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N°2928

_____________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 novembre 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

en application de l'article 29 du Règlement

au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée

parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur l'activité de cette Assemblée

au cours de la quatrième partie de sa session ordinaire de 2010

par M. Jean-Claude MIGNON

ET PRÉSENTÉ A LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en octobre 2010, de : MM. Roland Blum, Georges Colombier, Mmes Claude Greff, Arlette Grosskost, MM. Denis Jacquat, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, François Loncle, Jean-Paul Lecoq, Jean-Claude Mignon, François Rochebloine, René Rouquet en tant que membres titulaires, et M. Alain Cousin, Mmes Annick Girardin, Françoise Hostalier, Marietta Karamanli, M. Noël Mamère, Mmes Christine Marin, Muriel Marland-Militello, MM. Germinal Peiro et Frédéric Reiss, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Rudy Salles et André Schneider, en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I. Actualités de la délégation parlementaire 7

A. La délégation et son bureau 7

B. Initiative de ses membres et nominations 9

c. rencontres de la délégation française  10

II. Informations générales sur le déroulement de la session 11

A. ORDRE du jour de la quatrième partie de la session ordinaire de 2010 11

B. Textes adoptés 14

C. InterventionS des parlementaires français 16

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 19

A. RAPPORT D’ACTIVITé DU BUREAU DE L’ASSEMBLéE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE : 19

B. DéBAT D’URGENCE : LA MONTéE RéCENTE EN EUROPE DU DISCOURS SéCURITAIRE AU NIVEAU NATIONAL : LE CAS DES ROMS 20

C. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DéMOCRATIQUES EN UKRAINE 32

D. DISCOURS DE M. GUIDO WESTERWELLE, VICE-CHANCELIER FéDéRAL ET MINISTRE FéDéRAL DES AFFAIRES éTRANGèRES DE L’ALLEMAGNE : 34

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME 37

A. LA LUTTE CONTRE L’EXTRéMISME, RéALISATIONS, FAIBLESSES ET éCHECS 37

B. ACCèS DES FEMMES A DES SOINS MéDICAUX LéGAUX : PROBLèME DU RECOURS NON RéGLEMENTé à L’OBJECTION DE CONSCIENCE 48

C. DROITS DE L’HOMME ET ENTREPRISES 51

D. SéVICES SUR DES ENFANTS PLACéS EN éTABLISSEMENT : GARANTIR LA PROTECTION PLEINE ET ENTIèRE DES VICTIMES 54

E. LES ACTIVITéS DE L’ORGANISATION DE COOPéRATION ET DE DéVELOPPEMENT éCONOMIQUES (OCDE) EN 2009-2019 57

F. LES ACTIVITéS DE LA BANQUE EUROPéENNE POUR LA RECONSTRUCTION ET LE DéVELOPPEMENT (BERD) EN 2009 : FACILITER L’INTéGRATION éCONOMIQUE EN EUROPE 58

G. GARANTIR LE DROIT A LA SCOLARISATION DES ENFANTS MALADES OU HANDICAPéS 60

H. ENFANTS PRIVéS DE SOINS PARENTAUX : NéCESSITé D’AGIR D’URGENCE 66

I. DEMANDES D’ASILE LIéES AU GENRE 66

J. LE DéVELOPPEMENT DU POTENTIEL SOCIO-éCONOMIQUE DE LA RéGION DE LA MER BALTIQUE 67

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DEBAT 69

A. éLECTION DU SECRéTAIRE GéNéRAL DE L’ASSEMBLéE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE 69

B. NéCESSITé D’éVITER LE CHEVAUCHEMENT DES TRAVAUX DU CONSEIL DE L’EUROPE PAR L’AGENCE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION EUROPéENNE 69

C. PROCéDURES DE SéLECTION NATIONALES DES CANDIDATS à LA COUR EUROPéENNE DES DROITS DE L’HOMME 77

D. COMMUNICATION DU COMITé DES MINISTRES A L’ASSEMBLéE PARLEMENTAIRE, PRéSENTéE PAR M. ANTONIO MILOSOSKI, MINISTRE DES AFFAIRES éTRANGèRES DE «  L’EX-RéPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACéDOINE » , PRéSIDENT DU COMITé DES MINISTRES 81

E. LA STRATéGIE, LA GOUVERNANCE ET LE FONCTIONNEMENT DE LA BANQUE DE DéVELOPPEMENT DU CONSEIL DE L’EUROPE 83

F. DISCOURS DE M. NIKOLA GRUEVSKI, PREMIER MINISTRE DE «  L’EX-RéPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACéDOINE » 84

G. CéLéBRATION DU 60ème ANNIVERSAIRE DE LA CONVENTION EUROPéENNE DES DROITS DE L’HOMME 85

ANNEXES 87

Annexe 1 Résolution 1760 (2010) La montée récente en Europe du discours sécuritaire au niveau national : le cas des Roms 89

Annexe 2 Résolution 1756 (2010) - Nécessité d’éviter le chevauchement des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne 95

Annexe 3 Recommandation 1935 (2010) - Nécessité d’éviter le chevauchement des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne 97

Annexe 4 Recommandation 1933 (2010) - Lutte contre l'extrémisme : réalisations, faiblesses et échecs 99

Annexe 5 Résolution 1754 (2010) - Lutte contre l'extrémisme : réalisations, faiblesses et échecs 101

Annexe 6 Résolution 1764 (2010) - Procédures nationales de sélection des candidats à la Cour européenne des droits de l'homme 107

Annexe 7 Résolution 1763 (2010) - Le droit à l’objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux 109

INTRODUCTION

Le renforcement de la primauté de l'État de droit, le suivi des institutions démocratiques et le respect des droits de l'Homme étaient au cœur de la quatrième partie de session.

La réforme du Conseil de l’Europe a fait l’objet de nombreuses interventions de la délégation française, au nombre desquelles la procédure de sélection nationale des juges, les risques de chevauchement des travaux du Conseil de l’Europe et de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Plusieurs temps forts ont marqué cette session. La célébration du 60ème anniversaire de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme et le débat d’urgence sur la montée du discours sécuritaire invoquant le cas des Roms en Europe a permis à la délégation française de s’exprimer quasiment d’une seule voix.

L’Assemblée parlementaire se trouve confrontée à de nouveaux défis : la sauvegarde des institutions face aux rhétoriques extrémistes qui cherchent à miner les fondations de l’État de droit, la situation toujours préoccupante dans certains pays de l’Est de l’Europe, l’Ukraine, la Moldavie et hors du Conseil de l’Europe, le Bélarus. Plus que jamais l’action du Conseil de l’Europe et de son assemblée parlementaire paraissent incontournables.

L’accent a également été mis pendant cette partie de session sur la novation que constituent les droits des enfants, et, en particulier, la reconnaissance de « l’intérêt supérieur de l’enfant » . Les droits des femmes ont également été évoqués notamment en termes d’équilibres à trouver entre leur droit légitime à disposer de leur corps et la clause de conscience des personnels médicaux.

La quatrième partie de session de 2010 a consacré, comme à l’accoutumée, une partie de ses débats aux travaux de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Trouver des solutions pérennes à la prévention des crises économiques, nécessité d’assainir les finances publiques afin de redonner des bases solides à la croissance sont les thèmes majeurs autour desquels se sont concentrées les discussions. Une fois de plus le lien entre croissance solide, stabilité des institutions démocratiques et État de droit a été mis en évidence.

Les défis auxquels le Conseil de l’Europe est confronté sont plus que jamais actuels. La promotion des droits de l’homme et leur sauvegarde est un combat sans cesse renouvelé.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

La délégation parlementaire française à l’Assemblée du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).

La délégation a vu sa composition modifiée : M. René Rouquet (Val-de-Marne– SRC) est devenu membre titulaire, M. Germinal Peiro (Dordogne– SRC), membre suppléant.

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU

Composition de la délégation en octobre 2010

Membres titulaires

 

Assemblée

Groupe

Assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Denis BADRÉ

Sénateur

UC

ADLE

M. Roland BLUM

Député

UMP

PPE/DC

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

PPE/DC

Mme Claude GREFF

Députée

UMP

PPE/DC

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

PPE/DC

M. Armand JUNG

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

SOC

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

GUE

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

SOC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

Membres suppléants

 

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Laurent BÉTEILLE

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

M. Alain COUSIN

Député

UMP

PPE/DC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

Mme Annick GIRARDIN

Députée

SRC

SOC

Mme Françoise HOSTALIER

Députée

UMP

PPE/DC

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jean-François LE GRAND

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Noël MAMERE

Député

GDR

GUE

Mme Christine MARIN

Députée

UMP

PPE/DC

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

PPE/DC

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

SOC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UC

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

SOC

M. Rudy SALLES

Député

NC

PPE

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

Le Bureau de la délégation est composé de la façon suivante :

Président

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

Présidente déléguée
pour l’UEO

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

       

Vice-présidents

M. Alain COUSIN

Député

UMP

 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

 

Mme Claude GREFF

Députée

UMP

 

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

 

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

 

M. François LONCLE

Député

SRC

 

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

 

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

B. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) a été nommé par le Premier ministre parlementaire en mission sur les relations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne par décret du 7 octobre 2010.

Mme Françoise Hostalier (Nord – UMP) a été désignée rapporteur sur «   Que peut faire l’Europe pour les enfants de régions ravagées par un désastre naturel et en situation de crise : l’exemple d’Haïti ? » par la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille.

M. François Rochebloine (Loire – UC) a été désigné rapporteur sur «  Bonne gouvernance et éthique du sport » par la Commission de la culture, de la science et de l’éducation.

Le 28 septembre, le Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, M. Mevlut Cavuşoğlu avait été reçu à l’Assemblée nationale par M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale.

Un déjeuner a été organisé au Petit-hôtel en son honneur par M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation. Étaient notamment présents, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, M. Pierre Lellouche, le Président de la commission des affaires étrangères, M. Axel Poniatovski, le Président de la commission des affaires européennes, M. Pierre Lequiller et le Président de la CNIL, le sénateur Alex Türk.

A l’initiative de M. Jean-Claude Mignon, trois petits déjeuners ont été organisés au Petit-hôtel : avec M. Wojciech Sawicki, candidat au poste de Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, M. Aleksandr Pavlovsky, ambassadeur du Bélarus en France et M. Alex Türk, président de la CNIL.

M. Jean-Claude Mignon a été désigné par le Bureau Président de la commission ad hoc sur la Réforme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Au titre de ses fonctions de vice-président de l’Assemblée parlementaire, M. Jean-Claude Mignon, a présidé la séance à cinq reprises au cours de cette partie de session.

M. René Rouquet (Val-de-Marne– SRC) a reçu le Prix du Conseil de l’Europe pour son action en faveur des droits de l’homme.

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE 

M. Philippe Ray, chargé d’affaires ad interim, a reçu la délégation française le 3 octobre pour un dîner de travail au cours duquel il a abordé les principaux points inscrits à l’ordre du jour. M. Jean-Louis Laurens, directeur général de la démocratie et des affaires politiques au Conseil de l'Europe, était présent. Il a expliqué l’activité de son service tant en termes de défis à relever du fait des coupes budgétaires que de succès au nombre desquels les «  écoles de la démocratie » .

Le 5 octobre 2010, les membres de la délégation française ont invité leurs homologues de la délégation norvégienne, présidée par Mme Lise Christoffersen, pour un échange de vues sur l’avenir du Conseil de l’Europe. Le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, M. Thorbjorn Jagland a fait, à la délégation, l’honneur d’y participer.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. ORDRE DU JOUR DE LA QUATRIÈME PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2010

Lundi 4 octobre 2010

– Ouverture de la quatrième partie de la Session ordinaire 2010 ;

– Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente ;

– Discours de M. Guido Westerwelle, vice-chancelier fédéral et ministre fédéral des Affaires étrangères de l’Allemagne ;

– Communication du Comité de Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Antonio Milososki, ministre des Affaires étrangères de «  l’ex-République yougoslave de Macédoine » , Président du Comité des ministres ;

Mardi 5 octobre 2010

– Élection du secrétaire général de l’Assemblée parlementaire ;

– La lutte contre l’extrémisme : réalisations, faiblesses et échecs ;

– Élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Estonie et de la Grèce ;

– Sévices sur des enfants placés en établissement : garantir la protection pleine et entière des victimes ;

– Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine ;

– Nécessité d’éviter le chevauchement des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Mercredi 6 octobre 2010

– Droits de l’homme et entreprises ;

– Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2009-2010 ;

Intervention de M. Angel Gurria, Secrétaire général de l’OCDE

– Célébration du 60e anniversaire de la Convention européenne des droits de l’homme ;

 

Intervention de M. Jean-Paul Costa, Président de la Cour européenne des droits de l’homme

– Les activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) en 2009 : faciliter l’intégration économique en Europe ;

Intervention de M. Jan Fischer, Vice-président de la BERD

– La stratégie, la gouvernance et le fonctionnement de la Banque de développement du Conseil de l’Europe ;

Intervention de M. Apolonio Ruiz Ligero, Vice - gouverneur de la Banque de développement du Conseil de l’Europe

Jeudi 7 octobre 2010

– Débat selon la procédure d’urgence : la montée récente en Europe du discours sécuritaire au niveau national, le cas des Roms ;

Intervention de Mme Maud de Boer-Buquicchio, Secrétaire générale adjointe du Conseil de l’Europe

Intervention de M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ;

– Discours de M. Nikola Gruevski, Premier ministre de «  l’ex-République yougoslave de Macédoine » ;

– Garantir le droit à la scolarisation des enfants malades ou handicapés ;

Intervention de Mme Hayrünnisa Gül, marraine de la campagne «  L’éducation lève les obstacles » en Turquie

– Enfants privés de soins parentaux : nécessité d’agir d’urgence ;

– Accès des femmes à des soins médicaux légaux : problème du recours non réglementé à l’objection de conscience ;

Vendredi 8 octobre 2010

– Procédures de sélection nationales des candidats à la Cour européenne des droits de l’homme ;

– Demandes d’asile liées au genre ;

– Le développement du potentiel socio-économique de la région de la mer Baltique ;

– Clôture de la quatrième partie de la Session ordinaire de 2010.

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http ://assembly.coe.int

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions :

– aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Texte

Document

Commission des questions politiques

Débat d’urgence : la montée récente en Europe du discours sécuritaire au niveau national, le cas des Roms

Rapporteure : M. Anne Brasseur (Luxembourg – ADLE)

Lutte contre l’extrémisme : réalisations, faiblesses et échecs

Rapporteur : M. Pedro Agramunt Font de Mora (Espagne – PPE)

Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme

Nécessité d’éviter le chevauchement des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne

Rapporteur : M. Boris Cilevics (Lettonie – SOC)

Procédures nationales de sélection des candidats à la Cour européenne des droits de l’homme

rapporteure : Mme Renate Wohlwend (Liechtenstein – PPE)

Droits de l’homme et entreprises

Rapporteur : M. Holger Haibach (Allemagne– PPE)

Commission des questions économiques et du développement

Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2009-2010

Rapporteur : M. Juan Moscoso del Prado Hernandez (Espagne – SOC)

Les activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) en 2009 : faciliter l’intégration économique en Europe

Rapporteure : Mme Hermine Naghdalyan (Arménie– ADLE)

La stratégie, la gouvernance et le fonctionnement de la Banque de développement du Conseil de l’Europe

Rapporteur : M. Tuur Elzinga (Pays-Bas– GUE)

Le développement du potentiel socio-économique de la région de la mer Baltique

Rapporteur : M. Antti Kaikkonen (Finlande– ADLE)

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Sévices sur des enfants placés en établissement : garantir la protection pleine et entière des victimes

Rapporteure : Mme Marlene Rupprecht (Allemagne– SOC)

Enfants privés de soins parentaux : nécessité d’agir d’urgence

Rapporteure : M. Pieter Omtzigt (Pays-Bas– PPE)

Garantir le droit à la scolarisation des enfants malades ou handicapés

Rapporteur : M. Lokman Ayva (Turquie– PPE)

Le droit à l’objection de conscience dans le cadre des oins médicaux légaux

Rapporteure : Mme Christine McCafferty (Royaune-Uni– SOC)

Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Demandes d’asile liées au genre

Rapporteur : M. Andrej Zernovski («  L’ex-République yougoslave de Macédoine » – ADLE)

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine

Co-rapporteures : Mmes Renate Wohlwend (Liechtenstein – PPE) et Mailis Reps (Estonie –ADLE)

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 4 octobre 2010

– Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la commission permanente : Mme Josette Durrieu et M. Jean-Claude Mignon ;

– Question à M. Guido Westerwelle, vice-chancelier fédéral et ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne : Mme Gisèle Gautier, MM. Denis Badré et Jean-Claude Mignon ;

– Communication du Comité des Ministres présentée par M. Antonio Milososki, ministre des affaires étrangères de l’ex-République yougoslave de Macédoine, Président du Comité des ministres : Mme Maryvonne Blondin et M. Denis Badré (au nom du groupe ADLE).

Mardi 5 octobre 2010

– Lutte contre l’extrémisme : réalisations, faiblesses et échecs : Mmes Josette Durrieu, Annick Girardin, Christine Marin et MM. Jean-Pierre Kucheida, Jean-Paul Lecoq, François Rochebloine, René Rouquet et Rudy Salles ;

– Sévices sur des enfants placés en établissement : garantir la protection pleine et entière des victimes : MM. Jean-Paul Lecoq (au nom du groupe GUE) et Rudy Salles ;

– Nécessité d’éviter le chevauchement des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne : Mme Marietta Karamanli, MM. Denis Badré (au nom du groupe ADLE), Laurent Béteille, Jean-Claude Mignon, François Loncle (au nom du groupe SOC) et François Rochebloine ;

– Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine : François Rochebloine.

Mercredi 6 octobre 2010

– Droits de l’homme et entreprises : Mmes Gisèle Gautier et Josette Durrieu et M. François Rochebloine.

– Les activités de La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) en 2009 : faciliter l’intégration économique en Europe : M. Bernard Fournier.

Jeudi 7 octobre 2010

– Débat d’urgence : la montée récente en Europe du discours sécuritaire au niveau national, le cas des Roms : Mmes Maryvonne Blondin, Claude Greff, Marietta Karamanli et Muriel Marland-Militello, et MM. Laurent Béteille, Francis Grignon et Jean-Claude Mignon ;

– Question à M. Nikola Gruevski, Premier ministre de l’ex-République yougoslave de la Macédoine : M. Bernard Fournier ;

– Garantir le droit à la scolarisation des enfants malades ou handicapés : Mmes Maryvonne Blondin et Christine Marin, MM. Laurent Béteille, Yves Pozzo di Borgo et André Schneider ;

– Accès des femmes à des soins médicaux légaux : problème du recours non réglementé à l’objection de conscience : Mmes Maryvonne Blondin et Muriel Marland-Militello.

Vendredi 8 octobre 2010

– Procédures de sélection nationale des candidats à la Cour européenne des droits de l’homme : MM. Jean-Claude Mignon et Yves Pozzo di Borgo ;

– Le développement du potentiel socio-économique de la région de la mer Baltique : Mme Muriel Marland-Militello.

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 

A. RAPPORT D’ACTIVITÉ DU BUREAU DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE :

L’Assemblée parlementaire se trouve davantage en prise avec l’actualité, notamment en ce qui concerne la procédure du débat d’urgence qui concerne la situation des Roms en Europe. Le référendum de réforme des institutions en Moldavie n’a pas eu le succès escompté, avec une participation inférieure à 33 %. Après la reconnaissance par l’arrêt de la Cour internationale de justice de la non violation par le Kosovo du droit international se pose la question pour l’Assemblée parlementaire du statut à donner au Kosovo : indépendance de jure ou de facto, sachant les risques de précédents que cela impliquerait vis-à-vis de régions sécessionnistes telles que l’Abkhazie ou l’Ossétie.

Le Conseil national palestinien a fait part de sa volonté d’adhérer au «  statut de partenaire de la démocratie » .

La procédure d’élection des juges est aussi un sujet important qui mérite réflexion, la décision du Bureau tendant à demander aux autorités portugaises de soumettre une nouvelle liste de candidats ayant été approuvée par l’Assemblée parlementaire.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, est intervenu pour dénoncer les propos de son collègue roumain, M. György Frunda, qui avait vivement attaqué la politique française à l’endroit des Roms :

«  Nous venons d’adopter l’ordre du jour de la présente partie de session. J’ai la faiblesse de penser que le débat sur les Roms aura lieu jeudi matin. Je ne comprends donc pas cette intervention de M. Frunda. Je ne doute pas un seul instant, que la Roumanie a tout fait pour intégrer les Roms sur son territoire. Sur ce point, nous n’avons pas de leçon à recevoir. »

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) s’est associée au président de la délégation tout en mettant l’accent sur l’importance de la réforme à mettre en œuvre en Moldova : 

«  Je voudrais dire à M. Frunda que je ressens moi aussi, cruellement les propos qu’il vient de tenir, en considérant que c’est l’ensemble de la France qui est engagée dans cette démarche que je n’approuve pas ; pas plus que les propos que vous venez de tenir.

Dans l’immédiat, je veux parler de la Moldova et saluer l’ancien président de la République, M. Voronin. La transition est longue dans ce pays et, pour autant, je ne dirai pas qu’il y a eu échec après le référendum. J’ai envie de dire qu’il y a dans ce pays, une crise constitutionnelle qui ne s’est pas traduite, et c’est exceptionnel, par une crise politique, dans la mesure où elle dure au moins depuis le printemps 2009.

Alors, le référendum a été ce qu’il a été. Il n’a pas donné le pourcentage nécessaire pour être validé. Blocage : peut-être. Boycott : pourquoi pas ? Moi aussi je peux considérer que cela fait partie des démarches politiques comme l’abstention. Surprise en tous cas ! Et maintenant, il faut poursuivre. Je fais confiance à la Moldova. Et je salue le rapporteur, M. Vareikis. J’ai été rapporteur pendant quinze ans. Je connais la Moldova autant que quiconque et presque autant que le président Voronin. Alors, dissolution : c’est fait. Nouvelles élections le 28 novembre et, bientôt je l’espère, en espérant que cela ne soit pas renvoyé à la case départ : élections législatives et élection du président de la République. Ce pays aujourd’hui vit sans président de la République, sans président du Parlement qui assumait la transition, sans Parlement tout court. Je voudrais savoir si, beaucoup de pays parmi les quarante-sept qui sont ici supporteraient cette situation avec sérénité, avec maîtrise. Cela, je crois qu’on le doit aussi, à toutes les actions conjuguées de tous ceux qui, dans ce pays, se sont relayés pour accompagner la marche vers la démocratie.

Plus que des critiques, je fais appel à vous, pour que vous mesuriez la nature de cette situation et que vous l’appréciiez à sa dimension. Oui, la Moldova a changé. Elle a beaucoup changé ces derniers mois, président Voronin. J’ai senti un certain nombre de choses. Toutes les réformes n’ont pas été faites, mais certaines l’ont été. En tous cas, j’ai senti qu’on pouvait s’exprimer librement, notamment au niveau des médias.

Quelles sont les priorités de ce petit pays ? Ce n’est pas parce qu’il est petit qu’on doit ignorer ce qu’il est. Quand on parle de la Transnistrie, cela fait certes couleur locale, mais elle fait aussi partie de la Moldova. Depuis des années, il y a atteinte à l’intégrité et à la souveraineté de ce pays puisque la Transnistrie n’en fait pratiquement plus partie intégrante. Il ne suffira pas d’en parler en termes de conflit gelé, insoluble. Apportons aussi, à un certain moment, en termes de droit, des réponses à ce problème. Il ne nous gêne pas trop politiquement mais il nous gêne beaucoup sur le plan des principes.

Deuxième priorité : la démocratie. Accompagnons la démocratie dans ce pays. Il faut que les citoyens votent. Ils auront en tous cas l’information : elle s’est libérée et j’espère qu’une majorité cohérente se dégagera. Je regrette que les Moldaves qui, pour des raisons économiques et sociales, sont plus d’un million à l’étranger, ne puissent s’exprimer. Je l’aurais souhaité. Cela aurait peut-être changé la nature des choses. Il y aurait beaucoup à faire dans ce domaine. La Commission de Venise s’en occupe.

La Moldova a choisi l’option de l’Europe. Accompagnons-la. Je formule de nombreux vœux pour son avenir. J’ai confiance dans ce peuple. »

B. DÉBAT D’URGENCE : LA MONTÉE RÉCENTE EN EUROPE DU DISCOURS SÉCURITAIRE AU NIVEAU NATIONAL : LE CAS DES ROMS

En vertu de l’article 49.1 du Règlement, l’Assemblée s’est prononcée sur une demande de débat d’urgence sur «  La montée récente en Europe du discours sécuritaire au niveau national : le cas des Roms » , présentée par la Commission des questions politiques. En l’absence d’opposition, le débat s’est tenu le jeudi matin dans l’hémicycle.

Le rapport présenté au nom de la commission des questions politiques vise à éviter que ne se développe une rhétorique sécuritaire stigmatisant une population déjà discriminée : les Roms.

La rapporteure a salué l’initiative positive lancée par le Secrétaire général du Conseil de l’Europe qui prévoit la tenue d’une réunion de haut niveau le 20 octobre 2010, à Strasbourg, pour trouver une réponse au niveau européen à l’exclusion des Roms.

Mme Maud de Boer-Buquicchio, Secrétaire générale adjointe du Conseil de l’Europe, a mis en évidence que cette réunion de haut niveau devrait s’articuler autour de deux grands thèmes de réflexion : la nécessité de surmonter la situation par le biais de l’inclusion sociale et d’adopter des principes clairs ainsi que l’identification de priorités pour une activité menée à différents niveaux.

Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Thomas Hammarberg, a rappelé les discriminations que subissent les Roms sans pour autant nier le fait que certaines individualités au sein de la communauté pouvaient avoir des activités criminelles. Rappelant le lourd tribut que la communauté Rom avait payé à l’Histoire, il a souhaité qu’une réflexion de haut niveau permette de trouver une réponse à cette discrimination historique dont ils souffrent.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, est intervenu pour préciser que non seulement il ne s’opposait pas à ce débat mais pensait qu’il était utile d’apporter une réponse européenne à une question européenne :

«   Mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous dire que, dès le départ, à Belgrade, lors de la réunion de la commission des questions politiques, la France s’est exprimée en faveur de la tenue – enfin ! – de ce débat d’urgence. Il faut souhaiter, comme M. Hancock, que cela ne sera pas un débat de plus, qui ne débouchera sur aucune mesure concrète. Dans cette Assemblée, allons-nous, oui ou non, avoir le courage de faire des propositions concrètes pour trouver une solution à la question des Roms en Europe ?

Je regrette certaines déclarations faites au cours des derniers mois, par des responsables de mon pays ou d’autres pays qui ont, au Conseil de l'Europe, des responsabilités importantes. Il est selon moi préférable de ne jamais réagir à chaud et de prendre de la hauteur, plutôt que de prononcer certaines paroles à la légère, qui peuvent avoir de graves conséquences sur les liens d’amitié qui existent entre nous !

En tant que Français, je ne peux accepter la manière dont les événements survenus cet été à Saint-Aignan, dans le Cher, sont décrits dans l’exposé des motifs du rapport. Il s’agit d’un réquisitoire de trois pages, qui jette l’opprobre sur mon pays. J’aurais apprécié que le rapport soit plus équilibré et évite la caricature.

J’aurais aimé, par ailleurs, que le projet de résolution aborde les vraies questions. Pourquoi les Roms ont-ils aujourd’hui besoin d’émigrer et de quitter leur terre d’origine ? Comment les pays d’accueil répondent-ils à ce besoin ? On les montre du doigt, la France en particulier. Mais mon pays est traditionnellement une terre d’asile, un pays d’accueil, ce dont nous nous honorons. Mes ancêtres se sont battus pour que la France soit un État de droit et pour qu’elle puisse accueillir tous ceux qui veulent s’y installer, mais à la condition que le droit français, tout comme le droit communautaire, soient respectés !

Il aurait fallu également, dans le rapport, évoquer les responsabilités du Conseil de l'Europe. Avons-nous fait tout ce que nous devions pour éviter de nous retrouver dans cette situation ? Je participe aux travaux du Conseil de l'Europe depuis 1993 et je n’ai jamais entendu la moindre proposition en vue de trouver une véritable solution au problème des Roms. Quant à l’Union européenne, qu’a-t-elle fait si ce n’est de voter des fonds structurels de cohésion ? Elle se limite aujourd’hui à des déclarations de principe et n’est même pas capable de vérifier si ces fonds sont utilisés à bon escient !

Nous avons la légitimité du suffrage universel direct.

Je souhaite, mes chers collègues, qu’à la veille de notre grande réforme, le Conseil de l’Europe se réveille, qu’il prenne, avec son Assemblée parlementaire, ses responsabilités et fasse des propositions, de véritables propositions. Les batailles sémantiques entre Agence des droits fondamentaux, Cour européenne des droits de l’homme et autres sont totalement secondaires face au problème dont nous traitons aujourd’hui. La priorité, ce sont ces hommes, ces femmes, ces enfants que l’on appelle «  des Roms » et qui, autant que vous et moi, ont le droit de vivre dans le respect de leur dignité humaine. Lutter contre le racisme et la xénophobie, c’est la mission du Conseil de l’Europe !

Je conclurai en vous disant que la France s’associe pleinement à cette mission, car nous sommes l’un des pays fondateurs du Conseil de l’Europe. Cela nous honore. Vous pouvez compter sur la France pour continuer de lutter tous ensemble contre le racisme et la xénophobie et pour que des solutions soient trouvées pour ces populations dites des Roms. »

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a précisé les difficultés d’intégration des populations roms en région parisienne :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, je suis un élu de la région parisienne qui, en France, est l’une des régions d’installation des populations roms. Je suis le maire d’une commune dont la population est composée d’une dizaine de nationalités, que nous nous efforçons d’intégrer, notamment en leur offrant des logements, simples et d’une surface sans doute insuffisante, mais pourvus du confort nécessaire pour un accueil convenable. Il n’empêche que la situation de la région parisienne est difficile et que l’intégration de différentes populations ne peut se faire par un coup de baguette magique. Rappelez-vous l’explosion des banlieues sur lesquelles nous avons débattu il y a quelques années.

Aujourd’hui, des populations s’installent à la périphérie de nos communes. Des campements de fortune de 400 à 500 familles s’établissent sur des terrains qu’elles s’approprient. Elles s’efforcent de vivre par la mendicité, et quand celle-ci ne suffit pas, elles trouvent d’autres moyens qui, s’ils ne relèvent pas de grand banditisme, sont des infractions à nos lois.

La situation était déjà difficile, mais elle ne s’améliore pas du fait de leur présence.

Dès lors, les autorités françaises sont obligées d’agir.

Certains ici ont considéré qu’il s’agissait d’un discours électoraliste. Non, mes chers collègues : c’est un discours qui a eu ses maladresses, je le reconnais volontiers, et je considère qu’il faut revenir à des éléments concrets. Mais il convient d’agir pour traiter le problème.

Traiter le problème, cela consiste à faire de l’intégration lorsqu’on le peut, et la France le fait. Des aménagements ont été réalisés, toujours en région parisienne, pour accueillir ces personnes et faire en sorte qu’elles soient logées dans des conditions convenables et non dans des bidonvilles.

Mais, au-delà, il y le nécessaire respect de la loi, et ce n’est pas à vous que j’apprendrai qu’il s’agit d’une exigence. De temps à autre, quand cela est nécessaire, cela peut se traduire par des reconduites. Nous le faisons et je ne pense pas que l’on puisse nous le reprocher. Je dirai donc, à la suite de beaucoup d’entre vous, qu’il ne s’agit pas de stigmatiser tel ou tel pays, mais de prendre ensemble, au niveau européen, les mesures à même de régler le problème, parce que, je le répète, si certains Roms viennent en France, ce n’est pas par masochisme. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) n’a pas cherché à excuser le gouvernement français quant à la montée du discours sécuritaire sur fond de populisme, mais a voulu recentrer le débat sur l’urgence qu’il y avait à intégrer les populations Roms notamment grâce à la scolarisation des enfants :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, de quelle urgence s’agit-il ce matin ? Y a-t-il urgence à nous préoccuper du sort des Roms ? Certainement. Mais, si tel est le cas, rappelons que nous avons déjà adopté une résolution et une recommandation sur la situation des Roms en Europe en juin dernier, donc tout récemment, devant, il est vrai, une assemblée clairsemée !

Y a-t-il urgence à débattre de la montée récente en Europe du discours sécuritaire au niveau national ? Sans doute, mais nous pourrions y consacrer des heures, voire des journées entières, tant il est vrai que ce phénomène particulièrement inquiétant concerne aujourd’hui toute l’Europe. Comme le montrent les résultats d’élections législatives récentes, le populisme n’épargne plus aucun État membre, y compris ceux qui pouvaient apparaître comme les meilleurs élèves en matière de respect des droits de l’homme.

Y a-t-il urgence à appeler à nouveau à la vigilance de tous sur la situation des Roms au regard d’une politique menée par un État membre particulier ? Nous approchons là, me semble-t-il, la vraie raison de la tenue de ce débat. Certes, aucun État membre n’est irréprochable, et certains sont beaucoup moins bons que d’autres. Il suffit de lire les rapports de notre commission de suivi pour s’en convaincre. Aussi, au-delà des échanges verbaux particulièrement vifs, nous devons garder la tête froide.

Ne croyez pas que je cherche à prendre la défense du gouvernement de mon pays. Je suis au contraire très critique à l’encontre de sa façon de faire. La fameuse circulaire du 5 août stigmatisant les Roms, aujourd’hui heureusement retirée, constituait clairement une discrimination, contraire non seulement aux engagements internationaux de la France, mais aussi à sa propre Constitution et à ses valeurs. En outre, cette polémique a sérieusement écorné l’image de la France au plan international, au moment où elle s’apprête à présider le G8 et le G20. Ce que je reproche au Gouvernement français, c’est précisément d’avoir cherché à jouer sur le registre sécuritaire dans un contexte de montée du populisme. Je lui reproche, en résumé, d’avoir versé dans la politique-spectacle, qui est contraire aux valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe.

Mais ce n’est pas de cela qu’il faut parler. Le vrai sujet concerne ce dont les Roms ont besoin. Ils vivent dans des conditions bien trop difficiles pour que l’on puisse les instrumentaliser. La véritable urgence est là !

Les Roms ne vivront pas mieux demain parce que nous aurons débattu de leur sort aujourd’hui pour la énième fois. Leur situation s’améliorera parce que nous aurons agi pour favoriser leur intégration économique et sociale. La marginalisation et les discriminations qui affectent cette communauté dans leurs pays d’origine la poussent à trouver refuge ailleurs en Europe. Tous les États membres partagent cette responsabilité : il faut sortir les Roms de la misère. Actuellement, des fonds – notamment d’origine communautaire – alloués à l’intégration des Roms existent. Ce qui manque, c’est la volonté politique pour les utiliser à bon escient. Je rappelle ce que j’avais déjà exprimé en juin dernier et qui a été repris par M. Westerwald lundi dernier, à savoir que la nécessité absolue est «  d’accompagner la scolarisation des enfant Roms pour mieux les intégrer, eux et leurs familles » .

Pour terminer, je voudrais vous poser la question suivante : pourquoi et comment aider les Roms, quand les citoyens nourrissent à leur égard tant de préjugés ancestraux ? »

Mme Claude Greff (Indre-et-Loire– UMP) a souhaité exprimer son mécontentement quant au rapport : il critique la politique française sans véritablement offrir de réponses à un problème européen alors que l’urgence humanitaire est en question :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, j’avoue que le rapport de Mme Anne Brasseur me laisse perplexe. Nous savons tous que la situation des Roms est une situation dramatique vécue depuis si longtemps ! 20 ans !

20 ans que la situation des Roms n’a pas été posée !

Pourtant, nous sommes tous des élus responsables, des élus de terrain et très conscients de ce qui se passe sur nos territoires !

Vous devriez insister, Madame la rapporteure, sur les solutions à apporter à ce problème européen, voire analyser les raisons de la montée d’un discours sécuritaire, rappeler les États de l’Union à leur responsabilité !

Vous préférez sur cinq pages, décrire le cas de la France en énonçant de manière vindicative, un titre provocateur «  changement de politique ou de rhétorique ? »

Peut-on réellement parler de changement de rhétorique lorsque l’auteure du rapport assimile dans le même rapport les »  Gens du voyage », qui sont Français, et les Roms lorsque la rapporteure oublie que la France est le premier pays d’accueil avec 170 000 séjours de longue durée par an ! Et les Roms qui fuient des conditions de vie dégradantes et difficiles dans leurs pays d’origine n’en sont pas exclus !

Peut-on réellement parler de changement de rhétorique lorsque la France n’a fait qu’expulser des personnes en situation irrégulière et démanteler des campements illégaux tout en accordant aux migrants une aide au retour de 300 euros par personne ?

Peut-on véritablement et décemment parler de changement de rhétorique lorsque la France continue, sans compensation, à offrir une aide médicale universelle et une scolarisation gratuite aux populations migrantes en situation irrégulière sur son territoire ?

La France a soutenu et nous avons soutenu, nous, parlementaires français, au sein du Conseil de l’Europe, les initiatives qui consistaient à privilégier une meilleure intégration des Roms dans leur pays d’origine et au sein de l’Europe dans son ensemble.

Nous avons été pionniers dans les actions de soutien en matière de discrimination ! Souvenez-vous : Fanny Ardant n’est-elle pas la marraine de la campagne «  Dosta » ? Peu s’en souviennent peut-être. Il y avait tellement d’absents ce jour-là au sein de notre hémicycle !

Le droit communautaire autorise des limitations à la liberté de circulation des ressortissants pour des raisons d’ordre public. La France n’aurait donc plus le droit de se défendre lorsque des situations de délinquance sont avérées et que certains sont en situation irrégulière ?

Nous ne pouvons aujourd’hui accepter d’être critiqués comme nous l’avons été !! Comparer le retour des Roms avec ce qui avait été pratiqué sous le régime nazi sont des propos inacceptables.

Mon gaullisme social se sent plus en accord avec l’initiative du Secrétaire général du Conseil de l’Europe. C’est une initiative courageuse. Elle est tournée vers l’avenir, vers le respect de l’homme et de ses valeurs. Je la soutiens entièrement, totalement. Ce sont aussi mes valeurs et le but de mon engagement politique. Construisons ! Mais de cette façon, car on ne construit pas avec des invectives !

La question de l’intégration des Roms n’est pas une question nouvelle et surtout pas une question nationale. Une partie des pays du Conseil de l’Europe y est confrontée. C’est aussi une question européenne et les solutions à y apporter le sont également.

Il est important, de comprendre et de respecter la mobilité qui est culturelle chez les minorités nomades, comme il me semble tout aussi important de prévenir les flux migratoires d’importance car les premières victimes sont les minorités Roms qui fuient des conditions de vie difficiles dans leur pays d’origine pour des raisons économiques et de discriminations.

Peut-on, en effet, admettre que des enfants, des femmes soient ainsi jetés sur les routes, abandonnés à des réseaux criminels d’organisation de la mendicité et des trafics d’être humains ?

C’est un vrai scandale humain !

Peut-on accepter que certains enfants soient mutilés à seule fin d’émouvoir les populations pour faciliter leurs dons ?

Ce sont les enfants contre le trafic d’êtres humains qu’il s’agit de préserver ici ! Il importe de protéger la minorité rom !

C’est le rôle du Conseil de l’Europe en tant que protecteur des droits de l’homme, mais c’est aussi le rôle du Conseil de l’Europe, de coopérer, entre pays membres pour montrer que nous sommes capables de résoudre un problème européen à l’échelle paneuropéenne.

Je vous remercie de votre attention. »

M. Francis Grignon (Bas-Rhin-UMP) a rappelé quelques règles de droit qui s’appliquent aussi à la population rom : 

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, lors de notre dernière partie de session, au mois de juin, notre Assemblée avait débattu de la situation des Roms en Europe. La résolution que nous avions alors adoptée insistait sur la grande misère dans laquelle vivent les Roms et appelait à prendre des mesures à même de favoriser leur intégration. Ce texte précisait également que, «  tous les États membres – sans exception – ont l’obligation morale et légale de faire des efforts concrets et soutenus pour améliorer la situation des Roms » . Il relevait également «  une nouvelle tendance au sein des États membres qui est de considérer que la question des Roms est de la responsabilité des organisations internationales et européennes » , obligeant notre Assemblée à rappeler que «  la principale responsabilité incombe aux États membres » .

Or, force est de constater que tous les États membres n’ont pas pris leurs responsabilités en matière d’intégration des Roms. Aborder un problème aussi complexe et sensible de manière polémique est forcément réducteur. Et je condamne les excès de langage de tous bords qui sont le fait, du moins en France, d’une agitation politicienne beaucoup plus que d’une prise en compte réaliste de la situation des Roms. Si les Roms s’installent en nombre en France, ce n’est pas un hasard : ils savent que la France est et demeure une terre d’accueil dont le système social est généreux.

La France s’est ainsi retrouvée confrontée à une multiplication de campements installés en toute illégalité, à la fois par ses citoyens et par des citoyens d’autres États membres, sur des terrains privés ou publics. Les conditions d’insalubrité y sont inacceptables et favorisent les trafics organisés en tout genre.

Le gouvernement français ne pouvait demeurer passif. Il a donc entrepris l’évacuation de ces campements illicites, dans le respect de la légalité.

Voir la condition des Roms sous le seul angle de la liberté de circulation en Europe serait réducteur.

La libre circulation et le droit de séjour comportent deux séries de limites : d’une part, ils peuvent être restreints pour des raisons d’ordre public et de sécurité publique, et, d’autre part, ils sont conditionnés, en cas de séjour d’une durée supérieure à trois mois, à l’existence de ressources suffisantes.

Les décisions d’éloignement prises par la France l’ont été après un examen particulier de chaque situation individuelle, sous le contrôle du juge. Il est donc inexact de dire que la France a procédé à des expulsions collectives, interdites à juste titre par les textes fondateurs de la protection des droits de l’homme en Europe.

La condition des Roms, c’est un problème d’hommes et de femmes souvent sédentarisés, mais discriminés et vivant dans la misère, qui cherchent des conditions de vie plus décentes que dans leurs pays d’origine qui n’utilisent pas les fonds communautaires, pourtant considérables, alloués à leur intégration.

En revanche, celle-ci est un sujet que tous les États concernés, avec les institutions communautaires et notre Organisation, doivent traiter ensemble. C’est pourquoi nous devons être attentifs aux résultats concrets de l’initiative bienvenue qu’a prise notre Secrétaire général pour améliorer la situation économique et sociael des Roms et qui, je l’espère, permettra d’améliorer les conditions de cette population pour qu’elle ne soit plus le bouc émissaire de toutes nos turpitudes économiques, sociales et politiques. »

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes -UMP) a tenu à rectifier des erreurs factuelles dans l’exposé de la situation en France établi par la rapporteure. Elle a également souligné qu’il fallait traiter la situation des Roms à l’échelle paneuropéenne :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, je ne partage pas l’ensemble des conclusions du rapport de notre collègue Mme Anne Brasseur, même si je salue la difficulté qui consistait à rédiger en si peu de temps un rapport sur un sujet aussi complexe et sensible.

Deux points méritent d’être néanmoins approfondis.

Premièrement un aspect factuel : les événements de Saint-Aignan. Le président de notre délégation, M. Jean-Claude Mignon, vient de faire passer un communiqué officiel de notre ministre de l’Intérieur rectifiant la manière un peu hâtive avec laquelle le rapport rapporte les faits tragiques de Saint-Aignan. Les tirs des policiers étaient la conséquence d’un forçage de barrage routier. Après sommation, les gendarmes ont donc tiré pour arrêter le véhicule, malheureusement, l’incident s’est transformé en drame.

Deuxièmement, outre l’erreur matérielle, il importe de rappeler que ce malheureux accident ne concerne en rien ce rapport. En effet, les personnes impliquées dans cet accident sont, comme le précise à juste titre le rapport, des «  Gens du voyage » et non des Roms. Le terme «  Gens du voyage » concerne en France une catégorie juridique désignant les personnes nomades qui sont à 70 % françaises.

Il n’y avait donc aucune raison de mettre en exergue cet accident dans le rapport puisqu’il ne concernait pas les Roms, en tant que minorité et ne peut expliquer en lui-même les reproches qui sont adressés à notre pays.

Le rapport étant un rapport d’urgence, je comprends néanmoins que la rapporteure n’ait pas eu le temps de faire les investigations nécessaires pour éviter ce type d’erreur factuelle.

D’autre part, il est essentiel de tirer les conséquences de la situation plutôt que de se contenter de la déplorer. La crise économique ne peut pas tout expliquer. S’il y a une montée récente en Europe du discours sécuritaire à l’égard des Roms, cela peut peut-être s’expliquer.

Et à mon sens, le rapport n’insiste pas assez sur ce point. Les conditions difficiles dans lesquelles les Roms vivent dans leur pays d’origine expliquent aisément leur attrait pour des contrées a priori plus hospitalières. Cependant, ce sont les populations des États membres qui se trouvent au premier chef concernées par un afflux non contrôlé de population qui peut entraîner un sentiment d’exaspération qui se traduit dans le discours sécuritaire que nous entendons.

Les difficultés d’intégration des Roms en Europe ne sont pas le problème d’un État membre du Conseil de l’Europe mais de l’ensemble de l’Europe. Seule une politique à l’échelle européenne, de coopération entre les différentes instances, Conseil de l’Europe et Union européen, permettra de trouver des réponses coordonnées et d’éviter la montée de ce discours sécuritaire.

Néanmoins, même si je déplore le déséquilibre du rapport dans l’analyse du discours sécuritaire à l’endroit des Roms, cinq pages relatives à la France et trois pages relatives aux autres membres du Conseil de l’Europe, je tiens à souligner l’importance qu’il y a à se tourner vers l’avenir et non plus à regarder vers le passé.

L’initiative du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Thorbjorn Jagland de convoquer une réunion ministérielle le 20 octobre 2010 me semble un bon moyen pour trouver une solution à un problème paneuropéen.

Il me semble donc temps de sortir de la vindicte et de la stigmatisation de tel ou tel pays pour se concentrer sur les solutions à apporter au peuple rom : respect de sa singularité, amélioration de ses conditions de vie, afin que la liberté de circulation au sein de l’espace paneuropéen ne se traduise pas par l’arrivée massive de populations appauvries dans les pays riches de l’Europe.

Car au-delà des querelles politiques et des sensibilités nationales, c’est de l’avenir des Roms dont nous parlons. Peuple discriminé depuis la nuit des temps, il est peut être justement temps de prendre le temps de trouver une solution durable pour que le respect de sa différence ne se traduise plus par un rejet des autres parties de la population des pays membres.

Je crois suffisamment à l’esprit de concorde qui règne au sein de notre institution pour croire au fait que nous saurons trouver, enfin, une solution pérenne parce que paneuropéenne.

Je vous remercie de votre attention. »

Mme Marietta Karamanli (Sarthe – SRC) a, quant à elle, rappelé que l’instrumentalisation de la peur et de l’immigration devait cesser. Néanmoins les pays d’origine des populations migrantes doivent utiliser à bon escient les fonds communautaires pour améliorer l’intégration de leurs ressortissants :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, depuis plusieurs mois des dirigeants politiques font valoir que les difficultés rencontrées par leurs nationaux sont les conséquences soit d’une immigration insuffisamment régulée, soit de la présence des Roms sur leur territoire.

Ces mêmes dirigeants choisissent des mesures de renvoi collectif, voire de destruction des habitations précaires et des emplacements occupés par ces populations. Cette politique est condamnable moralement et politiquement.

Ces dirigeants jouent avec le malheur et les difficultés d’un grand nombre d’autres Européens confrontés à une grave crise économique, sociale et d’identité.

Les effets et réactions que peuvent avoir de telles mesures sur tous ceux que l’on pourra désigner au regard de leur histoire, de leur mode de vie ou de leurs «  différences » comme étant «  moins européens » que les autres, sont négatifs.

Il y a lieu de craindre une intolérance nouvelle qui pourrait survenir à l’égard de tous ceux qui vivent paisiblement, même s’ils vivent pauvrement et en marge quelque part des autres résidents ou citoyens nationaux des pays qui les avaient accueillis antérieurement. Trois priorités sont devant nous.

Il faut que les dirigeants politiques en cause cessent de verser de la haine et de la peur sur des populations qui ont une identité différente, qu’elle soit ethnique, culturelle et religieuse et de les présenter comme responsables d’une crise née de l’impéritie des États, incapables d’intervenir fortement pour réguler les économies et mettre fin au désarroi de millions de personnes privées d’emploi, de perspectives d’avenir pour leurs enfants ou tout simplement fragilisées et qui s’accrochent à toute explication même simpliste qui vise à leur présenter un responsable à leurs difficultés. Depuis trente ans, une idéologie conquiert nos pays en expliquant que la richesse, à défaut d’être partagée, doit être augmentée, et que cette augmentation seule permettra à chacun d’en recevoir les fruits. Malheureusement, les écarts persistent et s’aggravent.

Il faut que les fonds – l’argent- existants pour inclure les populations vivant en marge de leurs propres sociétés et les accompagner vers le travail, la formation, l’éducation et le logement soient utilisés réellement ; il ne faut pas se contenter de bonnes intentions au moment des crises, il faut une utilisation effective et évaluée de ces fonds tout au long de la période à venir. La conséquence de cette absence de financement concret est que certaines collectivités de proximité des États qui accueillent des Roms et organisent leur logement et les accompagnent dans la recherche d’une formation et d’un travail ne peuvent prétendre aux fonds que les États d’où viennent ces Roms pourraient avoir mais n’utilisent pas. Ces situations doivent cesser !

Il faut enfin que notre continent prenne conscience des importantes mutations qui interviennent. La liberté du commerce ne peut aller sans la liberté d’aller et de venir et celle de pouvoir vivre ailleurs en Europe. Le grand historien de l’art Gombrich, né en 1909, observe dans sa  Brève histoire du monde  que certaines des personnes qu’il a côtoyées ont vécu leur enfance alors que l’Allemagne et l’Italie n’existaient pas encore («  N’est-ce pas étonnant ? » dit-il «  naïvement » ). Le fait que ces grands États ne soient pas si vieux, ajoute-t-il, donne à penser que les appartenances nationales sont des «  biens collectifs immatériels » ou des «  sentiments » qui peuvent évoluer…

Il note aussi que le monde grandit démographiquement mais «  rapetisse » imperceptiblement, ce qui veut dire aussi probablement que si les pays et les sociétés sont moins différents les uns des autres et tendent à se ressembler, ils sont probablement en eux-mêmes plus complexes en raison de la présence d’individus d’origines diverses, de cultures ou d’habitudes variées, mais qui ont ou doivent avoir ensemble le goût de vivre selon les mêmes valeurs de liberté et de respect.

Bref, cette prise de conscience doit susciter chez les gouvernements une vision pour préparer l’avenir des pays, et pas seulement une réaction qui conduit à les administrer par la peur !

Je vous remercie de votre attention. »

La délégation française a présenté cinq amendements que la plupart de ses membres, unis indépendamment des clivages partisans, ont signés et défendus tour à tour :

L’amendement no 9, présenté par M. Jean-Claude Mignon, M. Alain Cousin, Mme Maryvonne Blondin, M. Denis Badré, M. Laurent Béteille, M. François Loncle, M. Jean-Pierre Kucheida, Mme Josette Durrieu, M. Roland Blum, M. André Schneider, Mme Annick Girardin, Mme Christine Marin, M. Philippe Nachbar, M. François Rochebloine, M. Rudy Salles, Mme Muriel Marland-Militello, Mme Claude Greff, Mme Gisèle Gautier, Mme Marietta Karamanli, M. Bernard Fournier, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 3, à ajouter la phrase suivante :

«  Pour autant l’Assemblée constate que les pays européens qui offrent de meilleures conditions de vie et disposent d’un système de protection sociale plus généreux, attirent les migrants de pays en situation moins favorable, faisant parfois peser une pression difficile à supporter par les populations des États concernés. »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a défendu le premier amendement présenté par la délégation française, l’amendement n° 9 :

«  Cet amendement se justifie par son texte même. »

Il a été adopté.

L’amendement n° 10, présenté par MM Jean-Claude Mignon, Alain Cousin, Mme Maryvonne Blondin, MM. Denis Badré, Laurent Béteille, François Loncle, Jean-Pierre Kucheida, Mmes Josette Durrieu, Claude Greff, MM. Philippe Nachbar, Roland Blum, André Schneider, Mmes Annick Girardin, Christine Marin, MM. François Rochebloine, Rudy Salles, Mmes Muriel Marland-Mitello, Gisèle Gautier, Marietta Karamanli, M. Bernard Fournier, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 3, à ajouter la phrase suivante :

«  L'Assemblée constate qu'en général les pays d'accueil font face à leurs obligations, notamment en matière d'accueil, de scolarisation et d'accès aux soins. »

M. François Rochebloine (Loire – NC) a défendu l’amendement n°10 :

«  Cet amendement se justifie par son texte même. »

Il n’a pas été adopté.

L’amendement n°11, présenté par MM. Jean-Claude Mignon, Alain Cousin, Mme Maryvonne Blondin, MM. Denis Badré, Laurent Béteille, François Loncle, Jean-Pierre Kucheida, Mmes Josette Durrieu, Claude Greff, MM. Philippe Nachbar, Roland Blum, André Schneider, Mmes Annick Girardin, Christine Marin, M. François Rochebloine, Mme Muriel Marland-Militello, M. Rudy Salles, Mmes Gisèle Gautier, Marietta Karamanli, M. Bernard Fournier, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 3, à ajouter la phrase suivante :

«  L'Assemblée observe que les migrations des Roms vers les États les plus développés d'Europe ne sont pas la seule conséquence d'un différentiel de niveau de vie mais reflètent également la condition difficile qui reste la leur dans leur pays d'origine. »

Mme Marietta Karamanli (Sarthe – SRC) a défendu l’amendement numéro 11 :

«   Nous proposons de compléter le paragraphe 3 du projet de résolution en rappelant les causes qui poussent les populations de Roms à migrer vers les États plus développés, c’est-à-dire non seulement le différentiel de niveau de vie mais aussi les conditions de vie très difficiles que connaît cette population de 12 millions d’âmes dans son pays d’origine. Il convient que les 47 États membres, accompagnés par l’Union européenne, agissent concrètement, comme cela a été rappelé dans les différents discours, au moyen de politiques volontaristes pour répondre aux besoins de ces populations.

Il n’a pas été adopté.

L’amendement n 13, présenté par M. Jean-Claude Mignon, M. Alain Cousin, Mme Maryvonne Blondin, M. Denis Badré, M. Laurent Béteille, M. François Loncle, M. Jean-Pierre Kucheida, Mme Claude Greff, MM. Philippe Nachbar, Roland Blum, André Schneider, Mmes Annick Girardin, Christine Marin, MM. François Rochebloine, Rudy Salles, Mmes Muriel Marland-Militello, Gisèle Gautier, Marietta Karamanli, M. Bernard Fournier, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 3, à ajouter les phrases suivantes :

«  L'Assemblée relève que s'il n'y a naturellement pas lieu de jeter l'opprobre sur une communauté, et qu'il convient de l'aider, il ne sert à rien de nier les problèmes, sauf à faire le jeu de l'extrémisme. Il convient donc de traiter les causes profondes de la marginalisation des Roms. »

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a défendu l’amendement n°13 :

«   Dans mon intervention, j’ai mis l’accent sur les difficultés réelles. Il ne faut pas les nier même si bien entendu, il convient d’affirmer notre volonté de ne pas jeter l’opprobre sur cette population. Tel est le sens de l’amendement. »

Il a été adopté.

L’amendement n 12, présenté par MM. Jean-Claude Mignon, Alain Cousin, Mme Maryvonne Blondin, MM. Denis Badré, Laurent Béteille, François Loncle, Jean-Pierre Kucheida, Mmes Josette Durrieu, Claude Greff, MM. Philippe Nachbar, Roland Blum, André Schneider, Mmes Annick Girardin, Christine Marin, MM. François Rochebloine, Rudy Salles, Mmes Muriel Marland-Militello, Gisèle Gautier, Marietta Karamanli, M. Bernard Fournier, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 3, à ajouter la phrase suivante :

«  L'Assemblée constate que les aides communautaires ne sont pas utilisées de façon optimale et qu'il importe de mieux les mobiliser en faveur des Roms, ou, si cela s'avère impossible, de les redéployer dans les pays d'accueil. »

Mme Claude Greff (Indre-et-Loire – UMP) a défendu l’amendement n°12 :

«  Nous souhaitons ajouter que l’Assemblée constate que les aides communautaires ne sont pas utilisées de façon optimale et qu’il importe de mieux les mobiliser en faveur des Roms, ou, si cela apparaît impossible, de les redéployer dans les pays d’accueil. Telle est la proposition que la délégation française, dans son unanimité, vous propose aujourd’hui »

Il a été adopté.

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) s’est opposé à un amendement présenté par M. Nastase souhaitant rappeler l’importance de la ratification de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe relative aux minorités nationales et de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires :

«   La délégation française ne souhaite pas l’adoption de cet amendement dont l’adoption soulèverait des difficultés et un vide constitutionnel en France et parce que nous sommes bien entendu pour la primauté du droit. En outre, cette indication ne semble pas utile. Les Roms sont une minorité nationale dans certains nombres de nos pays, mais pas dans tous. Quant au problème des langues régionales, il est très éloigné du sujet que nous traitons »

Il a été adopté.

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) s’est opposé à un second amendement présenté par M. Nastase demandant l’établissement de statistiques ethniques relatives aux Roms 

«   Cet amendement nous éloigne beaucoup, je crois, du sujet d’aujourd’hui. Un certain nombre de pays, dont la France, considèrent que les statistiques ethniques doivent être évitées pour des raisons d’éthique. Nous estimons en France que l’origine ethnique est un renseignement qui, comme plusieurs autres, ne doit pas être mis en fiche. »

Il n’a pas été adopté.

Le projet de résolution, amendé, a été adopté par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

C. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN UKRAINE

Le rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine a été présenté par la Commission de suivi. La situation en Ukraine est toujours préoccupante depuis la tenue des élections présidentielles en janvier dernier.

La liberté d’expression et des médias recule, la liberté de réunion est réduite.

Si le projet de résolution se réjouit de l’émergence d’une stabilité politique en Ukraine, il invite le pays à coopérer avec la Commission de Venise afin de procéder à des réformes structurelles en ce qui concerne le code électoral, le système judiciaire, la liberté des médias et la lutte contre la corruption.

M. François Rochebloine (Loire – NC) a précisé que la qualité des réformes devait primer tant sur leur quantité que sur leur célérité :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, mon intervention dans ce débat sur la situation en Ukraine après l’élection présidentielle de 2010 est avant tout dictée par la sympathie que m’inspirent ce pays et ce peuple.

Je suis d’ailleurs reconnaissant aux deux rapporteures, Mmes Wohlwend et Reps, d’avoir fait preuve, dans la présentation de leurs recommandations, de modération et de compréhension à l’égard des difficultés qui peuvent expliquer certaines hésitations, voire certains reculs provisoires dans la construction de la démocratie en Ukraine.

La première de ces difficultés, il serait vain de se le dissimuler, tient à l’histoire récente : on ne peut pas décider à la place des Ukrainiens de la façon dont, recouvrant leur autonomie, ils vont cependant définir le cadre nouveau des liens complexes qui les unissent séculairement, notamment pour des raisons culturelles et religieuses, avec leur grand voisin de l’Est.

Je souhaite, naturellement, que cette définition se fasse de la manière la plus conforme à l’intérêt des deux pays et aussi à l’intérêt de la sécurité collective en Europe, concept qui nous est commun à l’Ouest et à l’Est du continent.

La société ukrainienne doit relever d’autres défis, comme tous les pays qui ont été soumis pendant plusieurs décennies au système de la démocratie populaire. La mise au point d’institutions démocratiques et d’une pratique démocratique vivante ne se réalise pas d’un seul coup.

Je souscris à la formule du projet de résolution, selon laquelle «  la stabilité politique est une condition essentielle à la consolidation de la démocratie en Ukraine » : Cette observation ne vaut pas seulement pour ce pays. Il y a quelque paradoxe, on doit l’avouer, à lire le reproche fait aux autorités ukrainiennes d’agir avec précipitation pour accomplir des réformes de fond par ailleurs jugées nécessaire. On fait plus fréquemment grief aux États de leur lenteur !

Le vrai critère de jugement n’est pas, à mon sens, le caractère approprié ou non du rythme de réalisation des réformes, mais celui de la qualité de leur réalisation et de l’effectivité de leurs résultats.

Je souhaite, pour ma part, que les autorités de l’Ukraine, encouragées par les observations positives qui, à tout prendre, constituent la tonalité dominante du rapport, fassent franchir à leur pays, au cours des mois qui viennent, de nouvelles étapes significatives à la construction de la démocratie. »

Le projet de résolution, amendé, a été adopté.

D. DISCOURS DE M. GUIDO WESTERWELLE, VICE-CHANCELIER FÉDÉRAL ET MINISTRE FÉDÉRAL DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE L’ALLEMAGNE :

M. Guido Westerwelle a remercié l’Assemblée parlementaire de le recevoir, notamment dans un moment aussi symbolique que la célébration de la chute du Mur de Berlin qui, plus que la réunification des deux Allemagne, signifie la volonté tant à l’Est qu’à l’Ouest de vivre en concorde et en liberté.

La Loi fondamentale allemande célèbre, en effet, l’engagement «  pour la paix et la sécurité dans le monde et le respect des droits de l’homme. »

Les droits de l’homme sont une conquête de tous les instants, c’est la raison pour laquelle la question des droits de l’homme n’est jamais une question achevée, la preuve en est l’émergence de la nécessité d’élargir la protection de la vie privée aux données personnelles.

La politique extérieure de l’Allemagne est fondée sur la protection des droits de l’homme.

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) a souhaité interroger le ministre sur la question du Kosovo :

«   Monsieur le ministre, l’avis rendu le 22 juillet dernier par la Cour internationale de justice selon lequel l’indépendance du Kosovo ne viole pas le droit international a contraint les autorités serbes à assouplir leur position. En septembre dernier, la résolution commune Union européenne/Serbie à l’ONU appelant au dialogue l’a montré. La Serbie ne fait plus du statut du Kosovo un préalable à toute discussion. Dès lors, pensez-vous que ce nouveau contexte puisse avoir des conséquences sur l’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe ? »

Le ministre a clarifié la situation quant à la position de l’Allemagne :

«  Chère collègue, vous abordez une question fondamentale, notamment le continent européen. Il faut mettre au crédit de notre politique étrangère européenne l’adoption de cette Résolution à l’ONU, Résolution commune entre la Serbie et les 27 États membres de l’Union européenne.

Votre deuxième question est liée à la première. Cela a une incidence inévitable sur nos relations avec les États des Balkans occidentaux, notamment entre le Kosovo et la Serbie. Pour nous, l’intégralité territoriale du Kosovo ne saurait être remise en question. A l’évidence, en respectant les avis de la Cour internationale de justice à cet égard, nous poursuivrons la même politique. Il ne m’appartient pas de prendre les décisions pour d’autres. Même si le Kosovo présente une demande d’adhésion, le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne le soutiendra politiquement. »

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) a interrogé le ministre sur le couple franco-allemand :

«  Monsieur le ministre, il y a quelques semaines votre gouvernement écartait l’idée d’un ministre franco-allemand unique de la coopération. Allez-vous prendre d’autres initiatives de nature à renforcer le couple franco-allemand ? Outre leur intérêt pratique, de telles initiatives auraient une portée hautement symbolique alors que la France et l’Allemagne entendent ensemble servir la cause de la paix dans le monde. »

M. Westerwelle, ministre fédéral des Affaires étrangères de l’Allemagne, a souligné les avancées de la politique allemande vis-à-vis de la France :

«  Cher collègue, cette idée de ministre conjoint m’est très sympathique. Malheureusement, ce n’est pas autorisé par la législation allemande. Ce ne serait donc qu’un symbole politique.

En début d’année, quatre-vingt mesures ont été adoptées lors de la consultation franco-allemande pour renforcer et intensifier nos relations avec la France. De multiples réactions ont été entendues. Des commentateurs ont dit : «  Ce n’est pas spectaculaire » . Ce qui est spectaculaire, précisément, c’est que l’amitié franco-allemande est tellement achevée qu’elle est devenue une évidence. Elle est devenue un acquis. On n’en a plus conscience. Il est donc maintenant possible d’agir de façon pratique à la consolidation de ce partenariat franco-allemand.

Il est vrai que certains représentants gouvernementaux racontent parfois qu’il y aurait des malentendus entre nos deux pays. Je peux cependant vous garantir, à titre personnel, que les relations entre nos deux États sont harmonieuses, ce qui est un élément très utile pour l’Europe. Nous avons ainsi relancé le triangle de Weimar, en y installant davantage la Pologne, ce qui nous permet de développer une coopération vers l’Est.

La question est vraiment sympathique, mais aussi longtemps que nous n’aurons pas de gouvernement commun, nous n’aurons pas non plus de ministre conjoint et nous devrons donc continuer à nous voir tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, dans nos cabinets respectifs. Mais si l’on se rappelle ce qui se passait il y a soixante ans, on ne peut que se réjouir qu’un parlementaire français pose une telle question à un ministre allemand ! Cette question me réjouit vraiment beaucoup, car elle montre à quel point nous avons avancé en Europe. »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a interrogé le ministre sur le concept de subsidiarité :

«   Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour vos réponses et pour votre sens de l’humour.

L’Allemagne a su, chez elle, mettre en œuvre avec bonheur le concept de subsidiarité. Ne pourrait-on s’inspirer de cette expérience au niveau européen ? En théorie, le droit communautaire reconnaît ce principe, mais en pratique, les choses sont beaucoup moins évidentes, comme l’illustrent le cas de l’Agence des droits fondamentaux, qui a été créée par l’Union européenne, la politique de voisinage ou, pour dépasser le cadre des relations entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, la surveillance des élections.

A l’inverse, le Conseil de l’Europe peine, faute de moyens, à étendre les activités pour lesquelles il est à l’évidence l’organe le mieux à même de le faire. Je pense en particulier à l’extension des universités d’été des écoles de la démocratie à l’ensemble de l’Europe. Qu’en pensez-vous, Monsieur le Ministre, et pouvez-vous nous aider ? »

Le ministre a assuré le Conseil de l’Europe du soutien de l’Allemagne dans ses travaux :

«  Votre question est très raffinée. Je puis vous garantir d’une façon générale que les travaux du Conseil de l’Europe seront appuyés par nous, comme auparavant, mais vous comprendrez que je ne puisse, dans le cadre d’une telle réunion, répondre à vos questions et commencer des négociations qui dépassent ma compétence de ministre. »

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

A. LA LUTTE CONTRE L’EXTRÉMISME, RÉALISATIONS, FAIBLESSES ET ÉCHECS

Le rapport présenté au nom de la commission des questions politiques et des droits de l’homme par M. Pedro Agramunt avait pour objectif de réfléchir aux meilleurs moyens de lutte contre l’extrémisme. La montée de préoccupations sécuritaires au sein de l’espace européen a eu pour corollaire la nécessité de s’interroger sur la définition que l’on peut donner de l’extrémisme.

Par extrémisme, le rapporteur a entendu trois types de mouvements : les mouvements racistes, les groupes intégristes islamistes qui souhaitent par la violence renverser les démocraties et les partis étrangers qui profitent de l’accueil des démocraties européennes pour chercher à déstabiliser par la violence les gouvernements de leur pays d’origine.

L’extrémisme est donc une idéologie qui vise à s’opposer aux valeurs démocratiques.

Force est de constater que seules l’éducation et la promotion du dialogue interculturel permettront d’éradiquer efficacement toutes les formes de radicalisme présentes dans la société.

Le projet de résolution a pour objet de renforcer la législation face aux mouvements extrémistes tout en encourageant le dialogue interculturel.

Le projet de recommandation demande au Conseil de ministres de renforcer ses activités en termes de dialogue interreligieux et d’assurer un suivi des mesures de lutte contre la discrimination.

M. François Rochebloine (Loire – NC) a rappelé qu’en France par pacte républicain on désigne la défense des valeurs démocratiques :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, la mise en garde qui est à l’origine de notre discussion est salutaire.

Il est bon que des parlementaires de plusieurs sensibilités politiques, héritiers de traditions nationales différentes, se rejoignent pour proclamer leur commun attachement à la démocratie pour condamner, dans le même mouvement, la tentation des extrémismes.

Nous connaissons, en France, des manifestations d’opinion qui sont habituellement qualifiées d’extrémismes, de gauche comme de droite, religieuses ou laïques.

Nous considérons majoritairement qu’il faut combattre ces mouvements, en recourant à tous les moyens que la démocratie met à notre disposition. Nous avons même forgé en mot pour designer ce à quoi les démocrates doivent être communément attachés : le pacte républicain.

Les extrémismes se reconnaissent à ce qu’ils ne reconnaissent pas ce «  pacte » . Le contenu de ce pacte est évidemment très proche des valeurs du Conseil de l’Europe auxquelles nos débats se réfèrent constamment et des libertés publiques fondées sur ces valeurs.

C’est pourquoi je me reconnais dans l’intention première du rapport qui nous est présenté.

Cependant, la condamnation de l’extrémisme par l’Assemblée parlementaire n’aurait pas grand sens si elle était formulée sans prendre en compte les facteurs qui donnent aux solutions politiques extrêmes un retentissement certain dans l’opinion de nos pays.

La liberté d’opinion, la liberté de s’établir, les différents droits sociaux que proclament communément la déclaration des droits de l’homme et notre pacte républicain peuvent paraître des affirmations bien théoriques à des personnes que la situation économique et sociale place objectivement dans une position de dépendance totale à l’égard d’évolutions incontrôlables à leurs yeux.

Il faut toujours distinguer, dans la condamnation de l’extrémisme, ceux qui l’inspirent et ceux dont il usurpe le mécontentement.

La répression peut être nécessaire ; elle l’est absolument, quand il s’agit de mettre un terme aux attentats et à la violence sous toutes ses formes.

Mais elle n’est pas la seule voie possible pour l’action collective que nous envisageons. La lutte contre le négationnisme est à cet égard exemplaire. La négation consciente des génocides est à la fois injurieuse pour les victimes et dangereuse pour l’ordre social et à ce titre elle doit être sévèrement réprimée.

Mais la répression ne servirait pas à grand chose si, dans le même temps, nous ne prenions pas toutes les dispositions nécessaires pour maintenir ouvert le débat sur ces graves questions, favoriser l’expression des témoignages, aider la recherche historique, faire œuvre, en un mot, de pédagogie.

La mémoire civique, rempart contre les aberrations des extrêmes, ne remplit son rôle que si on la cultive, si on l’entretient.

Combattre les extrêmes, c’est prendre aussi un engagement positif pour établir ou pour restaurer les conditions économiques, sociales et culturelles du vivre ensemble.

Les différents débats qui abordent les réponses politiques à y apporter sont autant d’occasions pour prendre un tel engagement à la place qui est la nôtre. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC) a dénoncé la surenchère sécuritaire qui anime certaines formations politiques de plusieurs pays européens au risque de légitimer les prises de positions extrémistes des partis d’extrême droite :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à saluer le remarquable travail de notre collègue M. Agramunt sur un sujet extrêmement difficile.

La situation actuelle est particulièrement inquiétante ; la montée des extrêmes est une réalité que nous voyons quotidiennement se manifester et à laquelle nous ne pouvons pas rester indifférents. Si la nécessité d’agir est indéniable, je reste très réservé sur les choix opérés actuellement en Europe et je crains que la dérive sécuritaire qui se fait jour ne soit que l’autre face d’une menace identique.

Cette dérive sécuritaire n’est pas sans légitimer le discours des partis extrémistes et je ne pense pas que reprendre le discours de l’extrême droite, comme le fait la droite traditionnelle dans certains pays, soit un bon moyen de lutter contre la dérive extrémiste.

Quels sont les thèmes traditionnels de l’extrême droite ? Identifier des boucs émissaires, de préférence d’origine étrangère, qui seraient dangereux pour la cohésion nationale, afin d’apparaître comme la gardienne de l’identité nationale, et jouer sur les peurs des citoyens en renforçant l’arsenal pénal et sécuritaire, au détriment des libertés.

Or reprendre ces thèmes, sous prétexte de combattre la montée de l’extrême droite, ne représente pas un progrès en termes de lutte contre l’extrémisme. Reprendre les thèmes de l’extrême droite, n’est-ce pas les légitimer ? Lutter contre l’extrémisme, notamment contre la séduction qu’exercent aujourd’hui les partis extrémistes, me paraît essentiel pour maintenir notre identité démocratique.

Cette identité passe, par ailleurs, par la liberté d’expression, qui pose pour principe la préférence pour le débat à l’interdiction pure et simple de partis qui sont à la limite de la xénophobie, sans toutefois l’afficher toujours clairement – notamment en France –, pour ne pas tomber sous le coup d’une infraction pénale, la xénophobie et l’incitation à la haine raciale pouvant être condamnées au pénal.

Nous, démocraties modernes, avons choisi de donner une traduction concrète à cette phrase qu’aurait écrite Voltaire : «  Je ne partage pas votre opinion, mais je me battrai pour que vous ayez l’occasion de la défendre. » Nous, démocraties modernes, avons choisi pour arme, non pas la violence, mais le débat et la confrontation des idées.

C’est bien pour cela que le fait de courir après les thèmes de l’extrême droite pour éviter son succès, notamment auprès des classes populaires qui sont les premières victimes de l’insécurité, me semble doublement dangereux. Premièrement, c’est légitimer les thématiques extrémistes. Deuxièmement, c’est totalement inefficace.

J’ai parfaitement conscience que l’ensemble de nos citoyens doivent être protégés contre les risques – je veux parler de ceux qui concernent la sécurité personnelle. Cependant, il y a d’autres moyens pour cela que la limitation des libertés, qui ne correspond pas à notre culture démocratique.

Ainsi, l’éducation est la première chose à privilégier pour apprendre à vivre ensemble. L’extrémisme est souvent la résultante de l’ignorance : on rejette ce que l’on méconnaît. Combattre les préjugés, apprendre à accepter la diversité culturelle sans renoncer à ses valeurs – les valeurs que nous défendons ici, dans cette Assemblée –, me semble un moyen, que le rapport préconise, plus efficace que la surenchère sécuritaire à laquelle on assiste aujourd’hui dans de nombreux pays.

La surenchère n’est-elle pas le premier pas vers une dérive extrémiste ? Comme le rappelle le rapport, la modération était l’apanage de la démocratie grecque. C’est aussi une valeur que nous conservons dans nos démocraties modernes, au sein desquelles nous privilégions la recherche du consensus à l’affrontement brutal et stérile.

Mes chers collègues, ayons le courage d’affirmer nos valeurs, sans concessions, sans renoncement et sans pour autant nous laisser emprisonner dans les pièges que nous tendent les extrémistes de tous bords, qui guettent nos faux-pas pour chercher à nous anéantir. »

Mme Christine Marin (Nord – UMP), quant à elle, a tenu à rappeler l’importance de la sécurité comme premier des droits fondamentaux :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, si je tiens à saluer le remarquable rapport de notre collègue Pedro Agramunt, c’est bien parce qu’il touche à une question fondamentale de la démocratie : comment lutter contre les idéologies extrêmes qui naissent au sein de la société ?

Je tiens à rappeler que le Président Sarkozy a énoncé clairement, dans ce qu’il convient d’appeler maintenant «  le discours de Grenoble » , l’importance et l’urgence de lutter contre la montée des extrémistes, pour renforcer la sécurité des citoyens.

Faisant écho aux paroles prononcées alors qu’il était ministre de l’Intérieur : «  La sécurité est le premier des droits de l’homme » , il a entendu faire de ce principe, la priorité de la deuxième partie de son quinquennat. Je cautionne entièrement cette idée : oui la sécurité, et pas seulement la sécurité de la personne garantie par la Cour européenne des droits de l’homme dans son article 5, la sécurité, au sens du droit à être protégé dans son intégrité physique par l’État, est bien le premier des droits de l’homme.

Hobbes, l’un des premiers penseurs du contrat dans le Léviathan, ne fait-il pas reposer le contrat sur le droit de chaque citoyen à être protégé par l’État de la violence de ses concitoyens ? L’extrémisme n’est, dès lors, que la faillite de l’État à ce contrat initial.

C’est pourquoi je m’insurge contre les contempteurs d’une pseudo-dérive sécuritaire qui serait aujourd’hui l’apanage de la droite européenne. La seule réponse valable à la lutte contre l’extrémisme est justement d’éviter que celui-ci ne se développe, en coupant son expression à la racine.

Nous autres parlementaires, sommes aux premières lignes, dans nos circonscriptions, pour observer la montée d’un sentiment d’exaspération de nos concitoyens face aux incivilités, aux réflexes et attitudes communautaristes.

Cette exaspération peut se traduire par un attrait, passager, – il faut l’espérer – pour les partis extrêmes qui proposent de fausses solutions dont le seul mérite est de donner l’impression d’apporter des réponses faciles à mettre en œuvre, parce que radicales, au mépris du droit et du respect de nos engagements internationaux.

C’est bien la raison pour laquelle je crois que c’est en défendant de manière ferme la sécurité de nos citoyens qu’on lutte contre la montée des extrêmes et l’attirance dangereuse pour les sirènes des partis extrémistes aux deux bords de l’échiquier politique.

Je terminerai mon intervention par une anecdote personnelle.

Je me trouvais récemment dans une réunion publique. Un homme m’interpelle sur la question sécuritaire en France. Il m’explique qu’il a toujours voté, tant par tradition familiale que par conviction personnelle, mais que la dégradation de conditions de vie, la montée de l’insécurité dans le quartier populaire dans lequel il vit, l’ont amené à se tourner vers l’extrême droite par désespoir.

Il est venu à ma réunion suite au «  discours de Grenoble » . Il n’est pas un partisan de notre majorité mais il a simplement retrouvé foi en la parole publique parce qu’elle est suivie d’actes.

Je préciserai qu’il a surtout une confiance renouvelée en la parole publique parce qu’elle incarne le rôle de l’État dont le premier devoir est de protéger les citoyens de la violence de leurs semblables.

On ne peut pas nous accuser d’avoir une position liberticide lorsque le rôle de l’État, tel qu’il est réaffirmé à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, consiste à donner pour bornes à la liberté d’autrui les bornes de sa propre liberté.

A ce titre, la conservation de l’intégrité physique de nos concitoyens est bien le premier rôle de l’État.

C’est pourquoi je suis choquée, lorsque je vois la photo de notre Président de la République en couverture de Neewsweek comme symbole de la dérive sécuritaire en Europe.

C’est pourquoi je pense que l’État a le droit de se défendre contre la montée de l’insécurité, des mouvements extrémistes qui menacent ses fondements.

C’est pourquoi j’affirme que la réponse sécuritaire n’est que la réponse courageuse d’un État qui n’a pas renoncé à sa mission première, régalienne, de protection des citoyens.

C’est pourquoi je pense que la seule réponse positive et crédible pour lutter contre la menace extrémiste, sous toutes ses formes, c’est de redonner confiance à nos concitoyens en les assurant de la garantie de leur sécurité.

C’est pourquoi je réaffirme, ici, devant vous, solennellement que la sécurité est le premier des droits fondamentaux.

Je vous remercie de votre attention. »

M. Rudy Salles (Alpes Maritimes – NC) a souhaité souligner l’importance qu’il y avait à lutter contre les dérives de l’islam radical, dérives étrangères à la religion musulmane, religion pacifiste dans son essence :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à souligner l’excellence du rapport de M. Agramunt. C’est un rapport mesuré, qui prend en compte toutes les dimensions du problème posé par l’extrémisme. La plus-value du rapport réside à mon sens dans la définition élargie que le rapporteur donne de la notion d’extrémisme.

Une définition restrictive de celui-ci n’aurait visé que les partis qui tiennent un discours radical et sans concessions, alors que la caricature, la simplification outrancière des problèmes et la recherche de boucs émissaires facilement identifiables forment aussi, à l’évidence le fonds de commerce des partis extrémistes. Le populisme, sous toutes ses formes, relève, pour une grande part, de cette surenchère. De fait, la parole politique est une parole dangereuse, car vouée à l’exagération. La montée du discours sécuritaire en Europe, depuis un certain nombre d’années, semble répondre à cette définition de l’extrémisme en politique.

Pour autant, l’extrémisme ne se réduit pas à un discours politique mâtiné d’exagération ; il puise en effet ses sources dans d’autres phénomènes. Et si la dénonciation du discours populiste et extrémiste est nécessaire, il est tout aussi important, pour le combattre, de comprendre le terreau dans lequel il s’enracine. C’est ce travail d’analyse que fait fort bien le rapporteur.

Le discours xénophobe et raciste est la réponse populaire, maladroite, à une peur : celle de voir les pouvoirs publics impuissants à répondre concrètement aux formes de radicalisme et d’extrémisme qui apparaissent au sein de nos sociétés.

Le discours islamiste radical nourrit ces peurs et correspond clairement à une forme d’extrémisme que nous devons combattre. Depuis le 11 septembre 2001, le discours islamiste radical - je dis bien le discours islamiste radical, car mes propos ne concernent ni l’islam, ni le monde musulman - s’est propagé au sein des sociétés européennes et occidentales. Cette pieuvre tentaculaire nourrit la peur que nos valeurs occidentales, les valeurs que défend le Conseil de l’Europe, soient bafouées, foulées aux pieds par la violence des imprécations à caractère violemment xénophobe et anti-occidental.

En retour, la peur qui se répand au sein des populations se transforme, à son tour, en discrimination non justifiée à l’endroit d’une religion, la religion musulmane. Celle-ci est une religion pacifiste : elle est l’une des trois religions du Livre. Elle peut être vécue pacifiquement, dans le respect de la laïcité à la française et des valeurs républicaines, pour prendre un exemple de neutralité et de séparation des églises et de l’État, qui est érigé en principe républicain de premier ordre.

Lutter contre l’extrémisme religieux, et pas seulement l’islam radical, est donc l’un des moyens d’empêcher la radicalisation du discours politique. Le discours sécuritaire, que d’aucuns en France perçoivent à l’heure actuelle comme la montée d’un discours extrémiste, n’est donc que la réponse politique volontariste qui vise à éviter la montée d’un sentiment populaire d’exaspération envers la population d’origine musulmane.

Interdire le port du voile intégral dans l’espace public, ce n’est pas stigmatiser les musulmans, c’est faire respecter les valeurs républicaines, au nombre desquelles figurent la laïcité, la neutralité de l’État et surtout l’égalité entre les hommes et les femmes.

Interdire le port du voile intégral dans l’espace public, c’est lutter contre une idéologie radicale qui veut tester et menace clairement nos valeurs.

Interdire le port du voile intégral, c’est lutter de manière positive contre l’extrémisme à un double titre : en délégitimant le discours des partis extrémistes sur le fait que l’islam ne serait pas soluble dans la République, ce qui est entièrement faux ; en rassurant la population qui voit l’émergence de formes radicales de pratiques religieuses, qui peuvent la conduire au rejet d’une religion pacifiste parce que les seuls aspects qu’elle en perçoit dans l’espace public sont menaçants. »

Mme Josette Durrieu (Hautes–Pyrénées – SOC) a rappelé que le Conseil de l’Europe avait pour mission de promouvoir le dialogue interculturel :

«  Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour votre excellent travail. Comme vous l’avez dit, les extrémismes représentent un rejet de nos valeurs et une menace pour la concorde civile, mais ces mouvements posent avant tout un problème politique. Quels qu’ils soient, xénophobes, populistes ou religieux, ils alimentent en Europe un phénomène de radicalisation et attisent les peurs. Hier, le maire de Strasbourg a dénoncé les profanations de cimetières juifs. Le problème des Roms alimente également le débat. A cet égard, je voudrais dire que je m’inscris totalement en faux avec le discours de ma collègue française, Mme Marin. Certes, les causes de l’extrémisme doivent être analysées : ce sont le plus souvent l’ignorance et la misère, quand il ne s’agit pas de stratégies politiques d’un instant, stratégies irresponsables aux conséquences très graves. Mais ce débat se poursuivra en son temps au sein du Parlement français.

Comme l’a dit M. Salles, le mouvement intégriste religieux est plus audible que les autres, ce qui doit nous conduire à nous interroger. Les droits de l’homme et les dogmes religieux sont-ils compatibles ? On pourrait répondre non, si l’on se réfère à l’histoire et à l’actualité, mais oui, si nous bâtissons des États sur les principes de tolérance et de laïcité. On pourrait répondre non si les textes fondateurs des religions et les écrits des théologiens affectent les droits fondamentaux que nous défendons, mais oui si les droits de l’homme sont interprétés positivement et transposés dans le droit canon, dans le Coran, dans la Charia et dans le Talmud. Rappelons que le port de la burqa n’est pas inscrit dans le Coran !

A nous de dire qu’il n’y a pas de civilisation ethniquement pure ou culturellement supérieure, et de nous opposer aux promoteurs du choc des civilisations ! A nous de faire prévaloir les droits de l’homme dans le monde et de prendre toute notre place dans le débat entre cléricaux et laïcs à l’échelle de l’Europe ! Il nous appartient, au Conseil de l'Europe, de faire vivre le dialogue interculturel et d’affirmer le caractère universel de l’homme et des droits de l’homme. »

Mme Annick Girardin (Saint-Pierre-et-Miquelon – SRC) a, pour sa part, insisté sur le défi que pose les idées extrémistes aux institutions démocratiques :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, je tenais à souligner le travail remarquable effectué par notre collègue Pedro Agramunt. Ce sujet essentiel et complexe peut-être abordé sous plusieurs angles.

Dans le peu de temps qui nous est imparti, je souhaiterais concentrer mon intervention sur le défi que représente pour nos démocraties la lutte contre l’extrémisme.

Défi d’autant plus grand, que justement, c’est le fondement même de l’idée démocratique qui peut être remis en cause, si l’on n’y prend garde, une fois que l’hydre de l’extrémisme se propage au sein des démocraties.

Quels sont, en effet, les mécanismes de l’extrémisme ? Car ne l’oublions pas, l’extrémisme, sous toutes ses formes, n’est rien d’autre que la racine du totalitarisme, et c’est justement pour cela que nous nous devons d’être vigilants pour ne pas donner prise et perdre notre identité démocratique dans ce que nous devons combattre.

Hannah Arend, a mis clairement en exergue, dans Les origines du totalitarisme, les mécanismes inhérents à la machine totalitaire : négation de l’individu, des libertés individuelles, de la liberté de penser, au profit d’une identité collective transcendante. Cette analyse s’applique à n’importe quelle idéologie et c’est le mérite du rapport de le souligner.

En effet, à part les droits de l’homme et les valeurs républicaines qui méritent de transcender l’individu justement parce qu’elles sont la condition de son épanouissement, toute idéologie qui transcende l’individu peut être porteuse d’une part de radicalité dangereuse.

À ce titre, il importe de faire attention aux réponses que l’on apporte aux poussées extrémistes dans la société. Y répondre de manière que sécuritaire risque de faire le lit des totalitarismes. L’ordre, étant, aussi, pour une part, une idéologie extrémiste.

Comme le souligne justement le rapport, l’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés fondamentales pose les bases sur lesquelles peuvent reposer les fondations de la lutte contre l’extrémisme. Il précise que les valeurs de la Convention sont des valeurs à respecter à la lettre et qu’elles ne sauraient être interprétées de manière restrictive.

Cela indique assez clairement que la défense de nos valeurs, celles de l’État de droit et des droits de l’homme, ne saurait être bradée. Pour autant cette défense n’implique en rien d’emprunter aux extrémistes les armes qu’ils cherchent à utiliser contre nous. A l’inverse, une telle attitude ne pourrait être interprétée que comme une faiblesse et délégitimer notre combat.

Prenons pour exemple la lutte contre le terrorisme prégnante depuis le 11 septembre 2001. L’usage de la torture par les États-Unis, contraire à l’article 3 de notre convention, n’a en rien grandi notre combat, en admettant même qu’il aurait permis de sauver des vies humaines. Il a pu, au contraire, légitimer les discours extrémistes nous accusant de double langage.

C’est pourquoi je souhaite mettre en garde notre assemblée contre la dérive sécuritaire qui semble se faire jour en Europe. Dérive sécuritaire, qui sous couvert d’apporter une réponse politique courageuse, ne fait que vider notre combat de son essence.

L’ouvrage de Mireille Delmas-Marty, Libertés et sûreté dans un monde dangereux, qui reprend la thématique du cours qu’elle a donné au Collège de France, met clairement en exergue la difficulté pour les démocraties modernes de lutter contre les menaces réelles, au nombre desquelles le terrorisme, sans diluer leur identité démocratique.

Je partage, notamment, son analyse sur le glissement qui s’est opéré ces dernières années, en droit pénal, quant à la dérive sécuritaire qui se manifeste par un passage du principe de sûreté – un habeas corpus – à un principe de sécurité – une limitation toujours plus grande des libertés individuelles. Et c’est justement pour éviter cette dérive que nous devons rester vigilants !

Il n’est pas question de faire montre d’angélisme. L’extrémisme est une menace pour la démocratie et nous devons lutter contre son expression.

Le «  tout-sécuritaire » n’est simplement pas, à mon sens, la solution. En offrant des conditions de vie décentes et une réelle égalité des chances à tous, nous pourrons, davantage, couper les raisons d’être de la pensée extrémiste.

En d’autres termes, le discours sécuritaire a pour objet de combattre les conséquences de l’extrémisme. Or, en s’attaquant à la racine de celui-ci, le désespoir qui se nourrit de l’iniquité sociale, il sera possible de garder notre identité démocratique.

La lutte contre l’extrémisme est l’un des défis majeurs du XXIe siècle : sachons être à la hauteur de ce combat. »

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR) a mis en évidence qu’il fallait lutter au préalable contre les causes de l’extrémisme : l’injustice sociale et l’ignorance :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, l’excellent travail de mon collègue Pedro Agramunt est pour moi l’occasion de m’insurger contre la montée du discours sécuritaire, en Europe et dans le monde. Et au vu du nombre de mes collègues qui s’expriment, j’ajouterai en France.

La montée du communautarisme et de la délinquance seraient devenues les prétextes pour apporter des réponses liberticides – je dis bien liberticides – aux peurs qui agitent nos concitoyens.

Récemment, un publiciste français titrait son ouvrage La société de la peur. Notre société n’a jamais été aussi sûre en termes de taux de délinquance, d’espérance de vie, etc. Et paradoxalement on assiste à une montée des discours xénophobes et racistes qui n’est pas sans rappeler l’entre-deux-guerres. Vous me répondrez : c’est dû à la crise ! Je vous rétorque que c’est antérieur à la crise.

En France, pas moins d’une dizaine de lois sur la sécurité en une dizaine d’années, et nous allons encore légiférer pour une ultime loi sur la sécurité !

Ce qui est dangereux, c’est que la parole publique cautionne les peurs des citoyens, et je dirai même, qu’elle les nourrit. Qu’elle va être la réponse du citoyen lambda à la diffusion aux heures de grande écoute, par toutes les chaînes de télévision, d’un discours sécuritaire réaffirmé ? N’est-ce pas que la violence augmente puisque les hommes politiques s’en préoccupent ?

Pour prendre un sujet en débat auquel je ne pourrai pas participer pour des raisons d’agenda, déclarer les Roms cible privilégiée de la politique d’expulsion par une circulaire administrative, n’est-ce pas faire d’un peuple un bouc émissaire afin de justifier une politique sécuritaire ?

Ce qui est dangereux, c’est lorsque le discours politique se radicalise, que ce soit à droite ou à gauche, pour ne pas se laisser déborder par ses franges radicales. Au lieu de contenir l’exaspération de l’opinion publique, les caricatures et autres simplifications, il finit par cautionner et libérer la parole raciste. L’État, et en ce sens, les hommes politiques qui le représentent, ne doit en aucune manière laisser prise à la xénophobie : car une fois celle-ci légitimée, les valeurs de la République, les valeurs que nous défendons ici devant notre Assemblée, seront piétinées.

Le Conseil de l’Europe est né justement pour éviter que les erreurs du passé ne se reproduisent. Profitons aujourd’hui de ce débat pour réaffirmer solennellement, que nous, démocraties modernes, ne nous laisserons pas piéger par la rhétorique sécuritaire qui se met en place.

D’aucuns prétendent que le discours sécuritaire est la réponse à apporter pour éviter la montée de l’extrémisme. J’affirme clairement que cela est entièrement faux ! Le discours sécuritaire est la marque de l’échec de la volonté politique. Il n’est que la réaction à une forme d’exaspération des citoyens face à une injustice sociale qui se traduit dans la société par le recours à la violence.

Quand on écoute bien la demande des cités populaires, on entend d’abord un besoin de travail, de justice sociale.

La radicalisation des idées n’est que le signe d’une forme de désespoir : elle est l’empreinte de l’injustice.

Tournons-nous vers les conflits actuellement non résolus. Pense-t-on sincèrement que le passage à la violence au Proche-Orient a des origines autres que l’injustice subie depuis un quart de siècle par le peuple palestinien ?

Pense-t-on sincèrement que la séduction qu’exerce l’islam radical sur une frange de la population de nos banlieues n’est pas la réponse à une forme de désespoir et d’injustice sociale ?

Combattre l’extrémisme est simple, d’une certaine façon : c’est offrir des conditions de vie décentes à nos concitoyens, c’est lutter contre l’injustice sociale et fiscale !

Je le rappelle, le discours extrémiste ne prend racine que sur le terreau de l’injustice.

C’est pourquoi nous démocraties modernes devons inscrire aux frontispices de nos constitutions l’équité sociale, car elle seule permet la cohésion sociale !

C’est pourquoi nous démocraties modernes devons faire respecter la justice sociale car elle est le ferment du vivre ensemble.

C’est pourquoi nous démocraties modernes devons cesser de légitimer le discours sécuritaire sous couvert de lutte contre l’extrémisme, car c’est se tromper de combat !

C’est pourquoi nous démocraties modernes devons proclamer haut et fort, que nous saurons résister à la dérive sécuritaire, sans pour autant renoncer aux valeurs républicaines qui sont la pierre angulaire de notre État de droit. »

M. Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais – SRC) a insisté sur la nécessité de prévenir la montée des extrémismes :

«  Monsieur Agramunt Font de Mora, comme à votre habitude, vous avez réalisé un rapport de qualité. C’est un travail raisonné qui essaye de traiter un sujet sensible et polymorphe avec une certaine neutralité scientifique. Raison et pondération sont effectivement des outils dont les dirigeants nationaux, tout comme l’Europe, à travers ses instances et institutions, ne doivent pas se départir pour parvenir à apaiser les expressions extrémistes, les formes d’intolérance ou de haine, qu’elles soient politiques, sportives, sociales, religieuses, ethniques ou raciales.

L’extrémisme, au sens général, est une manifestation d’une opinion ou d’un comportement hors les normes juridiques, législatives, politiques et sociales établies dans un État et supposées présider à la paix civile.

La mise hors la loi de l’extrémisme est un recours qui apparaît facile pour tenter de l’endiguer, mais c’est une méthode elle-même extrême puisqu’elle stigmatise une opinion ou un comportement devenu répréhensible et donc immédiatement condamnable.

La sanction est nécessaire mais elle n’est nullement préventive. Or, l’histoire nous enseigne que la prévention est sans doute un recours plus sûr, dans la lutte contre la montée des extrémismes.

Tout est affaire d’embrigadement, de propagande, de formatage, d’obscurantisme, d’exploitation de toute forme de misère et de détresse. Or ce sont souvent les extrémismes religieux qui s’y entendent le mieux dans ces domaines. Aussi me semble-t-il fondamental que, du citoyen à notre Assemblée, les efforts déployés pour lutter contre l’extrémisme s’attachent avant toute chose à en affaiblir les causes et les vecteurs de développement. L’éducation, la résorption des inégalités, la tolérance sont des valeurs et des engagements qui doivent être tenus et encouragés pour affaiblir l’expression des extrémismes.

Je considère que les gouvernements ont, dans ce domaine, de profonds efforts à fournir et un important travail d’introspection à réaliser. En période de difficultés économiques, il faut savoir partager beaucoup plus. Si les collaborations européennes apportent des résultats encourageants dans le démantèlement des formes les plus radicales de l’extrémisme, notamment politique – je pense au cas de l’ETA en Europe –, la réponse à l’intolérance civile est le plus souvent décevante. Le problème des Roms nous concerne tous, et d’abord le pays d’origine. C’est dans ce domaine également que l’Europe peut se montrer source d’innovation.

En matière sociale, mais aussi en matière d’immigration et de religion, la violence oratoire et les législations punitives ne sauront pas apaiser l’intolérance. L’exemplarité que les États sont en droit de demander et de maintenir, sur leur territoire et à l’échelle européenne, doit s’appliquer à eux-mêmes en priorité.

Lorsque nos dirigeants usent de la violence symbolique, officialisant au plus haut niveau de l’État une expression d’intolérance civile, minoritaire bien que vraisemblablement présente, à l’égard des Roms, de la jeunesse défavorisée et de certaines populations d’ascendance étrangère, ils sapent tous les efforts engagés pour promouvoir la tolérance. En stigmatisant les différences et en exacerbant les détresses qui nourrissent l’intolérance, ils encouragent les embrasements qui surgissent dans nos sociétés.

S’il est un domaine où l’Europe doit innover pour entretenir la réussite de la lutte contre l’extrémisme, c’est celui de l’exemplarité de la morale des États dans le combat contre les extrémismes par l’éducation, la culture et par une solidarité exemplaire en période de crise, en particulier en direction des plus démunis. L’éthique, seulement évoquée ici, m’apparaît comme un enjeu primordial dans la problématique traitée par ce rapport. Il est de la responsabilité de notre Assemblée d’en rappeler l’importance et d’en assurer le respect. »

Le projet de résolution et le projet de recommandation ont été adoptés par l’Assemblée.

B. ACCÈS DES FEMMES À DES SOINS MÉDICAUX LÉGAUX : PROBLÈME DU RECOURS NON RÉGLEMENTÉ À L’OBJECTION DE CONSCIENCE

Le rapport, présenté au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, constate que depuis un certain nombre d’années dans de nombreux États du Conseil de l’Europe le recours à l’objection de conscience dans le milieu médical pour des raisons morales, philosophiques ou religieuses tend à se développer.

Le projet de résolution mettait en évidence la nécessiter d’adopter dans l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe une réglementation de l’objection de conscience en milieu médical afin de ne pas priver les femmes d’accès aux soins médicaux légaux, en particulier à l’interruption volontaire de grossesse. Il vise à reconnaître un droit de conscience individuel qui n’ait pas pour conséquence que l’ensemble des membres du personnel médical mette en avant leurs convictions pour refuser d’appliquer la loi.

Le projet de recommandation, quant à lui, demandait au Comité des ministres d’adopter une législation harmonisée au niveau européen en matière de réglementation de l’objection de conscience.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a souligné qu’en France un équilibre avait été trouvé entre le droit des femmes et la clause de conscience. Pour autant, la remise en cause, de plus en plus fréquente, des droits de femmes, au nom de valeurs religieuses, devrait accroître notre vigilance sur un droit non négociable : celui des femmes à disposer librement de leur corps :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, je veux avant tout saluer le rapport très documenté de Mme McCafferty, qui a su aborder le délicat problème de la confrontation entre la liberté de conscience et le droit à la santé.

Il ne s’agit pas d’obliger les praticiens à réaliser des actes médicaux que leurs convictions réprouvent, mais de prévoir des solutions alternatives permettant d’assurer le droit à des soins. La pratique de l’objection de conscience dans le domaine médical doit être réglementée, ne serait-ce que pour satisfaire aux nombreux engagements internationaux que les États ont souscrits, mais que certains d’entre eux ne respectent pas. Il s’agit donc aussi d’une question d’État de droit.

En France, le code de la santé publique dispose qu’un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, pas plus qu’un infirmier ni aucun auxiliaire médical n’est tenu de concourir à cet acte. La clause de conscience est donc garantie.

Elle est aussi réglementée puisque le code de déontologie médicale prévoit que, hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. Nous sommes parvenus, depuis la loi Veil de 1975, à un équilibre que nous devons préserver.

Plus généralement, l’invocation de plus en plus fréquente de valeurs religieuses pour se soustraire à des obligations légales me paraît extrêmement inquiétante. Les convictions religieuses peuvent déborder les limites de la conscience individuelle et de la sphère privée et prétendre régir les comportements sociaux et les actes de la vie publique.

Cette évolution est en rupture totale avec la sécularisation des sociétés européennes et risque de nous ramener, si ce n’est avant le Siècle des Lumières, bien loin en tout cas des valeurs du Conseil de l’Europe.

Bien sûr, chaque État a ses traditions et ses valeurs qui doivent être respectées. Pour autant, certains droits, dès lors que l’on a choisi de rejoindre le Conseil de l’Europe, ne sont pas négociables. C’est le cas du respect du droit à la santé et des droits des femmes, car ce sont elles qui en sont les victimes, comme l’a souligné la rapporteure.

Parmi les évolutions que l’on doit à la modernité, et que d’aucuns n’ont jamais acceptées, figurent l’émancipation de la femme et le droit qu’elle a conquis de disposer de son corps. »

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes -UMP) a demandé à ce que le droit des femmes à disposer de leur corps soit respecté grâce à une harmonisation des législations relatives à la clause de conscience des personnels médicaux, au niveau européen :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à saluer le remarquable travail effectué par Mme Christine McCafferty. C’est un rapport équilibré : cela mérite d’être souligné.

Rien ne justifie donc l’obstruction antidémocratique à laquelle nous devons faire face ! 90 amendements contre un texte qui n’a pas pour autre objet que de concilier deux libertés : la liberté de conscience des médecins et celles des femmes à disposer de leurs corps.

En effet, ne nous leurrons pas, la tentative déguisée derrière l’objection de conscience n’est rien d’autre qu’une manière de priver les femmes de leur droit fondamental et inaliénable à choisir d’avoir un enfant ou non dans les cadres prévus par la loi.

En France, depuis la loi Veil de 1975, qui a dépénalisé l’avortement, de nombreuses offensives n’ont eu de cesse de revenir sur ce droit imprescriptible des femmes. Tentatives juridiques : recours devant le Conseil constitutionnel en France (CC, 1975, IVG) ; devant le Conseil d’État,( 1990, Confédération nationale des associations des familiales catholiques) qui ont permis de constitutionnaliser en France, comme aux États-Unis, grâce à l’arrêt Roe versus Wade, le droit des femmes à disposer de leur corps.

Ces tentatives ont donc échoué. Aujourd’hui, c’est par le jeu de l’équilibre des droits que se fait la nouvelle tentative de remettre en cause ce droit des femmes.

En effet, l’objection de conscience n’est pas condamnable en elle-même, bien au contraire, à condition de ne pas être une tentative de rendre ineffectif le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes.

Lorsque les femmes se trouvent dans des agglomérations isolées, qu’elles sont en situation de détresse morale et psychologique, le refus de pratiquer une intervention, outre qu’il vide la loi de sa substance, s’apparente à une manière insidieuse d’influencer la volonté des femmes en situation de détresse.

On peut alors se demander quel droit moral supérieur et spirituel pourrait justifier de profiter de la faiblesse d’autrui pour aller contre leur volonté ?

Outre le débat philosophique que nous n’allons pas ouvrir ici, le refus de pratiquer des avortements est illégal et priv, de toute effectivité, le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes.

Cependant, dans un souci d’objectivité, le rapport essaie de concilier ces deux droits, celui de respecter ces convictions religieuses et la liberté morale et corporelle des femmes.

C’est pourquoi les propositions contenues dans la recommandation d’harmoniser les législations de manière à garantir l’équilibre entre droits fondamentaux, la liberté de conscience d’un côté, le droit des femmes à disposer d’elle-même, me semblent constitués une solution juste et équitable.

C’est pourquoi demander aux États de garantir le respect du droit à l’avortement me semble une solution pragmatique qui permette de concilier respectueusement deux droits qui pourraient paraître inconciliables.

Sachons sortir du débat idéologique en conciliant, de manière respectueuse, ces deux droits.

Sachons, surtout, protéger le droit des femmes et ne pas nous cacher derrière des paravents idéologiques pour leur refuser l’égalité pleine et entière à laquelle elles ont droit.

Je vous remercie de votre attention. »

Le projet de résolution, amendé dans un sens opposé à ce que souhaitait la rapporteure, a été adopté. Le titre a été modifié par un amendement : il s’intitule désormais «  le droit à l’objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux » .

Le projet de recommandation, à la demande de la rapporteure, n’a pas été adopté.

C. DROITS DE L’HOMME ET ENTREPRISES

L’Assemblée parlementaire a considéré que le Conseil de l’Europe, eu égard à sa mission de protection des droits de l’homme, est bien placé pour promouvoir la responsabilité des entreprises dans ce domaine.

Certaines entreprises sont aujourd’hui en charge de fonctions régaliennes autrefois dévolues à l’État telles que la sécurité des personnes et des biens, ce qui nécessite de s’assurer qu’elles respectent bien les libertés publiques.

Le projet de résolution a pour objet d’inviter les États membres à promouvoir un code éthique dans la passation des marchés publics fondé sur le respect des droits de l’homme. Il invite aussi les États à diffuser auprès des entreprises le respect des droits de l’homme tel qu’interprétés par le Conseil de l’Europe.

Le projet de recommandation engage les États membres à réfléchir à la possibilité d’élaborer une convention internationale relative à la protection des droits de l’homme au sein des entreprises.

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) a insisté sur la nécessité de reconnaître le rôle et la responsabilité des entreprises à l’égard de l’ensemble des droits de l’homme :

«  Monsieur le Président, je veux d’abord saluer la grande qualité du rapport de M. Haibach. Il est illustré d’exemples concrets et fait des propositions originales sur un sujet encore sous-estimé.

Les entreprises transnationales ont acquis avec la mondialisation un pouvoir et une influence sans précédents sur l’économie. Or une entreprise peut porter préjudice à des personnes en violant leurs droits ou en collaborant avec des tiers qui violent leurs droits, comme cela vient d’être dit.

Comme l’a expliqué le sociologue Max Weber, les entreprises sont des organisations bureaucratiques et, en tant que telles, des lieux hiérarchisés d’exercice du pouvoir, sur les salariés, naturellement, mais aussi sur les consommateurs.

Or nous manquons cruellement de mécanismes permettant d’obliger les fautifs à rendre des comptes. Malheureusement, l’impunité est souvent la règle en la matière. Rappelons qu’en 1984 plus de 7 000 personnes ont été tuées par une fuite de gaz toxique lors de l’accident survenu dans l’usine de pesticides de la société Union Carbide à Bhopal, en Inde, tandis que 15 000 autres personnes sont mortes au cours des années qui ont suivi. Environ 100 000 personnes souffrent toujours de pathologies chroniques et débilitantes directement liées à cette catastrophe, plus de 25 ans après. D’importantes quantités de déchets toxiques ont été abandonnées sur le site, mais les dirigeants de l’entreprise américaine n’ont jamais eu à répondre de leurs actes. À cet égard, il faut se féliciter de la publication récente d’un guide à l’attention des victimes et des organisations non gouvernementales portant sur les mécanismes de recours disponibles en cas de violation des droits de l’homme par des entreprises.

Pour l’instant, lorsque les entreprises prennent l’engagement d’assumer leurs responsabilités en matière de droits humains, elles le font généralement sur la base du volontariat. Il s’agit de codes de bonne conduite non contraignants. Sans sous-estimer ces initiatives, on ne peut se satisfaire du volontarisme comme substitut à de véritables normes mondiales codifiant les rapports entre activités des entreprises et droits humains.

Des organisations de défense des droits de l’homme plaident en faveur de l’introduction du principe de diligence raisonnable, c’est-à-dire d’élémentaire précaution, dans les législations nationales et demandent que ce principe devienne une obligation juridique. L’introduction de ce principe permettrait d’enclencher un processus vertueux reposant sur la transparence des informations et la participation. Non seulement les parties prenantes devraient ainsi être consultées, mais les individus risquant d’être directement affectés par les activités de l’entreprise devraient obligatoirement pouvoir participer à des discussions avec des représentants de cette entreprise avant le lancement d’un projet et tout au long de sa réalisation.

Je souhaite rappeler à ce titre qu’en France, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, saisie par le ministère des Affaires étrangères, a mené à bien en 2008 une réflexion collective sur la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’homme. Elle a formulé un avis comportant 87 recommandations ayant une portée à la fois nationale et internationale.

Il me paraît fondamental et impératif que le rôle et la responsabilité des entreprises à l’égard de tous les droits de l’homme soient effectivement reconnus, quels que soient le pays, le secteur ou le contexte dans lesquels elles interviennent. »

Mme Josette Durrieu (Hautes – Pyrénées – SOC) a, quant à elle, précisé que seule l’Europe pourrait faire avancer les droits des salariés dans l’entreprise :

«  Les droits fondamentaux de la personne et l’entreprise : voilà un sujet ambitieux et courageux, tant il est vrai que, dans cette période de crise et de cannibalisme de la part du libéralisme sauvage, il y a peu de place pour les principes et pour les droits.

Vous avez eu raison de parler de convention. Tout est en effet question de volonté politique. On peut affirmer des principes dans une convention : pour affirmer des droits, il faudra passer par la loi, c’est-à-dire par un acte conscient et volontaire dans le cadre d’une démarche politique forte, qui devra relever du cadre européen.

C’est un article de Philippe Camus, ancien patron d’EADS, paru il y a quelques semaines qui m’a conduite à intervenir. EADS, grand acteur mondial, concurrençait Boeing entre 2001 et 2004. Eurocopter était le leader des hélicoptères, MBDA celui des missiles, Astrium celui de l’espace. C’était une période forte et nous étions tous porteurs d’espoir pour la construction de l’Europe. Or, Philippe Camus nous apprend dans cet article, qu’il avait défini pour EADS un modèle social innovant tentant de faire coexister les droits du travail allemand, anglais, espagnol, italien et français. C’est ce que nous voulons : une harmonie, semble-t-il, réussie et une réussite, semble-t-il, exemplaire. EADS avait servi l’entreprise, les salariés et l’Europe, concluait-il. Il inversait toutefois l’ordre des facteurs, parce que je ne crois pas que c’est l’entreprise qui fera l’Europe sociale.

Les difficultés se sont multipliées dans la période récente : il n’est qu’à voir le peu de solidarité dont nous avons fait preuve à l’égard de la Grèce. Les problèmes sont énormes en ce qui concerne les retraites, et pas seulement en France. Nous nous entretenions hier du devenir de l’Union de l’Europe Occidentale : l’UEO, c’est fini, on ferme la boutique au mois de décembre. Que deviendront les salariés ? Il semble qu’en 2004, lors d’une réduction de personnel au sein de cette institution, les salariés aient reçu des indemnités légitimes pour leur départ ou leur reconversion. Nous, parlementaires d’une institution européenne, nous nous préparons à ne verser à ceux qui vont devoir partir, que la moitié ou le tiers de ce que leurs collègues avaient reçu en 2004. Je lance un appel à une démarche cohérente et respectueuse des droits : il ne suffit pas de les clamer dans nos micros. Nos actes doivent être en conformité avec nos paroles. Je le demande : que serons-nous capables de faire pour les salariés de l’UEO ?

Je ne crois réellement qu’en l’Europe pour faire avancer avec un maximum de cohérence les droits des salariés dans l’entreprise. »

M. François Rochebloine (Loire – NC) a souhaité que l’Organisation mondiale du commerce soit associée à la promotion des droits de l’homme au sein des entreprises, seule possibilité pour ceux-ci d’être réellement reconnus :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, chacun de nous sait à quel point le mot de «  mondialisation » est associé, dans de larges couches de l’opinion, à l’idée d’une diminution des droits de la personne considérée dans sa dignité propre de travailleur.

Le rapport dont nous discutons aujourd’hui les conclusions fait le constat de cette dégradation en proposant de l’apprécier au travers du critère des droits de l’homme et de fonder sur les normes protectrices de ces droits la riposte qu’il préconise.

Il suggère de recourir aux droits de l’homme pour organiser cette riposte, parce que l’invocation de ces droits lui paraît la seule norme de portée suffisamment universelle et incontestable pour engager une action que le recours aux procédures juridiques classiques ne permet pas de mener efficacement.

Une des premières causes de l’inefficacité de ces procédures est, selon le rapporteur, que les violations des droits de l’homme dans les activités économiques ne se produisent pas dans les États européens. Il serait sans doute plus exact de dire qu’elles ont été en principe éradiquées par la loi – c’est le cas du travail des enfants – ou qu’elles peuvent être convenablement prévenues et réprimées par le droit en vigueur – c’est le cas de l’atteinte par des sociétés privées au secret des communications.

Des actions peuvent être menées pour informer l’opinion et infléchir les comportements de consommation, qu’elles prennent la forme négative de la dénonciation – la mise en lumière de pratiques aussi condamnables que le travail des enfants ou le travail de nuit des femmes – ou la forme positive de la promotion du commerce dit équitable.

Leur efficacité dépend naturellement de leur ampleur. Il peut également être envisagé de recourir à un procédé comparable à celui permettant aux États européens de poursuivre et de réprimer leurs ressortissants qui se livrent au tourisme sexuel à l’étranger. Mais l’efficacité d’un tel élargissement de la répression soulève des problèmes évidents d’administration de la preuve de l’infraction.

Je salue la qualité des travaux menés dans les différentes instances du Conseil de l’Europe citées par le rapporteur pour alerter sur les violations des droits de l’homme commises à l’occasion du développement des échanges internationaux et, bien entendu, je soutiens toutes les initiatives qui susciteraient, sur le fondement de ces travaux, une modification des comportements.

Je constate cependant, à la lecture du rapport, qu’il existe déjà une grande variété d’instruments juridiques internationaux à même de fonder la lutte contre les pratiques qu’il condamne, mais que rien n’est dit d’une éventuelle intervention de l’Organisation mondiale du commerce à cette fin. J’aimerais savoir si cette intervention est envisageable. Car, sous réserve de l’appel à la conscience des responsables, seule la mise hors la loi du commerce international des pratiques constituant des atteintes significatives aux droits de l’homme peut aboutir à terme à leur disparition. »

Les projets de résolution et de recommandation, amendés, ont été adoptés.

D. SÉVICES SUR DES ENFANTS PLACÉS EN ÉTABLISSEMENT : GARANTIR LA PROTECTION PLEINE ET ENTIÈRE DES VICTIMES

Ce rapport, présenté au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, cherche à présenter des solutions novatrices afin de préserver l’enfance en danger. L’actualité récente a mis en lumière que dans nombre d’établissements, notamment religieux, les structures d’établissements fermés ont pu être propices à l’existence de comportements déviants dont le constat a été souvent trop tardif pour permettre aux enfants d’y échapper.

La rapporteure a souhaité tirer les erreurs du passé. Les structures recevant des enfants placés devront faire l’objet d’un contrôle renforcé afin d’éviter la possibilité de nouveaux abus.

Le projet de recommandation vise à engager les États membres à élaborer, au niveau européen, une législation davantage protectrice des enfants placés en établissements quelle que soit la structure d’accueil, religieuse ou laïque.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR), au nom du groupe GUE, a insisté sur la nécessité d’adopter le rapport qui préconise des solutions pragmatiques de protection des enfants placés en établissements :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à saluer l’excellent travail de la rapporteure Mme Marlène Rupprecht sur un sujet difficile et douloureux. Le rapport met en évidence que cette situation dramatique n’est pas une situation isolée en Europe.

Il est important de tirer les conséquences du passé sans pour autant désigner des boucs émissaires. Je dirais même que la souffrance des victimes nous oblige à éviter que de tels drames se reproduisent.

Quels enseignements peut-on, en effet, tirer du rapport ?

Dans un premier temps, ou devrais-je dire ces derniers temps, les institutions religieuses ont été les premières accusées quant aux sévices sur les enfants. Notre objectif n’est pas de les considérer comme seules responsables, mais d’analyser dans quelles conditions les enfants ont pu être mis en situation de ne pas pouvoir échapper ni dénoncer la situation qu’ils subissaient en tant que victimes.

Tout d’abord, les constats. Dans la plupart des scandales que dénoncent le rapport, trois constantes apparaissent : des enfants qui n’ont pas de soutiens familiaux ; une famille qui a confiance dans l’institution parce que c’est une institution religieuse ou civile de renom ; une culpabilisation des enfants qui les empêche de se plaindre et de demander du secours et les conduit à accepter leurs situations de victimes.

La première évidence, à tirer de ce terrible constat, c’est qu’il faut apprendre aux enfants à protéger leur corps.

On doit impérativement leur donner des outils pour qu’ils apprennent à se défendre des adultes et des autres enfants. Seule l’éducation peut permettre cela. Aussi préconiserais-je de rendre obligatoire une formation éducative, dès le plus jeune âge, visant à prévenir les risques d’abus sexuels sur les enfants. Pour cela, les enfants doivent être conscients que leur corps leur appartient et qu’il n’appartient qu’à eux seuls.

Le second enseignement que l’on peut tirer de ce triste constat est que les structures fermées sont dangereuses en ce qu’elles conduisent à une logique d’enfermement et d’impunité.

À ce titre, il est nécessaire d’éviter que les structures éducatives soient des centres fermés. Un regard extérieur permet d’éviter les dérives et de contrôler le fonctionnement des établissements.

Troisième élément : prendre en compte la parole des enfants. Les sévices sexuels ou les violences faites aux enfants sont souvent liés au rapport ambivalent que ces enfants entretiennent avec la personne qui les fait souffrir.

Il est donc nécessaire qu’il y ait un véritable contrôle étatique des établissements éducatifs, quels qu’ils soient, de manière que les enfants puissent, en cas de situation de détresse, être dans la possibilité de trouver du secours auprès d’autres institutions ou d’autres référents.

Je soutiens le rapport de notre collègue dans la mesure où il est mesuré et qu’il ne stigmatise aucune institution et cherche des solutions concrètes pour l’avenir, de manière à éviter que l’irréparable ne se reproduise.

C’est un signal fort que nous donnons à l’ensemble des États du Conseil de l’Europe de manière à protéger les enfants de risques de nouveaux abus.

Adopter cette résolution et cette recommandation serait donc un moyen de jeter les bases d’une législation davantage protectrice de l’enfance en danger. Même si les exemples cités par le rapport sont des cas anciens, rien, malheureusement, n’indique que ces situations n’ont pas disparu.

Depuis la Convention de New York de l’Organisation des Nations Unies relative aux droits des enfants, les enfants sont reconnus comme sujets de droit à part entière. Faisons en sorte que ce progrès ne soit pas vain, en permettant que l’enfance soit protégée quelles que soient les situations auxquelles elle est confrontée.

C’est notre devoir de permettre l’émergence de la législation la plus protectrice qui soit pour protéger les adultes de demain qui construiront notre avenir. »

M. Rudy Salles (Alpes Maritimes – NC), quant à lui, a rappelé que les droits de l’enfant était une novation du XXème siècle et que l’action de l’État devait aussi permettre de maintenir les enfants le plus possible au sein de leurs familles, voire en favorisant des «  écoles de parents » , le placement en établissement devant rester l’exception :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, je tenais à saluer le rapport courageux de Mme Rupprecht sur un sujet difficile. Les sévices qu’ont subis certains enfants dans des établissements auprès desquels ils étaient placés, souvent pour suppléer à une famille défaillante ou inexistante, sont un scandale inacceptable dans nos démocraties modernes.

Je tiens à le souligner et le mérite de ce rapport est de nous offrir des solutions pour qu’un tel cas de figure ne se reproduise pas.

La reconnaissance juridique de droits aux enfants est un progrès majeur du XXe siècle. Il suffit de se rappeler la lecture de L’Enfant de Jules Vallès pour savoir que le droit des enfants à être protégé des sévices corporels est une novation récente qui était nécessaire dans un État de droit.

Pour autant, si la Convention de New York reconnaît le droit notamment d’avoir une enfance normale et protégée, les conditions d’exercice de ce droit ne sont pas véritablement définies.

Ainsi, malheureusement, rien n’indique que les scandales dont la presse s’est fait l’écho dernièrement dans plusieurs pays européens et que dénonce le rapport ne pourraient se reproduire. Les conditions permettant la maltraitance n’ont pas véritablement disparu.

En effet, deux éléments du rapport me paraissent devoir être mis en exergue. Le premier est relatif à l’analyse des situations autorisant la maltraitance, le second aux conditions préconisées pour la faire cesser.

Dans un premier temps, il apparaît clairement qu’une des conditions permettant des dérives quant à la protection de l’enfance est celle de l’existence de centres fermés. Qu’elle que soit l’institution qui les gère, l’absence de surveillance externe, le cloisonnement de l’institution est propice aux dérives autoritaires.

Il apparaît dès lors nécessaire de renforcer le contrôle sur les établissements qui accueillent de jeunes enfants et d’offrir une véritable formation aux adultes qui y travaillent. Sans ces deux conditions, rien ne permet d’assurer que ces situations terribles ne se reproduiront pas à nouveau.

L’absence d’encadrement familial est le second point qui me paraît nécessaire d’être souligné. Les sévices subis par les enfants sont souvent dus à un défaut d’encadrement et de soutien familiaux. Il me semble peut-être nécessaire d’agir en amont sur l’encadrement des familles pour éviter le placement des enfants dans des établissements.

À ce titre, dans des départements, ont été mis en place des «  écoles des parents » afin de former les parents à l’éducation, à l’autorité sans que celle-ci se traduise par une violence à l’égard des enfants. Cette initiative me paraît être intéressante pour garantir la sécurité pleine et entière des enfants.

D’autre part, lorsque le placement est inévitable il me semble essentiel de mettre en place une formation des éducateurs et de sensibiliser les enfants à leurs droits, notamment en ce qui concerne le respect de leurs corps et de leur intégrité physique.

Une surveillance au niveau régional des établissements dans lesquels sont placés des enfants devrait compléter le dispositif afin de s’assurer que ceux-ci sont bien traités.

Le Conseil de l’Europe a fait une campagne sur l’abolition des châtiments corporels : cette campagne englobe le triste sujet dont nous parlons aujourd’hui. La question de la protection des enfants est essentielle et nécessite donc un financement prioritaire des initiatives qui permettraient une protection renforcée.

La défense du droit des enfants est l’un des enjeux du XXIe siècle : elle doit être regardée en priorité.

N’oublions pas que la jeunesse fait la richesse des nations. L’enfance abusée, dévoyée, piétinée ne pourra pas donner les fruits de la paix, de l’avenir et de la concorde.

Protéger l’enfance revient finalement à protéger notre avenir. »

Le projet de recommandation a été adopté par l’Assemblée parlementaire, à l’unanimité.

E. LES ACTIVITÉS DE L’ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES (OCDE) EN 2009-2019

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a siégé en formation élargie, ouverte aux délégations des États membres non européens de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du Parlement européen, pour débattre des activités de l’OCDE.

L’Assemblée parlementaire a ainsi passé en revue les activités de l’OCDE en 2009-2010. Si le débat de l’an dernier avait été exclusivement consacré à l’actualité de la crise économique, le rapport tente d’identifier les responsables de la crise et d’analyser les propositions qui ont été faites pour la surmonter.

Le rapport préconise d’éviter le développement de bulles spéculatives dues à la dérégulation financière. Il met en évidence les relations fructueuses de l’OCDE avec le Conseil de l’Europe en ce qui concerne la lutte contre l’évasion fiscale et la corruption.

Des réformes structurelles doivent être entreprises, notamment en termes de gestion de la dette, de politique fiscale et de gouvernance d’entreprise.

Lors du débat, ont été évoquées la nécessité de repenser une croissance pauvre en emplois et les conséquences qui en découlent sur le plan social pour des pans entiers de la population, la nécessité de développer les énergies vertes et de mettre l’accent sur le développement, l’éducation et l’accès à la formation tout au long de la vie.

M. Angel Gurria, Secrétaire général de l’OCDE, a précisé que l’OCDE venait d’accueillir quatre nouveaux membres : le Chili, Israël et la Slovénie, auxquels allait bientôt se joindre l’Estonie. La Fédération de Russie a fait savoir qu’elle souhaitait également adhérer à l’OCDE.

L’OCDE travaille également étroitement avec la Chine, l’Inde, l’Indonésie et l’Afrique du Sud dans ce qu’il est convenu d’appeler «  l’engagement renforcé » .

Le secrétaire général a insisté sur la nécessité d’assainir les finances publiques afin de permettre une croissance durable dans les pays de l’OCDE.

Le projet de résolution, amendé, a été adopté.

F. LES ACTIVITÉS DE LA BANQUE EUROPÉENNE POUR LA RECONSTRUCTION ET LE DÉVELOPPEMENT (BERD) EN 2009 : FACILITER L’INTÉGRATION ÉCONOMIQUE EN EUROPE

Le rapport met en exergue l’importance qu’il y a à mieux connaître le rôle des institutions financières internationales dans la lutte contre la crise financière actuelle. La consolidation des systèmes financiers demeure un défi pour la communauté internationale.

Il apparaît donc nécessaire de réglementer les mécanismes de contrôle pour garantir les prêts et les investissements.

La régulation des activités financières passe par une surveillance des produits dérivés et une surveillance plus stricte des agences de notation.

En 2009, la BERD a enregistré une croissance du volume des financements sans précédent. Les PME doivent bénéficier d’un assouplissement des conditions de financement car se sont elles qui créent une croissance riche en emplois.

La BERD a largement contribué à l’intégration européenne, à la stabilité démocratique et à la transformation de l’économie en Europe orientale.

M. Jan Fischer, vice-président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, a mis en évidence le rôle de la BERD dans le renforcement de la stabilité et de la prospérité de l’Europe du Sud et de l’Europe orientale, l’objectif de la BERD étant de faciliter l’intégration des pays en transition vers une économie de marché.

La reprise est chaotique du fait de la compétitivité limitée de certains pays qui doivent entreprendre des réformes structurelles. La réponse de la BERD à la crise financière a été une augmentation sans précédent des investissements qui sont passés de 5,1 milliards d’euros en 2008 à près de 8 milliards en 2009. L’essentiel des crédits est allé à des secteurs prioritaires comme le secteur financier, l’économie réelle, les infrastructures et le secteur de l’énergie.

La création de «  l’Initiative de Vienne » a eu pour finalité de coordonner avec les grands acteurs les réponses nationales à la crise : cette initiative s’est avérée positive pour l’instant.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a tenu à souligner l’importance du débat relatif aux activités de la BERD. Il importe également de s’interroger sur la pertinence de la mise en place d’une taxe sur les mouvements bancaires :

«  Le rendez-vous annuel que nous organisons avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement au sein de cet hémicycle nous permet de souligner la pertinence des activités de cette institution en vue de donner corps au principe de la solidarité, élément moteur de la construction européenne. L’intervention de la BERD est d’autant plus nécessaire dans un contexte de crise économique et financière mondiale. Cette déflagration planétaire pousse ainsi la BERD à retarder son désengagement progressif des pays d’Europe centrale et orientale ayant adhéré entre 2004 et 2007 à l’Union européenne.

L’excellent rapport de la commission des questions économiques et du développement sur les activités de la BERD en 2009, à la fois précis et accessible, souffre néanmoins d’un défaut : il est par essence daté. Il conviendrait peut-être de réfléchir à une meilleure articulation de nos échanges avec la BERD et d’insister, dans un contexte économique plus que fluctuant, sur la prospective et sur les orientations à court et moyen termes. Les vérités économiques et financières de 2009 ne sont en effet, malheureusement, plus celles de l’année en cours, sans parler de 2011.

Dans une interview récente à la presse française, M. Thomas Mirrow, président de la BERD, s’est essayé à faire de la prospective, dépassant le simple chiffrage de l’intervention de son institution. Ses propos, qu’on y adhère ou pas, semblent importants dans le débat qui nous réunit aujourd’hui, tant ils nous permettent de réfléchir dans cette enceinte consacrée aux droits de l’homme, aux valeurs que nous soutenons et à leur adéquation aux contraintes financières mondiales.

M. Mirrow s’est ainsi exprimé sur la question épineuse de la taxe sur les mouvements bancaires envisagée sur notre continent, sur les mesures d’austérité mises en place et sur les limites de l’intégration financière. Il ressort des mots du président de la BERD une alchimie délicate à mettre en œuvre entre logique financière et garantie des principes inhérents à la construction européenne, à savoir solidarité entre États et bien-être de nos concitoyens.

J’aimerais que ce rapport subtil soit un peu plus mis en avant dans nos travaux, qu’une démarche prospective nous anime réellement dans ce domaine. Nous ne pouvons nous borner à être les comptables bienveillants des interventions judicieuses de la BERD. Nous devons échanger avec elle, sur la compatibilité de nos valeurs et ambitions, avec la logique de cette institution financière et agir, à cet égard, en véritable force de proposition. Nous ne pouvons, ainsi, rester trop longtemps à l’écart du débat sur la taxe bancaire, tant les motifs généreux sur lesquels elle est fondée ne sont pas éloignés des objectifs de justice sociale au cœur de la conception moderne des droits de l’homme. »

Le projet de résolution a été adopté à l’unanimité.

G. GARANTIR LE DROIT À LA SCOLARISATION DES ENFANTS MALADES OU HANDICAPÉS

Le rapport, présenté au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, a un double objectif : reconnaître le droit à la scolarisation des enfants handicapés et malades comme un droit effectif et favoriser l’éducation dite inclusive, c’est-à-dire la scolarisation de ces enfants en milieu ordinaire.

Mme Hayrünnisa Gül, marraine de la campagne turque « L’éducation lève les obstacles », est venue témoigner devant l’Assemblée du travail qu’elle avait mené afin de faciliter l’éducation et l’intégration des enfants malades ou souffrant d’un handicap.

Elle considère qu’un des défis du XXIe siècle est la lutte contre toutes les formes de discrimination et que l’éducation dite inclusive permet l’apprentissage de la tolérance et du vivre ensemble.

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UC) a souhaité que la scolarisation en milieu dit «   ordinaire » des enfants malades ou handicapés soit privilégiée :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, je suis d’autant plus heureux que notre Assemblée aborde la délicate question de la scolarisation des enfants malades ou handicapés que j’avais pris l’initiative de lancer ce débat, comme premier signataire de la proposition de recommandation qui est à l’origine du rapport. Les secrets de l’organisation du Conseil de l’Europe ont fait que je n’ai pas été désigné rapporteur, mais je suis très fier que M. Ayva ait assumé cette tâche, car il nous a fait un beau rapport.

Les principes de la scolarisation des enfants handicapés en France ont considérablement évolué avec la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances. Cette loi donne la priorité – ce qui est un peu en contradiction avec ce que disait Mme Gül – à une scolarisation en milieu dit «  ordinaire » , le recours aux établissements ou services médico-sociaux étant considéré de façon complémentaire ou, le cas échéant, subsidiaire. Voilà qui est très important, car cela signifie que ces enfants doivent être élevés avec les autres. Les organismes spécialisés ne sont pas très bien perçus, ils sont considérés comme une sorte d’échec. Le principe que j’évoquais doit donc être rappelé.

Il se trouve que j’ai été inspecteur général de l’éducation nationale avant de devenir sénateur. Je me souviens très bien que, lorsque j’allais dans les établissements ou dans les rectorats, la différence essentielle que percevaient les enfants, s’agissant de la diversité, portait non pas sur la couleur de la peau ou sur la nationalité, mais sur le handicap. Quand on a un enfant handicapé dans un établissement, en France, il appelle l’attention de tous les autres enfants. C’est pourquoi, il est important que l’intégration des enfants handicapés se fasse dans un environnement «  normal » , et non pas à part.

Dans le premier degré, l’élève handicapé est scolarisé, soit dans une classe «  ordinaire » de l’école, chaque classe de chaque école ayant vocation à scolariser un ou des élèves handicapés, soit dans une classe pour l’inclusion scolaire, qui est une classe à part entière, dont les effectifs sont limités à douze élèves. De plus, un enseignant référent est désigné auprès de chaque élève handicapé. Dans le second degré, au collège ou au lycée, l’élève handicapé est scolarisé dans une unité pédagogique d’intégration, qui a pour objectif de consolider l’autonomie personnelle et sociale du jeune.

Je regrette que le rapport soit exclusivement consacré à la scolarisation des enfants handicapés et passe sous silence celle des enfants malades. En la matière aussi, l’échange de bonnes pratiques est pourtant nécessaire et bénéfique.

En France, nous donnons beaucoup d’argent, aussi bien pour les enfants handicapés que pour les enfants malades. La difficulté que nous rencontrons bien souvent, essentiellement dans les rectorats, est de trouver des formateurs.

Je remercie encore une fois le rapporteur, dont nous soutenons le texte malgré ses quelques lacunes. »

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a, quant à elle, tenu à rappeler l’importance de la scolarisation : s’il faut privilégier celle en milieu ordinaire, elle ne doit pas être exclusive d’autres solutions alternatives : 

«   Je tiens à féliciter le rapporteur, M. Ayva, de la qualité de son rapport.

La question de la garantie du droit à la scolarisation des enfants malades ou handicapés est, me semble-t-il, au cœur des préoccupations du Conseil de l’Europe. Les droits de l’enfant sont une novation du XXe siècle, avec l’élaboration et la ratification de la convention de l’Onu appelée Convention de New York. Garantir le droit à la scolarisation pour tous est donc bien un droit qui devra trouver son effectivité.

Nous savons toutefois que l’effectivité des droits n’est pas toujours respectée, alors que l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme en fait un fondement de l’État de droit.

Les États se réfugient souvent derrière les difficultés qu’ils rencontrent à mettre en œuvre le droit à la scolarisation des enfants malades et handicapés pour ne pas véritablement le garantir. Or la scolarisation des enfants handicapés dans des écoles classiques est la meilleure intégration qu’on puisse leur proposer, tant pour dépasser leurs propres handicaps que pour apprendre aux autres enfants à respecter les différences.

J’irai plus loin : à défaut d’une possibilité d’intégration totale dans les établissements scolaires idoines, il apparaît nécessaire de proposer immédiatement des solutions alternatives, telles que la scolarisation à domicile, dans l’attente des infrastructures.

La loi française du 11 février 2005 relative à la scolarisation des enfants handicapés a fait du droit à la scolarisation une priorité nationale. Toutefois, en dépit des progrès de la loi, de nombreuses insuffisances subsistent et des résistances persistent.

Parlons des insuffisances. Scolariser les enfants handicapés dans des établissements classiques nécessite de former le personnel. Les personnes handicapées ont, de plus, besoin, pour suivre une scolarité normale, d’auxiliaires de vie formés. En outre, les bâtiments des établissements scolaires sont souvent obsolètes et non adaptés à l’accueil de personnes souffrant d’un handicap.

Il ne faut pas que nos gouvernements renoncent à garantir ce droit sous prétexte des coûts financiers importants de sa mise en application. Les coûts seront indéniables mais ces investissements méritent d’être faits.

C’est pourquoi le vote à l’unanimité du projet de résolution et de recommandation serait un signal fort envoyé à nos gouvernements pour rendre réellement effective la garantie du droit à la scolarisation.

Je ne saurais trop insister sur l’importance qu’il y aurait à permettre une scolarisation normale des enfants handicapés. C’est à cette seule condition qu’ils pourront dépasser leur handicap et que l’égalité des chances ne restera pas un vain mot.

J’appelle donc mes collègues à voter ce rapport à l’unanimité. »

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a précisé que la question de la scolarisation des enfants handicapés et malades faisait partie intégrante des nouveaux champs en termes de droits de l’homme que le Conseil de l’Europe est amené à explorer :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, la problématique de la scolarisation des enfants malades ou handicapés fait partie intégrante de ces nouveaux champs que le Conseil de l’Europe se doit d’explorer en matière de droits fondamentaux. L’accès à l’éducation est un droit, voire une obligation dans la plupart de nos démocraties, il est le préalable indispensable à la formation intellectuelle de l’individu. Si nos gouvernements ont tout fait pour empêcher que des considérations d’ordre social ou spirituel empêchent des enfants de pouvoir bénéficier d’un enseignement, la question de l’intégration d’enfants malades ou handicapés a, quant à elle, été trop longtemps négligée.

La scolarisation en milieu ordinaire suppose, en effet, un changement d’état d’esprit. De la part des familles, qui pensent qu’en établissement spécialisé leur enfant sera protégé des regards, des préjugés, des réactions négatives. De la part des enseignants, qui ont peur de rencontrer des difficultés, de ne pas être aptes ou capables de réagir si l’enfant tombe, se blesse ou se montre agressif. Trop souvent aussi, la fiche pédagogique destinée à préparer l’intégration se contente de relever les incapacités de l’enfant au lieu de prendre en compte ses acquis et de définir ses potentialités.

Par ailleurs, de véritables «  parcours du combattant » sont parfois proposés aux parents. Ainsi, l’intégration n’est possible qu’une année et plus l’année suivante.

La manière de dénommer les handicapés est un autre témoignage de nos difficultés à changer les mentalités. Au lieu de désigner les gens par ce qui les rapproche, on le fait par ce qui les sépare. On parle ainsi de mongoliens, d’autistes, de sourds, comme s’il s’agissait d’ethnies particulières. Or ce n’est pas un sourd, mais un enfant sourd qui demeure avant tout un enfant.

En outre, si, dans la mesure du possible, la scolarisation est nécessaire à un enfant handicapé, ne mésestimons pas, non plus, ce que celui-ci peut apporter à une classe. Un enfant handicapé introduit de l’humanité dans le système. Sa présence leur offre l’occasion aux autres enfants d’exprimer solidarité et cordialité, d’apprendre à accepter la différence.

Par ailleurs, la présence d’un enfant handicapé amène aussi l’enseignant à réfléchir à son fonctionnement pédagogique. Il n’y a bien sûr pas deux pédagogies, l’une pour les enfants ordinaires et l’autre pour les enfants handicapés. Mais il y a des réflexions à mener qui viennent enrichir l’expérience pédagogique. Quand un enfant a des difficultés, il convient, pour l’enseignant, d’affiner, d’approfondir sa démarche.

Je doute que cela nécessite un temps supérieur en termes de préparation. Seule la collaboration indispensable avec d’autres partenaires, auxiliaires de santé, médecins notamment est susceptible d’augmenter le temps de travail des enseignants concernés. Il convient néanmoins de dégager les moyens afin que ces rencontres puissent avoir lieu.

Le rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille me semble donc aller dans le bon sens en détaillant les mesures à prendre en faveur de l’éducation inclusive. Ce texte vient nous rappeler une fois de plus que les droits de l’homme n’auraient pas de sens s’ils ne s’étendaient pas aux droits de l’enfant.

Je vous remercie. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a souligné que l’éducation inclusive devait permettre de développer la coopération entre les différentes instances éducatives :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, l’accès à l’éducation fait partie intégrante des droits que nous pouvons considérer comme universels. Le cas des enfants malades ou handicapés est peut être le plus délicat à gérer tant l’équilibre entre dispensation de soins et soucis d’intégration dans la société est encore difficile à obtenir.

Je partage donc pleinement les souhaits de la commission de préconiser une éducation plus inclusive, faisant abstraction des conditions personnelles des enfants, et fondée sur le regroupement avec d’autres élèves n’étant pas atteints par un handicap.

Dans certains cas extrêmes, cette scolarisation n'est évidemment pas possible. L’inclusion nécessite tout d’abord des conditions d’accueil et de soutien particulières et demeure ponctuée, parfois, de retour en milieux spécialisés. Mais, dans l’absolu, un enfant doit vivre avec les autres. Non comme les autres – il ne s’agit pas de nier son handicap – mais parmi les autres. L’inclusion éveille à une plus grande tolérance et à une meilleure acceptation de la différence, et nivelle par le haut.

Cependant les moyens ne sont pas toujours à la hauteur des besoins. L’accueil d’un enfant en milieu ordinaire dépend d’aménagements spécifiques, de la présence d’un auxiliaire de vie et aussi de la formation de l’équipe pédagogique. Réunir l’ensemble de ces conditions n’est pas toujours simple. De plus, la volonté politique des États d’accorder les moyens suffisants à une politique ambitieuse manque parfois de façon criante.

Au-delà du texte que nous propose la commission et auquel j’apporte mon soutien, il convient de favoriser l’individualisation des parcours et la collaboration de l’ensemble des acteurs impliqués dans cette approche inclusive, car chaque enfant est un cas particulier. L’équipe éducative, la famille, les services médicaux, l’établissement spécialisé doivent travailler ensemble afin de rendre efficiente cette démarche courageuse. N’en doutons pas, l’inclusion en milieu scolaire est une nécessité pédagogique mais également une chance en termes d’amélioration de la santé, tant un enfant heureux, parce que bien accepté, tentera d’effacer de toutes ses forces ce qui le sépare des autres.

Je vous remercie. »

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) a indiqué combien la scolarisation en milieu ordinaire permettait tant le dépassement de soi et de son handicap que l’apprentissage de la tolérance pour les autres enfants :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à féliciter le rapporteur pour son remarquable travail en ce qui concerne la nécessité de garantir le droit à la scolarisation des enfants malades ou handicapés.

Le droit à la scolarisation et à l'éducation doit être un droit universel. Or, scolariser les enfants malades ou handicapés dans des structures adaptées revient à limiter ce droit et à enfermer psychologiquement les enfants, soit dans leur handicap, soit dans leur maladie. En tant qu'ancien enseignant et proviseur, j'ai pu expérimenter autant la difficulté que la nécessité qu'il y avait à scolariser des enfants souffrant de handicaps.

Les réticences des parents d'élèves, l'absence de structures adaptées aux handicaps, ont été autant d'obstacles à surmonter.

Ainsi est-il important de prévoir d'adapter l'enseignement et la scolarisation aux élèves souffrant d'un handicap afin de faciliter leur intégration, ce qui suppose l'adaptation des locaux, des aides scolaires, etc.

Nous sommes malheureusement encore assez peu avancés de ce point de vue, malgré le progrès de la loi du 11 février 2005 qui a pour objectif de faciliter l'intégration des handicapés tant dans l'éducation nationale que dans l'entreprise et la fonction publique.

Cette loi met bien en exergue l'importance de la socialisation pour dépasser le handicap. Insérer les enfants handicapés dans des structures scolaires normales les aide à oublier leur handicap et à se considérer et à être considérées comme des personnes normales à part entière. Le contact des autres permet le dépassement de soi ainsi que l'apprentissage de l'altérité.

Par expérience, j'ai pu constater, lorsque j'étais enseignant, que je ne distinguais pas mes élèves en fonction de leurs différences, mais de leur appétence à apprendre.

Une expérience avait été réalisée au sein de notre établissement : intégrer des enfants handicapés dans une classe normale, et dans l’autre, créer une structure spécialisée, particulièrement adaptée aux handicaps.

Force fut de constater que les enfants qui se sont le mieux intégrés sont les enfants qui se trouvaient dans la structure classique. Certes, ce fut plus difficile au début mais le dépassement de soi, la volonté de dépasser son handicap et de ne pas se considérer comme une victime fut la plus forte.

Fort de mon expérience d’éducateur, je soutiens donc entièrement le rapport. Nous ne sommes pas pionniers dans l’intégration des personnes handicapés en Europe. Outre Atlantique, il existe des structures générales, transports, voies d’accès, bien mieux adaptées qu’en Europe.

L’intégration des handicapés par la scolarisation est le premier pas pour donner une place plus grande dans nos sociétés aux personnes souffrant d’un handicap.

Le concept «  d’éducation inclusive » me semble donc novateur et justifier que l’on apporte une adhésion pleine et entière à ce rapport.

D’autre part, je souhaiterais terminer mon intervention sur une touche d’optimisme. Nous avons assisté, récemment, en France, à un exploit admirable, qui devrait redonner de l’espoir aux personnes souffrant d’un handicap mais également aux valides : M. Philippe Croizon a traversé la Manche, alors qu’il a perdu jambes et bras à la suite d’un accident. Quel exemple pour nous tous !

Ce sont ces modèles qui nous permettent d’avancer et de militer pour un droit égal à la scolarisation pour tous.

Ce sont ces modèles qui redonnent confiance en l’humanité et en sa capacité de dépassement : Beethoven dont la surdité ne l’a pas empêché d’être l’un des plus grands compositeurs de son temps, Mozart qui souffrait du syndrome d’Asperger, Franklin Roosevelt ou même John-Fitzgerald Kennedy que la maladie n’ont pas empêché de réaliser de grandes choses et de se dépasser chaque jour pour ne pas rester prisonniers de leurs handicaps.

Ce sont ces modèles qui nous encouragent chaque jour, lorsque nous sommes tentés de baisser les bras, à nous dépasser par la leçon de courage et d’humanité qu’ils nous offrent.

Je vous remercie de votre attention. »

Les projets de résolution et de recommandation, amendés, ont été adoptés à l’unanimité.

H. ENFANTS PRIVÉS DE SOINS PARENTAUX : NÉCESSITÉ D’AGIR D’URGENCE

Le projet de résolution, présenté au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, insiste sur l’importance, au moment de la célébration du 20ème anniversaire de la Convention de l’Onu relative aux droits des enfants, de prendre en compte dans les politiques menées en faveur de l’enfance dans les différents États membres, «  l’intérêt supérieur de l’enfant » .

A ce titre, elle engage les États membres à mener une politique préventive et adaptée aux nouveaux risques qui menacent les enfants, tels que la traite, les enfants de migrants abandonnés,…

Le projet de recommandation a pour objet de demander aux États membres de mettre en place des politiques préventives pour éviter la séparation des enfants de leurs parents dans un contexte de mondialisation et de migrations accrues.

Il demande notamment aux États membres de faire une campagne paneuropéenne de prévention pour combattre les violences sexuelles faites aux enfants.

Il préconise également la désinstitutionalisation de la prise en charge des enfants privés de soins parentaux de manière à répondre le plus vite aux demandes qui se feraient jour pour protéger les enfants.

Le projet de résolution a été adopté à l’unanimité.

Le projet de recommandation a été adopté.

I. DEMANDES D’ASILE LIÉES AU GENRE

Les projets de résolution et de recommandation, présentés au nom de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, engagent les États membres à reconnaître la spécificité des demandes d’asile liées au genre, et notamment à ce que le genre soit considéré au même titre que les autres protections particulières garanties par la Convention de Genève de 1951.

A ce titre, l’Assemblée demande aux États membres d’adapter leurs procédures de demande d’asile de manière à ce que les femmes, souvent les premières victimes de conflit, puissent être en situation de pouvoir exposer leur histoire, et bénéficier d’une protection renforcée en termes de droit à l’asile.

La résolution et la recommandation invitent également à prendre en compte l’orientation sexuelle différente dans le traitement des procédures de demande d’asile.

Le projet de résolution, amendé, a été adopté.

Le projet de recommandation, amendé, a été adopté.

J. LE DÉVELOPPEMENT DU POTENTIEL SOCIO-ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION DE LA MER BALTIQUE

La région de la mer Baltique regroupe huit États membres de l’Union européenne le Danemark, la Suède, la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et l’Allemagne ainsi que la Fédération de Russie.

Une nouvelle ère de coopération entre ces différents États membres a été initiée au début des années 90, même si toutes les questions héritées de la Guerre froide n’ont pas été résolues telle que l’enclave de Kaliningrad.

L’Assemblée parlementaire accueille favorablement en 2009 la Stratégie de l’Union européenne pour la Mer Baltique et invite l’Union européenne à associer étroitement la Fédération de Russie à cette initiative.

Elle insiste également sur l’importance d’une bonne allocation des fonds européens et sur la nécessité de préserver le potentiel écologique de cette zone.

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes -UMP) a précisé l’aspect géostratégique de ce partenariat tout en soulignant les insuffisances de l’initiative en termes d’infrastructures permettant l’établissement d’un travail constructif :

«   Monsieur le Président, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui sur le développement du potentiel socio-économique de la région de la mer Baltique vient rappeler, pour ceux qui en doutaient encore, la plus-value dont bénéficie notre Organisation en permettant aux parlementaires des États membres de l’Union européenne et à ceux de leurs voisins de dialoguer autour d’une initiative de la Commission européenne les concernant.

Dans ce dossier comme dans bien d’autres, on le voit bien, notre action est réellement complémentaire de celle menée par l’Union européenne. La Commission voit dans son initiative régionale en faveur de la mer Baltique un biais pour approfondir le dialogue avec la Fédération de Russie. Il est néanmoins regrettable que le dialogue, tel qu’envisagé, relève en fait plus de l’intention que des mises en actes. Aucune trace, en effet, d’un projet de forum régional ou de toute autre organisation de cet ordre dans le texte de la commission. Comment, dès lors, espérer un dialogue si l’on ne crée pas les conditions pour le mettre en œuvre ?

Les quatre objectifs principaux poursuivis par l’initiative de l’Union – création d’un environnement durable, accroissement de la prospérité régionale, amélioration de l’accessibilité et de l’attractivité et sécurisation de la région – apparaissent en effet comme des vœux pieux, si les pays tiers ne sont pas directement associés.

A ce titre, je salue la volonté de la commission des questions économiques et du développement de notre Assemblée de dépasser sa compétence initiale pour insister sur les aspects géopolitiques que doit nécessairement intégrer l’initiative de la Commission.

L’esprit d’entreprise sur le terrain doit effectivement permettre de contribuer à nourrir un réel dialogue avec la Fédération de Russie, notamment au sujet de l’oblast de Kaliningrad. La stratégie de l’Union européenne pour la mer Baltique doit permettre d’éviter à terme la menace d’installation de missiles au sein de l’enclave ou plus simplement la disparition de l’oblast de certains guides touristiques baltes.

La mise en œuvre de partenariats régionaux avec le Bélarus voisin est également une piste à suivre. Au sein de cette Assemblée nous avons milité pour que Minsk soit progressivement réintégré au sein du concert européen des nations, à la condition expresse de multiplier les avancées en matière de démocratie. Les pays voisins de la région de la mer Baltique ont un rôle intéressant à jouer du fait de leur proximité. C’est par leur biais et leur capacité à nouer de réels partenariats transfrontaliers avec le Bélarus que l’on peut espérer développer un dialogue constructif en vue de parvenir à une véritable transition démocratique dans ce pays.

Ignorer cette double option géopolitique réduit la stratégie de la commission à un énième projet de rapprochement régional sous le seul angle économique. Le véritable message européen me semble dépasser cette logique que je qualifierai de commerciale. Puisse l’Union européenne entendre nos recommandations ! »

Le projet de résolution, amendé, a été adopté.

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DEBAT

A. ÉLECTION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE

M. Mateo Sorinas prenant sa retraite à l’issue de la première partie de la session de 2011, l’Assemblée parlementaire a procédé à l’élection d’un nouveau secrétaire général de l’Assemblée parlementaire.

Deux candidats étaient en lice, M. Wojciech Sawicki et M. Jan Kleijssen. M. Sawicki a été élu au premier tour de scrutin avec la majorité absolue des voix exprimées.

Il prendra ses fonctions à partir du 1er février 2011 pour une période de cinq ans.

B. NÉCESSITÉ D’ÉVITER LE CHEVAUCHEMENT DES TRAVAUX DU CONSEIL DE L’EUROPE PAR L’AGENCE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION EUROPÉENNE

La création d’une agence des droits fondamentaux en 2007 par l’Union européenne a réveillé les craintes en matière de risques de chevauchement de compétences entre les travaux de l’Agence et ceux du Conseil de l’Europe.

Le Conseil de l’Europe, outre sa légitimité historique et son expertise technique, offre un système original et complet de protection au niveau régional des droits de l’homme et des libertés fondamentales : un Comité des ministres, une Assemblée parlementaire, un Commissaire aux droits de l’homme et une Cour qui est le fleuron et la pierre angulaire de l’institution.

Le rapport présenté au nom de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme cherche à établir une coopération constructive entre les deux institutions.

Le projet de résolution présente dans ce sens diverses recommandations pour que l’Agence prenne en compte l’acquis du Conseil de l’Europe en matière de protection des droits de l’homme et salue l’intérêt de la nomination par l’Union européenne d’un Commissaire chargé de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté. Il déplore le niveau particulièrement bas du financement du Conseil de l’Europe eu égard à l’importance de ses missions comparé à celui de l’Agence des droits fondamentaux.

Le projet de recommandation demande au Comité des ministres de faciliter la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Agence des droits fondamentaux par la mise en synergie de compétences communes et complémentaires.

M. François Loncle (Eure – SRC), au nom du groupe socialiste, a tenu à souligner les risques d’interprétation divergente des normes par les deux institutions :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, concurrence ou complémentarité ? Depuis l’adoption de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, annexée au Traité de Lisbonne, nous sommes confrontés à ce dilemme auquel notre rapporteur vient de faire référence. Le groupe socialiste le félicite chaleureusement pour la qualité de son travail. La Charte, sans créer de schisme, introduit une certaine dose de concurrence avec la Convention européenne des droits de l’homme, «  ce qui est sain » , disait l’ancien commissaire européen Antonio Vitorino.

Néanmoins, il subsiste un épineux problème, celui de la collaboration entre la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg et la Cour de justice des Communautés européennes à Luxembourg. Ce problème avait été souligné expressément, dès l’élaboration de la charte, par le président Badinter. L’expérience a montré qu’il apparaît très difficile d’éviter les contradictions lorsque deux textes distincts sur un même sujet sont interprétés par deux tribunaux différents.

La situation s’est encore compliquée en février 2007, quand l’Union européenne a créé à Vienne l’Agence des droits fondamentaux dont l’action s’étend à l’ensemble de l’Union européenne et aux 27 États membres.

Cette Agence participe d’un mouvement important et rapide qui affecte l’Union européenne depuis quelques années. Celle-ci a multiplié en effet le nombre des agences, en les dotant de statuts hétérogènes, de tâches multiples, de contours parfois flous, d’une transparence budgétaire toute relative, de moyens financiers et humains en constante augmentation et de procédures d’évaluation insuffisantes.

Héritière de l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, l’Agence des droits fondamentaux, dont il est légitime de contester l’utilité, exerce trois principales responsabilités : recueillir des informations et des données en matière de droits fondamentaux ; formuler des conseils à l’intention de l’Union européenne et des États membres ; stimuler le dialogue avec la société civile afin de sensibiliser davantage le public aux droits fondamentaux.

La création de cette Agence a aussitôt alimenté les craintes sur les risques de chevauchement de l’action du Conseil de l’Europe. Toutefois, l’Agence n’est pas habilitée à traiter des plaintes individuelles ni à prendre des décisions réglementaires. En outre, et cela a été dit, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe ont conclu en juillet 2008 un accord concernant la coopération entre l’Agence des droits fondamentaux et l’Assemblée de Strasbourg.

Cependant, mes chers collègues, il y a un risque de confusion dans l’interprétation des normes des droits de l’homme au sein des 27 États, membres à la fois du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne. Ce danger est susceptible de s’aggraver, dans la mesure où les moyens financiers de l’Agence ne cessent de se renforcer. A cet égard, je souhaite vivement que la presse, les journalistes d’investigation, s’intéressent de près au fonctionnement de cette Agence.

Il y a un risque que l’Agence, qui a tendance à se développer et à étendre ses compétences, empiète de plus en plus sur les attributions du Conseil de l’Europe. Cela peut entraîner des interprétations divergentes des normes européennes concernant les droits de l’homme, donc un affaiblissement de la protection des individus.

Il est essentiel que l’acquis du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme soit la référence primordiale de l’Agence des droits fondamentaux. D’autant que le Conseil de l’Europe dispose d’une inestimable capacité d’expertise, mais n’a pas les moyens proportionnels de l’Agence.

C’est pourquoi il est impératif que l’Union européenne adhère à la Convention européenne des droits de l’homme, afin que soit garantie la primauté du Conseil de l’Europe en matière de protection des droits de l’homme et dans la consolidation des démocraties européennes. »

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) a exprimé, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, ses craintes tant en termes de concurrence entre le Conseil de l’Europe et l’Agence des droits fondamentaux qu’en termes de risques d’une «  agenciarisation » de l’Union européenne :

«  Monsieur le rapporteur, les membres et le porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe ont beaucoup apprécié travail que vous avez réalisé. Ils trouvent votre rapport de très grande qualité, objectif et argumenté. Ils lui trouvent même une autre qualité : il est très nuancé. Un peu trop peut-être au goût du porte-parole du groupe.

En effet, je ne perçois pas toujours pleinement la plus-value apportée aujourd’hui par l’Agence européenne des droits fondamentaux.

Les risques de chevauchement de compétences avec notre Organisation sont évidents. En outre, je suis frappé par la complexité de la coopération entre l’Agence et le Conseil de l’Europe. Que de rapports ! Que de réunions ! Que de déplacements ! Tout cela pour un résultat assez peu visible. Il y a bien là un vrai problème. Les craintes que nous exprimions lors de la création de l’Agence se confirment.

La bonne manière d’articuler les actions de l’Agence et du Conseil ne semble pas avoir encore été complètement trouvée. Les deux organisations entretiennent une sorte de méfiance mutuelle, alors qu’elles gagneraient à tirer parti de leurs atouts respectifs. Sans doute le Conseil de l’Europe n’avait-il pas suffisamment fait comprendre ce qu’étaient ses compétences et son savoir-faire. L’Agence fait aujourd’hui, pour une grande part, ce que le Conseil sait faire – et qu’il fait bien –, notamment grâce à l’implication de l’ensemble de ses organes, puisqu’il dispose d’une Assemblée, d’une Cour et d’un Commissaire. Alors, l’Agence va-t-elle se sentir poussée à se doter des mêmes organes ? Va-t-elle chercher à devenir un Conseil bis ? Avons nous, les uns et les autres, les moyens de tels dédoublements, au mieux générateurs de conflits, au pire producteurs de gabegie ?

Au-delà de cette relation pas très simple avec le Conseil, l’existence de l’Agence européenne des droits fondamentaux illustre un phénomène qui prend de l’ampleur au niveau communautaire, celui de l’ »  agenciarisation » , la multiplication des agences.

Il y a un an, j’ai fait un rapport pour le Sénat français sur l’évaluation de l’activité des agences de régulation de l’Union européenne. Depuis une vingtaine d’années, leur nombre n’a cessé d’augmenter, cela pour des raisons diverses : accroissement des compétences de l’Union, élargissements successifs, chaque nouvel État membre voulant son agence, volonté de déléguer la gestion des crises à des experts, etc.

La question se pose de savoir si ce phénomène peut rester maîtrisé. Les observations précises de M. Cilevičs sur la forte augmentation des moyens budgétaires et en personnels de l’Agence des droits fondamentaux valent pour l’ensemble des agences et sont donc à cet égard inquiétants. En 2009, le budget communautaire leur a versé pour plus de 560 millions d’euros en subventions et leurs effectifs s’établissaient déjà à plus de 4 800 agents, ce qui représentait un doublement en cinq ans. Jusqu’où ce mouvement va-t-il aller ? S’accompagnera-t- il d’une décrue en proportion des moyens de la Commission ?

Plus généralement, les moyens considérables affectés aux agences sont-ils gérés avec la rigueur qu’exige la difficulté des temps ? La Cour des comptes européenne a posé de vraies questions à ce sujet. Le Conseil de l’Union européenne, le décideur, a quant à lui exprimé des réserves.

Toute institution a naturellement tendance à se développer et à accroître son champ d’activités. Comme l’imagine notre rapporteur, l’Agence européenne des droits fondamentaux aura du mal à échapper à cette tendance.

Nous devons donc continuer à suivre très attentivement cette question, et, dans ce domaine emblématique, à réfléchir à une meilleure articulation entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.

Pour ma part, récemment missionné par le Premier ministre français sur ce thème, j’entends me montrer tout à fait disponible pour contribuer à dégager des voies pour l’avenir sur la base du travail de notre rapporteur en ce qui concerne la question particulière de l’Agence. »

Mme Marietta Karamanli (Sarthe – SRC°) a rappelé qu’il y avait un risque de dilution de l’universalité des droits de l’homme du fait de l’existence d’interprétations concurrentes de leur protection :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, je crois qu’il convient de se réjouir de l’adhésion de l’Union européenne à la Cour européenne des droits de l’homme. C’est la marque de la reconnaissance des valeurs et du travail du Conseil de l’Europe.

Cependant, j’avoue que la création d’une Agence des droits fondamentaux, dont les compétences sont proches de celles du Conseil de l’Europe, si ce n’est identiques, m’invite à m’interroger sur le risque d’un double standard, voire de concurrence, s’agissant de la protection des droits de l’homme. La Commission nationale consultative des droits de l’homme française émettait en 2004 l’avis selon lequel cette agence «  ne doit pas chercher à doubler les institutions et procédures préexistantes à l’échelon national, régional ou universel, mais combler des lacunes dûment évaluées avec des objectifs précis et concrets. »

Pour autant, des chevauchements de compétences existent déjà : même si l’Agence des droits fondamentaux fait référence dans ses travaux à ceux du Conseil de l’Europe, elle est intervenue dans ses récentes missions sur des sujets déjà traités par le Conseil. Ainsi, l’étude de l’Agence sur les droits fondamentaux de personnes en incapacité intellectuelle et des personnes rencontrant des problèmes de santé mentale, menée en 2009, n’a-t-elle fait que reprendre les principales conclusions du plan d’action pour les personnes handicapées adopté par le Conseil de l’Europe en 2006.

Créée en 2007 par un règlement du Conseil, l’Agence des droits fondamentaux exerce trois types de missions : l’information et la collecte de données, la fourniture de conseils aux institutions européennes et la sensibilisation du public au respect des droits de l’homme. Elle n’est pas compétente, comme l’a bien expliqué M. Loncle, ni pour examiner les plaintes individuelles, ni pour contrôler la légalité des actes législatifs européens ou donner son opinion sur le respect par les États membres des obligations qui leur incombent, ni pour examiner la situation des droits de l’homme dans un ou plusieurs États membres.

Il faut donc rester vigilant. Le budget de l’Agence des droits fondamentaux est passé de 14 millions en 2007 à 20 millions d’euros aujourd’hui, alors que nous connaissons tous ici les difficultés financières auxquelles est confrontée notre institution.

Par ailleurs, la notion de «  droits fondamentaux » peut donner lieu à des interprétations divergentes de la part de l’Agence, dans la mesure où les deux normes de référence – la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux – ne recouvrent pas exactement le même champ en matière de protection des droits de l’homme. La dilution des compétences serait préoccupante alors qu’il faut assurer une protection de haut niveau des citoyens et diffuser les valeurs de l’État de droit et de la démocratie.

Dans un contexte de possible concurrence entre institutions, n’y a-t-il pas un risque que les droits de l’homme soient en quelque sorte morcelés et que les agences se spécialisent, avec une sorte de hiérarchie implicite ? Les droits de l’enfant ou la lutte contre le racisme et l’antisémitisme seraient pour les uns, tandis que l’accès au territoire pour les demandeurs d’asile ou la protection des droits des minorités serait pour les autres. Cela risque en tout cas, mes chers collègues, de nuire à l’universalité et à la généralité des droits de l’homme, et par là même de brouiller le message. »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a déploré l’existence de la création de l’Agence des droits fondamentaux qui menace clairement l’avenir du Conseil de l’Europe sans pour autant garantir une meilleure protection des droits de l’homme :

«  Il y a quelques années, un homme politique célèbre et que j’admire beaucoup, le Général de Gaulle, dénonçait ceux qui parlaient de l’Europe en sautant sur leur siège comme des cabris. Je me demande ce qu’il dirait aujourd’hui face à la frénésie qui touche l’Union européenne. Celle-ci se met à multiplier les agences. Au bout d’un moment, il faut dire stop !

Toute agence est nécessairement créée avec l’argent du contribuable. Certes, cela concerne 27 États, mais sur les 47 États membres du Conseil de l’Europe, il y a tout de même beaucoup de contribuables qui entretiennent cette agence.

Je ne comprends pas. L’Union européenne a impérativement voulu créer son Agence des droits fondamentaux. Ce sont nos voisins : qu’ils fassent l’effort de venir constater ce qui se fait dans cette maison, que l’on appelle depuis 60 ans la maison de la démocratie. Notre fonds de commerce, si je puis m’exprimer ainsi, c’est la défense des droits de l’homme. Avons-nous failli à notre tâche ? Je ne le pense pas.

Je crois que nous sommes exemplaires.

Où serait donc la nécessité de créer une agence supplémentaire, dont le budget est incroyablement élevé avec un personnel qui doublera d’ici à quelques années, alors qu’il suffirait de considérer le Conseil de l’Europe comme un prestataire de services pouvant répondre à la commande de l’Union européenne ?

Nous sommes quarante-sept États : peut-on régler le problème des droits fondamentaux de l’homme à vingt-sept ? Vis-à-vis des vingt États qui ne font pas partie de l’Union européenne, une telle démarche manque de décence. Je continue de plaider pour que nous ramenions l’Union européenne à la raison. Regardons objectivement les choses et voyons ce que nous pouvons faire pour continuer de travailler intelligemment.

Monsieur le rapporteur, j’ai déposé un amendement. Vous n’avez pas choisi le titre du rapport : «  Nécessité d’éviter le chevauchement des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne » . Or ce titre reconnaît de facto l’existence de l’Agence des droits fondamentaux. Le Conseil de l’Europe est en passe de devenir minoritaire parce que l’Agence a plus d’argent que nous, si bien que nous nous demandons aujourd’hui comment nous pourrons continuer d’exister et de répondre à la mission qui est la nôtre.

Un tel titre est réducteur. À terme, si nous ne réagissons pas, nos compétences se réduiront comme peau de chagrin.

Nous avons la chance d’avoir un nouveau Secrétaire général qui a du sens politique et nous sommes en pleine réforme – un premier volet est déjà mis en application. Quant au second volet, nous allons y travailler puisque l’Assemblée parlementaire a décidé de créer une commission ad hoc. Nous avons là l’occasion de nous exprimer et de déclarer à l’Union européenne que nous faisons déjà le travail qu’elle veut confier à l’Agence. Qu’avons-nous besoin dès lors d’une agence située à Vienne ? Certainement afin de faire plaisir à tout le monde. Nous n’avons pas à faire plaisir à tout le monde mais à accomplir notre travail, ce que nous faisons aussi correctement que nos prédécesseurs.

Je regrette que nous en soyons arrivés là aujourd’hui. »

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a, pour sa part, rappelé son inquiétude sur les risques réels en termes de chevauchements de compétence. Il a appelé à une relance de la coopération politique entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, le 11 avril 2006, le Premier ministre du Luxembourg, M. Jean-Claude Juncker, était venu présenter devant cette Assemblée un rapport assez complet sur les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Ce document concluait à la nécessité de renforcer les partenariats existants entre les deux organisations et soulignait surtout la nécessaire reconnaissance, par l’Union, du Conseil de l’Europe comme la référence continentale en matière de droits de l’homme. Les arrêts et conclusions de ses mécanismes de suivi devaient être systématiquement cités comme références.

La consultation par l’Union européenne du Commissaire aux droits de l’homme et des experts juridiques du Conseil de l’Europe devait s’imposer comme une règle dans le processus d’élaboration de nouveaux projets de directives ou de mesures politiques ou judiciaires touchant à ces questions.

Le Commissariat aux droits de l’homme devait, à cet égard, devenir, selon M. Juncker, l’institution à laquelle l’Union européenne pouvait avoir recours pour toutes les questions touchant aux droits de l’homme non couvertes par les mécanismes de suivi et de contrôle en place.

Enfin, l’Agence européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne, encore en gestation à l’époque, ne devait traiter que du respect des droits fondamentaux dans le seul cadre de la mise en œuvre du droit communautaire.

Quatre ans plus tard, l’Agence a été portée sur des fonts baptismaux et le Traité de Lisbonne a permis d’en élargir les missions, en renforçant, notamment, ses activités liées à la protection des droits des minorités, ce qui représente une partie importante de notre cœur de métier.

Je note que l’expert indépendant siégeant au conseil d’administration de l’Agence a souligné devant le Comité des Ministres, le 8 juillet dernier, qu’au terme des trois premières années d’exercice chevauchements et doubles emplois avaient été redoutés mais que des synergies avaient pu être créées. Ces propos ne suffisent pas à me rassurer car ils ne s’inscrivent pas, à mon sens, dans une réflexion sur l’avenir de la coopération entre nos deux institutions.

Ces accords de collaboration ne répondent pas, en effet, aux objectifs annoncés par le rapport Juncker. Le Conseil de l’Europe, qui n’est pas mieux reconnu qu’auparavant – il l’est peut-être même moins -, voit émerger un instrument dont les compétences et les moyens n’ont cessé de croître. Je ne reprendrai pas les chiffres qui ont déjà été cités à juste titre.

J’aurais voulu partager l’optimisme du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme. J’aimerais voir, en l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, une légitimation du rôle du Conseil. Je doute néanmoins que cette adhésion fixe une limite à la montée en puissance de l’Agence. Je partage les craintes de certains sur la concurrence entre les cours de Luxembourg et de Strasbourg si aucune règle ne vient préciser la compétence de chacune de ces juridictions.

Dans ce contexte, il me semble pertinent que nous organisions rapidement un débat sur le suivi des propositions du rapport Juncker, en présence notamment de son rédacteur, dont je ne doute pas de la sincérité. Ce débat serait l’occasion d’adresser un message à l’Union européenne en vue de relancer au plan politique et non plus simplement technique une véritable coopération. »

M. François Rochebloine (Loire – NC) a appelé à la mise en place de synergies entre les deux institutions tout en s’assurant que la primauté de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg en matière de droits de l’homme sera respectée :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, que ce soit en 1949, à la création du Conseil de l’Europe, ou lors de l’élaboration de la Charte européenne des droits de l’homme, il est clairement apparu que la promotion des droits de l’homme était en même temps la marque de fabrique et le socle fondateur de l’idée européenne, dans ses réalisations successives.

Depuis soixante ans, est-il nécessaire de le rappeler, l’Europe a changé de visage, et avec elle les rapports entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. La question dont nous débattons en cet instant est l’une des nombreuses conséquences dérivées de cette évolution.

Petit à petit, en effet, en même temps que l’aire géographique, les compétences du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne se sont rapprochées.

L’un des actes les plus symboliques de ce rapprochement est l’article 6 du traité de Lisbonne selon lequel l’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Nul n’ignore ici que l’effectivité des dispositions de cette Convention tient à la continuité et à la cohérence de la jurisprudence élaborée par la Cour européenne des droits de l’homme, à qui il revient manifestement de dire le droit lorsqu’il est question d’interpréter cette convention.

Les juristes débattent volontiers des rapports qui doivent être établis en droit entre la CEDH et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et, par conséquent, des relations entre les deux juridictions chargées de veiller au respect de ces deux textes, la Cour européenne des droits de l’homme, pour la Convention, la Cour de justice de l’Union européenne, pour la Charte.

J’aurais tendance à penser que la solution à ce problème doit s’inspirer avant tout de l’efficacité et du pragmatisme et que la priorité doit être donnée à la jurisprudence dans laquelle se reconnaissent les États européens attachés aux droits de l’homme, c’est-à-dire à la Cour de Strasbourg.

Il me semble que le même raisonnement vaut pour la définition des rapports entre le Conseil de l’Europe et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne. J’ai noté avec satisfaction les assurances données par le rapporteur quant aux précautions prises par le Conseil et l’Agence pour éviter les chevauchements de compétence et d’action coûteux en efficacité et en argent. Je souhaite vivement que ces précautions soient observées avec rigueur, à la fois pour éviter des gaspillages de moyens financiers et humains et pour prévenir des risques de confusion particulièrement incompréhensibles et dommageables quand la promotion et la défense de valeurs fondamentales sont en jeu. Je souhaite également que l’action du Conseil de l’Europe dans ce domaine soit reconnue de manière à préserver des procédures éprouvées et reconnues. »

La délégation française a présenté un amendement au projet de résolution :

L’amendement n° 1, présenté par MM. Jean-Claude Mignon, Laurent Béteille, Mme Muriel Marland-Militello, MM. Yves Pozzo di Borgo, François Rochebloine, Rudy Salles, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 6, à ajouter le paragraphe suivant : «  L’Assemblée observe ainsi avec regret que le budget de l’Agence des droits fondamentaux est en progression constante et qu’il dépasse largement celui de l’Assemblée, en régression constante. »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a défendu cet amendement :

«  Cet amendement est clair : il demande la reconnaissance de ce qui est. Le budget de l’Agence est en progression tandis que le nôtre est en régression. Il faut le dire puisque c’est la vérité. »

Cet amendement a été sous amendé dans le sens d’une simple comparaison entre un niveau de financement extrêmement bas des activités du Conseil de l’Europe portant sur les droits de l’homme et l’enveloppe budgétaire de l’Agence des droits fondamentaux. Il a ainsi été adopté.

Le projet de résolution, ainsi amendé, a été adopté.

La délégation française a présenté, également, un amendement au projet de recommandation :

L’amendement n 2, présenté par MM. Jean-Claude Mignon, Laurent Béteille, Mme Muriel Marland-Militello, MM. Yves Pozzo di Borgo, François Rochebloine, Rudy Salles, tend, dans le projet de recommandation, après le paragraphe 2.1, à insérer l’alinéa suivant : «  en vue de permettre une discussion objective, de demander à l’Union européenne de dresser au plus vite un bilan indépendant des apports de l’Agence des droits fondamentaux en matière de droits de l’homme ; »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a défendu cet amendement :

«  Je demande la réalisation d’un audit de l’Agence des droits fondamentaux, comme cela se pratique normalement dans beaucoup d’organismes, y compris les collectivités territoriales. »

Cet amendement n’a pas été adopté.

Le projet de recommandation a été adopté.

C. PROCÉDURES DE SÉLECTION NATIONALES DES CANDIDATS À LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

Le projet de résolution réaffirme l’importance de l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe  élection qui confère aux juges une véritable «  légitimité démocratique » .

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a présenté une motion de renvoi en commission : 

«   Monsieur le président, veuillez m’excuser d’interrompre la discussion avant qu’elle n’ait véritablement commencé, pour soumettre à l’Assemblée une motion de renvoi en commission en vertu de l’article 36 1 D de notre Règlement. Je demande à Mme la rapporteure et au président de la commission de ne pas prendre ombrage de cette initiative qui, bien entendu, n’est nullement destinée à les contrarier ni ne les vise personnellement.

Nous considérons que l’élection des juges de la Cour européenne des droits de l’homme est l’une des prérogatives les plus importantes de notre Assemblée, à hauteur de l’œuvre accomplie par cette juridiction et du renom qu’elle a légitimement acquis et dont nous sommes fiers. La question revêt d’autant plus d’importance que les négociations sont en cours pour permettre l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.

Les dernières élections ont fait naître des doutes sur la validité du processus actuel de choix des juges. La solution proposée est encouragée par la proposition de résolution soumise aujourd’hui à notre approbation. Elle contient l’idée de créer une sorte de commission d’experts qui auraient pour fonction de donner un avis sur les choix envisagés par les États. En Allemagne comme en France, nous nous interrogeons sur l’opportunité de s’en remettre à une commission d’experts ou supposée telle pour effectuer une tâche qui relève avant tout de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Il existe un risque de contradiction avec l’avis de la sous-commission en charge des questions juridiques et surtout de délégitimation de cette sous-commission.

Plus grave, sur la forme, je pense qu’il n’est pas raisonnable de discuter un sujet aussi important un vendredi matin d’autant que nous n’avons eu connaissance du projet de rapport que jeudi dernier. Sur le fond, le problème essentiel est l’absence de transparence de la procédure suivie par notre Assemblée, mais la qualité du travail de nos collègues n’est pas en cause.

Je vais m’arrêter Monsieur le Président car je suis bien placé pour savoir que vous devez faire régner l’ordre dans cette Assemblée. »

A l’issue du vote, la motion de renvoi en commission a été rejetée par 21 voix contre 15.

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UC) a mis en évidence l’importance qui reviendrait à modifier les règles internes à la procédure de pré sélection des juges au sein de l’Assemblée notamment en mettant fin à la culture du secret qui prévaut :

«   Mes chers collègues, la Cour est victime de son succès. L’entrée en vigueur du Protocole 14, le 1er juin dernier, a permis des améliorations à l’institution du juge unique. La conférence d’Interlaken et le plan d’action pluriannuel adopté devraient également permettre d’améliorer le fonctionnement de la Cour. Mais, celle-ci reste au bord de l’asphyxie, avec plus de 138 000 affaires pendantes.

La France a récemment pris des mesures pour renforcer le processus de sélection interne, de manière à motiver et à sélectionner les meilleures candidatures. Après un appel public à candidatures sur les sites Internet des ministères des Affaires étrangères et européennes et de la Justice, la présélection des candidats et leur audition ont été confiées au groupe national de la Cour permanente d’arbitrage, un organisme indépendant qui procède déjà à la sélection des candidats français à la Cour pénale internationale et à la Cour internationale de justice.

Je ne vous cacherai pas, en tant qu’ancien juriste et membre du ministère de la justice avant d’être sénateur, que j’ai trouvé le rapport de notre commission des questions juridiques très décevant. Il m’a donné l’impression d’être un rapport de commande.

Il n’aborde absolument pas la question de la procédure de présélection des candidats interne à notre Assemblée. Je sais que ce n’est pas l’intitulé du rapport, mais je le regrette. Cette procédure, en effet, est particulièrement opaque et, pour tout dire, pas véritablement en accord conforme aux valeurs du Conseil de l’Europe.

La sous-commission chargée d’émettre un avis sur la liste de trois candidats est composée de huit membres, ce qui laisse planer des doutes sur sa représentativité.

Surtout, la transparence semble absente de ses méthodes de travail. Ses entretiens individuels devraient sans doute faire l’objet d’une plus grande publicité, par exemple, en étant ouverts à l’ensemble des membres de notre Assemblée ou, du moins, à ceux de la commission des questions juridiques. La publication rapide d’un compte rendu de ces entretiens est également envisageable. Il faut mettre fin à cette culture du secret qui laisse la porte ouverte à l’arbitraire et à la rumeur et qui risque de porter atteinte à une institution qui a acquis sa crédibilité dans le monde entier.

De même, ce serait la moindre des choses que la sous-commission motive son avis. En quoi rendre un avis non motivé éclaire-t-il les parlementaires qui élisent les juges ? D’autant plus que certains des avis rendus par la sous-commission sont plus que contestables. Des exemples récents ont montré que la sous-commission n’a pas toujours su éviter le conflit d’intérêt potentiel.

Bref, il est urgent de modifier la procédure interne à notre Assemblée.

Le rapport se limite à évoquer la proposition formulée par le Président de la Cour, mon compatriote Jean-Paul Costa, de créer un comité d’experts chargé de conseiller les gouvernements avant que ceux-ci ne transmettent leur liste de candidats à l’Assemblée.

L’instauration de ce comité d’experts suscite des interrogations. Le Conseil de l’Europe, un peu comme l’UEO, est en voie d’affaiblissement. Un des rares pouvoirs qui lui reste est la nomination de ces juges. Pourquoi confier cela à un expert ? Ce n’est pas le gouvernement des juges par les juges ! J’estime donc quelque peu précipitée l’approbation qu’il donne à un tel comité. Sur le fond du rapport, le Conseil de l’Europe ne serait pas crédible en validant un tel rapport. Il faut approfondir la réflexion, ne serait-ce que pour la crédibilité et la survie de notre Organisation. »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a explicité son opposition au rapport et à la résolution.

 »  Monsieur le Président, mes chers collègues, Mesdames, Messieurs, je vais développer ce que je viens d’expliquer en défendant ma motion de renvoi en commission.

Je dois vous avouer avoir été un peu déçu par la réponse que notre commission des questions juridiques propose d’apporter au problème. Je m’interroge tout d’abord sur la pertinence de la création d’une instance nouvelle qui serait en quelque sorte chargée de prévenir la tentation qu’ont parfois les gouvernements de faire des choix à la légitimité incertaine. Les questions sont nombreuses. Cette commission émettra-t-elle un avis formel ? Sera-t-il rendu public ? S’il demeure secret son impact sera bien faible et s’il est public je crains qu’il ne menace à terme le rôle de la sous-commission des questions juridiques. N’abandonnons pas en permanence nos responsabilités à des «  experts » ou alors ne dénonçons pas la technocratie ! Assumons nos responsabilités, d’autant que d’autres risques existent.

En premier lieu, il pourra exister un risque de contradiction entre cette commission d’experts et notre sous-commission. En second lieu je vous rappelle par exemple que l’Assemblée parlementaire a légitimement forcé les gouvernements à ce qu’il y ait au moins une femme parmi les trois candidats qui nous sont soumis. Cette avancée tout à fait légitime a fait l’objet d’un avis de la Cour européenne des droits de l’homme qui l’estime contraire aux règles en vigueur. On pourrait donc imaginer des cas où une approche purement juridique s’oppose à une volonté politique légitime des parlementaires.

Surtout, je crois que c’est oublier que notre Assemblée a édicté tout un ensemble de règles permettant de garantir une sélection plus ouverte et plus impartiale des candidats. J’ai ainsi noté avec satisfaction que dans le cas de la France, le Premier Ministre, M. François Fillon, a décidé de mettre en conformité nos règles de sélection avec celles préconisées par l’Assemblée. Le remplacement du Président Costa donnera ainsi lieu pour la première fois à la mise en place d’une procédure transparente et objective. Faisons respecter ces règles.

J’en viens maintenant au point principal. Pour dire les choses sans ménagement, il me semble que nous nous défaussons ainsi quelque peu de notre responsabilité d’avoir une procédure interne à l’Assemblée parlementaire plus efficace, plus responsable et plus transparente. Nous savons tous qu’il y a un problème. L’absence de motivation des avis de la sous-commission vide de tout fondement ses choix. Le caractère occulte de ses délibérations, le caractère parfois surprenant pour un non-initié de ses choix, l’un étant peut-être la cause de l’autre, ont abouti aux problèmes que nous avons vécus encore très récemment.

Il faut réagir. Il conviendrait que notre sous-commission en charge de ces questions nous explique pourquoi elle préfère tel candidat, quelles sont les raisons qui font qu’il serait un excellent juge à la Cour. Appliquons à l’Assemblée parlementaire les principes de transparence dont nous demandons l’application à l’extérieur. Je ne suis en revanche par certain qu’il y ait lieu de publier le nombre de voix obtenues par chacun ce qui peut constituer une forme de délégitimation. Je me demande également s’il n’y aurait pas lieu d’élargir cette sous-commission afin qu’elle soit plus représentative de notre Assemblée. Entendons-nous bien, je ne remets pas en cause la qualité de nos éminents collègues qui y siègent. Je dis juste que leur petit nombre, pour prendre une décision aussi importante, ne facilite pas leur représentativité compte tenu de la diversité des courants qui animent notre Assemblée.

Je vous remercie de votre attention. »

Le projet de résolution a été adopté.

D. COMMUNICATION DU COMITÉ DES MINISTRES A L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE, PRÉSENTÉE PAR M. ANTONIO MILOSOSKI, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE «  L’EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE » , PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES

La présidence du Conseil des ministres par «  l’ex-République yougoslave de Macédoine » coïncide avec le quinzième anniversaire de l’adhésion de ce pays au Conseil de l’Europe.

Le ministre a souligné l’importance des réformes en cours, parmi lesquelles figure la procédure de sélection des juges amenés à siéger auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Il a, par ailleurs, insisté sur la réforme du Comité des ministres, notamment en ce qui concerne la surveillance de l’exécution des arrêts. Cette nouvelle procédure devrait être opérationnelle au 1er janvier prochain.

La conférence de Skopje sur le renforcement du principe de subsidiarité a permis de continuer le processus initié à Interlaken et qui se poursuivra lors de la conférence d’Izmir, en Turquie, en 2011.

Les parlements nationaux et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe auront un rôle significatif à jouer dans le renforcement du caractère subsidiaire du mécanisme de protection de la Convention. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme est un défi à relever qui aura pour conséquence une amélioration substantielle des droits au sein de l’Europe.

En matière de protection des droits de l’homme dans le monde, le président du Comité des ministres est préoccupé par la situation humaine et sanitaire en Géorgie après la fin de la guerre. La situation au Bélarus demeure toujours alarmante, mais la tenue d’élections présidentielles pourrait être l’occasion d’arrimer davantage ce pays aux valeurs du Conseil de l’Europe.

Les progrès doivent se poursuivre en Moldova afin de sortir de l’impasse institutionnelle. En outre, l’arrêt de la Cour internationale de justice relatif au statut du Kosovo a eu pour corollaire une déclaration de l’assemblée des Nations Unies appelant à la reprise du dialogue entre Pristina et Belgrade.

Il a, également, salué l’importance de la réunion qui se tiendra le 20 octobre prochain et à laquelle seront associés toutes les composantes du Conseil de l’Europe de manière à trouver une issue à la crise due à la question de la discrimination des Roms en Europe.

Il a précisé, en outre, que le processus initié à Ohrid, associer la jeunesse aux processus démocratique et décisionnel dans la région, était déjà un succès qui devrait se poursuivre.

Il a également rappelé l’importance du dialogue interculturel dans une Europe multi-ethnique composée de nombreuses minorités religieuses.

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) a demandé, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, quelles étaient les actions menées par la présidence macédonienne pour faciliter les relations entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe :

«  Monsieur le Président, vous avez évoqué la question de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme et les contacts que vous avez eus avec Mme Reding à ce sujet.

La question des relations entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe se pose avec une acuité toujours nouvelle. Pourriez-vous nous indiquer quelles actions ont été menées par la présidence macédonienne pour aller vers une meilleure complémentarité entre ces deux organisations ? »

M. Milososki, président du Comité des ministres, a insisté sur la volonté politique qui préside au rapprochement entre les deux institutions :

«   Il s’agira d’une réalisation commune, car c’est un objectif commun que d’avoir l’Union européenne comme partie à la Convention. Cela renforcera la grande Europe et la promotion de l’État de droit et des droits de l’homme et permettra également de rendre les États membres de l’Union européenne et leurs institutions plus responsables.

Notre présidence continuera de faire avancer cette question au Comité des Ministres pour obtenir le résultat escompté dans les meilleurs délais. Il est certain que les représentants de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe devront négocier sur un bon nombre de détails. Mais la volonté politique existe bel et bien et nous encouragerons ces négociations qui constitueront une bonne occasion, pour toutes les parties concernées, de faire avancer ce dossier. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a souhaité connaître l'état d'avancement de la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme :

«   Monsieur le Président du Comité des Ministres, vous avez évoqué au début de votre propos, la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme, alors que l’on peut avoir l’impression qu’elle s’enlise : nous en sommes, je crois, à 140 000 dossiers. Je voulais donc savoir quelles sont les réalisations que l’on peut mettre à l’actif de ce processus de réforme et quelles sont les prochaines étapes à réaliser ? »

M. Milososki a présenté les réalisations du processus d’Interlaken ainsi que la proposition du Président Costa de créer une instance consultative pour améliorer la sélection des juges :

«   Vous avez noté très justement que la Cour, dans le passé comme à présent, est surchargée de requêtes émanant d’un grand nombre de pays. En même temps, avec la Conférence d’Interlaken, nous nous sommes efforcés de réunir les ministres des États membres du Conseil de l’Europe responsables des affaires de la Cour européenne des droits de l’homme. Ils se sont engagés à ce que la Convention, comme mécanisme de protection, puisse fonctionner aussi efficacement que possible.

La Conférence a adopté à l’unanimité, une déclaration politique, ainsi qu’un plan d’action. Pour le suivi d’Interlaken, le Comité des Ministres a décidé de mettre en place un groupe de travail, sous son autorité, dont les premières conclusions ont permis d’adopter un certain nombre de décisions lors de la dernière session du Comité des Ministres.

En même temps, j’aimerais souligner que le président de la Cour a proposé de créer une instance consultative qui devrait, à l’avenir, renforcer la capacité d’action et la crédibilité de celle-ci. Grâce à un meilleur mécanisme de sélection et de désignation des candidats aux postes de juges de la Cour européenne, et avec cette instance composée d’experts et de personnalités éminentes en matière de droits de l’homme, je pense que nous aurons les instruments permettant de renforcer la crédibilité et l’efficacité de la Cour.

Par ailleurs, sous notre présidence, s’est tenue une conférence sur les rapports entre les systèmes juridiques nationaux et la Cour de Strasbourg, à travers le principe de subsidiarité. Nous pensons qu’à long terme, cette approche sera extrêmement utile car les législations et systèmes judiciaires nationaux pourront renforcer leur capacité à agir conformément aux orientations de la Cour. Cela permettra aux tribunaux des différents pays d’être plus efficaces et d’éviter ainsi un trop grand nombre de requêtes à Strasbourg. »

E. LA STRATÉGIE, LA GOUVERNANCE ET LE FONCTIONNEMENT DE LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CONSEIL DE L’EUROPE

La Recommandation que l’Assemblée parlementaire adresse au Comité des ministres a pour finalité tant de renforcer le contrôle démocratique de la Banque de développement, d’améliorer son mode de gouvernance dans une perspective accrue de transparence, que de renforcer les activités de la Banque envers les projets directement en rapport avec la promotion des droits de l’homme et le développement de la démocratie.

Il importe de souligner que la Banque est la seule institution financière ayant un mandat exclusivement social conformément aux valeurs du Conseil de l’Europe.

M. Ruiz Ligero, vice-gouverneur de la Banque de développement du Conseil de l’Europe, a précisé que la Banque de développement du Conseil de l’Europe avait été créée en 1956, et qu’elle était composée de quarante membres. En 2009, son portefeuille d’encours s’élevait à près de 2,2 milliards d’euros, ses actifs à 22,7 millions d’euros et ses décaissements d’emprunt à environ 1,8 milliard d’euros.

Les trois plans d’action de la Banque consistent à renforcer l’intégration sociale, protéger l’environnement durable et consolider les infrastructures à vocation sociale.

La Banque a une gestion très saine dans la mesure où elle bénéficie d’une notation avec un triple A.

Cependant, afin qu’elle puisse faire face aux défis à venir, une augmentation de capital serait nécessaire.

Le projet de recommandation, amendé, a été adopté.

F. DISCOURS DE M. NIKOLA GRUEVSKI, PREMIER MINISTRE DE «  L’EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE »

Le Premier ministre de l’Ex-République yougoslave de Macédoine, M. Nikola Gruevski, a souligné les défis auxquels été confronté son pays mais plus globalement l’ensemble des démocraties occidentales, défis auxquels «  l’ex-République yougoslave de Macédoine » a souhaité donner une priorité lors de sa présidence du Conseil de l’Europe.

Les priorités sont donc une plus grande cohésion sociale grâce au respect des droits sociaux , une Europe fondée sur l’intégration des minorités nationales au sein de la société, la promotion du dialogue interreligieux et interculturel, une participation active de la jeunesse dans les processus démocratiques et dans la conception des politiques.

Construire une société multiculturelle reste l’une des questions politiques les plus complexes et les plus sensibles de l’époque actuelle. L’ »  ex-République yougoslave de Macédoine » a une tradition de coexistence culturelle et ethnique qu’elle peut faire partager à l’ensemble de ses partenaires.

M. Gruevski a tenu à souligner que le Manifeste de la République de Krusevo, en 1903, avait appelé tout un chacun, indépendamment de son appartenance nationale, religieuse, de son sexe et de ses croyances, à se battre pour le droit de l’homme le plus fondamental : le droit à la liberté.

Par ailleurs, l’ »  ex-République yougoslave de Macédoine » est candidate à l’adhésion à l’Otan et à l’Union européenne. Pour le moment, du fait de l’opposition d’un État membre, cette candidature est bloquée.

En outre, la présidence macédonienne a lancé le projet OHRID dont l’objectif est d’assurer une plus grande implication des jeunes, notamment sans la région de l’Europe du Sud-est, dans le processus de prise de décisions, de conception de politiques.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a interrogé le ministre sur la problématique relative au nom «  ex-République de Macédoine » :

«  Monsieur le Premier ministre, la question du nom revient sur toutes les lèvres lorsque l’actualité de votre pays est évoquée.

Je note malheureusement que vos difficultés diplomatiques ne se limitent pas au seul différend qui vous oppose à Athènes mais concernent également la Bulgarie, qui ne reconnaît pas pleinement votre identité, la Serbie, dont l’Église orthodoxe ne reconnaît pas la vôtre, et l’Albanie, pays au sein duquel se pose le problème de la minorité macédonienne.

Pouvez-vous, Monsieur le Premier ministre, résumer les discussions en cours avec ces trois pays ? »

M. Nikola Gruevski a précisé quel était l’état des pourparlers actuels avec ses voisins :

«  Le problème que nous avons avec la Grèce ne peut être comparé à ceux que certains pays voisins ont avec nous. Nous avons de très bonnes relations avec la Bulgarie, avec laquelle nous entretenons de nombreux contacts. Beaucoup de visites de haut niveau ont lieu entre nos deux pays. La Bulgarie nous soutient beaucoup, s’agissant notamment de notre adhésion à l’Union européenne et à l’Otan.

Nos rapports avec l’Albanie et la Serbie sont tout aussi excellents. Dans les Balkans, il n’est pas rare que surgissent des problèmes mais, je le répète, le problème, relatif au nom de notre pays, que nous avons avec la Grèce est épineux et destructeur. Il a été ouvert par la Grèce au début des années quatre-vingt-dix et, depuis quelque vingt ans, aucun gouvernement n’a été en mesure de le régler. J’espère que la Grèce fera preuve à l’avenir d’une plus grande ouverture et affichera une meilleure volonté pour régler cette importante question. »

G. CÉLÉBRATION DU 60ÈME ANNIVERSAIRE DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

Le Président de l’Assemblée parlementaire a rappelé que l’Assemblée parlementaire était à l’origine de la création de la Convention et d’une Cour pour garantir l’effectivité des droits qu’elle protégerait. En effet, c’est la Recommandation 38 de 1949 qui a appelé le Comité des ministres à rédiger une convention «  le plus vite possible. »

L’existence d’ »  une zone juridique des libertés civiques à l’échelle d’un continent » est le résultat positif de la création de la Convention européenne des droits de l’homme en 1950 et du travail de la Cour qui lui est associé pour la rendre effective.

Il a insisté sur le défi auquel la CEDH est confrontée : un nombre toujours plus grand de requêtes et l’exécution tardive, voire la non-exécution des arrêts qu’elle rend.

Seule une coordination étroite entre toutes les instances parties permettra d’y remédier. Les parlements nationaux ont également un rôle à jouer dans leurs activités de contrôle de l’exécutif.

En outre, l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme garantira une protection cohérente d’un système à l’échelle européenne des droits de l’homme.

M. Jean-Paul Costa, président de la Cour européenne des droits de l’homme, a salué le travail accompli depuis soixante ans. Il a particulièrement insisté sur le rôle moteur de l’APCE à l’origine de la création de la Convention et de la CEDH. Rôle toujours vivace qui inspire à certains égards la jurisprudence de la Cour, rôle essentiel puisque l’APCE élit les juges qui siègeront à la Cour.

Quant au défi que représentait la création d’un système juridique national, novation s’il en était, le président Costa a cité les propos de son prédécesseur à la Cour, Pierre-Henri Teitgen, afin de souligner leur actualité : « il ne s’agit pas, lorsque nous voulons garantir et protéger les libertés en Europe, de diminuer la souveraineté d’un État par rapport à un autre État, de donner prééminence à un État sur un autre État. Il s’agit de limiter la souveraineté des États du côté du droit, et de ce côté-là, toutes les limites sont permises. »

Il a enfin évoqué l’avenir et les défis auxquels la CEDH est aujourd’hui confrontée en saluant le succès du processus initié à la Conférence d’Interlaken.

ANNEXES

Annexe 1
Résolution 1760 (2010) (1) La montée récente en Europe du discours sécuritaire au niveau national : le cas des Roms

1.       L’Assemblée parlementaire est consternée qu’à peine quelques semaines après l’adoption de sa Résolution 1740 (2010) sur la situation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l’Europe, qui appelle les États membres à améliorer la situation des Roms et à veiller au respect plein et entier de leurs droits fondamentaux, des hommes politiques dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe, aient eu recours à une rhétorique anti-Roms, associant ces derniers à la criminalité et au trafic. Il s’en est suivi un durcissement des politiques et mesures sécuritaires visant directement les Roms, telles que le démantèlement de leurs campements et les vagues de renvois de migrants roms vers leur pays d’origine.

2.       L’Assemblée partage les inquiétudes exprimées à cette occasion par son Président, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), les Nations Unies, l’Union européenne et d’autres organisations internationales, ainsi que par les défenseurs des droits de l’homme et les médias. Elle note à cet égard que la Commission européenne est en train d’évaluer le respect du droit communautaire par certains État membres de l’Union Européenne.

3.       Pour sa part, l’Assemblée s’inquiète particulièrement de la place de plus en plus importante qu’occupe la sécurité publique dans le débat politique, notamment suite à la crise économique, à la montée du chômage et à la recrudescence de la criminalité, et de l’emploi de plus en plus fréquent des discours sécuritaires en conjonction avec une forme d’expression discriminatoire qui tend à faire l’amalgame entre l’insécurité et certaines communautés ethniques, y compris les migrants, faisant de ces dernières des boucs émissaires, comme cela a été récemment le cas avec les Roms.

4.       L'Assemblée constate que les pays européens qui offrent de meilleures conditions de vie et disposent d'un système de protection sociale plus généreux, attirent les migrants de pays en situation moins favorable, faisant parfois peser des pressions sur les institutions sociales des États concernés.

5.       L'Assemblée relève que s'il n'y a naturellement pas lieu de jeter l'opprobre sur une communauté, et qu'il convient de l'aider, il ne sert à rien de nier les problèmes, sauf à faire le jeu de l'extrémisme. Il convient donc de traiter les causes profondes de la marginalisation des Roms.

6.       L'Assemblée constate que les aides communautaires ne sont pas utilisées de façon optimale et qu'il importe de mieux les mobiliser en faveur des Roms, ou, si cela s'avère impossible, de les redéployer dans les pays d'accueil.

7.       Alors que pendant longtemps les partis traditionnels ne sont pas parvenus à anticiper ou à relever les défis posés à l’ordre public et à la sécurité des personnes, les partis populistes extrémistes ont cherché à tourner à leur avantage les préoccupations d’ordre sécuritaire de la société en assimilant purement et simplement l’immigration à la criminalité et à l’insécurité.

8.       L’Assemblée est particulièrement préoccupée par la double tendance qui se dessine en Europe : d’un côté, l’élection de plus en plus fréquente dans les parlements nationaux de partis d’extrême droite ; et de l’autre, les partis traditionnels qui, tentant de dissuader leur électorat de se tourner vers les partis extrémistes et de regagner un soutien populaire, empruntent certains traits des discours radicaux, xénophobes et discriminatoires de ces derniers.

9.       Si l’Assemblée reconnaît que dans bon nombre d'États membres du Conseil de l’Europe, les autorités, confrontées à une recrudescence de la criminalité, se voient contraintes de durcir les politiques visant à protéger l’ordre public et la sécurité de toutes les personnes qui vivent sur leur territoire, elle souligne qu’il convient d’établir dans le discours politique une distinction claire entre les individus qui ont commis des infractions et des groupes entiers de personnes, tels que les Roms ou tout autre minorité ou groupe de migrants.

10.       L’Assemblée condamne fermement l’utilisation d’un langage à caractère raciste et xénophobe et, de ce fait inacceptable dans une démocratie, stigmatisant les Roms ou toute autre minorité ou groupe de migrants. L’Assemblée accorde la plus haute importance à la liberté d'expression, y compris lors de débats politiques relatifs à l’immigration. Mais toute forme de discrimination raciale ou ethnique est inacceptable. Comme l’a souligné la Cour européenne des droits de l’homme, la liberté d’expression peut légitimement être restreinte lorsque les propos tenus sont susceptibles de susciter un sentiment de rejet et d'hostilité envers une communauté visée, conformément à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme.

11.       Une responsabilité particulière incombe aux hommes politiques qui se doivent d’éliminer du discours politique les stéréotypes négatifs et les stigmatisations de minorités ou groupes de migrants. Il leur appartient de promouvoir un message de non-discrimination, de tolérance et de respect vis-à-vis des personnes d’origines différentes.

12.       C’est pourquoi l’Assemblée réaffirme les normes et lignes directrices du Conseil de l’Europe applicables au discours politique, contenues, entre autres, dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la Recommandation N° R (97) 20 du Comité des Ministres sur le « discours de haine » , les recommandations de politique générale de l’ECRI et sa Déclaration de 2005 sur l’utilisation d’éléments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique, les recommandations du Commissaire aux droits de l’homme, ainsi que les documents connexes de la Commission de Venise et ses propres Résolution 1345 (2003) sur le discours raciste, xénophobe et intolérant en politique et Résolution 1754 (2010) sur la lutte contre l'extrémisme : réalisations, faiblesses et échecs, et appelle :

12.1.       les États membres du Conseil de l’Europe :

12.1.1. à signer et ratifier ou approuver autrement, si ce n’est déjà fait, et à mettre en œuvre de manière effective dans leurs droit et pratique nationaux les instruments et normes juridiques, lignes directrices et politiques du Conseil de l’Europe liés à l’interdiction et la prévention du discours de haine et de la discrimination, y compris la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ;

12.1.2. à appliquer la législation nationale sur le discours de haine et la discrimination ;

12.1.3. à veiller au respect plein et entier des normes des droits de l’homme et des principes de la démocratie et de l’État de droit lors de la conception et de la mise en œuvre de politiques visant à protéger l’ordre public et la sécurité de toutes les personnes qui vivent sur leur territoire, y compris les principes de non-discrimination et de proportionnalité ;

12.2.       les autorités et institutions publiques aux niveaux national, régional et local, ainsi que les responsables :

12.2.1. à s’abstenir d’effectuer des déclarations, en particulier à travers les médias, pouvant raisonnablement être prises pour un discours de haine ou comme un discours pouvant faire l’effet d’accréditer, de propager ou de promouvoir la haine raciale, la xénophobie ou d’autres formes de discrimination ou de haine fondées sur l’intolérance ;

12.2.2. à prohiber et condamner publiquement ces expressions en toute occasion ;

12.2.3. à interpréter strictement, en matière d’expulsion, le motif tiré du « trouble à l’ordre public », souvent invoqué par les autorités pour justifier une mesure d’expulsion, conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l'homme.

13.       L’Assemblée rappelle l’importance de la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste, signée par son Président et le Président du Parlement européen en 2003, et invite instamment les partis politiques, les forces politiques et les personnalités politiques et publiques dans les États membres, les groupements internationaux de partis politiques et ses propres membres, à s’engager :

13.1.       à adhérer et à mettre en œuvre et promouvoir activement les principes inscrits dans la Charte ;

13.2.       à contribuer activement à la lutte contre toute tentative de stigmatisation ou d’incitation à l’hostilité envers une personne ou un groupe de personnes sur la base de la race, l’origine ethnique, la nationalité, les croyances religieuses ou l’origine sociale ;

13.3.       à combattre toute action ou forme d’expression susceptible d’exacerber les craintes et les tensions entre des groupes d’origine raciale, ethnique, nationale, religieuse ou sociale différente ;

13.4.       à traiter de manière responsable et équitable tous les thèmes sensibles ayant trait à ces groupes ;

13.5.       à s’abstenir de tout discours à caractère raciste, xénophobe, nationaliste agressif, ethnocentrique ou autrement discriminatoire, ou de poursuivre de tels objectifs politiques et réprimer fermement tout sentiment ou comportement raciste dans leurs propres rangs.

14.       Convaincue de la responsabilité particulière incombant aux médias, l’Assemblée les appelle :

14.1. à s’abstenir de diffuser des messages susceptibles de provoquer une animosité à l’égard de personnes ou de groupes de personnes appartenant à une communauté ou une minorité ethnique, nationale, culturelle, linguistique ou religieuse, à l’égard de migrants, de réfugiés, de demandeurs d’asile ou de personnes d’origine immigrée ;

14.2. à éviter, dans leurs reportages sur les problèmes sociaux ou criminels, de mentionner de manière sélective l’origine ethnique ou nationale ou l’appartenance à une communauté ou minorité religieuse, culturelle ou linguistique des personnes impliquées ;

14.3.       à s’abstenir d’attiser les tensions entre les communautés de Roms et de Gens du voyage autochtones et les migrants Roms.

15.        Réaffirmant sa Résolution 1740 (2010) et sa Recommandation 1924 (2010) sur la situation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l’Europe, adoptées en juin 2010, l’Assemblée :

15.1. salue et soutient l’initiative du Secrétaire général du Conseil de l’Europe d’organiser une réunion de haut niveau pour convenir de mesures destinées à améliorer la situation des Roms dans toute l'Europe, point de départ des efforts conjugués des institutions européennes et des États membres pour s'occuper de la situation des Roms de manière constructive et durable ;

15.2. se déclare prête à contribuer au succès de cette réunion de haut niveau en apportant son expérience du traitement des questions liées aux Roms et en favorisant la mise en œuvre de l’ensemble des décisions qui seront adoptées ;

15.3.       en matière d’expulsion, appelle les États membres à respecter pleinement leurs obligations – y compris procédurales – au titre de la Convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence pertinente de la Cour, à ne pas procéder à des expulsions collectives déguisées et, conformément aux recommandations du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à ne pas renvoyer de Roms au Kosovo jusqu’à ce que la preuve soit faite que ces retours peuvent être entrepris en tenant pleinement compte de la sécurité et des futures conditions de vie des intéressés ;

15.4.       encourage les États membres à recourir plus largement au Fonds social européen pour l’intégration des Roms ainsi qu’aux prêts-projets octroyés par la Banque de développement du Conseil de l’Europe, lesquels ont d’ores et déjà contribué au financement de projets visant à favoriser l’intégration des Roms immigrés tant dans les États membres que dans d’autres pays ayant une importante population Rom ;

15.5.       invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à informer l’Assemblée, dès que possible, des résultats de la réunion de haut niveau ;

15.6. décide de continuer à suivre avec attention la situation des Roms en Europe, y compris à la lumière des résultats de la réunion de haut niveau, et, dans ce contexte, traiter la question de la circulation et des migrations des Roms en Europe, ainsi que les politiques et les pratiques concernant le retour des Roms.

(1) Discussion par l’Assemblée le 7 octobre 2010 (34e séance) (voir Doc. 12386, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur : Mme Brasseur, Doc. 12390, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur : M. Năstase, et Doc. 12392, avis de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur : M. Greenway). Texte adopté par l’Assemblée le 7 octobre 2010 (34e séance).

Annexe 2
Résolution 1756 (2010) (1) Nécessité d’éviter le chevauchement des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne

1.       L’Assemblée parlementaire rappelle que, dans sa Résolution 1427 (2005) et sa Recommandation 1744 (2006), elle a exprimé des préoccupations quant au chevauchement par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne de certaines activités du Conseil de l’Europe.

2.       L’Assemblée note qu’en dépit des quelques garde-fous visant à éviter le chevauchement des tâches prévues dans le Règlement fondateur de l’Agence et l’Accord de 2008 sur la coopération entre l’Agence et le Conseil de l’Europe, ce danger est en principe bien réel et que des inquiétudes subsistent quant au risque de confusion dans l’interprétation des normes des droits de l’homme au sein des 27 États membres du Conseil de l’Europe appartenant également à l’Union européenne. C’est pourquoi une rapide adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) est indispensable.

3.       Cependant, l’Assemblée relève que le contexte actuel diffère de celui qui prévalait lors de l’adoption de ses textes susmentionnés : depuis 2007, l’Agence et le Conseil de l’Europe ont mis en place des formes appropriées de coopération. Les deux institutions utilisent des outils différents dans la conduite de leurs activités courantes. La collecte de données de l’Agence et son analyse factuelle peuvent compléter les travaux entrepris par le Conseil de l’Europe, notamment ceux de ses organes de suivi.

4.       L’Assemblée souligne, néanmoins, qu’une coopération fructueuse dans l’avenir dépend de l’utilisation par l’Agence, dans ses travaux, de l’acquis du Conseil de l’Europe en matière de protection des droits de l’homme au plan européen comme référence principale.

5.       L’Assemblée note également que, suite à l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du Traité de Lisbonne de l’Union européenne et à l’adoption le même mois par le Conseil de l’Union européenne du « Programme de Stockholm », les attributions de l’Agence ont été considérablement élargies. L’Assemblée relève par ailleurs avec intérêt la nomination par l’Union européenne d’un Commissaire chargé de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté.

6.       L’Assemblée appelle les États membres et les institutions de l’Union européenne à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter un chevauchement inutile des tâches du Conseil de l’Europe par l’Agence, et les invite en particulier :

6.1.       à veiller à ce que, dans les domaines où le Conseil de l’Europe et l’Agence mènent tous deux des activités telles que le suivi et/ou la collecte de données, les activités des deux organisations se complètent mutuellement et génèrent une valeur ajoutée ;

6.2.       à appliquer les méthodes de coopération établies dans les instruments juridiques pertinents concernant le fonctionnement de l’Agence et ses relations avec le Conseil de l’Europe, notamment l’Accord de coopération de 2008 ;

6.3.       à veiller à ce que l’acquis du Conseil de l’Europe en matière de protection des droits de l’homme serve systématiquement de référence principale dans les travaux de l’Agence ;

6.4.       à consulter le Conseil de l’Europe à un stade précoce lors de l’élaboration de ses documents stratégiques tels que les programmes annuels et le cadre pluriannuel ;

6.5.       à examiner une nouvelle fois l’allocation de ressources financières et autres aux divers mécanismes européens de protection des droits de l’homme, afin de les répartir de manière à en garantir l’emploi le plus efficace.

7.       L'Assemblée observe ainsi avec regret que le niveau du financement des activités principales du Conseil de l’Europe portant sur les droits de l’homme est extrêmement bas en comparaison de celui de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.

(1) Discussion par l’Assemblée le 5 octobre 2010 (31e séance) (voir Doc. 12272, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur : M. Cilevičs). Texte adopté par l’Assemblée le 5 octobre 2010 (31e séance).

Voir également la Recommandation 1935 (2010)

Annexe 3
Recommandation 1935 (2010) (1) Nécessité d’éviter le chevauchement des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne

1.       L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution 1756 (2010) sur la nécessité d’éviter le chevauchement des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, depuis la création de cette dernière en 2007.

2.       L'Assemblée recommande au Comité des Ministres :

2.1.       d’attirer l’attention de l’Union européenne sur la nécessité persistante d’éviter les chevauchements inutiles avec les mécanismes du Conseil de l’Europe œuvrant dans le domaine des droits de l’homme ;

2.2.       afin d’atteindre l’objectif précité :

2.2.1.       de tenir des échanges de vues réguliers avec les représentants de haut rang de l’Agence ;

2.2.2.       de veiller à ce que l’acquis du Conseil de l’Europe en matière de protection des droits de l’homme serve toujours de référence principale dans les travaux de l’Agence ;

2.2.3.       de veiller à des échanges mutuels des données pertinentes entre l’Agence et les organes du Conseil de l’Europe, notamment ses organes de suivi, dans les domaines où le Conseil de l’Europe et l’Agence mènent tous les deux des activités ; et que, à cet égard, les agents des deux institutions travaillent étroitement ensemble ;

2.2.4.       de veiller à ce que les représentants de l’Agence soient invités aux réunions des comités intergouvernementaux pertinents du Conseil de l'Europe

(1) Discussion par l’Assemblée le 5 octobre 2010 (31e séance) (voir Doc. 12272, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur : M. Cilevičs). Texte adopté par l’Assemblée le 5 octobre 2010 (31e séance).

Annexe 4
Recommandation 1933 (2010) (1) Lutte contre l'extrémisme :
réalisations, faiblesses et échecs

1.       L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution 1754 (2010) sur la lutte contre l’extrémisme : réalisations, faiblesses et échecs, dans laquelle elle fait part de son inquiétude face à la résurgence de certaines formes d’extrémisme en Europe.

2.       Combattre l’extrémisme tout en défendant la démocratie et en veillant au respect des droits de l'homme et de l’État de droit représente un défi constant pour les États membres du Conseil de l’Europe.

3.       L’Assemblée salue le travail important réalisé par de nombreux mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe ainsi que par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) pour aider les États membres à relever ce défi. Les conséquences possibles de la récente crise économique accentuent davantage la nécessité de leur expertise.

4.       L’Assemblée rappelle également que, bien que la liberté d'expression et la liberté d'association soient les piliers d'une démocratie pluraliste, leur exercice peut faire l’objet de restrictions. Ces restrictions devraient toujours être prévues par la loi, constituer des mesures nécessaires dans une société démocratique et viser les objectifs légitimes énoncés dans la Convention, et notamment la défense de l’ordre et la prévention du crime, la protection de la morale et la protection des droits d’autrui.

5.       Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée appelle le Comité des Ministres :

5.1.       à inviter les mécanismes de suivi compétents de l’Organisation à évaluer dans quelle mesure les États membres du Conseil de l’Europe ont mis en œuvre la Recommandation (97) 20 du Comité des Ministres sur le «  discours de haine » et souscrit aux modèles de bonnes pratiques et aux recommandations énoncées dans la brochure 2008 du Conseil de l’Europe sur le même sujet ;

5.2.       à inviter les mécanismes de suivi pertinents de l'Organisation à vérifier si les lois contre l'extrémisme adoptées par certains États membres du Conseil de l'Europe sont conformes aux instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme tels que la Convention européenne des droits de l'homme ;

      5.3       à améliorer la capacité d’action et la visibilité de ses mécanismes de suivi, tels que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, afin qu’ils jouent un plus grand rôle pour sensibiliser l’opinion publique à ces questions ;

      5.4.       à encourager ses comités compétents et ses mécanismes de suivi indépendants, notamment l ’ECRI ;

5.4.1. à étudier les effets de la crise économique actuelle sur l’extrémisme, ainsi que sur le racisme et la discrimination raciale ;

5.4.2. à poursuivre leurs travaux sur la question de l’islamophobie, à la lumière des développements récents ;

      5.5.       à intensifier ses activités dans le domaine de l’éducation et du dialogue interculturel, y compris en ce qui concerne sa dimension religieuse.

et aux réunions de ses autres organes qui mènent des activités sur des sujets d’intérêt commun ;

2.2.5.       de renforcer la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Agence, notamment au moyen d’échanges de personnel, de conférences, publications et déclarations conjointes sur des questions d’intérêt commun ;

2.2.6.       de continuer à garantir que la personnalité indépendante nommée au nom du Conseil de l’Europe au Conseil d’administration et au Bureau exécutif de l’Agence – tel que prévu dans l’Accord de 2008 sur la coopération entre l’Agence et le Conseil de l’Europe – soit du plus haut niveau.

(1) Discussion par l’Assemblée le 5 octobre 2010 (30e séance) (voir Doc. 12265, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur : M. Agramunt Font de Mora, et Doc. 12337, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur : M. Marcenaro). Texte adopté par l’Assemblée le 5 octobre 2010 (30e séance)

Annexe 5
Résolution 1754 (2010) (1) Lutte contre l'extrémisme :
réalisations, faiblesses et échecs

1.       L'Assemblée parlementaire exprime son inquiétude face à la résurgence de certaines formes d'extrémisme en Europe qui, tirant avantage du cadre des droits et libertés garantis par les démocraties européennes, poursuivent des objectifs qui sont en contradiction avec les valeurs européennes de la démocratie et des droits de l’homme et qui, dans le pire des cas, admettent, voire prônent le recours à la violence.

2.       Parmi ces formes d’extrémisme, le racisme et la xénophobie représentent une source de préoccupation majeure, compte tenu du soutien électoral croissant recueilli par des partis qui s’inspirent d’idées racistes – comme cela a été le cas lors de différents scrutins nationaux récents et des élections au Parlement européen – et du risque non négligeable de voir des partis politiques traditionnels s’appuyer sur un discours raciste pour ne pas perdre une partie de leur électorat. Il y a également lieu de s’inquiéter des discours de plus en plus hostiles tenus par certaines personnalités publiques, qui frôlent le discours de haine, voire relèvent bel et bien de cette catégorie.

3.       Par ailleurs, l’opinion publique et les gouvernements européens sont de plus en plus conscients de la menace que représente l’intégrisme islamique, une idéologie qui, bien qu’elle reste marginale en Europe, exerce un attrait croissant sur les jeunes musulmans, trouvant un terrain fertile dans les frustrations causées par le racisme, la discrimination, l'exclusion sociale et le chômage, dont ils tendent à souffrir davantage que le reste de la population. Cette forme d’extrémisme a conduit à la perpétration de plusieurs attentats terroristes meurtriers, dont certains sur le sol européen, comme ceux de Moscou en 2002 et 2010, d’Istanbul en 2003, de Beslan et de Madrid en 2004 et de Londres en 2005.

4.       Les pays européens accueillent également un certain nombre de groupes extrémistes, constitués de ressortissants étrangers qui ne cherchent pas à nuire à leur pays de résidence, mais qui mènent des activités de propagande et de collecte de fonds dans le but de commettre des actes extrémistes dans leur pays d'origine, comme par exemple renverser un régime par des moyens violents, déstabiliser le pouvoir politique par des attentats terroristes ou par la guérilla, ou faire sécession. Il est urgent d’élaborer un mécanisme juridique international pour mettre un terme à toutes les formes de soutien financier aux groupes extrémistes.

5.       A titre d’exemple, on peut citer les Moudjahiddines du peuple iranien et l’organisation terroriste du Parti des travailleurs du Kurdistan, présents dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe, et Euskadi ta Askatasuna (ETA), qui possède des bases en France. Dans ce contexte, l'Assemblée fait part de sa profonde inquiétude face à la résurgence en Europe d’actes de violence commis par des groupes séparatistes, comme récemment en Espagne et en Turquie où plusieurs attentats meurtriers ont été perpétrés respectivement par les organisations terroristes ETA et PKK. 

6.       L'Assemblée est consciente de la complexité du problème de l’extrémisme, qui peut prendre différentes formes, et de sa nature en constante évolution. Toutefois, malgré ces différences, toutes les formes d’extrémisme qui prônent ou admettent la violence sont en contradiction avec les valeurs et les principes du Conseil de l’Europe et doivent être combattues avec détermination, tout en respectant pleinement les garanties et les sauvegardes consacrées par les constitutions des États membres et les instruments de protection des droits de l’homme, notamment la Convention européenne des droits de l’homme.

7.       À cet égard, l'Assemblée rappelle les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme, dédiés respectivement à la liberté d'expression, à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association. Bien que ces libertés soient les piliers d'une démocratie pluraliste, leur exercice peut faire l’objet de restrictions. Ces restrictions devraient toujours être prévues par la loi, constituer des mesures nécessaires dans une société démocratique et viser les objectifs légitimes énoncés dans la Convention, et notamment la défense de l’ordre et la prévention du crime, la protection de la morale et la protection des droits d’autrui. L’article 17 de la Convention européenne des droits de l'homme ajoute qu’aucun État, groupement ou individu n’est en droit de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus par la Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues par la Convention elle-même.

8.       Dans le même temps, l'Assemblée exprime ses doutes quant à la conformité des législations contre l’extrémisme adoptées par certains États membres du Conseil de l'Europe avec les instruments internationaux de protection des droits de l’homme – tels que la Convention européenne des droits de l'homme – et rappelle qu’une définition trop générale ou vague des infractions prévues par ces législations peut renforcer le risque d’une application arbitraire de ces textes.

9.       D’un point de vue politique, dans leur lutte contre l'extrémisme, les États membres du Conseil de l'Europe sont confrontés à plusieurs enjeux redoutables dont, en premier lieu, celui de s’attaquer aux causes profondes de l’extrémisme. Prendre des mesures fermes contre la discrimination, mettre l’accent sur l’éducation civique et le dialogue interculturel et interreligieux, associer la société civile et les organisations non gouvernementales – en particulier celles qui représentent des catégories de la société exclues, de droit ou de fait, des voies de participation ordinaires – aux processus de consultation ou de prise des décisions, constituent les principaux moyens de réduire l’attrait potentiel des groupes et des mouvements extrémistes.

10.       En ce qui concerne l'extrémisme islamiste, il s’agit pour les États membres du Conseil de l'Europe de répondre efficacement à cette menace, tout en évitant de stigmatiser l'islam en tant que religion. Des efforts supplémentaires doivent être faits pour lutter contre l’islamophobie et la diffusion de stéréotypes négatifs sur l’islam et les musulmans dans la société, dans l’esprit de la Recommandation de politique générale n° 5 de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) sur la lutte contre l’intolérance et les discriminations envers les musulmans.

11.       L’organisation des groupes islamistes extrémistes en cellules indépendantes dormantes ou actives dont les liens avec d’autres groupes internationaux sont mal définis, pose des difficultés considérables aux forces de l’ordre et aux services de renseignement nationaux et à la coopération transnationale, tant sur le plan de la prévention que de la détection. L’exigence d’assurer l’efficacité d’action de ces organes ne doit cependant pas servir de prétexte pour priver les parlements de leur droit et de leur devoir de contrôle démocratique.

12.       Finalement, l'Assemblée déplore que le défi consistant à instaurer plus d’éthique en politique en ce qui concerne le traitement des questions touchant à la race, à l'origine ethnique et nationale et à la religion soit encore à relever. À cet égard, elle rappelle la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste, signée par son Président et le Président du Parlement européen en 2003, et la Déclaration sur l’utilisation d’arguments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique, adoptée par l’ECRI en 2005. L’Assemblée exprime son appréciation pour ces textes et pour leur pertinence.

13.       A la lumière de ce qui précède, l'Assemblée invite les États membres du Conseil de l'Europe :

      13.1.       à s’attaquer aux causes profondes de l'extrémisme en tant que priorité dans la lutte contre ce phénomène, en prenant les mesures suivantes

      13.1.1. continuer d’agir résolument contre la discrimination, dans tous les domaines ;

      13.1.2. mettre en place des processus de consultation, associant la société civile et les organisations non gouvernementales qui représentent des tendances très diverses de la société, y compris les catégories qui courent le plus le risque de se radicaliser, et de s’assurer ainsi de la participation de la société civile dans l’élaboration et la mise en œuvre de politiques anti-extrémismes ;

      13.1.3. mettre l’accent sur l’éducation à la citoyenneté démocratique ;

13.1.4. concevoir des politiques d'immigration claires et durables assorties de politiques d'intégration appropriées ;

      13.1.5. renforcer leurs activités dans le domaine du dialogue interculturel et interreligieux, également en souscrivant au Livre blanc du Conseil de l'Europe sur le dialogue interculturel ;

      13.1.6. élaborer un mécanisme juridique international pour mettre un terme à toutes les formes de soutien financier aux groupes extrémistes ;

      13.1.7. mettre en œuvre des politiques socio-économiques destinées à contribuer aux efforts visant à éradiquer le racisme, la xénophobie et l’intolérance dans la société, et notamment à éliminer les manifestations d’une discrimination fondée sur les convictions religieuses en matière d’accès à l’éducation et à l’emploi et sur le lieu de travail, en matière d’accès au logement dans des zones de mixité, dans les services publics et en matière de participation démocratique par la citoyenneté ;

13.2.       à continuer à lutter contre le terrorisme et d’autres formes d'extrémisme violent, tout en veillant au respect le plus strict des droits de l'homme et de la prééminence du droit, en conformité avec les Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, adoptées par le Comité des Ministres en 2002 et la Recommandation de politique générale n°8 de l’ECRI pour lutter contre le racisme tout en combattant le terrorisme ;

      13.3.       à s’assurer que la législation anti-extrémisme est appliquée de manière systématique et cohérente à toutes les formes d’extrémisme et éviter tout risque d’une mise en œuvre arbitraire ;

      13.4.       à s’assurer que les mesures de limitation ou d’interdiction des activités des partis politiques extrémistes respectent la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et les Lignes directrices de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) de 1999 sur l’interdiction et la dissolution des partis politiques et les mesures analogues, en particulier eu égard au caractère exceptionnel de la dissolution des partis et à l’obligation de rechercher d’autres sanctions avant d’appliquer une telle mesure ;

      13.5.       à infliger les sanctions pénales prévues par leur législation contre l’incitation publique à la violence, la discrimination raciale et l’intolérance, y compris l’islamophobie ;

13.6.       à introduire dans leur législation pénale des dispositions contre l’incitation à la haine raciale ou le discours de haine, s’ils ne l’ont pas encore fait, à mettre en œuvre la Recommandation (97) 20 du Comité des Ministres sur le discours de haine et à souscrire aux bonnes pratiques et recommandations énoncées dans la brochure 2008 du Conseil de l’Europe sur le même sujet ;

      13.7.       à intensifier des mesures d’information appropriées afin d’encourager les victimes d’actes extrémistes à les dénoncer aux autorités compétentes ;

13.8.       à renforcer le contrôle par les parlements nationaux des activités des services de renseignement, conformément à la Recommandation 1713 (2005) de l’Assemblée sur le contrôle démocratique du secteur de la sécurité dans les États membres ;

      13.9.       à améliorer l’analyse du phénomène de l’extrémisme ainsi que la collecte et la comparabilité des données s’y rapportant ;

      13.10.       à renforcer la coopération internationale afin d’empêcher la diffusion de la propagande extrémiste sur Internet ;

      13.11.       à mettre en place une coopération étroite avec la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) et soutenir ses activités.

14.       En outre, l'Assemblée demande à ses membres, aux partis politiques qu'ils représentent et à ses groupes politiques :

      14.1.       de promouvoir ou d’adhérer à la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste ;

      14.2.       de suivre les suggestions formulées par l’ECRI dans sa Déclaration sur l’utilisation d’arguments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique et dans sa Recommandation de politique générale n° 5 sur la lutte contre l’intolérance et les discriminations envers les musulmans ;

      14.3.       de promouvoir la création de comités d'éthique au sein des partis politiques et des parlements, dotés du droit de sanctionner leurs membres en cas de comportements ou de discours racistes, antisémites, xénophobes ou islamophobes.

15.       Enfin, l'Assemblée encourage le Commissaire aux droits de l'homme à consacrer davantage d’attention à toutes les formes d’extrémisme, notamment l’islamophobie.

(1) Discussion par l’Assemblée le 5 octobre 2010 (30e séance) (voir Doc. 12265, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur : M. Agramunt Font de Mora, et Doc. 12337, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur : M. Marcenaro). Texte adopté par l’Assemblée le 5 octobre 2010 (30e séance).

Voir également la Recommandation 1933 (2010).

Annexe 6
Résolution 1764 (2010) (1) Procédures nationales de sélection des candidats à la Cour européenne des droits de l'homme

1.       Il incombe à l'Assemblée parlementaire, en vertu de l’article 22 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) (ci-après « la Convention »), d’élire à la Cour européenne des droits de l’homme (« la Cour ») des juges qui présentent les plus hautes qualités sur une liste de trois candidats désignés par les États parties. Cette procédure confère aux juges élus par l'Assemblée une « légitimité démocratique ».

2.       Elle présuppose que les États parties à la Convention transmettent à l'Assemblée une liste de trois juristes qui possèdent les qualifications, l'expérience et la stature nécessaires, comme l'exige l'article 21, paragraphe 1, de la Convention (« les juges doivent jouir de la plus haute considération morale et réunir les conditions requises pour l'exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire »), de sorte que les États membres, et notamment leurs plus hautes instances judiciaires, reconnaissent pleinement l'autorité de la Cour.

3.       En conséquence, afin d'être en mesure de choisir entre des candidats dotés de la compétence et de l'autorité nécessaires, l'Assemblée réaffirme que l'emploi de procédures nationales de sélection rigoureuses, cohérentes, équitables et transparentes s'impose, comme le précise sa Résolution 1646 (2009) relative à la nomination des candidats et à l'élection des juges à la Cour.

4.       Il s'ensuit que, comme « [l]’autorité de la Cour dépend de la stature de ses juges ainsi que de la qualité et de la cohérence de sa jurisprudence » (paragraphe 7 de la Résolution 1726 (2010) de l'Assemblée sur la mise en œuvre effective de la Convention européenne des droits de l'homme : le processus d'Interlaken), l'Assemblée souscrit pleinement à toutes mesures prises par les États parties en vue d'accroître la qualité des candidatures qui lui sont soumises, notamment en améliorant, si besoin est, les procédures de sélection nationale. Envisagée sous cet angle, la récente initiative du Président de la Cour, qui vise à créer un comité d'experts chargé de conseiller les gouvernements avant qu'ils ne transmettent leur liste de candidats à l'Assemblée, est bienvenue.

(1) Discussion par l’Assemblée le 8 octobre 2010 (36e séance) (voir Doc. 12391, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur : Mme Wohlwend). Texte adopté par l’Assemblée le 8 octobre 2010 (36e séance).

Annexe 7
Résolution 1763 (2010)
1 - Le droit à l’objection de conscience
dans le cadre des soins médicaux légaux

1.       Nul hôpital, établissement ou personne ne peut faire l'objet de pressions, être tenu responsable ou subir des discriminations d'aucune sorte pour son refus de réaliser, d'accueillir ou d'assister un avortement, une fausse couche provoquée ou une euthanasie, ou de s'y soumettre, ni pour son refus d'accomplir toute intervention visant à provoquer la mort d'un fœtus ou d'un embryon humain, quelles qu'en soient les raisons.

2.       L'Assemblée parlementaire souligne la nécessité d'affirmer le droit à l’objection de conscience avec la responsabilité de l'État d'assurer le droit de chaque patient à recevoir un traitement légal dans un délai approprié. L’Assemblée s’inquiète tout particulièrement de la manière dont la non réglementation de cette pratique touche disproportionnellement les femmes, notamment celles qui ont de faibles revenus ou qui vivent dans les zones rurales.

3.       Dans la grande majorité des États membres du Conseil de l'Europe, la pratique de l’objection de conscience est dûment réglementée. La pratique de l’objection de conscience par les professionnels de la santé fait l'objet d'un encadrement juridique et politique exhaustif et précis, qui permet d’assurer que les intérêts et les droits tant des prestataires de soins de santé que des individus souhaitant accéder à des services médicaux légaux sont respectés, protégés et réalisés.

4.       Étant donné l’obligation faite aux États membres d’assurer l’accès à des soins médicaux légaux et de protéger le droit à la santé, ainsi que l’obligation de garantir le respect du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion des prestataires de soins de santé, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l'Europe à élaborer des règlementations exhaustives et précises définissant et réglementant l’objection de conscience eu égard aux soins de santé et aux services médicaux :

      4.1.       qui garantissent le droit à l’objection de conscience en rapport avec la participation dans la procédure médicale en question ;

      4.2.       qui prévoient que les patients soient informés en temps utile de tout cas d'objection de conscience, et envoyés chez un autre prestataire de soins de santé ;

      4.3.       qui garantissent que les patients bénéficient d’un traitement approprié, notamment en cas d'urgence.

1 Discussion par l’Assemblée le 7 octobre 2010 (35e séance) (voir Doc. 12347, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur : Mme McCafferty, et Doc. 12389, avis de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteuse : Mme Circene). Texte adopté par l’Assemblée le 7 octobre 2010 (35e séance).


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