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N°3202

_____________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 mars 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

en application de l'article 29 du Règlement

au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée

parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur l'activité de cette Assemblée

au cours de la première partie de sa session ordinaire de 2011

par M. Jean-Claude MIGNON

ET PRÉSENTÉ A LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en janvier 2011, de : MM. Roland Blum, Georges Colombier, Mmes Claude Greff, Arlette Grosskost, MM. Denis Jacquat, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, François Loncle, Jean-Paul Lecoq, Jean-Claude Mignon, François Rochebloine, René Rouquet en tant que membres titulaires, et M. Alain Cousin, Mmes Annick Girardin, Françoise Hostalier, Marietta Karamanli, M. Noël Mamère, Mmes Christine Marin, Muriel Marland-Militello, MM. Germinal Peiro et Frédéric Reiss, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Rudy Salles et André Schneider, en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 7

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 9

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU 9

B. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS 11

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE 11

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION 13

A. ORDRE DU JOUR DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE
DE 2011
13

B. TEXTES ADOPTÉS 15

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS 18

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 21

A. OBSERVATION DES ÉLECTIONS 21

1. Élections législatives en Azerbaïdjan 21

2. Élections législatives anticipées en Moldavie 22

B. LE TRAITEMENT INHUMAIN DE PERSONNES ET LE TRAFIC ILLICITE D’ORGANES HUMAINS AU KOSOVO 24

C. INTERVENTION DE M. ABDULLAH GÜL, PRÉSIDENT DE LA TURQUIE 27

D. JUSTICE ET RÉCONCILIATION DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX 31

1. La protection des témoins : pierre angulaire de la justice et de la réconciliation dans les Balkans 31

2. L'obligation des États membres du Conseil de l'Europe de coopérer pour réprimer les crimes de guerre 32

3. La réconciliation et le dialogue politique entre les pays de l’ex-Yougoslavie 35

E. INTERVENTION DE M. BORIS TADIĆ, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE SERBIE 37

F. LE FONCTIONNEMENT DE LA DÉMOCRATIE EN HONGRIE 38

G. DÉBAT D’URGENCE SUR LES VIOLENCES À L’ENCONTRE DES CHRÉTIENS AU PROCHE ET MOYEN-ORIENT 41

H. INTERVENTION DE M. TRAIAN BăSESCU, PRÉSIDENT DE LA ROUMANIE 50

I. DÉBAT D’URGENCE SUR LA SITUATION AU BÉLARUS SUITE À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 53

J. DÉBAT D’URGENCE SUR LA SITUATION EN TUNISIE 54

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME 61

A. LA PROTECTION DES SOURCES D’INFORMATION DES JOURNALISTES 61

B. LE SUIVI DES ENGAGEMENTS CONCERNANT LES DROITS SOCIAUX 70

C. LES POLITIQUES DE PRÉVENTION EN MATIÈRE DE SANTÉ DANS LES ETATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE 72

D. POUR UNE LONGÉVITÉ POSITIVE : VALORISER L’EMPLOI ET LE TRAVAIL DES SENIORS 73

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT 79

A. INTERVENTION DE M. AHMET DAVUTOğLU, MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGÈRES DE TURQUIE , PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES 79

B. COMMUNICATION DE M. THORBJØRN JAGLAND, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE 83

C. LE SUIVI DE LA RÉFORME DU CONSEIL DE L’EUROPE 84

D. L’ACTION DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME 98

1. La mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme 98

2. Protéger les réfugiés et les migrants en situation d’extradition et d’expulsion : indications au titre de l’Article 39 du Règlement de la Cour européenne des droits de l’Homme 103

ANNEXES 105

Annexe 1 - Résolution 1783 (2011) et Recommandation 1951 (2011) - Le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe 107

A. RÉSOLUTION 1783 (2011) 107

B. RECOMMANDATION 1951 (2011) 113

Annexe 2 - Projet de rapport de M. Jean-Claude Mignon, président de la commission ad hoc du Bureau de l’Assemblée Réforme de l’Assemblée parlementaire 115

Annexe 3 - Résolution 1957 (2011) - Violences à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient 133

Annexe 4 - Déclaration du Comité des ministres - Liberté religieuse 137

Annexe 5 - Résolution 1782 (2011) - Enquête sur les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo 139

Annexe 6 - Résolution 1790 (2011) - La situation en Biélorussie suite à l’élection présidentielle 147

Annexe 7 - Déclaration du Comité des ministres - Situation en Biélorussie 151

Annexe 8 - Résolution 1791 (2011) - La situation en Tunisie 153

Annexe 9 - Résolution 1793 (2011) - Pour une longévité positive: valoriser l’emploi et le travail des seniors 157

INTRODUCTION

La réforme du Conseil de l’Europe, entreprise par son nouveau Secrétaire général, M. Thobjørn Jagland, a pour ambition de déboucher sur un recentrage des missions de l’Organisation sur « le coeur de métier » du Conseil : primauté de l'État de droit, suivi des institutions démocratiques et respect des droits de l'Homme. Le secrétaire général entend passer à la deuxième étape de cette réforme en 2011 en définissant, notamment, le positionnement stratégique de l’Organisation.

L’Assemblée parlementaire souhaite accompagner cette démarche comme en a témoigné l’examen en séance du rapport de M. Jean-Claude Mignon, président de la délégation française, sur le suivi de la réforme. L’Assemblée entend jouer son rôle de force de proposition et milite à cet effet pour un renforcement de la synergie entre les différents organes du Conseil et l’affirmation de celui-ci en tant que promoteur du concept de « sécurité douce », qui doit permettre, comme l’OTAN le fait dans le domaine militaire, d’unifier le continent derrière la défense des valeurs démocratiques.

Celle-ci était au cœur de la première partie de session 2011, comme l’illustrent les débats d’urgence organisés sur la situation en Hongrie, en Biélorussie ou en Tunisie ou sur les violences perpétrées contre les communautés de chrétiens au Proche et au Moyen-Orient. La réconciliation entre les États issus de l’ex-Yougoslavie a également dominé les débats, rappelant que l’émergence d’un espace paneuropéen de droit n’avait pas encore totalement abouti. De nouveaux enjeux liés au vieillissement de la population de part et d’autre du continent apparaissent et conduisent, par ailleurs, les États à devoir adapter leurs politiques. L’Assemblée parlementaire souhaite participer à cette actualisation des droits fondamentaux.

Le débat sur le suivi de la réforme, comme d’autres, ont souligné combien la délégation française souhaitait accompagner les travaux en cours, en vue notamment de renforcer la visibilité du Conseil de l’Europe. Elle tient, dans le même temps, à continuer à militer au sein des assemblées dont elle est issue, pour une meilleure reconnaissance de la qualité des travaux de l’Assemblée parlementaire et la modernité de son message.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU

La délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).

.

Composition de la délégation en janvier 2011

Membres titulaires

 

Assemblée

Groupe

Assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Denis BADRÉ

Sénateur

UC-UDF

ADLE

M. Roland BLUM

Député

UMP

PPE/DC

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

PPE/DC

Mme Claude GREFF

Députée

UMP

PPE/DC

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

SOC

M. Armand JUNG

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

SOC

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

GUE

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

SOC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

Membres suppléants

 

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Laurent BÉTEILLE

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

M. Alain COUSIN

Député

UMP

PPE/DC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

Mme Annick GIRARDIN

Députée

SRC

SOC

Mme Françoise HOSTALIER

Députée

UMP

PPE/DC

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jean-François LE GRAND

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Noël MAMERE

Député

GDR

GUE

Mme Christine MARIN

Députée

UMP

PPE/DC

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

PPE/DC

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

SOC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UC-UDF

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

SOC

M. Rudy SALLES

Député

NC

PPE

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

Le Bureau de la délégation est composé de la façon suivante :

Président

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

Présidente déléguée
pour l’UEO

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

       

Vice-présidents

M. Alain COUSIN

Député

UMP

 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

 

Mme Claude GREFF

Députée

UMP

 

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

 

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

 

M. François LONCLE

Député

SRC

 

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

 

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

B. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes – UMP) a été élue vice-présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la science.

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a été élue présidente de la sous-commission de l’énergie au sein de la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales.

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

Le représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe, S.E. M. Laurent Dominati a reçu la délégation française le 23 janvier pour un dîner de travail au cours duquel il a abordé les principaux points inscrits à l’ordre du jour.

Le 25 janvier, les membres de la délégation ont, par ailleurs, rencontré leurs homologues de la délégation polonaise, présidée par M. Dariusz Lipinski (PPE/DC), pour un échange de vues sur l’avenir du Conseil de l’Europe.

Le 26 janvier, MM. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation française, et Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR) se sont entretenus avec une délégation du Front Polisario conduite par M. Mohamed Beïssat afin d’aborder la question du Sahara occidental. M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) avait reçu cette délégation la veille au nom du groupe ADLE.

Le 26 janvier, M. Jean-Claude Mignon a été reçu par S.E M. Alexandar Alekseev, ambassadeur de Russie auprès du Conseil de l’Europe.

En sa qualité de vice-président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, M. Jean-Claude Mignon a présidé quatre fois la séance publique.

Par ailleurs, M. Jean-Claude Mignon a été reçu par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes à Paris le 5 janvier 2011.

A l’initiative de M. Jean-Claude Mignon, un petit-déjeuner a été organisé le 19 janvier au petit-Hôtel de l’Assemblée nationale avec M. Joseph Maïla, directeur de la prospective au Ministère des Affaires étrangères et européennes.

M. Jean-Claude Mignon a rencontré à Paris le 19 janvier dernier S.E M. Muhamedin Kullashi, Ambassadeur du Kosovo en France.

A Strasbourg, M. Jean-Claude Mignon s’est entretenu le 19 octobre avec S.E M. Laurent Dominati, représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe, M. Pierre Henry Imbert, ancien directeur général des Droits de l’Homme au sein du Conseil de l’Europe, M. Wojciech Sawicki, Secrétaire général de l’APCE, Mme Caroline Ravaud, chef du secrétariat de la Commission du suivi de l’APCE et M. Yann de Buyer, chef de la division centrale de l’APCE.

M. Jean-Claude Mignon a rencontré le 25 novembre à Strasbourg avec S.E Mme Eleanor Fuller, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, représentante permanente de la Grande-Bretagne auprès du Conseil de l'Europe, MM. Jean-Louis Laurens, directeur général de la démocratie et des affaires politiques au sein du Conseil de l’Europe et Jean-Paul Costa, président de la Cour européenne des droits de l’Homme.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. ORDRE DU JOUR DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2011

Lundi 24 janvier 2011

– Observation des élections législatives en Azerbaïdjan ;

– Observation des élections législatives anticipées en Moldavie ;

– Communication du Comité des ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Ahmet Davutoğlu, ministre des affaires étrangères de la Turquie, président du Comité des ministres ;

– Communication de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l'Europe.

Mardi 25 janvier 2011

– Le traitement inhumain des personnes et le trafic illicite d’organes humains au Kosovo ;

– Intervention de M. Abdullah Gül, Président de la Turquie ;

– La protection des sources d’information des journalistes, précédé d’une intervention de M. Arne König, président de la Fédération européenne des journalistes ;

– Le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe.

Mercredi 26 janvier 2011

– Débat sur la situation de la démocratie dans les États issus de l’ex-Yougoslavie : la protection des témoins : pierre angulaire de la justice et de la réconciliation dans les Balkans, l'obligation des États membres du Conseil de l'Europe de coopérer pour réprimer les crimes de guerre, la réconciliation et le dialogue politique entre les pays de l’ex-Yougoslavie ;

– Intervention de M. Boris Tadić, Président de la République de Serbie ;

– Débat sur l’action de la Cour européenne des droits de l’Homme : la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme et protéger les réfugiés et les migrants en situation d’extradition et d’expulsion : indications au titre de l’Article 39 du Règlement de la Cour européenne des droits de l’Homme ;

– Débat d’actualité sur le fonctionnement de la démocratie en Hongrie.

Jeudi 27 janvier 2010

– Débat d’urgence sur les violences à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient ;

– Intervention de M. Traian Băsescu, Président de la Roumanie ;

– Débat d’urgence sur la situation au Bélarus suite à l’élection présidentielle ;

– Débat d’urgence sur la situation en Tunisie.

Vendredi 28 janvier 2010

– Le suivi des engagements concernant les droits sociaux ;

– Les politiques de prévention en matière de santé dans les États membres du Conseil de l’Europe ;

– Pour une longévité positive : valoriser l’emploi et le travail des seniors.

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions :

– aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Texte

Document

Commission des questions politiques

Le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe

Rapporteur : M. Jean-Claude Mignon (France – PPE/DC)

La réconciliation et le dialogue politique entre les pays de l’ex-Yougoslavie

Rapporteur : M. Pietro Marcenaro (Italie – SOC)

Violences à l’encontre des chrétiens au Proche et Moyen-Orient

Rapporteur : M. Luca Volonté (Italie – PPE)

La situation au Bélarus suite à l’élection présidentielle

Rapporteur : Mme Sinikka Hurskainen (Finlande – SOC)

La situation en Tunisie

Rapporteure : Mme Anne Brasseur (Luxembourg – ADLE)

Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme

Le traitement inhumain de personnes et le trafic illicite d’organes humains au Kosovo

Rapporteur : M. Dick Marty (Suisse – ADLE)

La protection des témoins : pierre angulaire de la justice et de la réconciliation dans les Balkans

Rapporteur : M. Jean-Charles Gardetto (Monaco – PPE/DC)

L'obligation des États membres du Conseil de l'Europe de coopérer pour réprimer les crimes de guerre

Rapporteur : M. Miljenko Dorić (Croatie, ADLE)

La mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme

Rapporteur : M. Christos Pourgourides (Chypre – PPE/DC)

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Le suivi des engagements concernant les droits sociaux

Rapporteur : M. Bernard Marquet (Monaco – ADLE)

Les politiques de prévention en matière de santé dans les États membres du Conseil de l’Europe

Rapporteure : Mme Liliane Maury Pasquier (Suisse – SOC)

Pour une longévité positive : valoriser l’emploi et le travail des seniors

Rapporteur : M. Denis Jacquat (France – PPE/DC)

Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Protéger les réfugiés et les migrants en situation d’extradition et d’expulsion : indications au titre de l’Article 39 du Règlement de la Cour européenne des droits de l’Homme

Rapporteur : M. David Darchiashvili (Géorgie – PPE/DC)

Commission de la culture, de la science et de l’éducation

La protection des sources d’information des journalistes

Rapporteur : M. Morgan Johansson (Suède – SOC)

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 24 janvier 2011

– Observation des élections législatives en Azerbaïdjan : M. Jean-Claude Frécon ;

– Observation des élections législatives anticipées en Moldavie : Mme Maryvonne Blondin ;

– Communication du Comité des ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Ahmet Davutoğlu: Mme Maryvonne Blondin et MM. Denis Badré, Jean-Claude Mignon et François Rochebloine ;

– Communication de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l'Europe: M. Jean-Pierre Kucheida.

Mardi 25 janvier 2011

– Le traitement inhumain de personnes et le trafic illicite d’organes humains au Kosovo : Mme Claude Greff et M. Jean-Claude Frécon ;

– Intervention de M. Abdullah Gül, Président de la Turquie : Mmes Josette Durrieu et Gisèle Gautier, MM. René Rouquet et Rudy Salles ;

– La protection des sources d’information des journalistes : Mmes Claude Greff, Arlette Grosskost,  Muriel Marland-Militello et MM. Laurent Béteille, Jean-Paul Lecoq, René Rouquet (au nom du groupe socialiste) et Rudy Salles ;

– Le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe: Mmes Josette Durrieu, Marietta Karamanli et Muriel Marland-Militello et MM. Denis Badré, Laurent Béteille, Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Mignon (rapporteur), Jean-Paul Lecoq et René Rouquet.

Mercredi 26 janvier 2011

– La protection des témoins : pierre angulaire de la justice et de la réconciliation dans les Balkans : M. Laurent Béteille ;

– L'obligation des États membres du Conseil de l'Europe de coopérer pour réprimer les crimes de guerre : Mmes Maryvonne Blondin et Gisèle Gautier ;

– La réconciliation et le dialogue politique entre les pays de l’ex-Yougoslavie : M. Bernard Fournier ;

– Intervention de M. Boris Tadić, Président de la République de Serbie : M. Bernard Fournier ;

– La mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme : Mmes Arlette Grosskost et Christine Marin et MM. Denis Badré et Rudy Salles ;

– Le fonctionnement de la démocratie en Hongrie : Mme Gisèle Gautier et M. Bernard Fournier.

Jeudi 27 janvier 2011

– Violences à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient : Mme Claude Greff et MM. Denis Badré (au nom du groupe ADLE), Bernard Fournier, Jean-Paul Lecoq (au nom du groupe GUE), Jean-Claude Mignon (au nom du groupe PPE), Yves Pozzo di Borgo, François Rochebloine et Rudy Salles ;

– Intervention de M. Traian Băsescu, Président de la Roumanie : MM. Laurent Béteille, Bernard Fournier et Yves Pozzo di Borgo ;

– La situation en Tunisie : MM. Francis Grignon, Jean-Paul Lecoq (au nom du groupe GUE), Rudy Salles (au nom du groupe PPE) et André Schneider.

Vendredi 28 janvier 2011

– Le suivi des engagements concernant les droits sociaux : Mme Christine Marin ;

– Les politiques de prévention en matière de santé dans les États membres du Conseil de l’Europe : M. André Schneider (au nom du groupe PPE) ;

– Pour une longévité positive : valoriser l’emploi et le travail des seniors : MM. Francis Grignon et Denis Jacquat (rapporteur).

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A. OBSERVATION DES ÉLECTIONS

1. Élections législatives en Azerbaïdjan

La mission parlementaire d’observation des élections législatives en Azerbaïdjan organisées le 7 novembre dernier a présenté ses conclusions devant l’Assemblée. L’Azerbaïdjan est divisé en 135 circonscriptions. La mission d’observation, composée de cinq membres de l’Assemblée parlementaire, représentant chacun un groupe politique, a assisté aux opérations électorales à Bakou, Sumgait et Sheki.

Contrairement aux élections précédentes, les partis d’opposition ont pu participer à ce scrutin, dans un climat jugé calme par la mission d’observation. Chaque candidat a, par ailleurs, bénéficié de quatre minutes d’antenne publique. La mission d’observation a, néanmoins, eu connaissance d’allégations crédibles d’intimidation et pu de surcroît constater que le processus d’inscription des candidats avait favorisé ceux issus du parti présidentiel, au détriment des représentants de l’opposition, la moitié d’entre eux n’ayant pu être enregistrés.

La mission a, en outre, relevé la difficulté pour les citoyens azerbaïdjanais résidents à l’étranger de pouvoir participer au scrutin.

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) a insisté, dans son intervention, sur l’absence de réels progrès significatifs :

« Les élections parlementaires précédentes en Azerbaïdjan ont eu lieu en novembre 2005 et débouché sur la nette victoire, mais très contestée, de la formation au pouvoir, le parti du nouvel Azerbaïdjan, dont le leader, Ilham Aliev, a succédé à la tête de l’État à son père, Heydar Aliev, décédé en novembre 2003. Ces élections avaient suscité, de même que le scrutin présidentiel de 2008, un certain nombre de réserves de la part des observateurs. Les élections du 7 novembre dernier avaient donc valeur de test. A la lecture du rapport, force est de constater que ce scrutin n’a pas respecté les principes essentiels du pluralisme et de la démocratie. La Commission électorale centrale est toujours liée au pouvoir en place, en dépit des critiques formulées à ce sujet par l’opposition. Les formations politiques n’ont pas disposé des mêmes temps d’antenne au cours d’une campagne courte, 60 jours contre 75 habituellement. Elles n’ont pas non plus toujours obtenu le droit d’organiser réunions et autres grands meetings électoraux.

Il convient également de rappeler que le jour du scrutin, des cas de votes multiples et de bourrages d’urnes ont été relevés. De fait, si les élections se sont déroulées dans une atmosphère pacifique et si tous les partis de l'opposition ont participé au processus, la tenue des élections ne constitue pas un progrès significatif en matière de développement démocratique.

Plusieurs facteurs expliquent cette impasse démocratique que l’on retrouve dans d’autres pays issus de l’ex-URSS. On peut tout d’abord évoquer dans un premier temps les liens complexes qui existent entre les élites politiques et la rente pétrolière. A ce titre, la moindre ouverture politique est considérée comme une menace sur certains privilèges. Dans ces conditions, le pouvoir se doit de remporter les élections mais doit de surcroît le faire de façon éclatante afin de montrer à la population sa légitimité.

Par ailleurs, l’Azerbaïdjan a du mal à concilier avancée démocratique et prospérité économique. Depuis plusieurs années, le pays connaît une croissance économique spectaculaire, avoisinant les 10 %, grâce aux richesses que lui procurent les réserves énergétiques de la mer Caspienne. Mais comme au Moyen-Orient, cette économie de rente ne fait pas bon ménage avec les progrès démocratiques.

Bien sûr, nos critiques sont tempérées par deux points : d’une part, le gaz et le pétrole azéris sont vitaux pour l’approvisionnement et l’indépendance énergétique de l’Europe, qui par conséquent s’accommode de certaines carences démocratiques pour sauvegarder ses intérêts économiques. D’autre part, la position géostratégique du pays, à la frontière iranienne, modère dans le même temps nos réserves.

Je voterai donc les conclusions du rapport de la commission ad hoc mais je demeure malgré tout sceptique sur les suites qui y seront données. »

De fait, le rapport conclut à la nécessité pour l’Azerbaïdjan de poursuivre ses travaux en vue d’adapter sa législation et respecter ainsi les recommandations de la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe, dite Commission de Venise, et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’Homme (BIDDH) de l’OSCE.

2. Élections législatives anticipées en Moldavie

Organisées le 28 novembre 2010, les élections législatives anticipées en Moldavie ont été observées par seize équipes composées de membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

La mission a relevé que le scrutin s’était déroulé dans une atmosphère pacifiée, les principes de transparence et d’impartialité étant largement respectés. Seule la modification du code électoral, quatre mois avant les élections, n’a pas été sans susciter d’interrogation. Le nouveau système donne un avantage significatif aux petites formations politiques. Le rapport de la commission ad hoc rappelle qu’un tel changement aurait dû être le fruit d’un consensus large entre les partis politiques sur la question. Cela n’a pourtant pas été le cas, une telle situation n’étant pas, dès lors, conforme aux recommandations de la Commission de Venise.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC), membre de la mission d’observation, a souligné que ces élections devaient désormais déboucher sur la mise en place d’un cadre institutionnel stable :

« C’était ma première participation à une mission d’observation d’élections et je voudrais vous faire part de mon sentiment.

Je dois dire que nous avons été bien préparés et je remercie les services de notre Assemblée qui ont organisé cette mission. Divers documents nous ont été remis avant notre voyage : les uns retraçant l’historique de la situation politique moldave, d’autres décrivant le pays d’un point de vue géographique, historique, économique. A notre arrivée, des présentations orales ont été assurées ainsi que des auditions des partis politiques, des médias, des observateurs, des ONG et autres organismes.

C’était nécessaire, mais nous pouvions discuter avec les Moldaves si nous le voulions ! Nous avons eu le loisir d’aller à leur rencontre et j’ai pu constater que bon nombre d’entre eux parlent anglais, voire le français !

Avec mon coéquipier, Titus Corlăţean, nous nous sommes rendus dans dix bureaux de vote de Chisinau. Nous nous sommes attachés à observer le respect, ou non, des modalités du scrutin certes, mais aussi les abords des bureaux de vote et les éventuelles pressions, ou de la police ou des partis. Nous n’avons rien constaté de la sorte !

Nous avons échangé avec les observateurs et les ONG présents dans les bureaux, ainsi qu’avec les électeurs, après leur vote. Pour eux, ces élections représentaient l’espoir ! L’espoir de stabilité pour leur pays et pour eux-mêmes ! Des électeurs nous ont dit que « c’était jour de fête ! ».

Je rejoins donc l’avis donné par le président de notre délégation, M. Saar. Pour l’essentiel, ces élections se sont bien déroulées et j’espère qu’elles signeront une nouvelle étape dans le développement de la démocratie de ce pays.

Je veux croire en la capacité des dirigeants politiques moldaves à adopter une attitude responsable pour mettre en place un cadre institutionnel stable afin de poursuivre sereinement les réformes qui ont été engagées depuis 2009 par le Gouvernement de Vlad Filat. Le peuple moldave mérite la transparence et la stabilité à laquelle il aspire.

J’espère que vous ne m’en voudrez pas de conclure cette intervention par quelques mots sur la Transnistrie. Le conflit transnistrien ronge depuis longtemps la Moldavie. Depuis près de vingt ans, il constitue une violation grave du droit international, que nous devons dénoncer et combattre. J’observe que quelques signes positifs sont intervenus au cours des derniers mois, avec les rencontres russo-moldaves, les engagements de l’Union européenne à l’égard de la Moldavie et les propositions formulées à l’occasion de la dernière réunion du triangle de Weimar élargie à la Russie. Il est désormais temps de donner corps à ces projets. »

Dans ses conclusions, la commission ad hoc relève que si la campagne a été pluraliste, elle s’est néanmoins déroulée dans un climat tendu, marqué notamment par la résurgence de conflits de mémoire autour de l’occupation soviétique. Il est nécessaire, selon la commission, d’organiser rapidement des débats publics autour de ces questions afin de dépasser les crispations.

B. LE TRAITEMENT INHUMAIN DE PERSONNES ET LE TRAFIC ILLICITE D’ORGANES HUMAINS AU KOSOVO

Faisant état d’indices concrets et convergents, la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme a présenté devant l’Assemblée un rapport dénonçant l’action de l’armée de libération du Kosovo, l’UCK, durant le conflit qui l’opposait aux Serbes à la fin des années quatre-vingt dix. Le document dénonce ainsi l’existence de lieux de détention secrets sous le contrôle de l’UCK, situés au nord de l’Albanie, dans lesquels des soldats serbes, mais également des opposants kosovars albanais, auraient été séquestrés et soumis à des traitements inhumains et dégradants.

Relayant le témoignage de l’ancienne procureure auprès du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Mme Carla del Ponte, la commission des questions juridiques fait également état d’un possible trafic d’organes prélevés sur des prisonniers serbes à partir d’une clinique située en territoire albanais. Aux yeux du rapporteur, M. Dick Marty (Suisse – ADLE), l’actuel Premier ministre et ancien chef de l’UCK, M. Hashim Thaçi, aurait une responsabilité directe dans ce trafic.

Selon la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme, une approche politique pragmatique a conduit les organisations internationales sur place à privilégier la paix locale après la guerre à l’impérieux devoir de justice.

Comme l’a souligné M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC), le rapport de la commission des questions juridiques demeure incomplet tant les indices et autres témoignages anonymes ne débouchent pas sur des preuves concrètes.

«Le rapport de Dick Marty sur les allégations de trafic illicite d’organes humains au Kosovo, que j’ai lu avec grand intérêt, répond à une demande de transparence formulée par les populations serbe et kosovare albanaises sur les atrocités qui ont entouré le conflit de 1998-1999.

Depuis l’arrêt des opérations militaires, des rumeurs de part et d’autre de l’Ibar étayent en effet l’idée d’une implication des plus hautes autorités de l’armée de libération du Kosovo, l’UCK, dans l’assassinat d’opposants internes, la torture de prisonniers serbes et l’organisation d’un vaste trafic de drogue. Le symbole de la dérive criminelle serait la fameuse « maison jaune », présentée par l’hebdomadaire Der Spiegel en 2008 comme « la maison de la fin du monde ».

Située au nord de l’Albanie, elle aurait servi de lieu de déportation de prisonniers serbes enlevés au Kosovo. Trois cents détenus auraient ensuite été sélectionnés en vue d’un prélèvement de certains de leurs organes.

Selon notre rapporteur, dont la qualité a déjà été soulignée par de précédents orateurs, une véritable omerta pèse sur ces crimes, qui explique l’impunité dont bénéficient leurs auteurs. Notre collègue souhaite pourtant qu’on les nomme et vise jusqu’au Premier ministre du Kosovo, par ailleurs ancien leader de l’UCK.

Ces accusations sont graves. Sont-elles fondées ?

Elles s’inscrivent de surcroît dans un contexte précis : les négociations menées actuellement par le Premier ministre sortant pour former une nouvelle coalition gouvernementale à la suite des élections du 12 décembre dernier et l’ouverture annoncée d’un dialogue, que nous appelons bien sûr de nos vœux, entre Pristina et Belgrade.

Ce contexte politique n’interdit certainement pas tout travail d’enquête et de dénonciation de l’ignominie. Je continue néanmoins de m’interroger sur ce qui est avancé dans le rapport qui nous est présenté aujourd’hui. Celui-ci compile une décennie de rumeurs sur ce fameux trafic d’organes sans avancer de réelles preuves. La médiatisation du rapport et la lumière sous laquelle elle place notre Assemblée ne doivent pas nous empêcher d’en faire une lecture critique. Je tiens à rappeler que deux enquêtes, menées par la MINUK en 2003 et par EULEX en 2009, n’ont pas permis d’aller plus loin dans la vérification des allégations sur la « maison jaune ». Le rapport de notre collègue fragilise de fait leurs conclusions et légitime les critiques de Belgrade à l’encontre des organisations internationales sur place.

Il ne s’agit pas pour moi de nier la réalité du trafic d’organes au Kosovo mais bien, faute d’éléments nouveaux, de rappeler que ce trafic a commencé après le conflit.

Je rappelle donc, pour conclure, la nécessité d’être extrêmement prudents dans ce type de dénonciation. Si elle se révélait infondée, elle ne manquerait pas de nuire à la crédibilité de notre Organisation. »

Mme Claude Greff (Indre-et-Loire – UMP) a, de son côté, insisté sur la nécessaire ouverture d’une enquête internationale sur le sujet :

« Je tiens à saluer le difficile travail de notre collège Dick Marty relatif au traitement inhumain de personnes et le trafic illicite d’organes au Kosovo.

Ce rapport met en relief le travail remarquable que peut réaliser notre Assemblée parlementaire et le rôle politique d’importance qu’elle peut jouer et qu’elle devrait être amenée à jouer dans l’avenir.

Si le Conseil de l’Europe veut être à la hauteur de sa mission de protection de droits de l’Homme, il ne peut se cacher derrière des impératifs diplomatiques tels que le risque de déstabilisation de la région pour ne pas soulever des questions aussi graves que le trafic illicite d’organes.

Le fait que les personnes soupçonnées de crimes de guerre soient actuellement au pouvoir ne doit pas non plus freiner notre regard critique ni notre vigilance, car c’est la liberté et l’idéalisme wilsonien qui doivent présider à nos choix et non ce que l’on appelle la realpolitik. N’oublions pas les leçons du passé qui ont présidé à la création du Conseil de l’Europe.

À l’inverse, faire part de ces indices ou soupçons, qui pour le moment ne sont que des indices, permettra au contraire de faire « un travail de vérité » qui ne pourra que faciliter la réconciliation.

Le rapport s’est attaché à démontrer que les rumeurs insistantes sur l’existence d’un trafic d’organes nécessitaient que toute la lumière soit faite. Garder un silence pudique sur des soupçons aussi graves conduirait davantage à la défiance du fait du sentiment d’impunité.

Néanmoins les faits, les indices sont graves, très graves et, pour le moment, nous n’avons pas suffisamment de preuves. Aussi devons-nous rester prudents.

À ce titre, le rapport préconise qu’une enquête internationale soit diligentée. Je soutiens entièrement l’initiative qui consiste à donner à EULEX les moyens nécessaires à cette enquête.

La prudence ne signifie donc pas l’inaction ! Si notre Organisation veut entièrement joueur son rôle de « vigie des droits de l’Homme » elle ne doit donc pas être timide.

Les dictateurs doivent savoir que le regard du Conseil de l’Europe sera toujours là.

Les criminels de guerre doivent savoir qu’ils ne sont jamais en paix car le Conseil de l’Europe les observera sans concessions.

Le concept de « sécurité douce » qui est préconisé dans la réforme de notre institution, telle que la présente le rapport Mignon, ne signifie pas abandonner la rigueur pour la faiblesse, mais redonner ses lettres de noblesse à une « magistrature d’influence ». C’est ce rôle que jouera à l’avenir notre Assemblée en mettant en évidence que les personnes qui commettraient des exactions, les pays qui ne respecteraient pas les engagements qu’ils ont signés, seront toujours critiqués et sans concessions par le Conseil de l’Europe.

C’est à ce prix qu’est l’équité, c’est à ce prix qu’est le rôle qui nous est imparti. »

La résolution adoptée par l’Assemblée invite EULEX, la mission civile de l’Union européenne au Kosovo, à poursuivre ses travaux d’investigations en ce qui concerne ces allégations de trafic. Elle invite l’Union européenne et les autres États contributeurs à renforcer les moyens de la mission civile et lui offrir le soutien politique dont elle a besoin pour mener à bien son enquête. Elle appelle également les autorités kosovares et albanaises à coopérer pleinement avec les organisations internationales à ce sujet.

C. INTERVENTION DE M. ABDULLAH GÜL, PRÉSIDENT DE LA TURQUIE

Ancien membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe entre 1992 et 2001, M. Abdullah Gül a été élu Président de la République en 2008, après avoir été successivement Premier ministre, puis ministre des affaires étrangères. Son intervention devant l’Assemblée visait, notamment, à faire un point sur l’avancée des réformes démocratiques dans son pays.

Le président turc a introduit son propos en relevant la nouvelle distribution du pouvoir international dans le contexte actuel de la crise économique et financière mondiale. Le centre de gravité du monde tend, selon lui, à se déplacer vers l’Asie, l’influence notamment économique de l’Europe se réduisant d’autant.

Aux yeux de M. Gül, l’Europe ne peut, néanmoins, seulement être appréhendée sous le seul angle économique tant son influence politique, en particulier en matière de promotion des droits de l’Homme, demeure primordiale. Cependant, le pessimisme qui prévaut en Europe, les manifestations d’intolérance comme la radicalisation des conflits culturels peuvent représenter un danger pour la démocratie et constituent un réel défi pour les gouvernements européens.

Le président turc appelle de ses vœux une meilleure prise en compte de la diversité au sein des États membres, à l’image de ce que les États-Unis mettent en œuvre. M. Gül refuse l’idée d’une Europe forteresse, incapable de s’ouvrir à la diversité. La promotion de la tolérance fait également partie du message du Conseil de l’Europe aux yeux du président turc. Elle doit être le rempart face à toute dérive fanatique des religions.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC), a souhaité interroger M. Abdullah Gül sur la loi électorale en vigueur dans son pays :

«En tant que rapporteur sur le dialogue post-suivi, mission qui doit bientôt s’achever, je salue également les réformes que vous y avez réalisées.

La Turquie vit un moment privilégié puisque, outre votre présence ce matin, et celle du président du Comité des ministres hier, le président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est également un Turc – je rends hommage à son travail. Vous êtes la conscience du Conseil de l’Europe.

Or l’évolution démocratique d’un pays se mesure à certains moments plus qu’à d’autres. Lors du dernier référendum, une seule réponse était possible pour vingt-six questions. Pour les prochaines élections qui se dérouleront en juin 2011, modifierez-vous le seuil de 10 %, comme vous vous y étiez engagé en 2007 ? Je vous rappelle que la Commission de Venise l’a jugé trop élevé. »

Le président turc a indiqué dans sa réponse qu’un débat sur la question était engagé :

« Notre Constitution prévoit que la loi électorale ne peut être modifiée pendant une année électorale. À une époque, il était possible de le faire et nous avons fait de mauvaises expériences. Mais une révision constitutionnelle est prévue après les élections du mois de juin. Le débat est déjà lancé, un grand nombre de modifications ont déjà été apportées et chacun, partis de l’opposition et au pouvoir, est convaincu qu’il est nécessaire de réformer notre Constitution.

Sachez cependant qu’en ce qui concerne les candidats indépendants, il n’existe pas de seuil.»

M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – NC) a, pour sa part, interrogé le président turc sur l’évolution des relations entre son pays et Israël :

« La Turquie et Israël ont toujours entretenu des relations confiantes permettant un dialogue utile et fructueux dans une région particulièrement sensible. Il semble que ces relations se soient dégradées ces dernières années. La Turquie, du fait de sa situation stratégique particulière, n’a-telle pas intérêt à jouer un rôle de médiateur facilitant le dialogue entre Israël et ses voisins immédiats ? »

M. Gül a relevé que l’embargo sur Gaza fragilisait les liens entre les deux pays :

« Notre politique étrangère va dans ce sens et, en jouant ce rôle, notre objectif n’est pas d’accroître le prestige de la Turquie, mais de contribuer à la stabilité et à la paix dans notre région.

Quand nous songeons à notre Histoire, nous voyons que la Turquie a pendant, bien des siècles, joué un rôle important sur un très vaste espace géographique et dans un vaste système de coopération. La Turquie a la capacité d’apporter une contribution pour résoudre les problèmes régionaux.

Pour ce qui concerne le Moyen-Orient, les Israéliens comme les Palestiniens ont demandé à la Turquie de les aider à résoudre un certain nombre de problèmes. Ainsi, la Turquie est intervenue entre Israël et la Syrie pour inciter ces deux pays à engager des négociations directes. C’est une dimension qui s’inscrit dans notre approche globale pour le Moyen-Orient.

S’agissant de nos relations avec Israël, elles sont bien réelles comme elles le sont avec Gaza. La Turquie a également tenté d’apporter une contribution à la résolution de quelques problèmes entre Israël et d’autres pays arabes à la demande, d’ailleurs, des parties concernées. La Turquie s’est impliquée dans toutes ces activités parce qu’on le lui avait demandé. Elle n’était ni tenue ni obligée de le faire !

Pour ce qui est de nos décisions récentes, elles relèvent moins d’un choix de la Turquie que du choix d’Israël, depuis l’affaire de l’embargo à Gaza. Les organisations internationales ont considéré que cet embargo n’était pas légal et beaucoup ont dit qu’une sanction collective ne saurait être acceptée. De nombreuses organisations humanitaires ont tenté d’aider les habitants de Gaza. A l’instar de nombreux pays, la Turquie l’a également fait avec la participation de personnes venant de quarante-sept pays. Il s’agissait en fait d’un convoi humanitaire qui s’approchait de Gaza et qui a été attaqué par Israël dans les eaux internationales. Vous savez ce qui en a résulté !

La situation actuelle s’explique donc moins par un choix de la Turquie que par un choix d’Israël. Si Israël n’a plus confiance en la Turquie, c’est l’affaire d’Israël. Nous ne voulons pas, quant à nous, nous mêler des affaires des autres sans y être invités. Il reste que, dans le passé, de nombreuses demandes ont été adressées par le gouvernement israélien à la Turquie pour intervenir dans la Grande région et que la Turquie y a donné suite en vue de favoriser la paix et la stabilité dans la région. En l’espèce, la Turquie n’a pas ménagé ses efforts. »

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) a pour sa part interrogé le président turc sur les arrêts rendus en 2010 par la Cour européenne des droits de l’Homme concernant la liberté d’expression :

«Au mois de janvier, votre pays a été condamné par la Cour pour avoir interdit la parution de six journaux entre 2001 et 2007.

En 2010, la Cour a également condamné la Turquie pour avoir interdit le retour sur son territoire d’une universitaire américaine. Puis elle lui a demandé de verser des indemnités à deux journaux censurés pour avoir publié des déclarations du PKK.

Vous devinez donc quelle est ma question, Monsieur le Président : qu’en est-il exactement des engagements que vous avez souscrits en matière de liberté d’expression auprès du Conseil de l'Europe ? »

M. Gül a affirmé ne pas avoir connaissance desdits arrêts :

« J’ai écouté vos propos, mais c’est la première fois que j’entends parler de cette affaire dont je n’avais pas connaissance. Notre ambassadeur, représentant permanent au Conseil de l'Europe et donc présent ici, a l’air tout aussi surpris que moi et il m’indique qu’il n’a pas reçu ces informations. Je ne suis pas sûr qu’elles soient correctes, mais si vous pouvez me le garantir, je vous prie de me donner davantage de précisions car je n’ai connaissance ni des interdictions de journaux ni des autres évènements que vous mentionnez.

Cela étant, nos diplomates pourront suivre cette affaire dont ils viennent de prendre connaissance. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC) a, quant à lui, souhaité interroger le président turc sur la position de son pays au sujet du Haut-Karabagh :

« Le processus de normalisation des relations entre la Turquie et l’Arménie nous a donné l’espoir d’une certaine stabilité dans cette région. Vous avez négocié et signé avec l’Arménie sans condition préalable des textes de protocole relatifs aux deux pays. Par la suite, vous avez avancé des préconditions, dont l’une sur le conflit du Haut-Karabagh ne figure pas dans les protocoles et concerne un État tiers : l’Azerbaïdjan.

En liant ces questions, Monsieur le Président, n’avez-vous pas bloqué toutes avancées dans la normalisation tant attendue ? »

M. Gül a insisté dans sa réponse sur sa volonté de normaliser les relations entre l’Arménie et son pays tout en veillant à ne pas léser l’Azerbaïdjan :

« Vous avez suivi la politique étrangère de la Turquie au cours des années récentes. Nous cherchons à éviter tous les problèmes avec nos voisins. L’Arménie est un pays voisin. Pendant mille ans, nous avons coexisté de manière extrêmement pacifique, à l’exception de quelques années au cours de la Première Guerre mondiale. Hormis cette période, nous avons une culture commune, des traditions communes et une très longue tradition de coexistence.

Nous n’aimerions rien tant que normaliser nos relations avec l’Arménie. J’ai été le premier président turc à me rendre en Arménie lorsque le Président Sargsian a été élu. Je lui ai écrit une lettre dans laquelle je lui disais que nous devions faire preuve de courage et normaliser nos relations. Il m’a invité et, malgré bien des oppositions dans mon pays, je me suis rendu en Arménie. Je l’ai à son tour invité à venir en Turquie, ce qu’il a fait. Nous sommes tous deux animés d’une volonté politique de normaliser nos relations. Comme vous l’avez indiqué, nous avons signé des protocoles. Nous aimerions qu’ils soient adoptés.

J’ai cru comprendre en écoutant votre question que l’Azerbaïdjan devrait se retirer de l’Arménie, mais il faut admettre qu’une partie du territoire azerbaidjanais est occupé, ce qui est reconnu par les Nations unies. Je ne pense pas que l’on puisse considérer cela comme un élément accessoire. Je ne dis pas que je lie ces sujets, ne vous méprenez pas sur mon propos. Mais si l’on a une vision globale du problème, si vous me demandez si nous ne signons pas le protocole en raison d’une occupation du territoire azerbaïdjanais, cela me laisse à penser que vous considérez cette occupation comme accessoire, peu importante, voire légitime. Cela serait contraire aux principes des Nations unies, puisque chacun reconnaît l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et l’Arménie sait parfaitement que le territoire qu’elle occupe appartient à la République d’Azerbaïdjan.

Mais cela m’amène à un autre point : si nous voulons instaurer la sécurité et la coopération dans le Caucase, il faut avoir une vision globale. La Turquie, l’Arménie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, la Russie doivent, ensemble, faire en sorte que toute cette région devienne une région de coopération et de paix.

Aussi longtemps que des problèmes se poseront quelque part dans la Région, le Caucase restera un mur entre l’Europe et l’Asie. En revanche, si l’on aboutit à une solution, le Caucase cessera d’être un mur pour devenir une passerelle, et les perspectives de développement du Caucase s’ouvriront pleinement.

Par conséquent, nous devons faire preuve de détermination pour surmonter les problèmes dans cette région. Nous sommes déterminés à le faire et nous avons la volonté d’y parvenir. Mais certains problèmes sont chroniques dans la région et il n’est pas toujours possible de les traiter rapidement. J’espère cependant qu’ils pourront être résolus et que le Caucase deviendra une vaste zone de coopération et de prospérité.

Nous assumons pleinement toutes les mesures que nous avons prises à ce jour et sommes déterminés à faire en sorte que ce processus aboutisse. »

D. JUSTICE ET RÉCONCILIATION DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX

La commission des questions politiques et celle des questions juridiques et des droits de l’Homme ont présenté trois textes relatifs à la répression des crimes de guerre et la réconciliation dans les Balkans occidentaux au cours d’un débat joint.

M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, a, dans son propos liminaire, souligné l’importance d’un tel débat à l’heure où 14 000 personnes disparues à l’occasion du conflit n’ont toujours pas été retrouvées. La situation de 450 000 personnes, déplacées ou réfugiées de l’intérieur, demeure également précaire, plus de quinze ans après la signature des accords de Dayton.

Il convient, selon lui, de faire émerger une vision politique pour l’ensemble de la région, doublée d’une détermination sans faille. Les premières initiatives serbe et croate en faveur de la réconciliation et de la justice, qu’il s’agisse de la présentation d’excuses nationales ou de l’ouverture des archives gouvernementales, méritent à cet égard le soutien du Conseil de l’Europe.

1. La protection des témoins : pierre angulaire de la justice et de la réconciliation dans les Balkans

La commission des questions juridiques et des droits de l’Homme a tenu à signaler les menaces qui pèsent sur les témoins entendus dans le cadre des procès pour crimes de guerre. Si leur identité est révélée, les intéressés et leurs familles sont notamment victimes de tentatives d’intimidation, voire de meurtres. Ces atteintes à leur sécurité constituent autant d’exemples pour dissuader d’autres témoins de venir déposer devant les cours et empêcher de la sorte le nécessaire travail de justice et donc de réconciliation.

Si, le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a mis en œuvre un certain nombre de mesures en vue de protéger les témoins, son règlement de procédure prévoit toujours que l’identité d’un témoin anonyme puisse être divulguée aux parties trente jours avant l’ouverture du procès. Par ailleurs, l’arrivée à échéance de son mandat en 2013 suscite un certain nombre d’interrogations en ce qui concerne la protection des témoins au-delà de cette date.

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a souhaité insister sur la difficulté à concilier droits de la défense et protection des témoins :

« Je souhaitais intervenir dans ce débat pour soutenir l’excellent rapport de notre collègue Gardetto au sujet de la protection des témoins car cela me paraît un point extraordinairement important.

Je crois que ces trois rapports, ainsi que l’intervention de M. le Commissaire aux droits de l’Homme se complètent de manière très harmonieuse et nous font bien comprendre l’impérieuse nécessité qu’il y a de mener ces procès qui sont extraordinairement difficiles, mais aussi extrêmement utiles pour pouvoir reconstruire la paix et instaurer des relations apaisées entre les différents peuples des Balkans.

Tout le monde comprend bien que l’on ne peut pas construire de véritables relations apaisées à l’échelle internationale sans détenir la vérité des choses, sans avoir une appréciation permettant d’écarter les faux héros et de se fonder sur une vérité historique.

Ces procès sont aussi extraordinairement difficiles, comme je l’ai dit, et l’on comprend que dans un climat aussi brutal, marqué par les événements dont chacun a parlé ici et qui sont franchement insupportables sur notre continent, il faille penser à la sécurité des témoins.

Il est vrai qu’en tant qu’avocat, l’anonymat me pose problème. Je pense en effet que le droit de la défense ne peut pleinement s’exercer que si l’on dispose de l’identité des témoins, et s’il est possible de vérifier qu’ils étaient bien témoins. J’ai entendu les solutions proposées, mais elles me semblent imparfaites.

Pour autant, dans cette affaire, l’essentiel, selon moi, est de protéger ces témoins sans lesquels la justice ne pourra pas être rendue.

Par ailleurs, je partage les inquiétudes exprimées par Mme Beck au sujet de l’après2013, en particulier concernant la sécurité des témoins dans le Kosovo. Il reste qu’il fallait rappeler tout cela avec force et je voulais remercier M. Gardetto de l’avoir fait.»

La recommandation adoptée par l’Assemblée invite les États membres concernés à renforcer les moyens alloués à la protection des témoins et à adapter leurs législations respectives. La réinstallation des témoins sur d’autres territoires doit également être encouragée. Le texte insiste sur la nécessité pour le TPIY de réviser son règlement de procédure et de mettre en place un mécanisme résiduel de protection de ses témoins, avant l’arrivée à échéance de son mandat.

2. L'obligation des États membres du Conseil de l'Europe de coopérer pour réprimer les crimes de guerre

L’arrivée à échéance du mandat du TPIY en 2013 devrait conduire les cours nationales des pays concernées à poursuivre les procédures entamées pour réprimer les crimes de guerre perpétrés dans la région dans les années quatre-vingt dix.

La commission des questions juridiques et des droits de l’Homme estime néanmoins que les conditions pour mener à bien les procès ne sont pas satisfaisantes, en raison notamment du refus par nombre d’États membres du Conseil de l’Europe d’extrader leurs propres ressortissants. La commission constate dans le même temps que les normes du Conseil de l’Europe en matière d’extradition, qu’il s’agisse de la Convention européenne d’extradition ou de ses trois protocoles, ne sont pas respectées et que la coopération juridique entre les États concernés n’est pas suffisamment développée. La commission insiste aussi sur la faible adhésion des États membres à la Convention européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, signée par la France en 1974 mais non ratifiée depuis. La résolution adoptée invite également les États membres qui ne l’auraient pas fait à ratifier le statut de Rome instituant la Cour pénale internationale.

Le texte invite les États membres à ne pas accorder la nationalité à une personne inculpée de crimes de guerre dans un autre État et à introduire dans leur législation le principe aut dedere aut iudicare (extrader ou poursuivre). Il les incite également à améliorer la coopération entre les parquets nationaux au sujet des crimes de guerre.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a, quant à elle, souhaité que ces procès se déroulent dans la plus grande transparence :

« Le mandat des juges du TPI pour l’ex-Yougoslavie prendra fin en 2013. La tâche de ce tribunal sera alors reprise au sein des différentes cours nationales, en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et en Serbie.

À l’origine, ces cours s’occupaient principalement de cas transférés depuis le TPIY. Aujourd’hui, des procès sont également menés au sein de ces États en fonction de leur législation, sans transfert préalable depuis le TPIY.

L’implication des États dans la répression des crimes de guerre varie cependant d’un pays à l’autre. Aux yeux des experts, les autorités judicaires de Bosnie-Herzégovine semblent les plus avancées en la matière.

La prochaine étape sera celle de la coopération judiciaire. Les différences entre les législations nationales, voire régionales si l’on songe aux deux entités de Bosnie-Herzégovine, justifient la lenteur de cette collaboration, qui se traduit notamment par l’impossibilité de procéder à des extraditions.

Des institutions et des procédures judiciaires efficaces sont pourtant indispensables à la stabilité dans la région. Elles ne peuvent toutefois être mises en place sans le soutien de la population, les cours demeurant en effet des institutions relativement inaccessibles à la société.

Ce manque de visibilité, voire de transparence, peut contribuer à brouiller tout à la fois leur image et l’impact de leurs missions. Il convient donc d’accompagner toute initiative destinée à sensibiliser le public. Malgré le travail de relations publiques effectué par les porte-paroles judiciaires, les cours ont toujours un discours incomplet sur leurs tâches pourtant cruciales. De plus, l’accès de la société civile aux audiences, même s’il a progressé, doit encore être amélioré.

Cette publicité du débat judiciaire doit contribuer à éclairer les opinions publiques sur les enjeux des procès. Elle ne peut être valable que si elle s’accompagne d’un travail objectif des médias locaux sur le sujet. La politisation excessive des grands médias dans les pays de l’ancienne Yougoslavie est une donnée qu’il convient de ne pas négliger.

Les organisations paneuropéennes comme la nôtre ont un rôle déterminant à jouer et se doivent d’encourager ce travail de communication, qui doit aider les populations concernées à effectuer leur devoir de mémoire.

N’en doutons pas, l’absence de publicité objective des travaux des cours contribuerait à rendre vaine toute tentative de réconciliation durable entre les pays de l’ex-Yougoslavie. Ce silence favoriserait en effet un phénomène d’amnésie collective au sein de certaines populations. L’absence d’information autour des procès pourrait en outre conduire les victimes à considérer qu’il existe une réelle impunité à l’égard des criminels de guerre. »

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) a, quant à elle, insisté sur le rôle du Conseil de l’Europe pour aider les Balkans occidentaux, au-delà du soutien aux procédures judiciaires en cours :

« Les guerres de sécession qui ont déchiré la Yougoslavie font naître des interrogations de première importance quant à l'exercice de la justice internationale. Le TPIY et ses déclinaisons nationales contribuent-ils ou sont-ils un obstacle à l'autocritique et la réconciliation dans des sociétés meurtries ? Renforcent-ils ou nuisent-ils à la stabilité politique nécessaire à la reconstruction de communautés anéanties et d'économies à la dérive ?

Si les membres de tous les groupes ethniques ont commis des crimes, durant les cinq premières années de fonctionnement de ce tribunal, les Serbes ont été surreprésentés par rapport aux autres groupes, ce qui a donné l'impression, y compris aux adversaires du régime de Milosevic, qu'il était anti-Serbe et rendait une justice politique.

On peut regretter que le procès de Milosevic n'ait pu parvenir à son terme. Mais la condamnation du seul Milosevic, pour justifiée qu'elle aurait été, n'aurait guère contribué à une véritable autocritique dans les pays de l'ex-Yougoslavie sans un traitement analogue des criminels de guerre croates, bosniaques et albanais du Kosovo. L'arrestation du général Ante Gotovina, puis celle du Kosovar Ramush Haradinaj, à l’époque Premier ministre du Kosovo, constituent à cet égard des signaux intéressants.

Je m’interroge en outre sur la nécessité d’une justice internationale. Slobodan Milošević aurait pu être jugé à Belgrade. Il existait des motifs pour cela. La police serbe a assassiné certains de ses opposants et de ses adversaires politiques comme son ancien mentor, Ivan Stambolić, et elle a tenté par trois fois d'éliminer un leader de l'opposition. Un procès à Belgrade aurait permis un examen plus serein du passé.

La communauté internationale ne doit pas être dupe, les procès des auteurs de crimes de guerre ne vont pas pour autant marginaliser les extrémistes et les nationalistes. Il est vrai que les pressions exercées par l’Union européenne sur la Croatie et la Serbie pour qu'elles arrêtent et livrent un certain nombre de suspects, ont donné des résultats, la menace d’un gel des négociations d’adhésion y étant pour beaucoup.

Mais il est peu probable que de futurs procès apportent à eux seuls la stabilité dont ont besoin les pays de la région, dont les structures restent fragiles, et qu’ils suffisent à garantir leur évolution vers la démocratie. A l'exception de la Slovénie, la marche vers la démocratie des pays issus de l'ex-Yougoslavie demeure délicate. Les guerres, les nettoyages ethniques, les embargos et les sanctions ont non seulement provoqué un traumatisme psychologique, mais conduit au marché noir, à la contrebande, à la corruption à grande échelle et au règne des mafias.

Nous devons, en conséquence, soutenir politiquement et économiquement les Balkans occidentaux. Nous ne devons pas, dans le même temps, abandonner toute autre forme de soutien. L’Union européenne a, à cet égard, un rôle particulier à jouer. Elle est porteuse d’une espérance. Les Balkans occidentaux doivent s’affranchir aussi de leur passé et se tourner vers l’avenir. »

3. La réconciliation et le dialogue politique entre les pays de l’ex-Yougoslavie

La volonté affichée des États issus de l’ex-Yougoslavie d’œuvrer en faveur de la réconciliation dans la région s’est traduite notamment par la participation d’un certain nombre de responsables politiques à de nombreuses cérémonies du souvenir. La mise en place d’une commission régionale chargée d’établir la vérité sur les crimes de guerre et d’honorer la mémoire des victimes (RECOM) participe également de cet effort.

La commission des questions politiques estime néanmoins que la situation varie considérablement d’un pays à l’autre, le discours sur la guerre demeure une source réelle de conflits potentiels.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a, à cet égard, souligné la nécessité de faire évoluer les opinions publiques :

« Plus de quinze ans après les accords de Dayton et plus de dix ans après la fin du conflit au Kosovo, les Balkans occidentaux entrent enfin dans une nouvelle ère marquée par le développement de relations bilatérales apaisées entre les anciens belligérants.

Je ne mésestime pas ce qui a pu être fait depuis la disparition du régime de Milošević en faveur d’un rapprochement entre les peuples. Je songe, par exemple, au Forum interparlementaire de Cetinje qui permet à nombre de nos collègues représentant les pays de l’ex-Yougoslavie de se réunir et de débattre sur les sujets d’importance régionale.

Je serai néanmoins tenté de dire que ce type de coopération technique masque l’absence de réelle avancée symbolique, capable de dépasser les années de guerre. La vie politique des États de cette région demeure par trop polluée par des références à un passé sanglant, prêtant le flanc à un conflit des mémoires peu compatible avec la nécessité de se projeter vers l’avenir.

L’année 2010 est venue, à cet égard, marquer une rupture. L’adoption, en mars, par le Parlement serbe, d’une résolution condamnant le massacre de Srebrenica, suivie en juillet d’une visite du Président Tadić sur le site de Potocari, a eu une portée indéniable. Les excuses en novembre de l’État serbe devant le mémorial d’Ovčara, en Croatie, participent du même effort.

Ces manifestations officielles sont un préalable indispensable à une évolution des opinions publiques sur le sujet. Il s’agit désormais pour les gouvernements de traduire de telles intentions dans leur action quotidienne.

Le cas de la Bosnie-Herzégovine est, sans doute, le plus emblématique du nécessaire travail de dépassement du réflexe mémoriel. S’en affranchir permettrait au pays de surmonter les divisions qui l’empêchent de devenir un véritable État, sans tutelle internationale. Sa possible intégration au sein de l’Union européenne est, me semble-t-il, à ce prix.

L’intervention du Conseil de l’Europe dans ce dossier n’est pas anodine. Quelle autre institution incarne mieux la volonté de dépasser les conflits passés et d’œuvrer pour une réconciliation autour des valeurs fondamentales ? Née dans l’immédiat après-guerre, notre Organisation a été un formidable accélérateur en vue de créer une véritable fraternité européenne. Les pays issus de l’ex-Yougoslavie devraient sans doute réfléchir à un avatar local du Conseil, réunissant les ex-belligérants, en prenant notamment appui sur le Forum de Cetinje, et en renforçant parallèlement les échanges entre les exécutifs locaux.

Le but est bien évidement de faire avancer les sujets techniques mais, surtout, de créer les conditions de l’émergence d’une idée commune aux Balkans, d’une identité propre respectant la sensibilité et l’indépendance de chacun de ses membres. La traduction concrète d’une telle philosophie pourrait notamment être la rédaction d’un manuel d’histoire commun à tous les États de la région. »

La résolution adoptée par l’Assemblée invite les États membres concernés à développer leur coopération en ce qui concerne la recherche des personnes disparues, la poursuite des criminels de guerre présumés et l’aide aux individus déplacés. Dans le même temps, le texte appelle de ses vœux un règlement rapide du problème des frontières entre ces pays. L’intensification du dialogue entre les Parlements de la région devrait faciliter la mise en place de telles coopérations. La résolution insiste, en outre, sur la nécessité de renforcer les institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine et appelle les autorités nationales à mettre en œuvre les réformes constitutionnelles nécessaires.

E. INTERVENTION DE M. BORIS TADIĆ, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE SERBIE

Président de la République de Serbie depuis 2004, M. Boris Tadić était invité par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à venir exposer les réformes entreprises dans son pays en vue, notamment, d’une prochaine adhésion à l’Union européenne.

Aux yeux de M. Tadić, dix ans après la chute de Slobodan Milosevic, la Serbie est confrontée à plusieurs défis. Le premier d’entre eux réside dans la mise en conformité des normes nationales avec celles de l’Union européenne. L’objectif de Belgrade est en effet d’adhérer à court terme à l’Union européenne.

Dans le même temps, la Serbie entend participer au processus de convalescence de la région qui doit se poursuivre. Le président serbe a, à cet égard, mis en avant les nombreux échanges en ce sens avec le voisin croate. La reprise des discussions sur le tracé des frontières avec Zagreb après sept ans d’interruption constitue une étape primordiale. Partisan de l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, M. Tadić entend contribuer à la mise en place d’un gouvernement stable à Sarajevo. Rappelant son refus de reconnaître l’indépendance du Kosovo, le président serbe a néanmoins insisté sur le dialogue qui devrait se nouer dans les prochaines semaines entre Pristina et Belgrade. Sur ce même sujet, M. Tadić a tenu à saluer le texte adopté la veille par l’Assemblée concernant les allégations de trafic d’organes et appelé de ses vœux une enquête internationale sur la question.

Par ailleurs, le chef de l’État serbe a estimé qu’un certain nombre de problèmes auxquels était confronté son pays concernait l’ensemble du continent. Il a ainsi mis l’accent sur le droit des minorités ou la lutte contre le crime organisé.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a, à cet égard, souhaité l’interroger à ce dernier sujet :

« La stabilité qui caractérise depuis quelques années, Monsieur le Président, la vie politique de votre pays, la recherche de solutions à l’épineux problème kosovar, la décentralisation que vous avez su mener à bien ont conduit la Commission européenne à saluer vos efforts dans son dernier rapport d’étape. Je note cependant que des progrès demeurent à accomplir en matière de lutte contre la corruption, de réforme de votre système judiciaire et de prévention de la torture, des mauvais traitements et de l’impunité.

J’entends donc connaître, Monsieur le Président, les intentions de votre pays dans ces trois domaines.»

Le président serbe a souhaité insister dans sa réponse sur la dimension régionale de la question :

« La réforme des instances judiciaires est une question-clé dans tous les Balkans. Réformer la justice, cela permet de jeter les fondements de la prééminence du droit. Nous y attachons un grand prix, et nous espérons que nos voisins feront également tout le nécessaire en la matière. La réforme de la justice dans les Balkans, c’est effectivement un élément essentiel pour nous rapprocher de l’Union européenne. Nous sommes, dirai-je, à mi-parcours de notre processus de rapprochement.

Nous essayons de mettre en œuvre des solutions que nous proposons aussi aux autres pays. Il s’agit de créer de nouveaux systèmes, chez nous, chez eux. Il serait bon, évidemment, d’avoir des systèmes garantissant une interopérabilité et, qui permettent vraiment que le droit s’impose partout dans la région. C’est une condition sine qua non d’une lutte efficace – je le disais tout à l’heure – contre la criminalité organisée. N’oublions pas non plus tout ce qui relève de la lutte contre la corruption et le crime économique. Nous devons aussi vraiment harmoniser notre développement économique et culturel. Ici même, hier, vous avez beaucoup parlé de la justice et de la nécessité d’enquêtes crédibles. Vous savez très bien que rien n’est jamais acquis, que rien n’est jamais achevé.

Cela vaut pour notre région, cela vaut pour plusieurs entités, et nous espérons pouvoir avancer pour accomplir notre mission et atteindre nos objectifs. »

F. LE FONCTIONNEMENT DE LA DÉMOCRATIE EN HONGRIE

Deux mesures adoptées récemment par le gouvernement hongrois ont incité l’Assemblée parlementaire à organiser un débat sur le fonctionnement des institutions démocratiques dans ce pays.

Les règles entourant la désignation des membres de la Cour constitutionnelle ont ainsi été modifiées, laissant planer un doute sur l’autonomie de l’institution, d’autant qu’elle voit ses pouvoirs réduits en ce qui concerne le contrôle des propositions gouvernementales. Parallèlement, le Parlement a adopté la loi relative aux médias, qui confère un certain nombre de pouvoirs de contrôle de l’information à l’Autorité nationale des médias et des communications (NMHH) dont les cinq membres sont nommés par le gouvernement. Celle-ci peut exiger que les médias corrigent des informations jugées manquant d’objectivité et sanctionner par des amendes sévères les organes de presse dont sont issus les articles ou les émissions incriminés. Cette institution pourra imposer de lui soumettre avant diffusion articles et émissions. La loi est entrée en vigueur le 1er janvier dernier.

Les limogeages de fonctionnaires sans raison valable participent également d’un climat de défiance à l’endroit des intentions du gouvernement hongrois.

Le débat organisé dans l’hémicycle a mis en lumière la volonté des membres de l’Assemblée de voir la Hongrie se rapprocher de la Commission de Venise avant tout changement d’ordre constitutionnel. La plupart des intervenants ont, dans le même temps, souligné le problème que posait la nouvelle loi sur les médias, sans préjuger toutefois de l’impact des négociations en cours entre la Commission européenne et Budapest sur les amendements à apporter au texte.

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) a ainsi tenu à mettre en avant, dans son intervention, le rôle de la Commission européenne dans ce dossier et mis en garde contre toute tentation à dramatiser la situation hongroise :

« Permettez-moi de vous faire part de mon étonnement quant à l’organisation d’un débat dit d’actualité sur le fonctionnement de la démocratie en Hongrie.

Je ne mésestime en rien les problèmes posés par l’adoption de la fameuse loi sur les médias, entrée en vigueur le 1er janvier dernier et qui ne garantit pas, il faut le reconnaître, une totale indépendance de la presse.

Je rappelle à toutes fins utiles que la Commission européenne s’est d’ores et déjà saisie de ce problème et a demandé à Budapest de modifier en substance la loi concernée, et ce sous quinzaine.

Bruxelles juge que l'obligation d'enregistrement auprès d'une autorité nationale qui est faite par la loi hongroise à tous les types de médias, y compris les médias sur internet, « pourrait constituer une restriction disproportionnée à la liberté d'établissement et de prestation de services », telles que prévue par les traités. L’Union européenne exprime également des doutes concernant une autre disposition, qui oblige, sous peine de sanction, les médias audiovisuels en Hongrie, y compris les blogs audiovisuels et sites de vidéo à la demande, à fournir « une information équilibrée ».

La réaction de l’Union européenne, aussi technique que précise, m’apparaît plus proportionnée que le débat d’aujourd’hui, dont je regrette le titre. Peut-on réellement s’interroger sur le fonctionnement de la démocratie en Hongrie ? L’adoption d’une loi doit-elle conduire à considérer l’ensemble d’un système comme réprimable ? Sûrement pas ! Le Gouvernement hongrois a manifesté à plusieurs reprises son souhait de réviser avec la Commission européenne le contenu de sa loi. Ne pouvions-nous pas attendre la partie de session d’avril pour juger de la réactivité de Budapest sur le sujet ?

Je rappelle, par ailleurs, que notre Assemblée a décidé d’organiser quatre débats ayant trait à l’actualité des droits de l’Homme : ils concernent la Biélorussie, la Tunisie, la situation des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient et la Hongrie. Sincèrement, mes chers collègues, pouvons-nous assimiler la situation de Budapest aux trois autres sujets, qui sont autrement plus d’actualité ? Ne devons-nous pas éviter les effets d’annonce, sous peine de fragiliser la crédibilité de nos travaux ? Ces questions méritent une réflexion sereine. »

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a tenu à replacer le débat dans le cadre plus général des violences faites aux journalistes :

« Le gouvernement de Victor Orbán semble cristalliser, ces derniers temps, les inquiétudes d’une partie de l’opinion publique. J’en veux pour preuve l’organisation de ce débat d’actualité sur le fonctionnement de la démocratie en Hongrie. À titre personnel, j’avoue ne pas être certain que la situation en Hongrie provoquerait pareilles réactions si ce pays n’avait pris la présidence tournante de l’Union européenne au début du mois. Toujours est-il que plusieurs lois adoptées récemment ont suscité des interrogations sur la voie qu’empruntait le nouveau gouvernement hongrois, au point d’évoquer à son sujet une « dérive autoritariste ».

C’est principalement la loi sur les médias, adoptée le 21 décembre dernier et entrée en vigueur dès le 1er janvier, qui fait l’objet de graves critiques. Elle fait craindre l’instauration d’un contrôle politique des médias qui permettrait la censure. La Commission européenne a d’ailleurs immédiatement lancé une enquête pour juger de la conformité du texte aux droits fondamentaux de l’Union européenne. Elle devrait rendre sa décision dans les prochains jours.

Pour ma part, je ne dispose ni des moyens ni de la technicité de la Commission européenne pour déterminer la compatibilité de cette loi. Mais, j’ai toute confiance dans la capacité de cette institution à rendre un verdict objectif. Cette dernière n’a aucun intérêt à épargner la Hongrie si les soupçons actuels se révèlent fondés. Cela jetterait le discrédit tant sur la présidence actuelle de l’Union européenne que sur la Commission européenne elle-même. En outre, je rappelle que le Premier ministre hongrois s’est publiquement engagé à modifier la loi si elle contrevenait aux droits fondamentaux.

Je ne cherche pas à défendre à tout prix l’attitude de la Hongrie, mais je comprends mal que le procès actuel en fasse d’emblée un coupable présumé, alors même que le jugement n’a pas été rendu. Je suis moi-même très attaché à la liberté d’expression et à la pluralité des médias, deux valeurs fondamentales des droits de l’Homme sur lesquelles je n’accepte pas qu’on puisse transiger. La démocratie n’est rien sans droit à l’information, sans une presse libre et non censurée.

C’est pourquoi je m’inquiète bien davantage des menaces qui planent sur l’intégrité physique des journalistes sur le territoire même de certains États du Conseil de l’Europe. Des journalistes sont régulièrement menacés, harcelés, passés à tabac, persécutés et même assassinés dans certains pays. D’autres sont emprisonnés, parfois plusieurs années durant, pour un mot ou une photo qui aurait déplu.

Ces atteintes sont véritablement inadmissibles et nous les évoquons trop rarement au sein de notre Assemblée. Comment parler de liberté de la presse lorsque des journalistes sont bâillonnés et leur vie menacée ? Que dire des restrictions imposées à la liberté d’expression sur la Toile, alors que celle-ci était le dernier refuge pour des citoyens déjà passablement muselés ? Le dernier rapport de l’organisation non gouvernementale « Reporters sans frontières » fait état d’une dégradation de la liberté de la presse en Europe. Nous évoquions hier la protection des sources des journalistes. Pourquoi n’organiserions-nous pas, lors de l’une des prochaines sessions, un vrai débat sur les menaces pesant sur les journalistes et la liberté de la presse en Europe ? »

G. DÉBAT D’URGENCE SUR LES VIOLENCES À L’ENCONTRE DES CHRÉTIENS AU PROCHE ET MOYEN-ORIENT

L’année 2010 a été marquée par une augmentation des violences perpétrées à l’encontre des communautés chrétiennes dans le monde, particulièrement au Proche et au Moyen-Orient, comme l’ont illustré la prise d’otages sanglante en la cathédrale catholique syriaque de Notre-Dame du Salut à Bagdad le 31 octobre ou l’attentat suicide dans une église copte d’Alexandrie le 31 décembre. Dans le même temps, une hausse du nombre de procès et des condamnations à mort pour blasphème a été enregistrée.

A l’initiative de M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation française, la commission permanente de l’Assemblée a tenu le 12 novembre dernier un débat d’actualité concernant les attaques contre les chrétiens et d’autres communautés religieuses en Irak. M. Mignon a souhaité, dans la foulée, qu’un débat puisse être organisé selon la procédure d’urgence au cours de la présente partie de session.

Par ailleurs, le 21 janvier dernier, le Comité des ministres a adopté à l’unanimité une déclaration sur la liberté religieuse, condamnant les violences et toute forme d’incitation à la haine religieuse et à la violence.

Intervenant au nom du groupe PPE, M. Jean-Claude Mignon, a insisté sur la pertinence d’un tel débat dans le cadre de la lutte contre l’intolérance sous toutes ses formes :

«La liberté de religion et de conviction est une liberté fondamentale, reconnue par la Déclaration universelle des droits de l’Homme, par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par la Convention européenne des droits de l’Homme.

L’article 9 de la Convention stipule que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Il précise que ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. Ce droit comprend donc celui de ne professer aucune religion.

Force est malheureusement de constater que ce droit est assez souvent bafoué en dehors des frontières européennes, comme les tragiques événements de ces derniers mois ne cessent de nous le rappeler.

La liberté de pensée est niée dans tous ses aspects :

Remise en cause de la liberté de culte sous la forme la plus brutale qui soit, le terrorisme et l’assassinat. Dans certains États, la loi elle-même nie toute liberté de culte ;

Liberté de changer de religion, souvent considérée comme un crime, l’apostasie. Ce refus de la liberté de penser est cohérent avec une vision du monde où l’individu n’existe qu’au travers d’une communauté. La Cour européenne des droits de l’Homme a déjà eu l’occasion de souligner qu’un régime où tous les domaines de la vie privée et publique seraient régis par la loi religieuse serait contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme ;

Statuts juridiques inférieurs pour ceux qui ne pratiquent pas la religion dominante, avec, par exemple, l’interdiction d’accéder aux emplois supérieurs de la fonction publique ;

Lois sur le blasphème de nature profondément totalitaire et qui nous rappellent tristement l’affaire Calas, que Voltaire en son temps dénonça si justement. Le Pakistan en offre un tragique exemple.

Il est aujourd’hui indispensable de s’indigner du martyre dont sont victimes les chrétiens, en raison de la violence même des attaques qu’ils subissent, de la volonté délibérée de certains de les chasser de leurs lieux de naissance et du relatif silence qui a entouré ces faits pendant longtemps. Je rappellerai pourtant que le christianisme est né en Orient !

Ne nous trompons cependant pas. Le mal n’est pas telle ou telle religion, l’islam, l’hindouisme, etc. L’ennemi, c’est l’intolérance. Cette intolérance, ce refus d’accepter l’autre, qui font que les minorités religieuses sont persécutées, les chiites en Irak, les bahais en Iran, les ahmadis au Pakistan, pour me limiter à quelques exemples.

Ce n’est pas non plus un hasard si beaucoup des États où ont lieu ces persécutions sont des dictatures ou des démocraties fort imparfaites, qui trouvent commode de canaliser l’insatisfaction populaire vers un bouc émissaire.

Il est en outre clair que certains souhaiteraient contribuer à déclencher cette guerre des civilisations que les extrémistes appellent de leurs vœux. Ne tombons pas dans ce piège. Soutenons partout la liberté de conscience, la tolérance et la démocratie, conformément aux valeurs les plus fondamentales du Conseil de l’Europe.

Faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter le départ des chrétiens d’Orient de leurs terres ancestrales, sauf à donner raison à ceux qui encouragent le nettoyage ethnique. Je rappellerai par exemple que les coptes d’Égypte sont les descendants directs des premiers habitants de ce pays.

Soyons exemplaires chez nous. Même si, comparés à l’Arabie saoudite ou au Pakistan, nous le sommes évidemment, continuons à prôner la tolérance et à l’appliquer dans nos propres pays. C’était d’ailleurs le sens de notre débat sur l’islamophobie.

Agissons enfin en coordination avec l’Union européenne. Je me réjouis dans cette perspective que les ministres des affaires étrangères italien, hongrois et polonais aient demandé l’inscription de ce sujet à l’ordre du jour des Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne le 31 janvier prochain. »

Aux yeux de M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC), intervenant au nom du groupe ADLE, cette question est d’autant plus grave qu’elle remet en cause des siècles de coexistence relativement pacifique :

« La région dans laquelle les chrétiens d’Orient vivent leur foi, berceau de la religion de beaucoup d’entre nous, est leur terre depuis toujours. Ils y vivent aux côtés de familles qui y sont également chez elles, dont les pères ont embrassé d’autres religions. La coexistence des uns et des autres ne fut pas toujours facile. Combien de fois fallut-il même la reconstruire, tant les fidèles de ces religions attachaient d’importance à leurs convictions ? Cette coexistence est fragile et précieuse.

Ce n’est pas parce qu’ils appartiennent à des confessions religieuses minoritaires que les chrétiens d’Orient auraient moins le droit de vivre chez eux en sécurité, qu’ils seraient moins libres de penser et de pratiquer leur religion. Liberté de vivre chez soi, liberté de conscience : il s’agit de droits fondamentaux avec lesquels on ne peut transiger.

Le Groupe ALDE condamne unanimement les violences qui se multiplient contre ces chrétiens. Il considère aussi que cette condamnation aura d’autant plus de portée qu’elle s’appuiera sur les valeurs essentielles qui nous unissent, tous, au sein du Conseil de l’Europe.

Ces chrétiens portent, avec les juifs et les musulmans, un héritage spirituel exceptionnel. Cet héritage multiple a façonné cette région du monde. Il devrait garantir son équilibre. Ni les chrétiens, ni les musulmans, ni les juifs n’ont quoi que ce soit, en tout cas, à gagner à la négation de cet héritage, ni bien sûr à la rupture de cet équilibre.

Transformer une fragile coexistence en une confrontation interreligieuse ouverte est évidemment un objectif pour tous les extrémistes. Nous devons à nouveau mettre en garde sur les risques présentés par le développement de communautarismes qui peuvent offrir un refuge dans l’instant mais jamais une ouverture sur un avenir durable. En misant sur ce qui oppose plutôt que sur ce qui unit, les communautarismes ouvrent des boulevards aux intégristes qui n’ont plus qu’à inciter les communautés dominantes à terroriser celles qui sont minoritaires.

Ne sommes-nous pas invités à aller vers une vraie laïcité, fondée sur l’acceptation de l’autre dans ce qu’il a, lui aussi, de plus précieux : sa conscience ?

Je prépare actuellement pour notre Assemblée un rapport visant à réaffirmer l’universalité des droits de l’Homme. Laisser relativiser ces droits sur des bases religieuses ou régionales les ruinerait très vite, ce qui serait un échec absolu pour les démocrates épris de liberté que nous sommes.

Puissent tous ceux qui se reconnaissent dans l’une des trois religions du Livre, ou tout du moins qui respectent ces religions, s’engager fortement pour que cette terre reste fidèle à son héritage spirituel, afin qu’elle demeure terre d’espérance, « la » Terre de l’Espérance. »

Aux yeux de la commission des questions politiques de l’Assemblée, saisie du sujet, la coexistence de congrégations religieuses témoigne de l’existence d'un environnement propice au développement de la démocratie et des droits de l'Homme.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a souligné ce lien entre ce débat et la question de l’universalité des droits de l’Homme :

« Le Conseil de l’Europe, en intervenant aujourd’hui sur ce sujet, ne se transforme pas en défenseur d’une communauté particulière. Il vise surtout à rappeler les valeurs qui sont les siennes et à promouvoir les libertés fondamentales de l’individu de par le monde. Il ne s’agit pas pour nous de participer à un hypothétique choc des civilisations mais bien de dépasser celui-ci pour réaffirmer l’universalité des droits de l’Homme. Nous l’avons fait l’an dernier, lorsqu’il s’agissait de dénoncer les tendances islamophobes qui se font jour sur notre continent.

Notre but est aujourd’hui le même : permettre à chacun de vivre, voire d’exprimer, librement, ses croyances. De fait, avant de défendre le chrétien, nous défendons l’homme. Nous ne nous battons pas pour une communauté en tant que telle mais bien pour permettre à des individus installés sur ces terres depuis des siècles, qui réussissaient jusqu’à présent à cohabiter avec d’autres aux croyances différentes, de vivre librement et en toute sécurité.

Soyons précis, nous ne défendons pas une conception occidentale des droits de l’Homme. Ceux-ci ne sauraient être déterminés par la géographie et le climat.

La liberté d’expression comme celle de croyance font, en effet, partie de l’héritage universel des Lumières. Elles ne peuvent être bafouées au motif qu’elles ne s’inscrivent pas dans un cadre idéologique précis et ne servent pas à la promotion de telle ou telle spiritualité ou philosophie.

Nous ne pouvons, à cet égard, tolérer toute collusion entre pouvoir politique et autorités spirituelles pour bafouer les droits les plus élémentaires. Nous ne pouvons comprendre non plus que la loi religieuse ait une réelle valeur normative et se substitue au droit civil. Notre tradition libérale ne peut s’accorder avec l’assimilation de l’apostasie ou du blasphème à des infractions.

De fait, il nous est impossible de rester muet face aux violences répétées de part et d’autre du Proche et Moyen Orient. Il est impensable que des lieux de culte deviennent des lieux de mort et que nous restions silencieux face aux attaques de toute nature visant la liberté religieuse. Ce serait nous renier.

Je salue, à ce titre, le rapport de M. Volontè qui n’hésite pas à pointer les responsabilités des uns et des autres et s’avère tout aussi sévère avec certains des États membres de notre Organisation qu’à l’égard des pays tiers. »

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDE), intervenant au nom du groupe GUE, a souhaité rappeler combien la promotion de la tolérance doit permettre d’éviter le piège d’un « choc des civilisations » :

« Je tiens à condamner, au nom de mon groupe, les violences à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient. Les récents attentats à Bagdad et à Alexandrie mettent en évidence une montée de la violence à l’égard des minorités chrétiennes au Proche et Moyen-Orient, qui n’est en rien acceptable.

Les chrétiens vivant au Moyen-Orient sont des communautés autochtones qui fuient massivement leur terre natale en raison d’un sentiment d’insécurité croissant.

Notre Assemblée doit fermement condamner la violence contre un groupe de personnes du fait de son appartenance à une communauté religieuse, quelle qu’elle soit, même si elle est devenue minoritaire du fait de l’Histoire.

Pour autant, le rapport insiste sur l’engagement religieux, mais nous pensons qu’il n’y a pas que l’identité, il y a aussi la question des pratiques religieuses, qui mérite respect et moyens. Les chrétiens tués dans l’attentat malheureux d’Alexandrie l’ont été parce que leur lieu de culte n’a pas été sécurisé.

Notre groupe propose également un amendement pour supprimer le paragraphe 13 du projet de recommandation. En effet, stigmatiser un pays et un seul ne nous semble pas être opportun dans ce rapport.

En outre, il nous semble essentiel de toujours veiller, en tant que membres du Conseil de l’Europe, avant de donner des leçons en termes de respect de droits de l’Homme, que nous ne discriminions pas, nous aussi, sur nos territoires nationaux, des minorités religieuses.

C’est pour cela que notre démarche doit aller plus loin. Elle ne doit pas condamner uniquement la violence à l’endroit des chrétiens, mais également celle qui est faite à l’endroit de l’ensemble des minorités religieuses.

Le principe de laïcité, propre à la France, a l’insigne avantage de permettre un entier respect de la liberté religieuse dans la sphère privée, voire la liberté de ne pas croire. Ici, en Alsace, l’héritage historique permet une autre lecture de la concorde entre minorités religieuses sans que ce principe en soit l’origine. Néanmoins cette exception positive ne saurait présenter un modèle, car il est un héritage positif de l’Histoire.

L’État, lorsqu’il est laïc, affiche une neutralité qui ne peut ensuite être instrumentalisée par les éléments extrémistes pour attiser les communautés les unes contre les autres.

L’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’Homme protège la liberté de croire. Mais n’oublions pas que, a contrario, elle protège également la liberté de ne pas croire.

En liaison avec ce qui se passe en Tunisie, nous devons encourager l’émergence de printemps démocratiques pour que le vent de la liberté ne soulève pas uniquement les peuples contre leurs dictateurs, mais sème les germes d’institutions protectrices des minorités religieuses et non religieuses dans leur ensemble.

La tolérance est une vertu cardinale dans un État démocratique où le pouvoir ne recherche pas des boucs émissaires afin d’asseoir sa légitimité, en détournant l’attention des citoyens vers des cibles facilement identifiables. Il ne faudrait pas tomber dans le piège que les extrémistes nous tendent : nous faire croire à l’émergence d’un «choc des civilisations » qui reposerait sur les identités religieuses.

Le « choc des civilisations » n’a pas lieu d’être. Les minorités religieuses et non religieuses peuvent vivre en concorde lorsque l’espace public reste neutre.

Le Conseil de l’Europe doit donc être garant par l’éducation et l’apprentissage de la culture que les diversités religieuses ne sont que des richesses qui nous rapprochent et non des fossés qui nous divisent. »

M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – NC) a, à cet égard, souligné que l’identité d’un pays ne pouvait reposer sur des principes religieux :

« Comme le rapporteur, je condamne avec fermeté les récentes attaques qui ont eu lieu contre les chrétiens en Orient. Un engagement ferme de notre Assemblée parlementaire doit, en effet, être pris, pour condamner toutes formes de discriminations, et en premier lieu, la discrimination religieuse.

L’intégrité physique de l’ensemble des citoyens doit être préservée dans tous les cas.

La situation des chrétiens en Orient et au Proche-Orient a toujours été une situation délicate, comme celle des juifs. Le statut de dhimmi, s’il apporte une protection juridique particulière aux religions du Livre autres que musulmanes, à savoir qu’elles ne sont pas soumises à la juridiction des tribunaux islamiques, ne leur accorde néanmoins pas une citoyenneté pleine et entière.

Ces différents statuts juridiques ont donc pour corollaire l’identification de chaque citoyen à sa communauté religieuse d’appartenance.

Le risque de se retrouver face à des « identités meurtrières », pour reprendre le titre de l’ouvrage de l’écrivain libanais Amin Maalouf, est donc la conséquence de ce statut à la fois protecteur et discriminatoire.

Pour protéger sa communauté d’appartenance, il est très difficile, voire impossible, de changer de religion. La liberté religieuse n’est, de fait, dans aucun pays arabe du Proche et du Moyen-Orient, entièrement respectée.

C’est pourquoi la seule manière d’éviter que les identités religieuses ne deviennent meurtrières est de proposer un statut d’État laïc qui autorise la pluralité religieuse sans qu’une religion soit davantage encouragée qu’une autre.

Un État pluriconfessionnel comme le Liban met bien en évidence la difficulté de trouver une entente religieuse lorsque les équilibres constitutionnels reposent justement sur le pluralisme religieux. Les équilibres sont complexes et les alliances religieuses parfois contre nature.

Le seul moyen d’éviter ces discordes identitaires réside donc dans la sécularité de l’État et l’instauration par celui-ci d’une justice civile.

L’identité ne reposera alors plus sur la communauté religieuse mais davantage sur d’autres facteurs d’union tels que la langue, la culture commune et la communauté de destin du fait d’une histoire commune. Le dialogue interreligieux ne peut être garanti que lorsque l’État est suffisamment neutre. »

La recommandation adoptée par l’Assemblée appelle à l’élaboration d’une stratégie du Conseil de l’Europe pour faire respecter la liberté religieuse, et notamment la faculté de pouvoir changer de religion.

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UC) a, à cet égard, souligné la nécessaire implication du Conseil de l’Europe dans la mise en œuvre d’un dialogue entre les différentes communautés religieuses :

« Les attentats perpétrés contre la communauté chrétienne en 2010 ont été d’une rare violence. Bagdad et Alexandrie n’en sont que les deux principaux exemples. Il y en a d’autres, comme l’interdiction d’une messe de Noël dans la partie nord de Chypre. Les islamistes radicaux ont pour but déclaré la destruction des valeurs occidentales, déclarait Robert Badinter au cours d’une réunion de la commission de la défense au Sénat français. Je m’inquiète aussi du sort réservé à de nombreux chrétiens dans des pays d’Asie, même non musulmans – en Chine, par exemple.

En tant qu’acteurs politiques, il est de notre devoir de dénoncer la situation actuelle. Je me réjouis donc que le Conseil de l’Europe ait eu le courage de se saisir du sujet. Un courage dont ne semble pas faire preuve le Conseil de sécurité des Nations unies. À peine a-t-il publié une déclaration à la suite des attentats en Irak. Mais il ne manifeste nullement l’intention d’adopter une résolution sur la question des chrétiens d’Orient ou des minorités religieuses. Cette lâcheté à s’impliquer dans des sujets fondamentaux pour l’avenir de notre monde m’étonne d’autant plus de la part d’une organisation traditionnellement si prompte à condamner mon pays pour ses manquements aux droits de l’Homme.

L’intérêt de notre débat d’urgence ne réside pas, en effet, dans la défense d’une communauté religieuse – la communauté chrétienne, en l’occurrence – par rapport à une autre. Une telle position n’aurait aucun sens. En revanche, notre débat pose très clairement la question des conditions du « vivre ensemble » dans nos sociétés contemporaines. Il va donc bien au delà de la défense des seuls chrétiens dans une zone géographique donnée.

C’est cet enjeu du « vivre ensemble » qui fait toute la pertinence de notre débat au sein de notre Assemblée puisqu’il s’agit d’un défi auquel chacun de nos États, même loin de l’Orient, est confronté. Comment maintenir ou restaurer l’harmonie entre les différents groupes qui composent nos sociétés ? Comment garantir l’intégration de la communauté musulmane en Europe ? À mon sens, la réponse est double. D’une part, il convient de défendre les valeurs d’égalité, de liberté et de tolérance afin de permettre aux différentes communautés, non seulement de coexister pacifiquement, mais également de s’enrichir mutuellement par leur diversité. C’est le rôle des États et des institutions internationales. D’autre part, il importe de promouvoir le dialogue interreligieux. C’est au travers d’échanges nourris et constructifs entre les différentes instances religieuses que nous parviendrons à prévenir les conflits.

C’est pourquoi je suggère que nous invitions le Comité des ministres à prendre l’initiative d’organiser un grand colloque réunissant l’ensemble des instances religieuses présentes dans le monde, afin qu’elles puissent discuter ensemble des questions qui nous animent aujourd’hui. Si vous en êtes d’accord, je déposerai une proposition de recommandation en ce sens lors de la prochaine session, sauf si notre rapporteur peut l’intégrer dans son rapport. Je ne sais s’il en a la possibilité juridiquement. »

Par ailleurs, les États membres du Conseil de l’Europe sont invités à prendre en compte la situation des communautés religieuses chrétiennes et autres dans leur dialogue politique bilatéral avec ces pays.

M. François Rochebloine (Loire – NC) a insisté, dans son intervention, sur la nécessité pour les autorités des pays concernés de cesser de nier ou relativiser l’évidence des persécutions :

« Le sort détestable qui est fait aux communautés chrétiennes d’Orient est effectivement une question urgente, non seulement pour ces communautés, mais aussi pour l’équilibre du monde et pour la promotion des valeurs démocratiques et des droits de l’Homme, promotion sur laquelle, en tant que membres de cette Assemblée parlementaire, nous devrions être tous d’accord.

Un point me paraît capital dans le débat : l’enjeu de le la question des chrétiens d’Orient ne doit pas être vu comme un problème de minorité.

Sans doute, dans beaucoup d’endroits de la région, les chrétiens représentent-ils une très faible part de la population totale : ce petit reste, ultra-minoritaire, est une proie facile pour les terroristes à prétexte religieux qui le persécute et le tue.

Mais on ne doit jamais oublier que les populations chrétiennes d’Orient ne sont pas le résultat de peuplements importés, ce sont historiquement les premiers habitants des différents pays. Si, du fait de la domination ottomane, ces communautés ont été soumises à un statut de minorité, il faut rappeler que ce statut est radicalement contraire aux principes proclamés par la Convention européenne des droits de l’Homme, notamment à l’égalité des droits civils et politiques.

Tout aussi contraire aux principes fondamentaux qui nous inspirent est l’interdiction de fait de pratiquer tout autre religion que l’islam, qui est en vigueur en Arabie saoudite. On ne commet aucune ingérence contraire à la souveraineté de l’État en appelant le gouvernement de ce pays à respecter et faire respecter concrètement l’un des droits de l’Homme les mieux établis.

Il ne faut donc pas poser prioritairement le problème des communautés chrétiennes d’Orient en les considérant avec la grille d’analyse des minorités. Le traitement qui leur est infligé est en effet une menace, non seulement pour le respect de celles et ceux qui en sont victimes, mais aussi pour l’équilibre global des sociétés qui forment le substrat de la vie collective dans les pays du Moyen-Orient.

Si les autorités en place dans les pays où des exactions antichrétiennes ont été constatées ne sont pas capables ou n’éprouvent pas le désir d’empêcher et de réprimer ces exactions et les meurtres qui les accompagnent, cela veut dire que dans cette région du monde les idéaux démocratiques n’ont décidément plus aucun cours ; c’est accepter qu’au principe de liberté se substitue, pour la société tout entière, la règle de la violence. Violence qui frappe tous les citoyens de ces pays, sans distinction d’origine ni de religion. Violence qui compromet à un terme proche la stabilité des États et, par là même, la stabilité ou l’équilibre de la scène internationale dont ces pays sont des acteurs.

La situation ne pourra évoluer que du jour où les pouvoirs publics de ces pays comprendront que l’intérêt général exige l’éradication de la violence d’où qu’elle vienne.

Cela suppose de la part de tous une attitude de vérité. On a trop souvent noté dans le discours officiel des dirigeants des pays concernés une tendance à nier l’existence ou la portée réelle des attitudes de persécution envers les populations chrétiennes. Mensonge qui est en même temps un aveu de faiblesse et qui sape l’autorité du pouvoir. Mensonge dont les récents attentats d’Égypte ont montré le caractère tragiquement dérisoire. Dans nos pays aussi, on ferme volontiers les yeux sur l’ampleur et les causes de ces attitudes, au risque d’encourager les extrémistes en faisant preuve, à leurs yeux, de faiblesse. Toutes ces hypocrisies doivent cesser.

Pour ma part, je suis solidaire de ceux qui, quelle que soit leur confession religieuse, font de ce respect l’axe de leur action et de leur espérance contre le fanatisme et le terrorisme. »

La recommandation invite, en outre, la Turquie à préciser les circonstances entourant l’interruption de la célébration de la messe de Noël dans deux villages de la partie Nord de Chypre.

Le texte n’encourage pas les membres des communautés chrétiennes du Proche-Orient à chercher refuge en Europe mais appelle le cas échéant à l’élaboration d’une politique globale d’asile pour raisons religieuses.

Cette question de l’exil a, notamment, été abordée par Mme Claude Greff (Indre-et-Loire – UMP) dans son intervention :

« Je partage entièrement les conclusions du rapport de M. Volontè et je remercie M. Mignon pour son initiative. Le rôle de notre Assemblée est, en effet, de se saisir en urgence de questions qui menacent les libertés fondamentales. Or, la situation des chrétiens au Proche-Orient est extrêmement préoccupante.

La liberté de croire est une liberté fondamentale. Elle doit donc être protégée. Les chrétiens au Proche-Orient ne sont pas des populations allogènes mais autochtones, actuellement chassées de leurs territoires. Sur 800 000 chrétiens vivant en Irak en 2003, la moitié ont déjà pris le chemin de l’exil. Ce sont 10 à 20 000 chrétiens qui quittent l’Irak chaque année.

En Égypte, la minorité copte est la minorité la plus importante. Elle représente 10 % de la population. Les attaques contre les chrétiens, que l’attentat d’Alexandrie a mis sous le feu de l’actualité, sont néanmoins récurrentes : échoppes saccagées, difficultés pour obtenir un statut équivalent aux musulmans, etc. À Alexandrie, il n’est pas certain que l’attentat soit véritablement l’œuvre d’Al-Qaida. Les coptes se sentaient menacés bien avant l’émergence du terrorisme international initié par Al-Qaida.

L’Islam protège a priori les chrétiens, comme les juifs, parce qu’ils ont la religion du Livre. Mais ne nous méprenons pas, ce statut reste juridiquement inférieur. Cela explique, au-delà de la montée des tensions entre communautés religieuses, la volonté de départ des chrétiens vers des terres plus clémentes.

Le développement du discours extrémiste et identitaire rend la situation des chrétiens au Proche-Orient précaire. Nous devons rappeler aux peuples signataires du Pacte de l’ONU sur les droits civils et politiques qu’ils ont des obligations à remplir envers les minorités religieuses vivant sur leurs territoires.

Une condamnation par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe doit avoir une force morale suffisante pour que les chrétiens, au Proche et au Moyen-Orient, n’aient plus peur au point de dissimuler leur identité chrétienne. C’est pourquoi nous devons massivement condamner les exactions commises à l’encontre des chrétiens d’Orient. C’est pourquoi aussi les chrétiens d’Orient doivent être assurés de leur légitimité pleine et entière de vivre sur leur terre ancestrale. Et c’est pourquoi notre diplomatie parlementaire, mais aussi nos chancelleries respectives, ne doivent pas avoir peur de défendre les chrétiens au Proche-Orient.

Ces attaques inqualifiables doivent être fermement condamnées par la communauté internationale, en tant qu’elles menacent les chrétiens au Proche et au Moyen-Orient. Ceux qui commettent ces actes de terrorisme sont des barbares, qui veulent un nouvel effondrement spirituel et moral dans le monde, et un nouveau désastre de civilisation et de culture. »

Les États membres sont dans le même temps invités à promouvoir des supports pédagogiques permettant de combattre stéréotypes et autres préjugés anti-chrétiens.

H. INTERVENTION DE M. TRAIAN BăSESCU, PRÉSIDENT DE LA ROUMANIE

Ancien maire de Bucarest, M. Traian Băsescu a été élu Président de la Roumanie pour la première fois en 2004, avant d’être réélu cinq ans plus tard. Son intervention devant le Conseil de l’Europe visait notamment à présenter les réformes entreprises dans son pays en vue de lutter contre la corruption et de façon plus générale dans le domaine judiciaire, afin de réduire le nombre des requêtes déposées auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Dans son propos introductif, M. Băsescu a tenu à rappeler l’importance du Conseil de l’Europe au moment de la démocratisation de la Roumanie. Il considère à cet égard le Conseil de l’Europe comme un « guide » pour les jeunes démocraties. Cette légitimité du Conseil n’interdit pas une révision du périmètre de son action et une adaptation de celle-ci à de nouveaux enjeux.

Le président roumain appelle ainsi de ses vœux la mise en place d’instruments de suivi dans le domaine des migrations, afin d’évaluer les programmes mis en place. Le Conseil de l’Europe doit, dans le même temps, intensifier ses efforts en faveur des groupes minoritaires. La Roumanie, composée notamment de vingt groupes minoritaires, est relativement impliquée sur ce sujet. Elle a noué notamment un partenariat sur la question avec la Hongrie. Elle a, parallèlement, adapté sa législation afin de renforcer la visibilité des minorités tant dans la vie civile que politique.

La situation des Roms a, à cet égard, été abordée par le président roumain. Son pays entend poursuivre ses efforts en vue d’améliorer leur intégration, en recourant notamment aux fonds structurels européens. Cette ambition nationale ne saurait, néanmoins, occulter la nécessité de mettre en place une stratégie européenne sur le sujet, particulièrement adaptée au mode de vie nomade des Roms.

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a, d’ailleurs, souhaité interroger le chef de l’État roumain sur les priorités de son pays sur cette question :

« Le 16 décembre dernier, le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a indiqué dans une lettre adressée à votre Premier ministre que le quotidien des Roms vivant en Roumanie demeurait marqué par la pauvreté et la discrimination. Il appelait, à cet égard, votre gouvernement à mener une politique globale en faveur de cette minorité, notamment en matière d’emploi, d’éducation, de logement et de santé.

Je mesure pleinement les difficultés économiques que vous pouvez rencontrer pour la mise en place d’un vaste projet d’intégration. Toutefois, quelles mesures votre gouvernement entend-il prendre en ce domaine ? »

Le président roumain a détaillé, dans sa réponse, les mesures adoptées depuis 2000 :

« Je vous remercie d’avoir posé cette question, à laquelle je répondrai précisément.

Officiellement, on compte 500 000 Roumains Roms. En réalité, ils sont estimés à quelque 1,5 million. Mais, lors du dernier recensement, en 2001, nous avons constaté que les Roms intégrés dans la société ne demandent plus à être reconnus comme appartenant à cette communauté.

Dans le cadre de la stratégie décennale d’intégration des Roms, couvrant les années 2000 à 2010, par-delà le volet financier, des mesures très importantes ont été prises. J’en donnerai quelques exemples.

Le système d’enseignement roumain prévoit, à différents niveaux, des tests. Les Roms avaient, de droit, à l’école une place sans passer l’étape des tests. Si nous voulons intégrer de manière viable les Roms, il faut transiter par l’enseignement et l’éducation. Les enfants Roms ont la possibilité d’aller à l’école partout en Roumanie. Nous ne les avons jamais isolés. Je tiens également à signaler qu’il existe un département « Roms », au sein du Gouvernement, placé sous la houlette d’un secrétaire d’État.

Nous partageons le mécontentement de certains représentants européens en matière d’intégration des Roms. La stratégie décennale, qui a expiré en 2010, n’a pas produit les résultats escomptés. Ils sont même loin d’avoir répondu aux attentes. La difficulté ne vient pas des ressources puisque la plus grande partie nous est versée par l’Union européenne. Elles suffisent. Le plus difficile est de trouver la solution idoine au problème posé. La nouvelle stratégie, pour la période 2011-2015, prévoit d’inclure le département dédié aux Roms au sein du ministère de l’intérieur, afin d’assurer une interface directe avec les pouvoirs locaux. En effet, l’échec de la stratégie précédente est, en grande partie, dû à la centralisation de l’action menée à l’égard des Roms. L’idée est donc de développer l’implication des pouvoirs locaux. Jusqu’à présent, le département dédié aux Roms subventionnait des ONG qui, à leur tour, réalisaient différents projets. Aujourd’hui, nous devons éviter de renouveler l’erreur de ne pas impliquer les pouvoirs locaux, que nous avons commise pour la période 2000-2010. C’est pourquoi, outre le service dédié aux Roms et les ONG, il conviendra de les impliquer véritablement. »

La Roumanie entend, par ailleurs, participer à la démocratisation des pays de l’ensemble des Balkans, en appuyant notamment leur participation aux processus d’intégration européenne et euro-atlantique. La question des Balkans occidentaux demeure, aux yeux du président roumain, une question de sécurité nationale. M. Băsescu est, à cet égard, vigilant, à la préservation dans ces pays de l’identité religieuse, linguistique, culturelle et ethnique de leurs minorités nationales.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a, pour sa part, interrogé M. Băsescu sur les difficultés que rencontre la Roumanie pour intégrer l’espace Schengen :

«La France et l’Allemagne se sont déclarées défavorables à l’adhésion de votre pays à l’espace Schengen, en mars prochain, soulignant les carences constatées en Roumanie, comme en Bulgarie, en matière de contrôle des flux migratoires et de lutte contre le trafic de stupéfiants et d’armes. Ces fortes réserves ne paraissent pas, aux yeux des deux gouvernements, de nature à remettre en cause le principe d’une adhésion à moyen terme de la Roumanie à l’espace Schengen.

Monsieur le Président, quelles sont les intentions de votre gouvernement au vu des difficultés évoquées par la France et l’Allemagne ? Pensez-vous que votre pays pourra répondre de manière satisfaisante à ces interrogations avant l’été 2011 ? »

Le président roumain lui a répondu :

« La Roumanie a une très brève réponse à vous faire pour le moment. Mais, nous pourrions vous fournir une réponse plus détaillée.

La Roumanie a rempli ses obligations au titre de son adhésion à l’espace Schengen. Notre approche est parfaitement conforme au Traité d’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne. Ce traité d’adhésion est un acquis communautaire pour tous les États membres de l’Union européenne. En conséquence, si un État se retrouvait avec des obligations supplémentaires, quelques semaines à peine avant la prise de décision, cela créerait un précédent dangereux. Voilà pour le principe.

Par ailleurs, je pourrais vous prouver, statistiques à l’appui, que la formulation de votre question n’est pas fondée. La Roumanie se bat contre la corruption partout, le long de ses frontières et ailleurs. Je vous citerai deux chiffres : au cours des quatre dernières années, en Roumanie, 51 officiers des douanes et plus de 120 officiers de police des frontières ont été arrêtés et jugés. »

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UMP) a, quant à lui, interrogé le président roumain sur la situation économique de son pays :

« Votre pays a connu jusqu’en 2009 plusieurs années de croissance liées tout autant au dynamisme de votre économie qu’à l’impact de l’adhésion à l’Union européenne. Force est de constater qu’à l’instar de l’ensemble du continent européen, la Roumanie est aujourd’hui confrontée à un ralentissement certain de son activité : 23,4 % de la population roumaine est en situation de grande précarité et 33 % des Roumains sont confrontés à des privations matérielles graves. Quelle est la position de votre gouvernement à ce sujet ? »

M. Băsescu a souhaité rappeler les efforts entrepris par son pays depuis deux ans : 

« Je ne suis pas tout à fait d’accord avec les chiffres mentionnés. Plusieurs mesures ont été élaborées et appliquées en 2010. Je vous demande de bien vouloir prendre en considération qu’en Roumanie, 90 % des maisons sont des propriétés privées. Pouvez-vous me dire quel en est le pourcentage en France ?

Entre 2004 et 2008, la Roumanie a connu un bond économique qui a été suivi d’une croissance négative en 2009 et 2010. Pour 2011, il y a un espoir de relance économique. La croissance économique résultait d’un encouragement excessif de la consommation et d’un boom immobilier.

Par la suite, la Roumanie a voulu mettre l’accent sur le développement durable. Des mesures très dures ont été mise en place pour trouver des sources d’investissement. L’année dernière, nous avons baissé de 25 % les salaires des fonctionnaires. Les retraites sont frappées d’un impôt de 5,5 %. L’âge de la retraite a été relevé de 62 à 65 ans pour les hommes et de 58 à 63 ans pour les femmes. Des mesures ont été adoptées pour élargir l’assiette fiscale. Nous avons procédé également à une réforme de la retraite des militaires.

On pourrait nous accuser de ne pas respecter la dimension sociale de l’Europe. Mais, il est indispensable d’avoir un bon système de production en Roumanie si nous ne voulons pas emprunter pour payer les prestations sociales. »

I. DÉBAT D’URGENCE SUR LA SITUATION AU BÉLARUS SUITE À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

L’annonce des résultats des élections présidentielles en Biélorussie a été suivie dans le pays d’une vague de violences, d’intimidations, d’arrestations massives et de persécutions d’opposants, de journalistes et de défenseurs des médias. 600 personnes ont ainsi été emprisonnées, les perquisitions et la répression perdurant près d’un mois après le scrutin.

Ces violences sont en partie liées aux affrontements qui se sont déroulés à Minsk, entre des les forces de l’ordre et des milliers de manifestants de l’opposition, dans la foulée de la publication des résultats du scrutin. Au terme de celui-ci, M. Alexandre Loukachenko a été réélu président pour la quatrième fois, avec près de 80 % des suffrages. En dépit de certaines améliorations spécifiques, l’OSCE a relevé, dans son rapport d’observation des élections, que celles-ci ne répondaient pas aux critères internationaux. La moitié des opérations de dépouillement n’ont, ainsi, pas respecté le principe de transparence.

Le 12 janvier dernier Comité des ministres a appelé, dans une déclaration adoptée à l’unanimité, au respect des libertés politiques et demandé aux autorités biélorusses de lui fournir des explications supplémentaires sur les conditions d’arrestation des opposants et des journalistes.

Suite au débat d’urgence organisée après l’exécution de deux détenus en mars 2010, l’Assemblée parlementaire a adopté, en avril dernier, la résolution 1727 (2010) aux termes de laquelle elle avait décidé de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau entre elle et les autorités bélarusses.

La résolution adoptée à l’occasion de cette partie de session confirme ce gel des discussions et invite le Bureau de l’Assemblée à ne pas lever la suspension du statut d’invité spécial au Parlement bélarusse jusqu’à ce qu’un moratoire sur l’exécution de la peine de mort ait été décrété par les autorités locales et que des progrès tangibles en matière de respect des droits de l’Homme aient été enregistrés sur place.

J. DÉBAT D’URGENCE SUR LA SITUATION EN TUNISIE

L’Assemblée a tenu à rendre hommage, au cours de cette partie de session, au courage et à la détermination du peuple tunisien en vue de renverser le régime autoritaire du Président Zine el-Abidine Ben Ali. Elle reconnaît par ailleurs la part de responsabilité de l’Europe dans le maintien de l’ancien régime.

Si la commission des questions politiques salue les premières mesures annoncées par le gouvernement provisoire, elle appuie le souhait des Tunisiens de voir mise en œuvre rapidement une démocratisation complète de la société.

A cet égard, M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – NC), intervenant au nom du groupe PPE, a insisté dans son intervention sur le rôle des femmes dans le combat tunisien en faveur de la démocratie :

« Je me réjouis, en tant que président honoraire de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, dont la Tunisie est un membre fondateur, de la transition démocratique qu’est en train de vivre ce pays à la suite de la « révolution du jasmin ».

Mon rôle au sein de cette assemblée m’a fait rencontrer, depuis longtemps, des parlementaires tunisiennes. Le niveau d’éducation des femmes et de l’ensemble de la population tunisienne est très élevé, comme vous le savez. Aussi, la Tunisie, qui jouit d’une situation à part au sein des pays arabes, a-t-elle de nombreux atouts pour devenir une démocratie à part entière.

La société tunisienne a une vision très éclairée de l’islam, et l’on pourrait dire, en quelque sorte, même si ce n’est pas tout à fait juste juridiquement parlant, que la Tunisie est un État laïc. En effet, la société tunisienne est fortement laïque et cette sécularisation s’explique notamment par les droits des femmes. Le divorce est autorisé, la polygamie est interdite. En quelque sorte, la transition démocratique qu’est en train de vivre la Tunisie, sous nos yeux, s’explique aussi en partie par les droits des femmes.

Fortement scolarisées, ayant le droit de disposer de leurs biens et de divorcer, les femmes tunisiennes ont amorcé une transition démographique qui les amène naturellement vers la recherche de davantage de droits politiques et sociaux, au nombre desquels le droit de choisir librement ses représentants.

Les manifestations pacifiques qui ont réclamé le départ du Président Ben Ali étaient composées autant d’hommes que de femmes. Sans faire de généralisation excessive, il apparaît néanmoins que les deux atouts de la Tunisie vers une transition démocratique pacifique sont la sécularisation de la société et l’égalité juridique entre les hommes et les femmes. Un exemple à méditer.

Je soutiens entièrement le projet de résolution qui rappelle que la Tunisie, bien que n’étant pas dans l’espace européen, peut néanmoins profiter, si elle le souhaite, de l’expertise du Conseil de l’Europe en matière d’observation des élections, voire d’élaboration de règles constitutionnelles permettant l’émergence d’un État de droit à part entière, grâce à la Commission de Venise dont elle est partie.

Je présente tous mes vœux au peuple tunisien pour la réussite de la « révolution du jasmin » vers l’établissement d’une démocratie durable. C’est le moment de soutenir le peuple tunisien par tous les moyens à notre disposition pour que cette révolution d’aspiration à la démocratie soit un véritable succès sans qu’elle ne se solde par la perte d’un équilibre économique et social.

C’est la raison pour laquelle le groupe PPE soutient, bien entendu, ce texte »

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR), intervenant au nom du groupe GUE, a, quant à lui, insisté sur la nécessité, pour la Tunisie, de déposer une demande pour obtenir le statut de partenaire pour la démocratie de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe:

« Je félicite la rapporteure pour son excellent travail et la remercie des propos qu’elle a tenus au sujet du rôle d’Internet et des nouvelles technologies, par lesquels elle a ouvert notre débat.

Au nom de mon groupe, je me réjouis, comme elle, que ce puissant mouvement populaire tunisien, la « révolution du jasmin », se conclue par une véritable victoire du peuple tunisien et de sa jeunesse. Ils ont effectivement réussi à chasser Ben Ali, celui qui a dirigé la Tunisie d’une main de fer. A la tête d’un régime dictatorial corrompu et mafieux, il a instrumentalisé les institutions pour se maintenir et dans l’intérêt d’un clan, un régime qui n’a cessé de pratiquer la violence d’État, une dictature féroce et criminelle qui n’a pas hésité à tirer à balles réelles sur son peuple.

On comprend aisément que les Tunisiens ne veuillent plus non seulement de Ben Ali, de sa famille, de son clan, mais encore du régime lui-même, de ses structures, du RCD et de l’ensemble de ses dirigeants. On comprend fort bien que certains pourraient et devraient être traînés en justice pour leurs crimes. Le mandat d’arrêt international qui vise Ben Ali devrait être étendu à certains membres de son clan.

Rien ne sera plus comme avant en Tunisie, quelle que soit l’issue de ce puissant mouvement populaire. C’est effectivement une révolution, une révolution politique : le peuple tunisien a manifestement fait le choix de la démocratie. C’est tout un peuple qui aspire à des changements réels, avec l’opposition politique et sociale. Le Parti communiste français, dont je suis membre, soutient, depuis l’accession au pouvoir de Ben Ali, l’aspiration du peuple tunisien à la démocratie. Sans cesse, il s’est tenu aux côtés et à l’écoute de tous les partis d’opposition tunisiens pour réclamer la libération des opposants, pour réclamer la libération des journalistes.

Nous, Conseil de l’Europe, devons accompagner les Tunisiens dans leur recherche démocratique, sans ingérence, en offrant une aide strictement technique pour élaborer des règles en vue de la tenue d’élections libres et la mise en place d’institutions démocratiques. À ce titre, il convient d’encourager la Tunisie à présenter rapidement une demande pour obtenir le statut de partenaire pour la démocratie de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

J’ajouterai quelques mots sur l’attitude de la France. En soutenant totalement, de façon permanente, ce régime dictatorial et illégitime, la France s’est déconsidérée et décrédibilisée. En réponse à une question que je lui ai posée à l’Assemblée nationale, le 11 janvier dernier, Mme Alliot-Marie, la ministre française des affaires étrangères, a dit, exaltant au passage l’expertise française, qu’elle proposait à la Tunisie une coopération en matière de techniques de répression, peut-être pour aider le régime de Ben Ali à se maintenir. Cette réponse était proprement scandaleuse. L’important, aujourd’hui, est que toutes les forces démocratiques de mon pays soient aux côtés de la révolution tunisienne. Il faut néanmoins se demander pourquoi la Tunisie de Ben Ali a pu conserver si longtemps, en France et même en Europe, une image positive malgré l’oppression bien réelle du peuple. Est-ce dû au statut égalitaire des femmes, au niveau élevé d’éducation, à l’importance du tourisme ? Cette question mérite d’être posée, comme bien d’autres, car cela n’explique pas à soi seul le soutien de l’Occident à un régime despotique.

L’autoritarisme, l’omnipotence des services de sécurité, la violence d’État, l’absence de démocratie et d’État de droit, le mépris des libertés et la répression anti-syndicale sont des réalités partagées par bien des pays, pour ne pas dire dans l’ensemble du monde arabe, même si elles se manifestent sous des formes particulières selon les pays.

Le vent de liberté qui a soufflé sur la Tunisie est peut-être né à El Ayoun où, dès le mois d’octobre 2010, plus de 20 000 personnes manifestaient pacifiquement, avant la répression policière du 8 novembre, et exprimaient le désir du peuple sahraoui de se libérer de l’oppression marocaine.

Notre groupe considère que le printemps démocratique tunisien ne constitue que les prémices des évolutions démocratiques à venir au Maghreb et au Machrek. Il conviendrait d’y revenir lors de notre prochaine session. »

La commission appelle de ses vœux des processus similaires de transition démocratique dans les autres pays de la région. Elle rappelle, par ailleurs, que le statut créé en juin 2009 de « partenaire pour la démocratie » offre un cadre complet pour la mise en place d’une coopération entre les parlements nationaux de la région et le Conseil de l’Europe.

M. Francis Grignon (Bas-Rhin – UMP) a insisté, à cet égard, dans son intervention, sur l’opportunité que représentait la révolution tunisienne pour la mise en œuvre effective de la stratégie euro-méditerranéenne du Conseil de l’Europe :

« Je dois vous dire que j’ai été très choqué par les propos tenus par mon collègue communiste du Parlement français, M. Lecoq. Rassurez-vous cependant, je n’aurai pas l’indélicatesse de vous imposer un débat franco-français. Ce n’est ni le lieu ni l’heure.

Je veux simplement remercier Mme Brasseur pour ce projet de résolution, auquel j’adhère sans réserve. En avril dernier, alors que le nouveau statut de partenaire pour la démocratie venait d’être créé, nous débattions du rôle que l’Assemblée parlementaire pourrait jouer en Méditerranée et de la stratégie qu’elle devrait adopter à l’égard de cette région. Le rapporteur du texte, notre collègue Denis Badré, soulignait alors combien la stabilité et la paix en Méditerranée sont essentiels à la stabilité et à la paix en Europe. Nous avions donc décidé de renforcer notre coopération avec nos partenaires méditerranéens et de nouer avec eux un dialogue politique, centré sur les questions de démocratie, de droits de l’Homme et de primauté du droit.

Je me félicite que nous honorions aujourd’hui, au travers de ce débat d’urgence, les engagements que nous avions pris il y a quelques mois ; j’en profite pour saluer les visites du président de notre Assemblée au Maroc et en Tunisie en décembre dernier et ce mois-ci.

Compte tenu de l’orientation méditerranéenne que nous avons retenue, il était important que nous puissions manifester notre solidarité avec le peuple tunisien. Les évènements de Tunisie prennent, en effet, une résonance très particulière au sein de notre Assemblée.

D’abord, parce que le soulèvement populaire a clairement démontré les aspirations du peuple tunisien à la démocratie et à un changement profond. Il témoigne de la force des valeurs que notre Assemblée essaye de défendre et promouvoir.

Ensuite, parce que cette « révolution du jasmin » est porteuse de nombreux espoirs, en particulier celui d’une contagion démocratique dans l’ensemble de la rue arabe. Certains commentateurs ont parlé d’une « chute du mur de Berlin » dans le monde arabe. De fait, on constate que les effluves du jasmin semblent se répandre peu à peu dans d’autres pays du Moyen-Orient, en particulier l’Égypte. J’espère que la raison l’emportera sur la répression.

Enfin, parce que la mobilisation tunisienne vient conforter, si cela était nécessaire, la stratégie euro-méditerranéenne que nous avons adoptée l’an dernier. Notre Assemblée peut clairement jouer un rôle en faveur des pays riverains de la Méditerranée. Nous avons aujourd’hui l’occasion de mettre notre expertise à disposition du peuple tunisien, afin que la transition démocratique se déroule dans le calme, sans qu’aucune goutte de sang soit encore versée.

Les différentes conventions du Conseil de l’Europe, l’expertise de la Commission de Venise et le dialogue avec notre Assemblée peuvent contribuer à aider le peuple tunisien à faire rimer liberté avec égalité. D’ici quelques mois, peut-être, la Tunisie pourra-t-elle, elle aussi, faire acte de candidature au statut de partenaire pour la démocratie, afin que la dégradation des libertés publiques, la corruption et les difficiles conditions sociales qu’elle a connues ces dernières années restent à tout jamais un lointain souvenir.

Pour conclure, j’espère vivement que la résolution à laquelle j’adhère pleinement permettra d’aider concrètement et rapidement nos amis tunisiens dans leur quête de la démocratie. »

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) est, quant à lui, revenu, dans son intervention, sur le calme relatif dans lequel s’est déroulée la transition démocratique :

« L’Assemblée, c’est vrai n’est pas une enceinte dans laquelle « on lave son linge sale en famille ». A mon tour de dire combien j’ai été choqué par les attaques portées contre la France par notre collègue Jean-Paul Lecoq. Je regrette qu’à l’époque où ses amis étaient au pouvoir, ils niaient ce qu’il a dit.

Il faut être très prudents. Les pays européens ne le sont pas toujours. La corruption profite à un certain nombre de banques, y compris en Europe.

Je voudrais féliciter Mme Brasseur pour la qualité de son rapport très objectif et assez complet, compte tenu du peu de temps qui lui était imparti.

Je me réjouis du choix qu’ont fait les Tunisiens, avec la « révolution du jasmin » d’opter pour une transition pacifique – j’espère qu’elle va le rester – vers la démocratie.

Il faut naturellement condamner les quelques débordements qui ont suivi le départ du Président Ben Ali, dont il n’est pas certain qu’ils n’aient été que l’œuvre de pillards mus par la cupidité et l’intérêt personnel. Certains ont pu reconnaître des affidés de l’ancien président souhaitant, en instaurant la peur et le chaos, créer une situation de désordre pour faciliter un éventuel retour des anciennes autorités.

Mais on ne peut que se réjouir, de manière générale, que la transition vers la démocratie s’effectuera de manière pacifique et responsable.

Le Conseil de l’Europe, eu égard à son niveau d’expertise en matière de démocratie et de protection des droits de l’Homme, pourrait, si la Tunisie en fait la demande, être un partenaire efficace pour la transition démocratique.

La Commission de Venise, dont la Tunisie est partie, pourrait comme le suggère avec justesse le rapport, apporter son expertise technique.

La situation tunisienne doit être un exemple à suivre pour les pays qui souffrent encore de régimes dictatoriaux, dans la mesure où la transition démocratique se fait de manière pacifique, du fait de la sagesse du peuple tunisien.

Je tiens à souligner que le soutien apporté par les chancelleries occidentales dans leur ensemble au régime de Ben Ali avait pour principales raisons que son régime apparaissait garantir l’égalité des droits entre les hommes et les femmes et qu’il se présentait comme un rempart contre l’intégrisme religieux. Néanmoins, si le régime de Ben Ali a bien été un rempart contre les groupes fondamentalistes structurés, il n’a pas empêché une islamisation rampante de la société, que l’absence de perspectives économiques et politiques a, à l’inverse, encouragée.

Cependant, le haut niveau d’éducation des Tunisiens et le statut des femmes tunisiennes sont des atouts indéniables pour que cette transition démocratique ait lieu en douceur.

Le mandat d’arrêt international lancé contre l’ancien Président Ben Ali est un signal positif.

Je crois en l’évolution démocratique de la Tunisie et je la souhaite. Encourageons le peuple tunisien qui a fait ce choix courageux ! »

La résolution adoptée par l’Assemblée invite les autorités tunisiennes à respecter les souhaits de la population et à accélérer la libéralisation du pays. Les libertés politiques doivent, à ce titre, être garanties, la peine de mort abolie. Le texte encourage les autorités tunisiennes à intensifier la coopération avec le Conseil de l’Europe en adhérant notamment aux instruments juridiques ouverts aux non-membres. L’appui de la Commission de Venise au cours de la révision constitutionnelle à venir est de surcroît indispensable. Une coopération avec le Conseil sur les questions relatives à la justice, au développement durable, à la culture et à l’éducation est également envisagée.

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

A. LA PROTECTION DES SOURCES D’INFORMATION DES JOURNALISTES

La confidentialité des sources d’information des journalistes a toujours été envisagée comme une des conditions sine qua non de la liberté de la presse. Ce principe est néanmoins battu en brèche par la possibilité pour les gouvernements de contrôler des nouveaux moyens de communication, qu’il s’agisse des télécommunications mobiles ou des nouvelles technologies. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme invite pourtant les États membres à garantir dans leur législation ce droit à la protection des sources, comme en témoigne l’arrêt Sanoma Uitgevers BV c/ Pays-Bas, rendu en septembre dernier. 

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC), intervenant au nom du groupe socialiste, a souhaité insister lors du débat sur la nécessité de préciser les contours de ce droit pour le rendre inattaquable :

« En tant qu’orateur au nom du Groupe socialiste, je souhaiterais dans un premier temps prendre l’exemple de la France qui, pour se conformer aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, a inscrit le principe de la protection des sources des journalistes dans la loi.

La question sous-jacente à celle de la liberté de la presse est celle de la société de confiance. Or la loi française du 4 janvier 2010, qui inscrit le principe de la protection des sources des journalistes dans le texte de la grande loi du 29 juillet 1881, relative à la liberté de la presse, ne répond aux impératifs de conformité à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qu’a minima.

Le groupe SRC, à l’Assemblée nationale, avait en l’occurrence déposé une motion d’irrecevabilité du fait de l’absence de garanties et, en quelque sorte, de confiance, accordées aux journalistes.

Le flou juridique qui s’est dissipé, pour une part, au cours des débats, faisait craindre que le principe de la protection du secret des sources ne soit de fait vidé de sa substance au regard des exceptions que le texte proposait.

Seule subsiste la question de la non-protection du secret des sources au regard de «l’impératif prépondérant de droit public» qui, s’il est repris de la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l’Homme, n’en reste pas moins imprécis et ne permet pas une véritable garantie du secret des sources des journalistes.

C’est donc une loi davantage fondée sur la défiance que sur la confiance. Le rapport met en exergue que le journal Le Monde a porté plainte pour violation du secret des sources dans l’affaire Bettencourt. Or la loi du 4 janvier avait déjà été votée.

La protection des sources des journalistes permet aux « chiens de garde » de la démocratie d’effectuer leur travail d’information du public en toute confiance. Elle est bien cette « pierre angulaire », selon l’arrêt Goodwin.

Le projet de recommandation, auquel je souscris, n’est peut-être donc pas suffisamment ambitieux eu égard aux enjeux d’une société de confiance.

J’ai, en effet, été frappé par le succès de WikiLeaks et la confiance quasi-aveugle que les citoyens ont accordée aux informations diffusées sans qu’un travail préalable d’analyse ait été effectué.

Il est donc temps de restaurer la confiance en accordant un véritable statut à la profession de journaliste qui passe par le principe de la protection du secret des sources pour qu’une information de qualité et d’investigation, digne de ce nom, soit permise.

À ce titre, pour que le principe de la protection des sources ne soit pas vidé de sa substance, il nous appartient d’en préciser les contours et notamment de poser une claire limite à ses possibles violations.

Aucun secret protégé ne devrait être ainsi empêché d’être dévoilé à condition qu’un autre droit fondamental, tel que le respect de la vie, de la vie privée, ou de la dignité humaine, ne soit bafoué.

En outre, devrait figurer dans les textes de loi, le fait de ne pas utiliser les moyens actuels en termes de nouvelles technologies pour essayer d’identifier les sources à l’insu des journalistes, sauf à ce que la vie d’un ou plusieurs citoyens ne soit réellement en danger.

Mes chers collègues, la société de confiance est le terreau sur lequel se construit la démocratie. Pour que la tyrannie de la transparence ne devienne pas une réalité, permettons que le contrôle citoyen des journalistes puisse être une réalité effective. »

M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – NC) a, quant à lui, mis en garde contre la dérive liée à la transmission d’informations brutes, reprenant l’exemple de WikiLeaks :

« Je tiens à saluer le travail remarquable effectué par notre collègue au sujet de la protection des sources des journalistes. La question est d’autant plus d’actualité que les gouvernements démocratiques sont aujourd’hui confrontés à des phénomènes de diffusion de l’information, non contrôlés du fait des possibilités offertes par les nouvelles technologies de l’information.

À cet égard, j’ai été particulièrement ému par le phénomène WikiLeaks qui ne peut, à mon sens, s’apparenter à du journalisme.

D’une part, l’obtention illégale d’informations ne saurait justifier au nom de la liberté de la presse le principe « la fin justifie les moyens ». D’autre part, à supposer que ces informations eussent été utiles, il aurait fallu qu’elles soient filtrées, analysées, médiatisées, au sens premier du mot, c’est-à-dire passées par le filtre d’un médium qui les rendent présentables au public, même si elles ont été publiées sur des hebdomadaires de grand tirage.

L’information brute est dangereuse. Sortie du contexte, elle peut conduire à des contresens de lecture. La médiation de l’information n’a pas d’autre objet que d’analyser, passer au laminoir de l’esprit critique le matériau brut. Comparable au travail de l’historien qui sait donner du sens aux traces laissées par le passé, le journaliste réordonne le présent, pour qu’il prenne sens sous nos yeux.

Quelle valeur un télégramme diplomatique diffusé à des fins stratégiques particulières peut-il avoir en dehors de toute contextualisation ?

Le risque, c’est que le remède ne devienne le mal que l’on voulait extraire. La transparence absolue peut vite se transformer en tyrannie des apparences et faire naître suspicions et théories du complot. Protéger les sources des journalistes ne doit donc pas conduire à donner un chèque en blanc à toutes les formes de diffusion de l’information.

La protection du secret des sources des journalistes doit avoir pour corollaire l’analyse de ces sources, le recoupement des informations et l’absence de diffusion de secrets protégés par la loi, tels que les secrets médicaux et judiciaires, à des seules fins sensationnelles.

Il va de soi que la presse, parce qu’elle est le quatrième pouvoir, je dirai même le quatrième pilier de la démocratie, ne saurait s’abstraire de ses responsabilités.

Un code déontologique doit permettre de trouver un équilibre entre garanties accordées à la profession et respect de certains secrets lorsqu’ils s’apparentent à de la diffamation.

Encourager l’ensemble des pays membres du Conseil de l’Europe à se doter d’une législation protectrice est un progrès indéniable en termes d’État de droit. Cela ne saurait néanmoins être synonyme d’une licence absolue. C’est pourquoi il importe que la transparence et la diffusion de l’information soient encouragées au même titre que la protection du secret des sources des journalistes. C’est pourquoi la protection du secret des sources doit avoir pour corollaire l’adoption d’un code déontologique permettant un équilibre des pouvoirs.

C’est parce que l’équilibre des pouvoirs est la garantie de leur bon fonctionnement qu’il faut éviter que la protection des sources ne s’apparente à un chèque en blanc démocratique. »

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes – UMP) a, quant à elle, rappelé l’introduction récente dans le droit français de normes garantissant la confidentialité des sources :

« Je tiens à saluer le travail courageux et très intéressant de notre collègue Morgan Johansson. La protection du secret des sources des journalistes est aujourd’hui, dans une société démocratique, le corollaire de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.

Je soutiens les conclusions du rapporteur qui préconise que les États membres du Conseil de l’Europe qui ne l’auraient pas encore fait se dotent d’une législation protectrice dans ce domaine. Pour autant, la liberté de la presse et la protection du secret des sources des journalistes ne sauraient être un blanc-seing donné aux médias.

Des affaires récentes ont souligné, notamment en France, des violations commises en toute impunité, du secret médical, voire du secret judiciaire. Apparemment, la profession ne s’est pas sentie liée par la déontologie inhérente à sa fonction. Dans une résolution que j’ai présentée en vertu de l’article 34-1 de la Constitution française, j’ai mis en exergue le paradoxe qu’il y avait à violer un secret protégé par la loi alors même que la représentation nationale venait de voter une loi protégeant le secret des sources des journalistes.

La loi du 4 janvier 2010, suivant en cela la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, vient de consacrer le principe de la protection du secret des sources des journalistes. Progrès indéniable en termes de respect de l’État de droit, elle précise le droit au silence d’un journaliste même lorsqu’il est porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources, ou lorsque celui-ci est entendu comme témoin.

En outre, des garanties particulières sont apportées en cas de perquisition : seul un magistrat peut en ordonner une et le journaliste présent lors de la perquisition peut s’opposer à la saisine d’un document qui sera alors placé sous scellé fermé.

Cette loi, respectueuse de la liberté de la presse et de l’information, légitime le travail d’investigation des journalistes pour révéler la vérité dans le souci d’une information fiable au public. Nous gardons tous en mémoire les révélations faites par Émile Zola sur l’affaire Dreyfus, celles des journalistes du Washington Post sur l’affaire du Watergate et la tirade du Figaro de Beaumarchais selon laquelle « sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ».

Cependant, lorsque le journalisme se confond avec la presse à sensation en divulguant des secrets médicaux ou judiciaires, peut-on toujours parler de liberté de la presse ? Critiquer les abus de cette presse ne remet pas en cause la légitime protection du secret des sources ni la nécessité d’étendre cette protection à l’ensemble des pays membres.

Si la profession ne fait pas preuve d’une plus grande déontologie, elle dévalorise le principe du respect du secret des sources. Critiquer l’absence de déontologie de certains journalistes vise seulement à rappeler que l’abolition de la censure et la protection du secret des sources des journalistes sont les fruits de longs combats et qu’une attitude opportuniste ne saurait les compromettre. Nous devons toujours respecter les droits fondamentaux de l’individu : la dignité et le respect de la vie privée. »

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a, quant à lui, rappelé la nécessité de bien définir les exceptions au principe de confidentialité :

« A mon tour, je félicite M. Johansson pour la qualité de son rapport, qui touche à un point extrêmement important pour nos démocraties : protéger l’indépendance du journaliste et, donc, le fait qu’il puisse refuser de dévoiler ses sources.

Cela me paraît effectivement très important, car on comprend bien que si les sources sont révélées, elles se tarissent. Par conséquent, pour avoir un journalisme qui nous apporte quelque chose, il faut assurer cette protection.

À cet égard, la France a récemment renforcé sa législation en protégeant, en particulier, le domicile des journalistes. C’est un progrès par rapport à la législation antérieure qui se contentait de protéger les salles de presse. Nous avons finalement une législation qui est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et, même si certains pouvaient avoir des craintes, le texte adopté par le Parlement français donne, je pense, satisfaction.

Reste le problème que soulève le rapporteur : celui des exceptions.

C’est bien ce qui pose problème, car on voit tout de suite que cette question des exceptions ne doit pas nous amener à vider de sens la portée du principe général. On trouve toujours des exemples pour démontrer qu’il peut être intéressant de lever l’interdiction de révéler les sources. Pour autant, je me méfie parce que, si l’on oblige, dans des cas très particuliers et très graves, le journaliste à révéler ses sources, ces sources ne vont plus exister et le phénomène d’alerte pour des cas graves disparaîtra. Je pense que l’on risque d’y perdre quelque chose.

À ce sujet, nous devons être extrêmement stricts. J’admets cependant qu’il puisse y avoir des exceptions et je partage les conclusions du rapporteur dans son article 5 du projet de recommandation, mais il faut vraiment qu’il s’agisse de domaines bien spécifiques et strictement encadrés. C’est vraiment en toute dernière extrémité qu’il faut recourir à ces exceptions.»

Mme Arlette Grosskost (Haut-Rhin – UMP) a, de son côté, souligné la nécessité de bien définir le statut du journaliste en vue de conférer plus de sens aux normes qui les protègent :

« Oui, la protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse.

Le projet de recommandation qui invite les États membres qui ne l’auraient pas déjà fait à se doter d’une législation protégeant les sources des journalistes me semble donc être un progrès réel en termes d’État de droit. Et nous le soutenons vivement !

Néanmoins, ce projet met également en évidence une question qui mérite d’être discutée par l’Assemblée : la définition du statut du journalisme.

Les révélations faites par WikiLeaks qui ont ému l’opinion publique et les gouvernements peuvent interroger : sont-elles le fait de journalistes ? Les moyens technologiques actuels ne brouillent-ils pas les frontières en termes de définition du journalisme ?

En 2008, après une première législation datant de 1993, le Garde des sceaux français a fait voter une loi réglementant à nouveau le secret des sources. Deux innovations sont alors apparues : la fin du secret de l’instruction avec le maintien du secret professionnel.

La protection des sources des journalistes est nécessaire en ce qu’elle permet un véritable journalisme de qualité. Elle ne peut néanmoins être absolue. La liberté est certes un droit constitutionnel, mais il apparait évident qu’un journal qui publierait des informations pouvant compromettre, par exemple, l’arrestation d’un terroriste commettrait une faute et encourrait des sanctions pénales.

M. Johansson cite le cas de Guillaume Dasquié placé en garde à vue après avoir écrit dans Le Monde que les services français étaient au courant des plans d’Al Qaeda visant à détourner un avion.

Publier une telle information n’est-il pas commettre un délit qui porte atteinte aux intérêts de la défense nationale ?

La loi française du 4 janvier 2010 consacre le principe de protection du secret des sources des journalistes uniquement lorsque ceux-ci exercent leur mission d’information au public.

A contrario, il apparaît donc que la pratique du journalisme amateur n’est en rien couverte par la protection de la loi.

Doit-on élargir le statut des journalistes ou à l’inverse garder une définition restrictive de la profession de journaliste ?

Une définition trop large, couplée aux progrès technologiques d’information, risquerait, en effet, de mettre à mal le secret des sources par une utilisation abusive et sous aucun contrôle des informations qui en sont issues, avec la crainte de voir les jeunes démocraties réticentes à une trop grande liberté de la presse, se réfugier derrière cet argument pour éviter d’accorder une protection légale au secret des sources.

Par ailleurs, la protection des sources ne doit pas non plus conduire à dévoiler n’importe quel secret au risque de conduire à une forme de «tyrannie » de l’opinion publique.

C’est pourquoi je soutiens le projet de recommandation soumis à notre Assemblée en ce qu’il me semble particulièrement équilibré.»

Mme Claude Greff (Indre-et-Loire) a, à cet égard, souligné que la protection des journalistes devaient s’insérer dans une réflexion globale sur l’équilibre des pouvoirs :

« Je tiens à saluer le travail de notre collègue Morgan Johansson relatif à la protection des sources des journalistes.

Néanmoins, si je salue l’adoption par la France de la loi du 4 janvier 2010 qui permet de graver le principe de la protection des sources des journalistes dans le marbre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, je m’interroge sur quelques passages du rapport qui ne sont heureusement pas dans le projet de recommandation.

En premier lieu la définition de la profession de journaliste. Les nouvelles technologies ont fait apparaître une myriade de nouveaux acteurs de l’information qui ne sont pas pour autant des journalistes.

Les récentes révélations par le site WikiLeaks qui ont alimenté la blogosphère, mais également les quotidiens nationaux, sont là pour en témoigner.

Le statut protecteur du journaliste a pour corollaire une déontologie professionnelle, pendant des droits qui le protège.

Donner une définition restrictive du journaliste serait alors dangereux en termes de démocratie. La transparence absolue sans le filtre nécessaire de l’esprit critique a pour conséquence une méfiance absolue envers les institutions et nourrit la défiance des citoyens envers leurs représentants qui contribuent à l’affaiblissement de la politique.

Il ne faut pas mésestimer le pouvoir négatif que les medias actuels peuvent avoir dans la confiance que les citoyens accordent notamment au monde politique et le fait qu’ils contribuent plus généralement à l’affaiblissement même de la politique.

Que l’on ne se méprenne pas ! Ce n’est ni la liberté de la presse ni la liberté d’opinion que je condamne, elles sont pour moi le soubassement même de l’édifice démocratique, ce que je condamne, c’est la presse à sensation, le pouvoir des images et la recherche absolue d’une performance à l’Audimat qui, à défaut d’informer, désinforme, à défaut d’informer, dénigre, enfin, à défaut d’informer, diffame.

C’est donc « d’une main tremblante » qu’il faut toucher au statut du journaliste.

Protégeons donc les sources des journalistes pour que le journalisme d’investigation, de réflexion soit possible, mais regardons de près le statut du journaliste pour que le statut d’exception en quelque sorte que cela suppose soit équilibré par un code déontologique fort.

Protégeons donc les sources des journalistes pour qu’en quelque sorte l’immunité de la profession soit compensée par une éthique sans faille.

La presse est aujourd’hui le quatrième pouvoir ! Il ne faudrait pas qu’à trop la protéger, elle ne devienne le premier au détriment de ceux qui ont été élus légitimement pour représenter les citoyens.

C’est l’équilibre des pouvoirs qui est la garantie d’une démocratie saine dans laquelle la crainte de chacun des pouvoirs crée l’équilibre institutionnel et la modération chère à Montesquieu, l’auteur français de l’Esprit de lois qui, je vous le rappelle, a contribué à la rédaction de la constitution française de 1791, notamment en promouvant le principe de la séparation des pouvoirs. »

La recommandation adoptée par l’Assemblée parlementaire insiste sur le fait que la divulgation d’informations permettant d’identifier une source devrait être limitée à des situations exceptionnelles. Celles-ci se caractérisent par la mise en danger d’intérêts publics ou privés vitaux.

Par ailleurs, les États membres qui ne disposent pas d’une législation garantissant aux journalistes le droit de ne pas divulguer leurs sources d’information sont invités à adopter de telles mesures.

Au-delà de la question des sources, M. Arne König, président de la Fédération européenne des journalistes (FEJ), invité à intervenir au cours du débat, a insisté sur les menaces qui pèsent encore en Europe sur la sécurité des journalistes. 94 meurtres les concernant ont ainsi eu lieu en 2010 sur le continent européen. M. König a notamment insisté sur le cas de la Turquie où un journaliste a été assassiné l’an dernier alors que 58 de ses collègues sont actuellement détenus.

Les lois de certains États membres sur le contrôle des médias, le président de la FEJ citant expressément la Hongrie et la Roumanie, sont également source d’inquiétude. La concentration des médias nécessite aux yeux de M. König, une vigilance accrue, l’intervention de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe étant, à cet égard, attendue.

M. König a enfin insisté sur la crise que traversait le journalisme en général, confronté à des problèmes de financement et miné par une tendance à céder aux sirènes du sensationnalisme.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – SRC) a, à ce titre, souligné que l’adoption d’un texte sur la protection des sources demeure insuffisante si la liberté d’expression continue à être menacée :

« Je tiens à remercier notre collègue pour l’excellent rapport qu’il vient de faire.

Je souhaiterais en particulier souligner l’importance qu’il y a pour l’ensemble de pays membres du Conseil de l’Europe à consacrer le principe de la protection du secret des sources des journalistes.

La liberté de la presse et de communication est la clef de voûte des institutions démocratiques. « Quatrième pouvoir » ou pilier a-t-il été dit, l’information libre permet la constitution d’une opposition qui puisse être crédible et critiquer ouvertement la politique menée par la majorité.

Il faut défendre l’idée qu’il est toujours absolument possible de critiquer la politique d’un État.

La récente loi hongroise sur les medias met en exergue l’actualité de la question de la protection de la liberté de la presse dans les pays du Conseil de l’Europe.

En France, récemment, plusieurs affaires ont révélé les pressions faites sur des journalistes en garde à vue pour qu’ils dévoilent le secret de leur source au nom d’un impératif plus grand que la liberté de la presse, la sécurité d’État. La sécurité d’État, la raison d’État ou son autre synonyme, la sûreté d’État, ont toujours été des prétextes pour censurer la libre information.

En quoi révéler au grand public que les services secrets français avaient pu informer au préalable le gouvernement américain de la préparation d’éventuels attentats sur le territoire des États-Unis avant que ne survienne le 11 septembre 2001 était t-il attentatoire à la sûreté nationale ?

En quoi les révélations de WikiLeaks ne devraient-elles pas bénéficier de la protection du secret des sources au même titre que les autres formes de diffusion de l’information ?

En quoi le mandat d’arrêt international qui a visé Julian Assange n’est-il pas une instrumentalisation de la justice pour faire cesser la diffusion d’informations embarrassantes pour les diplomaties internationales ?

En quoi est-ce criminel d’avoir mis au grand jour la double rhétorique des États sans que leurs ressortissants ne soient menacés ?

En quoi l’utilisation des nouvelles technologies de l’information ne pourrait-elle pas être garantie de la même manière que les sources classiques d’information ?

Le mérite de ce rapport est de ne pas se limiter à une analyse de l’existant, mais à l’inverse de soulever les questions qu’implique la protection du secret des sources des journalistes.

Sans liberté absolue de la presse l’État de droit ne peut être garanti.

Sans liberté absolue de la presse nous sommes dans une société de défiance et non plus dans une société de confiance.

Sans liberté absolue de la presse, enfin, la transparence inhérente à l’esprit démocratique ne peut permettre le contrôle citoyen des institutions.

Pour répondre aux condamnations récurrentes de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme, le législateur a voté la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources du journalisme qui reconnaît le principe du secret des sources.

Néanmoins si cela semble a priori un progrès de l’État de droit, la loi aurait pu être davantage protectrice du secret des sources, notamment eu égard aux moyens d’investigation qu’offrent les nouvelles technologies de l’information.

En outre, dans cette loi, la définition donnée des journalistes qui pourront bénéficier de la protection du secret des sources reste restrictive. Seuls ceux exerçant une activité régulière et rémunérée, donc en un sens, considérés comme professionnels, pourront en bénéficier. Certes, sans construire un statut d’exception du journaliste, la question, eu égard aux possibilités offertes par les nouvelles technologies, mérite d’être posée.

Émile Zola lorsqu’il publie « J’accuse » dans le Journal l’Aurore le 13 janvier 1898 eut-il alors été considéré comme un journaliste au regard de la loi ou comme un écrivain usant de sa notoriété pour mettre sa plume au service de la liberté ?

Inciter les pays membres du Conseil de l’Europe à se doter d’une législation protectrice des sources est un premier pas vers la construction d’un État de droit solide mais cela reste insuffisant si le principe affiché dans la législation reste en deçà des objectifs attendus : permettre la liberté d’expression la plus large possible pour que souffle l’esprit de démocratie et de transparence sur l’ensemble de nos institutions.

L’affaire WikiLeaks nous démontre que des informations brutes peuvent aussi être digérées et analysées par un peuple éduqué. Je me méfie des informations prédigérées par des experts. L’éducation pour tous fait partie aussi de nos valeurs. »

B. LE SUIVI DES ENGAGEMENTS CONCERNANT LES DROITS SOCIAUX

Le Conseil de l’Europe dispose de deux instruments – la Charte sociale européenne adoptée en 1961 et la Charte sociale européenne révisée de 1996 – en vue d’atteindre les objectifs de renforcement de la cohésion sociale qu’il s’est assignés pour l’ensemble du continent. La crise économique actuelle renforce la nécessité, pour la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, de défendre les droits sociaux.

Elle juge, à cet égard, indispensable de faire le point sur la mise en œuvre des deux Chartes. Le texte adopté invite ainsi les États membres à ratifier la Charte sociale européenne et notamment le Protocole additionnel de 1995 qui prévoit un système de réclamations collectives. Dans le cadre de cette procédure, les syndicats internationaux, les organisations internationales non gouvernementales ayant un statut consultatif auprès du Conseil de l’Europe ainsi que les syndicats nationaux et les organisations nationales non-gouvernementales des États qui ont ratifié le protocole peuvent porter plainte. Les réclamations sont contrôlées par le Comité européen des droits sociaux. S’il considère qu’il y a une violation de la Charte sociale, le Comité des ministres invite l’État concerné au moyen d’une résolution à rétablir la situation. A l’heure actuelle, seuls 14 États membres, dont la France, ont ratifié ce texte.

La résolution insiste également sur la nécessaire entrée en vigueur du Protocole d’amendement de 1991, dit Protocole de Turin, destiné à renforcer les pouvoirs du Comité des droits sociaux. A l’heure actuelle, seuls 23 États, dont la France, ont ratifié ce texte, qui ne peut dès lors entrer en vigueur.

Si ce Protocole ne devait pas être ratifié par l’ensemble des États membres d’ici le renouvellement partiel du Comité européen des droits sociaux en 2013, l’Assemblée invite le Comité des ministres à adopter les mesures pour que 9 des 15 membres du Comité européen des droits sociaux soient élus par l’Assemblée parlementaire. Cette disposition est prévue par le Protocole de Turin.

Aux yeux de Mme Christine Marin (Nord – UMP), une telle élection permettrait de renforcer un peu plus le rôle politique de l’Assemblée parlementaire :

« La célébration en 2011 du cinquantième anniversaire de la Charte sociale européenne et le quinzième anniversaire de la Charte sociale révisée sont une occasion pour notre Assemblée parlementaire d’engager les pays membres du Conseil de l’Europe à ratifier ces deux chartes.

La crise économique a mis en évidence la fragilité de nos sociétés et la nécessité de promouvoir un « modèle social européen ».

Protéger les droits sociaux fondamentaux, c’est renforcer la cohésion sociale fragilisée dans les moments de crise économique et identitaire. C’est une question de bon sens, qui dépasse l’affrontement des blocs gauche-droite.

Si 43 membres du Conseil de l’Europe ont ratifié la charte, seulement 14 ont ratifié le protocole additionnel de 1995, qui prévoit la possibilité de réclamations collectives par les organisations non gouvernementales et syndicales. Ces éléments sont essentiels pour que la société civile puisse s’exprimer au travers de procédures légales et non, comme souvent, par des manifestations.

De plus, l’Assemblée parlementaire pourrait être davantage sollicitée pour suivre plus activement les engagements en matière de droits sociaux.

Le point 5 du projet de résolution me semble être une proposition très intéressante. Le projet de réforme du Conseil de l’Europe a pour objectif de renforcer les liens entre le processus parlementaire et le processus intergouvernemental. En effet, le suivi des engagements sociaux, eu égard à son importance, doit faire l’objet d’un contrôle par notre Assemblée.

Le Traité de l’Union européenne, tel que modifié par le Traité de Lisbonne, fait explicitement référence à la Charte sociale européenne.

Dans le cadre de la complémentarité entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, le suivi des engagements sociaux est l’occasion d’un partenariat entre les deux institutions.

L’avantage de la Charte sociale européenne est sa grande souplesse. À ce titre, elle propose un socle de droits sociaux fondamentaux, ce qui facilite le consensus pour son adoption.

Aussi la Charte sociale européenne est-elle un modèle suffisamment consensuel pour promouvoir un « modèle social européen ».

C’est donc une chance pour notre Assemblée de profiter de la célébration de l’adoption de la Charte pour mettre en place ces partenariats et le suivi qui renforcera le rôle politique de l’Assemblée parlementaire. »

C. LES POLITIQUES DE PRÉVENTION EN MATIÈRE DE SANTÉ DANS LES ETATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE

La commission des questions sociales, de la santé et de la famille constate la permanence d’inégalités notables en matière d’accès à l’éducation et à l’information sur la santé, ainsi qu’aux soins, sur l’ensemble du continent européen. Dans le même temps, les sociétés européennes sont confrontées à de nouveaux défis sanitaires, qu’il s’agisse de l’obésité, du traitement des maladies cardiaques, du cancer, du diabète ou des problèmes de santé mentale. Le vieillissement de la population européenne n’est pas, non plus, sans incidence sur les politiques publiques de santé.

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP), intervenant au nom du groupe PPE, a tenu à insister sur l’aspect transversal des questions de santé :

« Au nom du groupe PPE, je soutiens le projet de recommandation dans la mesure où il propose d’orienter davantage les politiques de santé sur la prévention que sur l’aspect curatif. À ce propos, je ferai poliment remarquer à Mme la rapporteure que la France aussi pratique systématiquement la prévention en matière de cancer du sein, de l’utérus et du côlon.

Outre les économies possibles en termes de coût, l’intérêt de cette réforme réside dans la possibilité de ne pas considérer la santé sous son seul aspect médical. Dans son ouvrage « Némésis médicale », Ivan Illitch a mis en évidence la notion de contre-productivité. Ivan Illitch démontre qu’à un seuil critique de développement, le système médical, au lieu d’assurer le bien-être des patients, génère des pathologies.

Sans vouloir se focaliser sur l’actualité médicale, le scandale du Mediator illustre bien la thèse d’Ivan Illitch, puisque les défaillances de l’industrie pharmaceutique se trouvent à l’origine de décès ou d’accidents médicaux.

Le rapport propose une approche transversale des questions de santé. En effet, on ne peut pas considérer les questions de santé du seul point de vue médical. La mauvaise alimentation, les scandales sanitaires, la pollution ont des effets pathogènes sur notre santé. Une approche exclusivement curative ne serait pas efficiente en ce qu’elle considérerait la question de la santé uniquement en aval, alors que la santé n’est que la conséquence sur l’homme de son environnement.

Appliquer le principe de précaution revient donc, dans une certaine mesure, à prévenir, en agissant sur notre environnement, la survenue des maladies. Favoriser une action en amont implique donc de traiter les questions de santé en liaison avec la politique agro-alimentaire, les questions de développement durable...

L’autre aspect de la prévention passe par une meilleure information de tous, notamment des personnes défavorisées sur leur droit à la santé.

Dans nos mondes globalisés, la maladie ne peut se percevoir, comme un élément isolé, du fait de la possibilité de pandémies. La responsabilité de tous est engagée, la question revêt donc une importance politique, du fait de la libre circulation des personnes.

Paradoxalement, c’est notre hyper-développement qui nous oblige à repenser les questions de santé à l’aune de la prudence et de la prévention, car le danger pour la santé de l’homme n’a plus une origine naturelle mais anthropique.

Comme je le rappelais ici devant vous, mes chers collègues, lors du débat sur le réchauffement climatique, l’ensemble de ces questions est lié et nous conduit à repenser clairement notre modèle de développement. »

La recommandation adoptée par l’Assemblée invite les États membres à définir des normes minimales en matière d’accès aux soins de santé, notamment en ce qui concerne les migrants. Les politiques de prévention doivent, parallèlement, être intégrées dans des stratégies de réduction de la pauvreté. Le texte insiste, en outre, sur la nécessité d’établir un dialogue constructif avec la Commission européenne afin de renforcer la solidarité en matière de santé.

La recommandation préconise, par ailleurs, un certain nombre de mesures concrètes allant de la promotion d’une culture sanitaire dans les médias à la valorisation des activités sportives, en passant par l’appui aux cours d’éducation sexuelle. L’impératif de réduction des coûts liés aux systèmes de santé doit parallèlement conduire à une réflexion alternative sur la nature des dépenses en la matière.

D. POUR UNE LONGÉVITÉ POSITIVE : VALORISER L’EMPLOI ET LE TRAVAIL DES SENIORS

La commission des questions sociales, de la santé et de la famille constate que les sociétés européennes contemporaines sont marquées par l’apparition de préjugés visant les populations plus âgées, pouvant aller même jusqu’à des violences physiques.

M. Denis Jacquat (Moselle – UMP), rapporteur du texte, a, dans sa présentation, résumé les enjeux du vieillissement de la population sur le continent européen :

« Dans un contexte de vieillissement de la population en Europe, notre commission a examiné, sous l’angle des droits de l’Homme, le rôle joué par les seniors dans la société. Les politiques en faveur d’un vieillissement actif appellent des mesures dans divers domaines. Celles-ci sont tout particulièrement nécessaires dans les domaines de la discrimination fondée sur l’âge, la protection sociale, l’assouplissement des conditions de travail, l’apprentissage tout au long de la vie, la promotion de la santé et le volontariat. L’âgisme est moins reconnu que le racisme ou le sexisme.

C’est pourtant un préjugé qui porte atteinte à la personne. La discrimination fondée sur l’âge est souvent inconsciente. Elle constitue un gigantesque gaspillage de talents. Notre Assemblée a rappelé à diverses reprises qu’il faut, d’urgence, codifier la manière de traiter le vieillissement et adapter les politiques en conséquence. Le Comité des ministres a d’ailleurs approuvé l’une de nos recommandations à ce sujet.

De nombreuses personnes en âge d’apporter une contribution active à la société sont soit au chômage, soit inactives, particulièrement les plus de cinquante ans. La mondialisation et l’intensification de la concurrence affectent l’environnement professionnel et la qualité du travail confié aux travailleurs seniors.

Après la retraite, les seniors continuent à contribuer à la société en tant que citoyens et donc consommateurs mais l’absence d’informations précises sur leur contribution économique renforce les stéréotypes sur l’improductivité et la dépendance des seniors. Des politiques en faveur d’un vieillissement actif supposent des mesures dans divers domaines outre celui du marché du travail.

Notre Assemblée doit, à cette fin, encourager les États membres à examiner les orientations suivantes : adopter des lois interdisant la discrimination fondée sur l’âge et supprimer les obstacles du marché de l’emploi pour doter les seniors des capacités d’entrer, de rester ou de retourner dans le monde du travail en fonction de leurs capacités et de leur volonté de travailler ; mettre en œuvre des programmes qui incitent les employés comme les employeurs à envisager le vieillissement actif sous un angle positif ; analyser l’impact de la mondialisation et des récessions économiques et proposer des mesures pour empêcher que les travailleurs seniors qui perdent leur travail ne deviennent des chômeurs de longue durée ; promouvoir des mesures visant à améliorer la qualité du travail flexible pour les seniors en leur permettant d’occuper des postes moins éprouvants ; permettre un passage progressif vers la retraite ; adopter une vision globale du parcours de vie et prendre des mesures préventives afin de renforcer l’employabilité de la main-d’œuvre à mesure qu’elle vieillit, par exemple des mesures en faveur de la santé au travail ; utiliser le potentiel des technologies de l’information et de la communication pour élargir les possibilités d’emploi et de formation des seniors, notamment handicapés ; élaborer des politiques de santé proactives qui mettent l’accent sur la promotion de la santé, la prévention des maladies et le traitement des affections chroniques ; encourager le développement des activités bénévoles pour tous les groupes d’âge en renforçant la solidarité entre les générations ; encourager la ratification et la pleine mise en œuvre de la Charte sociale européenne et de la Charte sociale européenne révisée, dont les dispositions renforcent la protection des personnes plus âgées et des travailleurs seniors.

Récemment, le cycle de vie se divisait en trois grandes périodes : la jeunesse ; la période d’apprentissage ; la maturité, consacrée à la vie active. Aujourd’hui, la frontière entre les trois est devenue floue.

Tous ensemble, nous avons donné des années à la vie, il nous faut à présent donner de la vie à ces années. »

M. Francis Grignon (Bas-Rhin – UMP) a tenu, dans son intervention, à souligner le défi que représentait l’intégration économique des populations plus âgées :

« L’excellent rapport de notre collègue Denis Jacquat vient judicieusement démontrer que les réformes des régimes de retraites qu’ont connues ou que vont connaître un certain nombre de nos États ne sauraient être pleinement opérantes si elles ne s’accompagnent pas d’une réflexion sur l’emploi de ceux que l’on appelle communément les seniors.

Or, les personnes de plus de cinquante ans se retrouvent confrontées à de nombreux obstacles sur le marché du travail. Le terme de discrimination n’est à cet égard pas excessif. Les difficultés qu’elles rencontrent pour changer ou retrouver un emploi sont multiples.

Tout d’abord, le recrutement pose, pour l’entreprise, le problème des coûts salariaux directs et indirects, qu’il s’agisse de payer plus cher même si l’on paie des compétences découlant d’une expérience riche ou d’avoir à subir des absences pour maladie plus fréquentes et plus longues que chez les salariés plus jeunes. Ensuite, la crainte d’une productivité moindre que celle des plus jeunes. Enfin, la peur d’un blocage des progressions de carrière des salariés plus jeunes, la place étant occupée par un senior.

Ce qui est vrai pour l’embauche l’est également pour l’évolution des salaires, la formation et le maintien dans l’emploi.

De fait, sans dispositions législatives facilitant la mise en place de conditions spécifiques, de formation, de travail, de salaire, de fin de carrière et d’aménagement des rythmes de vie au travail pour cette catégorie donnée de la population active, les réformes des retraites ne permettront pas d’organiser efficacement et sereinement l’inéluctable vieillissement de la population active au travail.

La France a mis en place en 2010 un plan destiné à promouvoir l’emploi des seniors. Il comprend, me semble-t-il, plusieurs dispositions qui peuvent être pertinentes dans le cadre d’un échange de bonnes pratiques.

Je pense ici à la pénalité financière équivalente à 1 % de la masse salariale de toute entreprise ou groupe d’entreprise d’au moins cinquante salariés qui n’est pas couverte par un accord ou par un plan d’action relatif à l’emploi des salariés.

La création d’un contrat à durée déterminée « senior » permettant aux personnes recrutées de continuer de travailler au-delà de cinquante-sept ans et de compléter ainsi leurs droits à retraite fait aussi partie de ce dispositif.

Le plan encourage également le portage salarial, qui permet à une entreprise d’organiser et d’encadrer le travail de personnes négociant et réalisant des missions de conseil, d’expertise, d’assistance, de formation, avec un contrat de travail écrit.

Ces différentes mesures doivent s’intégrer, comme le propose le projet de résolution, dans une vision globale du parcours de vie et contribuer à renforcer l’employabilité de la main d’œuvre à mesure qu’elle vieillit.

Au-delà de la considération, qui passe par le regard de l’autre, et du véritable sentiment d’utilité, qu’une activité productive procure et qui est indispensable à un bon équilibre personnel, la croissance de nos économies passe également par ces évolutions, j’en suis persuadé. »

Répondant aux intervenants, M. Jacquat a souhaité insister sur les questions de dignité et d’employabilité, en appelant dans le même temps à s’intéresser plus particulièrement à la condition des femmes relavant de cette classe d’âge :

« Je remercie Mme Mósesdóttir pour son excellente analyse. Comme Mme Kovács, elle a mis particulièrement l’accent sur les problèmes liés à l’inégalité des retraites pour ce qui concerne les femmes. C’est un réel problème, qui vient de ce que, souvent, à la vie familiale se substitue la vie professionnelle. Quel que soit le type de système de retraite, qu’il s’agisse d’un système par répartition ou par capitalisation, la femme, il est vrai, perçoit de ce fait moins que l’homme.

Il convient donc, tout au long de la vie professionnelle, de prendre en compte la situation de la femme, étant tout de même précisé que davantage d’hommes s’occupent des tâches familiales qu’ils ne le faisaient auparavant.

Il n’en reste pas moins que le problème est réel et que c’est tout au long de la vie professionnelle qu’il nous faut lutter contre les inégalités touchant les femmes, faute de quoi ces inégalités se répercuteront sur les retraites.

Plusieurs personnes, dont Mme Kovács et Mme Blanco Terán, ont évoqué les activités bénévoles. Par définition, il s’agit d’activités non rémunérées, mais si elles devaient engendrer une rémunération, cette dernière donnerait lieu à cotisation, car sans rentrées financières, il ne peut pas y avoir de retraite.

Il y a donc un équilibre à trouver, étant entendu que de petites cotisations ne peuvent donner que de petites prestations. Ce problème appelle des analyses mais nous le rencontrons dans tous les pays.

S’agissant des compétences professionnelles dont à parlé M. Flego, elles demandent, puisque vous parliez antérieurement « d’âgisme », de faire preuve d’une extrême vigilance.

En fait, nous avons, d’un côté des retraités qui veulent partir, de l’autre, des jeunes qui veulent travailler mais qui souvent n’ont pas la formation adéquate. Puisque nous nous accordons tous à dire qu’il faut mettre fin aux retraites anticipées, il convient de retrouver un système de glissement, de retraite à la carte, offrant la possibilité aux personnes d’un certain âge de partir progressivement, et aux jeunes de rentrer sur le marché du travail en bénéficiant des conseils des plus âgés. Cela renvoie aux pratiques de monitorat, de tutorat, et de la formation en alternance. C’est une solution qu’il faut vraiment retenir et poursuivre car elle donne pleine satisfaction à tous.

Vous avez fait, M. Grignon, une excellente analyse des problèmes de l’embauche. S’agissant des problèmes rencontrés par les seniors, il a mentionné le Plan emploi seniors, mis en place en France. Il faut mettre en application de tels plans, mais sans oublier que l’on passe très souvent de la politique sociale à la politique politicienne et que, lorsque que l’on met en place un plan emploi seniors, ceux qui n’adhèrent pas à la politique gouvernementale, et cela vaut pour tous les pays, reprochent de vouloir faire travailler les vieux. Le plus terrible c’est, que sous ce vocable, ils parlent de personnes ayant à peine cinquante ans…

À M. Kallio, qui m’a félicité d’avoir cité la Finlande, je dirai que la Finlande, où je me suis rendu à plusieurs reprises, constitue un exemple pour tous les autres pays. Il y a vingt ans, en effet, alors que ses chiffres ne différaient guère des autres, elle a mis en place un vrai plan pour les seniors, et a obtenu des résultats exemplaires. J’irai jusqu’à dire que les Finlandais sont en la matière les meilleurs du monde ! J’invite donc tous mes collègues à s’inspirer de leur exemple que nous essayons d’ailleurs de reproduire en France. Je souhaiterais que l’esprit finlandais souffle dans mon pays, mais ce vœu laisse parfois mes collègues français quelque peu sceptiques.

M. Panteleev a parlé d’une vie digne et active des seniors. Je relève ce terme de « digne », qui est essentiel. Les personnes d’un certain âge doivent toucher des retraites décentes afin d’être en mesure de vivre dignement et non pas survivre. Quant au terme de « protection », M. Panteleev a demandé qu’il soit inscrit dans la Constitution.

M. von Sydow a évoqué un point que je n’avais pas abordé volontairement. En France, un député peut être âgé de plus de soixante ans, ce qui est mon cas – je reste encore actif et cela peut encore aller, me dit-on ! Mais on est parfois considéré comme trop vieux, il faut faire la place aux jeunes ! À l’occasion des dernières élections municipales dans ma ville, une campagne extrêmement violente a été menée pour rajeunir les candidats se présentant sur les listes. Des personnes plus jeunes se sont donc présentées. Le candidat qui a réalisé le meilleur score est né en 1929, le deuxième en 1951, le troisième en 1956, le dernier en 1972 ! Comme quoi, on a beau vilipender l’âge, c’est l’âge en l’occurrence qui a gagné, car, en réalité, les électeurs s’intéressent avant tout à la qualité du travail réalisé.

M. von Sydow, votre proposition m’a fait sourire intérieurement. À la suite de l’exemple personnel que vous avez cité, je me suis souvenu d’un vieux proverbe français qui dit : « Bon sang ne saurait mentir ». Être élu à plus de 80 ans, voilà qui est extraordinaire !

Mme Blanco Terán a évoqué le problème du niveau des retraites. Quand bien même nous n’aurions pas subi de crise, nous aurions rencontré des difficultés, du fait de la démographie. De plus en plus nombreuses sont les personnes qui vivent en bonne santé et de plus en plus longtemps. Par ailleurs, le taux de fécondité a tendance à baisser. Même si ce taux se relève lentement, nous connaissons donc un problème d’équilibre.

Enfin, je remercie M. Fronc, Lord Tomlinson et Mme Andersen pour leur contribution au débat.

Monsieur le Président, la commission des affaires sociales a travaillé de façon extrêmement assidue sur ce dossier, qui concerne tous les Européens, mais également le monde entier. »

La résolution adoptée par l’Assemble invite les États membres à adopter des lois interdisant la discrimination fondée sur l’âge et appelle dans le même temps à encourager le recrutement des seniors mais également leur participation aux activités bénévoles. Des politiques de santé, fondées notamment sur la prévention, doivent être mises en œuvre à destination des seniors.

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT

A. INTERVENTION DE M. AHMET DAVUTOğLU, MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGÈRES DE TURQUIE , PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES

L’intervention de M. Ahmet Davutoğlu, ministre des affaires étrangères de Turquie, devant l’hémicycle, était destinée à présenter le programme de la présidence turque à l’Assemblée parlementaire.

Le ministre des affaires étrangères a souhaité insister dans son intervention sur la volonté turque de replacer le Conseil de l’Europe sur le devant de la scène internationale, rappelant le côté innovant de l’Organisation et la nécessité de faire partager les idéaux du Conseil au-delà du seul continent européen. La présidence turque entend, à cet égard, accompagner les processus de reconstruction au Liban, en Irak, en Tunisie et au Kirghizstan.

M. Davutoğlu souhaite par ailleurs renforcer la complémentarité avec l’Union européenne, sur le fondement du Memorandum d’accord de 2007, au terme duquel l’Union européenne reconnaît le rôle de référence du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’Homme, de l’État de droit et de la démocratie. La signature, le 15 décembre dernier, dans le cadre du partenariat oriental de l’Union, d’une « facilité » entre le Secrétaire général du Conseil et le Commissaire à l’élargissement de l’Union européenne participe de cet effort. Cet accord prévoit l’octroi au Conseil de 4 millions d’euros afin de mettre en œuvre des projets multilatéraux en matière de normes électorales, de soutien de l'appareil judiciaire et de lutte contre la corruption et la cybercriminalité dans les six pays du Partenariat oriental (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Biélorussie, Moldavie et Ukraine).

Partageant les ambitions réformatrices du Secrétaire général, la présidence turque entend notamment accompagner la poursuite du processus d’Interlaken relatif à la Cour européenne des droits de l’Homme. Le Comité des ministres a ainsi approuvé la mise en œuvre d’une nouvelle procédure destinée à accroître l’efficacité et la transparence de la supervision des arrêts de la Cour. Dans le même temps, la mise en place d’un panel de sept personnalités appelé à évaluer les candidats à l’élection des juges auprès de la Cour devrait permettre de renforcer l’autorité et la respectabilité des magistrats désignés par l’Assemblée parlementaire. Une conférence à haut niveau sur l’avenir de la Cour devrait, par ailleurs, être organisée à Izmir en avril prochain. Elle devrait être notamment l’occasion d’aborder la question de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme.

Dans un deuxième temps, le ministre turc a souhaité témoigner de son inquiétude quant à la montée de l’intolérance et de la xénophobie sur l’ensemble du continent, exacerbée notamment par la crise économique mondiale. M. Davutoğlu a, à cet égard, sollicité l’aide d’un comité d’experts sur la question, chargé de rendre ses conclusions en mai prochain. Il entend également mettre en lumière les recommandations de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe (ECRI).

M. François Rochebloine (Loire – NC) a, dans le même ordre d’idées, interrogé le ministre turc sur les menaces concernant la liberté religieuse :

« Je souhaite revenir sur la déclaration du 20 janvier dernier du Comité des ministres, qui rappelle son attachement à la liberté de pensée, de conscience et de religion au moment où, dans plusieurs pays membres ou partenaires du Conseil de l’Europe, sont relevées des violations meurtrières de la liberté religieuse.

Aussi souhaiterais-je connaître les dispositions que le Comité des ministres compte prendre pour inciter les gouvernements de ces pays à manifester effectivement et solidement par des actes leur attachement à la garantie de cette liberté. »

M. Davutoğlu a tenu à rappeler dans sa réponse les actions déjà entreprises par le Comité des ministres dans ce domaine :

« Deux Déclarations ont été adoptées par le Comité des ministres : l’une, politique, au sujet du Bélarus, et l’autre, plus culturelle, et unanime, relative à la tolérance religieuse. Cette dernière vise à rappeler qu’on ne saurait accepter la violence religieuse et l’intolérance, non seulement en Europe mais également sur les continents voisins.

Des mesures ont été envisagées, mais elles doivent être précédées d’un engagement commun de bannir du continent les discriminations ou les extrémismes religieux. Je ne pense pas seulement à l’antisémitisme et à l’islamophobie, mais à toutes les discriminations contre des groupes religieux. Il convient que l’Europe devienne une zone de plein respect des droits.

Quatre ans après l’adoption de cette Déclaration, il convient de souligner les objectifs du Comité des ministres, visant notamment, à étendre nos valeurs dans le Bélarus. Il ne s’agit pas seulement d’une question culturelle. Les problèmes de nature politique ne peuvent que surgir en l’absence de respect. Il convient d’engager une démarche commune en matière de tolérance religieuse et de dialogue des civilisations. Tel est le défi le plus important que nous ayons à relever.

Avant la Déclaration, s’était tenue une réunion du groupe d’éminentes personnalités que j’ai déjà évoquées. Je suis personnellement l’avancée de leurs travaux. Ces intellectuels et personnalités politiques européens publieront un rapport en vue de la session ministérielle en mai, rapport sur lequel nous nous appuierons pour développer un plan d’action. Notre premier souci est de développer la perspective philosophique en matière de tolérance religieuse.

Il convient également de définir les problèmes et d’élaborer enfin le plan d’action que je viens d’évoquer. Il faut être constructif et prendre les devants, de peur que les situations ne dégénèrent. Il faut prévenir l’intolérance religieuse. »

L’Europe de l’Est et du Sud-Est est une priorité d’action pour la présidence turque, qu’il s’agisse des suites à donner au dernier scrutin présidentiel en Biélorussie ou des conséquences des élections législatives en Moldavie.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a, à cet égard, souhaité interroger le ministre sur la situation en Biélorussie :

« Le Conseil de l’Europe a entrepris, depuis deux ans, de renouer des liens avec le Bélarus. A l’aune des derniers événements, il apparaît que les signes de détente que notre Assemblée avait cru déceler en juin 2009 n’étaient que les fruits d’une entreprise de séduction de la part du Président Loukachenko, qui était décidé à s’affranchir de la sphère russe. Le Comité des ministres entend-il poursuivre sur la voie d’une normalisation des rapports entre notre Organisation et ce pays dont le régime est l’antithèse des valeurs que nous défendons ? »

Dans sa réponse, M. Davutoğlu n’a pas caché son scepticisme quant à l’évolution du régime en place :

« Le Bélarus a fait l’objet de discussions au sein du Comité des ministres et de l’Assemblée depuis plusieurs années. Le Belarus sait ce qu’il faut faire pour devenir « membre du club » et vous-même, Monsieur le Président, avez apporté votre contribution précieuse pour accélérer ce processus. Mais, après les élections du 19 décembre dernier, nous ne sommes pas optimistes. Il existait des problèmes auparavant, mais ils se sont accrus avec l’arrestation d’opposants au régime, de journalistes, d’intellectuels, arrestations purement politiques. C’est pourquoi nous interviendrons auprès des autorités du Bélarus pour qu’elles relâchent les opposants au régime emprisonnés.

Nous sommes, bien entendu, en faveur de l’intégration du Bélarus à l’Europe. Ce pays ne peut pas constituer une exception sur notre continent. Tous les pays voisins du Bélarus sont membres du Conseil de l’Europe. La dernière déclaration en la matière remonte à 2006. Cela montre l’importance accordée à cette question et le consensus au sein des États membres du Conseil de l’Europe concernant le Bélarus.

En tant que président du Comité des ministres, je mettrai tout en œuvre pour que ce pays respecte nos normes ou s’en approche. »

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) s’est, quant à lui, montré inquiet sur la question de la Transnistrie :

« Les efforts que le Conseil de l’Europe consent depuis des années pour contribuer à sortir la Moldova d’un conflit qui la mine ont commencé à porter leurs fruits. L’arrestation en Transnistrie et la condamnation très lourde du journaliste Ernest Vardanyan ont signifié l’éloignement de la sortie de crise. Monsieur le Ministre, le Comité des ministres a-t-il une position sur ce sujet ? »

Le ministre turc a rappelé le soutien du Conseil à la Moldavie en faveur du développement en son sein des valeurs démocratiques :

« Depuis l’adhésion de ce pays au Conseil de l’Europe en 1995, le Comité des ministres n’a cessé de redoubler ses efforts pour améliorer la protection des droits de l’Homme. Comme vous le dites, à juste titre, il y a eu des avancées positives récemment. Des élections ont été organisées ceci après une crise de plusieurs mois.

Mais, il y a encore un problème concernant l’élection présidentielle. Nous espérons que ce pays pourra régler ses problèmes politiques en se fondant sur les valeurs essentielles du Conseil de l’Europe. Toutes ces questions d’arrestations devront être appréhendées au travers du prisme de nos valeurs communes.

Nous soutiendrons toujours ce pays dans ce processus. S’il a besoin de notre aide, le Comité des ministres ne ménagera pas ses efforts. »

Le Kosovo comme la Géorgie suscitent également l’attention du ministre des affaires étrangères turc qui entend accompagner sur place de nouvelles initiatives en vue de faire respecter les standards en matière de droits de l’Homme.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-Maritime – UMP), président de la délégation, a souhaité interroger le ministre turc sur les conséquences financières de l’effort de réforme entrepris au sein de l’Assemblée :

« J’ai déjà eu l’occasion de vous questionner, à Antalya, lors de la réunion de la Commission permanente en soulignant que l’une des principales difficultés de notre institution consiste en un problème budgétaire. C’est particulièrement vrai pour notre Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. On nous demande de faire des économies. Avec le Secrétaire général, nous sommes en train de réformer notre institution. Peut-on avoir l’assurance que si nous parvenons à réaliser des économies, elles ne viendront pas en déduction des contributions des États, mais seront réinvesties dans le fonctionnement de notre institution ? Cela nous donnera davantage de courage pour réformer. »

M. Davutoğlu lui a répondu :

« Le budget est important pour l’exécution des arrêts, mais le principe de la mise en œuvre sur la base d’une croissance réelle zéro est partagé par la plupart de nos États membres y compris pour l’année 2011. Il doit donc être utilisé efficacement pour relever les défis de l’heure. Le Secrétaire général présentera en temps utile ses propositions en matière de priorités pour le premier programme couvrant la période 2012-2013. Il appartiendra, in fine, aux États membres de statuer en fonction du principe de croissance réelle zéro retenu. »

B. COMMUNICATION DE M. THORBJØRN JAGLAND, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE

M. Thorbjørn Jagland a souhaité en introduisant son propos rappeler la défiance des peuples à l’égard des institutions politiques, dans un contexte de crise économique qui contribue selon lui au réveil du nationalisme et du populisme. Le projet européen doit pourtant être en mesure de répondre aux menaces tant sociales que culturelles ou religieuses qui pèsent sur les sociétés du continent. Si l’Union européenne a évidemment un rôle à jouer, le Conseil de l’Europe est l’organisation la plus adaptée pour fédérer l’ensemble des pays du continent européen en vue de défendre les valeurs fondamentales.

Le Secrétaire général insiste à cet égard sur la nécessité de réformer le Conseil de l’Europe en vue de renforcer les instruments dont il dispose en vue de mettre en œuvre une État de droit commun à l’ensemble des pays du continent. Le Conseil de l’Europe entre dans une nouvelle phase, au cours de laquelle il doit s’attacher à consolider les normes qu’il a auparavant adoptées et veiller à leur mise en œuvre de part et d’autre du continent.

L’année 2010 a été marquée par la première étape de la réforme du Conseil de l’Europe. La présence extérieure a été réduite en vue de conférer plus de moyens aux programmes d’assistance. Le budget général de l’Organisation est simplifié et prévu pour deux ans. Il doit notamment permettre d’élaborer des priorités, sur la base de perspectives à long terme. Les dépenses afférentes aux personnels du Conseil ont, dans le même temps, été réduites.

La seconde étape de la réforme passe par une clarification des objectifs stratégiques du Conseil, la réunion ministérielle prévue en mai prochain devant à cet égard s’avérer décisive. La bonne application des normes adoptées fait figure de priorité. Pour le Conseil de l’Europe, la primauté du droit passe par le respect de la Convention européenne des droits de l’Homme et des autres instruments juridiquement contraignants mais aussi par le respect des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Par ailleurs, si le Conseil de l’Europe met l’accent sur la primauté du droit, celle-ci doit être combinée avec le respect de la démocratie et des droits de l’Homme. La primauté du droit suppose le maintien de la souveraineté du peuple, le droit du peuple à élire ses gouvernants et participer au contrôle du gouvernement.

M. Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais – SRC) a, à cet égard, souhaité interroger le Secrétaire général sur les valeurs fondamentales du Conseil :

« Monsieur le Secrétaire général, je vous avoue que j’aurais apprécié qu’une partie de votre intervention eût été prononcée en français !

Le Conseil de l'Europe fonde son action sur trois piliers : la démocratie, les droits de l’Homme et la prééminence du droit. Selon moi, trois autres domaines sont également essentiels pour l’avenir de l’Europe : la culture, l’éducation et la cohésion sociale. Quels sont vos projets les concernant ? »

M. Jagland a rappelé dans sa réponse le rôle du Conseil dans la diffusion d’une culture de la démocratie :

« Ces domaines font en effet partie intégrante de notre mandat mais nous devons, en premier lieu, examiner l’impact des programmes en cours. J’ai présenté, dans mon intervention, le rôle du Conseil de l'Europe. Il s’agit de diffuser en Europe une véritable culture de la démocratie, une culture du « vivre ensemble », comme je l’ai appelée. Dans ce contexte, l’éducation est évidemment très importante. Le Conseil de l'Europe doit s’efforcer de convaincre les États de remplir leurs différentes obligations. Il faut aussi communiquer avec les citoyens et les sensibiliser aux différentes problématiques européennes. »

Ce recentrage sur le cœur de métier du Conseil ne doit pas pour autant occulter la prise en compte dans ses travaux des problématiques liées au domaine social ou culturel. Le renforcement de la cohésion sociale sur le continent fait, à cet égard, figure de priorité.

Concrètement, la seconde étape de la réforme devrait permettre une révision des structures intergouvernementales du Conseil et notamment une réduction du nombre de comités intergouvernementaux qui s’élève à 60 à l’heure actuelle. Une diminution du nombre des programmes du Conseil est également envisagée.

C. LE SUIVI DE LA RÉFORME DU CONSEIL DE L’EUROPE

S’inscrivant dans la lignée de l’avis sur le budget et les priorités du Conseil de l’Europe adopté par l’Assemblée parlementaire en juin dernier et de son rapport sur l’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses 60 ans d’existence adopté en octobre 2009, la commission des questions politiques souhaite accompagner la réforme entreprise par le Secrétaire général du Conseil de l’Europe.

A l’heure où celle-ci entre dans sa deuxième phase, M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, rapporteur au nom de la commission des questions politiques, a souhaité préciser quelles étaient les attentes de l’Assemblée parlementaire à cet égard et présenté des pistes de travail :

« Monsieur le Président, puisque vous me donnez la parole, c’est avec beaucoup de plaisir que je la prends, d’abord pour remercier la commission des questions politiques et son président de m’avoir fait l’honneur de me nommer rapporteur sur un sujet aussi important puisqu’il vous concerne toutes et tous, ce sujet étant relatif à la réforme du Conseil de l’Europe.

Ce rapport fait suite à un rapport intitulé « l’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses 60 ans d’existence » voté à la quasi-unanimité il y a environ un an. Depuis, un nouveau Secrétaire général a été élu. Le mandat qui lui a été confié par notre Assemblée et par le Comité des ministres est très clair : il doit faire de véritables propositions pour voir comment nous pouvons réformer notre institution. J’ai la faiblesse de penser que si nous ne sommes capables de le faire ici dans cette Assemblée, d’autres risquent de s’en charger pour nous, notamment les gouvernements des 47 États, ce qui ne serait pas forcément une bonne chose.

Nous ne pouvons pas nous contenter de demander à notre Secrétaire général de faire une proposition de réforme. Nous devons accompagner ses propositions, mais nous devons aussi être capables de les précéder. Nous devons être véritablement une force de proposition.

Je tiens au passage à remercier les services du Secrétariat qui nous ont accompagnés dans notre démarche et qui ont effectué un travail exemplaire.

Nous souhaitons être une assemblée beaucoup plus politique et beaucoup plus souple. Nous souhaitons aussi que les États se réinvestissent au Conseil de l’Europe. On nous fait le reproche de ne pas être suffisamment lisibles, ni suffisamment crédibles, parce que nous nous dispersons beaucoup trop et que nous traitons d’un certain nombre de sujets qui ne sont pas forcément de notre compétence.

Monsieur le Président, j’ai, dans ce rapport, tenté d’évoquer tous les sujets, y compris ceux qui peuvent, éventuellement, contrarier un certain nombre de nos collègues. On ne m’a pas demandé de faire un rapport de complaisance, mais de mettre l’accent sur un certain nombre de dysfonctionnements. Il faut que nous ayons le courage de les évoquer et de faire des propositions.

Nous proposons ainsi de tenir un nouveau sommet. Il y a longtemps en effet que les chefs d’État n’ont pas tenu un sommet des pays membres du Conseil de l’Europe. Par ailleurs, on ne peut parler de réforme sans parler de la Cour européenne des droits de l’Homme. Je dois d’ailleurs remercier son président, M. Jean-Paul Costa, qui m’a longuement reçu. Il est tout à fait conscient, lui aussi, qu’aujourd’hui le Protocole 14 ne règle pas tous les problèmes que connaît la Cour. On insiste pour que la justice dans les 47 États membres soit beaucoup plus efficace. C’est le seul moyen pour alléger le fonctionnement de la Cour.

Je voudrais aussi que les ministres soient beaucoup plus présents. J’aimerais pouvoir en accueillir ici en fonction des sujets que nous traitons.

Nous souhaitons, bien évidemment, dans ce rapport, que nos relations avec l’Union européenne et le Parlement européen soient beaucoup plus fortes. Elles ne le sont pas assez aujourd’hui. Les deux institutions ont à cet égard des efforts à faire.

S’agissant du budget. Monsieur le Président, mes chers collègues, vous étiez comme moi hier dans l’hémicycle et vous avez donc entendu la déclaration de notre Secrétaire général et peut-être aussi la réponse qui m’a été faite à une question que je posais au président en titre du Comité des ministres. Nous n’avons pas beaucoup d’espoir de voir notre budget augmenter dans les années qui viennent. Nous devons donc être capables de faire des économies.

Je parle aussi dans ce rapport du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et là, j’ai l’impression d’avoir mis le doigt sur un sujet particulièrement sensible. J’avoue que je ne m’attendais pas à des réactions aussi épidermiques.

Je reprendrai ce qu’a dit ce matin Tiny Kox à propos de M. Marty : de temps en temps j’aimerais que les rapporteurs soient un peu mieux considérés. Le lobbying qui s’exerce dans les couloirs du Conseil de l’Europe n’est pas, pour le parlementaire que je suis, toujours facile à accepter.

Tout à l’heure, je répondrai bien évidemment à toutes les interventions, à toutes les questions. Mais, encore une fois, c’est à nous de prendre la mesure des réformes que nous souhaitons voir proposées et appliquées par le Secrétaire général du Conseil de l’Europe. Si nous ne le faisons pas, je serais tenté de penser que nous ne sommes pas forcément à notre place dans cette Assemblée, ce que je ne peux pas envisager, car pour travailler avec vous depuis de si longues années, je dois dire qu’il y a une qualité de travail absolument extraordinaire.»

Après une première étape destinée notamment à revitaliser le Conseil de l’Europe en tant qu’organe politique et organisation novatrice, à renforcer sa visibilité et concentrer ses travaux sur un nombre restreints de projets, la réforme du Conseil de l’Europe doit désormais, aux yeux du Secrétaire général, permettre de réviser son positionnement stratégique.

La commission des questions politiques souligne à cet égard, que le Conseil de l’Europe a vocation à assurer une « sécurité douce » fondée sur le respect des valeurs communes et destinée à participer à la construction d’une espace juridique et culturel commun et compléter de ma sorte l’OTAN, qui s’occupe des questions dites de « sécurité dure ».

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC) a tenu, dans son intervention, à mettre en perspective ce concept de « sécurité douce » avec la disparition programmée de l’Assemblée de l’Union de l’Europe Occidentale :

« Je tiens bien évidemment à féliciter le rapporteur, mon président de délégation, Jean-Claude Mignon, et à lui dire combien je partage en particulier son analyse sur le concept de « sécurité douce ».

L’apprentissage de la démocratie et de ses valeurs doit justement éviter le recours aux armes. Et c’est bien en réponse au « bruit des bottes » qu’est né le Conseil de l’Europe.

Pour autant, le concept de« sécurité douce » m’amène à mettre en exergue la disparition programmée de l’Assemblée parlementaire de l’UEO et du contrôle parlementaire des questions de défense qui y étaient inhérents.

Avant que les gouvernements ne prennent clairement la décision de mettre fin à l’UEO, le Président Mignon avait proposé de rattacher éventuellement les questions de sécurité au Conseil de l’Europe.

Un organe ad hoc eût pu, dans une certaine mesure, s’intéresser aux questions de sécurité douce qui, pour une part, faisaient partie du contrôle parlementaire exercé par l’Assemblée parlementaire de l’UEO. Les derniers rapports sur « les conflits gelés » ou le « nouveau concept stratégique de l’OTAN » en sont des exemples éloquents.

Cette question mérite d’être à nouveau soulevée.

Quelle action stratégique a le Conseil de l’Europe au sein de l’Europe ?

N’est-ce pas, outre la sauvegarde et la transmission des valeurs démocratiques et la protection des droits de l’Homme, la préservation de la paix sur le continent européen ?

N’est-ce pas la résolution des conflits par le droit plutôt que par les armes ?

N’est-ce pas l’ancrage des valeurs démocratiques et du respect des droits fondamentaux pour éviter que les tensions entre communautés, entre peuples, ne conduisent à l’irréparable ?

N’est ce pas tout simplement la prévention des conflits par une diplomatie des droits de l’Homme ?

S’intéresser aux questions de défense à l’aune de cette finalité entre alors entièrement dans le champ de compétence du Conseil de l’Europe.

Le travail du Conseil de l’Europe est donc parfaitement complémentaire d’un travail de contrôle parlementaire sur les questions de défense.

En tant que rapporteur du dernier rapport de l’Assemblée parlementaire de l’UEO sur le nouveau concept stratégique de l’OTAN, je tiens à souligner que les questions stratégiques englobent désormais les questions de prolifération des risques, au nombre desquelles le concept de sécurité douce.

Aussi me paraît-il important, au moment où nous parlons de la question de la réforme du Conseil de l’Europe, de discuter de l’ensemble des éléments qui sont parties de cette réforme.

Corrélativement à la disparition de l’Assemblée parlementaire de l’UEO, je souhaite également aborder la question du budget. La disparition de l’Assemblée parlementaire de l’UEO a été motivée non pour des raisons d’absence de pertinence, mais uniquement pour de basses considérations budgétaires.

La question budgétaire se pose à nouveau en ce qui concerne le Conseil de l’Europe.

La réduction drastique du budget me fait craindre, pour l’avenir, que non seulement le Conseil de l’Europe connaisse un sort similaire à celui de l’UEO, mais qu’également, au fil du temps, les réductions budgétaires nous obligent à renoncer à des secteurs d’activité cruciaux pour notre activité.

Les « écoles de la démocratie », budgétivores, sont menacées à terme, alors qu’elles jouent un rôle fondamental dans la transmission des valeurs démocratiques. »

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR) a, dans son intervention, précisé comment pourrait se traduire dans les faits le concept de « sécurité douce » :

« Je tiens à saluer le remarquable rapport de notre collègue Jean-Claude Mignon auquel je souscris entièrement. Il importe que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et, par conséquent, les représentants des peuples, dans leur diversité politique, puissent se prononcer sur la réforme en cours du Conseil de l’Europe. Par ailleurs, le recentrage des activités du Conseil de l’Europe sur les trois piliers – démocratie, État de droit et droits de l’Homme – me semble fondamental.

Je présenterai un point de vue qui, à première vue, peut sembler iconoclaste, mais il s’inscrit entièrement dans cette perspective.

Le but de notre Organisation, est, en quelque sorte, de rechercher le consensus et de ne pas exclure les membres qui pourraient ne pas respecter temporairement, les principes et valeurs du Conseil de l’Europe. L’exclusion d’un membre est donc interdite et l’inexécution des arrêts de la Cour, qui se traduit par des requêtes répétitives, est laissée à l’impéritie des négociateurs. De fait, si la condamnation d’un État par le Conseil de l’Europe a une force morale incontestable, elle reste lettre morte en termes d’amélioration de ses institutions démocratiques.

Mes convictions me portent, moi aussi, à élargir le périmètre du Conseil de l’Europe. La souplesse a des qualités, mais la force – j’entends par là la force de la politique – en a aussi, et menacer d’exclusion un membre qui ne se conformerait pas aux valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe pourrait se révéler une stratégie payante à long terme.

L’Union européenne a prévu aux articles 6 et 7 du Traité sur l’Union européenne, un dispositif de mise au ban d’un État qui ne respecterait pas les droits fondamentaux. Le Conseil de l’Europe, dont le cœur de métier consiste précisément en la protection des droits, ne pourrait-il pas s’en inspirer ?

Pourquoi ne pas imaginer un système plus contraignant de respect des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme lorsque des articles de la Charte, tels que ceux relatifs à l’intégrité physique, à la violation des principes démocratiques et à la dignité, sont systématiquement violés par un État ? Pourquoi accorder sans contrepartie un  statut de partenaire pour la démocratie à des pays qui ne respectent en rien les droits de l’Homme et qui obtiennent, de fait, à bon compte, un brevet de respectabilité démocratique ?

Par cette démonstration, je ne cherche pas à dire que je ne crois pas à l’action du Conseil de l’Europe, je cherche seulement, dans la perspective de la réforme, les moyens d’aller plus loin dans nos engagements contractuels pour construire une véritable Europe des droits de l’Homme.

Imaginons le poids qu’aurait notre institution sur la scène internationale si, au lieu de nous contenter de timides mises en garde, nous avions le pouvoir de contraindre un pays à adopter véritablement une culture démocratique, une culture de respect du droit et des institutions.

Les rapports de M. Marty nous offrent des exemples éloquents. Nous n’avons pas peur de dénoncer des crimes ni de nommer des dirigeants, actuellement en fonction, suspectés des pires exactions.

Au-delà du bruit médiatique, c’est le silence assourdissant des victimes qui doit nous guider dans notre œuvre de promotion des droits fondamentaux. Au-delà de l’agitation étatique, ce sont les valeurs de vérité et de justice qui doivent nous permettre de dénoncer les manquements aux valeurs fondamentales, au premier rang desquelles figure le droit à la vie. Au-delà des discours de dénonciation timides, c’est l’action qui doit primer pour que les valeurs du Conseil de l’Europe soient respectées.

La « sécurité douce », comme l’indique le rapport, ne signifie ni la mollesse ni l’inaction. » 

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a souhaité insister, dans son intervention sur la nécessité de réformer le Conseil de l’Europe pour éviter qu’il ne disparaisse :

« Merci, Monsieur le Président, et merci à Jean-Claude Mignon, pour ce rapport mais aussi pour l’initiative qu’il a prise, car c’est cela qui est important.

Nous sommes un certain nombre à avoir évoqué la disparition de l’UEO dans une indifférence presque générale et nous vivons ce syndrome, les premières causes invoquées ayant été austérité, rigueur et autres. Je rejoins M. Rouquet, qui disait que l’on entend le même discours à propos du Conseil de l’Europe. Nous avons donc peur que l’inéluctable se produise de la même façon.

C’est la raison pour laquelle, lorsque j’entends le Secrétaire général répéter - sans doute avec raison - qu’il faut remettre de l’ordre dans un certain nombre de choses, le seul argument financier et budgétaire ne me suffit pas. J’ai envie de savoir quel est le devenir du Conseil de l’Europe et quelles sont les perspectives que l’on va lui fixer.

En 1949, Churchill a dit et fait ce que l’on sait : bravo ! Quarante ans après, 1989, la chute du Mur de Berlin. Nous avons assisté à la libéralisation des pays de l’Est et vécu leur arrivée ici. Cela a été un grand moment et nous sommes encore sur cette vague porteuse. Mais maintenant, quelle va être la suite ? Je me pose deux questions, que j’aimerais retrouver au centre du dispositif : quel projet et quel périmètre ? Je commencerai d’ailleurs par évoquer le périmètre, même si j’inverse l’ordre des facteurs.

Quarante-sept États ! Mais j’ai envie de dire aujourd’hui que les problèmes de la Tunisie nous montrent qu’après avoir privilégié, dans la construction de l’Europe et du Conseil de l’Europe, les pays du Nord, ceux du Centre, et ceux de l’Est, nous nous sommes éloignés des pays du Sud et des pays d’Afrique.

Aujourd’hui, nous constatons que c’est dans ces pays que surgissent les problèmes. En Tunisie, en Algérie, au Maroc, en Libye, en Égypte, la mèche est désormais allumée ! Quelle relation allons-nous donc nouer avec ces pays désormais ? 

Quant à l’Asie centrale, ses pays réclament avec ardeur de participer aux travaux du Conseil de l'Europe. Nous devons donc redéfinir le périmètre de notre implication et de nos préoccupations. Il faut par ailleurs réaffirmer le rôle politique du Conseil de l'Europe. Les défis sociaux demandent une forte mobilisation, ainsi que la démocratie locale, qui doit être encouragée et préservée. Enfin, les conflits gelés doivent être au cœur des nouveaux enjeux du Conseil de l'Europe. »

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a, dans son intervention, souligné la nécessité de renforcer le Conseil de l’Europe et en particulier de l’Assemblée parlementaire :

« Je crois que l’ordre du jour et la qualité des rapports présentés lors de cette session montrent bien tout l’intérêt que présente notre Assemblée parlementaire. Le rôle qu’elle joue est sans doute insuffisamment visible, mai je crois que nous jouissons d’une vraie crédibilité.

Je voudrais remercier à mon tour Jean-Claude Mignon, le rapporteur de ce document sur la réforme du Conseil de l'Europe, pour ses propositions. J’estime que nous devons être extrêmement vigilants car, comme le disait à l’instant René Rouquet, l’expérience de l’UEO doit nous inciter à une certaine prudence et à ne pas considérer que notre existence est assurée à tout jamais, même si le rôle que nous avons joué est évidemment fondamental.

Les propositions de ce rapport vont selon moi tout à fait dans le bon sens et sont de nature à renforcer notre lisibilité au sein de cette Europe des 47 États que nous représentons.

Cette démarche passe par le renforcement de l’Assemblée parlementaire et par un travail plus étroit avec le Comité des ministres et avec le Secrétaire général.

La nécessité de renforcer le rôle de notre Assemblée est évidente. Nous nous souvenons tous des débats que nous avons eus pour la désignation du Secrétaire général. Même si je suis personnellement — et je crois que c’est un sentiment largement partagé — très heureux de cette désignation, ces débats ont montré que le rôle de l’Assemblée dans cette affaire avait été extrêmement limité par des dispositions qui n’avaient pas lieu d’être.

Je souscris volontiers aux propositions de René Rouquet sur la possibilité pour notre Assemblée de combler le vide laissé par l’UEO. Mais je m’inquiète du développement d’un certain nombre de structures concurrentes : je pense notamment à l’Agence des droits fondamentaux, créée par l’Union européenne, qui doublonne véritablement les travaux de notre Assemblée, avec moins d’envergure puisqu’elle concerne moins d’États. Cette structure, qui me semble très technocratique, ne fera qu’enlever de la lisibilité à l’ensemble des institutions.

Il faut y être attentifs et lorsque l’on parle du Congrès des pouvoirs locaux, il nous faut aussi comprendre que la multiplication des institutions ne favorise pas leur lisibilité, surtout lorsqu’elles s’occupent un peu des mêmes choses.

Je soutiens donc la proposition du rapport visant à recentrer les responsabilités de chacun. »

La question du renforcement du rôle de l’Assemblée parlementaire était également au cœur de l’intervention de Mme Marietta Karamanli (Sarthe – SRC) :

« Avec ce rapport de notre collègue Jean-Claude Mignon, nous entrons dans le cœur de la réforme du Conseil de l’Europe, qui rejoint les réflexions et propositions du Secrétaire général, M.Jagland.

Les propositions et recommandations du rapporteur couvrent un champ vaste et peuvent être malgré tout résumées autour de trois orientations majeures : rationalisation, coordination, impulsion.

Le sens général est clair : économiser nos forces pour être plus efficaces et encore plus présents dans ce qui est le cœur de notre action, la démocratie, l’élaboration et la consolidation de droits fondamentaux.

Je souhaiterais ajouter deux préoccupations à cette priorité.

J’ai déjà eu l’occasion de formuler la première au rapporteur dès mon arrivée dans cette Assemblée. C’est celle de notre propre poids, non au sens politique, mais au niveau de notre propre efficacité comme Assemblée parlementaire. Je pense en effet qu’il conviendrait d’évaluer l’impact des recommandations et résolutions formulées par notre Assemblée et d’examiner les moyens d’en améliorer la portée, la communication et le suivi.

L’idée est de comprendre comment cette législation, la plupart du temps non contraignante, contribue à réaliser un espace juridique européen et paneuropéen.

Peut-être cette suggestion a-t-elle déjà été formulée, par de nouveaux membres de l’Assemblée, qui seuls s’étonnent d’un fonctionnement établi de longue date. Néanmoins, dans un contexte où les États s’interrogent sur l’institution même, peut-être est-elle utile et peut-être pourrait-elle fournir l’occasion d’une discussion qui offrirait à la clef quelques progrès concrets ?

Je pense qu’il faudrait étudier, sur la période récente, l’impact qu’ont eu les recommandations, les résolutions et les avis de l’Assemblée, mais aussi les questions écrites et orales des membres de l’Assemblée et leurs échanges avec les parlementaires des différents États, sur l’évolution des législations et des pratiques démocratiques.

L’examen des outils de suivi, y compris informels et de communication entre l’Assemblée et les Parlements nationaux pourrait aussi former un axe d’examen et de propositions.

Ma seconde interrogation porte sur les moyens matériels dont dispose le Conseil. Sans moyens suffisants, le pouvoir de faire se restreint.

L’objectif de rationaliser ne doit pas être le prétexte à un rationnement. Les économies sont toujours en crise, les États veulent donc faire des économies et se demandent sur quel maillon de l’activité publique ils peuvent les faire porter. On constate cependant que l’Union européenne a créé sa propre agence, dont le budget est équivalent à celui de sa contribution au Conseil de l’Europe. Dans ces conditions, on ne peut manquer de se poser la question de la concurrence entre institutions et du désengagement.

Les propos se veulent généralement rassurants, mais les faits n’en sont pas moins là.

Face à ces défis, nous devons affirmer avec force, pour paraphraser Condorcet, que nous sommes là pour faire souffrir des inégalités et l’absence ou l’insuffisance de droit et libertés. »

Dans son rapport, la commission des questions politiques insiste notamment sur la question du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, appuyant sa réforme et invitant à rationnaliser son activité pour éviter toute redondance, notamment avec les travaux de l’Assemblée notamment. Elle appelle de ses vœux une réforme du financement du déplacement des membres du Congrès, actuellement à la charge du Conseil de l’Europe.

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC), par ailleurs président de la Chambre des pouvoirs locaux au sein du Congrès, a souhaité, dans son intervention, insister sur l’apport de cette institution au sein du Conseil de l’Europe :

« Mes chers collègues, oui, pour la tonalité générale du rapport de notre collègue Jean-Claude  Mignon. Oui, pour rechercher des économies. Oui, pour éviter des doublons. Oui, oui, et oui ! Mais permettez-moi de vous faire part de mon grand étonnement concernant la position de ce rapport sur le Congrès. Cette position va à l’encontre de tout ce qui a été dit et écrit par notre Assemblée parlementaire depuis plus d’un demi-siècle.

Dois-je vous rappeler, chers collègues, que notre Assemblée est à l’origine de la création du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux par ses travaux de 1953 à 1957, sous l’impulsion du Président Jacques Chaban-Delmas ? Nous avons mis en œuvre, avant tout le monde, le principe de subsidiarité au profit des collectivités territoriales.

En 1994, le sommet des chefs d’État et de gouvernement – avec le soutien de notre Assemblée – a institué les fondements juridiques du Congrès actuel.

En 2006, Peter Schneider, ancien président de l’Assemblée parlementaire, soulignait dans son rapport sur l’équilibre institutionnel du Conseil de l’Europe que nous avions besoin d’un Congrès dont le rôle devrait être encore renforcé. Il invitait le Comité des ministres à faire du Congrès cette institution, composée exclusivement de membres élus locaux et régionaux mais également à faire pleinement usage de son potentiel pour promouvoir la décentralisation des pouvoirs, à étendre l’autonomie locale en Europe et même à demander plus régulièrement l’avis du Congrès avant de prendre des décisions sur des sujets relevant de ses compétences. C’était en 2006, c’était hier.

Je m’étonne donc de ce revirement à l’égard du seul organe du Conseil de l’Europe qui représente la démocratie locale et régionale.

Pouvons-nous changer notre politique sur la base d’un paragraphe de cinq lignes, au détour d’un rapport sur la réforme du Conseil ? D’autant qu’aucun travail de consultation préalable n’a eu lieu ni avec les rapporteurs de l’Assemblée en charge du Congrès, ni avec le président du Congrès, ni avec les rapporteurs du Congrès sur la réforme. Aussi incroyable que cela puisse paraître, aucun travail de vérification des informations n’a été effectué, au point même qu’a été annoncé un chiffre totalement absurde sur le coût des indemnités de déplacement des membres du Congrès : onze fois supérieur à ce qu’il est en réalité !

Pourtant, le Congrès n’a pas attendu pour faire sa réforme. Celle-ci a été adoptée lors de sa session plénière d’octobre dernier et il eût été sage que le rapport le mentionne et le reflète dans ses projets de recommandation et de résolution.

Telles sont les raisons pour lesquelles, le Congrès étant ouvert au dialogue, je vous demande, mes chers collègues, au nom de la sagesse politique, de voter les propositions d’amendements qui vous seront soumises par notre collègue Alan Meale. »

Ces quatre amendements, destinés à modifier la rédaction de la résolution en vue de présenter de manière plus positive le rôle et le fonctionnement du Congrès, ont été rejetés.

Constatant une baisse de l’engagement des États membres, la résolution adoptée par l’Assemblée parlementaire insiste sur la nécessité de convoquer un sommet du Conseil de l’Europe en vue de conférer une nouvelle impulsion politique à l’Organisation. Le texte souligne que la réforme engagée ne doit pas aboutir à une diminution des domaines de compétence et du rôle politique du Conseil de l’Europe. Les questions liées à la culture, à l’éducation, à la cohésion sociale et aux migrations s’inscrivent toujours dans le périmètre du Conseil et participent de la création d’un espace paneuropéen commun de droit.

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes – UMP) a, à cet égard, souligné le rôle de la culture dans l’édification de cet espace commun :

« Je tiens tout d’abord à saluer le travail remarquable du rapporteur : il importe, en effet, que notre Assemblée, en tant qu’organe politique, puisse suivre le processus de réforme en cours, car nous sommes les mieux à même de le défendre auprès de nos parlements respectifs.

Au-delà des projets de résolution et de recommandation très judicieux que je soutiens entièrement, je voudrais mettre en exergue un point que le rapport aborde et qui me semble fondamental pour l’avenir de notre institution : la promotion de la culture.

Comme le souligne justement le rapporteur, le recentrage du Conseil de l’Europe sur les trois piliers que sont la démocratie, l’État de droit et la défense des droits de l’Homme ne doit pas faire oublier que la culture est le soubassement sur lequel repose cette architecture.

Comment construire une Europe unie sur les droits fondamentaux si nous ne partageons pas une culture européenne qui repose sur la promotion et la défense de droits universels dépassant nos particularismes immédiats ?

Comment vivre ensemble si la culture n’est pas ce ciment qui nous donne l’envie de « vivre ensemble » ?

Comment, enfin, promouvoir un modèle européen, si nous n’encourageons pas le partage et la transmission de cette diversité culturelle unie autour de valeurs universelles qui sont à l’origine du projet européen ?

La culture européenne repose sur une histoire commune, qui ne doit évidemment pas faire l’impasse sur l’histoire et la mémoire des minorités, ayant nourri l’histoire nationale de l’ensemble des pays. C’est la transmission de cette histoire et de ces traditions faisant la richesse de nos nations qui doit continuer à être vivifiée.

Le partage des valeurs humanistes qui est à l’origine du projet européen doit être enseigné.

Le Conseil de l’Europe est né des décombres de la Seconde guerre mondiale précisément pour éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise et pour que la culture universelle des droits de l’Homme soit le terreau sur lequel s’élève une nouvelle identité européenne, fondée sur le respect de la personne humaine.

C’est pourquoi la diversité culturelle doit nous amener à respecter nos différences et à construire notre espace commun.

C’est pourquoi la transmission d’une culture européenne doit être un préalable à toutes les missions du Conseil de l’Europe.

C’est pourquoi la transmission d’une culture démocratique sera seule à même de permettre la réalisation d’un État de droit dans l’ensemble des pays européens et frontaliers.

La culture est donc bien au cœur même des politiques du Conseil de l’Europe, il est important de la rappeler au moment où nous réformons l’institution.

Je terminerai en complétant l’aphorisme de Malraux « la culture ne s’hérite pas, elle se conquiert ». C’est pourquoi nous devons inculquer cette culture démocratique qui est une conquête de tous les jours. Grâce à M. Mignon, nous ne l’oublions pas. »

Le texte appelle en outre à une plus grande synergie entre les organes institutions et mécanismes de l’Organisation. Ce renforcement de la complémentarité entre les différents organes du Conseil de l’Europe a également été mis en avant par M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC), chargé par le Premier ministre d’une mission sur le renforcement de l’implication française au sein du Conseil de l’Europe :

« L’excellent rapport de Jean-Claude Mignon couronne parfaitement et clairement une réflexion engagée voici près d’un an dans le contexte des travaux de notre Secrétaire général pour réformer notre Conseil. J’indique immédiatement que je partage complètement ses analyses et que je soutiens ses propositions.

J’ai été invité par le Premier ministre français à lui rendre un rapport sur l’implication de la France au Conseil de l’Europe et à travailler notamment sur le développement des relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Je vais lui rendre ce rapport dans les tous prochains jours, vous imaginez donc facilement que j’ai suivi de très près le travail de Jean-Claude Mignon. Cela m’a permis d’arriver à une conclusion principale : la réforme doit conduire le Conseil de l’Europe à resserrer les liens qui doivent unir ses différents organes, afin que son action apparaisse plus unitaire, plus cohérente et plus lisible. Ceux qui se retrouvent au Comité des ministres ou au sein de notre Assemblée parlementaire, ceux qui travaillent au Secrétariat général ou dans le cadre de la Cour européenne des droits de l’Homme, ou encore auprès de notre Commissaire aux droits de l’Homme doivent mieux se connaître, doivent apprendre à travailler vraiment ensemble et à construire une relation efficace avec chacun des États membres ainsi qu’avec notre principal cousin et partenaire, je veux parler de l’Union européenne.

A cet égard, l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme me semble un excellent banc d’essai pour essayer de mieux travailler ensemble. Pourquoi, dans ce contexte, l’Agence des droits fondamentaux, dont la création a fait couler beaucoup d’encre ici, ne serait-elle pas mise à disposition non seulement de l’Union européenne mais aussi de notre Conseil de l’Europe ? Ce serait une manière de tourner la page et de préparer un avenir plus cohérent.

Dans le même esprit, notre Commissaire aux droits de l’Homme indépendant, par construction, du Conseil de l’Europe l’est donc, a fortiori, de l’Union européenne. Par conséquent, il pourrait aussi travailler pour l’Union européenne. Cela vaudrait mieux que de voir, un jour, l’Union européenne avoir l’idée de se doter elle-même d’un Commissaire indépendant.

Je terminerai en faisant très brièvement quelques propositions sur la réforme de notre Assemblée parlementaire. Comme le Conseil de l’Europe, elle doit recentrer son activité sur le cœur de métier qui est le sien. Trop de nos débats n’ont qu’un rapport indirect ou assez lointain avec ce cœur de métier. Nous devons mobiliser toute notre énergie sur les sujets qui ont un lien direct et étroit avec la démocratie et la promotion des droits de l’Homme.

Je souhaite enfin que l’Assemblée mette en place une véritable procédure de suivi de l’ensemble de ses prises de position comme des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme. Une assemblée moderne se caractérise, je pense, autant par son pouvoir d’initiative législative que par sa fonction de contrôle des exécutifs. Si elle « fait la loi », elle doit s’attacher aussi à cette mission de contrôle. L’ignorer ici serait faire assez peu de cas des valeurs démocratiques que nous sommes précisément chargés de défendre. »

Relevant une nouvelle fois l’engorgement croissant de la Cour européenne des droits de l’Homme, l’Assemblée parlementaire insiste sur la nécessaire réparation des carences des systèmes judicaires nationaux.

Le texte envisage par ailleurs le renforcement de la coopération de l’Assemblée parlementaire du Conseil avec le Parlement européen et invite à la définition d’un véritable partenariat stratégique avec l’Union européenne.

Invité à clore le débat, M. Jean-Claude Mignon a souligné le consensus qui émergeait au sein de l’Assemblée pour poursuivre la réforme du Conseil de l’Europe :

« Je vous remercie, les uns et les autres, pour vos interventions. Elles enrichissent le débat, qui n’est pas un monologue, mais un dialogue. Nous avons entendu des propos particulièrement intéressants. J’ai constaté un consensus général sur la nécessité de réformer la plus ancienne institution paneuropéenne.

Nous souhaitons également tous davantage de visibilité, que l’Assemblée parlementaire soit plus réactive et capable de prévenir un certain nombre de conflits, qu’elle soit plus présente pour tenter d’apporter des solutions aux conflits latents ou en cours.

Je ne vous citerai pas tous, mes chers collègues, mais vous avez parlé de la culture, de l’éducation, de la cohésion sociale, des sujets que vous retrouvez noir sur blanc dans le rapport. Je ne vois pas comment on pourrait faire l’impasse sur ce qui touche à ces domaines.

Vous avez longuement parlé de la Cour européenne des droits de l’Homme et vous avez tous fait le même constat : c’est le fleuron du Conseil de l'Europe, mais elle rencontre un problème de fonctionnement. Il est certain que si nous étions à même de faire en sorte que nos résolutions soient suivies d’effet dans les différents États membres, les systèmes judiciaires de ceux-ci seraient beaucoup plus performants et permettraient un meilleur fonctionnement de notre cour.

Il a été également été dit que nous souhaitions nous concentrer sur les valeurs essentielles du Conseil de l'Europe dont nous connaissons les trois piliers. Mais pouvons-nous véritablement aujourd’hui nous en tenir exclusivement à ces valeurs ? Personnellement, j’estime qu’il faut regarder de très près le travail réalisé par l’ensemble des commissions pour en saluer le travail.

La nécessité de réformer les méthodes de travail de notre Assemblée parlementaire a également été évoquée. Je n’en parlerai pas ce soir car ce serait incorrect vis-à-vis des membres de la commission ad hoc. Je peux toutefois vous dire que nous avons déjà beaucoup travaillé et que la commission ad hoc qui est aujourd’hui rattachée au Bureau, le sera demain à l’Assemblée parlementaire, ce qui permettra, conformément à notre vœu, de vous y associer pleinement.

M. Diaz Tereja a dit : « la réforme ou la mort ! ». J’espère que nous tiendrons debout et que nous serons capables de nous réformer pour éviter de mourir au champ d’honneur. La passion républicaine, je la partage avec vous. Nous partageons tous dans cet hémicycle la passion et l’amour du Conseil de l'Europe.

Vous prétendez, M. Diaz Tereja, avoir peu d’expérience. Je trouve, moi, que vous en avez beaucoup. J’aimerais bien, un jour, vous voir au poste de rapporteur car je suis persuadé que vous seriez capable de rédiger d’excellents rapports.

La transparence est une réalité ? C’est pourquoi, dans ce rapport, j’ai osé dire un certain nombre de choses.

Le Congrès a été finalement assez peu évoqué puisque seuls quelques-uns d’entre vous en ont fait état.

Je suis maire depuis 27 ans, j’ai assumé toutes les responsabilités locales – conseiller municipal, conseiller général, conseiller régional –, je suis toujours maire et je suis député. Franchement, ai-je la tête de quelqu’un qui voudrait tordre le cou à la démocratie locale ? Non. Je dis simplement dans le rapport que si nous sommes, nous, à même de nous réformer et de faire notre autocritique, il est tout à fait normal que l’une des institutions du Conseil de l'Europe soit capable de faire de même.

Je ne répondrai pas à M. Frécon, que j’aime beaucoup. Il n’aura échappé à personne que nous sommes en 2011 et que nous ne sommes plus à l’époque de la création du Congrès. Notre Assemblée parlementaire ne fonctionne aujourd’hui qu’avec 90 personnes, tandis que le Congrès fonctionne avec 41 personnes. La somme de 6 millions d’euros, correspond, M. Frécon, au budget global alloué par le Conseil de l'Europe au Congrès, ce qui est une somme non négligeable. S’agissant d’argent public, je considère comme normal que les parlementaires que nous sommes non seulement demandent des comptes, mais engagent une réflexion.

Toutefois, si vous souhaitez que nous examinions un projet de résolution pour traiter exclusivement du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, chiche ! Mais vous risquez d’être déçu.

Je ne dis pas qu’il faille supprimer et passer par pertes et profits le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, je dis simplement que nous pouvons mutualiser et rationaliser, comme cela a d’ailleurs été proposé par certains sur d’autres sujets.

Franchement, avoir aujourd’hui un tel secrétariat pour s’occuper du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, est-ce raisonnable ?

D’ailleurs, M. Doriç, en indiquant qu’une commission et une sous-commission qui dépendent de l’Assemblée parlementaire sont chargés de suivre les travaux du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, vous avez apporté la solution. Peut-être pourrions-nous avoir une réflexion beaucoup plus approfondie en vue de faire en sorte que tout cela soit un peu confondu et montrer au Comité des ministres, représentant les États, que nous sommes aussi capables de faire des économies.

Il a également été beaucoup question de la « défense douce ». Quelle tristesse d’avoir passé par pertes et profits l’Assemblée parlementaire de l’UEO ! Sur ce point, je rejoins tout à fait René Rouquet et Josette Durrieu. Au demeurant, on n’a pas pris beaucoup de gants pour supprimer l’UEO. Quel dommage que l’on ne nous ait pas écoutés car, là aussi, je pense que nous aurions pu faire des propositions allant dans le bon sens.

Globalement, Monsieur le Président, je pense que tout le monde est dans l’attente d’une réforme et que ce texte est parfaitement équilibré.

Que l’on cesse de me faire passer pour « l’affreux Jojo » qui veut tuer le Congrès, sinon je finirai par me mettre en colère, ce qui n’est pas du tout mon tempérament ! Néanmoins il faut voter le projet de résolution proposé pour qu’ensuite, le Comité des ministres et nous-mêmes ayons le temps de réfléchir davantage sur un certain nombre de propositions qui ont le mérite d’exister.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie beaucoup pour votre collaboration, pour tout ce que vous avez dit, les uns et les autres, y compris les critiques qui ont été formulées, et qu’il convient d’accepter.

Quelle chance nous avons, les uns et les autres, de siéger dans une telle Assemblée ! Ayons donc le courage de nous réformer, de prendre les devants et de faire en sorte que le Comité des ministres, et nos ambassadeurs, puissent dire demain par leurs télégrammes diplomatiques : « Voyez : ils sont eux-mêmes, aujourd’hui, à la pointe de la réforme ».

La réforme de l’Assemblée parlementaire fait l’objet d’une réflexion spécifique menée par la commission ad hoc du Bureau de l’Assemblée parlementaire, présidée par M. Jean-Claude Mignon. Ce dernier a remis le 28 janvier au Bureau le rapport issu des travaux de la commission ad hoc. Compte tenu de l’importance de l’enjeu, le Bureau a décidé de consulter tous les membres de l’Assemblée, les délégations nationales, les commissions et les groupes politiques. Elle présentera ses conclusions devant l’Assemblée parlementaire au cours de la partie de session prévue en juin 2011.

D. L’ACTION DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

La commission des questions juridiques et des droits de l’Homme et celle des migrations, des réfugiés et de la population ont présenté devant l’Assemblée deux textes évaluant l’impact du règlement et des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme.

1. La mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme

La non-exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme fragilise son autorité. Neuf pays enregistrent à l’heure actuelle des retards préoccupants en la matière. Il s’agit de la Bulgarie, de la Grèce, de l’Italie, de la Moldavie, de la Pologne, de la Roumanie, de la Russie, de la Turquie et de l’Ukraine. Les problèmes constatés concernent principalement la durée excessive des procédures judiciaires, la non-application de décisions de justice, les mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre, pouvant conduire jusqu’à la mort (spécialement en Russie et en Moldavie) et l’illégalité ou la durée excessive de détention.

La non-exécution conduit à multiplier le nombre de requête et participe de fait de son engorgement, comme l’a souligné dans son intervention M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) :

« L’année 2010, année d’Interlaken et du Protocole n° 14, a été importante pour la Cour européenne des droits de l’Homme qui peut maintenant s’engager dans une réforme tant attendue. Je tiens donc à remercier vivement et chaleureusement notre collègue, Christos Porgourides, pour le remarquable travail qu’il a mené au cours des derniers mois.

Le moment me semble particulièrement propice pour engager un débat sur l’exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg. Celle-ci est à la croisée des chemins et nous devons nous attacher à garantir son avenir. Avec près de 140 000 affaires encore pendantes, les critiques sur sa lenteur constituent une menace pour la crédibilité de toute l’architecture européenne de protection des droits de l’Homme.

Des décisions importantes ont été prises par les ministres à Interlaken afin de réduire la surcharge chronique à laquelle la Cour est confrontée, tout en préservant le principe du droit de recours individuel.

Le protocole n°14 à la Convention européenne des droits de l’Homme est enfin entré en vigueur le 1er juin 2010. Il devrait faciliter le traitement des irrecevabilités.

L’Union européenne, par ailleurs, doit adhérer à la Convention, ce qui permettra de créer un ordre juridique unique en matière de droits de l’Homme à l’échelle du continent européen. Pour que cette adhésion porte tous ses fruits, j’insiste pour que l’on veille à traiter à fond tous les problèmes que pose cette adhésion. C’est indispensable si nous ne voulons pas nous heurter demain à des déboires profonds. Notons cependant que cette adhésion n’ira pas dans le sens d’un désengorgement de la Cour…

Je partage pleinement l’opinion de notre rapporteur sur la nécessité d’une meilleure exécution des arrêts de la Cour, en particulier pour ce qui concerne les requêtes répétitives qui l’encombrent, ainsi que sur le rôle que pourraient jouer notre Assemblée et les parlements nationaux dans ce processus.

Christos Porgourides le souligne à juste titre, les résolutions de notre Assemblée peuvent constituer un réel moyen de pression et accélérer l’exécution des arrêts de la Cour par les États. Il ne faut pas mésestimer le rôle que nous pouvons jouer une fois de retour dans nos assemblées nationales respectives. En tant que membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, il est de notre devoir de vérifier que les projets de loi que nous examinons sont conformes aux valeurs de la Convention. N’hésitons pas non plus à déposer des propositions de loi afin de rendre notre législation nationale compatible avec les arrêts de la Cour lorsque nos Gouvernements nous apparaissent insuffisamment réactifs.

Je crois fermement au rôle des parlementaires dans ce domaine. Je vais prochainement remettre un rapport au Gouvernement français, rapport qui porte sur l’implication de la France au Conseil de l’Europe. J’y fais des propositions afin de renforcer le contrôle du Parlement français sur les actions menées par notre Gouvernement au sein du Conseil de l’Europe. Je ne manquerai pas de vous tenir informés, lors des prochaines sessions, sur les suites qui y auront été données.

A nous d’assumer nos responsabilités, ici et au sein de nos parlements nationaux ! »

La recommandation adoptée par l’Assemblée invite les États concernés à réviser leur législation en la matière. Ce consensus autour de la nécessaire exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme n’interdit pas néanmoins un examen critique de son action récente, M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – UMP) s’inquiétant à cet égard des interférences entre ses décisions et le droit communautaire :

« Je tiens à saluer le rapport remarquable de mon collègue Christos Pourgourides sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Il dresse un tableau fidèle des améliorations à apporter dans l’exécution des arrêts de la Cour. Je me réjouis, par ailleurs, de voir que la France ne figure plus dans la liste des pays ayant eu des difficultés dans la mise en œuvre des arrêts.

À ce titre, je soutiens entièrement la proposition qui consiste à permettre aux parlements nationaux, en vertu de leurs pouvoirs de contrôle, de suivre l’exécution des arrêts de la Cour.

Le rôle de la Cour européenne des droits de l’Homme en termes d’intégration par le droit est fondamental. Le système entier de protection des droits repose justement sur la complémentarité entre les États et la Cour : la non-exécution des arrêts, de fait, paralyse le système dans son ensemble.

Il serait ainsi opportun de pouvoir utiliser les possibilités offertes par le Protocole n° 14 de recours en carence lorsqu’un État n’exécute pas, de manière répétée, des arrêts prononcés par la Cour. S’il faut manier avec prudence cette possibilité, il ne faut pas pour autant la laisser lettre morte, au risque de la rendre inutilisable dans l’avenir.

Instrument politique, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pourrait ainsi jouer un rôle dans sa possible mise en œuvre, notamment lorsque les premiers droits qu’énonce la Convention, le droit à la vie et à l’intégrité physique, sont ou risquent d’être violés.

Par ailleurs, l’article 39 du règlement de la CEDH dispose que l’État membre doit prendre des mesures conservatoires, en cas de risque d’expulsion ou d’extradition d’un réfugié, afin d’éviter qu’une fois l’affaire jugée au fond, elle soit privée d’effet, la personne arguant d’une violation de la Convention ne pouvant plus s’en prévaloir.

L’arrêt rendu ce vendredi M.S.S c/ Belgique et Grèce, est une illustration parfaite des ambiguïtés relatives à la protection des droits fondamentaux par la Cour européenne des droits de l’Homme.

En jugeant la Belgique responsable d’avoir violé l’article 3 en renvoyant le requérant en Grèce contrairement aux dispositions du règlement communautaire Dublin II, qui dispose que la demande d’asile doit être faite dans le pays dans lequel le demandeur est entré, en l’espèce la Grèce, la Cour a privé le droit communautaire de tout effet utile.

Certes, on peut se réjouir que la protection des droits fondamentaux soit assurée dans la mesure où les conditions de rétention administrative en Grèce ne sont pas conformes au droit européen. Toutefois, on peut s’inquiéter du fait que la Cour condamne, en quelque sorte, un État pour la bonne application du droit communautaire.

Dans l’affaire M.S.S c/ Belgique et Grèce, la position de la Cour est parfaitement défendable, car c’est l’article 3 qui a été violé par les pays parties à la Convention, à savoir le cœur des droits fondamentaux.

Néanmoins, ce type de décisions doit rester exceptionnel, car la supranationalité qu’elle implique ne peut être acceptée par les pays membres que lorsque le cœur des droits fondamentaux est menacé de violation.

La légitimité du système de défense des droits est donc entièrement liée à un équilibre des pouvoirs entre les acteurs du droit que sont aujourd’hui les États membres, les parlements nationaux et la Cour européenne des droits de l’Homme.

Seul un dialogue respectueux et attentif permettra une véritable intégration par le droit dans l’espace européen. »

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a également tenu à mettre en garde contre les conséquences potentiellement négatives de certaines constructions jurisprudentielles, qui fragilisent de fait la légitimité de la Cour :

« La clé de sauvegarde du système européen de protection des droits de l’Homme est en effet la collaboration pleine et entière des États à la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme.

La non-exécution des arrêts, outre qu’elle prive de leurs droits les justiciables qui ont reçu une décision favorable de justice, a également pour effet pervers des requêtes répétitives qui engorgent la Cour et rendent inefficient le droit à un procès équitable, dont le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est une composante.

À ce titre, comme mon collègue Rudy Salles, je me réjouis que la France ne soit plus citée dans le rapport ! C’est un progrès indéniable !

Néanmoins, sans remettre en cause le droit de la Convention, certaines décisions de la Cour ne laissent pas d’interroger.

Les États parties à la Convention ont signé une Convention protectrice des droits fondamentaux et des libertés. La Cour, par une jurisprudence audacieuse, a pu parfois bousculer les pratiques et l’histoire des gouvernements, et l’on peut se demander dans quelle mesure elle n’a pas dépassé son office.

Je ne parle pas ici de la protection des premiers articles de la Convention mais de certaines extensions de jurisprudence relatives au droit à un procès équitable.

Ainsi dans l’arrêt Kress, la Cour européenne des droits de l’Homme, en jugeant, au nom de «la théorie des apparences», que le rapporteur public dans la procédure devant le Conseil d’État ne devait plus assister au délibéré, a privé le justiciable d’une procédure garantissant ses droits et qui n’était en rien contraire au droit.

Les créations jurisprudentielles trop innovantes peuvent avoir des conséquences néfastes en termes de légitimité de l’ensemble du système.

Par ailleurs, si je crois à l’intégration par le droit, je me méfie des risques de transformation d’une juridiction, aussi noble soit-elle, en instance de décision supranationale.

La Cour a récemment mis en place, par l’adoption du Protocole 14, un système de filtre des requêtes selon l’importance des préjudices. Outre l’intérêt d’empêcher un engorgement du prétoire, cette procédure aura pour conséquence que la Cour ne se prononce plus sur des requêtes qui ne sont pas véritablement d’importance.

Ce sera également un signal donné aux requérants que la Cour n’est pas en elle-même un quatrième degré de juridiction.

En revanche, je soutiens entièrement la proposition du rapport qui consiste à proposer que les parlements nationaux assurent une mission de contrôle de la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Le rôle de la représentation nationale est double. Du fait de ses missions de contrôle, elle peut contraindre l’exécutif à mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, notamment leur règlement financier. Par ailleurs, lorsque le législateur doit intervenir pour que la législation française soit conforme à la Convention européenne des droits de l’Homme, il est le mieux placé pour se saisir de la question.

Le débat sur la garde à vue qui se déroule actuellement devant le Parlement français est une illustration d’un dialogue des juges, entre la Cour européenne des droits de l’Homme, le Conseil constitutionnel français, et le législateur.

La souveraineté des États représentée, notamment par les parlements nationaux, doit donc permettre un dialogue permanent entre la Cour européenne des droits de l’Homme et les États, mais pour que ce dialogue soit fructueux la Cour ne doit pas outrepasser ses fonctions. »

Le texte adopté insiste en outre sur le rôle des parlements nationaux en conseillant la mise en place de mécanismes permettant de superviser l’exécution des arrêts. Mme Arlette Grosskost (Haut-Rhin – UMP) a tenu dans son intervention à saluer cette proposition :

« La conférence d’Interlaken a souligné à quel point le principe de subsidiarité, s’il était réellement appliqué par les États membres, permettrait d’éviter l’engorgement de la Cour. Par principe de subsidiarité, on entend ici l’application par les États de la Convention européenne des droits de l’Homme. L’exécution des arrêts de la Cour européenne par les États membres revêt donc une importance primordiale.

Elle suppose en premier lieu, de donner satisfaction aux requérants, c’est-à-dire de faire en sorte que la décision de justice soit appliquée. Il en va de la crédibilité du système juridique : sans exécution de ses décisions, elle est réduite à néant.

L’exécution des arrêts, qui nécessite parfois de changer la législation d’un pays ou son organisation administrative, participe d’une intégration des principes inhérents à l’État de droit et évite en outre l’engorgement de la Cour par des arrêts répétitifs liés à un problème structurel.

Le 7e rapport relatif à la mise en œuvre des arrêts met en évidence que des problèmes structurels existent dans quelques pays membres du Conseil de l’Europe. A l’instar de mes deux collègues précédents, je me félicite que la France ne soit plus aujourd’hui considérée comme un pays ayant des difficultés dans l’exécution des arrêts. Cela prouve, s’il en était besoin, que la mauvaise exécution des arrêts n’est pas une fatalité.

Le rapport met en exergue le fait que, en dehors des questions politiques, l’organisation administrative peut empêcher la bonne exécution des arrêts par manque de moyens ou du fait d’une trop grande décentralisation des procédures. La France s’est trouvée temporairement dans cette situation.

C’est pourquoi je soutiens la proposition du rapporteur d’amener nos parlements nationaux à faire un contrôle du suivi de l’exécution des arrêts. Outre qu’il est important d’associer la représentation nationale à la mise en œuvre des préconisations de la Cour européenne des droits de l’Homme, je crois que le législateur est le mieux placé pour faire des propositions au gouvernement afin d’améliorer les problèmes structurels susceptibles de se poser.

Les délégations parlementaires que nous formons au sein de l’APCE pourraient elles aussi jouer un rôle très utile pour la bonne mise en œuvre des arrêts de la CEDH. Au sein de nos parlements nationaux, nous sommes à même de mieux faire connaître les enjeux relatifs à la protection des droits fondamentaux.

Actuellement, le Parlement français, suite à la condamnation de la France par la CEDH pour une affaire de garde à vue et la saisine du Conseil constitutionnel par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité, a décidé de revoir la procédure de droit commun de la garde à vue afin de tenir davantage compte du droit européen dans la Constitution française. Il s’agissait en l’occurrence de la présence de l’avocat à la première heure.

C’est donc un dialogue des juges qui invite le législateur à rendre possible la mise en œuvre d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme.

A l’heure du renouveau des pouvoirs de contrôle des parlements nationaux, il me semble que les projets de résolution et de recommandation du rapporteur sont conformes à une vision progressiste de l’amélioration de l’État de droit, vision à laquelle les parlements nationaux doivent entièrement collaborer. »

2. Protéger les réfugiés et les migrants en situation d’extradition et d’expulsion : indications au titre de l’Article 39 du Règlement de la Cour européenne des droits de l’Homme

Aux termes de l’article 39 du Règlement de la Cour européenne des droits de l’Homme, celle-ci est habilitée à ordonner des meures provisoires qui consistent, notamment, à donner une instruction temporaire à un État membre en vue de protéger les migrants et les réfugiés en situation d’extradition ou d’expulsion. La majorité de ces mesures est ordonné pour empêcher leur expulsion, s’il existe un risque pour eux de subir des préjudices graves ou irréparables en cas de retour dans leur pays d’origine. 2 400 requêtes ont été adressées à la Cour en ce sens.

Cette augmentation du nombre de demandes suscite l’inquiétude de la commission des migrations, des réfugiés et de la population. La résolution adoptée par l’Assemblée invite ainsi les États membres à prendre les mesures adaptées pour éviter un trop fréquent recours à l’article 39, en garantissant notamment une procédure d’asile complète, équitable et efficace.

Le texte invite également la Cour à évaluer la possibilité de motiver ses décisions tant positives que négatives. La Cour est, en outre, appelée à exiger dans un plus grand nombre d’affaires l’adoption par les États membres de mesures spécifiques de réparation du préjudice causé.

ANNEXES

Annexe 1

Résolution 1783 (2011) et Recommandation 1951 (2011)
Le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe

A. RÉSOLUTION 1783 (2011)

1.        L’Assemblée parlementaire se déclare engagée en faveur d’un Conseil de l’Europe pertinent et efficace, garant naturel de la sécurité «douce» dans une Europe fondée sur les valeurs et les principes fondamentaux de la démocratie, du respect des droits de l’Homme et de la prééminence du droit. Elle le considère comme l’institution normative de référence et le cadre privilégié de la coopération politique à l’échelle de la Grande Europe en vue de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social.

2.        L’Assemblée se félicite du fait qu’un groupe de personnalités éminentes a entamé une série de discussions sur la compréhension moderne de l’identité et des valeurs européennes dans le cadre de la définition d’une stratégie à long terme pour le Conseil de l’Europe.

3.        Dans son Avis 279 (2010) sur le budget et les priorités du Conseil de l’Europe, l’Assemblée a exprimé son soutien au premier train de mesures introduites par le Secrétaire général du Conseil de l’Europe pour réformer l’Organisation, la revitaliser et la rendre plus politique, plus souple et mieux adaptée aux besoins des citoyens européens.

4.        L’Assemblée attend maintenant les propositions du Secrétaire général pour la seconde phase de la réforme, qui devrait porter sur les orientations stratégiques pour la décennie à venir. En tant qu’organe statutaire investi, avec le Comité des ministres, de la responsabilité générale pour l’avenir du Conseil de l’Europe, l’Assemblée s’attend à être pleinement informée et consultée sur les choix politiques que le Secrétaire général a l’intention de proposer.

5.        La baisse de l’engagement d’États membres en faveur du Conseil de l’Europe est préoccupante. Elle se traduit, entre autres, par le refus persistant du Comité des ministres de doter l’Organisation d’un budget à la hauteur de ses tâches, alors même que des structures parallèles faisant double emploi avec des mécanismes et instruments du Conseil de l’Europe sont généreusement financées dans l’Union européenne.

6.        Dans ce contexte, l’Assemblée estime qu’un Sommet du Conseil de l’Europe devrait être convoqué pour redonner une nouvelle impulsion politique à l’Organisation, responsabiliser les États membres vis-à-vis d’elle et, le cas échéant, redéfinir son rôle actuel.

7.        Tout en saluant la décision du Comité des ministres de passer au processus budgétaire bisannuel, l’Assemblée ne peut que déplorer une nouvelle fois que la crise budgétaire oblige l’Organisation à réduire ses activités opérationnelles destinées à aider les États membres à mettre en œuvre des réformes et à se conformer à leurs engagements et obligations. Elle craint que le déséquilibre croissant entre des activités conventionnelles et opérationnelles n’amplifie encore davantage la tendance à la baisse de pertinence politique du Conseil de l’Europe que la réforme vise à inverser. L’Assemblée est convaincue que l’Organisation a besoin de changer sa façon de travailler et d’apporter des réponses opérationnelles aux besoins des États membres, ce qui représente l’un des défis fondamentaux du processus de réforme. Dans ce contexte, elle demande aux États membres de réinvestir dans les activités de l’Organisation les économies réalisées sur son fonctionnement grâce à la réforme.

8.        L’Assemblée soutient la réforme engagée par le Secrétaire général. Elle estime que la réforme ne doit pas aboutir à diminuer davantage les domaines de compétence et le rôle politique du Conseil de l’Europe, le réduisant à des fonctions purement techniques et à une position subordonnée. Elle soutient l'idée, exprimée par le président du groupe de travail du Comité des ministres sur les réformes institutionnelles, que la notion d’activités fondamentales du Conseil de l'Europe n’exclut pas et ne doit pas exclure les «facteurs de progrès», dans la mesure où ils contribuent à la réalisation des valeurs essentielles de l'Organisation que sont la démocratie, la prééminence du droit et les droits de l'Homme. Dans ce contexte, une démocratie stable, respectueuse des droits de l’Homme, est inimaginable sans la culture, l’éducation ou la cohésion sociale et ne peut pas fermer les yeux sur les problèmes des migrations, comme la Déclaration de Strasbourg sur les Roms l’a récemment démontré. Les trois piliers essentiels (démocratie, droits de l’Homme et prééminence du droit) doivent en conséquence refléter cette approche. Cela ne veut pas pour autant dire que le Conseil l’Europe ne doit pas concentrer les moyens nécessairement limités dont il dispose sur des thèmes jugés politiquement prioritaires.

9.        L’Assemblée s’engage à étudier toutes les possibilités de réformer ses propres méthodes et procédures et ainsi, à apporter sa contribution au processus de réforme au sens large.

10.       L’Assemblée souligne le rôle clé du Conseil de l’Europe dans la création d’un espace juridique paneuropéen commun par la promotion d’instruments juridiquement contraignants. L’Assemblée estime que le Conseil de l’Europe doit rester le lieu privilégié pour le dialogue entre les autorités et entre les peuples au niveau européen, ainsi qu’un forum paneuropéen important d’analyse et d’anticipation des tendances déstabilisatrices qui menacent la cohésion de la société, de partage d’expériences nationales, d’élaboration des normes et de renforcement des valeurs universelles, de diffusion des bonnes pratiques et de recherche des réponses communes aux problèmes qui concernent l’Europe dans son ensemble. Il devrait aussi continuer à jouer un rôle privilégié dans le dialogue avec des États voisins.

11.      L’Assemblée soutient l’objectif du Secrétaire général de faire du Conseil de l’Europe un outil plus performant et capable de transformer son potentiel en décisions opérationnelles et d’apporter des réponses pratiques et rapides aux États membres sur les défis auxquels ils sont confrontés. A cette fin, elle se déclare en faveur:

11.1.      d’une plus grande synergie entre les organes, institutions et mécanismes de l’Organisation;

11.2.      d’un regroupement fonctionnel des structures de soutien des différents mécanismes de suivi et de pilotage qui existent dans le cadre des conventions du Conseil de l’Europe, de manière à les rendre plus efficaces.

12.      L’engorgement croissant de la Cour européenne des droits de l’Homme qui met en danger la pérennité du système de justice européen en matière de protection des droits de l’Homme est un sujet de préoccupation pour l’Assemblée. Elle suit avec attention le Processus d’Interlaken et s’apprête à contribuer à ce que des solutions politiques courageuses puissent en être dégagées. Dans ce contexte, l’Assemblée:

12.1.     rappelle que la situation à la Cour est la conséquence des problèmes systémiques des justices nationales des États membres, et que l’effort principal doit ainsi porter sur la réparation des carences des mécanismes nationaux de justice; elle appelle par conséquent à des efforts en synergie du Comité des ministres et de l’Assemblée, afin de renforcer des programmes d’assistance ciblés aux États membres qui sont à l’origine du plus grand nombre de requêtes devant la Cour;

12.2.     prend note de l’introduction par le Comité des ministres d’un mécanisme d’évaluation préalable des candidats aux postes de juges par un panel d’experts avant la transmission d’une liste nationale à l’Assemblée. A son tour, elle décide de consolider sa propre procédure d’élection des juges notamment en vue de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme.

13.      En ce qui concerne le processus de réforme en cours, qui porte sur les structures du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, ses activités et ses méthodes de travail, l’Assemblée est d’avis que:

13.1.     la réforme du Congrès doit être en ligne avec les objectifs de l’ensemble de la réforme du Conseil de l’Europe. En particulier, elle doit permettre une meilleure coordination et cohérence entre les activités du Congrès et celle des autres organes et instances de l’Organisation;

13.2.     les activités du Congrès devraient représenter une valeur ajoutée pour le Conseil de l’Europe et une utilité pratique pour les autorités locales et régionales des États membres, et éviter de dupliquer les travaux menés dans d’autres instances, en particulier dans le domaine des droits de l'Homme;

13.3.     la pratique actuelle selon laquelle les membres du Congrès participent à ses travaux aux frais du Conseil de l’Europe est difficile à justifier et devrait être arrêtée.

14.      L’Assemblée prend note qu’une réflexion est en cours sur l’organisation des conférences de ministres spécialisés du Conseil de l’Europe. Dans ce contexte :

14.1.      elle réitère sa conviction que des ministres spécialisés, qui sont au contact direct avec de multiples problèmes de société, devraient jouer un rôle plus actif dans la définition des priorités du Conseil de l’Europe. Les conférences doivent avant tout répondre à un besoin politique réel;

14.2.      elle estime que l’idée d’organiser des sessions du Comité des ministres au niveau des ministres spécialisés mérite une étude approfondie;

14.3.      elle décide d’inviter, lorsque cela est approprié, des ministres spécialisés des États membres du Conseil de l’Europe à intervenir en séance plénière.

15.      Dans le cadre de la réflexion sur la réforme du Forum pour l’avenir de la démocratie, l’Assemblée tient à réitérer sa proposition sur la nécessité de renforcer le Pilier Démocratie du Conseil de l’Europe en regroupant les différentes activités pertinentes en la matière dans le cadre d’un «Forum de la Démocratie de Strasbourg» en tant que structure générique. Elle souhaite également qu’un nouveau Parlement des jeunes puisse avoir lieu, dans ce cadre, à Strasbourg, en association avec le Parlement européen et sans création d’une nouvelle structure.

16.      L’Assemblée attire l’attention sur la nécessité que le Conseil de l’Europe assure une synergie entre les décideurs politiques de plus haut niveau, les citoyens et la société civile.

17.      L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a créé de nouvelles opportunités pour renforcer le partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, et a ouvert la perspective de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme, ainsi qu’à d’autres conventions et mécanismes du Conseil de l'Europe. Dans ce contexte, l’Assemblée:

17.1.     encourage vivement l’Union européenne à profiter pleinement de ces opportunités afin d’avancer vers une Europe véritablement unie sur la base des mêmes valeurs et s’appuyant sur les mêmes normes;

17.2.     suggère qu’une étude détaillée soit réalisée sur la distribution des compétences entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, ainsi que d’autres organisations européennes majeures;

17.3.     souligne qu’un véritable partenariat stratégique entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe devrait être un élément important de la réforme de ce dernier et appelle le Secrétaire général à œuvrer à cette fin;

17.4.     pour sa part, décide de renforcer substantiellement sa coopération avec le Parlement européen, y compris par le biais de l’organe informel conjoint Parlement européen/Assemblée parlementaire dont la création vise à coordonner la communication d’informations dans le contexte notamment de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme;

17.5.     souligne l’intérêt que peuvent également présenter des relations plus étroites entre les groupes politiques des deux assemblées parlementaires européennes.

18.      L’Assemblée réitère sa ferme intention de suivre de près les prochaines phases de réforme de l’Organisation et de contribuer, encore davantage, par toutes ses activités, à ce que le Conseil de l’Europe reste une institution de référence dans ses domaines de compétences clés et un moteur de coopération paneuropéenne pluridimensionnelle dans d’autres secteurs de ses activités.

19.      L’Assemblée décide d’examiner périodiquement et de façon approfondie les activités et les programmes du Conseil de l’Europe afin d’en évaluer la pertinence politique, et demande d’être consultée sur les choix des priorités ainsi que sur le non renouvellement de certaines activités.

B. RECOMMANDATION 1951 (2011)

1.      L’Assemblée parlementaire réaffirme son attachement à un Conseil de l’Europe politiquement pertinent et efficace, garant naturel de la sécurité «douce» dans une Europe fondée sur les valeurs et les principes fondamentaux de la démocratie, du respect des droits de l’Homme et de la prééminence du droit. Elle soutient la réforme engagée par le Secrétaire général qui vise à revitaliser le Conseil de l’Europe et à le rendre plus politique, plus souple et mieux adapté aux besoins des Européens.

2.      Dans un esprit de dialogue renforcé entre les deux organes statutaires du Conseil de l’Europe, l’Assemblée tient à partager avec le Comité des ministres les idées, préoccupations et propositions contenues dans sa résolution 1783 (2011) sur le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe. Dans ce contexte, elle invite notamment le Comité des ministres :

2.1.     à s’engager dans une réflexion commune avec l’Assemblée sur la nécessité de convoquer un Sommet du Conseil de l’Europe pour redonner une nouvelle impulsion politique à l’Organisation, responsabiliser les États membres vis-à-vis d’elle, et, le cas échéant, redéfinir son rôle actuel ;

2.2.     à entamer la réflexion sur les propositions relatives à un regroupement des structures de soutien des mécanismes de suivi et au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux contenues dans sa résolution 1783 (2011) sur le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe ;

2.3.     à assurer, au sein du Conseil de l’Europe, une synergie entre les décideurs politiques, les citoyens et la société civile ;

2.4.     à tenir compte de ses propositions antérieures visant à la création d’un « Forum de la Démocratie de Strasbourg » en tant que structure générique qui regrouperait les différentes activités pertinentes en la matière afin de consolider et de rendre plus visible le Pilier Démocratie du Conseil de l’Europe ;

2.5.     à renforcer la portée des conférences des ministres spécialisés du Conseil de l’Europe, leur lien avec et leur impact sur les activités quotidiennes de l’Organisation ;

2.6.     à envisager la possibilité d’organiser des sessions du Comité des ministres au niveau des ministres spécialisés ;

2.7.     à envisager la possibilité pour les ministères spécialisés de contribuer au financement de certaines activités du Conseil de l’Europe en contrepartie de la délégation en leur faveur de certaines compétences du Comité des ministres, notamment en ce qui concerne le choix des priorités pour les actions intergouvernementales du Conseil de l’Europe, comme cela est prévu par la résolution (89) 40 du Comité des ministres sur le rôle futur du Conseil de l’Europe dans la construction européenne ;

2.8.     à appeler les États membres à réinvestir dans les activités de l’Organisation les économies réalisées sur son fonctionnement grâce à la réforme, afin d’aider les États membres à mettre en œuvre des réformes et à se conformer à leurs engagements et obligations.

Annexe 2

Projet de rapport de M. Jean-Claude Mignon,
président de la commission ad hoc du Bureau de l’Assemblée
Réforme de l’Assemblée parlementaire

I - Introduction

1.   Lors de ses réunions des 4 et 8 octobre 2010, le Bureau de l'Assemblée a décidé de créer une commission ad hoc du Bureau sur la réforme de l'Assemblée en lui confiant le mandat suivant :

Faire au Bureau des propositions au sujet d’une éventuelle réforme de l'Assemblée, y compris de son rôle et de sa mission, de ses méthodes de travail et de ses structures. La commission ad hoc tiendra compte du contexte politique actuel (processus de réforme au Conseil de l'Europe, contraintes budgétaires, Traité de Lisbonne, etc.), des forces et des faiblesses de l'Assemblée et des objectifs de l’éventuelle réforme (efficience, efficacité, souplesse, intérêt politique, visibilité, etc.).

2.   La composition de la commission ad hoc est donnée à l’annexe du présent rapport.

3.   La commission ad hoc a tenu trois réunions respectivement les 12 novembre 2010 (à Antalya), 13 décembre 2010 (à Paris) et 14 janvier 2011 (à Paris). A l’issue de cette dernière réunion elle a approuvé le présent avant-projet de rapport qui doit être soumis à l’examen du Bureau.

II – Contexte de la réforme de l'Assemblée

a. Contexte général

4.   Le processus actuel de réforme s’inscrit dans le contexte de l’ambitieux programme de réforme que le Secrétaire général du Conseil de l'Europe a lancé en octobre 2009. La réforme vise à rendre l'Organisation plus pointue, efficace et visible et à améliorer son rapport coût-efficacité. Dans ce contexte et compte tenu de ces contraintes générales, l'Assemblée a décidé d’engager son propre processus de réforme.

b. Contexte interne

5.   L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) se caractérise, depuis 1949, par :

- des délégations des parlements des États membres dont la composition est le reflet du poids relatif des forces politiques au sein de ces parlements et dont la taille dépend de la population du pays concerné (les membres ont un rôle double : ils sont députés dans leur pays et membre de l’APCE) ;

- une Assemblée plénière et une commission permanente qui servent d’enceintes aux débats et aux votes ;

- des travaux sur des questions de fond, répartis entre des commissions dont l’intitulé, le mandat et le nombre ont évolué au fil du temps ;

- différents types de textes de caractère normatif ou non législatif, adoptés à la majorité des voix.

6.   L’Europe dans laquelle l'Assemblée opère actuellement a connu de profonds changements, en particulier le passage à la démocratie de nombreux pays de l’ancien bloc communiste après la chute du mur de Berlin, ce qui a entraîné un élargissement progressif du Conseil de l'Europe, qui s’est accéléré après 1989. L’Assemblée a aussi réagi, essentiellement en relevant le nombre de ses membres ordinaires (ainsi que celui des invités spéciaux et des observateurs) mais aussi en constituant des groupes politiques à un moment où des « familles politiques » commençaient à apparaître en Europe, y compris au sein du Parlement européen. Parmi les autres évolutions de l'Assemblée, citons la mise en place de procédures de suivi en 1997 et la modification de la structure des commissions en 2000 et des méthodes de travail en 2005. De plus, un rôle accru a été donné à un Comité des présidents (officiellement reconnu en 2007), qui réunit le président de l’APCE et les présidents des groupes politiques de l'Assemblée.

7.   Comme le Secrétaire général du Conseil de l'Europe l’a déjà reconnu à l’échelle de l'Organisation dans son ensemble, il est grand temps que l'Assemblée aussi procède à des changements plus profonds, en partie également pour remédier à l’intérêt relativement peu élevé que ses membres portent à ses activités.

c. Contexte externe : évolution de l’environnement de l’Assemblée parlementaire

i) D’un continent « bipolaire » à un continent « multipolaire »

8.   Il y a de cela vingt ans, l’Europe est passée d’un continent bipolaire, caractérisé par la guerre froide, à un continent dont les différentes parties paraissent aller dans la même direction. Au début, cette évolution a provoqué une certaine euphorie au sein de l’APCE dont les objectifs semblaient correspondre aux souhaits de tous et à ce qui allait être réalisé. Aujourd'hui, les lacunes, qu’elles n’aient jamais été comblées ou qu’elles refassent surface, deviennent apparentes dans de nombreux États membres, d’où la nécessité pour l’APCE d’agir.

ii) La « démocratique en crise » ; la crise financière et économique ; la désintégration des pays

9.   Pendant la guerre froide et juste après, l’espoir de diffuser dans toute l’Europe les « valeurs fondamentales » du Conseil de l'Europe a présidé à la plupart des travaux de l’APCE. Aujourd'hui, cet élan a en grande partie disparu en raison d’une lassitude du grand public face aux exigences croissantes de la mondialisation et à la crise financière qui a touché de nombreuses parties du monde. Ceci a aussi eu comme effet qu’un certain nombre d’institutions parlementaires sont elles-mêmes en crise.

10. Un discours nationaliste et à vocation sécuritaire semble gagner du terrain à mesure que les populations perdent apparemment foi dans le système démocratique. Ajoutons à cela une montée du nationalisme au niveau régional dans plusieurs pays qui menace même de faire éclater un État membre fondateur du CdE (et de l’UE) et dont le spectre plane largement sur d'autres pays.

iii) Le retour de la « Realpolitik » et le repli des politiques plus « idéalistes »

11. La scène politique mondiale a aussi beaucoup changé, en particulier avec l’essor de la Chine (et d'autres grandes puissances et puissances moyennes) et le déclin relatif des États-Unis des points de vue économique et politique, voire militaire. Les États-Unis tiennent en partie pour cette raison un discours qui tend à privilégier la « Realpolitik » et qui est moins axé sur les valeurs que l’APCE/CdE promeuvent. De plus, la rapidité de la croissance économique de pays aux systèmes politiques plus autoritaires, comme la Chine, contraste avec la faiblesse, voire l’arrêt de la croissance dans les États membres du Conseil de l'Europe, en particulier dans ceux qui ont été durement touchés par la crise financière et économique.

iv) Le contexte sociétal et politique

12. Le paysage politique actuel de l’Europe est aujourd'hui plus polarisé politiquement. Certaines positions passées de l'Assemblée risquent donc de ne plus bénéficier du soutien qu’elles ont eu lorsqu’elles ont été adoptées. Dans un certain nombre de pays, des partis d’obédience plus extrémiste, à tendance parfois xénophobe et raciste, obtiennent de meilleurs résultats aux élections ainsi que des sièges au parlement. Cette situation découle vraisemblablement d’un certain nombre d’évolutions socio-économiques, comme les ravages de la crise financière et économique, les défis de la mondialisation et des pressions migratoires soutenues.

v) Une Union européenne en mutation

13. L’UE, en passant de 6 États membres en 1957 à 12 à la fin de la guerre froide, puis à 27, n’a que partiellement « gagné du terrain » sur le territoire couvert par le CdE/APCE dont le nombre de membres est aussi passé, depuis 1989, de 23 à 47 aujourd'hui. Les effets sur l'Assemblée ont été multiples et variés. Les 12 pays qui sont devenus membres de l’UE en 2004 et en 2007 concentrent essentiellement leur attention sur l’UE ; les pays des Balkans occidentaux s’inscrivent tous dans une « perspective européenne » (bien qu’à des rythmes différents) et sont suivis de près par la Commission européenne, y compris dans les « domaines fondamentaux » de l’APCE/CdE. Ce sont essentiellement les pays du « Partenariat oriental », dont le souhait (et les perspectives) d’adhérer à l’UE sont beaucoup moins clairs, qui ont tendance à « utiliser » l’arène politique de l’APCE/CdE pour promouvoir leurs propres objectifs politiques, et parfois pour se rapprocher de l’UE. L’UE a en outre procédé à des réformes en profondeur (par exemple le Traité de Lisbonne, l’introduction de l’euro dans 17 États membres et la création de l’Agence des droits fondamentaux) et s’intéresse aujourd’hui à des domaines qui ont toujours été l’apanage de l’APCE/CdE. Il n’en reste pas moins qu’une certaine « euro-lassitude» est perceptible, accentuée par la nécessité récente de renflouer les États membres de l’UE frappés par la crise financière.

14. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a entraîné un certain nombre de changements au sein de l’UE qui ont, à leur tour, eu un effet direct ou indirect sur le CdE en général et sur l’APCE en particulier comme : le renforcement du rôle et des compétences du Parlement européen (PE) ; le renforcement du rôle des parlements nationaux dans le processus législatif et les affaires de l’UE ; l’introduction de l’initiative citoyenne européenne, qui donne la possibilité à un million de citoyens européens de présenter des propositions législatives ; la création d’un procureur européen et d’un service européen pour l’action extérieure ; la Charte des droits fondamentaux qui est devenue contraignante et l’adhésion future de l’UE à la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), qui est une obligation imposée par le Traité de Lisbonne.

15. L’adhésion de l’UE à la CEDH, actuellement en négociation, supposera une certaine participation de l’UE aux organes de la CEDH, y compris le droit de l’Union de présenter une liste de trois candidats au poste de juge qui est appelé à la représenter et qui est élu par l’APCE.

16. Au delà de l’adhésion de l’UE à la CEDH, la participation de l’Union aux travaux du CdE aura des répercussions dans tous les domaines liés à l’élaboration de normes et au suivi et donnera lieu à l’adhésion éventuelle de l’UE à d’autres conventions et/ou mécanismes du CdE. L’interaction entre l’UE et ses États membres lors de la négociation de nouvelles conventions du CdE ne sera plus la même, y compris pour ce qui est des textes à l’initiative de l’APCE ou défendus par cette dernière. Un objectif à court terme devrait être d’éviter la reproduction, par l’UE, des instruments ou des mécanismes existants du CdE et, quoi qu’il arrive, un abaissement des normes. Un objectif à long terme devrait être l’adhésion de l’UE au Statut du CdE, avec toutes les conséquences politiques qui en découleraient.

17. Cela étant, l’UE et le CdE ont conclu un mémorandum d’accord officiel (à l’instar du Parlement européen et de l’APCE) et l’UE cofinance de nombreux projets du CdE. Un partenariat stratégique stable, comprenant un élément financier, est un objectif à brève échéance.

18. L’Assemblée et le Parlement européen sont aussi convenus de créer un organe informel en vue de mettre en commun des informations sur des questions d’intérêt commun, notamment celles relatives à l’adhésion de l’UE à la CEDH. Le présent rapport ne porte en conséquence pas sur les mesures relatives à la coopération entre les deux organes parlementaires.

vi) L’amélioration des moyens de communication avec le public (participation de la société civile, évolution technologique)

19. Avec l’arrivée des médias et des moyens de communication électroniques, de nouveaux défis mais aussi de nouvelles possibilités s’offrent au Conseil de l'Europe. La concurrence avec d’autres moyens et organes de communication s’intensifie, par des contacts accrus avec les médias et une meilleure visibilité grâce au site web (les sessions sont retransmises en direct, les entretiens peuvent être suivis dans le monde entier en temps réel). Un site web plus interactif permettant de mieux répercuter l’information auprès du public, la présence sur Facebook et Twitter et les contrats passés avec Google pour que le site de l’Assemblée apparaisse en priorité sur le moteur de recherche sont autant de nouvelles pistes propres à accroître la visibilité.

d. Les conséquences pour la réforme de l’APCE ?

20. La plupart des changements contextuels présentent au moins autant de possibilités à exploiter que de défis à relever. Ainsi, la nouvelle UE propose de nouveaux secteurs et formes de coopération, dont une coopération accrue entre le PE et l’APCE dans des domaines présentant un intérêt commun (comme les effets sur les deux organes parlementaires du Traité de Lisbonne) ; la « crise de la démocratie » pourrait être l’occasion pour l’APCE/CdE de jouer un nouveau rôle, peut-être analogue à celui qui a été le sien dans les premiers temps. Les nouvelles possibilités offertes par les médias, si elles sont bien utilisées, sont synonymes d’une nouvelle présence de l’APCE/CdE en temps réel au niveau mondial. Ces questions seront examinées plus en détail ci-après.

III - Mission et buts de l’Assemblée

a. Mission

21. L’Assemblée a la volonté d’agir en tant que conscience démocratique de l’Europe.

22. L’Assemblée est un organe statutaire unique et politiquement visible du Conseil de l'Europe qui promeut le développement et la mise en œuvre des normes les plus élevées de la démocratie, des droits de l'Homme et de la prééminence du droit dans l’intérêt des peuples d’Europe et qui agit en tant que moteur de l’Organisation.

b. Buts

i) Direction

23. L’Assemblée favorise le débat sur les questions européennes nouvelles et d’actualité, identifie les tendances et les bonnes pratiques et fixe des repères et des normes.

ii) Suivi du respect des obligations statutaires et des engagements contractés lors de l’adhésion

24. L’APCE exerce un contrôle politique sur les mesures prises par les gouvernements et les parlements en vue d’appliquer les normes du Conseil de l'Europe. Elle suit aussi la mise en œuvre des obligations statutaires et des engagements contractés par les États membres au moment de leur adhésion et, ce faisant, les amène à rendre compte au Conseil de l'Europe, mais surtout à leurs propres citoyens. On peut noter que, en 2006 dans sa recommandation 1763, l’Assemblée a demandé à « être en mesure de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme d'un recours alléguant une grave violation par une des Parties contractantes des droits garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme et ses protocoles additionnels »  Un tel changement nécessiterait de modifier la Convention européenne des droits de l'Homme.

iii) Laboratoire d’idées

25. L’Assemblée est libre d’amorcer de nouveaux développements, d’apporter une réponse politique rapide face aux enjeux du XXIe siècle, de produire des idées « originales » et de fixer des standards juridiques ou de politique générale innovants de nature à permettre aux États membres du Conseil de l'Europe de faire face aux défis et de prévoir la meilleure réponse possible.

iv) Promotion des normes les plus élevées de la démocratie parlementaire

26. L’Assemblée offre une plateforme en vue de permettre aux membres des parlements nationaux d’échanger des bonnes pratiques et de développer des normes communes en vue du travail parlementaire. Elle offre des connaissances et une expertise en formulant des recommandations et en rédigeant des codes de bonne pratique ainsi qu’en offrant des conseils ciblés pour répondre à des problèmes spécifiques rencontrés par les parlements nationaux afin de renforcer la capacité des membres à remplir plus efficacement leur rôle.

v) Renforcement de l’interaction et du partenariat entre les organes statutaires et autres institutions du Conseil de l'Europe

27. Acteur du cadre institutionnel de l’Organisation fixé par le Statut, l’Assemblée entretient des rapports étroits avec le Comité des ministres (CM), le secteur intergouvernemental, le Congrès, la Cour européenne des droits de l'Homme et les mécanismes indépendants de suivi de l’Organisation en exerçant pleinement ses prérogatives politiques et en favorisant le débat sur les questions européennes nouvelles et d’actualité. Elle n’hésite pas à prendre des risques et à organiser des débats sur les questions les plus controversées et à exiger du Comité des ministres qu’il réponde à ses conclusions.

IV - Objectifs de la réforme de l’Assemblée

28. Le contexte dans lequel s’inscrit la réforme de l’Assemblée ayant été définis, de même que la mission et les buts de cette dernière, il semble qu’il y ait un large consensus sur les objectifs que doit poursuivre la réforme, à savoir :

Ø rendre l’Assemblée plus pertinente sur le plan politique et plus efficace,

Ø rendre l’Assemblée plus visible,

Ø améliorer la participation des membres de l’Assemblée, tout en renforçant l’interaction entre l’Assemblée et les parlements nationaux.

29. La pertinence politique de l’Assemblée se juge à l’aune de sa présence dans les débats politiques des parlements, des gouvernements, des opinions publiques nationales et de la communauté internationale grâce au sérieux et à la rapidité qu’elle met à répondre aux besoins perçus et à anticiper les problèmes d’actualité. Cette pertinence découle aussi de la mesure dans laquelle elle s’acquitte de sa mission et de ses objectifs. L’un des éléments révélateurs de la pertinence politique de l’Assemblée est sa capacité à se porter sur la scène internationale.

30. L’efficacité peut être synonyme de la capacité à « faire ce qu’il faut quand il faut » et, ainsi, à atteindre les buts fixés.

31. La visibilité est la fréquence à laquelle l’Assemblée est présente dans les médias et l’opinion publique et, donc, au final, dans l’esprit de ceux qui font la politique. Elle dépend aussi de la manière dont l’Assemblée répond aux préoccupations des citoyens. Elle est également liée à la crédibilité, qui recouvre à la fois l’action à court et à long terme ou, autrement dit, « la capacité à faire l’histoire et les grand titres ».

32. L’implication des membres de l’Assemblée peut se mesurer à leur degré de participation active aux parties de sessions et aux réunions des commissions, de même qu’à leur adhésion à l’action et aux valeurs de l’Assemblée et du Conseil de l’Europe, aussi bien dans le cadre des réunions officielles qu’en dehors, en particulier au sein de leurs parlements nationaux.

33. Ces différents objectifs sont liés : plus l’Assemblée sera pertinente sur le plan politique, plus elle sera visible et plus ses membres s’investiront. Il en est de même pour les mesures proposées ci-après ; il faut les voir comme des éléments qui se renforcent mutuellement. C’est pour cette raison que les différentes mesures mentionnées n’ont pas été subordonnées à la réalisation d’un objectif en particulier. En effet, plusieurs d’entre elles contribueront à plusieurs objectifs à la fois. Il convient également de noter à ce propos que l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes est un facteur à ne pas perdre de vue dans le cadre de chacune des mesures exposées ci-après.

V – Mesures à prendre pour atteindre les objectifs

34. Les mesures proposées pour atteindre les trois objectifs présentés ci-dessus peuvent se répartir en deux catégories : (a) l’action politique, définie comme un changement de pratiques n’appelant pas nécessairement des modifications du Règlement de l’Assemblée et (b) le changement des méthodes et structures de travail, qui imposera une modification du Règlement ou des textes pararéglementaire.

a. Action politique

(i) Filtrage des propositions de résolution ou de recommandation

35. Il semble assez largement acquis qu’il conviendrait que le Bureau procède à une présélection plus stricte des propositions à l’origine d’un rapport à l’Assemblée de manière à ce que les rapports et les textes adoptés qui en découlent soient plus ciblés. Cela nécessitera responsabilité politique et discipline de la part des membres de l’Assemblée et en particulier des membres du Bureau, l’objectif global étant d’agir dans l’intérêt de l’Assemblée dans son ensemble et non pour défendre des intérêts sectoriels.

36. Dans la plupart des cas, des propositions de résolution ou de recommandation sont à l’origine des débats de l’Assemblée et des textes qu’elle adopte. En vertu du Règlement en vigueur (article 24.1.a. et b.), les membres de l’Assemblée peuvent présenter des propositions sur toute question qui relève soit de la compétence de l’Assemblée soit de celle des gouvernements des États membres. Il conviendrait de ne pas toucher à la liberté de présenter des propositions sur tout sujet relevant du domaine de compétences du Conseil de l’Europe (1) de manière à ce que l’Assemblée puisse rester la force novatrice qu’elle a été par le passé.

37. Il incombe au Bureau de proposer à l’Assemblée les suites à donner à ces propositions. Le choix se fait essentiellement entre trois possibilités : 1) renvoi pour rapport, 2) renvoi pour information, 3) classement sans suite (2). Dans le premier cas, la commission compétente peut, sans y être obligée, soumettre un projet de rapport à l’Assemblée, accompagné d’un projet de texte soumis à adoption. Dans le deuxième cas, la commission peut examiner la question et établir un rapport pour débat sans soumettre de projet de texte pour adoption à l’Assemblée. Dans le dernier cas, aucune commission ne peut entreprendre la moindre action. En pratique, le choix réel n’est actuellement qu’entre un classement sans suites et un renvoi pour rapport et débat ultérieur devant l’Assemblée ; en vue de redonner son sens à la notion de renvoi pour information, et faciliter l’acceptation de la réduction du nombre de rapports débattus par l’APCE, il serait utile de faire en sorte que les propositions renvoyées pour information puissent faire l’objet d’un rapport de la part de la commission saisie, sans projet de texte soumis pour adoption, sans débat devant l’Assemblée, mais diffusé à ses membres.

38. Les critères de sélection devront être explicités de manière à ce que les membres et les autres acteurs de l’Assemblée puissent être assurés de l’équité et de la transparence de la procédure. L’un des ensembles de critères les plus récents et les plus largement acceptés est constitué par les quatre lignes d’action adoptées par le Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe, qui s’est tenu en mai 2005 à Varsovie. Dans leur Plan d’action, ils ont estimé que les principales tâches du Conseil de l’Europe devaient être à l’avenir :

Ø de promouvoir les valeurs fondamentales communes : droits de l’Homme, État de droit et démocratie,

Ø de renforcer la sécurité des citoyens européens,

Ø de construire une Europe plus humaine et plus inclusive,

Ø de développer la coopération avec les autres organisations et institutions internationales et européennes.

39. Le Bureau pourrait être invité à utiliser ces lignes d’action comme grille de sélection et les auteurs de proposition à exposer en quoi leurs propositions répondent à ces critères. Pris globalement, ces éléments pourraient constituer un « test de pertinence ». De plus, les conditions fixées pour soumettre une proposition pourraient être durcies, par exemple en exigeant que les signataires appartiennent à au moins six délégations nationales (au lieu des cinq actuellement) et en limitant les nombre de mots d’une proposition à 200 (au lieu des 300 actuellement). (3) On pourrait aussi réfléchir sur des méthodes électroniques plus modernes permettant de mettre un projet de proposition à la disposition des membres pour signature.

(ii) Suites données aux textes adoptés

40. Si l’Assemblée adoptait moins de textes mais des textes de meilleure qualité, les suites que leur donnent les parlements nationaux et le Comité des ministres pourraient être plus sérieuses. L’Assemblée devrait développer une promotion plus active de ses textes dans les parlements nationaux en faisant appel à la collaboration des présidents de délégation et de ses membres, notamment en envoyant aussi ses textes adoptés directement aux présidents des commissions parlementaires nationales concernées. Pour les textes importants, le Bureau devrait s’efforcer d’évaluer de manière plus systématique (si nécessaire avec l’assistance des commissions) les mesures qui ont été adoptées (ou non) au niveau national. La pratique des parlements finlandaise, néerlandais, suisse et britannique, qui ont un rapport et un débat annuels sur les activités du Conseil de l’Europe, devrait être encouragée dans les autres parlements nationaux. Il pourrait aussi être utile d’encourager la tenue de réunions entre les commissions de l’Assemblée et les assemblées correspondantes des parlements nationaux.

41. Pour certains textes, il conviendrait que les commissions procèdent à une évaluation des réponses du Comité des ministres et fassent au besoin connaître leur réaction (notamment par voie de déclarations publiques) lorsqu’elles estiment que ces réponses ne sont pas satisfaisantes. En outre, le secrétariat pourrait effectuer une analyse approfondie indiquant quelles sont les recommandations qui ont donné lieu à une action spécifique (et lesquelles sont restées sans suite).

42. Ces dernières années, il est devenu courant que les commissions de l’Assemblée soumettent à la fois un projet de résolution et un projet de recommandation à l’Assemblée pour adoption. Dans le souci de recentrer les activités de l’Assemblée, il conviendrait que les commissions ne proposent des projets de recommandation que lorsqu’elles sont convaincues qu’une action intergouvernementale du Conseil de l’Europe s’impose.

43. Dans ce contexte, l’Assemblée devrait viser une plus grande synergie entre les différentes parties du Conseil de l’Europe, en profitant pleinement des services du Secrétaire général du Conseil de l’Europe.

(iii) Rendre les sessions plénières plus intéressantes et animées

44. L’analyse de la participation aux sessions, de la participation aux votes et de la couverture médiatique des sessions plénières sur les dernières années montre que les débats qui donnent lieu à controverses ou qui présentent les enjeux les plus importants sont les plus intéressants et les plus animés, ce qui leur vaut une bonne couverture médiatique. Avoir plus de débats controversés, en phase avec l’actualité ou originaux, plus de débats d’urgence et plus de débats communs pourrait donc être un moyen de parvenir à cet objectif. Néanmoins, il convient d’insister sur le fait que la clé de la visibilité et de la crédibilité, est la grande qualité du contenu des rapports et que la controverse n’est pas une fin en soi. C’est ainsi que les valeurs défendues par l’APCE doivent être promues. De plus, augmenter le temps consacré aux questions inciterait aussi plus de membres à participer aux séances. À ce propos, il convient de rappeler que les membres ont déjà le droit, en vertu de l’article 34.3 (4), d’interrompre un orateur lors d’un débat, avec l’autorisation du président, s’ils souhaitent lui poser une question sur un point particulier. Il conviendrait également de conseiller aux personnalités invitées de limiter la longueur de leurs allocutions de manière à ce que le plus grand nombre possible de questions puissent être posées et recevoir réponse.

45. Il a été suggéré de définir un ou plusieurs thèmes généraux pour chaque partie de session, ce qui a parfois été fait (notamment ce qui sera fait en avril 2011 avec la dimension religieuse du dialogue interculturel). Il appartiendrait au Bureau de décider de ces thèmes généraux sur proposition du président et du Comité des présidents. Le Bureau et les commissions devront alors tenir compte de ces thèmes pour décider des renvois en commission. Cette démarche prévisionnelle aurait aussi l’avantage de permettre d’inviter suffisamment à l’avance des personnalités de premier plan à des parties de session consacrées à un thème donné.

46. L’Assemblée pourrait aussi introduire la pratique d’un « débat libre », qui existe dans plusieurs parlements nationaux. Un créneau déterminé pourrait être réservé au cours de la semaine de plénière à un « débat libre » au cours duquel les membres auraient la possibilité de s’exprimer sur le sujet de leur choix. Ce serait pour eux l’occasion de se faire mieux connaître, y compris dans leur circonscription nationale.

(iv) Regroupement et planification à long terme des réunions de commission

47. Actuellement, les réunions de trois commissions (AS/Pol, Jur et Mon) sont regroupées au cours de semaines données en dehors des parties de session. Il conviendrait d’envisager de regrouper également les réunions des autres commissions au cours de périodes de l’année fixées un an à l’avance, étant entendu, néanmoins, qu’il ne peut y avoir plus que trois commissions qui se réunissent pendant la même semaine.

(v) Réorganisation et développement du site de l’Assemblée

48. Internet est devenu un outil puissant dans tous les domaines de la vie, y compris pour l’Assemblée et ses membres. En conséquence, il conviendrait de réorganiser le site web de l’Assemblée et, avant tout, de donner à ses membres des profils personnalisés (comportant notamment des photos, des vidéos, des discours), avec éventuellement un lien vers leurs sites web nationaux.

49. En fonction des ressources disponibles, l’Assemblée devrait prévoir de publier certaines parties de son site Web dans des langues autres que l’anglais et le français.

50. L’Assemblée devrait utiliser davantage les sites en ligne et les réseaux sociaux (tels que Facebook et Twitter) pour améliorer sa stratégie de communication.

51. De nouvelles voies, plus démocratiques, devrait être envisagées pour l’initiative des rapports de l’APCE. Il pourrait notamment être envisagé :

Ø d’inviter le public, via le site Web, à proposer des sujets pour débat, un mécanisme adapté devant ensuite filtrer ces propositions ; ce mécanisme séduisant soulève en effet de difficiles questions : comment éviter que des groupes bien organisés ne submergent l’APCE de propositions allant dans le sens de leurs intérêts ?

Ø d’encourager les initiatives publiques et la consultation de la société civile et des ONG par Internet.

(vi) Collecte de fonds

52. En fonction de ses propres positions et priorités politiques et afin de pouvoir apporter un soutien ciblé aux actions en cours ou de lancer de nouvelles initiatives (par exemple des programmes d’assistance ou des campagnes), l’Assemblée devrait s’efforcer d’exploiter plus activement les sources externes de financement (collecte de fonds auprès des États membres et de la Commission européenne), en plus de la possibilité qui lui est donnée, conformément à la procédure prévue à l’article 38.d du Statut, de soumettre, lorsque nécessaire, des demandes de financements complémentaires au Comité des ministres.

b. Modification des méthodes de travail et des structures

(i) Organisation des parties de session

53. Beaucoup de membres de l’Assemblée se sentent frustrés de ne pouvoir intervenir au cours des débats les plus intéressants et controversés de l’Assemblée. Il conviendrait de prendre les mesures suivantes afin de dégager plus de temps pour les orateurs:

Ø ramener le temps de parole des membres inscrits sur la liste des orateurs de cinq à quatre minutes ;

Ø prévoir un minimum de deux heures pour chaque débat, à l’exception des débats d’actualité, qui resteraient limités à une heure et demie ;

Ø les amendements ne seraient plus présentés oralement par les signataires en plénière (pour ou contre) (5) à moins que l’Assemblée n’en décide autrement. (6) Les auteurs des amendements auraient la possibilité de leur adjoindre une justification écrite au moment du dépôt.

54. L’impact pratique sur l’organisation des parties de session serait le suivant :

Ø Le lundi après-midi, il n’y aurait plus de rapport de commission au programme, à l’exception du Rapport d’activité, mais un « débat libre » (voir paragraphe 46 ci-dessus) et l’intervention d’une personnalité (par exemple le SG ou le président du CM).

Ø Le mardi, le mercredi et le jeudi, il y aurait au maximum un rapport le matin et deux l’après-midi.

Ø Le vendredi matin, il y aurait au maximum deux rapports.

Ø Les réunions de commissions l’après-midi dureraient plus longtemps et auraient lieu de 14h00 à 15h30, de manière à ce que les commissions aient plus de temps pour examiner les amendements et traiter leur ordre du jour.

Ø Les séances de l’après-midi du mardi, du mercredi et du jeudi se tiendraient en conséquence de 15h30 à 19h30, ou 20h00 au plus tard (7);

Ø En principe, aucune liste d’orateurs ne serait coupée.

55. Il conviendrait d’inviter davantage de ministres spécialisés (c’est-à-dire autre que le ministre des Affaires étrangères), en particulier du pays exerçant la présidence du Comité des ministres, lors des débats en plénière. De la même façon, des ministres pertinents du pays concerné par un débat à l’Assemblée sur le suivi des engagements et des obligations du pays devraient être invités au débat.

56. On pourrait aussi envisager, après le débat en commission, et avant le débat proprement dit à l’hémicycle, l’organisation d’une table ronde avec des invités de très haut niveau, qu’ils soient physiquement présents ou grâce à la visioconférence sur écran géant, cette faculté permettant d’avoir la participation de plusieurs personnalités de premier plan.

(ii) Suppléants

57. La participation aux réunions de l’APCE est entravée par le refus d’un nombre croissant de parlements nationaux de financer le déplacement de suppléants dans leurs délégations. Plus généralement, se pose la question de la réforme du statut des suppléants. Il convient d’aborder ce sujet avec la plus grande ouverture. Dans un grand nombre de délégations nationales, les suppléants représentent l’opposition ou des minorités nationales dans le parlement. Si on souhaitait une plus grande flexibilité, on pourrait préciser que les représentants pourraient être remplacés par des suppléants pas seulement pour une séance entière (matin ou après-midi) mais aussi pour un débat.

(iii) Commission permanente

58. La Commission permanente a actuellement pour fonctions principales d’adopter des textes au nom de l’Assemblée et de tenir des échanges de vues politiques avec le président du Comité des ministres au début de la Présidence. Il y a des critiques concernant l’intérêt, le format et l’organisation de telles réunions. Les membres de l’Assemblée sont donc invités à formuler des propositions afin de rendre ces réunions plus vivantes et pertinentes, tout en préservant la représentativité de la Commission permanente qui comprend toutes les délégations nationales. Certaines des propositions qui devraient être examinées dans ce contexte sont l’organisation d’une « mini-session » sur deux jours et/ou plus de réunions à Paris (tenant compte de l’aspect budgétaire de telles réunions tant pour le parlement hôte que pour le budget de l’Assemblée). Une autre idée est que, comme les sessions plénières, les réunions de la Commission permanente aient un thème directeur et des personnalités éminentes devraient être invitées en rapport avec ce thème. Une proposition en ce sens devrait être faite six mois avant la réunion, en coopération avec le pays accueillant la Commission permanente.

(iv) Structure des commissions

59. La motivation sous-tendant le processus actuel de réforme de l’Assemblée est de recentrer ses activités. Il est donc logique que la structure de ses commissions soit modifiée. Cela permettrait en outre de renforcer les secrétariats des commissions restantes et de faciliter le suivi des travaux de ces commissions par leurs membres.

60. Plusieurs possibilités devraient être envisagées :

Ø fusion de la Commission des questions économiques et du développement (AS/Ec) et de la Commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales (AS/Ena) en une Commission du développement durable ; dans ce cas, les fonctions budgétaires de AS/Ec seraient transférées à la commission du Règlement, des immunités et des questions institutionnelles (AS/Pro) ;

Ø fusion de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille (AS/Soc) et de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population (AS/Mig) en une Commission de la cohésion sociale.

61. Il y aurait donc, au total, huit commissions permanentes. Le mandat de ces commissions devrait être revu en conséquence.

(v) Composition des commissions

62. La Commission de suivi, la commission du Règlement et la sous-commission pour l’élection des juges (de AS/Jur) continueraient à être nommées par les groupes politiques en vertu du système d’Hondt.

VI – Prochaines étapes

63. La réforme de l’Assemblée est un projet ambitieux. Elle implique aussi une remise en cause des méthodes de travail, des structures et des schémas de pensée établis. Il est donc essentiel que les membres de l’Assemblée aient, dans toute la mesure du possible, le sentiment que les propositions de réforme sont les leurs. C’est pourquoi la commission ad hoc a établi le calendrier suivant pour les débats et la consultation des principaux acteurs :

Ø Réunion du Bureau du 28 janvier 2011 : présentation des propositions écrites de la commission ad hoc ;

Ø Février-avril 2011 : consultation des commissions, des délégations nationales et des groupes politiques de l’Assemblée sur ces propositions ;

Ø Réunion du Bureau en mai 2011 (Kiev) : présentation du rapport final de la commission ad hoc ;

Ø Partie de session de juin 2011 : débat en plénière sur les propositions de la commission ad hoc et approbation de ces dernières par l’Assemblée ;

Ø Partie de session d’octobre 2011 : rapport d’AS/Pro sur les modifications du Règlement rendues nécessaires par les propositions de réforme ;

Ø Partie de session de janvier 2012 : entrée en vigueur de la réforme.

64. Pour permettre à la commission ad hoc de soumettre son rapport à l’Assemblée et à cette dernière d’en débattre, la commission ad hoc propose que le Bureau demande qu’elle soit transformée en commission ad hoc de l’Assemblée. Cette proposition pourrait être approuvée par l’Assemblée dans le cadre du Rapport d’activité du Bureau.

65. Le Bureau est invité à approuver les propositions figurant dans le présent rapport et à les soumettre pour consultation aux commissions, aux délégations nationales et aux groupes politiques de l’Assemblée.

Annexe 3

Résolution 1957 (2011) – Violences à l’encontre des chrétiens
au Proche et au Moyen-Orient

1.     L’Assemblée parlementaire rappelle que la Chrétienté a pris sa source au Proche-Orient il y a 2 000 ans et que, depuis lors, il y a toujours eu des communautés chrétiennes dans cette région.

2.     Ces communautés, constituées d’autochtones, ont vu leurs membres diminuer ces cent dernières années, pour l'essentiel du fait d'un faible taux de natalité combiné aux migrations qui, en certains endroits, sont déclenchées par la discrimination et les persécutions.

3.     La situation s'est aggravée au début du 21e siècle et, si elle n'est pas traitée convenablement, elle pourrait aboutir à la disparition – dans très peu de temps – des communautés chrétiennes du Proche et du Moyen-Orient, ce qui entraînerait la disparition d'une part significative de l'héritage religieux des pays concernés.

4.     L'année 2010 a été marquée par l’augmentation des attentats à l’encontre des communautés chrétiennes dans le monde, ainsi que par la hausse du nombre de procès et de condamnations à mort pour blasphème, qui concernent souvent les femmes, comme dans le cas de Mme Asia Bibi.

5.     Les relations entre les communautés chrétiennes au Proche et au Moyen-Orient et les musulmans, majoritaires, n’ont pas toujours été faciles. On signale dans toute la région une discrimination et des cas d’extrêmes violences se sont produits sporadiquement dans plusieurs pays. Dans certains pays musulmans, les pouvoirs publics n'ont pas toujours donné les bons signaux concernant les communautés religieuses établies sur leur territoire.

6.     Deux événements récents ont été particulièrement tragiques : le 31 octobre 2010, une prise d’otages dans la cathédrale catholique syriaque de Notre-Dame du Salut à Bagdad s’est terminée en massacre de fidèles dont 58 ont péri et 75 autres ont été blessés. Un attentat suicide à la bombe dans une église copte d'Alexandrie a tué 21 personnes, et 79 autres ont été blessés, alors que les fidèles sortaient de la messe de minuit le 1er janvier 2011.

7.     L’Assemblée condamne ces attentats avec la plus grande fermeté et exprime ses sincères condoléances aux familles des victimes, sa sympathie aux blessés et sa solidarité avec leurs familles.

8.     Elle rappelle que la liberté de pensée, la liberté de conscience et la liberté de religion, y inclus la liberté de changer de religion, sont des droits humains universels, consacrés par l’Article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, que chaque État membre des Nations unies s’est engagé à garantir. Elle souhaite également attirer l’attention sur l’article 18 du Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques, sur la Déclaration des Nations unies de 1981 sur l’élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, sur les rapports de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté de religion ou de croyance et en particulier ses rapports du 29 décembre 2009, 16 février 2010 et 29 juillet 2010, sur l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme et sur l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

9.     La coexistence de congrégations religieuses est un signe de pluralisme et de l’existence d’un environnement propice au développement de la démocratie et des droits de l’Homme. L’Assemblée est convaincue que la disparition des communautés chrétiennes du Proche et du Moyen-Orient serait aussi catastrophique pour l’Islam, car elle signifierait la victoire du fondamentalisme.

10.   Elle souhaite sensibiliser à la nécessité de combattre tous types de fondamentalisme religieux et la manipulation de croyances religieuses pour des motifs politiques, ces deux phénomènes étant si souvent à la source du terrorisme que nous connaissons actuellement. L’éducation et le dialogue sont deux outils importants qui pourraient contribuer à la prévention de ces fléaux.

11.   Étant donné qu’il est toujours plus nécessaire d’analyser et de comprendre l’évolution des développements culturels et religieux dans les relations internationales et les sociétés contemporaines, l’Assemblée recommande au Comité des ministres :

11.1.     de mettre en place une capacité permanente – en coopération avec le Commissaire aux droits de l’Homme et la Direction générale des droits de l’Homme et des affaires juridiques – pour suivre la situation des restrictions gouvernementales et sociétales à la liberté de religion et aux droits connexes dans les États membres du Conseil de l’Europe et les États du Proche et du Moyen-Orient, et de rendre compte régulièrement à l’Assemblée ;

11.2.     d’élaborer d’urgence une stratégie du Conseil de l’Europe pour faire respecter la liberté de religion (y inclus la liberté de changer de religion) en tant que droit de l’homme, avec une liste de mesures pouvant être prises à l’encontre d’États qui sciemment ne protègent pas les confessions religieuses;

11.3.     de porter une attention accrue au sujet de la liberté de religion ou de croyance et à la situation des communautés religieuses, y compris chrétiennes, dans sa coopération avec des pays tiers ainsi que dans les rapports sur les droits de l'Homme.

12.   L’Assemblée invite les États membres :

12.1.     à réaffirmer que le développement des droits de l'Homme, de la démocratie et des libertés civiques est la base commune sur laquelle ils construisent leurs relations avec des pays tiers et à veiller à ce que les accords entre eux et des pays tiers comportent une clause sur la démocratie ;

12.2.     à prendre en compte la situation des communautés religieuses chrétiennes et autres dans leur dialogue politique bilatéral avec les pays concernés ;

12.3.     à promouvoir une politique, au niveau national et au niveau du Comité des ministres, qui intègre la question du respect des droits fondamentaux des minorités chrétiennes dans les relations avec des pays étrangers ;

12.4.     à produire, promouvoir et diffuser des supports pédagogiques traitant les stéréotypes et préjugés antichrétiens ainsi que la christianophobie en général ;

12.5.     à ne pas encourager les membres des communautés chrétiennes du Proche et du Moyen-Orient à chercher refuge en Europe, à moins que la survie de ces communautés ne devienne impossible; mais, si tel est le cas, les États membres devraient prendre pleinement en compte les recommandations du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés sur le traitement des questions de demande d’asile et de renvoi dans le pays d’origine et se conformer pleinement aux arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme et aux mesures provisoires qu'elle indique au titre de l'article 39 ;

12.6.     à élaborer une politique globale d’asile basée sur des motifs religieux, qui reconnaîtrait en particulier la situation spécifique de ceux qui se convertissent à une autre religion ;

12.7.     à promouvoir des politiques pour aider à reloger des réfugiés chrétiens dans leurs pays d'origine et soutenir les communautés offrant localement un refuge aux minorités chrétiennes du Proche et du Moyen-Orient ;

12.8.     à soutenir des initiatives visant à promouvoir le dialogue entre communautés religieuses au Proche et au Moyen-Orient ;

12.9.     à promouvoir et faciliter les relations entre les diasporas chrétiennes et leurs communautés d’origine.

13.   Suite à l’adoption par le Parlement européen d’une résolution sur la situation des chrétiens dans le contexte de la liberté de religion, le 20 janvier 2011, l’Assemblée appelle la Turquie à clarifier pleinement les circonstances entourant l’interruption de la célébration de la messe de Noël dans les villages de Rizokarpaso et Ayia Triada dans la partie nord de Chypre le 25 décembre 2010 et de faire comparaître devant la justice les responsables.

14.   L’Assemblée demande instamment à l’Irak et à l’Égypte de faire preuve de transparence et de détermination pour traduire aussitôt que possible en justice les auteurs des attentats de Bagdad et d’Alexandrie.

15.   L’Assemblée demande en outre instamment à tous les États du Proche et du Moyen-Orient:

15.1.   de condamner sans ambiguïté non seulement les attentats meurtriers contre des personnes innocentes mais aussi le recours à la violence en général et tout type de discrimination et d’intolérance fondé sur la religion et les croyances;

15.2.   de promouvoir une éducation positive sur les religions, y compris les minorités chrétiennes;

15.3.   de soutenir activement les initiatives visant à promouvoir la dimension interreligieuse du dialogue.

16.   L’Assemblée invite tous les chefs religieux en Europe à condamner les attentats contre les communautés chrétiennes et autres groupes de croyants et à accepter la base de l’égalité de respect pour chaque confession.

17.   Enfin, l’Assemblée invite l’Union européenne à suivre davantage l’évolution de la situation des communautés religieuses, chrétiennes et autres, dans son dialogue politique avec les pays du Proche et du Moyen-Orient et à lier sa politique de voisinage, y inclus l’aide financière, au degré de protection et de sensibilisation aux droits de l’Homme dans ces pays.

Annexe 4

Déclaration du Comité des ministres – Liberté religieuse

Comme l’ont démontré les récents événements tragiques, des personnes de toutes confessions sont de plus en plus victimes de discriminations et d’agressions - parfois au prix de leur vie – uniquement en raison de leurs convictions religieuses.

Nous, les 47 États membres du Conseil de l’Europe, condamnons fermement ces actes et toute forme d’incitation à la haine religieuse et à la violence. La liberté de pensée, de conscience et de religion est un droit inaliénable, consacré dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations unies et garanti par l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ainsi que par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme, dont le Conseil de l’Europe est le gardien.

Il ne peut y avoir de société démocratique fondée sur la compréhension et la tolérance sans respect de la liberté de pensée, de conscience et de religion. La jouissance de cette liberté est une condition nécessaire pour vivre ensemble.

Annexe 5

Résolution 1782 (2011) – Enquête sur les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo
8

1.     L’Assemblée parlementaire a pris connaissance avec vive préoccupation des révélations de l’ancienne Procureure générale auprès du Tribunal Pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), allégations selon lesquelles des crimes graves auraient été commis lors du conflit au Kosovo, notamment un trafic d’organes humains, actes qui seraient restés jusqu’à ce jour impunis et n’auraient été l’objet d’aucune enquête sérieuse.

2.     Toujours selon l’ancienne magistrate, ces actes auraient été commis par des membres des milices de l’Armée de Libération du Kosovo (UÇK) contre des ressortissants serbes restés sur place à la fin du conflit armé et fait prisonniers.

3.     Selon les informations recueillies pour le compte de l’Assemblée et d’après les enquêtes pénales en cours, de nombreux indices concrets et convergents confirment que des Serbes ainsi que des Kosovars albanais ont été tenus prisonniers dans des lieux de détention secrets sous contrôle de l’UÇK au Nord de l’Albanie et soumis à des traitements inhumains et dégradants, pour finalement disparaître.

4.     De nombreux indices semblent confirmer que, dans la période qui suit immédiatement la fin du conflit armé, avant que les forces internationales puissent vraiment prendre le contrôle de la région et rétablir un semblant d’ordre et de légalité, des organes auraient été prélevés sur des prisonniers dans une clinique en territoire albanais, près de Fushë-Krujë, et transportés ensuite à l’étranger à des fins de transplantation.

5.     Cette activité criminelle, qui s’est développée en profitant du chaos régnant dans la région et à l’initiative de certains chefs des milices de l’UÇK liés au crime organisé, se serait poursuivie, bien que sous d’autres formes, jusqu’à nos jours, comme le démontre une enquête en cours menée par la mission de police et de justice de l'Union européenne (EULEX) concernant la clinique «Medicus» à Pristina.

6.     Bien qu’il y ait déjà eu des indices concrets de l’existence de tels trafics au début de la décennie, les autorités internationales en charge de la région n’ont pas estimé nécessaire de procéder à un examen approfondi de ces circonstances, ou elles l’ont fait d’une façon incomplète et superficielle.

7.     Les organisations internationales en charge de la sécurité et de la légalité (KFOR et MINUK – Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo) ont dû faire face, surtout au cours des premières années de leur présence au Kosovo, à d’importants problèmes structurels et à de sérieuses carences en personnel qualifié pour assumer les tâches qui leur avaient été confiées, dysfonctions aggravées par une rotation rapide et continuelle des cadres en poste au Kosovo.

8.     Le TPIY, qui avait commencé à procéder à un premier examen sur place pour établir l’existence de traces d’un éventuel trafic d’organes, a abandonné ces investigations. Les éléments de preuve prélevés à Rripe, en Albanie, ont été détruits et ne peuvent par conséquent plus être exploités pour des analyses plus poussées. Aucune enquête n’a ainsi été diligentée par la suite dans une affaire pourtant considérée suffisamment sérieuse pour que l’ancienne Procureure générale du TPIY ait estimé nécessaire de la rendre publique dans son livre.

9.     Pendant la phase décisive du conflit armé, l’OTAN est intervenue par des frappes aériennes, tandis que les opérations terrestres étaient conduites par l’UÇK, allié de fait des forces internationales. Après le départ des autorités serbes, les acteurs internationaux en charge de la sécurité au Kosovo se sont largement appuyés sur les forces politiques au pouvoir au Kosovo, essentiellement issues des cadres de l’UÇK.

10.   Les organisations internationales en place au Kosovo ont privilégié une approche politique pragmatique, estimant devoir favoriser à tout prix la stabilité à court terme et sacrifiant ainsi d’importants principes de justice. Pendant longtemps peu a été fait pour donner suite aux indices qui impliquaient des membres de l’UÇK dans des crimes contre la population serbe ainsi que contre des Kosovars albanais. Tout de suite à la fin du conflit, en effet, lorsque l’UÇK avait pratiquement seul le contrôle sur le terrain, de nombreux règlements de compte ont eu lieu entre factions diverses et à l’encontre de ceux qui étaient considérés, sans aucune forme de procès, comme des traîtres parce que soupçonnés d’avoir collaboré avec les autorités serbes précédemment en place.

11.   EULEX, qui a assumé des fonctions en matière de justice précédemment remplies par les Nations unies (MINUK) à la fin de 2008, a hérité d’une situation difficile et délicate, surtout dans le domaine de la lutte contre la criminalité grave: des dossiers incomplets, des pièces égarées, des témoignages non recueillis. Par conséquent, de nombreux crimes risquent de rester impunis. Peu ou pas de recherches approfondies ont été effectuées dans le domaine de la criminalité organisée et ses connexions avec les représentants des institutions politiques, ainsi que pour les crimes de guerre commis contre des Serbes et des Kosovars albanais considérés comme des collaborateurs ou appartenant à des factions rivales. Ce dernier sujet constitue un véritable tabou aujourd’hui encore au Kosovo, même si, en privé et avec grande prudence, tout le monde en parle. EULEX semble avoir fait tout récemment des avancées en ce domaine et il faut vivement espérer que des considérations politiques ne viendront pas entraver cet engagement.

12.   L’équipe de procureurs et enquêteurs internationaux au sein de la mission EULEX chargée d’enquêter sur les allégations de traitements inhumains, y compris celles relatives à un éventuel trafic d’organes, a fait des progrès notamment en ce qui concerne la preuve de l’existence de lieux de détention secrets de l’UÇK au nord de l’Albanie dans lesquels des traitements inhumains et même des meurtres auraient été commis. L‘enquête ne bénéficie toutefois pas de la coopération souhaitable de la part des autorités albanaises.

13.   L’émotion suscitée au niveau mondial par les crimes effroyables commis par les forces serbes a engendré un climat, qu’on a pu constater aussi dans l’attitude de certaines instances internationales, reposant sur le présupposé que les uns étaient nécessairement considérés comme des bourreaux, les autres comme des victimes, donc inévitablement innocents. La réalité est plus nuancée et complexe.

14.   L’Assemblée réaffirme avec force la nécessité de combattre, sans compromis aucun, l’impunité des auteurs de violations graves des droits de l’Homme, et tient à rappeler que le fait que celles-ci aient été commises dans le cadre d’un conflit violent ne saurait en aucun cas justifier de renoncer à poursuivre les auteurs de pareils actes (voir résolution 1675 (2009)).

15.   Il ne peut et il ne doit pas exister une justice des vainqueurs et une justice des vaincus. Lors de tout conflit, tous les criminels doivent être poursuivis et tenus responsables de leurs actes illégaux, quel que soit le camp auquel ils appartiennent et indépendamment du rôle politique qu’ils assument.

16.   La question qui, du point de vue humanitaire, reste la plus aiguë et délicate est celle qui concerne les personnes disparues. Sur plus de 6 000 dossiers de disparitions ouverts par le Comité international de la Croix Rouge, 1 400 personnes environ ont été retrouvées vivantes et 2 500 cadavres ont pu être retrouvés et identifiés. Il s’agit pour la plupart de victimes kosovares albanaises retrouvées dans des charniers découverts dans des régions sous contrôle serbe et au Kosovo.

17.   La coopération entre les instances internationales, d’une part, et les autorités kosovares et albanaises, de l’autre, pour élucider le sort des personnes disparues est encore clairement insuffisante. Alors que la Serbie a fini par coopérer, l’exécution de fouilles s’est avérée beaucoup plus compliquée sur le territoire du Kosovo, voire impossible, du moins jusqu’à maintenant, sur le territoire albanais. La coopération des autorités kosovares est particulièrement défaillante en ce qui concerne les recherches des quelque 500 personnes officiellement disparues après la fin du conflit.

18.   Le groupe de travail sur les personnes disparues, coprésidé par le Comité international de la Croix Rouge et le Bureau pour les personnes disparues d’EULEX, a besoin du soutien plein et entier de la communauté internationale afin que soient surmontées les réticences de part et d’autre. Connaître la vérité et permettre finalement aux familles des victimes de pouvoir faire leur deuil est une condition indispensable pour une réconciliation entre les communautés et une paix durable dans cette région des Balkans.

19.   L’Assemblée invite par conséquent :

19.1.     les États membres de l’Union européenne et les autres États contributeurs:

19.1.1     à préciser les compétences d'EULEX et/ou de toutes autres instances judiciaires internationales chargées de mener des investigations de suivi de façon à reconnaître que leur compétence territoriale et temporelle s'étend à l'ensemble des crimes liés au conflit du Kosovo ;

19.1.2     à allouer à EULEX les ressources nécessaires, logistiques et en personnel hautement qualifié, pour faire face à la mission extraordinairement complexe et importante qui lui a été confiée ;

19.1.3     à fixer à EULEX un objectif clair et à lui accorder un soutien politique au plus haut niveau pour combattre le crime organisé sans compromis, et pour que la justice soit rendue, sans aucune considération d’opportunité politique ;

19.1.4     à engager tous les moyens nécessaires pour instituer des programmes efficaces de protection des témoins ;

19.2.     EULEX :

19.2.1     à persévérer dans son travail d’enquête, sans égard aucun aux fonctions exercées par les éventuels suspects ou à l’origine des victimes, en mettant tout en œuvre pour faire la lumière sur les disparitions criminelles, les indices de trafics d’organes, la corruption et la collusion, si souvent dénoncée, entre milieux mafieux et politiques ;

19.2.2     à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer une protection efficace des témoins et les mettre en confiance ;

19.3.     le TPIY, à coopérer pleinement avec EULEX, notamment en mettant à sa disposition les informations et les éléments de preuve en sa possession et de nature à aider EULEX à poursuivre les responsables des crimes relevant de sa compétence ;

19.4.     les autorités de la Serbie :

19.4.1     à mettre tout en œuvre pour capturer les personnes encore recherchées par le TPIY pour crimes de guerre, notamment le général Ratko Mladic et Goran Hadzic, dont l’impunité constitue toujours un obstacle sérieux au processus de réconciliation et est souvent invoquée par les autorités d’autres pays pour justifier leur peu d’empressement à procéder elles-mêmes à des actions judiciaires ;

19.4.2     à coopérer étroitement avec EULEX, notamment en lui remettant toutes les informations pouvant aider à élucider des crimes commis au cours et à la suite du conflit au Kosovo ;

19.4.3     à prendre les mesures nécessaires pour empêcher des fuites à la presse d’informations sur des enquêtes concernant le Kosovo, ce qui nuit à la collaboration avec les autres autorités et à la crédibilité du travail d’investigation ;

19.5.     les autorités de l’Albanie :

19.5.1     à coopérer sans réserve avec EULEX et les autorités de la Serbie dans le cadre des procédures destinées à faire la lumière sur les crimes liés au conflit du Kosovo, quelle que soit l'origine connue ou supposée des suspects et des victimes ;

19.5.2     en particulier, à donner suite aux demandes d’assistance judiciaire d’EULEX concernant des faits de nature criminelle qui se seraient produits dans un camp de l’UÇK dans le nord de l’Albanie ;

19.5.3     à diligenter une enquête sérieuse et indépendante afin de faire toute la lumière sur les allégations, parfois concrètes et précises, concernant l’existence de centres secrets de détention où des traitements inhumains auraient été infligés à des prisonniers provenant du Kosovo, d’origine aussi bien serbe qu’albanaise, pendant et immédiatement après le conflit; l’enquête doit aussi être étendue à la vérification des allégations, également précises, concernant un trafic d’organes qui aurait eu lieu au cours de la même période et en partie sur territoire albanais ;

19.6.     l'administration du Kosovo, à collaborer sans réserve avec EULEX et/ou toutes autres instances judiciaires internationales chargées de mener des investigations de suivi et dans le cadre de toutes autres procédures destinées à faire la lumière sur les crimes liés au conflit du Kosovo quelle que soit l'origine connue ou supposée des suspects et des victimes ;

19.7.     tous les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe concernés :

19.7.1     à répondre dans les meilleurs délais aux demandes de coopération judiciaire qui leur ont été adressées par EULEX et par les autorités serbes dans le cadre de leurs enquêtes en cours concernant les crimes de guerre et le trafic d’organes; le retard de ces réponses est incompréhensible et intolérable si on considère l’importance et l’urgence de la coopération internationale pour faire face à des phénomènes criminels aussi graves et dangereux ;

19.7.2     à coopérer avec EULEX dans ses efforts de protection de témoins, notamment lorsque ceux-ci ne peuvent plus continuer à vivre dans la région et doivent par conséquent assumer une nouvelle identité et trouver un nouveau pays de résidence.

20.    L’Assemblée, consciente que le trafic d’organes humains constitue désormais un phénomène de dimension mondiale d’une extrême gravité, manifestement contraire aux normes les plus élémentaires des droits et de la dignité de la personne, salue dès lors et partage les conclusions de l’étude conjointe publiée en 2009 et réalisée par le Conseil de l’Europe et l’Organisation des Nations unies. Elle partage notamment la conclusion selon laquelle il convient d’élaborer un instrument juridique international établissant une définition du trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine énonçant des mesures à prendre pour prévenir ce trafic et protéger les victimes, ainsi que des mesures de droit pénal destinées à le réprimer.

Annexe 6

Résolution 1790 (2011) – La situation en Biélorussie suite à l’élection présidentielle

1.     L’Assemblée parlementaire est consternée par la vague sans précédent de violences, d’intimidations, d’arrestations massives et de persécutions à l’encontre d’opposants politiques, de défenseurs des droits de l’Homme, de professionnels des médias, d’étudiants et de citoyens du Bélarus, qui a suivi l’annonce des résultats de l'élection présidentielle organisée au Bélarus le 19 décembre 2010.

2.     Plus de six cents personnes ont été arrêtées, dont des candidats à l’élection présidentielle, alors que des agressions étaient perpétrées et des perquisitions menées aux domiciles de dirigeants de l’opposition, de défenseurs des droits de l’Homme et de journalistes, ainsi que dans les locaux de plusieurs organisations non gouvernementales et d’organes de médias. La répression a continué de manière plus ciblée dans le mois qui a suivi l'élection et aucun signe d’accalmie n’est visible à ce jour. Une répression aussi violente de la contestation politique et celle, ciblée, menée contre les opposants politiques, les défenseurs des droits de l’Homme et les professionnels des médias constituent non seulement une réponse disproportionnée à l’action des protestataires mais sont également le signe d’un mépris pur et simple des valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l’Europe.

3.     Se félicitant vivement de la résolution adoptée par le Parlement européen le 20 janvier 2011 sur la situation au Bélarus, l’Assemblée condamne notamment l'incarcération par les forces de sécurité, depuis le 19 décembre 2010, d'Irina Khalip, une journaliste internationalement reconnue qui travaille pour le quotidien russe Novaya Gazeta, et d'Andrei Sannikov, le candidat présidentiel blessé par les brutalités, ainsi que les menaces proférées par les autorités qui envisageaient de placer leur fils âgé de trois ans dans un orphelinat de l'Etat. L’Assemblée condamne également le maintien en détention de Natalya Radina, rédactrice en chef du site Internet Charter 97, qui a été arrêtée suite à la rafle réalisée dans ses bureaux par les forces de sécurité, le 20 décembre 2010 à Minsk.

4.     L’Assemblée réaffirme sa conviction que les libertés politiques doivent être pleinement respectées et que tous les individus et groupes doivent être en mesure d’exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’expression et de réunion, y compris lorsqu’ils critiquent sévèrement les autorités ou la conduite des élections.

5.     L'Assemblée regrette que, selon l'évaluation préliminaire de l'OSCE de la dernière élection présidentielle, et en dépit des améliorations spécifiques apportées à la législation électorale et lors de la campagne électorale, le Bélarus ait encore un long chemin à parcourir pour respecter les engagements envers l'OSCE et en particulier un certain nombre de normes internationales clés pour des élections démocratiques, telles que la transparence et la responsabilisation lors du décompte des voix. Elles ont été marquées par un manque d’accès équitable aux médias pour l’ensemble des candidats et l’utilisation déloyale des ressources de l’État pour soutenir le président en exercice.

6.     L’Assemblée déplore par ailleurs la décision des autorités bélarusses de ne pas prolonger le mandat du Bureau de l’OSCE à Minsk, qui assurait une présence dans le pays depuis 1998.

7.     A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée invite instamment les autorités bélarusses :

7.1.     à libérer immédiatement tous les candidats de l’opposition et leurs partisans, les journalistes et les défenseurs des droits de l’Homme détenus pour des motifs politiques ;

7.2.     à mettre un terme aux actes de harcèlement et d’intimidation contre les responsables politiques de l’opposition, les médias et les représentants de la société civile ;

7.3.     à mener une enquête transparente sur le recours abusif et disproportionné à la force par la police et les forces de sécurité contre les manifestants ;

7.4.     à mettre un terme aux renvois d’étudiants des universités et aux licenciements de personnes en raison de leur participation à la manifestation ;

7.5.     à reconsidérer leur décision de fermer le Bureau de l’OSCE à Minsk, et à prolonger son mandat en 2011 et au-delà ;

7.6.     à achever le processus de réforme de la législation et de la pratique électorales en tenant compte de l’ensemble des recommandations formulées par l’OSCE/BIDDH et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) ;

7.7.     à exiger des responsables présumés des disparitions de Youri Zakharenko, Victor Gontchar, Anatoly Krassovski et Dmitri Zavadsky qu’ils rendent des comptes conformément à la résolution 1371 (2004) ;

7.8.     à décréter un moratoire sur les exécutions comme première étape vers l’abolition de la peine de mort, conformément à la résolution 1671 (2009).

8.     L’Assemblée est convaincue que toute sanction et restrictions appliquées aux contacts et interactions avec les responsables de ces événements, y compris les plus hauts responsables du pays, ne devraient pas mener à un isolement accru du peuple bélarusse.

9.     L’Assemblée est également convaincue de l’intérêt de sanctions ciblées visant les personnes directement responsables des actes de répression les plus flagrants sous réserve qu’elles soient infligées selon une procédure équitable et transparente. Elle invite par conséquent tous les États membres du Conseil de l'Europe, y compris ceux qui ne sont pas membres de l’Union européenne à souscrire aux sanctions visées par l’Union européenne contre les personnalités bélarusses.

10.   L’Assemblée décide en conséquence de renforcer le dialogue avec les forces démocratiques du Bélarus, la société civile, les groupes d’opposition, les médias libres et les défenseurs des droits de l’Homme. Dans le même esprit, l’Assemblée appelle tous les États membres du Conseil de l’Europe :

10.1.     à maintenir et renforcer le dialogue avec la société civile bélarusse et à investir dans des contacts interpersonnels avec le Bélarus à tous les niveaux ;

10.2.     à envisager de faciliter l’octroi de visas aux citoyens ordinaires du Bélarus et à envisager la possibilité de prévoir de manière temporaire des lieux de refuge sûrs pour les opposants politiques, les défenseurs des droits de l'Homme et les travailleurs des médias qui sont menacés ;

10.3.     à encourager les universités à ouvrir leurs portes aux étudiants bélarusses renvoyés en raison de leurs activités politiques ;

10.4.     à appuyer la poursuite des activités du Bureau de l’OSCE à Minsk dans le cadre du mandat qui lui a été confié ;

10.5.     à s'abstenir explicitement de toute reconnaissance du résultat des élections présidentielles du Belarus ;

10.6.     à encourager et appuyer les efforts déployés pour recueillir et conserver des preuves contre les auteurs de violations graves de droits de l'Homme en vue de sanctions ciblées et de futures poursuites pénales.

11.   S’agissant de ses relations avec le Bélarus, l’Assemblée rappelle que dans sa résolution 1727 (2010), adoptée en avril 2010, après un débat selon la procédure d’urgence provoqué essentiellement par l’exécution de deux détenus en mars 2010, elle avait décidé de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau entre elle et les autorités bélarusses, réaffirmant qu’il ne pouvait y avoir de progrès dans le dialogue sans progrès vers les normes du Conseil de l’Europe.

12.   Au vu du nouveau recul sérieux constaté, l’Assemblée réaffirme sa décision de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau entre elle et les autorités bélarusses. Elle appelle par ailleurs le Bureau de l’Assemblée à ne pas lever la suspension du statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus:

12.1.     jusqu’à ce qu’un moratoire sur l’exécution de la peine de mort ait été décrété par les autorités bélarusses compétentes;

12.2.     jusqu’à ce que des progrès substantiels, tangibles et vérifiables interviennent en termes de respect des valeurs et principes démocratiques défendus par le Conseil de l’Europe.

13.   L’Assemblée appelle tous les partis politiques du Conseil de l'Europe et du Parlement européen à prendre des mesures énergiques pour soutenir leurs partis frères au Belarus en intensifiant l'aide personnelle aux dirigeants incarcérés et aux membres de leur famille, en soutenant financièrement le fonctionnement des partis et en invitant ces derniers à participer activement aux réunions européennes des partis, à tous les niveaux.

Annexe 7

Déclaration du Comité des ministres – Situation en Biélorussie

Les développements inquiétants intervenus au Bélarus suite aux élections présidentielles tenues le 19 décembre 2010 soulèvent un certain nombre de questions, en particulier pour le Conseil de l’Europe. Le Comité des ministres demande aux autorités du Bélarus de fournir des informations supplémentaires expliquant sur quelle base les candidats à la présidence, les journalistes et les activistes des droits de l’Homme ont été arrêtés au lendemain des élections. Ils devraient être libérés immédiatement et leurs droits individuels garantis. Les libertés politiques devraient être pleinement respectées.

Le Comité des ministres continuera à soutenir le rapprochement entre le Conseil de l’Europe et le Bélarus uniquement sur la base du respect des valeurs et principes européens.

Annexe 8

Résolution 1791 (2011) – La situation en Tunisie

1.     Ces dernières semaines, la Tunisie, l’un des plus proches voisins méditerranéens de l'Europe, a connu des changements considérables. Des troubles locaux provoqués par les mauvaises conditions économiques et sociales ont débouché sur un mouvement de protestation national, qui a finalement contraint l'ancien Président Ben Ali à fuir le pays. La situation en Tunisie reste fragile et incertaine et les manifestations de rues se poursuivent.

2.     L'Assemblée parlementaire rend hommage au courage et à la détermination du peuple tunisien qui, malgré la violence de la répression, a clairement montré sa volonté de mettre fin au régime autoritaire et de faire de la Tunisie un pays libre, ouvert et démocratique. Il faut aussi louer l’attitude de l’armée tunisienne, qui a offert sa protection au peuple pendant les troubles sans intervenir dans la politique.

3.     L'Assemblée condamne sans équivoque le recours à la violence contre les manifestants, regrette la perte de dizaines de vies humaines et exprime sa sympathie aux familles des victimes et aux blessés. L'utilisation des armes contre des citoyens pacifiques et les agissements de la police doivent faire l'objet d'une enquête approfondie et les responsables devront en rendre compte. Elle déplore aussi les actes de violence, les pillages et la destruction de biens commis par certains éléments dans les rangs des protestataires.

4.     Même si les causes premières des événements de Tunisie trouvent leur origine dans la politique de M. Ben Ali, l’Europe a également une part de responsabilité car elle n’est pas arrivée à condamner la nature de ce régime et qu’elle a préféré en utiliser l’apparente stabilité pour faire des affaires.

5.      Les forces politiques tunisiennes ne doivent pas décevoir les attentes du peuple et devraient engager sans tarder des réformes politiques. Le pluralisme politique devrait pouvoir s’exprimer. Dans ce contexte, l’Assemblée prend note de la formation d’un gouvernement provisoire, qui comprend plusieurs responsables de l’opposition. Elle observe aussi avec satisfaction que les personnalités politiques et publiques exilées peuvent maintenant regagner le pays.

6.     Les premières mesures annoncées par le gouvernement provisoire, comme la libération des prisonniers politiques, la levée des restrictions aux activités des partis politiques et des groupes de défense des droits de l’Homme, ainsi que la promesse de garantir la liberté des médias, sont les bienvenues.

7.     Cependant, les Tunisiens attendent la démocratisation complète de la société et exigent des réformes politiques beaucoup plus vastes, qui rendraient les changements irréversibles. De plus, beaucoup de Tunisiens, aussi bien dans le pays qu’à l’étranger, sont déçus de constater que des membres de l’ancien parti au pouvoir, le RCD, conservent des positions clés dans le gouvernement provisoire, même s’ils ont maintenant tous quitté ce parti.

8.     Les autorités provisoires de Tunisie doivent avancer rapidement sur la voie de la libéralisation politique afin de créer les conditions propices à un processus politique pluraliste incluant toutes les sensibilités de la société tunisienne. Il faut notamment qu’elles fixent rapidement une date pour la tenue d’élections libres et équitables, pleinement conformes aux normes internationales. L’Assemblée encourage toutes les forces politiques à participer de manière constructive à l’établissement du programme de réforme.

9.     A maintes reprises, l’Assemblée a appelé à la transformation démocratique des pays voisins, dont la Tunisie, et exprimé son soutien à cette transformation. Elle a une expérience hors pair de l’accompagnement des pays en transition et des jeunes démocraties sur la voie de la réforme, expérience qu’elle est prête à offrir à la Tunisie. A cet égard, le statut récemment créé de partenaire pour la démocratie offre un cadre concret permettant de partager cette expérience avec les parlements des pays voisins de l’Europe.

10.   L'Assemblée espère que la transformation politique de la Tunisie pourrait déclencher des changements démocratiques tant en Tunisie que dans d'autres pays de la région. Elle note que les développements en Tunisie ont déjà provoqué un effet domino en Égypte.

11.   Elle rappelle sa résolution 1731 (2010) « Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l’Europe », dans laquelle elle affirmait que la paix et la stabilité dans la Méditerranée ne peuvent être garanties que sur la base de la démocratie, du respect des droits de l’Homme et de la prééminence du droit. A cet égard, l’Assemblée se félicite de l’offre de l’Union européenne d’assister la Tunisie dans le processus de réforme et en particulier de l’aider à organiser des élections et renouvelle son appel pour que les activités de l’Union pour la Méditerranée soient élargies de manière à inclure la promotion de la démocratie, des droits de l’Homme et de la prééminence du droit. Elle appelle, en outre, l’Union européenne et ses États membres ainsi que les États membres du Conseil de l’Europe qui font partie de l’Union pour la Méditerranée à associer le Conseil de l’Europe aux activités de cette dernière.

12.   L’Assemblée, consciente que des éléments extrémistes sont susceptibles de tirer profit de tout vide politique et pour, entre autres, éviter tout risque d’ingérence des militaires dans la politique, appelle les autorités tunisiennes provisoires à répondre à l’aspiration du peuple à des réformes démocratiques et, en priorité :

12.1.     à garantir les libertés politiques fondamentales telles que la liberté de réunion, la liberté d’association, la liberté de religion, la liberté d’expression et la liberté des médias, ainsi que la protection des droits individuels ;

12.2.     à abolir la peine de mort et, dans l’intervalle, à maintenir le moratoire sur les exécutions ;

12.3.     à mettre en place une Commission Vérité et Réconciliation pour établir les faits et déterminer les responsabilités des individus impliqués dans les abus commis par le régime précédent et pour définir les modalités de réparation applicables aux victimes de ces abus ;

12.4.     à créer les conditions de la participation des citoyens à la vie politique et publique ;

12.5.     à s’engager dans une vaste réforme constitutionnelle dans le but de créer des institutions politiques véritablement représentatives et de consolider l’État de droit et la justice ;

12.6.     à prendre des mesures fermes pour endiguer la corruption et le népotisme, pour enquêter sur les abus de pouvoir commis par les anciennes élites dirigeantes et pour mettre en œuvre des réformes économiques et sociales urgentes visant à créer des conditions normales et équitables pour les acteurs économiques.

13.   L’Assemblée encourage les autorités tunisiennes à intensifier et élargir la coopération avec le Conseil de l’Europe et à tirer parti de son expérience pour la transition du pays vers la démocratie et, en particulier:

13.1.     à adhérer aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe qui sont ouverts aux États non membres, en particulier dans les domaines de la démocratie, des droits de l’Homme et de la primauté du droit ;

13.2.     à exploiter pleinement l’adhésion de la Tunisie à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans le processus de réforme constitutionnelle à venir ;

13.3.     à adhérer aux accords partiels élargis du Conseil de l’Europe tels que le Centre Nord-Sud et l’Accord européen et méditerranéen sur les risques majeurs (EUR-OPA) ;

13.4.     à établir des contacts entre le Conseil de l’Europe et les autorités tunisiennes chargées des questions de justice, de développement durable, de culture, d’éducation et d’enseignement supérieur, de jeunesse et de sport, d’égalité entre les sexes et de droits des enfants ;

13.5.     à étudier et utiliser, dans leurs activités respectives, l’expérience des institutions des droits de l’Homme et des mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, notamment de la Cour européenne des droits de l’Homme et du Commissaire aux droits de l’Homme ;

13.6.     à favoriser les contacts entre les représentants parlementaires et ceux de la société civile tunisiens et européens ;

13.7.     d’examiner les perspectives de dialogue parlementaire offertes par le statut de Partenaire pour la démocratie récemment créé par l’Assemblée.

14.   L’Assemblée s’engage à suivre attentivement l’évolution politique en Tunisie, à renforcer son dialogue avec le parlement de ce pays et, en particulier, avec les nouvelles institutions qui suivront les élections à venir - que l’Assemblée espère libres et équitables - et à trouver des moyens appropriés pour l’assister dans sa progression vers la démocratie.

Annexe 9

Résolution 1793 (2011) – Pour une longévité positive: valoriser l’emploi et le travail des seniors

1.     La discrimination fondée sur l’âge est souvent inconsciente, mais elle sape la dignité, les droits humains et l'amour-propre des seniors et constitue un gigantesque gaspillage de talents. L’Assemblée parlementaire estime que même si "l’âgisme" est moins reconnu que le racisme ou le sexisme, c’est un préjugé qui porte atteinte à la personne et qui se traduit par un non-respect généralisé, que ce soit dans les médias, qui véhiculent des images stéréotypes et dégradantes, au sein de la société, où les seniors sont victimes de violences physiques d'abus financiers, sur le lieu de travail, où ils sont traités de manière différente, ou dans le milieu médical, où ils ne reçoivent pas toujours les soins et les services appropriés.

2.     L'Assemblée a rappelé à diverses reprises qu'il faut d'urgence modifier l'approche à l'égard du vieillissement de la population et adapter les politiques en conséquence. C'est pourquoi elle salue la position adoptée par le Comité des ministres, et notamment sa réponse à la recommandation 1796 (2007) sur la situation des personnes âgées en Europe.

3.     L'Assemblée note que nombre de personnes en âge de travailler et d'apporter une contribution active à la société sont soit au chômage soit « inactives », en particulier les plus de 50 ans, et que la mondialisation et l'intensification de la concurrence affectent l’environnement professionnel et la qualité du travail confié aux travailleurs seniors. Ceux-ci font face également à un certain nombre d’obstacles pour demeurer en poste ou réintégrer le marché du travail, notamment pour concilier leur vie professionnelle et leurs responsabilités à l’égard de membres de leur famille ou de proches dépendants, ce qui pose particulièrement problème pour les femmes seniors.

4.     L’Assemblée estime qu’en augmentant le nombre de seniors actifs et en bonne santé, les gouvernements pourront aider plus généreusement les personnes nécessitant des soins de santé et une prise en charge à long terme, tout en dégageant des fonds pour l’éducation, la formation et les services sociaux. Elle souligne, toutefois, que le fait d'encourager chacun à s’engager plus activement et à adopter des modes de vie plus sains ne remplacera pas les systèmes de sécurité sociale fondés sur la solidarité, tout en déployant un filet de protection suffisant pour ceux pour qui la perspective d’un emploi est irréaliste.

5.     L’Assemblée reconnaît également que, après la retraite, les seniors continuent à contribuer à la société sans rétribution, en tant que citoyens, aidants ou consommateurs. L’absence d’informations précises sur leur contribution à la société au niveau économique renforce les stéréotypes sur l’improductivité et la dépendance des seniors.

6.     L'Assemblée considère que les politiques en faveur d’un vieillissement actif appellent des mesures dans divers domaines, outre celui du marché du travail. A cette fin, l'Assemblée encourage les États membres du Conseil de l'Europe à examiner les orientations suivantes qui leur sembleraient appropriées :

6.1.     s'agissant de la discrimination fondée sur l’âge :

6.1.1.    adopter des lois interdisant la discrimination fondée sur l’âge et supprimer les obstacles du marché de l'emploi, pour doter les seniors des capacités d'entrer, de rester ou de retourner dans le monde du travail, en fonction de leurs capacités et de leur volonté de travailler ;

6.1.2.    mettre en œuvre des programmes qui incitent les employés comme les employeurs à envisager le vieillissement actif sous un angle positif et faciliter la mise en place d’un processus efficace d’information et de coordination entre les organisations patronales et les syndicats, dans le cadre d’initiatives en faveur de l’emploi d’une main d’œuvre vieillissante ;

6.2.     s'agissant des mesures de protection sociale :

6.2.1.    analyser l’impact de la mondialisation et des récessions économiques et proposer des mesures ad hoc pour empêcher que les travailleurs seniors qui perdent leur travail ne deviennent des chômeurs de longue durée ;

6.2.2.    encourager la mise en place d'un régime de protection sociale pour les seniors qui ne reçoivent aucune pension ou une maigre retraite, étant restées au foyer ou ayant travaillé dans un secteur informel la majeure partie de leur vie ou leur vie durant ;

6.3.     s'agissant de l'assouplissement des conditions de travail :

6.3.1.    promouvoir les mesures visant à améliorer la qualité du travail flexible pour les seniors, en leur permettant d'occuper des postes moins éprouvants et d'opter pour des temps partiels, le travail d’équipe, le partage des emplois ainsi que la rotation et la redéfinition des tâches entre les différents membres d'une équipe ;

6.3.2.    permettre un passage progressif vers la retraite et encourager l’engagement dans le bénévolat ou dans des activités associatives afin de faciliter cette transition ;

6.3.3.    élaborer de nouvelles approches des soins aux seniors pour soutenir les aidants informels, en aménageant par exemple les dispositions relatives au congé parental afin de permettre à tous les aidants informels responsables de proches dépendants de bénéficier d’une protection adéquate de leurs droits sociaux, notamment de droits à une pension de retraite ;

6.4.     s'agissant de la formation, de la reconversion et de l'apprentissage tout au long de la vie :

6.4.1.    adopter une vision globale du parcours de vie et prendre des mesures préventives afin de renforcer l’employabilité de la main d’œuvre à mesure qu’elle vieillit, par exemple en faveur de la santé au travail, des programmes de reconversion professionnelle à mi-parcours ou des initiatives visant à réduire au maximum le risque que les gens soient mis en invalidité ;

6.4.2.    sensibiliser la jeunesse à l’importance de l’apprentissage tout au long de la vie et encourager les jeunes adultes à se préparer pour le troisième âge sur les plans de leur santé, de leur formation et de leurs habitudes sociales et financières ;

6.4.3.    puiser dans le potentiel des technologies de l’information et de la communication pour élargir les possibilités d’emploi et de formation des seniors, notamment handicapés ;

6.5.     s'agissant de la promotion de la santé :

6.5.1.    élaborer des politiques de santé proactives qui mettent l'accent sur la promotion de la santé, la prévention des maladies et le traitement des affections chroniques, et promouvoir les programmes de formation sanitaire organisés sur les lieux de travail à l'intention des travailleurs seniors ;

6.5.2.    étudier les transformations nécessaires pour encourager les travailleurs seniors à rester actifs, afin d'apporter des éclaircissements sur les meilleurs moyens de promouvoir l'apprentissage tout au long de la vie chez les travailleurs seniors et sur les aménagements du travail ou les incitations financières les plus adaptés ;

6.6.     s'agissant du volontariat: encourager le développement des activités bénévoles pour tous les groupes d’âge en renforçant la solidarité entre les générations et à lever les obstacles juridiques et administratifs qui empêchent la participation active et l’engagement des seniors ;

6.7.     s'agissant des engagements institutionnels :

6.7.1.    encourager la ratification et la pleine mise en œuvre de la Charte sociale européenne et de la Charte sociale européenne révisée, dont les dispositions renforcent la protection des personnes plus âgées et des travailleurs seniors ;

6.7.2.    encourager la ratification du Code européen de sécurité sociale et de son Protocole, ainsi que du Code européen de sécurité sociale révisé, qui fixent des normes en matière de sécurité sociale en définissant un niveau minimum commun de prestations.

1 () L’article 1.b du Statut dispose que « ce but sera poursuivi au moyen des organes du Conseil, par l'examen des questions d'intérêt commun, par la conclusion d'accords et par l'adoption d'une action commune dans les domaines économique, social, culturel, scientifique, juridique et administratif, ainsi que par la sauvegarde et le développement des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Par contre, aux termes de l’article 1.d, « les questions relatives à la défense nationale ne sont pas de la compétence du Conseil de l'Europe. »

2 () Voir l’article 25.1.

3 () Ce changement nécessiterait une modification de l’article 24.2.

4 () À distinguer des interventions pour fait personnel en vertu de l’article 34.7.

5 () Le rapporteur et le Président de la commission concernée continueront de donner leur avis.

6 () Ce changement nécessiterait une modification de l’article 33.9.

7 () Il faut rappeler dans ce contexte qu’aucun évènement, en particulier des réceptions, ne doit avoir lieu pendant qu’une séance de l’Assemblée est en cours.

8 () Toute référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité avec la résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations unies et sans préjuger du statut du Kosovo.


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