Accueil > Documents parlementaires > Les rapports d'information
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 1985

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES SUR L’ARTICLE 38 DU PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2010 (N° 1976),

PAR Mme Marie-Jo Zimmermann,

Députée.

——

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de :

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente ; Mmes Danielle Bousquet, Claude Greff, Geneviève Levy, Bérengère Poletti, vice-présidentes, Mme Martine Billard, M. Olivier Jardé, secrétaires, Mmes Huguette Bello, Marie-Odile Bouillé, Chantal Bourragué, Valérie Boyer, Martine Carrillon-Couvreur, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, Marie-Françoise Clergeau, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Marie-Christine Dalloz, Claude Darciaux, Odette Duriez, M. Guy Geoffroy, Mmes Arlette Grosskost, Françoise Guégot, M. Guénhaël Huet, Mme Marguerite Lamour, M. Bruno Le Roux, Mmes Gabrielle Louis-Carabin, Jeanny Marc, Martine Martinel, Henriette Martinez, M. Jean-Luc Pérat, Mmes Josette Pons, Catherine Quéré, MM. Jacques Remiller, Daniel Spagnou, Mme Catherine Vautrin, M. Philippe Vitel.

INTRODUCTION 5

I. LA NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER LES DROITS DES MÈRES EN MATIÈRE DE RETRAITE 7

A. DES ÉCARTS DE RETRAITE PERSISTANTS ENTRE HOMMES ET FEMMES 7

1. Des niveaux de pension bien inférieurs à ceux des hommes 7

a) Les écarts entre hommes et femmes se creusent au moment de la retraite 7

b) Les pensions versées aux femmes diminuent avec le nombre d’enfants 9

2. Les évolutions n’effacent pas les écarts au détriment des femmes 10

a) Les femmes partent en retraite avec des durées d’assurance très inférieures à celles des hommes 10

b) La réduction prévisible des écarts de pension ne suffit pas à rétablir l’égalité 11

B. UNE ÉGALISATION DES DROITS QUI SERAIT TOUT À FAIT INJUSTE 13

1. La remise en cause par le juge, au nom du principe d’égalité, d’une mesure pourtant compensatrice des inégalités 13

a) La jurisprudence communautaire relative au régime des pensions de la fonction publique 13

b) L’extension aux pères, par la Cour de cassation, du droit aux majorations de durée d’assurance du régime général 15

2. Une question mal résolue parce que mal posée 16

a) L’impact des enfants sur l’activité et la carrière des femmes 16

b) La préservation de la majoration pour les mères tout en l’ouvrant aux pères se trouvant dans la même situation 19

3. Une réflexion globale sur les pensions des femmes et les mécanismes de compensation est indispensable 20

a) L’articulation des différents avantages familiaux et conjugaux 20

b) D’autres facteurs à prendre en compte, comme le temps partiel 20

II. L’EFFET CORRECTEUR DE LA MAJORATION DE DURÉE D’ASSURANCE POUR ENFANT 21

1. La majoration de durée d’assurance dans le régime général, les régimes alignés et le régime des non salariés agricoles 22

a) La correction des interruptions de carrière 22

b) Bénéficie à la quasi-totalité des mères 24

2. La réduction, en 2003, des bonifications pour enfants servies aux femmes fonctionnaires 25

3. La réforme proposée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 27

a) Le partage de la partie de la MDA liée à l’éducation, entre les deux parents, pour les enfants nés à partir de 2010 27

b) La dévolution des MDA lorsque les enfants sont adoptés postérieurement au vote de la loi 29

c) Le régime transitoire pour les enfants nés ou adoptés avant le vote de la loi 29

d) L’exclusion des majorations de durée d’assurance des durées validées permettant des départs anticipés. 30

III. UN OBJECTIF INDISSOCIABLE DE TOUTE RÉFORME DES RETRAITES : L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES 32

A. LE CONSTAT SANS APPEL DE LA PERSISTANCE D’INÉGALITÉS PROFESSIONNELLES 32

1) Le bilan des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes 32

2) Les limites des négociations collectives 33

B. DES DÉCISIONS À PRENDRE SUR PLUSIEURS FRONTS 34

1) Des sanctions pour parvenir à résorber les écarts salariaux 34

2) Des mesures pour favoriser l’accès des femmes aux responsabilités 34

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION ET RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 37

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 39

ANNEXE 2 : TABLEAU RÉCAPITULATIF DES RÈGLES APPLICABLES AUX MAJORATIONS DE DURÉE D’ASSURANCE POUR ENFANTS (FONCTION PUBLIQUE ET RÉGIME GÉNÉRAL) 73

MESDAMES, MESSIEURS,

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 comporte un article 38 qui réforme les majorations de durée d’assurances pour enfant accordées aux mères relevant du régime général.

Ces majorations sont aujourd’hui de huit trimestres par enfant élevé.

Elles bénéficient à la quasi-totalité des mères et comptent pour une part très importante (de l’ordre de 20 %) dans le montant des retraites des femmes, montant qui demeure malgré ces effets correctifs bien inférieur à celui des pensions des hommes.

La Cour de cassation a accordé le 19 février 2009 le bénéfice des majorations de durée d’assurance aux hommes.

Cette décision ne peut pourtant, en l’état, qu’accroître encore les différences significatives déjà constatées entre les femmes et les hommes au regard du droit à pension. La remise en cause de droits spécifiquement accordés aux femmes pour compenser les préjudices de carrière qu’elles subissent, au nom même d’un principe d’égalité entre hommes et femmes étroitement entendu, ne serait pas admissible.

I. LA NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER LES DROITS DES MÈRES
EN MATIÈRE DE RETRAITE

Bien que les femmes aient massivement investi le monde du travail, qu’elles constituent des droits propres à pension et bénéficient de dispositifs en partie correcteurs, face à la retraite, femmes et hommes ne sont toujours pas égaux. Aux écarts considérables qui persistent en matière de pensions, s’ajoute la forte dispersion des retraites servies aux femmes qui placent certaines d’entre elles dans des conditions économiques précaires.

Ce constat très préoccupant a été mis en avant, plusieurs fois, par la Délégation aux droits des femmes, que ce soit en 2003 au moment de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites ou bien à l’occasion de l’ouverture du deuxième rendez-vous sur les retraites, en juillet 2008 (1).

Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) s’est aussi saisi de cette question, en consacrant ses travaux de 2008 à l’examen des droits familiaux et conjugaux, droits qui jouent un rôle déterminant dans le montant des pensions servies aux femmes (2).

A. DES ÉCARTS DE RETRAITE PERSISTANTS ENTRE HOMMES ET FEMMES

1. Des niveaux de pension bien inférieurs à ceux des hommes

En 2004, le montant moyen des retraites perçues par les femmes a été de 38 % inférieur à celui des hommes ; ou, pour le dire autrement, les femmes ont perçu un montant moyen de retraite égal à 62 % de celui des hommes (1020 euros contre 1636 euros), c’est-à-dire à peine des deux tiers.

a) Les écarts entre hommes et femmes se creusent au moment de la retraite

Le développement de l’activité féminine qui contribue à réduire les écarts de retraite entre les femmes et les hommes, n’a finalement qu’un impact modéré sur le niveau des pensions qui leur sont servies, en raison de facteurs propres à l’emploi féminin et de leurs effets cumulatifs.

Les écarts de pension résultent, en effet, des différences dans le déroulement des carrières professionnelles : périodes d’inactivité ou d’interruptions d’activité liées à l’éducation des enfants, exercice d’une activité à temps partiel subi ou choisi, inégalités salariales et moindre progression professionnelle, ce qui apparaît lorsque l’on compare les droits directs acquis par les hommes et les femmes (ce qui exclut principalement la prise en compte des pensions de réversion et minimum vieillesse).

Les avantages de droits directs acquis par les femmes représentaient encore en 2004, moins de la moitié de ceux des hommes.

Montants mensuels moyens bruts de la retraite globale selon l’âge et le sexe

(en euros)

 

60 à 64 ans

65 à 69 ans

70 à 74 ans

75 à 79 ans

80 ans et plus

Ensemble

             

Retraite globale Femmes

1 191

961

941

986

1 067

1 020

Dont :

- Avantage principal de droit direct

1 073

801

705

663

616

745

- Avantage principal de réversion

75

120

192

279

397

229

- Avantages accessoires

43

41

44

45

54

46

             

Retraite globale Hommes

1 672

1 674

1 604

1 612

1 609

1 636

Dont :

- Avantage principal de droit direct

1 603

1 599

1 519

1 514

1 498

1 550

- Avantage principal de réversion

6

8

10

17

26

13

- Avantages accessoires

64

67

75

82

85

74

Avantages accessoires : bonifications pour enfants, majoration pour conjoint à charge, majoration pour aide constante d’une tierce personne, minimum vieillesse.

Champ : retraités de 60 ans ou plus, nés en France, ayant au moins un avantage de droit direct. Les retraités ne percevant qu’une pension de réversion sont exclus.

Source : Drees, échantillon interrégimes de retraités 2004.

Ces chiffres sont une moyenne qui dissimule de fortes disparités au sein des pensions versées aux femmes, entre celles ayant eu des carrières complètes (moins d’une femme retraitée sur deux en 2004) et celles aux carrières incomplètes, parfois très courtes. Ceci est tout particulièrement vrai pour les femmes les plus âgées, isolées qui se trouvent dans des situations économiques très précaires.

Cette forte proportion de carrières courtes explique la part importante des faibles pensions chez les femmes comme le souligne le COR : « à titre d’exemples, sept femmes retraitées sur dix avaient en 2004 une retraite globale inférieure à 1200 euros par mois contre un peu plus d’un tiers des hommes, et près de 50 % des femmes avaient une retraite inférieure à 900 euros contre 20 % des hommes » (3).

En conséquence d’une moindre constitution de droits à la retraite, les femmes sont contraintes de liquider plus tard leurs droits (dans le régime général, le montant de la retraite est proportionnel au nombre de trimestres validés et en cas de carrière incomplète, est amputé d’une décote si le départ a lieu avant 65 ans).

3 femmes sur 10 doivent attendre l’âge de 65 ans pour compenser les effets d’une carrière incomplète et accéder au bénéfice du taux plein pour le calcul de leur pension, alors que les liquidations tardives concernent très peu les hommes (seulement 1 homme sur 20).

Âges de première liquidation de la retraite pour la

génération née en 1938 en France

 

Répartition par âge de liquidation (en %)

Âge moyen de liquidation
(en années)

 

< 60 ans

60 ans

61-64 ans

65-66 ans

Ens.

 

Ensemble des femmes, dont :

6

51

11

32

100

61,5

salariés du privé (CNAV et MSA salariés)

0

49

111

40

100

62,2

Fonction publique

34

50

11

5

100

57,8

Ensemble des hommes, dont :

11

64

12

13

100

60,1

salariés du privé (CNAV et MSA salariés)

1

70

13

16

100

61,0

Fonction publique

46

42

8

4

100

58,8

Source : Drees, échantillon interrégimes de retraités 2004.

Comme le montre le tableau ci-dessus, pour l’ensemble des retraités de tous les régimes, en 2004, les femmes nées en 1938, ont en moyenne liquidé leur droit à la retraite deux ans plus tard que les hommes : à 61,4 ans au lieu 59,5 ans.

Finalement comme l’a constaté M. François Charpentier, auteur de l’ouvrage : « Les retraites en France et dans le monde » (4), devant la Délégation, les écarts de revenu non seulement persistent mais se creusent entre hommes et femmes au moment de la retraite.

b) Les pensions versées aux femmes diminuent avec le nombre d’enfants

La constitution de droits propres à pension diminue avec le nombre d’enfants. Cet élément n’étant qu’en partie corrigé par l’effet compensateur des droits familiaux, les femmes partent en retraite avec une pension d’autant plus faible qu’elles ont eu des enfants.

Pension moyenne mensuelle de droit propre tous régimes des femmes retraitées en 2004 (générations 1934 et 1938)

Nombre d’enfants

Pension moyenne mensuelle en euros

0

1122

1

1029

2

818

3

703

4 ou plus

627

ensemble

825

Source : d’après DREES, Échantillon interégimes de retraités (EIR) 2004, Échantillon interégimes de cotisants, 2001. COR, p 92.

Les femmes n’ayant eu aucun enfant, ou un seul enfant perçoivent une pension de 25 % supérieure à l’ensemble des femmes. Symétriquement, les femmes ayant eu trois enfants ont eu une pension inférieure de 15 % (703 euros) (5).

Bien que le mécanisme de la majoration de durée d’assurance (MDA), associé à l’Assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), permette de rapprocher la durée d’assurance entre les femmes ayant eu des enfants et celles qui n’en ont pas eu, cela ne suffit cependant pas à corriger les effets de la maternité et encore moins à combler l’écart des pensions entre les hommes et les femmes.

2. Les évolutions n’effacent pas les écarts au détriment des femmes

a) Les femmes partent en retraite avec des durées d’assurance très inférieures à celles des hommes

La durée d’assurance est un élément qui pèse fortement dans le calcul de la pension.

Or, les femmes parties en retraite en 2004 avaient une durée d’assurance moyenne de 137 trimestres, soit 20 trimestres de moins que les hommes de la même génération (6).

Il faut préciser que cette durée comprend les trimestres acquis au titre de la MDA auxquelles ces femmes ont eu droit et qui compte pour 17 trimestres. Sans l’effet correctif des MDA, l’écart de durée d’assurance entre ces hommes et ces femmes serait donc de 37 trimestres, chiffre important quand on le rapporte à la durée totale d’assurance nécessaire pour avoir droit au taux plein de liquidation qui est de 160 trimestres (164 trimestres à partir de 2012).

Le constat que l’on peut faire aujourd’hui sur les cotisants montre que les écarts de durée d’assurance à l’âge de trente ans se resserrent. Il y a moins d’un trimestre d’écart entre les femmes et les hommes de la génération de 1970 (28 trimestres d’écart pour la génération de 1942), en raison de l’entrée croissante des femmes sur le marché du travail.

Cette évolution appelle cependant deux remarques :

- les écarts de durée d’assurance à l’âge de trente ans sont peu significatifs dans la mesure où, à cet âge et en moyenne, les femmes viennent seulement d’avoir leur premier enfant, alors que les interruptions de carrière sont fortement liées à la présence des enfants et augmentent avec leur nombre (cf infra) ;

- le resserrement de l’écart provient d’une plus large participation des femmes au marché du travail, mais aussi du fait que, entre les générations de 1942 et 1966 les hommes ont « perdu » près de dix trimestres de durée d’assurance, en raison d’une entrée plus tardive dans la vie active et de plus grandes difficultés d’insertion sur le marché du travail par rapport aux générations précédentes. Globalement, le nombre de trimestres validés à trente ans a en fait diminué : il est passé de 39,8 trimestres en 1950 (chiffre le plus haut pour la période considérée) à 30,8 pour la génération de 1974 (7).

Bien que moins marquée la différence existe également entre les femmes et les hommes fonctionnaires. La durée de carrière des fonctionnaires femmes est de deux ans (soit huit trimestres) plus courte que celle des hommes.

b) La réduction prévisible des écarts de pension ne suffit pas à rétablir l’égalité

Si les projections sur les durées d’assurance montrent un rapprochement des écarts entre hommes et femmes, l’évolution des niveaux de pension devrait cependant persister.

• Le rapprochement de taux d’activité et des durées d’assurance en projection

Les taux d’activité masculins et féminins se rapprochent (en trente ans on est passé d’un écart de près de 30 % à moins de 10 % entre les taux d’activité). À la différence des générations les plus anciennes qui ont peu ou pas travaillé, 83 % des femmes entre 25 et 49 ans sont aujourd’hui actives.

En conséquence, les écarts de durée d’assurance entre les hommes et les femmes se resserrent, au fil des générations. Alors que la durée d’assurance validée par les hommes reste stable, celle des femmes s’accroît, tout en restant toutefois inférieure à celle des hommes : entre 40 et 50 ans l’écart de durée moyenne d’assurance passerait de 23 à 14 trimestres (8).

Il faut préciser que ces chiffres portent sur « la durée d’assurance validée » c’est-à-dire sur les trimestres effectivement cotisés, y compris les périodes assimilées. Ils ne prennent donc pas en compte les trimestres obtenus au titre de la MDA car, comme cela a été dit, ceux-ci ne sont intégrés à la durée d’assurance qu’au moment de la liquidation de la retraite. Par contre, ils prennent en compte les trimestres validés au titre de l’AVPF dont les femmes sont pratiquement les seules bénéficiaires. Ils intègrent donc déjà un effet correctif de la non-activité.

• La persistance d’un différentiel

Le seul rapprochement de l’écart de durée d’assurance, même s’il constitue un facteur important dans la détermination de la pension ne suffira pas à résoudre les différences de niveau de pension qui dépendent aussi d’autres éléments comme les écarts salariaux, les formes de l’activité (temps partiel ou non), voire d’une précarité plus ou moins grande.

Les évolutions ont des effets très lents en matière de retraite. En particulier, les retraites reflètent les écarts de rémunération antérieurs : la pension du régime général dépend du salaire annuel moyen calculé sur les 25 meilleures années de la carrière et les pensions complémentaires prennent en compte les salaires de toute la carrière.

M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale, indiquait à la Délégation (9)que : « Il est clair que de grandes disparités existent entre hommes et femmes en termes de retraites, que ces écarts existent depuis des générations et qu’ils ne se résorbent que très lentement comme les projections le font apparaître. Au fil du temps, ces écarts de pensions vont être de moins en moins liés à des différences de durées de cotisation car de plus en plus de femmes auront des carrières complètes, mais ils subsisteront en raison des profils de carrière des femmes et des inégalités salariales. »

Pour les générations de 1965 à 1974, les pensions des femmes ne représenteraient encore que 63 % de celle des hommes (10).

Parmi les facteurs qui freinent le rapprochement du niveau des pensions entre hommes et femmes, figure aussi l’effet variable sur les retraites des femmes et des hommes des réformes intervenues.

Le niveau des pensions versées aux femmes subit les effets de la réforme de 1993 qui a, à la fois, allongé la durée de cotisation et accru le nombre d’années pris en compte pour calculer le salaire de référence. 

D’une part, le passage de 37,5 à 40 ans de cotisation pour bénéficier du taux plein de liquidation, pénalise d’autant plus les femmes qu’elles ont, comme on l’a dit, en moyenne, des carrières moins longues que les hommes, notamment en raison des interruptions d’activité liées à l’éducation des enfants.

D’autre part, les années pendant lesquelles sont imputées les périodes qui compensent les interruptions d’activité, doivent pouvoir être validées pour que la compensation soit effective. Ceci suppose que le revenu des trimestres afférents soit suffisant, alors même que ces périodes n’entraînent pas de report de salaire au compte. Or, comme le souligne la Cour des comptes, depuis 2003, la période de référence sur laquelle le salaire annuel moyen est calculé, ayant été portée à 25 ans (au lieu de 10 ans), « la fréquence de prise en compte d’années pour lesquelles les revenus d’activité ne permettent pas la validation d’une année complète s’est accrue, ce qui réduit la portée de la compensation d’interruption d’activité par le biais de la durée d’assurance ».

Le bilan que le COR tire des premières années de mise en œuvre de la réforme de 2003, prolonge ce constat. Il établit en effet que les différentes mesures qui ont accompagné l’allongement de la durée d’assurance (décote, surcote, versements pour la retraite, retraite anticipée pour carrière longue…) ont été diversement profitables aux hommes et aux femmes :

- la part des femmes parmi les nouveaux retraités concernés par la décote tend à s’accroître (passant de 41 % en 2004 à 51 % en 2007)

- les femmes restent minoritaires parmi les bénéficiaires de la surcote et de la retraite anticipée pour carrière longue (un quart des départs) et parmi les cotisants qui effectuent un versement pour racheter des trimestres d’assurance notamment au titre de leurs études supérieures.

B. UNE ÉGALISATION DES DROITS QUI SERAIT TOUT À FAIT INJUSTE

1. La remise en cause par le juge, au nom du principe d’égalité, d’une mesure pourtant compensatrice des inégalités

a) La jurisprudence communautaire relative au régime des pensions de la fonction publique

Une première remise en cause du régime des majorations d’assurance est intervenue en 2001, avec l’arrêt Greismar (11)de la Cour de Justice pour les communautés européennes.

La Cour a jugé, d’une part que les pensions servies au titre du régime de retraite des fonctionnaires étaient assimilables à des rémunérations, et à ce titre entraient dans le champ d’application de l’article 141 du traité instituant la Communauté européenne qui pose le principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins et, d’autre part, que la circonstance selon laquelle les femmes fonctionnaires étaient plus touchées que les hommes, par les désavantages professionnels résultant de l’éducation des enfants, parce que ce sont les femmes qui, en général, assument cette éducation, n’était pas de nature à fonder une différence objective de situation pouvant justifier une discrimination.

À la suite de cet arrêt, le Conseil d’État a considéré que l’article L. 12.b du code des pensions civiles et militaires était incompatible avec le principe d’égalité des rémunérations, car il excluait les hommes du bénéfice de la bonification, et que le père n’avait pas à apporter la preuve de l’éducation de l’enfant pour en bénéficier (12). Cette décision a conduit à revoir le dispositif de certains droits familiaux du régime de la fonction publique (majorations de pension et majorations de durée d’assurance) lors de la réforme des retraites du 21 août 2003.

Cette question n’est pourtant pas encore définitivement close.

En effet, par un avis motivé du 25 juin dernier, la Commission européenne a demandé à la France de rendre le dispositif des bonifications conforme au principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Est en cause, la condition d’interruption d’activité de deux mois pour pouvoir bénéficier de la bonification, lorsque les enfants sont nés avant le 1er janvier 2004, c’est-à-dire lorsque les enfants sont nés antérieurement à l’entrée en vigueur de la modification décidée par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Pour la Commission, les femmes remplissant automatiquement cette condition du seul fait du congé de maternité, il s’agit d’une règle discriminatoire à l’égard des hommes qui n’ont que très rarement pris un congé parental ou un congé d’adoption à l’arrivée de l’enfant, et ne sont donc pas en mesure de satisfaire à cette exigence qui a été posée ultérieurement.

Par ailleurs, la Commission estime que la situation des hommes et des femmes fonctionnaires est comparable au regard de l’éducation des enfants (comme le relevait déjà l’arrêt Greismar précité). Les données statistiques justifiant le caractère de compensation du préjudice de carrière subi par les femmes du fait de l’éducation des enfants ne peuvent donc, pour la Commission, fonder une mesure qui, dans les faits, bénéficie aux femmes fonctionnaires alors que les hommes fonctionnaires peuvent avoir été exposés aux mêmes désavantages de carrière.

b) L’extension aux pères, par la Cour de cassation, du droit aux majorations de durée d’assurance du régime général

Un arrêt de la Cour de cassation du 19 février 2009 (13) a considéré que les règles applicables aux MDA du régime général étaient discriminatoires et en a accordé, sans condition, le bénéfice à un père de famille.

Il faut préciser que les prestations du régime général (à la différence des pensions servies par le régime de la fonction publique) n’entrent pas dans le champ des dispositions communautaires qui imposent un traitement identique des hommes et des femmes (14).

C’est pourquoi, la Cour s’est référée à l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 qui interdit les discriminations fondées sur le sexe et sur l’article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, pour considérer que réserver le bénéfice de la MDA aux mères, alors que les pères élèvent aussi leurs enfants, était contraire au principe d’égalité. La Cour fait valoir que : « une différence de traitement entre hommes et femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes circonstances ne peut être admise qu’en présence d’une justification objective et raisonnable ; qu’en l’absence d’une telle justification, l’article L.351-4 du code de la sécurité sociale qui réserve aux femmes le bénéfice d’une majoration de carrière pour avoir élevé un ou plusieurs enfants, est incompatible avec ces stipulations ».

Par cet arrêt, la Cour de cassation est revenue sur la jurisprudence par laquelle, sur la base du même article 14 de la convention, elle avait déjà accordé le bénéfice de la MDA à un père, mais à la condition que celui-ci puisse prouver qu’il avait élevé seul un enfant (15).

La voie avait été ouverte par la Halde qui saisie de réclamations depuis 2005, a demandé la mise en conformité du régime des MDA avec l’article 14 de la convention européenne des droits de l’homme, au motif que : « Ces avantages accordés aux femmes ayant élevé des enfants ne visent donc pas à compenser les désavantages liés au congé de maternité ou à l’éloignement du service après l’accouchement, ni à les aider à mener leur vie professionnelle sur un pied d’égalité avec les hommes mais uniquement à leur offrir, au moment de leur départ à la retraite, certains avantages en lien avec la période consacrée à l’éducation des enfants. Le traitement différencié des hommes et des femmes n’apparaît donc pas justifié au regard de l’objectif de la mesure qui est de prendre en compte une période d’inactivité liée à l’éducation des enfants. »  (16)

L’arrêt de la Cour de cassation qui s’appuie sur une conception stricte du principe d’égalité, a conduit à proposer une réforme des règles d’attribution des MDA tenant compte des dispositions de la convention européenne des droits de l’homme, telles qu’elles ont été interprétées par cette jurisprudence.

2. Une question mal résolue parce que mal posée

Le débat qui s’est instauré depuis l’arrêt de la Cour de cassation, autour de la remise en cause d’avantages spécifiquement destinés aux femmes pour compenser les préjudices de carrière qu’elles subissent, est tout à fait paradoxal. Le dispositif des majorations d’assurance tel qu’il existe depuis 1972, dont la légitimité n’est pas contestable et dont l’utilité est évidente, est en effet remis en cause au nom même d’un principe d’égalité entre homme et femmes étroitement entendu.

Accorder la MDA aux hommes, selon les propres termes du Conseil constitutionnel (17) à propos de l’attribution aux hommes des bonifications pour enfants du régime de la fonction publique ne ferait pourtant « en l’état, qu’accroître encore les différences significatives déjà constatées entre les femmes et les hommes au regard du droit à pension ».

Cette extension ne saurait effectivement, se justifier par un impératif d’égalité au vu des carrières professionnelles qui sont celles des femmes aujourd’hui.

a) L’impact des enfants sur l’activité et la carrière des femmes

La présence d’enfants retentit, en effet, sur l’activité professionnelle des femmes alors qu’elle n’a pratiquement jamais d’incidence sur la carrière des hommes.

• Taux d’activité et présence des enfants :

À l’arrivée du premier enfant : 89,8 % des femmes sont en activité. Le deuxième enfant fait baisser ce taux à 85,3% et avec trois enfants ou plus, seulement deux femmes sur trois (67 %) restent en activité.

Cette moyenne recouvre de fortes disparités selon l’âge des enfants, le taux d’activité étant d’autant plus faible que les enfants sont petits.

Taux d’activité des mères de famille de 25 à 49 ans selon le nombre d’enfants de 0 à 18 ans vivant au domicile et le dernier diplôme

Situation familiale et diplôme

Effectifs
(en milliers)

ensemble

1 enfant

2 enfants

3 enfants

Ensemble

6 715

83,6

89,8

85,3

67

Aucun diplôme, certificat d’études primaires

1 215

67,6

77,6

71,1

50,7

BEPC,CAP,BEP,BAC

3 401

85

90,9

85,7

69,4

Diplôme supérieur

2 100

90,6

94,4

91,2

79,8

Source : Insee, enquêtes annuelles de recensement de 2004 à 2007.

La répartition des bénéficiaires des allocations versées par les caisses d’allocation familiales à l’occasion de l’arrêt de l’activité corrobore à l’évidence ce constat.

Depuis le 1er janvier 2004, le complément de libre choix d’activité (CLCA) s’est substitué à l’allocation parentale d’éducation (APE). Il est attribué au parent ayant cessé totalement ou partiellement son activité professionnelle pour s’occuper de son enfant de moins de trois ans. Au 1er juillet 2006, un second complément a été créé, le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) qui ne peut être versé à taux partiel : il exige la cessation totale d’activité.

2 % des bénéficiaires du CLCA de rang 3 et plus à taux plein et 6 % des bénéficiaires du COLCA sont des hommes.

• Le creusement des écarts de carrière entre les hommes et les femmes au fil des naissances

L’enquête « Familles et employeurs » menée par l’INED et l’INSEE a cherché à évaluer l’impact des naissances sur les carrières des deux parents.

Après une première naissance, une part des mères s’arrête durablement de travailler : un quart des mères qui ne travaillent pas pendant l’année qui suit la naissance n’auront toujours pas repris un emploi cinq ans plus tard (sachant qu’elles ont pu avoir d’autres enfants pendant la période). Un tiers seulement reprend un emploi stable dans l’année qui suit la naissance, mais les interruptions s’accroissent avec le nombre d’enfants.

Les naissances sont donc un moment charnière dans le creusement des écarts entre les trajectoires professionnelles des hommes et des femmes, et chaque naissance supplémentaire accentue ce décalage.

En outre, comme cela est souligné par le rapport élaboré par Mme Brigitte Grésy en juillet 2009 (18), les ruptures de trajectoire professionnelle ne se manifestent pas seulement au moment de l’interruption d’activité à la naissance, mais tout au long de la carrière. Cela se manifeste, principalement par le travail à temps partiel qui est un moyen d’articuler emploi et vie familiale. C’est ainsi que le temps partiel féminin progresse surtout après la deuxième naissance au sein de la famille. Sans compter que la naissance constitue un frein à l’activité pour les femmes qui n’occupaient pas au préalable un emploi et freine les opportunités de carrière future. Ainsi 83 % des étudiantes qui ont dû abandonner leurs études établissent un lien entre ce fait et la naissance de leur enfant.

Au contraire, être père ne semble pas avoir de conséquences sur la situation professionnelle des hommes vivant en couple. Qu’ils aient ou non des enfants, la quasi-totalité des hommes sont sur le marché du travail ou travaillent à plein temps au terme de leur septième année de vie active. 91 % des pères déclarent que leur situation professionnelle n’a en rien été affectée par la naissance de leur premier enfant alors que 32 % des mères considèrent que la première naissance a eu une incidence sur leur emploi.

Non seulement, la présence d’enfants est sans incidence sur la carrière des hommes, mais elle peut même avoir plutôt un effet positif sur celle-ci, comme cela a été souligné devant la Délégation, par l’image de responsabilité qu’elle confère au père (19).

b) La préservation de la majoration pour les mères tout en l’ouvrant aux pères se trouvant dans la même situation

Comme le souligne le COR dans son rapport sur les droits familiaux et conjugaux, la Cour européenne des droits de l’homme a admis que les États ayant adhéré à la convention européenne des droits de l’homme disposaient  « d’une marge d’appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d’autres égards analogues justifient des distinctions de traitement juridique » qu’elle apprécie en opérant un contrôle de proportionnalité entre les moyens et le but recherché. (CEDH, 23 juillet 1968, Affaire relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique). La Cour a même renversé le raisonnement, en estimant que le principe de non-discrimination pouvait être transgressé « lorsque, sans justification objective et raisonnable, les États n’appliquent pas un traitement différent à des personnes dont les situations sont sensiblement différentes. »

Le Conseil constitutionnel avait admis dans sa décision n° 2003-483 DC du 24 août 2003 sur la loi portant réforme des retraites  que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’on puisse traiter différemment des situations différentes : « si l’attribution d’avantages sociaux liés à l’éducation des enfants ne saurait dépendre, en principe, du sexe des parents ; considérant toutefois, qu’il appartenait au législateur de prendre en compte les inégalités dont les femmes ont jusqu’à présent été l’objet ; qu’en particulier, elles ont interrompu leur activité professionnelle bien davantage que les hommes afin d’assurer l’éducation de leurs enfants ; qu’ainsi , en 2001, leur durée moyenne d’assurance était inférieure de onze années à celle des hommes : qu’en raison de l’intérêt général, (…) le législateur pouvait maintenir, en les aménageant, des dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ; »

Comme cela a été dit, les prestations du régime général n’étant pas considérées comme des rémunérations, elles ne relèvent pas de la compétence des institutions communautaires qui imposent un traitement identique des hommes et des femmes, mais doivent se conformer aux décisions des juridictions compétentes, en l’occurrence la CEDH, sur « la proportionnalité » d’un dispositif de compensation dont la légitimité est, par ailleurs, admise et « le caractère objectif et raisonnable » de l’avantage qui est reconnu aux femmes.

L’ensemble des termes de ce débat rend indispensable une réflexion sur les moyens de compenser au mieux les inégalités subies par les femmes, car ces dispositifs demeurent indispensables tant que les écarts de salaire et de déroulement de carrière ne sont pas résorbés et que les inégalités subies par les femmes perdurent.

Or, d’une part, les MDA sont un facteur correctif essentiel, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport annuel sur la sécurité sociale (20), la durée d’assurance est « toujours, dans les régimes de base, le principal moyen de faire jouer des mécanismes de solidarité, au profit d’assurés devant faire face à des aléas de vie ou de carrière ».

D’autre part, la constitution des droits en matière de retraite se fonde sur des durées très longues qui révèlent des phénomènes de discrimination qui ne sont pas nécessairement perceptibles à l’instant « t », d’où les problèmes posés par un système dans lequel les majorations seront accordées en fonction du choix des parents au terme des quatre premières années après la naissance ou l’adoption de l’enfant.

3. Une réflexion globale sur les pensions des femmes et les mécanismes de compensation est indispensable

Les avantages familiaux ne corrigent qu’imparfaitement l’écart de pension entre les hommes et les femmes : puisqu’une fois ceux-ci pris en compte les pensions des femmes n’égalent encore que 62 % de celles des hommes.

a) L’articulation des différents avantages familiaux et conjugaux

Les majorations de durée d’assurance s’articulent avec d’autres « avantages » de retraite liés aux enfants, et en particulier avec l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) (21) qui joue également sur la durée d’assurance, en permettant, sous condition de ressources, que soient validés comme durée cotisée, des trimestres consacrés à l’éducation des enfants.

Le jeu croisé des deux n’est pas sans soulever de difficultés comme les travaux du COR l’ont mis en évidence. S’y ajoutent, en outre, d’autres mécanismes tels que les majorations de pension pour les parents ayant eu trois enfants ou plus

Par ailleurs, les avantages familiaux, essentiellement les pensions de réversion, jouent également pour une part essentielle dans la retraite des femmes. Leur évolution devant tenir compte de l’évolution de la conjugalité pose un débat qui ne pourra rester sans réponse.

Les travaux du COR sur ces sujets ont mis en évidence l’importance des enjeux qui s’attachent à ces questions, enjeux qui dépendent également de facteurs plus directement liés au marché du travail.

b) D’autres facteurs à prendre en compte, comme le temps partiel

L’exercice d’une activité à temps partiel est un facteur qui va peser fortement sur les pensions des femmes dans les années à venir.

Le travail à temps partiel n’affecte pas la durée d’assurance dans le régime général (du moins lorsque l’activité rémunérée au SMIC est au moins exercée à mi-temps) en application de la règle dite « des 200 heures de SMIC ». Toute personne ayant perçu pendant un trimestre, l’équivalent de 200 heures de SMIC, pourra valider l’ensemble de ce trimestre (22). Par contre, le temps partiel retentit de façon évidente sur le salaire de référence sur la base duquel la pension est calculée.

Or, le temps partiel n’a véritablement commencé à se développer qu’au début des années quatre-vingts. En vingt-cinq ans, la part des salariés à temps partiel a plus que doublé (18 % des salariés en 2005, contre 8 % en 1982 (23)). Et il concerne très majoritairement les femmes : 30 % des femmes actives occupent un emploi à temps partiel contre 5,7 % des hommes et 82 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes.

Dans les années à venir, vont donc accéder à la retraite des femmes ayant effectué la grande part, voire la majorité, de leur carrière à temps partiel.

L’effet du temps partiel va d’autant plus peser sur les pensions versées aux femmes que, depuis la réforme des retraites de 1993, le salaire moyen de référence est calculé non plus sur la base des 10 meilleures années mais sur celle des 25 meilleures années. Cet allongement de la période de référence, aboutit à y inclure nécessairement un nombre d’années à temps partiel plus grand.

II. L’EFFET CORRECTEUR DE LA MAJORATION DE DURÉE D’ASSURANCE POUR ENFANT

La majoration de durée d’assurance pour enfant du régime général, a été créée en 1972, en même temps que l’assurance vieillesse des parents au foyer, dans le but de limiter les effets sur les pensions de retraite des femmes, des interruptions d’activité liées à la présence des enfants.

Dans le régime de la fonction publique, ce correctif prenait la forme de « bonifications » pour enfant accordées selon des règles proches. Ces règles ont été revues à la baisse, en 2003, pour en ouvrir le bénéfice aux hommes à la suite de l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 21 novembre 2001, Greismar.

1. La majoration de durée d’assurance dans le régime général, les régimes alignés et le régime des non salariés agricoles

a) La correction des interruptions de carrière

La majoration de durée d’assurance pour enfant du régime général (article L. 351-4 du code de la sécurité sociale), des régimes alignés (24) et du régime des non salariés agricoles, consiste dans l’attribution aux mères de trimestres d’assurance supplémentaires. Cette majoration est accordée aux femmes, sans condition d’arrêt d’activité, dès lors qu’elles ont cotisé au régime général.

D’une durée initiale d’un an, au bénéfice des mères ayant élevé au moins deux enfants, la MDA a été portée, en 1975, à deux ans et son bénéfice a été ouvert dès le premier enfant.

Le mécanisme en a été légèrement modifié en 2003 par la loi portant réforme des retraites. Depuis cette réforme, un trimestre est accordé à la naissance, à l’adoption ou à la prise en charge effective d’un enfant, même sans lien de filiation ; puis, un trimestre supplémentaire est alloué chaque année, jusqu’aux seize ans de l’enfant, dans la limite de huit trimestres par enfant (25)

La majoration est intégralement cumulable avec les trimestres validés au titre de l’activité ou bien de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). Par contre, elle n’est pas cumulable avec la majoration de trimestres ouverte pour un congé parental d’éducation. Chaque enfant ouvre donc droit pour sa mère, soit à la majoration de durée d’assurance pour enfant, soit à des trimestres au titre du congé parental, l’avantage le plus favorable des deux étant retenu.

En cas de d’affiliation à plusieurs régimes, la majoration est accordée au titre de l’un d’entre eux : prioritairement au titre du régime général, sauf si l’assuré a relevé d’un régime spécial ou du régime de retraite des fonctionnaires (26).

• L’impact de la MDA sur le calcul de la pension

La MDA permet de majorer la durée d’assurance utilisée pour le calcul du taux de liquidation. Elle facilite donc aux femmes qui en bénéficient la possibilité de liquider leur retraite à taux plein, ou de s’approcher du taux plein.

Elle est également prise en compte pour le calcul du coefficient de proratisation, c’est-à-dire le calcul de la part de pension due par chacun des régimes, pour les femmes qui auraient été assurées dans plusieurs d’entre eux.

Elle exerce donc par ces deux mécanismes un effet positif sur le montant de la pension des femmes ayant une durée d’assurance inférieure à la durée nécessaire pour bénéficier du taux plein. Les trimestres acquis au titre de la MDA s’ajoutent, ex post, au moment de l’examen des droits à pension, après reconstitution de carrière.

Elle n’a pas d’effet sur la durée d’assurance si cette durée est suffisante, du seul fait des durées cotisées ou assimilées, mais permet de compléter des carrières incomplètes. De ce fait, elle opère une redistribution en direction des femmes ayant eu des carrières courtes.

Les MDA peuvent aussi permettre d’avancer le départ en retraite des bénéficiaires de deux façons : pour les femmes de plus de 60 ans qui n’ont pas eu une carrière complète, en leur permettant d’atteindre plus tôt le taux plein (ce n’est qu’à l’âge de 65 ans que le taux plein est automatiquement attribué) et, pour celles de moins de 60 ans, dans le cadre du départ anticipé pour carrière longue, la MDA étant prise en compte dans la durée d’assurance validée (Cf infra II.3.b).

Enfin, même si ce n’est pas directement un effet de ce mécanisme, les majorations de durée d’assurance participent, de fait, à la compensation des désavantages résultant des écarts de salaires entre les hommes et les femmes et des effets du temps partiel.

• La comparaison des durées d’assurance sans MDA et avec MDA

Les femmes qui ont élevé des enfants ayant des carrières plus courtes, la prise en compte des trimestres au titre de la MDA permet de rapprocher très nettement les durées d’assurance totale des femmes ayant des enfants de celles qui n’en ont pas.

En moyenne, les femmes retraitées bénéficient par le mécanisme de la MDA de 18 trimestres d’assurance supplémentaires (27). Le plus souvent (dans 32 % des cas) les femmes parties en retraite en 2004, ont validé entre 9 et 16 trimestres au titre de la MDA, le nombre de trimestres validés dépendant directement du nombre d’enfants.

Corrélativement, le nombre de trimestres validés hors MDA décroît avec le nombre d’enfants, comme le montre le tableau suivant :

DURÉE D’ASSURANCE AVEC ET SANS MDA SELON LE NOMBRE D’ENFANTS POUR LES NOUVELLES RETRAITÉES DU RÉGIME GÉNÉRAL

 

DURÉE MOYENNE D’ASSURANCE EN TRIMESTRES HORS MDA

DURÉE MOYENNE TOTALE D’ASSURANCE EN TRIMESTRES

PART DES TRIMESTRES DE MDA DANS LA DURÉE
TOTALE.

SANS ENFANT

128

128

0 %

UN ENFANT

138

146

7 %

DEUX ENFANTS

116

131

17 %

TROIS ENFANTS

99

123

25 %

QUATRE ENFANTS ET PLUS

90

130

36 %

Source : CNAV. Rapport du COR précité, p. 39.

Comme le conclut la CNAV: « si la MDA doit permettre aux femmes avec enfants de compenser leur moindre activité par rapport aux femmes sans enfant, cet objectif semble rempli » (28).

Ce constat est partagé par la Cour des comptes, qui si elle préconise d’engager le réexamen général des règles d’acquisition de trimestres d’assurance dans le sens de plus de contributivité, observe que l’application des règles d’acquisition des trimestres (dont fait partie la MDA)  permet d’atténuer efficacement l’impact sur les droits à la retraite d’aléas de la vie ou de carrière.(29)

La majoration de durée d’assurance apparaît bien comme un élément essentiel pour préserver une particularité française, la conjugaison d’un fort taux d’activité féminine avec une fécondité dynamique.

b) Bénéficie à la quasi-totalité des mères

• Les bénéficiaires de la MDA

La MDA s’adressant à toutes les femmes, dès lors qu’elles ont eu un enfant et qu’elles ont liquidé leur retraite après 1972, il s’agit du droit familial dont elles bénéficient le plus fréquemment.

C’est ainsi que la MDA a bénéficié à 90 % des femmes parties en retraite au régime général en 2005 et pour 42 % de ces retraitées, il s’agit du seul avantage familial qu’elles ont perçu.

Répartition des nouveaux retraités du régime général en 2005 selon le bénéfice
des droits familiaux

Source : CNAV dans B.Cousin (2008), « Avantages familiaux : un apport essentiel à la retraite des femmes », Retraite et société, n° 53

• Les effets sur les pensions versées aux mères de famille

Les montants versés au titre de la MDA – ou le coût de ce mécanisme a été chiffré par la CNAV à 5 milliards d’euros. Il est d’environ 6 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes.

La MDA a permis, en 2004, de majorer les pensions des trois quarts des retraitées du régime général de 25 %. En moyenne, sur l’ensemble des régimes, la majoration de pension ainsi obtenue est de 20  %.

2. La réduction, en 2003, des bonifications pour enfants servies aux femmes fonctionnaires

Avant la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, en application de l’article L. 12-b du code des pensions civiles et militaires, les femmes fonctionnaires voyaient leur durée de service validée pour le calcul de la pension, augmentée par une « bonification » de quatre trimestres par enfant.

Pour tenir compte de l’arrêt Griesmar qui a reconnu le bénéfice de cette majoration aux pères fonctionnaires, ce dispositif a été revu et l’avantage restreint.

Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2004, la bonification a été maintenue à la mère à la condition qu’elle ait interrompu son activité pendant une période continue au moins égale à deux mois, en raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant (congé de maternité, congé parental, congé de présence parentale, ou disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans). La bonification a été étendue aux pères dans les mêmes conditions pour se conformer à la décision Griesmar mais, compte tenu de la condition exigée d’arrêt d’activité, la majoration continue en pratique à bénéficier aux mères.

Pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2004, la majoration de quatre trimestres par enfant a été remplacée :

- d’une part, pour les mères, par une majoration de durée d’assurance de deux trimestres par enfant né après le recrutement dans la fonction publique ;

Ces deux trimestres s’ajoutent à la prise en compte du congé de maternité. Ils sont conçus comme une compensation d’un désavantage dans le déroulement de la carrière lié à la maternité. De ce fait, ils ne sont plus comptabilisés dans la durée de service effectif servant au calcul de la pension comme l’étaient les bonifications, mais sont seulement pris en compte pour le calcul de la décote ou de la surcote éventuelle.

- et d’autre part, pour les pères comme pour les mères, par la prise en compte des périodes d’interruption ou de réduction d’activité, dans la limite d’une période totale validée de trois ans par enfant.

En effet, les périodes d’interruption d’activité n’étaient pas prises en compte dans le régime de retraite de la fonction publique, à la différence du régime général (et ne le sont toujours pas pour les enfants nés avant 2004). Ces deux avantages, majoration de deux trimestres et prise en compte dans la durée d’assurance des périodes d’inactivité, ne sont pas cumulables. Donc, si la période validée au titre de l’interruption est supérieure à deux trimestres, la bonification n’est pas accordée. Enfin, cette période validée au titre de l’interruption vaut majoration de la durée de service pour le calcul de la pension ainsi que pour une éventuelle décote ou surcote.

Cette réforme a eu un impact sur les bonifications comme le mettent en évidence les chiffres publiés par le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique (30). « Entre 2002 et 2004, les durées de services et de bonifications régressent nettement du fait du recul des durées moyennes de bonifications, d’environ un trimestre. Cette diminution est à mettre en relation avec le durcissement d’accès aux bonifications ».

   

2002

2004

2005

2006

Services acquis

Actifs

135,8

136,2

136,5

136,8

Sédentaires

136,6

137,2

137,4

137,2

Bonifications
acquises

Actifs

9,1

8,1

8,3

8,3

Sédentaires

6,8

5,7

5,4

5,2

Source : MBCPFP, service des pensions, bases des pensions 2002, 2004, 2005, 2006 (provisoire pour 2006).

Champ : flux de nouveaux retraités civils ayants droit liquidant pour ancienneté dont la pension a commencé à être payée en 2002, 2004, 2005 ou 2006.

3. La réforme proposée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010

La réforme des majorations de durée d’assurance prévue par l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, s’appliquera aux pensions prenant effet à partir du 1er avril de cette même année.

Le dispositif antérieur (une majoration de durée d’assurance maximale de huit trimestres accordée aux femmes pour chaque enfant élevé) est remplacé par deux majorations. Une première majoration de quatre trimestres sera accordée, en tout état de cause à la mère, à raison de l’incidence sur sa carrière de la grossesse et de l’accouchement. Une seconde majoration bénéficiant aux parents à raison de l’incidence sur leur carrière de l’éducation de l’enfant, sera attribuée selon des règles variant en fonction de la date de naissance ou d’adoption des enfants.

Ce nouveau dispositif attribue donc la MDA, soit en raison de la grossesse et de la maternité (ou de l’adoption), soit en raison de l’éducation par le père ou la mère. Si une femme élève un enfant qui n’est pas le sien, dans le cadre d’une famille recomposée par exemple, elle ne bénéficiera désormais plus de trimestres de MDA, alors que le texte actuel lui accorde une majoration pour les années pendant lesquelles elle a assuré « la charge effective et permanente » de l’enfant élevé, même sans lien de filiation. (Décret n° 2003-1280 du 26 décembre 2003).

a) Le partage de la partie de la MDA liée à l’éducation, entre les deux parents, pour les enfants nés à partir de 2010

Pour les enfants nés après le 1er janvier 2010, le bénéfice de la seconde majoration pourra, sur décision des parents être attribué au père ou à la mère, ou bien partagée entre eux. Le silence des parents dans les quatre ans et six mois qui suivent la naissance de l’enfant vaudra attribution de la MDA à la mère. En cas de désaccord des parents, la caisse désignera celui des parents qui établit avoir contribué à titre principal à l’éducation ou, à défaut, décidera que la majoration sera partagée par moitié.

Ce dispositif soulève plusieurs difficultés qui tiennent pour l’essentiel à ce que l’on lie le droit à l’appréciation des situations individuelles des bénéficiaires alors que précédemment, la majoration était conçue comme une mesure globale dépendant de la seule présence de l’enfant et des répercussions sur l’activité professionnelle des mères qui statistiquement en résulte.

• La distinction entre deux types de majorations est un moyen de sécuriser l’attribution de la MDA à la mère, au moins en partie, et repose sur le pari que peu de couple feront le choix de l’attribution au père de la deuxième partie. La MDA doit toutefois, avant tout, répondre à une logique de compensation des préjudices de carrière. Or, il est clair que si la naissance des enfants retentit sur la carrière des femmes, il est tout aussi clair que pratiquement seules les femmes subissent des préjudices de carrière du fait de l’éducation des enfants.

En réalité, l’attribution de trimestres de majoration d’assurance aux hommes risque d’être d’autant plus importante, que ce dispositif n’exclut pas le risque de voir se développer des comportements d’optimisation pour le choix du bénéficiaire en déterminant celui des membres du couple pour lequel la MDA aura les effets les plus intéressants, choix qui ne correspond pas à la finalité de la majoration et est source potentielle de préjudice pour les femmes.

En outre, si ces choix d’opportunité se multiplient au sein du couple, et l’on peut penser que le fait que le nombre d’hommes ayant des carrières incomplètes va croissant y incitera, il en résultera un coût supplémentaire. En effet, les MDA attribuées aux hommes généreront des coûts supérieurs à celles dont auraient bénéficié les femmes, puisque les pensions qui leur sont versées sont plus élevées.

La CGT lors de son audition (31) a fait part de ses craintes de voir cette « montée en charge » des MDA conduire, à terme, à revoir le principe ou du moins le niveau des majorations.

• Le partage de la deuxième partie de la MDA repose sur un système complexe et potentiellement générateur de conflit.

Dans le silence des parents, la deuxième année de majoration revient à la mère, mais dans le cas de désaccord entre eux, s’il n’est pas possible d’établir que l’un aurait plus que l’autre participé à l’éducation des enfants, la majoration sera partagée en deux. Ce partage va aboutir de fait, à la diminution de l’avantage servie aux femmes par rapport aux règles précédentes. Ces deux trimestres en moins résultant d’un partage subi ne feront donc qu’accroître les différences constatées entre les femmes et les hommes en matière de retraite. Certains y voient, d’ailleurs, une discrimination indirecte.

Or, on peut penser que ce cas de figure sera fréquent dans l’hypothèse du désaccord des parents. En effet, au-delà même de la légitimité des caisses de retraites « à désigner celui des parents qui établit avoir contribué à titre principal à l’éducation de l’enfant pendant la période la plus longue », la complexité de cet exercice, peut faire craindre que les caisses ne tournent la difficulté en choisissant de partager par moitié la majoration entre les deux parents comme la loi les y autorise.

À ce propos, la directrice de la Cnav, entendue par la Délégation (32) a insisté sur la nécessité que des critères précis permettant de décider de l’attribution de la majoration soient fixés par décret, pour que les caisses puissent apprécier en toute objectivité la dévolution de ce droit.

• Enfin, le dispositif proposé ne permet pas de prendre en compte les changements de situation au sein du couple qui interviendraient après les quatre ans et six mois de l’enfant. La mère (comme le père) non bénéficiaire de cette partie de la MDA, ne pourra ensuite s’en voir attribuer le bénéfice alors même qu’elle (ou il) élèverait seul ses enfants, le texte excluant expressément toute modification de la décision.

b) La dévolution des MDA lorsque les enfants sont adoptés postérieurement au vote de la loi

Lorsque les enfants seront adoptés, la majoration va être divisible, en totalité, entre les deux parents (comme l’est le congé d’adoption), dans la mesure où il ne peut y avoir dans ce cas une partie automatiquement dévolue à la mère au titre de la grossesse et de l’accouchement.

Ces huit trimestres partageables sont divisés en deux :

- 4 trimestres sont accordés au titre de l’éducation pendant les quatre années suivant l’adoption (nouvel article L. 351-4, II) ;

- 4 trimestres au titre d’une majoration spécifique visant à prendre en compte l’incidence de l’arrivée de l’enfant sur la vie professionnelle des parents (nouvel art L. 351-4, III).

c) Le régime transitoire pour les enfants nés ou adoptés avant le vote de la loi

Ce dispositif transitoire cherche à préserver la majoration en garantissant sa finalité de compensation d’un désavantage de carrière.

Comme l’a précisé à la Délégation, la directrice de la CNAV : « Son objectif est de garantir une MDA de huit trimestres aux femmes dont les enfants sont déjà nés et qui ont pris en compte, pour leurs choix de carrière, cette majoration qui vient en compensation des inégalités de carrière, et donc de retraite, dont elles sont victimes. (33)»

Selon ces nouvelles dispositions, les quatre trimestres liés principalement à la grossesse et à l’accouchement (nouvel article L.351-4.I) reviendront toujours à la mère. Les quatre trimestres liés à l’éducation lui reviendront aussi, sauf si le père a élevé seul l’enfant ouvrant le droit pendant les quatre premières années après sa naissance (nouvel article L.351-4.VIII).

Ce régime conserve donc la majoration initiale de huit trimestres par enfant au bénéfice de la mère, en ouvrant, de façon très limitée le bénéfice de quatre trimestres au père qui peut prouver qu’il a élevé seul les enfants. Dans ce cas, le préjudice en terme professionnel peut alors être présumé.

En conséquence, pour un même enfant, il ne devrait pas y avoir de majoration pouvant bénéficier simultanément aux deux parents (si les parents ont élevé ensemble leur enfant, seule la mère bénéficie de huit trimestres), à la différence du régime transitoire mis en place dans la fonction publique en 2003.

Il n’est pas certain, toutefois, que ces dispositions répondent aux exigences du principe d’égalité, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence européenne car, devant la nécessité de consolider le dispositif, le droit à la MDA n’est finalement ouvert aux pères que dans des conditions très étroites : la majoration sera au maximum de quatre trimestres pour les pères et attribuée à la condition d’avoir élevé seul un enfant, condition qui n’est pas requise des mères. En outre, la preuve attendue des pères est encadrée très strictement, puisqu’elle devra être apportée, au plus tard dans l’année suivant le vote de la loi de financement de la sécurité sociale, c’est-à-dire avant la fin de l’année 2010.

d) L’exclusion des majorations de durée d’assurance des durées validées permettant des départs anticipés.

Le paragraphe VIII de l’article 38 du projet de loi de financement exclut la prise en compte des majorations de durée d’assurance des dispositifs ouvrant le droit à un départ anticipé, que ce soit dans le cadre du départ anticipé pour carrière longue (article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale pour le régime général) ou que ce soit dans le cadre de celui prévu pour les travailleurs handicapés (article L. 634-3-2 pour le régime général).

Les majorations de durée d’assurance peuvent, en effet, permettre d’avancer le départ en retraite des bénéficiaires de deux façons :

- après 60 ans, en leur permettant d’atteindre plus tôt le taux plein, lorsque l’assuré n’a pas eu une carrière complète (ce n’est qu’à l’âge de 65 ans que le taux plein est automatiquement attribué) ;

- avant 60 ans, dans le cadre du départ anticipé prévu pour les travailleurs handicapés ou pour carrière longue.

Dans ce dernier cas, trois conditions doivent être remplies pour pouvoir anticiper son départ à la retraite par rapport à l’âge légal.

Premièrement, il faut avoir commencé à travailler jeune, c’est-à-dire avoir validé un nombre de trimestres minimal avant l’âge de 16 ans ou de 17 ans.

Deuxièmement, il faut avoir validé une durée d’assurance minimale et supérieure à la durée légale. Pour l’appréciation de cette durée « validée » sont prises en compte, toutes les périodes retenues pour le calcul du taux de la retraite, parmi lesquelles les majorations de durée d’assurance, que ce soit les majorations de durée d’assurance pour enfant, les majorations correspondant aux périodes de prise d’un congé parental, ou encore les majorations de durée d’assurance dont bénéficient les parents d’un enfant handicapé.

Troisièmement, il faut qu’une partie de la durée d’assurance validée corresponde à un nombre minimal de trimestres considérés comme effectivement cotisés : trimestres ayant donné lieu à cotisations – à l’exception des périodes d’affiliation à l’AVPF –, ou périodes assimilées, comme les périodes de service national et les périodes indemnisées au titre de la maladie, de la maternité ou des accidents du travail. En sont exclues, les majorations de durées d’assurance qui sont seulement des durées validées.

Concrètement, une femme née à partir de 1952, ayant cotisé 164 trimestres et en ayant validé 172 (y compris par le bénéfice des MDA) pourra prendre sa retraite à 59 ans.

Même si le dispositif de départ anticipé pour carrière longue a entraîné des coûts bien supérieurs à ceux initialement prévus, il semble particulièrement injuste de restreindre ainsi les droits d’un nombre limité de femmes (34) qui, en tout état de cause ont travaillé toute leur vie et, en plus, élevé des enfants.

Si la raison d’être de cette exclusion est d’éviter les effets d’aubaine que pourrait créer le bénéfice de trimestres supplémentaires accordé à des hommes qui se trouveraient ainsi dans la possibilité de liquider plus tôt leur retraite, il semble de toute façon, mal venu d’appliquer la même règle au régime de départ anticipé des travailleurs handicapés, et plus encore de la faire aussi porter sur les majorations d’assurance octroyées au titre de l’éducation d’un enfant handicapé.

III. UN OBJECTIF INDISSOCIABLE DE TOUTE RÉFORME DES RETRAITES : L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Les majorations de durée d’assurance, comme les autres droits familiaux, ont pour objectif de corriger les effets sur les pensions de retraite des inégalités professionnelles subies par les femmes. Elles ont donc, en principe, vocation à disparaître au fur à mesure que la situation des hommes et des femmes se rapprochera.

La Délégation considère que ces deux questions, celle de la réforme des majorations de durée d’assurance au bénéfice des femmes et celle de la lutte contre les inégalités professionnelles, non seulement sont étroitement liées mais sont absolument indissociables l’une de l’autre.

Cela apparaît à l’évidence dans les motivations retenues par la CJCE dans l’arrêt Greismar pour condamner le fait que les bonifications de durée d’assurance étaient réservées aux femmes fonctionnaires car cette mesure : « (…) n’apparaît pas comme étant de nature à compenser les désavantages auxquels sont exposées les carrières des fonctionnaires féminins en aidant ces femmes dans leur vie professionnelle. Au contraire, elle se borne à accorder aux fonctionnaires féminins ayant la qualité de mère une bonification d’ancienneté au moment de leur départ en retraite, sans porter remède aux problèmes qu’ils peuvent rencontrer durant leur vie professionnelle. »

A. LE CONSTAT SANS APPEL DE LA PERSISTANCE D’INÉGALITÉS PROFESSIONNELLES

Le bilan de la situation en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes qui avait été demandé par M. Brice Hortefeux, alors ministre chargé du travail et des relations sociales, a dressé le constat sans appel d’une situation qui marque le pas (35).

1) Le bilan des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes

Ce rapport a mis en exergue que :

- plus de femmes que d’hommes sont rémunérées au SMIC (19 % des femmes salariées, contre 11 % des hommes) et que les deux tiers des salariés à bas salaire sont des femmes.

les femmes occupent des emplois plus précaires, globalement moins qualifiés que les hommes ; pour 30 % d’entre elles ces emplois sont exercés à temps partiel.

leurs trajectoires professionnelles sont différentes de celles des hommes, car au cours de leur carrière, les femmes sont disqualifiées pour des raisons de mobilité ou de disponibilité (voire en raison de l’anticipation d’une maternité), à un âge auquel, au contraire, les hommes progressent.

Les écarts de rémunération demeurent.

- les femmes touchent une rémunération brute inférieure de 27 % à celle des hommes et l’écart de salaire horaire avec les hommes s’établit à 16 %. L’écart augmente avec le niveau de diplôme et l’âge des salariés concernés puisqu’il est de 32 % entre salariés homme et femmes titulaires d’un deuxième ou troisième cycle.

L’écart salarial ne diminue plus depuis le début des années quatre-vingt-dix.

2) Les limites des négociations collectives

Les lois de 1983, de 2001 puis de 2006 relatives à l’égalité professionnelle, ont posé l’obligation pour les partenaires sociaux de négocier sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, dans les branches comme dans les entreprises. Ces négociations menées à partir du rapport de situation comparée des femmes et des hommes, devaient permettre d’enclencher une dynamique réductrice des inégalités.

La loi du 23 mars 2006 a, en outre, spécifiquement posé l’obligation de négocier chaque année, pour programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération injustifiés entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010.

Deux ans plus tard, 5 % seulement des 1082 accords de branche signés en 2008 et 5,2 % des accords d’entreprise abordent la question de l’égalité professionnelle. Plus de la moitié des entreprises n’ont pas élaboré de rapport de situation comparée.

De surcroît, comme le précise le rapport d’évaluation précité, le contenu des accords est très hétérogène. « Les déclarations autour du principe de non discrimination et de la volonté de respecter la loi constituent l’essentiel d’un tiers des accords spécifiques et 40 % des accords généraux. Les accords abondent en rappels de la loi et en déclarations de bonnes intentions et ne contiennent pas suffisamment de mesures concrètes, d’indicateurs et de diagnostics » (36).

B. DES DÉCISIONS À PRENDRE SUR PLUSIEURS FRONTS

Le constat qui a été dressé ne laisse aujourd’hui plus le choix. La démonstration a été faite que l’on ne peut plus s’en remettre à des négociations collectives qui ne fonctionnent pas.

1) Des sanctions pour parvenir à résorber les écarts salariaux

Compte tenu d’une part, du non-respect de l’obligation de dépôt du rapport de situation comparée, sans lequel, aucun diagnostic n’étant établi il ne peut être élaboré de mesures, et d’autre part, du nombre toujours très restreint d’accords signés en matière d’égalité professionnelle, une mesure contraignante pour obliger les partenaires sociaux à se saisir de ce sujet est aujourd’hui incontournable.

Ce débat, sur l’opportunité ou non de sanctions avait eu lieu lors du vote de la loi du 23 mars 2006 sur l’égalité salariale.

Ces sanctions n’avaient pas été mises en place. Il avait été seulement décidé que le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes établirait une évaluation à mi-parcours des négociations et que « au vu du bilan effectué à cette occasion, le Gouvernement pourra présenter au Parlement, si nécessaire, un projet de loi instituant une contribution assise sur les salaires, et applicable aux entreprises ne satisfaisant pas à l’obligation d’engagement des négociations (…) (37) ».

Ce bilan vient d’être effectué par le rapport qui est destiné à préparer la concertation avec les partenaires sociaux et il a fait apparaître de façon évidente la nécessité d’un projet de loi pour édicter des sanctions. Il y est préconisé la création de sanctions en cas de non remise du rapport de situation comparée et en cas de non dépôt d’un accord ou d’un plan unilatéral destiné à résorber les écarts salariaux.

2) Des mesures pour favoriser l’accès des femmes aux responsabilités

Dans les instances de représentatives du personnel comme aux prud’hommes, les femmes sont systématiquement sous-représentées. Il en va de même et de façon particulièrement criante dans les organes de gouvernance des entreprises.

Les entreprises du CAC 40 ne comptent toujours que 10 % de femmes dans leurs conseils d’administration ; ce pourcentage n’est plus que de 8 % pour les cinq cents premières entreprises françaises qui, pour plus de la moitié d’entre elles, n’ont aucune femme dans leurs organes exécutifs (comité de direction ou comité exécutif).

Cette situation n’évoluant pas, la perception que les responsables ont de cette question s’est modifiée, pour convenir que si aucune mesure n’est prise le statu quo perdurera. Il est donc devenu indispensable de fixer un pourcentage minimum de membre du sexe sous-représenté au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance pour les sociétés cotées en bourse.

Parallèlement, la gouvernance sociale des entreprises, devrait elle aussi évoluer grâce à des mesures favorisant la présence des femmes dans les instances représentatives du personnel.

La Délégation aux droits des femmes travaille actuellement sur cette question.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION ET RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

La Délégation aux droits des femmes s’est réunie le mardi 20 octobre 2009, sous la présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann pour examiner le rapport d’information.

La Délégation a adopté le présent rapport et les recommandations qui suivent :

La délégation considère que :

- la réforme des majorations de durée d’assurance pour enfant ne devrait pas être abordée de façon isolée, mais dans le cadre d’un examen global des droits familiaux et conjugaux qui ont pour objectif de compenser les désavantages de carrière subis par les mères et qui les pénalisent au moment de la retraite ;

- cette question est indissociable de l’adoption de mesures propres à assurer l’égalité professionnelle et notamment l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, par la mise en place de sanctions à l’égard des entreprises qui ne respectent pas les obligations légales en matière d’élaboration du rapport de situation comparée et d’adoption d’un plan de rattrapage de l’écart salarial entre les hommes et les femmes ;

et, concernant le dispositif proposé à l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que :

- l’attribution d’une partie de la MDA soit au père, soit à la mère, ou encore son partage éventuel entre les parents, risque d’entraîner des choix d’opportunité sans lien avec la finalité de la majoration et qui se révèleront pénalisant pour les mères ;

- en cas de conflit entre les parents, la complexité de la désignation par les caisses de retraite de celui « des parents qui établit avoir contribué à titre principal à l’éducation de l’enfant pendant la période la plus longue » risquerait, en réalité, de conduire celles-ci à tourner la difficulté en choisissant, de partager par moitié la majoration entre les deux parents comme la loi les y autoriserait ;

- le dispositif ne devrait pas exclure les majorations de durée d’assurance de la durée validée dans le cadre du départ anticipé pour carrière longue et dans le cadre du départ anticipé des travailleurs handicapés.

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
ET COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Pages

- M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale 41

- M. Yves Canevet et Mme Nora Setti, secrétaires confédéraux de la CFDT 45

- Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieux, secrétaire confédérale de la CGT-FO 49

- M. François Charpentier, journaliste et enseignant 51

- Mme Mijo Isabey, conseillère confédérale de la CGT
et M. Jean-Louis Dutour 57

- Mme Annie Rosès, directrice de la retraite et du contentieux à la CNAV et M. Vincent Poubelle, directeur chargé des statistiques et de la prospective 65

Audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale

Réunion du mardi 6 octobre 2009

M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale. Alors même que le Conseil constitutionnel a validé, en 2003, la réforme des bonifications pour enfants du régime de retraite des fonctionnaires, nous nous trouvons sous le coup de décisions de la Cour de justice des communautés européennes et de la Cour européenne des droits de l’homme relatives à l’application du principe d’égalité.

Il est clair que de grandes disparités existent entre hommes et femmes en termes de retraites, que ces écarts existent depuis des générations et qu’ils ne se résorbent que très lentement comme les projections le font apparaître. Au fil du temps, ces écarts de pensions vont être de moins en moins liés à des différences de durées de cotisation car de plus en plus de femmes auront des carrières complètes, mais ils subsisteront en raison des profils de carrière des femmes et des inégalités salariales.

La Cour de cassation, après une première décision en 2006 reconnaissant le bénéfice de la majoration de durée d’assurance (MDA) à un père ayant élevé seul ses enfants, a finalement ouvert le droit aux MDA de la même façon aux hommes qu’aux femmes.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Ne peut-on espérer un nouveau revirement de jurisprudence sur ce point ?

M. Dominique Libault. Je serais assez sceptique sachant que la règle de l’unanimité empêche l’évolution des règles européennes et que les seules interprétations des traités qui existent sont le fait des juridictions. L’égalité salariale est un principe fondamental au sein de ces règles.

Les pouvoirs publics ont toujours eu à cœur de défendre les droits existants au bénéfice des femmes. Il se trouve que la Cour de cassation a ouvert ce droit aux hommes dans le régime général. À supposer même que l’on puisse financer cette extension – ce qui n’est absolument pas le cas compte tenu de la situation des régimes de retraite – cela reviendrait à supprimer un avantage spécifique aux femmes. Dans la mesure où celles-ci contribuent plus que les hommes à l’éducation des enfants et qu’elles en subissent un préjudice, il faut reconstruire un système sur une base juridique solide qui permettre de leur en attribuer le bénéfice.

Je ferai remarquer qu’il y a des féministes pour lesquelles l’existence même d’un dispositif de compensation du préjudice subi par les femmes perpétue la situation qui le génère et est critiquable à ce titre.

Le dispositif proposé n’est pas modifié pour les enfants déjà nés, sauf marginalement. Pour le « flux », on s’en remet au libre choix des couples. Quatre trimestres sont, en tout état de cause, attribués à la mère en raison de l’accouchement. Dans le silence des parents, - six mois après les quatre ans de l’enfant, les quatre autres trimestres reviennent à la mère. Dans la très grande majorité des cas, ce sont donc les femmes qui bénéficieront donc de cet avantage. En cas de désaccord des parents, le père ne pourra en bénéficier que s’il peut prouver avoir participé à l’éducation de l’enfant.

La MDA est donc toujours de deux ans. Il n’y a pas de diminution des droits.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. La Commission européenne a demandé à la France des comptes sur le régime adopté en 2003 pour les bonifications des pensions de retraite des fonctionnaires.

M. Dominique Libault. Ce sont des montages juridiques complexes. Il faut tenir compte de la réalité, sans, pour autant se plier aux orientations dominantes. Les femmes ont des droits plus faibles que les hommes, et ceci tient, en partie à la maternité et au rôle qu’elles jouent dans l’éducation des enfants. Il en résulte un préjudice objectif.

Mme Martine Billard. Justement, ne pourrait-on mettre en place des actions positives envers les femmes en tant que catégorie discriminée comme on l’a fait, par exemple, pour les jeunes.

M. Dominique Libault. Cet élément est sans cesse soulevé. En 2003, quand le Conseil constitutionnel a été saisi par l’opposition de l’article relatif aux bonifications, il a admis que des traitements différents pouvaient être apportés à des situations différentes. Il reste que la Cour de cassation a rendu une décision et que les juridictions interprètent des conventions internationales qui s’imposent à la France. La position européenne n’est pas forcément intangible mais la réaction de la Commission européenne dont on vient de parler, montre que l’on est loin d’une évolution de cette position.

Mme. Catherine Coutelle. D’autres pays européens ont-ils des systèmes similaires et sont-ils confrontés aux mêmes difficultés. Y existe-t-il des dispositifs qui reposent sur le libre choix ?

M. Dominique Libault. Je vous renvoie au rapport du Conseil d’orientation des retraites. La Suède a un système basé sur le libre choix. L’Allemagne a cherché à aller dans le sens indiqué par l’Union européenne.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. La réaction des pouvoirs publics après l’arrêt de la Cour de cassation a quand même été particulièrement rapide ! Je trouve que l’on agit avec précipitation. Sur l’égalité salariale il n’y a pas le même sentiment d’urgence.

M. Dominique Libault. L’arrêt Greismar date de 1991. À partir du moment où on a admis que le maintien de règles différentes entre hommes et femmes était impossible pour les fonctionnaires, il est devenu difficile de soutenir le contraire pour les assurés dépendant du régime général. On peut regretter les décisions qui ont été rendues et qui s’opposent à ce qu’une discrimination puisse être uniquement fondée sur le sexe, mais les caisses doivent appliquer le droit.

Mme. Catherine Coutelle. Le déséquilibre entre les hommes et les femmes apparaît au moment de la liquidation de la pension. Ne pourrait-on imaginer que ce soit celui qui a la plus faible retraite qui en profite ?

M. Dominique Libault. En cas de désaccord entre les parents, on recourra, sous le contrôle du juge, à des critères objectifs qui seront fixés par décret. Il est important que le choix intervienne rapidement, car plus le temps passe et plus les risques de mésentente augmentent. En outre, les personnes ne liquident pas forcément leur retraite en même temps et cela poserait aussi des difficultés de gestion considérables.

Mme Martine Billard. Qu’en est-il des enfants adoptés ?

M. Dominique Libault. Il va falloir trouver un critère adapté pour qu’ils puissent ouvrir les mêmes droits.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je reste réticente à cette solution qui va poser des problèmes de preuve et qui est source de conflit. Quels en seront les moyens ?

M. Dominique Libault. Pour les quatre trimestres liés à l’éducation de l’enfant, le problème de la preuve ne se posera qu’en cas de désaccord. Les textes d’application apporteront les précisions nécessaires mais la preuve ne devra pas être liée à un arrêt d’activité. Ce système crée une présomption en faveur de la femme.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Ces précisions sont indispensables. Je persiste à penser qu’on est allé très vite en besogne et que ce montage est très complexe.

M. Dominique Libault. Le meilleur moyen de faire disparaître les MDA aurait été de ne rien faire, car un avantage fondé sur le sexe n’est plus admis par la Cour européenne des droits de l’homme ni par la Cour de cassation. Il faut voir que dans la très grande majorité des cas la MDA continuera à bénéficier à la femme.

Mme Martine Billard. Si les parents partagent les droits puis que l’un des deux disparaît que se passera-il ? Ne faudrait-il pas prévoir une clause de révision ?

M. Dominique Libault. Les critères pour statuer sur le désaccord ne relèvent pas de la loi. Il n’y a pas nécessairement de renvoi à un juge car les personnes peuvent ne pas être mariées. En tout état de cause, le silence profite à la mère et on peut supposer que la plupart des couples ne se poseront pas la question.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Ne serait-il pas possible d’avoir un seul dispositif, quelle que soit la date de naissance des enfants ?

M. Dominique Libault. Pour le flux, on ne peut échapper à la modification des règles, mais pour le « stock », on a cherché à rester le plus près possible de l’existant. Par contre, appliquer ce système au flux serait discriminatoire. Comme l’a souligné une tribune dans le quotidien Le Monde signée de Mme Masse-Dessen et de M. Lyon-Caen, il s’agit de mettre en place un « puissant régime transitoire ».

*

* *

Audition de M. Yves Canevet et de Mme Nora Setti,
secrétaires confédéraux de la CFDT

Réunion du mardi 6 octobre 2009

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Nous souhaiterions connaître la position de la CFDT sur le dispositif proposé par le Gouvernement pour réformer les MDA ? Par ailleurs, ne conviendrait-il pas de mener une réflexion globale sur les compensations des préjudices de carrière, tant que l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes n’est pas effective ? Enfin, comment analysez-vous les effets du temps partiel quand vont arriver à la retraite des femmes qui auront travaillé une grande partie de leur carrière à temps partiel ?

Mme Nora Setti. Notre position sur la MDA est étroitement liée à l’analyse que nous faisons de la situation professionnelle des femmes, du recours au temps partiel, de la difficulté d’articulation des temps familiaux et professionnels et de la nécessité de prendre en compte la maternité et ses conséquences qui pénalisent les femmes dans leur carrière et au moment de la retraite. 20 % des grossesses génèrent des problèmes de santé et rendent nécessaire l’allongement du congé de maternité pour raison pathologique. De même, 30 % des salariés prennent un congé annuel à l’occasion de la naissance. Ceci montre bien qu’il n’est pas considéré comme suffisant.

C’est pourquoi nous avons souhaité qu’il y ait une reconnaissance spécifique de la maternité par l’octroi de trimestres supplémentaires liés à la naissance pour des raisons qui répondent à des données physiologiques. Il ne faut pas oublier que la nature de l’emploi occupé a aussi des conséquences importantes : plus l’emploi est précaire et moins on constate de recours au congé pathologique. Les conditions de travail jouent aussi sur la prématurité des nouveaux-nés. Toutes ces réalités sont essentielles dans la position que nous avons prise sur le projet de MDA.

M. Yves Canevet. Le projet de réforme de la MDA, tel qu’il devrait figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, correspond, dans les grandes lignes, à nos souhaits, même s’il appelle quelques réserves. Il faut bien voir qu’un statu quo sur cette question était impossible compte tenu des décisions de justice qui sont intervenues et de la multiplication des recours. Cela risquait finalement d’aboutir à la disparition d’une disposition conférant un avantage de retraite aux femmes. En effet, la MDA a un impact très fort sur les pensions des femmes, notamment sur la décote, sur la possibilité de partir plus tôt en retraite et sur la possibilité de prétendre au minimum contributif. 20 % des femmes ont pu avancer leur départ en retraite grâce aux MDA. Par contre, 20 % n’en ont pas tiré de bénéfice car elles avaient déjà une carrière complète.

Par le mécanisme de la MDA, associé à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), on parvient à égaliser la durée d’assurance entre les femmes ayant eu des enfants et celles qui n’en ont pas eu. Cela ne suffit cependant pas à réduire l’écart des pensions entre les hommes et les femmes.

Par une décision de 2009, le Cour de cassation a étendu le bénéfice de la MDA aux hommes, en s’appuyant sur une vision étroite du principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Aujourd’hui, on se trouve donc dans une situation paradoxale : les écarts sont très grands entre les hommes et les femmes et se creusent au moment de la retraite, en raison des inégalités professionnelles et de phénomènes de discrimination et, malgré ce constat, une mesure compensant ces inégalités se trouve remise en cause au nom même du principe d’égalité.

Il faut donc maintenir un dispositif qui bénéficie prioritairement aux femmes, sans le lier à un arrêt d’activité, tout en respectant les règles européennes et sans détériorer les comptes du régime général. C’est pourquoi nous avons proposé que la majoration soit divisée en deux parties, la première réservée aux femmes, en contrepartie de l’accouchement, la deuxième leur revenant en priorité. En outre, ce dispositif ne serait pas rétroactif et ne s’appliquerait donc pas aux enfants déjà nés.

Nous avons souhaité que, dans le silence du couple, les quatre trimestres de la deuxième partie soient attribués à la mère. Si les parents décident le partage, ce choix doit être respecté. En cas de litige, la MDA devrait être attribuée automatiquement à la mère. Cette proposition a reçu l’assentiment du Conseil d’administration de la CNAV.

Mme Catherine Coutelle. Que se passera-t-il si les parents divorcent après le partage éventuel ? Ne devrait-il pas être possible de revenir en arrière si la femme a, ensuite, élevé seule les enfants ?

M. Yves Canevet. Des garanties supplémentaires seront sans doute nécessaires en cas de situations conflictuelles. Toutefois, plus la période de choix est longue et plus on ouvre la porte à des comportements d’optimisation.

Mme Catherine Coutelle. En amont de cette proposition, la CFDT a-t-elle réfléchi à une formule consistant à créer une action positive compensant le préjudice subi par les femmes en matière de retraite ?

M. Yves Canevet. Cette façon de procéder n’est pas apparue comme la mieux à même de sécuriser le système. Par contre, une réflexion a eu lieu sur les parcours professionnels des femmes.

Mme Nora Setti. La MDA ne fait que réparer les conséquences de situations antérieures. C’est pourquoi il faut avoir une approche transversale et traiter les inégalités en amont.

M. Yves Canevet. Nous demandons un « Grenelle des retraites » et nous appelons à un débat citoyen sur cette question qui n’est qu’un sous-ensemble de la question plus générale des retraites qui, elle-même, est liée à celle des emplois.

Mme Catherine Coutelle. Cette réflexion est effectivement nécessaire mais la situation, telle qu’elle est aujourd’hui rend incontournable des mesures de compensation comme la MDA.

Mme Nora Setti. Cette situation résulte aussi de l’absence de cohérence entre les politiques d’emploi et la politique familiale dans un contexte d’inégalité professionnelle.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Il est clair que l’on n’avance pas en matière d’égalité professionnelle, mais aussi que l’on se trouve en présence d’une situation concrète à régler et d’une réponse à apporter à la menace qui pèse sur le dispositif de la MDA même si cette question devrait être intégrée dans les réflexions à mener sur les retraites.

M. Yves Canevet. La MDA coûte 5 milliards d’euros au régime général. Au-delà même du fait que son extension aux hommes générerait un coût intenable, son objectif qui est de compenser un préjudice subi par les femmes, ne serait alors pas rempli. Il faudra d’ailleurs veiller à ce que la MDA continue à être prise en compte, en tant que durée validée, dans le calcul des durées d’assurance pour ouvrir droit au départ anticipé pour carrière longue ou pour les adultes handicapés.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je vous remercie.

*

* *

Audition de Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieux,
secrétaire confédérale de la CGT-FO

Réunion du mercredi 7 octobre 2009

Mme la Présidente Marie-Jo Zimmermann. L’extension aux hommes de la MDA et le risque que les droits des femmes soient diminués d’autant, nous paraissait profondément injuste pour les femmes. La solution qui a été élaborée a constitué une réponse rapide à l’arrêt de la Cour de cassation. Le texte est complexe pour tenter de répondre aux exigences européennes et je n’exclus pas de demander que le débat soit prolongé en 2010. Je souhaiterais, en effet, que lors du débat sur les retraites, on mette un accent particulier sur les femmes, car la MDA aujourd’hui est une petite question par rapport à la situation des femmes qui vont arriver à la retraite dans les années à venir, notamment quand elles auront exercé une grande partie de leur vie professionnelle un temps partiel. J’aurais aimé avoir votre opinion sur ces questions.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieux – C’est un sujet qui a fait débat au sein de notre organisation car nous sommes attachés au problème de l’égalité entre les hommes et les femmes. La question qui se posait, et qui se pose toujours, est celle de savoir si le Gouvernement accepte d’augmenter les dépenses pour pouvoir régler la question posée par la Cour de cassation et par l’Europe. C’est le premier point sur lequel nous voulons mettre l’accent. Il est dommage que le sujet n’ait même pas été abordé et que l’on profite du contexte de la crise financière pour ne pas en parler. La question devrait consister d’abord à régler le problème des écarts de rémunération entre hommes et femmes, puisque la MDA intervient pour compenser le fait que les femmes soient pénalisées en matière de salaires et en raison de la maternité afin de régler la question de l’inégalité.

Comme celle du temps partiel qui devait être réglé en 2007, mais on constate qu’il y a là une volonté de ne pas faire aboutir le dossier. Même si le Président de la République avait fait de la question de l’égalité un point central de son programme, j’ai le sentiment que les propositions actuelles de la conférence tripartite sont très minces car les points essentiels ne sont pas traités. Pourtant, Mme Brigitte Grésy, avait repris une large partie des propositions que nous avons faites sur les sanctions quant aux écarts de rémunération dans son rapport.

Pour les MDA, le problème des hommes qui élèvent leurs enfants se pose, ce qui a d’ailleurs conduit à l’arrêt de la Cour de cassation, mais cette décision ne fait qu’amoindrir la situation des femmes qui partent à la retraite. Nous avons donc émis l’idée qu’il fallait neutraliser les quatre trimestres au titre de la maternité, et que le choix devait être laissé au couple pour les quatre autres trimestres. En l’absence de choix, la MDA revient à la mère.

Effectivement, la question de la retraite des femmes devrait être traitée dans le cadre d’une réforme globale. Il était prématuré d’aborder cette question dès cet été.

Mme la Présidente Marie-Jo Zimmermann. Dans la loi de mars 2006, il était prévu de légiférer sur les sanctions avant le 1er janvier 2010 au vu du bilan de l’égalité professionnelle, ce qui a été fait avec le rapport de Mme Brigitte Grésy. Maintenant, il faut légiférer.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieux. Pour l’instant, le Gouvernement a ouvert les discussions sur le dialogue social dans les très petites entreprises (TPE), le partage de la valeur ajoutée et le parcours syndical, mais le dossier sur l’égalité n’a pas été ouvert. Nous avons fait savoir que nous étions demandeurs de négociations rapides sur les sujets du temps partiel, sur la conciliation vie privée et vie familiale, et sur les sanctions mais je ne vois pas comment la question des sanctions pourra être réglée avant 2010. Il y a aussi la question du label égalité.

Mme la Présidente Marie-Jo Zimmermann. Pour moi, le label devrait être attribué aux entreprises qui appliquent la loi et non à celles qui manifestent simplement l’intention de le faire.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieux. Sur le label diversité, on arrive à peser parce que c’est nouveau, que le représentant du Ministère est dans une démarche cohérente et que les organisations syndicales arrivent à s’entendre pour agir. Mais pour le label égalité, les entreprises signent des accords qui ne font que reprendre les termes de la loi sans aucune volonté de l’appliquer et sans qu’il n’y figure aucune mesure concrète pour réduire les inégalités en termes de rémunération et d’évolution professionnelle et d’accès à la formation. Elles obtiennent tout de même des labels qui leur sont utiles pour leur image sur le marché international. J’ai eu l’occasion de rencontrer M. Yazid Sabeg pour lui parler de son programme d’action et de lui dire que le meilleur moyen de ne noyer le débat sur l’égalité était de parler de diversité.

Nous donnons des consignes à nos structures pour qu’elles différencient bien égalité et diversité. On voit dans les branches des accords diversité, mais sur l’égalité, les entreprises ne font que décalquer la loi, d’où l’intérêt de prévoir des sanctions.

Mme la Présidente Marie-Jo Zimmermann. C’est effectivement préoccupant dans la mesure où le problème de la diversité risque de faire disparaître celui de l’égalité. J’ai également rencontré M. Yazid Sabeg qui soutient qu’en résolvant la question de la diversité, on règle aussi celle de l’égalité entre els hommes et les femmes, alors que ce n’est pas la même chose.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieux. Il faut partir du postulat qu’il existe un principe républicain d’égalité des droits ; il s’agit donc simplement de sanctionner toutes les discriminations existantes.

Mme la Présidente Marie-Jo Zimmermann. Je vous remercie.

*

* *

Audition de M. François Charpentier, journaliste et enseignant

Réunion du 7 octobre 2009

Mme Marie-Jo Zimmermann, Présidente. Vous êtes l’auteur d’un ouvrage sur les retraites en France et dans le monde. Au moment où l’on discute de la réforme de la majoration de durée d’assurance des mères de famille (MDA), nous souhaiterions aborder avec vous ce problème, mais aussi plus généralement la question des pensions de retraite des femmes.

M. François Charpentier. Je souhaiterais d’abord faire deux remarques préliminaires.

Premièrement, la question des droits familiaux a toujours été source de difficultés.

En 1994, lors de la première négociation sur le régime complémentaire de l’Agirc, l’institution d’un « coefficient de service » sur les majorations de droits familiaux qui représentaient un coût très important (majoration de 10% pour trois enfants et 6 % par enfant supplémentaire dans la limite de 30%, défiscalisé...) avait été contesté avec succès devant le TGI de Paris au motif qu’elle avait un caractère rétroactif. La question des droits familiaux est, d’ailleurs, le dernier terrain sur lequel butte l’harmonisation entre les régimes Agirc et Arrco. Tous les autres paramètres de fonctionnement des régimes complémentaires obligatoires du secteur privé sont harmonisés, sauf celui-là. Pourtant, après les accords de novembre 2003, un groupe de travail avait travaillé à une harmonisation. En vain.

Preuve qu’il y avait bien un problème et qu’il était urgent de le régler, le COR avait consacré son sixième rapport de décembre 2008 à cette question en prenant soin de lier droits familiaux et droits conjugaux.

Deuxièmement, l’intervention de la juridiction européenne en matière de retraite s’est pratiquement toujours faite au détriment des femmes.

Il faut d’abord rappeler que si le juge de Luxembourg intervient c’est parce qu’il n’existe aucun moyen pour la Commission de mettre en cohérence les principes communautaires (libre circulation des hommes, liberté d’installation, etc.) avec la souveraineté reconnue aux États en matière de sécurité sociale. Si un litige survient, c’est donc le juge qui fait le droit.

À la fin des années quatre-vingt, la CJCE a commencé à s’intéresser aux régimes de pensions. En 1990, l’arrêt Barber sur le fondement de l’article 119 du Traité de Rome, reconnaît à un Britannique le droit de partir en retraite au même âge que sa femme, soit 60 ans au lieu de 65 ans. Dans un régime en capitalisation le provisionnement qui aurait été nécessaire étant colossal, la décision sera prise de relever l’âge de départ des femmes à 65 ans. Tous les pays de l’Union européenne seront tenus de procéder à cette harmonisation. L’Allemagne va porter en l’espace de cinq ans l’âge des femmes de 60 à 65 ans, et celui des hommes, de 63 à 65 ans.

Toutes les décisions que prendra la Cour de justice par la suite en matière de retraite, se fonderont peu ou prou sur l’article 119 du Traité. Nous avions pourtant tous pensé que son objectif explicite était d’inciter les États à relever le niveau de rémunération des femmes, pour l’aligner progressivement sur celui des hommes.

Cela ne s’est pas produit et en matière de retraite les femmes restent très désavantagées par rapport aux hommes. Si à compétence égale une femme gagne 25 % de moins qu’un homme, elle a de bonnes chances d’avoir une retraite de 30 % inférieure. En France, la retraite moyenne d’une femme (800 euros) est de moitié inférieure à celle des hommes (1600 euros).

Plusieurs facteurs l’expliquent : le retard de salaire évidemment mais aussi le fait que près de 80 % des temps partiels - le plus souvent subis - sont occupés par des femmes ; s’y ajoute une plus forte exposition au chômage et des carrières plus courtes pour cause de maternités ; enfin, n’oublions pas que dans un système où les pensions sont indexées sur les prix, comme cela a été décidé en 1987, la dégradation de la retraite sera d’autant plus importante que la pension sera perçue longtemps. Or, les femmes ont, dans une proportion qui reste constante, une espérance de vie qui reste plus élevée que celle des hommes.

Les avantages familiaux ne corrigent cette situation qu’imparfaitement, puisqu’une fois ceux-ci pris en compte les pensions des femmes n’égalent encore que 62 % de celles des hommes.

C’est sur cette toile de fond que s’est posée la question des majorations de durées d’assurance, question qui a été mal posée donc mal résolue.

Nous savions tous qu’après l’arrêt Griesmar de 2001 qui traitait le cas d’un magistrat, donc d’un fonctionnaire, auquel la CJCE, puis le Conseil d’État, ont octroyé des majorations pour avoir élevé ses trois enfants, une plainte similaire dans le privé conduirait tôt ou tard les juges à retenir la même solution. Les Cours d’appel, tout au long de 2008, ont préparé la décision qui a été rendue le 19 février 2009 par la Cour de Cassation et qui a étendu la jurisprudence Griesmar aux salariés relevant du régime général.

Une réduction du droit des femmes était d’autant plus certaine que la réforme Fillon (la loi du 21 août 2003) avait tiré les conséquences de l’arrêt Griesmar en réduisant les droits des mères fonctionnaires. Certes, pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004, les quatre trimestres étaient maintenus, mais pour les enfants nés après le 1er janvier les quatre trimestres ont été ramenés à deux. Il y a eu peu de réactions, car il était considéré que les retards de salaires étaient moindres dans la fonction publique.

Il reste qu’en traitant la question de la MDA comme on l’a fait, une double erreur a été commise.

Premièrement, la MDA a été déconnectée de trois autres prestations visant elles aussi à aider les mères de famille : l’assurance vieillesse des parents au foyer (l’AVPF), la majoration de pension pour trois enfants et plus et le départ anticipé pour 15 ans de service. Or, on est en train de reproduire la même erreur. Le rapport du COR de décembre 2008 l’a souligné, l’occasion se présentait pourtant de remettre à plat ces quatre prestations pour en revoir les finalités, en fonction des évolutions de la société et éventuellement de corriger un certain nombre d’anomalies. C’est le cas notamment des majorations pour trois enfants et plus, attribuées aux deux membres d’un couple, mais qui de facto apportent un avantage plus grand aux pères dès lors qu’elles sont calculées sur des salaires supérieurs à ceux de leurs compagnes. Cette remise à plat aurait même dû conduire à harmoniser les majorations familiales entre l’Agirc (aujourd’hui 8 % pour trois enfants et 4 % par enfant supplémentaire dans la limite de 24 %, toujours défiscalisés) et l’Arrco (5 % par enfant). Cette remise à plat est d’autant plus nécessaire que ces majorations, selon les calculs du COR, représentent plus de 8% du montant total des pensions, soit 15 milliards d’euros.

Le COR, dans son rapport, explore différentes pistes de réformes pour la MDA (la lier à l’accouchement ; la lier à une interruption d’activité ; donner un droit d’option au sein du couple qui désignerait l’attributaire de la MDA ; ouvrir pour les mères un choix entre la MDA ou la majoration de pension) ainsi que pour les majorations pour trois enfants et plus (proportionnelles ou forfaitaires ?) qui auraient toutes mérité d’être discutées sur le fond dans une approche globale. Le COR posait la question et on notera que dès 2008, très en amont du débat actuel, toutes les hypothèses avaient déjà été balayées.

Seconde erreur : la question de la MDA a aussi été déconnectée des droits conjugaux et tout spécialement de la question des pensions de réversion. Or, le problème des pacsés se pose. Il a été évoqué dès 2006 dans le rapport Domeizel-Leclerc. Le partenaire survivant d’un Pacs pourra-t-il demain bénéficier d’un droit à réversion ? La question se pose car le Pacs est un instrument juridique solide, susceptible de générer une obligation alimentaire. Déjà une jurisprudence de la CJCE (Tadao Maruko, janvier 2008) a reconnu à un « partenaire de vie », dans un système allemand sensiblement différent du Pacs, un droit à réversion au profit d’un partenaire du même sexe. Par ailleurs, une jurisprudence du 5 octobre dernier, relative à un eurocrate néerlandais, étend une nouvelle fois la notion de couple à des formes d’association et de partenariat parfois très éloignées du mariage traditionnel. Sachant qu’il y a plus de femmes âgées que d’hommes, si on raisonne à enveloppe constante des droits de réversion, le partage se fera fatalement au détriment des femmes car elles vivent plus longtemps que les hommes.

Finalement, la tendance générale est à la réduction des avantages qui avaient été consentis aux femmes à des fins natalistes, mais aussi plus ou moins explicitement au titre d’un rattrapage de salaire. Partant de là, n’eut-il pas fallu suivre la Cour des comptes qui s’interrogeait sur la possibilité de basculer ces droits familiaux sur la branche famille au risque de réduire le rôle redistributif du régime de base ? Dans la perspective d’un basculement de l’assurance vieillesse d’un régime d’annuités à un régime par points, cette évolution n’est évidemment pas neutre.

Ne fallait-il pas aussi aller beaucoup plus loin dans la réflexion en s’inspirant de ce qui se fait en Europe ? Certes, il existe des constantes soulignées par les travaux du COR qui se réduisent à un triple constat : les femmes participent moins au marché du travail que les hommes, sont plus souvent à temps partiel et sont moins bien payées que les hommes. En conséquence, leurs droits propres sont très inférieurs aux hommes, cette inégalité n’étant que très imparfaitement corrigée par les droits dérivés. Pire, la tendance au renforcement du caractère contributif des régimes partout en Europe ne favorise pas les femmes. Dans la période récente, des raisons démographiques ont poussé un pays comme l’Allemagne à s’intéresser aux droits familiaux. Mais soit que les États n’aient pu consacrer un effort budgétaire suffisant, soit qu’ils soient partis de trop loin, les résultats sur la démographie n’ont pas été concluants.

À propos de la réversion, le Président de la République a prudemment révisé son objectif d’un taux de réversion de 60 % pour tous. Pour autant, les vrais problèmes n’ont pas été posés. Je ne reviens pas sur les dispositions absurdes prises en 2003 qui avaient consisté, sous la pression de la Fédération d’association de conjoints survivants (la Favec), à supprimer la condition d’âge à laquelle était subordonnée l’attribution de la pension de réversion. L’erreur a aujourd’hui été réparée. En revanche la réflexion n’a pas été entamée sur la finalité d’une pension de réversion dans une société qui connaît un taux de divorce élevé. Le COR, là encore, a pourtant posé dans son rapport de décembre 2008 toutes les bonnes questions : faut-il étendre la réversion aux couples non mariés ? Faut-il étendre la proratisation de la pension de réversion ? Comment éviter la précarité à la retraite des femmes divorcées ? En cas de divorce, à quel moment prendre en compte le droit à réversion et à quel moment servir les droits ? Que faire si la pension de réversion attribuée sous condition de ressources conduit, par rapport à la situation avant veuvage, à augmenter le niveau de vie de la personne veuve lorsque les droits propres de celle-ci sont relativement importants par rapport au conjoint décédé ? Que faire encore quand le conjoint survivant n’a pas atteint un âge proche de la retraite ? Toutes ces questions, posées par le COR, n’ont pas reçu de réponses.

En Europe, la Clef (Coordination française pour le lobby européen des femmes) a publié en juin 2006 un rapport sur ce sujet que je vous recommande. D’abord, il confirme le lien entre les inégalités sur le marché du travail et les inégalités de retraite. Ensuite, il se prononce pour une rupture avec le « modèle familialiste » et pour une individualisation des pensions, l’objectif étant de supprimer les trappes à inactivité que représentent certains avantages familiaux. Poussant le raisonnement plus loin, la Clef se prononce pour la suppression, comme en Suède depuis 1990, des pensions de réversion liées à la rémunération du conjoint et à l’attribution d’un droit propre à une retraite décente. Enfin, elle se prononce pour qu’en cas de divorce, on procède à un partage des droits sur le modèle du « rentensplitting » allemand : attribution paritaire de tous les droits à pension acquis par un couple pendant sa durée de vie commune.

Madame la Présidente Marie-Jo Zimmermann. Je vous remercie pour la clarté du constat que vous dressez et l’importance des questions que nous allons avoir à affronter.

M. François Charpentier. Je dresse effectivement trois constats graves sur les retraites : tout d’abord, celui de la dépendance. Ensuite, le problème des jeunes, qui vont demain percevoir des retraites moins élevées que leurs aînés. Comment leur faire admettre de contribuer à la hauteur nécessaire pour payer les pensions au niveau où elles sont aujourd’hui, alors qu’eux-mêmes ne devraient pas en profiter ? Le troisième défi est le problème des femmes âgées isolées de plus de 75 ans pour lesquelles les droits familiaux et conjugaux jouent un rôle majeur. Nous allons vers des difficultés si on ajoute, à la baisse des MDA, la question des pensions de réversion.

Mme Catherine Coutelle. J’ai eu des témoignages d’étudiants montrant que ceux-ci ne voulaient plus participer à la solidarité à l’égard des retraites et souhaitaient une retraite personnelle. Le discours ambiant selon lequel les jeunes travailleront plus longtemps et auront de faibles retraites a été très bien intégré par les principaux intéressés. Il va falloir ancrer fortement le système de solidarité.

M. François Charpentier. Dans plusieurs pays en Europe, la paupérisation des femmes âgées est en marche. En Grande-Bretagne, 12,5 millions de personnes cotisent pour leur retraite, à un niveau qui ne leur assure pas la possibilité d’une pension supérieure au seuil de pauvreté. On était sortis de la pauvreté dans les années soixante-dix, et aujourd’hui, au moment de la liquidation de la retraite, des gens qui ont eu des carrières atypiques et des petits salaires se retrouvent en grande difficulté. La DARES a constaté que les droits des moins de trente ans ont diminué par rapport aux années cinquante. Ils ont sept trimestres d’assurance de moins, du fait qu’ils sont rentrés plus tard sur le marché du travail ou avec des salaires qui ne permettait pas de valider un trimestre. Alors que l’allongement de la durée de cotisation est recherché, les grandes entreprises se séparent de leur personnel dès qu’ils ont atteint leur droit. Cette personne non seulement va recevoir des prestations, ainsi qu’une indemnité de départ, mais elle ne va plus cotiser.

M. Guénhaël Huet. Cela répond aussi à une demande forte de la part des assurés qui veulent partir à la retraite.

M. François Charpentier. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui a arrêté à 70 ans l’âge de départ à la retraite d’office, a fixé l’applicabilité de cette mesure au 1er janvier 2010. Les entreprises se sont donc empressées de s’assurer du départ de leurs salariés âgés avant le 31 décembre 2009. La loi Fillon visait à relever le taux d’activité. En 2000, au sommet européen de Stockholm, il avait été décidé que 50 % des salariés de 54 à 65 ans devaient être en activité en 2010. On est seulement à 38 % malgré les dispositions prises et les campagnes. Au Japon ou au Royaume-Uni, le taux d’activité est au-dessus de 50 %, parce que les gens continuent de travailler à cause du bas niveau des retraites. En France, pour les 54-60 ans, le taux comparable à la moyenne européenne. Pour les 60-65 ans, le taux d’activité est de l’ordre de 8 %, ce qui est logique puisque l’âge de la retraite est fixé à 60 ans.

Les fonds de pension et les outils de la capitalisation sont des régimes d’entreprise que l’on doit constituer sur soixante à quatre-vingts ans. Mais qui peut assurer que, dans ce laps de temps, l’entreprise sera toujours en place ? Le système par répartition a trouvé ses limites du fait de la démographie, mais la crise a révélé que la capitalisation n’était pas la solution de remplacement, elle peut simplement aider. Dans les grands pays à fond de pension, une personne qui partirait en retraite cette année perdrait 30 % de sa pension.

M. Guénhaël Huet. On ne peut avoir une confiance aveugle dans des systèmes de capitalisation, même s’ils peuvent constituer un appoint utile, mais si on laisse les systèmes de répartition se dégrader, comme c’est le cas depuis quelques années, on n’aura plus rien. La grande difficulté est de jouer sur les deux tableaux : réformer le système de répartition, avec les difficultés considérables que cela implique, et préparer comme appoint celui de capitalisation.

M. François Charpentier. Deux remarques. D’une part, la France est plutôt bien placée parce que, malgré tout, les pensions assurent un niveau de remplacement relativement élevé pour les hommes comme pour les femmes par rapport à d’autres pays. Mais il est clair que ce taux va diminuer. D’autre part, il faut absolument que les banques et les assurances proposent des produits plus clairs et plus lisibles. On doit également permettre une sortie en rente ou en capital. Le grand public n’a pas confiance. En Allemagne le système bismarckien assurait un taux de remplacement de 70 %, comparable à celui de la France ; aujourd’hui, les Allemands prévoient un taux de 44 % en 2040, et nous risquons de connaître la même évolution.

Mme Catherine Coutelle. Ne peut-on imaginer un élargissement de l’assiette de cotisation ?

M. François Charpentier. Il y a eu de nombreux rapports sur le sujet, mais nous n’y sommes jamais parvenus. Notre système est fondamentalement calé sur les salaires. Je crois qu’il n’y a plus beaucoup de ressources. Il faut faire de la croissance et relancer l’économie.

*

* *

Audition de Mme Mijo Isabey, conseillère confédérale de la CGT
et de M. Jean-Louis Dutour

Réunion du mercredi 14 octobre 2009

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Merci d’avoir répondu à notre invitation.

Mme Mijo Isabey. Nous sommes tous deux chargés des questions de retraite : M. Dutour pour les fonctionnaires et moi-même pour le secteur privé. Notre présence conjointe atteste que la CGT refuse d’opposer public et privé, mais au contraire recherche des convergences pour mieux travailler à la parité entre hommes et femmes.

S’agissant de la majoration de durée d’assurance pour enfants (MDA), visée à l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, notre organisation a exprimé ses positions par voie de presse, lors d’une intervention au conseil d’administration de la CNAV et à l’occasion des consultations sur le projet de loi. Nous défendons la thèse selon laquelle cette majoration est destinée à réparer les inégalités et les discriminations subies par les femmes au cours de leur vie active – moindres salaires, moins bon déroulement de carrière, etc. –, qui ont des conséquences sur le nombre d’annuités et sur le montant des pensions. Cette inégalité se vérifie pour les pensions du secteur public comme pour celles du secteur privé, même si elle est moins importante dans le premier cas.

Alors que, pour les hommes, le fait qu’ils aient eu ou non des enfants n’a pas d’incidence sur le niveau de leur pension, il n’en est pas de même pour les femmes : il existe un écart entre celles qui ont eu des enfants et celles qui n’en ont pas eu, et l’importance de cet écart varie en fonction du nombre d’enfants.

Notre organisation a toujours considéré que la MDA était destinée à réparer ces écarts constatés durant la vie active. En fait, dès sa création on s’est aperçu qu’en raison de l’augmentation du nombre d’annuités requis, très peu de femmes obtiendraient une retraite à taux plein, faute d’avoir cotisé un nombre d’annuités suffisant. Il s’agissait donc bien dès l’origine de prendre en compte et de compenser l’inégale durée de vie active.

La Cour de cassation a accordé le bénéfice des MDA aux hommes. Nous souhaiterions pour notre part qu’elle soit attribuée à raison de la maternité et de l’accouchement, afin de la garantir aux femmes, sans l’étendre aux hommes. En effet, à enveloppe constante, l’extension de la MDA aux hommes se traduirait par une détérioration des droits des femmes.

Nous sommes conscients des problèmes que ce choix entraînerait pour les femmes ayant adopté des enfants – et, éventuellement, pour les hommes ayant élevé seuls les leurs –, c’est pourquoi, il faudrait prendre des dispositions particulières en cas d’adoption, pour assurer à ces femmes une majoration d’un montant équivalent.

Venons-en aux modifications proposées.

Nous considérons que l’on ne devrait pas faire de différence entre les enfants nés avant 2010 et après 2010. La totalité des huit trimestres devrait être maintenue, et ce sans condition d’arrêt d’activité. À partir du moment où l’on ouvre la MDA aux hommes, comme le propose le texte soit par libre choix, soit sous certaines conditions, des conflits de répartition risquent de surgir.

Pourquoi les hommes ont-ils demandé à bénéficier des MDA? Depuis la création de ce dispositif et jusqu’à maintenant, pratiquement aucun homme ne l’avait fait. Cela s’est produit en 2003 dans le secteur public, puis maintenant dans le secteur privé. La raison en est que certains hommes s’aperçoivent qu’ils n’auront pas une retraite à taux plein, du fait du durcissement des conditions requises pour l’obtenir : on est passé de 37 annuités et demie à 40, puis à 41 et 42. La MDA est devenue un moyen de récupérer les trimestres manquants.

Nous craignons que les ménages ne fassent des calculs d’opportunité en cherchant ce qui sera le plus rentable pour le couple : que la femme conserve la MDA, ou que le mari en bénéficie, sachant que les hommes ont en général des salaires plus élevés. Et je ne parle pas des cas de divorce, chacun des conjoints revendiquant cette majoration. Dans quelques années, on assistera à une « chasse aux trimestres ».

M. Jean-Louis Dutour. Nous redoutons en effet que la deuxième partie de la MDA, qui serait de quatre trimestres, ne soit considérée comme un moyen d’investir au mieux dans la retraite de l’un ou de l’autre, sans aucun rapport avec la destination d’origine de cette mesure, à savoir reconnaître le rôle dans l’éducation des enfants. Souvenez-vous de ce qui s’est passé dans la fonction publique, au moment du passage aux quarante annuités, avec la jurisprudence Griesmar.

Mme Mijo Isabey. Aujourd’hui, toutes les femmes n’ont pas besoin de la MDA pour obtenir une retraite à taux plein. Mais les hommes, par exemple parce qu’ils ont fait des études plus longues, ou parce qu’il leur manque un certain nombre de trimestres, vont pouvoir partager cette majoration. En conséquence, au lieu de jouer à 80 % par exemple, celle-ci tendra à être utilisée à 100 %. Nous craignons donc une montée en puissance du système.

De plus, si les hommes bénéficient des MDA à la place des femmes, cela coûtera plus cher aux régimes de retraite. Comme on raisonne à enveloppe constante, dans quelques années, on considérera que la MDA coûte beaucoup trop cher et on sera tenté de revoir à la baisse le nombre de trimestres. Tels sont les dangers que nous prévoyons sur le long terme. Certes, tout cela est difficile à mettre dans le débat public …

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Mais il faudra bien le faire !

Mme Mijo Isabey. Aux termes du PLFSS, quatre trimestres devraient être attribués au titre de la maternité et de l’accouchement, et quatre autres au titre de l’éducation des enfants. Nous nous demandons si, du point de vue juridique, cette division d’un dispositif sur la base de deux fondements différents est bien tenable.

M. Jean-Louis Dutour. Dans la fonction publique, la majoration n’est plus que de deux trimestres et nous devons déjà rendre des comptes à la commission européenne.

En effet, les hommes comme les femmes fonctionnaires peuvent, depuis 2004, continuer à prétendre à une bonification au titre des enfants, à condition d’avoir interrompu leur activité pendant deux mois – période qui couvre, pour les femmes, la durée du congé de maternité. La Commission européenne considère qu’il s’agit d’une mesure discriminatoire à l’encontre des hommes, qui seraient de fait désavantagés. M. Woerth s’est engagé auprès des syndicats à défendre le maintien de la situation actuelle.

Mme Mijo Isabey. Nous ne sommes absolument pas d’accord pour que la MDA soit attribuée au titre de l’éducation, que ce soit au bénéfice du père ou de la mère. Nous maintenons notre position selon laquelle la MDA vient en réparation de la discrimination dont souffrent les femmes pendant leur vie active.

Le rôle éducatif des parents doit être reconnu, mais cela doit relever de la politique familiale, non d’un aménagement des règles des pensions. Il faut prendre des dispositions permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle, aussi bien au bénéfice de l’homme que de la femme, dans la mesure où l’éducation doit être partagée dans le couple. Cela passe par la reconnaissance de droits relatifs à l’accueil de la petite enfance, à la présence auprès d’un enfant malade, etc.

Nous ne sommes donc pas opposés au fait d’accorder des droits aux hommes, mais nous demandons que l’on reconnaisse qu’il existe encore à l’encontre des femmes des discriminations importantes, qu’il faut combattre les effets de ces discriminations et que la MDA y contribue.

Nous demandons parallèlement qu’une obligation de résultat en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes soit instituée. En effet, la situation qui s’était améliorée dans les années soixante-dix, stagne depuis les années quatre-vingt-dix. Si l’on constatait une diminution des inégalités de salaires et de pensions de retraite, on pourrait réduire le nombre des trimestres accordés aux bénéficiaires de la MDA. À terme, si ces inégalités étaient résorbées, on pourrait même supprimer la MDA, qui n’aurait plus lieu d’être. Dans notre esprit, elle a vocation à disparaître.

Cette obligation de résultat devrait s’accompagner de la mise en place de dispositifs responsabilisant et, éventuellement, pénalisant financièrement les entreprises qui ne respectent pas la loi.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Comment expliquez-vous que vous soyez la seule organisation syndicale, avec la CFTC, à avoir adopté cette position ?

Mme Mijo Isabey. Le débat a eu lieu avec les autres organisations syndicales, notamment à la CNAV. Elles ne croyaient pas à la possibilité d’une autre solution pour des raisons juridiques.

Mme Danielle Bousquet. Dans la mesure où la raison d’être de la MDA est la réparation, cela devrait pourtant être possible.

M. Jean-Louis Dutour. Pour comprendre l’attitude de l’Europe, il faut prendre en compte le poids des pays anglo-saxons et scandinaves. Leur position ne consiste pas à dire, comme nous le faisons, qu’il convient de supprimer compensations et réparations à mesure que s’effacent les discriminations ; elle est de les éliminer toutes d’emblée, en tablant sur une prise de conscience et une réaction des hommes. Malheureusement, toute l’Europe ne ressemble pas à la Suède.

Mme Danielle Bousquet. J’ai lu des articles très documentés de juristes, dont M. Lyon-Caen, qui considèrent que notre position peut être défendue. Aussi bien, ni l’Europe ni la Cour de cassation ne nous demandent de modifier la loi. C’est le Gouvernement qui le demande. Il faut donc trouver des solutions sans modifier la loi.

On peut admettre que certains hommes ont subi une discrimination parce qu’ils ont dû élever seuls leurs enfants. Mais il y en a sûrement très peu. Quantifions le phénomène et trouvons une solution pour eux. On ne va pas abandonner, pour quelques centaines d’hommes, un dispositif aussi important, alors que les femmes continuent d’avoir de toutes petites retraites !

Mme Mijo Isabey. Pour l’instant, aucune étude ne prouve que les hommes subissent des discriminations du fait d’avoir des enfants. Certes, s’ils ont élevé seuls les enfants et qu’ils ont dû s’arrêter de travailler, ils auront subi des pertes de salaire, mais cela n’aura pas forcément eu des conséquences sur le déroulement de leur carrière.

Autre point : la maternité est encore considérée comme une maladie et les indemnités journalières ne sont pas comptabilisées comme salaire pendant le congé de maternité, même si ce dernier est validé comme durée d’assurance. Les salaires de l’année au cours de laquelle une femme a accouché seront pris en compte sur dix mois, et non sur douze, si elle a été arrêtée pendant deux mois. La chose n’est pas indifférente quand on prend en compte, non plus les dix, mais les vingt-cinq meilleures années pour le calcul du salaire de référence.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Ne devrait-on pas corriger cet état de fait ?

Mme Mijo Isabey. Nous avons toujours dit, notamment devant le Conseil d’orientation des retraites, qu’il ne fallait pas considérer l’accouchement comme une maladie. Ce serait déjà remporter une victoire que de faire reconnaître l’accouchement en tant que tel. C’est une question de principe.

Cela avait peu d’importance lorsque l’on prenait en compte les dix meilleures années pour calculer les droits à retraite, d’autant que les naissances interviennent souvent dans les premières années de carrière, qui ne sont pas les mieux rémunérées. Pour l’ARRCO, cela doit tout de même ne pas être sans effet.

Pour en revenir aux aspects juridiques, nous sommes un peu étonnés que la CNAV n’ait pas saisi le juge européen. Dans sa décision de 2003, le Conseil constitutionnel a reconnu que l’on pouvait prendre en compte, dans le calcul des pensions de retraite des femmes certaines inégalités et prévoir, en conséquence, des règles distinctes pour les femmes et pour les hommes.

Par ailleurs, on a l’habitude de parler de la décision de la Cour de cassation. Or, il s’agit de décisions de sa deuxième chambre civile, qui ne traite pas habituellement de tels dossiers.

M. Jean-Louis Dutour. À la Cour de cassation, il y a des chambres spécialisées : criminelle, sociale, civile, etc. Mais, depuis quelques années, un certain nombre de dossiers relatifs à la protection sociale ont été confiés à la chambre civile, pour cause d’encombrement de la chambre sociale. En l’occurrence, la chambre sociale n’aurait peut-être pas tenu le même genre de raisonnement.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Dans l’affaire en question, les personnes concernées étaient tous deux enseignants. Ils avaient les mêmes conditions de vie professionnelle, ils ont participé à l’éducation de leurs enfants d’une façon équivalente. Le père a avancé qu’il les avait amenés à l’école, au cours de danse, etc. Il aurait été discriminé dans sa vie de travail, comme sa femme ?

Mme Mijo Isabey. Il n’a pas fait la preuve de la discrimination que la MDA est censée corriger. Cela dit, encore une fois, nous considérons que l’éducation n’a pas à être prise en compte et que c’est le fait d’être mère qui justifie une différence de traitement entre les hommes et les femmes.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Le problème est que l’on s’est fondé sur la différence de traitement entre hommes et femmes pour remettre en cause des règles qui tendaient pourtant à rétablir l’égalité.

M. Jean-Louis Dutour. À ce propos, on ne peut que s’inquiéter en comparant la version de l’article 38 du PLFSS dont nous disposions depuis quelques jours et celle que vous venez de nous communiquer. Initialement, le début du II était ainsi rédigé : « Une majoration de durée d’assurance de quatre trimestres est attribuée, pour chaque enfant mineur, à ses parents, au titre de son éducation … » On lit maintenant : « Il est institué au bénéfice du père ou de la mère assuré social une majoration de durée d’assurance de quatre trimestres, … » Le père est mentionné en premier !

Mme Mijo Isabey. Lors des rencontres avec le ministre, lors de nos auditions ou à la CNAV, tout le monde était d’accord pour ne pas toucher aux droits des femmes et faire en sorte que les huit trimestres leur reviennent, même si on était obligé de procéder à quelques modifications pour tenir compte des jugements rendus. Or je constate qu’on ne garantit pas aux femmes que tous les trimestres leur reviendront, puisque l’on ouvre aux hommes la possibilité de bénéficier de trimestres supplémentaires à leur place.

Le II de l’article 38, dans la première version, disposait que la majoration au titre de l’éducation était attribuée « à la mère de l’enfant » sous réserve des troisième à cinquième alinéas. Ceux-ci autorisaient le partage d’un commun accord et, en cas de désaccord, prévoyaient que la majoration serait « attribuée à celui des deux parents qui [établirait] avoir contribué à titre principal à l’éducation de l’enfant pendant la période la plus longue ou, à défaut, partagée par moitié. »

M. Jean-Louis Dutour. Selon la nouvelle rédaction, « Il est institué au bénéfice du père ou de la mère… » une majoration et « Les parents désignent d’un commun accord le bénéficiaire de la majoration (…) En cas de désaccord exprimé par l’un ou l’autre des parents (…), la caisse désigne celui des parents qui établit avoir contribué à titre principal à l’éducation de l’enfant pendant la période la plus longue ou, à défaut, décide que la majoration sera partagée par moitié entre les deux parents. »

Par cette modification, on confie à la caisse le soin de désigner le parent qui bénéficiera de la majoration de quatre trimestres liée à l’éducation.

Mme Mijo Isabey. La Cour européenne des droits de l’homme admet les différences de traitement s’il y a inégalité de situation pendant la vie active. Il faut développer cet argument, en insistant sur la maternité, l’accouchement et les inégalités.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Mais le projet est déjà écrit, même si des amendements sont possibles ! Pour la première fois, la Délégation prendra la parole dans le cadre du PLFSS, mais nous n’avons pas de garantie que cette majoration sera maintenue aux femmes dans son intégralité.

Mme Mijo Isabey. On ouvre la porte à l’octroi de trimestres supplémentaires à tous les hommes qui ont des enfants.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je crois profondément à la communication mais vous êtes seuls, avec la CFTC, sur cette position.

Mme Mijo Isabey. Comme je l’ai dit au début de cette audition, nous souhaitons ne pas accentuer la différence entre le secteur privé et le secteur public. Il nous semble néanmoins opportun de reconnaître huit trimestres de MDA aux femmes du privé et quatre trimestres de bonification aux femmes du public. Si ces avantages viennent en réparation des inégalités subies au cours de la vie active, la différence se justifie dans la mesure où ces inégalités sont moins importantes dans le public que dans le privé. En défendant cette revendication, nous n’oublions cependant pas qu’en 2003, il y a eu de profondes remises en cause des bonifications, qui ont affecté la retraite des femmes.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. J’ai vu plusieurs fois le ministre et je ne comprends toujours pas la précipitation avec laquelle on a réagi à l’arrêt de la Cour de cassation. On m’a dit que de très nombreux hommes faisaient la même demande…

Mme Mijo Isabey. C’est possible : en raison du durcissement des conditions pour obtenir une retraite à taux plein, certains hommes se rendent compte qu’ils risquent de ne pas avoir le nombre d’annuités suffisant.

Mme la présidente Marie-Jo Zimermann. Je vous remercie.

Audition de Mme Annie Rosès,
directrice de la retraite et du contentieux à la CNAV et
de M. Vincent Poubelle, directeur chargé des statistiques et de la prospective

Réunion du mercredi 14 octobre 2009

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je vous remercie d’avoir accepté cette audition, mais je ne vous cache pas que j’aurais aussi aimé rencontrer votre présidente.

Nous avons des questions à vous poser sur le projet de réforme de la MDA.

Selon vous, le régime transitoire, qui concerne les enfants nés avant 2010, répond-il aux prescriptions européennes en matière d’égalité des sexes ? Est-il de nature à éviter les recours ultérieurs ?

Quelles sont les raisons qui ont conduit à retenir la durée de quatre ans pour opérer le choix du partage de la MDA entre les parents ? En cas de conflit entre eux, sur quels critères les caisses s’appuieront-elles pour affecter la MDA à l’un ou à l’autre des deux ? La formulation « la caisse désigne celui des parents … » vous paraît-elle adaptée ? La mention selon laquelle il ne peut être revenu sur le choix des parents sera-t-elle de nature à écarter les recours ?

Peut-on imaginer qu’en cas de conflit, la MDA revienne à la mère, comme cela était initialement envisagé ?

Mme Annie Rosès. Je répondrai à vos questions sur la base des informations dont nous disposons à l’heure actuelle, en particulier du projet de PLFSS dans sa version transmise pour avis à notre conseil d’administration. Les contentieux qui ont abouti à l’arrêt défavorable de la Cour de cassation, en date du 19 février 2009, sont fondés sur la Convention européenne des droits de l’homme, plus précisément sur un article très général traitant de la non-discrimination, l’article 14.

Je ne peux pas vous assurer qu’il n’y aura pas de contentieux dans le cadre du nouveau dispositif. Son objectif est de garantir une MDA de huit trimestres aux femmes dont les enfants sont déjà nés et qui ont pris en compte, pour leurs choix de carrière, cette majoration qui vient en compensation des inégalités de carrière, et donc de retraite, dont elles sont victimes. Le fait que la MDA pourra être attribuée au père, dans des conditions certes restrictives, et que le législateur prenne des dispositions différentes pour l’avenir – puisque la MDA pourra alors éventuellement être partagée entre le père et la mère –, peut amener le juge à considérer que les pouvoirs publics français ont tenu à régler le problème qui se posait, en prenant en compte la jurisprudence, mais sans remettre en cause les droits des femmes qui avaient déjà intégré dans leur stratégie de carrière et de retraite le bénéfice de la MDA.

Cela me semble pouvoir être plaidé en cas de contentieux, mais je ne peux bien entendu pas prédire dans quel sens iront les jugements qui pourront être prononcés en la matière.

Mme Catherine Coutelle. Avez-vous eu connaissance d’un nombre important de recours formés par des hommes, ce qui pourrait expliquer la « précipitation » du Gouvernement à répondre à la Cour de cassation ?

Mme Annie Rosès. L’arrêt Kierzkowski du 19 février a été suivi d’autres arrêts, notamment en juillet, ce qui a laissé penser que la jurisprudence de la Cour de cassation était bien établie. Je précise qu’il s’agissait toujours de la même chambre, la chambre civile et non de la chambre sociale.

Dans le cas de l’arrêt Germenot de 2006, il s’agissait d’un père qui avait élevé seul ses enfants. Dans les autres cas, il s’agissait de pères qui revendiquaient le bénéfice d’une majoration de retraite au même titre que les mères.

Cette jurisprudence a conduit les pouvoirs publics à essayer de trouver les moyens pour que les recours ne s’amplifient de façon exagérée. Je pense que, si on laisse la situation perdurer pendant plusieurs mois ou plusieurs années, les cas se multiplieront. Or, la majoration étant selon cette jurisprudence de huit trimestres pour le père et de huit trimestres pour la mère, il en résulterait un coût non négligeable.

Pour autant, pour le moment on ne peut pas parler de raz-de-marée. Nous avons comptabilisé entre quatre-vingts et cent litiges au niveau de la branche retraite, à tous les degrés de juridiction : depuis la commission de recours amiable, le tribunal des affaires de la sécurité sociale et jusqu’à la cour d’appel. Mais si les recours se multiplient auprès des commissions de recours amiable, ces dernières risquent de considérer qu’elles peuvent faire droit aux demandes en appliquant la jurisprudence de la Cour de cassation, d’où un risque de dérives importantes et un coût élevé pour le régime. Il importe donc de ne pas laisser « traîner » la situation.

Vous avez demandé les raisons qui ont fait retenir une durée de quatre ans. Dans le dispositif que propose le PLFSS, il y a deux majorations de durée d’assurance pour enfants : la première, de quatre trimestres, servie au titre de la maternité – grossesse et accouchement – ; la deuxième, de quatre trimestres également, servie au titre de l’éducation. Pour que cette notion d’éducation ait un sens, elle doit s’établir sur une certaine durée. C’est en tout cas la raison qui a été mise en avant par les pouvoirs publics lors de la présentation du PLFSS. Quatre trimestres, quatre années : le dispositif a pour lui une certaine logique. Certains ont proposé de retenir plutôt une période de trois ans, qui est la durée du congé parental et qui correspond à l’âge d’entrée à l’école maternelle. Ce sera au législateur d’apprécier.

Mme Catherine Coutelle. Cette période de quatre ans me paraît déjà très courte. Imaginez que les parents divorcent sept ou huit ans après la naissance des enfants et après avoir déclaré qu’ils avaient participé l’un et l’autre à l’éducation des enfants. La femme se retrouvera seule avec ses enfants, qu’elle élèvera jusqu’à l’âge de vingt ans, dans des conditions de carrière difficiles. Est-il possible de revenir en arrière ?

Mme Annie Rosès. Le projet précise que : « La décision, y compris implicite, des parents ou l’attribution de la majoration selon les modalités prévues aux alinéas précédents ne peut être modifiée ». On pourrait prendre en compte certains cas d’impossibilité liés à la carrière, mais pas la situation que vous évoquez. Lorsque les trimestres ont été répartis, ils sont portés sur les relevés de carrière à titre définitif. Il convient en effet de sécuriser le dispositif.

Mme Catherine Coutelle. Le mari peut partir avec les trimestres et sans les enfants…

M. Vincent Poubelle. Je voudrais revenir sur les raisons du choix de la période de quatre ans. Il avait été, au départ, envisagé de subordonner le partage des trimestres à une condition d’interruption d’activité. On s’est aperçu que les femmes s’arrêtaient très fréquemment dans les deux, trois ou quatre ans après la naissance des enfants, et l’on a remarqué que, plus on allongeait le délai pris en compte à partir de la naissance, plus nombreux seraient les hommes pouvant justifier d’une interruption d’activité. C’est la raison pour laquelle la période de quatre ans avait été retenue.

Mme Catherine Coutelle. Sans choisir une période trop longue, on pourrait accepter que, dans certains cas particuliers comme le divorce ou l’abandon de famille, la décision puisse être réétudiée.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. On est en train de construire une « usine à gaz » comme cela a été fait pour les majorations dans le secteur public et, dans quelques années, nous devrons en répondre à nouveau devant les instances européennes !

Mme Annie Rosès. Il faudra arrêter les critères permettant de déterminer, en cas de conflit ou de désaccord, celui des deux parents qui a contribué à titre principal à l’éducation des enfants. Nous allons devoir, avec les pouvoirs publics, établir une liste de justificatifs pour ne pas laisser la décision à la subjectivité des caisses et pour réduire autant que possible la marge d’interprétation. On peut très bien imaginer qu’une interruption d’activité après la naissance – congé parental, affiliation à l’AVPF (assurance vieillesse des parents au foyer), congé sans solde, etc. – soit considérée comme un élément probant pour déterminer que le parent qui a pris ces congés a contribué à titre principal à l’éducation de l’enfant.

Mme Catherine Coutelle. Je suis opposée à tout dispositif lié à l’arrêt d’activité qui incite les femmes à quitter leur travail. Il faut trouver le moyen de leur permettre de continuer à travailler à temps plein – si elles le désirent – même lorsqu’elles ont des enfants.

Par contre, on pourrait imaginer que les caisses qui auront à désigner le parent ayant contribué à titre principal à l’éducation des enfants demandent au père de prouver qu’il a arrêté son travail pendant un certain temps.

Mme Annie Rosès. Il faudra que nous disposions de critères et de justificatifs objectifs. Nous sommes opposés, au fait de laisser une marge d’interprétation aux caisses. Celles-ci désigneront le parent sur la base de justificatifs ou de situations très précisément énumérées. Il peut y avoir des séparations pendant cette période de quatre ans. La femme peut interrompre son activité pour se consacrer à l’enfant, etc. Nous travaillons sur les critères à prendre en compte, car il n’est pas question de transformer les caisses en juges de paix. Il faudra un décret d’application.

Mme Edwige Antier. Si aucun des deux parents ne prend de congé parental, quelles données objectives faudra-t-il prendre en compte ? Supposez que le mari mène sa carrière tambour battant et, gagnant plus que sa femme, lui fasse valoir qu’ils pourront tous deux vivre sur sa retraite à lui. Après quatre ans, ils divorcent alors qu’elle a mis sa carrière en veilleuse…Que se passera-t-il ?

Mme Annie Rosès. Dès lors que l’on ne pourra pas établir lequel des deux parents a contribué à titre principal à l’éducation des enfants, le texte précise que la majoration sera partagée par moitié.

Par ailleurs, le fait de prendre en compte une période proche de la naissance diminue le risque d’un effet d’aubaine qui profiterait au père. Cet effet d’aubaine serait en revanche très fort si le choix pouvait être fait quelques années avant l’âge de la retraite, par exemple, à soixante ans.

M. Jean-Luc Pérat. En cas de séparation ou de divorce, le juge ne pourrait-il pas, déjà, donner une orientation ? Lorsque l’on est proche de la retraite, on sait à quoi s’en tenir, mais ce n’est pas le cas lorsque l’on a trente ou trente-cinq ans. Fournira-t-on des récapitulatifs pour informer les intéressés ?

Si par malheur la mère décède au moment de l’accouchement, que peut revendiquer le père ?

Mme Annie Rosès. Pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, il est clair que, si le père a élevé seul ses enfants de la naissance à l’âge de quatre ans, il se verra attribuer la majoration de quatre trimestres liée à l’éducation – mais non, bien évidemment, les quatre trimestres liés à la grossesse et à l’accouchement. Pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2010, ce n’est pas expressément prévu, mais il serait assez logique qu’il en soit de même.

Votre première question renvoie à une notion qui s’impose de plus en plus, au niveau européen : celle du caractère patrimonial des droits à retraite. Dans certains pays, l’Allemagne en particulier, en cas de liquidation du patrimoine, notamment au moment du divorce, le juge prend en compte les éléments de retraite de chacun des conjoints. Mais notre droit ne le prévoit pas. En cas de divorce, le montant éventuel de la retraite peut être invoqué par l’un des deux conjoints ou par les deux, mais cela sert à évaluer la pension alimentaire et la capacité de chacun des conjoints de la recevoir ou de la payer.

Une fois la loi votée et publiée, la CNAV mettra en place les éléments d’information nécessaires pour que le maximum de personnes soit au courant du dispositif adopté.

On saura, dans les six mois suivant le quatrième anniversaire de l’enfant, à qui seront affectés les quatre trimestres de majoration : soit attribués en totalité à la mère, soit partagés entre la mère et le père, soit partagés à part égale en cas désaccord entre le père et la mère et si la caisse n’a pu déterminer qui a assuré à titre principal l’éducation de l’enfant. À partir de là, ils pourront être lportés sur le relevé de carrière, qui est accessible tout au long de l’année sur le site Internet de la CNAV et envoyé systématiquement aux intéressés tous les cinq ans à partir de l’âge de trente-cinq ans.

M. Jean-Luc Pérat. Allez-vous informer les assurés ou bien attendre qu’ils se manifestent ?

Mme Annie Rosès. Nous n’avons pas encore approfondi le sujet, car nous attendions de disposer d’une version stabilisée du texte pour commencer à travailler sur les éléments de recueil, de communication et de stockage de l’information. Ce n’est pas simple : à la naissance de l’enfant, il faut déterminer le terme du délai de quatre ans, prendre en compte les indications venues des parents pendant ce délai, attendre que soient passés six mois après le quatrième anniversaire de l’enfant et reporter ces informations.

Je pense que nous privilégierons une communication générale, aussi large que possible. On ne peut pas dispenser une information individuelle à chaque personne susceptible d’avoir un enfant, d’autant que, dans la branche retraite, nous ne gérons pas les adresses tout au long de la vie. Ce sera ensuite aux personnes de se manifester et de venir nous dire : nous avons décidé de partager, etc. De toute façon, en cas de silence pendant quatre ans, c’est la mère qui se verra attribuer les quatre trimestres.

Mme Edwige Antier. Nous avons parlé de la grossesse, mais je crois qu’il faut aussi parler de l’allaitement. Le programme national « Nutrition Santé » indique la meilleure façon de nourrir un enfant : un allaitement complet jusqu’à six mois, avec sevrage à un an. Vous allez me dire que ce n’est pas possible d’allaiter en travaillant. En France, non, mais en Suède, oui, alors que les femmes travaillent autant que chez nous ! Je pense que l’allaitement pourrait entrer dans les critères pour la deuxième année de la MDA. Certes, toutes les femmes ne peuvent pas allaiter, mais cela constituerait un encouragement à l’allaitement maternel. De même, le congé parental pourrait constituer un critère. Les hommes s’apercevraient qu’ils auraient intérêt à en prendre.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Initialement, on avait envisagé que la MDA revienne à la mère en cas de conflit. Or ce n’est plus le cas. Comment faire ?

Mme Annie Rosès. Si l’on veut éviter des contentieux, il faut donner un signe en prévoyant par exemple que, dans un certain nombre de cas, le père pourra bénéficier de quelques trimestres de majoration de durée d’assurance. Si l’on maintient un système dans lequel les trimestres reviennent systématiquement à la mère, on nous opposera la discrimination hommes-femmes, y compris pour l’avenir.

Mme Edwige Antier. Le parcours vers l’adoption est long, et la femme doit souvent suivre des traitements lourds contre la stérilité avant de s’y résoudre. Ce parcours doit être reconnu.

Mme Annie Rosès. Le III du texte proposé pour article L. 351-4 du code de la sécurité sociale prévoit le cas de l’adoption. Il y aurait une majoration de quatre trimestres accordée aux parents adoptifs au titre de l’accueil de l’enfant et des démarches. Ils désigneraient d’un commun accord le bénéficiaire de la majoration ou, le cas échéant, définiraient ensemble la répartition entre eux de cet avantage. Les quatre trimestres accordés au titre de l’éducation pourraient aussi être partagés ? Il nous semble que oui, mais je vous dis cela sous toutes réserves.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Ce n’est pas clair, en effet.

Mme Annie Rosès. Je reconnais que le III de l’article 38, sur l’adoption, mériterait d’être clarifié.

Mme Catherine Coutelle. On pourrait imaginer d’amender l’alinéa : « La décision, y compris implicite des parents ou l’attribution de la majoration selon les modalités prévues aux alinéas précédents, ne peut être modifiée. » pour viser certains cas particuliers, lorsque l’un des deux parents se retrouve seul, au-delà du délai prévu.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. J’aimerais que vous disiez quelques mots du VIII de l’article L. 351-4, relatif à la non-prise en compte des majorations dans les durées validées pour les départs anticipés.

Mme Annie Rosès. Pour les retraites anticipées – le cas le plus courant est celui des carrières longues–, il y a trois critères : un critère de durée d’assurance totale, qui est la durée d’assurance normale retenue pour le taux de la pension; un critère de durée cotisée, à l’intérieur de cette durée d’assurance totale ; un critère d’activité avant seize ou dix-sept ans.

Le VIII exclut de la durée totale validée les majorations de durée d’assurance pour enfants, qui sont normalement incluses dans la durée d’assurance retenue pour le taux ; le congé parental ; l’AVPF et la majoration de durée d’assurance au titre de l’éducation d’un enfant handicapé.

Cet article a sans doute été conçu pour éviter un effet d’aubaine dans le cas où les hommes bénéficieraient de trimestres de MDA. Comme ce sont les pères qui, en général, remplissent, plus que les femmes, les critères d’obtention de la retraite anticipée, ils auraient pu s’accorder ces trimestres pour bénéficier des dispositions en faveur des carrières longues.

Faut-il exclure seulement une partie des trimestres de MDA ? On pourrait imaginer conserver les quatre trimestres au titre de l’accouchement dans la durée d’assurance totale prise en compte pour la retraite anticipée. En revanche, on pourrait ne pas retenir les trimestres au titre de l’éducation puisque ce sont ceux-là qui pourraient être partagés entre le père et la mère, ou donnés en totalité au père.

Cette mesure semble s’appliquer à la fois pour les enfants nés avant et après le 1er janvier 2010. On pourrait envisager que ce dispositif nouveau ne s’applique que pour l’avenir. En effet, c’est introduire, s’agissant de ces retraites anticipées, une restriction qui n’existait pas dans le dispositif tel qu’il a été conçu en 2003-2004.

Par ailleurs, exclure la majoration de retraite au titre de l’éducation d’un enfant handicapé – qui bénéficie aux deux parents – aura peu d’incidences, étant donné le faible nombre de parents concernés, mais, en termes d’affichage, cela semble excessif.

M. Vincent Poubelle. En dehors de ce dernier cas, le VIII aurait comme incidence, pour exclure des hommes, d’exclure aussi des femmes de la retraite anticipée. En 2010, 900 femmes seraient ainsi obligées de décaler leur départ en retraite d’un an. Je ne connais pas le nombre des pères qui seraient exclus.

Mme Edwige Antier. Le pourcentage des enfants handicapés élevés uniquement ou en grande majorité par leur mère est considérable. Ces mères n’auraient donc pas de compensation, au moment de leur retraite, pour le temps qu’elles ont consacré à cet enfant ?

M. Vincent Poubelle. Pour ces derniers, nous ne disposons pas de chiffres. Mais je suis assez d’accord : il serait choquant d’exclure les parents d’enfants handicapés de la prise en compte de la majoration de durée d’assurance pour leur permettre d’anticiper leur départ.

Mme Annie Rosès. Les personnes handicapées subiraient une double peine : les majorations pour enfant seraient exclues de la durée totale validée pour le dispositif de retraites anticipées existant pour les adultes handicapés et il en irait de même de la majoration spécifique qui existe pour l’éducation d’un enfant handicapé pour les deux dispositifs de départ anticipé.

Mme Catherine Coutelle. Ce n’est pas normal, surtout qu’il ne s’agit pas de sommes considérables.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Nous allons le signaler. Je vous remercie.

ANNEXE 2 : TABLEAU RÉCAPITULATIF DES RÈGLES APPLICABLES
AUX MAJORATIONS DE DURÉE D’ASSURANCE POUR ENFANTS
(FONCTION PUBLIQUE ET RÉGIME GÉNÉRAL)

Fonction publique : réforme de 2003

Régime général (art L. 351-4 du code de la sécurité sociale) et régimes alignés

Régime général

PLFSS pour 2010

Enfants nés ou adoptés avant 2004

 

Enfants nés ou adoptés avant 2010

- bonification de 4 trimestres par enfant au père et à la mère, qui a interrompu son activité pendant au moins 2 mois pour s’occuper de l’enfant.

 

(Art L.12.b du code des pensions civiles et militaires de retraite)

- 8 trimestres maximum à la mère par enfant, né, adopté ou pris en charge, même sans lien de filiation

- père : pas de droit

- 4 trimestres à la mère pour tout enfant, né ou adopté

(Nouvel art L. 351-4, I du code de la sécurité sociale)

- plus 4 trimestres à la mère ou au père, si avant la fin de l’année 2010, il peut prouver avoir élevé seul l’enfant pendant les quatre premières années.

(Nouvel art L. 351-4, VIII du code de la S.S.)

Enfants nés ou adoptés depuis 2004

 

Enfants nés après 2010

- majoration de durée d’assurance 2 trimestres par enfant à la mère (au lieu de 4) pour les enfants nés après l’entrée dans la fonction publique, sans condition d’interruption d’activité. (38)

(Art L.12 bis du code des pensions civiles set militaires de retraite)

 

- 4 trimestres à la mère pour tout enfant né ou adopté

(Nouvel art L. 351-4. I du code de la S.S.)

- prise en compte des périodes d’inactivité ou de réduction d’activité du père ou de la mère pour la retraite (ce qui n’était pas le cas précédemment) dans la limite de 3 ans par enfant

 

- plus 4 trimestres pouvant être partagés entre le père et la mère par décision des parents. En cas de désaccord, la majoration sera donnée à celui des parents qui a assuré à titre principal l’éducation de l’enfant, ou, à défaut sera partagée par moitié.

Dans le silence des parents, les 4 trimestres reviennent à la mère

(Nouvel art L. 351-4, II du code de la S.S.)

   

Enfants adoptés après 2010

   

8 trimestres partageables entre le père et la mère selon les règles ci-dessus :

– 4 au titre de l’éducation pendant les 4 ans suivants l’adoption

(Nouvel art L. 351-4, II du code de la S.S.)

- 4 au titre de l’incidence de leur vie professionnelle

(Nouvel art L. 351-4, III du code de la S.S.)

1 () Claude Greff, Les femmes et leur retraite. rapport d’information n°1028.

2 () COR, Retraites : droits familiaux et conjugaux, sixième rapport, 17 décembre 2008.

3 () COR, Retraites : droits familiaux et conjugaux, sixième rapport, 17 décembre 2008.

4 () Audition du mercredi 7 octobre.

5 () COR, p. 91.

6 () COR, p.82.

7 () Drees, Etudes et résultats, Les durées d’assurance validées par les actifs pour leur retraite, n° 692, mai 2009.

8 () DREES, échantillon interégimes de cotisants 2003.

9 () Audition du mardi 6 octobre 2009.

10 () Rapport du COR précité, p 90.

11 () CJCE, 29 novembre 2001, Greismar.

12 () CE, 29 juillet 2002, Griesmar.

13 () Cassation, chambre civile, 19 février 2009, n° 07-20668.

14 () La CJCE n’a pas reconnu le caractère de rémunération aux prestations délivrées par le régime général. CJCE, 25 mai 1971, Defrenne I, aff. C-80/70.

15 () Cassation, chambre civile, 21 décembre 2006, n° 04-30586.

16 () Délibération n° 2008-237 du 27 octobre 2008.

17 () Décision n ° 2003-483 DC du 14 août 2003 sur le projet de loi portant réforme des retraites.

18 () Brigitte Grésy, Rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, juillet 2009.

19 () Travaux en cours de la délégation sur l’accès des femmes aux responsabilités.

20 () Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2009, p. 302.

21 () AVPF.

22 () Dans le régime de la fonction publique et dans de nombreux régimes spéciaux, la durée d’assurance est calculée sur la base de l’activité réelle.

23 () DARES, Premières synthèses, septembre 2007, n°39-3.

24 () Régimes alignés : régime des salariés agricoles, des commerçants et des artisans.

25 () Cette « proratisation » qui accorde une majoration d’un trimestre par année pendant laquelle l’enfant a été élevé, permet de prendre en compte le cas des enfants décédés en bas âge. En effet, auparavant, aucune majoration n’était accordée si l’enfant n’avait pas été élevé au moins pendant neuf ans, avant ses seize ans.

26 () À ce propos, comme le souligne le COR, cette règle de priorité n’est pas nécessairement favorable aux intéressées. C’est notamment le cas lorsque l’assuré a accompli une carrière complète dans le régime général et incomplète dans d’autres régimes. La majoration n’aura dans ce cas aucun effet, alors qu’elle aurait permis d’augmenter la pension servie par le régime non prioritaire.

27 () DREES, Echantillon interrégimes de retraités (EIR) 2004.

28 () CNAV, La MDA pour enfant au régime général ; Direction de la prospective et de la coordination et des études ; 27 février 2007.

29 () Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2009, synthèse p 33.

30 () Les comportements de départ observés dans la fonction publique de l’État suite à la réforme de 2003. Minefi 2007.

31 () Audition du mercredi 14 octobre 2009.

32 () Audition du mercredi 14 octobre 2009.

33 () Audition du 14 octobre 2009.

34 () Les femmes ne représentent que le quart des 117 000 départs anticipés de 2007.

35 () Brigitte Grésy, Rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, juillet 2009.

36 () Annie Dusselier, Laurence Sotelie, Les accords d’égalité professionnelle de branches et d’entreprises, analyse comparative sur la période 2005-2008, étude réalisée pour l’ANACT par le cabinet Sotelie, septembre 2008.

37 () article 5, III, de la loi du 2 mars 2006.

38 () Ces trimestres s’ajoutent au congé de maternité. Ils visent bien à compenser un désavantage de carrière lié à la naissance, mais ils ne sont plus pris en compte dans la durée de service effectif pour la liquidation de la pension. Ils ne jouent donc que pour le calcul éventuel de la décote ou de la surcote. Il ne s’agit plus d’une bonification, mais une majoration de durée d’assurance.


© Assemblée nationale