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N° 1783

_____________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

en application de l'article 29 du Règlement

au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée

parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur l'activité de cette Assemblée

au cours de la deuxième partie de sa session ordinaire de 2009

par M. Jean-Claude MIGNON

ET PRÉSENTÉ A LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en avril 2009, de  : MM. Roland Blum, Georges Colombier, Mmes Claude Greff, Arlette Grosskost, MM. Denis Jacquat, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Jean-Paul Lecoq, François Loncle, Jean-Claude Mignon, Germinal Peiro, François Rochebloine, en tant que membres titulaires, et MM. Alain Cousin, Paul Giacobbi, Mme Françoise Hostalier, M. Michel Hunault, Mme Marietta Karamanli, MM. Dominique Le Mèner, Noël Mamère, Mme Muriel Marland-Militello, M. Frédéric Reiss, Mme Marie-Line Reynaud, MM. René Rouquet, André Schneider, en tant que membres suppléants.

La Délégation du Sénat à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en avril 2009, de : M. Denis Badré, Mmes Josette Durrieu, Gisèle Gautier, MM. Francis Grignon, Jean-Pierre Masseret, Philippe Nachbar, en tant que membres titulaires, et M. Laurent Béteille, Mme Maryvonne Blondin, MM. Bernard Fournier, Jean-Claude Frécon, Jean-François Legrand, Yves Pozzo di Borgo en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I. ACTUALITÉ DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 7

A. INITIATIVES DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS 9

B. RENCONTRES ORGANISÉES PAR LA DÉLÉGATION FRANÇAISE 9

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION 11

A. PROGRAMME DE LA DEUXIEME PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2009 11

B. TEXTES ADOPTÉS 13

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS 15

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 17

A. RESPECT DES OBLIGATIONS ET ENGAGEMENTS DE LA SERBIE 17

B. LES CONSEQUENCES HUMANITAIRES DE LA GUERRE ENTRE LA GEORGIE ET LA RUSSIE 18

C. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DEMOCRATIQUES EN MOLDAVIE 23

D. LES MISSIONS D'OBSERVATION ELECTORALE 27

E. INTERVENTION DE MME TARJA HALONEN, PRESIDENTE DE LA REPUBLIQUE DE FINLANDE 29

F.INTERVENTION DE M. JOSE LUIS RODRIGUEZ ZAPATERO, PRESIDENT DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL 33

IV. LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME : LES NOUVEAUX DÉFIS À RELEVER 39

A. LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME EN CAS D'ETAT D'URGENCE 39

B. LA SITUATION DES DEFENSEURS DES DROITS DE L'HOMME DANS LES ETATS MEMBRES DU CONSEIL DE L'EUROPE 41

C. AGIR POUR COMBATTRE LES VIOLATIONS DES DROITS DE LA PERSONNE HUMAINE FONDEES SUR LE SEXE, Y COMPRIS LES ENLEVEMENTS DE FEMMES ET DE FILLES 45

D. LES FEMMES EN PRISON 49

E. PRODUIRE DES DENREES ALIMENTAIRES ET DU CARBURANT 51

V. LE CONSEIL DE L’EUROPE : UNE INSTITUTION EN PLEINE ÉVOLUTION 57

A. PROCESSUS D'ELECTION DU SECRETAIRE GENERAL DU CONSEIL DE L'EUROPE 57

B. RAPPORT ANNUEL DU COMMISSAIRE AUX DROITS DE L'HOMME DU CONSEIL DE L'EUROPE 59

C. INTERVENTION DE M. MIGUEL ÁNGEL MORATINOS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL, PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES 64

D. PROJET DE PROTOCOLE N°14 BIS A LA CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES 70

ANNEXES 73

Annexe 1 Recommandation 1869 (2009) - Les conséquences humanitaires de la guerre entre Géorgie et la Russie : suites données à la résolution 1648 (2009) 73

Annexe 2 Résolution 1664 (2009) - les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie : suites données à la résolution 1648 (2009) 75

Annexe 3 Avis 271 (2009) - Projet de protocole n° 14 bis à ola Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 81

INTRODUCTION

Soixante ans après sa fondation le 5 mai 1949, le Conseil de l’Europe s’inscrit désormais dans un espace beaucoup plus vaste que le territoire des dix Etats de l’ouest européen, membres fondateurs de l’Institution. De la Mer du nord à la Méditerranée, de l’Atlantique à l’Océan pacifique, des millions de citoyens partagent les valeurs du Conseil de l’Europe : la protection des droits de l’hommes et des libertés fondamentales, le respect de l’état de droit et le développement des pratiques démocratiques.

Cependant, cette exceptionnelle réussite du Conseil de l’Europe lui impose de relever en permanence de nouveaux défis comme l’ont souligné à Strasbourg, au cours de leurs interventions devant les membres de l’Assemblée parlementaire, Mme Tarja Halonen, Présidente de la République de Finlande et M. José Luis Rodriguez Zapatero, Président du gouvernement espagnol.

La Cour européenne des droits de l’homme qui représente l’ultime espoir pour bon nombre de citoyens des pays membres du Conseil de l’Europe voit son fonctionnement sérieusement altéré par l’afflux des requêtes. Pour y remédier, l’Assemblée parlementaire a adopté un avis favorable à l’adoption par le Comité des Ministres d’un protocole 14 bis à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui a pour objet de permettre à la Cour de retrouver une meilleure efficacité dans le traitement des affaires dont elle est saisie.

L’Assemblée parlementaire s’est également attachée tout au long de la session à débattre des situations conflictuelles ou violentes qui malheureusement demeurent au coeur de l’espace de compétence du Conseil de l’Europe et sont en contradiction profonde avec ses principes. Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie, le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldavie et le respect des obligations et engagements de la Serbie ont donné lieu à l’adoption de nouvelles recommandations et résolutions.

Par ailleurs, la protection des droits de l’homme, les questions économiques telle que la production de denrées alimentaires et de carburant représentent des enjeux auxquels l’Assemblée parlementaire est demeurée extrêmement attentive au cours de cette semaine.

Le mode de fonctionnement du Conseil de l’Europe, en particulier les relations entre les différents organes de l’Institution a enfin constitué l’un des débats majeurs de la session. Un désaccord entre les membres de l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres à propos de l’élection future du Secrétaire général du Conseil de l’Europe a permis de mettre en évidence une nécessaire évolution de cette Institution soixantenaire.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

La délégation parlementaire française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants)

Composition de la délégation en avril 2009
Membres titulaires

 

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Denis BADRÉ

Sénateur

UC-UDF

ADLE

M. Roland BLUM

Député

UMP

PPE/DC

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

PPE/DC

Mme Claude GREFF

Députée

UMP

PPE/DC

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

SOC

M. Armand JUNG

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

SOC

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

GUE

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

SOC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

SOC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

Membres suppléants

 

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Laurent BÉTEILLE

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

M. Alain COUSIN

Député

UMP

PPE/DC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

M. Paul GIACOBBI

Député

SRC

SOC

Mme Françoise HOSTALIER

Députée

UMP

PPE/DC

M. Michel HUNAULT

Député

NC

GDE

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jean-François LE GRAND

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Dominique LE MÈNER

Député

UMP

PPE/DC

M. Noël MAMERE

Député

GDR

GUE

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

PPE/DC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UC-UDF

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

SOC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

Composition du Bureau de la délégation en avril 2009 :

Président

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

Présidente déléguée
pour l’UEO

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

       

Vice-présidents

M. Alain COUSIN

Député

UMP

 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

 

Mme Claude GREFF

Député

UMP

 

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

 

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

 

M. François LONCLE

Député

SRC

 

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

 

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

A. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

MM. Jean-Guy Branger et Jacques Legendre, anciens membres de la Délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ont reçu à l’occasion d’une cérémonie officielle présidée par M. Lluis Maria de Puig, président de l’Assemblée, la médaille Pro Merito et le diplôme de membre honoraire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le lundi 27 avril 2009, en présence de plusieurs membres de la délégation française, dont son président, de l’ambassadeur de France auprès du Conseil de l’Europe, de la Secrétaire générale adjoint du Conseil de l’Europe et du Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire.

B. RENCONTRES ORGANISÉES PAR LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

A l’invitation du Représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe, les membres de la Délégation ont participé le dimanche 26 avril à un dîner de travail au cours duquel les points les plus importants de l’ordre du jour de la deuxième partie de la session ordinaire 2009 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont été évoqués de manière détaillée.

A l’initiative de M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP), président, les membres de la Délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ont rencontré leurs homologues roumains à l’occasion d’un dîner de travail organisé à la Représentation permanente française auprès du Conseil de l’Europe, le mardi 28 avril. Cette rencontre a permis de faire connaissance avec les nouveaux membres de la Délégation de Roumanie récemment renouvelée à la suite des élections dans ce pays. La situation en Moldavie, au centre de l’actualité politique européenne, a été longuement évoquée à cette occasion tout comme la francophonie à laquelle la Roumanie est traditionnellement attachée.

Par ailleurs, à la demande de M. Wlodzimierz Cimoszewicz, MM. Jean Claude Mignon et René Rouquet (Val-de-Marne, SRC) ont rencontré le candidat polonais au Secrétariat général du Conseil de l’Europe, le mardi 28 avril. Lors de cet entretien, M. Cimoszewicz a présenté sa vision de l’Institution et son éventuelle action au service du Conseil de l’Europe s’il était élu Secrétaire général.

Enfin, M. Jean-Claude Mignon a rencontré, le mercredi 29 avril, Mmes Magdalina Anikashvili et Chiora Taktakishvili et M. David Darchiashvili, membres de la Délégation géorgienne, pour évoquer l’évolution de la situation en Géorgie après le conflit avec la Russie.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. PROGRAMME DE LA DEUXIEME PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2009

Lundi 27 avril 2009

- Ouverture de la deuxième partie de la session ordinaire de 2009 ;

- Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente ;

- Célébration du 60ème anniversaire du Conseil de l’Europe ;

- La protection des droits de l’homme en cas d’état d’urgence.

Mardi 28 avril 2009

- La situation des défenseurs des droits de l’homme dans Etats membres du Conseil de l’Europe ;

- Discours de Mme Tarja Halonen, Présidente de la Finlande,

- Respect des obligations et engagements de la Serbie ;

- Agir pour combattre les violations des droits de la personne humaine fondées sur le sexe, y compris les enlèvements de femmes et de filles ;

- Les femmes en prison.

Mercredi 29 avril 2009

- Suites données par la Géorgie et la Russie à la Résolution 1647 ;

- Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie suites données à la Résolution 1648 ;

- Débat selon la procédure d’urgence : Processus d’élection du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe ;

- Débat selon la procédure d’urgence : Le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldova ;

- Discours de M. José Luis Rodriguez Zapatero, Président du Gouvernement de l’Espagne.

Jeudi 30 avril 2009

- Rapport annuel d’activité 2008 du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ;

- Intervention de M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ;

- Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Miguel Angel Moratinos, Ministre des affaires étrangères et de la coopération de l’Espagne, Président du Comité des Ministres ;

- Débat selon la procédure d’urgence : Projet de Protocole n°14 bis à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- Produire des denrées alimentaires et du carburant ;

- Clôture de la deuxième partie de la session ordinaire 2009.

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes, les avis, les recommandations et les résolutions :

– aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Texte

Document

Commission de l’environnement,

de l’agriculture et des questions territoriales

Produire des denrées alimentaires

Rapporteur : M. Nigel Evans (Royaume-Uni, GDE)

Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme

La protection des droits de l’homme en cas d’état d’urgence

Rapporteur : M. Holger Haibach (Allemagne, PPE/DC)

La situation des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe

Rapporteur : M. Holger Haibach (Allemagne, PPE/DC)

Projet de Protocole n°14 bis à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Rapporteur : M. Klaas De Vries (Pays-Bas, SOC)

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Les femmes en prison

Rapporteure : Mme Minodora Cliveti (Roumanie, SOC)

Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie : suites données à la Résolution 1648

Rapporteure : Mme Corien W.A. Jonker (Pays-Bas, PPE/DC)

Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes

Agir pour combattre les violations des droits de la personne humaine fondées sur le sexe, y compris les enlèvements de femmes et de filles

Rapporteure : Mme Antigoni Papadopoulos (Chypre, ADLE)

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe

Respect des obligations et engagements de la Serbie

Co-rapporteurs : MM. Charles Goerens (Luxembourg, ADLE) et Andreas Gross (Suisse, SOC)

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldova

Co-rapporteurs : Mme Josette Durrieu (France, SOC) et M. Egidijus Vareikis (Lituanie, PPE/DC)

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Processus d’élection du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

Rapporteur : M. John Greenway (Royaume-Uni, GDE)

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats

de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site :

http://assembly.coe.int

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 27 avril 2009

Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente : M. Jean-Claude Frécon et Mme Gisèle Gautier.

La protection des droits de l’homme en cas d’état d’urgence : Mme Maryvonne Blondin.

Mardi 28 avril 2009

La situation des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe : M. Jean-Claude Frécon, Mme Gisèle Gautier, MM. Michel Hunault et Jean-Claude Mignon.

Question à Mme Tarja Halonen, Présidente de la République de Finlande : Mmes Josette Durrieu et Giselle Gautier.

Respect des obligations et engagements de la Serbie : M. François Rochebloine.

Agir pour combattre les violations des droits de la personne humaine fondées sur le sexe, y compris les enlèvements de femmes et de filles : Mmes Maryvonne Blondin et Claude Greff.

Les femmes en prison : MM. Michel Hunault et Jean-Paul Lecoq.

Mercredi 29 avril 2009

Suites données par la Géorgie et la Russie à la Résolution 1647 : MM. Denis Badré, Laurent Béteille, Mme Josette Durrieu et M. Bernard Fournier.

Processus d’élection du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe : M. Jean-Claude Mignon.

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldova : Mmes Maryvonne Blondin, Josette Durrieu et Claude Greff.

Question à M. José Luis Rodriguez Zapatero, Président du Gouvernement espagnol : Mme Gisèle Gautier.

Jeudi 30 avril 2009

Question à M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe : MM. Michel Hunault et Frédéric Reiss.

Question à M. Miguel Angel Moratinos, Ministre des affaires étrangères et de la coopération de l’Espagne, Président du Comité des Ministres : MM. Denis Badré et Jean-Claude Mignon.

Projet de protocole n°14 bis à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : MM Denis Badré et Michel Hunault.

Produire des denrées alimentaires et du carburant : MM. Laurent Béteille, Jean-Claude Frécon, Francis Grignon et André Schneider.

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A. RESPECT DES OBLIGATIONS ET ENGAGEMENTS DE LA SERBIE

A l’issue de la dissolution de l’Union d’Etats de Serbie Monténégro de juin 2006, la Serbie a connu une période électorale intense avec deux élections législatives, en 2007 et 2008, et une élection présidentielle en 2008. L’Assemblée parlementaire se félicite de la stabilité politique nouvellement instaurée dans cette région.

Elle a adopté la résolution 1661 sur le respect des obligations et engagements de la Serbie. Ce document précise que l’Assemblée soutient pleinement les aspirations européennes de la Serbie et invite les autorités de ce pays à coopérer avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en particulier en arrêtant et s’engageant à extrader au plus vite Ratko Mladic et Goran Hadzid.

L’Assemblée appelle également la Serbie à défendre sa position vis-à-vis du Kosovo uniquement par des moyens pacifiques et diplomatiques. Elle souligne la nécessité de renforcer les institutions démocratiques, en particulier dans les domaines de la législation électorale, de la procédure parlementaire et de la décentralisation.

En matière de respect de l’Etat de droit et des droits de l’homme, l’Assemblée salue quelques avancées, telles que l’adoption de la loi sur la Cour constitutionnelle, la nouvelle législation sur la liberté d’association ainsi que l’introduction dans la Constitution de la liste détaillée des droits de l’homme et des droits des minorités garantis par celle-ci. Cependant, l’Assemblée condamne fermement les menaces et les attaques récentes à l’encontre de représentants des minorités nationales, de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme.

Dans ce contexte, M. François Rochebloine (Loire - NC) a orienté son intervention dans la perspective d’une future intégration de la Serbie à l’Union européenne :

« La minutie du rapport établi par MM. Goerens et Gross sur la situation actuelle de la Serbie traduit à la fois la qualité de leur travail et la complexité des problèmes qui se posent à ce pays. Je voudrais, pour ma part, m’en tenir à quelques points essentiels.

Il convient, tout d’abord, d’approcher avec réalisme la question de la conformité des institutions politiques et des principes juridiques qui gouvernent la Serbie avec les standards européens des droits de l’homme. Nos rapporteurs ont relevé à la fois des défaillances et des progrès ; en cela, ils se sont acquittés de la mission qui leur était donnée par la commission du suivi. Mais nous ne pouvons pas exiger une progression linéaire vers la démocratie idéale d’un État et d’un peuple soumis depuis la chute du système communiste global aux tribulations et aux conséquences d’une fin de dictature. En revanche, nous pouvons saluer et encourager les efforts accomplis par les dirigeants politiques serbes pour adopter à l’égard de ce passé une attitude plus claire et pour développer dans l’espace public les pratiques démocratiques.

On a évidemment mentionné le Kosovo dans le rapport. La solution diplomatique et statutaire imaginée pour stabiliser les termes du différend, c’est-à-dire l’indépendance du Kosovo, était sans doute la plus praticable possible. Il n’en reste pas moins que la pérennité de cette solution dépend pour une large part de la stabilité de la Serbie et de la capacité de son gouvernement à mener une politique démocratique. Cet objectif ne sera atteint que si les États européens adoptent une attitude de coopération constructive avec les autorités de Belgrade, ce qui exclut évidemment tout manichéisme et toute diabolisation.

Bien sûr, je me réjouis avec nos rapporteurs de constater que le Serbie a pris conscience de la nécessité de traduire devant la justice internationale des criminels dont les exactions ont terni l’image collective de la nation. Il fallait pour cela, quelles qu’en fussent les motivations à court et à long terme, un réel courage politique de la part des autorités serbes. Je souhaite que ce processus soit perçu pour ce qu’il est, c’est-à-dire un préalable à ce qui est l’essentiel à terme : l’achèvement de l’intégration à l’Union européenne d’un pays qui fait manifestement partie de son espace politique de par la géographie et l’histoire. Il y faudra du temps – j’ai bien noté ce qui est dit de la corruption dont la Serbie n’a hélas pas le monopole en Europe –, de la fermeté sur les principes et de la souplesse dans les modalités d’exécution.

Vous l’aurez compris, je souhaite que notre débat puisse être perçu comme un encouragement à la nation serbe et à ses dirigeants, comme un signe de solidarité vigilante. Il leur sera ainsi facile d’accepter la poursuite des réformes, et d’entreprendre, avec le reste de l’Europe, la construction d’un avenir politique commun qui ne peut passer que par la démocratie. »

B. LES CONSÉQUENCES HUMANITAIRES DE LA GUERRE ENTRE LA GEORGIE ET LA RUSSIE

Huit mois après la guerre d’août 2008, la situation en Ossétie du Sud et en Abkhazie demeure extrêmement préoccupante. Il convient de souligner que vint six mille personnes déplacées vivent toujours à Tbilissi et dans d’autres régions de Géorgie, dans des centres d’hébergement ou dans des familles d’accueil.

Ayant adoptée la résolution 1664, l’Assemblée demande à la Géorgie, la Russie et aux autorités de facto des deux régions concernées de laisser les frontières administratives de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud ouvertes, au moins à des fins humanitaires, et de veiller à ce que tous les approvisionnements de base parviennent à la population.

L’Assemblée souhaite que des accords soient trouvés pour que les Organisations internationales puissent exercer pleinement leur rôle de promotion de la paix et de la stabilité dans toute la région et de surveillance de la situation humanitaire et du respect des droits de l’homme.

En particulier, les membres de l’Assemblée demandent aux différentes autorités d’œuvrer à l’identification des personnes disparues et de traiter le problème des prises d’otages et des échanges de prisonniers. L’Assemblée incite à la prise de mesures contre toute personne ayant participé à des actes de destruction ou de pillage. Elle demande également que les populations ne soient pas contraintes d’accepter des passeports sud-ossètes ou abkhazes et de permettre le retour volontaire des personnes déplacées, en sécurité et dans la dignité, conformément au droit international.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) s’est interrogée sur la politique étrangère russe et en particulier sur la stratégie de défense des intérêts russes :

« Force est constater que nos propos sont pessimistes. A propos de ce conflit, je voudrais présenter des observations plus larges.

On peut constater que la centralité  géopolitique et géostratégique du Caucase et de l’Eurasie s’est déplacée. Le fait que la Géorgie joue un rôle pivot dans le Caucase constitue la nouvelle orientation.

On peut également constater que les zones d’influence changent et s’élargissent. Le fait n’est plus seulement local ; il est régional, il est même mondial.

La Russie franchit des étapes nouvelles, et le dit. Elle élargit sa sphère d’influence, et elle le fait.

Nous sommes interpellés au niveau de l’Europe sur des principes, qui ont été rappelés : droit international, recours à la force militaire sans mandat de l’Onu, deuxième intervention en territoire étranger pour la Russie après l’Afghanistan en 1979, non-respect de la souveraineté et de l’intégrité d’un État. Il faut redire ici que les deux États sont membres du Conseil de l’Europe.

On constate que les divergences restent entières. Après l’accord signé en septembre 2008 ou après la Résolution votée ici, force est de constater que non seulement les choses ne s’améliorent pas mais qu’elles empirent : déclaration d’indépendance des territoires - c’est quand même quelque chose d’unilatéralement et d’exceptionnellement inacceptable - accords bilatéraux et installation de bases russes dans ces provinces, les troupes qui ne se retirent pas complètement et les réfugiés qui ne peuvent pas revenir chez eux.

Je ferai deux observations fondamentales : La Russie fait peser des menaces sur son « étranger proche ».

Deuxièmement, le ministre des Affaires étrangères, M. Sergueï Lavrov a donné une conférence à l’Institut des relations internationales de Moscou, à l’occasion de laquelle il a précisé que cette opération était appelée à devenir le modèle de défense des intérêts russes en matière de politique étrangère. Nous sommes avertis, les Pays baltes, la Moldavie avec la Transnistrie, l’Ukraine avec la Crimée le sont également.

La Russie est un partenaire indispensable avec lequel nous voulons resserrer les liens. Il est arrogant. Y a-t-il des limites ? Mme Jonker, vous avez raison de poser la question. Un élément, que j’aurais souhaité autre, viendra réguler la situation, c’est la crise économique.

Je demande aux parlementaires européens et aux représentants des pays d’Europe que nous sommes : avons-nous le courage de fixer nos limites ? Avons-nous le courage de déterminer nos intérêts ? »

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a particulièrement insisté sur le préalable à la reprise du dialogue entre les parties que constituent le retour des réfugiés et la réparation des dommages de guerre :

« Je tiens d’abord à saluer le travail accompli par notre collègue Mme Jonker, qui a établi un rapport très documenté, en particulier grâce à ses déplacements sur le terrain des hostilités. Son engagement est assurément à l’honneur de notre Assemblée.

Pour autant, je crois que le traitement des aspects humanitaires de la guerre qui a opposé la Géorgie et la Russie, même s’il provoque une empathie bien naturelle pour les victimes quelles qu’elles soient, ne saurait faire perdre de vue les responsabilités de chacun et justifier une quelconque indulgence envers les autorités de facto des entités séparatistes.

Près de neuf mois après le conflit, les séquelles humanitaires demeurent vives sur le terrain. Toutes les personnes déplacées ne sont pas rentrées chez elles et il est probable que certaines ne sont pas près de le faire, puisqu’il existe encore des réfugiés des conflits du début des années 1990. Les habitants des régions touchées vivent dans des conditions particulièrement précaires et leurs besoins sont considérables, même si le rapport relate quelques avancées. Il convient à ce titre de saluer l’action des organisations internationales humanitaires, dont la présence est indispensable pour soulager les souffrances des populations. Elles doivent pouvoir travailler en toute sécurité et sans entraves.

Il me semble que le retour des réfugiés et la reconstruction des dommages de guerre sont indispensables à une reprise du dialogue entre les parties et donc à une solution durable au conflit. À cet égard, nous devons être vigilants quant à la bonne utilisation des fonds qui ont été ou seront collectés pour la reconstruction, de manière à éviter tout détournement. Les risques de corruption sont d’autant plus importants que les ressources administratives des autorités de facto, en Ossétie du Sud notamment, sont limitées. Il est vrai que les régions séparatistes géorgiennes ne sont en aucun cas des États et que leur fonctionnement, voire leur survie, dépend presque exclusivement de l’aide apportée par la Russie.

À cet égard, l’isolement des régions séparatistes, et de l’Ossétie du Sud en particulier, ne peut susciter que de grandes inquiétudes. Ces régions sont délibérément coupées du monde par l’armée russe. Je rappelle en particulier que l’Ossétie du Sud est inaccessible aux observateurs de l’OSCE comme à ceux de l’Union européenne. Cet isolement n’est pas propice à l’acheminement de l’assistance humanitaire ni à la reconstruction de la région.

C’est pourquoi la loi géorgienne relative aux territoires occupés doit également être amendée, conformément aux recommandations émises par la Commission de Venise qui l’a jugée non conforme aux standards en matière de droits de l’Homme et de droit humanitaire international. Sa modification constituerait de la part de la Géorgie un gage de bonne volonté très apprécié. »

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a déploré la non application de la résolution 1633 que l’Assemblée parlementaire avait adoptée en octobre 2008 :

« En septembre 2008, nombre d’entre nous avaient milité au sein de cette Assemblée pour l’adoption de mesures concrètes en vue de faire respecter les normes de droit international en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Huit mois plus tard, la Résolution votée à l’époque demeure inappliquée par les deux belligérants, selon les rapporteurs de la commission de suivi. Que conclure face à un tel constat d’échec ?

Le Conseil de l’Europe n’a pas su user des pouvoirs qui étaient les siens pour faire respecter ses valeurs et entendre son message. Le conflit aurait dû signifier une suspension des pouvoirs des deux délégations dès le mois de septembre. Le Conseil de l’Europe ne bénéficie pas des structures des Nations Unies ou de l’Union européenne et ne peut agir, en conséquence, que sur un plan symbolique. Une suspension aurait, de ce point de vue, eu une portée indéniable.

Nous pouvons ainsi continuer à débattre à chaque partie de session de l’absence d’avancée tangible dans ce dossier. Nous pouvons multiplier les résolutions et les condamnations habilement rédigées. Qui convainquent-elles ? Pas les États belligérants, pourtant membres de cette Assemblée. Certainement pas les opinions publiques, qui relèveront l’impuissance de notre Organisation face à ce type de crise.

L’Europe du droit apparaît comme un concept vain, sans traduction concrète face à la moindre difficulté. On ne pouvait renvoyer pire image à la veille du soixantième anniversaire de notre Organisation. Nous cédons, comme d’autres, à la tentation diplomatique – qui n’est pas notre rayon –, là où nous devrions insister sur des principes a priori indiscutables. Les concepts de souveraineté territoriale, d’État de droit, de respect des minorités, entre autres, ne sont absolument pas respectés. Les réunions placées sous l’égide du Conseil de l’Europe entre les belligérants ne débouchent que sur une chaise vide. Tout cela a un parfum de Société des Nations. Nous assistons à cela en spectateurs sans autre réponse qu’un nouveau texte rappelant le nécessaire respect des précédents.

En juin prochain, nous débattrons de nouveau de ce sujet pour constater que plusieurs points, pourtant notés noir sur blanc dans les trois précédentes résolutions, ne font l’objet d’aucun accord entre les deux belligérants. Les autorités autoproclamées d’Abkhazie et d’Ossétie se prépareront à fêter le premier anniversaire de leur supposée indépendance ; des milliers de réfugiés attendront dans des camps de fortune un hypothétique retour au sein de leurs domiciles ; des hélicoptères russes violeront encore et toujours l’espace aérien de la Géorgie sous le regard stoïque de nombre d’observateurs internationaux.

L’incantation n’aura eu finalement d’effet que de légitimer l’aventurisme et l’impérialisme, il faudra bien un jour en tirer les conséquences. »

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC-UDF) a rappelé combien l’Europe jouait la crédibilité de sa politique extérieure sur ce conflit entre la Géorgie et la Russie, tout en précisant que le partenariat stratégique entre l’UE et la Russie ne pouvait se construire que dans le cadre d’une confiance mutuelle :

« Pour la troisième fois, notre Assemblée est appelée à débattre de la guerre du mois d’août dernier entre la Géorgie et la Russie et de ses conséquences. Il faudra, à mon sens, continuer inlassablement à le faire aussi souvent que nécessaire. L’excellent rapport de nos collègues MM. Van den Brande et Eörsi nous permettent d’être toujours très bien informés. Équilibré et objectif, il souligne malheureusement l’absence de progrès tangibles depuis le début de l’année, ce qui met en évidence les limites de notre Organisation en la matière. C’est bien triste en un temps d’anniversaire où nous souhaiterions tous, je pense, la voir au contraire pleinement efficace.

La Russie ne semble guère encline à mettre en œuvre nos demandes, qu’il s’agisse du respect de l’accord de cessez-le-feu, de la reconnaissance de l’indépendance des régions séparatistes ou de l’accès d’observateurs internationaux à l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.

Sur le terrain, le face-à-face demeure tendu. Les incidents, parfois dramatiques, se multiplient. Les observateurs déployés par l’Union européenne ne peuvent empêcher la « bunkerisation » qui transforme progressivement la ligne administrative, longue de 130 kilomètres, séparant l’Ossétie du Sud du reste de la Géorgie en une véritable frontière contrôlée par les armes. On peut même se demander si ces observateurs qui, au fond, ne peuvent tout au plus que constater les dégâts, ne sont pas en train de nous faire tomber dans un piège : les Russes, patrouillant le long d’une ligne que la communauté internationale ne reconnaît pas, poussent néanmoins à l’accréditer comme telle.

L’Europe joue sa crédibilité en Géorgie, et doit le faire sur les bases les plus claires. À cet égard, l’entrée en vigueur prochaine du traité de Lisbonne renforcerait notre autorité et l’efficacité de l’action extérieure de l’Union européenne. Vous l’avez compris, je saisis cette occasion pour lancer un nouvel appel à nos collègues tchèques et irlandais, afin que cette affaire soit réglée au plus vite.

Cette guerre empoisonne nos relations avec la Russie. Certes, le partenariat stratégique entre la Russie et l’Union européenne doit être relancé, mais dans le cadre d’une confiance mutuelle. La bonne volonté ne peut être unilatérale.

Un partenariat stratégique doit être recherché, mais pas à n’importe quel prix. Aucun partenariat de ce type n’est possible et durable si les valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit ne sont pas pleinement respectées. Sur ce terrain, les progrès ne sont pas encore perceptibles. La résolution du conflit passe par une reprise du dialogue entre toutes les parties. Elle implique à l’évidence une véritable volonté politique partagée, qui ne peut être fondée que sur les valeurs de la Charte de notre Conseil de l’Europe ! »

C. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN MOLDAVIE

Débat d’urgence, à la demande du groupe socialiste.

Après la tenue des élections législatives le 5 avril 2009, les membres de la commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire ont déclaré que les organisateurs du scrutin « ont respecté nombre de normes et engagement internationaux mais que certaines améliorations doivent encore être apportées afin de garantir un processus électoral sans interférence intempestive de l’administration et renforcer la confiance du public ».

Dans le texte de la résolution 1666 que l’Assemblée a adoptée, elle déplore et condamne tous les événements post électoraux violents et demande qu’une instruction indépendante et approfondie sur toutes les allégations de violence soit engagée immédiatement et que les responsables soient jugés.

Elle souligne que le processus électoral présente plusieurs failles importantes en matière de procédure et que l’organisme de radiodiffusion d’Etat ne remplit pas ses obligations de manière transparente.

Concernant le fonctionnement des institutions, l’Assemblée souhaite vivement que les autorités moldaves reprennent la réforme de la législation électorale, poursuivent la réforme des médias, accroissent l’efficacité et le professionnalisme des tribunaux et continuent à réformer la police.

Dans la perspective d’une sortie de la crise, les membres de l’Assemblée en appellent au sens de la responsabilité des acteurs de la scène politique moldave. L’Assemblée recommande la reconnaissance de la force juridique de la décision de la Cour constitutionnelle confirmant les résultats des élections. Elle réclame une enquête indépendante, transparente et crédible sur les événements post électoraux. Elle engage également les partis politiques au dialogue afin de rétablir la confiance dans le processus démocratique.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) est intervenue en tant que co-rapporteure de la commission pour le respect des obligations et engagement des Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle a considéré qu’il convenait de respecter la décision de la Cour constitutionnelle qui a validé les résultats des élections tout en appelant à la reprise du dialogue :

« La Cour constitutionnelle a tranché : la légitimité du vote est avérée. Les élections ont donc été validées. Leurs résultats sont les suivants : un taux de participation de 59,5 % et un parti communiste qui obtient 49,5 % des votes, ce qui lui assure 60 sièges. L’opposition emporte, elle, 41 sièges. Seulement trois partis d’opposition ont franchi la barre des 6 %. Je précise que si le seuil avait été fixé à 4 %, comme cela avait été demandé, les partis d’opposition éliminés n’auraient pas davantage obtenu d’élus.

Y a-t-il eu ou non fraude ? La Commission s’est prononcée, mais on ne peut être sûr de rien dans la mesure où des listes supplémentaires se sont promenées à côté des listes essentielles. Quoi qu’il en soit, l’opposition a perdu. Sans doute parce qu’elle n’a pas su s’organiser et qu’elle a manqué d’unité. Or le pays attendait sans doute qu’elle s’exprime.

Des manifestations ont donc suivi les élections. Furent-elles spontanées ? Furent-elles le fruit d’un complot ? Nous ne le pensons pas. Y a-t-il eu récupération ? Peut-être. Par des jeunes ? Probablement. En tout cas, une immense frustration s’est exprimée de façon très violente puisque le palais présidentiel et le Parlement ont été attaqués, ce qui est évidemment inacceptable. Nous demandons que tous ces événements fassent l’objet d’une enquête.

Selon le Commissaire aux droits de l’homme, il y a eu plus de 300 arrestations mais il n’y aurait plus que 8 à 9 personnes encore retenues, au sort desquelles nous devons rester attentifs. Y a-t-il eu des morts ? En l’état actuel des choses, on ne peut pas lier avec certitude à ces événements les décès qui sont survenus alors.

Le 5 mai, le Parlement se réunira pour élire son président. Le parti communiste, majoritaire, détient les clés de cette élection. Puis le Parlement élira le Président de la République. Étant donné qu’il faut 61 voix, il en manque une au parti communiste. Nous suivrons tout cela avec beaucoup d’attention.

Nous espérons vraiment que la sagesse revienne et que le dialogue reprenne. Tous ces événements sont fort regrettables et nous attristent, alors que la Moldova avait fait beaucoup de progrès. Soyons attentifs, soyons vigilants et surtout continuons d’accompagner ce pays qui a besoin de notre soutien. »

Mme Claude Greff (Indre-et-Loire – UMP) a particulièrement souligné l’importance du Conseil de l’Europe dans l’accompagnement de la Moldavie sur la voie des réformes démocratiques :

« L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ne peut rester silencieuse face à la situation en Moldavie depuis les élections du 5 avril 2009. Elle peut se prononcer sereinement, car elle suit avec intérêt les changements dans ce pays depuis qu’il a adhéré au Conseil de l’Europe. Comme pour d’autres États d’Europe centrale et orientale, elle a mis en place une procédure de suivi afin de favoriser le respect des engagements et des obligations librement acceptées par ce pays. Ce suivi, librement accepté par la Moldavie, est transparent et n’est pas critiqué.

La mission d’observation des élections de notre Assemblée a mené à bien sa tâche, et je félicite Josette Durrieu pour son implication auprès de ce beau pays qu’est la Moldavie. Cette mission s’est prononcée de manière équilibrée. Notre Assemblée en a entendu un rapport détaillé.

Les événements qui ont suivi les élections ont surpris beaucoup d’observateurs. Il n’est pas possible de les évaluer en toute rigueur et en toute sérénité. Seule une enquête indépendante permettrait de le faire. Le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe suit la situation sur le terrain. Nous attendons son rapport avec intérêt.

Quelle position notre Assemblée doit-elle adopter aujourd’hui ? Dans le contexte actuel, caractérisé par l’insuffisance d’informations vérifiées et un manque de recul évident, il me paraît fondamental de nous en tenir à un certain nombre de principes, auxquels nous pourrons faire référence quelle que soit l’évolution de la situation. Ces principes sont clairs : respect de l’état de droit, respect et défense des droits de l’homme, rejet de la violence.

L’État de droit est l’une des valeurs fondamentales fondant l’action du Conseil de l’Europe et des États qui le composent, et que tous ont accepté de respecter dans le cadre démocratique et légal de l’action politique. Son intérêt principal est de permettre un dialogue serein et organisé entre majorité et opposition. La primauté des droits de l’homme est encore plus importante, et le Conseil de l’Europe peut justement s’enorgueillir d’y contribuer plus que toute autre organisation internationale. Le refus de la violence découle donc des deux principes précédents.

Ces principes étant posés, nous devons nous interroger sur la manière de les faire prévaloir. Les réformes nécessaires à leur application peuvent être longues à mettre en œuvre. Elles ne sont pas toujours faciles à élaborer si l’on recherche une efficacité optimale. C’est pourquoi nous avons une responsabilité particulière d’accompagnement de la Moldavie sur cette voie. Cet accompagnement est déjà largement mis en place, tant au niveau du Conseil de l’Europe qu’à celui de l’Union européenne ou de ses États membres. Des programmes d’assistance institutionnelle sont en cours, afin de rapprocher le droit moldave des standards européens et internationaux. J’y ai moi-même participé. Je souhaite qu’ils soient poursuivis.

Il me semble important que le Conseil de l’Europe et les instruments dont il dispose poursuivent dans cette voie d’accompagnement des réformes démocratiques en Moldavie. Je pense notamment à l’action de la Commission de Venise dont les avis en matière constitutionnelle et juridique sont toujours précieux. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a déploré l’absence de réaction internationale face à la crise politique en Moldavie et a encouragé l’action du Conseil de l’Europe dans ce pays :

« Permettez-moi tout d’abord de souligner la réactivité de notre Assemblée pour avoir su placer au cœur de cette courte partie de session un débat sur les difficultés que rencontre le jeune État moldave. Josette Durrieu a rendu un rapport très complet sur une situation et d’un pays qu’elle connaît parfaitement. Il ne nous appartient pas de juger des questions nationales en Moldavie, à la réserve près de réaffirmer notre attachement au principe de souveraineté territoriale. Nous ne pouvons néanmoins nous résoudre à résumer la crise que traverse la Moldavie à une exacerbation du clivage politique local sur la question roumaine.

Le Conseil de l’Europe défend avant tout l’État de droit. La crise actuelle révèle un profond dysfonctionnement de l’État dans ses relations avec la société. Trois points cristallisent les rancœurs.

Premier point, les difficultés enregistrées lors de la tenue du scrutin. Le recomptage des voix effectué il y a quelques jours ne peut être envisagé comme la seule réponse aux interrogations légitimes de l’opinion publique. L’utilisation des médias publics aux fins de propagandes, l’inclusion sur les listes électorales de votants décédés, les réserves sur la tenue des opérations de vote au sein des zones rurales, la faiblesse du nombre des bureaux de vote à l’étranger ou les votations multiples observées ici et là laissent penser qu’un nouveau scrutin, plus clair, ne serait pas de trop pour asseoir la légitimité des autorités en place.

L’absence de confiance de la population moldave à l’égard des forces de l’ordre n’est pas non plus sans susciter quelques interrogations. Garantie de l’État de droit, la police moldave semble avoir privilégié un ordre particulier plutôt que l’ordre public en général. Les violences enregistrées lors des manifestations du 7 avril, le harcèlement qu’auraient subi un certain nombre de dirigeants de l’opposition ne participent pas de la nécessaire confiance entre une police et ceux qu’elle est censée protéger, au risque de générer des formes violentes de résistance. La volonté exprimée par le chef de l’État moldave, le 8 avril, de renforcer la surveillance des lycéens et étudiants ne peut qu’alimenter les craintes manifestées par une partie de l’opinion publique d’assister à une dérive autoritaire du pouvoir sur le modèle biélorusse.

Enfin, les accusations de corruption visant le pouvoir en place et la quête implicite d’une immunité de la part de certains hauts personnages de l’État ne sont pas de nature à renforcer la crédibilité du gouvernement issu des urnes.

Le Conseil de l’Europe se doit d’être vigilant face à l’évolution de la situation sur place. Nous disposons d’une palette d’outils destinés à faire respecter les valeurs en lesquelles nous croyons.

A la différence des révolutions de couleurs observées en Ukraine ou en Géorgie, il convient de souligner l’absence de réaction internationale forte face à ces événements. Ne cédons pas à la tentation de la passivité. Il en va de la crédibilité de notre Organisation. »

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC), en réponse aux différents intervenants, a de nouveau condamné les actes de violence et recommandé une enquête indépendante dans la perspective de relancer le dialogue :

« Je remercie le Commissaire aux droits de l’homme, tout juste rentré de Moldova, pour le pré-rapport qu’il a rédigé et qu’il nous présentera au cours de la prochaine session.

L’élaboration de ce présent rapport n’a pas été facile et je ne souhaite pas revenir sur les inexactitudes qui viennent d’être prononcées dans le débat. Il est difficile de penser, tout de même, que les Moldaves ont fait voter tous leurs morts ; il ne faut pas caricaturer ! De notre côté, nous avons eu la volonté d’être les plus objectifs possible. Comment affirmer, par ailleurs, que les fraudes étaient visibles alors que, pour ce qui nous concerne, nous n’avons rien vu ? Je précise par ailleurs que le président de la commission électorale de Moldova est un membre de l’opposition.

Certes, des événements regrettables sont survenus, mais de manière totalement inattendue. Nous ne souhaitons pas que de tels faits se reproduisent et nous voulons aider à l’organisation de la démocratie dans le pays. Nous travaillons avec énergie et enthousiasme. Les manifestations sont légitimes, mais tout acte de violence doit être condamné. C’est ici, au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, que nous devons tenter de définir les limites et les interdits. Nous préconisons des enquêtes afin d’établir l’exacte vérité sur les événements survenus en Moldova. Nous disons non à la violence et oui au dialogue. Nous resterons vigilants à l’avenir : que les autorités moldaves soient prévenues ! »

D. LES MISSIONS D’OBSERVATION ELECTORALE

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) s’est félicité de la bonne tenue des élections présidentielles en ex-République yougoslave de Macédoine :

« Au nom de la délégation française, je souhaite revenir sur les élections présidentielles en ex-République yougoslave de Macédoine. Le scrutin, qui s’est tenu en mars dernier, avait valeur de test pour la jeune démocratie macédonienne, moins d’un an après les violences observées lors des élections législatives de juin 2008. La bonne tenue de cette élection, telle que l’ont relevée nos observateurs, constitue une excellente nouvelle, tant elle souligne la capacité de cette jeune démocratie à franchir des caps en dépit des obstacles qui ne cessent de se dresser sur sa route.

En atteignant une forme de maturité politique, la Macédoine nous lance un message. Elle nous démontre sa capacité à intégrer le concert des nations européennes. Sans appeler à son adhésion au sein de l’Union européenne ou de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord – car ce n’est pas le rôle d’un membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – il convient néanmoins d’accorder davantage de considération à ce jeune État qui a su, en son temps, faire l’économie d’une longue et terrible guerre civile pour privilégier la discussion entre les parties qui le composent.

Un tel soutien viendrait renforcer la légitimité des accords d’Ohrid et la Constitution qui en découle. Celle-ci édicte le principe en vertu duquel les lois concernant les communautés non majoritaires sont adoptées par une double majorité du Parlement et des représentants des minorités – ce qui, selon moi, constitue une solution respectueuse des différences. Elle s’oppose, de surcroît, à la complexité du modèle bosniaque. En limitant les domaines dans lesquels ce principe s’applique, la Constitution offre aux parties en présence la possibilité de devenir une véritable nation.

Nous ne pouvons refuser de la considérer en tant que telle, en la laissant en marge des organisations continentales. En agissant de la sorte, nous semons le doute et renforçons le sentiment communautaire au détriment de l’adhésion pleine et entière à la nation macédonienne. N’en doutons pas : plus l’OTAN et l’Union européenne s’interrogeront sur l’opportunité d’intégrer la Macédoine, plus certains partis albanophones revendiqueront une extension du principe de double majorité à l’ensemble de l’activité législative.

Le scrutin d’avril est porteur d’espoir. Il doit nous inciter à dépasser la querelle archaïque autour du nom de ce jeune État. Je souhaite que les contacts entre les deux parties aboutissent le plus rapidement possible. Il nous faut en effet contrer toute frustration, mère de la radicalisation. Ce scrutin, en somme, nous oblige à avancer. »

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) a fait part à l’Assemblée parlementaire de ses réserves sur le référendum constitutionnel organisé en Azerbaïdjan le 18 mars 2009 :

« Mon intervention portera sur le référendum constitutionnel organisé en Azerbaïdjan, le 18 mars dernier. Si vingt-neuf questions différentes étaient posées aux électeurs, certaines, comme cela a été très bien dit ce midi, avaient davantage d’importance politique que d’autres.

Certains membres de notre Assemblée ont effectué à l’occasion de ce scrutin une « mission de présence » de quelques jours, au cours de laquelle ils ont visité plusieurs bureaux de vote à Bakou, sans pour autant se rendre dans le reste du pays.

Je suis navrée de ne pas partager la perception positive que notre collègue a manifestée en présentant le mémorandum de cette mission, lequel laisse selon moi transparaître un certain embarras de la part des membres de la mission. En effet, ils donnent l’impression de ne pas vouloir se prononcer vraiment et se contentent de remarques d’ordre surtout formel, évitant d’aborder le fond. Ainsi, vous avez souligné la transparence et la bonne organisation du vote, puis vous avez, de manière quelque peu énigmatique, rappelé la nécessité d’engager « d’autres réformes, pour un meilleur équilibre des pouvoirs ». Assurément, ce mémorandum ne donne guère d’indications sur les leçons que nos collègues ont tirées de ce référendum sur le fonctionnement de la démocratie en Azerbaïdjan.

Pour tirer ces leçons, il convient de consulter d’autres documents. Ainsi, on peut lire le rapport d’Amnesty International, qui rappelle les atteintes portées à la liberté d’expression, en particulier à celle des journalistes.

On peut également lire le rapport que la Commission de Venise a établi sur les amendements constitutionnels soumis à référendum, bien plus critique que le mémorandum de nos collègues ne le laisse entendre. Ainsi la Commission de Venise estime-t-elle que la suppression de la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels « pourrait apparaître comme un sérieux retour en arrière sur le chemin de l’Azerbaïdjan vers une démocratie consolidée », alors même que le président « concentre des pouvoirs étendus entre ses mains ». Rappelons en effet que le Président Aliyev a succédé à son père en 2003, avant d’être réélu en 2008 à l’issue d’un scrutin que l’OSCE a jugé non démocratique. Il pourra désormais être indéfiniment réélu.

La Commission de Venise relève également le flou des dispositions permettant de retarder les scrutins présidentiels et parlementaires en cas d’opérations militaires, alors que le pays est toujours officiellement en guerre avec l’Arménie, depuis l’occupation par celle-ci du Nagorny Karabakh. Elle s’inquiète aussi des conséquences concrètes sur la liberté de la presse qui pourraient être tirées des restrictions apportées au droit de photographier, de filmer ou d’enregistrer des personnes sans leur consentement.

Comme le note justement la Commission de Venise, le caractère démocratique d’un État doit aussi être apprécié au regard du contexte prévalant dans un pays. Or, le mémorandum laisse l’impression que nos collègues ne l’ont pas pris en considération. Dès lors, il me faut poser la question suivante : était-ce volontaire ? »

E. INTERVENTION DE MME TARJA HALONEN, PRÉSIDENTE DE LA RÉPUBLIQUE DE FINLANDE

A l’occasion de chaque partie de session, l’Assemblée parlementaire invite de hautes personnalités à venir s’exprimer devant ses membres. En ce mois d’avril 2009, la présidente de la République de Finlande, Mme Tarja Halonen, a prononcé un discours dans l’hémicycle du Palais de l’Europe avant de dialoguer avec les parlementaires :

« Je vous remercie de m’avoir invitée à Strasbourg et de me donner la possibilité de prendre la parole devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. En effet, je me sens de nouveau chez moi.

Cette année marque le 60e anniversaire du Conseil de l’Europe et le 20e anniversaire de l’adhésion de la Finlande à l’Organisation. Notre monde a changé à bien des égards au cours de ces années. Mais, comme vous l’avez dit, monsieur le Président, les principes fondamentaux, la démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit restent au cœur de nos travaux. Nous devons continuer à construire notre avenir sur la base de ces valeurs communes. Ce travail est fondamental pour l’Europe et pour le développement démocratique de l’Europe.

La Finlande s’est intéressée de longue date au Conseil de l’Europe et à ses activités. Le Parlement, les parlementaires, finlandais se sont toujours vivement intéressés à juste titre aux activités de l’Europe. L’Assemblée parlementaire est vraiment le cœur du Conseil de l’Europe. A titre personnel, j’ai toujours participé avec un grand plaisir aux activités du Conseil, tout au long de ma vie politique.

L’Europe a connu de nombreux changements après la Seconde Guerre mondiale. Le Conseil de l’Europe et sont travail ont été très précieux. Il a veillé à ce que les principes de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit soient appliqués. Le travail continue parce qu’aujourd’hui, nous sommes confrontés à de nombreux défis. La crise économique internationale nous frappe tous. Dans de nombreux pays, l’activité économique a ralenti de façon considérable et le chômage s’est accru, ce qui provoque des souffrances humaines et des instabilités sur le plan social. On ne connaît toujours pas précisément l’ampleur et l’impact de cette crise, mais nous devons nous préparer à des temps difficiles.

L’économie bien entendu doit être revitalisée de manière efficace mais aussi juste sur le plan social. Nous avons besoin d’une mondialisation équitable afin de promouvoir une croissance stable offrant des financements suffisants aux entreprises et répondant aux besoins des travailleurs. Nous devons nous rappeler que la prospérité des êtres humains va de pair avec le bien-être de la nature. Le marché ne peut pas apporter toutes les solutions. Le Conseil de l’Europe peut nous offrir les outils utiles pour répondre aux défis d’aujourd’hui. Nous devons conserver présents à l’esprit les droits de l’homme et œuvrer pour le respect des principes et des valeurs que nous partageons. Une stratégie fondée sur les droits de l’homme apportera des solutions plus équitables et durables.

La Convention européenne des Droits de l’Homme et la Cour européenne des Droits de l’Homme sont le vaisseau amiral du Conseil. Je suis persuadée que la Cour doit pouvoir bien faire son travail et je suis convaincue de l’importance du 14ème protocole à la Convention européenne des Droits de l’Homme. De plus, nous devons nous rappeler qu’une bonne mise en œuvre de la Convention européenne des Droits de l’Homme au niveau local et national est meilleure pour tous.

Pour assurer le renforcement de la démocratie et des droits de l’homme, il convient de veiller au respect des engagements pris par les États membres. A l’heure actuelle, l’Assemblée parlementaire mène des enquêtes de suivi publiques et spécifiques de nouveaux États membres. A mon sens l’extension de cette procédure de suivi par l’Assemblée parlementaire à tous les États membres du Conseil de l’Europe mériterait d’être étudiée. Il conviendrait de se demander si les processus visent au respect des droits de l’homme ne doivent pas être considérés comme un encouragement plutôt que comme une punition.

La Finlande a participé activement à la mise en place du Bureau du commissaire aux droits de l’homme et nous sommes satisfaits des résultats obtenus. Tant le commissaire Gil Robles que le commissaire Hammarberg ont fait un excellent travail afin de promouvoir une prise de conscience en matière de droits de l’homme et de veiller au respect des droits de l’homme. Récemment le commissaire Hammarberg a joué un rôle actif en matière de respect des droits de l’homme lors de la crise en Géorgie, l’année dernière. J’encourage toutes les parties à mettre en œuvre les six principes en question.

J’ai eu l’honneur d’organiser, le mois dernier en Monrovia, en coopération avec la Présidente du Libéria, Mme Ellen Johnson Sirleaf, le colloque international sur l'autonomisation des femmes, le développement des capacités d'encadrement, la paix internationale et la sécurité. Ce colloque a lancé un message fort sur la nécessité de pleinement mettre en œuvre la résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité. Le Conseil de l’Europe a un rôle à jouer dans la mise en œuvre de cette résolution. Tous les États membres devraient désormais adopter maintenant un plan d’action national pour soutenir ce travail. Nous devons tous fermement condamner les violences sexuelles lors des conflits et faire respecter les droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles. Je propose à nouveau que le viol systématique lors des conflits armés soit classé comme une arme de guerre.

La violence contre les femmes constitue, en toutes circonstances, une violation des droits de l’être humain. Lors du Sommet de Varsovie en 2005, nous étions convenus de mener une campagne paneuropéenne pour lutter contre les violences faites aux femmes, y compris les violences domestiques. Je suis ravie que cette campagne ait débouché sur l’élaboration d’un projet de convention.

Les enfants ont besoin d’une protection sociale. Nous devons prendre des mesures très fermes pour éliminer toute forme de violence à leur encontre. Il est fondamental que les États membres ratifient et mettent en œuvre les instruments juridiques pertinents pour combattre les sévices et l’exploitation sexuelle des enfants, la traite des enfants et toutes les pratiques qui leur portent préjudice. Tous les enfants doivent avoir droit à un niveau de vie suffisant, à une protection sociale, à l’éducation, en d’autres termes à une enfance normale. Dans cet esprit, il convient de veiller à ce que les enfants de migrants aient accès à l’éducation.

La démocratie se fonde sur l’égalité entre les peuples. La Finlande accorde une attention particulière aux droits des minorités. L’un de nos objectifs est de renforcer les droits des Roms. Je me réjouis que le Forum européen des Roms et des gens du voyage se soit transformé en projet commun. Ce Forum peut jouer un rôle précieux quand il s’agit de faire entendre la voix des Roms pour des projets qui les concernent directement. Les Roms ont besoin de notre soutien et de notre coopération. Nous sommes tous, ensemble, des Européens.

Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, il est crucial de promouvoir le dialogue interculturel. Nos sociétés étant de plus en plus multiculturelles, leur développement pacifique dépend de la tolérance et du respect que se marquent les différentes communautés, ethniques, culturelles et religieuses, qui les composent. Je me réjouis à cet égard des progrès réalisés grâce à l’initiative de l’Alliance des civilisations.

Monsieur le Président, au cours des soixante dernières années, le Conseil de l’Europe a contribué d’une façon impressionnante à faire de l’Europe un continent de démocratie, des droits de l’homme et d’État de droit. Il a mis en place un excellent réseau de coopération avec l’Union européenne, l’OSCE et les Nations Unies.

Je vous encourage à poursuivre vos efforts et je vous promets mon soutien le plus sincère. »

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) a questionné Mme Halonen sur le redressement économique de la Finlande à la fin des années 1990 :

« Beaucoup l’ont sans doute oublié, mais la Finlande a connu, entre 1991 et 1994, la plus grave crise économique de son histoire, du fait de la conjonction de trois phénomènes : l’effondrement de l’URSS, qui absorbait plus du quart du commerce finlandais à l’époque, la récession de l’économie européenne consécutive à la réunification allemande et l’éclatement d’une « bulle de consommation ».

La Finlande est alors passée au bord de la faillite : sa dette publique a explosé, passant de 10 % à 65 %, son taux de chômage a plus que quadruplé et son taux de croissance a perdu 12 points en un an. Pourtant, l’économie finlandaise s’est rapidement redressée à partir de 1997. Je souhaitais donc connaître les « recettes » que la Finlande avait appliquées à l’époque. Elles pourraient en effet être méditées pour voir comment sortir de la grave crise économique actuelle. »

Mme Tarja Halonen :

« Il est vrai que l’on s’est posé à nouveau la question récemment. On cherche toujours à tirer des enseignements du passé. La situation au début des années 90 était bien celle que vous avez décrite. Elle était très mauvaise avec une augmentation du chômage, une crise financière et économique. Nous avons beaucoup investi dans les entreprises, et pris des mesures pour amortir le choc. Actuellement, nous vivons une crise financière mondiale et nous ne sommes pas totalement maîtres du jeu, ni en Finlande ni ailleurs en Europe. Il convient maintenant d’appliquer à nouveau les bonnes formules du passé et d’investir dans l’avenir.

Il est vrai que dans les années 90, nous dépendions beaucoup de la seule industrie du papier. En cette période de vaches très maigres, nous avons décidé de redéployer une partie des investissements vers l’industrie de l’informatique et des télécommunications. Tout le monde connaît Nokia grâce à ces investissements, nous étions donc prêts, au moment où l’embellie est apparue sur le front économique. Durant les périodes difficiles, il convient de mettre en place non seulement une stratégie de survie, mais aussi une stratégie qui prépare l’avenir de façon à être prêt pour la reprise. Il convient donc de miser d’abord sur l’éducation et encore sur l’éducation mais aussi mettre en place des partenariats publics et privés et faire travailler ensemble l’État et les entreprises.

Cela dit, nous ne sommes plus dans les années 90 et il convient de prendre en compte la situation internationale. Nous espérons que la situation s’améliorera aux États-Unis car l’économie américaine pèse très lourd. Nous devrions pouvoir, avec les Américains, mettre en œuvre des mesures permettant un redressement financier et économique mondial. Il conviendra en outre de réformer profondément les mécanismes financiers dans le monde pour éviter que pareille situation ne se reproduise. Il faudra du temps, mais je crois que les dirigeants du monde ont pris conscience de la gravité de la situation et de la nécessité de travailler ensemble. Au plan national comme au plan international, nous avons besoin de coopération. Je le répète au-delà de la survie, il convient de préparer l’avenir. »

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a évoqué le faible taux de la population carcérale en Finlande :

« Madame la Présidente, je suis ravie de vous revoir dans notre enceinte.

Dans votre pays, le taux de la population carcérale est le plus bas d’Europe. Aux alentours des années 70, il était l’un des plus élevés d’Europe. Comment et dans quel contexte êtes-vous parvenus à ce résultat ? Comment avez-vous réussi à vider en partie les prisons sans que le taux de la criminalité n’augmente ? »

Mme Tarja Halonen :

« C’est une question intéressante à laquelle le ministre finlandais de la justice aurait pu vous apporter une réponse très complète.

Selon moi, la question est de savoir ce qu’il faut faire lorsque des personnes ne respectent pas l’ordre public ou les règles de la société. L’incarcération doit être le dernier recours car la prison doit être un lieu où l’on ne séjourne qu’une fois. Mais nous savons que 78 % des personnes qui ont été emprisonnées une fois y reviennent. C’est pourquoi nous avons essayé, comme d’autres pays nordiques, de définir des méthodes pour éviter de recourir automatiquement à l’incarcération. Les chiffres montrent, il est vrai, qu’il y a eu un progrès. Nous avons réfléchi à d’autres options, comme les services à la communauté. Pour les infractions mineures, des délinquants effectuent, sous le contrôle des autorités, un certain nombre d’heures au service de la société, à la place d’une peine de prison. Nous avons aussi fait en sorte que les tribunaux prononcent des peines beaucoup plus courtes. Ces mesures ont été utiles pour certains délinquants. Nous cherchons également à mettre en place des systèmes plus ouverts car il existe des personnes qui se comportent bien en prison mais qui, sitôt libérées retombent dans leurs travers. C’est un des problèmes de l’emprisonnement.

Pour sa part, le Conseil de l’Europe pourrait aussi proposer, sous l’angle social, des mesures dans ce domaine car les institutions internationales ont leur mot à dire. De même, il conviendrait de renforcer la coopération entre les ministères de la justice en vue d’étudier la situation des récidivistes et des criminels qui se rendent coupables de trafics, de traite d’êtres humains ou d’autres crimes graves. Mais il n’y a pas de recettes magiques dans ce domaine. Je vous remercie vivement, Mme Durieux, des compliments que vous avez adressés à mon pays. Nous attendons beaucoup des débats futurs dans ce domaine. »

F. INTERVENTION DE M. JOSÉ LUIS RODRIGUEZ ZAPATERO, PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

M. José Luis Rodriguez Zapatero est intervenu devant les membres de l’Assemblée parlementaire car il préside le gouvernement espagnol et, comme Mme Tarja Halonen, il est une personnalité éminente sur la scène politique internationale. Il a également été convié à s’exprimer dans l’hémicycle du Palais de l’Europe car son pays préside le Comité des ministres du Conseil de l’Europe au cours du premier semestre de l’année 2009 :

« C’est pour moi une grande satisfaction d’intervenir dans cette Assemblée parlementaire, au moment où, d’une part, l’Espagne détient la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et, d’autre part, parce que c’est aussi un compatriote, le sénateur M. de Puig, que je désire remercier pour son aimable invitation, qui préside cet organe parlementaire.

Nous tous, qui partageons la responsabilité de faire avancer le projet européen, qui consiste à protéger l’État de droit et les droits humains, nous ne pouvons ignorer la valeur historique de cette Assemblée et le rôle indispensable qu’elle jouera à l’avenir. Le mandat de représentation que vous avez reçu de vos citoyens et la vocation européenne qui vous pousse à vous déplacer jusqu’à Strasbourg symbolise parfaitement l’adhésion de l’Europe aux valeurs démocratiques.

Le grand anniversaire que nous fêtons cette année, les 60 ans du Conseil de l’Europe, nous donne matière à réflexion. C’est un moment clé pour notre progression comme communauté de valeurs et de dialogue politique. C’est le moment de dresser un bilan, d’envisager l’avenir et de nous adapter aux nouvelles réalités.

Les citoyens européens attendent de nous que nous sachions déterminer quel doit être le rôle du Conseil de l’Europe dans un monde globalisé et multipolaire ; il nous incombe d’identifier quelles sont les méthodes et la structure institutionnelle les plus efficaces pour la défense des droits de l’homme, la démocratie et les systèmes basés sur l’État de droit – seul à même de protéger les droits humains. Je tiens à vous dire d’emblée que, face aux nouveaux défis mondiaux, il n’y a aucune autre alternative que de construire un multilatéralisme, qui soit vrai et efficace.

La Présidence espagnole du Comité des Ministres donnera son feu vert à l’adoption d’une déclaration à l’occasion de la session ministérielle qui aura lieu le mois prochain à Madrid, lors de laquelle nous commémorerons le 60e anniversaire du Conseil de l’Europe.

Nous vivons en effet un moment historique dans la construction politique européenne. On ne peut pas construire une vraie citoyenneté européenne sans développer les différents domaines dont le fonctionnement commun a été rendu possible par le patrimoine du Conseil de l’Europe. J’irai même jusqu’à dire qu’un processus politique n’a aucun sens s’il ne s’appuie pas sur une communauté de valeurs, telles que celles que défend le Conseil de l’Europe. Il nous revient aujourd’hui de trouver la méthode la plus adéquate pour que les institutions du Conseil de l’Europe s’acquittent au mieux de leur mission et parviennent à asseoir ses valeurs comme base indéniable de toute action politique.

Je voudrais insister aujourd’hui sur le fait que cette mission requiert une perspective dynamique, car la défense des droits de l’homme est confrontée à de nouveaux défis et doit tenir compte des nouvelles réalités. Il est donc nécessaire de déterminer à tout moment quelles seront les tâches fondamentales du Conseil de l’Europe pour faire face aux nouveaux changements qui nous attendent.

La situation actuelle exige maintenant un travail incessant sur deux fronts : d’une part, la consolidation des processus démocratiques et des institutions qui restent encore fragiles, qui va de pair avec une surveillance constante du respect des droits fondamentaux dans tous les États membres d’autre part, l’extension des nouveaux droits de l’homme qu’exige le cheminement démocratique.

Les citoyens que nous représentons sont de plus en plus hétérogènes, nos sociétés de plus en plus multiculturelles. Dès lors, la liberté de tous les citoyens exige de nous un effort dans la conception de politiques actives et innovatrices d’intégration sociale, capables de transformer nos sociétés et d’éliminer toutes les barrières de l’intolérance et de la discrimination.

La nouvelle conception des droits de l’homme implique de reconnaître avec détermination non seulement le pluralisme politique, mais aussi le pluralisme social dans tous les domaines, qu’il s’agisse de la culture, de l’orientation sexuelle, des convictions ou des modes de vie. Ce travail de progrès requiert une direction ferme et déterminée, capable d’anticiper les besoins sociaux en introduisant les changements par le compromis politique, dans une action coordonnée où la coopération internationale est essentielle. La Convention de Rome est probablement le modèle de ce pouvoir de transformation des instruments internationaux en matière de droits de l’homme.

Cette année, nous célébrons aussi le cinquantenaire de la fondation de la Cour européenne des droits de l’homme – l’instrument le plus perfectionné de la communauté internationale pour la défense des droits fondamentaux, et je tiens à lui rendre hommage. Si j’ai évoqué le sens emblématique de votre Assemblée, je dois y ajouter que la Cour est également un symbole de l’Europe, un symbole d’espoir qui apporte une garantie aux citoyens, un signe précieux d’identité et de légitimation qui veille sur leur liberté et qui les encourage à croire en l’avenir. Entre autres défis concrets et importants que se lancent les pays membres du Conseil de l’Europe et tous ceux qui sont impliqués dans la bonne marche de cette Organisation, le plus important est sans doute de s’assurer que cette Cour européenne des droits de l’homme puisse poursuivre son œuvre à long terme avec l’efficacité qui est attendue d’une institution qui a autant de prestige et qui inspire le respect qu’elle a acquis au fil de ces cinquante dernières années.

Messieurs les Parlementaires, voici un peu plus de trente ans que l’Espagne s’est ouverte à la démocratie et est devenue membre de cette institution. Son adhésion a contribué à tracer sa voie vers un État de droit et de liberté ; depuis, l’Espagne est devenue l’un des centres névralgiques de l’Europe démocratique. Je suis intimement convaincu que les chemins de la liberté dévoilent toujours de nouveaux objectifs. Il faut savoir étendre les droits et l’égalité des chances de tous les citoyens quels qu’ils soient, et construire une société dans laquelle une place est réservée à chacun : telle est la tâche qui donne sens à notre action politique.

J’ajoute que, pendant l’exercice de mon mandat, les mesures concrètes de cette action ont suivi les orientations données par le Conseil de l’Europe et d’autres organismes internationaux, et tout particulièrement celles des Nations Unies. Ainsi, l’approbation par le gouvernement espagnol d’un plan de défense des droits de l’homme, élaboré suite à un intense dialogue avec la société civile, qui a été présenté aux Nations Unies à l’occasion du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, permettra à l’avenir de mener une action de suivi continue et harmonieuse des principales menaces de violation des droits fondamentaux.

Nous avons aussi beaucoup œuvré en faveur de l’abolition de la peine de mort. C’est pour moi une grande satisfaction que de savoir qu’aujourd’hui presque tous les pays membres de notre Organisation l’ont abolie, et que ceux qui ne l’ont pas encore fait appliquent un moratoire indéfini. Comme vous le savez, l’Assemblée Générale de l’ONU a ratifié, en 2008, et pour la deuxième année consécutive, une Résolution dans laquelle plus de cent pays ont approuvé l’idée d’un moratoire universel sur la peine de mort. Le Gouvernement espagnol souhaite créer une commission internationale qui veille à ce que l’abolition universelle de la peine de mort devienne réalité, d’abord par le biais d’un moratoire sur les exécutions, effectif à partir de 2015, puis grâce à un accord global afin que, de façon concluante et définitive et dans aucun pays du monde, la peine de mort ne soit appliquée à des mineurs ou à des personnes ayant commis des crimes quand elles étaient encore mineures, et étendre cette interdiction aux personnes handicapées mentales. Au cours du premier semestre 2010, à l’occasion de la présidence espagnole de l’Union européenne, nous intensifierons les négociations pour obtenir le plus large soutien possible en faveur d’une troisième résolution sur la peine de mort, qui sera présentée devant l’Assemblée Générale des Nations Unies à l’automne 2010.

De même, nous avons travaillé à l’élaboration d’un plan mondial contre la traite des êtres humains, qui constitue une autre grande étape que le Gouvernement espagnol a franchie sur la voie du respect des droits de l’homme. Vous le savez : la parité et l’égalité entre les sexes, le combat contre des stéréotypes sociaux réducteurs ont également été des fils directeurs de nos propositions législatives. La loi contre la violence domestique, adoptée par le Parlement espagnol, permet désormais de mieux lutter contre cette expression brutale et intolérable de la domination machiste ; c’est une mesure essentielle que nous souhaitons voir appuyée par des instruments internationaux, qui étendraient notre effort à tout le continent. C’est pourquoi la présidence espagnole mettra tout en œuvre pour élaborer une Convention du Conseil de l’Europe sur la violence contre les femmes.

Récemment, le Commissaire aux droits de l’homme, Thomas Hammarberg insistait, à l’occasion de son communiqué bimensuel, sur l’importance que les droits de l’homme doivent avoir sur la politique extérieure des États et réaffirmait que dans un tel contexte, la Coopération au Développement, comprise comme moyen de lutte contre la pauvreté, est beaucoup plus efficace que les sanctions. Je partage totalement son point de vue.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement espagnol a tout fait pour aider au développement. L’Espagne a multiplié au cours des quatre dernières années son aide publique au développement pour atteindre une part de 0,5% de notre PIB. L’année dernière, l’Espagne a augmenté sa contribution à l’aide publique au développement de 19,4%, et ce malgré, ou plutôt et à plus forte raison, du fait du contexte de la crise financière mondiale. Nous sommes convaincus que le travail des organismes multilatéraux ne doit pas être soumis à d’autres influences ou à d’autres intérêts. Nous avons tout fait aussi pour consolider les instruments de multilatéralisme permettant de faire face à des problèmes planétaires. Un de nos alliés principal dans l’ouverture et la transformation positive de nos sociétés doit être précisément cette dimension multilatérale.

La pauvreté, la misère extrême est, en revanche, le complice principal du retard qui frappe les sociétés. C’est aussi l’allié le plus fort des violations des droits de l’homme, et, souvent, tout particulièrement des femmes, dans le monde entier. C’est la raison pour laquelle les Objectifs du Millenium sont des objectifs que nous devons atteindre impérativement. Ils sont l’expression concrète de la solidarité qu’exigent de nous la démocratie et la défense des droits de l’homme. Lutter contre la pauvreté, ce n’est pas seulement s’acquitter d’une obligation morale, c’est un exercice de responsabilité politique ultime, historique.

L’exigence de solidarité nous amène aussi à présenter un front uni contre une des violations les plus extrêmes de la dignité humaine et de la vie en collectivité : le terrorisme aveugle, assassin et lâche qui constitue la menace la plus grande à la coexistence pacifique et libre sur l’ensemble de la planète. Personne n’est exclu de l’obligation qui nous incombe de lutter contre le terrorisme. Personne ne peut se voiler la face quant aux causes qui produisent ce fléau. La lutte contre le terrorisme et notre contribution aux efforts que déploie la communauté internationale en la matière sont une priorité essentielle pour mon gouvernement.

Je voudrais ici reconnaître publiquement le travail d’avant-garde que le Conseil de l’Europe accomplit et continue d’accomplir en la matière, en particulier en matière de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de lutte contre le terrorisme. Ce sont là autant de valeurs que l’Espagne défend et estime comme étant une démarche fondamentale.

L’œuvre du Conseil de l’Europe nous a été essentielle pour l’obtention d’un fort cadre réglementaire de protection des droits de l’homme, pour une plus grande prise de conscience des droits des victimes et de leur famille. Nous avons adopté une Convention d’importance capitale pour la prévention du terrorisme. La convocation à Madrid, à l’occasion de la Séance ministérielle du 12 mai, de la première Conférence des États ayant signé ou ratifié cette Convention donnera certainement une impulsion pour une meilleure application.

Il y a un autre domaine dans lequel le Conseil de l’Europe œuvre de façon utile : il s’agit du développement des pouvoirs locaux et régionaux. Trouver le chemin vers une parfaite autonomie est une autre façon de favoriser le pluralisme dans l’intérêt des administrés. Il sera possible de résoudre les difficultés techniques existantes par le truchement des organismes internationaux qui pourront transmettre l’expérience acquise.

Mesdames, messieurs les Parlementaires, j’en viens maintenant à la crise économique et financière que nous traversons. Un développement financier et économique, opaque à tout contrôle démocratique, qui passe les frontières nationales sans contrôle satisfaisant des répercussions sociales que cette crise entraîne, nous amène irrévocablement aux conséquences que nous vivons aujourd’hui. Et c’est là une des nouvelles frontières à laquelle se heurte la démocratie, et à laquelle nous devons adapter nos institutions et les organisations internationales en place.

Cette crise est certainement une période difficile pour beaucoup de gens et nous devons répondre à leurs besoins les plus urgents. Je veux m’engager aujourd’hui et vous demande de vous engager avec moi dans le sens d’une aide envers les plus faibles, les plus vulnérables de la société, tout particulièrement ceux qui ont perdu leur emploi.

Si nous analysons les racines de la crise, nous ne devons pas pour autant en négliger les conséquences sociales et les effets sur les droits fondamentaux. Dans quelle mesure les efforts que nous consentons pour la contrecarrer sont-ils efficaces ?

Toute crise est l’antichambre d’un changement. Si nous savons prendre les bonnes décisions au niveau des gouvernements et des organisations internationales, nous pourrons à l’issue de la crise ouvrir une phase de reprise positive. Cela peut être l’occasion de démontrer jusqu’à quel point notre choix en matière de modèle social permet de trouver des solutions novatrices créatives pour maintenir la cohésion et mettre en œuvre la solidarité. Je pense en particulier à un changement qui s’impose, celui du modèle énergétique qui peut accompagner et même favoriser la reprise économique en permettant la mise en place d’un développement durable et solidaire avec les générations futures.

Mesdames, messieurs les Parlementaires, en 2007, l’Espagne détenait la Présidence de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, l’OSCE, et pendant le premier semestre de l’année prochaine, elle détiendra la Présidence de l’Union Européenne. Je dois vous dire que des principes communs ont guidé et vont orienter l’action du gouvernement espagnol dans l’exercice de ces responsabilités. Ce sont ces mêmes principes qui ont caractérisé la Présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, depuis le 27 novembre dernier. Il s’agit de tout faire pour favoriser une harmonie parfaite dans le fonctionnement des différentes institutions européennes grâce, j’en suis convaincu, à la conscience commune que le développement politique et économique de l’Europe ainsi que la transformation de nos sociétés doivent toujours être inspirés par une vision progressiste des droits de l’homme.

Mais le processus que nous vivons au sein du Conseil de l’Europe et sur l’ensemble de notre continent en général ne peut en aucun cas se faire en vase clos. Nous avons une responsabilité éthique envers la communauté internationale et tout particulièrement une responsabilité de coopération, de collaboration et de dialogue avec nos voisins, qu’il s’agisse des pays de la frontière Est de notre Organisation, de nos voisins les plus proches du Sud de la Méditerranée ou des voisins situés de l’autre côté de l’océan atlantique. Nous devons construire des ponts entre les différentes cultures, entre les différentes visions, politiques et expériences. Le dialogue culturel n’est pas une tâche étrangère aux droits de l’homme. C’est un engagement important dans le travail du Conseil de l’Europe.

Cette vision est à la base de l’initiative mondiale intitulée « L’Alliance des Civilisations » ; l’Espagne en est le fer de lance et le Conseil de l’Europe collabore étroitement à ce travail. «  L’Alliance des Civilisations » constitue un forum privilégié pour empêcher que de nouveaux murs ne se dressent, pour éviter que les identités ne se construisent par l’affrontement au lieu de chercher à s’enrichir mutuellement.

Nous avons devant nous un immense champ d’action pour le Conseil de l’Europe. Nous devons regarder en direction de l’avenir et pour cela prendre appui sur une histoire de dignité, l’histoire de l’Europe. Cette histoire a été écrite ici, dans cette enceinte, par les Pères fondateurs de cet idéal européen en faveur de la paix, des droits de l’homme et de l’État de droit. Cette lutte pour la démocratie et les droits de l’homme ne s’arrêtera jamais. Il y aura toujours du terrain à gagner pour que les droits de l’homme puissent s’épanouir totalement. Il y aura toujours de nouveaux droits qu’il faudra défendre de façon efficace. L’Europe est synonyme de principes, de valeurs qui permettent de gérer la coexistence entre les êtres humains de façon démocratique, libre, égalitaire, qui permettent de faire passer avant tout intérêt la notion de la dignité de chacun et de tous. Le Conseil de l’Europe a contribué et contribue de façon décisive à l’avenir de cet idéal européen, qui a toujours été défendu par l’humanité.

Cela a permis de regrouper les différents drapeaux et les différentes langues pour travailler ensemble et avancer d’un même pas.

Au nom du gouvernement espagnol, au nom de l’Espagne démocratique, au nom d’un pays qui a une grande dette envers le Conseil de l’Europe car celui-ci a aidé l’Espagne à se consolider comme pays libre, je tiens à vous remercier de votre aide. Je le fais au nom de tous mes compatriotes. Il faut que les idéaux du Conseil de l’Europe parviennent aux confins du monde et que nous puissions continuer à écrire des pages de l’Histoire marquées au coin de la dignité. »

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) a évoqué la question de l’abolition de la peine de la peine de mort :

« L’Espagne entend promouvoir l’abolition définitive de la peine de mort dans l’espace européen, et plaider pour que d’autres organisations internationales fassent de l’abolition, ou du moins du moratoire, une condition d’adhésion. Il s’agit d’un objectif ambitieux, car si les États membres du Conseil de l’Europe sont exemplaires en la matière, la situation est loin d’être satisfaisante dans le reste du monde. Je pense bien entendu à la Chine, à l’Iran, à l’Arabie saoudite, à nombre de pays africains, mais aussi aux États-Unis.

Je sais que vous êtes personnellement très attaché à cette question et que vous militez pour la création d’une commission internationale pour l’abolition de la peine de mort. Une première étape est prévue pour 2010. A quel horizon pensez-vous raisonnablement atteindre votre noble objectif ? »

M. José Luis Rodriguez Zapatero :

« Je suis convaincu que l’humanité verra disparaître la peine capitale d’ici une ou deux générations. Au fil du temps, le genre humain a su mettre en place des systèmes juridiques rationnels qui respectent pleinement les droits de l’homme. Une véritable offensive, partie de divers pays et de diverses instances, a été lancée vers les pays encore réticents pour qu’ils abolissent la peine de mort. En Espagne, nous avons travaillé sur tous les fronts – les organisations internationales, les pays à titre individuel – pour que la convention internationale, assortie des exceptions que j’ai citées, les mineurs et les handicapés mentaux, parvienne d’ici à 2015 à mettre en place la moratoire.

Je suis intimement convaincu que nous y parviendrons. J’ai la force de la détermination dans ce domaine. Je suis convaincu que si le Conseil de l’Europe et tous les États membres poussent à la roue dans la même direction, la peine de mort sera progressivement éradiquée. Je vous assure que dans mon dialogue politique, et je le ferai lorsque j’assurerai la présidence de l’Union européenne, j’insisterai toujours pour que les divers pays réfléchissent au dossier concernant la peine de mort.

J’insisterai toujours pour que l’on réfléchisse au dossier de la peine de mort. Nous voyons pointer à l’horizon son éradication. Ce sera une grande victoire pour les droits de l’homme et une grande victoire pour l’humanité tout entière. »

IV. LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME : LES NOUVEAUX DÉFIS À RELEVER

A. LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME EN CAS D’ÉTAT D’URGENCE

L’article 15 de la Convention européenne des doits de l’homme prévoit et encadre le recours à la déclaration de l’état d’urgence. Cependant, l’Assemblée parlementaire stipule dans sa résolution 1659 que les mesures d’urgence ne doivent pas outrepasser ce qu’exige strictement la situation et ne doivent pas être en contradiction avec les autres obligations de l’Etat découlant du droit international.

L’Assemblée précise que le recours à l’état d’urgence doit être utilisé avec la plus grande précaution et uniquement en dernier ressort et ne doit pas devenir un prétexte pour restreindre indûment l’exercice des droits fondamentaux.

Face aux insuffisances de la législation de certains Etats membres du Conseil de l’Europe, les parlementaires considèrent qu’il est nécessaire de revoir les règles d’engagement des forces de sécurité dans tous les pays du Conseil de l’Europe. L’Assemblée souhaite également renforcer la surveillance sur les états d’urgence déclarés par l’intervention directe du Secrétaire général et du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

Dans son propos, Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a détaillé la procédure française de recours à l’état d’urgence, respectueuse des critères du Conseil de l’Europe :

« Je féliciterai d’abord M. Haibach pour la grande qualité et le caractère équilibré de son rapport. Notre collègue a su allier qualités du juriste et exigences du défenseur des droits de l’Homme.

Ce rapport pose une question qui n’est pas nouvelle, mais qui ne reçoit presque jamais de réponse satisfaisante, celle de la façon dont l’exercice des libertés publiques peut être concilié avec la nécessaire protection de la société, en particulier dans des circonstances exceptionnelles. Dans ses considérations sur le gouvernement de Pologne, en 1770, Jean-Jacques Rousseau estimait que « Tout État libre où les grandes crises n’ont pas été prévues est à chaque orage en danger de péril ».

Tel est l’objet de l’état d’urgence. Le rapport met en évidence les insuffisances de la législation de certains États membres du Conseil de l’Europe, même si, fort heureusement, aucun ne connaît la situation de l’Égypte, par exemple, où l’état d’urgence, en vigueur de façon ininterrompue depuis l’assassinat du Président Sadate, en 1981, est devenu une institution permettant de commettre les violations des droits humains les plus variées.

En France, l’état d’urgence peut, aux termes de la loi du 3 avril 1955, être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ou des départements d’outre-mer, dans deux hypothèses : soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamités publiques.

L’état d’urgence est déclaré par décret pris en conseil des ministres. Sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par une loi, qui fixe la durée définitive de son application.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le texte portant prorogation de l’état d’urgence est caduc à l’issue d’un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du gouvernement ou de dissolution de l’Assemblée nationale.

L’état d’urgence a été déclaré à plusieurs reprises en France, le plus souvent à l’époque de la guerre d’Algérie, qui avait d’ailleurs conduit les autorités françaises de l’époque à instituer cette législation d’exception. Il a également été déclaré en 1985 en Nouvelle-Calédonie, puis, plus récemment, à l’automne et à l’hiver 2005, du fait de violences urbaines d’une ampleur considérable, qui touchaient plus de 300 communes.

Concrètement, conformément à la loi du 18 novembre 2005, l’état d’urgence a été appliqué du 21 novembre 2005 au 4 janvier 2006, soit moins que le délai de trois mois initialement fixé. Les mesures les plus sévères qui auraient pu être mises en œuvre, telles que les perquisitions nocturnes hors procédure judiciaire ou le contrôle de la presse, ne l’ont finalement pas été.

Il me semble donc que la législation française relative à l’état d’urgence respecte les garanties demandées par le projet de résolution qui nous est soumis, tendant à la limitation claire de la durée de tout état d’urgence, au contrôle législatif et au contrôle juridictionnel. À cet égard, en effet, le Conseil d’État, saisi d’une demande de suspension de ce régime d’exception, a jugé, le 9 décembre 2005, que, bien que les circonstances aient sensiblement évolué, le maintien de l’état d’urgence n’était pas entaché d’une illégalité manifeste. De plus, le gouvernement français avait informé le Secrétaire général du Conseil de l’Europe des mesures prises au titre de l’état d’urgence.

La déclaration de l’état d’urgence, exceptionnelle par essence, pose véritablement problème dans les États dont le caractère démocratique n’est pas ou insuffisamment affirmé. Le rapport note avec raison que seules des autorités démocratiques, impliquant l’existence d’une justice indépendante, permettront d’empêcher les abus en situation d’état d’urgence. C’est la raison pour laquelle il paraît vain de souhaiter des forces de l’ordre « responsables » tant que les autorités politiques dont elles tiennent leurs instructions ne seront pas véritablement démocratiques. Nous l’avons encore entendu dans le débat précédent. »

B. LA SITUATION DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME DANS LES ÉTATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE

L’Assemblée parlementaire déplore que dans certains pays membres du Conseil de l’Europe, les défenseurs des droits de l’homme doivent parfois faire face à un environnement difficile et à de nombreux obstacles et restrictions. Dans certains cas, les défenseurs des droits de l’homme sont victimes d’arrestations et de détentions arbitraires, de procès inéquitables, leurs entourages sont également visés. Les défenseurs des droits de l’homme sont parfois enlevés, voire assassinés.

Afin d’assurer une meilleure protection aux défenseurs des droits de l’homme, l’Assemblée se félicite du rôle et de la compétence renforcés du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

Elle souligne également toute l’importance de la responsabilité des parlementaires dans la mise en place d’un environnement politique et légal favorable aux défenseurs des droits de l’homme. Dans cette perspective, l’Assemblée a adopté la résolution 1660 et la recommandation 1866.

M. Michel Hunault (Loire-Atlantique – NC) intervenant au nom du groupe GDE, a notamment proposé de définir des critères objectifs afin d’évaluer la situation des droits de l’homme dans les 47 pays membres du Conseil de l’Europe :

« Je félicite M. Haibach pour son excellent rapport et je me réjouis que l’Assemblée ait ce débat en séance plénière, débat qui fait suite aux auditions d’ONG auxquelles a procédé la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

On ne dira jamais assez combien les défenseurs des droits de l’homme jouent un rôle essentiel dans l’instauration et le renforcement de l’État de droit. Le rapport a plusieurs mérites. D’abord, celui de montrer les difficultés auxquelles ces hommes et ces femmes se heurtent au quotidien. Ensuite, celui de proposer un certain nombre de mesures concrètes pour les soutenir et les protéger.

Avant d’évoquer ces mesures, je voudrais que nous ayons une pensée pour tous ceux, hommes ou femmes, qui ont été assassinés parce qu’ils défendaient les droits de l’homme. Nous avons tous le souvenir d’Anna Politkovskaya, assassinée à Moscou. Bien d’autres, hélas, ont trouvé la mort au bout de leur lutte, et parmi eux beaucoup de journalistes.

Le rapport propose - et c’est une piste qui est soutenue par le Comité des Ministres - de donner plus de pouvoirs au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Je suggère pour ma part qu’en vue de son audition annuelle dans cette enceinte, nous travaillions à des critères qui permettent d’évaluer objectivement la situation des droits de l’homme dans les 47 pays membres du Conseil de l’Europe. Nous devons pouvoir mesurer les atteintes faites à ces droits, notamment en ce qui concerne les minorités.

En 1998, l’Assemblée générale des Nations Unies avait reconnu le rôle crucial joué par les défenseurs des droits de l’homme. Je crois que nous avons intérêt à travailler de concert avec elle. Nous sommes ici unis par une certaine conception de notre rôle. Comme l’a dit M. Haibach, ce rapport ne doit pas rester qu’une déclaration mais doit au contraire appeler chacun d’entre nous à la vigilance pour dénoncer, partout où elles se produisent, les atteintes aux droits de l’homme et pour améliorer sans cesse les mécanismes de contrôle et de sanction.

J’adresse une nouvelle fois mes félicitations au rapporteur et aux membres de la commission. »

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP), qui s’est exprimée au nom du groupe PPE/DC, a souligné l’urgente nécessité d’agir. Dans une perspective d’efficacité, elle a proposé la mise en place d’un dispositif de sanctions graduées :

« L’excellent rapport de notre collègue Holger Haibach pointe avec justesse les difficultés que peuvent rencontrer les défenseurs des droits de l’homme au sein d’États pourtant enclins à favoriser leur mission, puisque membres du Conseil de l’Europe. Il fallait, monsieur le rapporteur, oser le dire, et je vous en remercie. Il s’agit, une nouvelle fois, d’une manifestation tangible du décalage observé chez certains d’entre nous, hélas, entre l’adhésion supposée aux valeurs fondamentales que représente notre institution et la mise en pratique sur le terrain de celles-ci.

La question des défenseurs des droits de l’homme n’est pas anodine. Il convient d’envisager leur rôle comme celui de véritables ambassadeurs de notre message, déclinaisons nationales du commissaire aux droits de l’homme. Dès lors, comment tolérer qu’ils puissent rencontrer la moindre difficulté dans l’exercice de leurs prérogatives ? Comment pouvons-nous accepter maltraitances, enlèvements et même assassinats dont ils peuvent être victimes ? Imaginons les réactions de nos États, si demain, l’un de ses représentants à l’étranger voyait sa mission ralentie par de multiples obstacles, notamment administratifs. Envisageons également l’action d’un de nos États, si l’un de ses diplomates subissait la moindre violence.

L’adoption par notre assemblée d’une résolution et d’une recommandation relève, en conséquence, d’une urgente nécessité. Nous nous interrogeons néanmoins sur sa portée. Disposons-nous avec ce texte d’un outil efficace en vue de garantir aux défenseurs des droits de l’homme le libre et plein exercice de leurs missions ? Nous serions tentés de répondre par la négative tant les deux textes se limitent à une certaine incantation.

L’Assemblée a su mettre en œuvre, dans le cadre de sa procédure de suivi, un mécanisme de sanctions graduées à l’égard des États membres ne respectant pas les principes du Conseil de l’Europe en matière d’État de droit. Une procédure semblable ne devrait-elle pas être spécifiquement dédiée à la situation des défenseurs des droits de l’homme ? Plusieurs cas sont cités dans le rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme. Nous nous étonnons qu’aucun d’entre eux n’ait encore fait l’objet d’un débat au sein de notre Assemblée. Pouvons-nous continuer à adopter une position diplomatique, pour ne pas dire mutique, face à de telles violations de nos valeurs ?

Nous nous interrogeons régulièrement sur le rôle de notre institution, en s’inquiétant, notamment, de la concurrence que pourrait représenter à moyen terme l’Union européenne dans le domaine des droits de l’homme. Nous n’obéissons pas à la même logique pourtant. Notre Organisation est un laboratoire d’idées, chargé d’actualiser le périmètre des droits de l’homme au regard des nouveaux enjeux, qu’ils soient sociétaux, économiques ou environnementaux. Elle est aussi, et doit sans cesse le réaffirmer, l’incarnation d’une Europe des valeurs fondamentales, ce supplément d’âme dont manque parfois l’Union européenne. Nous ne pouvons, en conséquence, céder à la tentation de la pudeur et de la réserve, contrebalancée de temps en temps par un soupçon d’incantation.

Au nom du groupe PPE, je forme le vœu que le débat d’aujourd’hui nous permette de dépasser cet état. Chers collègues, saisissons l’opportunité qui se présente. Il en va de notre crédibilité, et donc de notre avenir. »

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) a stigmatisé à son tour le paradoxe entre la reconnaissance des valeurs du Conseil de l’Europe et leur application effective. Il a également exprimé son inquiétude face à la contestation de principe d’universalité des droits de l’homme :

« Le rapport de notre collègue allemand nous rappelle combien la situation des défenseurs des droits de l’homme en Europe, sans même parler du reste du monde, demeure préoccupante. Victimes de toutes sortes de violations des droits de l’homme, ils doivent aussi généralement faire face à l’impunité dont jouissent ceux qui les persécutent.

Il y a quelques semaines encore, le journaliste russe Sergueï Protazanov, qui avait eu le tort de s’intéresser de trop près au déroulement des élections municipales dans son pays, est décédé après une agression. Quelques jours plus tard, c’est le militant des droits de l’homme, Lev Ponomarev, sans doute trop attaché à la liberté d’expression, qui a été violemment battu près de son domicile moscovite.

Cette énumération pourrait malheureusement ne jamais finir ! On le voit, notre Organisation a encore fort à faire pour passer de la dissertation sur les droits de l’homme à Strasbourg à leur application effective dans certains de ses États membres.

La situation des défenseurs des droits de l’homme constitue une priorité pour la France. Ses ambassadeurs ont reçu pour instruction de suivre ce sujet de près et d’informer le gouvernement français de toute menace à leur encontre.

De nos jours, ce n’est plus seulement la mise en œuvre effective des droits de l’homme qui doit être défendue, c’est aussi leur essence. Les défenseurs des droits de l’homme ont en effet maintenant fort à faire avec la contestation de l’universalité de ces droits.

Cette contestation revêt deux aspects. Le premier est d’ordre souverainiste. Les droits de l’homme font partie de la souveraineté nationale et celle-ci, fondement du droit international, ne saurait céder devant le principe d’universalité des droits de l’homme. C’est notamment la position de la Chine. Nous avons encore tous en mémoire les événements survenus l’été dernier à l’occasion des Jeux olympiques.

Mais la contestation est aussi de nature différentialiste, qui prend sa source dans une conception religieuse de la société. L’Organisation de la Conférence islamique est le porte-parole et le foyer d’une telle conception. Les droits de l’homme doivent être interprétés au regard de la loi religieuse. Les déclarations de l’Iran la semaine dernière à Genève ont encore apporté une confirmation désastreuse de cette conception. Une telle conception, profondément contraire aux idéaux des Lumières et au principe de laïcité, est en fort développement depuis une dizaine d’années.

Or, cette double contestation est à l’origine d’un clivage idéologique et d’une confrontation permanente au sein des instances internationales, le Conseil des droits de l’homme de l’Onu en particulier. Naturellement, elle permet de justifier les pires atteintes aux droits humains, la lapidation des femmes par exemple.

L’action des défenseurs des droits de l’homme est indéniablement compliquée par l’essor de cette conception qui veut que l’universalité soit possible à condition que chacun l’interprète à sa façon !

Il me semble que notre Assemblée aurait intérêt à étudier de près cette question et à s’interroger sur les moyens de lutter contre la progression de la conception différentialiste des droits de l’homme. »

Dans son intervention, M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP) a attiré l’attention de l’Assemblée sur les risques d’atteinte au principe de l’universalité des droits de l’homme que représentent un certain communautarisme :

« Nous débattons aujourd’hui d’un sujet qui est au cœur de notre mission. Le rapport de notre collègue Holger Haïbach nous rappelle que le combat que nous menons pour promouvoir les droits de l’homme est un combat qui ne se termine jamais. Même pour les États membres du Conseil de l’Europe ! Car, il faut bien l’admettre, avoir ratifié la Convention européenne des Droits de l’Homme ne fournit pas un certificat de bonne conduite !

Certes, la ratification de la Convention suppose l’accès à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Pour la première fois dans l’histoire, une protection effective des droits de chaque personne est ainsi garantie juridiquement. De plus, les efforts de notre Assemblée et les multiples conventions signées depuis soixante ans ont largement contribué à la création d’un espace juridique commun unique dans le monde. Cet immense espace s’est constitué non par une volonté agressive et conquérante, comme cela a été maintes fois le cas en Europe, mais par une volonté juste et pacifique.

Et pourtant, nous savons que, dans certains États membres du Conseil de l’Europe, les défenseurs des droits de l’homme ne sont pas toujours à l’abri de vexations et de menaces. Bien sûr, comme le souligne le projet de résolution, dans nombre de pays, ces défenseurs sont en général bien protégés en droit et en pratique. Mais il n’en reste pas moins que, dans certains États, les défenseurs des droits de l’homme sont déconsidérés et subissent de multiples entraves. Ces dernières, parfois loin d’être implicites, menacent leur vie.

Toutefois, nul n’est irréprochable ! Et il serait trop facile de pointer du doigt des pays à défaut d’autres. Si certains méritent bien entendu une attention particulière, tous doivent cependant s’efforcer d’honorer les engagements pris lors de la ratification de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Mais, si nous devons tout faire pour que les défenseurs des droits de l’homme bénéficient du maximum de protection dans leurs actions, il ne faut pas sous-estimer le risque d’abus qu’une telle position peut entraîner. Parfois, sous couvert de défense des droits de l’homme, certaines personnes ou certains groupes ne cherchent qu’à faire triompher leurs intérêts particuliers. Nous devons admettre que, parfois, le communautarisme, quel que soit son visage, naît d’une utilisation subversive des principes que nous défendons. Ces groupes, à trop vouloir faire triompher leurs particularités, mettent en péril les fondements les plus solides de nos sociétés.

Or, trop privilégier les particularismes, c’est oublier l’essentiel, à savoir l’universalité des droits de l’homme. Si nous l’oublions ? Tous les excès sont possibles. Rappelons-nous du retentissement de la récente Conférence de « Durban II ». Rappelons-nous la manière dont les propos racistes et antisémites du président iranien ont résonné dans cette enceinte dédiée aux droits de l’homme. Ce qui est en jeu, c’est bien le caractère universel des droits de l’homme. Sans cela, comment concevoir que chaque homme a une égale dignité ?

Pour toutes ces raisons, je ne peux qu’apporter mon soutien au projet de résolution et au projet de recommandation que nous examinons aujourd’hui. »

C. AGIR POUR COMBATTRE LES VIOLATIONS DES DROITS DE LA PERSONNE HUMAINE FONDÉE SUR LE SEXE, Y COMPRIS LES ENLÈVEMENTS DE FEMMES ET DE FILLES

Confrontée au problème des mariages forcés, des mutilations sexuelles et à differentes violations des droits humains perpétrés contre les femmes et les filles en raison de leur sexe sur le territoire des 47 pays membres du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire a adopté la résolution 1662.

Les membres de l’Assemblée réaffirment qu’aucun relativisme culturel ne saurait être invoqué pour justifier la mise en danger de l’intégrité physique ou psychique d’une femme ou d’une fille. Ils soulignent combien la volonté politique demeure une condition préalable pour éradiquer ces pratiques.

L’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe à lancer des poursuites en cas d’enlèvement, de séquestration et de retour forcé de femmes et de jeunes filles qui risquent de subir des pratiques contraires aux droits humains. Elle souhaite la mise en place de programme de prévention et de dispositifs d’aide aux victimes.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a dénoncé le silence qui malheureusement trop souvent préside à ces pratiques communautaires :

« Je tiens d’abord à saluer le travail de notre collègue Mme Papadopoulos, qui a traité d’un problème d’autant plus douloureux que, bien que concernant potentiellement de très nombreuses femmes et jeunes filles en Europe, il ne suscite pas spontanément l’intérêt de l’opinion publique, voire des pouvoirs publics, car il est généralement circonscrit à des communautés immigrées et bien souvent vécu dans un silence douloureux.

Le projet de résolution qui nous est soumis aujourd’hui est à la fois ambitieux et pragmatique et, bien entendu, je l’approuve. Ces violations des droits de l’homme sont inacceptables et doivent être punies. Je soutiens totalement notre rapporteure lorsqu’elle refuse fermement l’invocation d’un soi-disant relativisme culturel pour justifier de telles pratiques criminelles.

Des progrès récents ont été accomplis dans la lutte contre ces crimes, mais il reste encore beaucoup à faire. Je rappelle que ces mutilations sexuelles concernent plus de 130 millions de femmes dans le monde !

En France, le ministère de la santé a annoncé un plan national d’actions pour l’abolition d’ici 2010 des mutilations sexuelles féminines. Le gouvernement a également présenté un plan triennal 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes, qui comporte des mesures de sensibilisation de la société pour mieux combattre et prévenir les violences à l’égard des femmes.

S’agissant de la lutte contre les mutilations sexuelles, la loi du 4 avril 2006 a renforcé la répression de ces pratiques, même commises à l’étranger, si la victime est de nationalité française ou, si elle est étrangère, si elle réside habituellement en France. Je rappelle que la France a traduit en justice les parents responsables de l’excision de leur fille, ainsi que les exciseuses lorsqu’elles ont pu être identifiées.

S’agissant de la lutte contre les mariages forcés, le code civil prévoit que la publication des bans préalable au mariage est subordonnée à l’audition commune des futurs époux par l’officier d’état civil, afin de s’assurer de leur intention ; ledit officier peut également les entendre séparément, hors de la présence des parents.

Chers collègues, il est de notre devoir d’élus, d’hommes et de femmes de lever les tabous et d’attirer encore et encore l’attention de nos États sur ces drames. Soyons dignes de nos prédécesseurs, que nous avons revus hier lors de la cérémonie du soixantième anniversaire du Conseil de l’Europe, et de leurs idéaux, qu’il nous revient de porter aujourd’hui ! »

Mme Claude Greff (Indre-et-Loire –UMP) a particulièrement encouragé les membres de l’Assemblée parlementaire à travailler au niveau leurs parlements nationaux afin de s’assurer que les textes législatifs internes concernant les mariages forcés, les mutilations sexuelles ou toute forme de mauvais traitement réservé aux femmes sont bien en conformité avec les objectifs poursuivis par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe :

« Le rapport sur les sanctions à mettre en œuvre pour combattre les violations des droits de la personne humaine fondées sur le sexe pose de vrais problèmes, même s’il est souvent difficile d’en prendre la mesure exacte, tant les statistiques font défaut.

Ce rapport aborde des problèmes graves, dont certains n’osaient pas vraiment parler jusqu’à une période récente, soit par ignorance, soit par découragement, tant ces problèmes arrivent dans des Etats qui ne souhaitent pas les aborder clairement.

Les jeunes femmes sont les premières à souffrir de ces violences, vécues comme une injustice et une discrimination supplémentaire auxquelles s’ajoutent des violences sexuelles.

Mariée de force signifie avoir des relations sexuelles contraintes, il s’agit donc de viols. Les femmes sont traumatisées, salies, bafouées dans leur dignité. Le mariage forcé, c’est prendre le pouvoir sur l’autre, mais il est parfois utilisé afin de se servir de la nationalité des femmes et de régulariser ainsi une immigration.

Le débat que nous avons aujourd’hui permet de rompre le silence qui entoure ces enlèvements de femmes et de filles, qui ont pour objectif soit de pratiquer des mariages forcés, soit de procéder à des mutilations rituelles, soit de les réduire en esclavage. Or nous devons aborder cette situation qui concernerait en Europe plusieurs centaines de milliers de jeunes filles ou de jeunes femmes principalement issues de l’immigration.

Le rapport de Mme Papadopoulos permet de poser la question de l’élaboration d’une nouvelle Convention internationale du Conseil de l’Europe, et de s’interroger sur l’efficacité de ce genre de texte.

Les conventions internationales ne contraignant que leurs signataires, on peut toujours craindre que leur impact ne soit que très relatif. Les Etats ne s’engagent que s’ils estiment ne pas être pénalisés par les obligations qu’ils ont prises. Et il est vrai que beaucoup de textes de ce genre restent lettre morte, même lorsqu’ils émanent d’organisations aussi prestigieuses que l’Organisation des Nations Unies ou l’Organisation Internationale du Travail.

Le Conseil de l’Europe a l’avantage de réunir des pays moins disparates que ceux qui appartiennent aux organisations internationales établies au niveau mondial. Il réunit en outre des pays liés par la Convention européenne des droits de l’homme, pays qui acceptent l’importance de la règle de droit. Le Conseil de l’Europe peut donc servir de laboratoire à une discussion qui, par la suite, pourra et devra être étendue à l’ensemble des pays du monde.

Malgré la proximité géographique des pays membres du Conseil de l’Europe, il existe cependant de grandes différences de type culturel entre l’Europe du Nord, l’Europe du Sud, l’Europe orientale. Les mentalités sont encore très éloignées dès que l’on aborde des sujets aussi sensibles que la place et le rôle de la femme, tout comme les relations hommes-femmes. Les débats qui ont eu lieu sur le port du voile en Europe même ont montré combien les approches nationales peuvent être variées.

La démarche doit être tentée pour trouver les premières solutions communes aux questions les plus graves, les plus difficiles, les plus solides.

Jusqu’à présent, ces questions relevaient des Etats qui estimaient ne pas avoir à recevoir de leçons d’autres Etats, tant ces sujets touchaient à leur propre conception culturelle, sociale, voire religieuse. Mais la coopération judiciaire qui se développe actuellement entre Etats membres de l’Union européenne, depuis le Traité de Maastricht, et surtout depuis le 11 septembre 2001, a fait évoluer les esprits, et il est sans doute plus facile d’élaborer aujourd’hui un texte qu’il y a même encore quinze ans.

Quels thèmes une telle Convention devrait-elle privilégier ?

Sans aucun doute, une condamnation très forte des violences faites aux femmes, en étant suffisamment précis pour que les sanctions envisagées soient applicables et appliquées.

Mais aussi, le refus de l’excision, le refus de toute mutilation, le refus du mariage forcé. Enfin, le rejet absolu de toute forme d’esclavage.

Pour y parvenir, il serait utile de lancer, parallèlement, un débat dans nos différents Etats membres, afin de s’assurer que nos dispositions législatives internes sont déjà en cohérence avec les objectifs que nous poursuivons. Tel est du reste le sens de l’action que les parlementaires de référence de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe peuvent mener au sein de leur propre parlement afin de prévenir et de combattre la violence faite aux femmes. C’est d’ailleurs le rôle qui m’a été confié par le Parlement français.

J’évoquerai à ce titre l’action qui est envisagée en France afin de mettre en place une cellule de veille et d’alerte pour les victimes de mariages forcés. Ce projet est actuellement étudié par Mme Létard, secrétaire d’Etat française à la Solidarité.

Ces mesures sont importantes, car elles touchent à la prévention, et permettent de mieux sensibiliser les personnes concernées, qu’elles soient victimes, ou au contraire, chargées d’éviter l’inacceptable. L’action est le complément indispensable de ce que nous pouvons promouvoir au sein du Conseil de l’Europe.

Entamons donc cette double action, européenne et nationale pour faire enfin évoluer les mentalités.

D. LES FEMMES EN PRISON

En raison de l’accroissement de la population carcérale féminine en Europe, l’Assemblée propose dans le texte de la résolution 1663 qu’elle vient d’adopter de garantir une application plus humaine et plus efficace de la justice pour les femmes.

L’Assemblée recommande que les femmes qui ont la charge exclusive d’enfants ne soient pas placées en détention provisoire et qu’il soit envisagé une suspension de l’application de la peine d’emprisonnement durant la grossesse. Concernant les mères emprisonnées, les membres de l’Assemblée souhaitent la mise en place de différentes mesures de protection de la mère et de l’enfant.

M. Michel Hunault (Loire-Atlantique - NC) est intervenu au nom du groupe GDE. Il a particulièrement appelé l’attention des membres de l’Assemblée sur la nécessité de proposer des solutions alternatives à l’incarcération des femmes :

« A mon tour, je voudrais féliciter les personnes qui sont à l’initiative du rapport et les féliciter pour la qualité de celui-ci.

Le rapport met l’accent sur la situation des femmes dans les prisons. Nous nous inscrivons dans le droit-fil du travail de l’Assemblée parlementaire. Vous m’aviez personnellement chargé en 2004 d’un rapport sur la situation des prisons et en 2006 notre Assemblée parlementaire avait travaillé sur un projet de recommandation pour une charte pénitentiaire européenne, qui a été à l’initiative de la refonte des règles pénitentiaires, et ce sous l’égide du Comité de prévention de la torture.

Le rapport qui nous est présenté porte l’accent sur la situation spécifique des femmes détenues. J’ai entendu les rapporteures pour avis qui ont cité plusieurs pays. L’ensemble des pays du Conseil de l’Europe connaît les mêmes problèmes : la population carcérale va en augmentant. Je souhaiterais que nous portions l’accent sur les mécanismes d’évaluation et de contrôle comme le fait déjà le Comité de prévention de la torture. Le Commissaire européen des droits de l’homme joue également un rôle spécifique.

L’incarcération des femmes pose des problèmes encore plus spécifiques, notamment pour les femmes qui ont des enfants en prison, car, à un moment donné, les détenues en sont séparées. Nous devons nous attacher aux conditions des mères, au devenir des enfants privés de leur maman, et réfléchir aux mesures alternatives à l’incarcération, qui pose des problèmes plus douloureux encore que l’incarcération des hommes. C’est pourquoi il nous appartient de tout faire pour promouvoir les mesures alternatives à l’incarcération.

Il faut nous référer aux meilleures expériences des États qui essayent de trouver les moyens de former les femmes privées de liberté afin de leur offrir toutes les chances de s’insérer dans la vie sociale et dans la vie active après avoir été incarcérées. Les efforts doivent porter sur la prévention, sur les modes alternatifs à l’incarcération, la formation étant le meilleur moyen de lutter contre la récidive.

Ce rapport, que le groupe GDE votera, doit être une étape nouvelle d’une longue sensibilisation. Le travail de l’Assemblée parlementaire n’entre pas en contradiction avec celui du CTP ou d’autres organismes et s’inscrit dans une longue démarche de sensibilisation pour promouvoir la dignité humaine de toute personne, quand bien même serait-elle privée de liberté. »

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR) a également tenu à évoquer dans son intervention le problème des enfants des mères incarcérées. Il a souligné combien il était important de prévoir des structures éducatives adaptées à cette situation :

« Le grand auteur américain Nathaniel Hawthorne, jouant sur les contrastes entre références féminines et milieu carcéral, qualifiait la prison de « fleur noire de la civilisation ». Cette assertion trahit la difficulté à relier dans notre imaginaire la question des geôles et celle des femmes, au mépris d’une réalité sociale. La criminalité féminine possède dans nos cultures postromantiques une forme d’aura romanesque, associant passions de l’âme, ruses et clichés sur le sexe dit « faible », à rebours de la petite délinquance en constante progression, observable au sein de nos États. De cette conception découle la construction d’établissements pénitentiaires, que l’on pourrait sinon qualifier d’unisexes, du moins plus adaptés à une population masculine. La part noble de la féminité, je songe notamment à la maternité, y est quasiment niée.

L’excellent rapport de notre collègue Minodora Cliveti vient judicieusement pointer cette réalité, en rappelant les difficultés rencontrées par les femmes seules, les femmes enceintes, les mineures ou les ressortissantes étrangères. Si un certain nombre de problématiques carcérales sont communes aux deux sexes, que l’on songe ainsi au surpeuplement, les femmes sont confrontées à des situations spécifiques, qu’il s’agisse de la multiplication des cas d’altération de la santé mentale, des risques d’automutilation ou de l’inadéquation des conditions d’incarcération à l’octroi de soins qui leur sont dédiés.

La question des enfants de délinquantes incarcérées est peut-être la plus urgente. Ma double expérience d’éducateur et d’élu local m’a souvent confronté aux difficultés que rencontraient ces jeunes pour s’affranchir d’une forme de déterminisme en la matière. Une écrasante majorité de cas vient en effet souligner une forme perverse d’endogamie sociale : les enfants dont les parents, et notamment la mère, ont connu la prison sont souvent les plus enclins à verser dans la délinquance. Au-delà de la question des mères en prison, il nous appartient, en conséquence, d’élargir le sujet à celui des enfants de parents incarcérés et d’inventer de nouveaux dispositifs d’accompagnement, y compris après l’accomplissement de la peine.

Ceux-ci passeraient notamment par un rapprochement plus étroit des femmes incarcérées et de leurs enfants au sein d’espaces adaptés ou par de nouvelles techniques de surveillance des détenues, à l’image du bracelet électronique. Prenons acte des nouvelles formes de privation de liberté pour réussir tout à la fois la réinsertion sociale des mères et l’inclusion sociale de leurs enfants. Calibrons également nos structures éducatives en vue d’accueillir ce public particulier. Retenons à cet égard le mot de Victor Hugo : «Celui qui ouvre une porte d’école, ferme une prison ». Nos prisons ne peuvent servir de matrice à la délinquance, il en va de l’avenir de nos sociétés. La femme a d’autres valeurs à transmettre à ses enfants que celles de la marginalité. Il nous appartient d’y veiller.

Permettez-moi une incise, que vous jugerez peut-être un peu hors sujet, mais qui me semble nécessaire dans un débat sur les femmes incarcérées au sein de cette assemblée. Des centaines de femmes sont enfermées de part et d’autres du globe parce qu’elles ont eu le tort d’affirmer avec ce courage, propre aux représentantes du «beau sexe», la force de principes avec lesquels il est impensable que des États puissent transiger. Puisse ce débat leur être en partie dédié. »

E. PRODUIRE DES DENRÉES ALIMENTAIRES ET DU CARBURANT

La problématique de la concurrence accrue entre la production de denrées alimentaires et la production d’agrocarburants n’a pas laissé insensible l’Assemblée parlementaire. A l’occasion de l’adoption de la résolution 1667, elle se félicite que la Commission européenne ait reconsidéré, en juillet 2008, son soutien aux agrocarburants.

Les membres de l’Assemblée, soucieux de la protection de l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique, proposent particulièrement de supprimer progressivement toute incitation financière accordée aux producteurs d’agrocarburants, de soutenir la recherche sur les agroacarburants de deuxième génération et sur les agrocarburants à base d’algues et d’encourager l’invention afin de stimuler une économie innovante et créatrice d’emplois.

M. Francis Grignon (Bas-Rhin – UMP) a mis en exergue la priorité de la lutte contre la crise alimentaire au détriment de la production des agrocarburants :

« L’excellent rapport de notre collègue M. Evans sur les agro carburants  tombe à point nommé.

Nous assistons en effet à une véritable ruée vers les terres arables provoquée par des besoins alimentaires toujours croissants. La forte hausse des cours des produits agricoles a conduit de nombreux investisseurs privés à se tourner vers le foncier. Les terres agricoles sont devenues un actif stratégique, et on trouve désormais des petites annonces de terres agricoles à vendre dans la presse financière internationale.

Sur ce vaste marché, les États ne sont pas les agents économiques les moins actifs.

La recherche de la sécurité alimentaire est la principale motivation de certains États. C’est le cas notamment des monarchies pétrolières, qui sont obligées d’acquérir des terres agricoles à l’extérieur. Ainsi, le Qatar dispose de terres en Indonésie, Bahreïn aux Philippines ou le Koweït en Birmanie. Malheureusement, ces terres acquises à l’étranger peuvent aussi parfois être utilisées pour produire des agrocarburants. D’autres États, la Chine par exemple, souffrent d’une pénurie de terres cultivables, il y a 10 ares de terres cultivables par habitant en Chine contre 40 en France.

L’élévation annoncée du niveau de la mer provoquée par le réchauffement climatique peut aussi amener certains États insulaires, tels que les Maldives, à chercher une terre d’accueil pour les réfugiés climatiques. On pourrait ainsi multiplier les exemples

Du côté de l’offre, certains États trouvent leur intérêt dans la vente de leurs terres arables, d’autant plus qu’ils n’ont pas forcément les moyens de les mettre en culture ou de les valoriser par la construction de routes ou de canaux d’irrigation, qui peut alors être assurée par les acquéreurs.

Naturellement, ce phénomène n’est pas sans conséquences, en particulier pour les populations locales, directement menacées par cette marchandisation des terres dont elles vivent, souvent dans des conditions déjà très difficiles. La concentration du foncier est souvent source de conflits entre les petits paysans des pays en voie de développement et l’industrie agroalimentaire mondiale.

Les projets d’investisseurs étrangers à la recherche de terres deviennent ainsi une source supplémentaire de risques politiques. N’oublions pas que l’accord de location de 1,3 million d’hectares au groupe sud-coréen Daewoo par le président malgache a joué un rôle non négligeable dans la chute de celui-ci.

Je crois que, dans un contexte marqué par la progression de la sous-alimentation dans le monde, la crise alimentaire est une menace suffisamment grave, et du reste largement sous-estimée sur le plan politique, pour ne pas prendre le risque de l’accentuer par la production d’agrocarburants.

C’est la raison pour laquelle j’adhère totalement au cri d’alerte jeté au travers de ce rapport à tous les gouvernements pour qu’ils prennent conscience de la nécessité de diminuer ou tout du moins de réguler la production d’agrocarburants face à l’impérieuse nécessité de la production toujours croissante de denrées alimentaires. »

M. Laurent Béteille (Essonne - UMP) a réclamé la mise en place, au niveau européen d’un mécanisme de certification destiné à évaluer l’impact des agrocarburants sur l’environnement :

« Le rapport de notre collègue britannique pose parfaitement les termes du débat sur les agrocarburants. Il a fait le tour de la question et son analyse est très pertinente.

L’apparition des agrocarburants a suscité beaucoup d’espoir. On pensait disposer d’un nouveau produit, d’une énergie renouvelable qui pourrait remplacer tout ou partie de la ressource pétrolière. Il a fallu vite déchanter quand on s’est aperçu qu’on créait de nombreux problèmes par la culture intensive des agrocarburants.

Faut-il consacrer plus de surfaces arables à la culture des agrocarburants et prendre alors le risque d’une concurrence avec les besoins alimentaires, alors que la croissance démographique associée au changement d’alimentation des pays émergents, provoque une très forte augmentation de la demande ? On a vu se produire une augmentation du prix des matières premières, dans certains cas de façon dramatique.

Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Je ne le crois pas. Il est nécessaire de réfléchir, comme l’a fait notre collègue, à la manière de contrôler la production de biocarburants.

C’est pourquoi, en France, un projet de loi de programme, en cours d’examen, relatif à la mise en œuvre des engagements pris lors de qu’il est convenu d’appeler le « Grenelle de l’environnement », à savoir un ensemble de rencontres politiques organisées à l’automne 2007 afin de prendre des décisions à long terme en matière d’environnement et de développement durable, fixe un cadre au développement des biocarburants.

Dans les textes en cours de discussion au parlement français, on s’efforce de tirer les conclusions du « Grenelle de l’environnement ». Il faudra vérifier à chaque fois les performances énergétiques et environnementales de la production de biocarburants de manière à ce qu’elle ne débouche pas sur les inconvénients graves dénoncés précédemment. On s’oriente vers une recherche sur des agrocarburants de deuxième ou de troisième génération qui utiliseront des végétaux qui ne soient pas en concurrence avec les productions alimentaires et sur l’utilisation de déchets, sous produits de l’agriculture ou des activités humaines. La méthanisation des déchets fait déjà partie de cette production de biocarburants. Dans ce domaine, des progrès restent à faire. L’utilisation de ces produits doit être respectueuse de l’environnement, des sols et de la ressource en eau. Voilà un certain nombre de pistes qui doivent être utilisées.

Enfin, nous aurions besoin, à l’échelle européenne, d’un mécanisme de certification qui tienne compte de l’impact des agrocarburants sur l’environnement et qui permette d’être sûrs que ces derniers soient réellement un progrès. »

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) a précisé que la loi de finances 2009 prévoit une forte diminution de l’incitation fiscale en faveur de la production de biocarburants jusqu’en 2011 :

« Je remercie notre collègue M. Nigel Evans pour son excellent rapport, qui fait le point sur la problématique des agrocarburants.

La controverse prend aujourd’hui de l’ampleur. Si, au départ, beaucoup se réjouissaient de cette alternative aux énergies fossiles dont les réserves vont déclinant, d’autres voix s’élèvent de plus en plus pour en pointer les inconvénients.

Le premier point à mentionner dans ce débat, c’est évidemment les conséquences sur la production alimentaire. A partir du moment où l’on décide d’affecter des terres agricoles à la production d’agrocarburants, c’est autant de moins pour les cultures à vocation alimentaire, dont l’importance est pourtant cruciale, spécialement dans les pays peu développés.

Les récentes émeutes de la faim sont là pour nous rappeler que le premier besoin de l’homme, c’est de pouvoir se nourrir - et vivre, tout simplement. La hausse des prix des produits agricoles qui a eu lieu en Amérique du sud a compromis l’accès aux denrées alimentaires. Cela pose un vrai problème.

De plus, il est fréquent que les végétaux cultivés pour la production d’agrocarburants soient fertilisés avec des substances non autorisées pour les cultures destinées à la production alimentaire. Ces substances peuvent se révéler nocives pour l’environnement.

Second point important : le bilan énergétique des agrocarburants est loin de leur être favorable. Comme l’indique le rapport, des études montrent que les agrocarburants produisent plus d’émissions de gaz à effet de serre que les combustibles qu’ils remplacent, si l’on tient compte de tous les facteurs entrant dans leur chaîne de production. Ainsi la déforestation, la production, la transformation et le transport des agrocarburants contribuent grandement à l’émission de gaz à effet de serre.

Selon certaines études, il semble également que les effets nocifs des agrocarburants sur la santé ne soient pas négligeables puisque les moteurs à combustion d’éthanol font grimper le taux de toxicité en ozone de l’air.

Certains attendent beaucoup des agrocarburants de deuxième génération, fondés sur la biomasse, mais dont les rendements énergétiques sont encore aujourd’hui très faibles. La Commission européenne, qui avait dans un premier temps soutenu fortement la production d’agro carburants, a reconsidéré sa position en juillet 2008.

La France, pour sa part, avait décidé en 2005 d’aller plus vite que la politique européenne de 2003 et elle devrait atteindre, avec cinq années d’avance, l’objectif que l’Union européenne va vraisemblablement adopter pour 2020.  La position des pouvoirs publics français est de considérer que les engagements pris doivent être tenus mais qu’il convient de passer le plus rapidement possible aux biocarburants de deuxième génération, en valorisant la plante entière et les déchets agricoles et forestiers. La refiscalisation des biocarburants opérée par la loi de finances pour 2009 est massive puisque les réductions fiscales vont sensiblement diminuer jusqu’en 2011.

Cependant, rien ne permet d’affirmer que les recherches en cours sur les agrocarburants de deuxième génération débouchent à moyen terme sur des résultats économiquement viables.

Les nombreux effets directs et indirects liés à la production d’agrocarburants sont évidemment à prendre en compte. Ce rapport qui appelle à un moratoire dans le développement des agrocarburants de première génération adopte une position raisonnable et sensée au vu des informations actuelles. Je lui apporte mon plein soutien. »

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) s’est interrogé sur le rapport entre la production d’agrocarburants et le domaine de compétence du Conseil de l’Europe :

« Le débat qui nous réunit aujourd’hui n’est pas sans susciter quelques interrogations quant au périmètre de notre action et à l’ambition que nous assignons à notre institution.

Nous voici face à un problème d’ordre mondial, symbole tangible de la globalisation des activités, notamment l’agriculture. La vision du Conseil de l’Europe, son action dans ce domaine, ne peuvent qu’apparaître parcellaires tant le dossier dépasse largement les quarante-sept États membres qui le constituent. L’intervention de notre Assemblée sur ce sujet ne peut, en conséquence, que se résumer à un écho des positions des organisations mondiales compétentes en la matière et, en premier lieu, la FAO. Préconiser une alternative n’aurait donc aucun sens tant les travaux desdites institutions découlent d’études poussées, dont le rapport de la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales se fait d’ailleurs largement l’écho.

Quelle mission assignons-nous principalement au Conseil de l’Europe ? La protection des droits de l’homme et de l’État de droit. Le rapport avec les agrocarburants apparaît, en conséquence, plus que délicat à trouver. Le Conseil de l’Europe ne peut avoir dans ce dossier qu’une démarche d’accompagnement, prenant le risque de la redondance.

Je partage pleinement les orientations de la commission et de son rapporteur, tant les agrocarburants ne peuvent plus être considérés comme une solution optimale au regard des problèmes alimentaires que leur production suscite, mais également des doutes enregistrés quant à l’efficacité de leur contribution à la préservation de l’environnement. Encourager le développement des agrocarburants de deuxième génération apparaît dès lors comme une possibilité à étudier.

Là encore, comme dans le cas des agrocarburants de première génération, ne cédons pas à l’optimisme béat, tant les problèmes de productivité qu’ils suscitent sont loin d’être réglés. Les risques de déforestation qu’ils peuvent créer ne sont pas non plus à écarter. Lors du voyage d’étude que j’ai effectué l’an dernier au Brésil, j’ai pu constater que de nombreuses terres étaient utilisées pour les agrocarburants dans une région où beaucoup d’hectares ne sont pas cultivés. Mais qu’en sera-t-il dans une dizaine, voire une vingtaine d’années ? La prudence est donc de rigueur, dans l’attente d’expérimentations plus poussées. Là encore, nous ne pouvons qu’accompagner un mouvement scientifique qui nous dépasse.

L’équation est plus complexe qu’il n’y paraissait initialement. Le combat pour l’environnement ne peut se mener au détriment des hommes qu’il est censé protéger. Le débat sur les agrocarburants semble pour certains relever de la quadrature du cercle, tant les formes actuelles de production énergétique ne sauraient constituer un avenir sans pour autant que les tentatives d’alternatives n’atteignent pas pleinement leurs objectifs. Nous sommes encore dans une période d’essai, que nous devons accompagner sans céder à une quelconque forme d’impatience.

Tout n’est pas parfait. Sachons raison garder. L’excellent rapport de notre collègue Evans nous y invite. »

V. LE CONSEIL DE L’EUROPE : UNE INSTITUTION EN PLEINE ÉVOLUTION

A. PROCESSUS D’ÉLECTION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE

Débat d’urgence demandé par le groupe PPE-DC.

L’élection du futur Secrétaire général du Conseil de l’Europe, prévue lors de la troisième partie de la session ordinaire de l’Assemblée parlementaire en juin 2009, a provoqué un profond désaccord entre les membres de l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres.

A la suite du rapport de M. Junker et dans la perspective d’établir la liste des candidats à présenter aux membres de l’Assemblée parlementaire dans le but de procéder à l’élection du Secrétaire général du Conseil de l’Europe, le Comité des Ministres a décidé de prendre en compte certains critères supplémentaires. Parmi ceux-ci, les candidats doivent avoir une stature internationale reconnue et avoir exercé de hautes fonctions au sein de l’exécutif de leur pays.

Les membres de l’Assemblée ont adopté la résolution 1665 qui précise que les critères ajoutés par le Comité des ministres l’ont été sans consultation préalable de l’Assemblée.

Ils demandent également au Comité des ministres de revoir son projet de résolution du 23 avril 2009 dans lequel seuls les noms de deux candidats sur quatre devaient être transmis à l’Assemblée parlementaire.

Dans ce contexte conflictuel, M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP) est ainsi intervenu :

« Pour la troisième fois consécutive, l’Assemblée a débattu ce matin du conflit entre la Géorgie et la Russie, cherchant à mettre autour d’une même table nos amis russes et géorgiens. Je ne peux pas croire un seul instant qu’il serait plus difficile encore de faire dialoguer l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ! Nous n’allons tout de même pas demander à une autre institution internationale de mettre en place une commission de contrôle afin de veiller à ce que la doyenne des institutions européennes soit à même d’élire démocratiquement son Secrétaire Général !

Nous sommes la maison de la démocratie, comme l’a très justement rappelé M. Gross, et les parlementaires de l’Assemblée représentent 800 millions d’Européens, à qui ils doivent rendre des comptes. Je ne conteste évidemment pas le droit des ambassadeurs ; ils ont été désignés par nos gouvernements, eux-mêmes élus démocratiquement. Mais je demande simplement que l’Assemblée soit entendue ! Les quatre candidats sont dignes d’occuper le poste de Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, et pour commencer parce qu’ils en ont le désir. Ils doivent donc tous les quatre être autorisés à poser leurs candidatures et j’opterai personnellement pour une présentation par ordre alphabétique, afin de n’influencer personne.

La situation actuelle est tout à fait ubuesque. Nous devons en sortir par le haut, sans gagnant ni perdant, en assurant simplement la victoire de la démocratie. Alors que nous allons très prochainement fêter le soixantième anniversaire de notre Organisation, j’en appelle à la dignité et à la grandeur ! Je souhaite que le Comité des Ministres fasse preuve de sagesse et entende les parlementaires, qui ont la légitimité du suffrage universel direct. »




B. RAPPORT ANNUEL DU COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME DU CONSEIL DE L’EUROPE

M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a présenté le bilan de son action pour l’année 2008 aux membres de l’Assemblée parlementaire. Cependant, il n’a pas manqué d’évoquer l’actualité, en particulier la situation en Moldavie :

« Votre Assemblée m’a élu il y a quelque trois ans et reçoit chaque année un rapport sur l’exercice de ce mandat. Nous essayons également d’envoyer des rapports trimestriels.

Je défendrai toujours notre indépendance et notre impartialité, sans recevoir d’instructions de quiconque, pas même des gouvernements bien sûr. En revanche, j’ai besoin de vos critiques et de vos conseils pour améliorer notre travail. Toutes vos idées seront donc les bienvenues. Je ne pense pas que cela ait une incidence sur notre indépendance et notre intégrité.

Le travail que nous accomplissons est celui d’une équipe. Nous avons d’ailleurs un nouveau directeur. Tous les membres de cette équipe sont conscients de la nécessité de ne pas rester à Strasbourg mais de se rendre sur les lieux où leur présence compte, c’est-à-dire dans les pays eux-mêmes. Nous y entamons un dialogue avec les gouvernements, les parlementaires, les « ombudsman » et les ONG. Au cours de ces visites, nous allons voir comment les choses se passent dans les lieux où les droits de l’homme sont en jeu : les postes de police, les tribunaux…

Nous avons des discussions avec les procureurs, les juges. Nous nous rendons dans les abris pour femmes battues, dans les camps de réfugiés et, d’une façon générale, dans les lieux où les droits de l’homme pourraient être violés.

Bien entendu, avant nos visites, nous nous informons beaucoup. Nous consultons les rapports des Nations Unies et de bien d’autres organes.

C’est donc sur cette base, et sur la base de nos visites auprès de ces institutions que nous espérons avoir de bonnes connaissances sur la situation du pays quand nous entamons le dialogue avec les autorités. En cette matière, c’est le dialogue qui compte, car il ne s’agit pas de porter atteinte à un pays ou de le stéréotyper. Nous sommes là pour être constructifs et donner des conseils utiles aux gouvernements lorsqu’il s’agit de la protection des droits de l’homme chez eux. Les rapports que nous publions sur l’analyse de la situation et le résultat des enquêtes que nous avons menées sont parfois fort critiques. Nous veillons à visiter tous les pays d’Europe, le principe étant de surveiller la question des droits de l’homme et de donner la possibilité à tous les pays d’Europe d’être visités.

En 2008, nous nous sommes rendus dans vingt-huit pays, et avons donc effectué vingt-huit visites, dont sept avaient pour but d’obtenir un descriptif complet de la situation des droits de l’homme. C’est ce que nous appelons les « missions d’évaluation » et les « rapports d’évaluation », l’idée étant que les recommandations que nous formulons, en général de trente à quarante- servent de base à un dialogue ultérieur avec les autorités. Nous avons procédé à plusieurs missions d’évaluation dans tous les pays du Conseil de l’Europe. Il ne reste à rédiger que le rapport sur la Belgique suite à  la visite que nous y avons effectuée en décembre dernier.

Parallèlement à ces visites dans les pays, nous menons également une activité par thèmes lorsque les mêmes problèmes se posent dans plusieurs pays. C’est ainsi que nous publions des documents thématiques. L’année dernière, un document sur la violence à l’encontre des enfants a été largement diffusé. Un autre document portait sur le droit des personnes à avoir un logement décent. Le droit des personnes handicapées, y compris des personnes ayant des troubles mentaux, qui est un sujet très important dans la plupart des pays du Conseil de l’Europe, a fait l’objet également d’un document. Il en a été de même de sujets qui portent à controverse,  - la question de la protection de l’intégrité des individus en matière de lutte contre le terrorisme -.

Nous avons également insisté sur les droits des migrants, et publié très récemment avec le Haut Commissaire des minorités nationales, dans le cadre de l’OSCE, un rapport sur les migrations des Roms en Europe. Nous avons soulevé le problème des migrants en provenance d’autres parties du monde. Je n’ai cessé d’insister sur la nécessité de mieux coordonner dans toute l’Europe, et pas seulement au sein de l’Union européenne, les politiques en matière de migrations de façon que les mêmes normes s’appliquent partout et éviter ainsi que certains pays n’essaient de se débarrasser des migrants vers d’autres pays.

La solidarité entre les pays européens doit jouer en la matière pour que les pays qui sont les plus proches des zones d’où émigrent les personnes ne soient pas contraints de gérer des situations très épineuses, comme par exemple Malte, l’Italie ou encore Chypre. Mais les droits des migrants doivent être bien sûr protégés. L’autre sujet sur lequel nous avons beaucoup insisté concerne les minorités. Il est en effet nécessaire d’agir davantage en faveur de la population rom qui se trouve dans une situation très difficile dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe. Tous les indicateurs sociaux dont nous disposons montrent qu’en matière d’emploi, de logement, de santé, d’éducation, ou encore de représentation politique, les Roms sont défavorisés.

L’un des objectifs de nos travaux consiste à ne pas nous substituer à l’action menée en matière de droits de l’homme dans les pays. Au contraire, nous venons en complément, d’où l’importance d’insister sur la nécessité d’une coopération du Conseil de l’Europe et de mon Bureau avec l’ « ombudsman » ou d’autres structures nationales des droits de l’homme. A cet égard, plusieurs organes traitent de la non-discrimination en Europe aujourd’hui.

Nous entretenons des contacts avec les ONG dans le domaine des droits de l’homme. Il faut être plus actif dans le cadre de ce que l’on appelle les « défenseurs des droits de l’homme », ceux qui défendent les droits des autres. Ces personnes pourraient se heurter à des dangers, elles ont besoin de protection en cas de danger, si leurs droits sont sapés par des autorités qui ne comprennent pas l’intérêt que représente à la défense des droits de l’homme.

Très souvent, nous rencontrons les ONG dans les pays où nous nous rendons, et parfois nous avons des réunions ici même à Strasbourg pour discuter de leurs expériences.

Voilà un bref résumé de nos activités au cours de l’année écoulée. La question qui se pose est : est-ce que cela en vaut la peine ? Est-ce que cela fonctionne ? En gros, oui, essentiellement parce que les autorités, les gouvernements coopèrent avec nous. J’ai accès aux plus hauts niveaux des gouvernements,  partout où je me rends. En général les débats, sont constructifs. Voici un exemple.

Je reviens de la Moldova, de Chisinau, où il y a eu une grave crise dont vous avez débattu hier à propos des manifestations qui ont suivi les élections tenues début avril. Malheureusement, dans le contexte des arrestations de manifestants, il y a eu un élément de violence patent, beaucoup de brutalités policières, et dans une large mesure beaucoup de brutalité. Nous essayons d’évaluer l’ampleur du problème et ensuite d’entamer un dialogue avec les autorités, le ministre de la justice, le procureur général, l’ombudsman, etc.

J’ai remarqué que lorsque j’ai décrit mon expérience et d’après ce que j’ai appris auprès des personnes qui sont en prison, il n’y a eu aucune tentative pour nier le problème. Cela a signifié la possibilité de débattre de façon constructive sur la manière d’agir pour éviter que cela ne se reproduise à l’avenir, d’envisager comment les procès seraient organisés, reconnaître les responsabilités tant des manifestants qui avaient recouru à la violence pour veiller à l’application du droit que des chefs de la police qui avaient participé à de mauvais traitements à l’encontre des personnes arrêtées.

Les problèmes sont reconnus et il faut avoir un débat constructif le plus rapidement possible pour traiter de ces questions de façon équitable en insistant sur le respect des droits de l’homme pour éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir. Le fait que nous insistions tant sur l’aspect non politique de nos activités, puisque  nous n’adoptons pas de positions politiques, a permis que nous jouions un rôle tout à fait constructif après la guerre en Géorgie entre les deux parties, l’été dernier.

Nous avons formulé six principes humanitaires pour sauvegarder les intérêts des personnes déplacées, des personnes qui souhaitaient retourner chez elles sans risquer de tomber sur des champs de mine, et bien évidemment procéder à l’échange de personnes détenues de part et d’autre. Nous avons ainsi contribué à l’échange de plus de cent personnes qui étaient détenues et facilité le transfert des cadavres dans plus de cinquante cas. Ces travaux se poursuivent aujourd’hui encore. Cela n’aurait pas été possible si nous n’avions pas eu une approche aussi impartiale par rapport au conflit.

Ainsi, la force du commissariat aux droits de l’homme est qu’il s’agit d’un complément à vos travaux politiques. Dans l’exercice de nos travaux des droits de l’homme il importe qu’il y a ait des travaux politiques clairs de la part de cette Assemblée, de la part du Secrétaire Général et du Comité des Ministres parce que nous nous complétons les uns  les autres dans cet effort commun.

J’attends vos observations. Nous pourrions certainement améliorer nos travaux. Nous n’avons malheureusement pas suffisamment de ressources ni assez de personnel dans notre équipe pour répondre aux attentes qui existent. Nous ne voulons pas d’un grand bureau parce que je ne crois pas en un grand Bureau mais nous aimerions pouvoir renforcer nos travaux. Il appartiendra au Comité des Ministres d’en débattre. Mais nous sommes déterminés à faire en sorte que l’institution du Haut Commissariat reste un instrument valable pour les travaux du Conseil de l’Europe. »

M. Michel Hunault (Loire-Atlantique – NC) a questionné le Commissaire aux droits de l’homme à propos de l’état des lieux de privation de liberté :

« Monsieur le commissaire, je vous félicite pour vos actions si précieuses pour la défense des droits de l’homme.

Vous avez visité de nombreux lieux d’emprisonnement, et notamment des prisons européennes : pensez-vous qu’il y ait une amélioration de l’état de ces prisons ou plutôt une aggravation ? »

M. Thomas Hammarberg :

« Quelle question difficile ! Selon notre enquête, qui rejoint les conclusions de l’enquête du CPT relatives aux prisonniers, il est évident que nous rencontrons des problèmes dans la quasi-totalité des pays d’Europe.

Les normes ne sont pas totalement respectées, notamment en ce qui concerne l’assistance médicale aux prisonniers ; et lorsqu’il y a des séropositifs, les problèmes sont encore plus importants. Mais il faut bien comprendre qu’investir dans le système pénitentiaire n’est pas une priorité pour les gouvernements.

Cela dit, certains d’entre eux construisent des nouvelles prisons, ce qui est tout de même une bonne chose. En général, ils vendent des terrains à des entreprises privées, puis construisent d’autres bâtiments. Mais cette solution n’est pas suffisante. Il convient également de garantir, au sein des institutions pénitentiaires, de bonnes conditions de vie. J’ai entamé des pourparlers, en particulier avec le gouvernement français pour trouver des alternatives à l’emprisonnement, notamment pour les personnes qui ne représentent pas un danger pour la société et qui pourraient être consignées à résidence – ce qui, en outre, faciliterait leur réinsertion.

Le grand nombre des prisonniers s’explique par la récidive. Quoi qu’il en soit, les prisonniers ne sont pas préparés au retour à la vie normale, et sur ce point des améliorations doivent être apportées. J’espère que la crise économique actuelle ne signifiera pas un oubli de ce problème. Le résoudre contribuera aussi à éviter une augmentation de la criminalité. »

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – UMP) a souhaité connaître le sentiment du Commissaire aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en Moldavie :

« C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai écouté votre exposé. Vous avez parlé de la Moldova et de votre visite à Chisinau après les événements. Je suis membre du groupe d’amitié France-Moldova à l’Assemblée nationale, et je trouve que les Moldaves constituent un peuple très attachant, souvent tiraillé entre la Russie et la Roumanie.

Je souhaiterais connaître votre sentiment concernant les droits de l’homme dans ce pays. »

M. Thomas Hammarberg :

« Je me suis en effet rendu en Moldova quatre jours, malheureusement, il s’agissait d’un week-end avec le lundi férié. Nous avons néanmoins pu rencontrer les personnes que nous souhaitions voir : les organisations gouvernementales, le procureur général, le ministre et certaines personnes arrêtées et maltraitées. Nous avons donc une idée assez précise des événements qui se sont déroulés début avril.

Nous n’avons pas pu nous déplacer dans le pays et aborder d’autres problèmes de violations des droits de l’homme; car il y en a d’autres ! Je n’en citerai qu’un, celui d’un grand nombre d’enfants qui se retrouvent en situation difficile quand l’un de leurs parents a dû partir travailler à l’étranger pour envoyer de l’argent à sa famille. Il y a un réel problème de garde d’enfants.

Dans l’ensemble, je dois bien reconnaître que les autorités essaient d’apporter des améliorations quant au respect des droits de l’homme – il existe même un plan d’application de respect de ces droits.

J’espère très sincèrement que leur réaction à notre rapport sera positive. Nous allons leur envoyer le projet de rapport avant sa publication afin de leur permettre de nous répondre. J’ai prévenu le ministre que ce rapport serait critique, car un certain nombre de points méritent d’être soulevés, et je lui ai suggéré d’avoir une attitude constructive et non pas de déni afin d’établir une coopération. Sa réponse a été très encourageante, puisqu’il a reconnu qu’il y avait eu des problèmes entre la police et les manifestants, et il m’a donné l’impression d’être ouvert pour une discussion honnête.

Enfin, c’est une remarque politique, nous ne devrions pas exploiter les critiques que nous formulons pour stigmatiser et porter atteinte à ce pays. Nous devons, au contraire, l’encourager à faire siennes nos observations concernant les droits de l’homme pour qu’il puisse renforcer la démocratie. »

C. INTERVENTION DE M. MIGUEL ANGEL MORATINOS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL, PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES

M. Miguel Angel Moratinos, Ministre des affaires étrangères du gouvernement espagnol, a présenté à l’Assemblée parlementaire l’action de son pays lors de sa présidence du Comité des Ministres :

« C’est pour moi un grand plaisir de m’adresser une nouvelle fois à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, juste avant la fin de la présidence espagnole, dont le point culminant sera la session ministérielle que nous préparons déjà à Madrid et qui doit se tenir le 12 mai prochain.

Je voudrais remercier le Président de l’Assemblée parlementaire pour les paroles très élogieuses et amicales qu’il a prononcées, et pour sa volonté de travailler encore plus étroitement à l’avenir avec le Comité des Ministres. Nous pouvons progresser dans le respect des compétences et des responsabilités de chacune des instances. Il s’agit, bien sûr, de donner plus de présence et de légitimité au Conseil de l’Europe lui-même.

Le Président du gouvernement espagnol, M. Zapatero, est intervenu hier devant vous. Il a réaffirmé l’attachement de l’Espagne aux valeurs et aux principes qui fondent l’action du Conseil de l’Europe : la défense des droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit.

Comme vous le savez, cette session conclura la présidence espagnole, qui a été marquée par des événements importants sur la scène internationale, et pendant laquelle des mesures ont été adoptées pour faire face à une crise systémique qui affecte le modèle économique et financier, ainsi que la gouvernance mondiale et ses institutions. Nous assistons à une période de profondes transformations, dans tous les domaines, et à un changement de paradigme qui vient s’ajouter aux défis du XXIe siècle.

A Madrid, prendra fin un semestre intense, au cours duquel ont été renforcées nos valeurs et la défense d’un véritable multilatéralisme, les principes démocratiques et l’identité européenne. Dans ces efforts, nous nous sommes sentis encouragés et éclairés par les organes du Conseil de l’Europe, notamment l’Assemblée parlementaire, qui a apporté ses réflexions et sa vigilance, et a contribué à renforcer, auprès des citoyens, les objectifs de cette Organisation qui a de profondes racines démocratiques et fait référence en matière de droits de l’homme.

Ces six mois ont également été un temps de commémorations en rapport avec le Conseil de l’Europe et la défense des droits de l’homme. Ces dates anniversaires se sont ajoutées à l’objectif de dynamiser les travaux de la Cour européenne des droits de l’homme et son efficacité afin de garantir les droits de plus de 800 millions de citoyens européens.

Pour ce faire, la présidence espagnole ne ménagera aucun effort, jusqu’à la dernière heure, pour que les États membres parviennent à une solution et qu’il soit mis fin au problème de retards accumulés et d’engorgement dont la Cour européenne a souffert depuis 2004.

Cet objectif a guidé l’action de cette résidence et les contacts établis par le Président du gouvernement espagnol avec les dirigeants des États membres. Les avis du Comité ad hoc des conseillers juridiques sur le droit international public (CAHDI) et du comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) ouvrent des perspectives pour la conclusion d’un accord et l’adoption des procédures nécessaires afin d’assurer son fonctionnement à long terme, dans l’attente de la pleine ratification du Protocole n° 14 et de son entrée en vigueur définitive.

A Madrid, au cours de la réunion ministérielle pendant laquelle nous commémorons le soixantième anniversaire du Conseil de l'Europe, nous réaffirmons notre engagement en faveur d’une plus grande efficacité de la Cour des droits de l’homme, grâce à la mise en œuvre de mécanismes prévus au Protocole n° 14. Un instrument juridique conçu en ce sens, et que l’on pourrait appeler « Protocole n° 14 bis », ou un accord conclu entre les États membres, pourrait nous permettre de mettre en œuvre de manière provisoire les dispositions du Protocole n° 14. Nous tiendrions ainsi l’engagement annoncé par la présidence espagnole au début de ses travaux.

A cet égard, le travail et l’enthousiasme du Président et du Greffier de la Cour ont été indispensables et je tiens à les féliciter et à les encourager à poursuivre les efforts qu’ils consacrent à la mise en œuvre des mécanismes de procédure destinés à améliorer les méthodes et à renforcer l’efficacité de la Cour.

La présidence du Comité des Ministres a réaffirmé sa ferme volonté de promouvoir la cohérence institutionnelle à travers un contact permanent avec cette Assemblée et en suivant ses débats, ainsi que lors des réunions avec son Président, à qui je suis reconnaissant pour la création de ce groupe de travail. Je le remercie pour son engagement et sa volonté de dialogue. Je remercie aussi la présidence des délégués des ministres pour avoir facilité nos travaux et contribué à créer de nouvelles dynamiques.

Pour la présidence espagnole, le dialogue entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire a été une véritable priorité. La résolution adoptée hier sur l’élection du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe fait apparaître à nouveau l’importance du maintien de ce dialogue pour trouver des solutions consensuelles. Ce dialogue peut couvrir différents domaines et notamment celui des ressources budgétaires. Tant le Comité des Ministres que l’Assemblée parlementaire doivent travailler de manière plus opérationnelle et plus étroite pour aboutir à une utilisation plus efficace du budget.

Nous sommes conscients du rôle joué par le Conseil de l’Europe et de sa dimension politique à la suite du mandat qui lui été confié lors du Troisième Sommet des Chefs d’État et de gouvernement à Varsovie. Nous devons pour cela continuer d’œuvrer pour la paix et l’extension des droits démocratiques et contribuer au règlement des conflits dits « gelés » dans notre région par la voie du dialogue entre les forces politiques.

La présidence espagnole a estimé nécessaire d'agir en Géorgie afin de trouver une issue à la grave situation humanitaire, en dotant l’Organisation et particulièrement le commissaire aux droits de l’homme des ressources nécessaires pour qu’ils puissent poursuivre leurs activités dans la région. Le travail du Commissaire dans cette situation complexe mérite d’être reconnu et, depuis cette tribune, je tiens à exprimer ma reconnaissance à M. Thomas Hammarberg pour ses efforts et son engagement.

Cette Assemblée et la Présidence ont jugé inacceptable la situation humanitaire en Géorgie et j’ai donc bon espoir qu’au cours de la session ministérielle de Madrid, un accord sera trouvé sur les mesures concrètes et substantielles qui sont discutées par le Comité des Ministres. Ces mesures s’inspirent du rapport du Secrétaire Général, qui pose les jalons d'une action soutenue et durable du Conseil de l'Europe, ainsi que d'une plus grande visibilité et efficacité de l’Organisation en Géorgie. Je suis convaincu que les travaux de cette Assemblée ont été décisifs dans ce conflit, et sa volonté politique s’est manifestée clairement lors de la réunion de Valence du mois de mars dernier.  

En ce qui concerne le Bélarus, le seul État du territoire européen à ne pas faire partie du Conseil de l’Europe, je vous informe que le désir commun que ce pays intègre notre Organisation lui a été transmis. Lors d’une récente visite, j’ai eu le plaisir de rencontrer les représentants de la société civile du Belarus, le Président Loukachenko, le ministre Martynov et plusieurs autorités à qui j’ai fait part de l’importance d’accélérer le rythme des réformes politiques, ainsi que la nécessité que ce pays rejoigne dès que possible notre défense des droits de l’homme et supprime définitivement la peine de mort. Lors de ma tournée d’entretiens, j’ai réaffirmé l'importance de protéger les libertés publiques d’expression et d’association, de faire respecter l’État de droit et de mettre fin à la pratique des procédures pénales à des fins politiques. En tant que président du Comité des Ministres, j’ai transmis à Minsk nos aspirations ; lors de ma visite à l’université, la mise en place d’un Bureau d’information du Conseil de l’Europe a été décidée. De même, j’ai exhorté les autorités moldaves à garantir le plein respect de l’État de droit, des libertés fondamentales et des droits de l’homme, tout en appelant dans le même temps à un plus grand engagement en faveur de la liberté pacifique de réunion, du droit à l’information et de la liberté d’expression.

L’actualité continue de nous poser des défis en Europe, défis que nous avons la responsabilité d’affronter avec une volonté politique et dans le respect des valeurs fondamentales qui ont été définies à Londres, il y a soixante ans. Les crises de ce début du XXIe siècle ne doivent pas porter atteinte à ces valeurs, mais au contraire les enraciner davantage dans les sociétés diversifiées et multiculturelles des quarante-sept États membres, du Belarus en tant que pays candidat et des cinq États observateurs.

Nous devons rester vigilants face aux débordements du racisme, de l’intolérance et de la xénophobie, et renforcer les mécanismes à notre disposition afin d’éviter toute violation des droits des groupes les plus vulnérables – les personnes handicapées, les minorités et les migrants. Le seul chemin possible pour l’avenir, c’est celui défini par les normes développées au cours des soixante ans d’existence de cette Organisation, qui a une expérience avérée sur le plan de la lutte contre la discrimination et les extrémismes.

C’est sur ces aspects et sur le poids de notre mémoire historique qu’ont été centrés les travaux du Conseil de l’Europe au cours de ces mois de Présidence espagnole, pendant lesquels l’accent a été mis sur la pleine égalité entre les femmes et les hommes, l’impact des nouvelles technologies de l’information, la protection des enfants dans les systèmes judiciaires, la lutte contre la violence à l’égard des femmes et contre la traite des êtres humains, ainsi que sur la nécessité de faire face au phénomène migratoire en mettant en place des politiques globales respectueuses des droits de l’homme. Dans la communication sur les activités du Comité des Ministres qui a été transmise à l’Assemblée, vous trouverez davantage d’informations sur ces activités, ainsi qu’une liste des actions qui ont été menées tout au long de ces derniers mois.

Comme nous avons pu le voir lors de la dernière partie de la session de l’Assemblée, les nouvelles technologies de l’information et de la communication offrent d’énormes possibilités pour l’approfondissement démocratique et les libertés, mais elles posent aussi des défis s’agissant du droit au respect de la vie privée et de notre sécurité. Aussi, nous devons poursuivre la lutte contre les réseaux de criminalité et d'autres menaces comme le terrorisme. À cet égard, l’Assemblée a adopté des documents qui ont orienté les discussions lors de la récente Conférence sur le terrorisme et la cybersécurité à San Lorenzo de El Escorial, laquelle, avec la participation du Conseil de l’Europe et du Comité interaméricain contre le terrorisme de l’Organisation des États américains, a fait le point sur la mise en œuvre de plusieurs Conventions.

Les progrès réalisés en vue de la ratification de la Convention sur la cybercriminalité sont un signe positif des activités du Conseil de l’Europe dans ce domaine, de même que l’entrée en vigueur de la Convention relative au blanchiment et au financement du terrorisme et de la Convention pour la prévention du terrorisme, dont la première réunion des États parties se tiendra également à Madrid. Toutes ces conventions sont de puissants instruments pour atteindre l’objectif difficile d’éradiquer le terrorisme, quelle que soit sa forme, lequel représente une violation flagrante des droits de l’homme et un défi majeur pour le Conseil de l’Europe et notre sécurité.

La dynamique des droits de l’homme exige également que nous soyons particulièrement attentifs aux éventuelles violations des droits des groupes les moins protégés de nos sociétés, et que nous élaborions de nouveaux instruments de prévention. Les avancées en ce qui concerne la signature de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains, la Conférence européenne de haut niveau sur les femmes et le handicap qui a eu lieu à León et la table ronde sur la lutte contre la discrimination des femmes organisée à New York, parallèlement à une session de la commission de la Condition de la femme des Nations Unies, représentent des progrès incontestables dans cette direction et une incitation à la participation politique des femmes, y compris les femmes handicapées.

Vous le savez, l’Espagne exercera la présidence du Conseil de l’Union européenne à partir du mois de janvier prochain. Je peux vous assurer qu’elle tiendra compte de la coordination avec le Conseil de l’Europe dans son rôle de promotion et de défense des droits de l’homme, des valeurs démocratiques et de l’État de droit. Cette coordination sera renforcée par la Réunion quadripartite lors de laquelle les représentants des deux Présidences ainsi que le Secrétariat du Conseil de l’Europe et la Commission européenne se réuniront le 11 mai prochain, à Madrid. Les travaux et les réunions ont déjà commencé en vue de parvenir à l’adoption de conclusions et de mesures utiles pour l’action des deux organisations.

Avec cette même volonté de coopération multilatérale, une réunion a également été organisée entre le Conseil de l’Europe et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le 13 mars dernier. La réunion de Vienne a été fructueuse et a eu comme toile de fond une rencontre avec l’Agence européenne des droits fondamentaux, aux travaux desquels notre Organisation est particulièrement liée.

Dans le cadre de la coopération multilatérale du Conseil de l’Europe, je me réjouis particulièrement de l’élan donné par la mise en œuvre du mémorandum d’accord avec l’Alliance des civilisations qui a été, comme chacun le sait, signé au mois de septembre dernier. Je sais l’intérêt avec lequel cette Assemblée a suivi l’évolution de l’Alliance des civilisations. Je suis heureux de pouvoir vous dire que nous avons ouvert la voie à une coopération solide entre le Conseil de l’Europe et l’Alliance, comme en témoigne le récent séminaire de Séville sur le rôle des médias, inauguré par le Haut Représentant du Secrétaire Général de l’Organisation des Nations unies, M. Jorge Sampaio. Nous avons articulé notre collaboration dans la lutte contre la discrimination sur les médias, autour des organisations et des professionnels du secteur ayant manifesté leur responsabilité à l’égard des différentes formes d’intolérance et de discrimination. 

La session ministérielle de Madrid fera le bilan de la Présidence espagnole et passera le témoin à la Présidence slovène avec laquelle nous collaborons déjà de manière particulièrement étroite depuis plusieurs semaines, afin de renforcer notre Organisation et ses objectifs fondamentaux et de faire face aux défis qui en découlent dans un monde complexe et interdépendant.

C’est dans le cadre de la réunion qui se tiendra dans la capitale espagnole que sera célébré le 60ème anniversaire de notre Organisation et, au Comité des Ministres, nous travaillons avec tous les États membres et le Secrétariat pour que la Déclaration qui sera adoptée à Madrid reconnaisse ce que nous devons, en tant qu’Européens, au Conseil de l’Europe, et fixe nos objectifs pour l’avenir.

Notre présidence souhaite laisser l’empreinte de sa reconnaissance à l’égard de cette Organisation, parce que le Conseil de l’Europe a représenté ce qui constitue l'essence de l'Europe au cours de ces six décennies et qu'il constitue une composante essentielle de l’architecture institutionnelle européenne. C’est le message que doit exprimer la Déclaration de Madrid, qui ouvrira de nouvelles perspectives pour l’avenir.

La modernisation institutionnelle et des systèmes de fonctionnement qu’a entreprise le Conseil de l’Europe doit donner lieu à une plus grande visibilité des travaux de cette Organisation et des réalisations qu’elle a accomplies, et renforcer davantage l’efficacité de ses activités à venir, à la fois dans l’intérêt des citoyens, des États membres et du Conseil lui-même. Comme le dit l’écrivain espagnol Jorge Semprun, « la mémoire joue un rôle fondamental, parce que la mémoire, c’est l’identité ». Et l’identité européenne du XXIè, mesdames et messieurs, est la mission du Conseil de l’Europe, qui renforce et actualise nos principes et nos valeurs ainsi que la défense du pluralisme démocratique et, surtout, des droits de l’homme. »

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC/UDF) a demandé qu’une enquête sur les violations des droits de l’homme en Tchétchénie soit confiée au Commissaire aux droits de l’homme :

« Le 16 avril, les autorités russes annonçaient qu’elles ne considéraient plus la Tchétchénie comme zone d’opération anti-terroriste, mettant fin officiellement à un conflit qui a notoirement donné lieu à des violations des valeurs qui nous unissent tous ici. On pourrait ainsi tourner tout simplement la page.

Monsieur le Ministre, seriez-vous disposé à demander qu’une enquête soit menée sous l’égide du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe pour bien marquer notre volonté de ne jamais transiger sur le respect de ces valeurs ? »

M. Miguel Angel Moratinos :

« M. Gil Robles a beaucoup travaillé avec la Fédération russe pour instaurer la transparence. Les nouvelles en provenance de Tchétchénie sont positives. Le commissaire aux droits de l’homme et le Conseil de l’Europe seront toujours attentifs à toute initiative. Il faut saluer cette nouvelle page qui vient d’être tournée en Tchétchénie. Quand les choses vont mieux, il faut le reconnaître. C’est aux Tchétchènes que nous devons nous intéresser. C’est ce que fait le Conseil de l’Europe. »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP) a interrogé M. Moratinos à propos du processus d’élection du Secrétaire général du Conseil de l’Europe :

« Je salue à mon tour votre présidence, Monsieur le Ministre. L’Europe est notre passion, la défense des droits de l’homme notre motivation quotidienne. Tout à l’heure, vous avez estimé que le mot « crise » était un peu fort. Je pense pour ma part qu’il n’est pas exagéré. Vous avez par ailleurs rappelé le rendez-vous important que nous aurons le 12 mai et vous avez souhaité que l’Espagne marque de son empreinte l’institution qu’elle préside.

Je me permets donc de vous reposer la question : êtes-vous disposé à entendre le cri unanime qui a été poussé hier au sein de cette Assemblée et à accepter que la démocratie l’emporte, ce qui suppose que nous puissions choisir de façon tout à fait libre parmi les quatre candidats au poste de Secrétaire Général ? »

M. Miguel Angel Moratinos :

« Nous nous passionnons tous pour l’Europe, nous avons cet engagement en commun, et je puis vous assurer qu’en ce soixantième anniversaire du Conseil de l’Europe, la présidence espagnole fera tout pour porter un Conseil de l’Europe plus fort, plus intégré, plus moderne, plus efficace et plus coopératif.  Dans cette démarche, chacun fera ce qu’il a à faire, dans son champ de compétences. Il n’y a pas de catastrophe mais simplement une nouvelle dynamique.

L’Assemblée parlementaire a fait clairement savoir, en particulier par la résolution qu’elle a votée hier, qu’elle était préoccupée par la décision du Comité des Ministres. Nous ne pouvons évidemment pas l’ignorer. Nous entendons ce qu’elle nous dit. Mais je voudrais aussi souligner qu’une décision prise par le Comité des Ministres est tout aussi démocratique qu’une décision prise par l’Assemblée parlementaire. Il n’y a pas deux démocraties mais une seule, dans laquelle chacun doit respecter son champ de compétences. Dans le cas qui nous occupe, celles du Comité des Ministres consistent à présenter une liste à l’Assemblée parlementaire. C’est ce qu’il a fait. L’Assemblée a réagi d’une façon à laquelle nous prêtons toute l’attention nécessaire, mais je vous prie aussi de respecter le Comité des Ministres qui a agi dans le respect des règles et de façon unanime.

Nous allons tâcher de mieux tenir compte des sentiments de l’Assemblée parlementaire, mais de grâce, respectons nos compétences respectives. C’est la meilleure façon de défendre nos valeurs communes. »

D. PROJET DE PROTOCOLE N° 14 BIS A LA CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES

Débat d’urgence, demandé par le Comité des ministres.

En raison du refus de la Douma d’Etat de la Fédération de Russie de ratifier, depuis 2006, le protocole n° 14 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme est gravement menacé par un afflux de requêtes.

En adoptant l’avis 271, l’Assemblée parlementaire manifeste son soutien au Comité des Ministres qui propose l’adoption et la ratification par les Etats d’un protocole additionnel n°14 bis à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales afin de permettre à la Cour de traiter uniquement des requêtes relevant de sa compétence en attendant l’application de toutes les dispositions prévues par le protocole n°14.

M. Michel Hunault (Loire-Atlantique – NC) a plaidé pour une augmentation des moyens financiers consacrés à la Cour, mais a également proposé de procéder à une évaluation des mécanismes juridiques des Etats membres du Conseil de l’Europe afin de mieux répondre au niveau national aux attentes des requérants :

« Nous débattons ce matin du protocole n° 14 bis parce qu’une délégation fait blocage. Je regrette que nos collègues russes ne soient pas présents car si nous en sommes là, c’est bien parce qu’il y a de leur part une certaine difficulté. La situation nécessite une voie transitoire. C’est dans ce cadre que nous devons envisager le protocole n°14.

Le rapporteur présente un excellent document. Il propose d’encadrer le protocole n° 14 bis. Ce doit être une exception pour sortir de l’impasse et l’objectif reste bien la ratification du protocole n° 14. Il convient de poursuivre le dialogue avec nos collègues de la délégation russe pour que le protocole soit ratifié. Je sais qu’un certain nombre d’entre nous s’y emploient. La commission juridique et des droits de l’homme s’est même rendue pendant deux jours à Moscou, au mois de novembre.

Au-delà du protocole n° 14 bis, il convient de réfléchir aux moyens qui sont donnés à la fois à la Cour et à notre Assemblée. Des collègues ont expliqué que nous en étions là parce que la Cour qui fêtera ses cinquante ans cette année est victime de son succès. Il faudrait évaluer en amont l’ordre juridique dans chacun des États car des personnes saisissent la Cour faute d’autre moyen et sans autre possibilité que de pointer des dysfonctionnements. Le droit à un procès équitable et à la garantie des libertés les plus essentielles est la condition indispensable pour l’adhésion au Conseil de l’Europe. Or ce droit n’est pas toujours respecté dans certains de nos États. L’examen du protocole n° 14 ne doit pas nous exonérer d’une évaluation des mécanismes juridiques dans un certain nombre de pays.

Par ailleurs, il importe de veiller aux moyens financiers accordés à la Cour. Certes, nous ne débattrons pas à nouveau du budget du Conseil de l’Europe, mais il nous faut trouver des pistes pour recruter les 135 juristes nécessaires à un fonctionnement efficace. J’ai visité avant-hier le service du courrier, à la Cour. Il n’y a que huit juristes. C’est dire la nécessité de recruter du personnel. Or notre institution n’a pas les moyens nécessaires. Il faut nous battre dans nos délégations respectives, comme nous le faisons sous l’autorité du président de la délégation française, pour que chacun des États accorde des moyens supplémentaires au Conseil de l’Europe.

Cette année marque les cinquante ans de la Cour, les soixante ans du Conseil de l’Europe. Cela devrait être l’occasion pour que, chacun, dans sa délégation et auprès de son gouvernement, milite pour que soient accordés plus de moyens, car il y va de la crédibilité de la Cour. On ne peut être la maison de la démocratie et vouloir garantir les plus essentiels des droits de l’homme sans se doter des moyens de fonctionnement nécessaires.

Nous n’avons sans doute pas d’autre solution que de ratifier le Protocole n° 14 bis, lequel a été validé par le commission des questions juridiques et des droits de l’homme, pour ne pas créer d’inégalité entre les citoyens en matière de saisine de la Cour. Mais les questions qui ont été posées par mes collègues, en particulier concernant les moyens, sont essentielles en termes de crédibilité et pour la pérennité de cette haute institution qui réalise un travail remarquable. »

Après avoir renouvelé son soutien à la Cour européenne des droits de l’homme, M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC/UDF) a souligné que celle-ci ne devait pas devenir une instance d’appel systématique des décisions des juridictions suprêmes nationales :

« Nous sommes appelés à débattre en urgence d’un sujet de préoccupation : l’engorgement de la Cour européenne des droits de l’homme. Le président de la Cour, M. Costa, ne cesse de nous lancer des appels de détresse à ce sujet. Il fallait donc que nous finissions par les entendre !

A mon tour, je félicite le rapporteur qui a clairement décrit la situation. Cette situation est, sans aucun doute, la rançon du succès, mais c’est également le prix inacceptable de la non ratification par la Russie du Protocole n° 14, protocole qu’elle a pourtant signé. Cette non ratification prend en otage la Cour, et, comme toute prise d’otages, elle doit cesser !

En attendant, la Cour doit sortir de cette impasse. Il nous est donc proposé une solution d’attente, le Protocole n° 14 bis, à laquelle nous sommes favorables. D’une part, parce qu’il représente un encouragement pour la Cour – et il importe qu’elle sache que nous nous préoccupons de la situation –, d’autre part, parce qu’il s’agit d’un progrès. La ratification du Protocole n° 14 reste une nécessité, et le plus tôt sera le mieux.

Le Protocole 14 bis, ersatz du Protocole n° 14 n’est en effet pas parfait, et ce pour trois raisons. D’abord, il faut que les pays membres, d’où proviennent le plus grand nombre de requêtes acceptent les procédures simplifiées. Ensuite, il fait coexister deux systèmes procéduraux distincts au sein de la Cour ; on risque donc de parler d’un système judiciaire « à deux vitesses », selon que les États membres auront ou non accepté les réformes procédurales.

Enfin, les gains de productivité résultant du Protocole n° 14 bis ne seront vraisemblablement pas suffisants pour désengorger entièrement la Cour. Les réformes envisagées ne peuvent dispenser les Etats membres de prendre les mesures à même de soulager la Cour, notamment en améliorant les recours internes. La Cour ne doit pas devenir un quatrième degré de juridiction pour les États, une instance d’appel des décisions des juridictions suprêmes nationales, dans des matières parfois éloignées du respect des droits de l’homme. Dans le même esprit, la Cour doit poursuivre sa réflexion sur ses propres méthodes de travail, en appliquant strictement de vrais critères de recevabilité.

Il est clair, en tout cas, que le respect que nous devons à la Cour, comme les contraintes budgétaires que subit le Conseil, nous condamne à mettre fin à la situation actuelle. »

ANNEXES

ANNEXE 1

Recommandation 1869 (2009)1

Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie : suites données à la Résolution 1648 (2009)

1.   L'Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution 1664 (2009) sur « Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie : suites données à la Résolution 1648 (2009) ».

2.   Elle estime que le Conseil de l’Europe a un rôle fondamental à jouer en Géorgie, y compris en Ossétie du Sud et en Abkhazie.

3.   Par conséquent, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres de prendre pleinement en compte les recommandations contenues dans la Recommandation 1857 (2009) sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie, et en particulier :

3.1.  de rester en liaison avec l'Union européenne, les Nations Unies, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et les autres acteurs internationaux ;

3.2.  d’apporter son soutien plein et entier aux Nations Unies dans leurs efforts en vue de négocier un nouveau mandat pour la mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG) ;

3.3.  d'adopter un plan d'action, en particulier avec des activités spécifiques centrées sur la protection et la promotion des droits de l'homme et des normes humanitaires internationales en Ossétie du Sud et en Abkhazie et d'examiner comment le Conseil de l'Europe peut être présent dans ces deux régions, soit de son plein droit, soit en tant que participant à une autre mission internationale menée par les Nations Unies ou d'autres organisations ;

3.4.  de fournir un soutien et un financement aux activités et au programme du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe en Ossétie du Sud et en Abkhazie ;

3.5.  de veiller à ce que les rapports réguliers sur la situation des droits de l'homme dans les zones affectées par le conflit demandés par le Comité des Ministres au Secrétaire Général (lors de la 1048e réunion des Délégués des Ministres les 11 et 12 février 2009) prennent pleinement en compte les préoccupations humanitaires, notamment celles concernant les nouvelles et anciennes personnes déplacées à l'intérieur du pays. En outre, les rapports devraient couvrir toutes les zones affectées par le conflit en Géorgie, dont les régions d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie et également l'Ossétie du Nord, ainsi que le sort des nouveaux et anciens réfugiés et personnes déplacées dans toutes ces zones ;

3.6.  de prendre des initiatives pour établir un dialogue et instaurer la confiance entre toutes les parties, et en particulier toutes les parties au conflit et la communauté internationale ;

3.7.  de soutenir les initiatives de la société civile, essentielles pour l'autonomisation des personnes, notamment des jeunes, et le développement de la société, afin de garantir une forte culture humanitaire et des droits de l'homme dans les anciennes zones de conflit.

1 Discussion par l’Assemblée le 29 avril 2009 (14e séance) (voir Doc. 11859, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur : Mme Jonker). Texte adopté par l’Assemblée le 29 avril 2009 (14e séance).

ANNEXE 2

Résolution 1664 (2009)1

Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie : suites données à la Résolution 1648 (2009)

1.  L'Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution 1648 (2009) sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie. Elle estime qu'il est important de donner suite à cette résolution en examinant plus en détails la situation humanitaire particulière en Ossétie du Sud et certaines des évolutions les plus récentes ayant un effet sur la situation humanitaire dans le reste de la Géorgie et dans les zones de conflit.

2.  Sur les 130 000 Géorgiens de souche déplacés pendant le conflit, il reste environ 26 000 personnes déplacées vivant dans des centres collectifs et avec des familles d’accueil à Tbilissi et dans d'autres régions de Géorgie. Sur les 33 000 à 38 000 personnes d'origine ethnique sud-ossète déplacées vers l'Ossétie du Nord pendant le conflit, environ 1 200 ne sont toujours pas revenues en Ossétie du Sud.

3.  Les besoins humanitaires immédiats découlant du conflit ont pu être satisfaits pendant l'hiver, grâce au gouvernement géorgien, au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, au Programme alimentaire mondial, à l’UNICEF, à de nombreuses autres agences humanitaires et ONG internationales et nationales, mais aussi aux pays ou organismes donateurs internationaux et à leurs activités en faveur de personnes se trouvant sur le territoire placé sous le contrôle du Gouvernement géorgien. De même, il faut souligner que la Russie a fourni une assistance humanitaire en particulier en Ossétie du Nord et en Ossétie du Sud. Il convient de mentionner également la contribution essentielle du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour son travail humanitaire en dehors de Tbilissi, ainsi que pour son action aux alentours de Tskhinvali, étant le seul acteur humanitaire international présent en Ossétie du Sud.

4.  Il convient maintenant d'accorder la priorité, après l'assistance humanitaire d'urgence, à des solutions durables, à la relance et au développement, notamment à la reconstruction des habitations et des structures détruites pendant la guerre et comme conséquence de celle-ci. Le rétablissement et les garanties d’un approvisionnement en gaz, en eau et en électricité sont une priorité.

5.  Les retours volontaires en sécurité et dans la dignité, de toutes les personnes déplacées internes et des réfugiés, doivent être encouragés en sécurité et dans la dignité. Cela s'applique à ceux qui ont été touchés par le récent conflit mais également à ceux victimes de conflits antérieurs.

6.  En août 2008, le gouvernement de la Fédération de Russie a alloué 10 milliards de roubles à un plan de développement socio-économique (2008-2011) pour l’Ossétie du Sud. Conformément au plan, une partie des travaux a déjà été effectuée, la construction de 46 installations sur 422 ayant été achevée et 1,5 milliards de roubles ayant été utilisés fin 2008. Ce montant permettra de réparer des bâtiments et des infrastructures et un nouveau gazoduc sera construit depuis l'Ossétie du Nord jusqu'à Tskhinvali. Ces mesures permettront d'améliorer la situation difficile dans laquelle vivent les personnes en Ossétie du Sud, notamment plus de 3 000 personnes qui sont toujours hébergées dans des centres collectifs depuis les conflits antérieurs.

7.  La sécurité est toujours un sujet de préoccupation pour de nombreuses personnes vivant en Ossétie du Sud, ainsi que pour celles qui vivent dans le reste de la Géorgie et notamment celles vivant près de la frontière administrative. Il existe toujours de nombreux motifs d'insécurité et de peur pour toutes les parties en raison des incidents autour de cette frontière, des prises d'otages, et également de l’éventualité d'une reprise des combats.

8.  Les villages d'Ossétie du Sud précédemment sous contrôle géorgien ont été entièrement rasés, à l'exception de quelques maisons. L'intention de procéder à un nettoyage ethnique des Géorgiens dans cette zone est évidente.

9.  Il est manifeste que des biens civils et des logements appartenant à des Sud-Ossètes ont été détruits par les forces militaires géorgiennes pendant la guerre.

10. La situation des Géorgiens de souche dans le district occupé d’Akhalgori est source de graves préoccupations ; si ces personnes ne sont actuellement pas obligées de quitter leur maison à cause de menaces ou d’actes de violence, elles doivent néanmoins faire face à de nombreux problèmes qui, s'ils ne sont pas traités, aboutiront à un nouvel exode dans la région. Ces problèmes incluent des restrictions pour traverser la frontière administrative, l'incertitude quant au système éducatif et à l'éducation en langue géorgienne, des pressions exercées afin qu'elles demandent des passeports sud-ossètes, des actes de discrimination individuels et des problèmes d'accès aux soins de santé.

11. Les dommages de guerre, les recherches et les témoignages qui sont clairement ressortis après la fin de la guerre attestent de violations de droits de l'homme et du droit humanitaire international commises par toutes les parties au conflit, qui doivent faire l'objet d'une enquête internationale indépendante. Plus particulièrement, il convient d'enquêter sur les allégations d'attaques aveugles de civils, notamment à l’aide de bombes à sous-munitions qui auraient été utilisées à la fois par les Géorgiens et par les Russes, ainsi que sur les attaques présumées de civils d'origine ethnique sud-ossète cherchant à fuir la zone de combats de Tskhinvali et de Géorgiens de souche cherchant à fuir la zone de combats, y compris dans les environs d’Eredvi.

12. La situation en Abkhazie reste également tendue. Les questions des restrictions pour traverser la frontière administrative au sud du district de Gali, des droits, notamment le droit à l’éducation dans la langue maternelle, des Géorgiens de souche vivant dans une situation de minorité de fait dans le district de Gali et du processus consistant à contraindre des personnes à adopter des passeports abkhazes sont particulièrement inquiétantes. Le récent incident survenu dans le village d’Otobaia, où 50 familles ont été expulsées puis autorisées ultérieurement à revenir, est également un grave sujet de préoccupation pour l'Assemblée.

13. L'avenir et le rôle des organisations internationales dans la région restent incertains. Le bureau de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Géorgie est en cours de fermeture, bien que le mandat des observateurs militaires non armés ait été renouvelé jusqu'au 30 juin 2009. S'agissant de l'Abkhazie, les Nations Unies ont réussi à négocier le renouvellement du mandat de leur mission d'observation jusqu'au 15 juin 2009, mais un nouveau mandat devra être négocié. La Russie et les autorités de facto empêchent la mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE) de pénétrer sur les territoires de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie.

14. De nouvelles initiatives doivent être prises pour établir un dialogue et instaurer la confiance entre toutes les parties au conflit et la communauté internationale. Cela ne pourra pas se faire si les frontières administratives sont totalement fermées et si les communautés sont totalement isolées. Des organisations internationales, dont les Nations Unies et le Conseil de l'Europe, doivent être présentes dans ces régions afin de promouvoir le dialogue et la confiance.

15. Au vu des considérations qui précèdent, l’Assemblée demande instamment à la Géorgie, à la Russie et aux autorités de facto de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie :

15.1.  de mettre pleinement en œuvre les recommandations faites dans la Résolution 1648 (2009) de l'Assemblée sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie ;

15.2.  de laisser les frontières administratives de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud ouvertes et de rester souples et pratiques quant à la question de l'accès à la région depuis le nord et depuis le sud, au moins à des fins humanitaires ;

15.3.  de veiller à ce que tous les approvisionnements de base, comme le gaz, l'électricité et l'eau, ne soient pas interrompus. Cela est particulièrement important en ce qui concerne l'approvisionnement en gaz à Tskhinvali et à l'approvisionnement en eau depuis l'Ossétie du Sud vers les villages situés au sud de la frontière administrative ;

15.4.  de garantir un accès libre et total à tous les lieux de rétention par les mécanismes internationaux de suivi, y compris le Comité européen pour la prévention de la torture et le CICR ;

15.5.  d’œuvrer à l’identification des personnes portées disparues et de traiter le problème des prises d'otages et des échanges de prisonniers, en faisant usage de manière appropriée des bons offices des différents médiateurs dans la région et du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe ;

15.6.  de soutenir les initiatives de la société civile, essentielles pour l'autonomisation des personnes, notamment des jeunes, et le développement de la société, afin de garantir une forte culture humanitaire et des droits de l'homme dans les anciennes zones de conflit ;

15.7.  d'accorder la priorité, dans le contexte humanitaire, à trouver un accord flexible et novateur relatif au mandat et au rôle des organisations internationales opérant dans la région, afin de promouvoir la paix et la stabilité et de surveiller la situation humanitaire et relative aux droits de l'homme. Plus particulièrement, à cet égard :

15.7.1. d'accepter que la mission d'observation des Nations Unies en Géorgie poursuive ses travaux ;

15.7.2. d'autoriser les officiers militaires non armés de l'OSCE à poursuivre leur mandat de surveillance et de négocier le renouvellement de la présence de l'OSCE dans la région d'Ossétie du Sud ;

15.7.3. de renforcer le mandat de la MSUE et de l'autoriser à accéder à toutes les zones de conflit ;

15.7.4. d'étudier la nécessité de mettre en place une nouvelle force de maintien de la paix internationalisée dans la région ;

15.7.5. de s'engager à s'abstenir d'employer la force les unes contre les autres, engagement qui faciliterait puissamment la recherche d'une solution globale à tous les problèmes humanitaires survenus suite à la guerre d'août 2008.

16. L'Assemblée demande instamment aux autorités de facto d’Ossétie du Sud et à la Russie :

16.1.  de veiller à ce que les 10 milliards de roubles alloués par la Fédération de Russie soient employés le plus efficacement possible en vue du développement socio-économique de l'Ossétie du Sud, y compris pour reconstruire des logements, reloger les personnes hébergées dans des centres collectifs et réparer les infrastructures endommagées et négligées ;

16.2.  de prendre des mesures contre toute personne ayant participé à la destruction ou au pillage de maisons et de veiller à ce que les habitations, les biens et les effets personnels ainsi que la sécurité physique de toutes les personnes d'origine ethnique géorgienne soient préservés et, pour ce qui est des habitations et des biens, qu'ils soient restaurés et partout où cela est possible restitués ; si cela n’est pas possible, selon les normes internationales et la volonté du demandeur, une indemnisation devrait être fixée par un tribunal indépendant ;

16.3.  de garantir le retour volontaire de toutes les personnes déplacées en sécurité et dans la dignité, conformément au droit international ;

16.4.  de s'abstenir de toute initiative qui contribuerait à de nouveaux départs de Géorgiens de souche notamment du district occupé d’Akhalgori, et de favoriser le retour de ceux qui sont déjà partis. À cet égard, des mesures doivent être prises pour :

16.4.1. faciliter les déplacements de la population locale du district d’Akhalgori de part et d’autre de la frontière administrative méridionale ;

16.4.2. aider à reconstruire tous les biens endommagés ou détruits dans le district ;

16.4.3. garantir les droits à l'éducation, notamment l'éducation dans leur langue maternelle, des Géorgiens de souche vivant dans le district d’Akhalgori ;

16.4.4. garantir que la population n'est pas obligée de prendre des passeports sud-ossètes ;

16.4.5. d’éviter les cas d’apatridie ;

16.4.6. lutter contre tout acte de discrimination, qu'il soit le fait d'individus ou des autorités.

17. L'Assemblée demande instamment aux autorités de facto d'Abkhazie et à la Russie :

17.1.  de laisser la frontière administrative méridionale ouverte, en particulier pour ceux qui vivent ou souhaitent revenir dans le district de Gali ;

17.2.  de veiller à ce que des incidents comme l'expulsion de villageois du village d’Otobaia ne se reproduisent pas ;

17.3.  de garantir le retour volontaire en sécurité et dans la dignité, y compris le retour de personnes dans la vallée de Kodori ;

17.4.  de veiller à ce que la population ne soit pas contrainte d’accepter des passeports abkhazes ;

17.5.       d’éviter les cas d’apatridie ;

17.6.  de garantir les droits à l’éducation, notamment l’éducation dans leur langue maternelle des Géorgiens de souche.

18. L'Assemblée demande instamment à la Géorgie :

18.1.  de poursuivre la stratégie nationale révisée pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, en coopération et consultation avec le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies et d'autres partenaires internationaux ;

18.2.  de réviser la Loi relative aux territoires occupés ou de s'abstenir de la mettre en œuvre d’une manière incompatible avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme et au droit humanitaire telles qu'elles ont été définies par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).

19. L'Assemblée demande instamment à la Russie d’étudier les besoins en logement et autres besoins humanitaires des personnes déplacées et des réfugiés issus du récent conflit ou de conflits antérieurs en Géorgie, quelle que soit leur origine ethnique, et à accélérer le relogement des personnes vivant actuellement pour de longues durées dans des centres collectifs en Ossétie du Nord.

20. L'Assemblée appelle la communauté internationale à redoubler d'efforts pour être présente en Ossétie du Sud et également en Abkhazie afin de diminuer la méfiance de la population locale et de renforcer la possibilité de dialogue avec toutes les parties.

21. L'Assemblée encourage le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe à poursuivre son important travail en matière de droits de l'homme dans la région.

22. L’Assemblée invite la Banque de développement du Conseil de l’Europe à continuer de soutenir les projets humanitaires dans la région touchée par la guerre, en consentant des prêts ou des dons selon les besoins.

23. L'Assemblée continuera de suivre attentivement la mise en oeuvre de la Résolution 1648 (2009) sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie et de la présente Résolution, ainsi que le rapport connexe de la commission de suivi sur la mise en oeuvre des Résolutions 1633 (2008) et 1647 (2009).

1 Discussion par l’Assemblée le 29 avril 2009 (14e séance) (voir Doc. 11859, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur : Mme Jonker). Texte adopté par l’Assemblée le 29 avril 2009 (14e séance).

ANNEXE 3

Avis n° 271 (2009)2

Projet de Protocole n°14 bis à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales1

1.  L’Assemblée parlementaire attache la plus haute importance au fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour), dont l’efficacité est gravement menacée, notamment, par un afflux toujours plus rapide de nouvelles requêtes et par l’augmentation constante du volume de l’arriéré des affaires. Elle se félicite par conséquent de l’initiative prise par le Comité des Ministres d’adopter, dès que possible, le projet de Protocole n° 14 bis, qui renforcera la capacité de traitement des requêtes par la Cour en attendant l’entrée en vigueur du Protocole n° 14 à la Convention européenne des droits de l’homme (la Convention).

2.  L’Assemblée relève également à ce propos l’initiative prise en parallèle, qui prévoit l’application provisoire des dispositions du Protocole n° 14 bis au moyen d’une déclaration, faite par une Conférence des Hautes Parties contractantes à la Convention en marge de la 119e session ministérielle qui se tiendra à Madrid le 12 mai 2009, initiative à laquelle elle souscrit pleinement. Cette démarche permettrait à la Cour d’appliquer ces dispositions à certains Etats parties à la Convention avant ou indépendamment de l’entrée en vigueur du Protocole n° 14 bis.

3.  L’Assemblée rappelle à cet égard la « Déclaration de Varsovie » du 17 mai 2005, dans laquelle l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement ont pris l’engagement solennel d’élaborer une stratégie à long terme destinée à garantir l’efficacité du système de la Convention, en tenant compte des effets initiaux du Protocole n° 14 et des autres décisions prises par le Comité des Ministres en mai 2004. L’absence d’entrée en vigueur du Protocole n° 14 demeure par conséquent une source de préoccupation majeure.

4.  A cet égard, l’Assemblée déplore vivement la position adoptée par la Douma d’Etat de la Fédération de Russie, qui a refusé depuis décembre 2006 de consentir à la ratification du Protocole n° 14 à la Convention, protocole important, portant modification de la Convention, et dont l’entrée en vigueur est soumise à la ratification préalable par l’ensemble des Etats parties à la Convention. En agissant ainsi, la Douma d’Etat a en réalité considérablement aggravé la situation dans laquelle se trouvait la Cour et a également empêché les personnes relevant de sa juridiction de bénéficier d’une procédure de traitement rationalisée des requêtes par la Cour. La Douma d’Etat est instamment invitée, avec la plus grande fermeté, à admettre que les modifications du mécanisme de contrôle prévues par le Protocole n° 14 (et par le Protocole n° 14 bis) permettront à la Cour de traiter les requêtes dans un délai acceptable, lui laissant ainsi la possibilité de se concentrer sur les affaires importantes, qui exigent d’être examinées en profondeur.

5.  Etant donné que l'entrée en vigueur du Protocole n° 14 à la Convention serait le moyen le plus efficace d'améliorer la difficile situation dans laquelle se trouve la Cour, ainsi que celle des requérants, l'Assemblée exhorte une nouvelle fois la Douma d'Etat de la Fédération de Russie à reconsidérer sans plus tarder son refus de consentir à la ratification de ce Protocole par la Russie.

6.  Toutefois, l'Assemblée considère le projet de Protocole n° 14 bis comme un bon moyen provisoire de donner rapidement effet à l’application provisoire de deux dispositions tirées du Protocole n° 14 à la Convention. Il s’agira d’un protocole additionnel, dont la ratification par l’ensemble des Etats parties à la Convention n’est pas indispensable. Il permettra à des formations de juge unique de traiter des requêtes manifestement irrecevables, actuellement traitées par des comités de trois juges, et étendra également la compétence du comité de trois juges au traitement des requêtes manifestement bien fondées et des affaires répétitives qui découlent de dysfonctionnements structurels ou systémiques, traitées à l’heure actuelle par les chambres de la Cour, composées de sept juges. L’existence du Protocole n° 14 bis prendra fin dès l’entrée en vigueur du Protocole n° 14 à la Convention.

7.  L’Assemblée se félicite du recours, par le Comité des Ministres, à la procédure d’urgence de l’Assemblée, qui lui a permis, au dernier moment, de prendre position sur un sujet important, qui est toujours activement examiné à l’échelon intergouvernemental.

8.  L’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’apporter les modifications suivantes au projet de Protocole n° 14 bis :

8.1.  dans le Préambule, ajouter un nouveau troisième paragraphe libellé comme suit : « 3. Eu égard à l’Avis n° 271 (2009), adopté par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le 30 avril 2009 » ;

8.2.  à l’article 1, remplacer « Parties » par « Hautes Parties contractantes » ;

8.3.  à l’article 6, paragraphe 1, remplacer « Etats membres » par « Hautes Parties contractantes » ;

8.4.  à l’article 6, paragraphe 2, remplacer « Etat membre » par « Haute Partie contractante à la Convention », remplacer « par le Protocole » par « par le présent Protocole » et ajouter, après les mots « en vigueur », la formule « à l'égard de cette Haute Partie contractante » ;

8.5.  supprimer les crochets de l’article 7 ; remplacer « du Protocole » par « du présent Protocole » et remplacer les mots « qu’elle l’appliquera » par « que les dispositions du présent Protocole lui sont applicables » ;

8.6.  supprimer tous les crochets des articles 8 à 10.

9.  S’agissant de l’exposé des motifs, l’Assemblée recommande que la version définitive du paragraphe 6 mentionne spécifiquement le présent avis de l’Assemblée parlementaire et la date de son adoption.

1 Voir le Doc. 11864.

2 Discussion par l’Assemblée le 30 avril 2009 (16e séance) (voir Doc. 11879, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur : M. De Vries). Texte adopté par l’Assemblée le 30 avril 2009 (16e séance).


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