, y compris sur les lignes à faible trafic : les chemins de fer étant un secteur à rendements croissants, on peut améliorer dans le même temps le fret ferroviaire et l’exploitation des TER en ajoutant, chaque jour, quelques trains de fret gérés de façon économique.

Je trouve par exemple dommage que l’on ait fermé la ligne reliant Montluçon et Clermont-Ferrand, car deux industries lourdes, situées à proximité des extrémités nord et sud de la ligne, ont ainsi été privées de toute possibilité de recourir au trafic par wagons isolés, alors que ce service pouvait tout à fait être assuré. Autre exemple, le train de fret entre Gap et Grenoble fait un détour par Avignon, avant de passer par Valence, ce qui me paraît une aberration compte tenu des sommes considérables dépensées par RFF pour moderniser les lignes de TER dans les Alpes. Il faut retrouver notre bon sens et veiller à valoriser les lignes secondaires au même titre que les lignes principales.

M. Rémi Aufrere. Je ne reviendrai ni sur les chiffres cités par Didier Le Reste, ni sur les propos de Philippe Francin, que je tiens à saluer. Permettez-moi en revanche de m’interroger sur la pertinence que revêtent aujourd’hui certaines prises de position concernant la dette de RFF. En juin dernier, un honorable parlementaire estimait encore que sa reprise par l’État n’était pas une option envisageable. Or, on a pu constater, depuis cette date, que la vie économique pouvait très vite changer, à l’instar d’ailleurs de la vie politique…

J’en viens à la question de la régulation, qui présente une importance capitale pour l’évolution des chemins de fer, car son but est de permettre au secteur privé d’accéder au réseau ferroviaire. Sachant que 10 000 kilomètres de voies ferrées ont été fermés depuis 1982, et qu’il existe des ralentissements sur 1 800 autres kilomètres, on peut se demander quel sera l’avenir du réseau national. Si les investissements de rénovation se poursuivent au rythme actuel, ce sont près de 5 000 kilomètres supplémentaires qui pourraient remis en question dans les dix années à venir.

En effet, bien que la concurrence soit devenue un fait économique et politique, elle ne s’exerce réellement que sur les segments rentables, qu’ils soient gérés par des entreprises privées ou par la SNCF, à laquelle l’État demande de dégager un excédent brut d’exploitation. Ce serait donc faire preuve d’une obsession étrange que d’encourager la concurrence sans imposer concomitamment une participation des différents opérateurs au financement de l’ensemble du réseau. En tant que représentants de la nation, vous devez être conscients que si vous vous contentez d’encourager le développement du réseau ferroviaire en comptant sur les seuls principes de concurrence et de rentabilité des entreprises, il en résultera la fermeture de nombreuses lignes et de nombreuses gares. L’aménagement du territoire et la notion de service public ferroviaire sont donc en jeu.

Quand on songe qu’il est question, outre-Atlantique, de relancer l’économie au moyen d’investissements dans les services publics, on peut d’ailleurs se demander si la France n’accuse pas un certain retard historique. Nous restons en effet engagés sur la voie des privatisations, y compris dans le domaine ferroviaire.

La principale question en matière de régulation, je le répète, porte sur le financement de la rénovation et du développement des infrastructures. À cet égard, je me félicite que l’on envisage désormais de privilégier le réseau classique. Nous avions en effet été fort étonnés de voir apparaître, à la fin du Grenelle de l’environnement, l’objectif de construire 2 000 kilomètres de lignes à grande vitesse supplémentaires en l’absence de tout financement correspondant. Sans doute fallait-il y voir une pure volonté d’affichage de la part d’un Gouvernement placé sous l’influence du Conseil général des ponts et chaussées.

Si le Grenelle a permis de dégager un large consensus sur la nécessité d’un report modal, il ne faut pas se cacher que nous rencontrerons de nombreuses difficultés sur ce chemin, et qu’il faudra consentir des efforts sociaux et économiques importants, notamment afin de recycler les effectifs employés dans le secteur routier. Une telle évolution n’aura pas lieu sans une part de souffrances.

C’est pourquoi FO a proposé la création d’un fonds national de péréquation, auquel devraient participer tous les opérateurs dès lors qu’ils accèdent au réseau. En effet, la rentabilité des segments qui les intéressent ne doit pas être la seule réalité économique prise en compte.

En dernier lieu, on peut regretter que la Présidence française de l’Union européenne n’ait pas été une plus grande réussite en matière de transports. Nous avons en effet besoin d’un grand plan européen d’investissements conforme aux objectifs du développement durable. Il y a urgence dans ce domaine. On pourrait donc légitimement dispenser du respect des critères de déficit budgétaire les États qui réaliseraient, dans la plus grande transparence et sous le contrôle de l’Union européenne, un effort d’investissement dans certaines infrastructures de transports.

M. Stéphane Leblanc. Sud Rail n’étant pas systématiquement convié à toutes les réunions, je veux d’abord vous remercier, Monsieur le Président, de nous avoir invités aujourd’hui.

Sur le fond, cela fait dix-huit ans que l’Union européenne a adopté la première directive prônant la libéralisation et la mise en concurrence en vue de favoriser le développement du secteur des transports à l’échelle européenne. Il serait donc grand temps d’établir un bilan objectif de cette politique.

À l’exception de quelques pays, la part du transport ferroviaire a décru partout en Europe. Le fret ferroviaire a même atteint un niveau historiquement bas en France, où l’on constate que les trois-quarts du déficit de la SNCF résultent de l’activité de transport par wagons isolés. Certains en tirent la conséquence qu’il faudrait accentuer la libéralisation du secteur des transports, dégrader les conditions de travail des cheminots, voire mener à bien une privatisation complète. Mais on peut à l’inverse en déduire que le développement du fret ferroviaire ne peut être que le fruit d’un choix politique clair et assumé, respectant les objectifs du développement durable. En effet, cette activité n’est pas nécessairement rentable.

Je ne reviens pas sur le constat établi par Rémi Aufrere, mais j’aimerais insister sur la politique d’intégration industrielle menée par la SNCF, qui vise à segmenter chaque activité et à la rendre financièrement autonome. Il faut en effet se demander quel type de développement du transport ferroviaire on souhaite. Voulez-vous faire prévaloir le critère de rentabilité ou bien des objectifs liés à l’aménagement du territoire et au Grenelle de l’environnement ? C’est une question que la représentation nationale devrait impérativement se poser.

Je rappelle que Sud Rail avait demandé, en compagnie d’autres organisations syndicales, que l’on établisse un bilan de l’hyper-spécialisation des agents avant le lancement de l’intégration industrielle. Quand le train de fret que je devais conduire était supprimé, pour une raison ou pour une autre, je pouvais autrefois remplacer un conducteur de train de voyageurs. Or, cette souplesse est désormais impossible, ce qui réduit naturellement la réactivité de la SNCF.

D’autre part, chacun sait que la création de RFF a nui à la cohérence et à l’efficacité de notre système ferroviaire, car elle l’a fait éclater, alors que sa nature même imposait d’appliquer un principe d’intégration. Les rapports remis par le Conseil supérieur du service ferroviaire français et par la Cour des comptes auraient dû vous conduire à y réfléchir. Hélas, le fait qu’on envisage aujourd’hui d’instaurer un régulateur ferroviaire, voire une direction des transports et une direction des gares, toutes deux autonomes, donne plutôt l’impression d’une fuite en avant.

M. le Président Patrick Ollier. Je rappelle que tout peut être dit ici, exception faite des propos tendant à mettre en cause les uns ou les autres, ou bien à donner des leçons. C’est à nous seuls de déterminer quel est notre rôle en tant que députés, et de tirer les conséquences des analyses qui nous sont présentées.

M. Dominique Aubry. La CFDT fait siens les propos qui viennent d’être tenus par les autres organisations syndicales. Je ne reviendrai pas non plus sur les positions que nous avons défendues ici même, le 26 novembre dernier, bien qu’elles demeurent d’actualité.

Je voudrais en revanche indiquer que le groupe SNCF devra s’interroger sur l’organisation du fret ferroviaire du point de vue de la qualité du service et des attentes de ses clients. Il faudra privilégier les coopérations et les synergies entre le fret SNCF et les différentes filiales du groupe, notamment Geodis, afin de proposer une offre globale et multimodale en valorisant le savoir-faire de l’ensemble des cheminots. Pour développer le fret SNCF, il faudra également prendre appui sur notre positionnement et notre expérience en matière internationale. Nous devons faire jouer la capillarité qui caractérise notre réseau, comme le rappelait Didier Le Reste.

Il serait en outre nécessaire d’obtenir un engagement fort de l’État, autre acteur essentiel dans le secteur des transports. Afin de réaliser les investissements massifs qui s’imposent, nous avons en effet besoin d’une véritable ambition politique et d’un désendettement du système ferroviaire. L’État doit encourager les politiques intermodales en adressant des signes forts, notamment en ce qui concerne l’équité concurrentielle aujourd’hui demandée par le groupe SCNF et par les chargeurs.

S’agissant des wagons isolés, la CFDT n’est pas opposée aux expérimentations portant sur les opérateurs de proximité, parmi lesquels la SNCF a d’ailleurs toute sa place. Nous souhaiterions en revanche l’établissement d’une mission d’intérêt général en matière de transport des matières dangereuses, de fret dans les zones diffuses et les zones de montagne ainsi que de contournement des grandes villes.

Nous demandons également que la tarification de l’infrastructure soit une mission confiée au régulateur ferroviaire.

S’agissant de l’action revenant à RFF, il nous semble que la priorité devrait être accordée à l’amélioration de la qualité des sillons grâce à des investissements destinés à supprimer les ralentissements, à mettre au gabarit les grands itinéraires de fret et à « désaturer » le réseau en réduisant les goulets d’étranglement et en assurant l’électrification des itinéraires alternatifs.

Nous voudrions enfin adresser un message au futur régulateur, qui aura, lui aussi, un rôle important à jouer dans le développement du fret ferroviaire : il devra veiller à ce que la concurrence puisse jouer dans des conditions équitables, notamment en matière de passation de marchés ; il devra également garantir la cohérence du système ferroviaire et l’équilibre du financement des infrastructures par l’État, les collectivités territoriales, RFF et les entreprises.

M. Roger Dillenseger. De nombreux intervenants ayant présenté, avant moi, leur analyse de la situation actuelle, j’aimerais savoir dans quelle mesure ces éléments de contexte serviront de point de départ aux travaux de l’Assemblée.

Pour sa part, la CFTC souhaite rappeler qu’il faudra veiller à intégrer la dimension européenne des transports au sein de notre politique ferroviaire, notamment en ce qui concerne les flux issus des zones portuaires du Nord de l’Europe.

Afin de développer véritablement les autoroutes ferroviaires, qui demeurent aujourd’hui au stade de l’affichage, nous demandons également qu’une concertation soit organisée avec les transporteurs routiers, et non avec les seuls opérateurs ferroviaires.

En dernier lieu, je rappellerai très brièvement qu’il ne faudra pas oublier les conditions de travail et d’emploi des personnels travaillant dans le secteur des transports ferroviaires. Pour cela, il faudra notamment se placer dans une perspective européenne.

M. le Président Patrick Ollier. Pour répondre à votre question, vous connaîtrez la position de l'Assemblée nationale quand elle l’aura prise. C’est une évidence.

M. Cyrille du Peloux. S’agissant de Véolia Transport, je précise que nous sommes présents dans plusieurs pays européens, mais que nous n’intervenons que très marginalement en France, où nous exerçons seulement nos activités dans le domaine du fret, mais pas encore dans celui du transport de voyageurs.

Je commencerai donc par évoquer la situation en Europe. Celle-ci se caractérise avant tout par l’existence d’une forte dynamique dans le secteur ferroviaire depuis quelques années. En Allemagne, où nous sommes le deuxième opérateur en matière de fret et de voyageurs, le secteur ferroviaire est par exemple en pleine croissance.

Je peux également vous indiquer que la crise économique n’affecte pas le transport de voyageurs, qui tend plutôt à augmenter, et qu’elle ne ralentit le développement du fret que sur certains axes et dans quelques secteurs très précis.

Pourquoi sommes-nous moins en avance en France que dans d’autres pays ? Contrairement à ce que j’ai pu entendre ce matin, je pense que la question de fond est d’abord celle de la concurrence. En effet, cela fait des années que tous les autres pays européens ont veillé à instaurer une régulation correcte dans ce domaine, et qu’ils ont ouvert à la fois le fret et le transport de voyageurs à la concurrence. Ces deux aspects sont liés l’un à l’autre, notamment pour des raisons tenant au développement des infrastructures et à la circulation des trains.

Le projet de loi qui viendra bientôt en discussion à l’Assemblée nous semble d’une importance fondamentale, car il tend à mettre enfin en place un dispositif de régulation dans notre pays. À ce sujet, il faudra donner un véritable pouvoir au régulateur, notamment en matière économique, et accorder à RFF les moyens de garantir la qualité des sillons. Les industriels et les voyageurs ont en effet besoin de services de qualité et ponctuels. Pour cela, il faudra que RFF puisse s’assurer que les sillons vendus sont bien disponibles le moment venu, ce qui nécessite de pouvoir agir sur les conditions de circulation des trains et sur les travaux.

Pour y parvenir, une méthode radicale est d’isoler complètement la circulation et la gestion des travaux, comme l’ont fait les autres pays européens. Cela me semble la meilleure solution, mais on peut également envisager une option intermédiaire, consistant en une filialisation de ces activités au sein de la SNCF. En revanche, il faut être conscient que l’on ne rendra pas service à la SNCF en retardant cette évolution – son président en est lui-même bien conscient.

Je rappelle à cet égard que la Deutsche Bahn, avec laquelle nous sommes en concurrence en Allemagne, n’a jamais été aussi forte que depuis qu’elle est en situation de concurrence. Si l’on crée des emplois dans le domaine ferroviaire partout en Europe, c’est parce qu’on a mis fin aux monopoles, de même qu’on l’a fait dans le domaine des télécoms et de l’énergie en France. Si EDF peut aujourd’hui partir à la conquête des marchés britanniques et américains, c’est parce qu’elle évolue désormais dans un contexte de concurrence.

S’agissant des investissements, l’essentiel est que RFF concentre d’abord ses efforts sur les goulets d’étranglement, notamment les contournements de Lyon et de Paris. C’est ainsi que l’on pourra favoriser l’essor des transports ferroviaires dans notre pays, où il existe un fort potentiel de croissance, à l’image de ce qui se passe en Allemagne.

Pour toutes ces raisons, je me réjouis particulièrement que l’Assemblée examine bientôt le projet de loi relatif à la régulation et à l’ouverture du marché ferroviaire.

M. le Président Patrick Ollier. Je le répète, chacun dit ce qu’il veut, mais je ne souhaite pas que s’instaure un débat entre les participants à cette réunion, l’objectif étant que nous, parlementaires, nous fassions notre propre opinion pour procéder à une analyse et essayer de dégager des propositions.

M. David Azema. Il me semble un peu exagéré d’établir une relation de cause à effet entre la plus grande prospérité de certains opérateurs et l’ouverture à la concurrence au simple motif que ces deux phénomènes ont été concomitants… Il ne faut en effet pas oublier que dans les pays où l'on trouve aujourd'hui des opérateurs prospères, la question du financement du système ferroviaire a été préalablement réglée, conformément d'ailleurs aux textes européens – dans des conditions, il est vrai qui ne satisferaient pas nécessairement l'ensemble des représentants du personnel de la SNCF…

M. Le Reste a déploré l'insuffisance du dialogue stratégique avec la direction de SNCF. J'en ai d'abord été peiné, car j'avais le sentiment que nous avions essayé de mener un tel dialogue, mais perception est raison. J'ai surtout réalisé qu'à travers la direction de la SNCF, nombre des personnes présentes dans cette salle cherchent en fait à dialoguer avec l'État : bien des questions évoquées ici ne relèvent pas de la compétence de la direction financière, stratégique ou générale de l'entreprise – car, depuis 1937 la SNCF est constituée en entreprise à qui l'on demande de subvenir à ses propres besoins, certes avec quelques concours publics, mais elle se distingue donc d'un acteur public financé par l'impôt. Plusieurs questions stratégiques qui ont été évoquées, comme celle du traitement des énormes coûts fixes du système ferroviaire en une période de montée en puissance des systèmes routier et aérien, relèvent de la politique globale des transports et l'entreprise SNCF n'a donc pas toutes les réponses.

J’invite par ailleurs la commission à s'interroger, avec un certain nombre d'experts, sur la réalité des rendements croissants du système ferroviaire. Il s'agit en effet d'un secteur à rendements croissants par paliers et ensuite à rendements décroissants.

Il y a selon moi deux schémas possibles pour le secteur ferroviaire. Le premier, que l'on a connu pendant bon nombre d'années, est celui d'un monopole qui intègre tout le système, qui le fait fonctionner, qui définit certaines priorités en son sein et qui demande ensuite une subvention d'équilibre aux pouvoirs publics. Ce système fonctionne à condition que la subvention d'équilibre soit effectivement versée.

Mais, à la suite de deux évolutions essentielles, ce n'est plus ce système qui prévaut en France. La première évolution est intervenue en 1997, quand on a dissocié la responsabilité financière de celle d'opérateur et de mainteneur du réseau. Cela a d'ailleurs amené à abaisser considérablement le point mort de la SNCF puisque le risque de financement ne pèse plus sur elle.

La deuxième évolution, qu'il faut avoir en permanence présente à l'esprit, est l'ouverture à la concurrence : nous ne sommes plus dans un système monopolistique intégré qui pouvait se boucler par une subvention d'équilibre, mais dans un système ouvert, avec des acteurs multiples dont les intérêts divergent parfois, qui doit impérativement être régulé, sauf à revenir au schéma précédent.

Dès lors que l'on tient compte de ces évolutions, on ne peut répondre dans le cadre de la seule SNCF aux questions posées. Elles relèvent en effet des débats publics sur la politique des transports : comment assure-t-on le financement du coût fixe du système de fret ferroviaire, en particulier du wagon isolé, ce dernier étant d'ailleurs aussi un gage de la prospérité du train entier ? Les concurrents se concentrent sur les niches de trains entiers, mais seraient-ils en mesure de développer leur propre trafic si nous n’assurions pas le reste ? Seraient-ils en mesure de conserver les clients qui font le choix du fret ferroviaire au lieu de se tourner vers la route ?

Autre question, s'agissant des « trains corail intercités » vers l'ouest de la France : qui paiera demain le matériel roulant ? Pour l'instant, héritage du système intégré faisant des péréquations en son sein, la SNCF continue d'assumer la charge de ces trains à hauteur de 60 millions d'euros de pertes par an. Mais qu'adviendra-t-il le jour où des concurrents viendront lui prélever la « rente TGV » qui lui permet jusqu'à présent d'assurer cette péréquation ? Je rappelle quand même que, quand on dit que l'on privilégie le TGV au détriment de tout le reste, le financement de tout le reste, y compris le renouvellement du matériel roulant, est assuré par le TGV ! On va donc prélever sur la capacité de financement de l'entreprise puisque la concurrence va faire baisser les prix sur les trafics positifs et il faudra bien trouver d'autres solutions pour les autres trafics.

Si nous, entreprise, avons fait un certain nombre de choix d'organisation au regard des caractéristiques des marchés et de nos clients, c'est parce que nous nous préparons à cette concurrence. On ne peut pas nous mettre sur le dos l’évolution institutionnelle et dynamique de système ferroviaire qui résulte d'orientations politiques, qu’il ne m'appartient aucunement de commenter ou de contester mais dont je dois simplement tenir compte comme des contraintes pour essayer que l'entreprise SNCF et ses salariés tirent au mieux leur épingle du jeu.

M. le Président Patrick Ollier. Personne ne dit qu’il vous incombe de supporter en totalité le fardeau. Nous sommes tout à fait conscients que des erreurs ont été commises dans le passé et que les responsables en ont été ceux qui dirigeaient, pas ceux qui étaient chargés d'appliquer leurs décisions : les entreprises, surtout lorsqu'elles ont l'État comme actionnaire unique, sont là pour appliquer les politiques décidées par l'actionnaire. Nous assumons nos responsabilités et c'est précisément pour cela que j'ai souhaité que nous recherchions des solutions.

M. Daniel Paul. Certains points me paraissent devoir être mis particulièrement en exergue à l'issue de cette très intéressante réunion.

En premier lieu, il apparaît que les solutions qui ont été mises en œuvre jusqu'à présent doivent être remises en cause, au sein de l'entreprise mais surtout au niveau du ministère des transports et plus généralement du pouvoir politique.

En deuxième lieu, le réseau de la SNCF représente un atout et si l'on ne s'efforce pas de préserver l’effet réseau, le fret et tout le reste de l'activité risquent d'en pâtir.

En troisième lieu, le fret ferroviaire devrait être une priorité nationale et même européenne, non pas uniquement au titre de l'environnement mais tout simplement parce que la mondialisation l’impose.

Il faut ensuite, comme l'a souligné M. Azema, désendetter la SNCF et RFF.

Je souhaite enfin qu'une des missions de notre comité de suivi soit de dresser un bilan de ce qui s'est passé dans le domaine ferroviaire dans les différents Etats d'Europe.

M. Bernard Lesterlin. Je félicite M. Azema pour la qualité de son argumentation contre la concurrence dans les services publics.

Comme lui, nous tenons à ce que les trains « intercités » ne soient pas mis en difficulté.

M. Daniel Fasquelle. Je souhaite également faire part de mon inquiétude en ce qui concerne les trains « corail intercités ». Les TGV se développent et assurent les liaisons interrégionales, les TER fonctionnent bien grâce à la régionalisation, mais il faut aussi des trains pour relier les régions entre elles. Maintenir des lignes nationales hors TGV est de la responsabilité de la SNCF, de RFF et de l’Etat ; c'est vital pour certaines parties du territoire national.

M. Serge Poignant. J’insiste à mon tour sur l'importance de la remise en état du réseau par rapport au développement des lignes à grande vitesse.

Par ailleurs, en tant qu'élu de l'ouest je suis sensible à ce qu'a dit M. Azema sur la nécessité de tenir compte de la périphérie, c'est-à-dire de tout ce qui ne se situe pas sur les grands passages le long du Rhône ou vers Paris. C'est d'autant plus vrai que la fameuse « taxe poids lourds » est mal vécue dans ces régions périphériques.

M. Maxime Bono. J'ai demandé à plusieurs reprises que notre commission mène une étude d'impact sur la libéralisation du fret. Cette table ronde me donne l'occasion de le faire à nouveau. Notre comité de suivi pourrait d'autant plus s'y intéresser que nous avons maintenant suffisamment de recul pour nous prononcer. Pour l'instant, nous constatons surtout que cette libéralisation a fait perdre des parts de marché à la SNCF et au rail dans son ensemble.

Il apparaît par ailleurs clairement que ni la SNCF, ni RFF, ni l’AFITF ne sont responsables de tout cela. Et puisque nous savons où les décisions doivent être prises, nous regarderons attentivement lors de l'examen du budget si les moyens nécessaires sont ou non engagés. Sur le budget 2009, le gouvernement a quand même réduit de 63 millions d'euros son engagement en faveur de la régénération du réseau. Cette diminution est compensée par les péages, ce qui fait que les régions, qui ont financé l'entretien des voies, sont taxées deux fois.

Mme Catherine Coutelle. Je plaide pour que l'on ne parle plus de « wagons isolés » mais de « trains de proximité ».

J'ai par ailleurs entendu dire que le trafic de la SNCF aurait diminué de 20 % l'an dernier. Si tel est le cas, pourquoi ne le fait-on pas savoir davantage ?

Enfin, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, on sait que les lignes les plus rentables trouveront facilement preneur et que le reste sera la charge de la collectivité. On en a fait l'expérience dans de nombreux domaines, ne refaisons donc pas toujours les mêmes erreurs et élaborons des cahiers des charges quelque peu contraignants.

M. Philippe Meunier. Tous les participants à cette table ronde sont d'accord sur le constat. Ils ont tous apporté des éléments de réponse cohérents. Pour notre part, en tant que parlementaires, notre priorité doit être de respecter les engagements du Grenelle de l'environnement et de préserver l'aménagement du territoire. À ce titre, les députés UMP sauront prendre leurs responsabilités.

M. le Président Patrick Ollier. Nous avons bien compris que pour mettre chacun devant ses responsabilités nous allons devoir nous tourner, au-delà de l’AFITF, qui n'est en fait qu'une caisse enregistreuse, et de RFF comme de la SNCF, qui ne font qu'appliquer des instructions, vers ceux qui décident véritablement.

À l'issue de ce débat, il m'apparaît aussi qu'il faut avancer dans la dimension européenne et ne pas nous contenter d'aller nous rendre compte sur le terrain de l'état des infrastructures allemandes ou anglaises, mais aussi de rencontrer nos collègues des commissions des transports des différents Parlements. Je propose également que nous rencontrions des membres du Parlement européen et un représentant de la Commission européenne. C'est ainsi que nous pourrons nous faire notre propre opinion sur la concurrence. Ensuite, probablement fin mars, nous pourrons interpeller le gouvernement et proposer des solutions.

Je vous remercie d'avoir participé à ce débat de haute tenue.

La séance est levée à 11 heures 40.

COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE SYNTHÈSE DU 3 JUIN 2009

Présidence de M. Yanick Paternotte,

Rapporteur du comité de suivi.

Étaient présents :

– au titre des professionnels et des associations :

SNCF : M. Pierre Blayau, PDG de Geodis, directeur général délégué de la branche transports et logistique de la SNCF ; M. Jean-Michel Genestier, directeur général adjoint de la branche transports et logistique en charge des affaires publiques.

RFF (Réseau ferré de France) : M. Hervé de Treglodé, directeur général adjoint chargé du pôle commercial.

Veolia Transport : M. Antoine Hurel, directeur général adjoint.

AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France) : M. Gérard Longuet, président.

AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret) : M. Christian Rose, délégué général adjoint.

FNAUT (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) : M. Michel Zonca, membre du Bureau de la Fédération et responsable du fret.

– au titre des organisations syndicales :

Fédération CGT des cheminots : M. Thierry Roy, représentant des salariés, conseil d’administration de la SNCF ; M. Alain Prouvenq, responsable du secteur économique fédéral.

FGAAC (Fédération générale autonome des agents de conduite) : M. Olivier Schlaflang, secrétaire fédéral ; M. Philippe Beaumont, secrétaire général adjoint.

CFDT : M. Dominique Aubry, secrétaire général adjoint ; M. Éric de Chateauvieux, chargé d’affaires internationales.

Fédération FO des cheminots : M. Jérôme Grout, secrétaire national, Transport mouvement.

Fédération nationale CFTC des transports : M. Bernard Aubin, secrétaire fédéral en charge de la communication.

Sud-Rail : M. Stéphane Leblanc, représentant des salariés, conseil d’administration de la SNCF ; M. Francis Dianoux, membre de la commission économique fédérale.

UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) : M. Éric Tourneboeuf, représentant des salariés, conseil d’administration de la SNCF ; M. Roger Dillenseger.

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

M. Yanick Paternotte, président. Nous allons ce matin faire le point sur les missions effectuées par le comité de suivi sur les questions ferroviaires, en France et en Europe, depuis notre dernière réunion.

Je vous invite aussi à proposer des pistes novatrices pour notre rapport, que je souhaite rendre le 17 juin prochain.

Depuis sa création à l’automne dernier, le comité de suivi a procédé à 4 missions.

Ø Le 11 février, nous avons passé une nuit sur le site de transport combiné de Valenton et à la gare de triage de Villeneuve-Saint-Georges, afin d’aller à la rencontre des cheminots et de mieux comprendre les réalités de terrain du fret ferroviaire.

Ø Le 5 mars, à Bruxelles, nous avons rencontré le directeur des transports terrestres à la Commission européenne, M. Enrico Grillo Pasquarelli. La Commission européenne privilégie désormais le concept de « comodalité », pour assurer la durabilité ou l’écodéveloppement. Deux problèmes se posent : la tarification de la charge d’infrastructure et le coût marginal par rapport à la route.

L’un des enjeux est la question des corridors européens. En outre, le rail est plus rigide que la route. Même si l’ouverture à la concurrence a été lente, elle a permis d’améliorer la qualité et la sécurité.

L’Union européenne ne semble pas déterminée à mobiliser le programme « Marco Polo II », qui prévoit des aides au lancement de projets intermodaux.

Il semble qu’elle recommandera la constitution de corridors ferroviaires pour le fret mais sans leur donner un caractère obligatoire. Un simple projet de règlement concernant les corridors pour le fret transnationaux est en cours de rédaction, ce qui nous semble faible.

La Commission européenne s’appuie également sur le programme ERTMS – European Rail Traffic Management System : système commun de contrôle-commande et signalisation –, avec des objectifs à l’horizon 2015, ce qui nous est apparu comme peu ambitieux et contradictoire avec les conclusions du Grenelle de l’environnement.

Ø Le 2 avril, nous sommes allés à Valenciennes pour visiter l’usine Bombardier de Crespin, l’aérodrome de Prouvy, le Centre d’essai ferroviaire du Nord-Pas-de-Calais et la plateforme intermodale implantée sur le site de Valsid, dans la gare fret de Valenciennes. La délégation a également rencontré le délégué général du Pôle de compétitivité I-Trans ainsi que des représentants de la chambre de commerce et d’Industrie.

Ø Enfin, les 11 et 12 mai, à Berlin, nous avons rencontré des responsables institutionnels, nos homologues du Bundestag de tous les groupes politiques, le secrétaire d’État chargé des transports, le directeur de l’agence de régulation des transports ferroviaires, l’Ambassadeur de France, des professionnels du secteur ferroviaire, le directoire de la Deutsche Bahn – la DB –, les dirigeants de Veolia Deutschland et de Rail Link, ainsi que les responsables de l’association professionnelle des opérateurs ferroviaires Mofair.

Les discussions ont porté sur quatre thèmes : les effets bénéfiques de l’ouverture à la concurrence du marché du fret sur les volumes transportés ; les obstacles structurels et conjoncturels au développement du fret ferroviaire ; les problématiques liées à la logistique ; le bénéfice incontestable d’un environnement institutionnel stable et cohérent.

Hormis ces déplacements, dans le cadre de la préparation du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, dont je suis le rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, j’ai auditionné nombre d’acteurs essentiels du transport ferroviaire de marchandises.

M. Philippe Duron. Pouvez-vous faire une comparaison entre la situation française et la situation allemande, s’agissant du wagon isolé et du wagon spécialisé ?

M. Yanick Paternotte, président. Les Allemands nous ont conseillé de ne pas abandonner le wagon isolé, ce qui nécessite de développer les opérateurs ferroviaires de proximité – les OFP – grâce à l’ouverture à la concurrence. L’Allemagne présente la particularité de disposer d’OFP et de hubs industriels qui ont été structurés par les Länder.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Dans les autres pays européens, quels moyens sont affectés à l’entretien et à la régénération du réseau ? En France, la perte de parts de marché par le fret ferroviaire est aussi due au mauvais entretien des lignes. La construction de nouvelles lignes à grande vitesse – LGV – ne doit pas conduire à délaisser les lignes historiques.

Quelle est la situation actuelle de l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France ?

M. Yanick Paternotte, président. Gérard Longuet ayant déjà parfaitement répondu à cette dernière question lors d’une précédente réunion, je me permets de vous renvoyer au dernier compte rendu de nos travaux.

Certains pays ont sous-investi et abandonné leur réseau, notamment la Grande-Bretagne, avec des conséquences sur la qualité du service et la sécurité. Les Allemands, comme les Belges, ont créé une holding regroupant l’opérateur historique et le gestionnaire du réseau ; ainsi, la DB AG est une société filialisée, avec le statut de société anonyme dont le capital en actions est détenu à 100 % par l'État fédéral allemand. Le gouvernement fédéral dégage une enveloppe pour le réseau, les Länder cofinançant la régénération du réseau et la création de lignes. L’investissement annuel, en Allemagne, avoisine les 2,5 milliards d’euros.

M. Gérard Longuet. Le procès-verbal admirablement rédigé de notre réunion de janvier restitue les moyens dont dispose l’AFITF. Notre budget 2009 reposait sur un projet d’augmentation substantielle – de 175 à 375 millions – de la redevance acquittée par les sociétés d’autoroute pour l’usage du domaine public. Ce delta n’ayant pas été confirmé, je devrai en tirer les conséquences lors de l’élaboration de la décision modificative numéro 2. Pendant trois ans, l’AFITF vivra essentiellement de subventions budgétaires et les remarques de la Cour des comptes à ce propos sont parfaitement justifiées. Les besoins d’infrastructures sont considérables et nos moyens limités.

M. Daniel Paul. Quel est l’endettement du secteur ferroviaire en Allemagne et en France ? Quel est l’effort public produit en Allemagne et en France ? Quelles réflexions ces comparaisons vous inspirent-elles ?

M. Yanick Paternotte, président. Pour les Allemands, paradoxalement, la réunification a été une chance. Les deux entreprises ferroviaires ont fusionné en un établissement public unique, qui a repris les cheminots relevant des deux statuts. Compte tenu du gain de productivité réalisé, le coût de production du transport ferroviaire allemand est de 30 % inférieur à celui du transport ferroviaire français. Une des difficultés structurelles du rail français tient à la contrainte de sa masse salariale et de sa moindre productivité.

M. Pierre Blayau. La notion d’endettement de fret n’apparaît pas dans les comptes de la SNCF mais, à la demande de Bruxelles, nous reconstituons chaque année cet agrégat. En 2009, cette dette dépassera 2 milliards d’euros et les fonds propres seront négatifs à hauteur de 800 millions. En droit commercial, la situation serait donc qualifiée d’« irrémédiablement compromise ». Depuis cinq ans, le fret SNCF a consommé 3,5 milliards en trésorerie. En 2009, les pertes approcheront les 600 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires sans doute inférieur à 1,4 milliard.

La comparaison avec l’Allemagne est tentante mais il faut s’en méfier, d’abord pour des raisons géographiques. Le bassin industriel allemand est un très grand carré, branché sur les ports extrêmement efficients de la mer du Nord et du Benelux. La valeur ajoutée industrielle au kilomètre carré est trois fois plus élevée en Allemagne qu’en France. Les cinq dernières années, la croissance industrielle a atteint 5 % par an en Allemagne alors qu’en France, elle était comprise entre 0 et 1 %. En France, pour le fret, la zone la plus pertinente est le barreau Le Havre-Lille, qui évite l’Île-de-France et rejoint le contournement lyonnais, nœud ferroviaire extrêmement complexe.

M. Yanick Paternotte, président. Nous n’avons pas évoqué le problème des embranchements portuaires, qui requièrent de la massification, un hinterland économique, du foncier et des OFP.

M. Hervé de Treglodé. La dette de RFF s’élève à 28 milliards d’euros, et elle provient en grande partie de l’héritage de la SNCF. Elle est maîtrisée, conformément au contrat de performance signé avec l’État le 3 novembre 2008, ce qui permet une croissance très importante des investissements : en 2009, nous investissons 3,5 milliards d’euros, dont 1,5 milliard pour la rénovation du réseau. RFF tient cette trajectoire tout en se réorganisant en profondeur afin de mieux gérer les plages de travaux et éviter qu’elles n’affectent excessivement les trafics.

M. Bernard Aubin. L’article 9 de la directive 91-440 est déterminant pour l’avenir des systèmes ferroviaires : « Les États membres mettent en place, conjointement avec les entreprises ferroviaires publiques existantes, des mécanismes adéquats pour contribuer à réduire l’endettement de ces entreprises jusqu’à un niveau qui n’entrave pas une gestion financière saine. » En Allemagne, ce préalable s’est traduit par le désendettement de la DB ; en France, par la création de RFF, qui a repris la dette d’infrastructures, sur la base du « pacte de modernisation ». L’État s’engageait alors à subvenir à l’entretien et au développement du réseau ferré, ce qu’il n’a pas fait à la hauteur des besoins. Veolia vient d’annoncer sa décision d’abandonner le fret en France. Le problème n’est donc pas la productivité de la SNCF, mais la pertinence économique du fret.

M. Yanick Paternotte, président. Si Veolia abandonne le fret et pas la SNCF, c’est peut-être parce que l’actionnariat des deux entreprises n’est pas similaire.

M. Thierry Roy. Il serait souhaitable que l’Assemblée nationale fasse appliquer la loi sur la représentativité syndicale qu’elle a elle-même récemment adoptée. À la SNCF, et je m’étonne que l’on n’en tienne pas compte, seules quatre organisations syndicales sont désormais représentatives.

M. Yanick Paternotte, président. Ce point a déjà été évoqué lors de la première réunion du comité de suivi et le président Ollier a répondu très clairement. Il me semble inutile d’y revenir. Nous souhaitons écouter tout le monde et la parole est libre, dans un cadre respectueux.

M. Thierry Roy. Lorsque la première réunion s’est tenue, les élections à la SNCF n’avaient pas encore eu lieu. C’est maintenant chose faite et nous connaissons les résultats : les organisations représentatives sont au nombre de quatre. Si les députés ne se sentent pas tenus par les lois qu’ils votent eux-mêmes, il faut le dire !

Le calendrier de l’Assemblée nationale et le calendrier de l’entreprise se télescopent un peu. Plusieurs propositions devraient émerger au même moment : il faudra être attentif à leur cohérence.

On peut dire que la crise a un gros impact sur le fret SNCF, encore aggravé par les effets des plans de restructuration successifs mis en œuvre depuis 2003. Le trafic de fret européen a perdu 30 % de son activité. Notre crainte principale est que le secteur ne devienne la variable d’ajustement du transport routier. Le Grenelle de l’environnement est passé, mais les premières mesures des politiques de report modal se font attendre.

Les choix politiques de restructuration ont été différents en Allemagne et en France, notamment pour ce qui concerne la gestion de l’infrastructure et la qualité des sillons.

M. Yanick Paternotte, président. Le travail s’effectue en cohérence : le Parlement exerce son pouvoir d’initiative, en accord avec le Gouvernement, actionnaire de l’entreprise publique. Les nouveaux pouvoirs accordés au Parlement nous confèrent l’ardente obligation de nous intéresser à ces sujets, et les calendriers ne se télescopent pas.

M. Thierry Roy. Nous jugerons sur pièces.

Le wagon isolé est une notion d’intérêt général, car il est au cœur de la problématique du report modal. À son sujet, nous attendons des actes.

Les opérateurs ferroviaires de proximité ont beaucoup de mal à démarrer, pour des raisons de coût et de financement.

Enfin, je rappelle que, lors de la première réunion de ce comité de suivi, nous avons remis un Livre blanc retraçant nos propositions relatives à l’organisation et à la localisation de la production ainsi qu’à la croissance externe et interne.

M. Yanick Paternotte, président. La Deutsche Bahn est filialisée et possède le statut de société anonyme ; tout le monde comprend ce que cela signifie.

Le thème des OFP sera traité dans le rapport que je remettrai, ainsi qu’à l’occasion de l’examen du projet de loi sur l’autorité de régulation des activités ferroviaires.

Votre Livre blanc a été parfaitement exposé lors de notre première réunion et j’ai bien noté les positions de la CGT.

M. Francis Dianoux. Pour notre part, nous sommes favorables au pluralisme de l’expression.

Pour infléchir les politiques en profondeur, il faut démarrer vite et avec une vision à long terme, y compris sur la question globale de la dette ferroviaire. À cet égard, le « saucissonnage » de la dette de fret semble mal venu car il est plus parlant de l’intégrer dans la dette globale du secteur ferroviaire.

La question de la concurrence se pose. Les OFP ne se bousculent pas au portillon et Veolia s’est retirée. L’outil actuel, déjà très fragilisé, ne doit pas être cassé. Parallèlement, des décisions doivent être prises rapidement pour le wagon isolé et le trafic fret. Les choix de gestion actuels n’amèneront pas de bons résultats. L’argent public sera nécessaire et la puissance publique devra investir lourdement, en prenant en compte aussi bien l’intérêt général que les principes du service public.

M. Yanick Paternotte, président. Je rappelle que le service public peut aussi être assumé par une entreprise privée !

M. Francis Dianoux. Pour conserver au débat toute sa sérénité, je vous invite à ne pas ouvrir ce débat et à éviter toute remarque sur la compétitivité de la masse salariale des cheminots !

M. Antoine Hurel. S’agissant des OFP et du wagon isolé, nous nous heurtons à un problème de densification et de modèle économique. Une solution est envisageable : des délégations de service public aux régions, qui prendraient en charge tout ou partie des infrastructures, du matériel roulant et des terminaux, consentant ainsi une sorte de subvention au développement économique pour assurer la viabilité financière des OFP.

Il faut savoir que si le prix des sillons est deux fois plus élevé en Allemagne qu’en France, leur qualité est bien meilleure. Or la compétitivité dépend aussi de la qualité.

La France souffre également d’une mauvaise intégration des fonctions, due à la dichotomie entre RFF et la SNCF – même si cette dernière est en train de créer un département infrastructures. En Allemagne, le rattachement des intervenants à une holding unique garantit la cohérence des politiques menées.

Enfin, nous sommes évidemment favorables à la régulation par une autorité indépendante et à l’équité d’accès au réseau de toutes les entreprises ferroviaires.

M. Yanick Paternotte, président. Je rappelle que le thème de la qualité des sillons a déjà été abordé lors de notre première séance.

La future autorité de régulation des activités ferroviaires délivrera les sillons et elle sera garante de la mise en concurrence comme de la qualité des infrastructures.

M. Michel Zonca. Comment modifier de façon significative les parts modales en faveur des modes alternatifs ?

Les pouvoirs publics doivent prendre des mesures pour modifier l’équation économique des transports, en créant un environnement économique favorable, en instaurant une taxe carbone et en évitant la généralisation des camions de 44 tonnes et des gigaliners.

Ils doivent également intervenir en matière de gouvernance du fret, en nommant un haut responsable indépendant qui impulse une véritable politique de report modal, en adoptant un plan rail 2025 et en déclinant le Grenelle de l’environnement au niveau des régions.

L’État doit jouer un rôle de bâtisseur. À ce titre, pourquoi ne pas alléger les péages de RFF imposés aux wagons isolés ou combinés ? La mise en place des OFP requiert davantage de volontarisme. Une étude a été rédigée sur les « voies de progrès », c’est-à-dire les trains longs, la qualité des sillons, l’ouverture aux PME et les autoroutes ferroviaires. Qu’en est-il ?

Pour les opérateurs ferroviaires, l’enjeu consiste à acquérir la taille européenne. Une idée a naguère circulé : l’Europe du rail pourrait commencer à deux États, avec une spécialisation de l’opérateur allemand sur le fret et de l’opérateur français sur les voyageurs. Qu’en pensez-vous ?

M. Yanick Paternotte, président. Le report modal passe par un durcissement de la fiscalité sur les poids lourds et par une restructuration du réseau ferroviaire.

Contrairement aux apparences, la Suisse, qui a été évoquée, n’est pas exemplaire car si la circulation des camions y a été réduite grâce aux normes volontaristes qui leur ont été imposées, les poids lourds passent désormais par les pays voisins, avec toutes les nuisances qui en découlent.

À nos yeux, des plans régionaux cohérents avec l’environnement économique sont préférables à une sorte de gosplan national.

M. Roger Dillenseger. Comment le traitement social du personnel est-il appréhendé dans le périmètre européen, dans le secteur routier comme dans le ferroviaire ?

M. Yanick Paternotte, président. Une réflexion européenne s’ébauche entre les grands opérateurs historiques et certains opérateurs alternatifs. La nécessité d’une harmonisation sociale est évidente. Pour le secteur routier, ce sujet est au cœur des préoccupations. La concurrence entre le rail et la route est telle qu’une réglementation plus draconienne s’impose. Mais les propositions de la Commission européenne nous ont déçus. M. Gilles Savary, eurodéputé pour quelques jours encore, que nous avons rencontré, a déploré l’absence de volonté politique d’harmonisation sociale.

M. Dominique Aubry. Toutes les entreprises du fret ferroviaire sont frappées de plein fouet par la crise économique et financière, quel que soit le statut de leur personnel. La CFDT demande par conséquent la mise en œuvre d’un plan de soutien en leur faveur.

L’ouverture à la concurrence n’a pas permis de développer le fret ferroviaire par report modal et le modèle économique actuel ne permettra pas de réaliser les ambitions du Grenelle de l’environnement.

Toutes les entreprises ferroviaires ont accru leur productivité, en grande partie sur le dos des cheminots.

Désendetter notre système ferroviaire demeure une nécessité impérieuse pour maintenir un bon maillage territorial.

Cette situation de crise ne doit pas conduire à une « réduction de voilure ». Il faut au contraire profiter de la période actuelle pour préparer la reprise économique, donner la priorité à la formation des personnels et conforter nos organisations de production afin de garantir un haut niveau de sécurité ferroviaire.

L’État joue un rôle déterminant. Nous souhaitons qu’il soit animé par une ambition politique et qu’il s’engage dans des investissements. Le niveau de tarification de l’infrastructure doit permettre le retour à une politique de volume, dont l’abandon conduit à coup sûr à la faillite du transport de fret ferroviaire. L’État doit encourager une véritable politique intermodale des transports et soutenir un plan ambitieux de développement du wagon isolé. La CFDT n’est pas non plus opposée au développement des OFP, pour peu qu’il n’y ait pas de discrimination et que la SNCF soit partie prenante.

L’État doit également promouvoir l’équité concurrentielle dans un cadre social harmonisé par le haut, et prendre toute sa responsabilité dans la construction d’une convention collective ferroviaire.

Enfin, il doit respecter les accords signés avec les partenaires sociaux, aux niveaux national et européen.

M. Jean-Claude Bouchet. Pour moi, le problème du fret ferroviaire est structurel. Depuis vingt ans, les gouvernements n’ont pas fait de choix pertinents, ni accompli des gestes forts en matière de politique multimodale, notamment avec l’impasse sur le transport fluvial, le refus de la SNCF de donner la priorité au fret et la séparation entre la SNCF et RFF.

Une véritable réflexion sur la politique multimodale passe par l’isolement du poids de la dette. Évitons de lancer un énième plan voué à l’échec ! Le problème n’est pas ferroviaire : il est multimodal !

M. Yanick Paternotte, président. Lors de nos déplacements, nous nous sommes intéressés de très près à la multimodalité et à la chaîne logistique globale. Le comité de suivi n’a pas pour but d’aider la SNCF à concevoir un plan fret, mais d’envisager les moyens de relancer le fret ferroviaire et de favoriser le report, pour respecter les engagements pris lors du Grenelle de l’environnement.

Mme Françoise Branget. La problématique ne se limite pas au report entre routier et ferroviaire : elle doit inclure les modes alternatifs, comme le transport fluvial. En Allemagne, 14 % du fret sont transportés par l’eau. En France, nous manquons de solutions logistiques élaborées. J’ajoute que, du fait notamment de leur cadencement, les TER occupent des sillons rendus de ce fait indisponibles pour le fret.

M. Christian Rose. Monsieur le Rapporteur, sans préjuger du contenu de votre rapport, je dois dire que je suis un peu inquiet. Pour développer la comodalité, il faut faire en sorte que chaque mode de transport trouve son efficience et non opposer les modes entre eux. Or, ce matin, les débats ont beaucoup tourné autour de la concurrence entre le rail et la route. Les chargeurs n’ont pas d’états d’âme ; ils ne défendent pas un mode de façon dogmatique : ils attendent vraiment des solutions modales.

Il convient aussi de segmenter les marchés du train entier régulier massifié, du lotissement de wagons et du transport combiné. Les politiques ne doivent pas pénaliser un mode au détriment d’un autre et, en particulier, empêcher le transport routier de s’optimiser en croyant que cela favorisera le développement du ferroviaire ou du fluvial.

Il faut trouver le modèle économique susceptible de faciliter l’essor des OFP en adoptant une approche globale plutôt que régionale. Au reste, la loi peut nous être d’un grand secours pour alléger les contraintes pesant sur les OFP.

Parce que les transports sont au service de l’économie, nous sommes demandeurs de solutions performantes dans tous les modes. Mais n’oublions pas que la distance moyenne d’un transport routier est, en France, de cent kilomètres.

M. Yanick Paternotte, président. Je ne sais pas trop à qui s’adressait votre plaidoyer, mais je l’ai bien entendu.

Les parlementaires ont à l’esprit l’impératif d’intégrer le fret ferroviaire dans le développement durable. Je vous rappelle que les trois piliers du Grenelle sont le développement économique, la dimension environnementale et l’impact social.

Nous envisageons de tracer quelques pistes dans notre rapport et j’espère que nous n’essuierons pas une volée de bois vert lorsqu’il sera rendu public ! La volonté est tout de même de favoriser le mode ferroviaire. À nous de créer des outils pour mettre tout cela en musique.

L’aérien n’a pas été évoqué. Or pour polluant et bruyant qu’il soit, ce mode ne doit pas être ignoré.

Il faut distinguer l’impact réel du fret et son impact psychologique sur le citoyen, avec les problèmes des bruits de nuit et des contournements. Si le voyageur est aussi un électeur, le colis, lui, ne vote pas, ce qui explique pour une large part les difficultés que nous rencontrons pour faire avancer le dossier.

M. Hervé de Treglodé. Une réforme tarifaire des péages est intervenue l’an dernier de manière à faire mieux correspondre les prix et les coûts. Pour le fret, cela a permis de maintenir un prix bas, le péage étant en moyenne de 2 euros par train et par kilomètre – contre 3 euros à 3,50 euros en Allemagne –, grâce à une subvention de l’État de 250 à 300 millions d’euros par an. Les recettes perçues par RFF s’établissent donc à un peu plus de 200 millions d’euros par an, à comparer au total des péages, qui dépasse 3 milliards d’euros.

La Commission européenne n’a jamais réussi à faire adopter une position commune sur la tarification. Le seul texte jamais promulgué, qui date de 2001, est un compromis inutilisable entre tenants du coût marginal et du coût complet. La France devrait agir pour inciter Bruxelles à se remettre au travail.

M. Yanick Paternotte, président. Le sujet a été abordé pendant la Présidence française de l’Union européenne mais les Vingt-Sept n’étaient pas animés par une volonté politique commune. La règle en vigueur étant l’unanimité, le consensus se fait généralement par le bas.

M. Hervé de Treglodé. Pour le développement du fret, l’essentiel est de rénover le réseau et de continuer à améliorer la qualité du sillon. Au deuxième semestre 2008, nous avons décidé de lancer un projet « plateforme commerciale » fondé sur quatre principes : le cadencement des horaires pour le fret ; l’anticipation de la construction des horaires avec les opérateurs ; la concertation avec les clients ; la constitution d’une force de frappe spécialisée dans le règlement des problèmes à court terme.

Les études sur les trains longs – convois de mille mètres – se poursuivent. Cette option est très importante, notamment pour le transport combiné.

M. Yanick Paternotte, président. L’économie à flux tendus qui prévalait avant la crise défavorisait nettement le ferroviaire. Nous l’avons bien vu dans nos déplacements : la gestion des stocks entreposés sur le site de Valsid est incompatible avec le délai d’obtention des sillons. Moralité, plus aucun train ne dessert ce site et toutes les opérations de stockage et de déstockage se font par camion.

M. Christian Rose. Je peux citer au moins un contre-exemple : une usine Mercedes allemande, qui fabrique les Classe A et les Classe B, reçoit presque tous ses approvisionnements par voie ferroviaire, avec un stock tampon de six heures.

M. Pierre Blayau. Les propos enthousiastes que j’ai entendus ce matin me rassurent : l’action de la SNCF est pleinement soutenue par tout le monde. Mon devoir est donc de vous rendre compte de ce qui se passe à l’intérieur de l’entreprise.

Nous sommes au cœur de contradictions qui peuvent paraître insurmontables et qui, de fait, ne pourront être levées que par la volonté politique, même si les marges de manœuvre de la SNCF pour mieux servir ses clients restent considérables.

Nous avons engagé un processus de diagnostic sous trois angles.

D’abord, sous l’angle industriel et commercial : nous avons été mis en concurrence avec d’autres opérateurs ferroviaires et avec les autres modes de transport, que nous connaissons bien, la SNCF étant également le premier transporteur routier français. Nous étudions la pertinence des offres proposées à nos clients, le ferroviaire n’étant pas forcément approprié pour tous les types d’approvisionnements.

Ensuite, sous l’angle financier : les sommes en jeu sont considérables. La SNCF est une entreprise appelée à verser chaque année un dividende à son actionnaire. Elle gagne beaucoup d’argent avec le TGV, mais risque de voir ses bénéfices absorbés par la dette du fret. Est-ce tenable ?

Enfin, sous l’angle technique : la production ferroviaire est un système complexe. Un plan de transport ferroviaire est infiniment plus difficile à bâtir qu’un plan de transport routier.

La SNCF met sur le marché trois ou quatre types de produits : train massif régulier, wagon combiné, train massif irrégulier et wagon isolé – ou messagerie ferroviaire. Nos performances sont très différentes dans ces quatre activités. Le train massif et le combiné dégagent des résultats très honorables. Par contre, par le fait de la concurrence de la route – mode compétitif, flexible et relativement peu taxé au niveau des infrastructures et des externalités –, la messagerie ferroviaire, qui représente la moitié de notre production en matière de transport ferroviaire de marchandises, perd trois quarts de son chiffre d’affaires. La SNCF subventionne la moitié des coûts logistiques des chargeurs, parmi lesquels on compte certes de très petites entreprises, mais aussi des entreprises du CAC 40. En d’autres termes, la SNCF sait faire du wagon isolé, mais elle ne sait pas le vendre, et elle ne peut pas le vendre avec des coûts de structures sensiblement supérieurs à ceux d’une entreprise ferroviaire privée.

Ce constat est terrible. Nous sommes contraints d’augmenter les prix que nous proposons aux chargeurs car la SNCF ne saurait continuer de ponctionner de 350 à 400 millions d’euros d’argent public par an sur la richesse nationale pour faire de la messagerie ferroviaire. Il faut trouver les moyens de lever cette contradiction financière.

Personne, à la SNCF, ne songe à contester les objectifs du Grenelle de l’environnement, qui vise à accroître de 25 % la part du ferroviaire, laquelle représente actuellement 15 % du marché. La SNCF en a fait un axe de travail fondamental, comme nous le voyons à travers toute une série d’investissements en faveur du train de voyageurs.

Dès lors, plutôt que de laisser filer chaque année entre nos doigts les 350 à 400 millions d’euros correspondant à la sous-facturation en faveur des chargeurs, cette somme ne pourrait-elle pas être utilisée pour soutenir la transformation des modes de transport des marchandises à l’horizon 2015, 2020 ou 2025 ?

Le TGV fret (réseau CAREX) que défend M. Paternotte est un bel exemple de projet du futur intelligent. Le TBE – train bloc express – qui circule à vitesse moyenne, mériterait d’être relancé. Les autoroutes ferroviaires requièrent aussi un fonds de soutien. Le fret, cette année, perd 600 millions d’euros, soit 10 millions d’euros tous les cinq jours, ce qui représente le double de la recapitalisation annuelle de l’autoroute ferroviaire. Pour développer le fluvial, il faudrait investir dans les ports dédiés. Nous sommes prêts à investir dans les plateformes multimodales. Mais ces choix relèvent de la collectivité.

La responsabilité de la SNCF est aussi d’investir assez lourdement dans des tractions fortes.

En d’autres termes, il existe deux façons d’appliquer les décisions du Grenelle : maintenir un réseau ferroviaire de desserte de proximité ou viser l’horizon 2020 en développant des idées nouvelles.

Quant aux OFP, la SNCF est prête à les soutenir mais, là encore, elle a besoin d’argent.

Il ne s’agit là que de pistes de réflexions, qui doivent être explorées dans le cadre d’une large concertation avec les représentants des personnels, les administrateurs et l’actionnaire. Mais, si les orientations ne changent pas, nous risquons de faire du « mauvais Grenelle ».

M. Jérôme Grout. Je note que le thème des autoroutes ferroviaires n’avait pas encore été abordé.

M. Alain Suguenot. Il y a vingt-cinq ans, quand j’étais vice-président de la région Bourgogne chargé du transport, nous parlions déjà du canal Rhin-Rhône, de la route transatlantique, de la médiane française et des autoroutes ferroviaires. Depuis, tous les gouvernements ont délaissé le sujet des autoroutes ferroviaires, qui ont perdu de leur efficacité. Le vrai problème du report de fret est celui des ruptures de charge. Je me réjouis d’entendre parler d’autoroutes ferroviaires, mais je me demande si le sujet est encore d’actualité.

M. Antoine Hurel. La convention collective de l’UTP, l’Union des transports publics et ferroviaires, porte des modes d’organisation du travail qui peuvent être plus efficaces que ceux en vigueur à la SNCF, mais il ne faut pas en déduire qu’il existe une injustice ou une iniquité. En effet, de l’autre côté, la SNCF dispose de l’ensemble du patrimoine ferroviaire national et réalise par conséquent des économies d’échelles considérables, alors que les nouveaux entrants ont à constituer leurs propres outils.

M. Yanick Paternotte, président. Les sujets de réflexion sont identiques en Allemagne.

Pour les nouveaux entrants, il est vrai que tout n’est pas simple et ils ne détiennent aujourd’hui que 13 % des parts de marché.

Il ne faut pas faire l’impasse sur les différences de statut en ce qu’elles impactent directement la compétitivité des entreprises.

Une rupture importante date de la constitution de l’espace Schengen : auparavant, les barrières douanières avaient un impact direct sur la logistique.

Le rapport tiendra évidemment compte de vos analyses, ainsi que du fruit de nos missions extérieures et de nos auditions.

Je proposerai des solutions mixtes d’usage des infrastructures et des rames. Les Allemands utilisent les LGV pour faire du fret avec des TBE. Il convient aussi de travailler sur le TER, le tramway et toutes les formes de TCSP – transports en commun en site propre –, en nous inspirant des expériences menées dans d’autres pays européens.

Le contournement de l’agglomération lyonnaise constitue un défi de taille sur lequel nous reviendrons.

Nous nous pencherons également sur la qualité des sillons et les péages. Les OFP pourraient être adossés aux régions, aujourd’hui détentrices des compétences développement économique et transports, ou aux chambres régionales de commerce et d’industrie, sur la base du volontariat.

Enfin, il importe d’avoir à l’esprit les mesures de protection environnementale, notamment sur le plan sonore.

Nous proposerons évidemment de faire appel à l’innovation pour construire l’avenir.

*

* *

Au nom du président Patrick Ollier, je vous remercie sincèrement pour votre fidélité à ces réunions et pour les échanges constructifs qui les ont caractérisées.

La séance est levée à douze heures dix.

PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DES MISSIONS EFFECTUÉES

- Valenton et Villeneuve-Saint-Georges, 11 février 2009

Une délégation du comité de suivi a été reçue le 11 février dernier sur le site de transport combiné de Valenton et à la gare de triage de Villeneuve-Saint-Georges, l’objectif de ce premier déplacement sur le terrain étant de mieux appréhender les réalités liées à l’activité de fret ferroviaire afin de pouvoir formuler des propositions très concrètes en vue de sa revitalisation.

- Bruxelles, 5 mars 2009

A l’occasion de sa mission du 5 mars, la délégation du comité, composée de MM. les députés Paternotte, Jacob et Gaubert a rencontré le directeur des transports terrestres à la Commission européenne, M. Pasquarelli.

M. Pasquarelli a indiqué que prévalait désormais le concept de « comodalité ». Depuis 2001, les instances européennes réfléchissent au transfert modal pour assurer la durabilité des transports. Le problème central est celui de la tarification de la charge d’infrastructure. La législation européenne en la matière est, elle, fragmentaire ; le rail obéit au critère du coût marginal, cependant que, pour la route, c’est la logique de la directive « Eurovignette », où la tarification reste optionnelle, qui s’applique.

La clé de l’équilibre entre les modes réside donc dans la tarification, mais cela pose des problèmes politiques et de périphicité très difficiles. La nature rigide du ferroviaire est elle-même source de difficultés. La concurrence dans le rail a permis une amélioration de la qualité, même si son introduction qui s’est faite d’abord en Suède, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas s’est opérée globalement de manière lente. Pendant longtemps, l’on observait une prise en compte insuffisante de la sécurité, mais celle-ci s’est améliorée.

La logique communautaire est de favoriser la concurrence, mais en faisant en sorte que le droit soit appliqué. L’existence d’un régulateur assurant une forme de « monitorage », comme cela s’est produit dans d’autres secteurs, est dès lors indispensable. Se pose aussi la question de l’interopérabilité ferroviaire, qui s’applique aux spécifications techniques, au gabarit des tunnels, à la signalisation.

S’agissant de l’intermodalité, le programme « Marco Polo II » prévoit des aides au lancement de projets qui pourraient concerner des projets d’interopérabilité. En ce qui concerne les « corridors » ferroviaires, pour le fret, il faut insister sur le fait que le rail se développe essentiellement en raison de l’existence de clientèles ; en outre, il ne faut pas seulement des opérateurs, mais aussi des infrastructures, dont le bon état est primordial. Le problème français est sans doute qu’il y a eu sous investissement dans l’infrastructure pendant trop longtemps.

Pour les « corridors fret » transnationaux, il existe un projet de règlement. Les corridors  sont sur le réseau « RTE-T » (financement des grands projets transnationaux), la Commission s’appuyant également sur le programme ERTMS (European Rail Trafic Management System - système commun de contrôle, de commande et de signalisation) et des objectifs seront retenus à l’horizon de 2015.

- Valenciennes, 2 avril 2009

A l’invitation de Mme la députée Cécile Gallez, une délégation du comité composée de MM. les députés Paternotte et Gaubert s’est rendue dans le Valenciennois le 2 avril dernier pour visiter l’usine Bombardier de Crespin, l’aérodrome de Prouvy, le Centre d’essais ferroviaire (CEF) du Nord Pas-de-Calais, ainsi que la plateforme multimodale implantée, sur le site de Valsid, dans la gare fret de Valenciennes. La délégation a également rencontré le Délégué général du Pôle I-Trans.

* * *

MM. Yanick Paternotte et Jean Gaubert ont visité l’usine Bombardier à Crespin, qui a racheté ANF industries (Ateliers du Nord de la France) en 1989, compte près de 2 000 salariés et constitue le plus important site ferroviaire français. L’usine Bombardier assure la conception, l’assemblage et la mise en service de l’AGC - autorail de grande capacité - qui constitue le premier train hybride au monde, combinant une technologie bi-mode (électrique et diesel) et bi-tension, ce qui réduit les émissions de CO2. Bombardier assemble également le Spacium 3.06, train de banlieue pour l’Île-de-France ayant une capacité de 1 000 passagers destiné à remplacer les « petits gris », la commande portant sur 372 trains suburbains. Le contrat conclu en 2006 porte sur la production sur plusieurs années de 500 rames.

Bombardier produit également des rames TGV duplex, au rythme d’une voiture par semaine, en partenariat avec Alstom. Bombardier est une entreprise familiale, qui, outre le ferroviaire, est présente également dans les secteurs de l’aéronautique, de l’aviation régionale et d’affaires ainsi que dans celui des Canadair. Le siège du Groupe Bombardier est à Berlin et son dirigeant est français.

Le comité de suivi a également visité l’aérodrome du Valenciennois situé à Prouvy ; géré par un syndicat mixte de 48 communes et installé sur 140 hectares, celui-ci s’est spécialisé dans les vols d’affaires, les aéroclubs et écoles de pilotage. Il comporte une piste principale de 1 713 mètres.

La délégation s’est ensuite rendue au le CEF (Centre d’essais ferroviaire) du Nord Pas-de-Calais, situé à Petite Forêt, qui comporte trois voies d’essais sur huit kilomètres permettant de mesurer le confort acoustique, les performances de traction, de freinage, le « fonctionnel train » et le fonctionnement des équipements de sécurité. La présence de ce centre est importante pour la région Nord Pas-de-Calais, pôle d’excellence ferroviaire, où cette filière regroupe 10 000 emplois, l’Agence ferroviaire européenne et l’Établissement public de sécurité ferroviaire. Alstom, Bombardier, la RATP, la SNCF, RFF font appel au Centre d’essais ferroviaires.

Le comité de suivi a rencontré le Délégué général du Pôle I-Trans, l’un des 71 pôles de compétitivité de France, qui s’étend sur les régions Nord Pas-de-Calais et Picardie et regroupe les principaux acteurs de l’industrie, de la recherche et de la formation dans les secteurs ferroviaire, automobile et logistique et des systèmes de transports innovations. I-Trans labellise en particulier des projets liés à l’interopérabilité ferroviaire. I-Trans est présent dans quatre champs d’actions : l’intermodalité pour le transport de fret et de voyageurs, l’interopérabilité en matière ferroviaire, l’intelligence des systèmes de transport et l’innovation pour le développement économique.

Enfin, les parlementaires ont visité le site de Valsid, plateforme multimodale implantée en gare fret de Valenciennes. Il s’agit d’un entrepôt sidérurgique, stockant des bobines de tôle nécessaires à la production de voitures. La logique du projet Valsid mis en place en 2001 était de permettre aux usines de recevoir les bobines de tôle en temps et en heure, sans avoir à se préoccuper du stockage.

- Berlin, 11 et 12 mai 2009

Lors de la mission du comité à Berlin, la délégation, composée de MM. les députés Paternotte, Loos, Meunier et Lesterlin, a rencontré des interlocuteurs institutionnels – députés du Bundestag de tous les groupes, Secrétaire d’Etat aux transports, Directeur de l’Agence de régulation des transports ferroviaires, Ambassadeur de France – et des professionnels du secteur ferroviaire – Directoire de la Deutsche Bahn, dirigeants de Veolia et de l’opérateur ferroviaire Rail Link, responsable de l’association professionnelle des opérateurs ferroviaires Mofair.

Les discussions qui se sont tenues à cette occasion ont permis d’identifier 4 thèmes de discussion principaux, qui seront développés dans le rapport du comité de suivi :

1/ Les effets bénéfiques de l’ouverture à la concurrence du marché du fret sur les volumes transportés : avant la crise, le succès du fret en Allemagne avait presque fait atteindre les limites du réseau avec un taux de saturation parfois proche de 120% ;

2/ Les obstacles structurels et conjoncturels au développement du fret ferroviaire : la concurrence de la route reste très redoutable, en particulier dans la perspective de la généralisation des gigaliners – poids lourds de très grande capacité de 25 mètre et 60 tonnes, très prisés au Nord de l’Europe ; la réactivité du fer aux aléas de l’activité économique demeure structurellement moins vive que celle de la route ;

3/ Les problématiques liées à la logistique restent cruciales : wagon isolé et wagon spécialisé, fret de retour, aménagement des hubs, multimodalité, logistique des derniers kilomètres, etc. ;

4/ Le bénéfice incontestable d’un environnement institutionnel stable et cohérent, fondé sur l’existence d’un régulateur fort et d’un climat social apaisé.

Les échanges avec les interlocuteurs politiques ont en outre permis de mettre en évidence le profit que pourrait tirer l’activité de fret ferroviaire d’une volonté politique mieux affirmée au plan communautaire.

EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION

17 juin 2009

Le 17 juin 2009, la Commission des affaires économiques, de l’ a examiné le rapport du comité de suivi sur les questions ferroviaires relatif au développement du fret ferroviaire.

* * *

M. le président Patrick Ollier. – Le comité de suivi sur les questions ferroviaire a été lancé il y a plusieurs mois, à la rentrée parlementaire. Étant administrateur de la SNCF, j’ai une vision interne de ce qui se passe dans cette entreprise. Je souhaitais que le devoir de contrôle qui incombe à l’Assemblée trouve à s’exercer dans le domaine du fret ferroviaire, afin d’aider la SNCF.

Il est important de noter qu’en lançant ce comité de suivi, comme en lançant précédemment celui sur le Grenelle de l’environnement, notre commission à innové, en lien avec la Délégation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, présidée par Christian Jacob, ici présent. J’ai souhaité que les partenaires sociaux soient associés à ce groupe de travail et je les remercie d’y avoir participé.

N’étant pas en mesure, pour des raisons d’emploi du temps, d’assumer moi-même la charge d’un travail de coordination, de synthèse et de réflexion pour formaliser et prolonger les résultats des travaux du comité de suivi, je me suis tourné vers Yanick Paternotte pour qu’il soit le rapporteur de ses travaux. Je tiens à le remercier d’avoir accepté.

Ce rapport ne contient pas la « vérité révélée » sur le fret, mais une série de propositions audacieuses pour qu’à terme, l’activité de fret ferroviaire puisse être équilibrée. Dans le cadre des missions qui nous sont conférées, nous avons le devoir d’avancer des propositions de ce type. Nous verrons par exemple qu’elles ne seront pas forcément acceptées par tous, notamment par le Gouvernement, auquel nous les soumettrons.

Je rappelle aussi qu’à partir du 1er juillet, le transport ne sera plus de la compétence de la commission des affaires économiques mais de celle de la nouvelle commission du développement durable. Je souhaite que sur cette question précise, néanmoins, le travail puisse se poursuivre.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. – Je tiens tout d’abord à remercier le Président Ollier pour la confiance double qu’il m’a accordée sur la question du transport ferroviaire, au titre de rapporteur du comité de suivi et du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, qui sera examiné en Commission la semaine prochaine et devra bientôt venir en discussion en séance. Je tiens aussi à souligner la liberté de parole qui a prévalu au sein du comité. Enfin, j’adresse des remerciements particuliers à toutes les personnes qui ont participé au comité, dont la liste figure dans le rapport, notamment MM. Jean Gaubert, Bernard Lesterlin et Christian Jacob qui s’y sont particulièrement investis.

Notre déplacement à Berlin a été parmi les travaux les plus éclairants de cette mission. Nous avons trouvé chez nos collègues allemands une volonté forte d’aider au développement de l’industrie et des services de fret. Nous avons aussi trouvé un débat dépassionné sur le plan politique. Les autres déplacements réalisés, à Bruxelles, Valencienne et Valenton, ont eux aussi été d’un grand intérêt.

En préambule, je tiens aussi à rappeler qu’il faut toujours raisonner en terme de « chaîne logistique » : s’il existe un « maillon faible » et que la chaîne ferroviaire n’est pas fiable, alors l’acheminement par camion restera toujours plus simple et plus sûr. Or force est d’admettre qu’il existe aujourd’hui un maillon faible.

Le constat concernant le fret est connu. D’une part, ce secteur est affecté par une crise conjoncturelle, qui explique une baisse de 20 à 30 % en volume. La même tendance se retrouve dans le fret aérien. L’express a pour sa part mieux résisté. A court terme, cette tendance s’explique par l’effet de la crise économique sur les entreprises, qui ont massivement réduits leurs stocks. Au-delà, le secteur du fret est affecté par un problème structurel : le rail est moins flexible que la route, et le ticket d’entrée plus élevé puisque les investissements ne sont pas rentabilisés avant une trentaine d’années, ce qui constitue une barrière à l’entrée sur le marché.

Avant d’en venir à la présentation des propositions, je souligne que nous avons trouvé dans les façons de faire à l’étranger des sources d’inspiration. Mais il est difficile d’importer des solutions toutes faites : en Allemagne par exemple, le contexte est très différent puisque de nombreux Länder possèdent leur réseau propre, et certains du matériel qu’elles proposent à des sociétés en délégation de service public.

Le comité formule dix propositions :

1 – Ouvrir la grande vitesse au fret ferroviaire. Le fret ferroviaire souffre aujourd’hui de plusieurs manques : absence de sillons, y compris la nuit ; trop faible vitesse commerciale ; difficulté à massifier ; faible harmonisation des réseaux ; absence de corridors fret consacrés au fret ; réseau ferré contournant les agglomérations. Pour pallier ces inconvénients, il faut utiliser le réseau des lignes à grande vitesse (LGV) pour le fret, en particulier la nuit, et créer des pôles multimodaux et des services de différents niveaux. À cet égard les hubs air-fer-route de TGV fret CAREX peuvent permettre la concentration d’un service express avec des vitesses atteignant 250 à 350 km/h. De même, des hubs régionaux connectés au réseau LGV permettent d’affréter des trains bloc express (TBE) utilisant à la fois les lignes classiques et les LGV pour circuler à une vitesse moyenne de 160 à 220 km/h et desservir les sites industriels. Enfin, il faut accepter de mélanger les missions de vitesses différentes avec un cadencement complexe utilisant opportunément les deux réseaux, LGV et classique. Ces progrès peuvent être réalisés sans nécessiter d’investissements d’infrastructure ;

2 – Revenir à la mixité d’usage des rames et des infrastructures comme c’était le cas dans le passé pour le rail et pour l’air. Aujourd’hui, si la moitié du fret aérien reste acheminé dans des appareils qui transportent aussi des passagers, la pratique est tombée en désuétude dans le ferroviaire. Il faut donc reconstituer les convois mixtes, composés de wagons de voyageurs et de messagerie, en particulier dans les TER mais aussi, à plus long terme, dans d’autres configurations. Des villes comme Brême et Amsterdam ont recours aux tramways pour acheminer du fret au cœur des cités. En outre, ce réseau peut être utilisé la nuit, lorsque les rames voyageurs sont à l’arrêt. Ces solutions ont, par ailleurs, le mérite de répondre aux objectifs du Grenelle de l’environnement ;

3 – La gestion des gares de fret et des embranchements fret pourrait être confiée à un établissement public qui pourrait être Réseau ferre de France (RFF). Propriétés de l’État, les gares de fret sont confiées à la SNCF. On pourrait imaginer, qu’à terme, RFF reprenne la gestion de ces gares ;

4 – Le fret de proximité doit être géré au plus près. Des partenariats public-privé pourraient être envisagés qui regrouperait les chambres de commerce, les régions et RFF. Il s’agit de favoriser l’émergence de plusieurs plates-formes de fret régionales reliées entre elles, multimodales, conçues selon les besoins spécifiques des chargeurs locaux ;

5 – Garantir au fret des sillons de qualité et proposer aux opérateurs de fret des tarifs de péages abordables. Si le fret est moins « visible » que le transport de passagers, il n’en faut pas pour autant négliger de fournir aux transporteurs un sillon de qualité. Nombre d’entre eux considèrent qu’en Allemagne, si le sillon coûte plus cher, ils sont prêts à faire l’effort car ce sillon est de bonne qualité. S’il ne faut pas en déduire que les péages ne doivent pas faire l’objet d’une évolution maîtrisée, cette dimension doit être prise en compte car l’incertitude sur la qualité du sillon fait perdre des clients au fret pratiquement tous les jours ;

6 – Favoriser la réalisation des embranchements nécessaires à l’activité des opérateurs ferroviaires de proximité et du contournement de certaines métropoles. Structurellement rigide, à la différence du réseau routier, le réseau ferré doit être adapté, de manière à offrir aux transporteurs les voies d’accès et de débord qui sont indispensables à leur activité. Par ailleurs, il faut s’attacher à résoudre la gestion complexe des contournements fret des agglomérations ;

7 – Accompagner la régénération du réseau. Des années de sous-investissement plus ou moins délibéré sur le réseau ont eu des conséquences lourdes sur la vitalité de l’activité de fret. Il faut approfondir la réflexion sur le recours aux partenariats public privé, notamment parce que la régénération du réseau constitue un préalable à la tenue des engagements pris en matière de report modal et, à ce titre, un objectif d’intérêt général ;

8 – Organiser en filiale la branche fret de la SNCF en créant un établissement public permettant de garantir aux personnels en place leur statut et leur rémunération. Il s’agit d’un défi social après le défi économique. En tout état de cause, le ferroviaire est toujours trop cher si on le compare au routier. Nombre de logisticiens sont prêts à payer plus pour un transport moins polluant mais pas au point de payer le double. L’Allemagne a su, dans le fil de la réunification, créer une filiale unique et compétitive ;

9 – Renforcer la réglementation sur les émissions de gaz à effet de serre des poids lourds et faire échec à la généralisation des camions de très grande capacité « gigaliners » de 25 mètres et 60 tonnes, en vue de préserver le wagon isolé ;

10 – Généraliser les mesures de protection environnementale contre les nuisances sonores et visuelles générées par la circulation de trains de marchandises. Le fret ferroviaire souffre en effet d’un déficit d’image, en particulier en milieu urbain car il est considéré comme moins esthétique et surtout plus bruyant que le transport de voyageurs. Sans doute doit-on améliorer les systèmes de freinage des wagons et réfléchir à des dispositifs d’atténuation des nuisances sonores. Enfin, on peut envisager d’ouvrir les lignes à grande vitesse au fret ferroviaire pendant la nuit à condition que cette décision fasse l’objet de mesures d’accompagnement propres à assurer son acceptabilité sociale.

M. le président Patrick Ollier. Je remercie Yanick Paternotte et les membres du comité de suivi, qui ont réalisé un travail d’une ampleur et d’une qualité remarquables. Ce rapport se distingue par sa volonté de proposer des solutions innovantes, qui, pour une raison ou pour une autre, n’avaient jamais été avancées officiellement. Je crois que le Parlement peut légitimement s’enorgueillir de les formuler aujourd’hui.

Sur le constat économique, le doute n’est plus de mise. Dès lors que nous sommes attachés au développement durable et à la poursuite des activités de fret, il faut absolument éviter les ruptures de la chaîne logistique. J’en profite également pour rappeler que la question des super poids lourds, ou gigaliners, n’est malheureusement pas encore complètement réglée.

En tant que membre du conseil d’administration de la SNCF, je comprends parfaitement les préoccupations des partenaires sociaux. Néanmoins, nous ne progresserons pas sans une confiance réciproque et sans la filialisation de la branche de fret, seule à même de permettre l’identification des coûts. Je le dis, la SNCF n’a pas vocation à absorber un déficit annuel de six cents millions d’euros d’argent public. Je le répète, il n’est pas question de toucher au statut des cheminots. Mais il faut regarder la vérité comptable : en cinq ans, 3,5 milliards d’euros ont été apportés à des plans d’État qui n’ont pas abouti et les dettes atteignent 2 milliards !

Dans la situation actuelle, soit nous nous décidons à envisager l’avenir, soit nous tirons le rideau pendant que la SNCF s’autodétruit. Il n’est plus temps de se quereller sur l’idéologie. L’ouverture à la concurrence est proche et il est temps d’être compétitif.

Pour ce qui concerne le wagon isolé, je tiens pour une bonne alternative le recours aux partenariats public-privé et aux opérateurs locaux.

Mme Catherine Vautrin. – L’UMP partage le constat et approuve l’analyse du comité de suivi. Il est nécessaire d’assurer la poursuite des activités de fret, de discuter de possibles évolutions de la société – certes en garantissant les statuts des cheminots – et d’aborder également les problèmes de rénovation des sillons et d’entretien du matériel.

S’agissant de l’utilisation des lignes à grande vitesse pour le fret ferroviaire – à laquelle nous ne sommes pas opposés par principe – et des conséquences en termes de bruit qui en résulteraient pour les riverains, je rappelle que nous subissons déjà les effets de l’initiative de la Commission européenne d’assouplir la réglementation acoustique, passée d’une plage restrictive de 20h-8h à 22h-6h. Nul n’est prêt à accepter des TGV circulant 24 heures/24 !

Enfin, je rappelle que notre commission avait produit en 2003 un rapport sur l’évolution aéroportuaire, qui recommandait déjà les interconnexions. Je regrette qu’il soit largement resté lettre morte et, en tant que Champenoise, je citerai l’exemple de l’aéroport de Vatry et de la ligne grande vitesse Est, que l’on n’a pas jugé bon de relier l’un à l’autre.

M. Maxime Bono. – Je tiens moi aussi à relever le très bon travail accompli par le comité de suivi. En ce qui concerne les propositions avancées, beaucoup sont consensuelles : les questions du fret ferroviaire sur les lignes à grande vitesse, de la mixité ou encore de la gestion des gares par un établissement public peuvent être considérées avec bienveillance. En revanche, on s’interroge sur l’idée de confier des lignes aux opérateurs de proximité : cela ne reviendrait-il pas à imputer aux régions le déficit de leur fonctionnement ? Quant à la filialisation, je ne surprendrai personne en disant que nous serions plutôt favorables à une politique portant sur les volumes, à laquelle les plans successifs – auxquels nous n’avons jamais cru – tournaient le dos.

Au regard de l’ensemble du rapport qui nous est présenté, le groupe SRC a finalement décidé de s’abstenir. Nous estimons que d’autres options restent ouvertes qui, pour reprendre les mots du président Ollier, permettraient d’envisager l’avenir sans tirer le rideau.

Enfin, je regrette que le rapport ne fasse que très peu de place au transport portuaire, dont les perspectives sont pourtant très intéressantes dans le cadre d’une politique globale.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur Bono, en tant qu’administrateur de la SNCF, j’ai simplement voulu indiquer que le fret ferroviaire devait évoluer sauf à connaître d’importants problèmes. Je vous accorde que mon langage était imagé. Par ailleurs, les membres de la commission ne doivent aujourd’hui prendre position que pour ou contre la publication du rapport, ce qui est différent de l’approbation de l’ensemble des éléments qu’il contient.

M. Daniel Paul. Ce rapport est bien construit et même si je suis loin de partager l’ensemble des points de vue qui y sont exposés, je dois reconnaître que le diagnostic et les propositions sont remarquablement cohérents.

Mais on ne parle jamais du poids de la dette sur le développement du fret : si une autre politique de gestion de la dette avait été menée, la situation de la branche de fret ne serait pas du tout la même aujourd’hui. La seule solution proposée consiste à aggraver la situation, en augmentant la concurrence dans le secteur et en mettant en cause les salariés qui y travaillent, alors qu’ils avaient alerté sur les difficultés depuis longtemps.

On ne peut qu’approuver plusieurs points du rapport, notamment lorsqu’il annonce que la politique du tout routier doit être revue dans notre pays, que le fret grande vitesse doit être expérimenté et que la mixité d’usage pourrait être réintroduite ; mais le report modal vers le rail ne sera pas atteint par le développement de la concurrence, comme nous aurons l’occasion de le redire à l’occasion de l’examen du projet de loi sur la régulation ferroviaire. Enfin, nous sommes évidemment hostiles à la filialisation qui tendrait à introduire un système ferroviaire à deux vitesses.

M. le président Patrick Ollier. N’étant chargé d’aucune mission par personne, je me contente de rappeler que ce rapport est une boîte à outils, dont certains font consensus, semble-t-il. Son contenu n’a pas été dévoilé aux ministres concernés, dans le respect de la souveraineté de notre commission et de la liberté qu’elle a de mener ses travaux comme elle l’entend.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce travail fait honneur à notre Commission, notamment par le souci d’aller sur le terrain qui l’a sous-tendu.

Lors d’une rencontre avec les élus du groupe Nouveau centre, le président de la SNCF a tenu un discours préoccupant : compte tenu de l’extrême compétitivité du réseau autoroutier et routier français, ainsi que des PME dans le domaine des transports, ce serait le rendez-vous de la dernière chance pour le fret ferroviaire. Celui-ci présente en effet un déficit de compétitivité structurel par rapport à la route, que la redevance poids lourds votée dans le cadre du Grenelle ne viendra rééquilibrer qu’à la marge.

Le chiffre de 600 millions d’euros de déficit ne vient hélas que corroborer le constat selon lequel plus on fait de fret, plus on perd de l’argent. Le président de la SNCF lui-même s’est rallié à l’idée selon laquelle la filialisation était la seule solution pour assurer la survie du fret. Or cette survie est primordiale dans la perspective de tenir les engagements du Grenelle de l’environnement.

M. Bernard Lesterlin. Le travail du comité de suivi aura été utile et il a permis d’apprendre beaucoup de choses ; la présentation qui en a été faite par le rapporteur mérite néanmoins d’être nuancée, notamment pour ce qui concerne la comparaison entre la France et l’Allemagne. N’oublions pas que l’Allemagne a mis à profit la réunification pour laisser à la Deutsche Bahn (DB) une vraie mission de service public, dans la mesure où elle bénéficie encore du monopole sur les réseaux ferrés, sur l’énergie nécessaire à son exploitation et d’un quasi-monopole sur les grandes lignes. Pour appliquer le droit européen, elle a soutenu le développement d’opérateurs de proximité historiques.

Il y a douze ans, la France a commencé, au contraire, par externaliser son réseau à RFF, ce qui n’a pas résolu le problème de la dette. De ce fait, le pays a pris dix ans de retard dans l’entretien du réseau et le fret n’est maintenant plus considéré comme compétitif.

Le groupe SRC a par ailleurs demandé à plusieurs reprises un rapport sur les conséquences de l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire et l’on ne peut considérer que le présent rapport en tient lieu.

M. le président Patrick Ollier. L’examen du projet de loi sur la régulation ferroviaire sera l’occasion d’approfondir ces questions. Toutefois, l’orientation du présent travail résulte de la préférence et de la passion des commissaires qui l’on réalisé. L’on ne peut que souhaiter que ce travail puisse être poursuivi et élargi.

M. Michel Raison. Force est d’admettre que le fret est à l’agonie et, pour l’expliquer, la question des sillons est fondamentale. Il est déjà difficile de trouver des sillons de qualité disponibles pour les TER et parfois pour les grandes lignes. Comment en trouver suffisamment pour le fret ?

Il faut effectivement résoudre le problème des wagons isolés : sans cela, il sera impossible de sauver le fret. Même en train complet, la SNCF perd des marchés. La filialisation suffira-t-elle à régler ce problème ?

M. Frédéric Cuvillier. Le rapport proposé est de qualité, mais il soulève d’énormes questions. On voit bien la finalité de la filialisation. Il faudrait toutefois s’interroger sur les différentes responsabilités à l’origine des centaines de millions d’euros de déficit. Souvenons-nous du plan Marembaud qui mettait en jeu l’avenir de 252 gares de wagons isolés : c’est un véritable problème d’aménagement du territoire. Il faut aussi admettre que la politique du tout TGV a conduit à sacrifier le fret. RFF doit être présent dans le dispositif proposé par le rapport. Enfin, la compétitivité des ports doit être améliorée et le Grenelle de la mer en donne l’occasion. Leur desserte ferroviaire reste insuffisante, par exemple pour le transport des produits de la pêche : pas un kilo de poisson du Boulonnais ne prend le train!

M. le président Patrick Ollier. Les gares dont vous parlez n’ont pas été fermées : c’est l’activité de wagon isolé qui y a été supprimée.

M. Jean-Claude Bouchet. Faut-il remettre le fret sur le rail ou sauver le fret SNCF ? Les deux bien sûr, en commençant par sauver le fret, pour toutes les entreprises concurrentes. Il faut ensuite travailler sur la régularité des trains, la vitesse commerciale et le respect des horaires afin de proposer une offre ferroviaire de qualité. RFF doit offrir au fret des sillons de qualité, alors que les régions tendent à favorisent le transport de voyageurs. Envisager la filialisation implique de réfléchir à la charge de la dette. Il y a vingt ans, le développement des embranchements ferroviaires de proximité s’est soldé par un échec. Enfin, pourquoi ne pas prendre en France la même mesure qu’en Suisse, où il est obligatoire de mettre les camions en transit dans des trains ?

M. Philippe Plisson. L’avenir du fret ferroviaire pose une question écologique. Dans notre économie, qui est malheureusement encore libérale, c’est la rentabilité qui reste le premier objectif. Dès lors, il convient d’imposer des contraintes fortes à la route, beaucoup plus polluante que le rail. Votre proposition de filialisation est idéologique : vous souhaitez rentabiliser le fret en supprimant les avantages sociaux dont disposent les agents. Il faudrait au contraire conserver leur statut et taxer les pollueurs que sont les transporteurs routiers. La vraie question est la suivante : le Gouvernement va-t-il consentir aux investissements nécessaires pour développer le fret ?

M. Pierre Lang. Freyming, deuxième gare de fret en volume du temps de Charbonnages de France, ne connaît plus de trafic aujourd’hui, mais il est question de la relancer. J’exprime la déception des élus locaux qui ont financé les embranchements de desserte de nombreuses zones industrielles. Après maintes déconvenues, du fait des grèves à la SNCF, les industriels choisissent de recourir aux seuls camions. La responsabilité de la SNCF et de ses personnels est donc très lourde. Quant à la filialisation, on peut évoquer le précédent de Charbonnages de France. Les personnels ont été placés dans des filiales privées, leur rémunération étant garantie jusqu’à leur retraite : où est le problème ?

Mme Colette Langlade. L’activité du wagon isolé représente 40 % du chiffre d’affaires, mais 70 % des pertes ! Je vous adresserai, Monsieur le rapporteur, des informations complémentaires sur la situation dans le sud-ouest, notamment pour ce qui concerne le réseau ferroviaire dans le nord de la Dordogne, où la desserte des entreprises isolées est véritablement problématique.

M. Alfred Trassy-Paillogues. S’agissant des « gigaliners », il me semble essentiel de préciser que leur interdiction répond aussi à un impératif de sécurité routière.

Je m’étonne que l’on soit toujours obligé, en France, de traiter les problèmes - notamment sociaux – en créant des filiales, des sociétés de cantonnement ou des établissements publics. Le comité de suivi a-t-il obtenu des informations sur la structure des charges et des coûts ? Dispose-t-il d’éléments sur la gestion des entreprises de fret ? Des audits de gestion comparatifs peuvent-ils être menés pour relever d’éventuels dysfonctionnements dans l’exploitation ? Il y aurait là une voie de progrès pour traquer les possibilités d’optimisation des moyens.

S’agissant des nuisances sonores, d’énormes progrès techniques ont été réalisés, à très faible coût. Il faut inciter RFF à les mettre en œuvre pour le fret.

Enfin, RFF désaffecte beaucoup de ses lignes et les revend souvent à des collectivités territoriales, qui en font des trames vertes pour faire du patin à roulettes ou des pistes cyclables. Il faudrait être plus prudent, car l’on pourrait avoir besoin un jour de les remettre en service.

M. Jean-Luc Pérat. Je suis d’accord avec la proposition du rapporteur visant à favoriser la réalisation des embranchements nécessaires à l’activité des opérateurs ferroviaires de proximité et de contournement de certaines métropoles. Est-il toutefois prévu d’organiser une mutualisation des moyens avec les collectivités de manière notamment à associer les intercommunalités ? Quelle méthodologie est-elle envisagée pour susciter les initiatives nécessaires ? Le fret de nuit présente l’inconvénient notable d’être particulièrement bruyant, à la différence des TER, quasiment silencieux aujourd’hui. Cela impose de travailler sur les matériels et de développer la qualité des wagons.

M. Serge Poignant. J’exprime mon accord avec les propositions du rapporteur. Est-il exact que, pour la régénération du réseau, un plan pluriannuel aurait été défini à l’horizon 2015 ? Les notions posées au plan européen, en particulier, celles d’ « interopérabilité » et de « corridors européens », sont, en toute hypothèse, essentielles pour parvenir aux objectifs que nous nous sommes fixés en matière d’élimination des gaz à effet de serre.

M. Antoine Herth. J’adresse mes félicitations au rapporteur pour la qualité de ses travaux. En ce qui concerne le statut des personnels, il importe de ne pas s’enfermer dans un faux débat de nature idéologique et d’insister sur le fait que ceux-ci doivent s’engager dans une véritable aventure d’entreprise, ce qui impose de travailler à leur formation et à leur épanouissement. S’agissant de la chaîne logistique dans son ensemble, l’on note une tendance croissante des entreprises à externaliser leurs stocks pour des raisons financières ; à cet égard, il faut encourager – notamment par la fiscalité – le retour à la constitution des stocks tampons dans les entreprises, ce qui permettrait de relativiser la question des délais d’acheminement.

M. Jean-Louis Léonard. J’approuve les orientations retenues par le rapport, tout en regrettant que ne soient pas abordés deux thèmes : la recherche et l’état des matériels. Il y a malheureusement une désaffection pour la recherche sur le fret en France et l’opérateur national n’a sans doute pas fait le maximum en la matière. Qu’en est-il de l’état d’avancement du programme PREDIT – programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres ?

M. Philippe Meunier. Pour parvenir aux objectifs de report modal retenus dans le « Grenelle de l’Environnement », il faudrait rassurer les riverains en limitant les nuisances engendrées par le ferroviaire. Un point sur le matériel roulant serait ainsi indispensable, pour rencontrer le soutien des populations et renforcer l’acceptabilité sociale du fret.

M. Jean-Pierre Nicolas. Je salue la qualité de ce rapport. La « remise sur le rail » du fret ferroviaire repose essentiellement sur la qualité et la régularité de l’offre proposée. Un inventaire de ce qui pourrait être remis en service est indispensable, après la désaffection de certaines lignes spécialisées comme celles naguère dédiées aux céréaliers.

M. Didier Gonzales. Je salue à mon tour la qualité de ce rapport. Peut-on éclairer la perspective du report d’une partie du fret aérien sur le rail ?

M. le président Patrick Ollier. Le travail que nous accomplissons dans le cadre de ce comité de suivi est inhabituel et novateur. La « boîte à outils » proposée ne doit être envisagée que comme telle et il nous reviendra de donner corps à ces propositions dans le cadre du travail législatif. Il faut en toute hypothèse éviter les polémiques inutiles et veiller à ce que chacun conserve sa liberté de pensée et d’expression.

Monsieur le Rapporteur, je vous redonne la parole pour répondre aux différents orateurs.

M. Yanick Paternotte, rapporteur : Madame Vautrin, j’avais déposé un certain nombre d’amendements relatifs aux lignes à grande vitesse dans le cadre du Grenelle 1 mais ils n’ont pas été retenus par le Gouvernement. Comme vous, il me paraît important que toutes les lignes arrivant dans les aéroports soient électrifiées et soient reliées aux lignes à grande vitesse autant que faire se peut.

Monsieur Bono, dans le rapport, sans doute n’approfondissons-nous pas suffisamment la question portuaire, mais il faut savoir que la mission prévue à Rotterdam a malheureusement été annulée, et que la question avait déjà été traitée dans le cadre de la réforme portuaire et de Port 2000. En tout état de cause, c’est un problème d’infrastructures et de stratégie. Il est difficile de recréer des structures, mais lorsqu’elles existent déjà, il faut beaucoup de foncier disponible pour installer les containers. Mais c’est incontestablement une idée à explorer.

Il ne faut pas, Monsieur Paul, opposer systématiquement le rail et la route, mais tout faire pour faciliter le report modal. Dans le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, il y a un certain nombre d’articles sur le cabotage. Pour le fret, des distorsions de concurrence sont certes à déplorer mais il faut d’abord tenir compte de la réalité économique du secteur. Prenons garde car, dans la situation actuelle, si on double le volume, on risque aussi de doubler les pertes.

S’agissant, Monsieur Lesterlin, du bilan de l’ouverture à la concurrence, nous aurons l’occasion d’aborder la question dans le cadre de la discussion sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires. Si 13 % du marché ne relève pas de la SNCF, la part de Véolia, par exemple, est en train de baisser. Le constat de l’existence de distorsions de concurrence a été fait lors de toutes nos auditions et concerne même l’Allemagne.

S’agissant, cher Michel Raison, du wagon isolé, c’est du développement des opérateurs ferroviaires de proximité que viendra peut-être le salut. Beaucoup de lignes historiques étaient liées à une activité unique (charbonnage, céréales, …) : aujourd’hui il faut mêler tous les partenaires économiques par une massification et une diversification des sources d’approvisionnement économique. Il faut partir de l’économique pour arriver aux sujets de transport. Bien entendu, sans wagons isolés, il n’y aura pas de trains massifs. Nous sommes face à un problème structurel de conception du réseau : il faut raisonner en termes de système de hub et non de point à point.

Par rapport au modèle suisse qu’a cité notamment M. Bouchet, il faut rappeler qu’il s’agit d’un pays de passage et qu’en interdisant le transit des camions par leur pays, les Suisses en font porter la charge à leurs voisins. En effet, le trafic des camions passe par l’Autriche ou la France, avec les nuisances qui en découlent. Il reste que la Suisse mène des expériences très intéressantes comme l’acheminement par le train des ordures ménagères ou le développement des trains mixtes.

Pour répondre à M. Philippe Plisson, tous les groupes politiques allemands dont nous avons rencontré des représentants – à l’exception peut-être de die Linke -, sont convaincus que la libéralisation a été positive.

Monsieur Poignant a eu raison d’évoquer l’interopérabilité, car il s’agit d’un défi majeur. Pour relier Lyon à Amsterdam, il faut 23 sillons successifs, le Thalys obéit à sept systèmes de signalisation différents. C’est pourquoi il faut travailler sur les lignes à grande vitesse : la LGV est neuve, on est sur un standard européen et on a moins besoin d’harmonisation des infrastructures et du matériel.

Monsieur Herth, nous avons pu constater lors de notre visite du site de Valfid à Valenciennes que les sous-traitants des constructeurs automobiles (Renault, Peugeot) avaient standardisé leurs pièces et aujourd’hui tout passe par des camions ; ainsi, les mêmes rouleaux d’acier servent aussi bien à Renault qu’à Toyota. Las, tout le trafic se fait par camion, y compris dans des gares de fret !

S’agissant, Monsieur Léonard, de la recherche sur le matériel et de l’innovation, je signale que, dans le cadre du projet Carex, un appel à la concurrence a été lancé sur de nouveaux matériels qui permettront notamment l’acheminement de produits frais comme le poisson du boulonnais, Monsieur Cuvillier, mais aussi les fraises ou les fleurs. En matière de nouveaux wagons, nous avons pu constater qu’il existe une grande hétérogénéité du matériel, y compris à la SNCF et dans ses filiales. On ne constate aucune harmonisation et ces différences posent problème.

Pour ce qui concerne la régularité et les abandons de ligne, que plusieurs d’entre vous ont évoqués, il faut adopter une vision globale à l’échelle du territoire national, et, au niveau local, associer à la réflexion les opérateurs ferroviaires de proximité.

Pour conclure, nous espérons qu’un certain nombre de propositions de notre rapport seront reprises car nous sommes convaincus que le fret ferroviaire a encore un bel avenir devant lui.

M. le président Patrick Ollier. Nous allons porter ces propositions auprès du Gouvernement et nous serons très attentifs aux suites données. D’une certaine façon, nous sommes à une étape et les travaux du comité ne font que commencer.

◊ ◊

Le président Patrick Ollier met aux voix l’autorisation de publier le rapport d’information du comité de suivi : les groupes UMP et NC votent pour, les groupes SRC et GDR s’abstiennent.

La Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire autorise la publication du rapport.

ANNEXES

- Le réseau LGV européen à l’horizon 2020

- Carex, un exemple de projet de réseau de fret à grande vitesse

- Le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CEFAL)

- Bilan carbone comparé du fret ferroviaire, aérien et routier

- Un exemple de tramway mixte : le CarGoTram de Dresde

- Un autre exemple de tramway fret à Zürich

- Vers l’intermodalité : le système Modalohr


La perspective d’un fort développement du réseau LGV

Carex, un exemple de projet de réseau de fret à grande vitesse


1ère phase : mars 2012


2ème phase : 2015


3ème phase : 2020

Un exemple de contournement de métropole régionale :

le CEFAL.

Un exemple de tramway mixte : le CarGoTram de Dresde



Un autre exemple de tramway de fret, à Zürich

Vers l’intermodalité : le système Modalohr


Dans ce schéma, seule la remorque du poids lourd emprunte le réseau ferré ; d’autres systèmes prévoient d’embarquer également le tracteur, de manière à contenir les délais liés aux ruptures de charge.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ø Dans le cadre des réunions plénières

• Au titre des professionnels et des associations 

- SNCF : M. Guillaume Pépy, président, M. David Azéma, directeur général délégué « Stratégie et finances », M. Pierre Blayau, directeur général délégué de la branche transports et logistique, PDG de Géodis, M. Jean-Michel Genestier, directeur général adjoint de la branche transports et logistique en charge des affaires publiques ;

- RFF : M. Hubert du Mesnil, président, M. Hervé de Treglodé, directeur général adjoint chargé du pôle commercial

- AFITF : M. Gérard Longuet, président, M. Stéphane Khelif, secrétaire général ;

- Véolia Transport : M. Cyrille du Peloux, directeur général, M. Antoine Hurel, directeur général adjoint ;

- AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret) : M. Christian Rose, délégué général ;

- FNAUT (Fédération nationale des associations d'usagers des Transports) : M. Marc Debrincat, représentant des voyageurs au Conseil d’administration de la SNCF, M. Jean Lenoir, secrétaire général adjoint, M. Michel Zonca, membre du bureau et responsable du fret ;

• Au titre des organisations syndicales :

- Fédération CGT des Cheminots : M. Didier Le Reste, secrétaire général, M. Thierry Roy, animateur de la délégation CGT des salariés au conseil d'administration de la SNCF, M. Alain Prouvenq, responsable du secteur économique fédéral ;

- CFDT : M. Michel Giraudon, représentant CFDT des salariés au conseil d’administration de la SNCF, M. Dominique Aubry, secrétaire général adjoint, M. Eric de Chateauvieux, chargé d’affaires internationales ;

- FO-Cheminots : M. Rémi Aufrère, secrétaire fédéral suppléant MM. Éric Falempin, secrétaire général et Gérard Le Mauff secrétaire général adjoint, M. Jérôme Grout, sectéraire national Transport Mouvement ;

- CFTC-Cheminots : M. Roger Dillenseger, secrétaire général adjoint, M. Denis Dontenvill ;

- CFE/CGC Transports en relation avec la branche CFE/CGC SNCF : M. Gérard Blanc, président du syndicat national CFE-CGC de la SNCF, M. Philippe Francin, président de la délégation CFE-CGC du transport ferroviaire, M. Bernard Aubin, secrétaire fédéral en charge de la communication, M. Philip Garnier, représentant du syndicat national CFE-CGC de la SNCF ;

- UNSA-Cheminots : M. Éric Tourneboeuf, Représentant UNSA des salariés au conseil d'administration de la SNCF ;

- FGAAC : M. Philippe Beaumont, secrétaire général adjoint, M. Jean-Michel Namy, secrétaire général adjoint, M. Christophe Dard, secrétaire fédéral, M. Olivier Schlaflang, secrétaire fédéral.

- Sud Rail : M. Stéphane Leblanc, représentant des salariés au conseil d’administration de la SNCF, M. Alain Cambi, membre du bureau, M. Francis Dianoux, membre de la commission économique fédérale

Ø Dans le cadre des missions du comité de suivi 

• Mission à Villeneuve-Saint-Georges et Valenton

- M. Jean-Michel Genestier, directeur général adjoint de la branche transports et logistique de la SNCF, en charge des affaires publiques

• Mission à Bruxelles

- M. Enrico Grillo Pasquarelli, directeur des transports terrestres à la Commission européenne

- M. Gilles Savary, député européen, membre du PSE, vice-président de la commission des transports du Parlement européen

- M. Philippe Dumont, conseiller chargé des transports à la Représentation permanente française auprès de l'Union européenne

• Mission à Valenciennes

- M. Provo, Délégué général du Pôle de compétitivité « I-Trans »

• Mission à Berlin

- S.E. M. Bernard de Montferrand, Ambassadeur de France en RFA

- M. Daniel Thurière, conseiller développement durable et transports à l’Ambassade de France

- M. Achim Grossmann, parlementaire, Secrétaire d’Etat au ministère des transports (BMVBS)

- M. Michael Harting, directeur des chemins de fer au ministère des transports (BMVBS)

- M. Gero Storjohann, député de la CDU, élu de Schleswig-Holstein

- M. Martin Burkert, député du SPD, élu de Bavière

- Mme Dorothee Menzner, députée de Die Linke, élue de Basse-Saxe

- M. Anton Hofreiter, député de Bündnis 90 / Die Grünen, élu de Bavière

- M. Karsten Otte, directeur de la branche chemins de fer de l’agence de régulation des activités de réseaux (BundesNetzAgentur)

- M. Otto Wiesheu, membre du directoire de la Deutsche Bahn, responsable Economie et Politique

- M. Joachim Fried, chargé de pouvoir à la Deutsche Bahn, responsable Affaires européennes, Concurrence et Régulation

- M. Axel Sondermann, M. Michel Quidort, M. Ludolf Kerkeling, M. Didier Léandri, Veolia Transports

- M. Jens Mielke, directeur commercial de la filiale allemande « fret ferroviaire » de la CMA/CGM

- M. Engelbert Recker, délégué de l’association professionnelle Mofair regroupant divers opérateurs ferroviaires entrés sur le marché à la suite de l’ouverture à la concurrence du secteur du fret ferroviaire

Ø Dans le cadre de la préparation du projet relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ARAF)

- M. Hubert du Mesnil, Président de RFF

- M. le Sénateur Hubert Haenel, parlementaire en mission sur les questions ferroviaires

- M. David Azéma, Directeur général délégué « Stratégie et finances » à la SNCF

- Mme Sophie Boissard, Directrice de l’agence « Gares et connexions » à la SNCF

- M. Pierre Cunéo, Directeur « Stratégie et Régulation » à la SNCF

- M. Alain Thauvette, Directeur général d’Euro Cargo Rail

- M. Cyrille du Peloux, Directeur général de Véolia transport, M. Antoine Hurel, Directeur général adjoint de Veolia transport

- M. Michel Aymeric, Directeur général de l’Etablissement publics de sécurité ferroviaire

- M. Bernard Gazeau, Délégué général de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP)

- M. Xavier Baumgard, responsable des études générales de Lyon Turin Ferroviaire

1 () Il convient de noter que les pertes du secteur sont antérieures à son ouverture à la concurrence le 1er avril 2006.

2 () Voir notamment le plan Véron en 2004 et le plan Marembaud en 2007.

3 () Sur l’évolution des différents modes de fret, voir le résumé lapidaire du responsable d’une entreprise ferroviaire allemande : « La route domine, le rail progresse, l’aérien baisse et le fluvial, c’est fini ! »

4 () Pour une appréciation de la perception actuelle de la situation du secteur, voir notamment la question au Gouvernement du député Nicolas Perruchot du 26 mai 2009, telle que la rapporte le Compte rendu intégral des débats : « La branche du fret ferroviaire a fait l’objet, depuis quelques années, de choix stratégiques très discutables. Ce qui n’est pas responsable, c’est de faire payer ces choix stratégiques à l’Etat. En 1997, la création de RFF avait conduit à effacer des comptes de la SNCF une dette de 20,5 milliards d’euros. Par ailleurs, on oublie trop souvent qu’une dette de 10 milliards d’euros a été transférée au service annexe d’amortissement de la dette. Enfin, on sait que les subventions versées chaque année par les pouvoirs publics à la SNCF dépassent de beaucoup les bénéfices de celle-ci. On apprend aujourd’hui que les pertes du fret ferroviaire en 2009 devraient s’établir à 600 millions. Au total, l’Etat – c’est à dire les contribuables français – et la SNCF auront injecté plus de 3,5 milliards dans cette branche depuis 2003. Des solutions existent, mais elles se sont souvent heurtées à l’opposition des partenaires sociaux qui prennent depuis trop longtemps cette branche pour une vache à lait syndicale. Allons-nous continuer à soutenir une activité aussi déficitaire ? »

5 () en termes de nombre de jours travaillés comme de niveaux de rémunération, les coûts à répercuter par l’opérateur historique sont structurellement supérieurs à ceux générés par l’application de la convention collective UTP, à laquelle sont soumises les entreprises ferroviaires de droit privé. Dans la propre filiale privée de la SNCF, VFLI, un tractionnaire conduit en moyenne 210 jours par an contre 160 jours à Fret SNCF.

6 () c’est ainsi que dans ses échanges entre la RFA et l’Espagne, le constructeur automobile Volkswagen a privilégié le transport maritime pour éviter l’incertitude qui tient au risque social sur le réseau ferré français : pour le client, la priorité est que la marchandise arrive en temps et en heure. Dès lors, mieux vaut prévoir un mode lent mais sûr qu’un transport rapide et théoriquement efficient mais rendu incertain par un climat social non stabilisé.

7 () sur ce point, voir la réponse du Secrétaire d’Etat aux transports, M. Dominique Bussereau, à la question de M. le député Nicolas Perruchot du 26 mai 2009, déjà citée : « S’agissant du fret ferroviaire, les secteurs d’activité les plus touchés sont ceux qui lui sont traditionnellement liés : l’acier, l’automobile, les bouteilles en verre… Cela crée des difficultés à la SNCF et à la dizaine de sociétés autorisées à travailler – en toute sécurité – sur le réseau ferroviaire français. »

8 () en moyenne, dans notre pays, la distance sur laquelle doit être acheminé un colis n’excède pas 100 kilomètres, cette donnée expliquant pour une large part la prégnance du mode routier.

9 () En atteste la baisse de la conflictualité dans les entreprises de transport, que relève notamment le rapport d’information de MM. les députés Kossowski et Bono de mars 2009 sur la mise en application de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

10 () Outre les conditions d’emploi de son personnel qui sont décrites ci-après, les charges d’exploitation du fret SNCF - qui, en 2008, ont représenté quelque 6% du chiffre d’affaires - sont grevées par un taux de cotisation patronale employeur supérieur de plus de 12 points à celui du régime général de la sécurité sociale, ainsi que par une taxe professionnelle non plafonnée à la valeur ajoutée. La politique tarifaire de Fret SNCF ne peut que tenir compte de l’exigence de ces charges, ce qui restreint sa capacité à soumissionner à des prix compétitifs. Les dispositions permettant de corriger ces deux points sont du ressort exclusif de l’Etat.

11 () A la SNCF, la veille d’un repos hebdomadaire, un conducteur ne peut pas finir de travailler après 19 heures ; le lendemain du repos hebdomadaire, il ne peut pas reprendre le travail avant 6 heures.

12 () L’association CAREX (Roissy Cargo Rail Express) développe un projet européen labellisé « Grenelle de l’environnement ». Sachant que le transport ferroviaire émet en moyenne 35 fois moins de carbone que les autres modes – routier, aérien… - CAREX vise à organiser le report modal des camions et des vols court et moyen courrier vers les trains à grande vitesse, lorsque cela est pertinent. La charge maximale d’une rame CAREX correspond à trois Airbus A 310 Fret ou sept Boeing B 737 Fret ou un Boeing B 747-400 Fret, ou encore cinq à neuf camions selon la charge utile. Le réseau CAREX, constitué par Roissy, Lyon, Liège, Amsterdam, Londres et Cologne avance à grands pas. La première gare de fret LGV se situera à Goussainville, à proximité de l’aéroport Roissy-CDG. L’objectif du réseau EUROCAREX est d’utiliser le réseau européen de LGV – essentiellement la nuit – pour acheminer à 300 km/h des conteneurs avion dans des rames TGV.

13 () Trains Bloc Express

14 () S’agissant de la LGV Montpellier-Perpignan, alors que le débat public se poursuit jusqu’au 3 juillet 2009, la mixité voyageurs et fret de la future ligne à grande vitesse, déjà prévue côté espagnol ainsi qu’entre Nîmes et Montpellier, semble s’imposer, pour une vitesse de circulation des trains fret fixée initialement à 120 km/h.

15 () La comparaison entre ferroviaire et aérien est édifiante : historiquement, les compagnies étaient « tout cargo », comme l’aéropostale, ou « passagers et bagages ». Aujourd’hui, 3 modes coexistent et la mixité d’usage du matériel et des infrastructures est la règle :

- avions exclusivement dédiés au transport de passagers (low-cost et dessertes régionales) ;

- avions 100% fret avec 4 intégrateurs mondiaux (Fedex, UPS, TNT, DHL) et les filiales spécialisées des compagnies mondiales comme Air France Cargo, Lufthansa Cargo, KLM Cargo, etc. ;

- avions mixtes passagers plus containers cargo en soute : de règle sur les longs courriers des compagnies généralistes. Ainsi, les compagnies de passagers transportent 50% à 60% du fret aérien mondial en soute. C’est tout le succès du site de Roissy-CDG, qui est à la fois le hub d’Air France, celui de Fedex, et, historiquement, le hub aérien de l’aéropostale.

16 () La ligne B du RER, entre Roissy-CDG et Paris-centre pourrait ainsi devenir un « maillon vert » de la chaîne logistique en Ile-de-France. De même, la future desserte Lyon Saint-Exupéry/Lyon centre par le transport collectif en site propre « L.Y.S.A » offrirait une alternative logistique « verte » au départ de la plateforme multimodale de Lyon Saint Ex, en continuité du réseau de TGV fret « Carex ».

17 () cf. le projet de contournement fret de l’agglomération lyonnaise (CFAL)

18 () Pour Fret SNCF, le wagon isolé représente 40% du chiffre d’affaires mais 70% des pertes. L’effondrement des trafics de 40% depuis le début de 2009 a fait augmenter le coût moyen par wagon de 70%. Pour que l’activité redevienne rentable, il faudrait que ses volumes augmentent de 65%.

19 () Cette vision est à recouper avec celle développée par M. Hubert du Mesnil, président de RFF, dans un entretien au journal Le Monde paru en avril dernier :  « La priorité [pour redresser le fret ferroviaire en France], c’est de trouver un nouveau modèle économique au transport ferroviaire de proximité. Pour les grands flux massifs, trains entiers et transport combiné, la SNCF et les nouveaux venus savent ce qu’il faut faire. En revanche, pour les trafics dispersés, les petits lots ou ce qu’on appelle le wagon isolé, nous sommes dans une impasse. Ce sont d’ailleurs ces wagons isolés qui sont à l’origine de la majeure part des pertes de Fret SNCF. C’est pourtant essentiel pour la bonne santé du fret : si la Deutsche Bahn est si forte en ce domaine, c’est parce que des dizaines d’opérateurs ont réussi à s’implanter sur des petits segments spécifiques – le trafic en sortie d’un port, une ligne pour alimenter une zone industrielle ou une carrière de granulats, etc. – et alimentent ainsi les grands flux. (…) Nous cherchons à comprendre comment ces opérateurs ont pu apparaître et prospérer et c’est tout l’enjeu des OFP, ces PME du rail dont nous soutenons la création. »

20 () Après la réunification, en 1994, les deux entreprises ferroviaires allemandes - la Deutsche Bundesbahn de l’ancienne RFA et la Deutsche Reichsbahn de l’ancienne RDA – ont fusionné pour créer la DB AG. En vue d’harmoniser les différentiels de salaire et de statut social, une structure de cantonnement , le BEV (Patrimoine ferroviaire de l’Etat fédéral), qui met à disposition le personnel historique auprès de la DB à un coût financier compétitif. Le BEV rétribue les fonctionnaires mis à la disposition de la Deutsche Bahn conformément à la grille salariale de la fonction publique. La Deutsche Bahn rembourse au BEV le coût des fonctionnaires mis à sa disposition sur la base de la grille salariale de la convention collective applicable à l’entreprise. Cette dernière est, bien évidemment, inférieure à la grille salariale de la fonction publique

21 () S’agissant des trains longs, RFF est disposé à poursuivre l’expérience des trains de fret de 850 mètres et 1000 mètres. On est encore loin des convois de 4000 mètres qui traversent les Etats-Unis…

22 () notamment dans les traversées d’agglomérations, encore trop fréquente sur le territoire français


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