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N° 2127

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

sur les drones

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Yves VANDEWALLE et Jean-Claude VIOLLET,

Députés.

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S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : TOUTES LES GRANDES NATIONS ONT DOTÉ LEURS

ARMÉES DE DRONES 9

I. —  UN ÉQUIPEMENT DEVENU INDISPENSABLE 9

A. DES TECHNOLOGIES QUI ONT PROGRESSÉ RAPIDEMENT 9

1. Une dynamique qui remonte aux années 1970 9

2. Une segmentation qui fait consensus sur le plan industriel

mais qui doit être nuancée d’un point de vue militaire 10

3. Un marché émergeant à forts enjeux politiques et industriels 11

B. UN ATOUT POUR LA CONDUITE DES OPÉRATIONS 12

1. La valeur ajoutée des drones 12

a) Les vecteurs 13

b) Les charges utiles 14

c) Le coût de possession 15

2. Le rôle des drones 18

a) Les missions de surveillance 18

b) Les missions de combat 19

c) Le transport logistique 20

3. L’intégration des drones dans les armées soulève toutefois certaines

interrogations 21

II. —  DES SYSTÈMES DE DRONES ÉQUIPENT DÉSORMAIS LES ARMÉES

DES PRINCIPAUX PAYS 23

A. DEUX PAYS SE DISTINGUENT : LES ÉTATS-UNIS ET ISRAËL 23

1. Les États-Unis 23

2. Israël 25

B. L’EUROPE 28

1. Le Royaume-Uni 28

2. L’Allemagne 29

3. L’Italie 30

4. Les Pays-Bas 32

C. LES AMBITIONS DE L’OTAN 32

DEUXIÈME PARTIE : NOS CAPACITÉS ACTUELLES NE SATISFONT

PAS LES BESOINS DÉFINIS PAR LE LIVRE BLANC 35

I. —  DES MOYENS DÉPLOYÉS EN AFGHANISTAN, MAIS UN RISQUE

DE RUPTURE CAPACITAIRE 35

A. DES CAPACITÉS INTÉRIMAIRES 35

1. Sur le segment MALE 36

2. Sur le segment tactique 38

3. Sur le segment des minidrones 40

B. LE RETOUR D’EXPÉRIENCE DE L’AFGHANISTAN 43

1. Le déploiement du SIDM-Harfang en Afghanistan 43

a) L’installation 43

b) Le fonctionnement 44

c) Les difficultés rencontrées 45

d) Les premières leçons tirées de cette expérience 46

2. Le déploiement du SDTI 47

C. LE RISQUE DE RUPTURE CAPACITAIRE 48

II. —  DES DÉCISIONS S’IMPOSENT 50

A. SUR LE SEGMENT MALE 51

1. Il semble difficile de compléter le parc de SIDM-Harfang au-delà

d’un vecteur et d’une station sol supplémentaires 51

2. Nos industriels ne pourront pas livrer de drones MALE de nouvelle

génération avant 2014-2015 52

a) Le projet Advanced UAV-Talarion (EADS) 52

b) Le projet SDM (Dassault-Thales) 56

c) Le projet Mantis 57

d) Ces différentes hypothèses supposent de prévoir des solutions transitoires 59

3. L’achat sur étagère 60

B. SUR LE SEGMENT TACTIQUE 60

1. La priorité : renforcer le parc actuel 60

2. Éviter la rupture capacitaire et engager le renouvellement 61

a) Les solutions d’appoint 61

b) Le renouvellement 62

C. LES MINIDRONES 67

D. PRÉPARER L’AVENIR AVEC LE DRONE DE COMBAT EUROPÉEN 68

TROISIÈME PARTIE : LES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT 71

I. —  DES USAGES CIVILS PROMETTEURS 71

A. LES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES 71

B. LES USAGES ENVISAGEABLES EN FRANCE 72

II. —  LES PROBLÈMES TECHNIQUES À RÉSOUDRE 74

A. L’INSERTION DANS L’ESPACE AÉRIEN CIVIL 74

B. LA GESTION DU SPECTRE ÉLECTROMAGNÉTIQUE 75

III. —  POUR UNE STRATÉGIE FRANÇAISE EN MATIÈRE DE DRONES 78

A. MIEUX STRUCTURER LE BESOIN PUBLIC 78

B. LA STRATÉGIE INDUSTRIELLE : DÉVELOPPER NOS DOMAINES

D’EXCELLENCE ET FAVORISER LES RAPPROCHEMENTS 78

CONCLUSION 80

EXAMEN EN COMMISSION 83

ANNEXES 89

I. —  DRONES EN SERVICE DANS LES ARMÉES FRANÇAISES (HORS COS) 89

II. —  PRÉSENTATION DES FINANCEMENTS CONSACRÉS AUX DRONES

ENTRE 1999 ET 2008 90

III. —  PRÉSENTATION DES CRÉDITS INSCRITS POUR LES SEGMENTS MALE

ET TACTIQUE SUR LA PÉRIODE 2009-2015 91

AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS 93

I. —  AUDITIONS 93

II. —  DÉPLACEMENTS 97

INTRODUCTION

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a placé la fonction connaissance et anticipation au premier rang des priorités stratégiques.

Face à la diversité des risques et des menaces pesant sur la sécurité de la France, les autorités politiques et militaires ont besoin de disposer, en amont comme en temps réel au cours des opérations, des informations les plus précises possibles pour être en mesure de faire, à tout moment, les meilleurs choix. Le travail de renseignement devient alors crucial, dans la mesure où « il éclaire la décision autant qu’il précède, appuie et suit l’action (1) ».

Dans ce contexte, le Livre blanc préconise, dans le domaine aérien, de concentrer les efforts sur les drones, aéronefs pilotés à distance, permettant de disposer des informations nécessaires à la prise de décision.

De fait, les drones, ou plutôt les « systèmes de drones » (2), enrichissent considérablement les moyens à la disposition du décideur et du combattant tant pour la préparation que pour la conduite des opérations et leur évaluation. Ils permettent de déployer des vecteurs à différentes altitudes, à des profondeurs variables et avec une charge utile composée généralement de capteurs optroniques, de radars, mais aussi de capteurs électromagnétiques.

Au-delà de cette fonction de renseignement, certains drones sont armés et permettent de conduire des attaques, y compris en profondeur, sans mettre en danger la vie des pilotes et avec davantage de discrétion qu’un avion de chasse. Les opérations menées actuellement par les États-Unis dans le nord du Pakistan illustrent tout le potentiel de ces appareils.

En somme, cet outil modifie incontestablement la façon dont nos armées peuvent conduire des opérations complexes, mais aussi la façon dont elles les conçoivent et les préparent.

L’intégration des drones dans nos armées constitue donc un enjeu crucial. Il porte tant sur le plan de l’organisation du renseignement que de la doctrine et de la tactique. De ce point de vue, si le drone est reconnu indispensable, toutes ses potentialités ne sont pas encore connues. De plus, il impose au décideur politique des arbitrages financiers difficiles : le drone est indispensable mais il est encore relativement coûteux, à l’achat et en entretien. Or, les besoins sont pressants. Du fait de ses engagements en opérations extérieures, les capacités de la France doivent être renforcées, à court comme à moyen terme. En outre, il est impératif que, sur le long terme, un flux minimal d’investissements préserve nos capacités à développer les générations futures de drones. Et il faut répondre à ces besoins sans menacer les autres programmes d’équipements (satellites, avions…), car le drone les complète sans pouvoir totalement les remplacer.

Compte tenu de ces éléments, il s’agit clairement d’un défi de première importance sur le plan militaire comme sur le plan industriel. C’est donc bien au politique qu’il revient d’y répondre.

Un rapide coup d’œil chez nos voisins européens nous montre que différentes solutions existent pour faire face à ces besoins : acquisition de systèmes ou de modules disponibles sur le marché (achat sur étagère), location de capacités à des opérateurs privés, développement d’un programme national - nos industriels maîtrisant la plupart des technologies nécessaires - ou encore lancement d’une coopération européenne. Chacune de ces pistes présente des avantages et des inconvénients qu’il convient de peser avec discernement.

C’est dans ce contexte que la commission de la défense et des forces armées a décidé la création d’une mission d’information sur les drones afin d’analyser les besoins à venir de nos armées et d’éclairer les choix que cela impliquera. Car, dans un contexte financier contraint et face à des besoins certains, la maîtrise des technologies drones par nos armées comme par nos industriels impose des décisions politiques courageuses à brève échéance.

Les rapporteurs tiennent à remercier les autorités françaises, et notamment le ministère de la défense ainsi que celui des affaires étrangères et européennes, qui leur ont apporté un concours très précieux en leur fournissant des informations de qualité, en organisant leurs déplacements et en facilitant leurs contacts, tant au niveau national qu’à l’étranger.

Ils remercient également pour leur coopération les autorités gouvernementales des différents pays visités ainsi que les militaires et les industriels français et étrangers rencontrés au cours de leur mission.

PREMIÈRE PARTIE : TOUTES LES GRANDES NATIONS ONT DOTÉ LEURS ARMÉES DE DRONES

I. —  UN ÉQUIPEMENT DEVENU INDISPENSABLE

Les drones ont connu un développement très rapide au cours des dernières décennies, mais c’est leur utilisation intensive par Israël, ainsi que par les États-Unis sur les théâtres irakien et afghan qui a mis en lumière leur importance dans la gestion des conflits. Il s’agit en effet d’outils extrêmement utiles qui font désormais l’objet d’espérances fortes, parfois excessives, au point d’être parfois décrits comme des technologies « à la mode ». De fait, les drones représentent un progrès considérable pour la préparation, la conduite et l’évaluation des opérations, même si, bien sûr, on ne saurait y voir la réponse à tous les besoins opérationnels.

A. DES TECHNOLOGIES QUI ONT PROGRESSÉ RAPIDEMENT

Le concept est ancien ; on pourrait en voir le commencement à la bataille de Fleurus (1793) lorsque les armées républicaines firent usage d’aérostats pour observer les positions ennemies. Cependant, c’est au cours des années 1970 que les premières versions modernes sont apparues sur les théâtres, pour connaître un développement considérable depuis lors.

1. Une dynamique qui remonte aux années 1970

Ce sont les États-Unis qui les premiers ont utilisé les systèmes de drones, au cours de la guerre du Vietnam. Ils furent rapidement suivis par Israël, dans les années 1970 après la guerre du Kippour.

C’est au cours de la guerre du Vietnam que l’armée américaine a utilisé les différents systèmes préfigurant les drones actuels. Il s’agissait d’aéronefs pilotés à distance, en temps réel, mais avec un point de récupération déterminé à l’avance. L’information ne pouvait être traitée qu’une fois l’appareil récupéré. C’est également à cette époque que les drones de haute altitude ont connu leurs premiers développements, comme alternative plus souple à l’utilisation que les satellites. Ces recherches ont favorisé de nombreuses innovations, qui se sont toutefois essoufflées à la suite de ce conflit. La guerre du Golfe a ravivé l’intérêt pour les drones aux États-Unis, où l’on a rapidement cherché à combler le retard pris sur l’industrie israélienne.

C’est en effet à l’époque où les programmes de drones américains ont connu leurs premiers ralentissements qu’Israël a développé les siens. Les drones y ont bénéficié d’un soutien constant, au point que l’industrie israélienne, forte d’une incontestable maîtrise technologique, occupe aujourd’hui une place de tout premier plan sur ce marché, avec les États-Unis.

De fait, les systèmes de drones permettent aux Israéliens de mener des opérations dans leur voisinage proche en évitant de trop solliciter les pilotes et en réduisant les risques. Dans les années 1970, l’entreprise IAI (Israël Aerospace Industries) développa les systèmes de drone Mastiff et Scout, qui furent déployés lors du conflit du Liban en 1982.

Une division d’IAI, Malat, a lancé au début des années 1990 le fameux drone Searcher, dont les différentes versions ont équipé de nombreuses armées dans le monde, y compris turque ou indienne.

L’avance acquise par ce pays s’est maintenue depuis les années 1970. C’est finalement l’utilisation qu’en a fait son armée qui a poussé l’évolution technique des drones, aujourd’hui très répandus à travers le monde.

2. Une segmentation qui fait consensus sur le plan industriel mais qui doit être nuancée d’un point de vue militaire

Il n’existe pas de classification des systèmes de drones officiellement reconnue. Une hiérarchisation fait néanmoins consensus tant parmi les industriels que parmi les utilisateurs pour les classer selon leur endurance et l’altitude à laquelle ils opèrent. Toutefois, ces catégories regroupent des appareils aux performances très hétérogènes (cf. spécifications des drones équipant nos armées en annexe).

– Les drones de haute altitude et longue endurance (HALE) opèrent à plus de 20 000 mètres. Le seul modèle opérationnel est le Global Hawk américain, fabriqué par Northrop Grumman, dont l’autonomie maximale dépasse les 30 heures.

– Les drones de moyenne altitude et longue endurance (MALE) évoluent généralement entre 5 000 et 15 000 mètres. Leur autonomie en vol est très variable selon leurs charges utiles et les conditions d’opération. Par exemple, elle est généralement de huit heures pour les missions que le SIDM-Harfang d’EADS assure en Afghanistan pour l’armée de l’air française, mais de 24 heures pour le Heron TP israélien sur les théâtres où il évolue.

– Les drones tactiques opèrent quant à eux en soutien aux forces engagées en opération. Ce segment regroupe des appareils aux performances très différentes, tels que le Hermes 450 d’Elbit ou le Sperwer de Sagem (groupe Safran), version améliorée du système de drone tactique intérimaire, dit SDTI, qui équipe l’armée de terre française.

– Enfin, les armées sont équipées de minidrones et de microdrones : il s’agit des « jumelles déportées » du fantassin, qui permettent d’assurer des missions de renseignement au contact, sur une courte portée (une dizaine de kilomètres). Ce sont des engins moins coûteux (quelques centaines de milliers d’euros), comme le drone américain Raven d’Aerovironment, d’une envergure de 1,29 mètre, transportable dans un grand sac à dos. Ils sont généralement produits en très grande quantité (en 2008, le Raven avait déjà été vendu à 8 000 exemplaires).

On notera qu’il existe également des drones à voilure tournante qui concernent les segments tactiques et les minidrones (cf. page 13).

Ces différents éléments méritent toutefois d’être nuancés, d’autant que les progrès technologiques accroissent régulièrement les capacités des appareils sur les différents segments. Le Watchkeeper britannique illustre bien ce glissement. Dérivé du drone israélien Hermes 450, ses performances se rapprochent d’un MALE, qu’il s’agisse de l’altitude à laquelle il opère ou de son endurance. Inversement, des drones a priori classés MALE peuvent assurer des missions habituellement dévolues aux drones tactiques. Ainsi, en Afghanistan, le SIDM-Harfang assure parfois des missions d’accompagnement de convois.

Enfin, nuance supplémentaire à cette segmentation traditionnelle, la classification utilisée par l’OTAN distingue deux grandes catégories, selon que les plateformes sont guidées en ligne directe (LOS (3)) depuis la station sol (drones tactiques) ou nécessitent le recours à une liaison satellite (drones de théâtre ou MALE).

3. Un marché émergeant à forts enjeux politiques et industriels

Le marché des drones n’est pas un marché comme les autres. Regroupant peu d’acteurs, il n’est pas encore arrivé à maturité et nombreux sont les États tentés d’y positionner leurs industriels, pressentant des développements prometteurs.

En Europe, les industriels développant des drones sont assez nombreux sur le segment tactique, mais sur le segment MALE, seule la société EADS France en a produit pour le moment avec le SIDM-Harfang. Et encore l’a-t-elle fait en recourant à une plateforme israélienne Heron 1. Ce programme a été développé car les autorités voulaient acquérir un drone en s’appuyant sur un industriel français. C’est un choix qui se justifie par des considérations de souveraineté comme par la volonté de soutenir ce nouveau pan de l’aéronautique militaire, afin que nos industriels soient présents sur ce marché en progression.

Car, comme on l’a vu, l’univers des drones est nettement dominé par les industriels israéliens et américains que sont IAI, Elbit, Aeronautics, General Atomics, Boeing, Northrop Grumman et Aerovironment.

Au cours de leur déplacement en Israël, la société IAI a par exemple indiqué aux rapporteurs avoir investi à ce jour plus d’un milliard de dollars dans les drones et a mis en avant la grande fiabilité de sa gamme, éprouvée par plus de 500 000 heures de vol. Les sociétés israéliennes ont noué des partenariats nombreux à travers le monde afin de pénétrer de nouveaux marchés. On trouve par exemple des projets liant, en Allemagne, Rheinmetal à IAI, en Autriche, Diamond Aircraft et Aeronautics (projet Dominator) ou encore, en Belgique, Dynali SA Hélicoptères et Aeronautics (pour le Picador). D’autres pays ont opté plus radicalement pour des achats clés en main de drones israéliens ou encore américains, à l’image du Royaume-Uni ou de l’Italie, qui ont acquis des Predator.

Israéliens et Américains bénéficient d’effets d’échelle importants. À titre d’exemple, le programme d’acquisition de drones Predator Reaper pour l’armée de l’air américaine est de plus de 250 vecteurs, construits dans une usine flambant neuve à raison de quatre unités par mois, lorsque le SIDM-Harfang français n’a été commandé qu’à quatre exemplaires. Cela pèse sur les États européens souhaitant promouvoir des solutions « indépendantes » : nos industriels ne pourront entrer et se maintenir sur le marché que si de fortes commandes publiques soutiennent leurs efforts. En effet, dans le domaine des drones MALE, les coûts de développement sont considérables (ils se chiffrent en centaines de millions d’euros), ce qui conditionne le développement de tout programme à des engagements de la puissance publique.

Au-delà, le caractère particulier de ce marché est renforcé par une dimension psychologique et médiatique. En face d’appareils toujours plus performants, présents dans les coalitions dont nous faisons partie, les autorités sont incitées à revoir régulièrement les équipements des armées, chacun ayant légitimement à cœur d’équiper au mieux ses forces. Cela ne doit pas conduire à inverser le rapport de l’offre et de la demande, car c’est bien le strict besoin militaire qui doit primer et nous ne devons pas épuiser nos ressources à soutenir des projets sans rapport avec le besoin, a fortiori au détriment de programmes moins « médiatiques ». Cela vaut pour les équipements militaires d’une façon générale mais est d’autant plus important dans le cas des drones, en plein développement et sous le feu de l’actualité.

B. UN ATOUT POUR LA CONDUITE DES OPÉRATIONS

1. La valeur ajoutée des drones

Ces appareils combinent de nombreux avantages expliquant leur succès. Compte tenu de leur très grande diversité, il est bien évidemment difficile d’en dresser une liste exhaustive. Pour autant, on peut mesurer les apports des systèmes de drones en distinguant leurs différentes composantes. Par ailleurs, l’argument des coûts, souvent mis en avant par les industriels, doit être pris en compte, mais avec une certaine prudence.

a) Les vecteurs

Avant tout, il faut relever que les vecteurs aériens sont de différentes sortes. On peut les classer selon leur mode de sustentation et de mise en œuvre :

- la majorité des vecteurs sont à voilure fixe et mis en œuvre à partir d’une piste d’aviation. C’est le cas des drones HALE, MALE et de nombreux drones tactiques, tels que le Hermes 450 israélien ;

- certains drones tactiques à voilure fixe sont propulsés par catapulte, tels le SDTI français. Ils offrent une grande liberté dans le choix de la zone de catapultage, mais le lancement comme la récupération peuvent fragiliser les vecteurs ;

- il existe également des drones à voilure tournante (dits VTOL (4)), c’est-à-dire des « hélicoptères pilotés à distance ». Ils ne nécessitent pas de préparation lourde dans la zone de mise en œuvre ni de moyen particulier de lancement. Leur endurance est généralement inférieure à celle de systèmes à voilure fixe de même gamme. Cette catégorie de drones correspond plus naturellement aux besoins de la marine, mais peut également répondre à ceux de l’armée de terre.

Cette diversité fait du drone un porteur protéiforme, qui peut donc répondre à des besoins militaires très différents.

Au-delà de ces catégories, ces appareils font preuve de qualités générales, qui expliquent une bonne partie de leurs atouts et qui, combinées, font leur originalité dans la maîtrise de la troisième dimension.

Pilotés à distance, les drones mettent en oeuvre une charge utile au dessus d’une zone dangereuse. Ils permettent donc, par définition, de préserver la vie des soldats. C’est là une première qualité.

Ils se caractérisent en outre par leur relative furtivité, en termes de dimension, de bruit, voire de signature. Ils sont dotés de moteurs moins puissants que les moyens aériens traditionnels, ce qui permet une surveillance plus discrète. Mais il faut toutefois noter que ces nouveaux équipements s’illustrent aujourd’hui dans des conflits asymétriques.

Leur atout principal est surtout l’endurance. Ils peuvent circuler au-dessus d’un périmètre à basse vitesse et sur une durée pouvant dépasser 24 heures dans le cas du HALE Global Hawk ou du MALE Héron TP. Cela rend la permanence envisageable là où les moyens traditionnels de surveillance ne le permettent pas (un satellite Hélios survole un même point tous les 28 jours), ou alors pour un coût beaucoup plus élevé et en mobilisant des moyens humains et matériels bien plus importants (avions). Cette notion de permanence est essentielle, elle apporte un changement profond dans la conduite des opérations. En effet, lorsqu’ils disposent d’un nombre suffisant de vecteurs, les opérationnels peuvent observer en continu le théâtre sur lequel ils agissent, mieux connaître toutes les actions visibles des éléments ennemis comme alliés, accéder à leurs communications, le cas échéant les brouiller et garantir par là une plus grande sécurité et efficacité à leurs troupes engagées en opération.

b) Les charges utiles

Les charges utiles que peut transporter un vecteur dépendent de sa capacité d’emport – généralement le tiers de son poids – et de la puissance électrique disponible. Ces éléments dimensionnent indirectement le nombre et la qualité des capteurs qu’il peut transporter et déterminent donc l’utilité relative des différents segments de drones.

Les grands vecteurs du drone HALE emportent des capteurs permettant une surveillance dans la durée, en grande profondeur et sur de vastes zones. À une moindre échelle, les MALE peuvent emporter des capteurs puissants et précis et donc relativement consommateurs d’énergie. Les drones tactiques quant à eux se limitent à des charges utiles moins lourdes et moins consommatrices d’énergie.

Ainsi, la plateforme ne tient sa valeur opérationnelle, comme « système », qu’en fonction du nombre et du type de capteurs qu’elle permet de mettre en œuvre.

À titre illustratif, le tableau ci-après présente les charges utiles mises en œuvre par les drones HALE, MALE et tactiques, à savoir, notamment des capteurs optroniques (EO), infrarouge (IR), des radars imageurs à synthèse d’ouverture (SAR (5)), des détecteurs de cibles mobiles (GMTI (6)).

Tableau comparatif des charges utiles

Système de drones

Segment

Emport classique

Global Hawk

Block 30

HALE

EO/IR/SAR

SIDM-Harfang

MALE

EO/IR/SAR/GMTI/illuminateur et désignateur laser, télémètre laser

Sperwer

tactique

EO/IR

Traditionnellement, les systèmes de drones sont équipés de capteurs optroniques, avec des capacités de jour et/ou de nuit. Par exemple, les SDTI de l’armée de terre française sont tous équipés de boules gyrostabilisées deux axes, emportant en même temps une caméra de jour et une caméra infrarouge.

Mais de plus en plus, les radars se révèlent également d’un apport précieux, en permettant de recueillir de l’information tout temps. Ainsi, l’équipement radar du SIDM-Harfang, bien qu’encore peu utilisé, est apprécié en Afghanistan du fait de sa capacité MTI (détection de mouvements).

À côté de ces charges « classiques », d’autres outils sont encore utilisés : capteurs électromagnétiques, brouilleurs, dispositifs d’illumination de cibles ainsi que de guidage laser, etc.

Les spécifications de ces capteurs varient selon les attentes des armées, et selon leurs contraintes propres. C’est notamment le cas pour la marine qui cherche à compléter ses moyens d’observation « au delà de la ligne d’horizon », déployables notamment à partir de ses bâtiments de surface.

Les drones permettent ainsi de mettre en œuvre à distance une grande variété de capteurs. De plus, un de leurs attraits réside dans la capacité de la plupart des vecteurs à transporter des charges utiles différentes. C’est cette modularité qui explique aussi le succès des systèmes de drones. Le fait de pouvoir faire évoluer son équipement en fonction du besoin opérationnel est évidemment très apprécié des militaires, et pour les rapporteurs, elle est essentielle, dans la mesure où elle permet l’adaptation des moyens aux missions.

Les armées doivent pouvoir elles-mêmes, sur le terrain, modifier l’emport de leurs plateformes en fonction des missions. Cela plaide pour des ensembles aisément raccordables à la plateforme. Cette préoccupation a par exemple été prise en compte dans la commande britannique du Watchkeeper, appareil d’un usage simplifié dont les opérationnels pourront modifier facilement les charges utiles (cf. la description de ce programme en page 28).

Pour les communications, des dispositifs de liaison satellite équipent les systèmes opérés hors de la ligne de vue.

c) Le coût de possession

La question du coût de possession (7) des drones est l’objet de débats. A priori, ils doivent permettre des économies si on compare le coût de la surveillance permanente d’un théâtre par un système de drones à celui à engager pour une surveillance équivalente par des moyens classiques de l’armée de l’air ou de l’aéronavale.

Toutefois, avant d’engager plus avant cette démarche comparative, encore faut-il en premier lieu examiner le coût d’acquisition d’un drone. C’est là, déjà, une question difficile, les drones étant généralement acquis par systèmes composés d’une station sol, d’un ou plusieurs vecteurs et de leurs charges utiles. De plus, leur grande variété rend encore plus difficiles les comparaisons entre les minidrones coûtant quelques centaines de milliers d’euros et le HALE Global Hawk, dont l’industriel a indiqué aux rapporteurs que la seule plateforme se vendrait environ 50 millions d’euros.

On peut s’attarder sur le segment MALE, qui complète les moyens de notre armée de l’air. Ainsi, par exemple, les services de la direction générale pour l’armement (DGA) ont indiqué aux rapporteurs que le coût d’achat d’un système de drones SIDM-Harfang, composé de trois vecteurs et d’une station sol, s’est élevé, après application des pénalités de retard, à près de 41 millions d’euros.

S’agissant du marché actuel, les prix annoncés suscitent chez les rapporteurs une certaine perplexité. Alors que le gouvernement américain a indiqué à la DGA que le coût d’achat de trois systèmes de quatre vecteurs de type Predator B serait de 525 millions de dollars hors taxes, les responsables de General Atomics ont évoqué un coût d’acquisition de 80 millions de dollars par système, soit 240 millions de dollars pour trois systèmes de quatre vecteurs et deux stations sol chacun.

En outre, l’estimation du coût des drones doit tenir compte des dépenses d’usage qu’implique leur mise en œuvre. Or, l’empreinte logistique de ces appareils est très variable. À titre d’illustration, le déploiement du système français SIDM-Harfang en Afghanistan mobilise près de quarante personnels sur la base de Bagram. Bien évidemment, cette empreinte a vocation à évoluer en fonction des progrès qui interviendront nécessairement au cours des années à venir.

En effet, les rapporteurs ont observé que l’armée israélienne met en œuvre ses systèmes de drones avec, semble-t-il, moins de personnels. Aux États-Unis, l’US Air Force estime que la mise en œuvre permanente (24 heures sur 24) d’un drone MQ-9 Reaper nécessite 168 personnes pour assurer la maintenance, la mission et l’exploitation du renseignement.

Ces données étant posées, il est possible de comparer les coûts relatifs. Il faut toutefois faire preuve de prudence, compte tenu notamment de la nouveauté de nos moyens en drones MALE et des économies qui pourraient être engendrées par des effets d’échelle. Mais cette comparaison doit néanmoins être tentée, ne serait-ce que pour disposer d’un ratio permettant de déterminer à quel moment et pour quelles missions il est avantageux de substituer des drones aux moyens traditionnels.

Comparaison du coût de l’heure de vol entre un drone
et un aéronef piloté

Une évaluation peut être conduite en comparant le coût de l’heure de vol. Cette notion recouvre le coût d’entretien programmé des matériels (dit « EPM »), celui des personnels, les dépenses en énergie (notamment en carburant) ainsi que le coût de mise en œuvre opérationnelle.

Cette analyse doit toutefois tenir compte du fait que les drones n’ont pas exactement les mêmes fonctions opérationnelles que les autres aéronefs pilotés, les drones français ne délivrant pas d’armement par exemple. De plus, il ne faut pas sous-estimer les effets d’échelle, le coût à l’heure de vol étant directement lié au nombre de vecteurs en service : l’armée de l’air dispose aujourd’hui de trois vecteurs SIDM-Harfang seulement contre plus de 200 Mirage 2000.

L’état-major des armées a toutefois été en mesure de proposer aux rapporteurs le tableau ci-après.

 

Coût de fonctionnement

(en euros par heure de vol)

 

Type de plateforme

Minimum

Maximum

 

Avion de combat

8 100

20 000

Avion d’alerte avancée

37 000

40 000

Drones
(Coût estimé pour le SIDM-Harfang)

10 000

15 000

Source : état-major des armées.

 

Même s’il faut prendre ces chiffres avec prudence, ils peuvent aider à la prise de décision pour confier tout ou partie d’une mission aux drones, notamment en matière de surveillance. Il faut également tenir compte du temps que le drone permet de dégager sur d’autres systèmes participant à la connaissance et à l’anticipation.

Aux États-Unis, le Department of Homeland Security estime le coût de l’heure de vol d’un Predator B Reaper à 3 600 dollars de l’heure (à raison de 10 heures par jour, cinq jours par semaine).

2. Le rôle des drones

a) Les missions de surveillance

Les systèmes de drones permettent de travailler en temps réel. Ils accélèrent et sécurisent la boucle décisionnelle. Sur le terrain, ils contribuent à lever le « brouillard de la guerre » en mettant à disposition du combattant, en direct, des images, mais aussi en permettant d’intercepter des communications téléphoniques et même de mettre en œuvre des moyens de contre-mesure, par exemple de guerre électronique (brouilleurs).

Au-delà de l’action immédiate, les systèmes de drones alimentent la chaîne du renseignement aux côtés de capacités très différentes, telles que les satellites, l’aviation (avions de combat, C160 Transall Gabriel, Awacs, etc.) ou encore les moyens humains.

À cet égard, la direction du renseignement militaire (DRM) joue un rôle de premier plan, comme « cliente » des informations captées par les drones et les autres sources d’information, mais aussi comme fournisseur de données synthétisées au profit des décideurs politiques comme des opérationnels. Ceux-ci peuvent ainsi disposer de dossiers par zone d’intervention, permettant de bien appréhender les théâtres et leurs contraintes. Les flux de données recueillies par les systèmes de drones étant considérables, leur déploiement et le traitement des informations induisent d’importants besoins connexes, humains et techniques pour la transmission des informations, leur analyse et leur archivage.

La transmission des informations suppose qu’elle circule selon des codes standards, partagés au sein de nos armées mais aussi des coalitions. C’est tout l’enjeu de l’interopérabilité, que permettent les systèmes de transmission de données et de flux vidéo dits RVT (de l’anglais Remote Video Transmission).

La transmission des images en temps réel

Les systèmes dits RVT ont acquis une grande importance au cours des opérations en Afghanistan, à mesure que les moyens aériens assuraient toujours davantage de missions d’appui direct des troupes au sol.

Ces systèmes sont intégrés dans les aéronefs (avions, drones) ou hélicoptères et permettent la transmission au sol, en temps réel, de données et de flux vidéo. Ils permettent le plus souvent aux opérationnels de confirmer que la cible visée par l’aéronef est la bonne et d’autoriser le tir.

L’armée de l’air avait développé en Afghanistan le système dit « Scarabée », permettant aux troupes au sol de recevoir l’image captée par les avions de combat. Ce système a cependant rapidement montré ses limites, car il n’utilisait pas des codes partagés par les alliés.

La société américaine L3Com a développé le système ROVER de transmission des images, qui s’est imposé comme standard de fait à la coalition en Afghanistan. Parfois exclue de certaines missions faute de moyens interopérables, l’armée de l’air a obtenu qu’une partie de sa flotte de combat soit équipée de systèmes ROVER en urgence opérationnelle. Une première version permettra au début de l’année 2010 la transmission de flux vidéo depuis l’aéronef vers le sol. Dans un second temps, il est envisagé d’étendre la capacité à la transmission de données air-sol et sol-air.

En ce qui concerne le SIDM-Harfang, la DGA a fait l’acquisition d’émetteurs CMDL produits par la même société et compatibles avec le système ROVER.

S’agissant du SDTI, la DGA a acquis le système RVT-ERS développé par la société Sagem, permettant aux fantassins de recevoir sur un écran portatif les images captées par le système de drones.

b) Les missions de combat

Si la contribution des systèmes de drones à la conduite des opérations est aujourd’hui largement reconnue, de nouveaux usages ont émergé, notamment le traitement de cibles.

Actuellement, les systèmes de drones sont de plus en plus engagés par les États-Unis pour mener des actions de combat. D’après les informations communiquées aux rapporteurs, ils ont conduit plusieurs milliers d’opérations sur la seule année 2009.

Ils y emploient leurs drones Predator B Reaper, dont l’emport habituel se compose de deux GBU12 et de quatre Hellfire. Il est prévu que cet appareil évolue prochainement afin d’améliorer ses performances.

Les rapporteurs considèrent que cette capacité doit être prévue lors de l’acquisition de nouveaux systèmes de drones par la France, même si leur armement soulève encore certaines interrogations au sein de nos armées.

c) Le transport logistique

Cette possibilité est désormais envisagée sérieusement. Elle constitue une plus-value opérationnelle et/ou financière à l’aérolargage, à l’héliportage ou à l’évacuation de blessés. La marine américaine a récemment retenu les candidatures de Boeing et d’un consortium Lockheed Martin-Kaman Aerospace pour développer un démonstrateur de drone cargo à voilure tournante, capable de transporter entre 4,5 et 9 tonnes de fret, y compris dans les conditions d’altitude et de climat de l’Afghanistan.

En Israël, Aeronautics développe également un prototype.

La PME alsacienne Flying Robots propose aujourd’hui le système FR102. Il s’agit d’un drone à voilure souple entièrement automatique, multiusages (surveillance et transport). Référencé par l’OTAN, son emport est de 250 kg, avec une endurance allant de huit heures (à charge pleine) à vingt heures (chargé d’une simple caméra). Le coût d’un vecteur et d’une station sol est proche de 500 000 euros, ce qui inclut également des prestations de maintenance et de formation la première année. À l’avenir, l’objectif de cette entreprise est de proposer des solutions de transport ainsi que de désenclavement, grâce notamment à une capacité d’emport s’élevant jusqu’à la tonne. L’industriel souligne en outre que cette nouvelle version n’aura qu’une faible empreinte carbone.

Le document ci-après présente les principales caractéristiques du drone FR102.

FR102

Industriel

FLYING ROBOTS SAS

Emport interne

Tous types de senseurs - capteurs (camera, brouilleur, radar…), pilote - passager, paquets (nourriture, médicament, matériel…), matériel largable

Emport externe

 

Charges utiles

250 KG

Vitesse

Endurance

Persistance sur zone

80 km/h en vitesse de croisière

10 h – jusqu’à 25 h avec réservoir additionnel

Cercle

Altitude (km)

3,4 km

Type de moteur

Essence Rotax 912 (version diesel pour 2010-2011)

Envergure

Chariot : 3,2 m x 2,2 m x 2,2 m)

Voile : ~13 m x~3 m – repliée : rentre dans un sac à dos

Hauteur système total : 9 m

Piste nécessaire au décollage

Cercle de 100 m de rayon

Coût global

Prix par système

500 k€ (UAV, station sol, formation, assistance)

Délais de développement et de livraison

Délai de livraison : 5 mois

Photographie du drone

Source : Flying Robots.

3. L’intégration des drones dans les armées soulève toutefois certaines interrogations

Sur le plan financier, la crainte de certains responsables militaires et politiques est que l’équipement en drones se fasse au détriment d’autres programmes. S’il est vrai que le drone est une nouvelle technologie qui se substitue à des moyens existants, il doit permettre de les réaffecter à d’autres tâches tout aussi indispensables et aujourd’hui difficilement satisfaites. Il convient par conséquent de conserver la cohérence des ressources affectées aux différents programmes opérationnels.

Au-delà et sur un plan plus organisationnel, les rapporteurs ont pu constater certaines divergences d’analyse sur l’autorité devant gérer les drones. En Israël, c’est la composante aérienne de Tsahal qui les déploie depuis 1999. Ils représentent actuellement 30 % de son activité. Aux États-Unis, chaque armée dispose de son propre parc et le met en œuvre, ce qui fait l’objet d’un vif débat, les Américains recherchant plus de flexibilité pour optimiser les moyens. En France comme au Royaume-Uni, l’armée de terre opère les drones tactiques, l’armée de l’air les drones MALE, comme à l’avenir la marine opérera les siens. Cette répartition fonctionne bien aujourd’hui même si elle n’est pas immuable. En revanche, les rapporteurs considèrent que le service industriel de l’aéronautique (SIAé) devrait être en charge de la maintenance de l’ensemble des systèmes de drones, y compris tactiques, en cohérence avec l’effort de mutualisation du soutien engagé dans le cadre de la réforme du ministère de la défense.

Enfin, et sur le plan de la doctrine, l’arrivée encore récente des drones dans les forces pose un certain nombre de questions sur l’organisation de la boucle décisionnelle et la répartition des responsabilités.

II. —  DES SYSTÈMES DE DRONES ÉQUIPENT DÉSORMAIS LES ARMÉES DES PRINCIPAUX PAYS

Si les États-Unis et Israël sont nettement en avance dans ce domaine, plusieurs pays européens ont également consenti des efforts notables pour s’équiper (8).

A. DEUX PAYS SE DISTINGUENT : LES ÉTATS-UNIS ET ISRAËL

1. Les États-Unis

Les États-Unis disposent de la flotte la plus importante et la plus complète de drones. L’armée américaine est la seule à disposer de tous les segments et en grande quantité. Il s’agit sans conteste du pays le plus avancé dans ce domaine.

Ils cherchent à constituer une flotte de drones HALE et MALE, capable d’assurer simultanément plus de 50 missions permanentes, dites CAP (Combat Air Patrols (9)). Leur nombre s’est accru rapidement : une seule en 2001, 21 en 2007, 34 en 2008, pour un objectif final de 54 en 2011. Les capacités de permanence en vol des drones MALE de l’armée de l’air américaine ont été démultipliées en quelques années, ainsi que l’illustre le tableau ci-après.

Même s’il est difficile d’obtenir des indications précises sur les dotations en systèmes de drones de l’armée de l’air américaine, il a été indiqué aux rapporteurs qu’elle dispose notamment d’environ 250 vecteurs MQ-1 Predator A et de 50 MQ-9 Reaper (pour une cible de 319 appareils en 2016), auxquels s’ajouteraient 27 RQ-4 Global Hawk, (14 Global Hawk de nouvelle génération devant être livrés en 2010 et 2011).

Le tableau ci-après décrit les spécifications des drones Predator A MQ-1, B MQ-9 et Global Hawk (RQ-4 version B).

Présentation des modèles de drones MALE Predator A et B
ainsi que du HALE Global Hawk

Type de vecteur

Envergure

Altitude

Vitesse

Endurance

maximale

Emport

Predator A

MQ-1

15 mètres

7 620 mètres

130 km/h

> 40 heures

204 kg

Predator B

MQ-9 Reaper

20,1 mètres

15 240 mètres

482 km/h

14 à 28 heures

1 723 kg

Global Hawk RQ-4B

39,9 mètres

19 800 mètres

650 km/h

36 à 42 heures

1 360 kg

Source : ambassade de France à Washington.

L’interopérabilité des moyens américains fait leur force. Grâce au système ROVER, toutes les autorités et toutes les forces engagées disposent des informations en temps réel.

Les États-Unis déploient leurs drones dans différentes régions du monde, au-delà des seuls théâtres irakien et afghan. Par exemple, pour renforcer les moyens de lutte contre la piraterie, la marine américaine a décidé de mettre en œuvre des Predator B depuis une base située sur l’aéroport de Mahé, aux Seychelles. Il semblerait que les drones employés à cette mission ne soient pas armés. Leur charge utile n’est pas connue en détail, mais la presse spécialisée fait état, outre les capteurs d’imagerie, d’éléments d’interception ou de brouillage des communications.

2. Israël

Les rapporteurs n’ont pas obtenu de renseignements précis sur les capacités dont serait dotée l’armée israélienne. Toutefois, à la vue des derniers engagements de ce pays au Liban en 2006 et à Gaza en 2009, on peut tenter une estimation.

Outre des minidrones Skylark en grand nombre, Israël disposerait encore :

– de plusieurs dizaines de drones tactiques Hermes 450 équipés d’une caméra jour et d’un capteur infrarouge, décollant sur une piste de 400 mètres. Ce type de drone, qui totaliserait aujourd’hui plus de 150 000 heures de vol, est, selon l’industriel, très fiable, puisqu’on ne déplore qu’une perte toutes les 10 000 heures de vol. Ce drone opère en ligne de vue à 150 km, voire à 250 km selon l’antenne dont on l’équipe. Parmi ses principaux atouts on relève encore son empreinte logistique limitée grâce à son système de décollage et d’atterrissage automatiques ainsi qu’à l’ergonomie soignée de sa station sol.

Très répandu dans le monde, il fait également l’objet de nombreuses prestations de location. Il sert aussi de base au programme britannique Watchkeeper. Au total, plus de 170 exemplaires en ont été vendus.

Il est très utilisé par Tsahal. Au cours de la seconde guerre du Liban, il aurait assuré quelque 15 000 heures de vol, avec 10 missions en permanence, notamment pour la détection de lanceurs de roquettes (80 % des lanceurs du Hezbollah auraient ainsi pu être détruits au cours des tout premiers jours de la guerre) ;

– d’un nombre important de drones MALE Heron 1. Comme le Hermes 450, ce drone a remporté un véritable « succès à l’exportation », totalisant aujourd’hui plus de 40 000 heures de vol. C’est, par exemple, la plateforme qui a été retenue pour le SIDM-Harfang français ;

– de trois appareils Heron TP, nouvelle génération de drone MALE, dont le développement a duré six ans. Lors du déplacement des rapporteurs en Israël en septembre 2009, un appareil était déjà opérationnel. Son ergonomie semble remarquable. Pour une séquence de vol de huit heures, sa mise en œuvre requiert un opérateur pour le décollage et deux autres pour la conduite de la mission en tant que telle.

Le tableau ci-après décrit les spécifications des principaux drones de l’armée israélienne.

 

Altitude

Vitesse

Endurance

Emport

Envergure

Skylark 2 (minidrone)

3 000 mètres

70 à 110 km/h

5 heures

60 kg

6,5 mètres

Hermès 450 (tactique)

5 500 mètres

130 km/h

> 12 heures

150 kg

10,5 mètres

Heron 1 (MALE)

> 10 000 mètres

90 à 185 km/h

24 à 48 heures

250 kg

16,6 mètres

Heron TP (MALE)

> 10 000 mètres

130 à 370 km/h

24 à 36 heures

1 tonne

26 mètres

Source : ambassade d’Israël à Paris.

Les drones israéliens mettent en œuvre toutes sortes de capacités : imagerie vidéo et radar, suivi de cibles mobiles, guerre électronique, etc. L’armement de certains drones israéliens est régulièrement évoqué dans la presse spécialisée, mais les rapporteurs n’ont pu obtenir aucune information officielle à ce sujet. Pour les industriels cela semble techniquement possible.

L’emploi des drones par l’armée israélienne

Pour les Israéliens, les drones sont depuis longtemps devenus indispensables aux opérations de guerre. S’ils constituent aujourd’hui un tiers des missions aériennes de Tsahal, on estime qu’ils ont représenté 70 % des aéronefs mobilisés au cours de l’opération « Plomb durci » (Cast Lead en anglais) menée au début de l’année 2009 dans la bande de Gaza.

Opérant dans leur voisinage immédiat, les Israéliens n’ont pas besoin de drone HALE et sont peu contraints en termes de liaisons satellites, les drones pouvant être pilotés en ligne de vue pour l’essentiel de leurs missions.

Leur doctrine d’emploi est très affinée. Les Israéliens attachent une importance toute particulière à la permanence des moyens d’observation et constituent donc des escadrons qui se relaient 24 heures sur 24. Les militaires mettent également en avant la notion de redondance. Elle signifie que toute défaillance d’un drone déployé doit pouvoir être palliée par un autre drone, prêt à l’emploi.

La simplicité d’emploi des drones israéliens est par ailleurs reconnue.

À cet égard, les industriels ont développé des dispositifs automatiques très performants pour le décollage et l’atterrissage, comme les utilisateurs du SIDM-Harfang l’ont confirmé aux rapporteurs.

De même, l’ergonomie des stations sol des drones MALE permet un pilotage automatique du vecteur, afin que l’opérateur se consacre exclusivement à la conduite de la mission. Cela optimise d’autant l’empreinte logistique. Même si les besoins varient avec les missions, il a été indiqué aux rapporteurs qu’une section « classique » de l’armée israélienne qui opère simultanément huit appareils mobilise 60 personnels en permanence ainsi que 10 à 15 techniciens et opérateurs. Généralement, le pilotage d’une mission en tant que tel ne demande que deux ou trois personnes, les équipages étant relevés toutes les quatre heures en moyenne lors des opérations militaires.

En ce qui concerne la formation des pilotes de drones, dont les Israéliens considèrent qu’il s’agit d’un métier en tant que tel, différent de celui de pilote de combat ou de transport, elle se déroule sur six mois dans une école spécialisée, complétée par deux mois sur le terrain.

On notera enfin qu’un bataillon israélien est spécialisé dans la mise en œuvre d’aérostats. La société Aeronautics a développé le Skystar 300, opérant une charge utile de 35 kg à une altitude de 300 mètres. Il s’agit d’appareils répondant bien à des besoins de surveillance statique sur une profondeur d’une vingtaine de kilomètres.

Au-delà de ces moyens, Israël, au même titre que les États-Unis, recourt à des solutions de location. Il existe pour cela un marché important sur lequel les sociétés israéliennes sont particulièrement bien placées, que ce soit pour l’exploitation des systèmes ou le traitement des données recueillies.

B. L’EUROPE

1. Le Royaume-Uni

Le Royaume-Uni, dont les ambitions militaires sont plus comparables aux nôtres, s’est équipé de Predator B Reaper (deux véhicules sont disponibles et quatre sont en cours de livraison). Il ambitionne toutefois de développer un système MALE autonome grâce au programme Mantis (cf. page 57).

En ce qui concerne le volet tactique, le gouvernement britannique a retenu la proposition Watchkeeper proposée par Thales UK.

Le programme Watchkeeper

Thales UK a remporté en 2005 le contrat dit « Watchkeeper », aux termes duquel le gouvernement britannique souhaitait équiper son armée de terre d’une capacité de renseignement fondée sur des drones tactiques. Ce programme entrera en service opérationnel en 2010.

Il repose sur des plateformes baptisées WK450. Il s’agit de drones Hermes 450 améliorés, avec décollage et atterrissage automatiques. La propulsion sera assurée par un moteur thermique ou, à terme, électrique.

Les charges utiles se composeront de capteurs optroniques et radars.

Le vecteur WK450 est développé au sein de la coentreprise britannique UTACS, détenue par Elbit (51 %) et Thales UK (49 %).

Pour ce contrat, Israël a accepté d’importants transferts de technologie, puisque la fabrication et certains développements seront réalisés au Royaume-Uni.

Les responsables de la société Thales UK ont indiqué aux rapporteurs que le coût du programme s’élève à un milliard d’euros pour le développement et la livraison de 60 drones et 48 stations sol, dont 400 millions d’euros pour le seul développement.

Dans l’attente de la livraison du Watchkeeper, l’armée britannique s’appuie depuis juin 2007 sur le contrat Lydian, assuré par Thales UK. Il s’agit d’un contrat de location de quatre systèmes de drones Hermes 450 mis en œuvre en Irak et en Afghanistan. Ces moyens ont été opérationnels en seulement six mois. Le contrat inclut des prestations de service : soutien logistique, formation, déploiement de personnels pour la mise en œuvre. En moins de deux ans, l’armée de terre britannique a accumulé plus de 20 000 heures de vol. Elle en a semblé satisfaite au point de sortir du service ses drones Phoenix (catapultés) et de renouveler le contrat Lydian jusqu’en 2010, à l’entrée en service opérationnel du Watchkeeper.

Ce système s’est distingué par un taux de disponibilité de service irréprochable, 93 %, une attrition nulle (aucun vecteur n’a été perdu) et une empreinte logistique réduite (10 personnes suffisent pour opérer un système).

Au final, les deux tranches du contrat ont coûté respectivement 100 et 42 millions d’euros.

2. L’Allemagne

L’Allemagne considère les drones comme un outil militaire important. Elle ne dispose pas actuellement de drones MALE et HALE. Elle possède en revanche un nombre important de drones tactiques (CL289 et KZO) et de minidrones (LUNA et ALADIN).

À la suite de son engagement en Afghanistan, ce pays a décidé de consentir un important effort d’équipement en MALE et en HALE.

Selon le secrétaire d’État à la défense rencontré par les rapporteurs, l’Allemagne est favorable à une solution européenne pour les drones MALE.

Mais la Bundeswehr souhaitait acquérir rapidement un système de reconnaissance tout temps, disposant d’une caméra jour, d’un capteur infrarouge et d’un radar à ouverture synthétique avec détection de mouvement (dit « SAR-MTI »). Il s’agissait de compléter les capacités existantes, constituées de Tornado RECCE, dont une partie du parc sera retirée du service en 2010. Cela a conduit les autorités allemandes à engager l’acquisition d’une solution intérimaire en attendant les futurs systèmes de drones.

Ainsi, en dépit de la proposition faite par la DGA de construire une capacité commune sur la base des drones SIDM-Harfang développés par EADS France, l’Allemagne a retenu l’offre de location de services proposée par la société Rheinmetal, sur la base d’une plateforme Heron 1 de la société israélienne IAI (la même que celle utilisée pour le SIDM-Harfang). L’armée allemande attend un premier système en février 2010, puis deux autres, respectivement en mai et juin prochains, pour un coût de 140 millions d’euros. Cette décision motivée, selon le gouvernement allemand, par l’urgence opérationnelle, a quelque peu refroidi les espoirs de coopération du côté français.

L’Allemagne a également décidé d’investir sur le segment des drones HALE. Le 31 janvier 2007, le Bundestag a approuvé l’acquisition d’appareils dits « Eurohawk ». S’il est développé à partir de la plateforme du Global Hawk américain, c’est la société EADS Allemagne qui le livrera après y avoir intégré son système de reconnaissance électronique. L’Eurohawk effectuera des missions de reconnaissance à partir de l’aérodrome militaire de Schleswig-Jagel (Land du Schleswig-Holstein). On notera que la livraison de ces appareils à la Luftwaffe la rend désormais responsable des missions de reconnaissance électronique, domaine qui relevait jusque là de la marine, qui prévoit de retirer du service en 2010 ses Breguet Atlantic. La livraison du premier système, dans sa version initiale, est prévue pour avril 2011, l’Allemagne envisageant d’acquérir quatre autres systèmes en 2014.

Le tableau ci-après en décrit les principales caractéristiques.

Caractéristiques de l’euro hawk / global hawk block 20

Envergure

39,9 m

Longueur

14,5 m

Hauteur

4,7 m

Masse maximale au décollage

14 630 kg

Charge utile

1 360 kg

Distance franchissable

22,800 km

Moteur

Réacteur Rolls-Royce AE3007H

Altitude maximale

18,3 km

Vitesse sur zone

310 miles nautiques / heure

Endurance sur zone à 2.200 km

24 heures

Endurance maximale

36 heures

Communications

Satcom bande Ku, CDL (vue directe),

UHF satellite / vue directe, Inmarsat, relais ATC

Parallèlement, les Allemands participent au financement du programme Alliance Ground Surveillance (AGS) développé dans le cadre de l’OTAN (cf. page 32).

Au moment du déplacement des rapporteurs à Berlin, le 17 septembre 2009, le gouvernement allemand prévoyait de consacrer à ces différents programmes près de deux milliards d’euros sur la période 2010-2016. Il s’agit d’une somme considérable qui est toutefois essentiellement absorbée par les programmes HALE Eurohawk (855 millions d’euros) et AGS (405 millions d’euros). On notera que l’Allemagne n’a pas encore programmé de crédits pour développer le nouveau système de drones MALE devant remplacer les solutions intérimaires.

3. L’Italie

L’Italie a également beaucoup investi dans les drones au cours des dernières années.

Ses capacités industrielles sont regroupées au sein des différentes filiales du groupe Finmeccanica (notamment Selex Galileo S&S, Selex Galileo Avionica et Alenia Aeronautica). Elles couvrent l’ensemble des segments, à l’exception du HALE et allient des compétences dans la fabrication des plateformes comme dans celle des capteurs. Cette société nourrit manifestement des ambitions internationales ; le rachat de DRS Technologies aux États-Unis, outre le fait qu’il lui apporte des compétences dans les capteurs infrarouges, lui ouvre également le marché américain.

Le montant des investissements consentis au cours des dernières années n’est pas connu, mais il peut être estimé à plusieurs centaines de millions d’euros.

Le gouvernement italien souhaite disposer d’une capacité MALE nationale ou européenne à l’horizon 2015. Dans cette perspective, Finmeccanica a fait voler le démonstrateur Sky-Y, et développe actuellement le programme Molynx, dont les spécifications rappellent le programme Advanced UAV lancé par les gouvernements français, allemands et espagnols (cf. page 52). Le tableau ci-après le décrit.

Projet MOLYNX

Industriels

Finmeccanica

Envergure

25 mètres

Altitude

45 000 pieds

Emport interne

600 kg

Emport externe

2 000 kg

Endurance

34 heures

Calendrier

Premier vol prévu en 2011, systèmes opérationnels en 2013-2014

Source : Finmeccanica.

Mais l’Italie nourrit également des ambitions en matière de drones de combat, développant un démonstrateur de façon autonome.

Ces projets de drones MALE et de combat visent surtout à ménager une place à l’Italie dans les projets européens au sein desquels les industriels italiens aimeraient trouver une place, selon une source non confirmée. Dans ce sens, le gouvernement italien aurait selon cette même source proposé au Royaume-Uni de participer au développement de son projet Mantis (cf. page 57) à hauteur de 200 millions d’euros.

En attendant, l’Italie a fait le choix d’acquérir des compétences en s’appuyant sur un programme d’achat sur étagère de drones américains. Dès septembre 2001, ce pays a notifié à la société General Atomics un contrat portant sur l’acquisition de cinq drones Predator A et comprenant une station de contrôle mobile pouvant être installée à terre ou sur un navire ainsi qu’un simulateur pour l’entraînement de pilotes. L’un de ces vecteurs s’est écrasé lors d’entraînements dans le Nevada. Deux autres drones du même type ont été achetés en 2005 pour 14 millions de dollars.

L’armée de l’air italienne dispose actuellement de six Predator A et en attend deux autres d’ici la fin de l’année. Ils sont basés à Amendola (Pouilles) et cumulent aujourd’hui plus de 3 000 heures de vol.

En outre, un programme d’acquisition de Predator B a été lancé en 2008, portant sur quatre vecteurs pour un coût global de 80 millions d’euros sur quatre ans (les stations de contrôle des Predator A sont compatibles avec les Predator B). En 2009, deux nouveaux Predator B ont été commandés pour 21 millions d’euros.

L’Italie déploie actuellement deux Predator A en Afghanistan. Elle déploie également des capacités pour la surveillance maritime, afin notamment de lutter contre l’immigration clandestine. À ce jour, les drones italiens ne sont pas armés pour des raisons politiques (article 11 de la constitution italienne).

Ces éléments font de l’Italie un acteur majeur qui devrait bientôt posséder la flotte la plus importante de MALE en Europe et pourrait bien, de ce fait, compter dans un futur programme européen sur ce segment.

4. Les Pays-Bas

Au cours de leur déplacement au siège de l’OTAN à Bruxelles, le 22 septembre 2009, un officier néerlandais a indiqué aux rapporteurs que son pays était doté de Sperwer, qui sont en fin de vie. Les Pays-Bas s’intéressent principalement au segment tactique en raison des besoins opérationnels en Afghanistan et de contraintes budgétaires. Ils viennent de passer un contrat de location avec option d’achat auprès de la société israélienne Aeronautics pour des drones Aerostar avec capteurs spécifiques.

Le gouvernement néerlandais a renoncé à acquérir des capacités MALE à brève échéance.

C. LES AMBITIONS DE L’OTAN

Certains pays ont également souhaité développer leurs capacités dans un cadre interallié. Le projet AGS en est l’illustration.

Il s’agit d’un programme d’achat sur étagère d’un ensemble de drones Global Hawk, composé de huit vecteurs et de quinze stations sol, dont onze mobiles. L’objectif est de constituer une capacité HALE permanente de huit vecteurs déployables sur tous les théâtres. Les utilisations seraient multiples ; on pense notamment à la lutte contre la piraterie maritime. Une capacité initiale sera livrée en 2012 et l’ensemble devra être opérationnel en 2014. La principale base opérationnelle sera à Sigonella, en Sicile.

Le coût d’acquisition est de 1,4 milliard d’euros. Européens et Canadiens en financent l’essentiel, Allemagne, Italie et Canada prenant en charge plus de 70 % des dépenses. À elle seule, l’Allemagne y contribue à hauteur de 29,6 %, soit 405 millions d’euros, même si la participation de son industrie y est minime, la plateforme comme le radar étant américains. Le Royaume-Uni n’a pas souhaité s’y associer et la France comme les Pays-Bas ont, de leur côté, décidé de s’en retirer respectivement en 2007 et en 2008. Au final, ce sont 15 pays qui financent ce programme.

Le coût du soutien est quant à lui estimé à 85 millions d’euros par an. Il sera pris en charge par l’ensemble des nations, à l’exception de la France, qui avait proposé des solutions alternatives, finalement repoussées, et qui fournit déjà à l’Alliance des contributions en imagerie à partir de moyens nationaux (notamment le SIDM-Harfang en Afghanistan).

Toutefois, le programme AGS représente toujours un enjeu pour la France, en dépit de son retrait. Il est en effet crucial que nos moyens soient interopérables avec AGS. Dans ce sens, notre pays soutient la compatibilité de l’AGS avec les normes retenues dans le cadre du projet MAJIIC.

Le projet MAJIIC

MAJIIC (de l’anglais « Multi-sensor Aerospace/ground Joint ISR Interoperability Coalition ») est un projet multinational, réunissant l’Allemagne, le Canada, l’Espagne, les États-Unis, la France, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. L’objectif est de permettre l’optimisation des ressources militaires de surveillance et de reconnaissance en favorisant l’interopérabilité des capteurs.

Il s’agit pour la France de participer à la définition de ces standards communs et, le cas échéant, d’adapter ses systèmes actuels et à venir.

Dans le cadre de l’OTAN, la question de l’interopérabilité est également traitée à travers le projet Full Motion Video (FMV), qui définit des normes de transmission des images vidéo sur le théâtre afghan. Il permettra la mise en place d’un réseau de diffusion en temps réel des drones vers les centres de commandement et les échelons tactiques. Le système FMV doit remplacer à la mi-2010 le système intérimaire actuellement en place. L’état-major des armées a émis en septembre 2009 un besoin en urgence opérationnelle pour l’acquisition de systèmes de diffusion répondant à ces standards (de type ROVER).

Parallèlement, dans le cadre du travail d’harmonisation des normes, la France participe aux travaux du groupe capacitaire interarmées sur les drones, dont certains sous-groupes abordent des questions essentielles pour le développement à venir de cette technologie, parmi lesquelles l’interopérabilité, l’intégration dans l’espace aérien non ségrégué, ou encore l’armement des drones.

On notera enfin qu’un groupe capacitaire OTAN-Union européenne travaille à la question, évoquée en dernière partie de ce rapport, de l’insertion des drones dans l’espace aérien civil et sur l’utilisation des fréquences électromagnétiques.

DEUXIÈME PARTIE : NOS CAPACITÉS ACTUELLES NE SATISFONT PAS LES BESOINS DÉFINIS PAR LE LIVRE BLANC

I. —  DES MOYENS DÉPLOYÉS EN AFGHANISTAN, MAIS UN RISQUE DE RUPTURE CAPACITAIRE

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en 2007 a représenté une véritable « rupture stratégique » en plaçant la fonction connaissance et anticipation comme la première de nos priorités stratégiques. Ce faisant, il donne logiquement une place importante aux drones, outils essentiels pour connaître l’adversaire, préparer les opérations, les conduire mais aussi en évaluer les résultats. Il leur reconnaît un rôle naturel, quotidien, dans l’activité des armées.

En outre, le Livre blanc définit les objectifs de la France en matière de projection : nos armées doivent pouvoir soutenir deux théâtres d’opérations à la fois, tout en maintenant des capacités d’intervention en métropole.

On peut en déduire, a minima, la nécessité que nos armées aient à leur disposition, sous une forme ou sous une autre :

– une capacité de trois systèmes MALE dotés de suffisamment de vecteurs et de stations sol pour assurer une couverture permanente du territoire national comme des théâtres et faire face à une attrition inévitable en opérations extérieures (OPEX) tout en permettant la formation et l’entraînement ;

– un parc de drones tactiques permettant de couvrir trois théâtres, soit trois systèmes, plus un autre pour assurer des missions en France et permettre l’entraînement et la formation des équipes ;

– des « jumelles déportées », c’est-à-dire des minidrones, à la disposition du fantassin et des forces spéciales, déployables rapidement et en nombre suffisant pour l’attrition importante et inévitable de ces « consommables ».

Or, aujourd’hui, force est de constater que les capacités dont nous disposons permettent à peine de soutenir notre déploiement en Afghanistan.

A. DES CAPACITÉS INTÉRIMAIRES

Aujourd’hui, les capacités de l’armée française se composent essentiellement de matériels dits intérimaires : des drones MALE opérés par l’armée de l’air ainsi que des drones tactiques et des minidrones, opérés par le 61e régiment d’artillerie des « Diables noirs » de Chaumont.

Et cela, alors même que la DGA évalue l’investissement de la France en matière de drones entre 1999 et 2008 à près de 400 millions d’euros - hors coût de développement et d’acquisition des CL289 - dont 130 millions d’euros consacrés aux programmes d’études pour le drone de combat (UCAV). On en trouvera le détail en annexe.

Le tableau ci-après décrit les flux annuels consacrés aux drones.

Synthèse Flux annuels

(en millions d’euros courants)

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total

Financements « drones »

4,8

11,6

53,2

47,9

23,3

23,2

9,2

50,4

70,7

100,8

395,1

Source : DGA.

Ces sommes importantes ont permis de développer des capacités intérimaires sur les segments MALE et tactiques, ainsi que d’acquérir des minidrones.

1. Sur le segment MALE

Le système intérimaire de drones MALE (SIDM-Harfang) est un programme lancé en 2001, développé par EADS en cotraitance avec l’israélien IAI qui a fourni la plateforme. Il a été initié afin de combler les besoins français en drones de théâtre après le retrait des drones Hunter achetés en 1995 et en attendant la livraison du drone européen EuroMALE. Il s’agissait d’équiper l’armée de l’air de quelques vecteurs d’un système expérimental, afin d’acquérir un savoir-faire pendant les quatre années précédant son remplacement.

Initiative des gouvernements français, allemands et espagnols, le projet EuroMALE était basé sur l’achat d’une plateforme israélienne Heron TP, une équipe européenne devant assurer le développement du système de missions. La mise en place de la structure commune s’est avérée particulièrement difficile, seules la France et l’Espagne souhaitant réellement poursuivre ce projet, ce qui a conduit à son abandon.

Parallèlement, le développement du SIDM-Harfang a pris un retard considérable de près de cinq ans. Il a finalement été livré à l’armée de l’air en septembre 2008, soit au moment initialement envisagé pour son remplacement. Son adaptation au besoin opérationnel est progressive, s’inscrivant nécessairement dans une démarche incrémentale.

Pour autant, ce système de drones présente de nombreuses qualités. Il s’appuie sur une plateforme israélienne de type Heron 1, avec une ergonomie améliorée : décollage et atterrissage automatiques, antigivrage, liaison satellite très performante, capteurs SAR/MTI (détection et suivi de cibles mouvantes). Les capteurs embarqués peuvent varier selon la mission. Ils permettent d’assurer du recueil d’images tout temps, avec diffusion en temps réel. Le tableau ci-après en présente les spécifications.

Système Intérimaire de Drone Male-Harfang

Industriels

Maître d’œuvre : EADS DS (France)

Partenaire industriel majeur : IAI-Malat (Israël)

Part française

49 %

Emport interne

250 kg

Emport externe

néant

Charges utiles

capteur optronique gyrostabilisé électro-optique et infrarouge

télémètre laser

illuminateur et désignateur laser

radar imageur à synthèse d'ouverture (Synthetic Aperture Radar)

détecteur de cibles mobiles (Ground Moving Target Indicator)

Vitesse

Endurance

Persistance sur zone

100 nœuds / 185 km/h

24 heures

12 heures à 1000 km

Altitude

25 000 pieds (soit 7 600 m)

Type de moteur

Rotax 914 - Quatre cylindres turbocompressés

Envergure

17 m

Piste nécessaire au décollage

600 m

Photographie du drone

Source : EADS.

La dotation actuelle de l’armée de l’air est d’un système de trois vecteurs et d’une station sol.

Le système de drones SIDM-Harfang a été utilisé pour la première fois lors de la venue du Pape à Lourdes, le 14 septembre 2008. Cet évènement a mis en lumière l’importance pour le centre de commandement de disposer d’une diffusion vidéo en temps réel.

Il est déployé en Afghanistan depuis janvier dernier, à la suite d’une phase d’expérimentation en France d’une durée de trois mois.

Coût du système SIDM-Harfang

Le coût de développement et d’acquisition d’un système de trois vecteurs et d’une station sol s’est élevé à 41 millions d’euros. Cela ne représente qu’une partie du coût réel du programme, des pénalités de retard importantes ayant été appliquées. Le groupe EADS estime avoir perdu quelques 150 millions d’euros sur ce programme.

L’acquisition en cours d’un nouveau vecteur et d’une station sol s’élèverait à près de 20 millions d’euros.

Le coût d’usage hors carburant en OPEX est estimé par la DGA à 30 millions d’euros par an.

2. Sur le segment tactique

Depuis 1992, la France dispose de systèmes de drones tactiques CL289 (24 vecteurs encore disponibles actuellement sur une dotation de 35) développés en coopération avec l’Allemagne. Il s’agit de drones missiles permettant la reconnaissance à longue distance par des photographies, développées par les opérateurs après l’atterrissage du vecteur. Ces matériels sont aujourd’hui obsolètes : là où les armées ont maintenant besoin d’imagerie en temps réel, un délai de 45 minutes est nécessaire entre la prise du cliché et sa mise à disposition des opérationnels. Cette flotte doit être retirée du service en 2010-2011 (2012 en Allemagne).

L’armée française a notamment utilisé les CL289 au Tchad entre octobre 2008 et mars 2009, effectuant près de 80 missions opérationnelles au profit de l’EUFOR.

Depuis 2004, l’armée de terre dispose de deux systèmes de neuf drones tactiques catapultables SDTI, destinés à la surveillance du champ de bataille, à l’observation et à la désignation d’objectifs pour l’artillerie. Contrairement aux CL289, ils diffusent leurs images en temps réel vers la station sol et sont pilotés en direct. Leur charge utile se compose de deux caméras (jour et infrarouge).

Opérationnels depuis 2006, nos SDTI (10) produisent des images d’une excellente qualité, les capteurs optroniques détectant du mouvement jusqu’à 12 km.

Ce programme a été développé sur fonds propres par Sagem. Il a connu un certain succès à l’exportation (vers le Canada et les Pays-Bas, notamment). Les premiers exemplaires ont été livrés dès 1995. Ce programme a fait de Sagem le premier groupe européen sur le segment du drone tactique.

À l’automne 2009, la France a renforcé son parc par l’acquisition de six vecteurs complets Sperwer équipés de leur boule optronique, vendus d’occasion par le Canada via Sagem. Sur ces six appareils, quatre ont été destinés au théâtre afghan, les autres devant être rapatriés en France pour expertise. Cet achat comprend également deux catapultes Robonics, plus performantes que celles en service ainsi qu’un stock conséquent de rechanges. Dans le cadre du plan de relance de l’économie, la DGA a également acquis trois vecteurs neufs auprès de la société Sagem devant être livrés au début de l’année 2010.

Sept vecteurs ayant été perdus depuis 2004, l’armée de terre disposera en tout de 20 vecteurs SDTI-Sperwer.

Le tableau ci-après décrit les systèmes dont dispose l’armée de terre.

 

Industriel

Envergure

Charge utile

Rayon

d’action

Endurance

Durée sur zone

Persistance

CL289

DORINIER/MBDA France et EADS Allemagne

1,32 m

30,5 kg

200 km

35 minutes

Jusqu’à 10 minutes

3 vols/jour

SDTI

SAGEM

4,20 m

40 kg

100 km

5 heures

3 heures

3 vols/jour

Source : état-major de l’armée de terre.

Le SDTI a fait preuve de performances très satisfaisantes. Un module a été prépositionné au Liban entre décembre 2006 et août 2007, puis un autre au Kosovo à la fin 2007, y effectuant 73 missions au profit de la KFOR. En 2007 également, il a participé à deux missions intérieures de protection de sommets internationaux.

Un système est actuellement déployé en Afghanistan, l’autre étant en métropole pour l’entraînement au 61e Régiment d’infanterie de Chaumont.

Après les nécessaires mises au point, les opérationnels se disent satisfaits de ses performances.

Coût des drones tactiques

Selon, la DGA, le coût d’acquisition des CL289 s’est élevé à 350 millions d’euros (pour une commande d’une cinquantaine de vecteurs).

Celui des deux systèmes de neuf vecteurs SDTI s’est élevé à 60 millions d’euros, avec un flux actuel de maintien en condition opérationnelle de 12 à 15 millions d’euros par an.

À l’été 2009, la DGA a passé à Sagem un premier contrat de cinq millions d’euros pour l’achat des vecteurs Sperwer de nouvelle génération et un deuxième pour l’achat d’occasion de six vecteurs Sperwer améliorés.

3. Sur le segment des minidrones

Comme sur les précédents segments, la France a fait le choix d’acquérir des matériels développés par les industriels nationaux, tout en se réservant la possibilité d’achat sur étagère.

À la suite d’un contrat notifié en 2004, nos armées disposent de drones de reconnaissance au contact (DRAC), développés par EADS avec la PME Survey Copter (sous-traitant pour la réalisation des véhicules aériens). Les systèmes se composent de deux vecteurs et d’une station sol. 25 systèmes ont été livrés en juin 2008. 35 autres devraient l’être au début du mois de décembre.

Ce minidrone est l’un des rares bimoteurs de sa catégorie. Conçu pour opérer dans des conditions météorologiques difficiles, notamment de vents forts, il est doté du GPS/code PY militaire, en usage sur les aéronefs militaires français. Son système de transmission de données numériques lui permet de s’intégrer dans des zones d’opération dont le spectre électromagnétique est encombré. Son lancement s’opère manuellement.

Le document ci-après décrit les principales caractéristiques du DRAC.

DRAC (Drone de reconnaissance au contact)

Industriels

EADS DS + nombreuses PME

Part française

100 % du développement et de la production

Emport interne

compris

Emport externe

1,2 kg

Charges utiles

caméra couleur à zoom gyrostabilisée

caméra infrarouge gyrostabilisée

Vitesse

Endurance

Persistance sur zone

de 60 à 90 km/h / 30 à 49 noeuds

90 minutes

1 heure à 5km (2,7 nautiques)

Altitude

3000 m / 9400 pieds

Type de moteur

deux moteurs électriques

Envergure

3,60 m

Piste nécessaire au décollage

lancement à la main

Délais de développement et de livraison

3 ans de développement

livraison par lot

• Tranche ferme (25 systèmes)

• Tranche conditionnelle en 18 mois (35 systèmes)

Photographie du drone

Source : EADS.

Des expérimentations opérationnelles ont eu lieu, notamment au Kosovo (en août-septembre 2008) et à Djibouti (en mars-avril 2009). Deux difficultés techniques sont apparues, retardant leur déploiement en Afghanistan :

– des problèmes d’interférences entre la charge utile infrarouge et le GPS. Une modification a été proposée par l’industriel le 4 septembre 2009 et a été acceptée par la DGA. Tous les systèmes ont été mis à niveau ;

– une inadaptation de la motorisation aux conditions de relief en Afghanistan. Ce besoin n’avait pas été pris en compte lors de la conception de l’appareil. Une solution a été proposée par l’industriel et pourrait être mise en œuvre sous réserve d’un accord avec la DGA sur la répartition des surcoûts.

Le coût des systèmes DRAC

Le développement a été autofinancé par l’industriel à hauteur de 15 millions d’euros selon EADS.

La part du coût de développement et d’acquisition du programme incombant à l’État s’élevait à 23 millions d’euros pour la cible initiale de 160 systèmes. À ce jour, seul un montant de 9,845 millions d’euros a été engagé, correspondant au développement ainsi qu’à l’acquisition des 60 premiers systèmes (c’est-à-dire de 120 véhicules aériens) et leur soutien. En outre, un marché de pièces détachées inférieur à un million d’euros a été notifié à EADS et réalisé en 2009.

Mi-2007, le commandement des opérations spéciales (COS) a souhaité compléter très rapidement son parc de minidrones, souhaitant une empreinte logistique réduite et des capacités de suivi de cibles mobiles.

À l’issue d’une large mise en compétition, il s’est doté, via une procédure d’urgence opérationnelle, de Skylark 1 produits par la société israélienne Elbit. Ces appareils qui équipent l’armée israélienne ont été vendus à plusieurs milliers d’exemplaires dans le monde. Ils se caractérisent par une autonomie comparable au DRAC (90 minutes), une masse de 4,8 kg et une portée de quelques dizaines de kilomètres. Le lancement peut être effectué grâce à un élastique ou une minirampe, tandis que l’atterrissage est vertical (sur coussins d’air). Son utilisation mobilise deux opérateurs pour une seule station au sol. Le parc doit être complété par de nouveaux achats.

B. LE RETOUR D’EXPÉRIENCE DE L’AFGHANISTAN

L’engagement de troupes françaises en première ligne sur le théâtre afghan dans le cadre de la coalition a eu sans conteste un effet accélérateur sur les besoins en équipements comme sur les doctrines d’emploi. Il s’agit d’une évolution que les pays engagés dans le conflit irakien avaient connue dès 2003. En déplacement en Afghanistan les 15 et 16 octobre 2009, les rapporteurs ont constaté à quel point le déploiement des drones SIDM-Harfang et SDTI était déjà riche d’enseignements pour nos armées.

1. Le déploiement du SIDM-Harfang en Afghanistan

a) L’installation

Le déploiement du SIDM-Harfang en opération fin janvier 2009 s’inscrit dans le cadre du renforcement de la participation de la France aux opérations de la coalition, dont elle est désormais le troisième contributeur en imagerie drones. Les techniciens de l’armée de l’air sont parvenus à déployer le système en un temps record. Moins de deux semaines ont suffi entre la projection du système et son premier vol opérationnel le 17 février dernier.

L’industriel s’est également mobilisé en envoyant deux techniciens pour assister l’armée de l’air.

Il convient de saluer la performance réalisée pour assurer la liaison satellite du vecteur avec la station sol. L’armée de l’air a en effet rencontré de grandes difficultés pour trouver la disponibilité satellitaire nécessaire. Un satellite en orbite incliné a finalement été identifié (IS 601) et réorienté pour un coût de six millions d’euros par le groupe EADS. L’armée de l’air loue cette disponibilité satellitaire pour un montant de 500 000 euros par an.

Le coût du soutien industriel

Depuis février 2009, il a fait l’objet de deux procédures contractuelles avec EADS et IAI, cocontractants.

La première a couvert une période ferme de six mois, assortie de deux mois supplémentaires. Pour un montant de 29 millions d’euros, elle comprenait des activités de soutien, une préparation au déploiement ainsi que l’adaptation technique du système à l’environnement (notamment l’évolution de la liaison satellite).

Le second contrat porte sur une période de quatre années permettant de couvrir le déploiement dans la durée. Il se décompose en une tranche ferme et trois autres, conditionnelles, d’un an. Il recouvre l’ensemble des prestations industrielles de soutien du système en régime de croisière : soutien technique et logistique, maintenance, acquisition de rechanges, travaux documentaires, ainsi que le traitement d’obsolescences, sans développement de nouvelles capacités.

Le coût de ce contrat s’élève globalement à 106 millions d’euros, étalés sur quatre ans. Si l’on déduit de ce montant les provisions, le coût du contrat est ramené à 96,34 millions d’euros, couvrant un objectif d’activité de 1 900 heures (soit 7 600 heures sur la durée du contrat), ce qui correspond à un coût du soutien industriel de 12 600 euros par heure de vol, sans compter le soutien opérationnel.

Les rapporteurs s’étonnent de ce coût très élevé, qui ne saurait s’expliquer qu’en partie par des effets d’échelle du fait du faible nombre de vecteurs concernés. En outre, ils considèrent qu’il aurait été préférable de contractualiser sur un objectif de disponibilité opérationnelle.

D’un point de vue logistique, l’armée de l’air a bénéficié du prêt d’un hangar allié, ce qui a permis la réalisation d’économies substantielles en gagnant plusieurs semaines de travaux car nos standards n’étaient pas adaptés à l’envergure des drones MALE (11).

b) Le fonctionnement

Au moment de l’arrivée du SIDM-Harfang, les besoins de la coalition en imagerie drones n’étaient satisfaits qu’à hauteur de 30 %. Ce taux de satisfaction devait décroître du fait de l’augmentation des troupes alliées en région Nord-Est et de l’intensification des actions ennemies. L’arrivée du SIDM-Harfang aux côtés des deux systèmes Predator américains a finalement permis de le stabiliser.

Déployé à Bagram, le système couvre la zone Nord-Est du pays. De février à octobre, il a réalisé des missions au profit de l’ensemble de la coalition, notamment des forces françaises (53 %), américaines et norvégiennes (21 % chacune). Le système est ouvert à ces « clients » qui participent directement à la conduite des opérations aux côtés des Français, ce qui est particulièrement apprécié des alliés ne disposant pas de capacité MALE en Afghanistan.

La durée de vol moyenne y est de 10 à 12 heures, même si les capacités de l’appareil permettent d’atteindre 17 heures. En tenant compte du temps de vol nécessaire pour se rendre sur zone et en revenir, trois vecteurs sont donc nécessaires pour assurer la permanence de la mission.

En régime de croisière, il nécessite le déploiement de 40 militaires ainsi que de deux assistants techniques d’EADS. Cette donnée invite là encore à relativiser l’image d’un drone peu coûteux. On déploie finalement beaucoup de personnels pour un nombre de vecteurs limité (12). La mission elle-même mobilise de quatre à six personnes pour sa conduite, le pilotage et l’analyse, avec un changement d’équipe toutes les deux heures.

Les capteurs jour et infrarouge sont les plus utilisés dans des conditions climatiques et de relief éprouvantes. Ses capacités de nuit l’ont particulièrement distingué, grâce à son radar lui permettant d’assurer des missions de reconnaissance de cibles mobiles. Entre le 17 février et le 15 octobre 2009, le SIDM-Harfang a effectué plus de 1 050 heures de vol, dont la moitié a été effectuée de nuit.

L’ergonomie du poste de pilotage dans la station sol ainsi que les capacités de décollage et d’atterrissage automatiques des vecteurs sont particulièrement appréciées. De même, sa liaison satellite, développée en France, est d’une excellente qualité, garantissant la permanence de la mission.

Le SIDM-Harfang a principalement assuré des missions de surveillance de zones (39 %), de préparation à l’action (18 %), de reconnaissance d’axes avant le passage de convois (15 %), de protection de bases (9 %), d’escorte de convois (6 %), de détection de cibles en mouvement (6 %), ainsi que d’appui à la conduite d’opérations par les troupes au sol (3 %). Plus marginalement, il a également assuré des missions de reconnaissance d’engins explosifs improvisés ou encore de soutien à des opérations de récupération de personnels.

c) Les difficultés rencontrées

Réelles, elles doivent être pondérées par le fait que ce système, intérimaire, n’avait pas été conçu pour être déployé en OPEX. Le soutien n’avait donc pas été prévu en conséquence. Or, l’altitude, le relief et le climat afghans sont particulièrement éprouvants, notamment pour les moteurs qui connaissent un nombre élevé de défaillances et dont la durée de vie se trouve notablement raccourcie à quelques centaines d’heures.

Depuis le mois d’avril, l’une des trois plateformes est hors service à la suite d’un incident de vol. À l’heure où ce rapport est publié, la plateforme est en réparation chez IAI. Enfin, en septembre, un second vecteur était cloué au sol, servant de réserve de pièces détachées (moteur) pour le seul vecteur actif. Si ce dernier avait cessé de voler, la France aurait quitté le cercle très fermé des pays à même de déployer de façon autonome des drones MALE en Afghanistan.

Le système SIDM-Harfang souffre également de faiblesses en ce qui concerne la charge utile. En raison d’une mise en service tardive, la chaîne image n’est pas aux meilleurs standards actuels. En revanche, les rapporteurs se réjouissent de l’acquisition par la DGA de systèmes RVT (de type ROVER), qui devraient être opérationnels au tout début de l’année 2010.

Enfin, l’absence d’un système en France ne permet pas d’assurer la formation et l’entraînement qui de fait doivent l’être en Afghanistan.

d) Les premières leçons tirées de cette expérience

Le retour d’expérience du théâtre afghan montre d’ores et déjà le besoin :

– d’améliorer la chaîne de soutien du système : approvisionnements en pièces détachées (13), soutien technique de l’industriel, implication du SIAé dans le MCO ;

– d’équiper nos vecteurs de moteurs fiables dans des conditions de climat et d’altitude difficiles : les militaires présents à Bagram ont préconisé un système à injection, qui semble avoir fait ses preuves sur les Predator ;

– de doter les vecteurs de caméras de nouvelle génération ;

– de renforcer les capacités laser (pour l’extraction des coordonnées d’objectifs ainsi que pour le guidage d’armement) ;

– d’envisager l’intégration de capteurs électromagnétiques (SIGINT) ;

– d’étudier les possibilités d’armement de certains vecteurs.

Enfin, pour faciliter les manœuvres au sol, il serait utile de doter les vecteurs d’une caméra sur dérive ayant une capacité nuit.

En termes de ressources humaines, ce déploiement constitue un défi. Les armées devront consentir des efforts pour disposer d’effectifs suffisants dans certaines spécialités critiques, telles que les interprètes images. Ainsi, les effectifs actuels, limités, contraignent l’armée de l’air à mobiliser certaines spécialités plus de huit mois par an sur le théâtre afghan. De plus, il paraît crucial de se doter des moyens permettant la formation et l’entraînement en métropole, ce qui suppose a minima un vecteur et une station sol supplémentaires. Au cours des débats budgétaires, le ministre a fait savoir qu’il entendait satisfaire ce besoin ; il faut espérer que cette annonce se concrétisera rapidement.

Dans le même ordre d’idée, un travail doit être mené au sujet de nos capacités satellitaires : les difficultés rencontrées pour le déploiement du SIDM-Harfang montrent à quel point il s’agit d’un enjeu lourd en termes de ressources et surtout de souveraineté.

2. Le déploiement du SDTI

L’embuscade des 18 et 19 août 2008 en vallée d’Ouzbine a eu sans conteste un fort impact sur l’opinion publique. Elle a également mis en lumière le besoin en couverture drones de nos troupes en Afghanistan, entraînant le déploiement du système SDTI en novembre 2008 sur la base avancée de Tora en vallée de Surobi (1 640 mètres d’altitude).

Au cours de leur déplacement en Afghanistan les 15 et 16 septembre, les rapporteurs ont pu constater la satisfaction des opérationnels. Ces derniers ont insisté sur l’importance de pouvoir déployer le SDTI en 45 minutes et sur sa facilité d’emploi tout terrain grâce à la catapulte. Au-delà, les militaires du 2e Régiment étranger d’infanterie ont confirmé à quel point les drones leur étaient devenus indispensables pour préparer leurs sorties et observer l’évolution générale de leur zone durant celles-ci.

Les missions du SDTI se répartissent entre l’appui direct à la conduite des opérations (protection de la force et acquisition d’objectifs) pour deux tiers et le renseignement (ce qui regroupe la surveillance et les actions de recherche) pour un tiers. À titre d’indication, entre le 1er janvier 2009 et la visite des rapporteurs, 162 missions ont été réalisées sur 214 demandées. Sur celles non réalisées, 43 ont été annulées pour des raisons météorologiques et neuf pour des raisons techniques. La durée moyenne de vol est de deux heures trente.

Ce déploiement peut donc être considéré comme une réussite, même si certaines faiblesses sont apparues, essentiellement d’ordre « générationnel ».

Ces drones ont une empreinte logistique relativement importante avec 36 personnes. Outre l’équipe de commandement, trois groupes se coordonnent pour mettre en œuvre les vecteurs :

– un groupe vol à deux équipages pour le pilotage de l’avion et l’exploitation des images ;

– un groupe sol pour la préparation des drones avant la mission, le catapultage et la récupération de l’appareil ;

– un groupe de maintenance chargé des réparations et visites régulières programmées dans le cadre d’un plan de maintenance.

En outre, le SDTI est un drone relativement bruyant, ce qui peut être handicapant face à un ennemi maîtrisant parfaitement le terrain, mais, a contrario, sa présence peut aussi de ce même fait avoir un effet dissuasif.

La plateforme subit une lente érosion de son taux de disponibilité opérationnelle, liée à des conditions de mise en œuvre aux limites de son domaine d’emploi. De plus, le système de lancement par catapulte et d’atterrissage par parachute et coussins d’air s’avère éprouvant pour les appareils. Tout cela explique une attrition non négligeable : depuis leur déploiement en Afghanistan, quatre vecteurs ont été sérieusement détériorés, principalement au niveau des capteurs.

Des améliorations sont en cours. Une nouvelle catapulte permettra de moins éprouver le vecteur et sa charge utile lors du lancement. En outre, l’équipement en système RVT produit par la société Sagem (le système RVT-ERS) va permettre aux fantassins de disposer en direct de l’image captée en vol, jusqu’à dix kilomètres environ. Ce système est déjà en service et six exemplaires seront livrés d’ici la fin 2009.

Si le théâtre afghan agit comme un révélateur des capacités du SDTI, il accélère également l’usure de ces matériels déjà peu nombreux. Et pour le SDTI comme pour le SIDM-Harfang, cela rapproche le risque de rupture capacitaire.

C. LE RISQUE DE RUPTURE CAPACITAIRE

Il joue évidemment un rôle déterminant dans la façon d’envisager l’avenir.

Le segment MALE est le plus menacé, le risque concernant le segment tactique étant un peu moins rapproché.

– Au moment du déplacement des rapporteurs en Afghanistan, seul l’un des trois vecteurs SIDM-Harfang était en état de vol. Sous réserve de la réparation du vecteur 2022, la DGA estime que la rupture capacitaire risque d’intervenir entre 2012 et 2014. Or, cette rupture doit être évitée car les acquis du théâtre afghan seraient très vite perdus, qu’il s’agisse de l’expertise technique ou de la place de la France dans la coalition. En outre, il faudrait alors réexaminer la participation de la France à l’imagerie de l’OTAN, le déploiement du SIDM-Harfang faisant partie de la contribution « en nature » qui la dispense de participer au soutien des capacités AGS.

– En ce qui concerne le SDTI, son déploiement en Afghanistan étant encore relativement récent, il est difficile de définir des modèles d’attrition avec certitude. Toutefois, lors de sa première audition par les rapporteurs, le délégué général pour l’armement avait estimé la date probable de rupture capacitaire à 2010-2011 (14). L’achat de six vecteurs d’occasion ainsi que de trois vecteurs neufs repousse ce risque à 2013 environ. Mais les projections selon lesquelles le parc de SDTI ainsi renforcé pourrait « tenir » jusqu’en 2016 semblent peu réalistes.

De plus, il faut tenir compte de la dégradation qualitative des parcs MALE comme tactique, comme le montrent les obsolescences que l’on observe déjà en Afghanistan. Raisonner en fonction de l’utilisation des drones en 2009 permet d’avoir une idée de la rupture « quantitative », mais cela ne doit pas occulter l’effort nécessaire pour moderniser les systèmes et notamment leurs capteurs.

Dans le domaine des drones, la France a su tenir un rang plus qu’honorable, se dotant de capacités dans les segments MALE et tactiques. Bien qu’intérimaires, celles-ci font leurs preuves sur le théâtre afghan et y satisfont les militaires.

Néanmoins, ni leur conception, ni le nombre de vecteurs commandés n’anticipaient ce déploiement particulièrement éprouvant. C’est pourquoi notre pays doit faire face aujourd’hui à un risque de rupture capacitaire relativement proche. Celui-ci est inquiétant dans la mesure où les moyens inscrits en programmation ne paraissent pas en tenir compte.

II. —  DES DÉCISIONS S’IMPOSENT

Les moyens inscrits en programmation

La loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2009-2014, adoptée cette année, ne prend pas suffisamment en compte la question des drones. En tout, sur la période, 280 millions d’euros sont programmés en crédits de paiement : 141 millions d’euros pour le segment tactique et 139 millions d’euros pour le segment MALE (cf. annexe III). Si ces crédits suffisent à compléter le parc actuel afin de repousser le risque de rupture capacitaire, en aucun cas ils ne permettent son remplacement.

L’effort semble avoir été reporté sur la programmation suivante. Ainsi, la LPM programme la commande en 2014 de 60 drones tactiques pour les besoins de l’armée de terre, pour des livraisons en 2016, ainsi que de 15 drones tactiques destinés à la marine également commandés en 2014, dont les livraisons doivent intervenir à compter de 2019.

Surtout, la commande de trois systèmes de drones MALE est inscrite pour 2015 avec des livraisons envisagées à compter de 2016. Cependant, à moins de se résigner à un achat sur étagère, c’est dès maintenant qu’il faut débloquer des crédits pour le développement d’un nouveau programme au cours de la période 2010-2014, soit plusieurs centaines de millions d’euros.

Mettre en œuvre les orientations du Livre blanc implique donc de réviser dès à présent la programmation afin d’accorder davantage de financements aux drones, en particulier pour préparer le renouvellement de la flotte de MALE. Il en va du rang militaire et industriel de la France.

Dans la mesure où la révision de la programmation s’impose, les développements suivants visent à éclairer les choix qui devraient être faits à l’occasion d’un comité interministériel d’investissement au début de l’année 2010.

A. SUR LE SEGMENT MALE

Des coûts à prendre avec précaution

Les rapporteurs considèrent que les difficultés qu’ils ont rencontrées pour obtenir des indications précises sur les prix et les variations qu’ils ont observées dans les éléments fournis tant par les industriels que par les services étatiques doivent conduire à la plus grande prudence dans leur appréciation. Toute comparaison de prix entre les différents systèmes proposés doit être maniée avec précaution.

Il s’agit des systèmes les plus dimensionnants, dont les implications sont les plus stratégiques pour nos industriels. En conséquence, les rapporteurs considèrent qu’une solution impliquant nos industries doit être privilégiée sans pour autant exclure l’achat sur étagère de systèmes complets.

Il convient dès lors d’examiner les solutions aujourd’hui disponibles.

1. Il semble difficile de compléter le parc de SIDM-Harfang au-delà d’un vecteur et d’une station sol supplémentaires

La solution la plus simple pour échapper à la rupture capacitaire serait de compléter le parc de SIDM-Harfang.

L’achat du système disponible chez l’industriel comprenant une station sol et un vecteur va dans ce sens.

Les performances de ce parc ainsi complété pourraient encore être accrues. Outre le remplacement des moteurs à carburation par des moteurs à injection, on pourrait envisager d’améliorer les capteurs : optronique, caméra sur dérive, renseignement d’origine électromagnétique. L’emport d’armement mériterait d’être étudié. Cela permettrait d’acquérir une première expérience dans ce domaine. Si cette transformation n’intervient pas pour les vecteurs actuels, les rapporteurs considèrent qu’elle devrait se retrouver comme spécification des futurs drones MALE.

Mais même renforcée et modernisée, la flotte de SIDM-Harfang ne suffira pas à répondre au besoin opérationnel jusqu’en 2015 : le risque de rupture sera peut-être repoussé jusqu’en 2013, mais tout cela est extrêmement incertain tant les conditions d’emploi en Afghanistan sont difficiles. Il est donc nécessaire de doter l’armée de l’air de quelques vecteurs supplémentaires

Les rapporteurs estiment difficile de commander de nouveaux SIDM-Harfang.

Cela tient d’abord à des raisons industrielles. Les relations entre les cotraitants de ce programme, EADS et IAI semblent compliquées. Lors de leur déplacement en Israël, il a été indiqué aux rapporteurs que deux années seraient nécessaires pour la fourniture de nouveaux vecteurs de ce type, soit au mieux, en 2012.

En outre, des aspects juridiques pourraient rendre difficile cette perspective. La DGA estime en effet qu’au-delà de la quatrième plateforme et de sa station sol, le code des marchés publics contraindrait le Gouvernement à une nouvelle mise en compétition. Cela laisserait peu de chances à une solution SIDM-Harfang que les cotraitants ne semblent plus vraiment vouloir porter.

C’est donc probablement sans nouveau système de ce type qu’il faudra parer au risque capacitaire. Les projets de développement de drones MALE de nouvelle génération doivent être étudiés à cette aune, en examinant avant tout lequel permettra de répondre au plus vite au besoin en drones MALE, tout en ménageant l’intérêt national.

2. Nos industriels ne pourront pas livrer de drones MALE de nouvelle génération avant 2014-2015

Les rapporteurs ne peuvent que regretter que les industriels français ne soient pas parvenus à s’entendre sur un seul et même projet.

En l’état actuel des informations recueillies par les rapporteurs, le choix devrait intervenir entre les solutions proposées par EADS (programme Advanced UAV-Talarion), Dassault-Thales (programme SDM) et la proposition de coopération du Royaume-Uni (15).

a) Le projet Advanced UAV-Talarion (EADS)

Du point de vue français, le programme SIDM était conçu comme intérimaire, pour permettre une transition jusqu’à l’arrivée du drone MALE de nouvelle génération, à l’horizon 2016. Le programme EuroMALE, fondé sur une plateforme Heron TP devait y pourvoir. Son échec a conduit les gouvernements français, allemand et espagnol à envisager une nouvelle voie, en confiant à EADS un programme de drone MALE, dit Advanced UAV, ou Talarion.

Il s’agit d’un programme très ambitieux, dont les spécifications répondent à la demande formulée par les trois États partenaires : le vecteur pourrait se déplacer à grande vitesse (500 km/h, contre 150 à 200 km/h pour le SIDM-Harfang) et mettre en œuvre des charges utiles importantes grâce à sa forte capacité d’emport et à sa puissance électrique élevée. Globalement, la plateforme serait réalisée par EADS Allemagne, le système de mission par EADS France et le système de communication par l’Espagne.

En outre, l’industriel entend répondre à la demande des États que l’Advanced UAV puisse s’insérer dans l’espace aérien civil, même si cette perspective paraît en l’état peu réaliste, compte tenu de la réglementation en vigueur (cf. page 74).

Le tableau ci-après synthétise les principales caractéristiques de ce programme.

Talarion (Advanced UAV)

Industriels

EADS DS, Thales, Astrium, Safran, Zodiac, nombreuses PME

Part française

33 % développement et production, conformément aux directives étatiques

Emport interne

800 kg

Emport externe

1000 kg sous voilure et 500 kg sous le fuselage

Charges utiles

radar E-Scan de forte puissance. 20 modes terrestres et maritimes

senseur électro-optique et infrarouge

ESM (Electronic Support Measures) : Guerre électronique radar

Relais Radio

Soutien aux opérations de Search and Rescue

Liaison 16

RVT (Remote Video Terminal)

Vitesse

Endurance

Persistance sur zone

de 200 à 360 nœuds (soit 670 km/h)

24 heures

classe 20 heures à 500 NM

Altitude

entre 1 000 et 50 000 pieds (soit 15 200 m) suivant la mission

Type de moteur

2 moteurs de business jet (Pratt & Whitney, Williams…)

Envergure

27,90 m

Piste nécessaire au décollage

1 500 m

Coût global

Prix par système

1,4 M€ (développement) (16)

Inférieur à 100 M€ pour des systèmes d’une station sol et trois vecteurs, ainsi qu’un soutien initial

Délais de développement et de livraison

Premiers systèmes livrés en 2015 sur la base de l'engagement du programme début 2010

Photographie de la maquette du drone

Source : EADS.

À ce jour, une étude de risque de 60 millions d’euros est achevée, avec des conclusions favorables. Elle a été financée à hauteur de 20 millions d’euros par chacun des États.

Toutefois, outre son coût élevé, les rapporteurs notent que la complexité du programme ne laisse espérer une livraison qu’entre 2018 et 2020 selon la DGA, dans l’hypothèse d’une commande passée en 2010. Il s’agit en effet de développer un système de drones de nouvelle génération. Selon l’industriel, il faudrait 380 millions d’euros d’ici à 2014 pour développer le programme (part française).

Surtout, des incertitudes pèsent sur son avenir, compte tenu du partenariat sur lequel il repose. Au cours de leur déplacement en Allemagne, les rapporteurs ont constaté que l’armée de l’air allemande n’avait pas encore arrêté ses choix, indiquant avoir besoin d’une année supplémentaire pour préciser son besoin opérationnel. Par ailleurs, la capacité d’emport d’armes, pourtant indispensable du point de vue des rapporteurs, reste taboue de l’autre côté du Rhin. Enfin, ce projet supposerait de développer en Allemagne des capacités industrielles nouvelles (avionique à réaction), ce qui ne relève pas nécessairement d’une politique cohérente au niveau européen, ces capacités existant déjà au Royaume-Uni et en France. On notera toutefois que le gouvernement espagnol a réaffirmé son attachement à ce programme, par une lettre au gouvernement allemand.

Enfin, l’industriel a tout récemment indiqué aux rapporteurs avoir transmis à ces gouvernements des propositions d’améliorations techniques et financières de son offre de mai 2009, ainsi que du calendrier des livraisons (les détails de cette nouvelle proposition restent à confirmer).

b) Le projet SDM (Dassault-Thales)

Le projet SDM (Système de drones MALE) est une offre engageante présentée par Dassault et Thales qui pourrait également associer l’espagnol Indra.

Le tableau ci-après en décrit les principales caractéristiques.

SDM

Industriels

Dassault Aviation- Thales- IAI

Part française

Système de mission, radar nouvelle génération, guerre électronique, intégration et essais en vol, certification, soutien

Emport interne

Satcom, radar, EO/IR Laser, liaisons de données redondantes, guerre électronique

Emport externe

2 points d'emport pour armement

Charges utiles

1000 kg avec emport de carburant maximum

Vitesse

Endurance

Persistance sur zone

200 nœuds (370 km/h)

24 heures

13 heures à 1000 km

Altitude

41 000 pieds (12 500 m)

Type de moteur

Turbopropulseur Pratt & Whitney PT 6A

Envergure

26 mètres

Piste nécessaire au décollage

1 000 mètres

Coût global

Part française

700 M€ pour 3 systèmes de 3 machines

70 %

Délais de développement et de livraison

Livraison du 1er système 48 mois après notification

Photographie du drone Heron TP

Source : Dassault Aviation.

À travers ce projet, les industriels affirment être en mesure de répondre aux besoins dans des délais aussi brefs que possible.

Dassault assurerait la maîtrise d’œuvre et l’assemblage d’un système fourni par Thales et, le cas échéant, Indra sur une plateforme Heron TP d’IAI, qui est déjà opérationnelle (cf. page 25).

L’industriel ambitionne également sa certification pour l’insertion dans l’espace aérien civil, sous les mêmes réserves techniques que pour le Talarion. Enfin, cette offre inclut des prestations de formation.

Selon les industriels, ce programme pourrait être conduit en quatre années, contre deux pour un achat pur et simple sur étagère de Heron TP (cf. page 60).

À l’expérience, le recours à une plateforme étrangère supposera une grande vigilance sur le plan contractuel : contreparties industrielles (à l’instar du Watchkeeper britannique ?), MCO, prix d’achat de vecteurs supplémentaires, liberté d’exportation.

Ce programme pourrait en outre associer d’autres États européens, ce qui en réduirait le coût pour la France.

c) Le projet Mantis

Le projet Mantis s’inscrit dans le cadre du programme Operationnal UAS qui vise à doter le Royaume-Uni de capacités industrielles en drones MALE. Le calendrier prévoit une phase de « définition du programme » en mars 2010, pour une première mise en service opérationnelle en 2015 et une mise en œuvre complète de la capacité en 2018.

Dans cette perspective, la société BAE Systems a été chargée de conduire le projet Mantis afin d’évaluer la possibilité de développer une capacité MALE autonome, les Britanniques tirant ainsi les conséquences des limitations à leur souveraineté qu’impose l’utilisation des Predator, pilotés depuis les États-Unis.

Le tableau ci-après présente les principales spécifications de ce projet.

Mantis (Démonstrateur)

Industriels

BAE SYSTEMS (Rolls Royce – QinetiQ – GE Aviation - Meggit – Selex Galileo)

Part française

Sans objet

Emport interne*

650 kg

Emport externe*

1500 kg

Charges utiles*

Néant dans le démonstrateur. À terme : SAR/Laser/EO/IR/SIGINT

Vitesse*

Endurance*

Persistance sur zone*

< 300 kts (soit 555 km/h)

24 h à 36 h

Oui (24 h)

Type de moteur

À définir (Turbopropulseur ou turboréacteur)

Envergure*

20 m

Piste nécessaire au décollage

oui

Coût global

Part française

Prix par système

Non défini (17)

Organisation industrielle non définie. Fonction participation autres nations.

Prix objectif inférieur à celui du Reaper

Délais de développement et de livraison

Démonstrateur de véhicule précurseur d’une solution pour le programme du MoD Operational UAS. 1er essai en vol en novembre 2009.

Calendrier dépendant du programme britannique Operational UAS dont les jalons actuels sont :

Initial Gate : 2010 (définition)

Main Gate : 2012 (conception-réalisation)

Capacité initiale : 2015

Capacité finale : 2018

*Ces performances sont des performances visées par BAES. Elles pourraient différer des performances finales après la phase de définition conduite par la défense britannique en 2010/2011.

Photographie du drone

Source : Ambassade de France à Londres.

À l’occasion du déplacement des rapporteurs à Londres les 16-17 juillet 2009, le gouvernement britannique a exprimé le désir d’un partenariat avec la France. Les industriels français seraient naturellement impliqués dans leurs domaines d’excellence : Thales pour la charge utile et Dassault pour l’intégration, BAE Systems se concentrant sur la plateforme et le guidage. Il s’agirait donc d’un programme cohérent à l’échelle européenne, où chacun contribuerait selon ses compétences.

Au-delà du seul domaine des drones, ce projet présenterait également un intérêt majeur aux yeux des rapporteurs, qui souhaitent maintenir une base industrielle et technologique pour la fabrication d’avions de combat en Europe.

Le projet avance : le démonstrateur technologique a effectué, comme prévu, un premier vol le 21 octobre 2009 en Australie.

La France, si elle s’en donne les moyens, peut être au cœur du futur programme européen de drones MALE. Pour ce faire, elle doit rapidement trancher entre les différents projets en présence.

À ce jour, il semblerait que seul le programme SDM réponde au calendrier du besoin, parce qu’il utilise une plateforme déjà opérationnelle et des systèmes maîtrisés par nos industriels.

Conçu selon les spécifications des États, le projet Advanced UAV-Talarion semble davantage relever de la génération suivante de drones, tant par les délais attendus pour son développement et sa livraison que par ses capacités annoncées.

Le projet Mantis, constitue une piste intéressante de coopération à long terme qui ne manquerait pas de sens, la logique plaidant pour que, sans exclusive, la France et le Royaume-Uni conjuguent leurs excellences industrielles.

d) Ces différentes hypothèses supposent de prévoir des solutions transitoires

Pour assurer la soudure entre la fin de vie des capacités en service et l’arrivée d’une nouvelle génération de drones MALE, l’État pourrait, si nécessaire, faire appel à une solution transitoire de location, telle que celles pratiquées par le Royaume-Uni et son programme Lydian (cf. page 28), l’Allemagne (cf. page 29), les Pays-Bas (cf. page 32), le Canada ou encore les États-Unis qui, pour la surveillance de leurs frontières, ont temporairement recouru à la location de drones MALE israéliens.

D’ores et déjà, en coopération avec Thales, la société Dassault Aviation a remis au Gouvernement une proposition appelée « FHeron » de location avec option d’achat d’un système Heron 1 d’IAI acquis « sur étagère » et équipé d’une liaison satellite. Calculée sur la base de 5 000 heures de vol sur trois ans, elle pourrait être mise en œuvre dans un délai relativement court (12 mois).

3. L’achat sur étagère

Il existe deux options, l’une israélienne, l’autre américaine.

– L’option israélienne consiste à acquérir des systèmes Heron TP, drone qui vient d’être mis en service dans l’armée israélienne. Une offre sollicitée d’IAI aurait été adressée à la DGA.

– L’option américaine consiste, quant à elle, en un achat de systèmes intégrés Predator B Reaper, en cours d’examen dans le cadre d’un contrat d’État à État dit FMS (Foreign Military Sales). Il s’agit d’un matériel éprouvé (pour la seule année 2008, il a réalisé plus de 135 000 heures de vol au sein de l’armée de l’air américaine et du Department of Homeland Security (18)). Ses qualités sont attestées, y compris par nos militaires qui ont constaté en Afghanistan la performance de ses capteurs. Deux points faibles : l’ergonomie de la station sol et l’absence d’un système de décollage et d’atterrissage automatiques qui augmente le risque d’attrition et implique une formation approfondie des pilotes. Ces deux points font l’objet de développements chez l’industriel qui devraient déboucher rapidement (2012 pour la station sol).

Selon l’industriel, le prix de vente d’un système de quatre vecteurs et deux stations sol, comprenant des rechanges, serait de 80 millions de dollars. Or, dans les informations communiquées aux rapporteurs, la DGA indiquait que le gouvernement américain a chiffré le coût d’acquisition de trois systèmes de quatre vecteurs, soutien initial inclus, à environ 525 millions de dollars hors taxes. À tout le moins, une étude détaillée du contenu de ces offres serait nécessaire.

Il est à noter que, si General Atomics est ouvert à des possibilités de coopération industrielle approfondies (19), celles-ci restent soumises à des procédures d’autorisation gouvernementale, dont l’issue est incertaine. Une fois l’autorisation obtenue, l’industriel a évoqué un délai de livraison de un à deux ans.

L’achat sur étagère est donc une solution simple d’apparence mais qu’il faut étudier avec soin. Il s’agit aussi d’une option qui engage fortement l’avenir, tant du point de vue de l’indépendance stratégique que du maintien en France et en Europe d’une base technologique et industrielle aéronautique.

B. SUR LE SEGMENT TACTIQUE

1. La priorité : renforcer le parc actuel

Les efforts entrepris pour renforcer le parc existant ont amélioré nos capacités. Le SDTI satisfait les opérationnels et il n’y a pas lieu de donner corps à une génération « spontanée » de besoin qui serait initiée par le marché. Néanmoins, le risque de rupture capacitaire n’est pas très éloigné d’autant que le tarissement des premières flottes de Sperwer en service dans le monde rend peu envisageable un nouvel achat d’occasion.

En conséquence, il faut envisager les moyens de combler les besoins pour éviter la rupture capacitaire attendue autour de l’année 2013.

2. Éviter la rupture capacitaire et engager le renouvellement

a) Les solutions d’appoint

Parmi les options, on peut notamment relever :

– l’achat de Sperwer MK2 produits par Sagem, drones tactiques de deuxième génération, d’une autonomie doublée par rapport au SDTI (soit six heures), catapultés et capables d’emporter plusieurs types de capteurs. Disponibles à brève échéance, leur coût est de 10 à 15 millions d’euros par système d’une station sol et de quatre vecteurs ;

Le document ci-après décrit les spécificités de ce système.

SPERWER MK 2 (Drone de surveillance)

Industriels

Sagem (France)

Part française

100 %

Emport interne

40 kg

Emport externe

Sans objet

Charges utiles

EO/IR

Vitesse

Endurance

Persistance sur zone

Vitesse : de 100 kt (soit 180 km/h)

Endurance : 6 h

Persistance sur zone : 4 h à 150 km

Altitude

12 000 pieds (soit 4 000 m)

Type de moteur

Thermique 2 temps

Envergure

4,20 m

Piste nécessaire au décollage

Non, piste non nécessaire (lancement par catapulte)

Coût global

Prix par système

Non indiqué

15 M€ HT

Délais de développement et de livraison

• Développement : achevé (sur étagères)

• Livraison : 12 mois

Photographie du drone

Source : Sagem.

– la location présentée par le groupe Thales qui, à la suite du programme Lydian, propose une solution fondée sur des systèmes Hermès 450 (cf. page 28), opérationnels en six mois ;

– la location auprès de sociétés israéliennes.

b) Le renouvellement

S’il est prévu en 2016, il convient de regarder dès à présent quelques options en présence dans un marché bien achalandé.

– Le groupe Thales propose une solution d’acquisition patrimoniale de trois vecteurs Hermès 450 ainsi que deux stations sol pour 30 millions d’euros. Cela inclut le soutien et, au cours des deux premières années, une assistance technique au déploiement.

– La société Sagem propose le Patroller. D’une autonomie de 30 heures, ce drone peut opérer jusqu’à 7 000 mètres d’altitude (contre 3 000 pour le SDTI). Il se fonde sur une plateforme allemande existante, mais sera assemblé en France et équipé de capteurs français. Il s’agit, selon le constructeur, d’un drone tactique « poussé jusqu’au bout de sa logique », censé pouvoir évoluer dans l’espace aérien civil. Le coût de développement serait inférieur à 20 millions d’euros et le prix d’un système de trois vecteurs et une station sol (avec une charge utile EO/IR) serait équivalent. Sagem dit pouvoir équiper ce drone d’une liaison de données satellite au deuxième semestre 2011, ce qui pourrait alors le positionner comme une solution transitoire sur le segment MALE (cf. page 59).

Le document ci-après résume les spécifications du projet Patroller.

PATROLLER (Drone de surveillance)

Industriels

Sagem (France) + STEMME (Allemagne) en sous-traitance

Part française

80 %

Emport interne

110 kg

Emport externe

140 kg (2 pods sous voilure)

Charges utiles

EO/IR, radar, guerre électronique (COMINT, ELINT)

Vitesse

Endurance

Persistance sur zone

Vitesse : de 50 à 170 kt (soit entre 90 et 300 km/h)

Endurance : 30 h

Persistance sur zone : 20 h à 1000 km

Altitude

25 000 pieds (soit 7 500 m)

Type de moteur

Thermique 4 temps turbocompressé

Envergure

18 m

Piste nécessaire au décollage

Oui

Coût global

Prix par système

20 M€

20 M€ HT (avec charge utile EO/IR)

Délais de développement et de livraison

• Développement : en cours (2 ans)

• Livraison : 12 mois

Photographie du drone

Source : Sagem.

Une offre de service est également proposée par le constructeur. La mise en œuvre serait possible dès le premier semestre 2011, avec une boule optronique Euroflir, un radar et une liaison de donnée en ligne de vue. Le constructeur entend formuler une offre compétitive par rapport aux solutions de location proposées sur le marché.

– Un achat « sur étagère » de systèmes complets israéliens ou américains pourraient aussi être envisagé. Cette option serait moins onéreuse, les coûts de développement étant déjà amortis.

À côté de ces drones à voilure fixe, les drones à voilure tournante constituent une autre réponse.

Les drones à voilure tournante

Des solutions de drones à voilure tournante sont à l’étude pour répondre aux besoins spécifiques de la marine et de l’armée de terre.

L’armée de terre a lancé en association avec la marine une opération d’expérimentation réactive, notifiée en 2009. Elle vise à mieux appréhender les conditions de mise en œuvre, d’exploitation et de récupération de ce type de drones.

Au-delà, l’opération SDT/SDAM (système de drones tactiques pour l’armée de terre/système de drones aériens pour la marine), actuellement en phase de préparation, a pour objectif de définir les schémas d’acquisition de drones tactiques pour l’armée de terre et la marine, à travers divers projets d’études amont. Il s’agit notamment d’examiner les synergies possibles entre ces deux forces armées. Le choix entre les différentes options est prévu au début de l’année 2011.

Mais il existe d’ores et déjà divers modèles en vente ou à l’état de projet. Certains d’entre eux ont été présentés aux rapporteurs.

Ainsi, le groupe Northrop Grumman propose aujourd’hui le MQ-8B Fire Scout, pour lequel la DGA a manifesté son intérêt. Il se dit intéressé par des coopérations avec des industriels français, par exemple pour développer un radar spécifique avec Thales, ou pour le décollage et l’appontage jusqu’à force cinq avec DCNS. L’empreinte logistique de ces matériels est relativement importante, de cinq à huit personnels sur les navires américains, mais ces moyens peuvent être mutualisés avec ceux affectés aux hélicoptères.

Quant à la société EADS, elle s’intéresse également aux drones à voilure tournante avec le projet ORKA, initié à la suite d’une étude financée par la DGA en 2006. Il est conduit par les sociétés Eurocopter et Guimbal, dont l’hélicoptère Cabry servira de base au futur drone. Certains des sous-systèmes développés pour le SIDM-Harfang et le DRAC y seront exploités, notamment pour les liaisons de données. ORKA, avec 150 kg de charge utile modulaire et huit heures d’endurance, prévoit une version tactique et une version marine, livrables respectivement en 2015 et 2016.

À titre d’illustration, le document ci-après décrit les principales spécifications du drone Fire Scout.

Fire Scout

Industriel

Northrop Grumman

Emport

Radar, EO/IR/LD BRITE Star II, Détecteur de mines COBRA

Charges utiles

Masse brute – 1428.8kg, Charges utiles 228 kg

Vitesse

Endurance

Vitesse 231 km/h

Endurance plus de cinq heures avec 228kg charges utiles

Altitude (km)

6,1 km maximum

Type de moteur

Turbomoteur

Envergure

Diamètre du rotor 8,4 m

Piste nécessaire au décollage

Décollage et atterrissage vertical.

Coût global

Prix par système

Le contrat initial du Fire Scout 2009 est estimé à un minimum de 35 millions de dollars et inclut trois appareils, leurs charges utiles, les liaisons de transmission, les segments terre et les pièces détachées.

Délais de développement et de livraison

Approximativement deux ans.

Photographie du drone

Source : Northrop Grumman.

De même, le document ci-après expose les caractéristiques du drone ORKA.

ORKA

Industriels

EADS DS, Vertivision (Eurocopter / Gimbal), quelques PME

Part française

100 % sauf si demande de coopération européenne

Emport interne

150 kg

Emport externe

Prédisposition pour emport de 4+4 roquettes ou 1+1 petits missiles

Charges utiles

Radar mode terrestre SAR et/ou surveillance maritime

senseur électro-optique et infrarouge

ESM (Electronic Support Measures)

Désignateur laser

Relais de communication

Vitesse

Endurance

Persistance sur zone

100 nœuds, soit 185 km/h

10 heures

8 heures à 100 miles nautiques

Altitude

Jusqu’à 10.000 pieds, soit 3 000 m

Type de moteur

Austro Engine AE300 165 hp (155 hp continu) 2.0l Diesel

Autres moteurs Diesel possibles si puissance convenable

Envergure

Largeur rotor 7,2 m

Piste nécessaire au décollage

Néant

Délais de développement et de livraison

Premiers systèmes livrés en 2016 sur la base d'un engagement du programme début 2011

Photographie du drone

Source : EADS.

C. LES MINIDRONES

En théorie, l’acquisition de minidrones DRAC doit se poursuivre jusqu’à la cible finale ramenée de 160 (contrat initial) à 110 dans la programmation actuelle. Toutefois, les difficultés techniques rencontrées et certains aspects financiers semblent compromettre la poursuite du programme.

Ainsi, la troisième tranche de commande de DRAC, qui devait être affermie en 2009, pourrait être reportée à 2010, mais aucun crédit n’est inscrit dans la loi de finances initiale.

Au-delà, cette commande est aujourd’hui incertaine, l’industriel indiquant lui-même subir des pertes financières sur ce marché. Mais cette situation n’a rien de réellement inquiétant. En effet, plus encore que dans le domaine tactique, il existe sur le marché une offre très large, qui progresse rapidement, tant en voilure fixe qu’en voilure tournante, avec l’implication de nombreuses PME françaises. Les rapporteurs estiment qu’il convient de laisser aux opérationnels le soin de rechercher les meilleures solutions répondant à leurs besoins.

D. PRÉPARER L’AVENIR AVEC LE DRONE DE COMBAT EUROPÉEN

La présente programmation doit également tenir compte des besoins en drones au-delà de 2020. Elle le fait heureusement. S’il s’agit d’une perspective plus lointaine, il est essentiel de s’y attacher dès aujourd’hui pour disposer de toutes les briques technologiques nécessaires.

Plusieurs pays conduisent d’ores et déjà des recherches pour concevoir un drone de combat (désigné sous le sigle d’UCAV en anglais (20)), parmi lesquels les États-Unis, l’Italie, le Royaume-Uni ou la Russie. L’arrivée de ces drones coïncidera avec une vague de renouvellement des flottes d’avion de combat. Il est essentiel que l’industrie française et européenne soit présente sur ce segment aussi prometteur que stratégique.

C’est dans cette perspective que la France a lancé en 2003 une initiative majeure avec le démonstrateur technologique d’avion de combat non piloté à bord l’« UCAV-nEUROn ».

Ce projet constitue une étape importante pour maintenir et développer la maîtrise des technologies essentielles dans le domaine de l’aviation de combat, et contribue à maintenir le plan de charge des équipes de conception jusqu’au lancement du prochain programme vers 2020. L’objectif est qu’en l’absence de spécifications opérationnelles, les technologies développées à l’occasion du nEUROn soient réutilisables quelles que soient les demandes futures des forces européennes d’un véhicule habité ou non.

Pour l’initier, la France a souhaité se démarquer des méthodes de coopération antérieures – y compris celles ayant prévalu pour l’EuroMALE ou l’Advanced UAV – en lançant une initiative, ouverte à la coopération européenne, et qui réunit, autour de Dassault Aviation, des industriels européens soutenus financièrement par leur État, à savoir l’Italie, la Suède, la Grèce, l’Espagne et la Suisse.

Le Royaume-Uni n’a pas souhaité se joindre à ce démonstrateur du fait de ses engagements avec les États-Unis sur les technologies de furtivité. L’Allemagne a refusé d’entrer dans ce projet au motif qu’il ne lui garantissait pas une parité industrielle avec la France.

Le coût total du programme en cours, qui va jusqu’au démonstrateur, est estimé à 405 millions d’euros. Dans le détail, les industriels se sont répartis les travaux :

– Dassault Aviation (France) : la maîtrise d’œuvre, la conception globale, l’architecture et la définition générale, le système de commande de vol, l’assemblage final du véhicule et les essais en vol ;

– Thales (France) : la liaison de données du véhicule avec le sol ;

– Alenia-Aeronautica (Italie) : la participation à la conception globale, la capacité de combat à travers une soute d’armement interne au véhicule, le système aérodynamique, le système de génération électrique et les essais en vol ;

– Saab Aerosystems (Suède) : la participation à la conception globale, le fuselage et ses équipements, le système avionique, le système carburant et les essais en vol ;

– EADS (Espagne) : les voilures, la station sol, et l’intégration de la liaison de données ;

– HAI (Grèce) : le fuselage arrière, la tuyère et les bancs de test au sol ;

– RUAG (Suisse) : les essais en soufflerie et les pylônes d’armement.

On notera que Saab Aerosystems a sélectionné le groupe Northrop Grumman pour la livraison de systèmes LCR-100 AHRS (Altitude and Heading Reference Systems) devant équiper le nEUROn. Il s’agit d’un gyrocompas utilisant la fibre optique ainsi que des accéléromètres micro-électromécaniques, qui sera produit par la filiale allemande du groupe américain.

Selon le maître d’œuvre, le premier vol doit avoir lieu en 2012, le calendrier ayant, jusque là, été tenu. Puis des essais en vol permettront de mesurer sa furtivité. Sa capacité de combat sera testée par le tir d’une bombe au cours d’une mission de caractéristiques opérationnelles.

Au cours des prochaines années, il conviendra de poursuivre ce projet, car il dessine l’avenir de l’aviation de combat européenne. Mais il faudra également vérifier l’efficacité de la méthode adoptée : une initiative nationale, ouverte à de nombreux partenaires et pilotée par un maître d’œuvre bien identifié, chargé de répartir les tâches selon une logique industrielle cohérente.

TROISIÈME PARTIE : LES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT

À de nombreux égards, l’évolution de la technologie des drones aériens rappelle les débuts de l’aviation. Ces progrès rapides ouvrent des perspectives d’utilisation dans le domaine civil particulièrement riches, même s’il faut encore surmonter certaines difficultés importantes. Toutefois, quelle que soit la vitesse avec laquelle elles seront résolues, la France doit clairement définir une stratégie en matière de drones, que ce soit pour répondre à ses besoins ou pour consolider ses domaines d’excellence industrielle.

I. —  DES USAGES CIVILS PROMETTEURS

Les usages civils des drones se développent rapidement dans le monde, malgré les problèmes qui restent à régler concernant leur certification pour leur insertion dans l’espace aérien civil et la gestion des bandes de fréquences électromagnétiques pour leur pilotage et la transmission des données.

A. LES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES

Aux États-Unis, les drones sont utilisés depuis plusieurs années pour la lutte contre la criminalité organisée (notamment le trafic de stupéfiants), pour la sécurité civile (feux de forêt, inondations) ou pour des travaux scientifiques (évolution du climat).

L’administration des douanes et de la protection des frontières (Customs and Border Protection) dispose de cinq vecteurs de type Predator B Reaper, deux autres étant attendus pour couvrir spécifiquement les missions de surveillance maritime. Au total, l’objectif est de 16 vecteurs. Ils sont équipés de capteurs images jour et infrarouge et l’administration souhaite les équiper d’une capacité de renseignement électromagnétique, qui fait débat (problème constitutionnel car il s’agit d’écoutes).

Le coût de l’heure de vol (pour 10 heures par jour, cinq jours par semaine) estimé par les responsables du Customs and Border Protection serait de 3 600 dollars, soit deux fois moins que pour un P3 Orion (avion de patrouille maritime utilisé aux États-Unis). L’administration en charge de l’aviation civile (FAA) exige qu’ils soient mis en œuvre par des pilotes de formation.

La société Elbit a également fourni aux États-Unis une prestation de surveillance de leur frontière entre l’Arizona et le Mexique, à raison de 10 à 12 heures par jour sur une durée de six mois, mobilisant une équipe de huit personnes, sachant qu’un seul opérateur et deux techniciens suffisent à sa mise en œuvre.

Au Royaume-Uni, les forces de police du comté de l’Essex sont équipées de drones de surveillance.

Les pays dits émergents ne sont pas en reste. La police brésilienne aurait ainsi signé le 11 octobre 2009 un accord avec IAI portant sur l’achat de 14 vecteurs Heron 1 qui seront destinés à la surveillance des frontières ainsi qu’à la lutte contre le trafic d’armes.

La Chine serait en train d’acquérir des drones pour la surveillance de l’exposition universelle qui se tiendra à Shanghai en 2010.

Enfin, on peut relever que les drones montrent également un potentiel intéressant pour la surveillance et l’entretien des réseaux, notamment en Australie pour l’entretien du réseau électrique, ou encore en Russie pour la surveillance des gazoducs. Des fabricants français, notamment des PME, développent déjà des dispositifs pour la surveillance d’ouvrages d’art, tels que les ponts (société Helipse).

B. LES USAGES ENVISAGEABLES EN FRANCE

De son côté, la France s’intéresse de près à l’utilisation civile des drones.

Les forces de police et de gendarmerie peuvent trouver dans les drones un complément naturel des moyens héliportés pour la surveillance des espaces et des flux, que ce soit en métropole (sommets internationaux, maintien de l’ordre, filature) ou encore outre-mer (répression de l’orpaillage illégal en Guyane ou surveillance maritime).

La gendarmerie est en train d’élaborer sa doctrine d’emploi, en tenant compte des contraintes juridiques pesant sur le vol des aéronefs au dessus des espaces urbanisés. En 2007, elle a acquis pour 150 000 euros un drone à voilure fixe et, en 2009, un autre à voilure tournante. C’est un investissement utile, en comparaison d’autres moyens de surveillance (hors coût d’acquisition, une heure de vol d’hélicoptère coûte environ 3 000 euros). Le GIGN utilise des minidrones depuis 2007.

La police nationale a quant à elle développé le démonstrateur ELSA (engin léger de surveillance aérienne), livré au premier semestre 2008. Elle souhaite un système d’une grande simplicité d’emploi (pour ne pas avoir à former d’unité spécialisée), utilisable en zone urbaine et avec une grande qualité d’image, pour des usages judiciaires. Le marché potentiel serait d’une centaine de vecteurs.

Depuis le début des années 2000, l’administration des douanes mène également une réflexion sur ce sujet, consciente du potentiel considérable des drones. Elle pourrait les utiliser pour des missions de surveillance de surfaces régulières (trafics illégaux en mer par exemple), de points de passage importants (tels que le rail d’Ouessant), ou en montagne, pour l’observation des mouvements suspects aux abords des barrages routiers, ou bien pour mener des filatures. L’observation n’est pas une fin en soi pour les douanes ; aussi les drones devront-ils être couplés en permanence à des moyens d’interception.

D’ores et déjà, les douanes identifient ce que seraient leurs besoins : une surveillance de type MALE pour les surfaces étendues ainsi que des appareils « tactiques » à voilure tournante embarqués sur des navires. Les charges utiles nécessaires seraient, outre l’optronique et les radars habituels, des capteurs électromagnétiques.

La sécurité civile pourrait se montrer également intéressée par le recours aux drones pour différentes missions, telles que la surveillance de feux de forêt ou encore la recherche de personnes lors d’actions de sauvetage en haute montagne, etc.

Cet ensemble forme une demande interministérielle importante et, pour partie, convergente, qu’il convient d’envisager dans une stratégie globale afin d’optimiser les moyens dans un contexte budgétaire contraint (cf. page 78).

II. —  LES PROBLÈMES TECHNIQUES À RÉSOUDRE

A. L’INSERTION DANS L’ESPACE AÉRIEN CIVIL

Sauf autorisation spéciale, les drones sont cantonnés dans les espaces militaires dits « ségrégués ». Le développement de leurs usages, tant militaires que civils, impose de régler préalablement les difficultés qui persistent avant leur intégration dans l’espace aérien civil.

Dans les projets qu’ils développent actuellement, tous les industriels mettent en avant l’objectif de certification des aéronefs pour voler dans l’espace aérien civil. Pour la direction générale de l’aviation civile, entendue par les rapporteurs, cette perspective est encore lointaine en l’état actuel du droit. Les drones devraient répondre aux mêmes exigences que les avions, en particulier réagir immédiatement à un ordre de leur pilote, ce qui n’est pas possible techniquement, notamment en raison du temps de transit de l’information, qui plus est lorsque la liaison implique le relais d’un satellite.

En outre, le pilotage à distance fait peser le risque d’une rupture des communications, ce qui ferait alors reposer la sécurité du drone ainsi que celle des aéronefs qu’il pourrait rencontrer sur les systèmes automatiques anticollisions.

Les règles en vigueur ne permettent donc pas d’habiliter les drones à circuler dans l’espace aérien civil.

Dans cette perspective, les industriels misent sur le développement de certaines technologies permettant la détection d’obstacles, la mise en œuvre de fonctions automatiques (décollage, atterrissage, séquences de vol autonomes), l’installation de radars opérant à 360 degrés, afin que le drone se repère mieux encore dans l’espace et, surtout, la technologie dite « voir et éviter » (on trouve également « détecter et éviter ») , permettant aux aéronefs (avions comme drones) de détecter en vol les risques de collision et de prendre automatiquement des mesures d’évitement.

Mais il s’agit de technologies complexes. Cela invite les industriels européens à ne pas disperser leurs efforts afin d’être bien positionnés sur ce marché.

Un enjeu pour l’Europe

L’Union européenne doit jouer un rôle moteur. À cet égard, l’agence européenne de défense (AED) se positionne comme un acteur clé de coordination des États volontaires pour soutenir ces programmes de recherche.

Entre autres, elle coordonne le programme de recherche et développement sur les technologies dit « détecter et éviter » MIDCAS (de l’anglais « Mid-air Collision Avoidance »), issu d’une initiative franco-suédoise. Ce projet regroupe cinq nations, pour un budget commun de 50 millions d’euros. Il confie à un consortium d’industries européennes, dont Thales et Sagem sont les contributeurs majeurs, la tâche de coordonner leurs efforts pour résoudre cette question critique. Incontestablement, l’Europe mise sur cette technologie car elle croit en l’insertion des drones dans l’espace aérien non ségrégué.

Toutefois, il faut noter que cette contrainte se pose essentiellement pour les drones de moyenne altitude (MALE), les drones de plus basse altitude n’étant pas ou peu « en concurrence » avec l’aviation de ligne.

L’étape de la certification, que ces travaux doivent rendre possible, se réalisera également dans le cadre communautaire, dans la perspective de la constitution d’un ciel européen unifié. C’est en effet à l’agence européenne de sécurité aérienne qu’il reviendra de certifier les aéronefs de plus de 150 kg à partir de 2012.

Une fois ces questions résolues, dans un avenir vraisemblablement encore éloigné, se posera la question de la disponibilité des couloirs aériens, les drones devant s’intégrer dans un espace déjà fortement sollicité par la circulation d’aéronefs civils et militaires. A priori, c’est l’intérêt de la mission qui devra permettre de sélectionner les demandes.

Restera alors à trouver les moyens suffisants pour assurer les communications entre les drones et les stations d’exploitation au sol.

B. LA GESTION DU SPECTRE ÉLECTROMAGNÉTIQUE

Les drones utilisent des bandes de fréquences pour le transit des communications entre la plateforme et la station sol, le cas échéant via un satellite. Ils les sollicitent également pour transmettre des images vidéo particulièrement lourdes.

Dans le détail, ils utilisent de la ressource en fréquences pour les liaisons destinées à la gestion du vol : le pilotage des drones et les liaisons radio avec le contrôle du trafic. Le débit nécessaire à ces liaisons est inférieur à la classe 100 kilobits par seconde, soit un débit faible.

Parallèlement, les drones recourent au spectre électromagnétique pour les liaisons dites « de mission », par lesquelles les informations recueillies à bord (radar, vidéo jour et nuit, guerre électronique, etc.) sont retransmises vers les stations d’exploitation au sol. Le débit nécessaire à ces liaisons est, selon les industriels, de l’ordre de quelques mégabits par secondes (jusqu’à 190 mégabits par seconde), soit un débit élevé.

De plus, les liaisons de données peuvent être en portée optique directe avec une allonge limitée de 150 à 400 km selon le type de drone, ou au-delà de l’horizon à travers un relais aérien ou spatial. Ces éléments permettent la téléopération du drone sur un théâtre extérieur lointain, et ce depuis la métropole, à condition de disposer des ressources satellitaires (ce qui peut être difficile, compte tenu du développement des télécommunications).

L’importance de ces échanges requiert l’utilisation de bandes de fréquences suffisamment larges. Elle doit être autorisée par les autorités affectataires nationales, elles-mêmes contraintes par les accords internationaux, qui sont conclus au niveau de l’union internationale des télécommunications.

L’affectation de toutes les fréquences a lieu tous les trois ou quatre ans au cours de conférences mondiales sur les radiocommunications. Dans ces conférences, tous les pays ont une voix. Il est donc très important de s’accorder entre États européens pour définir des positions communes préalablement agréées.

La prochaine conférence mondiale, prévue en 2011, doit statuer sur les allocations de fréquences concernant les drones, pour les fonctions de gestion du vol : commandement et contrôle, contrôle de la circulation aérienne et évitement de collision.

Dans cette perspective, l’AED a commandé, par appel d’offres, une étude sur l’allocation de spectre électromagnétique pour l’intégration des drones dans l’espace aérien civil, dite SIGAT (21).

L’étude SIGAT

L’étude SIGAT est destinée à définir et à promouvoir une position européenne commune sur les sujets qui seront discutés à la conférence mondiale de 2011 (commande et contrôle, contrôle du trafic aérien, fonction contrôle et évitement de collision), pour les liaisons en ligne directe ou satellitaires, en prenant en compte la problématique d’insertion des drones dans le trafic aérien.

En effet, l’une des contraintes pour permettre une insertion des drones dans le trafic (et par conséquent pour favoriser un développement du marché des drones notamment dans le secteur civil) est d’utiliser des fréquences agréées par les régulateurs et utilisateurs de l’aviation civile.

L’AED a demandé que le problème des liaisons de données mission soit abordé dans le cadre des travaux SIGAT, afin de proposer un agenda centré sur ces aspects mission dans le cadre de la conférence mondiale suivante qui aura lieu en 2015.

Cet appel d’offres a été remporté par un consortium conduit par Thales.

Il s’agit d’une question importante pour laquelle les États européens doivent déterminer en amont ce que sont tant les intérêts de leurs industries que les besoins de leurs armées, afin d’identifier les bandes qu’il conviendrait de retenir.

En complément des « espaces » réservés à la communication des drones dans le spectre électromagnétique, il est important, pour en faire usage, de disposer de ressources satellitaires suffisantes. Il s’agit là encore d’une ressource rare. Comme l’illustre le déploiement du SIDM-Harfang à Bagram en Afghanistan, disposer de liaisons satellitaires, indispensables pour opérer des drones hors de la ligne de vue, est une question de souveraineté. À cet égard, il est crucial de conserver la garantie d’un accès prioritaire à certaines bandes satellitaires pour la mise en œuvre des drones militaires, et cela pour un prix raisonnable. S’agissant des utilisations privées, la question se pose avec moins d’urgence et on peut penser que le marché permettra de la résoudre. Celle-ci se posera néanmoins et le coût de la ressource satellitaire devra aussi être intégré par les opérateurs privés, lorsqu’ils calculeront s’ils ont intérêt ou non à recourir aux drones.

Ces éléments doivent accompagner la réflexion générale sur la place du drone dans notre pays. La demande ne fera que croître et il faudra, d’une façon ou d’une autre, leur ménager de la place, qu’il s’agisse des couloirs aériens ou des bandes de fréquences. Notre pays, dont les industriels sont en pointe dans les domaines aéronautique et de communication, doit s’y positionner fermement.

III. —  POUR UNE STRATÉGIE FRANÇAISE EN MATIÈRE DE DRONES

L’État a la double responsabilité d’équiper au mieux nos armées et de soutenir notre tissu industriel. S’agissant des drones, il doit à la fois fixer les besoins étatiques et favoriser le développement de compétences industrielles pour les satisfaire.

A. MIEUX STRUCTURER LE BESOIN PUBLIC

Compte tenu des moyens limités que notre pays pourra consacrer aux drones au cours des prochaines années, il est particulièrement important que l’État définisse clairement les besoins en adéquation avec les ambitions du Livre blanc, afin d’être en mesure de lancer les procédures d’acquisition au cours des prochains mois.

Dans cette perspective, les rapporteurs préconisent une démarche en trois phases :

– en premier lieu, repréciser les besoins militaires au vu du retour d’expérience de l’Afghanistan, en incluant tous les clients militaires y compris la DRM ;

– en second lieu, organiser un tour de table interministériel pour rechercher les mutualisations possibles entre les différentes administrations de l’État. À titre d’exemple, la direction des douanes a indiqué aux rapporteurs qu’elle serait prête à utiliser des moyens militaires pour assurer certaines missions de surveillance. Les rapporteurs observent que cette utilisation pourrait être couplée avec des séquences d’entraînement des forces ;

– enfin, rencontrer les industriels afin d’évoquer les meilleures coopérations possibles, nationales et européennes, mais également au-delà.

Trois phases qui devraient se conclure lors d’un comité interministériel d’investissement par l’engagement du programme finalement retenu. Un programme qui pourrait être conduit avec la mise en place d’un plateau technique réunissant l’ensemble des parties prenantes.

B. LA STRATÉGIE INDUSTRIELLE : DÉVELOPPER NOS DOMAINES D’EXCELLENCE ET FAVORISER LES RAPPROCHEMENTS

Deux axes essentiels doivent structurer notre effort : identifier les technologies clés et éviter la dispersion de nos moyens.

Les différents déplacements des rapporteurs, auprès de nos forces comme de nos partenaires étrangers, ont confirmé que la France dispose de domaines d’excellence incontestables, notamment en ce qui concerne les capteurs et l’intégration des systèmes.

De ce point de vue, le savoir-faire des grands groupes industriels doit être salué, mais il convient également de ne pas oublier le tissu des PME, particulièrement riche et innovant, qui doit être soutenu.

Les domaines stratégiques étant identifiés, l’État doit favoriser les synergies en recherchant les meilleures articulations possibles.

Enfin, le coût de ces programmes est tel que la France ne peut les conduire seule. Aussi, pour peser au mieux dans les négociations avec ses partenaires européens et les entraîner dans des projets ambitieux, il faut qu’elle se présente à la table des négociations forte d’une proposition industrielle cohérente.

CONCLUSION

Les drones sont désormais bien présents dans l’action quotidienne de nos armées. En particulier, la participation aux opérations en Afghanistan a montré tout l’intérêt des technologies qu’ils mettent en œuvre, servies par des personnels dont les rapporteurs ont constaté la grande valeur. Cette mise en œuvre est intervenue avec des moyens intérimaires et en nombre limité qui, s’ils font preuve de performances remarquables, sont dans le même temps fortement éprouvés par des conditions d’emploi d’une dureté inhabituelle. C’est donc au moment même où chacun prend conscience de l’importance des drones que la France court le risque d’une rupture capacitaire. Celui-ci est réel à court terme, compte tenu de l’épreuve afghane, mais aussi à moyen terme, la loi de programmation en cours ayant repoussé à la période suivante l’effort nécessaire pour le renouvellement de nos équipements.

Dans l’immédiat, les rapporteurs considèrent qu’il faut très rapidement consolider nos capacités, en veillant à l’homogénéité de nos parcs, pour en optimiser la mise en œuvre opérationnelle et le coût d’usage.

En ce qui concerne la future génération de drones MALE, les rapporteurs considèrent que nous sommes à la croisée des chemins et qu’il convient dès le début de l’année 2010 de faire le choix d’un système pour la prochaine décennie.

Un simple achat sur étagère serait un renoncement, avec de lourdes conséquences sur nos capacités industrielles et notre indépendance stratégique.

Les rapporteurs sont donc favorables à toute solution de coopération, si elle s’appuie sur la mobilisation de nos domaines d’excellence. De ce point de vue, la dimension européenne est bien entendue majeure et structurante pour l’avenir.

Or, différents pays européens ont prévu de consacrer des budgets importants à l’acquisition de systèmes de drones au cours des prochaines années, avant tout sur le segment MALE. Compte tenu du coût du développement de ces programmes, les Européens vont être confrontés au choix suivant : ou bien s’efforcer de développer à plusieurs une nouvelle génération de vecteurs, ou bien partir en ordre dispersé en se résignant au mieux au développement de programmes coûteux, au pire à des achats sur étagère.

Dans une période aussi incertaine, les rapporteurs sont convaincus qu’il revient donc à l’exécutif d’agir pour que la France tienne toute sa place sur ce chantier, dans une Europe qui doit continuer à s’affirmer comme un acteur majeur sur le secteur stratégique de la défense. Une demande que suivra avec la plus extrême attention le Parlement, conformément à ses pouvoirs renforcés par la révision constitutionnelle de juillet 2008.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport d’information au cours de ses réunions du mercredi 25 novembre et du mardi 1er décembre 2009.

Un débat a suivi l’exposé des rapporteurs.

M. Gilbert Le Bris. J’aurai trois questions à poser aux rapporteurs. La première est d’ordre technique : compte tenu des excellences technologiques qu’ils ont évoquées, sur quelles charges embarquées la France est-elle en mesure de faire la différence, notamment dans le domaine des drones de moyenne altitude et longue endurance (MALE) ?

Ma seconde question est stratégique : compte tenu de la contrainte financière, dans quel secteur est-il important de disposer de la maîtrise technologique complète : celui des vecteurs ou celui des charges embarquées ?

Enfin, ma dernière question est opérationnelle : quels sont les points, sur les drones actuels, pouvant faire l’objet d’améliorations ?

M. Yves Vandewalle, rapporteur. Concernant les charges embarquées, nos industriels se situent clairement au meilleur niveau mondial. Ils peuvent en effet fournir l’ensemble des types de capteurs. Or, les capteurs représentent les trois quarts de la valeur d’un drone.

Sans entrer dans le détail des possibilités d’amélioration de nos drones – elles sont présentées dans le rapport –, je citerai simplement l’exemple des SIDM-Harfang qui pourraient être équipés de moteurs à injection.

M. Marc Joulaud. Je salue la qualité et la densité du travail des rapporteurs, mais constate que nous avons néanmoins du mal à nous faire une idée précise des choix stratégiques possibles.

Compte tenu du coût de développement de ces outils, doit-on s’orienter vers des coopérations bilatérales ou multilatérales, dans le cadre européen, ou, au contraire, devrons-nous faire appel, comme l’ont fait les autorités israéliennes, à des opérateurs privés pour des prestations de service complètes ?

Par ailleurs, existe-t-il des drones à propulsion électrique ?

Enfin, quels sont pour vous les enjeux majeurs de technologies embarquées pour les drones de future génération ?

Mme Françoise Hostalier. Si les drones ne sont pas des éléments récents dans les stratégies militaires, leur spectre d’utilisation nouveau n’en risque pas moins de bouleverser toutes les stratégies, notamment au sol. Avez-vous pu évaluer les changements de comportement induits par ces nouvelles utilisations ?

En outre, je m’inquiète de la maîtrise du commerce des drones : existe-t-il un risque que des utilisateurs qui ne seraient pas nos amis, comme les rebelles en Afghanistan ou les pirates en Somalie, puissent acquérir de tels outils ? En clair, existe-t-il un risque de « guerre des drones » ?

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur. Les enjeux liés à l’utilisation des drones sont effectivement très importants. Leur utilisation peut avoir des conséquences sur la chaîne de décision et de responsabilité. La question de leur armement est ainsi un vrai débat, auquel il faudra répondre politiquement.

Á propos des risques liés à leur commercialisation, les drones fonctionnent aujourd’hui essentiellement dans des conflits asymétriques où ils peuvent être, grâce à la maîtrise de la troisième dimension, un atout extraordinaire. Dans un conflit conventionnel, avec des moyens aériens équilibrés entre les deux forces, leur valeur ajoutée semble moins évidente. Dans tous les cas, il ne faut pas céder aux sirènes de la mode et s’imaginer que les drones pourraient se substituer aux moyens existants. Il est en effet primordial de veiller à préserver la cohérence d’ensemble du dispositif d’équipement de nos forces.

Enfin, il importe de travailler différemment en matière de stratégie industrielle. Il faut refaire le point sur nos besoins opérationnels, réunir les industriels autour de leurs domaines d’excellence et rechercher la meilleure adéquation possible. Ce sujet doit servir d’exemple. Privée de stratégie, la France serait malheureusement réduite à des achats sur étagère. Nous sommes, dans le cas les drones, face à une situation comparable à celle des débuts de l’aviation, avec un marché qui s’ouvre et qui va représenter, dans les dix années à venir, 20 milliards d’euros.

M. Yves Vandewalle, rapporteur. Malgré le travail que nous avons effectué, nous ne disposons pas de tous les éléments permettant de trancher entre les différentes hypothèses d’utilisation stratégique des drones. C’est au Gouvernement qu’il appartient de faire ces choix.

Dans tous les cas, nous sommes partisans de l’acquisition patrimoniale, la location ne pouvant être qu’une solution palliative du fait de coûts prohibitifs dans la durée.

Nous devrons clairement nous orienter vers des coopérations industrielles multilatérales, mais en privilégiant les solutions opérationnelles et militaires plutôt que des considérations politiques qui nous ont pu nous faire perdre du temps.

Pour répondre à M. Joulaud, il existe en effet des drones à propulsion électrique qui sont essentiellement des minidrones.

En ce qui concerne la charge utile, il faudra consentir un effort dans le domaine électromagnétique, car ces technologies permettent de capter les communications téléphoniques. On sait qu’en Afghanistan, les talibans utilisent beaucoup ce moyen de communication. La question de l’armement des drones est également importante.

Enfin, pour répondre à Mme Hostalier, les drones font déjà partie des moyens utilisés par les militaires en Afghanistan, où ils permettent de détecter d’éventuels engins explosifs improvisés avant le passage de convois.

M. le vice-président Michel Voisin. Nous devons interrompre notre séance pour tenir la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Compte tenu du nombre important de questions adressées aux rapporteurs, le débat se poursuivra lors de notre prochaine réunion.

*

M. le président Guy Teissier. Je vous invite, mes chers collègues, à reprendre le débat engagé la semaine dernière sur le rapport d’information sur les drones.

M. Jean Michel. Je vous félicite pour ce rapport très approfondi qui ouvre de larges perspectives, tout en regrettant la faiblesse des moyens budgétaires prévus pour le financement des drones. Vous avez indiqué que l’achat sur étagère était envisageable, mais aussi qu’investir dans le développement de ces technologies permettait de préparer les avions de combat du futur. En conséquence, doit-on bâtir en premier lieu une entente au niveau national avant d’envisager un partenariat européen ? Ou doit-on au contraire s’entendre directement avec un autre industriel européen, tel British Aerospace (BAE), notamment pour les drones de moyenne altitude et longue endurance (MALE) ? De ce point de vue, je suis relativement inquiet car il ne faudrait pas que l’on soit de nouveau confronté à une certaine mésentente au niveau européen.

Le fait pour la France d’avoir rejoint le commandement intégré de l’OTAN a-t-il eu des effets favorables ? Cela a-t-il favorisé la conclusion de partenariats ? Je note qu’au contraire, la presse évoque un phénomène de spécialisation entre les pays membres de l’alliance se traduisant pour la France par l’abandon de certains secteurs de l’industrie.

Enfin, il me semble que la question des drones relève de la compétence de l’agence européenne de défense qui n’est pourtant guère présente sur ce sujet.

M. Yves Vandewalle, rapporteur. Il manquerait en effet quelques centaines de millions d’euros dans la programmation. Il s’agit d’un ordre de grandeur, qui devra être précisé en fonction des choix faits par le Gouvernement. En matière de coopération, on peut regretter le manque d’entente entre les industriels français pour proposer une offre commune. Cela dit, on peut également se réjouir de disposer en France de plusieurs grands champions en la matière, capables de nouer des partenariats avec d’autres groupes européens. Dans tous les cas, il est impossible de se limiter à un partenariat strictement national, car nous ne disposons pas des moyens suffisants et cela n’aurait pas grand sens sur le plan industriel. Il faut construire une base européenne solide, ce que le rapport développe largement.

Quant à déterminer exactement ce qu’est le besoin français, nous n’avions pas vocation à entrer dans tous les détails techniques. C’est aux militaires qu’il revient de le préciser.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur. En ce qui concerne l’OTAN, il faut rappeler que la France s’est retirée du projet Alliance Ground Surveillance (AGS), contrairement à l’Allemagne, qui doit y investir plus de 400 millions d’euros – sans véritable retour industriel. La France s’en est retirée et a fait le choix de contribuer en nature au renseignement général de l’alliance, notamment par une remise d’images captées par le SIDM-Harfang. Mais en cas de rupture capacitaire, la question de notre participation en espèces au projet AGS pourrait se poser. Aujourd’hui, il faut que nous conservions notre capacité en drones MALE. C’est la raison pour laquelle nous avons acheté un quatrième vecteur et une deuxième station sol. Pour ma part, j’étais partisan d’acquérir trois vecteurs supplémentaires en plus de la deuxième station sol pour avoir deux systèmes complets. Or, cela semble difficile compte tenu de la relation entre les industriels cocontractants.

Dans tous les cas, il faudra lancer dès 2010 le programme de drones MALE de nouvelle génération. Plusieurs options sont possibles. On trouve d’abord l’Advanced UAV-Talarion d’EADS, mais nos partenaires allemands indiquent avoir besoin d’une année supplémentaire pour définir leurs besoins et le coût prévisible se chiffre en milliards d’euros. Deuxièmement, le système de drones MALE de Dassault, dit « SDM », qui est une offre engageante faisant donc l’objet d’un coût et d’un calendrier précis. En troisième lieu, le projet Mantis, qui vient de donner lieu à un premier vol et propose un système modulable, qui pourrait être développé sur la base d’une coopération entre BAE et des industriels français. Dans le choix que nous arrêterons, il nous paraît crucial de maintenir une capacité industrielle en avions de combat en Europe pour les 20 à 25 prochaines années. Il faut favoriser les synergies en mobilisant les différentes compétences d’un maximum d’industriels concernés par ce secteur.

L’autre solution serait l’achat sur étagère de systèmes de drones américains ou israéliens pour lesquels des propositions ont été soumises au Gouvernement. Mais ce serait un renoncement qui conduirait à l’affaiblissement de nos compétences industrielles, notamment dans le domaine des capteurs et de l’intégration systèmes. D’autant plus que l’achat sur étagère perdrait son intérêt dans le cas où on envisagerait l’intégration de nouveaux systèmes, ce qui conduirait naturellement à un surcoût mais aussi un délai supplémentaire.

Nous nous réjouissons que le cabinet du ministre considère ce rapport comme une « brique » dans le processus de décision qui devrait aboutir au début de l’année prochaine, à l’occasion d’un comité interministériel d’investissement.

M. le président Guy Teissier. En fait, il suffirait de se contenter d’acheter les vecteurs à ceux qui savent les faire.

M. Michel Voisin. J’ai récemment assisté à la présentation du troisième régiment médicalisé, où l’on m’a montré que des drones pouvaient être utilisés pour des évacuations sanitaires. Une telle utilisation vous paraît-elle réaliste, sachant que si ces appareils sont précieux pour le renseignement, ils peuvent aussi être facilement détruits ?

M. Christophe Guilloteau. Je trouve très positif que la commission produise des rapports de cette qualité. Au-delà des drones, la France semble, plus largement, avoir pris du retard en matière d’équipements aériens. Cela n’est-il pas dû en partie à des divergences entre les armées de terre et de l’air ? C’est finalement notre engagement en Afghanistan qui a permis de prendre conscience de ce retard.

À titre personnel, j’observe avec étonnement qu’aucune entreprise française présente sur le secteur des drones n’a jugé utile de me présenter son travail, au contraire d’entreprises israéliennes.

M. le président Guy Teissier. La partie générale de votre question relative à notre retard dans le domaine aérien dépasse le cadre du présent rapport. Je vous invite donc à la soulever de nouveau lors des prochaines universités d’été de la défense, qui seront précisément organisées par l’armée de l’air.

M. Yves Vandewalle, rapporteur. Notre politique d’équipement en drones a donné lieu à beaucoup de tâtonnements : nous avons d’abord opté pour l’EuroMALE, puis pour un autre projet. Il ressort que nous manquons d’une stratégie et d’une organisation claires en la matière, ce qui nous a fait perdre beaucoup de temps.

S’agissant de leur utilisation pour des évacuations sanitaires, il est difficile de se prononcer en l’état actuel des connaissances. Nous avons simplement relevé que la PME Flying Robots revendique cet usage comme une piste d’utilisation possible de son drone.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur. Je pense que nous sommes véritablement à la croisée des chemins. Nous disposons d’une capacité en termes de MALE qu’il ne faut pas perdre. Il nous faut en premier lieu disposer du nombre nécessaire de SIDM-Harfang pour faire face aux besoins pour les trois ou quatre prochaines années et, en second lieu, commander très rapidement l’appareil qui remplacera ce système déjà ancien. Je rappelle que le retour d’expérience du SIDM-Harfang est bon, qu’il s’agisse de sa liaison satellite, de son système de décollage et d’atterrissage automatique, ou encore de l’ergonomie de la station sol, meilleure que celle des Predator américains.

La question des drones évolue très vite aujourd’hui dans notre pays, beaucoup d’acteurs y réfléchissant sérieusement. C’est dans ce contexte que nous avons proposé dans le rapport une méthode conduisant à définir le besoin de nos armées, étendre le champ des utilisateurs aux autres ministères et effectuer un tour de table avec les industriels pour identifier leurs domaines d’excellence. À partir de là, le Gouvernement pourrait arrêter un choix cohérent et lancer un programme dont la conduite s’appuierait sur un plateau technique réunissant tous les acteurs. Un programme naturellement ouvert à des coopérations, avec nos partenaires européens et au-delà.

M. le président Guy Teissier. Mes chers collègues, je tiens à remercier et à féliciter les rapporteurs pour la qualité de leur travail qui fera date. Mon seul regret est que l’on ne s’appuie pas assez sur la contribution des commissions alors que, parfois, l’exécutif tâtonne à trouver une solution à certains problèmes.

*

La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXES

I. —  DRONES EN SERVICE DANS LES ARMÉES FRANÇAISES
(HORS COS)

 
 

SIDM-HARFANG

SDTI

CL 289

DRAC

Type

MALE

Tactique

Tactique

Tactique

Masse

1 250 kg

330 kg

240 kg

8 kg

Vitesse

150 - 220 km/h

180 km/h

740 km/h

80 km/h

Endurance

21 h

4 h 30

0 h 30

1 h 30

Portée

> 1 000 km

80 km

150 km

10 km

Pilotage

Contrôlable en vol

Contrôlable en vol

Autonome par GPS

Autonome par GPS

Altitude de travail

1 000 – 7 500 m

500 – 3 500 m

300 – 900 m

100 – 500 m

Capteurs

Camera EO/IR

Radar SAR/MTI

Désignateur laser

Camera EO/IR

Camera EO/IR

Camera EO ou IR

Liaisons de données

LOS / BLOS

LOS

Non

LOS

Persistance

Possibilité de quasi-permanence sur zone avec emploi coordonné de deux vecteurs

Trois vols par jour (soient 12 heures)

Trois vols par jour

Remise en œuvre rapide

Mise en œuvre

Nécessite une piste de 1 200 m

Lancement sur rampe

Récupération par parachute

Lancement sur rampe

Récupération par parachute

Lancement manuel

Source : état-major de l’armée de terre.

II. —  PRÉSENTATION DES FINANCEMENTS CONSACRÉS AUX DRONES ENTRE 1999 ET 2008

Financements consacrés aux drones (part Programmes)

(en millions d’euros courants)

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total

Mini & Micro drones

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,9

0,7

2,8

1,4

5,8

Drones tactiques

3,1

9,4

43,8

21, 7

8,8

15,2

1,3

2,7

1,2

23,1

130,4

Drones MALE

1,6

1,8

4,1

18,2

4,0

3,5

0,7

12,2

9,0

15,8

70,9

Source : DGA.

207,1

Financements consacrés aux drones (part Études amont)

(en millions d’euros courants)

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total

Autres études drones

0,1

0,4

0,8

2,2

3,7

3,5

4,9

5,9

4,9

2,3

28,6

Drones MALE

   

4,5

5,8

6,8

0,5

   

5,1

6,4

29,1

Drones de combat (UCAV)

         

0,5

1,4

28,9

47,7

51,8

130,3

Source : DGA.

188,0

Synthèse Flux annuels

(en millions d’euros courants)

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total

Financements « drones »

4,8

11,6

53,2

47,9

23,3

23,2

9,2

50,4

70,7

100,8

395,1

Source : DGA.

III. —  PRÉSENTATION DES CRÉDITS INSCRITS POUR LES SEGMENTS MALE ET TACTIQUE SUR LA PÉRIODE 2009-2015

Ressources allouées en programmation pour les segments MALE et tactique (sdt)

(en millions d’euros 2009)

MALE

2009

2010

2011

2012

2013

2014

LPM
2009-2014

2015

AE

41

36

7

6

6

0

96

458

CP

39

32

29

9

17

13

139

95

 

SDT

2009

2010

2011

2012

2013

2014

LPM
2009-2014

2015

AE

10

24

94

0

14

286

428

116

CP

0

20

26

25

27

43

141

60

Source : ministre de la défense.

On observe que, cumulées, les autorisations d’engagement sur la période de programmation actuelle (2009-2014) s’élèvent à 524 millions d’euros (96 millions d’euros pour le segment MALE et 428 pour le segment tactique), tandis que les crédits de paiement s’élèvent à 280 millions d’euros (139 pour le segment MALE et 141 pour le segment tactique).

L’effort semble repoussé en seconde programmation avec, pour la seule année 2015, 574 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 155 millions d’euros de crédits de paiement.

AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS

I. —  AUDITIONS

Les rapporteurs ont successivement entendu :

Ministère de la défense

§ Général de division André Helly, sous-chef plans et programmes de l’état-major de l’armée de terre, accompagné des lieutenants-colonels Gilles Randreau, traitant au bureau programmes et systèmes d’armes, Nicolas Rivet, chargé des relations parlementaires au sein du bureau programmation finances et budget, et Guillaume Le Sergretain du Patis, traitant au bureau plans, le 26 mai 2009 ;

§ Général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, accompagné du contre-amiral Jean-Marc Brûlez, chef de la division cohérence capacitaire, du général de division Philippe Got, chef de la division emploi, et du capitaine de frégate Guillaume Pinget, adjoint au chef de cabinet, le 23 juin 2009 ;

§ Amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine, accompagné du capitaine de vaisseau Denis Béraud, officier de cohérence d’armée, et du capitaine de vaisseau Bruno de Becdelièvre, chargé de mission auprès du chef d’état major de la marine, le 23 juin 2009 ;

§ Général d’armée aérienne Jean-Paul Palomeros, chef d’état-major de l’armée de l’air, accompagné des colonels Éric Autellet, assistant militaire, et Fabien Bajon-Arnal, traitant drones au bureau plans de l’armée de l’air, le 24 juin 2009 ;

§ Général de division aérienne Alain Silvy, sous-chef plans-programmes de l’état-major de l’armée de l’air, le 24 juin 2009 ;

§ Général de corps d’armée Benoît Puga, directeur du renseignement militaire, accompagné du général de brigade aérienne Jean-Pierre Serra, sous-directeur opérations, le 1er juillet 2009 ;

§ M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, accompagné de l’ingénieur général de l’armement Christophe Burg et de l’ingénieur général de l’armement Benoît Laurensou, chef de cabinet, les 2 juillet et 13 octobre 2009 ;

§ M. Hervé Morin, ministre de la défense, accompagné de l’amiral Xavier Païtard, chef de cabinet, de M. Jérôme Jean, conseiller parlementaire, et de M. Benjamin Gallezot, conseiller pour les affaires industrielles, le 9 septembre 2009 ;

§ Colonel Édouard Perrin, chef du bureau renseignement à la division doctrine du centre de doctrine d’emploi des forces, le 29 septembre 2009.

Ministère de l’intérieur

§ Général de brigade Hervé Renaud, sous-directeur de la sécurité publique et de la sécurité routière, direction générale de la gendarmerie nationale, accompagné du commandant Arnaud Chevreuil, le 30 juin 2009 ;

§ M. Patrick Guyonneau, ingénieur en chef de l’armement, chef du service des technologies de la sécurité intérieure, direction de l'administration de la police nationale, accompagné de M. Laurent Simon, commissaire de police, chef du centre technique de la sécurité intérieure, service des technologies de la sécurité intérieure, le 30 juin 2009.

Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable
et de l’aménagement du territoire

§ M. Patrick Gandil, directeur de la direction générale de l’aviation civile, M. Thierry Liabastres, sous-directeur de la planification et de la stratégie à la direction des services de la navigation aérienne, et M. Gilles Mantoux, chef de la mission du ciel unique européen et de la réglementation de la navigation aérienne, direction du transport aérien, le 8 septembre 2009.

Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

§ M. Jérôme Fournel, directeur général des douanes et droits indirects, accompagné de M. Philippe Legué, directeur régional des douanes, chef du bureau moyens d'intervention des services, le 4 octobre 2009.

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

§ M. Nicolas Curien, membre du collège, et M. Jérôme Rousseau, directeur de la régulation des opérations et des ressources rares, le 15 septembre 2009.

Industriels

§ Dassault Aviation : M. Éric Trappier, directeur général international, et M. Bruno Georgianni, conseiller pour les affaires politiques et institutionnelles, le 23 juin 2009 ;

§ Safran : M. Jean-Paul Herteman, président du directoire du groupe, M. Jean-Lin Fournereaux, président directeur général de Sagem défense sécurité, et le général (2e section) Beaudouin Albanel, conseiller militaire du président du directoire, le 23 juin 2009 ;

§ Thales : M. Pierre-Éric Pommellet, directeur général de la division aéronautique, M. Pierre-Henri Mathe, conseiller opérationnel, Business Development, division aéronautique, ainsi que M. Jacques Delphis, directeur des relations extérieures et institutionnelles, le 24 juin 2009 ;

§ EADS : M. Jean Botti, directeur technique du groupe, M. Nicolas Chamussy, vice-président d’EADS défense et sécurité (EADS DS) en charge des systèmes aéroportés de mission et directeur général délégué d’EADS DS France, M. Philippe Coq, directeur adjoint des affaires publiques France, général (CR) Philippe Tilly, conseiller air du président d’EADS, M. Patrick Oswald, directeur grands comptes défense et air pour la division EADS DS, et Mme Annick Perrimond du Breuil, directeur des relations institutionnelles, le 30 juin 2009, puis M. Louis Gallois, président exécutif du groupe, M. Philippe Coq, directeur adjoint des affaires publiques France, et M. Luc Bourreau, directeur commercial Mission Air Systems d’EADS DS, le 15 juillet 2009 ;

§ Flying Robots : M. Michel Lallement, président, et M. Alain Bernard, président de New York Finance Innovation (actionnaire principal de Flying Robots), le 29 septembre 2009.

II. —  DÉPLACEMENTS

§ Royaume-Uni (Londres), les 16 et 17 juillet 2009

• Ministère de la défense : M. Quentin Davis, Minister for Defense Equipment and Support, ainsi que l’Air Vice-Marshal Carl Dixon, directeur (Information Superiority) ;

• BAE Systems : M. Andrew Davies, directeur de la stratégie, M. Nick Glover, directeur pour l’Europe occidentale, M. Phil Varty, chargé du programme Mantis;

• Thales UK : M. Sam Keayes, vice-président en charge de la stratégie et des relations extérieures, M. Nick Miller, directeur Business Devlopment ISTAR et drones, et M. Scott Clark, directeur de la stratégie ISTAR et drones;

• Ambassade de France : contre-amiral Charles-Édouard de Coriolis, attaché de défense et naval, colonel de l’armement Vincent Thomassier, attaché d’armement.

§ Israël, du 30 août au 3 septembre 2009

• Ministère de la défense : général Pinhas Buchris, directeur général, général Ehud Shani, directeur en charge des exportations d’armement ;

• Commission de la défense et des affaires étrangères : M. Tzachi Hanegbi, président ;

• Visite des bases aériennes de Palmahim et de Tel Nov ;

• IAI : M. Tommy Silbeing, directeur de la division drones, M. Avraham Farkash, directeur marketing Europe ;

• Elbit : M. Jacob Rimen, vice-président, responsable de la division des drones tactiques, M. Benjamin Horgen, directeur marketing Europe ;

• Aeronautics : M. Shlomo Shamir, président, M. Avi Leumi, directeur général, M. Ehud Ben Arye, directeur marketing ;

• Ambassade de France : M. Christophe Bigot, ambassadeur, colonel Bertrand Chandouineau, attaché de défense.

§ Chaumont, le 4 septembre 2009

• 61e régiment d’artillerie.

§ Élancourt, le 9 septembre 2009

• EADS Defense and Security (siège) : présentation et visite des laboratoires ;

• Thales (centre Charles Nungesser) : présentation et visite des laboratoires.

§ Allemagne (Berlin), le 17 septembre 2009

• Ministère de la défense : M. Rüdiger Wolf, secrétaire d’État à la défense ;

• État-major de l’armée de l’air : général de brigade Erich Pfeffer, chef d’état-major adjoint de la Bundeswehr, en charge de la planification ;

• EADS Allemagne : M. Bernhard Gerwert, directeur de la division aéronautique militaire ;

• Rheinmetal : M. Alexander van den Busch, vice-président en charge des affaires politiques ;

• Ambassade de France : général de division Bruno Pinget, attaché de défense, ingénieur en chef de l’armement Jean-François Dock, attaché d’armement.

§ Belgique (Bruxelles), le 22 septembre 2009

• Siège de l’OTAN : présentation des projets conduits sur les drones, rencontre du lieutenant-colonel Patrick Duran (Pays-Bas) et de M. Joe Stein, adjoint au conseiller défense américain ;

• Représentation permanente de la France auprès de l’OTAN : Mme Pascale Andréani, ambassadeur, M. Jean-François Pactet, conseiller politique, ingénieur en chef de l’armement Matthieu Eloy, conseiller adjoint pour l’armement, ingénieur en chef de l’armement Nicolas Hué, expert auprès de l’agence de l’OTAN des C3 ;

• Agence européenne de défense : M. Jukka Justi, directeur de l’armement, M. Martin Stoussavljewitsch, officier principal d’armement, M. Manuel Antonio Gonzales Lopez, officier principal pour la politique d’armement, M. Michael Simm, en charge des questions spatiales ;

• Northrop Grumman International Inc. : M. James Moseman, directeur Europe et OTAN.

§ Base aérienne 117 (Balard), le 23 septembre 2009

• Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) : général de corps aérien Gilles Desclaux, commandant, colonel Gilles Juventin, sous-chef opérations extérieures de l’état-major opérationnel du CDAOA, colonel Cyril Carcy, ancien commandant de l’escadron drone de Cognac.

§ Afghanistan, les 15-16 octobre 2009

• Bagram : commandant David Sechet, chef du détachement SIDM-Harfang ;

• Poste avancé de Tora : colonel Christian Deuwel et capitaine Patrice Clero, détachement SDTI ;

• Ambassade de France : M. Jean de Ponton d’Amécourt, ambassadeur.

§ États-Unis, du 11 au 14 octobre 2009

• Pentagone : major general Paul Dettmer, assistant du deputy chief of staff for ISTAR (état-major de l’armée de l’air) ;

• UAV Task-force : colonel Dale Fridley ;

• Customs and Border Security : M. John R. Stanton, directeur exécutif pour les opérations de sécurité aérienne, M. Thompson M. Faller Il, directeur pour les opérations drones ;

• General Atomics : M. Thomas Cassidy Jr., président (Aircraft Systems Group) ;

• Ambassade de France : M. Pierre Vimont, ambassadeur, M. François Rivasseau, ministre conseiller, colonel Vincent Cousin, attaché de l’air, ingénieur en chef de l’armement Pierre-Édouard Adenot, attaché d’armement.

1 () Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

2 () Le « drone » stricto sensu ne désigne en effet que le vecteur transportant la charge utile. Il convient davantage d’évoquer les « systèmes de drones », notion incluant un ou plusieurs vecteurs aériens équipés de charges utiles, la ou les stations de contrôle, les moyens de communication ainsi que les moyens de lancement, de récupération et de maintenance. Dans la pratique, ces deux notions sont utilisées indistinctement.

3 () De l’anglais line of sight.

4 () De l’anglais Vertical Take-off and Landing.

5 () De l’anglais Synthetic Aperture Radar.

6 () De l’anglais Groung Moving Target Indicator.

7 () Cette notion regroupe les coûts liés à l’acquisition, à l’usage ainsi qu’au démantèlement.

8 () Les pays émergents s’efforcent également de développer des capacités encore embryonnaires. La Russie, l’Inde ou la Chine entendent aussi développer leurs propres programmes de drone MALE.

9 () Sur le segment MALE, un CAP correspond à quatre vecteurs et une station sol.

10 () Version française du Sperwer produit par Sagem (groupe Safran).

11 () On notera que les nouvelles générations de drone MALE sont d’une envergure encore supérieure : ainsi, celle du Héron TP israélien est de 26 mètres, contre 18 pour le Heron 1.

12 () À titre de comparaison, le déploiement de cinq Mirage 2000D à Kandahar y mobilise 50 personnels.

13 () Dont les délais de livraison sont parfois trop longs (par exemple, 150 jours pour le système de navigation).

14 () C’est-à-dire la période envisagée pour le retrait des CL 289, encore mobilisables sur d’autres théâtres.

15 () Les trois solutions sont présentées dans l’ordre chronologique.

16 () Les rapporteurs relèvent que le coût global du programme s’élèverait à 2,9 milliards d’euros.

17 () Au cours de leur déplacement à Londres, le chiffre d’un milliard d’euros a été avancé aux rapporteurs, comprenant le développement et l’acquisition de trois systèmes de trois véhicules.

18 () Équivalent du ministère de l’intérieur et de l’ administration des douanes français.

19 () Des discussions se poursuivent entre General Atomics et EADS, qui pourrait prendre en charge le logiciel de mission, la liaison satellite et les capteurs.

20 () Unmaned Combat Air Vehicule.

21 () De l’anglais « military frequency Spectrum allocations required for the Insertion into the General Air Traffic of the Unmanned Aircraft Systems ».


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