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N° 1773

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 juin 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
préalable au
débat d’orientation des finances publiques,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gilles CARREZ,

Rapporteur général,

Député.

——

INTRODUCTION 5

I.– UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2009 FRAPPÉE DE PLEIN FOUET PAR LA CRISE 6

A.– DES DÉPENSES EXCEPTIONNELLES DESTINÉES À SOUTENIR L’ACTIVITÉ 6

B.– PRÈS DE 20 MILLIARDS D’EUROS DE MOINS-VALUES SUR RECETTES EN 2009 11

1.– Une chute des recettes fiscales due à la dégradation de la conjoncture 12

a) Quatre premiers mois préoccupants mais non représentatifs de l’année 12

b) Les moins-values de recettes fiscales pourraient dépasser 15 milliards d’euros en 2009 13

2.– Des recettes non fiscales probablement inférieures à la prévision 14

3.– Un volet « recettes » du plan de relance qui devrait être plus coûteux que prévu 15

4.– La diminution du taux de TVA sur la restauration : plus de 2,4 milliards d’euros non gagés 15

a) Une mesure adoptée par amendement 15

b) Un coût net de l’ordre de 2,4 milliards d’euros 16

c) Une mesure non gagée 17

C.– UN NIVEAU DE DÉFICIT HISTORIQUE EN 2009 17

1.– Le déficit public pourrait dépasser 7 % du PIB en 2009 17

a) Un déficit de l’État de l’ordre de 120 milliards d’euros 18

b) Un besoin de financement des collectivités locales en hausse 19

b) Les comptes sociaux : un déficit supérieur à 26 milliards d’euros 20

2.– Un nouvel accroissement du besoin de financement de l’État et de la dette publique 22

II.– DE TIMIDES PERSPECTIVES D’AMÉLIORATION EN 2010 24

A.– FAIRE FACE À LA CRISE SANS RELÂCHER L’EFFORT DE MAÎTRISE DES DÉPENSES 24

1.– La déclinaison de la programmation triennale des dépenses 24

2.– D’importants écarts à la programmation qui ne remettent pas en cause la stabilisation des dépenses en volume 26

3.– Le maintien du cap de la maîtrise de la dépense publique 30

4.– Un effort supplémentaire exceptionnel en faveur du plan de relance de l’économie 32

B.– L’APPLICATION DES RÈGLES DE GOUVERNANCE FISCALE RESTE PRIMORDIALE 35

1.– Les règles de gouvernance doivent s’appliquer pour sécuriser les recettes 35

a) Des règles entrées en vigueur avec la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques 35

b) Des règles nécessaires pour protéger les recettes 35

2.– La réforme de la taxe professionnelle doit être gagée 37

3.– Les recettes de l’État pourraient remonter dès 2010 avec la disparition de l’impact du plan de relance 38

a) L’impact persistant de la crise : environ 3 milliards d’euros de moins-values sur les recettes fiscales brutes 39

b) La disparition de l’impact budgétaire du volet « recettes » du plan de relance : un gain de 9,7 milliards d’euros par rapport à 2009 39

c) Une possible hausse des recettes non fiscales de 2 milliards d’euros 40

d) Des prélèvements sur recettes en baisse de 2,4 milliards d’euros 40

e) Des comptes spéciaux à l’équilibre 40

C.– UN NIVEAU D’ENDETTEMENT SANS PRÉCÉDENT 41

1.– Une réduction du déficit de l’État, une aggravation des déficits sociaux 41

a) Une réduction du déficit de l’État du fait de la dissipation des effets budgétaires du plan de relance 41

b) La poursuite de la dégradation du besoin de financement des collectivités territoriales 42

c) Les comptes sociaux verraient leur déficit s’aggraver en 2010 42

d) Les différents scénarios envisageables : un déficit public entre 6,7 % et 8,4 % en 2010 42

2.– Empêcher l’emballement de la dette publique 44

AUDITION DE M. PHILIPPE SÉGUIN, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES 49

AUDITION DE M. ÉRIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT 73

INTRODUCTION

Le débat d’orientation budgétaire de cette année se tient alors que la France traverse la crise économique la plus importante depuis la Libération. Avec une prévision de croissance de – 3 % en 2009 et de 0,5 % en 2010, l’impact du recul de l’activité sur les comptes publics sera substantiel et durable.

Une telle situation ne saurait, toutefois, autoriser l’abandon des règles élémentaires de bonne gestion des finances publiques.

La maîtrise de la dépense doit rester un objectif prioritaire. La mission Plan de relance de l’économie, située en dehors du périmètre de la norme de dépense, doit prévoir les seuls crédits strictement nécessaires au soutien de l’activité. Par ailleurs, le respect de la trajectoire de dépenses, hors mesures de relance, définie dans la loi de programmation, n’est pas remis en cause par le contexte économique. La poursuite de la revue générale des politiques publiques est enfin une condition essentielle à la réduction du déficit structurel et facilitera la résorption des déficits au retour de la croissance économique.

Les importantes moins-values sur recettes constatées dès 2008 ne peuvent justifier l’abandon des règles de bonne gouvernance fiscale prévues dans la loi de programmation des finances publiques. Celles-ci sont, au contraire, plus nécessaires que jamais. Le respect de la règle de gage des dépenses fiscales et des exonérations de cotisations sociales reste une exigence pour limiter la dérive des déficits durant la crise et permettre de profiter pleinement du rebond des recettes après la récession. La préservation des ressources publiques suppose également de proscrire toute réforme financée par un accroissement de l’endettement. À cet égard, s’il est entendu que la réforme de la taxe professionnelle sera neutre pour les finances locales, elle devra l’être également pour le budget de l’État qui ne peut jouer indéfiniment le rôle de variable d’ajustement de l’ensemble des finances publiques.

Depuis trente ans, la France est systématiquement entrée en période de ralentissement économique avec des marges de manœuvre budgétaires réduites du fait d’une mauvaise gestion du haut du cycle économique. Alors que l’endettement public pourrait dépasser 80 % du PIB dès 2010, la crise actuelle démontre le danger d’un tel tropisme. Si l’après-crise ne consacre pas son abandon, l’État pourrait rencontrer d’importantes difficultés de refinancement quand les investisseurs se tourneront à nouveau vers les emprunteurs privés.

I.– UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2009
FRAPPÉE DE PLEIN FOUET PAR LA CRISE

A.– DES DÉPENSES EXCEPTIONNELLES DESTINÉES À SOUTENIR L’ACTIVITÉ

● Face au choc de la crise, le Gouvernement et du Parlement n’ont pas tardé à réagir : mesures exceptionnelles d’aide au financement du secteur bancaire dès l’automne 2008 (1) ; mise en place au tout début de l’année 2009 d’un ambitieux plan de relance de l’économie axé sur le soutien aux entreprises et à l’investissement (2; efforts supplémentaires en avril dernier en faveur de l’emploi, des ménages les plus modestes et de la filière automobile (3).

Le tableau ci-dessous récapitule les différentes mesures de relance ayant un impact sur le déficit budgétaire en 2009.

RÉCAPITULATIF DES MESURES DE RELANCE ET DE LEUR COÛT PRÉVU EN 2009

(en milliards d’euros)

Plan de relance de l’économie (décembre 2008 - janvier 2009)

 

Création d’une mission Plan de relance de l’économie (a)

10,3

Augmentation des remboursements du FCTVA (b)

2,5

Remboursement de créances fiscales aux entreprises

9,2

Mesures supplémentaires (LFR du 20 avril 2009)

 

Dépenses supplémentaires de la mission Plan de relance de l’économie

2,3

Prêts à la filière automobile

6,7

Prêts pour le développement économique et social

0,1

Crédit d’impôt sur le revenu en faveur des contribuables modestes

1,1

Total

32,2

(a) Y compris 3 milliards d’euros destinés au Fonds stratégique d’investissement (FSI).

(b) FCTVA : Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée.

On notera que la prévision de 2,5 milliards d’euros de versements anticipés au titre du FCTVA, inscrite dans la loi de finances rectificative du 4 février dernier, devrait être largement dépassée, compte tenu du succès rencontré par cette mesure : 19 540 conventions ont été signées entre l’État et les collectivités territoriales, représentant des engagements d’investissement de 54,5 milliards d’euros, soit une augmentation de 54 % par rapport à la moyenne annuelle de la période 2004-2007. Le coût pour l’État en 2009, imputé sur les prélèvements sur recettes en faveur des collectivités locales, pourrait être proche de 4 milliards d’euros.

Du point de vue des dépenses budgétaires au sens strict (4), ce sont 19,3 milliards d’euros de crédits supplémentaires qui ont été accordés pour soutenir l’activité : 12,6 milliards d’euros sur la mission Plan de relance de l’économie spécialement dédiée et 6,8 milliards d’euros sur le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés, essentiellement les prêts à la filière automobile.

L’enveloppe des prêts aux constructeurs automobiles a effectivement été mobilisée à hauteur de 6,3 milliards d’euros dès les mois d’avril et mai 2009 : ont été consentis des prêts de 3 milliards d’euros à Renault, de 3 milliards d’euros à PSA et de 250 millions d’euros à Renault Trucks. D’une durée de cinq ans, ces prêts sont susceptibles de remboursements anticipés, à l’initiative des constructeurs, au bout de deux ans. La rémunération de l’État comporte une part fixe de 6 % et une part variable, fonction des résultats opérationnels : l’État percevra donc à ce titre en 2010, au minimum, environ 375 millions d’euros (5).

Les moyens de la mission Plan de relance de l’économie, rappelés dans le tableau ci-après, ont été initialement fixés à 10,3 milliards d’euros de crédits de paiement dans le premier collectif budgétaire pour 2009, avant d’être complétés à hauteur de 2,3 milliards d’euros par le deuxième collectif en avril.

LES CRÉDITS DE LA MISSION PLAN DE RELANCE DE L’ÉCONOMIE EN 2009

(en milliards d’euros)

Programmes

AE

CP

Programme exceptionnel d'investissement public

4,1

2,8

Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l'emploi (a)

6,6

7,6

  dont dotation au Fonds stratégique d’investissement (FSI)

3,0

3,0

Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité

2,6

2,2

Total mission Plan de relance de l’économie

13,3

12,6

(a) Sur ce programme, les AE sont inférieures d’un milliard d’euros aux CP en raison de la mesure d’accélération du paiement des avances versées sur les marchés publics de l’État, qui concerne des engagements déjà réalisés.

Le Rapporteur général rappelle que, en fonction de la nature des dépenses, les crédits figurant sur la mission Plan de relance de l’économie sont soit directement consommés sur les programmes de la mission (lorsqu’il s’agit par exemple de verser des subventions à d’autres organismes), soit transférés en gestion vers d’autres programmes préexistants (c’est le cas en particulier des dépenses d’investissement).

Au 30 avril 2009, les dépenses directement effectuées sur la mission ont été légèrement supérieures à 2 milliards d’euros (voir le tableau ci-après). Elles ont principalement concerné le versement de la prime de solidarité active de 200 euros aux ménages modestes, la « prime à la casse » (dont le coût réel excédera vraisemblablement la dotation initiale de 220 millions d’euros), des transferts au Pôle emploi au titre de l’embauche dans les très petites entreprises, des dotations à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ou encore des versements au Fonds stratégique d’investissement (FSI).

DÉPENSES DE LA MISSION PLAN DE RELANCE DE L’ÉCONOMIE AU 30 AVRIL 2009

(en millions d’euros)

Infrastructures et équipements civils

322

Enseignement supérieur et recherche

33,1

Patrimoine

12,6

Total Programme exceptionnel d’investissement public

367,7

Aide au remplacement des véhicules anciens

76,3

Aide à l’embauche dans les très petites entreprises

100

Fonds stratégique d’investissement

490

Total Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l’emploi

666,3

Accélération de la rénovation urbaine

133

Lutte contre l’habitat indigne et rénovation thermique du parc privé

133

Hébergement et structures d’accueil

20

Prime de solidarité active

700

Total Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité

986

Total mission Plan de relance de l’économie

2 020

Source : Direction générale des finances publiques, Situation mensuelle des dépenses.

S’agissant des moyens transférés depuis la mission Plan de relance de l’économie vers d’autres programmes du budget général, quatre décrets ont d’ores et déjà été publiés, portant au total sur 3,4 milliards d’euros d’AE et 2,6 milliards d’euros de CP :

– le décret n° 2009-203 du 19 février 2009 a procédé à un transfert de crédits au bénéfice de 21 programmes du budget général de 2,7 milliards d’euros d’AE et de 1,1 milliard d’euros de CP depuis le Programme exceptionnel d’investissement public et de 350 millions d’euros d’AE et de 252 millions d’euros de CP depuis le programme Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité ;

– le décret n° 2009-470 du 23 avril 2009 a transféré 30 millions d’euros d’AE et 15 millions d’euros de CP du Programme exceptionnel d’investissement public au programme Entretien des bâtiments de l’État de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, dans le cadre de la rénovation énergétique du parc immobilier de l’État ;

– le décret n° 2009-591 du 25 mai 2009 a transféré 451 millions d’euros de CP du programme Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l’emploi à 24 programmes du budget général, afin de financer le paiement anticipé d’avances versées sur les marchés publics de l’État (portées de 5 % à 20 % du montant du marché). Un autre transfert du même type devrait être effectué à l’automne. Ces crédits, dès lors qu’ils autorisent une simple anticipation de dépenses déjà prévues, seront déduits des plafonds des missions prévus pour 2010 et pour 2011 dans le budget triennal 2009-2011 (6;

– le décret n° 2009-778 du 23 juin 2009 a transféré 288,5 millions d’euros d’AE et 833,5 millions d’euros de CP à 14 programmes du budget général, afin notamment de poursuivre les opérations d’investissement (630 millions d’euros de CP) et de financer les politiques de l’emploi mises en œuvre dans le cadre du Fonds d’investissement social (145 millions d’euros d’AE et de CP, transférés sur la mission Travail et emploi(7).

● Les autres dépenses du budget général (8) ne devraient pas connaître, dans leur ensemble, de dérapage notable en 2009.

Certes, la conjoncture devrait directement peser sur les dépenses à caractère social portées principalement par les missions Solidarité, insertion et égalité des chances, Travail et emploi et Ville et logement – sans toutefois que le Rapporteur général ait pu obtenir d’informations sur ce point.

Pour autant, 4,4 milliards d’euros d’AE et 4,1 milliards d’euros de CP demeurent mis en réserve à la mi-juin 2009, soit un montant qui, à ce stade de l’année, permet encore au Gouvernement de procéder à un pilotage des dépenses tendant à respecter l’enveloppe accordée par le Parlement.

Surtout, deux postes de dépenses devraient produire des économies par rapport aux crédits prévus dans la loi de finances initiale pour 2009.

D’une part, fixées à 35,5 milliards d’euros dans la loi de finances initiale pour 2009, les charges de pensions devaient initialement augmenter d’environ 2,2 milliards d’euros par rapport à 2008, du fait notamment d’une inflation prévisionnelle de 1,5 % en 2009 en moyenne annuelle. Toutefois, cette prévision a été revue à 0,4 % par la Commission économique de la Nation en mars dernier et les pensions ont, en conséquence, été réévaluées de 1 % au 1er avril (9). Il en résulte un moindre besoin en crédits de l’ordre de 400 millions d’euros du compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions et, corrélativement, des économies sur les dépenses du titre 2 de la plupart des programmes.

D’autre part, la charge de la dette de l’État pourrait être sensiblement inférieure aux crédits votés pour 2009 (43 milliards d’euros). À l’instar du phénomène constaté depuis la fin de l’année 2008, l’effet « taux » représentatif des économies permises, dans le contexte de crise, par des taux d’intérêt largement inférieurs aux prévisions initiales, l’emportera très nettement sur l’effet « volume » entraîné par le recours accru à l’emprunt nécessité par l’augmentation du besoin de financement de l’État (10).

La seule charge de la dette à court terme, la plus directement sensible à l’évolution des taux de l’année en cours, devrait offrir des économies de plusieurs milliards d’euros : le 18 mai dernier, 3,5 milliards d’euros de BTF à 3 mois (11) ont été adjugés à 0,635 %, soit le taux le plus bas jamais servi par le Trésor français sur les marchés de capitaux.

Un autre facteur jouant à la baisse sur la charge de la dette réside dans la particulière faiblesse de l’inflation au premier semestre 2009 : celle-ci diminue mécaniquement la charge d’indexation du capital des OAT et BTAN indexés sur l’inflation française ou européenne (12). En pratique, la provision d’indexation, arrêtée à la date anniversaire des titres (soit le 25 juillet) dépend de l’inflation annuelle constatée en avril et en mai. L’inflation en France ayant été quasi nulle en avril puis négative en mai (– 0,3 % en glissement annuel), il en résultera de substantielles économies sur la provision budgétaire d’indexation, prévue à 2,2 milliards d’euros dans la loi de finances initiale pour 2009.

Au total, selon les informations recueillies auprès de l’Agence France Trésor, les économies susceptibles d’être dégagées sur l’exécution de la charge de la dette en 2009 sont actuellement estimées à environ 4 milliards d’euros (soit une dépense s’établissant à environ 39 milliards d’euros, au lieu de 43 milliards d’euros).

En définitive, les perspectives d’exécution budgétaire relatives aux dépenses en 2009 apparaissent globalement favorables. La situation est toute différente en matière de recettes.

B.– PRÈS DE 20 MILLIARDS D’EUROS DE MOINS-VALUES SUR RECETTES EN 2009

La perte sur les recettes nettes de leurs prélèvements pourrait s’élever à environ 20 milliards d’euros par rapport à la seconde loi de finances rectificative pour 2009(13), en raison notamment d’une moins-value de plus de 10 milliards d’euros sur l’impôt sur les sociétés net.

Cette évaluation a été réalisée par le Rapporteur général en l’absence de données transmises par le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

ÉVALUATION DES RECETTES EN 2009 PAR RAPPORT À LA LFR2

(en milliards d’euros)

 

Base LFR 2

Estimation moins-value en 2009

Montant 2009

IR

 

 

 

IR brut

57,3

0

57,3

Remboursements et dégrèvements d’IR (dont PPE)

– 6,8

– 0,7

– 7,5

IR net

50,5

– 0,7

49,8

IS

 

 

 

IS brut

56,2

 3,2

53

Remboursements et dégrèvements d’IS

– 18,8

– 5,7

– 24,5

IS net

37,4

– 8,9

28,5

TVA

 

 

 

TVA brute

180,3

– 5,5

174,8

Remboursements et dégrèvements de TVA

– 53,6

0

– 53,6

TVA nette

126,7

– 5,5

121,2

TIPP

15,1

– 0,9

14,2

Autres recettes fiscales nettes

15,6

0

15,6

Recettes non fiscales

20,9

– 0,9

20

Prélèvements sur recettes au bénéfice des collectivités locales

– 54,7

– 1,5

– 56,2

Prélèvements sur recettes au profit de l’UE

– 18,9

0

– 18,9

Total recettes nettes, hors fonds de concours

192,6

– 18,4

174,2

Total dépenses nettes, hors fonds de concours

289,6

0

289,6

Solde budget général

– 97

– 18,4

– 115,4

Solde comptes spéciaux

– 7,6

0

– 7,6

Solde État

– 104,6

– 18,4

– 123

1.– Une chute des recettes fiscales due à la dégradation de la conjoncture

a) Quatre premiers mois préoccupants mais non représentatifs de l’année

La situation mensuelle du budget de l’État au 30 avril 2009 laisse apparaître des recettes du budget général en baisse de 23,9 % à périmètre constant, soit 22,3 milliards d’euros, par rapport au résultat constatée au 30 avril 2008.

Cette chute doit toutefois être relativisée pour trois raisons. D’une part, elle est due, à hauteur de 6,8 milliards d’euros, aux remboursements d’impôts prévus dans le cadre du plan de relance. D’autre part, le plan de relance prévoyait un versement accéléré des sommes dues au titre de remboursements d’impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. Le décalage d’environ 8 milliards d’euros sur ces deux postes pourrait s’expliquer partiellement par ces versements moins tardifs qu’en 2008, ce qui n’aurait pas d’impact sur l’ensemble de l’année. Enfin, il semble que le dernier trimestre de 2008 et le premier de 2009 correspondent au pic de la récession avec des reculs de PIB de – 1,5 % et – 1,2 %, pesant sur les recettes de TVA, d’IS et de TIPP. Selon l’INSEE, la décélération du recul de l’activité devrait être progressive au cours de l’année 2009, ce qui soutiendrait les recettes.

Le tableau ci-dessous retrace l’état des recettes du budget général au 30 avril 2009. Le Rapporteur général rappelle que la tendance, traduite par les variations à périmètre constant, ne saurait être prolongée sur l’ensemble de l’année pour les raisons évoquées ci-dessus.

RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL AU 30 AVRIL 2009
(NETTES DES REMBOURSEMENTS & DÉGRÈVEMENTS & HORS PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES)

(en milliards d’euros)

 

Exécution

LFRII

Niveau à la fin avril

Variations
à la fin avril

 

2008 (4)

2009

2008 (4)

2009

2009/ 2008

Périmètre courant

2009/ 2008

Périmètre constant

Recettes fiscales (1)

265 133

245 017

90 298

65 602

– 27,3%

– 27,0%

Impôt sur le revenu – net (2)

51 740

50 405

18 426

19 064

3,5 %

3,5 %

Impôt sur les sociétés – net (1) (3)

49 180

37 394

16 666

1 477

– 91,1%

– 91,1%

Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP)

16 100

15 100

5 227

4 067

– 22,2%

– 17,2%

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – nette (1)

129 851

126 700

45 199

36 735

– 18,7%

– -18,6%

Autres recettes fiscales – nettes (1)(4)

18 262

15 418

4 780

4 259

– 10,9%

– 11,1%

Recettes non fiscales (4)

22 787

21 588

1 742

4 129

137,0 %

135,7 %

Recettes du budget général (hors fonds de concours, hors PSR)

287 919

266 605

92 040

69 731

– 24,2%

– 23,9%

Fonds de concours

3 202

3 316

487

505

3,7 %

3,7 %

Recettes du budget général (yc fonds de concours, hors PSR)

291 121

269 921

92 527

70 236

– 24,1 %

– 23,8 %

(1) Recettes nettes des remboursements et des dégrèvements ; (2) Recettes d’impôt sur le revenu nettes des remboursements et des dégrèvements dont ceux relatifs à la prime pour l’emploi ; (3) Hors IS par voie de rôle et CSB ; (4) les données 2008 des lignes « autres recettes fiscales nettes » et « recettes non fiscales » sont retraitées en nouvelle nomenclature 2009, qui reclasse en recettes fiscales un certain nombre de recettes classées jusqu’alors en recettes non fiscales.

b) Les moins-values de recettes fiscales pourraient dépasser 15 milliards d’euros en 2009

Du fait des éléments évoqués ci-dessus, il apparaît malaisé de prévoir l’évolution des recettes fiscales en 2009 à partir des résultats constatés au 30 avril. On peut toutefois mesurer le manque à gagner observé à cette date, correspondant à la différence entre le résultat constaté et le résultat tel qu’il aurait dû être si la prévision de croissance faite dans le deuxième collectif budgétaire pour 2009 (14) avait été respectée.

● La prévision de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) brute anticipait une croissance de son produit, à périmètre courant, de 1,2 %. Toutefois, sur les quatre premiers mois de l’année 2009, elle apparaît en baisse de 5,4 % par rapport à 2008 en raison du ralentissement de l’inflation dû à la baisse du prix des matières premières. Même si son rendement retrouvait le sentier de croissance prévu pour 2009 dès le mois de mai, il existerait déjà un manque à gagner de 4 milliards d’euros. Comme indiqué plus bas, cette moins-value doit être majorée par une perte d’environ 1,5 milliard d’euros, due à la diminution du taux de TVA sur la restauration, ce qui porte le total à 5,5 milliards d’euros.

Par ailleurs, les remboursements de TVA, hors mensualisation prévue dans le plan de relance, sont en hausse d’environ 2 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2008 et à la prévision pour 2009, du fait de la volonté des entreprises d’accélérer ces remboursements. On ne peut toutefois préjuger de l’impact de ces comportements sur le montant des remboursements sur l’ensemble de l’année, car il est possible que les versements aient été simplement versés plus tôt dans l’année que les exercice précédents. Il semble donc prudent d’écarter cet élément de la réévaluation des recettes de TVA nette.

● De même, le produit de l’impôt sur les sociétés (IS) brut est inférieur de 3,2 milliards d’euros à ce qu’il aurait dû être s’il avait baissé de 11,2 % comme prévu.

Par ailleurs, les remboursements d’IS, hors mesures du plan de relance, sont en hausse de 6,2 milliards d’euros par rapport à la prévision. Cette évolution est due à la forte hausse des restitutions d’acomptes qui dépassent de 5,7 milliards d’euros la prévision. Ces restitutions étant effectuées au premier trimestre chaque année, on peut considérer ce décalage comme une perte acquise sur l’exercice. En revanche, le solde de 0,5 milliard d’euros correspond à des remboursements dont on peut supposer qu’ils ont été anticipés. Il convient donc de les exclure de la réévaluation des recettes.

Sur cette base, la prévision d’IS net pourrait être revue à la baisse de 8,9 milliards d’euros, ce qui porterait son niveau à 28,5 milliards d’euros.

● En ce qui concerne la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), la baisse par rapport à la tendance prévue s’établit à 22,2 %, à périmètre courant par rapport à 2008. Une telle baisse s’explique probablement par le fort destockage des entreprises au premier trimestre, à l’origine d’une chute de la production industrielle. Le manque à gagner, par rapport à la prévision de baisse de -6,2 % à périmètre courant, s’établit à 900 millions d’euros.

● Le montant de l’impôt sur le revenu (IR), calculé sur les revenus perçus en 2008, n’est pas affecté par la révision de la prévision de croissance. Toutefois, le niveau des remboursements dus au titre de la prime pour l’emploi pourrait avoir été sous-estimé. Évalué à 3,4 milliards d’euros en loi de finances initiale, il est inférieur au niveau constaté en 2008, à 4,1 milliards d’euros. La dépense au titre de la prime pour l’emploi pourrait donc être majorée de 700 millions d’euros en 2009 par rapport à la prévision.

Au total, la réévaluation des recettes fiscales nettes conduit à les minorer d’environ 16 milliards d’euros, à 229,2 milliards d’euros.

2.– Des recettes non fiscales probablement inférieures à la prévision

Le montant des recettes non fiscales pourrait être inférieur à la prévision, d’au moins 780 millions d’euros.

Deux éléments conduisent d’ores et déjà à revoir à la baisse les dividendes et recettes assimilées dans une telle proportion. D’une part, la contribution de la Caisse des dépôts et consignations au titre des dépôts des professions règlementées, maintenue en loi de finances rectificative, ne sera pas versée, ce qui représente une perte de 500 millions d’euros pour le budget de l’État. D’autre part, l’État devrait percevoir la moitié du dividende versé par France Télécom sous forme d’actions. Cette décision n’avait pas été prévue dans la dernière loi de finances rectificative alors que celle-ci intégrait la perte résultant d’une opération similaire de GDF-Suez. Même si cette opération représente un investissement et s’inscrit dans la politique de valorisation du patrimoine public, elle représente, en 2009, une perte d’environ 278 millions d’euros pour le budget de l’État.

Par ailleurs, des incertitudes demeurent, principalement sur deux postes de recettes non fiscales. Les reversements de la COFACE sont estimés à 1,5 milliard d’euros par la loi de finances initiale alors que l’ensemble du secteur de l’assurance crédit est affecté par la crise. Par ailleurs, il est prévu une « recette accidentelle » de 750 millions d’euros correspondant à la consolidation de créances du Trésor avec la Côte d’Ivoire, cette opération n’ayant été pu être effectuée en 2008. Son report à 2010 entraînerait une perte de recettes en 2009.

3.– Un volet « recettes » du plan de relance qui devrait être plus coûteux que prévu

Outre l’accélération des remboursements de trop-perçus d’impôt sur les sociétés, qui n’aura pas d’impact sur les comptes de l’année 2009, trois mesures du plan de relance, visant à conforter la trésorerie des entreprises, concernent les recettes fiscales de l’État. Au 30 avril 2009, la montée en charge apparaît très rapide :

– la mensualisation des remboursements de TVA a donné lieu à une dépense de 3,3 milliards d’euros sur les quatre premiers mois, soit plus de 90 % du coût anticipé – estimé à 3,6 milliards d’euros ;

– le remboursement anticipé des crédits impôt recherche explique une moins-value de 2,4 milliards d’euros, soit 63 % du coût anticipé – 3,8 milliards d’euros ;

– le remboursement anticipé de carry-backs a été à l’origine d’une dépense de 1,1 milliard d’euros, pour un coût estimé à 1,8 milliard d’euros, soit 61 % de la prévision.

Si ces chiffres laissent penser que ces mesures du plan de relance répondent à une demande des entreprises, ils indiquent également que le coût sur l’ensemble de l’année pourrait être supérieur à la prévision. Selon le Gouvernement toutefois, l’exécution sur les quatre premiers mois de l’année ne permet pas de savoir si la prévision doit être réévaluée.

4.– La diminution du taux de TVA sur la restauration : plus de 2,4 milliards d’euros non gagés

a) Une mesure adoptée par amendement

Par amendement du Gouvernement au projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, le taux de la taxe sur la valeur ajoutée pesant sur les ventes de services de restauration, hors ventes d’alcool, a été ramené de 19,6 % à 5,5 % à compter du 1er juillet 2009. Les ventes d’alcool seraient toujours soumises à un taux de 19,6 %. L’adoption de cette mesure a été rendue possible par la décision du Conseil Ecofin, du 5 mai dernier, qui a modifié la directive TVA. Celle-ci prévoit une liste de services à forte intensité de main d’œuvre auxquels peut être appliqué un taux de TVA réduit et qui a été notamment complétée par l’inclusion des services de restauration.

Le Rapporteur général considère que, votée par la voie d’un amendement à un texte non financier, cette baisse de la TVA n’a pas pu faire l’objet d’une étude d’impact suffisante, malgré un coût très élevé.

b) Un coût net de l’ordre de 2,4 milliards d’euros

● En année pleine, le coût brut de la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée dans la restauration est estimé par le Gouvernement à 3 milliards d’euros. Son coût net, après suppression du dispositif d’aide à l’emploi des salariés permanents, s’établirait à 2,4 milliards d’euros.

Cette évaluation est fondée sur plusieurs hypothèses qu’il est n’est pas aisé de vérifier. On suppose notamment que le taux des ventes non déclarées s’établit à 10 % de l’activité de restauration, tous secteurs confondus, et que la part des ventes d’alcool dans le chiffre d’affaires du secteur HCR (15) atteint 20 %. La première évaluation a été réalisée avec les professionnels au cours des états généraux de la restauration et la seconde avait été faite en 2004 en vue de la détermination des aides budgétaires mises en place à l’époque. Il est néanmoins difficile de mesurer leur fiabilité.

● Par ailleurs, cette évaluation pourrait être revue légèrement à la hausse. Le coût du dispositif d’aide à l’emploi, qui sera supprimé, est estimé en fonction de l’exécution de 2008, à 629 millions d’euros. Pourtant, la prévision en loi de finances initiale pour 2009 l’évaluait à 541 millions d’euros, soit une différence de 88 millions d’euros.

Par ailleurs, en raison du décalage d’un trimestre dans le versement de cette aide, sa suppression en mi-année se traduit par une économie d’un seul trimestre en 2009, soit un coût supplémentaire compris entre 135 millions d’euros et 157 millions d’euros pour 2009.

Enfin, le coût est calculé en base 2008 alors que la première année pleine sera 2010. Il convient donc de majorer le coût brut en fonction d’une difficile évaluation de la hausse des prix et de la consommation des services de restauration. L’hypothèse prudente d’une hausse de 0,5 % de la consommation en valeur en 2009 et 2010 conduit à une réévaluation de 25 millions d’euros du coût de la mesure.

Au total, le coût net de la mesure pourrait atteindre 1,4 milliard d’euros en 2009 et 2,5 milliards d’euros en année pleine, à partir de 2010.

● Cette diminution du taux de TVA a été accompagnée par plusieurs engagements des professionnels, notamment la création de 40 000 emplois, dont 20 000 contrats de professionnalisation. Le coût par emploi créé s’établit donc à 62 500 euros. Le dispositif d’aide à l’emploi, qui sera supprimé, avait permis de créer environ 24 000 emplois par an, soit un coût de 26 200 euros par emploi en 2008. Toutefois, l’effet global de la mesure doit également s’apprécier au regard de l’objectif de baisse des prix, qui est plus difficile à évaluer.

c) Une mesure non gagée

L’article 11 de la loi de programmation des finances publiques (16) prévoit que les créations de dépenses fiscales ou sociales sont compensées par des suppressions ou diminutions d’autres niches fiscales ou sociales.

Or, la diminution du taux de TVA applicable à la restauration correspond à la définition de la dépense fiscale, à savoir « une disposition législative ou réglementaire dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recette et donc, pour les contribuables, un allègement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français » – la norme étant, en l’espèce, un taux de TVA à 19,6 %.

Le Rapporteur général regrette que la règle de gage n’ait pas été appliquée à cette mesure. Il rappelle que, dans le contexte actuel de dégradation des finances publiques, le respect des règles de gouvernance est primordial pour protéger le niveau des recettes et doit être assuré pour les mesures qui ne relèvent pas du plan de relance.

C.– UN NIVEAU DE DÉFICIT HISTORIQUE EN 2009

1.– Le déficit public pourrait dépasser 7 % du PIB en 2009

Le déficit public sera plus élevé que la prévision faite dans la dernière loi de finances rectificative : selon la projection retracée dans le tableau ci-dessous, il pourrait atteindre 7,2 % de PIB en 2009.

ESTIMATION DU DÉFICIT PUBLIC EN 2009

(en milliards d’euros)

 

2008

2009

État

– 54,4

– 107

ODAC

– 2,3

6

APUL

– 8,6

– 10

ASSO

– 0,9

– 26

Dont Régime général et FSV

– 9,4

– 22,1

Dont Unedic

+ 4,6

– 1,3

Dont Agirc-Arrco

+ 4,5

– 1

Dont ODASS

?

– 1,4

Total

– 66,2, soit 3,4 % de PIB

Environ – 137, soit 7,2 % du PIB

Source pour 2008 : Insee, comptes nationaux. Estimations pour 2009.

a) Un déficit de l’État de l’ordre de 120 milliards d’euros

● Évalué par la dernière loi de finances rectificative pour 2009 à 104,6 milliards d’euros, le déficit de l’État pourrait atteindre 123 milliards d’euros en comptabilité budgétaire.

Si la clé de passage en comptabilité nationale, utilisée lors du dernier collectif budgétaire, n’est pas modifiée, le déficit en comptabilité nationale serait minoré de 15,6 milliards d’euros et s’élèverait à environ 107,4 milliards d’euros, du fait notamment du retraitement des opérations financières, pour 11,5 milliards d’euros, et du passage en droits constatés, pour 4,7 milliards d’euros.

Les doutes exprimés par le Rapporteur général sur la validité de cette clé de passage demeurent. Sur la période 2000-2007 en effet, le passage en comptabilité nationale a eu pour effet de majorer le déficit de 6,6 milliards d’euros en moyenne.

ESTIMATION DU DÉFICIT DE L’ÉTAT EN 2009

(en milliards d’euros)

 

Base
LFR 2

Estimation moins-value en 2009

Montant 2009

Total Recettes nettes, hors FdC

192,6

– 18,4

174,2

Total Dépenses nettes, hors FdC

289,6

0

289,6

Solde BG

– 97

– 18,4

– 115,4

Solde comptes spéciaux

– 7,6

0

– 7,6

Solde État compta. budgétaire

– 104,6

– 18,4

– 123

Clé de passage

+ 15,6

 

+ 15,6

Solde État compta. nationale

– 89

 

– 107,4

● L’excédent des organismes divers d’administration centrale est estimé par le Gouvernement à environ 0,3 % de PIB, soit 6 milliards d’euros, alors que la loi de programmation anticipait un solde positif de seulement 0,2 % de PIB et que leur solde s’est établi à –2,3 milliards d’euros en 2008, soit 0,1 % de PIB. La prévision du Gouvernement paraît optimiste puisqu’elle suppose une progression de plus de 8 milliards d’euros du solde des ODAC en 2009. Or, sa progression serait essentiellement due à la résorption du déficit de l’agence française de financement des infrastructures de transport en France (AFITF), pour 1,3 milliard d’euros, et à un excédent d’au plus 100 millions d’euros de la CADES dû au transfert progressif de la dette sur le premier trimestre.

Plusieurs ODAC pourraient, par ailleurs, voir leur solde budgétaire reculer en 2009 au-delà de la prévision. À titre d’exemple, le Fonds national des solidarités actives, qui finance le revenu de solidarité active, devrait voir le produit de la taxe de 1,1 % sur les revenus du capital diminuer de 14 %, soit un manque à gagner de 200 millions d’euros. De même, le Fonds de réserve pour les retraites devrait souffrir d’une baisse du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital, qui lui est affecté, et de moindres produits de gestion financière.

b) Un besoin de financement des collectivités locales en hausse

Il est probable que le besoin de financement des collectivités territoriales poursuive sa hausse en 2009. Comme le montre le graphique ci-dessous, il apparaît en constante augmentation depuis 2002, avec un pic à 8,7 milliards d’euros en 2008.

BESOIN DE FINANCEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Source : Insee, comptes nationaux

La tendance devrait se prolonger en 2009 en raison d’une hausse des dépenses et d’une diminution des ressources. Une dégradation du besoin de financement des APUL au-delà de 10 milliards d’euros, soit 0,5 % de PIB, n’est pas à exclure. Exposés à une baisse des droits de mutation à titre onéreux et de la TIPP et à une hausse des dépenses sociales, les départements seraient les plus touchés par la dégradation de la conjoncture.

D’une part, les recettes devraient voir leur croissance ralentir en raison de la baisse du rendement des impositions dont le produit dépend des évolutions du marché immobilier – droits de mutation à titre onéreux pour les départements, taxe additionnelle à certains droits d’enregistrement pour les communes. Selon le calcul réalisé par le Rapporteur général dans son rapport relatif à la dernière loi de finances rectificative pour 2009, le manque à gagner pourrait s’établir à 3,6 milliards d’euros sur ces deux impositions en 2009. Enfin, si la prévision du Rapporteur général concernant la TIPP se réalise, elle se traduirait par un manque à gagner d’environ 630 millions d’euros pour les départements et les régions. Ces moins-values fiscales, évaluées à 4,2 milliards d’euros, seraient compensées partiellement par une hausse de la pression fiscale.

D’autre part, les dépenses, notamment sociales, augmenteraient en 2009. Les dépenses relatives au revenu minimum d’insertion et à l’allocation de parent isolé devraient augmenter de 3 %, soit environ 250 millions d’euros à la charge des départements. Selon l’observatoire national de l’action sociale départementale (17), « tout laisse penser que l’année 2009 sera difficile (pour les départements) – et l’année suivante encore plus – et ce sans que nous soyons en mesure d’appréhender l’impact de la crise sur les besoins sociaux ».

Enfin, l’impact du remboursement anticipé de FCTVA en contrepartie d’une hausse de l’investissement est incertain. Il devrait se traduire par une recette comprise entre 3 et 4 milliards d’euros mais par une hausse des dépenses d’investissement, qui est évaluée par le ministère de la relance à environ 40 %. Sur la base d’une dépense moyenne de formation brute de capital fixe (FBCF) de 39 milliards d’euros entre 2004 et 2007 (18), une telle hausse représenterait, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de l’ordre de 15,6 milliards d’euros des investissements des collectivités locales, ce qui paraît démesuré.

b) Les comptes sociaux : un déficit supérieur à 26 milliards d’euros

● L’ensemble des organismes de sécurité sociale en déficit

Contrairement aux années précédentes, l’ensemble des organismes de sécurité sociale devrait être en déficit en 2009. Le déficit du régime général de la sécurité sociale ne pourra donc pas être compensé par les excédents des régimes complémentaires et de l’Unedic.

Les administrations de sécurité sociale sont en effet exposées à la dégradation de la conjoncture car une grande partie de leurs recettes est assise sur la masse salariale, qui devrait reculer de 1,25 % en 2009. Tant les régimes obligatoires de base que l’Unedic, l’Agirc et l’Arrco – pourtant tous trois en excédent en 2008 – seraient en déficit.

Le déficit de l’Agirc en 2009 était évalué, au mois de janvier, à 720 millions d’euros alors que l’Arrco devait être à l’équilibre. En l’absence d’informations complémentaires, il est difficile de réévaluer ces estimations mais il est probable qu’elles devront être revues à la hausse, de la même manière que la prévision de déficit du régime général l’a été récemment par la commission des comptes de la Sécurité sociale. Une estimation de déficit des régimes complémentaires de retraite à 1 milliard d’euros paraît prudente.

L’Unedic a annoncé, le 26 mai dernier, qu’elle connaîtrait un déficit d’environ 1,3 milliard d’euros en 2009, contre un excédent de 4,5 milliards d’euros en 2008. Sa dette cumulée repartirait à la hausse, à 6,3 milliards d’euros.

Le déficit des organismes dépendant de la sécurité sociale (ODASS), principalement les hôpitaux, demeurera en 2009 mais son niveau est difficile à évaluer. Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2008, il s’élevait à 1,4 milliard d’euros en 2007. Un niveau semblable est envisageable pour 2009.

Selon le rapport commission des comptes de la Sécurité sociale, publié le 15 juin dernier, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devrait atteindre 22,1 milliards d’euros en 2009.

Au total, le déficit des administrations de sécurité sociale pourrait s’établir à 25,8 milliards d’euros, soit environ 1,3 % du PIB.

● La question de la reprise de la dette sociale se pose à nouveau

Avec un déficit d’au moins 20 milliards d’euros au 31 décembre 2009, il sera difficile pour l’ACOSS de faire face à ses besoins de trésorerie en 2010 qui pourraient connaître des pics proches de 40 milliards d’euros. La Caisse des dépôts ne peut, en effet, assurer son refinancement au-delà de 31 à 32 milliards d’euros. En l’absence de transfert de dettes, le recours au marché monétaire devrait s’accroître et il est possible que l’État finance l’ACOSS en souscrivant les bons de trésorerie qu’elle émettra. Toutefois, la logique voudrait que la sécurité sociale ne supporte pas un besoin de financement de long terme, ce qui pourrait justifier une reprise de dette en loi de financement pour 2010. Le Gouvernement vient cependant d’écarter cette solution.

Un transfert des déficits cumulés du régime général et du FSV au 31 décembre 2008, dont le montant total s’élevait à 26,9 milliards d’euros, a déjà été décidé en loi de financement pour 2009. Conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005 (19), il s’est accompagné de l’attribution à la CADES de nouvelles ressources
– 0,2 point de contribution sociale généralisée (CSG) auparavant affecté au FSV – pour éviter d’accroître la durée d’amortissement de la dette sociale.

Jusqu’à cette année, la CADES a repris un montant de dettes de l’ordre de 135 milliards d’euros. Il lui reste près de 100 milliards d’euros de dettes à amortir, après le dernier transfert décidé en loi de financement pour 2009.

Le problème de la reprise de la dette sociale pourrait donc se poser à nouveau. Cinq solutions différentes peuvent lui être apportées :

Les deux premières solutions passent par une « réouverture » de la CADES :

– l’augmentation de la CRDS : aux termes de l’article 20 de la loi organique du 2 août 2005, « tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale ». Le taux de la CRDS s’établit aujourd’hui à 0,5 %. Un relèvement de 0,2 point permettrait de couvrir un transfert de l’ordre de 25 milliards d’euros. En revanche, la branche famille et le fonds de solidarité vieillesse étant en déficit en 2009, il semble impossible d’opérer un transfert de fiscalité de la sécurité sociale vers la CADES, comme cela a été fait en loi de financement pour 2009 ;

– la prolongation de la CADES : en étalant les remboursements dans le temps, cette solution permettrait de transférer la dette sans l’accompagner d’un transfert de ressources. Elle présenterait également l’avantage de permettre des transferts entre 2010 et 2020, qui deviendraient difficiles, pour des raisons techniques, dans l’hypothèse du maintien d’une extinction à horizon 2020 (20). Cette solution passe par la modification de la loi organique du 2 août 2005.

Deux solutions permettraient de ne pas faire appel à la CADES :

– la création d’une caisse d’amortissement de crise : cette caisse cumulerait le « déficit de crise » du budget de l’État et celui de la sécurité sociale. Cette solution permettrait d’isoler le déficit spécifiquement dû à la dégradation de la conjoncture. Toutefois, elle accentue le morcellement de la gestion de la dette publique – déjà morcelée entre Agence France Trésor (AFT), CADES, ACOSS, hôpitaux et collectivités territoriales. Elle implique également l’arrivée sur le marché d’un nouvel intervenant public, dont le coût de financement sera supérieur à celui de l’État et probablement à celui de la CADES ;

– une reprise exceptionnelle de dette par l’État : cette solution est été mise en œuvre en loi de financement pour 2009, qui a prévu la reprise de la dette du Fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA) par l’État, à hauteur de 8 milliards d’euros.

2.– Un nouvel accroissement du besoin de financement de l’État et de la dette publique

Du fait du montant exceptionnel du déficit budgétaire en 2009, mais aussi d’amortissements de dette particulièrement élevés (plus de 110 milliards d’euros, représentatifs des déficits passés), le besoin de financement de l’État devait, aux termes de la loi de finances rectificative du 20 avril dernier, atteindre un niveau sans précédent de plus de 216 milliards d’euros en 2009.

ÉVOLUTION DU BESOIN DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

Pour 2009 : prévisions de la LFR n° 2009-431 du 20 avril 2009.

Pour y faire face, l’Agence France Trésor a annoncé un programme de financement à moyen et long terme de 155 milliards d’euros. Au 30 avril dernier, 64,3 milliards d’euros avaient déjà été empruntés. Le placement d’une si grande quantité de titres sur le marché n’a, semble-t-il, pas posé de difficulté. En témoigne par exemple, lors de l’adjudication mensuelle d’OAT du 7 mai dernier, l’émission de 8 milliards d’euros de titres de maturités de 8 ans à 30 ans, soit le montant le plus important jamais réalisé.

Les emprunts à court terme (BTF) sont également très fortement sollicités : d’après la loi de finances rectificative du 20 avril dernier, l’encours de BTF devait augmenter de plus de 37 milliards d’euros en 2009, pour atteindre 176 milliards d’euros en fin d’année.

Ces modalités de financement de l’État ont vocation à être prochainement ajustées, en fonction de la réévaluation de la prévision de déficit budgétaire pour 2009, que le Gouvernement devrait présenter lors du débat d’orientation des finances publiques. À titre indicatif, si, comme on l’a évalué précédemment, le déficit se dégradait d’une vingtaine de milliards d’euros supplémentaires en 2009, il est probable que, compte tenu de la situation des taux d’intérêt et du volume d’OAT et de BTAN restant à émettre, le besoin de financement supplémentaire serait couvert par une augmentation des emprunts à court terme, c’est-à-dire des émissions de BTF. Comme on l’a déjà signalé (21), les conditions de taux sont, à l’heure actuelle, exceptionnellement favorables.

Au-delà de la dégradation du déficit de l’État, l’évolution du besoin de financement des collectivités locales et la dégradation des comptes sociaux, déjà évoquées, pourraient conduire la dette publique à plus de 80 % du PIB dès 2009, au lieu de 73,9 % dans les prévisions associées à la dernière loi de finances rectificative pour 2009. Le Rapporteur général souligne que ce ratio d’endettement inclut l’impact des mesures exceptionnelles prises depuis la fin de l’année 2008 au soutien du secteur financier : en particulier, l’endettement contracté par la Société de financement de l’économie française (SFEF) devrait compter, à lui seul, pour au moins 60 milliards d’euros (soit plus de 3 points de PIB).

II.– DE TIMIDES PERSPECTIVES D’AMÉLIORATION EN 2010

A.– FAIRE FACE À LA CRISE SANS RELÂCHER L’EFFORT DE MAÎTRISE DES DÉPENSES

1.– La déclinaison de la programmation triennale des dépenses

De façon inédite, l’élaboration du volet « dépenses » du projet de loi de finances pour 2010 est marquée cette année par la mise en œuvre de la programmation triennale définie à la fin 2008 et couvrant les années 2009 à 2011 (22).

Théoriquement, le projet de loi de finances pour 2010 devrait se contenter de « décliner » par programme les plafonds d’AE et de CP par mission prévus à l’article 6 de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009.

Les montants par mission programmés pour 2010 demeurent néanmoins virtuels et susceptibles d’être ajustés, dans les deux hypothèses définies par le rapport annexé à l’article 3 de la loi (23) :

– éventuel abondement du plafond de crédits de certaines missions, financé par la réserve de budgétisation constituée au début de la période de programmation (soit 0,6 milliard d’euros pour 2010) ;

– répercussion (uniquement à la baisse) sur certaines catégories de dépenses, tels que les intérêts de la dette et les charges de pensions, du décalage entre inflation prévisionnelle et inflation finalement retenue dans le projet de loi de finances (en l’occurrence, respectivement 1,75 % et 1,2 %).

S’agissant du premier point, d’après les informations recueillies par le Rapporteur général, la réserve de budgétisation prévue pour 2010 serait mobilisée en quasi totalité. Les deux principales bénéficiaires seraient la mission Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales à hauteur de 272 millions d’euros de CP – dont environ 230 millions d’euros du fait de la renonciation à des économies liées au « bilan de santé » de la politique agricole commune (PAC) (24) – et la mission Culture à hauteur de 126 millions d’euros de CP, destinés au spectacle vivant et à la rénovation du patrimoine historique.

D’autres missions feraient l’objet d’abondements plus limités, notamment :

– la mission Sport, jeunesse et vie associative, qui bénéficierait de 85 millions d’euros de CP destinés à financer le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse et le futur service civique volontaire, deux dispositifs gérés par le Haut-commissaire à la jeunesse, M. Martin Hirsch (25) ;

– la mission Outre-mer à hauteur de 61 millions d’euros de CP, au titre notamment de la compensation des exonérations de cotisations sociales outre-mer ;

– la mission Aide publique au développement pour 47 millions d’euros de CP, principalement en faveur de l’aide civile au Pakistan et en Afghanistan (26) ;

– la mission Défense pour 30 millions d’euros de CP, au bénéfice des opérations extérieures (OPEX).

S’agissant du second point, la révision à la baisse de la prévision d’inflation pour 2010 (1,2 % au lieu de 1,75 %) a des conséquences très importantes sur la construction du volet « dépenses » du prochain projet de loi de finances.

Aux termes de la loi de programmation des finances publiques, les dépenses de l’État devaient évoluer en 2010 au rythme d’une inflation prévisionnelle évaluée à 1,75 %. Cela autorisait une augmentation, à périmètre constant, d’environ 6 milliards d’euros de l’ensemble formé par les dépenses nettes du budget général, les prélèvements sur recettes et les nouvelles affectations de recettes à des opérateurs (hors plan de relance de l’économie). Plus précisément, étaient ainsi programmées :

– une augmentation de 5 milliards d’euros des dépenses du budget général hors mission Remboursements et dégrèvements et hors mission Plan de relance de l’économie (articles 5 et 6 de la loi de programmation) ;

– une augmentation d’un milliard d’euros des prélèvements sur recettes, entièrement imputable à l’indexation sur l’inflation des concours financiers aux collectivités territoriales (article 7 de la loi de programmation).

Les nouvelles prévisions macro-économiques présentées le 8 juin 2009 par le Gouvernement retiennent désormais l’hypothèse d’une inflation de 1,2 % en 2010 en moyenne annuelle.

Dans ces conditions, la stabilisation en volume des dépenses de l’État (hors plan de relance de l’économie) autorise une augmentation entre 2009 et 2010, d’environ 4,2 milliards d’euros à périmètre constant, soit 1,7 milliard d’euros de moins que prévu dans la loi de programmation des finances publiques. L’ensemble formé par les dépenses nettes du budget général, les prélèvements sur recettes et les éventuelles affectations de recettes passerait ainsi, hors plan de relance, de 348,2 milliards d’euros dans la loi de finances initiale pour 2009 à 352,5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010 (voir le tableau récapitulatif présenté ci-après).

LA NORME DE DÉPENSE EN 2010 (hors plan de relance)

(en milliards d’euros)

LFI 2009

2010 (PLF)

Écart

En valeur

348,2

352,5

+ 4,3

+ 1,2 %

  Pour mémoire : 

   

 LFI 2009

2010 (LPFP)

Écart

En valeur

348,2

354,2

+ 6,0

+ 1,75 %

N.B. : dépenses nettes du budget général (hors mission Plan de relance de l’économie) et prélèvements sur recettes (hors mesure d’anticipation des versements du FCTVA en 2009).

2.– D’importants écarts à la programmation qui ne remettent pas en cause la stabilisation des dépenses en volume

● Par rapport à la programmation triennale, quatre principaux postes de dépenses seraient revus à la baisse en 2010, autorisant ainsi un abondement des plafonds de crédits de certaines missions, tout en garantissant le respect d’une norme de stabilisation en volume rendue de fait plus contraignante par la moindre inflation attendue pour l’année prochaine.

L’écart le plus significatif à la programmation triennale concerne la charge de la dette, dont les crédits sont inscrits sur la mission Engagements financiers de l’État. Pour des raisons proches de celles précédemment exposées (27), la faiblesse des taux d’intérêt en 2009 (28) ainsi que la moindre inflation prévue pour 2010 joueront à la baisse sur la charge de la dette à moyen et long terme attendue en 2010. Ce phénomène compensera la tendance à son augmentation, liée à un volume d’émission d’OAT et de BTAN en 2009 plus important que prévu dans la loi de programmation, du fait de la dérive du déficit budgétaire. En outre, à l’instar de l’exécution 2009, la charge de la dette à court terme atteindrait un niveau sensiblement inférieur à celui prévu dans la programmation triennale, compte tenu de la faiblesse des anticipations des taux à court terme pour 2010 (actuellement situées, pour les taux à trois mois, à moins de 1,5 %).

En conséquence, alors que le budget triennal tablait sur une augmentation de la charge de la dette de 1,7 milliard d’euros entre la loi de finances initiale pour 2009 et le projet de loi de finances pour 2010 (pour atteindre 44,7 milliards d’euros), c’est désormais une diminution de la charge de la dette d’environ un milliard d’euros qui est attendue – soit un écart à la programmation de 2,7 milliards d’euros (29). Le programme Charge de la dette et trésorerie de l’État mobiliserait donc 42,5 milliards d’euros de crédits dans le projet de loi de finances pour 2010, au lieu de 45,2 milliards d’euros prévus dans la loi de programmation.

S’il faut naturellement se réjouir de la diminution, par rapport aux prévisions, de la charge de la dette tant en exécution 2009 qu’en prévision 2010, le Rapporteur général appelle toutefois l’attention sur le fait que cette « double économie » ne doit pas masquer l’essentiel : en termes de dynamisme de la charge de la dette d’une année sur l’autre, l’augmentation désormais prévue entre 2009 et 2010 (+ 3,5 milliards d’euros) est plus forte qu’elle ne l’était dans la loi de programmation des finances publiques du 9 février dernier (30). En somme, si le niveau de la charge de la dette est aujourd’hui revu à la baisse, sa progression s’accélère.

D’autres marges de manœuvre budgétaires supplémentaires pour 2010 sont offertes par l’évolution prévisionnelle des charges de pensions de la fonction publique de l’État, dont la loi de programmation des finances publiques anticipait une augmentation de 2,4 milliards d’euros. En raison de la révision à la baisse de l’inflation prévisionnelle, de la même façon que pour l’exécution 2009 (31), les crédits de titre 2 destinés à financer le CAS Pensions seront diminués pour 2010 de plus d’un milliard d’euros.

En outre, les crédits de la mission Défense en 2010 seraient revus à la baisse d’environ 600 millions d’euros (soit un plafond de CP de 30,3 milliards d’euros hors contribution au CAS Pensions), du fait de la correction de l’écart entre l’inflation prévue dans la loi de programmation des finances publiques et les nouvelles prévisions d’inflation retenues pour 2009 et 2010. Il paraît en effet peu concevable de laisser au ministère de la Défense le bénéfice de cet écart d’inflation, ses dépenses étant, plus que beaucoup d’autres, fortement corrélées à l’évolution des prix (en particulier pour les programmes d’équipement et pour les charges de carburants). De surcroît, les crédits de paiement de la mission Défense prévus dans la future loi de programmation militaire 2009-2014 étant exprimés en « milliards d’euros 2008 » (32), le décalage né de l’absence de correction de l’écart d’inflation se serait mécaniquement répercuté sur chacune des différentes annuités jusqu’à 2014.

Enfin, conformément à l’article 7 de la loi de programmation des finances publiques, les concours financiers aux collectivités territoriales progresseraient en 2010 de 0,7 milliard d’euros (au lieu d’un milliard d’euros avec une inflation à 1,75 %) (33). Il convient de rappeler qu’en 2009, ces concours financiers ont évolué de 2 % par rapport à l’enveloppe 2008, alors même que l’inflation finalement retenue dans la loi de finances initiale pour 2009 était de 1,5 % et qu’elle est désormais revue, depuis mars dernier, à 0,4 % (34).

À titre de récapitulation, le tableau ci-après présente les principaux écarts à la baisse entre les prévisions d’évolution des dépenses en 2010 figurant dans la loi de programmation des finances publiques et celles finalement retenues pour l’élaboration du projet de loi de finances pour 2010. Ces écarts constituent moins des « économies » – qui seraient purement virtuelles – que des marges de manœuvre budgétaires supplémentaires pour 2010.

PRINCIPALES MARGES DE MANœUVRE DÉGAGÉES EN 2010
PAR RAPPORT À LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

(en milliards d’euros)

Charge de la dette

2,7

Pensions

1,3

Correction en base de l’écart d’inflation sur la mission Défense

0,6

Concours aux collectivités territoriales

0,3

Total

4,9

Source : calculs du Rapporteur général.

● Les marges de manœuvre ainsi dégagées devraient être utilisées à trois fins.

En premier lieu, elles permettraient d’ « absorber » l’augmentation non anticipée du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne. Alors que la programmation tablait sur sa stabilité, à 18,9 milliards d’euros, entre 2009 et 2010, ce prélèvement connaîtrait une hausse sensible de 0,6 milliard d’euros.

En deuxième lieu, des efforts supplémentaires, excédant les possibilités d’abondement par la réserve de budgétisation (35), semblent nécessaires en faveur de certaines missions dont la soutenabilité budgétaire est menacée. Quoique non formellement prévues dans les modalités de fonctionnement du budget triennal (36), des majorations de crédits des plafonds de certaines missions seront donc intégrées dans le projet de loi de finances pour 2010, pour un montant total d’environ 2,6 milliards d’euros. Il s’agit essentiellement des missions les plus directement touchées par la dégradation de la conjoncture, en particulier (37) :

– la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, dont les crédits seraient majorés de 0,7 milliard d’euros, dont 0,3 milliard d’euros au titre de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et 0,4 milliard d’euros au titre du Fonds national des solidarité actives (FNSA) finançant la seconde part du revenu de solidarité active (RSA), dite « RSA chapeau ». Selon les prévisions initiales, la situation financière du FNSA devait être excédentaire de 360 millions d’euros en 2009 puis à l’équilibre en 2010. Toutefois, la taxe de 1,1 % sur les revenus de capitaux qui lui est affectée devrait rapporter environ 200 millions d’euros de moins, en 2009 comme en 2010, que le produit prévisionnel de 1,5 milliard d’euros. L’abondement de 0,4 milliard d’euros qui devrait être proposé dans le projet de loi de finances pour 2010 permettrait ainsi d’assurer l’équilibre du Fonds l’année prochaine ;

– la mission Travail et emploi, dont les moyens seraient majorés de 0,7 milliard d’euros afin de faire face aux effets de la crise sur l’emploi. Ces crédits sont distincts de ceux ouverts au titre du plan de relance de l’économie (38) ;

– la mission Ville et logement, dont les crédits progresseraient par rapport à la programmation d’un peu moins de 0,5 milliard d’euros, dont plus de 400 millions d’euros en faveur des aides personnelles au logement ;

– la mission Régimes sociaux et de retraite, qui bénéficierait de 0,3 milliard d’euros de crédits supplémentaires par rapport à la programmation, afin de pallier la réduction des ressources perçues au titre de la compensation démographique entre régimes spéciaux et la révision à la baisse des cessions immobilières de la Caisse des mines ;

– la mission Médias, dont les crédits seraient majorés de 0,1 milliard d’euros, moins en raison de la crise que de la nécessité de financer plusieurs mesures décidées dans le cadre des états généraux de la presse écrite tenus en janvier 2009.

En dernier lieu, le solde des marges de manœuvre précédemment décrites permet de financer le « recalage » de l’évolution globale des dépenses sur une inflation prévisionnelle pour 2010 de 1,2 % au lieu de 1,75 %, ce qui, on l’a vu, représente une moindre progression des dépenses de 1,7 milliard d’euros.

UTILISATION DES MARGES DE MANœUVRE DÉGAGÉES EN 2010

(en milliards d’euros)

Marges de manœuvre à répartir

4,9

1. Augmentation du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

0,6

2. Abondement exceptionnel des plafonds de certaines missions

2,6

dont Solidarité, insertion et égalité des chances

0,7

dont Travail et emploi

0,7

dont Ville et logement

0,5

3. Recalage global des dépenses sur une évolution à 1,2 % (« zéro volume »)

1,7

Total (1 + 2 + 3)

4,9

Source : calculs du Rapporteur général.

Au total, la programmation initiale s’avère globalement respectée et la norme de stabilisation en volume des dépenses de l’État est confirmée en 2010, conformément à l’article 5 de la loi de programmation des finances publiques.

3.– Le maintien du cap de la maîtrise de la dépense publique

Au-delà du respect de la loi de programmation des finances publiques, la reconduction en 2010 de la norme de stabilisation des dépenses en volume, dans un contexte économique pourtant spécialement défavorable, constitue une grande satisfaction. Est ainsi clairement démontré que, sous réserve des mesures exceptionnelles de relance (39), la crise actuelle n’autorise aucun relâchement dans la maîtrise de la dépense.

En particulier, la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) se poursuit : elle est le gage de la crédibilité de la programmation triennale des dépenses de l’État et, au-delà, du redressement structurel de nos finances publiques. Pour ne prendre que quelques exemples parmi les nombreux dossiers ayant récemment progressé, méritent d’être mentionnés : la réforme de l’administration territoriale de l’État (en particulier les expérimentations du regroupement de services déconcentrés départementaux ou régionaux), le lancement de bases de défense expérimentales, la perspective de création des agences régionales de santé (ARS), la mise en place de l’Agence de services et de paiement (ASP) dans le secteur agricole (40), le développement des dispositifs de visioconférence dans les tribunaux ou encore la création du service des achats de l’État (SAE).

Pour que le champ de la dépense publique soit le plus largement couvert, il convient que le périmètre de la RGPP s’étende aux relations entre l’État et ses opérateurs et à la vérification de la pertinence des dépenses sociales et des dépenses fiscales. Le Rapporteur général juge également souhaitable que le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique porte à la connaissance du Parlement la liste détaillée et le montant précis des mesures d’économies liées à la RGPP intégrées dans les plafonds de dépenses du projet de loi de finances pour 2010.

À ce stade des arbitrages budgétaires, une partie des effets de la RGPP peut malgré tout être mesurée à l’aune des orientations retenues en matière d’évolution des emplois publics. L’année 2010 devrait en effet être marquée par un effort inédit de maîtrise des effectifs de l’État : après avoir été approché en 2008 et en 2009, le non remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux sera effectif l’année prochaine (41). D’après les informations recueillies par le Rapporteur général, les plafonds d’emploi ministériels devraient être réduits l’année prochaine de près de 33 500 équivalents temps plein (ETP) sur le budget général. Un tel effort permet de réaliser, dès 2010, une économie de l’ordre de 950 millions d’euros, dont la moitié sera affectée au « retour catégoriel » bénéficiant aux agents publics. Surtout, il engendre une économie de masse salariale pendant quarante années d’activité, ainsi qu’une économie sur le versement des pensions.

ÉVOLUTION DES PLAFONDS D’EMPLOI MINISTÉRIELS EN 2010

(en équivalents temps plein)

Ministère

ETP 2010

Écologie, énergie, développement durable et aménagement du territoire

– 1 294

Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

– 3 450

Affaires étrangères et européennes

– 255

Économie, industrie et emploi

– 324

Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville

– 364

Justice

+ 400

Agriculture et pêche

– 730

Éducation nationale

– 16 000

Enseignement supérieur et recherche

Défense

– 8 250

Santé et sports

– 137

Logement

Culture et communication

– 125

Budget, comptes publics et fonction publique

– 3 020

Immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire

– 13

Services du Premier ministre

+ 69

Total budget général

– 33 493

Budgets annexes

– 261

TOTAL BUDGET DE L’ÉTAT

– 33 754

Source : ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Le tableau ci-avant montre que cette politique de réduction des effectifs concerne la quasi totalité des ministères, à l’exception :

– du ministère du Logement et, surtout, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, dont les emplois seraient stabilisés entre 2009 et 2010, conformément aux derniers engagements du Gouvernement ;

– du ministère de la Justice, dont les emplois augmenteraient de 400 ETP l’année prochaine (essentiellement dans l’administration pénitentiaire) ;

– des services du Premier ministre, marqués par des créations d’emplois au sein des juridictions administratives (50 ETP) et dans les organismes rattachés au programme Protection des droits et libertés (19 ETP).

Pour le reste, l’effort demandé à l’Éducation nationale mérite d’être souligné : avec 16 000 ETP en moins en 2010, après 13 500 ETP dans la loi de finances initiale pour 2009, ce ministère se rapproche du non remplacement d’un agent partant à la retraite sur deux. On relèvera également la contribution importante des ministères de la Défense, du Budget et de l’Intérieur.

Le Rapporteur général rappelle par ailleurs que, pour la deuxième année consécutive, la loi de finances pour 2010 fixera un plafond des emplois des opérateurs. Il importe que leur soit demandé un effort de maîtrise de leurs effectifs analogue à celui de l’État, faisant ensuite l’objet d’un suivi attentif des autorités de tutelle.

4.– Un effort supplémentaire exceptionnel en faveur du plan de relance de l’économie

La réaffirmation de la priorité accordée à la maîtrise des dépenses ne saurait empêcher, à titre exceptionnel et provisoire, de soutenir l’activité et de faire face à la crise. Dès la présentation du plan de relance à la fin de l’année 2008, il était acquis qu’une partie des ouvertures de crédits seraient effectuées en 2010.

Toutes les autorisations d’engagement ayant été accordées à la mission Plan de relance de l’économie dès 2009, ce sont 1,6 milliard d’euros de crédits de paiement qui restent à ouvrir en 2010 (42) :

– 1,4 milliard d’euros de crédits en faveur des investissements de l’État, sur le Programme exceptionnel d’investissement public (dont 0,7 milliard d’euros de CP destinés aux équipements dans les domaines de la défense et de la sécurité et 0,4 milliard d’euros de CP en faveur des investissements civils) ;

– 0,1 milliard d’euros de crédits en faveur du secteur du logement (programme Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité).

Toutefois, compte tenu de l’ampleur de la crise, l’effort budgétaire pourrait être plus que doublé, portant les dépenses de la mission Plan de relance de l’économie à 3,5 milliards d’euros en 2010 (après 12,3 milliards d’euros en 2009). L’abondement supplémentaire de 1,9 milliard d’euros que proposerait le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2010 bénéficierait aux trois programmes de la mission.

En premier lieu, 1,4 milliard d’euros de CP supplémentaires seraient inscrits sur le programme Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l’emploi.

Ce montant servirait, en quasi totalité, à financer le Fonds d’investissement social (FISo), créé à l’issue du sommet social du 18 février 2009 et effectivement installé le 10 avril. Ce Fonds, qui vise à mutualiser et à coordonner les moyens apportés par l’État et par les partenaires sociaux (assurance chômage, fonds de la formation professionnelle), a déjà bénéficié d’une ouverture de 800 millions d’euros d’AE et de CP dans la loi de finances rectificative du 20 avril 2009. Il s’agissait notamment de financer une prime forfaitaire de 500 euros en faveur des demandeurs d’emploi n’ayant pas acquis suffisamment de droits pour bénéficier de l’indemnisation de l’assurance chômage, de permettre le renforcement des mesures d’accompagnement associées aux contrats de transition professionnelle et de soutenir les dispositifs de chômage partiel. Compte tenu de la mobilisation des 500 millions d’euros de crédits inscrits sur l’action Politiques actives de l’emploi dès la loi de finances rectificative du 4 février 2009, l’enveloppe de 1,4 milliard d’euros de crédits supplémentaires prévue pour 2010 porterait la participation totale de l’État au FISo à environ 2,7 milliards d’euros en deux ans (43).

Plus marginalement, le programme Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l’emploi bénéficierait également l’année prochaine de 40 millions d’euros de CP, nécessaires à la couverture des AE ouvertes dans la loi de finances rectificative du 20 avril 2009 au titre des équipements outre-mer financés par le Fonds exceptionnel d’investissement (FEI).

En second lieu, 0,3 milliard d’euros de CP supplémentaires bénéficieraient au programme Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité, afin de financer le logement social outre-mer et le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA), dispositif transitoire de soutien des revenus des travailleurs à bas salaire dans les départements d’outre-mer. Il faut en effet rappeler que, à la suite de la crise survenue à la Guadeloupe et à la Martinique, la deuxième loi de finances rectificative pour 2009 a ouvert sur ce programme 233 millions d’euros d’AE et de CP en faveur du RSTA (44). Les crédits supplémentaires proposés pour 2010 permettraient le financement de ce dispositif jusqu’à la généralisation outre-mer du RSA, au plus tard le 1er janvier 2011.

En dernier lieu, 0,2 milliard d’euros de CP supplémentaires seraient ouverts sur le Programme exceptionnel d’investissement public en 2010, afin d’achever certaines opérations programmées dans le cadre de la politique de rénovation urbaine.

Tout en jugeant légitime que des dépenses supplémentaires soient autorisées dans l’actuel contexte de crise, le Rapporteur général appelle à la plus grande vigilance quant à la délimitation du périmètre des crédits inscrits sur la mission Plan de relance de l’économie. Une interprétation exagérément extensive constituerait un grossier contournement de la norme de dépense – en dehors du champ de laquelle est, par construction, placée cette mission. À titre d’illustration des difficultés à tracer la frontière séparant les dépenses « de droit commun » et les dépenses « exceptionnelles », force est de constater que les crédits ouverts en faveur de l’outre-mer « participent de la dynamique du plan de relance » (45) sans toutefois en faire partie intégrante. Autre source d’incertitude, que le Gouvernement gagnerait à lever lors du débat d’orientation des finances publiques : si, comme il est actuellement envisagé, le FISo est pérennisé au-delà même de la période de crise, les crédits le concernant ont-ils vocation à être placés hors du champ de la norme de dépense ?

À titre de récapitulation, le tableau ci-après rappelle l’évolution des dépenses entre les prévisions des lois de finances pour 2009 et le futur projet de loi de finances pour 2010.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L’ÉTAT ENTRE 2009 ET 2010 (y compris plan de relance)

(en milliards d’euros, à périmètre constant)

 

2009

PLF 2010

Écart

En valeur

En volume

1. Dépenses incluses dans la norme de dépense (a)

348,2

352,5

+ 4,3

+ 1,2 %

0 %

dont dépenses nettes du budget général

277,1

280,1

+ 3,0

+ 1,1 %

– 0,1 %

dont PSR collectivités locales

52,2

52,9

+ 0,7

+ 1,3 %

+ 0,1 %

dont PSR UE

18,9

19,5

+ 0,6

+ 3,2 %

+ 2,0 %

2. Mission Plan de relance de l’économie

12,6

3,5

n.s.

n.s.

n.s.

3. Anticipation des versements du FCTVA

2,5

n.s.

n.s.

n.s.

Total des dépenses (1 + 2 + 3)

363,4

356,0

– 7,4

– 2,0 %

– 3,2 %

(a) Dépenses nettes du budget général (hors mission Plan de relance de l’économie) et prélèvements sur recettes (PSR, hors mesure d’anticipation des versements du FCTVA en 2009).

B.– L’APPLICATION DES RÈGLES DE GOUVERNANCE FISCALE RESTE PRIMORDIALE

1.– Les règles de gouvernance doivent s’appliquer pour sécuriser les recettes

a) Des règles entrées en vigueur avec la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques

La loi de programmation des finances publiques (46) a prévu trois dispositifs permettant de sécuriser le niveau des recettes sur la période 2009-2012 :

– les surplus de recettes constatés en exécution par rapport à la prévision faite en loi de finances doivent être affectés à la réduction du déficit. Il est peu probable que cette règle puisse s’appliquer sur la période en raison de la chute des recettes fiscales ;

– les baisses d’impôt, de cotisations et contributions sociales affectées au budget de l’État ou à la sécurité sociale sont compensées par des mesures d’augmentation. Ce gage vaut à l’intérieur de la trajectoire de recettes fixée par la loi de programmation. Du fait de la forte diminution des recettes qui sera constatée en 2009 par rapport à cette trajectoire, il est probable que cette règle sera valable jusqu’en 2012. Le Rapporteur général souligne le fait que cette règle devrait s’appliquer si la réforme de la taxe professionnelle est mise en œuvre en 2010 (cf. infra) ;

– le coût de la création ou de l’élargissement d’une dépense fiscale ou d’une niche sociale doit être compensé par des mesures de suppression ou de limitation d’autres dépenses fiscales ou niches sociales. La réduction du taux de TVA applicable à la restauration entre dans ce cas de figure.

b) Des règles nécessaires pour protéger les recettes

● Le Rapporteur général constate que, entre 2006 et 2008, les mesures nouvelles et de périmètre ont été systématiquement supérieures à la croissance spontanée des recettes, comme le montre le graphique ci-dessous. En d’autres termes, ces mesures ont été partiellement financées par un accroissement de l’endettement. L’application des règles de gouvernance sur cette période aurait probablement permis de mieux protéger les recettes et ainsi éviter la fragilisation de l’équilibre du budget de l’État.

RECETTES FISCALES : ÉVOLUTION SPONTANÉE ET MESURES NOUVELLES EN EXÉCUTION

(en milliards d’euros)


Source : ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique

● Par ailleurs, comme le montre le tableau ci-dessous, le montant des dépenses fiscales votées depuis la loi de finances initiale pour 2009 atteint plus de 500 millions d’euros et celui des niches sociales plus de 300 millions d’euros. La tendance à la multiplication de ces dispositifs demeure donc et justifie la mise en œuvre des règles de gouvernance.

MONTANT DES NICHES FISCALES ET SOCIALES ADOPTÉES DEPUIS LA LOI DE FINANCES INITIALE

(en millions d’euros)

 

Niche fiscale adoptée

Niche sociale adoptée

LFI 2009*

245

123

LFSS 2009*

0

4

LFR 2008

24

2

Première LFR 2009

0

0

Seconde LFR 2009

0

18

Loi Outre-mer

208

164**

Autre

25

0

TOTAL

502

311

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique

* Uniquement les mesures adoptées par amendement

** Uniquement les mesures du projet de loi, les mesures adoptées par amendement ne sont pas incluses.

La règle de gage était en vigueur au moment de l’examen de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM). D’après les informations transmises par l’administration, aucune dépense fiscale adoptée dans cette loi n’a été compensée. Par ailleurs, l’évaluation des niches sociales prévues dans la LODEOM concerne les seules mesures inscrites dans le projet de loi, à l’exclusion de celles adoptées par amendement, ce qui réduit substantiellement le montant affiché.

Le Rapporteur général rappelle que l’application de ces règles est plus que nécessaire à l’heure où les recettes fiscales sont fortement diminuées par la crise économique.

2.– La réforme de la taxe professionnelle doit être gagée

Tirant les conséquences de l’analyse développée ci-dessus, le Rapporteur général estime que la réforme de la taxe professionnelle (TP) devra être neutre pour le budget de l’État.

En l’état actuel des réflexions, il est difficile d’évaluer le coût de la réforme pour le budget de l’État en 2010. Selon les options présentées par le ministère de l’économie, des finances et de l’emploi, un manque à gagner de l’ordre de 10 milliards d’euros (montant avant IS (47), base 2007) serait constaté en 2010 sur le budget de l’État. Les propositions MM. Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur conduiraient, en revanche, à un manque à gagner d’environ 6 milliards d’euros (montant avant IS, base 2007).

Ce dernier scénario permettrait un coût, après suppression de la déductibilité de la TP de l’IS, d’environ 4,7 milliards d’euros, qui pourrait être couvert par le produit de la contribution « climat-énergie », estimé à 5 milliards d’euros.

Une période transitoire sera toutefois nécessaire pour la mise en place de cette taxe. C’est pourquoi il pourrait être nécessaire d’augmenter temporairement le taux de l’IS pour couvrir le coût de la réforme, de façon à éviter une perte sèche sur le budget de l’État.

Au final, cette réforme fait peser deux risques sur les finances de l’État :

– d’une part, il n’est, en l’état actuel de la réflexion, prévu aucune compensation pour la période transitoire précédant la mise en place de la nouvelle taxe. Le budget de l’État pourrait donc supporter ce surcoût sans compensation dès 2010 ;

– d’autre part, le scénario proposé par le ministère de l’économie, des finances et de l’emploi laisse, à terme, un manque à gagner important sur le budget de l’État, de l’ordre de 7,5 milliards d’euros après IS, qui ne pourra être compensé en totalité par la contribution « climat-énergie ».

Le Rapporteur général insiste sur le fait qu’une absence de compensation pourrait aggraver le déficit de l’État d’environ 7,5 milliards d’euros dès 2010. Quel que soit le scénario retenu, la réforme ne saurait être financée par un accroissement de l’endettement.

3.– Les recettes de l’État pourraient remonter dès 2010 avec la disparition de l’impact du plan de relance

Dès 2010, malgré l’impact toujours présent de la crise sur les recettes fiscales, le montant des recettes nettes pourrait augmenter de plus de 8 milliards d’euros, en raison principalement de la disparition des remboursements anticipés d’IS et de TVA prévus dans le cadre du plan de relance. Réalisée sans données du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, la prévision du Rapporteur général est à prendre avec d’autant plus de précaution qu’elle se fonde sur l’évaluation des recettes pour 2009, faite plus haut, et que l’évolution du contexte économique reste encore incertaine. Elle se fonde sur les hypothèses macroéconomiques du Gouvernement.

ÉVALUATION DES RECETTES EN 2010 PAR RAPPORT AU MONTANT ESTIMÉ POUR 2009

(en milliards d’euros)

 

Montant 2009

Estimation plus/moins value

en 2010

Montant 2010

IR

 

 

 

IR brut

57,3

– 2

55,3

Remboursements et dégrèvements d’IR (dont PPE)

– 7,5

0

– 7,5

IR net

49,8

– 2

47,8

IS

 

 

 

IS brut

53

– 5,3

47,7

Remboursements et dégrèvements d IS

– 24,5

6,9

– 17,6

IS net

28,5

1,6

30,1

TVA

 

 

 

TVA brute

174,8

3,3

178,1

Remboursements et dégrèvements de TVA

– 53,6

1,8

– 51,8

TVA nette

121,2

5,1

126,3

TIPP

14,2

1

15,2

Autres recettes fiscales nettes

15,6

0

15,6

Recettes non fiscales

20

2

22

Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales

– 56,2

3,3

– 52,9

Prélèvements sur recettes au profit de l’UE

– 18,9

– 0,6

– 19,5

Total Recettes nettes, hors fonds de concours

174,2

10,4

184,6

Total Dépenses nettes, hors fonds de concours

289,6

– 6,5

283,1

Solde budget général

– 115,4

16,9

– 98,5

Solde comptes spéciaux

– 7,6

7,6

0

Solde État

– 123

24,2

– 98,5

a) L’impact persistant de la crise : environ 3 milliards d’euros de moins-values sur les recettes fiscales brutes

Avec une masse salariale passant de +3,6 % en 2008 à –1,25 % en 2009, soit une différence de 4,85 %, le produit de l’impôt sur le revenu brut pourrait diminuer dans cette proportion, soit une baisse d’environ 2 milliards d’euros, pour s’établir à 55,3 milliards d’euros.

En 2010, les acomptes d’IS seront payés en fonction des résultats de l’année 2009. Il est à craindre que le rendement de l’IS brut pâtisse de la baisse du taux de croissance du PIB de 0,4 % en 2008 à – 3 % en 2009. Sur la base d’une estimation à 51,2 milliards d’euros d’IS brut en 2009 (48), un rendement de l’ordre de 46,6 milliards d’euros pourrait être envisagé en 2010, soit une baisse de 4,6 milliards d’euros (49). Il convient d’y ajouter le coût de l’amortissement accéléré des investissements, à 0,7 milliard d’euros. L’IS brut diminuerait donc de 5,3 milliards d’euros en 2010 par rapport à 2009.

La TVA brute pourrait, en revanche, augmenter en 2010. Sur la base d’une hausse de la consommation des ménages de 0,7 % et d’un accroissement de l’inflation de 1,2 % selon la prévision du Gouvernement, on peut, par approximation, envisager un taux de croissance d’environ 1,9 % en 2010, soit un gain d’environ 3,3 milliards d’euros sur la base d’une estimation à 174,8 milliards d’euros en 2009. Cette hausse serait similaire sur les remboursements, hors mensualisation, qui augmenteraient de 1,8 milliard d’euros.

La TIPP devrait augmenter avec le redémarrage de l’activité, prévu au premier semestre. On peut envisager qu’elle retrouve, en 2010, le niveau prévu par la loi de finances initiale pour 2009, à 15,2 milliards d’euros, soit un gain de 1 milliard d’euros.

Au final, en se fondant sur les prévisions macroéconomiques du Gouvernement, le montant des quatre principales impositions serait diminué d’environ 3 milliards d’euros en 2010 par rapport à 2009.

b) La disparition de l’impact budgétaire du volet « recettes » du plan de relance : un gain de 9,7 milliards d’euros par rapport à 2009

En revanche, un gain de 9,7 milliards d’euros pourrait être réalisé par rapport à 2009, en raison de la disparition des mesures du volet « recettes » du plan de relance, comme le montre le tableau suivant.

IMPACT BUDGÉTAIRE DES MESURES FISCALES DU PLAN DE RELANCE

(en milliards d’euros)

 

Estimation du coût
en 2009

Estimation du coût
en 2010

Fiscalité des entreprises

   

Versement anticipé du crédit d’impôt recherche

– 3,8

+ 1

Remboursement anticipé des reports en arrière de déficits d’impôt sur les sociétés

– 1,8

+ 0,3

Amortissement accéléré des investissements

 

– 0,7

Mensualisation du remboursement de la TVA

– 3,6

 

Logement : doublement du prêt à 0 % pour l’achat de logements neufs en 2009

 

– 0,1

Total général

– 9,2

+ 0,5

Source : premier projet de loi de finances rectificative pour 2009

Les remboursements d’IS diminueraient donc de 6,9 milliards d’euros et ceux de TVA de 3,6 milliards d’euros par rapport à 2009.

c) Une possible hausse des recettes non fiscales de 2 milliards d’euros

Des gains sont à prévoir sur les recettes non fiscales, pour un montant d’environ 2 milliards d’euros. D’une part, les prêts à la filière automobile devraient générer une recette de l’ordre de 400 millions d’euros en intérêts, le remboursement de leur capital ne pouvant avoir lieu avant 2011 au plus tôt. D’autre part, la rémunération de la Société de prise de participation de l’État (SPPE) pourrait représenter une recette annuelle d’environ 1,6 milliard d’euros.

L’évolution des autres recettes non fiscales est difficile à anticiper.

d) Des prélèvements sur recettes en baisse de 2,4 milliards d’euros

Le coût de la « mesure FCTVA » n’ayant un impact que sur le seul exercice 2009, il doit être déduit du prélèvement sur recettes aux collectivités territoriales pour 2010, à hauteur de 4 milliards d’euros. Du fait de la hausse du prélèvement selon l’inflation, le gain net s’établirait à 3,3 milliards d’euros en 2010 par rapport à 2009.

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne devrait, en revanche, augmenter en raison de la part plus grande de la France dans le PNB européen. Cette évolution est due à la récession, plus forte, qui touche les autres pays et à la dévaluation de la livre qui minore la part du Royaume-Uni. Il devrait s’établir à 19,5 milliards d’euros, soit une hausse de 0,6 milliard d’euros.

e) Des comptes spéciaux à l’équilibre 

On suppose que les comptes spéciaux sont à l’équilibre en 2010. Le remboursement des prêts à la filière automobile n’aura pas d’impact budgétaire en 2010, comme indiqué ci-dessus.

C.– UN NIVEAU D’ENDETTEMENT SANS PRÉCÉDENT

1.– Une réduction du déficit de l’État, une aggravation des déficits sociaux

L’année 2010 pourrait voir la réduction du déficit de l’État alors que, en l’absence de recettes nouvelles, celui des administrations de sécurité sociale devrait s’aggraver. Malgré cette dernière évolution défavorable, le déficit public pourrait rester stable, à 7,3 % de PIB.

ESTIMATION DU DÉFICIT PUBLIC EN 2009 ET 2010

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

État

– 107

– 96

ODAC

6

6

APUL

– 10

– 12

ASSO

– 26

– 40

Dont Régime général et FSV

– 22,1

– 32,6

Dont Unedic

– 1,3

– 4,6

Dont Agirc-Arrco

– 1

– 1

Dont hôpitaux

– 1,4

– 1,4

Total

Environ – 137, soit 7,2 % du PIB

Environ – 140, soit 7,3 % PIB

a) Une réduction du déficit de l’État du fait de la dissipation des effets budgétaires du plan de relance

Comme le montre le tableau suivant, le déficit de l’État en comptabilité budgétaire devrait se réduire en 2010, à environ 99 milliards d’euros contre 123 milliards d’euros en 2009. Ce redressement par rapport à 2009 serait dû principalement à la disparition des mesures du plan de relance en 2010. En comptabilité nationale, en utilisant la clé de passage prévue en loi de programmation, qui améliore le solde de 2,7 milliards d’euros, le déficit apparaît à environ 96 milliards d’euros.

ESTIMATION DU DÉFICIT DE L’ÉTAT EN 2010

(en milliards d’euros)

 

Montant 2009

Estimation plus/moins value
en 2010

Montant 2010

Total Recettes nettes, hors fonds de concours

174,2

10,4

184,6

Total Dépenses nettes, hors fonds de concours

289,6

– 6,5

283,1

Solde budget général

– 115,4

16,9

– 98,5

Solde comptes spéciaux

– 7,6

7,6

0

Solde État compta. budgétaire

– 123

24,2

– 98,5

Solde État compta. nationale

   

– 95,8

Le Rapporteur général n’ayant pu obtenir d’informations quant à l’excédent des ODAC en 2009, on suppose que celui-ci sera au même niveau qu’en 2009, soit environ 6 milliards d’euros.

b) La poursuite de la dégradation du besoin de financement des collectivités territoriales

L’année 2010 ne devrait pas voir le retournement de la tendance à l’aggravation du besoin de financement des administrations locales. Les raisons de son aggravation en 2009 demeureront, avec probablement une hausse plus prononcée des dépenses sociales du fait de la poursuite de la dégradation du marché du travail.

La poursuite de la tendance constatée depuis 2003 pourrait conduire à un besoin de financement de l’ordre de 12 milliards d’euros en 2010, en dépit de la prévision de rebond du rendement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

c) Les comptes sociaux verraient leur déficit s’aggraver en 2010

● Le Gouvernement prévoit un recul de 0,5 % de la masse salariale en 2010. Les recettes des administrations de sécurité sociale devraient donc stagner alors que leurs dépenses conserveraient leur dynamisme.

L’Unedic a prévu un déficit de l’ordre de 4,6 milliards d’euros en 2010.

L’Agirc et l’Arrco devraient également voir leur besoin de financement s’accroître mais il est difficile d’évaluer cette hausse.

Dans l’hypothèse du maintien de la dynamique prévue pour 2009 (50) et d’une absence de ressources nouvelles, le déficit du régime général pourrait atteindre 30,5 milliards d’euros, auxquels s’ajouteraient, au moins, 2,1 milliards d’euros au titre du FSV, correspondant au niveau de déficit constaté en 2009.

On suppose enfin que le déficit des hôpitaux reste stable, à 1,4 milliard d’euros.

Au total, le déficit des administrations de sécurité sociale s’établirait à environ 40 milliards d’euros, soit 2 % du PIB, en hausse de plus de 10 milliards d’euros par rapport à 2009.

d) Les différents scénarios envisageables : un déficit public entre 6,7 % et 8,4 % en 2010

Comme le montre le tableau ci-dessous, si le scénario présenté précédemment constitue un scénario médian, un scénario dégradé conduirait à un déficit public en 2010 de 8,4 % de PIB. Dans un scénario plus optimiste, en revanche, le déficit public se réduirait en 2010, à 6,7 % de PIB. Rappelons que l’OCDE prévoit un déficit public de 8,3 % en 2010.

TRAJECTOIRES ENVISAGEABLES DES FINANCES PUBLIQUES EN 2010

(en milliards d’euros)

 

Scénario bas

Scénario médian

Scénario haut

 

 

 

 

IR

 

 

 

IR brut

54,1

55,3

57,6

Remboursements et dégrèvements d’IR (dont PPE)

– 7,5

– 7,5

– 7,5

IR net

46,6

47,8

50,1

IS

 

 

 

IS brut

45,1

47,7

51,4

Remboursements et dégrèvements d IS

– 17,6

– 17,6

– 17,6

IS net

27,5

30,1

33,8

TVA

 

 

 

TVA brute

175,1

178,1

179,9

 Remboursements et dégrèvements de TVA

– 49,9

– 51,8

– 52,7

TVA nette

125,2

126,3

127,2

TIPP

14,2

15,2

16,0

Autres recettes fiscales nettes

15,6

15,6

15,6

Recettes non fiscales

22

22

22

Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales

– 52,9

– 52,9

– 52,9

Prélèvements sur recettes au profit de l’UE

– 19,5

– 19,5

– 19,8

Total Recettes nettes, hors fonds de concours

178,7

184,6

191,9

Total Dépenses nettes, hors fonds de concours

283,1

283,1

283,1

Solde budget général

– 104,4

– 98,5

– 91,2

Solde comptes spéciaux

0

0

0

Solde État compta. budgétaire

– 104,4

– 98,5

– 91,2

Solde État compta. nationale

– 101,7

– 95,8

– 88,5

ODAC

– 2

6

6

APUL

– 15

– 12

– 8

ASSO

– 46

– 40

– 40

TOTAL APU

– 164,7

– 141,8

– 130,5

TOTAL APU EN % PIB

8,4 %

7,3 %

6,7 %

Le tableau ci-dessous récapitule les différentes hypothèses sous-jacentes à ces prévisions. Schématiquement, le scénario bas correspond à une absence de reprise en 2010, avec une croissance nulle. Le scénario haut, en revanche, suppose une reprise plus forte que prévue en 2010, avec notamment une consommation des ménages plutôt dynamique en dépit de la dégradation du marché du travail. Le scénario médian est fondé sur les hypothèses macroéconomiques du Gouvernement et anticipe une reprise progressive au cours du premier semestre 2010.

HYPOTHÈSES SOUS-JACENTES AUX DIFFÉRENTS SCÉNARIOS

 

Scénario bas

Scénario médian

Scénario haut

Croissance PIB

< 0%

0,5%

1%

Inflation

0,2 %

1,2 %

1,5 %

IR : masse salariale 2009

– 2%

– 1,25%

– 0,5%

IS : élasticité PIB 2009

5

3

1

TVA : consommation ménages

0 %

0,7 %

1,4 %

TIPP : croissance/2009

0 %

5 %

10 %

ASSO 

Croissance des dépenses de 3,7 % en 2009 et 2010

Dépense tenue

Dépense tenue

Note : on suppose, dans les trois scénarios, que la dépense de l’État est tenue en 2009 et 2010.

2.– Empêcher l’emballement de la dette publique

Le Rapporteur général a déjà indiqué que, compte tenu des estimations présentées ci-avant, l’endettement public serait susceptible de franchir le taux de 80 % du PIB dès 2009 (51). Si, comme il est probable, le déficit public n’est que peu – ou pas – réduit en 2010, la dette publique pourrait bondir à plus de 86 % du PIB l’année prochaine.

Certes inquiétant, ce niveau d’endettement mérite d’être relativisé. D’une part, il est la conséquence inévitable de la politique budgétaire délibérément expansionniste menée par la France, comme par l’ensemble de ses partenaires, afin de faire face à une crise d’une ampleur exceptionnelle. D’autre part, nombre des mesures mises en œuvre ces derniers mois comportent des contreparties sous forme d’actifs – notamment dans les secteurs bancaire et automobile.

La question essentielle est moins celle du niveau de la dette publique que celle de notre capacité à infléchir son évolution au-delà de 2010. L’enjeu des prochains mois et des prochaines années consiste à garantir la viabilité des finances publiques à moyen terme. Cet enjeu est d’autant plus impérieux que le défi posé par le vieillissement de la population n’a pas disparu avec la crise (52).

Quel que soit l’horizon exact du rétablissement de la conjoncture économique, la France sortira de la crise avec un déficit public supérieur à celui de 1993 et, surtout, avec une dette publique plus élevée d’environ 40 points de PIB (53). Dans ces conditions, pour éviter un véritable emballement de la dette après 2010, une réduction drastique du déficit public sera inévitable.

Il convient dès aujourd’hui de prendre conscience qu’il s’agira d’une tâche d’autant plus difficile que :

– les charges de la dette pèseront de plus en plus lourd, a fortiori quand les taux d’intérêt à long terme se redresseront ;

– la croissance ne sera pas nécessairement très forte au sortir de la crise. Si l’on peut escompter un comblement de l’écart de production accumulé depuis 2008, le maintien d’un faible endettement du secteur privé et le haut niveau du chômage pèseront sur l’activité. En tout état de cause, la croissance ne sera pas suffisante pour contrecarrer, à elle seule, la progression de la dette publique ;

– l’ajustement budgétaire par la hausse des prélèvements obligatoires trouve sa limite dans le niveau déjà élevé de ces prélèvements (42,8 % du PIB en 2008) et dans la nécessité de conforter la croissance économique.

La maîtrise des dépenses publiques, qui ne pourra être limitée aux dépenses du seul État, devra donc prendre une nouvelle ampleur dans les prochaines années.

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’intéressante réflexion ouverte par le Président de la République devant le Parlement réuni en congrès le 22 juin dernier, visant à la mobilisation de l’épargne des Français à travers un emprunt finançant « nos priorités nationales ».

En raison du déficit structurel de nos comptes publics, le Rapporteur général considère que cet emprunt a vocation à couvrir le niveau habituel du besoin de financement de l’État, plutôt qu’à le creuser davantage. Les « dépenses d’avenir » qu’il permettra de financer devraient être incluses dans la norme de stabilisation en volume des dépenses de l’État et, en tout état de cause, ne sauraient conduire à accélérer le rythme global d’évolution des dépenses publiques sur lequel s’est récemment engagé notre majorité (54). En d’autres termes, comme y invite d’ailleurs l’appel du Président de la République au redoublement de l’effort de suppression des dépenses inutiles, ce futur programme d’investissement devrait être financé par redéploiement.

La solution de l’emprunt ad hoc présente l’avantage de dédier une partie de l’endettement public à une catégorie bien identifiée de dépenses, tournées vers l’investissement et la croissance. Elle aurait une vertu pédagogique, montrant a contrario que les dépenses de fonctionnement ne devraient pas être financées par l’endettement. Or, chaque année, les dépenses d’investissement de l’État sont largement inférieures au déficit budgétaire, témoignant de ce qu’une partie de l’endettement finance un déficit de fonctionnement (55).

Du point de vue technique, il conviendra néanmoins de s’assurer que cet emprunt ne soit pas à l’origine d’un surcoût pour le budget de l’État, comme cela a pu être le cas dans le passé.

Afin de prendre la mesure des nouveaux défis qui nous sont posés dans ce contexte, les projections réalisées par le Rapporteur général présentées ci-après comparent trois scénarios indicatifs d’évolution de la dette publique après 2010 (56).

Dans le premier scénario, qualifié de « central », le niveau de la croissance économique à partir de 2011 est le même que dans la loi de programmation des finances publiques (+ 2,5 % en volume et 1,75 % d’inflation). Les recettes évoluent en ligne avec le PIB, tandis qu’un effort supplémentaire est réalisé dans la maîtrise des dépenses publiques, qui augmentent de 0,5 % en volume (à comparer à 2,2 % en moyenne ces dix dernières années).

Dans le deuxième scénario, moins favorable (scénario « bas »), la reprise économique est également au rendez-vous dès 2011 mais plus progressive. À + 1,1 % en volume, les dépenses publiques évoluent au rythme prévu dans la loi de programmation des finances publiques. On observera qu’il s’agit d’un scénario loin d’être « pessimiste ».

Dans le troisième scénario (dit « haut »), les dépenses publiques font l’objet d’une maîtrise drastique et sont stabilisées en volume. Malgré une telle restriction budgétaire, le comblement de l’écart de production conduit à un véritable rebond de la croissance en 2011 (+ 2,75 % en volume). Dans ce contexte de forte reprise, les recettes évoluent plus vite que le PIB sur toute la période.

TROIS SCÉNARIOS D’ÉVOLUTION DE LA DETTE PUBLIQUE

(en % du PIB)

Source : calculs du Rapporteur général.

Les niveaux d’endettement obtenus dans ces projections sont nécessairement très approximatifs, compte tenu notamment des incertitudes pesant sur leur « point de départ », c’est-à-dire sur les résultats de 2009 et de 2010. Pour autant, le graphique ci-avant permet de mesurer la dynamique d’évolution de la dette. Celle-ci est caractérisée tant par sa grande inertie d’ensemble que par la relative faiblesse des écarts d’une projection à l’autre, alors même que les scénarios les sous-tendant (voir le tableau ci-après) se veulent suffisamment « typés ».

Seul le scénario haut, pourtant particulièrement « optimiste », permet d’entrevoir une stabilisation de la dette à l’horizon 2012, avant un début de reflux en 2013. Dans les deux autres scénarios, le taux d’endettement continue de progresser sur toute la période considérée, à un rythme tel qu’il faudrait attendre 2014 (dans le scénario central) ou 2015 (dans le scénario bas) pour assister à sa diminution.

TROIS SCÉNARIOS D’ÉVOLUTION DE LA DETTE PUBLIQUE AU-DELÀ DE 2010 (1)

(en % du PIB)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Scénario central

           

PIB en volume

0,4 %

– 3,0 %

0,5 %

2,5 %

2,5 %

2,5 %

Solde public

– 3,4 %

– 7,4 %

– 7,4 %

– 6,3 %

– 5,3 %

– 4,2 %

Dette publique (2)

68,1 %

80,4 %

86,5 %

89,3 %

90,9 %

91,4 %

Scénario haut

           

PIB en volume

0,4 %

– 3,0 %

0,50 %

2,75 %

2,5 %

2,5 %

Solde public

– 3,4 %

– 7,4 %

– 7,4 %

– 5,3 %

– 3,6 %

– 2,1 %

Dette publique (2)

68,1 %

80,4 %

86,5 %

88,1 %

88,0 %

86,5 %

Scénario bas

           

PIB en volume

0,4 %

– 3,0 %

0,5 %

2,0 %

2,2 %

2,5 %

Solde public

– 3,4 %

– 7,4 %

– 7,4 %

– 6,9 %

– 6,3 %

– 5,6 %

Dette publique (2)

68,1 %

80,4 %

86,5 %

90,3 %

93,2 %

95,0 %

(1) Scénarios proposés par le Rapporteur général, aucun d’entre eux ne se voulant représentatif des prévisions officielles du Gouvernement.

(2) L’endettement de la SFEF est inclus dans la dette publique en 2009 à hauteur de 60 milliards d’euros, soit 3,2 points de PIB. À partir de 2010, par convention, la dette publique n’est plus affectée que par le déficit.

À titre de précaution, il convient d’insister sur le fait qu’à l’exception de l’année 2009, pour laquelle la dette de la SFEF (estimée à 60 milliards d’euros) est ajoutée à l’encours de la dette publique, cette dernière n’est affectée dans ces projections que par l’évolution du déficit public. En pratique, le désendettement peut donc être plus rapide, s’il s’appuie sur des cessions d’actifs – notamment ceux constitués dans le cadre des mesures de lutte contre la crise (par exemple les participations de la SPPE dans les établissements bancaires). De la même façon, la sortie de la SFEF du périmètre des administrations publiques diminuerait l’ensemble des ratios d’endettement présentés ci-avant de plus de 3 points de PIB.

AUDITION DE M. PHILIPPE SÉGUIN, PREMIER PRÉSIDENT
DE LA COUR DES COMPTES

Au cours de sa séance du mardi 23 juin 2009, la Commission a entendu M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques.

M. le président Didier Migaud. Nous sommes très heureux d'accueillir M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des Comptes, accompagné de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre, de Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre, ainsi que de plusieurs autres magistrats.

Cette audition nous permettra d'évoquer le rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques, destiné à éclairer le débat d'orientation budgétaire qui devrait avoir lieu mardi prochain. J’observe que c'est le troisième rapport que vous nous remettez cette année, monsieur le Premier président, après l’acte de certification des comptes de l’État pour 2008 et le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État portant sur la même année.

Je n’ai pas besoin de rappeler que vous avez déjà exprimé votre inquiétude au sujet du déficit pour l'exercice 2009, dont vous avez indiqué qu'il serait sans précédent dans l’histoire moderne, du moins en temps de paix. Cette audition ne pourrait avoir lieu à un moment plus opportun, car nous ne sommes pas seulement à quelques jours du débat d’orientation budgétaire, comme je l’ai indiqué : nous sommes aussi au lendemain de l’annonce d’un « grand emprunt » national. Pour compléter ce tableau, j’ajoute que la Cour des comptes redoute un emballement de la dette publique et déplore la faible maîtrise du déficit. Voilà autant de sujets sur lesquels vous aurez certainement à cœur de revenir.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je crois qu'il n'y a pas besoin de faire de cinéma : chacun connaît la situation des finances sociales. En 2009 et en 2010, nous allons pâtir non seulement de la pente naturellement croissante des dépenses, mais aussi de l’affaiblissement des recettes.

Outre le problème posé par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), que nous évoquerons sans doute tout à l’heure, nous devons nous interroger sur la performance des politiques sociales. Comme l’a rappelé Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France, nos dépenses en matière sociale dépassent en effet celles de la Suède d’un point de PIB, sans que les résultats obtenus soient à la hauteur de cet effort, qu’il s’agisse de la lutte contre la pauvreté, de l’insertion professionnelle des jeunes, ou de la lutte contre le chômage. Nous devons donc réfléchir à l’efficacité des dépenses sociales.

J’ai ainsi interrogé le Gouvernement sur la possibilité d’unifier les aides à la personne, dont le fonctionnement présente aujourd’hui une grande complexité.

C’est avec la plus grande attention que nous allons vous écouter, Monsieur le Premier président. Nous savons bien, en effet, que la situation actuelle ne peut plus durer : il va falloir adopter très rapidement d’importantes mesures de correction.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Je suis très honoré de vous présenter ce rapport, relatif à l’ensemble des finances publiques – État, sécurité sociale et collectivités territoriales –, et je suis très heureux de pouvoir m’adresser simultanément à la Commission des finances et à celle des affaires culturelles et sociales. Je vous remercie d’avoir organisé cette audition commune, et je vous sais naturellement gré de votre invitation, qui témoigne de l’intérêt que le Parlement porte aux travaux de la Cour.

Ce rapport a pour origine la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui prévoit que nous vous remettions un rapport préliminaire au débat d’orientation budgétaire en nous plaçant dans une perspective pluriannuelle. Il s’agit du troisième élément d’une tétralogie, composée en outre du rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État pour 2008, de l’acte de certification des comptes de l’État pour le même exercice – deux documents que j’ai eu l’honneur de présenter à la Commission des finances le 3 juin dernier –, et de l’acte de certification des comptes de la sécurité sociale, que je présenterai le 15 juillet prochain. Le présent document a pour vocation d’être public, mais nous avons souhaité vous en réserver la primeur.

En dépit des circonstances exceptionnelles que nous traversons, le message de la Cour s’inscrit dans une certaine continuité : nous faisons face à un mouvement continu de dégradation des finances publiques qui a commencé bien avant la crise actuelle. Cela fait, en effet, plusieurs années que nous alertons les pouvoirs publics : la France accumule les déficits depuis plus de vingt-cinq ans, faute de parvenir à équilibrer son budget, alors que certains de ses voisins y sont parvenus. Pour la sixième année consécutive, nous avons dépassé en 2008 un taux d’endettement de 60 %, limite fixée par un traité que vous connaissez bien.

Au vu de ces résultats, d’aucuns pourraient penser que la Cour a prêché dans le désert. Il faut toutefois rappeler qu’un certain nombre d’initiatives nouvelles, encore limitées mais réelles, ont vu le jour. Je pense notamment à la RGPP, la révision générale des politiques publiques, et au début d’encadrement des dépenses fiscales que nous avons connu. Ce que nous craignons aujourd’hui, c’est précisément que le contexte de la crise ne remette en cause ces premières avancées : la crise peut certes justifier des réponses tendant à aggraver temporairement le déficit public, mais il ne faudrait pas qu’elle instaure un climat propice au relâchement des efforts dans des secteurs dépourvus de toute relation avec le soutien de la croissance ou la réparation des dégâts sociaux causés par la situation économique. Le risque est qu’il se produise une « décompensation » conduisant à déséquilibrer gravement l’ensemble des comptes.

En effet, la dégradation actuelle de notre situation financière, qui concerne l’ensemble des acteurs publics, n’est pas seulement liée aux premiers effets tangibles de la crise. Le ralentissement de l’activité explique sans conteste une partie des évolutions récentes – le déficit public est passé de 2,7 à 3,4 % du PIB de 2007 à 2008 –, mais pas leur totalité. Force est de constater qu’une partie de la dégradation s’inscrit dans une tendance de fond, résultant notamment des baisses d’impôts décidées en 2008, en 2007 et au cours des années précédentes. Il en a résulté une diminution des ressources publiques de 10 milliards d’euros, soit 0,5 point de PIB, dont 6,5 milliards du fait de la loi pour le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat, dite TEPA, et 2,9 milliards du fait des dégrèvements de taxe professionnelle.

La dégradation des finances publiques résulte également d’une maîtrise insuffisante des dépenses. Il y a certes eu des progrès, car le rythme de l’augmentation s’est notablement réduit par rapport à ce que nous avions constaté entre 1998 et 2007. Il n’en reste pas moins que les dépenses viennent de retrouver le niveau atteint en 2006, alors qu’il y avait eu une légère décrue. Une partie de cette évolution s’explique sans doute par une moindre progression du PIB au cours de la période récente. Toutefois, il faut également rappeler qu’un seul pays consent aujourd’hui des dépenses publiques plus importantes que les nôtres : la Suède. Il faut également se souvenir que ce pays parvenait en 2008 à dégager un solde budgétaire très nettement excédentaire, contrairement à la France.

Je ne reviendrai pas sur les raisons expliquant l’augmentation des dépenses de l’État, car la Cour y a déjà consacré de nombreux développements. En revanche, je répète qu’il faudra réaliser un effort de grande ampleur en vue de réaliser les objectifs que se sont fixés les pouvoirs publics.

La notion de déficit structurel, corrigé des variations conjoncturelles, me semble particulièrement éclairante pour comprendre la situation. Selon plusieurs organisations internationales, le déficit structurel s’élève à environ 3,5 % du PIB, soit l’intégralité du déficit constaté à la fin de l’année 2008. Ce chiffre n’est qu’un ordre de grandeur, mais il démontre que l’essentiel du problème est non pas de nature conjoncturelle, mais structurelle.

Au sens du traité de Maastricht, la dette publique a augmenté de 10 % en 2008 : elle est passée de 1 209 à 1 327 milliards d’euros, c’est-à-dire de 63,8 à 68,1 % du PIB. La moitié de cette hausse résulte du déficit public, et 20 % des emprunts contractés pour le financement des banques. La Société de financement de l’économie françaises, la SFEF, et la Société de prise de participation de l’État, la SPPE, ont en effet été classées par l’INSEE et par Eurostat parmi les administrations publiques, même s’il y a encore un débat sur la réalité du contrôle de l’État sur la SFEF. Les emprunts contractés font donc partie de la dette publique.

Le niveau de la dette brute appelle deux autres observations. Dans son rapport de juin 2008, la Cour avait souligné que la moitié des 28 milliards d’euros de dette relevant de Réseau ferré de France (RFF), aujourd’hui classé hors du champ des administrations publiques, ne pouvait être remboursée que par l’État ; en dépit de la récente réforme de la tarification ferroviaire, la Cour maintient cette observation. En second lieu, j’observe que l’État a acheté des billets de trésorerie émis par l’ACOSS pour un montant de 10 milliards d’euros à la fin de l’année 2008, contre 8 milliards en 2007 et 5 milliards en 2006 ; cette opération, qui est financièrement positive pour l’État comme pour l’ACOSS, a temporairement diminué le niveau de la dette publique brute.

Chacun sait que la dette accumulée par les administrations publiques a un coût immédiat : les intérêts colossaux que la France doit aujourd’hui acquitter. À la fin de l’année 2008, ils s’élèvent à 54 milliards d’euros, soit plus que le produit de l’impôt sur le revenu. La seule charge des intérêts représente 2,8 % du PIB, soit 2 000 euros par an pour chaque actif. Or, plus la dette est importante, plus la prime de risque et, partant, le taux d’intérêt, augmentent. L’écart avec le taux exigé de l’Allemagne s’élevait ainsi à 0,4 point à la fin de l’année 2008. Cet écart est certes variable dans le temps, et il a d’ailleurs récemment diminué, mais il n’en demeure pas moins que la qualité de notre signature pourrait faire l’objet d’une attention accrue de la part des marchés.

Le solde primaire des administrations publiques, hors charge des intérêts, s’est de nouveau dégradé depuis 2007, alors qu’il était redevenu positif en 2006. Il s’élève maintenant à - 0,6 % du PIB. Cela signifie que les administrations publiques doivent emprunter pour payer non seulement les intérêts de la dette, mais aussi une partie de leurs dépenses courantes. Or, il est impossible de stabiliser l’endettement par rapport au PIB si le solde primaire demeure négatif, le taux d’intérêt de la dette étant supérieur au taux de croissance.

L’année passée, à la même époque, j’avais fait part à la Commission des affaires culturelles et sociales des vives inquiétudes que nous inspirait le déficit de la sécurité sociale. Ces inquiétudes demeurent, car le déficit du régime général ne s’est pas réduit – il s’élève désormais à environ 10 milliards d’euros. La croissance des charges a certes diminué de 0,5 point par rapport à 2007, mais celle des recettes s’est également réduite en raison d’un début de contraction de la masse salariale. Comme l’État, la sécurité sociale a donc abordé la crise actuelle en situation de déséquilibre structurel, et elle va subir de plein fouet la réduction de la masse salariale en 2009.

Il reste que les différentes branches présentent des résultats contrastés. Sous l’effet du ralentissement de la progression de l’ONDAM, qui n’a augmenté que de 3,4 % en 2008, contre 4 % en 2007, et du ralentissement de l’augmentation du coût des soins de ville, qui n’a crû que de 2,5 % contre 4,4 % l’année précédente, le déficit de l’assurance maladie s’est stabilisé à un peu moins de 5 milliards d’euros. L’objectif fixé par la loi de financement de la sécurité sociale a toutefois été dépassé de 860 millions d’euros.

Le déficit de la branche retraite a en revanche continué de s’aggraver : il s’est élevé à 5,6 milliards d’euros en 2008, contre 4,6 milliards en 2007 et 1,9 milliard en 2006. Les causes sont bien connues : l’arrivée massive de nouveaux retraités et la poursuite des départs anticipés consécutifs à la réforme de 2003, qui pèse sur les comptes de 2008 pour un montant de 2,4 milliards d’euros.

Tout aussi inquiétante est la rechute de la branche famille, qui s’explique par une augmentation de 3,5 points des prestations versées en moyenne. Excédentaire de 0,2 milliard d’euros en 2007, cette branche est aujourd’hui déficitaire de 0,3 milliard.

Le déficit constaté pour l’année 2008, qui s’ajoute à ceux qui ont été accumulés depuis le dernier transfert de dette à la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, a conduit le Gouvernement à prévoir une nouvelle reprise de dette dans la loi de financement pour la sécurité sociale de 2009, à hauteur de 26,9 milliards d’euros. Pour la première fois, la reprise de dette n’a pas porté seulement sur les déficits de l’assurance maladie – pour 14,1 milliards d’euros –, mais aussi sur ceux de la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse – pour 8,8 milliards – et sur ceux du FSV, le Fonds de solidarité vieillesse – pour 4 milliards.

Conformément à la loi organique du 2 août 2005, qui prévoit que toute nouvelle reprise de dette doit s’accompagner du transfert de la recette fiscale nécessaire à son amortissement, une fraction de 0,2 point de CSG a été transférée du FSV à la CADES. Malgré l’excédent de 812 millions d’euros dégagé en 2008, il était évident, depuis les premiers signes de la crise financière, à l’automne dernier, que la dégradation de l’emploi allait peser sur les résultats du FSV et qu’il n’était pas raisonnable de le priver d’une fraction, fût-elle limitée, de ses ressources. Dans ces conditions, on ne peut pas s’étonner que la commission des comptes de la sécurité sociale ait prévu un déficit de 2,1 milliards d’euros pour l’année en cours.

Pour toutes ces raisons, c’est dans un contexte déjà dégradé que les administrations publiques ont dû affronter, en 2009, les pleins effets d’une crise qui pourrait être d’une rare violence. On peut donc s’attendre à une dégradation sans précédent des comptes publics. Si les prévisions de croissance se confirmaient, le déficit devrait s’élever, au minimum, à 7 % du PIB à la fin de l’année et la dette publique devrait atteindre 75 % du PIB, SFEF exclue – et même 80 % si elle est intégrée dans les comptes. Je rappelle que le ministre du budget est encore plus pessimiste que la Cour, puisqu’il a évoqué un déficit de 7,5 % pour l’année 2009.

Cette augmentation du déficit budgétaire s'explique non seulement par l'impact du plan de relance, mais aussi par la baisse spontanée des rentrées d’impôt et des cotisations sociales, ainsi que par l'augmentation, elle aussi spontanée, de certaines dépenses, notamment celles de l'assurance chômage. Notre déficit sera certainement moins élevé que celui du Royaume-Uni ou que celui des États-Unis, mais il dépassera probablement celui de l’Allemagne, alors même que le plan de relance de ce pays est plus important que le nôtre et que son déficit structurel est plus faible.

J’ajoute que la dégradation des comptes devrait concerner l’ensemble des administrations publiques. Le déficit de l'État devrait ainsi doubler en 2009 : il passerait de 56,3 milliards d’euros à plus de 120 milliards, ce qui représente plus de la moitié des recettes nettes de l'État. Les prévisions sont plus délicates à établir pour les administrations publiques locales, mais il ne fait aucun doute que leurs dépenses devraient continuer à croître de façon soutenue et que le niveau des recettes, notamment fiscales, ne pourra être maintenu qu'au prix d'une augmentation des taux d'imposition. Toutes les administrations sociales seront également dans le rouge : le déficit du régime général devrait doubler, pour s’élever à 20 milliards d'euros ; après deux années d’excédents, l’assurance chômage devrait renouer avec les déficits, estimés par l'UNEDIC à 1,3 milliard d'euros pour 2009 ; les régimes complémentaires et le FSV devraient eux aussi être déficitaires.

J'observe en outre que le financement du déficit du régime général va poser un problème dès cette année : le plafond d’avances, fixé à 18,2 milliards d'euros au-delà du premier trimestre de 2009, devrait être dépassé à l’automne. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir à l'occasion du prochain rapport sur les comptes de la sécurité sociale.

À l’horizon 2012, les perspectives ne sont pas meilleures : même si l’on retient les prévisions de croissance du Gouvernement et que l’on table sur une progression des dépenses limitée à 2,2 %, le déficit devrait dépasser 6 % et la dette devrait atteindre 90 % du PIB. D'autre part, on ne peut pas être certain que la croissance retrouvera dès 2 011 ou 2 012 le rythme qui était le sien avant la crise.

Dans ces conditions, les objectifs fixés par les pouvoirs publics ne pourront être atteints qu'au prix d'un effort supplémentaire d’une ampleur considérable. Il faut saluer, dans cette perspective, l'instauration d'une loi de programmation pour les finances publiques et d'un budget triennal de l'État, qui constitue une avancée essentielle sur le plan des principes : la loi de programmation favorise en effet une vision pluriannuelle pour l'ensemble des acteurs publics, tout en fixant de grandes orientations auxquelles on ne peut que souscrire, notamment en ce qui concerne la maîtrise des dépenses et la sécurisation des recettes ; elle pose également le principe que les mesures de relance seront de nature temporaire.

Il reste que plusieurs éléments intervenus depuis l’adoption de la première loi de programmation nuisent à la lisibilité de la stratégie retenue, et pourraient même remettre en cause sa crédibilité. Je pense, par exemple, à la baisse du taux de TVA sur la restauration et à la suppression de la taxe professionnelle. Le respect des orientations fixées par la loi de programmation imposerait que ces évolutions soient compensées par des augmentations d'impôts ou bien par la suppression d'avantages fiscaux à due proportion, ce qui ne semble pas prévu pour le moment.

Compte tenu des évolutions récentes, la Cour répète que la perspective d'une réduction de la dette et du déficit à l'horizon 2 012 ne sera pas crédible sans un effort drastique de réduction des dépenses. À défaut, il faudra se résigner à augmenter les prélèvements obligatoires. J’ajoute qu’il y a urgence à agir, car nous approchons d'une zone dangereuse.

Le premier risque encouru est de nature économique : la dégradation des finances publiques risque de nourrir l'inquiétude des acteurs, qui pourraient augmenter leur épargne et réduire leur demande par crainte d’une hausse des impôts et des cotisations sociales. Il en résulterait un cercle vicieux, la crise risquant de s'aggraver et la reprise d’être affaiblie. Je rappelle également que l’impact des politiques de relance est d’autant plus faible que la dette est élevée, si l’on en croit une étude du FMI.

Le deuxième risque consiste en un appauvrissement de l’État : en effet, la quasi-totalité de la dépense publique ne sert plus à financer des investissements destinés à préparer l'avenir, mais à payer des dépenses de fonctionnement et d’intervention. L’appauvrissement de l'État pourrait se traduire par une réduction des services apportés aux Français et par une dégradation de la protection sociale.

Le troisième risque est un emballement de la dette, parfois appelé effet « boule de neige ». Dans cette hypothèse, la charge des intérêts devient si importante qu'il faut emprunter sans cesse davantage. Il en résulte un phénomène d’auto-alimentation de la dette qui conduit à son explosion. Or, nous avons aujourd’hui atteint un tel niveau de déficit structurel et d'endettement qu'une aggravation, même limitée, du déficit – du fait, par exemple, de l’augmentation prévisible des dépenses liées au vieillissement de la population – pourrait suffire à provoquer une croissance exponentielle de la dette.

Selon certains scénarios, qui ne font que prolonger les tendances actuelles, la dette pourrait atteindre 100 % du PIB en 2 018. Pour que chacun puisse prendre la mesure du problème, je rappelle que notre dette s’élevait à 118 % du PIB à la fin de la Première guerre mondiale et à 170 % en 1945. Avec un taux d'intérêt de 4 %, la seule charge des intérêts pourrait s’élever à 8 % de la richesse produite par le pays, chiffre auquel il faut ajouter le remboursement du capital emprunté. L’effort total serait alors supérieur au produit annuel de la TVA.

Le quatrième risque, lié au précédent, est que la crédibilité de la signature de la France soit affaiblie. En effet, plus la dette augmente, plus la prime de risque s’accroît. Le remboursement des intérêts ne pouvant mobiliser une proportion indéfiniment croissante des ressources, les créanciers risquent alors de se montrer réticents à l’idée de financer des prêts supplémentaires, ce qui pourrait contraindre à un ajustement dramatique des finances publiques.

À force de répéter que les caisses sont vides, il ne faudrait pas accréditer l’idée qu’elles sont inépuisables. On balaie souvent d’un revers de la main l’hypothèse d’une faillite de l’État, mais il ne faut pas négliger pour autant les conséquentes concrètes que pourrait entraîner la dégradation des finances publiques dans la vie quotidienne des Français. Or, plus on attend, plus le prix sera élevé : il faudra payer plus pour rembourser plus, et l’on encourt une double peine, puisqu’il faudra remettre en cause une partie des politiques publiques.

Face à ce problème, il y a de vraies et de fausses solutions.

Certains observateurs pensent que les difficultés pourraient être résolues sans effort grâce à une augmentation de la croissance, ou bien à la faveur d’une résurgence de l’inflation. Or le retour d’une croissance dynamique dans des délais brefs est généralement considéré comme peu crédible, la crise ayant conduit les organismes internationaux à retenir des hypothèses de croissance potentielle inférieures à la tendance actuelle ; d’autre part, chacun sait qu’un éventuel recours à l’inflation serait combattu par la Banque centrale européenne et par nos partenaires européens, au premier rang desquels figure l’Allemagne. Au surplus, quand bien même l’inflation repartirait à la hausse, les taux d’intérêt appliqués à la dette publique seraient très rapidement relevés.

Selon la Cour, il n’existe que deux pistes envisageables, de façon alternative ou cumulative : une réduction des dépenses et/ou une augmentation des prélèvements, laquelle passe d’abord par une réduction des « niches » fiscales et sociales.

Loin de nous l’idée de prescrire un programme politique, car il ne nous appartient pas de prescrire la voie à suivre : c’est au Gouvernement qu’il revient de définir la stratégie, la Cour se bornant à donner l’alerte sur les risques encourus.

Si l’on veut rétablir l’équilibre des comptes, il faudra d’abord s’attaquer au déficit structurel. Ce défi peut paraître considérable, mais l’effort à réaliser n’est pas sans précédent au sein de l’OCDE. Pour l’essentiel, l’ajustement repose sur une réduction du poids des dépenses dans le PIB afin de tendre vers la moyenne constatée dans les pays comparables. Plusieurs pays ont déjà réalisé un tel effort au cours des dernières années sans remettre en cause leur système de protection sociale. En outre, je rappelle que la France a déjà démontré, au cours de son histoire, qu’elle était capable d’adopter des mesures en vue d’assurer le redressement de son économie.

Pour le moment, la limitation des dépenses prévue par le ministère des finances pour la période 2009-2012 ne représente qu’un point de PIB, soit 20 milliards d’euros. J’observe par ailleurs que les économies envisagées dans le cadre de la RGPP ne sont pas toujours bien documentées et qu’elles ne devraient pas rapporter plus de 6 milliards d’euros. Des efforts beaucoup plus ambitieux seront donc absolument nécessaires. Il faut également être conscient qu’une hausse des prélèvements sera inéluctable si la réduction des dépenses s’avère insuffisante.

La dérive des prestations sociales appelle une poursuite des réformes. La dégradation rapide des comptes de l’assurance vieillesse justifie notamment une nouvelle négociation sur les retraites. Dans le domaine de la santé, il faudra non seulement réviser le cadre des négociations conventionnelles avec les professions de santé, mais aussi engager une réflexion sur certaines prestations et poursuivre la réorganisation du système hospitalier. Ces différents efforts risquant d’être insuffisants, il pourrait également être nécessaire de dégager des financements supplémentaires pour la sécurité sociale.

En ce qui concerne les dépenses de l’État, des économies supplémentaires pourraient être réalisées grâce à une meilleure gestion budgétaire en mode LOLF, autour des principes de mesure des coûts et de performance, mais aussi grâce à une réforme de la gestion des ressources humaines et à une plus grande maîtrise de la masse salariale et du coût des pensions. Il conviendrait également de se pencher sur la question des effectifs et des charges de fonctionnement des opérateurs de l’État, qui sont de plus en plus nombreux.

Il est en outre impératif d’assurer la maîtrise des dépenses locales. Pour cela, encore faudrait-il que l’État ne demande pas aux collectivités territoriales de financer à sa place des politiques qu’il n’aurait plus les moyens de mener lui-même. Une rationalisation de l’intercommunalité s’impose en tout cas, de même qu’une réforme de la fiscalité locale et des concours financiers de l’État.

Il faut également être conscient que l’impact des réformes n’est perceptible qu’à long terme. Il convient donc de ne pas en différer le lancement.

Par ailleurs, l’idée que la France s’en tirerait mieux que ses voisins est un peu trompeuse : notre pays supporte peut-être un peu mieux que d’autres pays la phase actuelle, mais la comparaison pourrait être moins flatteuse lors de la sortie de la crise.

À la fin de l’année 2008, notre déficit public était déjà très supérieur à celui de nos voisins : il s’élevait à 3,4 % du PIB contre 1,5 % dans la zone euro et 2,1 % au sein de l’Union européenne, France non comprise. Notre déficit structurel était également bien plus élevé : il atteignait en effet 3,5 % du PIB, je le répète, contre 1,4 % dans la zone euro et 1 % en Allemagne.

Ajoutons à ce constat que la France est aujourd’hui le quatrième État le plus endetté de la zone euro, après l’Italie, la Grèce et la Belgique, et que son taux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires compte parmi les plus élevés des pays de l’OCDE. À ce sujet, il ne faut pas oublier que l’écart s’est fortement creusé avec l’Allemagne, où la décrue des dépenses publiques s’est poursuivie en 2008 : elles ont été ramenées à 43,8 points du PIB, ce qui porte à 9 points l’écart avec la France – cet écart n’a jamais été atteint.

Dans ce contexte, il ne saurait y avoir de démarche crédible de rétablissement des comptes sans un effort accru de vérité sur l’état de nos finances. Dans un récent rapport, l’OCDE rappelait notamment que le Canada avait fait le choix, dans les années quatre-vingt-dix, de construire ses budgets selon des prévisions de croissance volontairement pessimistes, afin de garantir que les objectifs seraient atteints, voire dépassés. Selon l’OCDE, cette démarche aurait contribué au succès de l’assainissement des finances publiques réalisé dans ce pays. Force est de constater que nous adoptons trop souvent la démarche inverse en France, ce qui nuit à la crédibilité de nos programmes pluriannuels.

Compte tenu du déficit structurel, il faudrait dégager environ 70 milliards d’euros pour rétablir l’équilibre de nos comptes. Cela nous impose de ne plus nous contenter de réformes ponctuelles, seulement destinées à lutter contre les gaspillages et les dysfonctionnements les plus flagrants : nous ne pourrons plus faire l’économie d’une véritable réflexion sur le rôle de l’État, sur les missions du service public et sur les modalités de leur financement. L’effort devra porter sur l’ensemble des acteurs de la dépense publique, y compris la sécurité sociale et les collectivités territoriales.

Voilà les principales observations que je tenais à vous présenter. Avec mes collègues ici présents, je suis à votre disposition pour répondre aux questions que vous souhaiterez poser.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je fais largement miennes vos analyses, qui sont malheureusement étayées par les chiffres. Mais j’en viens à me demander si la répétition de ces constats, à un rythme de plus en plus rapide, ne devient pas contreproductive : en dépit de la situation que vous avez parfaitement décrite, il ne se passe rien pour le moment, alors qu’on assistait autrefois, dans des circonstances comparables, à des dévaluations et à des hausses brutales des taux d’intérêt. Il fallait alors supplier les emprunteurs, ce qui conférait par la suite un certain poids aux mises en garde que l’on pouvait adresser.

En 2009, nous allons devoir trouver 250 milliards d’euros : 150 milliards pour les déficits et 100 milliards pour le remboursement de capital. Or le monde entier accourt pour nous prêter de l’argent. Près de 70 % de nos besoins de financement sont couverts par des acteurs étrangers, et les OAT que nous émettons connaissent un succès extraordinaire, de même que les BTF, ce qui ne favorise pas une prise de conscience de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Ma première question porte sur la révision de la loi fondamentale qui a été entreprise en Allemagne dans le but de fixer une limite au déficit structurel. Pensez-vous qu’une démarche similaire pourrait être utile dans notre pays, où il a suffi de quelques mois pour que la loi de programmation des finances publiques soit remise en cause ?

On constate aujourd’hui que les collectivités territoriales ont un besoin de financement. Même si l’on peut difficilement parler de déficit, l’amortissement de la dette était couvert par les recettes de fonctionnement, il reste préoccupant que le besoin de financement augmente : celui-ci dépasse désormais 0,3 point de PIB, alors que nous étions en situation d’excédent il y a six ou sept ans. Le rapport de la Cour évoque une stabilisation de la situation en 2009, mais quid de 2010 ?

Vos propos pourraient laissent penser, Monsieur le Premier président, que notre pays finance les baisses d’impôt par le déficit et, partant, par la dette, ce qui me semble quelque peu injuste. C’est peut-être le cas pour la baisse de la TVA sur la restauration, mais pas pour la réforme de la taxe professionnelle, dont le solde – d’environ 8 milliards d’euros – devrait être financé par la taxe carbone. Qu’en pensez-vous ?

Ma dernière question porte sur la proposition de recourir à un grand emprunt national. Ne pensez-vous pas qu’une telle solution pourrait être plus coûteuse pour les finances publiques que des émissions supplémentaires d’obligations ? En outre, cela ne risque-t-il pas de donner l’impression que nous nous inquiétons de nos possibilités de financement ? Les prêteurs étrangers pourraient alors être incités à se poser des questions. Enfin, cela ne risque-t-il pas de faire croire à nos concitoyens que le recours à l’emprunt est un moyen normal et légitime de financer les dépenses?

M. le président Didier Migaud. On pourrait sans doute prolonger cette dernière question : dans quelle catégorie l’idée d’un grand emprunt national doit-elle être classée ? Est-ce une « vraie » ou une « fausse » solution ?

M. Yves Bur. Les comptes sociaux vont mal, et cela de façon structurelle. En 2009, les déficits devraient s’élever à 22 milliards d’euros, FSV compris, avant de se porter à 30 milliards d’euros en 2010. Le rapport indique que les déficits pourraient se maintenir durablement à ce niveau. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions à ce sujet ?

Vous indiquez que les réformes de notre système de sécurité sociale, bien qu’elles soient inéluctables, pourraient s’avérer insuffisantes. Je pense notamment à la branche vieillesse, où il est de plus en plus dangereux d’attendre, et à la branche maladie, où nous devons accélérer la maîtrise médicalisée des dépenses, tout en veillant à améliorer la structuration de l’offre hospitalière. Selon vous, il faudrait alors envisager de prélever des recettes supplémentaires, et vous évoquez notamment la piste des « niches » sociales. Or, on peut se demander s’il est réellement opportun de réduire l’attractivité de certaines de ces « niches », ou d’augmenter la pression fiscale par de nouveaux prélèvements. Cela risque en effet de fragiliser encore la croissance.

Par contre, il ne semble pas qu’une hausse limitée de la CRDS, de 0,15 point, comme nous l’avions envisagé en 2004, produirait un tel effet. Qu’en pensez-vous ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Je voudrais préciser qu’à la différence des « niches » fiscales, les « niches » sociales ont pour effet d’améliorer la compétitivité des entreprises et de réduire les charges sociales sur les bas salaires et les aides aux personnes, ce qui permet de réduire le coût du travail.

M. Philippe Séguin. Il était prévu d’incorporer dans la loi fondamentale, en Allemagne, une limitation de tout nouveau déficit à 0,5 % du PIB, une fois absorbé le choc de la crise actuelle. Le Bundestag et le Bundesrat ont finalement décidé que le déficit structurel de l’État fédéral ne pourra plus dépasser 0,35 point de PIB à compter de 2016, sauf circonstances exceptionnelles, et que les Länder ne seront plus autorisés à être en déficit à partir de 2020. Le débat a eu lieu dans un relatif consensus, et il s’est essentiellement concentré sur la liste des dérogations. Il faut dire que nos voisins Allemands se préoccupent davantage des déficits pour 2009 et les années suivantes que de l’adoption de règles constitutionnelles.

Ce que je retiens de cette réforme, ce n’est pas tant l’instauration de nouveaux principes de gouvernance que la détermination dont ont fait preuve les partis de gouvernement pour mettre de l’ordre dans les finances publiques. La réunification de l’Allemagne avait quelque peu contribué à affaiblir cette tradition, mais force est de constater qu’elle a repris de la vigueur depuis 2007. Il existe aujourd’hui un profond consensus sur le sujet.

Faut-il s’inspirer de cet exemple en France? On pourrait considérer qu’une obligation similaire existe déjà dans notre droit constitutionnel, puisque la révision de 2008 impose aux lois de programmation des finances publiques un objectif d’équilibre des comptes. Même si l’on peut considérer qu’il s’agit d’un simple objectif de moyen terme, cela implique tout de même que le déficit structurel devrait être nul. Les recommandations de la Cour ont pour but d’aider à atteindre cet objectif.

S’agissant des collectivités territoriales, il existe une différence de 19 milliards d’euros entre les engagements pris par les collectivités signataires de conventions avec l’État portant sur le remboursement anticipé du fonds de compensation de la TVA et les montants investis en 2007. Une partie des investissements ne devant pas être réalisée avant 2010, le besoin de financement des administrations locales devrait être allégé. En revanche, on peut s’attendre à une hausse des dépenses sociales et des dépenses de fonctionnement, qu’il faudra mettre en rapport avec la baisse du produit des droits de mutation. L’augmentation des bases et des taux des impôts directs devrait néanmoins permettre d’éviter une hausse sensible du besoin de financement des collectivités territoriales.

Vous m’avez interrogé sur la réforme de la taxe professionnelle et sur l’instauration d’une taxe carbone. Mais j’ignore dans quelle direction nous nous acheminons : j’ai lu avec beaucoup d’attention les travaux parlementaires réalisés dans ces deux domaines, mais je me suis laissé dire qu’ils n’étaient pas toujours pris en compte dans leur intégralité. La crainte que l’on peut éprouver aujourd’hui est qu’un éventuel manque à gagner ne soit porté à la charge de l’État, au risque d’aggraver encore la situation des finances publiques.

J’ajoute qu’il faudrait en profiter pour réaliser une refonte globale de la fiscalité locale, laquelle est inefficace, illisible et inéquitable – tout le monde s’accorde pour le reconnaître. Nos investigations nous ont ainsi permis de constater qu’il existe d’importantes disparités entre collectivités de même niveau dans le domaine de l’éducation, notamment en ce qui concerne les équipements informatiques, les voyages scolaires, l’offre périscolaire ou encore l’accompagnement des enfants. D’autre part, je rappelle que l’autonomie financière des collectivités territoriales n’est pas équivalente à leur autonomie fiscale.

La Cour ne peut pas se prononcer sur un futur « grand emprunt national », car elle en ignore le montant et la destination. Je voudrais toutefois rappeler que des circonstances exceptionnelles peuvent justifier des mesures exceptionnelles, à condition qu’elles se limitent à la lutte contre la crise, qu’elles présentent un caractère provisoire et que l’on poursuive les efforts par ailleurs entrepris en matière de réduction des dépenses et de sécurisation des recettes. J’ajoute que le recours à l’emprunt ne fait que renforcer la nécessité d’un effort de réduction du déficit structurel.

Je laisserai à M. Babusiaux et à Mme Ruellan le soin de répondre aux questions portant sur le déficit de la sécurité sociale, mais je voudrais évoquer, pour ma part, les « niches » sociales.

J’espère que les progrès à venir en matière d’évaluation nous permettront enfin d’obtenir des éléments de réponses crédibles et scientifiquement fondés sur l’impact réel de certaines dépenses d’intervention, qu’elles soient directes ou qu’elles consistent en des dépenses fiscales. Cela devrait nous permettre de constater – j’en suis convaincu – que l’objet de certaines « niches » n’est pas atteint aujourd’hui, et qu’il ne peut l’être.

En 2007, la Cour a déjà eu l’occasion de chercher à apprécier l’incidence financière de nombreuses exonérations. Elle a ainsi préconisé de revoir les dispositions applicables aux plus-values tirées des stock-options, les déductions forfaitaires spécifiques dont bénéficient certaines professions, de même que les avantages accordés en cas de départ en retraite, dont le coût a été respectivement chiffré à 3 milliards, 800 millions et 4 milliards d’euros.

Nous savons gré à la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de s’être fait l’écho de nos préoccupations en proposant un certain nombre de modifications législatives. La loi de finances pour 2008 a ainsi instauré une cotisation patronale de 10 % et une cotisation salariale de 2,5 % sur les avantages tirés des distributions d’options et d’actions, ainsi qu’une taxation – à hauteur de 50 % – des indemnités des départs en retraite décidés par les employeurs et un « forfait social » de 2 % sur des rémunérations et des gains jusque-là exonérés de cotisations sociales. Beaucoup reste à faire, mais nous avons avancé.

Pour aller plus loin, il faudrait probablement disposer d’évaluations beaucoup plus précises de l’impact des modifications des textes en vigueur. Il reste que l’existence de régimes spécifiques bénéficiant à certaines catégories sociales pose un problème accru dans l’état actuel de nos finances publiques.

M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes. Les dépenses du régime général augmentent chaque année de 4 à 4,5 % ; les recettes dépendant de la masse salariale, celle-ci doit croître de façon proportionnelle afin que le déficit se stabilise. Pour cela, il est nécessaire que la croissance dépasse 2,25 % du PIB.

La prévision de croissance retenue par le Gouvernement n’est que de 0,5 % en 2010, ce qui signifie que nous serons loin du compte. Compte tenu des taux de croissance potentiels qui nous ont semblé réalistes pour 2011 et 2012, nous considérons que le déficit devrait se maintenir à un niveau élevé par la suite.

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Année après année, les rapports de la Cour proposent un certain nombre de réformes concernant les régimes d’assurance maladie et de retraite, mais il faut avoir conscience que ces mesures ne peuvent pas produire immédiatement leurs effets. C’est d’ailleurs pour cette raison que les réformes doivent être adoptées aussi rapidement que possible.

En matière de retraites, il n’existe pas de solution miracle. Un coup de frein a certes été donné à la multiplication des départs anticipés en retraite, dont l’ampleur ne correspondait sans doute pas à l’intention initiale du législateur, mais les mesures d’effet immédiat ne sont pas nombreuses.

Le même constat vaut en matière d’assurance maladie : à moins d’accepter une réduction des taux de remboursement, il faudra adopter durablement des mesures volontaristes, à mille lieux de toute politique de stop and go. La restructuration hospitalière, l’amélioration de la gouvernance ou encore la réforme de la médecine de ville mettront du temps à produire des résultats. Dans ces conditions, il faudra sans doute augmenter les recettes, mais cela ne doit pas conduire, pour autant, à ne pas adopter aussi vite que possible des réformes – bien au contraire.

M. Michel Bouvard. Il faut remercier la Cour pour l’éclairage qu’elle nous apporte – même s’il est parfois douloureux –, ainsi que pour les pistes qu’elle nous propose. J’observe que celles-ci ne sont pas nécessairement contradictoires avec ce que nous avons pu entendre hier, notamment en ce qui concerne la « mauvaise dépense ». Cela étant, nous avons bien compris que nous ne pourrons pas nous contenter, compte tenu de la situation actuelle, de remettre en cause les seules dépenses dont la performance ne semblerait pas suffisante.

Éric Woerth avait évoqué l’an dernier une mise sous plafond des dépenses fiscales, qui ne serait en réalité applicable qu’à l’année n+1, car nous sommes dans une logique de « guichet ». De ce fait, nous nous heurtons à deux impératifs : la nécessité d’assurer une certaine stabilité des dispositifs dans la durée pour qu’ils produisent des effets réels, et celle de nous appuyer sur des évaluations fiables. Or les derniers rapports annuels de performance, les RAP, montrent que les estimations initiales doivent fréquemment être actualisées en cours d’année. C’est par exemple le cas des crédits d’impôt applicables à l’emploi des salariés à domicile et des mesures relatives à l’apprentissage. On constate en outre que de nombreuses pages des RAP ne sont pas renseignées. Je m’étonne également de lire qu’en raison d’une modification de la définition même des dépenses fiscales, leur estimation passe subitement de 79 milliards à 69 milliards d’euros.

J’aimerais savoir, monsieur le Premier président, comment nous pourrons procéder à un plafonnement réel des dépenses fiscales dans ces conditions. Cela me semble pourtant une nécessité si nous voulons mettre un frein à l’augmentation des déficits et de la dette publique. De quelle façon la Cour pourrait-elle nous accompagner dans notre travail d’évaluation ?

M. Denis Jacquat. En tant que rapporteur pour l’assurance vieillesse, je ne peux qu’approuver l’idée qu’une action résolument volontariste est nécessaire dans la durée.

Le rapport de la Cour appelle à une vigilance accrue sur le taux de revalorisation des retraites. Sachant que nous sommes déjà passés de la prise en compte des salaires à celle des prix, j’aimerais savoir ce qui nous est suggéré pour l’avenir.

S’agissant des avantages familiaux de retraite, la Commission avait indiqué, l’an dernier, son souhait d’attendre le rapport du Conseil d’orientation des retraites. Celui-ci nous a été remis en décembre dernier, et nous avons pu constater au cours de nos auditions que certains de nos interlocuteurs ne voyaient pas d’un mauvais œil une éventuelle forfaitisation des avantages familiaux et conjugaux, ainsi que leur imposition fiscale. Pouvez-vous nous dire quel est l’avis de la Cour à ce sujet ?

S’agissant de l’AVPF, l’assurance vieillesse des parents au foyer, la Cour nous renvoie à un prochain rapport. Or nous avons constaté qu’un certain nombre de nos interlocuteurs ne verraient pas d’inconvénient à une réforme plus rapide, certains avantages accordés étant parfois très éloignés de l’esprit de compensation qui avait présidé à leur instauration. Pourrions-nous avoir un aperçu des préconisations que la Cour pourrait formuler ?

M. Jérôme Cahuzac. Il me semble qu’il existe aujourd’hui un consensus sur deux points : le premier porte, du moins au sein de la Commission des finances, sur la nécessité de mettre sous plafond les dépenses fiscales ; le second est relatif à la nécessité de limiter le déficit de fonctionnement de l’État, limitation aujourd’hui devenue un principe constitutionnel en Allemagne.

En dépit de la réforme des régimes spéciaux de retraite adoptée en 2007, un récent rapport de nos collègues Patrick Lemasle et Michel Vergnier a fait apparaître que des subventions d’équilibre, majorées de 300 millions d’euros cette année, sont versées à la SNCF et la RATP, pourtant censées être alignées sur le droit commun. Comment expliquer cette situation ? Où sont les économies prévues en 2007 pour justifier cette réforme, mis à part les raisons éthiques ? Pour le moment, nous constatons une dépense supplémentaire.

Nous avons appris hier que toute personne faisant l’objet d’un licenciement bénéficierait d’un contrat de transition professionnelle. À combien la Cour estime-t-elle le coût de cette mesure, dont le président de l’UNEDIC a indiqué qu’elle lui paraissait très chère et très difficile à appliquer ?

La réduction du taux de TVA sur la restauration a été justifiée au nom de la nécessité de tenir les promesses souscrites, ce qui est sans doute une bonne chose. Mais quid de la promesse d’augmenter la consultation des généralistes de 1 euro ? Combien cela coûterait-il au régime général ?

Nous avons également appris hier que chaque euro de recettes produit par le retour de la croissance servirait intégralement à rembourser la dette. J’aimerais savoir ce que cela représente comme effort en matière de dépenses de fonctionnement.

M. Charles de Courson. Le rapport de la Cour a pour mérite d’établir que la dépense de l’État n’est pas gérée avec une grande rigueur, contrairement à ce que l’on entend souvent dire. En effet, si le taux d’augmentation des « dépenses nettes » se limite effectivement à 2,8 %, il s’élève à 3,6 % si l’on y ajoute les prélèvements sur recettes en faveur des collectivités locales, et à 3,7 % si l’on intègre les sommes transitant par un certain nombre de comptes, notamment les comptes spéciaux. D’autre part, l’argument avancé par la Cour à l’encontre de l’inclusion du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne me semble bien spécieux : il s’agit d’un accord négocié par la France, et non de la simple application d’un accord international. Quant à la prise en compte des taxes à périmètre constant, elle nous permet d’avoir un aperçu des opérateurs, mais il manque tout de même les dépenses fiscales, lesquelles ont augmenté de 7,1 % en 2008, ce qui représente 5 milliards d’euros. Au total, l’augmentation des dépenses s’élève en réalité à 5,6 %, alors qu’elle devait se limiter à la hausse des prix amputée de 1 %, soit 1,8 %. Le résultat est donc trois fois plus élevé que prévu. Dans ces conditions, ne pensez-vous pas qu’il soit nécessaire de réviser la norme de dépense figurant en loi de finances initiale ?

« Quand les bornes sont dépassées, il n’y a plus de limite », si l’on en croit un célèbre humoriste. Or l’analyse de la Cour tend à démontrer le contraire. Vous avez notamment rappelé les dispositions constitutionnelles adoptées par nos voisins Allemands. Quelle est la seule sanction possible du pouvoir politique en matière budgétaire ? Que le Conseil constitutionnel censure la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale. Pour ma part, je fais partie de ceux qui ont défendu, avec un succès partiel, l’inscription de la « règle d’or » dans notre Constitution.

Ceux qui ont combattu notre proposition ne souhaitaient pas tirer les conséquences d’une gestion sérieuse des finances publiques. Ils voudraient maintenant nous faire croire que l’on pourrait spontanément revenir à l’équilibre, idée que le rapport de la Cour met en pièces. Afin d’éclairer davantage le Parlement, la Cour ne pourrait-elle pas nous livrer, dans son rapport, davantage d’éléments de comparaison sur la manière dont d’autres pays ont su limiter, voire contrer, la dégradation de leurs finances publiques ?

J’ai été surpris du traitement réservé, cette année, par la Cour à la question de la dette sociale. Il y a un débat à ce sujet, certains avançant l’idée qu’il faudrait reprendre cette dette, car elle fait partie de l’endettement public, l’État garantissant le paiement des prestations. La Cour avait précédemment indiqué que les recettes courantes risquaient de ne plus permettre de couvrir les intérêts à partir de 2010 ou de 2011. Nous y sommes presque. Qu’en est-il exactement ?

J’aimerais enfin savoir si la Cour serait prête à nous proposer 70 milliards d’euros d’économies, sans trancher sur leur opportunité, en nous présentant seulement les avantages et les inconvénients qui pourraient en résulter. Chacun sait, en effet, que ce n’est pas en continuant à faire du bricolage que l’on parviendra à réduire notre déficit structurel, qui représente 3,5 % du PIB, soit les 70 milliards d’euros que j’ai mentionnés. La RGPP ne devrait rapporter que 7 milliards d’euros en cinq ans. Si nous ne changeons rien, plus aucun gouvernement ne sera en mesure de gouverner et ce n’est pas un retour de l’inflation ou de la croissance qui nous sauvera !

M. Jean-Pierre Brard. Notre collègue Michel Bouvard évoquait tout à l’heure l’éclairage « douloureux » que nous apporte la Cour, mais c’est plutôt la situation qui me paraît douloureuse en elle-même.

En vous écoutant, monsieur le Premier président, j’ai eu l’impression que vous étiez au Gouvernement ce que le médecin clinicien est au rebouteux : comme lui, vous regardez la situation avec objectivité en essayant d’établir un diagnostic et un pronostic. J’ai également été heureux que Mme Ruellan évoque sans détour l’hypothèse d’une augmentation des recettes, et j’ai observé avec plaisir que la Cour faisait preuve d’une grande constance au sujet des exonérations fiscales et sociales.

Sans vous demander de formuler une opinion personnelle, Monsieur le Premier président, j’aimerais savoir ce que vous pensez de la pertinence du « bouclier fiscal ».

Le Président de la République a évoqué hier le recours à un « grand emprunt » dont nous ignorons pour le moment les contours et l’objet. Au cours de notre histoire, nous avons démontré que nous étions capables d’adopter des remèdes de cheval en cas de circonstances exceptionnelles. L’argent étant le nerf de la guerre, des efforts financiers sont bien sûr nécessaires. Or ceux qui sont les plus susceptibles de réaliser ces efforts ne sont pas toujours disposés à les réaliser de manière spontanée. Pour remédier à ce problème, ne pensez-vous pas qu’il serait bon de recourir à un emprunt obligatoire, qui pourrait être rémunéré à un taux de 0 % sur dix ans et assis sur les plus riches ?

Mme Marie-Françoise Clergeau. En 2008, la Cour a conclu à l’impossibilité de certifier les comptes de la branche famille de la sécurité sociale. Estimez-vous que les efforts accomplis par la CNAF permettront une certification cette année ?

Ma deuxième question concerne les contrats d’objectifs et de gestion signés par l’État et par la CNAF pour la période 2009-2012. Dans le contexte actuel de difficultés économiques et sociales, mais aussi d’extension des missions des caisses d’allocation familiales, pensez-vous que les moyens alloués permettront d’assurer un service de qualité et de répondre aux besoins de nos concitoyens ?

Au risque d’anticiper sur le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, que pensez-vous de l’idée d’allonger la durée d’assurance exigée des femmes ayant élevé au moins un enfant ? Sachant que les inégalités entre les hommes et les femmes en matière de retraite sont le reflet des inégalités observées dans le déroulement des carrières professionnelles, quelles évolutions la Cour recommanderait-elle d’adopter ?

M. Nicolas Perruchot. Le présent rapport précise que les charges d’intérêt de la dette ont crû de 7,3 %. Elles atteignent aujourd’hui un total 54,6 milliards d’euros, ce qui représente davantage que l’impôt sur le revenu et près de 2 000 euros par actif. Ce poste budgétaire constitue aujourd’hui le troisième budget de l’État, après l’effort financier à destination des collectivités territoriales et les dépenses consacrées à l’éducation nationale. À quelle date pensez-vous qu’il représentera le premier poste de dépenses ?

Le rapport indique qu’une dette supérieure à 80 % pourrait conduire les agences à s’interroger sur le maintien de la notation « AAA », mais que cette évolution n’a rien d’automatique. On perçoit tout de même que l’on aborde une « zone dangereuse » pour reprendre une expression figurant dans le rapport. À partir de quel seuil pensez-vous que nous risquions de « passer dans le rouge » ?

M. Pascal Terrasse. Vous avez fait référence à une distinction très pertinente entre l’autonomie fiscale et l’autonomie financière, qui est le principe retenu par la plupart des grands pays qui nous entourent. J’aimerais savoir quelle est la position de la Cour à propos d’une éventuelle réforme de la fiscalité locale, laquelle mêle indissolublement les questions de maîtrise des dépenses et de gouvernance, c’est-à-dire de compétences des collectivités.

M. Yves Censi. Vous avez distingué le déficit « conjoncturel » du déficit « structurel ». Mais ne serait-il pas également utile de mettre en rapport l’actif et le passif de l’État, à l’image de ce qui se pratique dans le monde de l’entreprise ? Comment nous situons-nous de ce point de vue par rapport à l’Allemagne, pays qui a été évoqué tout à l’heure ?

Puisqu’il est question d’un « emprunt national », je m’interroge également sur la part de la dette actuellement détenue par les résidents français.

M. Philippe Séguin. Des progrès ont été réalisés en 2008 et en 2009 en matière de dépenses fiscales grâce à l’obligation de gager toute création ou modification de ce type de dispositifs, mais aussi grâce au plafonnement de certaines mesures, notamment en matière d’accès au logement, grâce à l’amélioration de l’information budgétaire disponible et, surtout, grâce à l’objectif annuel prévu par la loi de programmation des finances publiques. Toutefois, il manque encore un dispositif d’évaluation et de suivi des dispositions existantes – aujourd’hui au nombre de 486. Inutile de préciser, dans ces conditions, que les responsables de programmes n’ont pas d’idée précise de l’évolution ni de la pertinence de ces dépenses fiscales.

Cela étant, je ne crois pas excessif d’affirmer que certaines d’entre elles ont probablement pour effet, et peut-être même, dans certains cas, pour principal objet de limiter les dépenses en s’exonérant du respect de la norme de dépense. Il faudrait sans doute être plus sélectif afin de réserver ce mécanisme aux seules interventions ne pouvant pas entrer dans le droit commun, à savoir l’ouverture de crédits budgétaires.

D’autre part, je crois qu’il faudra mener une expertise sérieuse sur la modification de la définition des dépenses fiscales qui a conduit à une réduction de 10 milliards d’euros du montant estimé de ces mesures.

J’ajoute que la Cour est prête à se prononcer sur les principales dépenses fiscales dans le cadre d’une demande formulée au titre du 2° de l’article 58 de la LOLF.

M. le président Didier Migaud. Une partie du travail a d’ailleurs été réalisée, mais il ne serait sans doute pas inutile que vous synthétisiez et que vous actualisiez les propositions qui nous ont déjà été présentées.

M. Philippe Séguin. M. Cahuzac a évoqué à juste titre l’absence d’un véritable consensus sur le plafonnement des dépenses fiscales. Je n’y reviendrai pas.

Quant à l’effort qui pourrait être consacré à la réduction de la dette grâce aux fruits de la croissance, je n’ai pas de réponse à vous apporter : je peux seulement rappeler que l’objectif de maintenir les dépenses de fonctionnement des administrations dans des limites strictes me semble bienvenu, et qu’il ne faudrait pas attendre la sortie de la crise pour s’atteler à la tâche.

M. de Courson nous demande de proposer au Parlement 70 milliards d’euros d’économies sans nous prononcer sur leur opportunité. Il reste que chacun saurait très bien qui est à l’origine de ces mesures. D’autre part, il me faudrait au moins 1 milliard d’euros supplémentaire pour réaliser des évaluations sérieuses. Si nous nous sommes interrogés sur certaines dépenses, c’est précisément parce qu’il n’existait pas d’évaluation de leurs effets. Il faut en outre être conscient que leur suppression pure et simple pourrait avoir des conséquences négatives. C’est d’ailleurs pour cela que des évaluations sont nécessaires.

J’ajoute que cela prendra du temps – sans doute plus, d’ailleurs, que celui requis pour réaliser les travaux qui nous sont demandés au titre du 2° de l’article 58. Il faut savoir se donner du temps pour réaliser un travail pluridisciplinaire incontestable. Nous devons en effet nous méfier d’une rapidité excessive et faire preuve d’une grande prudence : même si l’on pressent que certaines mesures adoptées en direction des entreprises ne servent à rien, leur suppression reviendrait en réalité, pour elles, à une augmentation de la fiscalité à due concurrence.

J’en viens à la norme de dépense, qui n’est pas encore satisfaisante à ce jour – il faut le reconnaître. Elle pèche par excès, car elle intègre des « loyers budgétaires » qui ne correspondent à aucun décaissement, étant simplement voués à retracer ce que la location des locaux coûterait aux administrations si elles n’étaient pas des administrations, ainsi que des prélèvements au profit de l’Union européenne qui sont très variables dans le temps, ce qui perturbe inutilement l’interprétation des dépenses. La norme de dépense pèche également par défaut, car elle fait l’impasse sur un certain nombre de financements qui ne se distinguent des dépenses budgétaires ni par leur nature ni par leur destination, et ont parfois pour effet de se substituer à une inscription de crédits en loi de finances. Je pense, par exemple, à certaines charges payées par l’État sans qu’elles soient retracées en tant que dépenses, aux remboursements et aux dégrèvements, à certaines dépenses fiscales, ou encore à certaines affectations de recettes qui s’apparentent surtout à une débudgétisation.

M. Brard m’a demandé ce que je pensais du « bouclier fiscal », tout en indiquant d’emblée qu’il ne s’attendait pas à ce que je lui réponde. Sur ce sujet, je peux seulement le renvoyer au rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité du patrimoine, qui préconise de ne pas exonérer les bénéficiaires du « bouclier fiscal » des mesures nouvelles qui pourraient être rendues nécessaires.

De la même façon, un éventuel recours à un emprunt obligatoire constitue une décision de nature politique que mon devoir m’interdit de commenter.

À la question de Mme Clergeau sur la certification des comptes de la sécurité sociale, je dois répondre qu’il faudra encore attendre une semaine pour en savoir plus. En effet, notre rapport n’a pas encore été examiné par la Chambre du Conseil.

Il me semble que M. Terrasse a eu tout à fait raison d’établir un lien entre les ressources et les compétences des collectivités territoriales. À titre personnel, je ne pense pas qu’il soit possible de remettre entièrement en cause la compétence générale de certains niveaux de collectivités. En effet, il est difficile de se dire incompétent sur un quelconque sujet quand on est élu au suffrage universel. D’autre part, il ne faudrait pas remettre en cause l’effort de péréquation déjà réalisé entre communes au plan départemental et parfois régional, même s’il est encore insuffisant. Que deviendraient, par exemple, certains petits clubs sportifs si les départements et les régions devaient cesser de leur apporter un concours financier ? Je ne pense pas que l’on puisse compter, pour le moment, sur le budget du secrétariat d’État chargé des sports pour compenser le manque à gagner, surtout tant que la coûteuse question des droits d’image n’aura pas été réglée.

Je précise, à l’intention de M. Censi, qu’il existe déjà une mise en perspective des actifs et du passif de l’État. Celui-ci a aujourd’hui 1 200 milliards d’euros de dettes pour 550 milliards d’actifs. L’État n’est certes pas une entreprise, et certains éléments de son patrimoine sont inestimables, leur vente étant très aléatoire, mais il faut admettre qu’on est encore loin du compte.

Je laisse à M. Babusiaux et à Mme Ruellan le soin de compléter ces réponses.

M. Christian Babusiaux. Au rythme actuel, la dette pourrait devenir le premier budget de l’État vers 2012.

Existe-t-il un seuil limite ? Tout dépend du niveau de la dette et de sa structure. À partir de 80 % du PIB, seuil que nous avons déjà atteint si l’on tient compte des engagements de la SFEF, les marchés commencent à être plus regardants. La prime de risque exigée d’un certain nombre d’États en atteste. Nous pouvons donc atteindre assez rapidement une « zone dangereuse ».

On constate également que la part de la dette à court terme, laquelle est plus fragile que la dette à long terme, s’est fortement accrue depuis 2008. L’État a en effet profité de la faiblesse des taux d’intérêt à court terme pour limiter sa charge financière. Il reste que cette politique de placement peut avoir pour conséquence de fragiliser la dette si la demande des marchés se réduit. La place accrue des bons du Trésor à court terme s’explique également par les difficultés que l’État commençait à éprouver pour placer ses émissions obligataires. Pour toutes ces raisons, nous nous approchons probablement d’une zone sensible.

Je précise que 40 % des OAT sont aujourd’hui détenues par des personnes résidant en France ; 3 % de ces 40 % sont des ménages, qui détiennent des OAT de façon directe. D’autres composantes de la dette publique sont plus massivement détenues par des non-résidents, notamment les emprunts de la SFEF et ceux de la CADES, l’État ayant conseillé aux autres émetteurs publics de se porter sur d’autres devises que l’euro et de faire largement appel aux marchés internationaux. Ce n’est bien sûr pas neutre, car la dette française est devenue plus sensible aux évolutions des marchés internationaux.

M. Philippe Séguin. Pour compléter ma réponse à M. Cahuzac, je précise que l’État n’a pas encore eu le temps d’évaluer le coût de la généralisation du contrat de transition professionnelle.

Mme Rolande Ruellan. En ce qui concerne les avantages familiaux de retraite, je ne peux pas vous indiquer dès aujourd’hui le contenu du rapport que nous publierons au mois de septembre prochain. Toutefois, je rappelle que la Cour a déjà proposé de fiscaliser, pour des raisons d’équité, les majorations de pension versées à partir de trois enfants : ces majorations étant proportionnelles, elles sont d’autant plus élevées que les pensions sont importantes.

D’autre part, nous n’avons pas encore eu l’occasion d’examiner la convention signée avec la CNAF pour la période 2009-2012. Nous savons que les caisses rencontrent des difficultés, mais nous n’avons pas encore mené d’expertise à ce sujet. Parmi les causes qui nous ont été rapportées, je peux tout de même citer la création d’un répertoire national d’indentification des bénéficiaires, demandée dans le cadre de la certification des comptes afin de lutter contre les fraudes, ou encore l’instauration de relations directes avec la direction générale des finances publiques, destinée à permettre un accès direct aux données fiscales des allocataires. On peut également penser que le RSA ne facilitera pas la tâche dévolue aux caisses.

En l’absence de toute évaluation, je ne porterai pas non plus d’appréciation sur la réforme des régimes spéciaux. Mais ce n’est pas parce que la durée d’assurance a été allongée que les régimes concernés vont miraculeusement se trouver en équilibre et qu’ils pourront se dispenser de faire appel au budget général de l’État. Nous avons notamment cru comprendre que les autres données demeuraient inchangées : les avantages particuliers n’ont pas été modifiés, et j’observe que nous n’entendons plus parler d’un adossement au régime général et aux régimes complémentaires. Pour l’instant, nous en restons donc à une subvention versée par le budget de l’État, qui est effectivement majorée d’année en année.

Je ne pourrai pas non plus vous apporter de réponse concernant une éventuelle majoration des consultations des généralistes. C’est une question qui relève de la négociation entre les partenaires sociaux. De façon plus générale, la rémunération des médecins est un sujet fort complexe compte tenu de la multiplication des forfaits s’ajoutant au paiement à l’acte. Sur le fond, la Cour a déjà fait part de ses inquiétudes concernant les pressions en faveur de la revalorisation des rémunérations des médecins.

M. le président Didier Migaud. Monsieur le Premier président, Madame, Monsieur, nous vous remercions.

Je tiens à saluer le travail réalisé en coopération par la Cour et par le Parlement. Vos rapports contribuent en effet à éclairer utilement la représentation nationale en lui apportant des éléments d’information fort intéressants pour mieux appréhender la situation des comptes publics.

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AUDITION DE M. ÉRIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET,
DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE
ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT

Au cours de sa séance du mercredi 24 juin 2009, la Commission a entendu M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2008 et sur le rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques.

M. le président Didier Migaud. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter, au nom de la commission des Finances, pour votre reconduction dans vos fonctions ministérielles et l’élargissement de votre portefeuille. Je vous souhaite pleine réussite et j’espère que vous saurez porter notre message en faveur de la préservation des finances publiques – sans même parler de leur équilibre.

Nous vous entendons aujourd’hui sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2008, qui sera examiné en séance publique le 29 juin, et sur la situation et les perspectives de nos finances publiques, en vue du débat d’orientation budgétaire qui aura lieu le 30 juin. Nous avons auditionné hier le Premier président de la Cour des comptes.

Je vous laisserai le soin de commenter l’exercice 2008 et d’actualiser les hypothèses émises pour 2009. Le déficit budgétaire, nous le savons, a augmenté l’année dernière. La Cour des comptes a minimisé l’impact de la crise financière sur ce résultat ; selon vous, qu’en est-il ? Quant à la dépense publique, son augmentation est estimée par la Cour à 3,4 %, et non à 2,8 %. Qu’en pensez-vous ?

La loi de programmation adoptée pour la période 2009-2012 avait fixé certaines règles de gouvernance. Sont-elles encore d’actualité, compte tenu des décisions récentes ? Ferez-vous en sorte qu’elles soient correctement appliquées, s’il est possible de le faire ? Je pense notamment à la nécessité de compenser la perte de recettes due à la réduction de la TVA sur la restauration.

Estimez-vous, comme le rapporteur général du Budget l’a exprimé hier, que des règles de gouvernance plus rigoureuses encore devraient être adoptées, comme en Allemagne ? Nous avons déjà eu ce débat lorsque certains membres de la commission des Finances ont proposé la fameuse « règle d’or ».

Pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par « déficit structurel », « déficit de crise », « mauvais déficit », « bon déficit » ? Il y aurait, avons-nous appris en début de semaine, trois sortes de déficit. Comment les distinguez-vous ?

Les nouveaux emprunts contractés en 2008 servaient déjà à financer les intérêts de la dette, mais aussi une partie des autres charges courantes de l’État, le solde primaire ayant été de nouveau négatif. Cette tendance va vraisemblablement s’accentuer : lorsque, en avril dernier, le déficit pour 2009 était estimé à 104 milliards d’euros, on prévoyait des émissions d’emprunt à moyen et long terme à hauteur de 155 milliards et un encours de dette à court terme de 175 milliards à la fin de l’année. Qu’en est-il, pour 2009 et pour les années suivantes ?

Êtes-vous en mesure de nous en dire plus sur ce fameux « grand emprunt national » évoqué par le Président de la République il y a deux jours ? Quel sera son montant, quelle en sera la destination ? Quelle place prendra-t-il par rapport aux emprunts déjà existants – car, comme beaucoup l’ont rappelé, nous empruntons tous les jours ? Quelles seront ses modalités ? Financera-t-il des dépenses nouvelles ? Nous avions pourtant cru comprendre que le mot d’ordre était de dépenser moins.

Sans doute n’avez-vous pas une totale liberté de réponse en la matière, mais pourquoi choisirait-on un emprunt grand public plutôt qu’un emprunt classique ? Bercy a-t-il estimé le coût de chacune des formules ? Des évaluations existent, montrant que telle solution est moins bonne que telle autre. Il est vrai que nous avons une grande capacité à faire les mauvais choix dans l’utilisation des deniers publics…

Le Premier président de la Cour des comptes a souligné le risque d’emballement de la dette et celui d’un mauvais positionnement de la France par rapport à ses voisins, notamment l’Allemagne. Peut-être voudrez-vous formuler des commentaires à ce sujet, avant que nous y revenions lundi et mardi en séance publique.

M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. La fin du mois de juin est le moment où nous nous retrouvons traditionnellement pour faire le point sur l’année écoulée et tracer les perspectives d’évolution de nos finances publiques. L’occasion, cette année, est toute particulière : jamais en temps de paix la politique budgétaire n’a été autant sollicitée.

Nous avions pris l’habitude d’ériger la politique monétaire en principal rempart contre les fluctuations d’activité. Mais il est apparu très vite, avec cette crise, que les seules mesures monétaires ne suffiraient pas et qu’il faudrait massivement utiliser l’instrument budgétaire. C’est d’ailleurs ce que font tous les États. Je voudrais rappeler cette simple vérité : si les déficits se creusent, c’est bien uniquement en raison de la crise. Certes, nos déficits étaient déjà élevés, mais leur augmentation constitue le coût de la crise – et le prix de la relance. Ce constat posé, le défi que nous avons à relever est clair : comment s’assurer que la politique budgétaire accompagne non seulement la reprise, mais aussi la croissance de long terme, tout en consolidant la « soutenabilité » de nos finances publiques ?

Vous en conviendrez aisément : à un moment où nous devons à la fois discuter de l’adéquation de notre politique budgétaire au contexte de crise et commencer à trouver les perspectives ultérieures de rééquilibrage des finances publiques, le débat d’orientation des finances publiques de cette année est tout à fait crucial, même s’il s’entoure de nombreuses incertitudes.

Pour 2008, le déficit de l’ensemble des administrations publiques s’est élevé à 3,4 points de PIB, ce qui représente une dégradation de 0,7 point par rapport à 2007. Or la croissance n’a été que de 0,4 %, soit environ un point et demi de moins que l’estimation initiale. En temps normal, l’impact sur les déficits est d’à peu près la moitié de l’écart par rapport à la croissance potentielle ; or en 2008, la dégradation des déficits a été beaucoup plus importante.

Le déficit budgétaire arrêté dans le projet de loi de règlement s’établit à 56,3 milliards d’euros, soit une augmentation de 14,6 milliards par rapport à la loi de finances initiale et de 4,8 milliards par rapport au collectif voté en décembre dernier. Cette détérioration s’explique par deux facteurs : une dégradation des recettes fiscales – en baisse de 11,7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale –, imputable à la conjoncture, et une progression des dépenses supérieure de 4 milliards d’euros à l’objectif de la loi de finances initiale pour 2008. Ce dépassement doit toutefois être relativisé car si on rapporte l’évolution des dépenses à l’inflation réellement constatée – c’est-à-dire 2,8 % au lieu des 1,6 % prévus dans la loi de finances initiale –, nous respectons bien la règle du « zéro volume ».

Je tiens à le souligner, nous ne nous sommes pas écartés de la norme de dépenses que nous nous sommes fixée en exécution : sur le périmètre qui nous engage, les dépenses ont progressé de 2,8 %, et non de 3,4 % comme l’affirme la Cour des comptes dans son rapport.

La méthodologie – les méthodologies, devrais-je dire – qu’emploie la Cour pour aboutir à ce chiffre m’apparaît discutable. En effet, en additionnant toutes les dépenses du budget général, des comptes spéciaux et des budgets annexes, on est conduit à opérer des doubles comptes sur des dépenses particulièrement dynamiques – comme la charge de la dette ou les pensions – et à comptabiliser des dépenses qui, en réalité, n’en sont pas – les avances sur le produit des impositions aux collectivités locales, par exemple. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant d’observer une évolution plus rapide des dépenses.

L’autre méthode utilisée par la Cour est le retraitement de certaines dépenses. Or les retraitements effectués pour réintégrer le montant de l’avance auprès du Crédit foncier de France ou le montant de l’apurement d’une partie des dettes anciennes vis-à-vis d’organismes de sécurité sociale reviennent à imputer sur 2008 des dépenses relevant essentiellement des exercices antérieurs. Cette concentration sur un exercice empêche de raisonner à périmètre égal. Nous contestons cette méthode, comme nous l’avons écrit à la Cour. Sur le périmètre voté, l’augmentation du volume des dépenses est bien de 2,8 %, soit le montant de l’inflation.

Nous avons par ailleurs poursuivi la réduction des effectifs, en allant même un peu au-delà de ce qui était prévu, certains ministères ayant en quelque sorte « pris de l’avance ». Ainsi, la réduction atteint 28 000 équivalents temps plein contre 23 000 ETP prévus en LFI.

J’en viens au volet comptable du projet de loi de règlement. Autant la comptabilité de caisse apporte des résultats rapides, autant il faut des mois de patients travaux, en lien avec les équipes d’audit de la Cour, pour parvenir à fournir des comptes certifiés.

Les comptes de l’État obtiennent cette certification pour la troisième année consécutive, bien que la Cour soit de plus en plus exigeante dans ses travaux d’audit, et ce, à tous les stades de la procédure, qu’il s’agisse des missions de vérification intermédiaires ou des travaux d’audit précédant la certification. C’est du moins la façon dont j’interprète la stabilité du nombre des réserves formulées : la certification a été assortie de douze réserves, comme l’an passé, quatre réserves ayant été levées en tout ou partie. Nous allons poursuivre le travail afin, je l’espère, d’aboutir dans les meilleurs délais à une certification sans réserve. C’est néanmoins une tâche de longue haleine – je pense par exemple à la valorisation des plus de 650 opérateurs de l’État. Je voudrais à cette occasion rendre hommage à l’immense travail accompli dans un quasi-anonymat par les comptables publics de la Direction générale des finances publiques.

Par rapport à l’année dernière, les immobilisations ont fait l’objet d’un recensement plus fin, et leur valorisation a été améliorée. L’actif de l’État a ainsi été réévalué à 639 milliards d’euros, contre 555 milliards dans les comptes de l’exercice 2007. Cet enrichissement de l’actif est notamment lié à la comptabilisation des fonds d’épargne et du compte des procédures gérées par la COFACE ou à la valorisation d’actifs incorporels tels que les quotas d’émission de CO2 – pour 8 milliards – et les licences télécoms – pour 4 milliards. Je le souligne, car il s’agit d’une première, et peut-être même d’une première mondiale.

Par ailleurs, d’importants travaux ont été poursuivis, depuis l’an dernier, pour mieux identifier les provisions et les dettes non financières de l’État, ce qui nous conduit, au-delà de l’augmentation de la dette, à revoir à la hausse le montant du passif et à l’établir à 1 325 milliards d’euros.

Le résultat comptable enregistré en 2008 (– 73,1 milliards) et son évolution par rapport à 2007 – un peu plus de 30 milliards – mérite des explications. Tout d’abord, les reprises de dettes atteignent 13 milliards d’euros : 8 milliards pour la reprise de dette du FFIPSA ; 2,5 milliards à la suite de la liquidation de Charbonnages de France ; 2,5 milliards, enfin, au titre de l’ERAP. Ensuite, les provisions et amortissements enregistrent une progression de 9,1 milliards. Je signale notamment la comptabilisation d’une provision de plus de 4 milliards au titre des engagements souscrits dans le cadre du Fonds européen de développement pour la période 2008-2013. Enfin, les plus-values sur les cessions d’immobilisations financières sont en nette baisse par rapport à 2007 : moins 2,3 milliards, en lien direct avec les moindres cessions de participations enregistrées en raison de la crise.

En tant que telle, l’évolution de ces trois postes n’a rien de véritablement alarmant : les reprises de dettes ont un caractère ponctuel ; la progression des provisions et amortissements traduit une amélioration de leur recensement, sans réelle modification de nos engagements financiers ; la chute des cessions de participations est essentiellement due à la conjoncture. C’est en réalité l’année prochaine que nous constaterons davantage les effets de la crise sur le résultat comptable.

J’en arrive aux perspectives de nos finances publiques.

Le déficit public atteindrait entre 7 et 7,5 points de PIB en 2009. Cette dégradation d’un peu moins de quatre points de PIB d’une année sur l’autre est intégralement due à la crise, laquelle entraîne une baisse des recettes et justifie la mise en place de mesures de relance.

Je vous rappelle que notre prévision de baisse du PIB, identique à celle de l’INSEE, est de 3 %, soit près de 5 % en deçà de la croissance potentielle. En temps normal, l’effet de baisse de l’activité se traduirait par une hausse des déficits d’un peu moins de 2,5 points de PIB. Mais dans le contexte actuel, les recettes fiscales se replient bien plus vite que le PIB.

Pour ne prendre qu’un exemple, alors que les recettes d’impôt sur les sociétés atteignaient 50 milliards l’année dernière, elles retomberaient cette année entre 20
– hypothèse la plus probable – et 25 milliards, soit une baisse de plus de 50 %.

Cette « sur-réaction », par rapport aux normes habituelles, de certaines recettes à la baisse de l’activité explique pas loin d’un point de déficit supplémentaire. Il nous faudra bien sûr en analyser les raisons dans les mois à venir. Concernant l’impôt sur les sociétés, je crois pouvoir d’ores et déjà confirmer l’intuition que j’avais avancée dès le début de la crise, à savoir que cette recette pâtit non seulement de la baisse des résultats d’exploitation mais aussi de la baisse des résultats financiers des sociétés, et notamment des grandes entreprises. Par exemple, nombre d’entreprises ont passé des provisions pour dépréciation de leur portefeuille de participations financières, ce qui réduit leur résultat fiscal. La chute brutale du prix des actifs financiers concomitante au ralentissement de l’activité explique donc en grande partie le phénomène.

À cela s’ajoute naturellement le coût budgétaire des mesures de relance, pour environ encore trois quarts de point de PIB.

La dégradation du déficit à hauteur de quatre points de PIB s’explique donc bien intégralement par l’effet de la récession sur les recettes et les dépenses sociales, ainsi que par le coût des mesures prises pour lutter contre la récession et relancer l’économie.

À l’inverse, les dépenses « hors crise », les dépenses ordinaires, sont parfaitement maîtrisées : les dépenses de l’État hors relance sont contenues au niveau voté par le Parlement ; l’objectif de dépenses d’assurance maladie sera cette année, pour la première fois depuis 1997, respecté ou quasiment respecté. Je m’emploie à ce qu’il le soit intégralement.

Le déficit de l’État atteindrait 110 à 115 milliards d’euros en comptabilité « maastrichtienne » et 125 à 130 milliards d’euros en comptabilité budgétaire. En effet environ 15 milliards ne pèsent pas sur le déficit maastrichtien, notamment les prêts au secteur automobile et les fonds versés au Fonds stratégique d’investissement. Dans les 125 à 130 milliards, le déficit « hors crise » représente un peu plus de 40 milliards et le déficit de crise environ 85 milliards, c’est-à-dire les deux tiers. En comptabilité maastrichtienne, le déficit de crise de l’État s’établit à environ 70 milliards. En ce qui concerne le déficit du régime général de la sécurité sociale, qui est de l’ordre de 20 milliards d’euros, environ 10 milliards doivent être imputés strictement à la crise.

Nous ne sommes évidemment pas les seuls à voir nos déficits augmenter fortement : l’Espagne vient de réactualiser ses prévisions à 9,5 points de PIB de déficit cette année, et d’après les dernières prévisions de la Commission européenne, les États-Unis passeraient à 12 points de PIB en 2009 et le Royaume-Uni à 11,5 points. Même le déficit allemand se dégraderait d’environ 4 points de PIB en 2009. Partant de plus bas, il reste inférieur à celui de la France, mais le rythme de dégradation est le même.

Le déficit public serait globalement stable entre 2009 et 2010. Le déficit budgétaire s’améliorerait avec la disparition d’une large part des dépenses de relance, qui seraient ramenées à 3,5 milliards d’euros, et la poursuite de la maîtrise des dépenses « hors relance » qui respecteront le « zéro volume », malgré la révision à la baisse de l’inflation. Nous continuons à suivre le cap fixé par la loi de programmation des finances publiques, un instrument extrêmement utile dans cette période d’incertitude. Ces dépenses hors relance progresseront donc de 1,2 %. Nous suivons la règle « un départ sur deux remplacé » : les réductions d’effectifs atteindront 34 000 équivalents temps plein en 2010. Par ailleurs, les recettes de l’État se rétabliraient un peu avec le retour – modeste – de la croissance.

Mais cette amélioration du déficit budgétaire serait malheureusement compensée par la poursuite de la dégradation des comptes sociaux. En effet, le recul de la masse salariale de 0,5 % en 2010 pèserait à nouveau sur les recettes du régime général, des régimes complémentaires de retraite et de l’UNEDIC. Au total, le déficit s’établirait à nouveau entre 7 et 7,5 points de PIB.

On ne peut évidemment pas se réjouir d’un tel résultat, mais il est bien la traduction concrète de l’utilisation de la politique budgétaire face à la crise. Ces déficits sont, je le répète, une conséquence de la crise mais aussi une arme contre celle-ci.

Ils montrent au demeurant que le simple jeu des stabilisateurs automatiques a suffi à soutenir le revenu des ménages et la consommation. Selon l’INSEE, les transferts sociaux devraient croître de 4,4 % en 2009, ce qui est considérable. Voilà qui devrait clore définitivement la vaine querelle qui a animé nos débats ces derniers mois.

Quels seront le calendrier et la force de la reprise après une telle récession ? Comment évolueront les prix d’actifs, la productivité ? Toute stratégie doit tenir compte de l’incertitude qui règne, tout le monde en convient, sur ces sujets. Le Conseil européen a d’ailleurs clairement validé cette approche la semaine dernière. Le redressement doit se faire au rythme de la reprise de l’activité, qu’il ne faut pas affaiblir. Nous allons devoir continuer à être très réactifs, comme nous l’avons été depuis le début des difficultés, afin d’ajuster au mieux le rythme d’assainissement des finances publiques. Au début des années 1990, en voulant consolider trop tôt la croissance après quelques rares signes positifs – et notamment en augmentant prématurément la TVA –, le Japon l’avait tuée pour dix ans.

L’incertitude du calendrier de la reprise rend également prématuré l’établissement d’un plan détaillé de sortie de crise. En revanche, il est nécessaire d’en préciser dès à présent les grandes orientations. C’est ce à quoi s’est attaché le Président de la République dans son discours prononcé le 22 juin 2009 devant le Congrès.

Une première condition pour réussir l’assainissement à moyen terme des finances publiques est claire : les mesures de relance, passées ou à venir, doivent être temporaires. C’est ce à quoi le Gouvernement s’est attaché, rompant avec une erreur trop souvent commise par le passé. Afin de compenser les pertes de recettes dues à la dégradation de l’activité, il faudra également consacrer à la réduction du déficit le surcroît de recettes qui interviendra au rythme de la reprise. La partie du discours du Président de la République qui rappelait cette règle a pourtant été vite oubliée par les commentateurs.

Le Président de la République a défini une stratégie claire pour nos finances publiques.

Tout d’abord, la hausse des prélèvements obligatoires est exclue. Je sais que nous ne sommes pas totalement d’accord sur ce point, mais il ne s’agit en rien d’une position idéologique. Une telle option est certes envisageable dans d’autres pays, mais, je le rappelle, les prélèvements obligatoires représentaient encore en France, en 2008, environ 43 points de PIB. En Allemagne et au Royaume-Uni, ce ratio avoisine 37 points de PIB, et il est inférieur à 30 aux États-Unis. C’est bien la stimulation de la croissance potentielle qui permettra un assainissement durable des finances publiques, son augmentation se traduisant par un surcroît durable de revenu, et donc par une réduction pérenne des déficits et de la dette.

La lutte contre les déficits doit être poursuivie, tout en réorientant de manière résolue la dépense publique vers les dépenses d’avenir, c’est-à-dire vers les investissements productifs aptes à soutenir notre potentiel de croissance. Ces dépenses seront financées par un emprunt dédié, ce qui signifie que celui-ci ne pourra financer que les dépenses d’avenir prioritaires clairement identifiées, aucune fongibilité n’étant possible avec le financement de la dépense courante. Cela nous conduira – et c’est crucial – à rendre compte régulièrement sur les dépenses ainsi financées, et à apporter la preuve qu’elles ont un intérêt et un rendement important pour les générations futures. Nous vous proposerons donc une définition précise de la dépense d’avenir, c’est-à-dire d’une dépense ayant un impact positif sur les dépenses publiques à venir.

Ces objectifs seront atteignables grâce à un effort renouvelé pour réduire le poids des dépenses courantes.

L’enjeu, c’est donc de parvenir à faire le partage dans les dépenses publiques, de procéder à l’évaluation des politiques publiques que vous appelez de vos vœux depuis longtemps. La RGPP a déjà permis des avancées décisives sur ce sujet, mais il faut aller encore plus loin, et se poser la question de l’efficacité de chaque dépense, et pas seulement de chaque mission du budget général. Ainsi, on ne peut affirmer que l’ensemble du financement de l’éducation nationale est une dépense d’avenir. Nous devons soigneusement distinguer les trois types de dépenses : dépenses courantes, dépenses d’avenir et dépenses de crise, c’est-à-dire destinées à sortir de celle-ci.

Deux chantiers parallèles s’ouvrent donc à nous : identifier les dépenses d’avenir et accélérer la réduction des dépenses de fonctionnement qui ne sont pas, ou plus, suffisamment efficaces.

Pour opérer ces choix trop longtemps éludés, une large concertation incluant toutes les parties prenantes aura lieu. Elle débouchera rapidement sur des décisions. Le Gouvernement se réunira dès dimanche pour lancer ce débat, qui durera trois mois. Le montant et les modalités de l’emprunt nécessaire à financer les dépenses d’avenir ne seront déterminés qu’à l’issue de ce processus.

L’effort de maîtrise des dépenses les moins productives sera parallèlement intensifié. Il se fondera sur des réformes structurantes qui garantiront la pérennité des économies réalisées.

Dès 2007, j’avais privilégié les dépenses d’avenir dans la construction du budget. Nos débats sur la règle d’or avaient, déjà, été l’occasion de réfléchir à la définition de ces dépenses, de façon à les distinguer des dépenses courantes devant être systématiquement couvertes. Il nous faut maintenant systématiser cette approche. La logique qui a présidé au lancement de la RGPP doit ainsi être prolongée et étendue – je pense à la réforme de l’administration, à celle des retraites, à la réforme des collectivités locales, à la maîtrise des dépenses de santé. J’entends également conduire dans les mois qui viennent un examen critique des dépenses fiscales et des niches sociales.

Ces réformes permettront de réorienter l’effort public vers les dépenses d’avenir, la progression de l’ensemble des dépenses publiques restant limitée à environ 1 % par an de PIB en volume, soit deux fois moins que pendant la période 1997-2006. Je mettrai la même énergie à identifier les dépenses les plus productives pour notre pays qu’à continuer à supprimer celles qui ne sont pas, ou plus, efficaces. Je suis sûr de pouvoir trouver le soutien de votre Commission dans ces deux tâches.

En ce qui concerne les recettes, à l’horizon 2011, on peut raisonnablement miser sur une reprise plus forte de la croissance, et surtout sur des recettes plus dynamiques lors de la reprise de l’activité. Pour prendre à nouveau l’exemple de l’impôt sur les sociétés, il suffirait de retrouver le niveau atteint en 2007-2008, c’est-à-dire 50 milliards d’euros, pour obtenir une augmentation de 100 %. C’est ainsi plus d’un point de PIB qui serait retrouvé, sans augmentation d’impôt, grâce à la reprise de l’activité. Cela peut prendre deux ou trois ans, mais le potentiel existe.

Entre la maîtrise de la dépense et ce dynamisme des recettes, on peut ainsi espérer une amélioration de l’ordre d’un point de PIB par an – plus rapide, même, si la croissance est plus forte.

Compte tenu des informations actuellement disponibles, le retour à trois points de PIB de déficit en 2012 n’est pas atteignable sans un rebond extrêmement fort de la croissance – qui ne peut être exclu, mais que l’on ne saurait prendre pour référence dans un débat d’orientation budgétaire. Dire cela, ce n’est pas renoncer au Pacte de stabilité, mais constater la réalité des effets de la crise. Nous conservons l’esprit du Pacte : nous ferons le meilleur effort d’assainissement possible des finances publiques, sans casser le retour de la croissance et en préparant la croissance de demain, pour retourner au plus vite sous la barre des trois points de PIB.

Je voudrais pour terminer exclure une solution « miracle » dont on entend parler ici et là, celle de l’inflation, qui nous sortirait d’affaire comme par magie. Cette solution n’est ni réaliste ni souhaitable. D’abord, elle remettrait en cause les fondements même de la construction européenne, de l’euro, du couple franco-allemand. Ensuite, elle se réfère à une période anachronique d’un point de vue financier. Jusqu’aux années 1970, en effet, les taux d’intérêt des bons du Trésor étaient réglementés, et on pouvait les fixer en dessous de l’inflation. Croit-on vraiment que l’on puisse agir ainsi durablement ? Ce serait une vaste entreprise de spoliation. Mais si l’assainissement des finances publiques par l’inflation est une solution illusoire, c’est aussi, plus concrètement, parce que l’inflation ne se décrète pas – comme le montre l’exemple du Japon – et parce que, tout étant indexé en France, plus d’inflation signifierait aussi plus de dépense !

Dans ces conditions, ma tâche est bien de trouver les voies et moyens d’une réduction des déficits d’une façon qui ne soit pas artificielle, c’est-à-dire de gagner en efficacité sur la dépense publique et de stimuler la croissance.

M. le président Didier Migaud. Pour l’application de principes généraux tels que la traque des dépenses inutiles ou la mise en valeur des dépenses d’avenir, la Commission vous apportera un soutien unanime. Les difficultés commenceront, toutefois, lorsqu’il s’agira de définir les unes et les autres…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le ministre, je vous félicite à mon tour de votre reconduction dans vos lourdes fonctions et vous assure de tout mon soutien dans cette période particulièrement difficile. Nul doute que vous continuerez à faire preuve de votre dévouement à la cause des finances publiques.

Je voudrais également féliciter vos administrations – ainsi que les auteurs de la LOLF – car cette loi de règlement marque une amélioration considérable de l’information, en particulier sur le compte général de l’État, le bilan et le hors bilan. Nous sommes très conscients de l’énorme travail que cela représente, et dont la meilleure preuve est d’ailleurs la certification des comptes par la Cour des comptes – qui délivre un message positif même si elle exprime des réserves.

Du côté des dépenses, le fait de disposer d’une comptabilité en engagements fait apparaître quelques sujets de préoccupations.

Sur les restes à payer, c’est-à-dire la différence entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement effectifs, on passe de 76 à 78 milliards d’euros, soit une augmentation de 2 milliards, comme l’année dernière. Il conviendrait à ce sujet de disposer d’une comptabilité plus détaillée.

Par ailleurs, on constate malheureusement que la dette à l’égard des organismes sociaux, sur laquelle vous aviez fait un très gros effort de remboursement, se reconstitue pour partie, à hauteur de 600 millions d’euros environ.

Je partage assez largement votre position à propos des observations de la Cour des comptes : compte tenu de l’inflation, très supérieure à ce qui était prévu, le principe du « zéro volume » est à peu près respecté – sous les réserves que je viens d’indiquer. Mais il ne suffit pas de comparer l’exécution aux prévisions ; il est tout aussi intéressant de la comparer avec l’exécution du budget de l’année précédente. Or la comparaison avec l’exécution 2007 fait apparaître une progression en volume de 0,5 point. La croissance ayant été de 0,4 point en volume en 2008, on peut en conclure que malgré les efforts réalisés dans le cadre de la RGPP, la part, dans le PIB, de la dépense d’État – mieux maîtrisée que la dépense locale et la dépense sociale – reste constante. L’action sur la dépense a donc ses limites.

Notre inquiétude concerne désormais les recettes. Elles ne sont en effet pas suffisamment protégées. Alors qu’en 2004, les recettes fiscales se sont élevées à 267 milliards, elles n’ont atteint que 260 milliards en 2008. Cette perte de substance est certes liée en partie à des modifications de périmètre, du fait des transferts de compétences aux collectivités locales, mais elle provient aussi d’une politique de baisse des impôts, laquelle ne fait pas l’objet d’une maîtrise en fonction de l’évolution des déficits.

Cette baisse d’impôt a deux sources : les dépenses fiscales, d’une part, qui évoluent trois à quatre fois plus rapidement que les autres dépenses, et la réforme fiscale proprement dite. On ne peut pas se permettre aujourd’hui de faire des réformes fiscales d’ampleur sans les gager. Cela vaut pour la TVA sur la restauration, mais aussi pour la future réforme de la taxe professionnelle.

Sur les 12 milliards de baisse de recettes par rapport aux prévisions de 2008, la Cour des comptes évalue l’impact de la crise à 4 milliards. Pour ma part, j’arrive à 6 milliards. Le reste ne résulte pas de la crise, mais de la protection insuffisante de nos recettes. On en vient même, dans les prévisions, à surestimer l’assiette – qui s’étiole d’année en année – afin de masquer le phénomène. Ainsi, en ce qui concerne les transferts aux collectivités locales, l’erreur de prévision se chiffre en milliards. De même, s’agissant de l’impôt sur le revenu, le coût de la prime pour l’emploi a été sous-estimé de un milliard d’euros.

Aujourd’hui, on considère la recette comme un instrument destiné, à coups de modifications fiscales, à orienter les comportements, avant de la considérer d’abord comme une ressource destinée à garantir le financement des dépenses – dont on vient de voir à quel point elles sont rigides. J’insiste beaucoup sur ce point car nous avons devant nous des échéances importantes, avec notamment la réforme de la taxe professionnelle.

L’effondrement de certaines recettes – impôt sur les sociétés, TVA – auquel nous assistons en 2009 est, compte tenu de la crise, un phénomène normal. Mais entre la loi de finances rectificative de décembre 2008 et l’exécution, nous avons perdu 2,2 milliards sur l’impôt sur les sociétés et 3,2 milliards sur la TVA. Cet effondrement de la fin de l’année 2008 va malheureusement se prolonger en 2009. Nous devons donc être plus vigilants que jamais quant à la protection de nos recettes.

Notre niveau de prélèvements obligatoires est très élevé, la hausse des impôts n’est en aucun cas une solution à la crise, j’en suis pleinement d’accord ; mais cela ne veut pas dire qu’il faut financer des baisses d’impôt par le déficit. La réforme de la taxe professionnelle ne devra pas être financée par la dette.

Non seulement la dette augmente très rapidement, mais la part de dette à court terme explose, ce qui est particulièrement inquiétant. Ainsi, alors que le montant des bons du trésor à taux fixe atteignait 80 ou 90 milliards d’euros il y a deux ans, il risque aujourd’hui de dépasser les 200 milliards. C’est une bonne chose dans la mesure où les BTF sont souscrits à des taux extrêmement faibles, mais c’est aussi un facteur de grande fragilité car nous devons nous attendre à un retournement dans l’évolution taux d’intérêt.

Dans ce contexte, je voudrais vous interroger sur le grand emprunt national et les dépenses d’avenir.

En 2009, nous allons emprunter 250 milliards d’euros : 150 pour couvrir les déficits et 100 pour rembourser le capital de la dette. Le grand emprunt national ne peut que s’inscrire à l’intérieur de ce volume. De même, les dépenses que vous appelez « d’avenir » ne peuvent être des dépenses venant s’ajouter à celles que nous tentons, avec difficulté, de maîtriser. Il y aura donc des redéploiements. Comment seront-ils opérés ?

L’idée de dédier l’emprunt à des dépenses bien identifiées est très vertueuse. Il y a deux ans, Charles de Courson, qui est particulièrement attaché au respect de la « règle d’or », se voyait pourtant expliquer qu’il était impossible d’identifier suffisamment les dépenses pour établir une corrélation étroite entre l’emprunt et la dépense d’investissement. Il semble que la chose soit devenue possible aujourd’hui… À l’époque, vous preniez comme exemple les dépenses d’éducation. S’agit-il de dépenses d’avenir ? Si tel est le cas, elles seraient constituées de masse salariale à hauteur de 60 milliards d’euros. Je pose donc la question : comment articuler les dépenses d’avenir avec la gestion générale de la dépense, et quels sont les redéploiements envisagés ?

Vous avez rencontré hier Peer Steinbrück, votre homologue allemand. Il est exact qu’outre-Rhin, le déficit public risque d’atteindre 4 points de PIB en 2009. Mais dans le même temps, les Allemands ont modifié la Loi fondamentale pour introduire la notion de déficit structurel et le plafonner à 0,35 point de PIB, ce qui est très rigoureux. Et si leur déficit tend à exploser, il reste très inférieur au nôtre. Alors qu’en 2003-2004, l’Allemagne nous a demandé de l’aider à obtenir l’assouplissement des critères de Maastricht, ses comptes étaient rééquilibrés dès 2007. Cela prouve la très forte réactivité de la gouvernance allemande en termes de finances publiques. Didier Migaud et moi, qui voyons très régulièrement nos collègues de la commission des Finances du Bundestag, sommes frappés de voir que tous les députés, des Grünen au CDU en passant par le SPD, sont très attachés à l’équilibre des finances publiques. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que nous devrions à notre tour nous doter de règles de gouvernance plus contraignantes afin de parvenir plus rapidement à cet équilibre ? Dans l’état actuel des choses, si les Allemands parviennent à sortir de la crise en moins de deux ans, nous serions pour notre part dans une situation difficile.

M. le président Didier Migaud. Merci à notre excellent rapporteur général, dont je voudrais prolonger la question sur l’emprunt. Gilles Carrez pense que les dépenses d’avenir évoquées par le Président de la République seront englobées dans la norme d’évolution de la dépense publique et que le nouvel emprunt pourrait lui-même être inclus dans le volume d’emprunt prévu. Pour ma part, j’ai cru comprendre qu’il pourrait s’agir d’un nouveau plan de relance, au vu de l’insuffisance de l’actuel, entraînant donc une amplification de la dépense, ce qui justifierait un financement par un emprunt. J’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous disiez quelle interprétation il convient de retenir.

M. le ministre. La dette de l’État à l’égard des organismes de sécurité sociale, c’est vrai, a commencé à se reconstituer, notamment en raison de l’augmentation beaucoup plus rapide que prévu du versement de prestations compensées par l’État, telle l’aide au logement. Nous avons bien entendu l’intention de poursuivre dans la voie de la gestion la plus rigoureuse possible.

Je partage l’attention portée par le rapporteur général à la sécurisation des retraites. Il est frappant que le niveau des recettes fiscales de l’État soit aujourd’hui à peu près le même qu’en 1999. Cela résulte, dans une très forte proportion, de la crise et de la chute des bases qu’elle entraîne, mais également des allègements fiscaux qui ont été votés au fil des années dans le but de soutenir la croissance.

Je souhaiterais qu’on compense la baisse de la TVA sur la restauration, mais je ne suis pas sûr qu’on y arrive ; il paraît politiquement difficile d’aller jusqu’à deux milliards.

En revanche, je crois avoir la même opinion que le président de la Commission et le rapporteur général au sujet de la taxe professionnelle, dont je souhaite une compensation intégrale : l’impôt lui-même est absurde, mais la recette ne l’est pas. Il faudra donc mettre en place un impôt plus intelligent, et à cet égard les propositions que vous avez faites me conviennent, mis à part sans doute ce qui concerne l’augmentation de l’IS. On peut envisager une taxe carbone, que nous avons déjà évoquée à de multiples reprises, et qui pourrait être évolutive. Rien n’est décidé encore, mais il faut sans nul doute protéger les recettes de l’État – que nous n’avons pas surestimées dans les lois de finances, monsieur le rapporteur général.

Du côté des dépenses, je me fixe comme règle que l’évolution globale de la dépense publique ne dépasse pas 1 % en volume. Elle est déjà très difficile à respecter ; nous y sommes parvenus en 2008, où l’augmentation de la dépense a été limitée à 0,8 %, ce qui représente un gain considérable par rapport au début des années 2000. Concernant les dépenses d’avenir, nous allons préciser notre vision, en proposant dans les jours qui viennent une définition. Celle-ci devra être assez exigeante : on ne saurait, par exemple, considérer que l’ensemble des dépenses de l’éducation nationale sont des dépenses d’avenir ; en revanche, il faudrait retenir certaines dépenses correspondant à des choix stratégiques pour l’avenir. Pour que la notion soit utile, elle doit impliquer une grande sélectivité, selon une grille que nous devrions être amenés à discuter avec les parlementaires.

La règle de gouvernance donnée par le Président de la République est l’équilibre des finances publiques sur l’ensemble des dépenses courantes. C’est pour financer les dépenses d’avenir qu’il a souhaité le lancement d’un emprunt. Nous allons devoir beaucoup travailler par redéploiements. Le gouvernement allemand vient d’annoncer 6 % de déficit pour 2010, ce qui montre bien que la situation est difficile partout. Le séminaire gouvernemental qui aura lieu dimanche sera l’occasion d’apporter certaines précisions.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, je m’associe aux félicitations qui vous ont été adressées. En cette période de turbulences, votre présence est rassurante ! Pour ma part, je ne vois que des avantages à l’entêtement qui est le vôtre dans une gestion plus performante des dépenses publiques.

Il faut tirer un « coup de chapeau » à votre administration sur la certification des comptes, auquel j’ajouterai, parce que c’est un sujet de satisfaction personnelle, le règlement du dossier des fonds d’épargne, grand progrès dans la clarification des relations entre l’État et la Caisse des dépôts.

En ce qui concerne la loi de règlement, les documents qui nous ont été remis sont en grande amélioration. J’éprouve néanmoins une inquiétude persistante au sujet du manque d’informations et des écarts très importants entre les dépenses fiscales prévues et constatées – globalement, mais aussi sur certaines lignes : pour la dépense fiscale liée au crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, on passe de 1,260 milliard à 1,5 milliard ; pour le crédit d’impôt apprentissage, on passe de 300 à 420 millions… Il faut donc progresser dans l’appréciation de la dépense fiscale, même si, dans une logique de guichet, c’est très difficile. Il est encore plus inquiétant qu’il y ait toujours des pages complètes non renseignées sur des dépenses fiscales établies depuis de très nombreuses années. Je m’interroge sur la capacité que nous aurons à mettre en œuvre un véritable pilotage de la dépense fiscale fondée sur une évaluation de sa qualité. Dans la majorité comme dans l’opposition, monsieur le ministre, nous nous sommes réjouis de votre engagement de fixer un objectif de dépenses fiscales, permettant des réajustements dans le cadre du budget pluriannuel.

La Cour des comptes a posé le problème de l’évolution de la dépense fiscale, que le périmètre retenu fait passer en 2009 de 79 à 69 milliards d’euros, contre 73 milliards en 2008. Quelques explications seraient utiles sur la nature de la révision de la base et l’évaporation de 10 milliards d’euros de dépenses fiscales.

Pour l’avenir, on ne peut que souscrire à la poursuite des réformes, selon les priorités fixées par le Président de la République, en particulier sur la dépense sociale, les retraites, la réforme des collectivités territoriales. Mais il faut réorienter les dépenses vers l’investissement, comme plusieurs d’entre nous le réclament depuis longtemps. Cependant on ne peut pas envisager, dans la situation de déficit où nous sommes, une dépense d’investissement uniquement financé par un emprunt supplémentaire : des redéploiements sont nécessaires. Quelle méthodologie va-t-on retenir ? Comment la concertation de trois mois qui va être ouverte va-t-elle être engagée ? Comment les commissions des Finances et les rapporteurs spéciaux du Parlement vont-ils être associés ? Comment, dans les arbitrages budgétaires pour 2010, allons-nous intégrer la logique de la performance ? Celle-ci va-t-elle devenir un élément d’arbitrage dans les conférences budgétaires et dans le dialogue avec les responsables de programme ?

S’agissant de l’emprunt, j’ai bien entendu que rien n’était décidé quant à sa nature, mais il me paraît important de refaire le bilan de ce qu’ont coûté les emprunts qui ont fait appel à l’épargne populaire, et des transferts de liquidités qu’ils ont pu générer. Nous avons vu, pendant la période intense de la crise financière, l’utilité de garder des liquidités dans les fonds d’épargne ; un emprunt populaire entraînerait bien entendu des glissements. Où en est l’objectif fixé par l’un de vos prédécesseurs, aujourd’hui Président de la République, de mobilisation d’une partie des dépôts des compagnies d’assurances en faveur de l’investissement dans les entreprises ?

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre, permettez-moi d’associer les membres du groupe SRC aux félicitations qui vous ont été adressées. Je voudrais vous remercier pour le sérieux avec lequel vous nous répondez, qui tranche avec l’attitude de certains de vos collègues.

En ce qui concerne la Caisse des dépôts, l’éventualité d’une mission de l’inspection des finances avait été évoquée, mais nous avons compris qu’il s’agit en fait d’une mission confiée à un seul inspecteur des finances, dont le but est exclusivement de réfléchir à l’affectation des résultats. Pouvez-vous nous confirmer ces informations – qui ont rassuré tous ceux qui s’inquiétaient de la finalité qu’aurait pu avoir une mission de l’inspection des finances – ?

Vous distinguez déficit structurel, déficit de crise et déficit d’avenir, correspondant aux trois types d’endettement. On peut être d’accord sur la typologie sans l’être nécessairement sur les frontières. Par exemple, en 2008, le déficit budgétaire est de 59 milliards d’euros, auxquels la Cour des comptes estime qu’il aurait fallu en rajouter quatre – dont trois milliards de dettes à l’égard de la Sécurité sociale et des dépenses d’armement engagées mais non payées. La Cour considère que la crise est responsable de ce déficit à hauteur de 4 milliards ; même si l’on pense, comme le rapporteur général, que c’est plutôt à hauteur de 6 milliards, le reste du déficit demeure beaucoup plus important que le déficit de l’année précédente, qui était de 39 milliards. Comment expliquer cette hausse du déficit, autrement que par un effondrement des recettes non lié à la crise et par des dépenses non maîtrisées ? Pour 2009, on annonce 150 milliards de déficit public, 10 pour les collectivités, 20 à 25 pour la sécurité sociale ; il reste à hauteur de 120 pour l’État. La Cour des comptes estime pour sa part le déficit structurel à 3,5 % du PIB, ce qui représente une forte augmentation. Comment l’expliquez-vous ? Les comparaisons avec l’étranger ne sont pas rassurantes : la Cour des comptes nous a indiqué hier qu’en Allemagne, le déficit structurel était de un point de PIB.

Il faudra donc se mettre d’accord sur les frontières. Sur les 250 milliards d’euros que notre pays va devoir emprunter cette année pour faire face à ses déficits, il y a 100 milliards pour rembourser le capital de la dette. Si les 150 milliards restants, dont je viens de parler, permettent déjà de couvrir les dépenses d’avenir, en quoi un grand emprunt est-il nécessaire ? À combien estimez-vous la part des dépenses d’avenir qui est déjà couverte et celle qui ne l’est pas ?

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé que tout licencié économique bénéficierait d’un contrat de transition professionnelle. Combien cela coûtera-t-il ? Comment cela sera-t-il financé ? Selon vous, est-ce une dépense d’avenir ?

On voit bien l’intérêt d’un emprunt placé auprès du public, mais on sait aussi que cela signifie un taux plus élevé et une attractivité fiscale. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Sur les plans d’épargne, je ne suis pas tout à fait d’accord avec votre appréciation lorsque vous dites qu’il n’y a pas de sous-budgétisation. En 2010, y aura-t-il une budgétisation permettant d’apurer les dettes de l’année précédente ?

Concernant enfin les dépenses en faveur du développement durable, votre collègue en charge de ce domaine a précisé que les propos du Président de la République étaient relatifs à la recherche, et non à l’investissement. Mais même pour la recherche publique, en LFI pour 2009, 440 millions d’euros ont été consacrés à la recherche sur le nucléaire et 280 au développement durable. Pensez-vous qu’il en ira de même en 2010 ? Confirmez-vous que les propos du Président de la République ne concernaient que la recherche ?

M. Charles de Courson. Dans le débat sur le règlement 2008, je ne suis, monsieur le ministre, ni du côté de la Cour des comptes ni du vôtre. La dépense nette du budget général augmente bien de 2,8 %. Mais le problème concerne la dépense brute, au sens le plus large : au total, elle passe de 479 à 501 milliards, soit une hausse de 5,1 %. C’est à tous les types de dépenses, y compris les dépenses fiscales, qu’il faut appliquer une norme.

En ce qui concerne les recettes, j’avais protesté lorsque M. Breton puis M. Copé nous avaient expliqué que, pour que les lois de règlement 2006 et 2007 soient correctes, on allait accélérer les versements d’IS. Vous en subissez les conséquences, monsieur le ministre… Il serait intéressant de savoir à hauteur de combien de milliards ces décisions ont contribué cette année à la chute de 90 % des rentrées d’IS sur le premier acompte.

Il y a aussi le dossier des dettes sociales, directes et indirectes. L’estimation de 22 milliards ne tient pas compte de la mutualité sociale agricole, dont le déficit de la branche retraite dépasse le milliard ; on peut penser qu’on atteindra environ 25 milliards au total. Que va-t-on faire de ces dettes ? Va-t-on continuer à faire semblant de les financer via des prêts de trésorerie de la Caisse des dépôts, va-t-on les intégrer dans la dette de l’État, va-t-on augmenter la CRDS ?

Quant à l’emprunt national, il est, nous dit-on, destiné à financer des dépenses d’avenir. J’en déduis qu’il ne s’agira que de dépenses d’investissement. La combinaison d’une réduction des dépenses de fonctionnement et d’une augmentation des dépenses d’investissement serait une première depuis de très nombreuses années. C’est en tout cas la seule justification possible d’un emprunt, et j’espère que cette conception rigoureuse prévaudra.

M. Jean-Pierre Brard. Je m’associe aux félicitations qui ont été formulées, mais en observant que l’élargissement de vos compétences est la prime dont vous bénéficiez pour votre intégrisme thatchérien sur le thème des politiques keynésiennes !

Dans l’ensemble des sujets que vous avez évoqués, l’essentiel est la chute des ressources de l’IS, qui traduit l’état de notre économie nationale. En revanche, vous n’avez pas parlé de la perte de recettes de TVA, depuis le début de l’année, par rapport aux prévisions, évoquée par Gilles Carrez. Pouvez-vous nous indiquer son ampleur, directement liée au niveau de la consommation, et donc à votre refus de soutenir le pouvoir d’achat ?

Vous n’avez pas du tout évoqué la prochaine loi de finances rectificative. Pourtant, au vu du rythme auquel vous nous avez habitués, nous pouvions en attendre une pour très bientôt… Qu’en est-il ?

En ce qui concerne la LOLF, le consensus est fragile et il faut veiller à le préserver. Or vos services ne sont pas respectueux du Parlement. Il faudrait notamment reconnaître au rapporteur spécial une compétence pour juger de la nomenclature budgétaire qu’aujourd’hui des mains anonymes établissent et modifient sans nous consulter. Je vous renvoie en particulier à la page 6 du document Missions, programmes, objectifs, indicateurs, où l’on maltraite la nomenclature relative aux Journaux officiels et à la Documentation française.

M. Gérard Bapt. Mes questions rejoignent pour partie celles de M. de Courson concernant les dépenses sociales.

La maîtrise médicalisée ayant montré ses limites, la maîtrise de ces dépenses passe-t-elle par l’idée, évoquée par le Président de la République à Bordeaux devant le congrès de la Mutualité, de confier de nouvelles missions aux assurances complémentaires ?

Comptez-vous sur les effets de la réforme des retraites ?

Qu’en est-il du financement du cinquième risque – le risque dépendance ? Les pistes de financement seront-elles connues au moment du débat sur le PLFSS ?

M. Bernard Carayon. Quelle est la portée de la procédure européenne pour déficit excessif ? Quand tout le monde pèche, y a-t-il encore péché ?

La notion de « dépenses d’avenir » trouve-t-elle un écho en Europe ?

Quel est l’effet du plan de soutien aux établissements bancaires sur la délivrance de crédits aux entreprises, en particulier aux PME ?

Quel pourra être l’impact de la baisse de la TVA applicable à la restauration sur l’emploi, les salaires et l’investissement dans ce secteur ?

M. le ministre. En ce qui concerne les dépenses fiscales, nous nous sommes engagés devant le Parlement à procéder à une évaluation complète d’ici à 2011. Nous établirons une évaluation intermédiaire à l’occasion du PLF et nous vous ferons des propositions, mais vous savez bien que toute idée de revenir sur une niche fiscale suscite de vives discussions. Nous allons nous atteler au même travail dans le domaine des niches sociales. En cas de création de niche fiscale, nous essayons de respecter un principe de compensation.

Il reste que le dérapage des dépenses fiscales est préoccupant. La première solution est de limiter l’enveloppe, ce qui implique un système d’agrément préalable, mais ce n’est pas toujours possible. La deuxième est le tirage au sort. La troisième est la réduction de l’avantage de manière linéaire, ce qui crée de l’insécurité pour les bénéficiaires. En tout cas, nous avons bien fait de ne pas inclure cela dans la norme de dépenses.

À ma connaissance, la mission de l’inspection des finances, qui relève totalement de Christine Lagarde, vise à clarifier le périmètre des missions d’intérêt général de la Caisse des dépôts. Il ne s’agit donc pas d’une inspection de celle-ci.

Concernant la décomposition du déficit en 2008, pour notre part nous évaluons à 11,7 milliards la diminution de recettes, dont 8,6 milliards en conséquence de la crise, du fait des moindres recettes d’IS et de TVA, et à 4 milliards les dépenses supplémentaires liées à la crise – dont 3,3 milliards de charges de la dette. Le calcul est assez simple : après application d’un taux d’évolution des recettes résultant de la moyenne des dernières années, on attribue à la crise l’écart avec la baisse des recettes constatée ; du côté des dépenses, on sait lesquelles résultent de la crise.

En ce qui concerne les dépenses d’avenir, il y aura des redéploiements, mais il pourra aussi y avoir des dépenses supplémentaires. Cependant je ne veux pas que l’ensemble de la dépense publique augmente de plus de 1 %. Nous vous présenterons nos choix de la façon la plus claire.

Les CTP – contrats de transition professionnelle – pour tous représentent quelques centaines de millions d’euros – nous préciserons le chiffrage. La charge est surtout pour Pôle emploi, à travers l’accompagnement individuel des personnes.

Quant à l’emprunt national, ses modalités n’ont pas encore été définies. La LOLF interdit en tout cas toute exonération fiscale.

S’agissant de la charge de la dette, les prévisions sont plutôt bonnes pour 2010, du fait de l’évolution de l’inflation et des taux, mais il est très probable que la situation sera plus difficile les années suivantes.

En ce qui concerne la TVA sur la restauration, je n’ai pas d’élément supplémentaire à vous apporter par rapport à ce que vous a dit Hervé Novelli.

Concernant l’impôt sur les sociétés, les mesures de trésorerie liées à la crise – le remboursement très rapide du trop-perçu des acomptes – sont pour beaucoup dans l’évolution constatée.

S’agissant de la dette sociale, nous ne voulons ni augmenter la CRDS, ni mélanger dette sociale et dette de l’État. Nous ne pouvons pas non plus allonger la durée de vie de la CADES. Il reste donc la solution de laisser pendant un ou deux ans l’ACOSS financer cette dette, en lui apportant les moyens en trésorerie et les garanties nécessaires, et une fois la crise passée, de se poser la question d’un logement plus durable de cette dette. C’est une solution neutre pour les finances publiques.

Monsieur Brard, la chute de la TVA est de l’ordre de 4 à 6 milliards par rapport au dernier collectif, mais la TVA ne s’appuie sur la consommation des ménages que pour environ 60 %. Pour 2009, nous intégrons évidemment l’effet de la baisse de la TVA sur la restauration.

Les rapporteurs spéciaux ont bien entendu leur mot à dire sur l’évolution de la maquette budgétaire et nous examinerons leurs propositions.

Sur les retraites, tout est déjà sur la table. Il faut qu’en 2010 un réel débat ait lieu et débouche sur des décisions. Nous pourrons peut-être effectuer des chiffrages au moment du PLF.

Monsieur Carayon, la procédure pour déficit excessif n’empêche pas les Européens de reconnaître qu’il existe des situations exceptionnelles. Le concept de dépenses d’avenir n’existe pas en Europe ; c’est néanmoins une belle idée, qui ne doit pas être une échappatoire et qui convient bien aux caractéristiques de notre pays. Enfin, je n’ai pas d’informations particulières au sujet du respect de leurs engagements par les restaurateurs, dossier suivi par Christine Lagarde.

M. Bernard Carayon. Qu’en est-il du plan de soutien aux banques sur les crédits aux entreprises ?

M. le ministre. Je ne dispose pas d’éléments à vous communiquer.

M. le président Didier Migaud. Nous aurons un comité de suivi du secteur bancaire et financier le 9 juillet. La Cour des comptes devrait également présenter un rapport sur le sujet à la fin du mois.

Monsieur le ministre, il me reste à vous remercier.

À l’issue de cette audition, la Commission autorise la publication du présent rapport d’information.

1 () Loi de finances rectificative pour 2008 n° 2008-1061 du 16 octobre 2008.

2 () Loi de finances rectificative pour 2008 n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 et loi de finances rectificative pour 2009 n° 2009-122 du 4 février 2009.

3 () Loi de finances rectificative pour 2009 n° 2009-431 du 20 avril 2009.

4 () Dépenses du budget de l’État hors crédit d’impôt sur le revenu, hors remboursements du FCTVA et hors remboursements de créances fiscales.

5 () L’enveloppe de 150 millions d’euros de prêts bonifiés en faveur de l’innovation dans le secteur automobile, en vue du développement de véhicules électriques ou « décarbonés », n’a en revanche pas encore été consommée. Un appel à projets, ouvert jusqu’au 31 décembre 2010, a été lancé le 8 juin dernier par le ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

6 () Conformément au rapport annexé à l’article 3 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. Voir également infra, II, A.

7 () Sur le Fonds d’investissement social, voir infra, II, A, 4.

8 () Hors mission Plan de relance de l’économie.

9 () Conformément à la loi, la revalorisation des pensions de retraite est calculée en fonction de l’hypothèse d’inflation prévisionnelle pour 2009 (soit 0,4 %), en lui ajoutant l’écart constaté au titre de 2008 entre l’inflation réalisée (2,8 %) et l’inflation initialement prévue (1,6 %), soit 1,2 %, et en retranchant 0,6 % au titre de la revalorisation exceptionnelle de 0,8 % effectuée dès le mois de septembre 2008.

10 () Sur l’encours de la dette, voir infra, C, 2.

11 () BTF : bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés.

12 () Le Rapporteur général rappelle que c’est, à l’inverse, le haut niveau de l’inflation constatée au premier semestre 2008, qui avait occasionné l’année dernière un surcoût de 2,5 milliards d’euros au titre de l’indexation du capital de la dette indexée sur l’inflation.

13 () Loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009

14 () Par approximation, on considère que les quatre premiers mois sont représentatifs de l’année et que l’on peut donc leur appliquer le taux de croissance prévu pour l’ensemble de l’année 2009.

15 () Hôtels, cafés, restaurants.

16 () Loi n° 2009–135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

17 () Lettre de juin 2009.

18 () Source : Insee, comptes nationaux

19 () Article 20 de la loi organique n°2005-881 relative aux lois de financement de la sécurité sociale

20 () Les titres émis auraient en effet une maturité inférieure à ceux déjà émis. Leur faible volume limiterait leur liquidité et donc augmenterait leur coût.

21 () Voir supra, I, A.

22 () Loi n° 2009–135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

23 () Sur les modalités de fonctionnement de la programmation, voir Gilles Carrez, Rapport sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, n° 1155, octobre 2008.

24 () Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, une réduction d’environ 300 millions d’euros par an des crédits versés par l’État avait été planifiée, en conséquence des redéploiements de crédits communautaires prévus au terme du « bilan de santé » de la PAC, en particulier en faveur de l’élevage. Le 19 février 2009, le Président de la République a cependant annoncé que la mise en œuvre du « bilan de santé » se ferait « en renonçant aux économies prévues dans le budget 2010 du ministère de l’Agriculture et de la pêche pour financer la PAC. Les conditions économiques de l’agriculture en effet se sont profondément modifiées depuis et justifient cet effort exceptionnel ».

25 () Des crédits en faveur du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse avaient déjà été ouverts, à hauteur de 30 millions d’euros d’AE et de CP, par la loi de finances rectificative du 20 avril 2009.

26 () Un besoin de financement à ce titre est également constaté en 2009. Un prochain décret d’avance devrait le combler à hauteur de 21 millions d’euros d’AE et de CP.

27 () Sur la charge de la dette en 2009, voir supra, I, A.

28 () Le Rapporteur général rappelle que la charge de la dette à moyen et long terme (OAT et BTAN) pour une année n est essentiellement déterminée par le niveau des taux de l’année n–1. Il convient cependant de se montrer prudent dans la prévision : tout en restant historiquement bas, les taux d’intérêt à long terme se sont légèrement redressés ces dernières semaines. Le taux de l’OAT à 10 ans a ainsi dépassé 4 % le 28 mai, ce qui ne s’était plus produit depuis la mi-novembre 2008.

29 () Les prévisions relatives à la charge de la dette en 2010 de la loi de programmation sont ici présentées hors effet du plan de relance et hors effet de l’aggravation du déficit budgétaire causée par les moindres rentrées fiscales de 2008 et constatée dans la première loi de finances rectificative pour 2009. Dans la loi de programmation, ces deux effets majorent la prévision de charge de la dette pour 2010 de 0,5 milliard d’euros, sans être pris en compte dans la norme de dépense.

30 () Entre la prévision d’exécution pour 2009 désormais revue à environ 39 milliards d’euros et la prévision de 42,5 milliards d’euros du projet de loi de finances pour 2010, la charge de la dette augmenterait de 3,5 milliards d’euros, soit davantage que la progression prévue par la loi de programmation, qui s’établissait à 1,7 milliard d’euros hors effet du plan de relance et hors effet de la révision des hypothèses de déficit consécutive aux résultats de 2008 (voir la note précédente) et à 2,2 milliards d’euros compte tenu de ces deux effets.

31 () Voir supra, I, A.

32 () Article 3 du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, adopté par l’Assemblée nationale le 16 juin 2009.

33 () Le périmètre des concours financiers est défini à l’article 6 comme « l’ensemble constitué par les prélèvements sur recettes de l’État établis au profit des collectivités territoriales, par la dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle inscrite sur la mission "Travail et emploi" et par les dépenses du budget général relevant de la mission "Relations avec les collectivités territoriales" », hors effet du plan de relance de l’économie.

34 () Dans sa note de conjoncture de juin 2009, l’INSEE prévoit même une inflation nulle en 2009 en moyenne annuelle.

35 () Les crédits répartis en 2010 au titre de la réserve de budgétisation, déjà évoqués (voir supra, 1), ne sont pas pris en compte dans le présent raisonnement, dans la mesure où ils sont neutres sur la norme de dépense (la réserve de budgétisation étant elle-même intégrée, dans la programmation initiale, dans l’enveloppe des dépenses incluses dans la norme).

36 () Telles qu’exposées dans le rapport annexé à l’article 3 de la loi de programmation des finances publiques.

37 () Tous les montants évoqués ci-après constituent des approximations et sont exprimés en crédits de paiement, hors contributions au CAS Pensions.

38 () Voir infra, 4.

39 () Voir infra, 4.

40 () Née de la fusion de l’Agence unique de paiement (AUP) et du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitants agricoles (CNASEA).

41 () Le taux de non remplacement a atteint environ 40 % en exécution 2008 et 44 % dans la loi de finances initiale pour 2009.

42 () Ces crédits sont pris en compte dans la présentation triennale des dépenses du budget général figurant à l’article 6 de la loi de programmation des finances publiques.

43 () Outre les moyens, déjà évoqués, apportés par les partenaires sociaux, le FISo bénéficie également de moyens issus du Fonds social européen (FSE).

44 () Le RSTA sera effectivement versé à partir du mois de juillet 2009, pour les droits couvrant les mois de mars, avril et mai. Outre les départements d’outre-mer, il est également applicable dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

45 () On reprend ici les termes du Gouvernement figurant dans l’exposé sommaire de l’amendement n° 104 tendant à ouvrir 283 millions d’euros d’AE et 243 millions d’euros de CP en faveur de l’outre-mer lors de la discussion du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009 (Assemblée nationale, 19 mars 2009). Le Rapporteur général avait d’ailleurs, auparavant, exprimé sa préférence pour ouvertures de crédits en faveur de l’outre-mer gagées à due concurrence par des annulations de crédits d’autres programmes (Gilles Carrez, Rapport sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009, n° 1511, mars 2009, p. 29-30).

46 () Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, articles 9, 10 et 11

47 () La TP étant déductible de l’IS, sa diminution génère une hausse de l’impôt sur les sociétés, qui compense partiellement le coût de la réforme.

48 () Correspondant à la différence entre le produit de l’IS brut pour 2008 et les restitutions d’acomptes versés au titre de 2008. L’IS de 2009 étant calculé sur les résultats de 2008, on peut supposer que son niveau sera proche à ce montant versé au titre des résultats de 2008.

49 () Hypothèse d’une élasticité des recettes d’IS brut de 2009 à la croissance de 2008 de 3, à un niveau proche de celui constaté lors du ralentissement économique de 2003.

50 () Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2009, les dépenses devraient croître de 3,7 % en 2009 et les recettes de 0,4 %. L’évaluation proposée pour 2010 résulte du « prolongement de la courbe », c’est-à-dire de la reconduction de ces taux pour 2010.

51 () Voir supra, I, C, 2. Il faut rappeler que ces ratios incluent l’endettement de la SFEF, qui représente plus de 3 points de PIB.

52 () Le surcoût pour les finances publiques françaises à l’horizon 2050 du vieillissement de la population est estimé à environ 3 points de PIB par la Commission européenne et à environ 3,5 points de PIB par le Fonds monétaire international.

53 () En 1993, le déficit public a atteint 6,4 % du PIB et la dette publique 46,2 % du PIB.

54 () En particulier dans l’article 4 de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009, selon lequel « l’évolution des dépenses de l’ensemble constitué par l’État, les organismes divers d’administration centrale et les régimes obligatoires de base de sécurité sociale pour la période 2009 à 2012 s’établit à 1,1 % en volume en moyenne annuelle ».

55 () À titre d’exemple, le déficit de fonctionnement de l’État était déficitaire de 19 milliards d’euros en 2007 et de 35 milliards d’euros en 2008 (au sens de la présentation par section annexé au projet de loi de règlement).

56 () Ces scénarios portent sur l’évolution des finances publiques après 2010 et sont donc distincts des scénarios présentés ci-avant portant sur l’exécution 2009 et sur les prévisions pour 2010 (voir supra, 1 et supra I, B et C).


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