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N° 2446

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 avril 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

en conclusion des travaux de la mission
sur
la mise en œuvre du socle commun de connaissances
et de compétences au collège

ET PRÉSENTÉ

par M. Jacques Grosperrin,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. CINQ ANS APRÈS SON ADOPTION PAR LE PARLEMENT, LE SOCLE COMMUN EXISTE-T-IL AU COLLÈGE ? 9

A. LE SOCLE COMMUN : UNE AMBITION AU SERVICE DE TOUS LES ÉLÈVES 9

1. L’origine : un collège inefficace ou relativement inefficace pour près de trois-quarts de ses élèves 9

a) De nombreux indices d’inefficacité 10

b) Des facteurs structurels d’inefficacité 14

c) Des dispositifs de lutte contre l’échec scolaire à relativiser ? 18

d) Un lieu de souffrance 20

2. Depuis 2005, une obligation de résultats imposée à l’École, donnant toute sa place à la maîtrise des compétences 22

a) Les six vertus du socle commun 22

b) De premières évaluations de la maîtrise du socle commun préoccupantes 28

B. UN COLLÈGE LOIN D’ÊTRE EN PHASE AVEC LE SOCLE COMMUN 32

1. Une réforme peu accompagnée par le ministère 33

2. Une prise en compte inégale dans les programmes 37

3. Un diplôme national du brevet bancal voire baroque 38

4. Chez les enseignants : de l’incompréhension et de la lassitude 41

a) De l’incompréhension 41

b) De la lassitude 45

II.  RELANCER LE SOCLE COMMUN POUR REBÂTIR LE COLLÈGE UNIQUE 47

A. UN SOCLE COMMUN REPRIS EN MAIN PAR LA NATION 47

1. Un Parlement informé de la mise en œuvre du socle commun 47

2. Un socle commun actualisé au Parlement 48

B. UNE NOUVELLE APPROCHE DE L’ÉVALUATION DES ÉLÈVES 51

1. Une évaluation fondée sur la confiance pour renverser la « constante macabre » 51

2. Un livret de compétences numérique assurant un suivi personnalisé des élèves du cours préparatoire à la Troisième 54

3. Une attestation de maîtrise du socle commun simplifiée et valant brevet 60

C. DES PROGRAMMES MIEUX ARTICULÉS AU SOCLE COMMUN ET UNE PÉDAGOGIE RÉELLEMENT DIFFÉRENCIÉE 61

1. Des programmes plus conformes à l’esprit du socle et interdisciplinaires 61

2. Un cycle adossant la Sixième au primaire 63

3. Une pédagogie différenciée au service de tous les élèves 63

D. DES ENSEIGNANTS FORMÉS AU SOCLE COMMUN ET AUX CLASSES HÉTÉROGÈNES 67

1. Une formation accordant plus de place au socle commun 67

2. Une pratique de l’enseignement inspirée du primaire 68

3. Un temps de présence des enseignants accru 72

E. DES POLITIQUES DE VIE SCOLAIRE PLUS AMBITIEUSES 74

F. UN PILOTAGE DES ÉTABLISSEMENTS PLUS INCITATIF 77

1. Des marges de manœuvre pour les collèges volontaires 77

2. Une organisation des corps d’inspection repensée 81

G. UN MODE D’ORGANISATION DES ÉCOLES ET DES COLLÈGES À GÉNÉRALISER : LES RÉSEAUX « AMBITION RÉUSSITE » 84

RAPPEL DES PROPOSITIONS DE LA MISSION 87

CONTRIBUTION DE MME COLETTE LANGLADE ET DES DÉPUTÉS DU GROUPE SRC MEMBRES DE LA MISSION D’INFORMATION 89

TRAVAUX DE LA COMMISSION 91

ANNEXES : 101

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION D’INFORMATION 101

ANNEXE 2 : AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE LA MISSION D’INFORMATION 103

ANNEXE 3 : ANNEXE AU DÉCRET N° 2006-830 DU 11 JUILLET 2006 RELATIF AU SOCLE COMMUN 107

ANNEXE 4 : ATTESTATION DE MAÎTRISE DES CONNAISSANCES ET COMPÉTENCES DU SOCLE COMMUN AU PALIER 3 129

INTRODUCTION

Le 17 novembre 2009, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation créait une mission d’information sur « la mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences au collège ». Pendant trois mois, celle-ci, composée de onze députés (1), membres des différents groupes politiques de l’Assemblée nationale, a procédé à de nombreuses auditions (35 au total) de personnalités – recteurs, inspecteurs généraux, historiens, sociologues – et d’organisations – syndicats, associations et organismes consultatifs – et s’est déplacée dans des collèges, en particulier dans des établissements de l’éducation prioritaire, classés « ambition réussite », pour y rencontrer enseignants et élèves.

Ce cycle d’auditions s’est achevé par celles, le 24 février et le 23 mars 2010, du haut commissaire à la jeunesse, M. Martin Hirsch, et du ministre de l’éducation nationale, M. Luc Chatel. Au total, plus de cent personnes ont été entendues.

La réflexion engagée sur notre système éducatif n’était, pour une fois, pas liée à une annonce ou une perspective de réforme.

Il s’est agi, pour la mission, de faire le point sur une réforme passée mais essentielle, le « socle commun », pour deux raisons :

1° L’une tient à la nécessité d’évaluer la mise en application d’une disposition législative, le socle commun ayant été institué par la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (dite loi « Fillon »), cinq ans après son adoption, le Gouvernement n’ayant pas respecté la disposition qui l’invite à le faire. En effet, l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation prévoyant que le Gouvernement « présente tous les trois ans au Parlement un rapport sur la manière dont les programmes prennent en compte le socle commun et sur la maîtrise de celui-ci par les élèves au cours de leur scolarité obligatoire » est resté, à ce jour, lettre morte.

Certes, des évaluations, en particulier des compétences de base, en français et en mathématiques, des élèves de CM2 et de Troisième et de la maîtrise, en fin de collège, du socle commun, sont publiées par le ministère de l’éducation nationale. Elles sont reprises dans les annexes budgétaires accompagnant les projets de loi de finances (2), mais elles n’ont jamais alimenté le bilan qualitatif et quantitatif demandé par le Parlement à l’Exécutif.

Or ce bilan est indispensable : en effet, c’est la première fois, dans l’histoire de l’enseignement de notre pays, qu’une obligation de résultats est fixée à l’École, via le socle commun. Aux termes de l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation, la scolarité obligatoire doit « au moins garantir à chaque élève », soit 100 % d’une classe d’âge, « les moyens nécessaires à l’acquisition des connaissances et des compétences du socle commun », lesquelles constituent, selon la Ligue de l’enseignement, « l’outillage collectif donné par la Nation aux enfants pour qu’ils soient en mesure d’apprendre tout au long de leur vie » (3). Autrement dit, le socle commun doit être acquis par tout élève, quel que soit son niveau, car sa maîtrise est « indispensable », selon le code de l’éducation, « pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société ».

L’évaluation de la mise en œuvre du socle commun est d’autant plus indispensable que celui-ci implique, selon l’historien de l’éducation M. Claude Lelièvre, « une autre École », dont les classes, les programmes, la pédagogie et l’évaluation doivent être organisés différemment (4). Aussi l’évaluation de la maîtrise du socle commun est-elle indissociable d’une évaluation de sa déclinaison dans le fonctionnement quotidien des niveaux d’enseignement qu’il englobe ;

2° La seconde raison de ce travail, qui conduit à examiner les performances du collège, tient au fait que les données disponibles laissent penser que les acquis des collégiens font en effet du surplace, voire se dégradent.

Ces résultats sont-ils à mettre en relation avec le fait que, contrairement au premier degré, qui a été réformé récemment, notamment avec la mise en place, à la rentrée 2008, d’une semaine scolaire organisée sur quatre jours, le collège n’a, quant à lui, pas connu de réforme d’ampleur depuis la loi « Haby » de 1975 instituant le collège unique ?

En tout cas, le malaise est certain. On observera qu’il affecte un niveau d’enseignement scolarisant, en 2008/2009, dans le secteur public, environ 2 500 000 élèves dans 5 260 collèges, avec l’appui de 173 842 enseignants. La loi de finances pour 2010 a prévu de consacrer 10 milliards d’euros en crédits de paiement au collège (5).

En réalité, le collège, depuis sa démocratisation acquise à la fin des années 1990, n’a cessé d’être contesté au motif qu’il scolarise des élèves qui, aux yeux de certains, devraient être orientés beaucoup plus tôt vers la voie professionnelle, comme le permettaient les trois filières du collège d’enseignement secondaire de la réforme Fouchet-Capelle de 1963 (6). Surtout, le collège est, au sein de l’Éducation nationale, « le lieu qui souffre le plus », pour reprendre les termes employés par un syndicat de personnel de direction entendu par la mission. Aux taux d’échec, de redoublement et d’absentéisme des élèves trop importants s’ajoutent de graves problèmes de vie scolaire, en particulier des phénomènes de violence : 70 % de la totalité des incidents recensés dans le second degré viennent des collèges. Le collège est aussi un maillon problématique en raison de l’âge des jeunes qui le fréquentent : il y a bien plus de différences entre un collégien de Sixième et un adolescent de Troisième qu’entre un élève de Troisième et un lycéen de Terminale.

Les défis que doit relever le collège sont donc nombreux. Ce niveau d’enseignement, le plus récent dans l’histoire du système éducatif, doit faire face à un phénomène de « massification » très problématique : la quasi-totalité d’une classe d’âge, et donc des élèves aux niveaux très hétérogènes, doit être accueillie alors que le collège a été « davantage conçu en fonction de son aval, le lycée [en particulier le lycée général par lequel 35 % d’une classe d’âge accède au baccalauréat général], que de son amont, l’école primaire »(7). Le drame du collège, c’est qu’il inflige à 15 % d’élèves, dont il est avéré qu’ils n’ont, en fin de Troisième, aucune des compétences générales attendues, un parcours conçu pour environ 30 %.

C’est bien l’incapacité structurelle du collège à gérer l’hétérogénéité de ses élèves qui explique son désarroi identitaire, ballotté entre sa démocratisation et le relatif élitisme de son enseignement. M. François Dubet, sociologue, a parfaitement mis en évidence ce malaise devant la mission : « Le collège est un lieu improbable dont l’imaginaire est celui du lycée bourgeois alors qu’il accueille les classes du certificat d’études » (8).

À cet égard, la nouvelle approche de l’enseignement induite par le socle commun, qui met l’accent sur les compétences des élèves, la progressivité des apprentissages et leur continuité, du primaire à la fin de la scolarité obligatoire, avait pourtant pour objectif de transformer, en profondeur, le collège. Autrement dit, la mise en œuvre effective de la démarche promue par le législateur en 2005 devait être l’occasion de régler, une fois pour toutes, les problèmes d’efficacité du collège.

Or force est de constater qu’aujourd’hui, le socle commun se fait encore attendre au collège. C’est la principale découverte du travail d’investigation de la mission : si le socle commun existe, depuis 2005, dans le code de l’éducation, sa traduction concrète, dans le quotidien des classes, est loin d’être achevée.

Pourtant, le temps presse : un arrêté publié l’été dernier prévoit que le diplôme national du brevet sera délivré, à compter de la session 2011, aux élèves ayant validé le socle commun de connaissances et de compétences. Dès la session 2010, le niveau A2 de compétence en langue vivante étrangère (celui de « l’utilisateur élémentaire » tel que défini par le Cadre européen commun de référence pour les langues) sera nécessaire pour l’obtention de ce diplôme (9).

Face à la mission, le ministre de l’éducation nationale, M. Luc Chatel, a reconnu, le 24 mars dernier, que la « mobilisation générale » n’avait pas été décrétée sur le socle commun. Il a donc inscrit, parmi les cinq priorités retenues par la dernière circulaire de rentrée, la maîtrise du socle commun, ce qui constitue, pour un tel texte, traditionnellement adressé aux recteurs à chaque printemps, une nouveauté. La circulaire affirme ainsi, avec force, qu’« assurer la maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun par tous les élèves est l’objectif premier de la scolarité obligatoire »  (10).

Le présent rapport dresse tout d’abord un panorama de la place du socle commun au collège, en en présentant les résultats, avant d’avancer des propositions articulées autour de sept thèmes : l’actualisation, au Parlement, du socle commun, l’évaluation des élèves, les programmes et la pédagogie, la formation et le service des enseignants, les politiques de vie scolaire, le pilotage des établissements et la préfiguration de « l’École du socle commun » de demain.

La mission espère ainsi apporter une contribution utile au débat sur l’École, lequel doit être permanent.

I. CINQ ANS APRÈS SON ADOPTION PAR LE PARLEMENT, LE SOCLE COMMUN EXISTE-T-IL AU COLLÈGE ?

Cinq ans après son adoption par le Parlement, qu’en est-il du socle commun de connaissances et de compétences au collège ? Selon le président du Haut conseil de l’éducation, M. Bruno Racine, « malgré les poids et les freins existants, le mouvement est lancé, mais il n’est pas irréversible » (11). Plus sévère, plus directe, la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques estime que « le socle n’est pas porté par le ministère de l’éducation nationale » (12).

En réalité, il suffirait de peu de choses pour que la réforme ambitieuse voulue par le législateur en 2005 ne « retombe » définitivement et replonge ainsi le collège dans ses difficultés. C’est le principal constat établi par la mission : la position du socle commun au collège est fragile alors que cette nouvelle approche de l’instruction avait pour vocation de rénover ce niveau d’enseignement.

A. LE SOCLE COMMUN : UNE AMBITION AU SERVICE DE TOUS LES ÉLÈVES

Le socle commun constitue une chance pour l’École. Sa mise en œuvre effective aurait dû suffire, selon le Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale, à transformer le collège. Selon ce syndicat, le socle « était l’occasion de donner – enfin – du sens au collège en le faisant sortir de cette malédiction qui fait que l’Éducation nationale est, selon l’expression de Marie Duru-Bellat, le seul service public qui ne garantit rien à ses usagers » (13).

Avant de présenter le socle, il convient de rappeler en quoi le bilan du collège est insatisfaisant.

1. L’origine : un collège inefficace ou relativement inefficace pour près de trois-quarts de ses élèves

Selon M. Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’éducation nationale, il y a tout un faisceau de difficultés réelles qui font du collège un maillon problématique de notre système éducatif (14). Ces difficultés, de nature variée, doivent être rappelées.

a) De nombreux indices d’inefficacité

Le collège connaît des taux d’échec importants, intolérables pour les élèves qui en souffrent. Dans ses Recommandations pour le socle commun, le Haut conseil de l’éducation rappelait ainsi que 15 % des élèves en fin de Troisième n’ont aucune maîtrise des compétences générales attendues à la fin du collège, auxquels s’ajoutent près de 30 % qui ont des difficultés importantes (15).

Plusieurs travaux sont venus étayer ces constats.

● Les évaluations-bilans des acquis des élèves en fin de collège

Depuis 2003, des cycles d’évaluations-bilans nationaux, conduits par le ministère de l’éducation nationale, mesurent les compétences des élèves en fin d’école primaire et en fin de collège dans chaque domaine disciplinaire et en référence aux programmes. La présentation des résultats permet de situer les performances des élèves sur des échelles de niveau – de 0 à 5 – allant de la maîtrise parfaite de ces compétences à une maîtrise moins assurée de celles-ci.

Deux évaluations permettent par leur comparaison d’illustrer l’inefficacité globale du collège :

– une évaluation-bilan publiée en 2004, sur laquelle s’appuyaient les constats précédemment cités du Haut conseil de l’éducation, avait permis de mesurer les compétences générales ou procédurales (savoir-faire) de 23 500 élèves en fin de collège. Trois grands domaines de compétences avaient été retenus : « prélever l’information », « organiser l’information prélevée » et « exploiter l’information complexe ». Au total, 74,1 % des élèves, soit près de trois-quarts d’entre eux, ne maîtrisaient pas la totalité des compétences générales attendues à la fin du collège. En effet, selon l’analyse de la direction de l’évaluation et de la prospective du ministère de l’éducation nationale qui accompagnait ce bilan, « les élèves des groupes [de niveau de performance] 4 et 5 (25,9 %) de la population ont des performances qui permettent de considérer qu’ils maîtrisent de façon très satisfaisante ou satisfaisante l’ensemble des compétences générales attendues en fin de collège. Les groupes 0 et 1 montrent les élèves en difficulté [groupe 1, soit 12,8 % de la population] et en grande difficulté [groupe 0, soit 2,2 % de la population]. Leur proportion peut être évaluée à 15 % de la population de troisième. Les élèves du groupe 2 (29,6 %) sont des élèves qui, s’ils maîtrisent la compétence de prélèvement, n’atteignent que partiellement les compétences d’un niveau d’exigence plus élevé retenues par l’évaluation-bilan. Les élèves du groupe 3 (29,5 %) maîtrisent les compétences de premier et deuxième niveau d’exigence, « prélever l’information » et « organiser l’information prélevée », mais butent sur celle du niveau le plus élevé, « exploiter l’information de manière complexe » » (16).

– les résultats de la dernière évaluation-bilan des compétences en mathématiques en fin de collège, conduite en mai 2008, confirmaient les constats de 2004. Ainsi, sur les 4 381 élèves ayant participé à l’évaluation, seuls 28 % disposaient de compétences opérationnelles dans l’ensemble des domaines mathématiques. Tout à l’opposé, « 15 % des élèves apparaissent comme n’ayant tiré aucun bénéfice des enseignements de mathématiques au collège. L’essentiel de leurs connaissances a été acquis à l’école primaire. Parmi eux, 2,8 % sont en très grande difficulté : ils répondent à quelques questions ponctuellement mais ne maîtrisent aucune compétence attendue » (17).

● Les enquêtes de l’Organisation de coopération et de développement économiques

Conduite par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’enquête Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) procède régulièrement à des tests portant sur la lecture, la culture mathématique et la culture scientifique des élèves de 15 ans (18). Les tests évaluant la compréhension de l’écrit permettent d’établir des comparaisons rapprochées dans le temps, puisqu’ils ont été menés en 2000, 2003 et 2006.

Si l’on observe, depuis la première « édition » de PISA, une tendance à la baisse des résultats dans l’ensemble des pays de l’OCDE, cette baisse est, en France, ainsi que l’indique le graphique ci-après, établi à la suite d’une suggestion de M. Antoine Prost, historien, plus rapide et marquée que celle de la moyenne de l’OCDE (19). Il faudra cependant attendre les résultats de l’évaluation PISA de 2009, qui seront publiés fin 2010, pour constater si cette tendance à la baisse se poursuit.

Comparaison des scores en points de la France et des pays de l’OCDE
aux tests PISA en compréhension de l’écrit (2000 – 2003 – 2006)

Nota : Pour chaque matière testée, le score des pays participants est la moyenne de tous les scores des élèves de ce pays. Les items des questionnaires d’évaluation, au nombre d’une centaine, se présentent sous la forme de questions ouvertes et de questions à choix multiple.

Source : D’après PISA de l’OCDE et la note d’information n° 08.08 de janvier 2008 du ministère de l’éducation nationale.

Certes, ces résultats doivent être relativisés. Ainsi que l’observe le doyen de l’Inspection générale de l’éducation nationale, M. François Perret, les compétences liées à la maîtrise de la langue maternelle, à l’argumentation et à la résolution des problèmes mathématiques sont en voie « d’effritement » dans tous les pays développés, un constat qui le conduit à se demander si les élèves ne développent pas d’autres compétences, comme par exemple la pratique des langues vivantes étrangères (20).

Par ailleurs, selon le directeur de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, M. Michel Quéré, la France est désavantagée par le mode de questionnement retenu par PISA. Si l’on dissocie du groupe des élèves de 15 ans évalués par le test ceux qui sont « à l’heure », c’est-à-dire en Seconde, notre pays obtient des résultats largement au-dessus de ceux de la moyenne de l’OCDE. Ce sont donc les résultats des élèves « en retard », ayant redoublé, qui font baisser le score moyen de la France (21). Par exemple, au palmarès en mathématiques de PISA 2003, les élèves français « à l’heure » à 15 ans, scolarisés en seconde générale et technologique, obtiennent d’excellents résultats, supérieurs à ceux de la Finlande et de la Corée du Sud. À l’inverse, « les élèves ayant un an de retard se situent dans le bas du tableau, juste devant la Grèce. Les élèves encore en quatrième (deux ans de retard) sont, quant à eux, au niveau du Mexique, pays qui obtient les résultats parmi les moins bons à cette enquête » (22).

En soi, cette explication permet de comprendre notre positionnement et, s’agissant des élèves « à l’heure », de trouver quelques motifs de satisfaction aux scores obtenus par notre pays aux tests PISA. Mais, on ne peut guère se satisfaire d’un système éducatif qui comprend autant d’élèves redoublants, en déshérence, tirant vers le bas les résultats d’une école qui semble taillée « sur mesure » pour un peu plus de la moitié, seulement, des enfants qu’elle accueille…

Les résultats de PISA constituent, par conséquent, d’incontestables indices d’inefficacité du collège. Surtout, ils fonctionnent comme des révélateurs de la situation dramatique des élèves aux compétences les plus faibles. En effet, leurs rangs grossissent rapidement d’enquête en enquête, comme le montre le tableau ci-dessous.

Ainsi que le rappellent les sociologues MM. Christian Baudelot et Roger Establet dans un récent ouvrage, l’ensemble des élèves français a perdu, entre 2000 et 2006, en moyenne 17 points en compréhension de l’écrit, cette baisse étant de – 47 pour les 5 % les plus faibles et de – 35 pour les 10 % les plus faibles. En mathématiques, les élèves français ont perdu 15 points entre 2003 et 2006, soit une baisse de 19 points pour les 5 % les plus faibles et une baisse de 20 points pour les 10 % les plus faibles (23).

Part des élèves de 15 ans aux niveaux 1 et 0 des tests PISA en France

Année

2000

2003

2006

Compréhension de l’écrit

15,2 %

17,5 %

21,8 %

Mathématiques

nc

16,6 %

21,3 %

Culture scientifique

nc

nc

21,1 %

Nota : nc : données non comparables. En compréhension de l’écrit, sur 6 niveaux de compétence, les élèves qui ne parviennent pas à se hisser au-delà du niveau 1 sont uniquement capables d’effectuer les tâches les moins complexes des épreuves PISA, par exemple localiser un seul fragment d’information ou identifier le thème principal d’un texte. Les élèves qui n’atteignent pas le niveau 1 ne sont pas capables de mettre couramment en œuvre les compétences et les connaissances les plus élémentaires que l’enquête PISA cherche à mesurer. En mathématiques, les élèves qui se situent au niveau 1 peuvent répondre à des questions qui s’inscrivent dans des contextes familiers, dont la résolution ne demande pas d’autres informations que celles fournies et qui sont énoncées de manière explicite. Les élèves se situant sous ce niveau ne possèdent pas les savoirs et savoir-faire mathématiques les plus élémentaires que l’enquête PISA cherche à évaluer. Ces élèves éprouveront de grandes difficultés à utiliser les mathématiques et à profiter des possibilités de formation et d’apprentissage tout au long de la vie. En culture scientifique, les élèves situés au niveau 1 ont des connaissances tellement limitées qu’ils peuvent uniquement les appliquer dans un petit nombre de situations familières. Ils peuvent fournir des explications scientifiques qui vont de soi et découlent explicitement des faits donnés.

Source : Christian Baudelot et Roger Establet, « L’élitisme républicain. L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales », 2009, d’après les résultats de PISA 2000, 2003 et 2006.

b) Des facteurs structurels d’inefficacité

Les causes de l’inefficacité du collège sont relativement faciles à identifier. Elles sont au nombre de quatre.

● Le collège est le réceptacle des échecs du primaire

Si le collège connaît des taux d’échec importants, c’est parce qu’il accueille, en Sixième, des élèves dont les lacunes, à l’issue de leur scolarité dans le primaire, les empêcheront de poursuivre une scolarité normale dans le second degré.

Le rapport annuel 2007 du Haut conseil de l’éducation, consacré à l’école primaire, a mis en évidence le fait que si le collège était considéré par beaucoup comme le « maillon faible » du système éducatif, ce qualificatif pouvait être appliqué avec davantage de pertinence à notre premier niveau d’enseignement, malgré sa bonne image dans l’opinion. En effet, selon le haut conseil, l’école primaire « ne parvient pas (…) à réduire des difficultés pourtant repérées très tôt chez certains élèves et qui s’aggraveront tout au long de leur parcours scolaire ». Le haut conseil a ainsi établi que si 60 % des élèves du primaire ont des résultats acceptables ou satisfaisants, 25 % ont des acquis « fragiles » et 15 % connaissent des « difficultés sévères ou très sévères ». Les élèves aux acquis fragiles sont donc « condamnés à une scolarité difficile au collège et à une poursuite d’études incertaine au-delà » et les lacunes des 15  % d’élèves connaissant des difficultés sévères rendent « impossibles aussi bien un réel parcours scolaire au collège qu’une formation qualifiante » (24).

Comment cette répartition des élèves du primaire ne pourrait-elle pas avoir un impact fort sur le collège ? Cet effet « amont » est d’autant plus préoccupant que les compétences des élèves de primaire se dégradent. À titre d’illustration, avec la même dictée proposée aux élèves de CM2 à vingt ans d’intervalle (1987-2007), à partir d’un texte d’une dizaine de lignes, le nombre de fautes – mots mal orthographiés ou ponctuations erronées – est passé en moyenne de 10,7 en 1987 à 14,7 en 2007. En outre, le pourcentage d’élèves qui faisaient plus de 15 erreurs était de 26 % en 1987 ; il était de 46 % en 2007. Il y a lieu de noter que « ce sont principalement les erreurs grammaticales qui ont augmenté : de sept en moyenne en 1987 à onze en 2007. Par exemple, 87 % des élèves conjuguaient correctement le verbe « tombait » dans la phrase « Le soir tombait » ; ils ne sont plus aujourd’hui que 63 % des élèves ». (25).

● Le collège français connaît les mêmes difficultés que l’école unique du même type mise en place à l’étranger

Selon Mme Nathalie Mons, chercheur en sciences de l’éducation, il existe quatre modèles d’écoles uniques, cette typologie étant établie à partir des données de l’OCDE (soit celles décrivant, dans les rapports de cette organisation, les caractéristiques institutionnelles des établissements scolaires et les performances des élèves telles que mesurées par le test 2000 de PISA(26). Or chacun de ces modèles est associé à des performances variées en termes de niveau académique et d’inégalité scolaire :

– le modèle de la séparation, que l’on rencontre en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Suisse, en Hongrie, est caractérisé par une sélection précoce dès la fin du primaire et une organisation en filières dans le secondaire, des classes de niveau rigides, un recours important au redoublement et des pratiques d’enseignement individualisé faibles. Il est associé à des niveaux académiques généralement faibles, à des proportions d’élèves en difficulté très élevées et à des inégalités scolaires élevées entre les élèves et les établissements, conduisant à leur tour à des inégalités sociales de performances marquées ;

– le modèle d’intégration à la carte, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis et en Australie, repose sur des redoublements faibles, des groupes souples dans les classes et une individualisation des apprentissages. Il est marqué par des performances élevées, des élites scolaires fortes et un nombre d’élèves en grande difficulté faible ;

– le modèle de l’intégration individualisée, commun à la Suède, à la Finlande, à l’Islande, au Japon et à la Corée, combine la promotion automatique des élèves, des classes hétérogènes et un recours très développé à l’enseignement individualisé. Il est associé à des performances globales élevées, des pourcentages d’élèves en difficulté faibles et des élites scolaires nombreuses, mais inférieures à celles du modèle de l’intégration à la carte ;

– l’école unique française appartient au modèle de l’intégration uniforme, commun à la Grèce, l’Italie et l’Espagne. Ce type d’école se caractérise par des redoublements importants, le recours à l’enseignement individualisé dans le cadre de dispositifs de remédiation et l’organisation de classes hétérogènes qui tendent à se rigidifier dans des regroupements par niveau fréquents à l’entrée dans le secondaire. Ce modèle est surtout marqué par des résultats académiques globaux peu élevés, se révélant encore moins efficace que le modèle de la séparation. L’intégration uniforme est également associée à un nombre d’élèves faibles important et à des élites scolaires faibles (27).

● Le collège unique est un faux collège « pour tous »

Si un nombre important d’élèves perdent pied au collège et si de nombreux professeurs se révèlent peu préparés à enseigner devant les classes hétérogènes de ce niveau d’enseignement, c’est parce que celui-ci est davantage conçu comme un « petit lycée », qui, par définition, ne dispense pas des enseignements adaptés à 100 % d’une classe d’âge.

Pourtant, ce n’était pas un tel collège qui était envisagé par la réforme « Haby ». En effet, l’article 4 de la loi du 4 juillet 1975 fixait un tout autre objectif au collège unique : « Tous les enfants reçoivent dans les collèges une formation secondaire. Celle-ci succède sans discontinuité à la formation primaire en vue de donner aux élèves une culture accordée à la société de leur temps. Elle repose sur un équilibre des disciplines intellectuelles, artistiques, manuelles, physiques et sportives et permet de révéler les aptitudes et les goûts. Elle constitue le support de formations générales ou professionnelles ultérieures, que celles-ci la suivent immédiatement ou qu’elles soient données dans le cadre de l’éducation permanente ».

Que s’est-il donc passé pour que le collège unique ne soit, aujourd’hui encore, qu’une ambition inachevée ? En fait, on n’a retenu dans son offre d’enseignement de base, le « tronc commun », que les contenus qui préparent à l’enseignement général du lycée. Par conséquent, ce tronc n’a de « commun » que le nom. Ainsi que le souligne M. Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’éducation nationale, on fait constater à une partie des collégiens, ce qu’ils font d’ailleurs très vite, que le collège qui les accueille n’a pas été pensé pour eux (28). Aussi le collège est-il affecté, depuis plus de trente ans, par une crise d’identité, parfaitement exprimée par les valses-hésitations du vocabulaire ministériel désignant un niveau d’enseignement dont le positionnement est aussi problématique : « collège de la réussite » en 1982, « collège pour chacun » en 1994 et 1995, « nouveau collège » en 1997, « collège pour tous » en 1998, « collège pour tous et chacun » en 2000, « collège réellement pour tous en 2003 », etc.

● Le collège n’a pas connu une croissance de ses moyens comparable à celle des autres secteurs du monde éducatif

Dans son rapport volumineux de 2003 sur la gestion du système éducatif, la Cour des comptes observait qu’« alors que toutes les analyses soulignent le faible encadrement en collège et les difficultés d’insertion de l’ensemble des élèves dans un enseignement classique de type second degré, le premier cycle [du secondaire] ne paraît pas avoir constitué la priorité des différentes politiques ministérielles » (29).

De son côté, M. Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’éducation nationale, à l’occasion d’un rapport sur les dispositifs de formation en alternance, dont il a rappelé les conclusions à la mission, a indiqué que les moyens accordés au collège, dans une période d’augmentation générale des moyens du système éducatif, ont toujours été inférieurs à ceux des lycées et des lycées professionnels. Ainsi, l’évolution comparée des dotations horaires dans le second degré, de 1994 à 2001, fait apparaître, sur un total de + 3,88 %, de nettes différences de progression : + 3,55 % pour le collège, + 5,92 % pour le lycée et + 4,75 % pour le lycée professionnel (30).

Ces analyses ont été confirmées par M. Thierry Bossard, le chef de service de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, qui a dressé, pour la mission, un constat en trois points sur l’évolution des moyens accordés au collège :

– premièrement, le collège n’a pas connu d’inflation de ses moyens, car, contrairement au lycée, où les dispositifs d’options et de dédoublement de classes se sont accrus, son offre d’enseignement est stable. Ainsi, selon le dernier L’état de l’École, publié en novembre 2009 par le ministère de l’éducation nationale, un collégien coûte 8 000 euros en 2008, tandis qu’un lycéen coûte 10 710 euros en enseignement général ou technologique et 11 230 euros en enseignement professionnel ;

– deuxièmement, le maillon central de notre système éducatif a payé pour les autres : les réformes du lycée, général, technologique et professionnel, ont été en effet financées par des moyens pris aux collèges qui disposent, par conséquent, de peu d’enseignements en option et de classes dédoublées ;

– en conclusion, le collège n’est certainement pas le niveau d’enseignement d’où il faut retirer des moyens (31).

c) Des dispositifs de lutte contre l’échec scolaire à relativiser ?

● Bref rappel des dispositifs existants

Ces dernières années, des moyens considérables ont été déployés pour lutter contre l’échec scolaire. Ainsi, à l’école primaire, à elles seules, les deux heures d’aide personnalisée instituées au bénéfice des élèves rencontrant des difficultés en français et en mathématiques équivalent, en 2010, à 16 800 emplois d’enseignants, ce dispositif s’ajoutant aux stages de remise à niveau proposés aux élèves du cours moyen pendant les vacances. Si, selon l’ancien directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale, M. Jean-Louis Nembrini, le collège n’a pas fait l’objet de mesures aussi amples, il bénéficie toutefois de nombreux dispositifs de lutte contre l’échec scolaire (32).

Parmi ces derniers, peuvent être mentionnés six dispositifs :

– l’accompagnement éducatif d’une durée de 2 heures, 4 jours par semaine, proposé tant dans les écoles élémentaires de l’éducation prioritaire que dans l’ensemble des collèges, qui s’organise autour de quatre activités. En 2008-2009, il a concerné 30,7 % des collégiens du public, soit 725 434 élèves, l’aide aux devoirs représentant 65,1 % des activités, la pratique artistique et culturelle 20,7 %, la pratique sportive 10,4 % et les langues vivantes 3,8 %. La loi de finances pour 2010 a prévu de consacrer 277,8 millions d’euros à ce dispositif ;

– conçue pour permettre une première approche du monde de l’entreprise, l’option « découverte professionnelle de 3 heures » qui est désormais proposée à tous les élèves de Troisième. En 2008, 80 000 collégiens ont choisi cette option dans 80 % des collèges ;

– le « parcours de découverte des métiers et des formations » institué à la rentrée 2009 et qui permet à chaque élève, de la Cinquième à la Terminale, d’appréhender des métiers différents, à tous niveaux de qualification ;

– le module de 6 heures de découverte professionnelle, proposé en lycée professionnel, qui concerne les élèves en difficulté envisageant une formation professionnelle après la Troisième. En 2008, plus de 35 000 élèves ont suivi cet enseignement.

– les formations dispensées en sections d’enseignement général et professionnel adapté, qui, rénovées, sont destinées aux élèves qui connaissent des difficultés graves ; 3,7 % des collégiens étaient concernés en 2008-2009.

– enfin, les dispositifs relais (8 300 élèves environ accueillis en 2008-2009) et en alternance (33) qui visent, respectivement, à prévenir la marginalisation scolaire d’élèves ayant bénéficié de toutes les mesures d’aide prévues en collège et à proposer, en Quatrième, à des élèves volontaires d’au moins 14 ans, en vue de les remobiliser, des situations d’apprentissage concrètes de courte durée. Le second dispositif s’adresse aux élèves potentiellement décrocheurs et leur permet d’aller, deux demi-journées par semaine, en entreprise.

● Un recours à des structures séparées

L’énumération qui précède est révélatrice d’un trait « culturel » de notre système éducatif. En effet, comme l’a observé devant la mission le doyen de l’Inspection générale de l’éducation nationale, M. François Perret, la réponse apportée par ce système aux élèves ayant des besoins particuliers consiste à créer… des structures particulières. Selon M. François Perret, cette tradition est particulièrement prégnante dans les collèges où la pédagogie différenciée qui y est pratiquée consiste, en réalité, à séparer ces élèves des autres. À titre d’exemple, le module de découverte professionnelle de six heures, une option majoritairement choisie par des enfants d’ouvriers ou d’employés, revient à envoyer, pour quelques heures, ces élèves en lycée professionnel. C’est encore plus frappant pour les sections d’enseignement général et professionnel adapté qui constituent un véritable « sous-ensemble du collège », avec son propre directeur « SEGPA ». Or, le socle commun relève d’une logique inverse et « inclusive » puisqu’il implique une pédagogie différenciée non pas en fonction de structures préexistantes mais au sein même de la classe (34).

● Une aide au travail personnel des élèves enfin dispensée mais non intégrée dans le service des enseignants

Incontestablement, la mise en place de l’accompagnement éducatif, à partir de la rentrée 2007, constitue une avancée pour notre système éducatif, trop longtemps et inexplicablement caractérisé par l’absence d’aide au travail personnel et à la méthodologie. Dans le même temps, force est de constater que ce dispositif présente de réelles faiblesses. En effet, l’aide aux devoirs et aux leçons est assurée par des enseignants volontaires, tandis que l’animation des activités sportives, culturelles ou artistiques est, selon les situations, assurée par des enseignants volontaires ou des intervenants extérieurs. Or comment ne pas penser qu’en choisissant de ne pas intégrer cet accompagnement dans les missions des enseignants – et donc dans leur service –, on affaiblira la portée d’un dispositif qui sera à « géométrie variable », son développement étant alors fonction des établissements et des territoires ? En outre, quels seront les projets d’aide aux élèves en difficulté qui pourront être, dans ces conditions, construits dans la durée ?

● Des programmes personnalisés de réussite éducative en perdition ?

Prévus par l’article 16 de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE), doivent être distingués des autres dispositifs de lutte contre l’échec scolaire puisqu’ils sont spécialement conçus en liaison avec le socle commun, afin d’aider, à tout moment de la scolarité obligatoire, l’élève « qui risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d’un cycle » (article L. 311-3-1 du code de l’éducation).

Les programmes sont formalisés dans le cadre d’un document qui précise les objectifs, les ressources et les moyens que l’on met en œuvre, à partir d’un diagnostic des difficultés de l’élève, pour améliorer des compétences de base ciblées. Selon le ministère de l’éducation nationale, en 2006-2007, les élèves de collège ayant bénéficié d’un programme représentent 4,5 % du total hors éducation prioritaire et 9,05 % en éducation prioritaire. En 2007-2008, ces taux étaient de respectivement 6,50 % et 10,70 %.

Si l’on compare ces pourcentages avec les quelques 15 % d’élèves ne maîtrisant pas la langue française en fin de collège (35), on ne peut pas parler de réelle montée en puissance des programmes. En outre, leur efficacité reste encore à prouver. En effet, selon M. Jacques Moret, le directeur de l’Institut national de recherche pédagogique, ceux-ci sont condamnés à échouer dès lors qu’ils se contentent, ce qui est fréquent, de reprendre des actions de remédiation déjà mises en œuvre (36). À l’occasion de leur rapport annuel, les inspections générales en charge de l’éducation nationale ont énuméré les raisons qui expliquent, pour l’heure, le faible impact des programmes : insuffisance du diagnostic, manque d’explicitation du lien entre ces programmes et le cours dispensé en classe, manque de réflexion pédagogique et didactique, etc. (37).

On ne peut que déplorer ce constat. En effet, dans l’esprit du législateur, les programmes se doivent de briser le moule du collège uniforme par une individualisation des apprentissages et la restauration d’une réelle proximité pédagogique entre l’élève en difficulté et les professeurs.

d) Un lieu de souffrance

« Le collège est, dans l’École, le lieu où l’on souffre le plus » (38). Ce constat du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale est corroboré par de multiples indicateurs tout aussi bien quantitatifs que subjectifs.

C’est au collège que les enseignants sont le plus souvent confrontés à ce qu’ils considèrent être la principale difficulté de leur métier. C’est aussi au collège que l’on rencontre un nombre significatif de professeurs qui souhaitent quitter leur établissement, voire l’enseignement secondaire.

La difficulté à faire travailler des élèves de niveaux hétérogènes est ainsi citée par 67 % des enseignants en collège du réseau « ambition réussite » (RAR) et 76 % des enseignants en collège hors réseau « ambition réussite » (39). La plus forte proportion d’enseignants du secondaire ayant demandé, sans l’obtenir, un changement d’affectation pour la rentrée 2008-2009 se situe en collège RAR et en collège hors RAR (14 % dans les deux cas contre 8 % pour les enseignants en lycée). Enfin, 40 % des enseignants de collège RAR et 38 % des enseignants de collège hors RAR souhaitent quitter définitivement l’enseignement secondaire, tandis que 23 % des enseignants en collège RAR et 20 % des enseignants en collège hors RAR envisagent de cesser d’enseigner d’ici 15 ans et plus, hors retraite (12 % en lycée et en lycée professionnel) (40).

Le collège est aussi un lieu de souffrance en raison de l’âge des jeunes qui le fréquentent. C’est en effet le lieu du passage de l’enfance à l’adolescence, soit une période de « bouillonnement douloureux » selon Mme Virginie Dumont, psychologue et responsable pédagogique de l’association je.tu.il… (41). Cette « phase » explique, aux côtés des facteurs sociaux et culturels, le degré élevé de violence qui affecte le collège : prenant en charge l’enseignement de six élèves du secondaire sur dix, ce type d’établissement a recensé, en moyenne, selon une récente enquête, 12 incidents graves pour 1 000 élèves au cours de l’année 2008-2009. En outre, si les agressions physiques sont partout dominantes, les collèges sont relativement plus affectés que les lycées avec 4 actes graves sur 10 recensés. Elles y représentent 4,8 incidents graves pour 1 000 collégiens. La violence verbale est également très prégnante dans les collèges : elle correspond à 37 % des actes graves survenus au collège et, rapportée au nombre de collégiens, elle atteint 4,5 incidents pour 1 000 élèves(42).

Enfin, le collège est un lieu de souffrance, car il est synonyme d’exclusion scolaire. C’est François Dubet qui a exprimé devant la mission, avec le plus de force, la souffrance « scolaire » vécue par les collégiens. D’après lui, le collège français est étrangement conçu : tous les enfants y sont accueillis, mais avec l’assurance donnée aux élites et au syndicat majoritaire de l’enseignement secondaire qu’on y enseignera la culture professée, par la suite, à 12 % des élèves – ceux qu’on retrouve dans les filières d’excellence du lycée et de l’enseignement supérieur. (43).

Dans un tel système, le collège, automatiquement, produit de la souffrance, non seulement pour ses élèves les plus fragiles, mais également pour leurs enseignants.

2. Depuis 2005, une obligation de résultats imposée à l’École, donnant toute sa place à la maîtrise des compétences

Le socle commun de connaissances et de compétences aurait dû servir de boussole et de gouvernail au collège, le plaçant ainsi dans la voie du succès. Les vertus du socle devraient en effet être de nature à corriger sa « trajectoire » actuelle, si préoccupante. Il convient de les rappeler, en mettant en évidence leurs implications pour l’organisation des établissements et des classes, avant de présenter les résultats des évaluations les plus récentes sur la maîtrise du socle commun par les élèves en fin de collège, ceux-ci renforçant la conviction de votre rapporteur qu’il convient de faire entrer, dans les faits, et au plus vite, la nouvelle approche de l’enseignement promue par la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.

a) Les six vertus du socle commun

La philosophie générale du socle commun transparaît dans le cadre juridique du socle tel que défini par l’article 9 de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (article L. 122-1-1 du code de l’éducation) et précisé par l’annexe du décret du 11 juillet 2006 relatif au socle commun (annexe aux articles D. 122-1 à D. 122-3 du code de l’éducation).

Extrait de l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation relatif au socle commun

La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société. Ce socle comprend :

– la maîtrise de la langue française ;

– la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ;

– une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ;

– la pratique d’au moins une langue vivante étrangère ;

– la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication.

Ces connaissances et compétences sont précisées par décret pris après avis du Haut Conseil de l'éducation.

Extrait de l’annexe au décret du 11 juillet 2006 relatif au socle commun

Cinq générations après les lois scolaires fondatrices de la IIIe République, une génération après l'instauration du collège unique, le socle constitue une référence commune, pour tous ceux qui confient leurs enfants à l’école, mais aussi pour tous les enseignants.

L’enseignement obligatoire ne se réduit pas au socle commun. Bien que désormais il en constitue le fondement, le socle ne se substitue pas aux programmes de l’école primaire et du collège ; il n’en est pas non plus le condensé. Sa spécificité réside dans la volonté de donner du sens à la culture scolaire fondamentale, en se plaçant du point de vue de l’élève et en construisant les ponts indispensables entre les disciplines et les programmes. Il détermine ce que nul n’est censé ignorer en fin de scolarité obligatoire sous peine de se trouver marginalisé. […].

Maîtriser le socle commun c'est être capable de mobiliser ses acquis dans des tâches et des situations complexes, à l'école puis dans sa vie ; c'est posséder un outil indispensable pour continuer à se former tout au long de la vie afin de prendre part aux évolutions de la société ; c'est être en mesure de comprendre les grands défis de l'humanité, la diversité des cultures et l'universalité des droits de l'homme, la nécessité du développement et les exigences de la protection de la planète.

[…]

Chaque grande compétence du socle est conçue comme une combinaison de connaissances fondamentales pour notre temps, de capacités à les mettre en œuvre dans des situations variées, mais aussi d’attitudes indispensables tout au long de la vie, comme l’ouverture aux autres, le goût pour la recherche de la vérité, le respect de soi et d’autrui, la curiosité et la créativité.

Le socle commun s’acquiert progressivement de l’école maternelle à la fin de la scolarité obligatoire. Chaque compétence qui le constitue requiert la contribution de plusieurs disciplines et, réciproquement, une discipline contribue à l'acquisition de plusieurs compétences. À l’école et au collège, tous les enseignements et toutes les disciplines ont un rôle à jouer dans l’acquisition du socle.

Conçues comme la combinaison d’un ensemble de connaissances fondamentales, de capacités à les mettre en œuvre, mais aussi d’attitudes, les compétences ou « piliers » du socle commun sont au nombre de sept : la maîtrise de la langue française (compétence 1), la pratique d’une langue vivante étrangère (compétence 2), la maîtrise des principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique (compétence 3), la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication (compétence 4), la culture humaniste (compétence 5), les compétences sociales et civiques (compétence 6) et l’autonomie et l’initiative (compétence 7). Les cinq premières compétences ont été arrêtées par le législateur en 2005, les deux dernières ont été ajoutées par le pouvoir réglementaire via le décret de 2006. Cet ajout était motivé par le fait que les compétences en question ont un caractère transdisciplinaire marqué, conforme à l’esprit du socle.

Le décret du 11 juillet 2006 a précisé que la maîtrise de la langue vivante étrangère doit être certifiée au niveau A2, soit le niveau de « l’utilisateur élémentaire » tel que défini par le « Cadre européen commun de référence pour les langues » conçu par le Conseil de l’Europe, tandis que les connaissances et les capacités exigibles pour le Brevet informatique et internet du collège (B2i collège) correspondent au niveau requis pour maîtriser la compétence 4 du socle commun.

● Première vertu du socle commun : il responsabilise l’École

Le socle commun fixe, pour la première fois dans l’histoire de notre système éducatif, ce que tout élève doit savoir à la fin de la scolarité obligatoire. Il impose donc une « feuille de route » aux établissements, qui, en contrepartie, doivent disposer des marges de manœuvre nécessaires pour satisfaire les exigences de la Nation en matière d’instruction. Selon l’ancien directeur général de l’enseignement scolaire, M. Jean-Louis Nembrini, à terme, ce qui doit compter, pour une école primaire ou un collège, ce n’est plus de se couler dans le moule d’une grille horaire invariable à la minute près et valable sur l’ensemble du territoire, mais de mettre en œuvre, dans le cadre défini par des objectifs et des programmes nationaux, une organisation pédagogique efficace, adaptée aux besoins particuliers des élèves pour les amener à acquérir les compétences jugées essentielles par la Nation (44).

Ainsi le socle commun va à l’encontre de la culture de la gestion tatillonne des moyens des établissements au profit d’une véritable responsabilisation des écoles et des collèges. Le socle, ce n’est pas l’autonomie, qui est toujours soupçonnée de favoriser la concurrence : c’est permettre aux écoles et aux établissements scolaires de prendre des risques – calculés – pour offrir à leurs élèves le meilleur des enseignements possibles.

● Deuxième vertu : le socle commun permet de clore le débat sur le collège unique en liant ce dernier à la scolarité obligatoire

Dès lors que le législateur exige que le collège mène, via l’obligation de maîtriser le socle commun, l’ensemble d’une génération aux mêmes compétences de base, le débat sur le collège unique doit être considéré comme clos. Avec le socle commun, on peut enfin ambitionner, ainsi que le souligne le recteur de l’Académie de Versailles, M. Alain Boissinot, de « réaliser » le collège unique (45).

Cette analyse est renforcée par le fait qu’étant lié à la scolarité obligatoire, le socle commun permet d’appréhender le collège comme faisant partie de celle-ci, ce qui constitue, selon M. Claude Lelièvre, historien, une première dans l’histoire de l’enseignement. S’opère ainsi un changement de perspective sur le collège : ce niveau d’enseignement ne doit plus être conçu pour quelques élèves, en fonction de son « aval », le lycée général, mais pour tous ; il est lui en effet demandé de délivrer « ce bien fondamental qu’est l’instruction obligatoire » (46).

Ce point est capital. Comme l’indique le décret du 11 juillet 2006 sur le socle commun, « s’agissant d’une culture commune pour tous les élèves, il traduit tout autant une ambition pour les plus fragiles qu’une exigence pour ceux qui réussissent bien. (…) Sa maîtrise à la fin de la scolarité obligatoire ne peut être que globale, car les compétences qui le constituent (…) sont complémentaires et également nécessaires ». Pour reprendre l’analyse de M. Claude Lelièvre, le socle commun doit être effectivement conçu pour tous les élèves, ce qui correspond, très exactement, à la définition de l’instruction obligatoire.

C’est pourquoi le socle commun, loin d’abaisser le niveau scolaire, constitue un plancher sur lequel on peut construire un collège – enfin – unique.

Par ailleurs, en raison de son lien avec la scolarité obligatoire, le socle commun est à même de bâtir une culture commune, qui doit, pour reprendre les termes de M. François Dubet, sociologue, « lier les enfants les uns aux autres et construire ainsi une culture nationale » (47). Cette culture commune permet donc, comme le souligne la Ligue de l’enseignement, d’appréhender la scolarité obligatoire en termes d’intégration des enfants issus de l’immigration (48).

● Troisième vertu : le socle commun permet d’articuler les connaissances aux compétences

Le socle commun permet de dépasser la dichotomie si française entre les savoirs – jugés « nobles » – et les compétences, parfois rabaissées en raison de leur caractère pratique. Cette opposition est en effet stérile : les compétences doivent reposer sur des savoirs, ainsi que sur la capacité à les mettre en œuvre dans les situations scolaires et extrascolaires.

Pourquoi serait-il absurde d’exiger de l’École qu’elle transmette aux enfants les connaissances et les compétences qui leur permettront, par la suite, de mener une conversation téléphonique en anglais ou de rédiger, sans faute, une lettre ou un courriel à un employeur ou à un client ? Ainsi que le rappelle le Cercle de recherche et d’action pédagogiques, « travailler les compétences, c’est prendre les connaissances au sérieux » (49). Comme l’a parfaitement résumé le rapport d’information sur la définition des savoirs enseignés à l’école (50) présenté, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, par M. Pierre-André Périssol et adopté à l’unanimité, « au-delà de la transmission de contenus spécifiques de savoirs, il convient d’apprendre aux élèves à mobiliser leurs connaissances dans des contextes changeants et à savoir actualiser leurs connaissances tout au long de leur vie. Cela exige de définir, outre des savoirs, des savoir-faire et des savoir-vivre utiles "tout au long de la vie" pour s’adapter à la complexité d’un monde en mutation accélérée ».

Il est clair que la répartition proposée par le socle commun – connaissances, capacités et attitudes – devrait conduire à modifier la représentation qu’ont les enseignants de leur métier. Au demeurant, cette approche est, pour plusieurs disciplines, loin d’être aussi inédite que certains le croient : les enseignants d’éducation physique et sportive, comme des sciences expérimentales, recourent souvent à un enseignement fondé sur les compétences. Elle aurait dû se diffuser plus rapidement notamment dans le cadre de la formation des maîtres.

● Quatrième vertu : le socle induit une nouvelle représentation de la scolarité obligatoire permettant d’effacer la rupture entre le premier et le second degré

Le socle commun engage de nouvelles représentations du système éducatif. Il amène en effet à considérer le premier degré et le collège comme un continuum et à redessiner, de manière plus opérationnelle, les cursus scolaires et universitaires. Selon le recteur de l’académie de Versailles, M. Alain Boissinot, à « l’école de base », qui va jusqu’à « Bac – 3 » et permet ainsi de rapprocher du primaire un collège trop conçu en fonction de son « aval », le lycée, doit succéder un autre continuum qui couvre toutes les années de la Seconde jusqu’à « Bac + 3 », soit le niveau Licence vers lequel notre pays doit amener 50 % d’une classe d’âge (51). Ce constat rejoint la première proposition formulée par M. Benoist Apparu dans le rapport d’information qu’il a présenté sur la réforme du lycée : le cursus scolaire et universitaire doit être organisé autour d’un « bloc » école-collège et d’un « bloc » lycée d’enseignement général et technologique-formations supérieures, la Seconde constituant une année de sas (52).

Le socle commun permet ainsi de gommer la rupture brutale qui survient en Sixième entre le monde du premier degré, où l’élève ne connaît qu’un professeur des écoles, polyvalent, et le monde du second degré où il est soudain confronté à neuf enseignants « disciplinaires ». L’élève est en effet souvent débordé par l’opposition entre ces deux cultures scolaires, dont l’enchaînement ne présente, pour lui, aucun sens. Selon M. Alain Boissinot, grâce au socle, les deux bords de la faille pourront être rapprochés, ce qui augmentera d’autant l’efficacité de l’École (53).

● Cinquième vertu : le socle permet de décloisonner les disciplines et les classes

Le socle commun permet, selon le recteur de l’académie de Besançon, Mme Marie-Jeanne Philippe, de franchir une « double barrière » : celle du cloisonnement des disciplines, qui a pour effet de morceler l’enseignement, et celle de l’isolement des professeurs, dans leur classe, qui constitue un obstacle au travail en commun (54).

La première barrière empêche la construction de la culture scolaire fondamentale postulée par le socle commun, « en se plaçant du point de vue de l’élève et en construisant les ponts indispensables entre les disciplines et les programmes » pour reprendre les termes du décret du 11 juillet 2006 relatif au socle. Or, ainsi que souligne très justement M. Philippe Joutard, historien, « au XXIe siècle, s’enfermer dans les disciplines, c’est rester au XIXe siècle » (55). Cette approche est d’ailleurs celle de l’Académie des sciences et de l’Académie des technologies qui estiment, toutes deux, que les sciences et les technologies ont des liens étroits et que leurs enseignements ne doivent pas « être entièrement cloisonnés dans la conception des programmes, leur mise en œuvre au collège, comme au lycée, et enfin dans la formation des professeurs » (56).

Quant à la seconde barrière, elle constitue un frein au travail en équipe au sein d’un même établissement, ainsi qu’à la coordination entre les enseignants de collège et leurs collègues du premier degré entre les mains desquels passent leurs futurs élèves. Elle réduit considérablement, on s’en doute, l’efficacité du collège.

● Sixième vertu : le socle commun permet de consacrer les savoir-être

Selon M. Philippe Joutard, l’un des principaux intérêts du socle est d’établir, avec clarté, que l’enseignement ne se résume pas à des savoirs, mais englobe aussi des compétences et, cette reconnaissance constitue une véritable révolution pour notre système éducatif, des attitudes et des savoir-être. Il faut en effet se féliciter de la consécration, aux compétences 6 et 7 du socle commun, du « vivre-ensemble » et des capacités d’autonomie et d’initiative. Celles-ci manquaient à notre École, dont l’une des principales faiblesses est que ses élèves ne savent pas innover et réinvestir des connaissances. C’est ce qui explique qu’aux tests internationaux l’élève français est celui qui « s’abstient le plus et n’a pas le goût du risque » (57). On peut donc espérer que l’acquisition progressive de ces compétences, en développant le goût de l’initiative, permettra, peu à peu, de faire reculer la peur qui semble paralyser les élèves de notre pays.

Par ailleurs, l’inclusion des compétences 6 et 7 dans le socle commun peut avoir comme autre effet positif le dépassement de cette vieille opposition, très française, entre l’instruction et l’éducation. Pourraient être ainsi conciliés l’enseignement, la discipline et la « vie scolaire », cette dernière ne se résumant pas, comme c’est encore assez souvent le cas, au respect du règlement intérieur du collège, mais supposant la construction d’un cadre qui responsabilise les élèves.

● Au total, un « plancher » utile, pouvant redonner le goût de l’École

M. François Dubet, sociologue, a parfaitement résumé la philosophie du socle. Selon lui, de manière très insultante, on a pu dire que le socle est une forme de SMIC. Pour sa part, il est favorable au SMIC, car c’est un outil d’élévation. Quant à la culture commune, pour M. François Dubet, elle doit être utile, car elle doit servir à comprendre le monde, à l’image de celle bâtie par Jules Ferry qui n’avait aucun mépris pour les choses pratiques. Elle s’oppose par définition aux programmes exclusivement conçus pour faire passer les élèves dans la classe supérieure, caractérisée par un niveau d’abstraction supérieur (58). Cela rejoint le point de vue de Mme Béatrice Chevalier, auteur de nombreux manuels sur les apprentissages fondamentaux : avec le socle, on peut redonner du sens à l’École qui, en France, est trop souvent perçue comme étant séparée de la vie (59).

b) De premières évaluations de la maîtrise du socle commun préoccupantes

Cinq ans après le vote de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, que peut-on dire de la maîtrise du socle commun par les collégiens ? À la fois pas grand-chose – l’indicateur pertinent est si récent qu’il ne permet pas de mesurer, dans le temps, l’évolution des acquis des élèves – et beaucoup, car d’autres évaluations, mesurant les compétences dites « de base » des élèves de Troisième, définies en liaison avec le socle commun, s’avèrent préoccupantes sans qu’il y ait lieu d’adhérer pour autant à la vision d’une noirceur excessive de M. Jean-Paul Brighelli des performances du collège, celui-ci ayant estimé devant la mission que si l’attestation de maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun, qui doit être obligatoirement renseignée à partir de l’année scolaire 2009-2010, était correctement remplie, pas plus de 5 % des élèves ne devraient voir leurs compétences validées… (60)

● Un indicateur de maîtrise du socle tardivement renseigné et non fiable

L’évaluation de l’acquisition du socle commun par les élèves de collège est très récente. Elle ne porte que sur les élèves de Troisième et, pour la plupart des compétences, n’a été expérimentée, sur le terrain, qu’en 2009, auprès d’un échantillon d’environ 270 collèges, cet exercice ayant permis au ministère de l’éducation nationale de disposer, en juin dernier seulement, d’une estimation de la proportion d’élèves maîtrisant chacune des sept compétences du socle commun.

Dans ces conditions, l’indicateur 1.6 du rapport annuel de performances de la mission « Enseignement scolaire », portant sur la « Proportion d’élèves maîtrisant en fin de Troisième le socle commun », n’a pu être renseigné qu’à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2010, soit à l’automne 2009. Le tableau qui l’accompagne est reproduit ci-dessous. Il y a lieu de noter que ses précisions méthodologiques indiquent que les modalités de calcul de l’indicateur seront amenées à évoluer en raison « du taux élevé de réponses incomplètes » et « de la faible qualité des données recueillies altérant la représentativité de l’échantillon ».

Proportion d’élèves maîtrisant en fin de Troisième le socle commun (indicateur 1.6)

(du point de vue du citoyen)

Unité

2007
Réalisation

2008
Réalisation

2009
Prévision
PAP 2009

2009
Prévision actualisée

2010
Prévision

2011
Cible

La compétence 1 : « maîtrise de la langue française »

%

-

84,5 (± 2,6)*

84

84

85

86

La compétence 2 : « pratique d’une langue vivante étrangère » (niveau A 2)

%

-

88

-

89

90

90

La compétence 3 : « mathématiques et culture scientifique »

%

-

78,5 (± 3,2)*

92

78

81

82

La compétence 4 : « Brevet informatique et internet »

%

-

94,9

-

95

96

97

La compétence 5 : « culture humaniste »

%

-

75,1 (± 3,7)*

-

75

76

78

La compétence 6 : « compétences sociales et civiques »

%

-

87,4 (± 2,3)*

-

87

88

89

La compétence 7 : « autonomie et initiative »

%

-

82,9 (± 2,8)*

-

83

84

86

Le socle commun

%

-

-

-

-

-

-

Précisions méthodologiques

Données : Ministère de l’éducation nationale. Champ : Enseignement public + privé, France métro + DOM.

Les indicateurs portant sur la compétence 2 (pratique d’une langue vivante étrangère) et la compétence 4 (B2i collège) ont été renseignés à partir de remontées des résultats au brevet des élèves du public. Ces données correspondent aux résultats de l’année scolaire 2007-2008.

* valeurs de juin 2009 pour information sur le champ public + privé : cet indicateur a été établi à partir d’un protocole expérimental, sur la base des attestations de maîtrise des compétences du socle, telles que déclarées par les enseignants des élèves d’un échantillon représentatif d’environ 270 collèges visés au départ.

En raison du taux élevé de réponses incomplètes, de la faible qualité des données recueillies altérant la représentativité de l’échantillon, les modalités de calcul seront amenées à évoluer.

L’interprétation des éventuelles évolutions devra en outre tenir compte des intervalles de confiance, calculés au seuil de risque de 5 %. Ces intervalles sont parfois très larges, du fait de grandes différences observées entre collèges concernant les attestations.

Source : Projet annuel de performances de la mission « Enseignement scolaire » projet de loi de finances 2010

Ces données appellent deux observations.

– en premier lieu, le Parlement n’a pas disposé de statistiques complètes sur la maîtrise du socle commun qui lui auraient permis de débattre, en étant dûment informé, des crédits de l’enseignement scolaire en 2007, 2008 et 2009, les rapports annuels de performances correspondants signalant, sous un tableau vide, que l’indicateur 1.6 était « en cours de développement » (61). Le retard dans sa présentation ne peut que laisser perplexe quant à la volonté ministérielle de mise en œuvre du socle commun ;

– en second lieu, le Parlement peut s’interroger sur la pertinence d’une évaluation portant sur un seul échantillon d’établissements. Cela ne démontre-t-il pas que le socle commun tarde à devenir une réalité au collège ? Ainsi que l’a observé le chef de service de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, M. Thierry Bossard, pour informer le Parlement, on remplit des indicateurs sur un socle qui n’est pas mis en œuvre (62!

On peut craindre qu’il faille, dans ces conditions, attendre encore plusieurs années de mise en œuvre effective du socle pour examiner si, dans la durée, le collège se conforme à l’obligation de résultats fixée par le Parlement…

● Des évaluations un peu plus anciennes limitées et insuffisantes mais qui montrent que le collège ne permet pas de rattraper les mauvais résultats du primaire

En référence au socle commun de connaissances et de compétences, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale conduit, depuis mars 2007, des évaluations sur des échantillons d’élèves en fin d’école primaire et en fin de collège pour apprécier la proportion d’élèves qui maîtrisent les compétences de base dans deux matières seulement : en français et en mathématiques.

Ces compétences ont été définies à partir d’éléments issus des programmes scolaires et en relation étroite avec le socle commun. Cependant, les compétences évaluées sont celles que la forme d’évaluation retenue – un test standardisé composé de questions à choix multiples – permet de mesurer. De ce fait, les compétences liées à l’expression orale et à l’expression écrite ne sont pas prises en compte.

Proportion d’élèves de fin de Troisième
qui maîtrisent les compétences de base en français et en mathématiques (mars 2009)

 

En français, environ 81 % élèves de fin de Troisième sont capables :




Compréhension des textes

de reconnaître un texte explicatif ; de distinguer les principaux genres de textes ; de prélever des informations explicites ; de faire des inférences simples ; et de donner une interprétation d’un texte sans difficulté de compréhension, à partir d’éléments simples

Maîtrise des outils de la langue

d’identifier les structures syntaxiques fondamentales ; d’analyser les principales formes verbales ; de faire un emploi pertinent du vocabulaire courant ; de repérer différents niveaux de langue ; de reconnaître les règles d’orthographe et de ponctuation, d’usage courant

 

En mathématiques, environ 90 % élèves de fin de Troisième sont capables :

Organisation et gestion de données, fonctions

d’utiliser une représentation graphique dans des cas simples (lecture des coordonnées d'un point, lien avec un tableau numérique dans une situation de proportionnalité, détermination des données d'une série statistique) ; de calculer la moyenne d’une série statistique ; de traiter des problèmes simples de pourcentages

Nombres et calculs

de comparer des nombres décimaux relatifs écrits sous forme décimale ; d’utiliser les opérations élémentaires dans une situation concrète

Grandeurs et mesures

d’effectuer pour des grandeurs (durée, longueur, contenance) un changement d’unités de mesure (h min en min, km en m, L en cL) ; de calculer le périmètre d’un triangle dont les longueurs des côtés sont données ; de calculer l’aire d’un carré, d’un rectangle dont les longueurs des côtés sont données dans la même unité

Géométrie

d’identifier des figures simples à partir d'une figure codée et d’en utiliser les éléments caractéristiques (triangle équilatéral, cercle, rectangle) ; d’écrire et d’utiliser le théorème de Thalès dans un cas simple ; de reconnaître un patron de cube ou de parallélépipède rectangle

Lecture : 80,9 % des élèves de Troisième maîtrisent les compétences de base en français. L'intervalle de confiance de cet indicateur est ± 2,2 %

Nota : « élèves à l’heure : élèves n’ayant pas redoublé » ; RAR : réseaux ambition réussite de l’éducation prioritaire ; RRS : réseaux de réussite scolaire de l’éducation prioritaire ; public hors EP : collèges publics hors « éducation prioritaire ».

Source : L’état de l’École, ministère de l’éducation nationale, novembre 2009.

Commentant ces résultats devant la mission, M. Antoine Prost, historien, a fait deux observations :

– trois quarts des garçons maîtrisent les compétences de base en français, ce qui veut dire qu’un quart des garçons ne les maîtrisent pas : on est donc très loin de l’obligation de résultats imposée par la loi de 2005 ;

– les scores en fin de collège sont plus mauvais qu’à la sortie du primaire. Par exemple, 76,2 % des garçons maîtrisent les compétences de base en français en fin de collège, alors que ce pourcentage est de 85,6 % en fin de CM2. Dans les écoles et les collèges les plus difficiles de l’éducation prioritaire, classés « ambition réussite », ces compétences sont maîtrisées par 76,6 % des élèves de fin de CM2, contre 50,6 % des élèves de fin de Troisième. Cela veut dire, pour M. Antoine Prost, que le collège n’a aucun effet de remédiation : il ne répare pas les insuffisances des élèves du primaire ; il les creuse(63).

Au total, ces évaluations montrent que, effectivement, si le collège n’est pas le « maillon faible » du système éducatif, il en est certainement le maillon le moins efficient.

B. UN COLLÈGE LOIN D’ÊTRE EN PHASE AVEC LE SOCLE COMMUN

Le socle commun existe-t-il au collège ? Pas toujours, voire pas vraiment. Si l’on veut être diplomate, à l’image de M. Philippe Joutard, on dira que la mise en œuvre du socle commun donne une « impression de demi-teinte » (64).

Certes, si l’on se réfère au cadre réglementaire de mise en application du socle commun, on peut affirmer, à l’instar de l’ancien directeur général de l’enseignement scolaire du ministère de l’éducation nationale, M. Jean-Louis Nembrini, que tous les instruments existent (65).

Au cours de l’année scolaire 2006-2007, des grilles de référence, établissant le lien entre le socle commun et les programmes d’enseignement au collège, ont été rédigées pour toutes les compétences, et ceci à chacun des niveaux d’enseignement.

En outre, conformément aux articles D. 311-6 à D. 311-9 du code de l’éducation introduits par le décret n° 2007-860 du 14 mai 2007, un livret personnel de compétences, devant être renseigné par le professeur principal et comporter la mention de la validation du socle commun des connaissances et de compétences pour chacun des paliers d’évaluation (66), a été élaboré conjointement par l’Inspection générale de l’éducation nationale et la direction générale de l’enseignement scolaire. Il a été expérimenté au cours des années scolaires 2007-2008 et 2008-2009 : expérimentation qualitative en 2007-2008, dans chacune des académies, afin de faire évoluer le livret de compétences et les outils afférents comme les grilles de référence ; expérimentation quantitative dans 300 collèges en 2008-2009, afin d’évaluer la pertinence des outils et les acquis des élèves de Troisième. Depuis la rentrée 2009, le livret doit, en principe, être renseigné, au plus tard en fin de Troisième, pour tous les élèves.

Par ailleurs, depuis la rentrée 2009, la tenue du document attestant la maîtrise des connaissances et des compétences en fin de collège – « l’attestation de maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun au palier 3 » (le palier 3 d’évaluation de l’acquisition du socle commun correspond, rappelons-le, à la fin de la Troisième) – est obligatoire. Elle est renseignée dès la Quatrième par les professeurs principaux, après concertation avec les équipes pédagogiques, lors d’un conseil de classe ou à tout autre moment approprié. En Troisième, lors du conseil de classe du troisième trimestre, le chef d’établissement valide ou non l’acquisition du socle commun (67).

Un arrêté du 9 juillet 2009 a prévu que le diplôme national du brevet attestera, à partir de la session 2011, la maîtrise de l’intégralité des connaissances et compétences du socle commun. Deux compétences seront évaluées dès la session 2010 : la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de communication – à travers le brevet informatique et internet ou B2i – et la pratique d’une langue vivante étrangère qui doit être validée au niveau A2. L’arrêté a instauré également un oral d’histoire des arts faisant l’objet d’une expérimentation dans tous les établissements au cours de l’année 2009-2010, cet enseignement ayant été institué au collège à la rentrée 2009 et intégré à la compétence 5 du socle commun (la culture humaniste) comme composante de l’évaluation du diplôme national des brevets.

Enfin, l’institution du socle commun a naturellement abouti à la modification des programmes d’enseignement du collège : depuis la rentrée 2009, ils sont tous liés aux connaissances et compétences du socle.

Cependant, ainsi que la mission a pu le constater, cette batterie de textes officiels trop tardifs n’a pas suffi à garantir une mise en œuvre effective, dans les collèges, du socle commun. À la mise au point des instruments – une ou deux années utiles ont été sans doute perdues en raison de l’implication variable des ministres successivement en charge de l’Éducation nationale – s’est ajoutée une adaptation des enseignants du collège au socle commun des plus problématiques.

1. Une réforme peu accompagnée par le ministère

À l’Éducation nationale, bien plus que dans tout autre ministère, « tout est dans l’exécution » comme l’a rappelé M. Philippe Joutard, historien (68). Or si le socle commun n’est pas approprié par les enseignants, sa mise en œuvre risque d’être très délicate.

L’engagement du ministère dans un tel dossier est donc crucial. Or, pour le Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale, le ministère semble considérer le socle commun comme un « gros mot, cet outil ayant été laissé en déshérence ». D’après cette organisation, c’est la réforme du lycée et celle de la formation des enseignants qui ont mobilisé tous ses efforts. C’est pourquoi ce ministère n’a produit de substantiel sur le socle commun ces quatre dernières années… que quatre pages – celles du modèle d’attestation de maîtrise du socle commun publiées au Bulletin officiel du 29 octobre 2009 (69).

Le jugement porté le directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer, est naturellement plus nuancé. Si le premier degré a, selon lui, absorbé en grande partie le socle commun – le livret personnel de compétences fait partie du livret scolaire et ce niveau d’enseignement, reposant sur des enseignants polyvalents, n’est pas affecté par le poids des disciplines les plus rétives au socle –, le collège n’en est pas encore là. D’une manière générale, le directeur général a reconnu que le travail d’assimilation de la nouvelle approche par l’institution scolaire n’avait pas reçu d’impulsion forte. Dans le même temps, il a relevé que le socle commun était « en gestation » et que son champ – qui englobe l’école élémentaire et le collège – justifiait une maturation relativement lente : mettre l’accent sur le primaire, c’est commencer par le début de la chaîne et faire le pari qu’avec la progression de ses élèves dans le cursus scolaire et leur passage au collège, la culture du socle se diffusera (70).

Ce pari est raisonnable. Mais force est de constater que, cinq ans après le vote d’une loi qui ambitionne de reconstruire l’École, la mobilisation du ministère de l’éducation nationale pour faire appliquer ce texte n’a jamais été, pendant toute cette période, totale. Plusieurs éléments corroborent ce constat.

● Tout n’est pas sur le site Éduscol

Éduscol, le site d’information pour les enseignants géré par le ministère de l’éducation nationale, met en ligne de nombreuses ressources – en particulier les textes réglementaires pertinents, y compris les circulaires et notes de service – sur le socle commun. L’outil « socle commun » – avec ses enjeux – est d’ailleurs clairement expliqué sur la page qui lui est consacrée. Il y manque cependant, selon le président du Haut conseil d’éducation, M. Bruno Racine, des outils d’évaluation de la maîtrise des connaissances et compétences exigées, facilement exploitables par les enseignants. Ces instruments sont pourtant indispensables à une diffusion rapide, dans les classes, d’un enseignement consacré aux savoirs comme à l’acquisition des compétences (71). C’est la raison pour laquelle certaines académies ou équipes locales d’enseignants ont construit, sur le terrain, leurs propres outils d’évaluation, ceux-ci bénéficiant, par la suite, d’une certaine forme de publicité au moyen des blogs d’enseignants. En soi, de telles initiatives locales ne sont pas choquantes, mais elles devraient « circuler », sous le couvert du ministère de l’éducation nationale, pour que l’ensemble des établissements puissent recourir à de « bonnes pratiques », identifiées en tant que telles. Comme l’a souligné la Ligue de l’enseignement, l’Éducation nationale doit accepter de voir ce qu’elle a de meilleur en elle et le valoriser (72).

● L’implication des cadres de l’Éducation nationale est très variable

Selon M. Philippe Joutard, historien, les cadres du ministère se sont « raisonnablement engagés » dans la mise en application du socle commun (73). C’est un euphémisme : la mission a pu constater, au travers de ses auditions et de ses déplacements, une situation très contrastée dans différentes académies s’agissant de leur « appropriation » du socle.

Certaines académies s’impliquent – avec détermination. À titre d’illustration, le recteur de l’Académie de Besançon, Mme Marie-Jeanne Philippe, a spécialement chargé deux inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux de suivre la mise en place du socle commun dans toutes les disciplines enseignées. Comme on le verra plus loin, cette académie a en outre mis en place un outil de validation en continu des compétences en langue vivante qui fait le lien entre le CM2 et la Sixième. À l’inverse, le Syndicat national des collèges et des lycées a fait part à la mission des premiers résultats d’une enquête sur la mise en application du socle commun dans six académies qui révèle, en leur sein, « un défaut de pilotage de cette politique par les recteurs ». Ces académies se contentent notamment d’envoyer aux établissements le numéro du Bulletin officiel consacré à l’évaluation du socle, qui prépare au diplôme national du brevet, et les liens internet pertinents du site du ministère. Les rectorats concernés font donc peser le poids de la responsabilité de la mise en œuvre de l’évaluation du socle commun sur les chefs d’établissement et les enseignants. En ce qui concerne les conditions d’attribution du brevet informatique et internet ou B2i, dont on rappelle que l’obtention, avec le niveau A2 de maîtrise d’une langue étrangère, est nécessaire pour l’attribution du diplôme national du brevet à la session 2010, les enseignants semblent aussi souffrir clairement d’un manque de formation. Dans un collège, c’est le surveillant qui a été désigné par l’équipe enseignante pour attribuer le B2i… S’agissant de la validation du niveau A2 d’une langue vivante étrangère, les pratiques seraient fort différentes d’un établissement à l’autre. Quant au recours aux groupes de compétences, qui est encouragé pour aider les élèves à acquérir le niveau requis dans ce type de langue, il se heurterait à l’obstacle des emplois du temps. Les chefs d’établissement interrogés à ce sujet considèrent ainsi que l’objectif, fixé par le ministère, de validation de cette compétence à la session 2010 du brevet est trop ambitieux et de ce fait inatteignable (74).

Le socle commun dans le XXe arrondissement de Paris

Sur le terrain, dans les murs de la capitale, la mission a pu constater la « fragilité » de la place du socle commun dans les établissements. Le 28 janvier 2010, elle s’est déplacée dans deux collèges du XXe arrondissement : le collège public Françoise Dolto, appartenant à un réseau de réussite scolaire de l’éducation prioritaire et dans lequel le film « Entre les murs », Palme d’or 2008 du Festival de Cannes, a été tourné, et le Collège Saint Germain de Charonne, établissement privé.

Dans le premier établissement, les enseignants rencontrés par la mission, formant de toute évidence une équipe dévouée et compétente, ont indiqué avoir « découvert », pour reprendre le terme utilisé par certains d’entre eux, le socle et l’attestation de maîtrise des compétences et des connaissances… la veille de la venue de la mission, en lisant et imprimant les documents disponibles sur le site du ministère de l’éducation nationale. On est en droit de se demander pourquoi un tel collège, qui est en première ligne de la bataille pour l’égalité des chances, n’a pas été accompagné pour l’aider à mettre en œuvre le socle. Cette situation semble d’autant plus surréaliste qu’à l’inverse, un établissement privé comme le collège Saint germain de Charonne a bénéficié, aux côtés des autres établissements privés de l’arrondissement, de séances de formation au socle commun assurées par les organismes formateurs travaillant traditionnellement avec le diocèse de Paris. Ces formations étaient dispensées, d’une part, à l’ensemble des enseignants, regroupés par disciplines et par niveaux, et d’autre part, aux chefs d’établissement.

● Les inspecteurs généraux ne jouent pas un rôle d’accélérateur.

Selon certains interlocuteurs de la mission, l’organisation et l’état d’esprit des inspections générales du second degré serait un frein à la mise en œuvre rapide du socle commun. Ainsi, pour M. Claude Lelièvre, historien, le fait que l’Inspection générale de l’éducation nationale comporte douze groupes disciplinaires, correspondant aux matières enseignées dans les collèges et les lycées, n’aide pas à l’appropriation du socle (75).

En effet, celui-ci suppose de bâtir des « ponts » entre les disciplines, susceptibles de les faire converger jusqu’à un certain degré. Or dès lors que ces mêmes disciplines sont représentées dans les corps d’inspection et que ceux-ci contrôlent l’activité professionnelle des enseignants sur la base de leur maîtrise « disciplinaire », cette organisation administrative tend à conforter le poids de ces mêmes disciplines et à freiner ainsi la diffusion de la culture interdisciplinaire postulée par le socle.

La situation est différente dans le premier degré, car l’enseignement est assuré par des maîtres polyvalents, les professeurs des écoles. Le premier degré est d’ailleurs piloté par une inspection générale de l’enseignement primaire, non disciplinaire, ce qui explique sans doute l’assimilation plus rapide du socle commun par ce niveau d’enseignement.

Interrogé sur ce point, M. Bruno Racine, le président du Haut conseil de l’éducation, a estimé que si les inspections générales ne constituaient pas nécessairement un frein à la diffusion du socle commun dans le collège, elles ne l’accéléraient pas pour autant. Il ajoutait que si ces inspections devaient faire de la « résistance », la réforme adoptée en 2005 n’aboutirait jamais (76).

● La formation continue des enseignants est très pauvre en socle commun

Un dernier indicateur de la fragilité du socle commun au collège est la place que celui-ci occupe dans les plans de formation continue des académies. Les chiffres communiqués par le ministère de l’éducation de l’éducation nationale sur les « priorités nationales » définies par les plans académiques de formation sont édifiants (77). En 2007-2008, le pourcentage que représente la formation « Socle commun de connaissances et de compétences », désignée comme une priorité nationale, par rapport au volume total de formation, est égal à 8 % dans le second degré, contre 22 % pour le premier degré, ce qui confirme la meilleure appropriation du socle par ce niveau d’enseignement. Pour l’année 2008-2009, l’enquête prévisionnelle sur la formation « Évaluation dans le cadre du socle commun des connaissances et des compétences » indique que celle-ci occupe 5,7 % du volume total de formation dans le second degré (contre 14,9 % dans le premier degré).

2. Une prise en compte inégale dans les programmes

Selon le président du Haut conseil de l’éducation, M. Bruno Racine, un premier examen des nouveaux programmes du collège, publiés l’été dernier, révèle la prise en compte inégale du socle commun par les différentes disciplines. Par ailleurs, l’articulation entre les enseignements du primaire et du collège induite par le socle commun, gagnerait à être davantage précisée dans les programmes (78).

En réalité, le chemin à parcourir vers des programmes réellement adossés au socle commun risque d’être encore long, car certaines disciplines – les sciences – sont plus « allantes » que les autres. Devant la mission, M. Philippe Joutard, historien, a parfaitement mis en évidence les différentes approches entre les disciplines scientifiques et les disciplines dites culturelles, qui a pour effet de retarder l’assimilation du socle commun par l’ensemble des programmes (79). Selon lui, les programmes des disciplines scientifiques – mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la terre et technologie – montrent clairement comment ces disciplines participent à l’acquisition des compétences 1 – la maîtrise de la langue française –, 4 – la maîtrise des technologies de l’information et de la communication –, et 2 – la pratique d’une langue vivante étrangère (mais en partie seulement). Ces programmes jouent en outre la carte de l’interdisciplinarité mise en avant par le socle commun, en identifiant cinq thèmes de convergence, « chaque enseignement disciplinaire devant contribuer, de manière cordonnée, à l’appropriation par les élèves des savoirs relatifs à ces différents thèmes, éléments d’une culture partagée » : l’importance de la pensée statistique dans le regard scientifique, le développement durable, l’énergie, la météorologie et la climatologie, la santé et la sécurité (80). À l’inverse, selon M. Philippe Joutard, pour les « humanités » – le français, les langues vivantes étrangères et le latin-grec – ainsi que pour l’histoire, la géographie et l’éducation civique, on ne constate pas un tel effort. Les programmes correspondants ignorent la notion des thèmes de convergence, tandis que le socle commun n’y fait que des apparitions – parfois dans le chapeau introductif d’un programme qui explique ensuite en quoi celui-ci est plus important. À cet égard, l’introduction, à la rentrée 2009, d’un enseignement de l’histoire des arts au collège auquel doivent contribuer toutes les disciplines, constitue une occasion ratée de diffusion de l’approche « socle commun », puisqu’elle n’a pas permis de regrouper des disciplines telles que les lettres, les langues et l’histoire-géographie.

Le principal syndicat enseignant du second degré, le Syndicat national de l’enseignement secondaire a parfaitement mis en lumière le fait qu’il y a loin entre le vote d’une loi relative aux objectifs fondamentaux de l’enseignement par le Parlement et sa déclinaison dans les textes officiels préparés par le ministère de l’éducation nationale. Dans le programme de français, « les compétences n’apparaissent pas… Le programme n’est pas allégé en éléments à acquérir et en temps nécessaire, au contraire. Le programme est construit sur le principe de l’empilement des connaissances… ». En histoire-géographie, « les programmes n’ont pas été réécrits dans une forme « socle » », tandis qu’en sciences physiques, « le socle commun apparaît comme une compilation de fondamentaux » (81).

3. Un diplôme national du brevet bancal voire baroque

Le diplôme national du brevet, dont les modalités d’attribution ont été redéfinies par l’arrêté du 9 juillet 2009, est devenu un objet composite qui ne devait malheureusement pas aider le collège à s’approprier le socle commun.

Seront en effet pris en compte pour l’attribution du diplôme national du brevet, à compter de la session 2011 (82), pas moins de cinq paramètres :

– la maîtrise du socle commun et de ses sept compétences au palier 3, c’est-à-dire à la fin de la Troisième, qui doit être validée par l’attestation délivrée, à compter de l’année scolaire 2009-2010, par le chef d’établissement. Il y a lieu de noter que ce document doit mentionner la délivrance ou la certification d’attestations portant sur des compétences qui ne sont pas incluses dans le socle commun. Ainsi, devra être indiqué si les attestations scolaires de sécurité routière niveaux 1 et 2 ont été délivrées ou non (83) et si l’enseignement « Prévention et secours civiques de niveau 1er » a été validé ou non (84;

– la note obtenue à l’oral d’histoire des arts ;

– les notes obtenues à l’examen du brevet qui comporte trois épreuves écrites : français, mathématiques et histoire-géographie-éducation civique ;

– les notes de contrôle continu obtenues en cours de formation ;

– la note de vie scolaire, instituée par la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école à l’article L. 332-6 du code de l’éducation et mesurant « l’assiduité de l’élève et son respect des dispositions du règlement intérieur de l’établissement », tout en prenant en compte sa participation à la vie de l’établissement (article D. 332-4-1 du code de l’éducation).

L’arrêté du 9 juillet 2009 précise que le diplôme national du brevet est attribué aux candidats « ayant validé le socle commun de connaissances et de compétences et obtenu une note moyenne égale ou supérieure à 10 résultant de la division de la somme des notes obtenues [à l’oral de l’histoire des arts, à l’examen du brevet, en contrôle continu et à la note de vie scolaire] par le total des coefficients attribués à chacune de ces notes ».

Quatre années de travail auront donc été nécessaires pour que le ministère de l’éducation nationale produise cette version du diplôme national du brevet. Une version bien béquillarde.

En effet, ce nouveau « DNB » organise la « cohabitation » – plus qu’improbable – de deux formes d’évaluation a priori opposées et inconciliables : d’une part, l’évaluation traditionnelle, chiffrée, par le biais du contrôle continu et des épreuves du brevet, des savoirs disciplinaires et d’autre part, l’évaluation binaire, propre au socle commun, qui indique si chacune des sept compétences est validée ou non. Ce choix est à l’évidence absurde, ainsi que l’ont souligné de nombreux interlocuteurs de la mission, et dévalorise, de fait, l’objectif de maîtrise du socle commun assigné par le Parlement à l’École. Accessoirement, il coûte cher : selon le ministère de l’éducation nationale, à lui seul, le coût total, matériel et humain, du diplôme national du brevet s’élève à 6 496 751 euros, en intégrant la masse salariale des effectifs chargés de l’organisation de l’examen et des frais afférents (indemnités de jury, frais de déplacement et d’organisation).

Il est vrai que ce nouveau brevet est le fruit d’un compromis. Interrogé par les syndicats sur le fait de savoir s’il pouvait ne pas être délivré en cas de non-validation de la maîtrise du socle commun, le ministère a choisi une attitude qui se veut pragmatique, mais qui in fine conduit à remettre en question l’acquisition et la certification des compétences du socle commun. Il a ainsi précisé, au cours de l’été dernier, lors de la séance du Conseil supérieur de l’éducation du 3 juillet consacrée à l’examen du projet d’arrêté relatif au brevet, que si l’ensemble des compétences n’est pas attesté, il appartiendra au jury du diplôme national du brevet de déterminer s’il peut ou non, après délibération et au vu des résultats aux épreuves d’examen, valider la maîtrise du socle commun.

Ce compromis se traduira donc, concrètement, par la mise à l’écart du socle commun, dont la validation sera subordonnée aux politiques de délivrance du diplôme national du brevet appliquées par les différents jurys d’examen. En outre, puisque la validation de la maîtrise du socle commun dépendra, en fin de compte, de considérations d’opportunité et non du travail d’évaluation et de certification conduit dans les établissements, on peut s’interroger sur le sens d’un arrêté relatif au diplôme national du brevet qui prévoit que celui-ci est « délivré aux élèves ayant validé le socle commun de connaissances et de compétences ».

On peut aussi être dubitatif sur la conformité de ce « bricolage » avec la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école. L’article L. 332-6 du code de l’éducation, modifié par cette loi, dispose en effet que le diplôme national du brevet « atteste la maîtrise des connaissances et des compétences » du socle commun. Attester, c’est certifier, témoigner d’une réalité, celle des acquis d’un élève. Or le compromis précité remet en cause la valeur de cette attestation, voulue par le législateur, puisque – répétons-le – celle-ci dépendra de la jurisprudence adoptée par tel ou tel jury de brevet. Accessoirement, le compromis de l’été dernier, qui attribue un rôle clef au jury du brevet pour valider le socle, contredit la note de service du 13 juillet 2009 (85), qui – rappelons-le – précise qu’au niveau des établissements, ce sont les professeurs principaux qui renseignent l’attestation de maîtrise des connaissances et des compétences et le chef d’établissement qui valide ou pas cette attestation.

Ce compromis sur les modalités d’attribution du diplôme national du brevet résulte, à l’évidence, d’une gestion politique du dossier, le ministère de l’éducation nationale ne voulant pas brusquer les personnels, très attachés aux notations chiffrées du contrôle continu et des épreuves terminales du brevet. Un épisode survenu lors de la séance du 3 juillet 2009 du Conseil supérieur de l’éducation consacrée à l’adoption du projet d’arrêté, mentionné devant la mission, est à cet égard significatif. Une organisation syndicale avait déposé un amendement au projet d’arrêté qui visait à faire baisser le poids global des notations chiffrées en prévoyant que seules les notes au contrôle continu supérieures à la moyenne – et non leur totalité – seraient prises en compte pour l’attribution du diplôme. Bien que cet amendement ait obtenu, selon ce syndicat, une majorité au sein du conseil, les représentants du ministère n’ont pas donné suite à cette proposition pour tenir compte de la position d’un autre syndicat.

Après ces errements, la mission considère qu’une révision du dispositif s’impose aujourd’hui afin de revenir à l’esprit du socle commun.

4. Chez les enseignants : de l’incompréhension et de la lassitude

Le socle commun ne deviendra une réalité que si les enseignants l’intègrent dans leur pratique professionnelle. On en est loin. Tel est le constat établi, parmi d’autres organismes ou personnalités entendus par la mission, par l’Institut national de recherche pédagogique qui a mis en place un « observatoire des transformations curriculaires et des pratiques d’évaluation », chargé de suivre, dans certaines académies, avec l’appui de la direction générale de l’enseignement scolaire et de l’Inspection générale de l’éducation nationale, la mise en application du socle commun. Ce travail s’appuie sur des enquêtes menées auprès des enseignants et devrait donner lieu à la publication d’une première synthèse en juin prochain. Les premières informations ont conduit cependant le directeur de l’Institut, M. Jacques Moret à considérer que les établissements et encore moins les enseignants ne se sont pas appropriés le socle commun (86).

Ce défaut d’appropriation s’explique par l’absence de politique d’accompagnement de la part du ministère de l’éducation nationale – un point déjà évoqué –, ainsi que par l’incompréhension et la lassitude des enseignants.

a) De l’incompréhension

Le socle commun est souvent mal ou peu compris tant d’un point de vue « culturel » que disciplinaire, l’attestation qui doit le valider semblant cristalliser les réticences, voire la méfiance des enseignants.

● Une incompréhension de principe

C’est la notion même de compétences qui est parfois remise en question. Des enseignants et certains de leurs syndicats ont fait valoir que les « compétences générales n’existent pas », en s’appuyant sur les travaux de M. Bernard Rey. Selon ce dernier, comme pour le Syndicat national de l’enseignement secondaire, résoudre un problème mathématique et résoudre un problème de rédaction en français ou en histoire, ce n’est pas la même chose. On ne peut donc résumer l’acquisition des compétences à des opérations mentales, indifféremment transposables dans les domaines dans lesquels il faut mobiliser ces savoir-faire. À ce premier problème de fond s’ajoute une difficulté plus technique, concernant la « déclinaison opérationnelle des compétences ». Ainsi, certaines compétences retenues par l’attestation de maîtrise du socle commun, aux côtés de compétences plus spécifiques, ne sont pas vraiment formulées en termes de capacité à faire un ensemble d’actions dans un domaine donné : elles sont trop vastes et englobantes. Que recouvre, par exemple, à la compétence 3 (« Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technique »), l’item : « L’univers et la terre : organisation de la terre, structure et évolution au cours des temps géologiques, phénomènes physiques » ?

Par ailleurs, certains interlocuteurs de la mission ont craint qu’avec le socle commun, les connaissances ne deviennent qu’un simple « accessoire » au service de l’apprentissage de méthodes et d’attitudes. Cela aurait pour conséquence, selon le Syndicat national des lycées et des collèges, de vider les programmes de tout contenu, car la forme primerait inéluctablement sur le fond. Les programmes organisant l’enseignement de l’histoire des arts ne se déclinent-ils pas en connaissances très vagues – ils mentionnent des « œuvres d’art », sans plus de précisions – et des attitudes tout aussi floues – « curiosité », « créativité » – sans un mot ou presque sur les contenus (87?

Enfin, certains syndicats estiment qu’à trop vouloir « jouer » sur l’interdisciplinarité, le socle commun risque d’entraîner une redistribution, voire une confusion des rôles, au sein du corps enseignant. Ainsi, il est souvent rappelé que les disciplines participent toutes à l’acquisition de la compétence 1 – la maîtrise de la langue française. Celle-ci peut donc être évaluée par tous les professeurs – y compris, pour prendre un exemple cité par le Syndicat national de l’éducation physique de l’enseignement public, par ceux de l’éducation physique et sportive auxquels un document du ministère de l’éducation nationale conseille de demander aux élèves d’expliquer, par écrit, au pied du mur d’escalade, les techniques à mettre en œuvre. Est-ce bien le rôle de ces professeurs (88) ? Non, répondent les représentants de cette organisation.

● Une acculturation au socle commun variable selon les disciplines

L’appropriation du socle commun par les enseignants est plus problématique dans certaines disciplines que dans d’autres. Ainsi, selon M. Philippe Joutard, historien, pour les enseignants de français, d’histoire-géographie et de langues vivantes, la nécessité de travailler par compétences « n’est entrée ni dans leur pratique ni dans leur esprit ». D’une manière générale, ces enseignants n’ont pas une idée très claire du type d’apprentissages promu par le socle commun. Ils jugent parfois que le vocabulaire de l’évaluation des compétences est emprunté à celui de l’entreprise ou de l’enseignement professionnel, deux mondes qui ne bénéficient pas toujours d’une bonne image. Même des linguistes, ce qui peut sembler paradoxal, sont encore trop habitués à considérer la pratique d’une langue vivante étrangère non pas sous l’angle de la communication, mais sous celui de l’excellence scolaire propre aux humanités de l’ancien lycée. Toutefois, cette approche pourrait changer assez rapidement sous l’effet du Cadre européen commun de référence pour les langues, adopté en 2000 et qui est plutôt perçu par les enseignants de la discipline comme un outil sérieux. À l’inverse, pour M. Philippe Joutard, il est permis d’être optimiste s’agissant de l’appropriation du socle commun par les professeurs de mathématiques, de physique-chimie, de technologie et des sciences de la vie et de la terre (89).

On peut donc craindre avec le doyen de l’Inspection générale de l’éducation nationale, M. François Perret que les professeurs de lettres et d’histoire-géographie n’intégreront le socle qu’avec beaucoup de retard (90).

● Une attestation cristallisant les inquiétudes, voire les oppositions

On rappellera que l’attestation de maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun doit être renseignée dès la classe de Quatrième par les professeurs principaux, après concertation avec les équipes pédagogiques, et validée ou non, en Troisième, par le chef d’établissement lors du conseil de classe du troisième trimestre.

Ce document a été contesté par plusieurs interlocuteurs de la mission sur quatre points essentiels.

D’abord, selon le Syndicat national de l’enseignement secondaire, il n’y a pas eu, de la part du ministère de l’éducation nationale, de « retour » sur les expérimentations, menées en 2007-2008 et 2008-2009, du livret personnel de compétences, qui a servi de base à l’élaboration de l’attestation. Ces organisations contestent donc la méthode, en faisant valoir qu’elle n’a pas permis d’établir un dialogue entre le ministère, les enseignants et les familles permettant d’affiner le nouvel outil d’évaluation. L’une d’entre elle a rappelé qu’au Québec, le recours, en 2001-2004, à un dispositif d’évaluation des élèves fondé sur une échelle de compétences, à cinq niveaux, n’avait pas été compris par les familles, lesquelles regrettaient la disparition des notes ; en octobre 2006, il fallut revenir à la notation chiffrée dans le secondaire et proposer des bulletins simplifiés.

Ensuite, le caractère binaire de l’évaluation par compétence est critiqué. L’attestation de maîtrise du socle commun fonctionne effectivement selon une logique « pure » d’évaluation : une compétence est acquise ou non. Matériellement, une des deux cases : « oui » ou « non » est à remplir sous chaque sous-compétence, par exemple, « Lire à haute voix, de façon expressive, un texte en prose ou en vers » pour la compétence 1 (« La maîtrise de la langue française »), « Réagir et dialoguer » pour la compétence 2 (« La pratique d’une langue vivante étrangère »), « Pratiquer une démarche scientifique » pour la compétence 4 (« Les principaux éléments de mathématiques et de la culture scientifique et technologique »), etc. Or ce type d’évaluation ne laisse aucune place à la nuance, puisque n’y figurent pas des mentions – telles que « en cours d’acquisition » – permettant d’indiquer la progression des apprentissages. Ainsi que l’a affirmé une enseignante du collège Françoise Dolto (91), cette approche binaire rendrait impossible la valorisation du travail d’un élève. Alors que la notation porte sur un travail, l’absence de validation d’une compétence risque d’abattre et de marginaliser l’élève en soulignant son incapacité à lire ou recopier un texte sans faute.

La déclinaison des compétences en sous-compétences et items, les seconds étant des éléments constitutifs des premières, qui doivent être validées ou non (par exemple, la sous-compétence « Écrire » comprend notamment les items : « Copier un texte sans erreur » et « Répondre à une question par une phrase complète »), est également critiquée : elle rendrait très complexe la validation de la maîtrise du socle commun. En effet, certains enseignants se demandent quel sera le nombre d’items qui devra être acquis pour valider une sous-compétence et si une compétence pourra être validée si toutes ses sous-compétences ne sont pas acquises. Aussi le nouveau dispositif d’évaluation tendrait à placer une lourde responsabilité sur les épaules des chefs d’établissement qui, rappelons-le, seront chargés de valider (ou non) la maîtrise du socle commun. Pour plusieurs interlocuteurs de la mission, les chefs d’établissement ne voudront pas faire « rater » le brevet à leurs élèves au motif qu’une des sept compétences n’a pas été validée et l’attestation sera « bradée » et délivrée à 95 % des collégiens. Selon eux, c’est ce qui s’est produit avec le brevet informatique et internet, qui doit valider, à partir de 2010, la compétence 4 relative à la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication et qui, à la session 2009 du diplôme national du brevet, a été obtenu par 93,8 % des candidats.

Enfin, l’évaluation et la validation des compétences 6 (compétences sociales et civiques) et 7 (l’autonomie et l’initiative) suscitent des inquiétudes, voire de l’hostilité. Elles conduisent à apprécier des traits personnels (Cf. les items « Savoir travailler en équipe », « S’impliquer dans un projet individuel ou collectif », « Manifester curiosité, créativité, motivation », etc.). Certains élèves pourraient être pénalisés. Mais il y a pire pour certains syndicats : la substitution des « comportements » aux savoirs ouvrirait la porte à tous les biais sociaux et manifesterait une certaine forme de « totalitarisme scolaire ».

Au total, pour de nombreux enseignants, l’attestation de la maîtrise du socle commun conduirait à altérer le travail d’évaluation, ainsi que la relation élève-professeur. Pour reprendre une expression très imagée entendue au Collège Françoise Dolto de Paris, le cochage des cases de validation des sous-compétences transformerait les équipes enseignantes en « poinçonneurs des Lilas ». Ce document a été même qualifié dans cet établissement « d’attestation Mc Gyver », ce qui en dit long sur son image dans la communauté enseignante. Tout aussi significatif est le pronostic de M. Jean-Paul Brighelli qui, interrogé sur le fait de savoir si l’attestation de maîtrise du socle commun serait renseignée par les enseignants, a répondu qu’elle ne le serait qu’à la marge (92).

b) De la lassitude

La plupart des syndicats d’enseignants entendus par la mission ont estimé que la tenue du livret personnel de compétences et la validation de l’attestation de maîtrise du socle commun en Troisième imposeront à ces personnels un surcroît de travail. Celui-ci est inéluctable, en raison de la concertation approfondie qui devra être menée entre les enseignants des différentes disciplines, les professeurs principaux, chargés de renseigner le livret de compétences, et les chefs d’établissement, responsables de la validation des acquis du socle.

Or cette charge de travail supplémentaire, quelques mois seulement après la décision de rendre obligatoire la tenue du livret de compétences en Quatrième et avant même l’échéance de la session 2011 du diplôme national du brevet, qui liera l’attribution de ce diplôme à la maîtrise du socle, est d’ores et déjà très mal acceptée. Ainsi, dès la phase d’expérimentation du livret de compétences, des enseignants ont fait part à un syndicat entendu par la mission de leur exaspération. D’une manière générale, c’est l’expression « On n’en peut plus » qui revient pour exprimer le mécontentement suscité par l’ajout de ces nouvelles tâches aux heures d’enseignement, de préparation des cours, de corrections des copies, de concertation, etc.

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* *

Le rapporteur ne partage pas ces opinions. Ainsi qu’il l’a déjà souligné, le socle commun possède de nombreuses vertus, propres à rendre le collège plus efficace.

Quant à la consécration, par notre droit de l’éducation, de la notion de compétences, elle s’inscrit dans la construction d’une Europe de la connaissance, au sein de laquelle les systèmes éducatifs sont appelés à jouer le rôle de leviers de croissance. Cette notion est d’ailleurs devenue, en quelques années, le point d’ancrage des réflexions et des initiatives européennes en matière d’éducation et de formation.

En effet, dès 1996, le Livre blanc sur l’éducation et la formation de la Commission européenne a mis en avant la nécessité de promouvoir une société de l’apprentissage et de la connaissance, et a placé la reconnaissance des compétences au premier plan de la stratégie européenne. La stratégie dite de Lisbonne, mise en place par le Conseil européen en mars 2000, a défini comme objectif principal la promotion d’une économie fondée sur la connaissance. Le Conseil a alors souligné que « chaque citoyen doit être doté des compétences nécessaires pour vivre et travailler dans cette nouvelle société de l’information » et a recommandé l’adoption d’un « cadre européen définissant les nouvelles compétences de base dont l’éducation et la formation tout au long de la vie doivent permettre l’acquisition ».

Ces orientations ont débouché, en novembre 2005, sur une proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil, présentée par la Commission, concernant « les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie ». Adoptée le 26 septembre 2006, cette proposition précise que « selon les études internationales, on entend par compétence une combinaison de connaissances, d’aptitudes et d’attitudes appropriées à une situation donnée. Les compétences clés sont celles qui fondent l’épanouissement personnel, l’inclusion sociale, la citoyenneté active et l’emploi » (93).

Le socle commun modifie ainsi la conception « traditionnelle » de l’enseignement. Jusqu’à la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, c’étaient les contenus d’enseignement qui définissaient les cycles d’apprentissage, ceux-ci étant ensuite déclinés, année après année. Avec le socle, la Nation a déterminé, à « l’aval » de l’École, les savoirs et savoir-faire que tout élève doit maîtriser à l’issue de la scolarité obligatoire. Cette approche est la plus ambitieuse qui soit, car elle va bien au-delà de la simple maîtrise de cours liés aux programmes pour répondre à la demande de résultats que les familles adressent à l’institution scolaire. D’ailleurs, selon l’ancien directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale, M. Jean-Louis Nembrini, la France est l’un des premiers pays de l’Union européenne à mettre en œuvre, de manière aussi complète et cohérente, une telle approche de l’enseignement, cette démarche étant suivie avec intérêt par nos partenaires (94).

Mais plus que sa modernité, c’est son caractère opérationnel qui fait tout l’intérêt du socle commun. Il permet d’accroître l’efficacité de l’organisation pédagogique des écoles et des collèges. C’est la raison pour laquelle de nombreux enseignants et chefs d’établissement « croient » au socle. Ainsi, pour le principal du Collège Olivier de Serres de Viry-Châtillon, établissement de l’éducation prioritaire classé « ambition réussite », ce qui a poussé l’équipe enseignante à mettre en œuvre, sans tarder, cet instrument, c’était la nécessité – absolue – de donner une suite à cette réflexion : « Que peut-on faire de mieux pour nos élèves ? Leur apprendre à s’exprimer et à lire » (95).

II.  RELANCER LE SOCLE COMMUN POUR REBÂTIR
LE COLLÈGE UNIQUE

Les problèmes rencontrés par le collège justifient l’adoption rapide de mesures visant à accroître son efficacité. Pour autant, celles-ci ne doivent pas constituer un « grand soir du collège », inaccessible. Elles consistent, plus modestement, même si cela aura des conséquences non négligeables sur l’organisation pédagogique de ce niveau d’enseignement, à remettre sur les rails le socle commun, dont les promesses n’ont pas été tenues faute d’implication de la part de l’institution scolaire. Ce plan d’action, destiné à rebâtir, à partir du socle commun, le collège unique, devrait être porté par une ambition républicaine partagée.

A. UN SOCLE COMMUN REPRIS EN MAIN PAR LA NATION

Le sociologue M. François Dubet l’a affirmé devant la mission : « La Nation doit reprendre en main le socle commun » (96). Trop de temps a été en effet perdu pour que ses représentants ne se saisissent pas d’un sujet aussi essentiel.

1. Un Parlement informé de la mise en œuvre du socle commun

La mise en œuvre du socle commun devait être évaluée dans le cadre d’un rapport présenté tous les trois ans par le Gouvernement au Parlement. Comme cela a déjà été indiqué, cette exigence, figurant à l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation, n’a jamais été satisfaite.

Ce n’est jamais bon signe lorsque le droit d’information du Parlement n’est pas respecté. C’est encore moins acceptable lorsque l’information demandée concerne un enjeu essentiel : le respect des objectifs assignés par le Parlement à l’instruction obligatoire, c’est-à-dire de principes fondateurs pour la démocratie et la cohésion nationale et sociale.

Il est impératif que la loi soit appliquée et que le Parlement dispose d’éléments d’information précis, tant sur le plan statistique que qualitatif. Lui devraient être ainsi communiquées, dans un rapport distinct du document budgétaire accompagnant les crédits de la mission « Enseignement scolaire », des données chiffrées sur la maîtrise du socle commun par les élèves aux différents paliers d’évaluation actuellement retenus (CE1, CM2 et Troisième), auxquels il conviendrait d’ajouter un palier supplémentaire au collège. En effet, une seule évaluation, en fin de Troisième, pour quatre années d’enseignement, c’est un peu court. Aussi une évaluation des acquis des élèves en Cinquième, année qui vient après celle de l’entrée au collège et précède les deux années conduisant au brevet, pourrait-elle s’avérer opportune.

Ce rapport devrait également accorder une large place à l’appréciation qualitative de la mise en œuvre du socle. En particulier, l’analyse, demandée par le législateur, de la prise en compte du socle commun par les programmes devrait mettre en évidence la part qu’y occupent les thématiques interdisciplinaires. Cet « indicateur » devrait être accompagné d’un commentaire sur le volume de formation initiale et continue des enseignants consacrée au socle commun et d’une présentation des outils pédagogiques d’acquisition et d’évaluation des compétences que le ministère de l’éducation nationale juge être de « bonnes pratiques ».

On l’aura compris : l’élaboration et la présentation de ces rapports d’évaluation doivent servir « d’aiguillon », afin de donner une impulsion forte à l’appropriation du socle commun par le ministère de l’éducation nationale et ses agents.

2. Un socle commun actualisé au Parlement

Il ne suffit pas d’informer le Parlement. Celui-ci doit être le lieu privilégié de l’aggiornamento du socle commun pour reprendre le mot utilisé par l’historien de l’éducation, M. Claude Lelièvre (97).

En effet, dès lors qu’il s’agit de définir les objectifs de l’instruction obligatoire, seuls la Nation et ses représentants disposent de la légitimité pour le faire. Ainsi que l’indique fort justement le rapport de M. Pierre-André Périssol sur la définition des savoirs enseignés à l’école, « L’expression du Parlement sur la définition générale des contenus est légitime car il s’agit là de ce que la Nation demande à son école de transmettre à ses enfants, et notamment à tous ses enfants pour ce qui concerne le socle commun. Il s’agit là d’un exercice identitaire dont la représentation nationale ne peut être absente » (98).

Pour éviter toute polémique inutile, il convient de préciser que la réaffirmation du rôle « naturel » du Parlement en matière de délimitation des contours de l’instruction obligatoire ne conduit pas, pour autant, à lui confier l’écriture des programmes et la définition précise des contenus d’enseignement. En effet, le Parlement n’a pas à se substituer aux organismes compétents, chargés d’effectuer un travail que la Constitution attribue au pouvoir réglementaire (99). Comme l’indique l’article L. 311-2 du code de l’éducation « l’organisation et le contenu des formations sont définis respectivement par des décrets et arrêtés du ministre chargé de l’éducation ». En revanche, il revient au Parlement de préciser, dans la loi, ce que tout élève doit acquérir comme compétences et connaissances fondamentales pour mener une vie active et responsable.

C’est ce qu’a fait le législateur en 2005, en insérant, dans le code de l’éducation, un court article qui définit les éléments constitutifs du socle commun. Aussi le travail d’actualisation du Parlement ne doit-il porter que sur les dispositions en question, afin, le cas échéant, de les modifier. Dans l’hypothèse où ce dernier déciderait d’adjoindre des compétences au socle commun, son intervention pourrait être suivie d’un travail d’expertise mené par le Haut conseil de l’éducation qui formulerait des propositions sur les modifications à apporter aux programmes.

À ce stade de la réflexion, la définition du socle commun pourrait évoluer sur trois points essentiels.

● La culture technologique et le travail manuel

Si elle est reconnue par le décret du 11 juillet 2006 relatif au socle commun, la « culture technologique » n’est pas mentionnée à l’article L. 121-1-1 du code de l’éducation.

Or celle-ci est essentielle à la compréhension du monde contemporain. Elle constitue également un « contrepoids » indispensable aux disciplines intellectuelles, dont on dit, à juste titre, qu’elles règnent pratiquement sans partage à l’école. Ainsi, il existe un enseignement technologique au collège, mais celui-ci est tiré vers les sciences et peut être assimilé, par conséquent, à un enseignement théorique. Pour les élèves les moins à l’aise avec l’abstraction, cette dénaturation de l’enseignement technologique ne les aide guère à s’épanouir dans un collège supposé être « pour tous ». Selon M.  Alain Boissinot, recteur, si l’on veut garder en France le modèle du collège unique, il faudra que celui-ci accorde davantage de place à d’autres pratiques scolaires que celles liées aux enseignements théoriques, comme la technologie et le sport (100).

La mention du travail manuel, ne serait-ce que de manière implicite, sous le couvert de la référence à la culture technologique, est tout aussi essentielle, car cet enseignement fait totalement défaut au collège. Cela est dû aux effets de contamination du lycée général sur le collège, déjà évoqués et mis en évidence par M. Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’éducation nationale, devant la mission : l’enseignement du travail manuel a disparu du « tronc commun », car il n’était pas utile au lycée général (101). Pourtant, le travail de la main, la maîtrise du geste, si importante pour apprendre à se maîtriser, devraient faire partie des éléments incontournables de la culture scolaire fondamentale. Le développement de ces compétences permettrait en outre de rendre le collège plus accueillant pour les élèves qui manquent de confiance en eux car ils se sentent dévalorisés par la culture scolaire dominante. De plus, une référence à la culture technologique et au travail manuel permettrait de faire le lien entre le collège et l’orientation et la contribution de celle-ci à une approche concrète – celle que permet aujourd’hui le parcours de découverte des métiers qui débute en Cinquième – du monde des métiers, de leur variété et de leur utilité.

● Le savoir « vivre ensemble »

Consacrées comme la sixième compétence du socle commun par le décret du 11 juillet 2006, les compétences sociales et civiques devraient être mentionnées à l’article L. 121-1-1 du code de l’éducation. Il est souhaitable en effet que les objectifs du socle commun définis par le Parlement fassent référence au civisme, au respect, à l’engagement, bref aux compétences sur lesquelles reposent la qualité de toute relation avec l’autre, qu’il soit élève, garçon ou fille, professeur, voisin de pallier, etc.

L’ajout de ces compétences pourrait être aussi l’occasion de réfléchir à la manière dont on pourrait faire apparaître plus clairement, si cela devait être jugé pertinent, le lien qui existe entre la culture scolaire commune promue par le socle et la construction du sentiment d’appartenance à la Nation.

● Le « bien-être »

Il existe une revendication forte, de la part des enseignants d’éducation physique et sportive et du principal syndicat représentatif de cette discipline, d’ajouter au socle commun une huitième compétence, consacrée à la « maîtrise du corps ». Cette compétence n’apparaît nulle part en tant que telle dans le socle commun, à l’exception, dans l’attestation devant être délivrée en Troisième, de l’item, souvent ridiculisé d’ailleurs, « Savoir nager » qui fait partie de la sous-compétence « Être capable de mobiliser ses ressources intellectuelles et physiques dans diverses situations » du pilier 7 du socle commun, consacré à l’autonomie et à l’initiative.

Dans sa Lettre aux éducateurs du 4 septembre 2007, le Président de la République a regretté que « la place faite au sport à l’école soit insuffisante ». Ayant saisi le Haut conseil de l’éducation pour que celui-ci fasse une proposition, ce dernier a remis, le 23 janvier 2008, au ministre de l’éducation nationale, une recommandation concernant l’adjonction d’une huitième compétence au socle, la déclinant en connaissances, capacités et attitudes (102).

L’intérêt que présente la reconnaissance d’une compétence consacrée à la maîtrise du corps est évident. Elle serait, pour les élèves, un facteur de confiance et un moyen de reconnaissance d’un élément essentiel de leur personnalité. De plus, elle s’inscrirait pleinement dans le cadre d’une politique de santé publique fondée sur la prévention.

Il reste que son intégration dans le socle pourrait être perçue comme une « faveur » accordée à un enseignement spécifique ou le résultat de l’efficacité d’un « lobby disciplinaire » allant à l’encontre d’un enseignement valorisant les compétences transversales. Aussi faudrait-il plutôt miser sur l’ajout d’une compétence consacrée au « bien-être », entendu au sens large. Celui-ci engloberait alors non seulement l’activité physique et sportive, mais tout ce qui contribue au développement équilibré de l’enfant. Ce nouveau pilier pourrait ainsi comprendre l’éducation à la santé et au respect de l’environnement, qui n’apparaît qu’en filigrane dans le socle commun. En outre, les liens avec la compétence 7 (« l’autonomie et l’initiative ») paraissant évidents, cette dernière pourrait être intégrée, de manière opportune, au nouveau pilier consacré au « bien-être ».

B. UNE NOUVELLE APPROCHE DE L’ÉVALUATION DES ÉLÈVES

La mise en œuvre du socle commun est l’occasion de remettre à plat le dispositif d’évaluation des élèves, aujourd’hui fondé sur la notation. Le ministre de l’éducation nationale a d’ailleurs demandé aux inspections générales de se pencher sur ses modalités, afin de faire des propositions. Des évolutions sont en effet inéluctables car l’introduction du socle commun fait coexister deux systèmes d’évaluation : « l’ancien » qui évalue des disciplines, avec des notes, des moyennes et des compensations, et le « nouveau », qui évalue, de manière binaire, des compétences. Ces deux modes d’évaluation ne pouvant pas s’harmoniser spontanément, il faudra sans doute, à terme, adopter un mode d’évaluation ne reposant que sur la certification des compétences acquises. En attendant – une telle évolution du système éducatif paraissant pour l’heure improbable –, les modalités d’évaluation pourraient être organisées sur trois piliers : la confiance, un livret de compétences numérique qui aide les élèves à progresser dans leurs apprentissages et un diplôme national du brevet entièrement repensé.

1. Une évaluation fondée sur la confiance pour renverser la « constante macabre »

En France, la notation fonctionne comme un système de tri, permettant de classer et d’orienter les élèves vers les filières d’excellence…et les autres.

Selon le fondateur du Mouvement contre la constante macabre, M. André Antibi (103), elle transforme chaque examen en « concours déguisé », notre société attachant en effet une grande importance aux classements qui en résultent. Subissant cette pression sociale, les enseignants se sentent obligés, pour être crédibles, de mettre un certain pourcentage de mauvaises notes. Cette « constante macabre » conduit donc à ce qu’un certain nombre d’élèves se trouvent arbitrairement placés en situation d’échec scolaire, dans le seul but de maintenir la crédibilité du système d’évaluation. Les politiques de lutte contre l’échec scolaire sont de ce fait rendues inopérantes, tandis que notre École souffre d’un trop plein de manque de confiance et de stress et d’élèves à qui les parents offrent des cours particuliers pour survivre à cette perpétuelle compétition sournoise. Il n’est pas étonnant que, dans ces conditions, la France occupe une place médiocre – vingt-deuxième sur vingt-cinq pays – dans le domaine de la qualité de vie à l’école selon un classement établi par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (104).

D’autres reproches peuvent être faits à ce système de « tri sélectif », dont certains ne sont pas sans conséquence pour l’avenir de notre pays. Le premier tient à l’absurdité du rôle joué par la moyenne, le sésame obligé pour passer d’une classe et d’un diplôme à l’autre. Ainsi que l’observe le Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale, la France est le seul pays au monde où le fait de ne pas savoir la moitié des connaissances à acquérir permet malgré tout de progresser dans le cursus scolaire (105). En outre, l’obsession de la note et du classement ne constitue pas, de toute évidence, une garantie d’efficacité de notre système d’enseignement. Elle n’empêche pas notre pays de disposer d’une faible élite en mathématiques – l’enquête 2006 de PISA montre ainsi que le pourcentage d’élèves français de 15 ans situés au niveau 5 de compétences est de 9,9 %, contre plus de 20 % en Finlande, en Suisse, en Belgique et aux Pays-Bas – et ses universités d’être mal classées par l’université Jiao-tong de Shanghai, aussi contestable soit la méthodologie utilisée par cet établissement (l’Université Pierre et Marie Curie, la première qui figure dans le palmarès 2009, occupe la quarantième place).

Alors faut-il supprimer les notes ? La problématique est ancienne, comme le rappelle l’Inspection générale de l’éducation nationale : « La circulaire du 6 janvier 1969, relative aux compositions, notes et classements (premier et second degrés) a marqué une étape importante dans ce domaine : elle supprime les compositions (contrôle sommatif et final), les remplace par des exercices de contrôle plus réguliers (contrôle continu), substitue à la notation chiffrée de 0 à 20 une échelle d’appréciation à 5 niveaux (de A à E ou de 1 à 5). Cette circulaire instaure une véritable rupture avec le système de contrôle précédent : d’une part le classement des élèves et la compétition instaurée au sein de la classe sont contestés comme point d’appui de l’appréciation des connaissances des élèves, d’autre part la primauté de la confrontation à la norme est abandonnée au profit de la prise en compte de la démarche de l’élève. Plus que ses performances finales ce sont les progrès de l’élève que l’on doit repérer » (106).

Que s’est-il passé depuis 1969 ? Rien ou presque. En réalité, le dispositif d’évaluation n’a pas évolué en raison de l’attachement « culturel » des enseignants et de la société, dans son ensemble, au système de la notation, malgré ses effets pervers. Par conséquent, si l’on ne peut espérer, à court terme, son abandon, on devrait toutefois en limiter ses effets négatifs en lui apportant un correctif : le recours à des évaluations davantage fondées sur la confiance. Deux méthodes complémentaires pourraient être utilisées à cet effet :

– la première repose sur des contrôles donnant lieu à une notation chiffrée, mais intégrés à un système d’« évaluation par contrat de confiance » selon les modalités préconisées par M. André Antibi, le président du Mouvement contre la constante macabre. Ainsi, une semaine avant chaque contrôle de connaissances, le professeur distribue aux élèves une liste substantielle – pour éviter le « par cœur » – de points (cours ou exercices), déjà traités, en précisant que les quatre-cinquièmes de l’épreuve portent sur certains points de cette liste. Deux ou trois jours avant l’épreuve, l’enseignant organise une séance de questions-réponses au cours de laquelle les élèves peuvent demander des explications sur certains points de la liste. Avec ce système, les notes augmentent, en moyenne, de deux ou trois points, certains élèves obtiennent des sauts de note spectaculaires et ceux en réelle situation d’échec scolaire, qui ne doivent pas être confondus avec ceux artificiellement sacrifiés pour les besoins de la « constante macabre », sont clairement identifiés. Des mesures de remédiations – d’autant plus efficaces qu’elles sont ciblées – peuvent alors leur être proposées (107;

– la seconde méthode consiste à développer, chez les élèves, les compétences d’évaluation entre eux ou d’autoévaluation. Cet objectif, qui est l’un des plus difficiles de l’évaluation dite formative, vise à faire en sorte que les élèves soient capables d’évaluer et de réviser leur travail. Ainsi que le souligne un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques consacré à cette forme d’évaluation, les professeurs qui recourent à cette méthode espèrent que les élèves seront capables « de déterminer par eux-mêmes ce qui manque à leur travail et ce qu’ils doivent faire ensuite, et de prendre la responsabilité de poursuivre jusqu’au bout les étapes suivantes » (108). Ces formes d’évaluation sont tout à fait à la portée des classes du collège, ainsi que le montrent les exemples – un français et un étranger – mentionnés ci-dessous.

Évaluation entre pairs et auto-évaluation

Académie de Versailles, collège éducation prioritaire

La professeure distribue en fin de séance une liste claire (traduite des instructions officielles en termes compréhensibles pour les élèves) des savoirs et savoir-faire attendus des élèves. Lors des séances expérimentales, les élèves apprennent à s’auto-évaluer avec l’aide de la professeure : ils disposent d’une feuille de suivi qui indique clairement les compétences qui doivent être acquises ; les élèves disposent, à côté du protocole, d’un tableau à 2 colonnes (bonhomme souriant/grimaçant ou acquis/non acquis) dans lequel ils inscrivent, avec la professeure, le niveau atteint. De même lors des séances de cours, dans lesquelles ont lieu des évaluations formatives. Les élèves ont alors à leur disposition un classeur au fond de la salle de classe, où sont disposés des exercices de remédiation classés par compétence/savoir, destinés à travailler tel point particulier. Progressivement, au cours de l’année, les élèves prennent l’habitude d’aller d’eux-mêmes emprunter le classeur pour approfondir la notion qui pose problème. Lors des évaluations sommatives qui suivent, la professeure évalue le taux de réussite par compétence, sans nécessairement procéder par compensation d’un item à l’autre : les progrès constatés dans l’acquisition d’une compétence, après qu’elle a été identifiée comme non acquise lors des évaluations formatives, sont très nets.

En Finlande

À l’école Meilhati, les enseignants ont conçu un formulaire d’auto-évaluation (que les élèves complètent à la fin de chaque trimestre, quatre fois par an) après l’instauration de l’obligation nationale faite aux établissements de privilégier le processus de développement individuel des élèves. Les enseignants mettent des appréciations (par exemple, B = bien, M. = moyen, P = essais et pratiques nécessaires). En classe, les élèves et les professeurs remplissent un petit questionnaire sur leurs habitudes d’étude. En année 7 [13 ans], le questionnaire concerne leurs habitudes d’étude et leur bien-être à l’école et en classe ; en année 8, leurs habitudes d’étude et leur comportement et en année 9, leurs habitudes d’étude et leur attitude envers l’apprentissage. D’après les enseignants, les élèves s’auto-évaluent très bien. Ces évaluations sont communiquées aux parents qui peuvent les commenter.

À l’école Tikkakoski, les enseignants ont eux aussi mis au point un système d’auto-évaluation des élèves reposant sur des bulletins établis à la fin de chacune des cinq périodes de sept semaines formant l’année scolaire. Les élèves déterminent la note qu’ils attendant dans chaque matière, évaluent leurs habitudes d’étude et leurs progrès, ces concepts étant expliqués au verso du bulletin. Ils sont ensuite notés par leur professeur. En cas d’écart de deux points ou plus, l’enseignant et l’élève discutent ; mais en grande majorité, la note que les élèves se donnent et celle de leur professeur sont très proches (sans doute les feedbacks fréquents en classe aident-ils les élèves à s’évaluer).

Source : Extraits de « La contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances », rapport n° 2006-076 de l’Inspection générale de l’éducation nationale et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, octobre 2006, et de « L’évaluation formative. Pour un meilleur apprentissage dans les classes secondaires », OCDE, 2005.

2. Un livret de compétences numérique assurant un suivi personnalisé des élèves du cours préparatoire à la Troisième

La notation traditionnelle, fonctionnant comme un bilan et une sanction, qui contrôle le niveau de connaissances atteint à un instant donné, doit être complétée par une autre forme d’évaluation, qui accompagne l’apprentissage pour en repérer la progression. Le livret personnel de compétences, prévu à l’article D. 311-6 du code de l’éducation, permet une telle évaluation.

On rappellera que ce livret ne mentionne, aujourd’hui, la validation du socle commun que pour chacun des trois paliers d’acquisition, correspondant respectivement à la fin du cycle des apprentissages fondamentaux (CE1), de l’école primaire (CM2) et de la Troisième ou de la scolarité obligatoire. Il est renseigné, à l’école élémentaire, par les enseignants du cycle réunis en conseil des maîtres du cycle et, au collège ou au lycée, par le professeur référent. Il faut aller plus loin pour transformer, à terme, le livret en outil de validation « en continu » des sept compétences du socle commun de l’école élémentaire à la Troisième (ou à la fin de la scolarité obligatoire).

Plutôt que de s’appuyer exclusivement sur les paliers d’acquisition, qui tendent à faire du livret une sorte de contrôle en trois temps, il serait plus judicieux d’utiliser cet outil comme un « journal de bord » permettant de connaître, avec précision, année après année, jusqu’en fin de collège (ou de scolarité obligatoire), où en est l’élève dans l’acquisition des compétences du socle commun, qui aiderait ainsi les enseignants à concevoir une progression des apprentissages adaptée. C’est pourquoi il pourrait être utilisé sous une forme numérique pour que les enseignants du primaire, comme du collège, puissent le consulter à tout moment, et à distance, pour « voir » où en sont leurs élèves, connaître « l’historique » de leurs acquis et concevoir les dispositifs pédagogiques destinés à combler les lacunes constatées.

Contrairement aux apparences, cet outil dématérialisé n’est pas « futuriste » : il a déjà été développé dans certaines académies, pour certaines disciplines et certaines classes, et donne entière satisfaction.

● Un outil de validation en continu pour assurer la continuité et la progressivité des apprentissages

Les avantages d’un dispositif d’évaluation en continu sont évidents. Ainsi, dans l’académie de Besançon, un livret dématérialisé est expérimenté dans le domaine des langues vivantes, y compris le français. Il permet d’indiquer, par exemple, aux professeurs d’anglais de Sixième si leurs élèves ont acquis ou non, en CM2, le niveau de maîtrise requis. Ces enseignants connaissent donc le profil de leurs élèves, qui ne perdent pas de temps à découvrir, pendant les premières semaines de cours, le niveau d’anglais des trente élèves dont ils ont la charge. Ils savent alors très précisément ce qu’il leur reste à enseigner aux élèves qui n’ont pas atteint le niveau exigé et les exercices et cours qu’ils ne doivent pas répéter, ceux-ci ayant été effectués dans le primaire. Pour le recteur de l’académie de Besançon, Mme Marie-Jeanne Philippe, cet outil doit, à terme, englober chacune des années comprises entre le Cours préparatoire et la Troisième et couvrir les sept compétences du socle. En outre, pour respecter l’esprit transdisciplinaire du socle, Mme Marie-Jeanne Philippe considère qu’à l’avenir, chaque acquis devra être validé par l’ensemble des professeurs (109).

Dans l’académie de Versailles, le collège Olivier de Serres, à la tête du réseau « ambition réussite » de l’éducation prioritaire qui l’associe aux trois écoles primaires voisines, met en œuvre un livret numérique « liaison école-collège » pour la maîtrise de la langue française et la sous-compétence « Écrire ». Il permet une continuité des apprentissages du français du CE2 à la Sixième, comme l’indique le tableau ci-après.

Ainsi, dans ce document, sous chaque trimestre (1, 2 et 3) de chaque classe (CM1, CM2, etc. jusqu’à la Sixième), les différentes connaissances et compétences travaillées sont précisées. Celles indiquées en italiques (par exemple, « Copier sans erreur un texte etc. ») sont communes au cycle 3 du primaire (soit les classes de CE2, de CM1 et de CM2) et à la Sixième ; celles en gras sont spécifiques à la Sixième et celles en romain sont spécifiques au cycle 3. Les cases grisées représentent le trimestre pendant lequel on se propose de travailler la compétence.

Ce collège a également mis au point, pour la classe de Quatrième, un livret de compétences transversales sur le pilier 1 (« La maîtrise de la langue »), englobant la lecture, l’écriture et l’oral. Il concerne tous les élèves de ce niveau et permet à l’ensemble des professeurs qui y enseignent d’intégrer, dans leurs contrôles disciplinaires, ces compétences transversales. Ainsi, le contrôle de musique permet d’évaluer aussi la capacité d’un élève à écrire lisiblement et soigneusement, à résumer un texte, à décrire un environnement sonore et visuel, à connaître et identifier des genres musicaux, à avoir conscience que les œuvres participent d’une époque, etc. Pour les enseignants rencontrés dans cet établissement, cet outil leur est doublement utile : il leur permet de se familiariser avec la notion de validation de compétences et de réfléchir – et de se positionner – sur la quantité de réussite requise dans une discipline particulière pour certifier une compétence.

Exemple de livret numérique de liaison école – collège pour la maîtrise de la langue française

LA MAÎTRISE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Progressions

Attestation de maîtrise des connaissances et compétences au CE1 et au CM2

Progression

Attestation de maîtrise des connaissances et compétences en 6ème

ÉCRIRE/Écriture

CE2

CM1

CM2

PALIER 2
CM2

OUI

NON

6ème

Fin de 6ème

OUI

NON

Connaissances et compétences

1

2

3

1

2

3

1

2

3

1

2

3

Écriture

Copier sans erreur (formation des lettres, orthographe, ponctuation) un texte de cinq à dix lignes en soignant la présentation

                 

Copier sans erreur un texte d’au moins quinze lignes en lui donnant une présentation adaptée

               

En particulier, copier avec soin, en respectant la mise en page, un texte en prose ou poème appris en récitation

                       

Copier sans erreur un texte d’une dizaine de lignes, en respectant la mise en page s’il y a lieu

                       

Copier sans erreur un texte d’au moins quinze lignes en lui donnant une présentation adaptée

                       

Respecter les consignes

                                   

Rédaction

Savoir amplifier une phrase en ajoutant des mots : en coordonnant par et un nom à un autre, un verbe à un autre

                 

Utiliser ses connaissances pour réfléchir sur un texte, mieux l’écrire

               

Savoir amplifier une phrase simple par l’ajout d’éléments coordonnés (et, ni, ou, mais, entre des mots ou des phrases simples ; car, donc entre des phrases simples) d’adverbes, de compléments circonstanciels et par l’enrichissement des groupes nominaux.

                       

Améliorer (corriger et enrichir) un texte en fonction des remarques et aides du maître

                       

Source : Livret numérique du Collège Olivier de Serres de Viry-Châtillon.

● Les défis à relever

L’institution d’un livret de compétences numérique implique de relever quatre défis :

1° Premier défi : quel « modèle » de livret personnel de compétences numérique utiliser quand celui-ci n’a pas été formalisé par le ministère de l’éducation nationale ? Faut-il définir une norme nationale alors que les expérimentations en cours de livrets numériques ne sont menées que dans certaines académies et ne couvrent que quelques disciplines et niveaux de l’école primaire et du collège ? Il est clair qu’à terme un modèle national devra être conçu, mais il faudra, dans un premier temps, laisser faire le « terrain » dès lors que l’on admet que ce livret doit servir, d’abord et avant tout, d’outil de repérage des compétences acquises et à acquérir par les élèves de tel ou tel établissement. Plus le livret sera adapté au profil des élèves qui fréquentent un établissement ou les établissements d’une académie, meilleur sera leur suivi. De fait, c’est l’objectif poursuivi par le livret – amener les élèves à la maîtrise du socle commun à la fin de la scolarité obligatoire – qui importe, à charge ensuite pour chaque établissement de construire, dans le détail, son propre livret dès lors que celui-ci permet de certifier les compétences du socle commun, après avoir reçu, bien entendu, le feu vert de son académie.

La conception des livrets numériques ne saurait être toutefois un travail solitaire. En attendant la publication d’un modèle national (110) et afin d’assurer la diffusion des meilleurs outils d’évaluation actuellement disponibles, le ministère de l’éducation nationale devrait mettre en ligne l’ensemble des livrets en cours d’expérimentation, émettre des recommandations de « bonnes pratiques » sur les principes à respecter et valider, une fois qu’ils ont été finalisés, les livrets utilisés au sein des académies ;

2° Deuxième défi : ce qui fera la valeur et l’utilité d’un livret de compétences numérique, c’est sa précision et sa cohérence dans la gradation du niveau d’exigence et d’acquisition de chacune des compétences, à chaque étape du cursus, pour qu’à la fin de la scolarité obligatoire, chaque élève maîtrise les savoirs et les savoir-faire exigés par le socle commun. Ces outils ne pourront donc fonctionner que s’ils répondent clairement à la question – fondamentale pour le chef de service de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, M. Thierry Bossard (111)–, du niveau de compensation et de sous-compensation accepté pour valider une compétence. Le Collège expérimental Clisthène de Bordeaux y a répondu, de son côté, en mettant en place un « tableau de couverture du socle » qui lui permet de s’assurer que chaque moment de la scolarité, dans chaque discipline, permet de valider les sept compétences du socle commun. Le coordonnateur de cet établissement, M. Pierre-Jean Marty, a ajouté qu’il faut faire confiance aux établissements pour valider intelligemment le livret de compétences. En effet, sur les 269 établissements ayant expérimenté la tenue du livret de compétences en 2007-2008, le ministère de l’éducation nationale indique que 85 % des réponses ont montré une harmonisation des méthodes de validation sans échange entre eux. Le ministère retient ainsi qu’une sous-compétence n’est pas acquise si tous les items ne sont pas validés, mais qu’on peut considérer acquise une compétence si certaines sous-compétences ne sont pas validées à condition que certains items des sous-compétences soient validés(112).

3° Le troisième défi consiste à ne pas transformer le livret de compétences en un outil purement informatique, qui ne serait « lisible » que pour les enseignants. Le livret doit en effet avoir du sens pour l’élève – et pour sa famille. Il est donc essentiel que sa validation progressive s’accompagne de petits « rites de passage », destinés à féliciter l’élève pour ses progrès. L’importance de ce type de récompenses a été soulignée par le directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer : il faut en effet inventer un système de prix ou de certificats qui accompagne la validation du livret et qui récompense, publiquement, les élèves, car ces éléments de rituels républicains sont des facteurs de motivation et d’intégration. D’ailleurs, selon le directeur général, l’oubli par l’École française de l’importance symbolique de ces rites de passage explique, en partie, pourquoi ceux-ci ont été « captés » par les bandes violentes (113;

4° Le quatrième défi est celui de l’articulation du livret personnel de compétences avec le livret de compétences dont l’expérimentation est prévue jusqu’au 31 décembre 2012 par la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. Ce dernier livret doit permettre d’enregistrer – et ainsi de valoriser – l’ensemble des compétences acquises par les élèves des premier et second degrés dans le cadre scolaire et extra-scolaire. Mis en place à titre expérimental dans 200 établissements volontaires, pour être testé sur le terrain de septembre 2010 à juin 2012, le livret, dont la tenue est sous la responsabilité de l’éducation nationale, doit permettre à des acteurs extérieurs à l’institution scolaire – en particulier les associations de la jeunesse et de l’éducation populaire – d’apporter leur point de vue sur les compétences d’un jeune. Ainsi que l’a souligné le haut commissaire à la jeunesse M. Martin Hirsch, il faut sortir d’une approche purement scolaire qui ne cesse de dire à un jeune qu’il est nul alors qu’un tel discours prouve que c’est le système qui est nul (114). La circulaire relative à l’expérimentation de ce livret de compétences précise qu’au collège, il devra distinguer clairement les outils de la validation du socle commun et les nouveaux outils validant les compétences hors des apprentissages scolaires (115). À terme, le livret de compétences de la loi du 24 novembre 2009 pourrait être « fondu » dans la partie du livret personnel de compétences de l’Éducation nationale consacrée aux compétences sociales et civiques et à l’esprit d’initiative et d’autonomie (respectivement les compétences 6 et 7 du socle commun).

3. Une attestation de maîtrise du socle commun simplifiée et valant brevet

Il faut être logique. Soit on considère que l’attribution du diplôme national du brevet doit reposer sur la certification des compétences acquises – et dans ce cas on abandonne ce « brevet baroque », présenté dans la première partie du présent rapport, qui combine évaluation traditionnelle et validation du socle. Soit on juge que notre système éducatif n’est pas mûr pour un tel dispositif de certification – auquel cas l’attestation de maîtrise du socle commun doit être supprimée afin de ne pas être prise en compte pour l’attribution du brevet.

En réalité, si l’on prend au sérieux le socle commun, seule la première option est envisageable. Le brevet tel qu’il existe actuellement doit être supprimé. C’est l’attestation de maîtrise des connaissances et des compétences du socle qui doit valoir diplôme national du brevet, ce qui doit conduire à refondre les épreuves terminales actuelles et à ne plus prendre en compte, pour son obtention, les notes du contrôle continu.

Cette proposition répond à deux impératifs :

– les finalités respectives du livret personnel de compétences et de l’attestation de maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun doivent être clairement distinguées, ces deux volets de l’évaluation ne devant pas se compenser. Le livret personnel de compétences permet de valider l’acquisition du socle, mais il le fait tout au long de la scolarité obligatoire, en ayant comme objectif la maîtrise complète de chacune des sept compétences en fin de Troisième. Il ne peut donc se substituer au diplôme national du brevet, car il ne fonctionne pas selon une logique d’examen final. Le livret est, rappelons-le, un instrument de validation en continu des acquis des élèves du cours préparatoire à la Troisième (ou à la fin de la scolarité obligatoire), utilisé pour accompagner ces derniers dans leur apprentissage, progressif, des compétences du socle ;

– un examen final doit être conservé en Troisième, car il faut garder, en fin de collège, un « rite de passage ». Cet examen doit déboucher sur une attestation de maîtrise des compétences du socle très différente du document actuel. Avec sa centaine d’items et ses multiples sous-compétences, ce dernier document est en effet trop touffu et s’avère décourageant pour les enseignants. S’il faut être, avec M. Philippe Joutard, historien, indulgent envers l’attestation actuelle, sa conception ayant certainement demandé beaucoup d’efforts de la part du ministère, il faut bien admettre qu’elle n’est pas au point. L’attestation doit donc être simplifiée et délivrée aux élèves ayant accompli avec succès quelques exercices d’évaluation « simples et clairs », reposant notamment sur des mises en situation réelle, sur le mode des épreuves du baccalauréat professionnel (116). Concevoir de tels exercices n’étant pas facile – si en anglais, par exemple, on peut demander à un élève de simuler une conversation téléphonique, il faudra faire preuve de davantage d’imagination pour proposer des épreuves pertinentes d’évaluation de la culture humaniste –, le diplôme national du brevet, délivré selon les modalités proposées, n’entrerait en vigueur qu’à la session 2012, afin de donner au ministère le temps nécessaire pour mettre au point des modèles satisfaisants. Enfin, pour assurer les conditions d’égalité entre les candidats, ceux-ci pourraient effectuer les exercices de l’attestation dans des établissements autres que ceux où ils ont suivi leur scolarité, mais géographiquement proches.

C. DES PROGRAMMES MIEUX ARTICULÉS AU SOCLE COMMUN ET UNE PÉDAGOGIE RÉELLEMENT DIFFÉRENCIÉE

L’appropriation du socle commun par les enseignants implique qu’il soit mieux pris en compte par les programmes, les cycles d’apprentissages et les pratiques pédagogiques.

1. Des programmes plus conformes à l’esprit du socle et interdisciplinaires

Ainsi que cela a déjà été indiqué dans la première partie du présent rapport, la prise en compte du socle commun par les programmes du collège est inégale selon les disciplines. Une telle situation constitue un sérieux obstacle à l’appropriation du socle : en effet, si les programmes ne sont pas en phase avec le socle, les professeurs de collège éprouveront les plus grandes difficultés à enseigner des compétences et à les évaluer.

Aussi un effort doit-il être fait par le ministère de l’éducation nationale afin que les programmes fassent plus clairement référence aux savoirs et savoir-faire reconnus par le socle commun.

Par ailleurs, le socle commun privilégiant une approche interdisciplinaire de l’enseignement, il serait souhaitable, qu’à l’image des programmes des disciplines scientifiques enseignées au collège (mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la terre et technologie), ceux de lettres, de langues vivantes étrangères et d’histoire-géographie-éducation civique mettent en avant quelques thèmes de convergence auxquels contribuerait chacune de ces matières. À terme, il faudrait encourager un enseignement « intégré » des disciplines scientifiques, d’une part, et des disciplines dites culturelles, d’autre part. Pour les sciences et la technologie, on observera qu’un tel enseignement est, depuis 2006, expérimenté dans les classes de Sixième et de Cinquième de cinquante collèges, avec l’appui de l’Académie des sciences et de l’Académie des technologies. Cet enseignement est assuré par trois professeurs (sciences de la vie et de la terre ou SVT, physique-chimie et technologie), prenant en charge deux classes qu’ils partagent en trois groupes de vingt élèves pendant une année. Ainsi, du point de vue des élèves, en classe de Sixième, au lieu d’avoir 1 h 30 de SVT et 1 h 30 de technologie, ils ont 3 h 30 de « science et technologie » par semaine. Du point de vue des enseignants, au lieu d’avoir 1 h 30 par classe pour les SVT ou la technologie (et rien pour l’enseignant de physique-chimie), ils ont 3 h 30 avec un seul et même groupe pendant toute l’année. De plus, les enseignants disposent d’une heure de concertation fixée dans leurs emplois du temps. Ce dispositif fonctionne également en Cinquième sur le même principe, avec 4 h 30 de science et technologie par semaine et par groupe. Selon M. Thierry Bossard, le chef de service de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, cette expérience pourrait préfigurer une évolution des enseignements au collège, les disciplines s’organisant entre un « pôle scientifique » et un « pôle humanités » (117).

Tout un outillage d’ingénierie didactique et pédagogique devrait être également élaboré pour aider les enseignants à se concentrer, dans les programmes, sur ce qui est réellement indispensable. Observant que les enseignants « éparpillent » parfois leurs efforts sur des apprentissages qui sont inégalement opérationnels, le recteur de l’Académie de Versailles, M. Alain Boissinot, a estimé devant la mission qu’en dissociant, dans les programmes, ce qui est essentiel de ce qui l’est moins, davantage de temps pourrait être consacré au « noyau dur » des élèves en difficulté – les 15 % qui arrivent en fin de collège sans maîtriser aucune des compétences générales attendues (118).

Enfin, la notion de cycle devrait être davantage assimilée par les programmes du collège – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui selon le président du Haut conseil de l’éducation, M. Bruno Racine (119). Les programmes du collège restent annuels alors que ce niveau d’enseignement est structuré, comme le primaire, en cycles : la Sixième constitue, à elle seule, le cycle d’adaptation, la Troisième et la Quatrième, le cycle central et, enfin, la Troisième le cycle d’observation. Or la raison d’être des cycles, c’est de rendre possible la différentiation des rythmes d’apprentissage des élèves. Les cycles permettant ainsi de jouer sur la progressivité de l’acquisition des connaissances et des compétences, ils doivent devenir une réalité au collège et dans les programmes de ce niveau d’enseignement – une recommandation que le Haut conseil de l’éducation a déjà faite s’agissant des cycles de l’école primaire dans son rapport annuel de 2007.

2. Un cycle adossant la Sixième au primaire

L’une des raisons des échecs importants constatés en Sixième, l’année de l’enseignement secondaire la plus redoublée, avec un taux de redoublement de 5 % en 2008, après la Seconde générale et technologique (taux de 11,5 %), réside, ainsi que cela a déjà été souligné dans la première partie du présent rapport, dans la rupture que cette année marque pour l’élève, ce dernier passant d’un professeur polyvalent à neuf professeurs « disciplinaires ».

Dans la lignée des recommandations du rapport « Thélot » (120), rappelées par l’historien M. Claude Lelièvre devant la mission, on pourrait concevoir, afin de permettre une plus grande continuité des apprentissages – et ainsi une plus grande souplesse dans les parcours des élèves –, un cycle de quatre classes « à cheval » sur l’école primaire et le collège, allant du CE2 à la Sixième (121). Cette mesure devrait être complétée par une autre, détaillée plus loin, et relative aux échanges de service entre enseignants du primaire et du secondaire. Les deux autres cycles du collège resteraient inchangés : le cycle central, organisé sur deux ans (Cinquième et Quatrième), qui concrétise, comme au primaire, le caractère progressif des apprentissages, et le cycle d’orientation, correspondant à la Troisième, la spécificité de cette année charnière et de validation de la maîtrise du socle commun constituant une évidence.

3. Une pédagogie différenciée au service de tous les élèves

Alors qu’au collège la pédagogie différenciée se traduit, comme on l’a vu dans la première partie du présent rapport, par le recours à des structures séparant les élèves en difficulté des autres, le socle commun implique de prendre en charge autrement leurs besoins. En effet, la mise en œuvre du socle va « profondément » de pair avec celle de formes de pédagogie variées, pratiquées au sein de la classe, selon M. François Perret, le doyen de l’Inspection générale de l’éducation nationale. Mais ce dernier a également estimé que cette nouvelle approche de l’enseignement, bien qu’elle soit conforme à l’esprit du socle, ne se mettra pas en place facilement compte tenu de la tradition française « d’isolement » des élèves en difficulté (122).

● Des parcours d’apprentissage variés au sein de la classe

Différencier la pédagogie, ce n’est pas faire de la classe une collection de cours particuliers. Ainsi que le rappelle le Président du Haut conseil de l’éducation, M. Bruno Racine, pour chaque enseignant il ne s’agit pas de se rendre disponible pour chaque élève individuellement, exigence impossible à satisfaire, mais d’abord de savoir identifier les difficultés et de savoir les faire surmonter (123).

Or l’une des compétences professionnelles des enseignants exigées par le Cahier des charges de la formation des maîtres en institut universitaire de formation des maîtres, tel qu’il est défini par l’arrêté du 19 décembre 2006, consiste, précisément, à « prendre en compte la diversité des élèves » (124). Ce texte précise que le professeur « sait différencier son enseignement en fonction des besoins et des facultés des élèves, afin que chaque élève progresse. Il prend en compte les différents rythmes d’apprentissage, accompagne chaque élève, y compris les élèves à besoins particuliers (…) ». En ce qui concerne les capacités que recouvre cette compétence, le professeur est capable « de déterminer, à partir des besoins identifiés, les étapes nécessaires à l’acquisition progressive des savoirs et des savoir-faire prescrits, de mettre en œuvre les dispositifs pédagogiques visant à adapter la progression à la diversité des élèves (pédagogie différenciée, programme personnalisé de réussite éducative) ». Par ailleurs, la compétence professionnelle « Concevoir et mettre en œuvre son enseignement » implique, comme capacité, le fait de pouvoir « raisonner en termes de compétences, c’est-à-dire de déterminer les étapes nécessaires à l’acquisition progressive des connaissances, des capacités et des attitudes prescrites à partir des acquis et des besoins identifiés en mettant en œuvre une progression et une programmation sur l’année et sur le cycle [et] une progression différenciée selon les niveaux des élèves (…) ».

Ainsi, « Prendre en compte », ce n’est pas simplement prendre acte, mais mettre en place une différenciation de la pédagogie à l’intérieur même de la classe. Pour Mme Brigitte Chevalier, chercheur en sciences de la communication, les « styles » d’apprentissage variés des élèves – ceux en difficulté peuvent être classés en trois catégories selon qu’ils ont plus besoin, pour apprendre, d’entendre (élèves « paroliers »), de regarder ou de s’exercer – imposent de recourir à des stratégies d’apprentissage variées : « Par exemple, je leur dis et je leur montre, avec une figure : je double le langage, en accompagnant la parole du geste » (125). Selon M. Bruno Racine, « au minimum, l’enseignant va être amené à varier les dispositifs : supports, outils, questions posées, aide… ; il va élargir la palette de ce qui est proposé à tous les élèves, faire varier successivement les outils, les approches, les activités pour que chaque élève trouve ce qui lui convient le mieux » (126).

La différenciation doit être également fondée sur l’anticipation, c’est-à-dire sur la détection, le plus en amont possible, des difficultés d’un élève pour éviter que celles-ci ne s’aggravent en classe entière. De telles stratégies sont d’ores et déjà mises en œuvre pour prévenir le recours aux dispositifs de remédiation, qui interviennent toujours « après » que la difficulté a été constatée. Les représentants de l’Institut national de recherche pédagogique ont cité, à titre d’exemple, un dispositif en cours d’expérimentation dans l’académie de Rennes, qui semble donner toutefois des résultats plus satisfaisants dans le premier degré car, au collège, le nombre d’enseignants plus élevé implique un travail de coordination des emplois du temps plus difficile. Les évaluations diagnostiques menées (en français et en mathématiques) dans ce cadre ont pour objet d’aménager au profit des élèves dont les acquis sont fragiles, avant les cours, des séquences de sensibilisation aux difficultés constatées pendant lesquelles ils reçoivent un enseignement ou des conseils méthodologiques adaptés, qui visent à les « armer » pour le cours et les exercices en classe (127).

● Un recours encadré aux groupes de compétences

Regroupant les élèves en fonction de leurs acquis et de leurs besoins, les groupes de compétences n’ont pas toujours bonne réputation. Il est certain que s’ils se transformaient en structures rigides, ils pourraient déboucher sur la constitution de « classes socle commun », séparant les élèves en difficulté des autres et recréant ainsi un collège à filières.

Or de tels groupes ne devraient pas avoir vocation à « s’enkyster ». En effet, leur seule ambition devrait être de rassembler des élèves pour qu’ils puissent travailler, temporairement, sur des tâches précises, jusqu’à ce qu’elles soient assimilées. Si, donc, leur objet et leur périmètre étaient strictement définis, ces regroupements pourraient avoir une réelle valeur ajoutée pédagogique.

À titre d’exemple, au collège Olivier de Serres de Viry-Châtillon, classé « ambition réussite », le recours au travail en compétences en mathématiques en Sixième est organisé sur le fondement d’une évaluation conduite en début d’année, en classe entière, après quelques cours et exercices. Pendant la phase de cours et d’exercices, l’élève est invité, à chaque début de chapitre du cahier de cours de mathématiques, à coller sur le un tableau récapitulatif des compétences à acquérir. Lors de l’évaluation, l’élève est classé en fonction de quatre niveaux d’acquisition, construits en cohérence avec le livret de compétences utilisé dans le primaire : « Non acquis » (entre 0 % et 25 % de réussite), « En cours d’acquisition – » (entre 26 % et 50 %), « En cours d’acquisition + » (entre 51 % et 75 %) et « Acquis » (entre 76 % et 100 %). À la suite de cette évaluation, les élèves en difficulté sont regroupés sur la même compétence. Une heure par semaine, le groupe de compétences travaille dessus, sous la direction de deux professeurs de mathématiques et de deux professeurs d’appui, ces derniers, spécialisés dans la méthodologie, ne travaillant que dans les collèges des réseaux « ambition réussite ». Après cette phase, il est procédé à une deuxième évaluation des compétences, au sein du groupe.

D’après les enseignants de ce collège, cette approche a un triple bénéfice :

– les élèves et les enseignants se sentent plus « concernés » par les enjeux de l’apprentissage de la compétence ;

– les groupes de compétences « créent une dynamique nouvelle pour les élèves », qui les stimule et permet d’établir une proximité plus grande avec les enseignants ;

– l’étude du programme est mieux adaptée à chacun.

Au total, selon une enseignante de mathématiques de ce collège, « Nos élèves sont moins perdus ».

Une approche complémentaire consisterait à recourir aux « groupes de niveau-matière » proposés par M. Louis Legrand, un ancien directeur de l’Institut national de recherche pédagogique, dans son rapport sur le collège (128). M. Claude Lelièvre, historien, estime ainsi que ces groupes pourraient être repris, mais avec deux infléchissements : d’abord, ils feraient référence non plus aux « matières », mais aux « grandes compétences » (ce qui ne se recouvre pas et devrait être défini avec précision et de façon opérationnelle ) ; ensuite, le « niveau » à la base du regroupement devrait être conçu de façon « souple », plusieurs travaux ayant montré qu’une hétérogénéité relative et maîtrisée était favorable à une émulation positive dans les apprentissages (129).

● Un accompagnement éducatif au service du socle commun

Mis en place à la rentrée 2007 dans les collèges de l’éducation prioritaire, l’accompagnement éducatif a été étendu, à la rentrée 2008, à l’ensemble des collèges, ainsi qu’aux écoles élémentaires de l’éducation prioritaire. On rappellera que ce dispositif propose aux élèves volontaires, pendant deux heures en fin de journée, plusieurs activités : l’aide aux devoirs et aux leçons, la pratique orale des langues, la pratique sportive et la pratique artistique et culturelle. La première partie du présent rapport a souligné à quel point son développement dans les collèges a permis de mettre fin à l’absence – trop longue et inexpliquée – d’une aide au travail personnel des élèves dans ce niveau d’enseignement. Aujourd’hui, il faut faire franchir à ce dispositif un nouveau cap, ainsi que l’a suggéré le directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer (130) : l’accompagnement éducatif doit être lié au socle commun. Une telle évolution paraît en effet logique : cette forme de soutien est proposée tant à l’école élémentaire qu’au collège et correspond donc aux niveaux d’enseignement couverts par le socle, tandis que l’aide aux devoirs, tout comme les activités culturelles, sportives ou artistiques, peuvent être facilement rattachées aux différentes compétences du socle. Dans un tel schéma, l’accompagnement éducatif pourrait être formalisé par un contrat signé avec l’élève en difficulté, par exemple en Cinquième, si l’on constate qu’il a commencé à « perdre pied » en arrivant au collège, et dont l’objectif serait de le conduire à maîtriser le socle en fin de Troisième.

D. DES ENSEIGNANTS FORMÉS AU SOCLE COMMUN ET AUX CLASSES HÉTÉROGÈNES

Obligation de résultats fixée à l’École, équilibre à construire entre le socle commun et les programmes, recours à des groupes de compétences, évaluation formative, etc. : on l’aura compris, la mise en œuvre du socle commun implique des évolutions dans la formation des enseignants et les conditions d’exercice de leur métier. En effet, la nouvelle approche de l’enseignement promue par le socle commun ne deviendra une réalité que si les professeurs y sont formés et si leur temps de travail est repensé pour englober toutes les formes d’activités induites par la pédagogie différenciée.

1. Une formation accordant plus de place au socle commun

Le présent rapport n’a pas pour objet de se prononcer sur la réforme en cours du recrutement des enseignants, appelée « mastérisation », celui-ci devant s’effectuer au niveau du diplôme du master, et la réorganisation, qui en découle, des études universitaires conduisant à ce grade. La formation initiale – et continue – ne sera abordée que sous l’angle strict de la place qu’y occupe le socle commun.

Quelles sont, aujourd’hui, les obligations professionnelles des enseignants liées au socle commun ? L’arrêté du 19 décembre 2006 définissant le cahier des charges de la formation des maîtres en institut universitaire de formation des maîtres évoque, à plusieurs reprises, le socle commun. Dans l’introduction, il est indiqué que l’enseignant doit « se familiariser progressivement avec la façon dont [les] connaissances peuvent être transmises aux élèves dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences et des programmes d’enseignement : quels en sont les points essentiels ? Comment les articuler ? ». Dans la section, « Former les maîtres au service public de l’éducation nationale », il est précisé que « la mise en œuvre du cahier des charges de la formation des maîtres s’appuie sur le décret du 11 juillet 2006 définissant le socle commun de connaissances et de compétences », tandis que la section consacrée aux principes de la formation professionnelle prévoit que « tous les professeurs doivent connaître le socle commun de connaissances et de compétences ». Enfin, le cahier des charges énumère les compétences professionnelles des maîtres, au nombre de dix, l’une d’entre elle étant intitulée « Maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale ». Cette compétence comporte plusieurs obligations, en particulier celle qui exige que le professeur connaisse « les composantes du socle commun de connaissances et de compétences, les repères annuels de sa mise en œuvre, ses paliers et ses modalités d’évaluation. Il aide les élèves à acquérir les compétences exigées en veillant à la cohérence de son projet avec celui que portent les autres enseignements ».

Pourquoi ne pas aller plus loin et modifier l’intitulé de cette compétence professionnelle pour qu’elle fasse référence à la maîtrise du socle commun comme à celle des disciplines ? Mettre ainsi à parité les disciplines et le socle commun, c’est mieux affirmer l’importance de ce dernier et marquer clairement le fait qu’il ne sacrifie pas les premières, mais s’y ajoute, pour « donner du sens à la culture scolaire fondamentale, en se plaçant du point de vue de l’élève » (objectif fixé, rappelons-le, par le texte du décret du 11 juillet 2006 relatif au socle commun). Cette reconnaissance symbolique plus affirmée est susceptible de renforcer le poids du socle dans les masters disciplinaires qui prépareront aux concours de recrutement des enseignants. Par ailleurs, il doit être clair que l’obligation de maîtrise des enjeux et des composantes du socle commun vaut pour les professeurs certifiés, comme pour les agrégés. En effet, les enseignants des lycées, qui accueillent d’anciens collégiens, doivent eux aussi connaître « sur le bout des doigts » le socle. Enfin, la maîtrise de cette compétence professionnelle doit mettre l’accent sur l’obligation de résultats imposée au système éducatif, et à ses acteurs que sont les professeurs, par le socle. Les enseignants doivent être pleinement conscients de la finalité de l’instruction obligatoire, qui est de faire acquérir à 100 % d’une classe d’âge, à la fin de ce cursus, les connaissances et les compétences jugées fondamentales par la Nation.

Quant à la formation continue des enseignants, étant donné la faible part qu’y occupe le socle commun – ce point ayant été évoqué dans la première partie du présent rapport –, un effort substantiel doit être fait dans ce domaine pour diffuser, le plus rapidement possible, la culture de l’enseignement et de l’évaluation par compétences. Dans ce but, M. Philippe Joutard, historien, a proposé devant la mission que les plans académiques de formation intègrent impérativement deux ou trois formations transversales au socle, c’est-à-dire dispensées par niveau et non par discipline. La priorité des priorités étant l’expression orale et écrite, elle doit conduire les académies à mettre en place des formations indiquant comment on peut apprendre aux élèves à maîtriser ces compétences fondamentales à travers la totalité des disciplines et des exercices scolaires (131). La formation continue pourrait s’appuyer ainsi sur un « Mode d’emploi du socle », élaboré dans les plus brefs délais par le ministère de l’éducation nationale et illustré par des exemples tirés des pratiques observées dans les écoles et les collèges.

2. Une pratique de l’enseignement inspirée du primaire

Les choix historiques sont réversibles. Ainsi que l’a rappelé M. Antoine Prost, historien, lorsqu’il s’est agi de réorganiser, dans les années d’expansion, le second degré, la demande sociale portait plutôt vers un enseignement de type « primaire supérieur », celui que notre pays avait connu pendant un siècle. Pourtant, le Premier ministre de l’époque, Georges Pompidou, qui n’était pas favorable à l’institution d’un tronc commun pour tous les élèves, y a répondu par un collège à filières, dont la plus noble, celle préparant au lycée général, est ensuite devenue un modèle pour le collège unique (132).

Depuis que la loi du 23 avril 2005 de programme et d’orientation pour l’avenir de l’école a transformé le collège en l’un des maillons de la scolarité obligatoire et que le « continuum », qui va du primaire à la Troisième, a eu pour finalité l’acquisition des compétences jugées essentielles par la Nation, cette conception ne peut plus être défendue. Si le collège ne reste que l’antichambre du lycée général, il continuera d’accumuler des échecs importants. Inverser ce biais « lycée général » qui affecte le collège et conduit nombre de ses élèves à ne pas s’y sentir à leur place implique d’y changer l’enseignement pratiqué. Cela n’ira pas sans rencontrer de fortes résistances de la part du corps enseignant, mais c’est à ce prix que le collège pourra être ambitieux pour tous ses élèves.

● Une pratique de l’enseignement devant évoluer sur trois points

Lorsque la réforme « Haby » a été adoptée en 1975, le ministère de l’éducation nationale s’est vite rendu compte qu’il fallait mobiliser devant les futures classes hétérogènes du collège unique des professeurs aptes à gérer un public scolaire diversifié. Ainsi que le rappelle M. Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’éducation nationale, dès 1977, dans les circulaires, « il est…recommandé, pour que le collège unique réussisse, de faire appel à la fois à des professeurs certifiés spécialisés et à des professeurs bivalents, et de constituer des "équipes de professeurs appartenant à diverses catégories d’enseignants". En un mot, il est demandé de faire appel à "des enseignants ayant une solide expérience pédagogique", c’est-à-dire, notons-le, à des enseignants en mesure d’aider à l’amalgame des publics scolaires autrefois séparés…On ne peut malheureusement que constater qu’on fera radicalement le contraire en mettant en œuvre en 1987-1988 une unification du corps enseignant en collège par un alignement sur les seules compétences des enseignants de lycée, les certifiés, qu’on ne prépare pas assez, tant en formation initiale qu’en formation continue, à la mission d’enseigner au collège à tous les élèves » (133).

Or savoir gérer une classe hétérogène comme dans le primaire, cela s’apprend. C’est ce que M. Antoine Prost, historien, appelle « faire classe », une compétence qui ne dépend pas d’un niveau de recrutement à Bac + 5 ou à Bac + 50, car un professeur des écoles sait – lui – parfaitement travailler avec des élèves de niveaux différents en CM2. En effet, le savoir-faire de l’enseignant du primaire est organisé autour du travail de l’élève, c’est-à-dire de tâches à accomplir dans la classe, en petits groupes. À l’inverse, dans le secondaire, l’enseignement est centré sur le faire cours, qui est en dehors du travail des élèves et interdit la multiplicité des groupes (134).

L’élève idéal de collège – celui qui écouterait en silence la totalité des cours – n’existant pas, la pédagogie différenciée du primaire, qui est, au fond, le nom savant du « faire classe » préconisé par M. Antoine Prost, devrait inspirer la pratique des enseignants du secondaire. Cette préconisation n’est pas utopique, car il s’agit, très simplement, de faire acquérir certains gestes professionnels par les enseignants – gestes en l’absence desquels le socle commun ne serait qu’un slogan creux.

Par ailleurs, la pratique professionnelle des enseignants doit accorder davantage de place au travail interdisciplinaire. Cette recommandation n’impose pas de sacrifier les masters disciplinaires ou le recrutement par discipline. On peut en revanche concevoir que la formation des maîtres organisée à l’université valorise les « champs disciplinaires », par exemple, les sciences et les mathématiques, qui forment une famille relativement cohérente par l’esprit et les méthodes. Pour le Syndicat général de l’éducation nationale-CFDT, la formation des enseignants pourrait même être, au départ, la même pour tous, avant de se spécialiser par le recours à des modules complémentaires disciplinaires (135). Cette formation commune pourrait ainsi avoir lieu en première année de master et accorder une place importante à l’enseignement du « mode d’emploi du socle commun », Il convient également d’inclure dans ce cursus des formations poussées à la psychologie de l’enfance et de l’adolescence, ainsi qu’à la « tenue de classe », sur le modèle des séances proposées par l’académie de Créteil aux enseignants débutants pour les accompagner au moment de leur prise de poste.

Enfin, l’enseignement au collège implique que les maîtres travaillent davantage en équipe. Le socle commun exige, on l’a vu, un travail de coordination exigeant entre les enseignants, en particulier pour renseigner le livret personnel de compétences. Pour faciliter ce travail en équipe, le Collège expérimental Clisthène de Bordeaux utilise un « tableau de couverture du socle », qui définit et répartit précisément les compétences, les sous-compétences, les niveaux de progression et leurs modalités d’évaluation parmi les enseignants (136). Les futurs enseignants et les enseignants en poste pourraient être ainsi initiés à de telles techniques pendant leur formation initiale et continue.

● Une bivalence à réinventer

Le recours à des professeurs bivalents, c’est-à-dire enseignant deux matières différentes, au collège permettrait d’amoindrir la « rupture scolaire » qui survient en Sixième, au moment où les élèves quittent leur professeur des écoles polyvalent pour les enseignants disciplinaires du second degré.

À cet égard, l’histoire de l’enseignement montre que, dans le passé, la séparation étanche entre la culture du premier degré et celle du second degré a pu être contestée au nom de l’efficacité pédagogique. Ainsi, dans l’immédiat après-guerre, le plan Langelin-Wallon a distingué des « maîtres de matières communes » et des « maîtres de spécialités », les deux catégories étant recrutées après la licence. Les premiers enseignent dans le cycle élémentaire et sont polyvalents et les seconds, spécialisés, enseignent dans le cycle de détermination (pour les 15-18 ans). Le plan suggèrait une collaboration des deux catégories d’enseignants dans le cycle d’orientation (pour les 11-15 ans), mais ne fut pas mis en œuvre.

De même, au moment de l’instauration du collège unique en 1975, on a jugé utile, comme l’a souligné M. Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’éducation nationale, de conserver une pluralité d’enseignants à ce niveau de la scolarité, afin de mettre en place des compétences professorales « diversifiées et complémentaires ». On trouvait donc au collège des instituteurs spécialisés, des professeurs bivalents – les professeurs d’enseignement général au collège (PEGC) – et des professeurs spécialisés, les certifiés. Puis, la décision a été prise par René Monory, confirmée ensuite par M. Lionel Jospin, d’arrêter le recrutement des PEGC, afin d’unifier le corps enseignant en collège, en l’alignant sur les professeurs de lycée, c’est-à-dire les certifiés. Cette mesure a certes renforcé le lien du collège avec le lycée mais a coupé un peu plus le collège de l’école primaire, ce qu’on regrette aujourd’hui (137).

Un développement de la bivalence s’impose donc pour faire entrer, dans les faits, le collège unique. Ce ne sera pas facile, même si l’on oublie, parfois à dessein, que la bivalence est largement développée dans le secondaire. Ainsi, plus d’un tiers des sections du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) ont un caractère bivalent (l’histoire et la géographie, les sciences économiques et sociales, les sciences de la vie et de la terre, la physique et la chimie, la physique et l’électricité appliquée). Peut-on aller plus loin cependant ?

On rappellera ici le sort d’une tentative, assez modeste, celle de l’instauration des mentions complémentaires. Afin d’accroître la pratique de la bivalence dans le second degré, un dispositif de mentions complémentaires a été créé en 2006, en lettres, langues et mathématiques. Reposant sur le volontariat, le dispositif des mentions complémentaires aux concours consistait en la possibilité de passer une épreuve écrite (ou orale en langues) dans une autre discipline d’un autre concours que celui dans lequel le candidat s’était inscrit. Les lauréats des concours ayant satisfait à l’épreuve complémentaire recevaient, à l’issue des épreuves d’admission de l’ensemble des sections du CAPES externe pour la session concernée, une attestation leur spécifiant l’obtention de la mention complémentaire dans la discipline dans laquelle ils avaient subi cette épreuve. Pour autant, cette attestation ne permettait pas de dispenser un enseignement dans la discipline concernée. Cela n’était possible qu’à compter de l’entrée en fonction du professeur en qualité de titulaire, à condition que ce dernier ait suivi une formation en institut de formation des maîtres, en complément de celle dont il bénéficiait pour le concours auquel il avait été reçu. À la session de 2007 des concours, ce dispositif de mentions complémentaires a été étendu aux candidats à d’autres sections du concours du CAPES externe, ainsi qu’aux candidats aux concours externes du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique et d’accès au corps des professeurs de lycée professionnel, pour certaines sections de ces concours. À la session 2007, pour 8 636 inscrits, 588 ont été admis à leur concours principal et 21 ont obtenu une mention complémentaire. Mais, à la suite de pressions syndicales, le décret n° 2007-187 du 12 février 2007, qui donnait une base juridique aux mentions complémentaires, a été abrogé par le décret n° 2007-1295 du 31 août 2007, rendant ce dispositif « inactif » aujourd’hui.

Malgré ce précédent, il faut, ainsi que l’a souligné M. Antoine Prost, « réinventer des CAPES bivalents » (138). Intellectuellement, rien n’empêche en effet le professeur de français d’être aussi professeur d’allemand ou d’histoire-géographie ou que le professeur de mathématiques enseigne aussi les sciences. De plus, outre le fait que les élèves de Sixième seraient moins dépaysés s’ils étaient « confrontés » à moins de professeurs dans cette classe, la bivalence s’inscrit dans la philosophie d’un socle commun qui invite à décloisonner les disciplines. Enfin, on rappellera que la bivalence est réglementairement prévue pour les sections d’enseignement général du certificat d’aptitude au professorat de lycée professionnel (CAPLP) en mathématiques-sciences physiques, lettres-histoire et langues vivantes-lettres. On espère que ce dernier argument ne sera pas traité par le mépris qui vise, parfois, les lycées professionnels et leurs professeurs…

Cette politique de relance de la bivalence devrait être complétée par le recours à des « échanges de service » entre les professeurs des écoles enseignant en CM2 et les professeurs certifiés enseignant en Sixième. Un professeur ayant en charge une classe de CM2 pourrait ainsi consacrer quelques heures de ses obligations de service à enseigner en Sixième, une possibilité qui serait ouverte symétriquement à son collègue du secondaire désireux d’enseigner en fin de cours moyen. Plus intéressante que le simple détachement, car celui-ci ne permet aux professeurs que de quitter, pour quelque temps, un niveau d’enseignement pour un autre, cette solution faciliterait l’organisation d’un « dialogue des cultures » au profit des élèves des deux années faisant la jonction entre le primaire et le secondaire. De cette manière, la pratique de l’enseignement différencié propre au primaire pourrait être diffusée, petit à petit, au collège. On observera que 37 % des enseignants en collège de « réseau ambition réussite » (RAR) et 42 % des enseignants de collège hors « RAR », interrogés dans le cadre d’une enquête portant sur 1 200 enseignants du secondaire, déclarent souhaiter avoir une mobilité partielle avec des services partagés (139).

3. Un temps de présence des enseignants accru

Un enseignement et une évaluation par compétences imposent aux professeurs de mener un travail de coordination considérable – tout particulièrement pour ceux affectés dans les écoles et collèges de l’éducation prioritaire. Ainsi, pour les enseignants entendus au Collège Françoise Dolto de Paris (XXe), établissement qui appartient à un réseau de réussite scolaire, le « collège idéal » serait celui qui leur permettrait – tout simplement – de se concerter (140). Dès lors, pourquoi ne pas intégrer dans le service de ces enseignants, qui mènent, au quotidien, une action décisive en faveur de l’égalité des chances, une heure dédiée à cette activité indispensable au bon fonctionnement de leur établissement ? On rappellera que le service des enseignants du second degré est défini exclusivement en heures d’enseignement – 15 heures pour les agrégés et 18 heures pour les certifiés (20 heures pour les professeurs d’éducation physique et sportive, soit 17 heures de cours et 3 heures de sport scolaire dans le cadre des associations sportives d’établissement). L’heure de concertation viendrait donc s’imputer sur ce total et pourrait être qualifiée d’« heure socle commun », car elle serait consacrée à la coordination pédagogique indispensable à la mise en œuvre de cette nouvelle approche de l’enseignement promue par la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.

Ce geste en faveur des enseignants de l’éducation prioritaire pourrait être fait immédiatement. Il devrait précéder une réflexion plus globale sur le temps de travail des enseignants, les services définis uniquement par référence aux heures de cours constituant un anachronisme à l’heure du soutien individualisé et du travail en petits groupes. Le rapport présenté par M. Benoist Apparu sur la réforme du lycée avait ainsi préconisé de conserver une définition hebdomadaire du service des enseignants du secondaire, en y incluant trois heures consacrées à l’accompagnement des élèves (141). Par ailleurs, on rappellera que les obligations de service des professeurs du premier degré sont désormais plus souplement définies, puisque ceux-ci consacrent, d’une part, 24 heures hebdomadaires d’enseignement à tous les élèves, et, d’autre part, 3 heures hebdomadaires, en moyenne annuelle, aux activités consacrées à l’aide personnalisée, aux interventions en groupe restreint, aux travaux en équipes pédagogiques, aux relations avec les parents, à l’animation et aux formations pédagogiques, à la participation aux conseils d’école, etc. (142).

Une piste prometteuse consisterait donc à allonger le temps de présence des enseignants du second degré dans les établissements, en incluant dans leur mission, aux côtés des heures de cours, qui ne seraient pas augmentées, mais diminuées, les tâches liées à la coordination pédagogique, aux travaux en petits groupes, à l’accueil des parents, à l’orientation, aux activités culturelles et artistiques, au tutorat des enseignants débutants, etc. Ce mode d’organisation est d’ores et déjà mis en œuvre en France : à la rentrée 2007, le collège expérimental Clisthène de Bordeaux a inclus les fonctions d’éducation et d’organisation dans le temps de service des professeurs, par le biais d’un « contrat-temps hebdomadaire », se divisant en deux parties, soit 12 heures d’enseignement et 12 heures de tâches éducatives et d’organisation (2 heures 15 de réunion, 4 heures 30 de tutorat, 1 heure annualisée de remplacement ou de formation et un temps d’organisation variable selon les adultes), et impliquant 24 heures de présence par semaine dans l’établissement. De même, ce temps de présence dans l’établissement est la règle dans un nombre significatif de pays européens. Selon le réseau d’information sur l’éducation en Europe Eurydice, qui est piloté par la Commission européenne, « dans quatorze pays la définition du temps de travail a évolué, avec l’ajout, au volume d’heures d’enseignement, d’un nombre précis d’heures ou de jours de présence à l’école pour d’autres activités spécifiques telles que le travail d’équipe, des tâches de gestion, etc. La majorité de ces pays donnent une indication du temps de travail global » (143).

E. DES POLITIQUES DE VIE SCOLAIRE PLUS AMBITIEUSES

La vie scolaire – expression qui doit être comprise ici comme tout ce qui favorise le bien-être de l’élève au cours de sa scolarité – doit être la terre d’élection des mesures expérimentales. Plutôt que de décider depuis la rue Grenelle le moindre détail d’un cadre scolaire et extrascolaire favorisant l’épanouissement des collégiens, il convient en effet de procéder par étapes, en expérimentant, dans plusieurs établissements, des dispositifs innovants avant de les généraliser le cas échéant.

Pour sa part, le haut commissaire à la jeunesse, M. Martin Hirsch, a plaidé en faveur d’une Éducation nationale qui accorde une place plus importante à l’expérimentation. Si un dispositif fonctionne, il faut savoir lui accorder plus de moyens ; si, à l’inverse, il s’avère qu’un dispositif est inefficace, il faut savoir l’abandonner (144). C’est ainsi qu’il faut procéder lorsqu’on se saisit d’une problématique particulière concernant l’École et qu’on ne peut connaître, à l’avance, les résultats de telle ou telle politique publique mise en œuvre pour l’infléchir.

Pour mener à bien des expérimentations dans ces domaines, la bonne méthode consiste donc à demander à des établissements volontaires d’y participer, dans le cadre de projets conçus avec l’expertise de scientifiques, ces derniers se chargeant ensuite d’évaluer de manière rigoureuse les résultats obtenus. Le recours à ces dispositifs est en outre facilité par l’existence du fonds d’expérimentation pour la jeunesse, mis en place par le haut commissaire et doté de 150 millions d’euros pour financer des projets visant à améliorer l’insertion sociale et professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans.

Le champ couvert par ce fonds pourrait donc être élargi pour permettre l’appui de projets innovants concernant la vie scolaire au collège. C’est d’ores et déjà ce qui a été fait dans le cadre de l’expérimentation appelée la « Mallette des parents », financée par le fonds et menée, au cours de l’année 2008-2009, dans des classes de Sixième de 37 collèges de l’académie de Créteil. Les enseignements très positifs qui peuvent en être tirés conduisent à penser que d’autres dispositifs pourraient être utilement expérimentés dans ce cadre.

Avant de présenter quelques propositions en la matière, on évoquera le bilan de cette « Malette des parents », qui a été présenté à la mission par M. Éric Maurin, membre de l’équipe des chercheurs de l’École d’économie de Paris chargés d’évaluer ce dispositif. Sur les 200 classes de Sixième ayant participé à cette expérience, la moitié – les classes « test » – a été tirée au sort, puis les parents volontaires des élèves fréquentant ces classes ont été invités à participer à trois séances d’information/débats animées par le principal de collège et consacrées à l’aide qu’ils pouvaient apporter à leurs enfants et à leurs relations avec l’établissement.

Selon M. Éric Maurin, ce programme d’information, représentant un coût de 1 000 à 1 500 euros par collège (couvrant notamment les frais de relance des invitations à participer aux débats et d’interprétariat pour certains parents d’élèves), a eu trois effets positifs :

– un surcroît d’implication des parents de classes « test » qui ont davantage rencontré les enseignants que ceux des classes « témoin », non tirées au sort (30 % ont pris rendez-vous contre 24 %), ont plus participé aux activités des associations de parents d’élèves (35 % contre 24 %) et ont été moins convoqués (80 % n’ont jamais été convoqués contre 72 %) ;

– une amélioration du comportement des enfants se traduisant par moins d’absentéisme (3,6 demi-journées d’absence non justifiée dans les classes « test » contre 4,3 dans les autres), soit un ordre de grandeur égal aux différences observées entre les enfants de cadres et les autres enfants ;

– un « super résultat », auquel ne s’attendaient pas les chercheurs, à savoir que, dans les classes « test » la baisse de l’absentéisme des élèves est à peine moins marquée parmi les parents non volontaires (– 14 % en moyenne environ) que parmi les volontaires (–18 %). Autrement dit, l’expérimentation a des retombées positives sur l’ensemble de la classe, mettant ainsi en évidence un effet de contamination positive (145).

La « Mallette des parents » ayant été un succès, le haut commissaire à la jeunesse a indiqué que ses services réfléchissaient à une extension de ce dispositif en Sixième et à une nouvelle expérimentation, conduite cette fois en Troisième. L’objectif est de généraliser le dispositif d’implication des parents à l’ensemble des collèges d’ici deux à trois ans (146).

Au vu de ce précédent, d’autres expérimentations devraient être conduites, afin de déterminer la « valeur ajoutée » de dispositifs existants, mais mis en œuvre sur une échelle relativement réduite, ou à inventer. Dans tous les cas de figure, il s’agirait de tester, avant d’envisager leur généralisation, des mesures qui favoriseraient le développement des compétences sociales et civiques de l’élève, ainsi que leur autonomie et leur capacité d’initiative, soit les savoir-faire consacrés par les « piliers » 6 et 7 du socle commun.

En ce qui concerne les compétences sociales et civiques, l’association je.tu.il…met en œuvre, depuis plusieurs années, dans l’académie de Paris, un programme particulièrement intéressant, « Cet autre que moi ». Reposant sur la projection de films et l’organisation de débats, animés par des membres de l’association et un professeur référent, ce programme vise à sensibiliser les élèves de Quatrième à la responsabilité affective et sexuelle, en luttant contre les stéréotypes puissants que les adolescents peuvent véhiculer, parfois malgré eux. Ces rencontres permettent aux adolescents qui y participent de déconstruire la représentation figée, et influencée par certaines images ou médias, qu’ils peuvent avoir d’une fille ou d’un garçon pour « se voir et se connaître tels qu’ils sont et non tels qu’ils s’imaginent être » (147). Une évaluation de l’action menée en 2007-2008 dans 28 collèges parisiens indique que ces adolescents, lorsqu’ils sont interrogés sur les apports des débats, répondent, pour plus des deux tiers d’entre eux, qu’ils ont pu entendre un autre point de vue que le leur. D’après cette étude, « il s’est passé quelque chose dans l’ordre de leurs représentations » et une disposition « à douter, à s’étonner, à s’interroger, en particulier sur les relations amoureuses, sexuelles et violentes, a progressé chez les adolescents rencontrés ». Or semer le doute et le questionnement, c’est faire reculer la culture « de l’évidence ou du "ça va de soi", socle de la violence ordinaire » (148). Dans un contexte marqué par la montée de la violence tant verbale que physique à l’École, des « espaces d’échanges », reposant sur des activités ritualisées et régulées par des adultes, devraient être expérimentés dans plusieurs collèges, pour permettre aux jeunes adolescents de se poser, ensemble, des questions sur leur identité et leur devenir et leur faire bénéficier ainsi d’une « éducation à l’autre », susceptible de développer, chez eux, les facultés d’écoute et de dialogue et le sentiment du respect.

Mériteraient également d’être expérimentées des mesures qui permettraient d’encourager des classes de collèges, sous la direction de leurs enseignants, à mener à bien un projet d’intérêt général à caractère pluridisciplinaire, mettant en jeu leur capacité d’autonomie et d’initiative (la compétence n° 7 du socle commun). Il pourrait s’agir, par exemple, d’une enquête dans le domaine mémoriel, prenant la forme d’un documentaire sur les traces d’un événement historique ayant marqué la ville du collège. La réalisation du projet s’étalerait sur l’année scolaire. À la fin de cette année, le projet serait présenté et pourrait être primé dans le cadre d’un concours national. Mobilisant des supports variés, ces projets qui, ont un coût, pourraient être financés grâce au fonds d’expérimentation pour la jeunesse si un nombre significatif de collèges s’engageaient dans une telle démarche. Si l’on constate que cette expérimentation conduit les élèves et les équipes enseignantes à rivaliser d’imagination pour monter de tels projets, on pourrait alors prévoir que chaque collège dispose, dans l’enveloppe des moyens qui lui est attribuée par l’académie, d’un petit budget pouvant financer de telles initiatives. Ces « fonds pour l’autonomie et l’initiative au collège » seraient financés par l’Éducation nationale, sur les crédits du programme « Vie de l’élève » de la mission budgétaire « Enseignement scolaire ».

F. UN PILOTAGE DES ÉTABLISSEMENTS PLUS INCITATIF

Le socle commun constituant, pour les collèges, une « feuille de route » à respecter, il faut leur accorder, s’ils le souhaitent, davantage de responsabilités pour adapter leur organisation pédagogique en vue de satisfaire, au mieux, leur obligation de résultats. Par ailleurs, les « cadres » du système éducatif – les recteurs et les corps d’inspection – doivent faire évoluer leurs méthodes de travail pour devenir les vigiles et les conseillers des établissements engagés dans la voie du socle commun.

1. Des marges de manœuvre pour les collèges volontaires

Ainsi que cela a déjà été indiqué dans la première partie du présent rapport, le socle commun conduit à responsabiliser les établissements scolaires. La Nation ayant fixé un objectif d’acquisition, par chaque élève, des compétences qu’elle juge essentielles, il revient à chaque collège de mettre en place l’organisation pédagogique qu’il juge la plus à même d’atteindre cet objectif – en lui laissant ainsi la possibilité de ne rien changer aux modalités de fonctionnement actuelles ou, au contraire, de les faire évoluer.

Les recteurs sont appelés à jouer un rôle de premier plan dans un système éducatif qui repose sur la responsabilisation des établissements. On rappellera que ces cadres de l’Éducation nationale sont nommés par le Président de la République, qu’ils définissent les objectifs de la politique académique et qu’ils ont compétence sur la gestion des personnels et des établissements du second degré. Au vu de leurs responsabilités, ils devraient être les garants de la mise en place du socle commun. Une lettre de mission devrait donc leur être adressée par le ministre de l’éducation nationale, afin de leur fixer des objectifs précis à atteindre, définis en référence à la mise en application effective du socle commun et à son acquisition par les élèves des premier et second degrés de l’académie. On observera que, depuis la rentrée 2002, les recteurs adressent, de leur côté, une lettre de mission aux chefs d’établissement fixant des objectifs précis, établis sur la base du diagnostic de la situation de leur collège (ou de leur lycée), document qui sert de point de départ à l’entretien d’évaluation de leur action (149). Ce type de dispositif pourrait donc être étendu aux recteurs, à condition toutefois, comme l’a souligné devant la mission le Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale, que ces hauts responsables du système éducatif restent en place suffisamment longtemps – une durée de trois ans semblant constituer un minimum en la matière – pour que leur action puisse être évaluée de manière pertinente (150).

Quant aux collèges, ils pourraient bénéficier, s’ils le souhaitaient, d’une plus grande liberté d’organisation, afin de disposer des marges de manœuvre qu’eux-mêmes jugeraient indispensables à l’accomplissement de leur mission d’acquisition, par les élèves, des compétences du socle commun.

Pour M. Antoine Prost, historien, il est illusoire de penser que le système éducatif français puisse passer, sans être profondément transformé, d’un fonctionnement fondé sur une obligation de moyens à un fonctionnement fondé sur une obligation de résultats. En effet, le principal obstacle au développement d’une politique du résultat tient à ce que notre dispositif éducatif ne connaît que des incitations individuelles – par exemple, l’indemnité spécifique versée aux enseignants de l’éducation prioritaire – et ignore les incitations collectives, qui stimuleraient les écoles et les établissements scolaires. M. Antoine Prost a suggéré que, dans ces conditions, les établissements fonctionnent davantage sur la base d’incitations collectives, par exemple, l’octroi, pendant plusieurs années, en contrepartie d’engagements pris sur des objectifs chiffrés de réussite des élèves, de moyens supplémentaires, en postes ou en heures, l’inverse, en cas d’échec de l’établissement, le retrait de ces moyens supplémentaires obtenus, paraissant, à l’heure actuelle, difficilement envisageable, a fortiori lorsqu’il s’agit d’établissements de l’éducation prioritaire (151).

Alors que faire ? La solution la plus réaliste, à court terme, consisterait à accorder certaines libertés aux établissements, pour leur permettre de moduler leurs grilles horaires et d’intervenir dans les procédures d’affectation des enseignants et adapter ainsi leur offre d’enseignement aux besoins de leurs élèves. Ces souplesses ne seraient pas octroyées à tous les collèges. Comme l’a observé le syndicat des chefs d’établissement Indépendance et direction, les réformes misant sur l’attribution de grilles horaires entièrement non fléchées à tous les établissements scolaires, à charge pour eux de s’organiser en toute liberté, ne sont pas réalistes  : en effet, certains collèges ne voudront pas, pour des raisons « locales », profiter de cette liberté accrue et préféreront s’en tenir aux grilles horaires actuelles (152).

Ces marges de manœuvre devraient être par conséquent attribuées « à la demande », pendant une durée maximale de cinq ans, qui est d’ailleurs celle prévue par le législateur s’agissant, comme on le verra plus loin, des expérimentations conduites par les établissements. Mais afin de lier l’exercice de ces libertés à la responsabilité, ces souplesses ne pourraient être accordées que si l’établissement bénéficiaire s’engage à les utiliser pour atteindre des objectifs précis d’acquisition du socle commun. En cas de non-respect de ces objectifs, le collège « défaillant » se verrait retirer les souplesses d’organisation dont il a bénéficié – et non des moyens en heures et en personnels.

● Des dotations horaires globales en partie non « fléchées »

La grille horaire des enseignements au collège étant fixée discipline par discipline, elle peut constituer, pour certains chefs d’établissement, un véritable carcan. Par le passé, des efforts ont pu être faits pour accroître les marges de manœuvre des collèges. Ainsi, au milieu des années 1990, des « horaires fourchettes », avec des « horaires planchers » et des « horaires plafonds » ont été institués. Le collège a également connu une modification du poids des disciplines dans sa grille horaire pour permettre le travail en petits groupes ou favoriser différents dispositifs comme les « parcours diversifiés », les « travaux croisés », les « itinéraires de découverte », etc. Il a également mis en œuvre, M. Jean-Pierre Chevènement étant alors ministre de l’éducation nationale, les célèbres « 10 % », qui correspondaient à un pourcentage d’heures non affectées.

Mais le carcan constitué par des moyens horaires fléchés revenait toujours peser sur les épaules des chefs d’établissement, soit que les fourchettes horaires aient buté sur des impératifs budgétaires, soit que les heures non affectées aient été mobilisées pour financer des opérations nationales, comme la constitution des réseaux « ambition réussite ». De même, la suppression, en 2004, d’une heure non affectée dans le projet initial de grille horaire du collège, puis celle, en 2006, d’une demi-heure non affectée dans le cycle central (Cinquième-Quatrième) a été très critiquée par de nombreux chefs d’établissement.

L’intérêt que présente, pour les collèges, l’attribution d’une part non fléchée dans leur dotation globale horaire – 10 % au minimum, pour aller jusqu’à 20 %, voire plus –, est pourtant évident. Ainsi que l’a souligné le chef de service de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, M. Thierry Bossard, ce qui est essentiel, aux yeux des principaux de collège, c’est que ne soit plus décidées, depuis la rue de Grenelle, les disciplines où l’on organise des dédoublements ou des heures de travail en groupes de compétences, selon un schéma uniforme, valable de Dunkerque à Saint-Denis de la Réunion. En leur attribuant une souplesse de gestion sur un certain pourcentage de leur grille horaire, ces établissements pourraient ainsi dissocier l’horaire/professeur de l’horaire/élève et « ajuster » au mieux leur organisation pédagogique aux besoins de leurs élèves (153).

Grâce à cette liberté de gestion de leurs moyens horaires, les collèges pourraient mieux ajuster leur offre d’enseignement aux besoins locaux, sur le fondement des dispositions de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école. Son article 34 permet, en effet, à tout collège, de prévoir, dans son projet d’établissement, sous réserve de l’autorisation préalable des autorités académiques et pour une durée maximum de cinq ans, la réalisation d’expérimentations « portant sur l’enseignement des disciplines, l’interdisciplinarité, l’organisation pédagogique de la classe (…) ou de l’établissement » (article L. 401-1 du code de l’éducation).

Par ailleurs, c’est dans un tel contexte d’assouplissement de la grille horaire des collèges que la révision du décret du 30 août 1985 relatif au statut des établissements publics locaux d’enseignement, qui vise à préciser le rôle du conseil pédagogique des collèges et des lycées, peut prendre tout son sens.

Prévu par la loi du 23 avril 2005 précitée à l’article L. 421-5 du code de l’éducation et présidé par le chef d’établissement, cet organe est chargé de préparer la partie pédagogique du projet d’établissement et de la proposer au conseil d’administration du collège ou du lycée. Il a aussi pour mission « de favoriser la concertation entre les professeurs, notamment pour coordonner les enseignements, la notation et l’évaluation des activités scolaires ».

En raison de l’hostilité qu’a suscité, chez certains syndicats d’enseignants, la création d’un conseil susceptible de rogner la liberté pédagogique des professeurs, le texte précisant le fonctionnement et les attributions de cette instance consultative a été adopté pratiquement cinq ans après le vote de la loi : il s’agit du décret du 27 janvier 2010 relatif à l’organisation et au fonctionnement des établissements publics locaux d’enseignement et modifiant le décret précité du 30 août 1985.

Ce texte dote le conseil pédagogique de compétences stratégiques pour l’organisation des enseignements dispensés dans l’établissement. Il prévoit en effet que ce conseil est consulté sur la coordination des enseignements, leur organisation en groupes de compétences et les dispositifs d’aide et de soutien aux élèves (article R. 421-41-3 du code de l’éducation). Il peut donc donner de la vie et du sens à un conseil qui jusqu’ici pouvait parfois ne se préoccuper que de la gestion des heures de vie scolaire…

Le cadre juridique existe maintenant pour que les conseils pédagogiques des collèges puissent proposer des aménagements à l’offre d’enseignement pour rendre celle-ci plus efficace, à condition toutefois qu’ils disposent de « grain à moudre », c’est-à-dire de moyens non fléchés dans leur grille horaire. Ainsi que l’a observé M. Thierry Bossard, le chef de service de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, dès lors la gestion entièrement décentralisée des deux heures d’accompagnement personnalisé prévues par la réforme du lycée permet aux conseils pédagogiques de ce niveau d’enseignement de prendre leur envol, on peut penser que l’octroi de souplesses similaires, voire plus importantes, aux collèges volontaires aura le même effet (154).

● Des recrutements « qualitatifs » pour pourvoir les postes vacants

L’une des principales carences de la gestion du personnel enseignant réside dans la politique des mutations, comme l’a exposé le dernier avis budgétaire présenté par notre collègue M. Dominique Le Mèner (155). Les mutations annuelles des enseignants présentent en effet la caractéristique d’intervenir sur la base des seuls vœux des agents, dans un ordre de choix déterminé par le célèbre « barème ». Aussi un collège de l’éducation prioritaire aurait-il besoin de recruter, pour dynamiser l’enseignement de la discipline, d’un professeur de langues ou de sciences, que le système ne le permettrait que très marginalement.

Comme le rappelle M. Dominique Le Mèner, en citant les propos que lui avait tenus M. Marcel Pochard, conseiller d’État et président de la Commission sur la condition enseignante : « En principe, depuis 2005, les règles des mouvements intra-académiques ne font plus référence à un barème fixé nationalement et relèvent directement des recteurs eux-mêmes. Cette souplesse permet donc de prévoir, au bénéfice des collèges et des lycées, des affectations en dehors du barème sur des "postes à profil", requérant une bonne adéquation entre leurs exigences et les capacités des candidats. À cet égard, les chefs d’établissement interviennent dans ce processus, en formulant un avis sur les candidatures qui leur sont transmises via le rectorat. Cependant, selon M. Marcel Pochard, ce processus de création de postes spécifiques "requiert, de la part du chef d’établissement, une énergie peu commune et ce qu’il a obtenu est perdu au bout de deux ou trois ans". Ainsi, à peine plus de 2 110 postes spécifiques ont été définis et offerts au mouvement au sein des académies en 2009 ».

Un collège s’engageant sur des objectifs d’acquisition du socle commun devrait donc bénéficier, à sa demande, non seulement d’une réserve d’heures non affectées, mais aussi d’un certain nombre, qu’il définirait, de postes à profil, lui permettant de pourvoir les postes vacants par des enseignants expérimentés.

2. Une organisation des corps d’inspection repensée

Une mise en œuvre réussie du socle commun impose de repenser l’organisation et les missions des corps d’inspection de l’Éducation nationale en fonction de deux objectifs.

● Des inspections appuyant les équipes pédagogiques

Le premier objectif est l’accroissement de l’efficacité pédagogique des écoles et des établissements scolaires. Incontestablement, ce but exige de respecter une condition mise avant par Mme Agnès van Zanten, sociologue : les systèmes éducatifs performants sont ceux qui organisent un « accompagnement de proximité » des établissements et des enseignants. Or, à cet égard, « les politiques éducatives françaises s’empilent sans réel suivi alors que celui-ci est la clef de leur réussite ». Ainsi, les corps d’inspection, qui devraient jouer ce rôle de suivi et d’accompagnement, ne disposent pas des moyens nécessaires pour le faire : par exemple, on compte pour le département de Seine-Saint-Denis, un seul inspecteur et deux adjoints… (156)

Le nombre d’inspecteurs pose en effet problème : on dénombre 2 000 inspecteurs de l’éducation nationale en charge du premier degré (qui comprend environ 320 000 enseignants titulaires et non titulaires dans l’enseignement public) et 1 000 inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux, principalement en charge du second degré (qui comprend environ 390 800 enseignants titulaires et non titulaires dans l’enseignement public). La mission première des inspecteurs est donc de moins en moins régulièrement assurée en raison de la masse des enseignants qu’ils doivent évaluer : le nombre moyen d’inspections est ainsi égal à une tous les trois ou quatre ans dans le premier degré et à une tous les six ou sept ans dans le second degré. Comme l’a fait observer un inspecteur pédagogique régional, M. Jean-François Cachot, avec 800 à 900 professeurs à inspecter tous les cinq ans dans une académie, un inspecteur évaluant, à lui seul, une centaine d’enseignants, cela entraîne la « nécessité d’avoir une activité d’inspection quantitativement importante » (157).

À ce premier problème s’ajoute celui posé par la part prépondérante qu’occupe, dans les missions de ces corps, l’inspection individuelle en classe par rapport au conseil pédagogique apporté aux équipes enseignantes.

Une circulaire récente du directeur de l’encadrement au ministère de l’éducation nationale constitue, à cet égard, une première avancée. Alors que le statut des inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux et des inspecteurs de l’éducation nationale ne fait référence, s’agissant de l’accompagnement pédagogique de proximité, qu’à leur évaluation du « travail en équipe des personnels enseignants » (article R. 241-19 du code de l’éducation), la note indique que les recteurs leur confient, prioritairement, des missions contribuant à « l’amélioration constante de l’acquisition par les élèves des savoirs et des compétences définis par les programmes », en précisant que « l’évaluation d’équipes disciplinaires ou pédagogiques, l’évaluation de niveaux ou de cycles, l’évaluation systémique d’unités éducatives, sont des formes d’interventions qui viennent désormais placer l’inspection individuelle dans une perspective de véritable pilotage pédagogique ». La note ajoute que ces formes d’interventions « sont d’ailleurs aisément combinées avec des inspections individuelles. Elles peuvent aussi revêtir la forme d’audits interdisciplinaires, où l’inspection est un des éléments d’une évaluation plus globale. Ce type d’intervention est déclenché par l’autorité académique et a vocation à être systématisé » (158).

Mais il convient, sans doute, d’aller plus loin et de réfléchir à une réorganisation des corps d’inspection, dont les effectifs doivent être augmentés et les missions redéfinies, afin qu’ils consacrent un temps significatif de leur activité à faire du conseil pédagogique de proximité, c’est-à-dire à jouer un rôle de « conseillers techniques » des écoles et des établissements scolaires. Ils exerceraient ainsi une fonction d’appui auprès des équipes enseignantes, en leur donnant des conseils sur la mise en place de dispositifs pédagogiques propres à amener les élèves à maîtriser le socle commun et en contrôlant ensuite leur efficacité. Ils pourraient notamment donner leur avis sur la constitution des groupes de compétence, le contenu des livrets personnels de compétence numériques, la définition des niveaux d’acquisition des contenus du socle commun, la mise en place des dispositifs de soutien scolaire (accompagnement éducatif et programme personnalisé de réussite éducative), etc. Quant aux inspections individuelles, si leur suppression n’est pas envisageable à court terme dans notre pays – certains interlocuteurs de la mission l’ont pourtant préconisée en s’appuyant sur le fait que des pays européens, scandinaves en particulier, recourent à un système d’évaluation purement « externe » des établissements –, celles-ci pourraient être reconfigurées, en complétant le contrôle en classe par un temps de restitution et d’analyse collectives, devant toute l’équipe enseignante et en présence du chef d’établissement, afin de mettre en lumière les bonnes pratiques pédagogiques.

● Une inspection générale moins axée sur les disciplines

Le second objectif de la réorganisation des corps d’inspection est d’atténuer leur structuration « disciplinaire », celle-ci pouvant constituer un frein à la diffusion du socle commun au collège.

Ainsi que cela a été évoqué dans la première partie du présent rapport, la répartition des inspecteurs généraux en douze groupes disciplinaires, correspondant aux matières enseignées dans le secondaire, est susceptible d’instiller un parti pris « disciplinaire » dans les corps des professeurs certifiés et agrégés, qui s’oppose à l’approche interdisciplinaire et à l’enseignement par compétences postulés par le socle commun. Il faut agir sur ce facteur potentiel de blocage, en réorganisant les groupes disciplinaires de l’Inspection générale de l’éducation nationale autour des grandes compétences du socle (par exemple, une inspection générale des langues qui engloberait les lettres et les langues vivantes étrangères) ou des niveaux d’enseignement. Sur ce dernier point, s’il ne faut peut-être pas mettre en place une inspection générale de l’enseignement secondaire, à l’instar de ce qui existe pour le primaire, on pourrait concevoir, au sein de celle-ci, un groupe spécifiquement chargé de la classe de Sixième, dont on a déjà souligné la position stratégique dans la scolarité obligatoire, qui déterminerait précisément, grâce à des panels qualitatifs, ce que sait un élève de ce niveau, et un groupe chargé du cycle central du collège (classes de Quatrième et de Cinquième), et un groupe chargé de la Troisième.

G. UN MODE D’ORGANISATION DES ÉCOLES ET DES COLLÈGES À GÉNÉRALISER : LES RÉSEAUX « AMBITION RÉUSSITE »

Le socle commun conduisant à envisager le parcours de l’élève de l’école primaire à la Troisième comme un continuum, ne faudrait-il pas réorganiser aussi les structures pédagogiques des premier et second degrés pour tirer toutes les conséquences de la réforme votée par le Parlement en 2005 ?

La question mérite d’être posée. Dans un avis budgétaire récent, notre collègue M. Frédéric Reiss y répond par l’affirmative : « De manière plus profonde et plus prospective, le socle commun des connaissances et de compétences couvrant la scolarité obligatoire, n’est-il pas logique d’envisager, pour des raisons d’efficacité pédagogique évidentes, de regrouper, dans un avenir pas trop lointain, écoles primaires et collège(s) sous un même établissement ? Le rapporteur pense que l’heure n’est pas encore venue, mais une nouvelle architecture des enseignements du premier et du second degré devrait être ainsi mise en place autour d’"écoles du socle commun" (159). »

En attendant ces « écoles du socle commun », une première étape pourrait être franchie en s’appuyant sur une organisation déjà existante, les réseaux « ambition réussite » mis en place à partir de 2006. La visite effectuée au Collège Olivier de Serres de Viry-Châtillon a été en effet particulièrement éclairante sur ce que pourrait être une organisation scolaire propice à l’acquisition du socle commun, si ces réseaux étaient étendus aux écoles et établissements ne relevant pas de l’éducation prioritaire.

L’organisation de ces réseaux repose sur trois piliers :

– chaque réseau est piloté localement par un principal de collège, pour le second degré, et par un inspecteur de l’éducation nationale pour le premier degré. Un comité exécutif réunit ainsi le principal du collège, son adjoint, l’inspecteur et les directeurs des écoles. Ce comité est chargé de l’élaboration, du suivi et de la régulation du contrat du réseau, permettant ainsi la définition d’objectifs partagés et le développement d’une culture commune de la maternelle au collège ;

– le projet de chaque réseau est formalisé dans un contrat « ambition réussite ». Il contient un tableau de bord, un diagnostic axé sur les acquis des élèves, des objectifs pédagogiques, un plan d’actions et les lettres de mission des enseignants. Validé par le comité exécutif du réseau, ce contrat devient une référence commune de travail au sein du réseau, de même qu’avec les autorités académiques. Il est discuté lors des conseils d’école, du conseil pédagogique et du conseil d’administration au collège. Il peut être amendé chaque année ;

– les moyens supplémentaires attribués aux réseaux n’ont pas consisté en heures d’enseignement qui auraient permis de diminuer le nombre d’élèves par classe, déjà plus faible qu’ailleurs, ou d’augmenter le nombre de cours en demi-groupe, déjà plus fréquent qu’ailleurs. En revanche, des enseignants supplémentaires ou « professeurs d’appui » ont été recrutés sur la base de candidatures formulées à partir de fiches de poste et après un entretien avec les responsables du réseau. Ils reçoivent ensuite une lettre de mission, élaborée par le comité exécutif en fonction du contrat d’objectifs. Ces professeurs jouent alors un rôle d’appui auprès des équipes enseignantes, pour lancer une dynamique pédagogique nouvelle et faciliter la prise en charge des difficultés d’apprentissage, au sein de la classe ou dans des dispositifs d’aide et de soutien.

Les réseaux ambition réussite pourraient donc être la matrice de « l’École fondamentale » de demain, le rapprochement entre les premier et second degrés étant favorisé par d’autres mesures évoquées dans le présent rapport : le développement de la bivalence, les échanges de service entre enseignants de CM2 et de Sixième et une formation des maîtres plus interdisciplinaire et axée sur le socle commun. Dans ce but, des « réseaux du socle commun » expérimentaux pourraient être mis en place. Reposant sur le volontariat et associant des écoles et des collèges relevant ou non de l’éducation prioritaire, ils pourraient être, en cas d’évaluation positive, généralisés pour englober la totalité des élèves suivant le cursus de la scolarité obligatoire.

RAPPEL DES PROPOSITIONS DE LA MISSION

Proposition n° 1 : Respecter l’obligation d’information du Parlement sur la mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences.

Proposition n° 2 : Actualiser les dispositions législatives relatives au socle commun.

Proposition n° 3 : Fonder l’évaluation sur la confiance.

Proposition n° 4 : Élaborer les programmes à partir des thèmes de convergence entre les disciplines.

Proposition n° 5 : Assurer la continuité des apprentissages entre le primaire et le collège en :

– refondant les cycles d’apprentissage ;

– formant davantage les enseignants à « faire classe », à l’interdisciplinarité et au travail en équipe ;

– développant la bivalence des professeurs et permettant des échanges de service entre ceux qui enseignent en CM2 et en Sixième.

Proposition n° 6 : Différencier la pédagogie au sein même de la classe, notamment par le recours à des groupes de compétences.

Proposition n° 7 : Contractualiser l’accompagnement éducatif de deux heures pour en faire un outil d’aide à l’acquisition du socle commun.

Proposition n° 8 : Élaborer un « mode d’emploi » du socle commun, conçu par niveau et non par discipline, pour la formation initiale et continue des enseignants.

Proposition n° 9 : Inclure dans le service des enseignants de l’éducation prioritaire une heure de concertation et augmenter, à terme, le temps de présence de tous les professeurs du second degré dans les établissements.

Proposition n° 10 : Généraliser le dispositif d’implication des parents dans la scolarité, expérimenté dans l’académie de Créteil, à tous les collèges.

Proposition n° 11 : Expérimenter des programmes de lutte contre la violence reposant sur l’éducation à la responsabilité affective et sexuelle.

Proposition n° 12 : Expérimenter l’attribution de budgets aux collèges permettant de financer des projets interdisciplinaires qui mettent en valeur la compétence 7 (autonomie et initiative) du socle commun.

Proposition n° 13 : Faire des recteurs les garants de la mise en place du socle commun.

Proposition n° 14 : Responsabiliser les établissements, en leur attribuant, à leur demande, un volume d’heures non affectées et de postes à profil en échange d’engagements sur des objectifs précis.

Proposition n° 15 : Structurer, pour le second degré, l’Inspection générale de l’éducation nationale, par grand champ, recouvrant plusieurs disciplines, ou par cycle d’apprentissage.

Proposition n° 16 : Expérimenter des « réseaux du socle commun », mettant en relation des écoles et un collège, sur le modèle des réseaux « ambition réussite » de l’éducation prioritaire.

Proposition n° 17 : Fonder la maîtrise du socle commun sur la certification des connaissances et les compétences acquises par les élèves selon les modalités suivantes :

– mettre en place un livret de compétences numérique évaluant régulièrement les acquis des élèves tout au long de la scolarité obligatoire ;

– récompenser, de manière symbolique, les élèves franchissant des étapes significatives dans l’acquisition des compétences du socle commun ;

– délivrer une attestation simplifiée de maîtrise des connaissances et compétences du socle aux élèves accomplissant avec succès des épreuves terminales reposant sur quelques exercices et mises en situation réelle ;

– faire de cette attestation, d’ici 2012, le nouveau diplôme national du brevet.

CONTRIBUTION DE MME COLETTE LANGLADE ET DES DÉPUTÉS DU GROUPE SRC MEMBRES DE LA MISSION D’INFORMATION

I.- La définition du socle commun est un savoir minimum garanti à tous les collégiens. En aucun cas, cela doit être un savoir au rabais. L’objectif est d’établir des ponts entre la logique disciplinaire et celle du socle.

II.- Le but de la mission d’information est de montrer que l’école obligatoire doit donner aussi les moyens d’utiliser le savoir dans des situations concrètes c’est-à-dire qu’elle doit transmettre des connaissances ainsi que les capacités à les mettre en œuvre dans des situations variées.

Selon Vincent Carette, professeur en sciences de l’éducation à l’université libre de Bruxelles, « il n’était pas question de se limiter à la liste des connaissances théoriques. Le but est de montrer que l’école obligatoire doit donner aussi des moyens d’utiliser le savoir dans des situations concrètes. Bref transmettre des connaissances mais encore des capacités à les mettre en œuvre dans des situations variées. »

Objectifs de la mission :

– évaluer la mise en application de la disposition législative du socle commun institué par la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.

– examiner les performances du collège sachant qu’il existe de fortes disparités dans l’application du socle de connaissances entre les collèges.

III.- Quelles sont les difficultés de la mise en œuvre du socle commun de connaissances ?

Après de nombreuses auditions, il est apparu aujourd’hui que le socle commun n’est pas totalement appliqué à l’ensemble des collèges. Sa traduction concrète dans le quotidien des classes est loin d’être achevée. Au cours des auditions, nous avons noté, une incapacité structurelle du collège à gérer l’hétérogénéité de ses élèves.

Le socle bouscule les habitudes, perturbe l’enseignement et la discipline, et augmente le travail transversal des enseignants : ainsi, les enseignants ne dispensent plus de savoir exclusivement disciplinaire.

Le socle sert de base pour construire une « identité culturelle commune » pour commencer des études.

La question de la notation disparaît et les enseignants ne sont pas préparés au fait de valider les compétences par groupe et à les quantifier.

La formation reste le problème majeur : force est de constater que cette réforme n’a pas été accompagnée par les services du ministère de l’éducation nationale.

Aujourd’hui, l’enseignant ne travaille que dans sa discipline et n’est pas encouragé à développer le travail disciplinaire en équipe. Or les professeurs doivent gérer l’hétérogénéité des élèves, donc évaluer différemment. Quel est le métier d’enseignant aujourd’hui ? Être compétent sur plusieurs disciplines, avoir des connaissances complémentaires, organiser des conférences de cadrage pourraient être des solutions apportées aux enseignants.

IV.- Pourtant le temps presse, ne serait-ce que parce que le diplôme national de brevet sera délivré à compter de la session 2011 aux élèves ayant validé le socle commun.

Depuis l’introduction du socle commun de connaissances et de compétences en 2006, il est souvent fait référence, à l’école, à la notion de compétences. Au delà des questions de définition, cette notion interroge vivement. Ce sont les pratiques actuelles d’enseignement et d’apprentissage et les pratiques d’évaluation qui sont remises en question.

L’approche par compétence pourrait redonner du sens au savoir, remettre au travail des élèves pour qui « l’école ne sert à rien » et diminuer le retard scolaire.

L’approche par compétences pourrait également remettre le sujet et ses profondes transformations au cœur des apprentissages.

Cependant, n’hésitons pas à dire qu’il n’existe pas de bonnes méthodes pour faire face à l’intégralité des difficultés d’apprentissage : les pratiques sont fonction des situations dans lesquelles elles opèrent :

– que l’on soit dans la classe ou hors de celle-ci,

– que l’on soit du coté des enseignants ou des élèves,

– et bien évidement, le milieu et l’environnement social et familial jouent un rôle prépondérant.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles et de l’éducation, se réunit le mercredi 7 avril 2010, sous la présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente, pour examiner le rapport d’information de M. Jacques Grosperrin, député.

Un débat suit l’exposé du rapporteur.

M. Frédéric Reiss. Le travail intense et intéressant de la mission d’information était nécessaire, cinq ans après l’adoption de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école. Elle ne semble pas, en effet, avoir passionné la communauté éducative, qui a tardé à se l’approprier alors qu’elle aurait dû constituer un tournant dans la façon d’enseigner à l’école comme au collège.

Or, la loi fixe des obligations de résultats. Le ministre, Luc Chatel, a montré sa totale détermination à mobiliser les enseignants sur cette question essentielle que l’on peut qualifier, selon lui, de révolution copernicienne. La maîtrise, par tous les élèves, du socle commun de connaissances et de compétences est un objectif est très ambitieux. Celui-ci vise en particulier les 15 % des élèves qui n’ont pas, à leur entrée en sixième, les bagages ou les outils nécessaires pour suivre avec profit une scolarité dans le secondaire. Certes, il faut saluer la mise en œuvre de mesures comme le programme personnalisé de réussite éducative, avec un travail plus individualisé et plus transversal, l’affectation, dans le primaire, des deux heures d’aide hebdomadaire permises par la libération du samedi matin à la remédiation ou l’utilisation des périodes de vacances scolaires pour les stages de remise à niveau. Mais ces mesures restent insuffisantes et inégalement réparties sur le territoire.

L’entrée du socle dans les programmes scolaires reste timide : il eût été préférable de réécrire les programmes en cohérence avec l’esprit du socle. Le socle commun n’est pas une fin en soi ; il s’articule avec les transmissions des savoirs dans les champs disciplinaires, et constitue un tremplin visant à redonner à chaque élève le goût de l’effort et la curiosité intellectuelle pour atteindre le meilleur niveau possible à l’issue de la scolarité obligatoire. Ainsi, l’élève pourra suivre avec profit des études au lycée et à l’université et réussir son insertion professionnelle et citoyenne dans la société.

S’agissant des propositions du rapporteur, un point régulier, devant le Parlement, sur la manière dont les programmes prennent en compte le socle commun et sur la maîtrise de celui-ci par les élèves comme le prévoit, tous les trois ans, la loi de 2005 est bien sûr nécessaire. Il me semble en revanche qu’il convient de ne pas trop charger le socle de connaissances : les cinq piliers initiaux étaient pertinents, les sept actuellement font beaucoup et aller au-delà serait excessif. En ce qui concerne le dispositif d’évaluation, si celle-ci doit être plus régulière, l’attestation du socle commun ne pourra jamais remplacer le brevet, diplôme national, qui motive les élèves avant d’affronter le second cycle de l’enseignement secondaire. Le diplôme devra sans doute évoluer et tenir compte du socle commun, mais les épreuves nationales sont incontournables. Enfin, l’expérimentation de « réseaux du socle commun », proposée par le rapporteur, sur le modèle des réseaux « ambition réussite » de l’éducation prioritaire, est une bonne initiative qui doit conduire à des écoles du socle commun.

Mme Colette Langlade. Le groupe SRC approuvera le rapport d’information en y ajoutant une contribution spécifique mais non contradictoire. En effet, l’orientation et les propositions du président-rapporteur nous semblent traduire la réflexion de l’ensemble de la mission, alors que je suis en désaccord avec les propos de M. Reiss.

En effet, le socle commun se définit comme un savoir minimum garanti à tous les collégiens. En aucun cas, cela doit être un savoir au rabais. L’objectif est d’établir des ponts entre la logique disciplinaire et celle du socle. L’école obligatoire doit donner aussi les moyens d’utiliser le savoir dans des situations concrètes. Elle doit transmettre des connaissances ainsi que les capacités à les mettre en œuvre dans des situations variées.

Selon Vincent Carette, professeur en sciences de l’éducation à l’Université libre de Bruxelles, « il n’était pas question de se limiter à la liste des connaissances théoriques. Le but est de montrer que l’école obligatoire doit donner aussi des moyens d’utiliser le savoir dans des situations concrètes. Bref transmettre des connaissances mais encore des capacités à les mettre en œuvre dans des situations variées. »

La mission avait pour objectif d’évaluer la mise en application de la disposition législative du socle commun institué par la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’École et d’examiner les performances des collèges, sachant qu’il existe de fortes disparités dans l’application du socle de connaissances entre les différents établissements scolaires.

Or, quelles sont les difficultés de la mise en œuvre du socle commun de connaissances ? Les nombreuses auditions ont montré que le socle commun n’est pas totalement appliqué, et nous le regrettons, à l’ensemble des collèges. Sa traduction concrète dans le quotidien des classes est loin d’être achevée. Nous avons également noté une incapacité structurelle du collège à gérer l’hétérogénéité de ses élèves.

Le socle bouscule les habitudes, perturbe l’enseignement et la discipline, et augmente le travail transversal des enseignants, pas suffisamment formés à cette nouvelle méthode de transmission des savoirs : en effet, ils sont appelés à dispenser un savoir qui n’est plus exclusivement disciplinaire.

Le socle doit servir de base pour une « identité culturelle commune » pour commencer des études ouvertes à tous les collégiens.

La question de la notation disparaît, alors que les enseignants ne sont pas préparés au fait de valider les compétences et à les quantifier. La formation des enseignants reste le problème majeur et force est de constater que cette réforme n’a pas été accompagnée par les services du ministère de l’éducation nationale, notamment les inspecteurs.

Aujourd’hui, l’enseignant ne travaille que dans sa discipline et n’est pas encouragé à développer le travail disciplinaire en équipe. Or les professeurs doivent gérer l’hétérogénéité des élèves, donc évaluer différemment. Quel est le métier d’enseignant aujourd’hui? Être compétent sur plusieurs disciplines, bénéficier de connaissances complémentaires, organiser des conférences de cadrage pourraient être aussi des solutions apportées aux enseignants.

Pourtant le temps presse, ne serait-ce que parce que le diplôme national du brevet sera délivré, à compter de la session 2011, aux élèves ayant validé le socle commun.

Depuis l’introduction du socle commun de connaissances et de compétences, il est souvent fait référence, à l’école, à la notion de compétences. Au delà de la question de sa définition, cette notion interroge vivement. Ce sont les pratiques actuelles d’enseignement et d’apprentissage et les pratiques d’évaluation qui sont remises en question. L’approche par compétences pourrait redonner du sens au savoir, remettre au travail des élèves pour qui « l’école ne sert à rien » et diminuer le retard scolaire. L’approche par compétences pourrait également remettre le sujet et ses profondes transformations au cœur des apprentissages.

Cependant, n’hésitons pas à dire qu’il n’existe pas de bonnes méthodes pour faire face à l’intégralité des difficultés d’apprentissage. Les pratiques sont fonction du côté où on opère : dans la classe ou hors de celle-ci, du côté des enseignants ou des élèves. Et, bien évidement, le milieu et l’environnement social et familial jouent un rôle prépondérant.

Mme Françoise Guégot. Comme mes deux collègues, je voudrais aussi remercier notre président-rapporteur. Je partage beaucoup des analyses et des déclarations de mes collègues de la mission que je ne compléterai que par quelques points.

Après avoir travaillé sur le système éducatif, l’école et le lycée, l’étude de la place du collège, pierre angulaire, était nécessaire. Les jeunes collégiens subissent souvent, à ce moment-là, leur orientation et ne la choisissent pas. Le socle commun de connaissances et de compétences, matérialisé dans le livret de compétences, au-delà des problèmes de définition de ces dernières, valorise et donne du sens au parcours de chaque collégien dans ce moment fort qu’est sa scolarité au collège. Il devra s’articuler avec le livret expérimental de compétences prévu par la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie : en effet, ce dernier livret doit valoriser, ce que l’école ne fait pas, les compétences et activités extra-scolaires des jeunes.

Le débat sur le collège unique n’est pas clos pour autant et le Parlement doit pleinement assumer son rôle en matière d’évaluation.

Un autre point fort de la réussite de l’appropriation de ce socle commun de connaissances et de compétences réside dans la formation des enseignants. Il convient de dépasser la classique approche d’un professeur et de ses élèves dans le groupe-classe, sans participation ni échanges. Pour cette évolution nécessaire, nous avons besoin de donner aux enseignants les moyens indispensables pour travailler en équipe et de sortir de l’évaluation de leur activité professionnelle sur la seule discipline. La place de l’enseignant dans chaque établissement se pose. Pratiquement, il n’existe encore, dans les collèges, que très peu de lieux individualisés pour les enseignants, pour vivre au quotidien et s’approprier le temps hors classe. Ces espaces sont essentiels pour créer les relations entre les élèves, les équipes éducatives et les parents. D’ailleurs, les États généraux sur la sécurité à l’école soulignent l’urgence qu’il y a à faire du collège un lieu où l’on vive mieux son adolescence, particulièrement en Quatrième et Troisième, avec l’aide de tous les acteurs de la communauté éducative.

Quant au choix d’un brevet transformé en attestation de validation du socle de connaissances et de compétences, il doit pouvoir s’articuler avec un examen terminal auquel je reste attachée. Cela pourrait reposer sur des exercices de mise en situation des compétences, attestant, par exemple, pour l’anglais, la capacité de mener une petite conversation au téléphone. Quoi qu’il en soit, les familles et les jeunes ont besoin, en fin de collège, d’une épreuve, qui leur semble une bonne introduction à l’épreuve nationale plus importante : les baccalauréats.

Le socle commun est une grande chance pour le collège et permet de changer le sens que l’on peut donner à toutes les étapes d’un cursus, de l’école primaire jusqu’à l’enseignement supérieur.

M. Jean-Luc Pérat. Je ne suis pas membre de cette Commission, mais je suis très intéressé par le sujet de cette mission d’information, compte tenu de mes anciennes fonctions d’enseignant. Si je devais dresser un état des lieux de l’enseignement secondaire en France, je dirais que les professeurs sont mobilisés et compétents, mais que leur charge de travail les incite plutôt à se concentrer sur leur spécialité et ne les oriente pas vers un travail collectif sur le socle commun. De même, les proviseurs doivent gérer le bon fonctionnement de leur établissement, les relations avec les familles, parfois la violence et les problèmes de comportement et n’ont pas toujours le temps nécessaire pour se consacrer au socle commun. Ainsi, ce dernier est considéré comme une charge supplémentaire, non par manque d’intérêt, mais plutôt par manque de connaissances sur les enjeux et les contours de ce socle commun. L’enseignement de l’éducation physique et sportive constitue une exception notable, car elle implique un travail collectif des professeurs. L’organisation et l’approche de cet enseignement pourraient utilement inspirer les autres disciplines. La mise en place d’un socle commun nécessite donc la mobilisation du chef d’établissement et des équipes pédagogiques et doit conférer au professeur principal un rôle essentiel. S’agissant de la définition du socle commun, il est primordial d’y intégrer l’apprentissage de la maîtrise du milieu aquatique, afin que chaque élève sache faire face à une situation périlleuse ou sauver une personne en danger.

M. Dominique Le Mèner. Je me réjouis de l’excellent travail réalisé par cette mission d’information. Celle-ci a été l’occasion de dresser un constat de carence : celui de la difficile mise en œuvre du socle commun. Cela ne constitue pas une surprise, mais malheureusement près de 60 000 élèves entrant en Sixième ne maîtrisent pas les « fondamentaux ». Il faudrait peut-être prévoir une session de rattrapage pour ces élèves. Les propositions du rapport forment un tout cohérent et doivent être mises en œuvre dans leur ensemble : il n’est pas possible de les individualiser. Par ailleurs, il est impératif de sensibiliser les enseignants au caractère essentiel ce socle commun et de mettre en place des passerelles plus nombreuses entre l’école primaire et secondaire. Il n’est pas admissible qu’on se rende compte, par des évaluations a posteriori, qu’un collégien n’a pas acquis les connaissances fondamentales enseignées à l’école primaire.

M. Yves Durand. Si je n’ai malheureusement pas pu assister à l’ensemble des auditions de la mission d’information, je partage totalement le constat et les propositions de ce rapport. La mission d’information porte précisément sur la mise en œuvre du socle commun et non sur sa définition. Le débat sur les contours de ce socle a déjà eu lieu lors de la discussion portant sur la loi « Fillon » à laquelle j’ai participé. Il n’y a pas lieu de la recommencer. La question qui nous intéresse aujourd’hui est de savoir pourquoi le socle commun n’est pas ou mal mis en œuvre. C’est une mission essentielle du Parlement de contrôler l’application effective de la loi et de déterminer pourquoi elle n’est pas appliquée. Il est donc nécessaire de prolonger les excellents travaux de cette mission pour contrôler la mise en œuvre des dispositions législatives sur le socle commun.

M. Alain Marc. Je tiens à saluer l’excellent travail réalisé par la mission d’information. Si le socle commun est essentiel au collège, il l’est tout autant pour l’école primaire. S’agissant de la maîtrise du milieu aquatique, celle-ci est acquise dans le département de l’Aveyron par tous les enfants entrant en Sixième. La mise en œuvre du socle commun implique une meilleure maîtrise de l’hétérogénéité des élèves : les enseignants ne sont pas formés pour faire face à de grande disparités de niveaux. C’est pourquoi, je préconise la bivalence qui permettrait, notamment en milieu rural, de faciliter le remplacement des professeurs absents.

Mme Marie-Hélène Amiable. Je regrette de ne pas avoir été destinataire du projet de rapport pour en prendre en connaissance avant la réunion.

Cela étant dit, la question du socle commun pose le problème de la situation du collège en France : il y a un véritable recul sur le niveau des connaissances exigées et on ne peut que constater une dégradation de ces exigences. S’agissant de la mise en œuvre du socle commun, les auditions de la mission ont montré que l’accompagnement des professeurs par le ministère de l’éducation nationale était insuffisant. De plus, ceux-ci ne sont pas assez formés et sont parfois désemparés face aux nouvelles méthodes d’enseignement qui sont exigées.

Par ailleurs, même si cela ne constitue pas le cœur du sujet de la mission d’information, on doit constater que les multiples suppressions de postes, l’explosion des heures supplémentaires et l’assouplissement de la carte scolaire, qui met en concurrence les établissements, rendent plus difficiles la mise en œuvre du socle commun. Lorsque des professeurs sont absents pendant des mois et ne sont pas remplacés, la mise en place d’un travail collectif n’est pas possible. Enfin, je tiens à rappeler le caractère essentiel du brevet des collèges qui sanctionne le niveau d’un élève à la fin du collège. C’est un excellent outil pour mettre les enfants dans une logique de réussite. Les résultats au niveau national sont satisfaisants mais ils masquent de grande disparités de niveau entre les collèges : il y a malheureusement beaucoup d’établissements dans lequel les résultats sont bien inférieurs.

M. David Douillet. Il y a un aspect qui n’est pas assez abordé dans le débat sur la définition du socle commun : celui de l’apprentissage de la pratique sportive. Celle-ci constitue pourtant une véritable opportunité pour apprendre facilement, sans écrit, des notions essentielles pour un enfant : le goût de l’effort, le respect, l’entraide, la fixation d’objectifs, la concentration, le travail en équipe, l’apprentissage de soi et la coordination.

La pratique sportive permet aussi d’aborder d’autres sujets tels que la connaissance du sommeil, de la nutrition et de l’hygiène corporelle. L’homme n’a pas changé depuis 10 000 ans. La mécanique n’ayant pas changé, le sport reste est restera essentiel à l’homme : il permet d’évacuer le stress et de canaliser l’énergie débordante de certains enfants. Il facilite ainsi leur concentration pour les autres enseignements. Malheureusement, l’enseignement de l’éducation physique et sportive est aujourd’hui trop négligé, comme en témoigne l’absence de formation pour les professeurs de l’école primaire.

Mme Sophie Delong. Même si l’attachement au brevet national des collèges reste fort, il faut rappeler que la pertinence du socle commun de compétences est incontestable. Il faut cependant veiller à lutter contre la tendance à accorder une importante excessive aux diplômes dans notre pays. D’ailleurs, les résultats concernant les performances des élèves qui sont cités dans le rapport montrent bien qu’il faut relativiser l’intérêt des diplômes. En outre, le dispositif de valorisation des acquis de l’expérience a démontré son efficacité, ce qui tend à renforcer l’approche par compétences promue par le socle. Enfin, rien n’est plus important, pour les élèves, que l’acquisition des savoir-faire, un objectif auquel doit contribuer un brevet remanié. Le nouveau brevet peut être un levier de transformation du collège.

M. Jacques Grosperrin, président-rapporteur de la mission d’information. Je me félicite de la qualité de ces débats. Je tiens à apporter les éléments de réponse suivants :

– il était en effet temps, comme l’a souligné M. Frédéric Reiss, d’évaluer l’application de la loi Fillon de 2005 et la mise en œuvre du socle commun de compétences.

– il faut utiliser la réflexion sur le brevet des collèges pour faire évoluer le fonctionnement du système éducatif. C’est en réformant le brevet qu’on peut espérer transformer le collège et favoriser l’apprentissage des compétences.

– en ce qui concerne le contenu du socle commun, à titre personnel, j’étais favorable à un huitième pilier consacrer au « bien-être ». La mission a cependant préféré ne pas ajouter de nouveaux « piliers » aux sept actuellement reconnus, ce qui se défend parfaitement. On trouvera toutefois, dans le rapport, des arguments en faveur de ce nouveau pilier qui aurait répondu aux souhaits exprimés par M. David Douillet, le bien-être englobant notamment le sport. Il est vrai que le Haut conseil de l’éducation, à la demande du Président de la République, a formulé, en 2008, une recommandation sur l’ajout, dans le socle, d’une compétence consacrée à la maîtrise du corps, mais le ministre de l’éducation n’a pas donné suite. Dans le même temps, cet ajout présente le risque de « redisciplinariser » le socle commun.

– il ne s’agit pas de remettre en cause l’existence même du brevet, mais de prévoir une attestation simplifiée de compétences et de connaissances, valant brevet et délivrée après des exercices permettant d’apprécier les capacités pratiques des élèves. Il s’agit donc d’adapter les modalités d’appréciation des compétences des élèves pour que le collège hérité du XIXe siècle soit en phase avec le XXIe siècle. D’autre part, les épreuves peuvent et doivent conserver un caractère national. Pour assurer l’égalité entre les candidats, on peut même envisager que les élèves d’un collège subissent ces épreuves dans un autre collège. Il faut donc que le diplôme national du brevet soit transformé, d’ici 2012, pour stimuler l’appropriation du socle par les enseignants, les améliorations pouvant être apportées à leur formation ne pouvant régler toutes les carences constatées.

– à ceux qui décrient le socle au motif qu’il sacrifie les savoirs, il convient de rappeler que M. François Dubet s’est déclaré favorable à l’idée d’un savoir « minimum », car c’est, à l’instar du SMIC, un outil d’élévation : à partir de ce plancher, chaque élève peut progresser.

– à Françoise Guégot, il convient d’indiquer que le titre choisi pour le rapport sera « Un socle pour consolider le collège unique ». En effet, la mise en application effective du socle permettra de régler bien des difficultés rencontrées par le collège, y compris les problèmes liés aux attitudes des élèves. Il faut rappeler que 70  % de la totalité des incidents recensés dans le second degré sont le fait de collégiens. Or, une des orientations majeures du socle est de favoriser les compétences sociales et civiques des élèves, ainsi que l’autonomie et l’esprit d’initiative. Sur ce dernier point, un rapport récent de l’OCDE indique que la France se situe à la vint-deuxième place, sur 25 pays, dans le domaine de la qualité de vie à l’école.

– il convient aussi de s’interroger sur le rôle de la notation, nombre d’enseignants considérant que le fait de noter sévèrement est synonyme d’enseignement de qualité. Par ailleurs, on ne peut considérer que le brevet des collèges prépare réellement au lycée et au baccalauréat. Comme l’indiquait François Dubet à la mission, seulement 12  % des élèves qui passent le brevet des collèges poursuivent leurs études dans les filières sélectives du supérieur. Il reste qu’une évaluation des compétences en fin de collège doit être prévue, afin de marquer symboliquement la fin de la scolarité obligatoire et faciliter ainsi le passage soit vers le lycée, soit vers l’enseignement professionnel et l’apprentissage ou le pré-apprentissage. Certains interlocuteurs ont regretté cependant la disparition, au collège, de filières d’orientation intervenant plus tôt dans la scolarité, comme les Quatrième et Troisième technologiques.

– la compétence « savoir nager » est incluse dans le septième pilier de compétence. D’une manière générale, l’enseignement par compétences pratiqué par les professeurs d’éducation physique et sportive pourrait inspirer d’autres disciplines.

– la mission d’information s’est rendue au collège Françoise Dolto où a été tourné le film « Entre les murs » et a constaté que le socle commun avait été « découvert », selon les enseignants entendus dans cet établissement, la veille de sa venue. Des efforts dans les domaines de l’information et de la formation des professeurs devront être fournis pour pallier ces insuffisances.

– les propositions du rapport doivent être prises dans leur ensemble. L’axe central des propositions est de lutter contre l’échec scolaire même si toutes les propositions ne peuvent pas être mises en œuvre et financées immédiatement. Il faut en effet rappeler que 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification.

– on pourrait envisager d’inscrire la question du suivi de la mise en œuvre du socle commun de compétences et l’évaluation de la loi de 2005 à l’ordre du jour d’une prochaine semaine de contrôle parlementaire. En effet, la représentation nationale doit se saisir de ce cas flagrant de défaut d’application d’une loi essentielle pour l’École. Le ministre de l’éducation nationale l’a d’ailleurs reconnu devant la mission : le socle n’a pas constitué une priorité depuis 2005.

– il faut souligner l’importance de la bivalence des enseignants, car elle permet non seulement d’assurer plus facilement le remplacement des professeurs absents, mais aussi de stabiliser les équipes pédagogiques, ce qui ne peut qu’être positif pour les élèves. Les enseignants eux-mêmes reconnaissent que le système actuel qui démultiplie les trajets et les affectations à cheval pour assurer des heures d’enseignement dans certains collèges n’est pas satisfaisant.

– le projet de rapport a été transmis, en temps voulu, à Mme Huguette Bello, du groupe GDR, qui était membre de la mission, et pouvait donc être communiqué aux collègues de son groupe.

– comme l’a souligné Sophie Delong, il faut effectivement sortir de la culture exclusive du diplôme, faire évoluer le collège et modifier l’évaluation des savoirs et des compétences en fin de collège. Le respect du socle commun de compétences doit permettre de conforter le collège unique.

ANNEXES

ANNEXE 1

COMPOSITION DE LA MISSION D’INFORMATION

M. Jacques Grosperrin, président-rapporteur (UMP)

Mme Sophie Delong (UMP)

Mme Françoise Guégot (UMP)

M. Dominique Le Mèner (UMP)

M. Frédéric Reiss (UMP)

M. Daniel Spagnou (UMP)

Mme Danielle Bousquet (SRC)

M. Yves Durand (SRC)

Mme Colette Langlade (SRC)

M. Yvan Lachaud (NC)

Mme Huguette Bello (GDR)

ANNEXE 2

AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE LA MISSION D’INFORMATION

(par ordre chronologique)

Ø M. Jean-Paul Brighelli, professeur de lettres

Ø M. Jean-Paul Delahaye, inspecteur général, professeur associé à l’université Paris-V

Ø Table ronde réunissant

–  M. François Perret, doyen de l’Inspection générale de l’éducation nationale

–  M. Michel Quéré, directeur de l’évaluation, de la prospective et de la performance au ministère de l’éducation nationale

–  M. Jean-Louis Nembrini, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale

Ø M. Alain Boissinot, recteur de l’académie de Versailles

Ø Syndicat national des enseignements du second degré (SNES) – M. Roland Hubert, co-secrétaire général, Mme Catherine Remermier, secrétaire nationale de la catégorie des conseillers d’orientation-psycholoques, Mme Sandrine Charrier, secrétaire nationale, responsable du secteur « contenus », et M. Bruno Mer, secteur « collège »

Ø Syndicat des enseignants de l’union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) –  M. Julien Maraval, conseiller technique

Ø Syndicat CFTC de l’éducation nationale, de la recherche et des affaires culturelles (SCENRAC-CFTC) – Mme Pascale Brethenoux, secrétaire générale, M. Vincent Dumas, professeur en collège et membre du conseil, et M. Philippe Douvier, membre du bureau

Ø M. Claude Lelièvre, historien

Ø Confédération syndicale de l’éducation nationale (CSEN) - Syndicat national des lycées et collèges (SNALC) – Mme Claire Mazeron, vice-présidente, M. Albert-Jean Mougin, vice-président, et Mme Béatrice Barennes, secrétaire nationale à la pédagogie

Ø Syndicat général de l’éducation nationale et de la recherche publique - CFDT (SGEN-CFDT) – M. Guy Vauchel, secrétaire national, M. Guillaume Touzé, secrétaire fédéral, et M. Pierre Margerie, secrétaire fédéral

Ø M. Antoine Prost, historien

Ø Mouvement contre la constante macabre – M. André Antibi, président, professeur à l’université Paul Sabatier à Toulouse, M. Gérard Lauton et Mme Corinne Croc, membres du bureau

Ø Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) – Mme Claudine Caux, vice-présidente, et M. Luc Langlet, membre conseiller

Ø Syndicat national de l’éducation physique de l’enseignement public (SNEP-FSU) – M. Alain Goudard, secrétaire général adjoint, M. Michel Fouquet, secrétaire national, Mme Nina Charlier, responsable nationale et M. Benoît Hubert, responsable national

Ø Syndicat national des certifiés et agrégés (SNCA) e.i.l. Convergence – Mme Françoise Roche, secrétaire générale, et M. Thierry Druais, secrétaire national en charge du secteur pédagogique

Ø Syndicat national des collèges et des lycées de la fédération autonome de l’éducation nationale (SNCL-FAEN) – M. Marc Geniez, secrétaire général, Mme Lydia Popov, responsable de la section académique de Paris, et M. Sylvain Barthelme, responsable de la section académique de Reims

Ø Haut Conseil de l’éducation – M. Bruno Racine, président

Ø Mme Agnès van Zanten, sociologue, directrice de recherche au CNRS, chercheuse à l’Observatoire sociologique du changement de Sciences-Po, Mme Nathalie Mons, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université Grenoble II, professeur invité au London Institute of Education, et M. Eric Maurin, économiste, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales

Ø Syndicat national Force Ouvrière des lycées et collèges (SNFOLC) - M. Laurent Baussier, secrétaire national, et M. Clément Poullet, membre de la commission exécutive nationale

Ø Syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale (SNPDEN) – M. Philippe Tournier, secrétaire général, Mme Isabelle Bourhis, secrétaire nationale, Mme Corinne Laurent, membre du bureau national, et M. Patrick Cambier, permanent

Ø Déplacement aux collèges Françoise Dolto et Saint Germain de Charonne à Paris XXe arrondissement

Collège Françoise Dolto

–  Mme Christine Dutillet, principale

–  Mme Dinah Cesarus, principale-adjointe

–  M. Laurent Gaudin, professeur de technologie

–  Mme Corinne Nonnenmacher, professeur de musique

–  Mme Laetitia Decourty, professeur d’éducation physique et sportive

–  M. Gaelik Razimbaud, professeur d’EPS

–  Mme Ariane Chupin, professeur d’anglais

–  Mme Alice Windecker, professeur de mathématiques

–  M. Frédéric Faujas, professeur de mathématiques

–  M. Benjamin Taisne, professeur de mathématiques

–  Mme Marie-Laure Bulliard, professeur de français

–  Élèves : Mlles Elise Chudeau Troisième, Diane Gelberg Troisième, MM. Arthur Ledaguenel Cinquième, Thomas Sterenfeld Cinquième

Collège Saint Germain de Charonne

–  Mme Monique Diard, chef d’établissement, coordinatrice

–  Mlle Pascale d’Anselme, professeur d’histoire géographie

–  Mme Isabelle Andrieu, professeur de technologie

–  Mme Catherine Marie, professeur de mathématiques responsable du cycle d'orientation

–  M. Alain Bouchon, professeur de mathématiques

–  M. Innocent Padonou, professeur de mathématiques responsable du cycle central

–  M. Georges Otsmane, professeur d’éducation physique et sportive

–  M. Pascal d’Erceville, professeur d’histoire géographie, adjoint de direction

–  M. Iboun Diao, professeur de mathématiques

Ø Madame Brigitte Chevalier, chercheur en sciences de l’information et de la communication

Ø Association « je, tu, il… » – M. Bernard Bétrémieux, directeur, et Mme Virginie Dumont, psychologue, responsable pédagogique

Ø M. Philippe Joutard, historien, ancien recteur

Ø Ligue de l’enseignement – M. Eric Favey, secrétaire général adjoint, et M. Arnaud Tiercelin, responsable du secteur éducation-jeunesse

Ø Fédération des établissements scolaires publics innovants (FESPI) – M. Pierre-Jean Marty, coordinateur du collège expérimental Clisthène de Bordeaux

Ø Cercle de recherche et d’action pédagogiques (CRAP) – Les Cahiers pédagogiques – M. Philippe Watrelot, président, et M. Jean-Michel Zakhartchouk, membre du bureau

Ø I.D. Indépendance et direction – M. Patrick Duros, Mme Marie Bachy, et M. Daniel Villevet

Ø Mme Marie-Jeanne Philippe, recteur de l’académie de Besançon

Ø M. Jean-François Cachot et Mme Catherine Dodane, inspecteurs pédagogiques régionaux d’éducation physique et sportive

Ø M.  Julien Fabregues, professeur d’éducation physique et sportive de l’académie de Besançon

Ø Table ronde organisée au collège Olivier de Serres à Viry-Châtillon (91)

–  M. Alain Boissinot, recteur de l'académie de Versailles,

–  Mme Françoise Petreault, inspectrice d’académie ajointe de l’Essonne

–  Mme Odile Legrand, inspectrice d'académie, inspectrice pédagogique régionale

–  Mme Isabelle Gay, inspectrice de l'Éducation nationale

–  M. Laurent Jacquet, principal

–  Mme Josette Gommard, principale adjointe

–  Mme Laurence Allirand, secrétaire du réseau ambition réussite

–  Mmes Christelle Girard-Ponchon et Caroline Prunet, professeures d’appui

–  Mme Caroline Bantegnies, professeur de français

–  Mme Bénédicte Staffalo, professeur de mathématiques

–  Mme Fanny Mouquod, professeur d’éducation musicale

–  Mme Emmanuelle Guibot, professeur d’histoire-géographie

–  M. Francis Arnoult, professeur de SVT

–  Mme Claudia Ambrosio, assistante pédagogique

–  Mme Patricia Michon, conseillère pédagogique

–  M. Hervé Guisset, professeur des écoles Cycle 3

–  Mme Isabelle Le Cann, professeur des écoles Cycle 2

–  Mmes Claudine Lacoste, Sarah Da Ros, Marie-Pierre Delvalle, Nathalie Rivenez, directrices d’écoles élémentaires et maternelles.

–  Élèves : Mlle Zoé Grosmontagne Sixième 1, M. Jean Crepin Sixième 2, Mlle Hilary Mabille Sixième 3, M. Hamiche Nabil Sixième 4

Ø M. Thierry Bossard, chef de service de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche

Ø M. Jacques Moret, directeur, et Mme Maryline Coquidé, adjointe au directeur, de l’Institut de recherche pédagogique

Ø M. François Dubet, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, professeur à l’université de Bordeaux II

Ø M. Jean-Jacques Hazan, président, et Mme Cécile Blanchard, chargée de mission, de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

Ø M. Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale (nommé le 23 décembre 2009)

Ø M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse

Ø M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale

ANNEXE 3

ANNEXE AU DÉCRET N° 2006-830 DU 11 JUILLET 2006 RELATIF AU SOCLE COMMUN

L’établissement d’un socle commun des savoirs indispensables répond à une nécessité ressentie depuis plusieurs décennies en raison de la diversification des connaissances. L’article 9 de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école en arrête le principe en précisant que la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société. De plus, par l’article 2 de la même loi, « la nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République ».

Pour toutes ces raisons, le socle commun est le ciment de la nation : il s’agit d’un ensemble de valeurs, de savoirs, de langages et de pratiques dont l’acquisition repose sur la mobilisation de l’école et qui suppose, de la part des élèves, des efforts et de la persévérance.

La définition du socle commun prend également appui sur la proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne en matière de « compétences clés pour l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie ».

Elle se réfère enfin aux évaluations internationales, notamment au Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), qui propose une mesure comparée des connaissances et des compétences nécessaires tout au long de la vie.

Cinq générations après les lois scolaires fondatrices de la IIIè République, une génération après l’instauration du collège unique, le socle constitue une référence commune, pour tous ceux qui confient leurs enfants à l’école, mais aussi pour tous les enseignants.

L’enseignement obligatoire ne se réduit pas au socle commun. Bien que désormais il en constitue le fondement, le socle ne se substitue pas aux programmes de l’école primaire et du collège ; il n’en est pas non plus le condensé. Sa spécificité réside dans la volonté de donner du sens à la culture scolaire fondamentale, en se plaçant du point de vue de l’élève et en construisant les ponts indispensables entre les disciplines et les programmes. Il détermine ce que nul n’est censé ignorer en fin de scolarité obligatoire sous peine de se trouver marginalisé. L’école doit offrir par ailleurs à chacun les moyens de développer toutes ses facultés.

Maîtriser le socle commun c’est être capable de mobiliser ses acquis dans des tâches et des situations complexes, à l’école puis dans sa vie ; c’est posséder un outil indispensable pour continuer à se former tout au long de la vie afin de prendre part aux évolutions de la société ; c’est être en mesure de comprendre les grands défis de l’humanité, la diversité des cultures et l’universalité des droits de l’homme, la nécessité du développement et les exigences de la protection de la planète.

Le socle commun s’organise en sept compétences. Cinq d’entre elles font l’objet, à un titre ou à un autre, des actuels programmes d’enseignement : la maîtrise de la langue française, la pratique d’une langue vivante étrangère, les compétences de base en mathématiques et la culture scientifique et technologique, la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication, la culture humaniste. Deux autres domaines ne font pas encore l’objet d’une attention suffisante au sein de l’institution scolaire : il s’agit, d’une part, des compétences sociales et civiques et, d’autre part, de l’autonomie et de l’initiative des élèves.

Chaque grande compétence du socle est conçue comme une combinaison de connaissances fondamentales pour notre temps, de capacités à les mettre en œuvre dans des situations variées, mais aussi d’attitudes indispensables tout au long de la vie, comme l’ouverture aux autres, le goût pour la recherche de la vérité, le respect de soi et d’autrui, la curiosité et la créativité.

Le socle commun s’acquiert progressivement de l’école maternelle à la fin de la scolarité obligatoire. Chaque compétence qui le constitue requiert la contribution de plusieurs disciplines et, réciproquement, une discipline contribue à l’acquisition de plusieurs compétences.

À l’école et au collège, tous les enseignements et toutes les disciplines ont un rôle à jouer dans l’acquisition du socle. Dans ce cadre, les pratiques scolaires artistiques, culturelles et sportives y contribuent pleinement.

L’exigence de contenu du socle commun est indissociable d’une exigence d’évaluation. Des paliers intermédiaires, adaptés aux rythmes d’apprentissage définis par les cycles, sont déterminés dans la maîtrise du socle.

Des outils d’évaluation, correspondant notamment aux exigences des différents paliers de maîtrise du socle commun, sont mis à la disposition des enseignants.

Un livret personnel permettra à l’élève, à sa famille et aux enseignants de suivre l’acquisition progressive des compétences.

Afin de prendre en compte les différents rythmes d’acquisition, les écoles et les collèges organiseront un accompagnement adapté : études surveillées, tutorat, accès aux livres, à la culture et à internet. Les élèves qui manifestent des besoins particuliers quant aux acquisitions nécessaires à chaque palier se voient proposer un programme personnalisé de réussite éducative.

1. La maîtrise de la langue française

Savoir lire, écrire et parler le français conditionne l’accès à tous les domaines du savoir et l’acquisition de toutes les compétences. La langue française est l’outil premier de l’égalité des chances, de la liberté du citoyen et de la civilité : elle permet de communiquer à l’oral comme à l’écrit, dans diverses situations ; elle permet de comprendre et d’exprimer ses droits et ses devoirs.

Faire accéder tous les élèves à la maîtrise de la langue française, à une expression précise et claire à l’oral comme à l’écrit, relève de l’enseignement du français mais aussi de toutes les disciplines. Chaque professeur et tous les membres de la communauté éducative sont comptables de cette mission prioritaire de l’institution scolaire. La fréquentation de la littérature d’expression française est un instrument majeur des acquisitions nécessaires à la maîtrise de la langue française.

Connaissances

L’expression écrite et l’expression orale doivent être travaillées tout au long de la scolarité obligatoire, y compris par la mémorisation et la récitation de textes littéraires.

L’apprentissage de l’orthographe et de la grammaire doit conduire les élèves à saisir que le respect des règles de l’expression française n’est pas contradictoire avec la liberté d’expression : il favorise au contraire une pensée précise ainsi qu’un raisonnement rigoureux et facilement compréhensible. L’élève doit maîtriser suffisamment les outils de la langue que sont le vocabulaire, la grammaire et l’orthographe pour pouvoir lire, comprendre et écrire des textes dans différents contextes.

L’apprentissage de la grammaire et de l’orthographe requiert des exercices spécifiques distincts de l’étude des textes.

Le vocabulaire

Enrichir quotidiennement le vocabulaire des élèves est un objectif primordial, dès l’école maternelle et tout au long de la scolarité obligatoire. Les élèves devront connaître :

– un vocabulaire juste et précis pour désigner des objets réels, des sensations, des émotions, des opérations de l’esprit, des abstractions ;

– le sens propre et le sens figuré d’une expression ;

– le niveau de langue auquel un mot donné appartient ;

– des mots de signification voisine ou contraire ;

– la formation des mots, afin de les comprendre et de les orthographier.

La grammaire

Les élèves devront connaître :

– la ponctuation ;

– les structures syntaxiques fondamentales ;

– la nature des mots et leur fonction ;

– les connecteurs logiques usuels (conjonctions de coordination, conjonctions de subordination, adverbes) ;

– la conjugaison des verbes ;

– le système des temps et des modes.

L’orthographe

Il est nécessaire d’atteindre une maîtrise correcte de l’orthographe, dans les écrits spontanés des élèves, dès la fin de l’école primaire. Le perfectionnement de l’orthographe jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire est cependant une nécessité. Pour cela, la dictée est un outil indispensable d’apprentissage et d’évaluation, mais c’est par une vigilance particulière dans toutes les situations d’enseignement que cette maîtrise pourra être acquise.

Les élèves devront connaître les principales règles d’orthographe lexicale et grammaticale (mots invariables, règles d’accord, orthographe des formes verbales et des pluriels).

Capacités

Lire

Au terme de la scolarité obligatoire, tout élève devra être capable de :

– lire à haute voix, de façon expressive, un texte en prose ou en vers ;

– analyser les éléments grammaticaux d’une phrase afin d’en éclairer le sens ;

– dégager l’idée essentielle d’un texte lu ou entendu ;

– manifester sa compréhension de textes variés, qu’ils soient documentaires ou littéraires ;

– comprendre un énoncé, une consigne ;

– lire des œuvres littéraires intégrales, notamment classiques, et rendre compte de sa lecture.

Écrire

La capacité à écrire suppose de savoir :

– copier un texte sans faute, écrire lisiblement et correctement un texte spontanément ou sous la dictée ;

– répondre à une question par une phrase complète ;

– rédiger un texte bref, cohérent, construit en paragraphes, correctement ponctué, en respectant des consignes imposées : récit, description, explication, texte argumentatif, compte rendu, écrits courants (lettres…) ;

– adapter le propos au destinataire et à l’effet recherché ;

– résumer un texte ;

– utiliser les principales règles d’orthographe lexicale et grammaticale.

S’exprimer à l’oral

Il s’agit de savoir :

– prendre la parole en public ;

– prendre part à un dialogue, un débat : prendre en compte les propos d’autrui, faire valoir son propre point de vue ;

– rendre compte d’un travail individuel ou collectif (exposés, expériences, démonstrations…) ;

– reformuler un texte ou des propos lus ou prononcés par un tiers ;

– adapter sa prise de parole (attitude et niveau de langue) à la situation de communication (lieu, destinataire, effet recherché) ;

– dire de mémoire des textes patrimoniaux (textes littéraires, citations célèbres).

Utiliser des outils

L’élève devra être capable d’utiliser :

– des dictionnaires, imprimés ou numériques, pour vérifier l’orthographe ou le sens d’un mot, découvrir un synonyme ou un mot nécessaire à l’expression de sa pensée ;

– des ouvrages de grammaire ou des logiciels de correction orthographique.

Attitudes

L’intérêt pour la langue comme instrument de pensée et d’insertion développe :

– la volonté de justesse dans l’expression écrite et orale, du goût pour l’enrichissement du vocabulaire ;

– le goût pour les sonorités, les jeux de sens, la puissance émotive de la langue ;

– l’intérêt pour la lecture (des livres, de la presse écrite) ;

– l’ouverture à la communication, au dialogue, au débat.

2. La pratique d’une langue vivante étrangère

Il s’agit soit de la langue apprise depuis l’école primaire, soit d’une langue dont l’étude a commencé au collège.

La communication en langue étrangère suppose la capacité de comprendre, de s’exprimer et d’interpréter des pensées, des sentiments et des faits, à l’oral comme à l’écrit, dans diverses situations.

Elle implique également la connaissance et la compréhension des cultures dont la langue est le vecteur : elle permet de dépasser la vision que véhiculent les stéréotypes.

Le « cadre européen commun de référence pour les langues », conçu par le Conseil de l’Europe, constitue la référence fondamentale pour l’enseignement des langues vivantes, les apprentissages et l’évaluation des acquis. La maîtrise du niveau A2 (niveau de l’utilisateur élémentaire) correspond au niveau requis pour le socle commun.

La maîtrise des langues vivantes s’acquiert par une pratique régulière et par l’entraînement de la mémoire. Cinq types d’activités la rendent possible : la compréhension orale, l’expression orale, l’interaction orale, la compréhension écrite et l’expression écrite.

Connaissances

Pratiquer une langue vivante étrangère, c’est d’abord s’approprier un code linguistique : il faut connaître les formes écrites et sonores permettant de comprendre ou de produire des messages corrects et significatifs dans le contexte de la vie courante. Cela suppose une connaissance du vocabulaire, de la grammaire, de la phonologie et de l’orthographe. Il s’agit donc de :

– posséder un vocabulaire suffisant pour comprendre des sujets simples ;

– connaître les règles grammaticales fondamentales (catégorie du nom, système verbal, coordination et subordination dans leur forme élémentaire) et le fonctionnement de la langue étudiée en tenant compte de ses particularités ;

– connaître les règles de prononciation ;

– maîtriser l’orthographe des mots ou expressions appris en comprenant le rapport phonie-graphie. Pour certaines langues, l’apprentissage du système graphique constitue une priorité compte tenu de la nécessaire familiarisation avec des caractères spécifiques.

Capacités

Pratiquer une langue vivante étrangère, c’est savoir l’utiliser de façon pertinente et appropriée en fonction de la situation de communication, dans un contexte socioculturel donné. On attend de l’élève qu’il puisse communiquer de manière simple mais efficace, dans des situations courantes de la vie quotidienne, c’est-à-dire qu’il sache :

– utiliser la langue en maîtrisant les codes de relations sociales associés à cette langue :

– utiliser des expressions courantes en suivant les usages de base (saluer, formuler des invitations, des excuses…) ;

– tenir compte de l’existence des différences de registre de langue, adapter son discours à la situation de communication ;

– comprendre un bref propos oral : identifier le contenu d’un message, le sujet d’une discussion si l’échange est mené lentement et clairement, suivre un récit ;

– se faire comprendre à l’oral (brève intervention ou échange court) et à l’écrit, avec suffisamment de clarté, c’est-à-dire être capable :

– de prononcer correctement ;

– de relier des groupes de mots avec des connecteurs logiques ;

– de donner des informations et de s’informer ;

– d’exprimer simplement une idée, une opinion ;

– de raconter une histoire ou de décrire sommairement ;

– comprendre un texte écrit court et simple.

Attitudes

L’apprentissage d’une langue étrangère développe la sensibilité aux différences et à la diversité culturelle. Il favorise :

– le désir de communiquer avec les étrangers dans leur langue, de lire un journal et d’écouter les médias audiovisuels étrangers, de voir des films en version originale ;

– l’ouverture d’esprit et la compréhension d’autres façons de penser et d’agir.

3. Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique

Il s’agit de donner aux élèves la culture scientifique nécessaire à une représentation cohérente du monde et à la compréhension de leur environnement quotidien ; ils doivent saisir que la complexité peut être exprimée par des lois fondamentales.

Des approches concrètes et pratiques des mathématiques et des sciences, faisant notamment appel à l’habileté manuelle (par exemple, travailler un matériau, manipuler des volumes, en réaliser), aident les élèves à comprendre les notions abstraites.

Les mathématiques, les sciences expérimentales et la technologie favorisent la rigueur intellectuelle constitutive du raisonnement scientifique.

A. – Les principaux éléments de mathématiques

Dans chacun des domaines que sont le calcul, la géométrie et la gestion des données, les mathématiques fournissent des outils pour agir, choisir et décider dans la vie quotidienne. Elles développent la pensée logique, les capacités d’abstraction et de vision dans le plan et dans l’espace par l’utilisation de formules, de modèles, de graphiques et de diagrammes. Il s’agit aussi de développer le raisonnement logique et le goût de la démonstration.

La maîtrise des principaux éléments de mathématiques s’acquiert et s’exerce essentiellement par la résolution de problèmes, notamment à partir de situations proches de la réalité.

Les compétences acquises en mathématiques conditionnent l’acquisition d’une culture scientifique.

Connaissances

Il est nécessaire de créer aussi tôt que possible à l’école primaire des automatismes en calcul, en particulier la maîtrise des quatre opérations qui permet le calcul mental. Il est aussi indispensable d’apprendre à démontrer et à raisonner.

Il faut aussi comprendre des concepts et des techniques (calcul, algorithme) et les mémoriser afin d’être en mesure de les utiliser. Les élèves doivent connaître :

– pour ce qui concerne les nombres et le calcul :

– les nombres décimaux, les nombres relatifs, les fractions, les puissances (ordonner, comparer) ;

– les quatre opérations et leur sens ;

– les techniques élémentaires du calcul mental ;

– les éléments du calcul littéral simple (expressions du premier degré à une variable) ;

– le calcul de la valeur d’une expression littérale pour différentes valeurs des variables ;

– les identités remarquables ;

– pour ce qui concerne l’organisation et la gestion de données et les fonctions :

– la proportionnalité : propriété de linéarité, représentation graphique, tableau de proportionnalité, « produit en croix » ou « règle de 3 », pourcentage, échelle ;

– les représentations usuelles : tableaux, diagrammes, graphiques ;

– le repérage sur un axe et dans le plan ;

– les notions fondamentales de statistique descriptive (maximum, minimum, fréquence, moyenne) ;

– les notions de chance ou de probabilité ;

– en géométrie :

– les propriétés géométriques élémentaires des figures planes et des solides suivants : carré, rectangle, losange, parallélogramme, triangle, cercle, cube, parallélépipède rectangle, cylindre, sphère ;

– les notions de parallèle, perpendiculaire, médiatrice, bissectrice, tangente (à un cercle) ;

– les transformations : symétries, agrandissement et réduction ;

– des théorèmes de géométrie plane : somme des angles d’un triangle, inégalité triangulaire, Thalès (dans le triangle), Pythagore.

Il faut aussi savoir interpréter une représentation plane d’un objet de l’espace ainsi qu’un patron (cube, parallélépipède rectangle) ;

– pour ce qui concerne les grandeurs et les mesures :

– les principales grandeurs (unités de mesure, formules, calculs et conversions) : longueur, aire, contenance, volume, masse, angle, durée, vitesse, masse volumique, nombre de tours par seconde ;

– les mesures à l’aide d’instruments, en prenant en compte l’incertitude liée au mesurage.

Capacités

À la sortie de l’école obligatoire, l’élève doit être en mesure d’appliquer les principes et processus mathématiques de base dans la vie quotidienne, dans sa vie privée comme dans son travail. Pour cela, il doit être capable :

– de raisonner logiquement, de pratiquer la déduction, de démontrer ;

– de communiquer, à l’écrit comme à l’oral, en utilisant un langage mathématique adapté ;

– d’effectuer :

– à la main, un calcul isolé sur des nombres en écriture décimale de taille raisonnable (addition, soustraction, multiplication, division) ;

– à la calculatrice, un calcul isolé sur des nombres relatifs en écriture décimale : addition, soustraction, multiplication, division décimale à 10-n près, calcul du carré, du cube d’un nombre relatif, racine carrée d’un nombre positif ;

– mentalement des calculs simples et déterminer rapidement un ordre de grandeur ;

– de comparer, additionner, soustraire, multiplier et diviser les nombres en écriture fractionnaire dans des situations simples ;

– d’effectuer des tracés à l’aide des instruments usuels (règle, équerre, compas, rapporteur) :

– parallèle, perpendiculaire, médiatrice, bissectrice ;

– cercle donné par son centre et son rayon ;

– image d’une figure par symétrie axiale, par symétrie centrale ;

– d’utiliser et construire des tableaux, des diagrammes, des graphiques et de savoir passer d’un mode d’expression à un autre ;

– d’utiliser des outils (tables, formules, outils de dessin, calculatrices, logiciels) ;

– de saisir quand une situation de la vie courante se prête à un traitement mathématique, l’analyser en posant les données puis en émettant des hypothèses, s’engager dans un raisonnement ou un calcul en vue de sa résolution, et, pour cela :

– savoir quand et comment utiliser les opérations élémentaires ;

– contrôler la vraisemblance d’un résultat ;

– reconnaître les situations relevant de la proportionnalité et les traiter en choisissant un moyen adapté ;

– utiliser les représentations graphiques ;

– utiliser les théorèmes de géométrie plane ;

– de se repérer dans l’espace : utiliser une carte, un plan, un schéma, un système de coordonnées.

Attitudes

L’étude des mathématiques permet aux élèves d’appréhender l’existence de lois logiques et développe :

– la rigueur et la précision ;

– le respect de la vérité rationnellement établie ;

– le goût du raisonnement fondé sur des arguments dont la validité est à prouver.

B. – La culture scientifique et technologique

Les sciences expérimentales et les technologies ont pour objectif de comprendre et de décrire le monde réel, celui de la nature, celui construit par l’Homme ainsi que les changements induits par l’activité humaine.

Leur étude contribue à faire comprendre aux élèves la distinction entre faits et hypothèses vérifiables d’une part, opinions et croyances d’autre part. Pour atteindre ces buts, l’observation, le questionnement, la manipulation et l’expérimentation sont essentiels, et cela dès l’école primaire, dans l’esprit de l’opération « La main à la pâte » qui donne le goût des sciences et des techniques dès le plus jeune âge.

Les notions complexes (relatives à l’ADN, aux gènes, à la tectonique des plaques lithosphériques), dont les élèves entendent parler dans la vie courante, sont abordées de manière adaptée. La présentation de l’histoire de l’élaboration des concepts, en mobilisant les ressources de toutes les disciplines concernées, constitue un moyen efficace d’aborder la complexité : la perspective historique contribue à donner une vision cohérente des sciences et des techniques ainsi que de leur développement conjoint.

Les élèves doivent comprendre que les sciences et les techniques contribuent au progrès et au bien-être des sociétés.

Connaissances

À l’issue de la scolarité obligatoire, tout élève doit avoir une représentation cohérente du monde reposant sur des connaissances. Chacun doit donc :

– savoir que l’Univers est structuré :

– du niveau microscopique (atomes, molécules, cellules du vivant) ;

– au niveau macroscopique (planètes, étoiles, galaxies) ;

– savoir que la planète Terre :

– est un des objets du système solaire, lequel est gouverné par la gravitation ;

– présente une structure et des phénomènes dynamiques internes et externes ;

– savoir que la matière se présente sous une multitude de formes :

– sujettes à transformations et réactions ;

– organisées du plus simple au plus complexe, de l’inerte au vivant ;

– connaître les caractéristiques du vivant :

– unité d’organisation (cellule) et biodiversité ;

– modalités de la reproduction, du développement et du fonctionnement des organismes vivants ;

– unité du vivant (ADN) et évolution des espèces ;

– savoir que l’Univers, la matière, les organismes vivants baignent dans une multitude d’interactions et de signaux, notamment lumineux, qui se propagent et agissent à distance ;

– savoir que l’énergie, perceptible dans le mouvement, peut revêtir des formes différentes et se transformer de l’une à l’autre ; connaître l’énergie électrique et son importance ; connaître les ressources en énergie fossile et les énergies renouvelables ;

– savoir que la maîtrise progressive de la matière et de l’énergie permet à l’Homme d’élaborer une extrême diversité d’objets techniques, dont il convient de connaître :

– les conditions d’utilisation ;

– l’impact sur l’environnement ;

– le fonctionnement et les conditions de sécurité ;

– maîtriser des connaissances sur l’Homme :

– unicité et diversité des individus qui composent l’espèce humaine (génétique, reproduction) ;

– l’organisation et le fonctionnement du corps humain ;

– le corps humain et ses possibilités ;

– influence de l’Homme sur l’écosystème (gestion des ressources…) ;

– être familiarisé avec les techniques courantes, le traitement électronique et numérique de l’information et les processus automatisés, à la base du fonctionnement d’objets de la vie courante.

Capacités

L’étude des sciences expérimentales développe les capacités inductives et déductives de l’intelligence sous ses différentes formes. L’élève doit être capable :

– de pratiquer une démarche scientifique :

– savoir observer, questionner, formuler une hypothèse et la valider, argumenter, modéliser de façon élémentaire ;

– comprendre le lien entre les phénomènes de la nature et le langage mathématique qui s’y applique et aide à les décrire ;

– de manipuler et d’expérimenter en éprouvant la résistance du réel :

– participer à la conception d’un protocole et le mettre en œuvre en utilisant les outils appropriés, y compris informatiques ;

– développer des habiletés manuelles, être familiarisé avec certains gestes techniques ;

– percevoir la différence entre réalité et simulation ;

– de comprendre qu’un effet peut avoir plusieurs causes agissant simultanément, de percevoir qu’il peut exister des causes non apparentes ou inconnues ;

– d’exprimer et d’exploiter les résultats d’une mesure ou d’une recherche et pour cela :

– utiliser les langages scientifiques à l’écrit et à l’oral ;

– maîtriser les principales unités de mesure et savoir les associer aux grandeurs correspondantes ;

– comprendre qu’à une mesure est associée une incertitude ;

– comprendre la nature et la validité d’un résultat statistique ;

– de percevoir le lien entre sciences et techniques ;

– de mobiliser ses connaissances en situation, par exemple comprendre le fonctionnement de son propre corps et l’incidence de l’alimentation, agir sur lui par la pratique d’activités physiques et sportives, ou encore veiller au risque d’accidents naturels, professionnels ou domestiques ;

– d’utiliser les techniques et les technologies pour surmonter des obstacles.

Attitudes

L’appréhension rationnelle des choses développe les attitudes suivantes :

– le sens de l’observation ;

– la curiosité pour la découverte des causes des phénomènes naturels, l’imagination raisonnée, l’ouverture d’esprit ;

– l’esprit critique : distinction entre le prouvé, le probable ou l’incertain, la prédiction et la prévision, situation d’un résultat ou d’une information dans son contexte ;

– l’intérêt pour les progrès scientifiques et techniques ;

– la conscience des implications éthiques de ces changements ;

– l’observation des règles élémentaires de sécurité dans les domaines de la biologie, de la chimie et dans l’usage de l’électricité ;

– la responsabilité face à l’environnement, au monde vivant, à la santé.

4. La maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication

La culture numérique implique l’usage sûr et critique des techniques de la société de l’information. Il s’agit de l’informatique, du multimédia et de l’internet, qui désormais irriguent tous les domaines économiques et sociaux.

Ces techniques font souvent l’objet d’un apprentissage empirique hors de l’école. Il appartient néanmoins à celle-ci de faire acquérir à chaque élève un ensemble de compétences lui permettant de les utiliser de façon réfléchie et plus efficace.

Les connaissances et les capacités exigibles pour le B2i collège (Brevet informatique et internet) correspondent au niveau requis pour le socle commun. Elles sont acquises dans le cadre d’activités relevant des différents champs disciplinaires.

Connaissances

Les élèves doivent maîtriser les bases des techniques de l’information et de la communication (composants matériels, logiciels et services courants, traitement et échange de l’information, caractéristiques techniques, fichiers, documents, structuration de l’espace de travail, produits multimédias…).

Ils doivent également savoir :

– que les équipements informatiques (matériels, logiciels et services) traitent une information codée pour produire des résultats et peuvent communiquer entre eux ;

– que l’usage de ces outils est régi par des règles qui permettent de protéger la propriété intellectuelle, les droits et libertés des citoyens et de se protéger soi-même.

Capacités

La maîtrise des techniques de l’information et de la communication est développée en termes de capacités dans les textes réglementaires définissant le B2i :

– s’approprier un environnement informatique de travail ;

– créer, produire, traiter, exploiter des données ;

– s’informer, se documenter ;

– communiquer, échanger.

Attitudes

Le développement du goût pour la recherche et les échanges d’informations à des fins éducatives, culturelles, sociales, professionnelles doit s’accompagner d’une attitude responsable - domaine également développé dans la définition du B2i - c’est-à-dire :

– une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information disponible ;

– une attitude de responsabilité dans l’utilisation des outils interactifs.

5. La culture humaniste

La culture humaniste permet aux élèves d’acquérir tout à la fois le sens de la continuité et de la rupture, de l’identité et de l’altérité. En sachant d’où viennent la France et l’Europe et en sachant les situer dans le monde d’aujourd’hui, les élèves se projetteront plus lucidement dans l’avenir.

La culture humaniste contribue à la formation du jugement, du goût et de la sensibilité.

Elle enrichit la perception du réel, ouvre l’esprit à la diversité des situations humaines, invite à la réflexion sur ses propres opinions et sentiments et suscite des émotions esthétiques. Elle se fonde sur l’analyse et l’interprétation des textes et des œuvres d’époques ou de genres différents. Elle repose sur la fréquentation des œuvres littéraires (récits, romans, poèmes, pièces de théâtre), qui contribue à la connaissance des idées et à la découverte de soi. Elle se nourrit des apports de l’éducation artistique et culturelle.

Connaissances

En donnant des repères communs pour comprendre, la culture humaniste participe à la construction du sentiment d’appartenance à la communauté des citoyens, aide à la formation d’opinions raisonnées, prépare chacun à la construction de sa propre culture et conditionne son ouverture au monde. Les élèves doivent :

– avoir des repères géographiques :

– les grands ensembles physiques (océans, continents, reliefs, fleuves, grands domaines climatiques et biogéographiques) et humains (répartition mondiale de la population, principales puissances du monde contemporain et leurs métropoles, les États de l’Union européenne et leurs capitales) ;

– les grands types d’aménagements ;

– les grandes caractéristiques géographiques de l’Union européenne ;

– le territoire français : organisation et localisations, ensembles régionaux, outre-mer ;

– avoir des repères historiques :

– les différentes périodes de l’histoire de l’humanité (les événements fondateurs caractéristiques permettant de les situer les unes par rapport aux autres en mettant en relation faits politiques, économiques, sociaux, culturels, religieux, scientifiques et techniques, littéraires et artistiques), ainsi que les ruptures ;

– les grands traits de l’histoire de la construction européenne ;

– les périodes et les dates principales, les grandes figures, les événements fondateurs de l’histoire de France, en les reliant à l’histoire du continent européen et du monde ;

– être préparés à partager une culture européenne :

– par une connaissance des textes majeurs de l’Antiquité (l’Iliade et l’Odyssée, récits de la fondation de Rome, la Bible) ;

– par une connaissance d’œuvres littéraires, picturales, théâtrales, musicales, architecturales ou cinématographiques majeures du patrimoine français, européen et mondial (ancien, moderne ou contemporain) ;

– comprendre l’unité et la complexité du monde par une première approche :

– des droits de l’homme ;

– de la diversité des civilisations, des sociétés, des religions (histoire et aire de diffusion contemporaine) ;

– du fait religieux en France, en Europe et dans le monde en prenant notamment appui sur des textes fondateurs (en particulier, des extraits de la Bible et du Coran) dans un esprit de laïcité respectueux des consciences et des convictions ;

– des grands principes de la production et de l’échange ;

– de la mondialisation ;

– des inégalités et des interdépendances dans le monde ;

– des notions de ressources, de contraintes, de risques ;

– du développement durable ;

– des éléments de culture politique : les grandes formes d’organisation politique, économique et sociale (notamment des grands États de l’Union européenne), la place et le rôle de l’État ;

– des conflits dans le monde et des notions de défense.

Capacités

Les élèves doivent être capables :

– de lire et utiliser différents langages, en particulier les images (différents types de textes, tableaux et graphiques, schémas, représentations cartographiques, représentations d’œuvres d’art, photographies, images de synthèse) ;

– de situer dans le temps les événements, les œuvres littéraires ou artistiques, les découvertes scientifiques ou techniques étudiés et de les mettre en relation avec des faits historiques ou culturels utiles à leur compréhension ;

– de situer dans l’espace un lieu ou un ensemble géographique, en utilisant des cartes à différentes échelles ;

– de faire la distinction entre produits de consommation culturelle et œuvres d’art ;

– d’avoir une approche sensible de la réalité ;

– de mobiliser leurs connaissances pour donner du sens à l’actualité ;

– de développer par une pratique raisonnée, comme acteurs et comme spectateurs, les valeurs humanistes et universelles du sport.

Attitudes

La culture humaniste que dispense l’école donne aux élèves des références communes. Elle donne aussi à chacun l’envie d’avoir une vie culturelle personnelle :

– par la lecture, par la fréquentation des musées, par les spectacles (cinéma, théâtre, concerts et autres spectacles culturels) ;

– par la pratique d’une activité culturelle, artistique ou physique.

Elle a pour but de cultiver une attitude de curiosité :

– pour les productions artistiques, patrimoniales et contemporaines, françaises et étrangères ;

– pour les autres pays du monde (histoire, civilisation, actualité).

Elle développe la conscience que les expériences humaines ont quelque chose d’universel.

*

* *

Pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel, réussir sa vie en société et exercer librement sa citoyenneté, d’autres compétences sont indispensables à chaque élève : l’école doit permettre à chacun de devenir pleinement responsable - c’est-à-dire autonome et ouvert à l’initiative - et assumer plus efficacement sa fonction d’éducation sociale et civique.

6. Les compétences sociales et civiques

Il s’agit de mettre en place un véritable parcours civique de l’élève, constitué de valeurs, de savoirs, de pratiques et de comportements dont le but est de favoriser une participation efficace et constructive à la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa liberté en pleine conscience des droits d’autrui, de refuser la violence.

Pour cela, les élèves devront apprendre à établir la différence entre les principes universels (les droits de l’homme), les règles de l’État de droit (la loi) et les usages sociaux (la civilité).

Il s’agit aussi de développer le sentiment d’appartenance à son pays, à l’Union européenne, dans le respect dû à la diversité des choix de chacun et de ses options personnelles.

A. – Vivre en société

Dès l’école maternelle, l’objectif est de préparer les élèves à bien vivre ensemble par l’appropriation progressive des règles de la vie collective.

Connaissances

Les connaissances nécessaires relèvent notamment de l’enseignement scientifique et des humanités. L’éducation physique et sportive y contribue également.

Les élèves doivent en outre :

– connaître les règles de la vie collective et comprendre que toute organisation humaine se fonde sur des codes de conduite et des usages dont le respect s’impose ;

– savoir ce qui est interdit et ce qui est permis ;

– connaître la distinction entre sphères professionnelle, publique et privée,

– être éduqué à la sexualité, à la santé et à la sécurité ;

– connaître les gestes de premiers secours.

Capacités

Chaque élève doit être capable :

– de respecter les règles, notamment le règlement intérieur de l’établissement ;

– de communiquer et de travailler en équipe, ce qui suppose savoir écouter, faire valoir son point de vue, négocier, rechercher un consensus, accomplir sa tâche selon les règles établies en groupe ;

– d’évaluer les conséquences de ses actes : savoir reconnaître et nommer ses émotions, ses impressions, pouvoir s’affirmer de manière constructive ;

– de porter secours : l’obtention de l’attestation de formation aux premiers secours certifie que cette capacité est acquise ;

– de respecter les règles de sécurité, notamment routière par l’obtention de l’attestation scolaire de sécurité routière.

Attitudes

La vie en société se fonde sur :

– le respect de soi ;

– le respect des autres (civilité, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes) ;

– le respect de l’autre sexe ;

– le respect de la vie privée ;

– la volonté de résoudre pacifiquement les conflits ;

– la conscience que nul ne peut exister sans autrui :

– conscience de la contribution nécessaire de chacun à la collectivité ;

– sens de la responsabilité par rapport aux autres ;

– nécessité de la solidarité : prise en compte des besoins des personnes en difficulté (physiquement, économiquement), en France et ailleurs dans le monde.

B. – Se préparer à sa vie de citoyen

L’objectif est de favoriser la compréhension des institutions d’une démocratie vivante par l’acquisition des principes et des principales règles qui fondent la République. Il est aussi de permettre aux élèves de devenir des acteurs responsables de notre démocratie.

Connaissances

Pour exercer sa liberté, le citoyen doit être éclairé. La maîtrise de la langue française, la culture humaniste et la culture scientifique préparent à une vie civique responsable. En plus de ces connaissances essentielles, notamment de l’histoire nationale et européenne, l’élève devra connaître :

– la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

– la Convention internationale des droits de l’enfant ;

– les symboles de la République et leur signification (drapeau, devise, hymne national) ;

– les règles fondamentales de la vie démocratique (la loi, le principe de la représentation, le suffrage universel, le secret du vote, la décision majoritaire et les droits de l’opposition) dont l’apprentissage concret commence à l’école primaire dans diverses situations de la vie quotidienne et se poursuit au collège, en particulier par l’élection des délégués ;

– le lien entre le respect des règles de la vie sociale et politique et les valeurs qui fondent la République ;

– quelques notions juridiques de base, et notamment :

– l’identité de la personne ;

– la nationalité ;

– le principe de responsabilité et la notion de contrat, en référence à des situations courantes (signer un contrat de location, de travail, acquérir un bien, se marier, déclarer une naissance, etc.) ;

– quelques notions de gestion (établir un budget personnel, contracter un emprunt, etc.) ;

– le fonctionnement de la justice (distinction entre civil et pénal, entre judiciaire et administratif) ;

– les grands organismes internationaux ;

– l’Union européenne :

– les finalités du projet partagé par les nations qui la constituent ;

– les grandes caractéristiques de ses institutions ;

– les grands traits de l’organisation de la France :

– les principales institutions de la République (pouvoirs et fonctions de l’État et des collectivités territoriales) ;

– le principe de laïcité ;

– les principales données relatives à la démographie et à l’économie françaises ;

– le schéma général des recettes et des dépenses publiques (État, collectivités locales, sécurité sociale) ;

– le fonctionnement des services sociaux.

Capacités

Les élèves devront être capables de jugement et d’esprit critique, ce qui suppose :

– savoir évaluer la part de subjectivité ou de partialité d’un discours, d’un récit, d’un reportage ;

– savoir distinguer un argument rationnel d’un argument d’autorité ;

– apprendre à identifier, classer, hiérarchiser, soumettre à critique l’information et la mettre à distance ;

– savoir distinguer virtuel et réel ;

– être éduqué aux médias et avoir conscience de leur place et de leur influence dans la société ;

– savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question, la nuancer (par la prise de conscience de la part d’affectivité, de l’influence de préjugés, de stéréotypes).

Attitudes

Au terme de son parcours civique scolaire, l’élève doit avoir conscience de la valeur de la loi et de la valeur de l’engagement. Ce qui implique :

– la conscience de ses droits et devoirs ;

– l’intérêt pour la vie publique et les grands enjeux de société ;

– la conscience de l’importance du vote et de la prise de décision démocratique ;

– la volonté de participer à des activités civiques.

7. L’autonomie et l’initiative

A. – L’autonomie

L’autonomie de la personne humaine est le complément indispensable des droits de l’homme : le socle commun établit la possibilité d’échanger, d’agir et de choisir en connaissance de cause, en développant la capacité de juger par soi-même.

L’autonomie est aussi une condition de la réussite scolaire, d’une bonne orientation et de l’adaptation aux évolutions de sa vie personnelle, professionnelle et sociale.

Il est également essentiel que l’école développe la capacité des élèves à apprendre tout au long de la vie.

Connaissances

La maîtrise des autres éléments du socle commun est indissociable de l’acquisition de cette compétence, mais chaque élève doit aussi :

– connaître les processus d’apprentissage, ses propres points forts et faiblesses ;

– connaître l’environnement économique :

– l’entreprise ;

– les métiers de secteurs et de niveaux de qualification variés ainsi que les parcours de formation correspondants et les possibilités de s’y intégrer.

Capacités

Les principales capacités attendues d’un élève autonome sont les suivantes :

– s’appuyer sur des méthodes de travail (organiser son temps et planifier son travail, prendre des notes, consulter spontanément un dictionnaire, une encyclopédie, ou tout autre outil nécessaire, se concentrer, mémoriser, élaborer un dossier, exposer) ;

– savoir respecter des consignes ;

– être capable de raisonner avec logique et rigueur et donc savoir :

– identifier un problème et mettre au point une démarche de résolution ;

– rechercher l’information utile, l’analyser, la trier, la hiérarchiser, l’organiser, la synthétiser ;

– mettre en relation les acquis des différentes disciplines et les mobiliser dans des situations variées ;

– identifier, expliquer, rectifier une erreur ;

– distinguer ce dont on est sûr de ce qu’il faut prouver ;

– mettre à l’essai plusieurs pistes de solution ;

– savoir s’autoévaluer ;

– savoir choisir un parcours de formation, première étape de la formation tout au long de la vie ;

– développer sa persévérance ;

– avoir une bonne maîtrise de son corps, savoir nager.

Attitudes

La motivation, la confiance en soi, le désir de réussir et de progresser sont des attitudes fondamentales. Chacun doit avoir :

– la volonté de se prendre en charge personnellement ;

– d’exploiter ses facultés intellectuelles et physiques ;

– conscience de la nécessité de s’impliquer, de rechercher des occasions d’apprendre ;

– conscience de l’influence des autres sur ses valeurs et ses choix ;

– une ouverture d’esprit aux différents secteurs professionnels et conscience de leur égale dignité.

B. – L’esprit d’initiative

Il faut que l’élève se montre capable de concevoir, de mettre en œuvre et de réaliser des projets individuels ou collectifs dans les domaines artistiques, sportifs, patrimoniaux ou socio-économiques. Quelle qu’en soit la nature, le projet - toujours validé par l’établissement scolaire - valorise l’implication de l’élève.

Connaissances

Toutes les connaissances acquises pour les autres compétences peuvent être utiles.

Capacités

Il s’agit d’apprendre à passer des idées aux actes, ce qui suppose savoir :

– définir une démarche adaptée au projet ;

– trouver et contacter des partenaires, consulter des personnes-ressources ;

– prendre des décisions, s’engager et prendre des risques en conséquence ;

– prendre l’avis des autres, échanger, informer, organiser une réunion, représenter le groupe ;

– déterminer les tâches à accomplir, établir des priorités.

Attitudes

L’envie de prendre des initiatives, d’anticiper, d’être indépendant et inventif dans la vie privée, dans la vie publique et plus tard au travail, constitue une attitude essentielle. Elle implique :

– curiosité et créativité ;

– motivation et détermination dans la réalisation d’objectifs.

*

* *

Le principe même du socle repose sur un impératif de qualité. S’agissant d’une culture commune pour tous les élèves, il traduit tout autant une ambition pour les plus fragiles qu’une exigence pour ceux qui réussissent bien. Les graves manques pour les uns et les lacunes pour les autres à la sortie de l’école obligatoire constituent des freins à une pleine réussite et à l’exercice d’une citoyenneté libre et responsable.

Ainsi, le socle commun possède une unité : sa maîtrise à la fin de la scolarité obligatoire ne peut être que globale, car les compétences qui le constituent, avec leur liste principale de connaissances, de capacités et d’attitudes, sont complémentaires et également nécessaires. Chacun des domaines constitutifs du socle commun contribue à l’insertion professionnelle, sociale et civique des élèves, pour sa maîtrise à l’issue de la scolarité obligatoire, il ne peut donc y avoir de compensation entre les compétences requises qui composent un tout, à la manière des qualités de l’homme ou des droits et des devoirs du citoyen.

ANNEXE 4

ATTESTATION DE MAÎTRISE DES CONNAISSANCES ET COMPÉTENCES DU SOCLE COMMUN AU PALIER 3

(fin de collège)

1 () Composition en annexe.

2 () Aux indicateurs 1.5, 1.6, 2.1 et 2.2 du projet annuel de performances de la mission budgétaire « Enseignement scolaire ».

3 () Audition du 10 février 2010.

4 () Audition du 13 janvier 2010.

5 () Dans le privé, environ 650 000 élèves sont scolarisés dans 1 687 collèges dans lesquels enseignent 44 625 professeurs. Cet enseignement doit bénéficier de 1,8 milliard d’euros en crédits de paiement au titre de la loi de finances pour 2010.

6 () Soit les sections classiques ou enseignement général long, les sections modernes ou enseignement général court et les sections de transition de Cinquième et de Sixième, suivies d’un cycle terminal pratique. Quant à la mise en place longue et difficile du collège unique, il convient de rappeler que la Cinquième a cessé d’être une étape d’orientation en 1991 et que ce n’est qu’à la toute fin des années 1990 que la quasi-totalité d’une cohorte (97 %) a atteint la classe de Troisième.

7 () « Les difficultés du collège unique : la France toujours à la recherche de son école moyenne », Jean-Paul Delahaye, Revue française d’éducation comparée n° 3, septembre 2008.

8 () Audition du 17 février 2010.

9 () Arrêté du 9 juillet 2009 modifiant l’arrêté du 18 août 1999 relatif aux modalités d’attribution du diplôme national du brevet.

10 () Circulaire n° 2010-38 du 16 mars 2010, Bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale n° 11 du 18 mars 2010.

11 () Audition du 27 janvier 2010.

12 () Audition du 18 février 2010.

13 () Audition du 28 janvier 2010. Mme Marie Duru-Bellat est professeur des universités en sociologie, spécialisée dans les questions d’éducation.

14 () Audition du 9 décembre 2009.

15 () Recommandations pour le socle commun, 23 mars 2006.

16 () « Les compétences générales des élèves en fin de collège », Note évaluation 04.09, ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, octobre 2004.

17 () « L’état de l’École. 30 indicateurs sur le système éducatif français », n° 19, ministère de l’éducation nationale, novembre 2009.

18 () La majorité des élèves français de 15 ans ayant participé à la dernière enquête (2006) étaient en Seconde (49,4 %), mais 30,3 % étaient en Troisième générale, 4 % dans les autres classes de troisième (« techno », « insertion » et « section d’enseignement général et professionnel adapté ») et 5,1 % en Quatrième.

19 () Audition du 20 janvier 2010.

20 () Table ronde du 16 décembre 2009.

21 () Table ronde du 16 décembre 2009.

22 () « Que nous apprennent les évaluations internationales sur le fonctionnement des systèmes éducatifs ? Une illustration avec la question du redoublement », Thierry Rocher, Éducation & formations n° 78, novembre 2008.

23 () « L’élitisme républicain. L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales », Christian Baudelot et Roger Establet, Le Seuil, 2009.

24 () « L’école primaire – Bilan des résultats de l’École 2007 », septembre 2007.

25 () « Lire, écrire, compter : les performances des élèves de CM2 à vingt ans d’intervalle 1987-2007 », Note d’information 08.38, ministère de l’éducation nationale, décembre 2008.

26 () Par école unique, il faut comprendre les organisations scolaires fondées sur un programme d’études couvrant le primaire et le premier cycle du secondaire.

27 () Table ronde du 27 janvier 2010.

28 () Audition du 9 décembre 2009.

29 () « La gestion du système éducatif », avril 2003.

30 () Audition du 9 décembre 2009.

31 () Audition du 17 février 2010.

32 () Table ronde du 16 décembre 2009.

33 () D’une durée variable selon la situation de l’élève, ce dispositif ne fait pas l’objet d’un enquête quantitative.

34 () Table ronde du 16 décembre 2009.

35 () Voir le tableau p. 29 du présent rapport.

36 () Audition du 17 février 2010.

37 () Rapport annuel 2007 de l’Inspection générale de l’éducation nationale et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, 2008.

38 () Audition du 28 janvier 2010.

39 () L’éducation prioritaire a été réorganisée en 2006 autour de deux niveaux : l’éducation prioritaire 1 ou les réseaux ambition réussite, au nombre de 254 à la rentrée 2008, soit autant de collèges, associés à plus de 1 710 écoles primaires, regroupant les établissements concentrant les plus grandes difficultés, et l’éducation prioritaire 2 ou les réseaux de réussite scolaire, comptant 6 110 écoles et collèges publics.

40 () « Enseigner en collège et lycée en 2008 », interrogation réalisée en septembre-octobre 2008 auprès de 1 200 enseignants du second degré public, ministère de l’éducation nationale, octobre 2009.

41 () Audition du 3 février 2010.

42 () « Les actes de violence recensés dans les établissements publics du second degré en 2008-2009 », Note d’information 09.22, ministère de l’éducation nationale, octobre 2009. L’enquête distingue 16 types d’incident grave (violence verbale, violence physique, violence sexuelle, racket, bizutage, port d’arme, etc.).

43 () Audition du 17 février 2010.

44 () Table ronde du 16 décembre 2009.

45 () Audition du 16 décembre 2009.

46 () Audition du 13 janvier 2010.

47 () Audition du 17 février 2010.

48 () Audition du 10 février 2010.

49 () Audition du 10 février 2010.

50 () Rapport d’information n° 2247, 13 avril 2005.

51 () Audition du 16 décembre 2009.

52 () « Une nouvelle ambition pour le lycée », rapport d’information n° 1964, 27 mai 2009.

53 () Audition du 16 décembre 2009.

54 () Audition du 11 février 2010.

55 () Audition du 3 février 2010.

56 () Recommandations communes adoptées le 1er mars 2005.

57 () Audition du 3 février 2010.

58 () Audition du 17 février 2010.

59 () Audition du 3 février 2010.

60 () Audition du 9 décembre 2009.

61 () À l’occasion du projet de loi de finances pour 2009, les pourcentages d’élèves maîtrisant les compétences 1 (français) et 3 (mathématiques et culture scientifique) ont été indiqués à titre de prévision.

62 () Audition du 17 février 2010.

63 () Audition du 20 janvier 2010.

64 () Audition du 3 février 2010.

65 () Table ronde du 16 décembre 2009.

66 () À la fin du cycle des apprentissages fondamentaux (CE1) pour ce qui est de la maîtrise de la langue française, des principaux éléments de mathématiques et des compétences sociales civiques et à la fin de l’école primaire (CM2) et du collège (Troisième) ou de la scolarité obligatoire pour chacune des sept compétences du socle commun.

67 () Note de service du 13 juillet 2009 parue au Bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale n°40 du 29 octobre 2009.

68 () Audition du 3 février 2010.

69 () Audition du 28 janvier 2010.

70 () Audition du 18 février 2010.

71 () Audition du 27 janvier 2010.

72 () Audition du 10 février 2010.

73 () Audition du 3 février 2010.

74 () Audition du 21 janvier 2010.

75 () Audition du 13 janvier 2010.

76 () Audition du 27 janvier 2010.

77 () Ces éléments d’information ont été communiqués le 15 février 2010.

78 () Audition du 27 janvier 2010.

79 () Audition du 3 février 2010.

80 () Arrêté du 9 juillet 2008, Bulletin officiel spécial n° 6 du 28 août 2008.

81 () Socle commun – Culture commune. La position du SNES et ses propositions, décembre 2009.

82 () Rappelons que pour la session 2010, le niveau A2 dans une langue vivante étrangère et le brevet informatique et internet seront nécessaires pour l’obtention du diplôme national du brevet.

83 () Le brevet de sécurité routière, obligatoire pour conduire un cyclomoteur à partir de 14 ans, est constitué de l’attestation de sécurité routière de premier niveau ou de second niveau et de cinq heures de conduite. L’attestation de sécurité routière de niveau 2 est obligatoire pour s’inscrire au permis de conduire.

84 () D’une durée de dix heures, cette formation est dispensée en collège par les titulaires du brevet national de moniteur des premiers secours.

85 () Bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale n° 40 du 29 octobre 2009.

86 () Audition du 17 février 2010.

87 () Audition du 21 janvier 2010.

88 () Audition du 21 janvier 2010.

89 () Audition du 3 février 2010.

90 () Table ronde du 16 décembre 2009.

91 () Table ronde au Collège Françoise Dolto de Paris (XXe) du 28 janvier 2010.

92 () Audition du 9 décembre 2009.

93 () Le Cadre européen des Compétences clés pour l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie énonce huit compétences clés : Communication dans la langue maternelle ; Communication dans une langue étrangère ; Culture mathématique et compétences de base en sciences et technologies ; Culture numérique ; Apprendre à apprendre ; Compétences interpersonnelles, interculturelles et compétences sociales et civiques ; Esprit d’entreprise ; Sensibilité culturelle.

94 () Table ronde du 16 décembre 2009.

95 () Table ronde du 11 février 2010 au Collège Olivier de Serres de Viry-Châtillon.

96 () Audition du 17 février 2010.

97 () Audition du 13 janvier 2010.

98 () Rapport d’information n° 2247 du 13 avril 2005 précité.

99 () « Le contenu des programmes scolaires ne relève ni des « principes fondamentaux (…) de l’enseignement » que l’article 34 de la Constitution réserve au domaine de la loi, ni d’aucun autre principe ou règle que la Constitution place dans ce domaine » (Décision 2006- 203 I du 23 janvier 2006 du Conseil constitutionnel).

100 () Audition du 16 décembre 2009.

101 () Audition du 9 décembre 2009.

102 () Recommandation sur « la maîtrise du corps », 23 janvier 2008.

103 () Audition du 20 janvier 2010.

104 () « Assurer le bien-être des enfants », OCDE, 2009. La qualité de vie scolaire comprend deux indicateurs couvrant la tranche d’âge allant de 11 à 15 ans et reposant sur des données collectées en 2005-2006 : le premier rend compte des brimades physiques et psychologiques et le second rend compte des enfants qui déclarent aimer l’école.

105 () Audition du 28 janvier 2010.

106 () « Les livrets de compétences : nouveaux outils pour l’évaluation des acquis », rapport n° 2007-048 de l’Inspection générale de l’éducation nationale, juin 2007.

107 () Audition du 20 janvier 2010.

108 () « L’évaluation formative. Pour un meilleur apprentissage dans les classes secondaires », OCDE, 2005.

109 () Audition du 11 février 2010.

110 () À la rentrée 2010, tous les collèges disposeront, via leur serveur académique, d’une application numérique appelée « Livret personnel de compétences » permettant de renseigner les compétences validées et d’éditer les attestations pour les familles (circulaire de rentrée n° 2010-38 du 16 mars 2010).

111 () Audition 17 février 2010.

112 () Audition du 10 février 2010.

113 () Audition du 18 février 2010.

114 () Audition du 24 février 2010.

115 () Circulaire n° 2009-192 du 28 décembre 2009.

116 () Audition du 3 février 2010.

117 () Audition du 17 février 2010.

118 () Audition du 16 décembre 2009.

119 () Audition du 27 janvier 2010.

120 () « Pour la réussite de tous les éléves », rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’école, 2004.

121 () Audition du 13 janvier 2010.

122 () Table ronde du 16 décembre 2009.

123 () « Socle commun et compétences : des enjeux nouveaux ? », Administration et éducation n° 114, juin 2007.

124 () Texte publié au Journal officiel du 28 décembre 2006.

125 () Audition du 3 février 2010.

126 () « Socle commun et compétences : des enjeux nouveaux ? », article précité.

127 () Audition du 17 février 2010.

128 () « Pour un collège démocratique », rapport au ministre de l’éducation nationale, 1982.

129 () Audition du 13 janvier 2010.

130 () Audition du 18 février 2010.

131 () Audition du 3 février 2010.

132 () Audition du 20 janvier 2010.

133 () « Les difficultés du collège unique : la France toujours à la recherche de son école moyenne », article précité.

134 () Audition du 14 janvier 2010.

135 () Audition du 14 janvier 2010.

136 () Audition du 10 février 2010.

137 () Audition du 9 décembre 2009.

138 () Audition du 20 janvier 2010.

139 () « Enseigner en collège et lycée 2008 », enquête précitée.

140 () Table ronde du 28 janvier 2010 au Collège Françoise Dolto de Paris (20°).

141 () Rapport d’information n° 1694 précité.

142 () Décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008. Ces 3 heures hebdomadaires annuelles équivalent à 108 heures annuelles, que le décret répartit entre les différentes activités mentionnées.

143 () « La profession enseignante en Europe : Profil, métiers et enjeux. Rapport III : conditions de travail et salaires. Secondaire inférieur général », juin 2003. À titre d’exemple, la Finlande, la Belgique, la Suède, le Danemark, l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Hongrie fixent un nombre d’heures/de jours de présence à l’école.

144 () Audition du 24 février 2010.

145 () Table ronde du 27 janvier 2010.

146 () Audition du 24 février 2010.

147 () Audition du 3 février 2010.

148 () « Cet autre que moi. Évaluation de l’action menée dans les collèges parisiens. Année scolaire 2007-2008 », Étienne Douat, sociologue.

149 () Circulaire 2001-263 du 27 décembre 2001, Bulletin officiel de l’éducation nationale spécial n° 1 du 3 janvier 2002.

150 () Audition du 28 janvier 2010.

151 () Audition du 20 janvier 2010.

152 () Audition du 11 février 2010.

153 () Audition du 17 février 2010.

154 () Audition du 17 février 2010.

155 () Avis n° 1968 tome 4 sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2010, 27 octobre 2009.

156 () Table ronde du 27 janvier 2010.

157 () Audition du 11 février 2010.

158 () Circulaire n° 2009-064 du 19 mai 2009, Bulletin officiel n° 22 du 28 mai 2009.

159 () Avis n° 1199 tome 5 sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances, 16 octobre 2008.


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