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N° 3524

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juin 2011.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom du comité d’évaluation et de contrôle
des politiques publiques sur

l’évaluation de l’aide médicale de l’État

par MM. Claude GOASGUEN et Christophe SIRUGUE,

Députés.

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INTRODUCTION
9

SYNTHÈSE DU RAPPORT 14

I.– L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT, UN DISPOSITIF RÉCEMMENT MODIFIÉ, OUVRE L’ACCÈS AUX SOINS À 220 000 PERSONNES EN SITUATION IRRÉGULIÈRE 15

A.– L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT, QUI RÉPOND À DES CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES, SANITAIRES, JURIDIQUES ET ÉCONOMIQUES, A POUR OBJECTIF D’ASSURER UNE COUVERTURE EN SANTÉ AUX PERSONNES EN SITUATION IRRÉGULIÈRE SUR LE TERRITOIRE 15

1. Les principes motivant l’AME sont fondés sur des enjeux de nature très différente 16

a) Faire prévaloir des considérations éthiques et humanitaires 16

b) Promouvoir une politique de santé publique cohérente et efficace 16

c) Reconnaître la nécessité d’un « pragmatisme médico-économique » 17
d) Se conformer à des obligations d’une force juridique diverse naissant du droit interne ou international
17

2. Le principe de la couverture par l’État des frais de santé des personnes en situation irrégulière est ancien 18

a) Le droit applicable avant 1999 assurait déjà la couverture des soins des personnes en situation irrégulière 18

b) La loi créant la CMU en 1999 instaure l’AME dans sa forme actuelle 19

c) La mise en place de l’AME 21

3. Trois définitions : l’AME de droit commun, les soins urgents et l’AME humanitaire 24

B.– LA LOI DÉFINIT LES CONDITIONS D’ACCÈS À L’AME ET LE PÉRIMÈTRE DES PRESTATIONS DÉLIVRÉES AUX BÉNÉFICIAIRES DU DISPOSITIF 26
1. L’accès au dispositif est désormais subordonné au respect de trois conditions cumulatives et au paiement d’un droit de timbre annuel de 30 euros depuis le 1er mars 2011
26

2. Les prestations délivrées aux bénéficiaires de l’AME sont d’un niveau inférieur à celles qu’ouvre le dispositif de la CMUc 28

a) Les frais pris en charge au titre de l’AME couvrent la plupart des dépenses de soins remboursables mais le ressortissant à la CMUc bénéficie de remboursements plus importants en matière de soins dentaires et de dispositifs médicaux 28

b) AME, CMUc, assuré du régime général : des comparaisons délicates à manier 29

c) Les prestations de couverture maladie délivrées dans le cadre de dispositifs similaires ou connexes : les soins urgents et la « procédure étranger malade » 32

C.– LES RÉCENTES MODIFICATIONS INTERVENUES À LA FIN DE L’ANNÉE 2010, LA PLUPART À L’INITIATIVE DES DÉPUTÉS, ONT POUR BUT DE MAÎTRISER LES DÉPENSES AFFÉRENTES 34

1. Depuis sa création en 1999, le dispositif a connu des adaptations régulières afin d’améliorer les conditions de sa régulation 34

a) La période 2002-2007 est marquée par des changements limités 34

b) Les années 2007 à 2010 voient des changements plus structurels intervenir après un premier audit conjoint de l’IGAS et de l’IGF en 2007 35

2. Les modifications substantielles introduites par la loi de finances pour 2011 ne sont pas encore toutes appliquées 36

a) Un regrettable manque d’information du Parlement 36

b) Le droit de timbre créé par la loi de finances pour 2011 36

c) Les autres mesures de la loi de finances pour 2011 37

d) Le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité 38

D.– EN COMPARAISON AVEC D’AUTRES PAYS MEMBRES DE L’UNION EUROPÉENNE, LE DISPOSITIF FRANÇAIS ASSURE AUX PERSONNES EN SITUATION IRRÉGULIÈRE UN ACCÈS RELATIVEMENT LARGE AUX SOINS 38

1. Les difficultés des comparaisons internationales 38

2. La France assure, du moins en théorie, un accès aux soins relativement large aux personnes en situation irrégulière 39

II.– L’APPLICATION DU DISPOSITIF ET SON ÉVALUATION RENCONTRENT DES DIFFICULTÉS DE PLUSIEURS ORDRES 46

A.– L’INSTRUCTION DES DOSSIERS EST UN PROCESSUS ADMINISTRATIF COMPLEXE REPOSANT POUR UNE PART SUR LE PRINCIPE DÉCLARATIF 46

1. Attribuer une prestation sociale à des personnes en situation irrégulière, un processus nécessairement ambigu 46

2. Les textes applicables 47

a) Les textes législatifs 47

b) Les textes règlementaires et infra-règlementaires 47

3. Les modalités de dépôt des dossiers, d’accueil des personnes et d’instruction des dossiers 48

a) Le dépôt des demandes et l’instruction bientôt centralisés au sein des CPAM 48

b) Lors de l’instruction de la demande, la vérification rigoureuse du respect des trois conditions d’accès au dispositif est complexe 49

4. Le bénéfice de l’admission à l’AME est formalisé depuis peu par la délivrance d’une carte sécurisée ad hoc 54

5. Les contrôles a posteriori relatifs aux conditions d’admission 55

B.– LES BÉNÉFICIAIRES ET LES DEMANDEURS DE L'AME PEUVENT RENCONTRER DES DIFFICULTÉS À FAIRE VALOIR LEURS DROITS 56

1. Les problèmes rencontrés à l’admission au dispositif de l’AME 57

2. Les problèmes rencontrés s’agissant du bénéfice des prestations : le refus de soins 58

C.– LA FIABILITÉ INSUFFISANTE DES DONNÉES EST PRÉOCCUPANTE 58

1. Des données statistiques à la fiabilité perfectible 59

2. Les pouvoirs publics manquent de données sur l’état de santé des bénéficiaires de l'AME 59

D.– LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT SE DÉPLOIE PRINCIPALEMENT LORS DE LA DISCUSSION ANNUELLE DES PROJETS DE LOI DE FINANCES 62

1. L’insertion de l’AME dans le dispositif de la LOLF : une action du programme « Protection maladie » 63

2. Le problème de la définition des indicateurs de performance 64

a) Les objectifs et les indicateurs budgétaires relatifs à l’AME 64

b) Quel jugement porter sur la construction de cet objectif et de ces indicateurs ? 65

c) L’exemple de la mesure de la performance du dispositif de l’accès à une assurance complémentaire en santé 67

III.– LE DISPOSITIF DE L’AME CONNAÎT UN COÛT CROISSANT ET UNE RÉCENTE ACCÉLÉRATION DES DÉPENSES 68

A.– SI LES DÉPENSES RELATIVES AU DISPOSITIF DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT SONT EN FORTE AUGMENTATION DEPUIS 2000, CETTE CROISSANCE EST IRRÉGULIÈRE 68

1. Les données budgétaires et comptables font apparaître un profil irrégulier de croissance en dix ans et une accélération depuis trois ans 69

a) Point de méthode sur l’évolution des dépenses : distinction entre date de soin et date de paiement, définition des agrégats pertinents 69

b) Après une évolution assez irrégulière entre 2000 et 2007, la dépense devient plus dynamique vers la fin de l’année 2008 69

c) Les ouvertures de crédits initiales ont dû souvent être abondées par des lois de finances rectificatives, ce qui n’est pas le signe d’une bonne gestion publique 74

2. Il s’agit d’une dépense en forte croissance mais pas d’une « explosion » 77

a)  Le niveau des dépenses : tentatives de relativisation 77

b) La croissance de la dépense relative à l’AME doit être remise en perspective et éventuellement comparée aux objectifs d’évolution imposés aux dépenses du budget général 78

B.– LA DÉPENSE AU TITRE DE L’AME EST MARQUÉE PAR UNE GRANDE CONCENTRATION, CE QUI REND PROBLÉMATIQUES SA PRÉVISION ET DONC SA MAÎTRISE 80

1. Les dépenses hospitalières représentent la majeure partie de la dépense ; elles sont concentrées sur un petit nombre de bénéficiaires 80

a) Si les bénéficiaires de l'AME ont bien recours à la médecine de ville, la majeure partie des dépenses correspond à des prestations hospitalières 80

b) Cette dépense hospitalière est fortement concentrée sur un petit nombre de patients 81

2. Il existe une forte concentration géographique des bénéficiaires et des dépenses sur Paris et les trois départements de Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Guyane 81

3. L’hypothèse d’une concentration excessive des actes sur certains médecins libéraux et pharmaciens n’a pu être validée 82

C.– TROIS CAUSES DE CROISSANCE DES DÉPENSES PEUVENT ÊTRE EXCLUES : LA CROISSANCE DU NOMBRE D’AYANTS DROIT PAR OUVRANT DROIT, UNE « EXPLOSION » DE LA CONSOMMATION MOYENNE ET LA FRAUDE CARACTÉRISÉE 82

1. Le nombre d’ayants droit par ouvrant droit est bas et stable sur la période étudiée 82

2. La consommation moyenne, si elle connaît une augmentation récente en 2009, est restée constante depuis 2001 83

a) Une hausse en 2009 83

b) Des comparaisons délicates avec les consommations moyennes des assurés relevant du régime général et des ressortissants à la CMUc 83

3. La fraude constatée ne permet pas d’expliquer la croissance des dépenses 84

a) La fraude à l’admission au dispositif 84

b) La fraude aux prestations 85

D.– LES DEUX PRINCIPAUX FACTEURS EXPLICATIFS SONT, DANS UNE PART RESPECTIVE QUI RESTE À DÉTERMINER, L’AUGMENTATION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES ET LES CONDITIONS DE LA FACTURATION HOSPITALIÈRE 86

1. Le nombre de bénéficiaires est en augmentation et connaît une accélération depuis 2006 ; sa part dans la croissance des dépenses reste difficile à identifier 86

a) La hausse du nombre de bénéficiaires de l'AME croît sur moyen terme mais de manière irrégulière 86

b) Des causes diverses : la croissance du nombre de ressortissants communautaires en situation irrégulière et les conditions d’application de la législation relative au droit d’asile et à la procédure « étranger malade » 87

c) Sur le moyen terme, l’augmentation du nombre de bénéficiaires et la croissance de la dépense semblent corrélées 89

2. Les conditions de la facturation hospitalière : les hôpitaux recherchent plus activement les droits à une couverture maladie des patients hospitalisés et facturent leurs soins sur la base d’un tarif spécifique et élevé 90

a) Les hôpitaux recherchent de manière plus efficace les droits à une couverture santé des patients 91

b) Le mode de tarification des actes délivrés aux bénéficiaires de l’AME est inflationniste 91

IV.– LES RECOMMANDATIONS COMMUNES DES RAPPORTEURS, SANS REMETTRE EN CAUSE LE PRINCIPE DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT, VISENT À EN AMÉLIORER LES MODALITÉS DE GESTION 97

A.– LA NÉCESSITÉ DU MAINTIEN DE L’AME S’ACCOMPAGNE DE CELLE DE RÉFORMES DE GESTION 97

1. La nécessité du maintien d’un système spécifique d’accès aux soins, sous conditions, pour les personnes en situation irrégulière 97

2. Des recommandations de gestion 98

B.– ADOPTER PROGRESSIVEMENT UNE TARIFICATION DE DROIT COMMUN PAR GROUPE HOMOGÈNE DE SÉJOUR (GHS) AFIN DE SE RAPPROCHER D’UNE « VÉRITÉ DES COÛTS » 98

1. Abandonner le tarif fournalier de prestation pour l'AME 98

2. L’exigence de vérité des coûts et de transparence 99

C.– SORTIR DU FLOU STATISTIQUE EN AMÉLIORANT LA CONNAISSANCE DE LA POPULATION EN CAUSE ET EN BUDGÉTISANT CORRECTEMENT LES BESOINS 100

1. Suivi sanitaire : donner plus de profondeur aux données de l’assurance maladie 100

2. Améliorer les connaissances publiques sur l’accès aux soins et l’état de santé des bénéficiaires de l'AME 100

3. Moderniser l’instruction des demandes : mettre en place une base de données nationale des refus de demandes d’AME 101

4. L’application du dispositif dans le département de la Guyane : à situation exceptionnelle, régulation exceptionnelle ? 101

5. Une budgétisation exacte des besoins en loi de finances initiale 102

D.– ORGANISER UNE VISITE DE PRÉVENTION OBLIGATOIRE LORS DE LA PREMIÈRE ANNÉE DU BÉNÉFICE DE L’AME 102

E.– AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE D’AVAL DES BÉNÉFICIAIRES HOSPITALISÉS 103

F.– PRENDRE EN COMPTE LE CAS PARTICULIER DU DÉPARTEMENT DE MAYOTTE 103

V.– RECOMMANDATIONS SPÉCIFIQUES À CHAQUE RAPPORTEUR 105

RECOMMANDATIONS SPÉCIFIQUES DU CO-RAPPORTEUR M. Claude GOASGUEN 105

RECOMMANDATIONS SPÉCIFIQUES DU CO-RAPPORTEUR M. Christophe SIRUGUE 107

RÉUNION DU COMITÉ DU 9 JUIN 2011 : EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION 109

ANNEXE N° 1 : LISTE DES AUDITIONS 121

ANNEXE N° 2 : LISTE DES DÉPLACEMENTS 123

ANNEXE N° 3 : COÛTS COMPARÉS DU TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX DE LA TUBERCULOSE EN FRANCE 125

ANNEXE N° 4 : SYNTHÈSE DES RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE ADRESSÉ AUX CAISSES PRIMAIRES D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) SUR LA GESTION DE L’AME 127

ANNEXE N° 5 : FAC-SIMILÉ D’UNE CARTE FAMILIALE D’ADMISSION À L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT 143

ANNEXE N° 6 : COURRIERS À DEUX ARS ET RÉPONSES DE CELLES-CI 145

INTRODUCTION

Le 4 février 2010, le Comité d’évaluation de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale (CEC) a inscrit à son programme de travail, à la demande du groupe de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), le sujet suivant : « Évaluation de l’aide médicale d’État (1) (AME) et de la couverture maladie universelle (CMU) ».

Les deux dispositifs ont été créés en 1999. L’aide médicale d’État est une prestation sociale permettant, sous certaines conditions, l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière. La couverture maladie universelle, sous certaines conditions, permet l’accès à une assurance de base aux personnes dépourvues d’assurance maladie (CMU) et la prise en charge, sous un plafond de ressources, des prestations d’assurance complémentaire (CMUc).

Le 3 juin 2010, le Comité d’évaluation et de contrôle a désigné les deux rapporteurs de cette étude :

- M. Claude Goasguen, membre du groupe de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), membre de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, et membre du Comité;

- M. Christophe Sirugue, membre du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC), membre de la commission des Affaires sociales.

Conformément aux dispositions de l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, ont également été désignés par la commission des Affaires sociales deux autres députés : M. Pierre Morange (groupe UMP) et Mme Catherine Lemorton (groupe SRC), pour participer aux travaux.

*

Initialement relatifs à deux sujets – la CMU et l’AME – les travaux du groupe de travail, au fil des auditions, se sont progressivement centrés sur le dispositif de l’aide médicale d’État, devenu le thème principal du présent rapport.

La prise en compte de plusieurs considérations a conduit à cette focalisation sur le dispositif de l’AME.

Il a d’abord et surtout semblé aux rapporteurs que les enjeux politiques de l’AME revêtaient aujourd’hui une importance majeure, susceptibles de conduire à retenir ce dispositif comme thème d’évaluation unique. L’AME, financée directement sur crédits budgétaires, est en effet à la fois un outil de santé publique, un dispositif à vocation humanitaire et un programme budgétaire. Malgré le nombre limité des effectifs concernés, ce dispositif revêt aussi une valeur de symbole. Il fonctionne comme un révélateur et se révèle rapidement porteur de conceptions politiques opposées. Ce sujet est devenu au fil des mois et des années une sorte de carrefour politique, à la croisée des questions d’éthique, de santé publique, de considérations budgétaires et des thématiques relatives à la politique migratoire.

A contrario, il a semblé que le principe de la CMU, financée par une contribution des organismes d’assurance complémentaire, n’est plus guère remis en question. Ainsi, ces dernières années, et plus encore ces derniers mois, c’est plus l’AME que la CMU qui a suscité les débats les plus passionnés à l’Assemblée nationale. C’est par exemple le cas, d’une part, des discussions relatives au projet de loi de finances pour 2010, qui a conduit à des modifications sensibles du dispositif (2), et, d’autre part, de la discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l'intégration et à la nationalité, où l’aide médicale d’État a été longtemps débattue.

Si les débats sur l’AME sont vifs au Parlement, ils le sont également dans la presse (3) et dans l’opinion publique, où l’AME s’inscrit dans un tissu associatif dense et actif, notamment constitué de professionnels de santé. Aux problématiques liées au niveau estimé de la fraude, à un hypothétique « tourisme sanitaire », aux inégalités éventuelles entre les bénéficiaires de l’AME et les assurés sociaux, répondent celles portant sur l’aspect humanitaire des soins, la cohérence de la politique de santé publique ou l’intérêt économique à soigner précocement certaines pathologies.

Les rapporteurs ont également pris en compte le fait que le directeur du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, M. Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales, d’ailleurs entendu par le groupe de travail, a été chargé par le directeur de la sécurité sociale de procéder régulièrement à des évaluations du dispositif de la CMU. Quatre rapports d’évaluation ont déjà été publiés, le dernier en octobre 2009. Selon les informations transmises aux rapporteurs, le prochain rapport d’évaluation devrait être rendu public à l’automne (4). La lecture de la lettre de mission du directeur de la sécurité sociale comme la lecture du dernier rapport d’évaluation montre que les problématiques de la CMU (de base et complémentaire), bien que significatives, sont finalement assez bien identifiées, à défaut d’être résolues. Il s’agit notamment des conditions d’accès aux soins, des refus de soins, des effets de seuil, de l’information sur le dispositif et enfin de la lutte contre la fraude.

Signe de son caractère problématique, le dispositif relatif à l’AME a fait l’objet de nombreux rapports d’audits et d’évaluation : trois rapports d’inspection en près de onze ans (rapport de l’IGAS en 2003 et rapports des missions conjointes de l’IGAS et de l’IGF en 2007 puis en 2011). Il a semblé aux rapporteurs que ces rapports d’inspection, qui ont nourri le débat, malgré leurs très grandes qualités, n’avaient pas épuisé l’intérêt du sujet. Enfin, le dernier rapport de l’IGAS et de l’IGF (5) n’a pu rendre compte ni des dernières modifications du dispositif intervenues à la fin de l’année 2010 ni des dernières données chiffrées relatives au dernier semestre de l’année 2010.


Les rapporteurs ont donc décidé de n’examiner, dans le présent rapport, les thématiques relatives à la CMU qu’en liaison directe avec l’AME, notamment par le biais d’une approche comparative.

*

* *

L’aspect symbolique du dispositif de l’AME, souvent souligné dans les débats parlementaires, par ses détracteurs comme par ses défenseurs, rend encore plus aigu le besoin d’une évaluation objective et menée selon les règles de l’art.

Les rapporteurs considèrent d’ailleurs qu’il s’agit d’un sujet qui, par divers aspects, se prêtait particulièrement bien à une évaluation par le CEC : il s’agit en effet d’un thème au périmètre déterminé, aux coûts identifiés et présentant un caractère transversal.

Cette politique publique, déléguée pour sa gestion opérationnelle à l’assurance maladie, pilotée par la Direction de la sécurité sociale (DSS) et la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), est directement financée par le budget de l’État. Elle coûte plus de 500 millions d’euros par an. Son périmètre est bien délimité.

Si elle revêt une importance particulière en termes de santé publique, elle est également souvent considérée comme l’un des éléments déterminants du débat relatif à la politique en matière d’immigration. Il s’agit donc bien d’un thème transversal qui concerne des champs relevant de plusieurs commissions permanentes de l’Assemblée nationale : commissions chargées des finances (budget), des affaires sociales (santé) et des lois (conditions d’entrée et de séjour des étrangers).

Le travail des rapporteurs, appartenant à deux groupes parlementaires dont l’un se situe dans la majorité et l’autre dans l’opposition, a été marqué par le caractère sensible du sujet. Compte tenu de l’esprit présidant au fonctionnement et aux missions du Comité d’évaluation et de contrôle, cela n’a pas nui aux travaux d’évaluation, qui ont pu être conduits avec toute la rigueur et la sérénité nécessaires.

Ainsi, un accord a été trouvé sur l’appréciation générale portée sur le dispositif et sur l’analyse des problèmes. Les rapporteurs ont pu ensuite formuler des recommandations recueillant leur approbation commune. Cependant, ce relatif consensus n’a pas empêché que sur certains points précis, particulièrement s’agissant des recommandations, chaque rapporteur souhaite exprimer sa propre sensibilité. Sur un sujet de cette nature, particulièrement sensible, il est d’ailleurs tout à fait légitime que plusieurs conceptions politiques puissent exister, sinon opposées, du moins sensiblement différentes.

*

Quelle a été la méthode d’évaluation suivie par les rapporteurs ? Quels outils ont-ils utilisés ?

La première étape indispensable a consisté à identifier les objectifs poursuivis par la politique publique de l’aide médicale d’État. Seuls l’identification et le rappel des objectifs initiaux, en particulier la détermination des bénéficiaires, permettent en effet de mener à bien, avec la rigueur nécessaire, une démarche d’évaluation. Ce travail a donc consisté à reprendre les circonstances de la création du dispositif de l’AME en 1999 et notamment à procéder à l’analyse des débats parlementaires. Il a également conduit à reprendre les différentes modifications du dispositif intervenues depuis en en appréciant les motivations.

La deuxième étape de la démarche suivie par les rapporteurs a consisté à identifier les moyens mis en œuvre pour aboutir aux objectifs précédemment dégagés. Quels sont les moyens en termes de dotations budgétaires ? Quelles sont les modalités de gestion ? Qui pilote l’AME ?

La troisième étape, assez classiquement, consiste à dresser un premier bilan de l’efficacité du dispositif, c'est-à-dire à en apprécier les effets en valeur absolue : les objectifs sont-ils atteints ? Cette partie suppose une analyse critique des indicateurs actuellement utilisés pour mesurer la performance du dispositif, particulièrement dans le cadre fixé par loi organique relative aux lois de finances.

La quatrième étape est plus complexe car il s’agit de remettre dans leur contexte les résultats obtenus, non seulement en les ramenant aux moyens mis en œuvre (il s’agit en quelque sorte de mesurer « l’efficience » du dispositif considéré lorsque cela est possible) mais aussi en déployant une approche plus globale de la mesure. Dans cette perspective, il faut intégrer la recherche des éventuels effets pervers du dispositif, son impact plus large sur les bénéficiaires et la société dans son ensemble.

La méthodologie a consisté en des auditions, en des déplacements et dans l’envoi de questionnaires. En raison de sa matière –  la prise en charge des soins apportés à des personnes en situation irrégulière –, le sujet ne se prêtait guère aux techniques plus innovantes, en tous les cas dans un cadre parlementaire, que sont l’enquête de terrain, la réalisation de sondages par échantillons ou la technique du groupe-témoin. Par ailleurs, les rapporteurs ont pu utilement s’appuyer sur les travaux statistiques encore récents consacrés par la Drees à l’analyse, par sondage, de l’état de santé des bénéficiaires du dispositif.

Il a été procédé à neuf auditions. Ces auditions ont concerné les responsables de la gestion du dispositif au sein des administrations (DSS, CNAMTS). Les rapporteurs ont également souhaité entendre des représentants des pôles d’expertise en matière sanitaire et d’accès aux soins, comme l’Institut national de veille sanitaire (InVS), la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) ou les auteurs du rapport 2010 de l’IGAS–IGF. Les rapporteurs ont aussi entendu les associations travaillant en direction, au moins indirectement, des « usagers » de cette politique publique que sont les personnes en situation irrégulière.

Quatre déplacements ont été organisés, dans deux hôpitaux d’Île-de-France (6) et dans deux CPAM concentrant une proportion importante des crédits dépensés au titre de l’AME.

Enfin, les rapporteurs ont envoyé plusieurs questionnaires quantitatifs à la CNAMTS ainsi que des requêtes statistiques précises (chiffres relatifs à la procréation médicalement assistée et concentration de la clientèle de patients relevant de l’AME chez les médecins libéraux et les officines de pharmacies). Un questionnaire qualitatif a été envoyé aux caisses primaires d’assurance maladie et aux caisses générales de sécurité sociale ; le questionnaire et la synthèse des réponses (7) se trouvent en annexe 4. Des courriers ont été envoyés à deux agences régionales de santé (ARS) afin d’identifier les modalités effectives de détermination de la tarification hospitalière supportée par l’État au titre de l’AME.

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Compte tenu de la démarche d’évaluation suivie par le CEC, la première partie du présent rapport vise à rappeler les objectifs initiaux du dispositif de l’AME, qui comporte des enjeux humanitaires, économiques, juridiques et de santé publique. Elle rappelle l’historique des soins apportés aux personnes en situation irrégulière, les circonstances de la création de l’AME sous sa forme actuelle en 1999 puis les modifications intervenues par la suite, notamment à la fin de l’année 2010. Après un rappel des conditions d’accès au dispositif, les niveaux de prestation assurées aux bénéficiaires de l’AME, de la CMUc et d’un assuré du régime général sont comparés. Il est enfin procédé à un comparatif européen des législations relatives à l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière, qui permet de conclure que la France dispose d’un système assez protecteur, au moins en théorie.

La deuxième partie se concentre sur l’application et l’évaluation du dispositif. Abordant d’abord les questions relatives au dépôt et à l’instruction des demandes, elle note les difficultés rencontrées « sur le terrain », en exploitant les réponses fournies par les CPAM au questionnaire envoyé par la mission. Cette partie relate aussi les difficultés d’accès au dispositif et aux prestations que peuvent rencontrer les demandeurs et bénéficiaires de l'AME. Elle décrit le problème de l’évaluation de la réalisation des objectifs du dispositif compte tenu d’une part de la fiabilité réduite des statistiques relatives à la gestion de l’AME et d’autre part de l’absence de données relatives à la santé des personnes en situation irrégulière, même si des études de nature disparate permettent de s’en approcher. La partie se conclut sur le contrôle et l’évaluation parlementaire de l’AME, en décrivant de manière critique la « lolfisation » insuffisante du dispositif.

La troisième partie se penche sur les coûts croissants du dispositif et les explications de cette croissance. La hausse des dépenses est irrégulière, mais vérifiée sur longue durée. S’attachant à retrouver les causes de cette évolution, cette partie exclut certaines causes (la fraude, la croissance de la consommation moyenne, l’augmentation du nombre d’ayants droit par ouvrant droit). Les causes sont plutôt dues sur le long terme, à la croissance du nombre de bénéficiaires de l’AME et aux modalités de la facturation hospitalière.

La quatrième partie dresse une liste de recommandations communes aux deux rapporteurs visant à améliorer les modalités de gestion. Il s’agit de proposer des instruments d’un meilleur pilotage et des outils d’une meilleure maîtrise des dépenses, notamment grâce à une tarification hospitalière modifiée. La nécessité d’une budgétisation correcte des besoins en loi de finances initiales, gage d’un meilleur contrôle parlementaire, est soulignée. Il est également proposé d’instaurer une visite de prévention obligatoire.

La cinquième partie comporte les recommandations spécifiques à chaque rapporteur.

I.– L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT, UN DISPOSITIF RÉCEMMENT MODIFIÉ, OUVRE L’ACCÈS AUX SOINS À 220 000 PERSONNES EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

L’aide médicale d’État est une prestation d’aide sociale garantissant en 2011 à plus de 220 000 personnes, ouvrants droits et ayants droits remplissant certaines conditions, une prise en charge de leurs soins. La prestation est financée par l’État, le représentant de l’État dans le département en accordant le bénéfice. Ses bénéficiaires, qui ne disposent pas de carte Vitale, n’ont pas la qualité d’assurés sociaux.

A.– L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT, QUI RÉPOND À DES CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES, SANITAIRES, JURIDIQUES ET ÉCONOMIQUES, A POUR OBJECTIF D’ASSURER UNE COUVERTURE EN SANTÉ AUX PERSONNES EN SITUATION IRRÉGULIÈRE SUR LE TERRITOIRE

Le premier alinéa de l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles donne une définition législative de l’aide médicale d’État :

« Tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, sans remplir la condition de régularité mentionnée à l’article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l’article L. 861-1 de ce code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge au sens de l’article L. 161-14 et des 1° à 3° de l'article L. 313-3 de ce code, à l’aide médicale de l’État (…) (8) ».

Cette définition est relative au régime de l’AME dite « de droit commun », le deuxième alinéa de l’article aménageant également le dispositif dit de « l’AME humanitaire » et le troisième établissant l’aide médicale dont bénéficient les personnes gardées à vue. L’article L. 254-1 du code de l’action sociale et des familles définit le régime des soins urgents.

Comme le montre l’insertion du mécanisme dans le code de l’action sociale et des familles, et non dans le code de la sécurité sociale, l’aide médicale de l’État est une prestation de l’aide sociale. Ses bénéficiaires ne sont pas des assurés sociaux.

Elle est d’ailleurs financée par l’État, le dispositif ne relevant pas d’une logique assurantielle ou contributive. Si le droit en vigueur prévoit un recouvrement possible des prestations prises en charge par l’aide médicale d’État auprès des personnes tenues à l’obligation alimentaire à l’égard du bénéficiaire, cette disposition n’est en pratique pas appliquée.

1. Les principes motivant l’AME sont fondés sur des enjeux de nature très différente

Est-il si évident que des personnes en situation irrégulière, donc a priori pas appelées à rester sur le territoire français, bénéficient pendant une période d’une année – certes sous conditions – d’un large accès aux soins et de la prise en charge des dépenses afférentes ?

Des motivations profondes et communes à bien des pays industrialisés ont soutenu la solvabilisation de la dépense de soins des personnes en situation irrégulière, au moins dans son principe, l’intensité de la prise en charge des soins povant varier considérablement. Ces motivations sont de quatre ordres.

a) Faire prévaloir des considérations éthiques et humanitaires

La première motivation, la plus fondamentale, est d’ordre éthique. Il s’agit de considérations humanitaires et altruistes, naissant notamment de la nécessité, dans un pays riche et développé, d’assurer une couverture santé, même minimale, à toutes les personnes présentes sur son sol.

De ce principe général naissent l’obligation et la volonté de soulager les souffrances d’autrui et de reconnaître le statut de malade à toute personne, indépendamment de son statut administratif et, notamment, du caractère régulier ou non de son séjour.

b) Promouvoir une politique de santé publique cohérente et efficace

La deuxième considération motivant cette politique tient à la conduite d’une politique de santé publique cohérente et efficace, notamment en matière de lutte contre la propagation des maladies contagieuses (principalement le VIH (9), les hépatites et la tuberculose (10)). En effet, laisser complètement à l’écart une partie de la population pourrait remettre en question l’efficacité globale de cette politique.

Cela serait de nature à favoriser le développement de maladies graves, notamment parce qu’un suivi médical épisodique ou trop séquencé peut susciter le développement de résistances aux traitements, mettant en danger la santé de tous.

À cet égard, on peut noter que le taux d’incidence de la tuberculose en France est bas. Selon les chiffres transmis par l’Institut national de veille sanitaire (InVS) en 2009, 5 276 cas de tuberculose maladie ont été déclarés en France, soit un taux de déclaration de 8,2 cas pour 100 000 habitants, chiffre comparable aux autres pays industrialisés.

c) Reconnaître la nécessité d’un « pragmatisme médico-économique »

Le troisième pilier justifiant la prise en charge des soins apportés aux personnes en situation irrégulière tient à un certain « pragmatisme médico-économique », comme a pu le formuler un représentant d’association auditionné. En effet, ne pas assurer un accès aux soins primaires à des personnes, particulièrement celles en situation de précarité cumulant les handicaps sanitaires et sociaux, peut conduire in fine la société à devoir assumer des dépenses plus importantes, notamment des dépenses hospitalières.

À titre illustratif, un encadré fourni par l’InVS fait le point sur les coûts comparés de traitement médicamenteux d’une tuberculose « standard » et d’une tuberculose multi résistante (cf. annexe 3). Les données montrent que, sous réserve des adaptations relatives aux pathologies et aux patients, les coûts de traitement médicamenteux d’une tuberculose multi résistante sont dix fois plus élevés que le traitement d’une tuberculose standard (dite « multi sensible »).

d) Se conformer à des obligations d’une force juridique diverse naissant du droit interne ou international

Enfin, des obligations d’ordre juridique viennent appuyer la création de l’AME. Le principe général d’une prise en charge des soins apportés aux personnes en situation irrégulière, principe pouvant être modulé in concreto, peut en effet se fonder sur des considérations juridiques, comme la nécessité de respecter la Constitution et des engagements internationaux.

Le 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, intégré au bloc de constitutionnalité, indique que la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère, au vieux travailleur, la protection de la santé » et le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur ne pouvait pas priver de garanties légales ce principe constitutionnel (11) de protection de la santé. Ce principe est cependant formulé de manière très générale.

Les articles 3 et 24 de la convention internationale des droits de l’enfant – dite « CIDE » adoptée en 1989 – obligent la France, qui l’a ratifiée, à assurer la protection de la santé des enfants, quel que soit leur statut administratif. Ce point est rappelé régulièrement par le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État ou le tribunal des affaires sociales. Au regard de l’accès aux soins, les mineurs bénéficient donc d’un statut particulier et très protecteur.

Le droit communautaire peut également être mentionné.

Ainsi, l’article 35 de la « Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » énonce que « Toute personne a le droit d’accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales. Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union ».

La Résolution du Parlement européen du 8 mars 2011 sur la réduction des inégalités de santé dans l'Union européenne (12), dans son article 5, « invite les États membres à veiller à ce que les groupes les plus vulnérables, notamment les migrants sans papiers, puissent bénéficier – et bénéficient réellement – d'un accès équitable aux soins de santé [et] appelle les États membres à avoir une réflexion sur la viabilité des financements publics en matière de soins apportés aux populations migrantes en situation irrégulière, en définissant par référence à des principes communs une offre de soins de base, comme le prévoit leur législation nationale. » Cette résolution du Parlement européen n’a cependant pas force juridique contraignante et ne peut engager les pays membres.

2. Le principe de la couverture par l’État des frais de santé des personnes en situation irrégulière est ancien

L’AME, en tant que dispositif législatif et réglementaire inscrit dans le code de l’action sociale et des familles, a bien été créée en 1999. Cependant, l’assistance médicale applicable aux personnes en situation irrégulière existait auparavant sous d’autres formes, dans le cadre de dispositifs d’application plus large bénéficiant aux personnes défavorisées.

a) Le droit applicable avant 1999 assurait déjà la couverture des soins des personnes en situation irrégulière

L’AME a été créée en 1999. La problématique de l’AME rejoint celle, plus générale, des personnes ne pouvant être affiliées à un régime de sécurité sociale et donc ne pouvant bénéficier des prestations d’assurance maladie en raison de leur statut professionnel ou social. Il s’agit généralement des personnes les plus défavorisées et dont la situation est la plus précaire.

L’aide médicale définie comme la prise en charge des soins de santé apportés aux personnes en situation irrégulière existait préalablement à 1999 sous d’autres dénominations. Elle n’était d’ailleurs pas spécifiquement conçue pour les personnes en situation irrégulière. Sans remonter jusqu’aux lois révolutionnaires (13) adoptées dans un contexte social, économique et sanitaire particulier, on date généralement à la loi du 15 juillet 1893 la création de l’assistance médicale gratuite. Celle-ci a ensuite été profondément réformée par le décret 53–1186 du 29 novembre 1953 qui rend l’État pleinement compétent en la matière.

Les lois de décentralisation (principalement la loi n°83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État) transfèrent cette compétence aux départements sous le nom d’ « aide médicale départementale » (AMD), conçue pour aider tout résidant en France à supporter ses dépenses de soins, d’une part, en prenant en charge les cotisations d’assurance personnelle pour les personnes non affiliées à un régime d’assurance maladie et, d’autre part, en prenant en charge, totalement ou non, des dépenses de soins. La loi de 1983 met à la charge de l’État l’aide médicale bénéficiant aux les personnes non domiciliées en France, l’État en définissant également les conditions d’admission.

La loi n°92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle a facilité l’accès à l’aide médicale départementale, notamment en accordant automatiquement l’AMD aux bénéficiaires du RMI. En 1998, 2,8 millions de personnes avaient bénéficié d’une prise en charge des soins au titre de l’AMD.

Jusqu’en 1993, la prise en charge des dépenses de soins des étrangers en situation irrégulière relève soit de l’assurance maladie en cas d’activité professionnelle cotisante, soit de l’aide médicale. En 1993, la loi « Pasqua » relative à la maîtrise de l’immigration n° 83-1027 du 24 août 1993 a introduit une condition de régularité du séjour pour bénéficier de l’assurance maladie. L’article L. 115-6 du code de la sécurité sociale dispose en effet que « Les personnes de nationalité étrangère ne peuvent être affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour et le travail des étrangers en France ou si elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour (14). »

À partir de l’entrée en vigueur de cette disposition, les étrangers en situation irrégulière n’ont pu relever que de l’aide médicale, la prise en charge étant d’ailleurs limitée aux soins hospitaliers pour les personnes résidant en France depuis moins de trois ans.

b) La loi créant la CMU en 1999 instaure l’AME dans sa forme actuelle

● Le processus historique de la création de la CMU

La loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle (CMU) marque l’aboutissement d’un long processus de réflexion relatif à la généralisation de la couverture maladie. Un projet d’assurance maladie universelle, élaboré en 1995, envisageait une harmonisation de tous les régimes existants, dans la perspective de la mise en place d’un régime unique d’assurance maladie, dont l’accès n’aurait été subordonné qu’au respect d’un critère de résidence sur le territoire français.

La réflexion s’oriente en 1997, après le changement de la majorité, vers la problématique de l’accès aux soins des personnes en difficulté. Dans son discours de politique générale du 19 août 1997, le Premier ministre M. Lionel Jospin déclare devant l’Assemblée nationale : « Que des citoyens ne puissent se soigner correctement est inacceptable. Un meilleur remboursement des soins, d'abord pour les personnes en difficulté, doit être recherché. L'assurance-maladie universelle sera mise en place ».

Le 2 juin 1998, le Premier ministre confie une mission de concertation et de propositions au député Jean-Claude Boulard. Il lui demande d’organiser une concertation avec tous les acteurs concernés par cette réforme de l’assurance maladie et de définir les modalités concrètes de sa mise en œuvre. L’idée de maintenir, hors de la CMU, un dispositif spécifique, est déjà envisagée par la lettre de mission, qui évoque un « mécanisme d’action sociale, notamment pour les personnes dont les revenus sont supérieurs au seuil de la prise en charge et se trouvant momentanément dans une situation difficile, ou pour les personnes en situation irrégulière ».

M. Jean-Claude Boulard remet son rapport le 5 août 1998. Le projet de loi portant création de la CMU est déposé à l’Assemblée nationale le 3 mars 1999, et la loi n°99-641 portant création de la couverture maladie universelle est promulguée le 27 juillet 1999.

● La création de la CMU dite « de base » et « CMU complémentaire » (CMUc)

Cette loi instaure une couverture maladie universelle de base, et une couverture complémentaire. La CMU de base généralise l’accès à la couverture maladie de toute personne résidant en France « de façon stable et régulière (15) ». Elle permet à ceux qui n’ont pas accès à un régime obligatoire sur une base professionnelle de bénéficier des prestations du régime général (16). Les cotisations des ménages peuvent être, sous condition de ressources, prises en charge.

La CMUc est une couverture complémentaire gratuite, avec dispense d’avance de frais, destinée aux résidents stables et réguliers dont les revenus sont inférieurs à un plafond. M. Jean-Claude Boulard relève dans son rapport que 12 % de la population, soit près de sept millions de personnes, ne bénéficient pas de couverture complémentaire. Dès lors, « l’objectif le plus important du projet de loi concerne le deuxième étage, c'est-à-dire la couverture complémentaire, car pour de nombreuses personnes l’absence d’une telle couverture est le principal obstacle à l’accès aux soins. Le ticket modérateur est devenu un ticket d’exclusion. » (17)

● La création du dispositif de l’AME

Le titre III de la loi portant création de la CMU instaure l’aide médicale de l’État (AME). Conformément à l’article 33 de la loi, codifié à l’article 186 du code de la famille et de l’aide sociale, les étrangers en situation irrégulière ont accès aux soins hospitaliers, quelle que soit la durée de leur résidence en France.

En revanche, seules les personnes pouvant faire la preuve d’une résidence ininterrompue d’au moins trois ans ont accès aux soins de ville. Les soins des étrangers en situation irrégulière éligibles à l’AME sont pris en charge selon les mêmes modalités que les soins des bénéficiaires de l’aide médicale départementale antérieure (AMD).

c) La mise en place de l’AME

● Le transfert à l’AME de la couverture maladie des personnes en situation irrégulière

À la différence de l’aide médicale départementale (AMD), qui prenait en charge des personnes en situation précaire et avait donc une vocation sociale affirmée, l’AME est un dispositif ciblé destiné uniquement aux étrangers en situation irrégulière.

Le maintien d’un dispositif distinct de la CMU prenant en charge uniquement les étrangers en situation irrégulière apparaît comme la conséquence de la décision de conditionner l’accès à la CMU à la régularité de la résidence du demandeur. En effet, la condition de régularité de la résidence était posée dès le dépôt du projet de loi. L’article 3 du projet introduit en effet l’article L. 380-1 dans le code de la sécurité sociale : « Toute personne résidant en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer de façon stable et régulière relève du régime général lorsqu'elle n'a droit à aucun autre titre aux prestations en nature d'un régime d'assurance maladie et maternité ou de la Caisse des Français de l'étranger ». Ce même projet de loi crée l’AME, conçue comme un dispositif de prise en charge des étrangers ne remplissant pas les conditions fixées par l’article L. 380-1. L’AME a donc été conçue comme un dispositif subsidiaire.

L’exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la CMU et la mise en place corrélative du dispositif de l’AME ont fait l’objet de débats au Parlement. Des amendements à l’article 3 du projet de loi ont en effet été proposés par deux députées membres du groupe communiste, Mmes Muguette Jacquaint et Jacqueline Fraysse. Ces amendements visaient à substituer à la condition de résidence « stable et régulière », celle de « résidence durable ». Les députées soulèvent plusieurs arguments à l’appui de leurs amendements :

– elles constatent que l’exclusion des étrangers sans titre de séjour du dispositif de l’AME réduit « la portée universelle que le gouvernement a entendu donner à son texte » ;

– supprimer la condition de régularité leur apparaît comme une mesure de justice sociale et une mesure visant à écarter une « discrimination » à l’encontre des étrangers en situation irrégulière ;

– les députées considèrent leur amendement comme une mesure de santé publique : l’affiliation à la CMU permettrait de mener une meilleure politique préventive que ne le permet l’AME, qui exclut les résidents de moins de trois ans du bénéfice des soins de ville. Cet argument est d’ailleurs avancé par M. Boulard dans son rapport remis au Premier ministre, « lorsqu’il se demande si le moment n’est pas venu de mettre fin à deux distinctions : celle entre accès à l’hôpital et accès à la médecine de ville d’une part, celle entre résidence régulière et résidence sans titre de séjour d’autre part (18) » ;

– les députées auteurs des amendements relèvent que le fait de retenir uniquement le critère de résidence durable se justifierait juridiquement. Elles évoquent l’avis n° 328143 du Conseil d’État, en date du 8 janvier 1981, dans lequel la condition de résidence de l’article 124 du code de la famille et de l’aide sociale, qui ouvrait l’accès à l’aide sociale, avait été interprétée comme une condition de stabilité ;

– enfin, les mêmes députées soulignent à l’appui de leurs arguments qu’elles ont le soutien des associations. Elles rappellent également que M. Boulard est d’avis, dans son rapport remis au Premier ministre, d’affilier les étrangers en situation irrégulière à la future CMU. En effet, ce rapport propose de ne retenir qu’une condition de stabilité : « Ne faut-il pas mettre en œuvre le seul critère de résidence durable pour ouvrir le droit à l’affiliation au régime de base et l’accès à la couverture complémentaire ?»

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, sociales et familiales de l’Assemblée nationale, fait la réponse suivante le 28 avril 1998 : « Ces préoccupations ont leur légitimité et je confesse que j’ai moi-même soulevé cette question dans le rapport. Il n’apparaît cependant pas souhaitable de rouvrir, à l’occasion de la CMU, le débat sur les étrangers en situation irrégulière ». À cet argument politique s’ajoute un argument juridique. Il rejette en effet l’application de l’avis du Conseil d’État, cité par les députés, qui « avait mis en avant le critère de résidence durable en l’absence de disposition législative. Le projet actuel prévoit un critère de résidence stable et régulière ; l’avis du Conseil d’État n’a donc pas à s’appliquer dans le cas présent ». Il rappelle également que le projet de loi ne fait que reprendre le droit existant en matière d’affiliation, droit posé par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 créant l’article L. 115-6 du code de la sécurité sociale.

M. Boulard note enfin que la couverture des étrangers en situation irrégulière reste identique à celle à laquelle ouvrait droit l’AMD. Cette position est identique à celle du gouvernement, exprimée par Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité. Celle-ci déclare, au Sénat, à la suite de la présentation de l’amendement de M. Guy Fischer, que le gouvernement « ne souhaite pas, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, modifier la législation relative aux étrangers ».

Les amendements déposés par les députés du groupe communiste ont donc été rejetés et l’article 3, instaurant la condition de régularité, adopté par les deux assemblées en première lecture.

Il est à souligner que le coût du dispositif de l’AME n’est pratiquement pas abordé dans les débats tenus à l’Assemblée nationale. De même, les considérations relatives à la politique de santé publique y sont rares.

● Le transfert du financement

La deuxième modification opérée, en matière d’aide médicale, par la loi portant création de la CMU, est le transfert du financement de l’AME des départements vers l’État.

La décision de créer l’AME et la CMU est justifiée par les insuffisances du système de l’AMD. Comme le relève M. Boulard dans son rapport au Premier ministre, les seuils de ressources permettant l’accès à l’AMD, laissés à la libre appréciation des départements, étaient très hétérogènes et souvent insuffisamment élevés.

Tous les départements n’ont pas utilisé la possibilité qui leur était ouverte par l’article 187-1 du code de la famille et de l’aide sociale de fixer un barème déterminant le seuil de l’admission de plein droit au dispositif. Le rapport relève ainsi que « seize départements n’ont aucun barème et se livrent à une appréciation individuelle des ressources, s’appuyant en réalité sur des barèmes occultes ». Le député relève que la loi de 1992, qui instaure dans l’article 187-1 du code de la famille et de l’aide sociale, l’admission de plein droit à l’AMD des bénéficiaires du RMI, a instauré de facto un seuil d’admission minimal, qui est cependant trop faible pour garantir une protection universelle.

La recentralisation est présentée par le Gouvernement comme un moyen de remédier à ces inégalités territoriales. Mme Martine Aubry déclare ainsi : « Le projet ne va pas conduire à une étatisation mais tend à supprimer les inégalités de traitement liées aux lieux de résidence ». La recentralisation a donc permis une revalorisation du seuil d’admission.

● Une réforme à la mise en place rapide

La réforme s’est appliquée assez rapidement puisqu’elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2000, soit à peine cinq mois après la promulgation de la loi. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2003 indique bien que la réforme n’a changé ni le périmètre des bénéficiaires ni les prestations prises en charge par rapport à l’AMD dont bénéficiaient les personnes en situation irrégulière.

Cependant, la loi de 1999 a facilité l’accès à cette prestation, notamment en centralisant le dépôt et l’instruction des demandes auprès des CPAM et en réduisant la durée de traitement des dossiers (le rapport de M. Boulard évoquait des durées d’instruction de six mois pour l’aide médicale départementale).

3. Trois définitions : l’AME de droit commun, les soins urgents et l’AME humanitaire

En termes budgétaires, l’aide médicale d’État constitue une « action » du programme 183 « Protection maladie » relevant de la mission « Santé » (cf. infra, partie II, les développements sur le suivi du dispositif en loi de finances). Cependant, l’AME au sens large est aussi une « enveloppe » de crédits finançant trois mécanismes différents et d’inégale ampleur par le volume des dépenses engagées :

– l’AME dite de « droit commun » telle que définie plus haut (qui représente plus de 90 % de la dépense) ;

– le dispositif dit des « soins urgents » ;

– et enfin un bloc plus hétérogène constitué des évacuations sanitaires de Mayotte, des « AME humanitaires » et des soins apportés aux personnes gardées à vue.

a) Les soins urgents : un « filet de secours » pour les personnes ne pouvant répondre aux conditions d’admission au dispositif de l’AME

Les dispositions législatives relatives aux soins urgents sont insérées au titre V « Personnes non bénéficiaires de la couverture maladie universelle » du code de l’action sociale et des familles. L’article L. 254-1 définit les soins urgents comme ceux « dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître ». L’application du dispositif a notamment été précisée par la circulaire DHOS/2008/150 du 2 mai 2008 relative à la facturation et au paiement des soins urgents.

Ces soins sont accordés aux étrangers résidant de manière irrégulière en France et qui ne sont pas bénéficiaires de l’aide médicale d’État, dans la plupart des cas notamment parce qu’ils ne peuvent satisfaire aux conditions de résidence. Le dispositif des soins urgents a d’ailleurs été introduit dans notre législation par la loi n° 2003-1312 de finances rectificative pour 2003 du 30 décembre 2003, cette même loi fixant une condition de résidence ininterrompue de trois mois sur le sol français pour bénéficier de l’AME.

Ce dispositif peut donc être considéré comme une sorte de « filet de sécurité » en matière d’accès au soins. D’ailleurs, dans sa décision jugeant que les articles du projet de loi de finances pour 2011 adopté par le Parlement et modifiant le régime de l’AME n’étaient pas contraires à la Constitution (19), le Conseil constitutionnel, dans un de ses considérants, a noté que les soins urgents continueront à pouvoir être administrés aux personnes concernées, sans que la condition du versement d’un droit de timbre soit exigée à leur égard.

Ce mécanisme montre une certaine porosité avec le dispositif de l’AME : certaines personnes ne pouvant pas ou ne pouvant plus prétendre à une prestation au titre de l’AME de droit commun bénéficient des soins urgents.

Une dotation forfaitaire est versée par l’État à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés pour financer le dispositif. Le montant de cette dotation, 40 millions d’euros en 2008 et en 2009, correspond, selon les estimations les plus récentes, à environ la moitié de la dépense réelle.

b) « L’AME humanitaire » représente des sommes d’un montant marginal

Le troisième poste de l’action « Aide médicale d’État » correspond à un ensemble hétérogène de dépenses d’un montant total d’environ six millions d’euros en 2009 :

– la plus grosse partie de la dépense correspond au financement des évacuations sanitaires de Mayotte ;

– les frais correspondant aux soins infirmiers apportés aux personnes gardées à vue sont d’un montant marginal ;

– une autre partie de ces dépenses est constituée de l’ « AME humanitaire », que définit comme suit le deuxième alinéa de l’article 251-1 du code de l’action sociale et des familles : « toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l'état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l'action sociale, bénéficier de l'aide médicale de l'État dans les conditions prévues par l'article L. 252-1. Dans ce cas, la prise en charge des dépenses mentionnées à l'article L. 251-2 peut être partielle. » La dépense à ce titre demeure très réduite (un million d’euros en 2009).

B.– LA LOI DÉFINIT LES CONDITIONS D’ACCÈS À L’AME ET LE PÉRIMÈTRE DES PRESTATIONS DÉLIVRÉES AUX BÉNÉFICIAIRES DU DISPOSITIF

Les développements suivants ne concernent que les dispositions applicables aux personnes majeures demandant le bénéfice de l’AME. Ils mettent en regard, d’une part, les conditions d’accès au dispositif et, d’autre part, le régime applicable aux prestations.

1. L’accès au dispositif est désormais subordonné au respect de trois conditions cumulatives et au paiement d’un droit de timbre annuel de 30 euros depuis le 1er mars 2011

La loi, précisée par les dispositions réglementaires d’application, notamment l’article 4 du décret n° 2005-860 du 28 juillet 2005 relatif aux modalités d’admission des demandes d’aide médicale de l’État, fixe, outre le paiement d’un droit de timbre, trois conditions d’accès au dispositif :

– la justification de son identité,

– l’exigence d’une condition de durée de résidence ininterrompue de trois mois sur le sol français ;

– la perception de ressources n’excédant pas un plafond.

L’application des conditions de vérification de ces critères d’admission est développée plus loin dans le présent rapport (cf. infra, partie II).

a) La justification de l’identité

La justification de l’identité du demandeur et des personnes à sa charge est nécessaire, notamment en vue de prévenir la fraude. La possibilité de déclaration sur l’honneur a été abandonnée. Prouver son identité peut être fait en produisant une série de documents mentionnés par le décret de juillet 2005 : passeport, carte d’identité, traduction d’un extrait d’acte de naissance (20) ou du livre de famille, copie d’un titre de séjour antérieurement détenu. L’énumération des pièces par le décret se conclut par « Tout autre document de nature à attester l'identité du demandeur et celle des personnes à sa charge. »

b) La condition de résidence : trois mois de résidence ininterrompue

La loi dispose que le demandeur doit satisfaire à une condition de résidence particulière : avoir résidé de manière ininterrompue sur le sol français depuis au moins trois mois. Quels sont les moyens de la prouver ?

La déclaration sur l’honneur a été abandonnée. Pour justifier de cette résidence, le demandeur doit présenter le visa ou le tampon comportant la date d’entrée en France figurant sur son passeport.

À défaut, il peut présenter la copie d’un des documents mentionnés dans le décret, datant tous de plus de trois mois : contrat de location ; quittance de loyer ; facture d’électricité, de gaz, d’eau ou de téléphone ; avis d’imposition ou de non-imposition ; facture d’hôtellerie, quittance de loyer ou facture d’électricité, de gaz, d’eau ou de téléphone établie au nom de l’hébergeant, lorsque le demandeur est hébergé à titre gratuit par une personne physique ; attestation d’hébergement établie par un centre d’hébergement et de réinsertion sociale datant de plus de trois mois. Si la personne est sans domicile fixe, elle peut produire une attestation de domiciliation établie par un organisme agréé en application de l’article L. 252-2 du code de l’action sociale et des familles.

Cependant, il est à noter que le décret précise que le demandeur peut aussi présenter « tout autre document de nature à prouver que cette condition est remplie », ce qui laisse une marge d’appréciation au service instructeur.

c) Le plafond de ressources

Le plafond de ressources pour bénéficier de l’AME est le plafond mentionné à l’article L. 861-1 du code de la sécurité sociale. Ce plafond fixé par voie réglementaire, révisé chaque année pour tenir compte de l'évolution des prix, varie selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge.

Dans le droit en vigueur, les ressources d’une personne seule ne doivent donc pas dépasser 634 euros par mois. Il est identique à celui fixé pour l’entrée dans le dispositif de la CMU complémentaire (CMUc). Ce plafond de ressources est inférieur au seuil de pauvreté fixé actuellement à 60 % du revenu médian (21). Il est supérieur au montant du « RSA socle » (466,99 euros pour une personne seule).

Pour la justification de ses ressources et, le cas échéant, de celles des personnes à sa charge, y compris les ressources provenant d’un pays étranger, il est exigé la remise d’ « un document retraçant les moyens d'existence du demandeur et leur estimation chiffrée ». Cette mention très générale se rapproche dans les faits d’une sorte de déclaration sur l’honneur.

d) Le paiement du droit de timbre depuis le 1er mars 2011

Conformément à la loi n° 2010-1657 de finances pour 2011 du 29 décembre 2010, le demandeur, une fois ses droits à l’AME confirmés, doit, depuis le 1er mars 2011, préalablement s’acquitter du paiement d’un droit de timbre annuel pour lui-même et chaque ayant droit majeur pour lequel le bénéfice de l’AME est demandé. Ce montant est de 30 euros, ce qui représente un peu moins de 5 % du plafond de ressources. Les conditions d’application de la mesure ont été fixées par la circulaire n° 055/2A/2011/64.

e) Un droit d’un an, à renouveler et qui peut bénéficier à des ayants droits

Le droit à l’AME est valable un an, il doit donc le cas échéant être renouvelé par le demandeur. L’ouvrant droit peut faire bénéficier de l’AME une liste définie d’ayants droits, cette liste ayant été réduite par la loi de finances pour 2011 (22).

2. Les prestations délivrées aux bénéficiaires de l’AME sont d’un niveau inférieur à celles qu’ouvre le dispositif de la CMUc

L’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles fixe le périmètre des frais de santé pris en charge au titre de l’AME, en renvoyant de manière précise à des articles du code de la sécurité sociale. Les développements suivants ne concernent que les majeurs.

a) Les frais pris en charge au titre de l’AME couvrent la plupart des dépenses de soins remboursables mais le ressortissant à la CMUc bénéficie de remboursements plus importants en matière de soins dentaires et de dispositifs médicaux

● Les prestations au titre de l’AME

Les prestations diffèrent suivant le dispositif AME considéré : la suite des développements ne concerne que les bénéficiaires de l’ « AME de droit commun ».

L’AME permet à l’ouvrant droit et à ses ayants droits de bénéficier d’un certain nombre de prestations assurant la prise en charge de la plupart de ses dépenses de soins, dans le périmètre des dépenses de soins remboursables par l’assurance maladie. En effet, le code de l’action sociale et des familles dispose que le bénéficiaire voit ses dépenses de médecine ambulatoire, ses dépenses hospitalières ainsi que ses dépenses de médicaments prises en charge. Le périmètre déterminé par les renvois au code de la sécurité sociale exclut cependant les indemnités journalières et les frais de séjour en établissement d’accueil pour personnes handicapées.

Le bénéficiaire de l’AME, qui n’est pas un assuré social, n’est pas soumis à divers dispositifs de régulation de la dépense de soins aboutissant à faire participer les assurés au financement de leurs dépenses de soins remboursables ou à instaurer une maîtrise médicalisée des dépenses : franchises sur certains actes, transports et médicaments ; contribution forfaitaire d’un euro sur les consultations ; ticket modérateur et parcours de soins en soins de ville ; forfait hospitalier…

De plus, le bénéficiaire de l’AME n’a pas à avancer les frais correspondants et bénéficie du tiers payant. Ce point rend d’ailleurs très difficile toute tentative de maîtrise médicalisée par la modulation éventuelle des taux de remboursement comme c’est le cas pour les assurés sociaux. C’est sans doute l’une des raisons qui ont conduit à l’absence d’application par décret d’une disposition du code de l’action sociale et des familles issu d’une loi de finances rectificative pour 2002 qui posait le principe d’une participation du bénéficiaire, cf. infra.

Le cas particulier du dispositif de l’ « AME complémentaire » concerne uniquement la part complémentaire de la prise en charge des soins. Ce dispositif concerne notamment les personnes devenant en situation irrégulière après s’être ouvert un droit à l’assurance maladie au titre d’un régime obligatoire. Les droits au régime de base sont maintenus pendant douze mois et l’AME prend alors en charge uniquement la part complémentaire.

● La comparaison entre l’AME et la CMU s’agissant des prestations

Il apparaît que le niveau de prestation assuré à un bénéficiaire de l’AME est identique à celui dont bénéficie un ressortissant à la CMUc, à la notable exception de la prise en charge des soins dentaires et des dispositifs médicaux (prothèses et orthèses (23)). En effet, le remboursement de ces dispositifs est très limité pour les bénéficiaires de l’AME alors qu’il est effectif, sous certaines conditions, pour les ressortissants à la CMUc. Ces derniers bénéficient en effet de barèmes de remboursement supérieurs à ceux de l’assurance maladie pour les prestations d’optique et d’orthodontie, les prothèses dentaires et les dispositifs médicaux.

b) AME, CMUc, assuré du régime général : des comparaisons délicates à manier

La comparaison de la situation du bénéficiaire de l’AME, qui n’est pas un assuré social, avec celle d’un assuré du régime général, est délicate. En effet, la situation effective de l’assuré du régime général au regard de la prise en charge de ses dépenses de soins peut considérablement varier du fait d’une souscription à une assurance complémentaire. Le montant de la prime afférente peut néanmoins être élevé. Le niveau de protection est donc susceptible de varier considérablement en fonction des revenus et de l’assurance complémentaire choisie.

La comparaison la plus pertinente, en termes de comparaison de niveaux de prestations, serait donc à opérer avec un ressortissant à la CMUc, dont les revenus ne doivent pas dépasser un montant identique à celui du plafond de ressources conditionnant le bénéfice de l’AME. Le tableau suivant tente d’établir une comparaison entre les prestations d’assurance maladie et les conditions de leur service à trois « profils » différents : le bénéficiaire de l’AME, le ressortissant à la CMUc et un assuré du régime général aux revenus peu élevés mais non ressortissant à la CMUc. Le tableau recense les divers dispositifs institués ces dernières années et conduisant à accroître la participation des assurés à leurs dépenses de santé.

CONDITIONS DE LA PRISE EN CHARGE DES DÉPENSES DE SANTÉ REMBOURSABLES :
UN COMPARATIF AME/CMUC/RÉGIME GÉNÉRAL SANS COMPLÉMENTAIRE

Cas d’une personne adulte non enceinte et non atteinte d’ALD, en métropole

 

Bénéficiaire de l’AME (moins de 634 euros/mois pour un foyer d’une personne)

Assuré CMUc (moins de 634 euros/mois pour un foyer d’une personne)

Assuré du régime général, aux ressources de 800 euros, ne bénéficiant pas d’une aide à la complémentaire (seuil ressources CMUc majoré de 26 %) et n’ayant pas souscrit d’assurance complémentaire

Remboursement de base (en % de la dépense hors ticket modérateur)

100 %

À l’exception de la couverture des frais d’hébergement et de traitement des enfants et adolescents handicapés hébergés en centres médico-psycho-pédagogiques.

Hors les actes et produits à SMR (24) insuffisants et les actes, produits et prestations non destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie, décret à publier (dispositions introduites à l’automne 2010).

100 %

100 %

Prise en charge du ticket modérateur

100 %

(décret devant la limiter non publié).

100 %

0 %

Participation forfaitaire de 1 euro et franchises (actes paramédicaux, médicaments et transport)

Non

NB : paiement du droit de timbre (30 euros/an pour chaque bénéficiaire majeur).

Non

Oui

Le montant total de la participation forfaitaire est plafonné à 50 euros par année civile (du 1er janvier au 31 décembre) et par personne.

Plafond annuel des franchises : 50 euros/assuré

Prise en charge du forfait hospitalier journalier

100 %

(décret devant la limiter non publié).

Si le coût dépasse une certaine somme, agrément préalable de la caisse exigé. Décret à paraître.

100 %

0 % (sauf cas particuliers et exonérations).

Participation forfaitaire de 18 euros sur les actes dont le tarif est égal ou supérieur à 91 euros, ou ayant un coefficient égal ou supérieur à 50

Non

Non

Oui (sauf actes et cas particuliers)

Avance de frais

Non

Non

Oui

Pénalités parcours de soins

Non

Oui mais pas appliqué faute de publication d’un décret (25).

Oui

Médicaments génériques encouragés

Oui, prise en charge par l’AME subordonnée à la prise de génériques sauf cas prévus par la loi.

Oui

Oui

Liste des produits et prestations

Oui, sur les tarifs de responsabilité, donc remboursement très limité (26).

Des arrêtés fixent une liste de dispositifs médicaux à usage individuel (optique, appareils auditifs notamment) ainsi qu’une liste de soins dentaires prothétiques et d’orthopédie dento-faciale. Ces équipements sont intégralement pris en charge dans la limite de tarifs supérieurs à ceux de la sécurité sociale. Les professionnels et les fournisseurs ont obligation de les proposer aux bénéficiaires de la CMU complémentaire en respectant les montants maxima fixés par ces arrêtés.

Taux de remboursement de droit commun sur la base des tarifs opposables.

Compétence du contrôle médical

Oui

Oui

Oui

Remarques

Outre le droit de timbre, ces personnes paient la TVA et les autres impôts indirects, dont le produit ou une partie sont affectés au budget de l’État, finançant l’AME.

Impôts indirects.

Éventuellement CSG et CRDS sur revenus perçus (cependant faible probabilité compte tenu du plafond de ressources).

Impôts indirects.

CRDS, CSG et cotisations sociales salariales sur revenus et salaires perçus.

Source : CEC.

Les deux points communs aux trois situations sont l’encouragement aux pharmaciens d’officine de délivrer des médicaments génériques (le remboursement des médicaments n’est pas effectué si la personne refuse les médicaments génériques, cette disposition ayant été introduite par l’article 121 de la loi de finances initiales pour 2008) et la compétence, du moins en principe, du service du contrôle médical.

Ce tableau comparatif appelle quelques commentaires méthodologiques.

En effet, il ne rend pas justice à la forte précarité rencontrée généralement chez les bénéficiaires de l’AME et les ressortissants à la CMUc, dont le niveau de ressources peut se situer souvent significativement en dessous du seuil de pauvreté.

De plus, le choix de sélectionner un assuré du régime général dépourvu d’assurance complémentaire et aux revenus guère supérieurs au seuil de pauvreté, et en tous les cas supérieurs aux plafonds de ressources limitant l’accès, d’une part, à la CMUc et, d’autre part, à l’aide à la complémentaire santé (ACS), est ici lourd de conséquences. En effet, dans ces conditions, le « taux d’effort » de la personne, défini ici comme le rapport entre les dépenses de soins prises en charge directement par l’assuré ramenées à ses revenus, est très élevé, alors même que cette personne cotise éventuellement sur ses revenus, dès le premier euro, au titre des contributions sociales (CSG et CRDS) et des cotisations sociales salariales.

Cependant, le tableau a le mérite de présenter des situations-types et de souligner notamment trois constats :

– la couverture des dépenses de soins d’un bénéficiaire de l’AME est relativement bonne ; cependant, si les ressources de la personne ne dépassent que d’un euro le seuil (tout en demeurant inférieur au seuil de pauvreté), la personne doit payer directement tous les soins ;

– au regard de la prise en charge des dépenses de soins remboursables, à revenus égaux, la situation d’un ressortissant à la CMUc (Français ou étranger en situation régulière), est plus favorable que celle d’un bénéficiaire de l’AME ;

– la situation des assurés du régime général aux faibles revenus est marquée par un fort effet de seuil ; comme le souligne le rapport de Médecins du Monde (27), en matière d’accès aux soins, « les effets de seuil sont radicaux et sans appel ».

c) Les prestations de couverture maladie délivrées dans le cadre de dispositifs similaires ou connexes : les soins urgents et la « procédure étranger malade »

La comparaison, pour être complète, doit intégrer deux autres dispositifs.

 Les soins urgents

Cette procédure n’offre à son bénéficiaire que des prestations limitées. En effet, ces soins sont limités à ceux dispensés dans les établissements de santé. En outre, la loi les limite aux « soins urgents dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître ». Cette définition est de nature à limiter considérablement le périmètre des prestations prises en charge, mais son application repose principalement sur l’appréciation des médecins hospitaliers.

 La procédure « étranger malade »

La procédure relative à la carte de séjour temporaire dite « étranger malade » est fixée par le 11° de l’article L. 313-11-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : la carte de séjour temporaire est délivrée

« …à l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État. »

Cette procédure conduit à délivrer au bénéficiaire, un étranger gravement malade, une carte de séjour temporaire et des prestations similaires à la CMUc. Elle a bénéficié à un peu moins de 6 000 personnes en 2008 (28).

L’interprétation de cette disposition législative par les juridictions administratives a d’ailleurs connu un infléchissement le 7 avril 2010 : le Conseil d’État (décision n° 316625) a jugé illégal le refus d’un titre de séjour fondé sur l’existence d’un « traitement approprié » dans le pays d’origine en faisant valoir « que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ».

Il existe une certaine porosité entre ce dispositif et celui de l’AME. En effet, si la carte de séjour temporaire est délivrée, la prise en charge des soins sera assurée par l’assurance maladie (CMUc en cas de ressources inférieures au plafond). Si la demande de carte de séjour est refusée et que le demandeur reste en France sans titre de séjour en règle, l’AME supportera la prise en charge de ces soins. Les conditions de l’application du dispositif « étranger malade » ou ses modifications peuvent donc emporter des conséquences directes sur le montant des dépenses assumées par l’État au titre de l’AME.

C.– LES RÉCENTES MODIFICATIONS INTERVENUES À LA FIN DE L’ANNÉE 2010, LA PLUPART À L’INITIATIVE DES DÉPUTÉS, ONT POUR BUT DE MAÎTRISER LES DÉPENSES AFFÉRENTES

L’AME a régulièrement connu des modifications, suivies ou non d’effets, depuis sa création en 2000 et, encore récemment, en 2010.

1. Depuis sa création en 1999, le dispositif a connu des adaptations régulières afin d’améliorer les conditions de sa régulation

Deux périodes peuvent être distinguées.

a) La période 2002-2007 est marquée par des changements limités

Le dispositif a connu une série de modifications importantes visant à mieux maîtriser le dispositif et à donner aux CPAM qui en assurent la gestion les outils nécessaires. Comme le rappelle le rapport des inspections générales de 2007, la montée en charge rapide du dispositif (moins de 80 000 bénéficiaires en décembre 2000 et près de 180 000 en septembre 2002) a conduit à essayer d’en resserrer les conditions d’accès. Ainsi, la loi de finances rectificative pour 2002 n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 instaure le principe d’une participation financière des bénéficiaires de l’AME aux frais de soins et d’hébergement et renvoie à un décret d’application. Ce décret n’a cependant jamais été publié. Cette même loi supprime la condition de résidence ininterrompue en France depuis au moins trois ans pour bénéficier du remboursement des dépenses relatives aux soins ambulatoires.

Notamment à la suite du rapport de l’IGAS de février 2003, la loi de finances rectificative pour 2003 n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 instaure une condition de résidence ininterrompue préalable d’au moins trois mois pour accéder à l’aide médicale d’État. Elle crée en parallèle le dispositif de la prise en charge des soins urgents et vitaux pour les personnes ne bénéficiant pas de l’AME.

Deux décrets – n° 2005-859 et 2005-860 – publiés en 2005 précisent les conditions d’accès à l’AME et les conditions de l’instruction de la demande. Il est mis fin au recours aux déclarations sur l’honneur pour le contrôle de l’identité et de la condition de la domiciliation. Le demandeur doit faire connaître toutes informations relatives à son identité, à sa résidence, sa situation de famille et ses ressources. La liste des pièces justificatives nécessaires à l’admission au dispositif est précisée.

Un arrêt du Conseil d’État (29) a cependant annulé partiellement ces deux décrets, la condition de résidence préalable de trois mois nécessaire pour avoir accès à l'AME n’étant pas applicable aux enfants mineurs. Cette condition a été en effet jugée contraire à la convention relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990.

b) Les années 2007 à 2010 voient des changements plus structurels intervenir après un premier audit conjoint de l’IGAS et de l’IGF en 2007

Compte tenu de l’augmentation des dépenses et surtout de la constitution d’une dette de l’État vis-à-vis de la CNAMTS, un premier rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGF a été remis aux ministres en mai 2007. Ce rapport formule un certain nombre de recommandations. Plusieurs catégories de mesures prises s’inspirent de ces conclusions, comme l’introduction d’une carte sécurisée ou l’expérimentation d’une base de données.

Le rapport préconisait d’étendre la compétence du service médical aux soins dispensés aux bénéficiaires de l’AME et aux soins urgents. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 accorde au service du contrôle médical une compétence générale en matière d’AME, permettant notamment l’analyse de l’activité des professionnels de santé dispensant des soins et la possibilité de suspendre le service des prestations non justifiées médicalement.

La loi de finances pour 2008 a conditionné la prise en charge des médicaments à l’acceptation par les patients bénéficiaires de l’AME de se voir délivrer des spécialités génériques par le pharmacien, lorsque le médicament est « génériqué ». En cas de refus, les médicaments délivrés au patient ne sont pas pris en charge par l’AME.

Le rapport de 2007 a enfin conduit à clarifier les conditions du pilotage, d’une part, en affirmant la compétence de la Direction de la sécurité sociale (DSS), d’autre part, en organisant une remontée d’informations précises (30) et régulières de la CNAMTS, notamment pour renseigner les indicateurs de performance du budget de l’État. Un arrêté pris le 6 mai 2008 prévoit ainsi des remontées trimestrielles et annuelles de données statistiques précises de la CNAMTS. Une convention conclue entre l’État et la CNAMTS a défini les modalités des versements effectués à la CNAMTS, afin de garantir la neutralité en trésorerie de ces flux financiers pour l’assurance maladie et les informations nécessaires au renseignement des indicateurs de performance budgétaire.

2. Les modifications substantielles introduites par la loi de finances pour 2011 ne sont pas encore toutes appliquées

À l’initiative des députés, la loi n° 2010-1657 de finances pour 2011 du 29 décembre 2010 procède à une série de modifications importantes.

Le projet de loi relatif à l’immigration, l’intégration et la nationalité, adopté définitivement le 11 mai 2011, comporte également une disposition relative à l’AME.

a) Un regrettable manque d’information du Parlement

En juin 2010, la ministre de la Santé et des sports, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, a publiquement évoqué la création d’une participation financière des bénéficiaires de l'AME. Avec le ministre chargé du budget, elle a demandé à l’IGAS et l’IGF d’évaluer l’opportunité d’un tel dispositif. Ce rapport devait lui être remis avant le 30 novembre 2010. Ce rapport, qui concluait à l’inopportunité d’une telle mesure, a été effectivement remis aux ministres à l’automne 2010.

Les rapporteurs notent néanmoins qu’il n’a été rendu public que dans les derniers jours de l’année 2010, une fois la discussion parlementaire relative à la loi de finances achevée et après la publication de la loi de finances pour 2011. Le rapport des inspections, qui contenait des informations précieuses sur l’AME et notamment sur la question de l’introduction d’un droit de timbre, n’a donc pu être utilisé pendant la discussion parlementaire.

Les rapporteurs estiment que, compte tenu de la discussion du projet de loi de finances, le délai séparant la remise du rapport à la ministre en charge et sa mise à disposition du Parlement et du public est très regrettable.

b) Le droit de timbre créé par la loi de finances pour 2011

Envisagée dès juin 2010 par la ministre chargée de la santé, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, devant la commission des Finances du Sénat, l’introduction du paiement d’un droit de timbre est sans doute la mesure récente la plus significative. La mesure est entrée en application le 1er mars dernier. Le montant de ce droit de timbre, fixé par le code général des impôts, atteint 30 euros par bénéficiaire majeur.

La procédure choisie évite une procédure de remboursement des timbres en cas de refus d’admission au dispositif. Elle n’oblige pas les caisses à stocker des espèces ou des timbres. Le timbre est à donc acheter, notamment dans les bureaux de tabac, après que la CPAM a accepté le dossier du demandeur. La loi a également créé, par un amendement du Gouvernement, un « Fonds national de l’aide médicale d’État » destiné à flécher le produit du timbre fiscal vers le financement des dépenses de l’AME.

c) Les autres mesures de la loi de finances pour 2011

La loi de finances pour 2011 comporte d’autres mesures destinées à réduire le poids des dépenses.

Ainsi, elle réduit le périmètre des ayant droits en en limitant la liste aux conjoints et enfants, excluant les ascendants et les autres descendants ou les collatéraux jusqu’au troisième degré.

L’article 186 organise une mise sous entente préalable de la CPAM de certains actes hospitaliers coûteux, le seuil de coût devant être défini par décret. L’agrément de la CPAM sera accordé après vérification que les conditions de résidence et de ressources sont toujours remplies.

L’article L. 252-3 du code de l’action sociale et des familles est également modifié afin de prévoir que les prestations servies dans le cadre de l’AME sont soumises au « respect de la stabilité de résidence en France », dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

La loi modifie l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles en resserrant le périmètre des actes médicaux pris en charge au titre de l’AME en excluant les actes, produits ou prestations dont le service médical rendu (SMR) n’a pas été qualifié de moyen ou d’important ainsi que les « actes pas directement nécessaire au traitement ou à la prévention d’une pathologie ». À la lumière des débats parlementaires, cette disposition pourrait notamment conduire à limiter la prise en charge des prestations de procréation médicalement assistée ou des cures thermales. Selon les auteurs de l’amendement, la disposition vise à dégager des économies et à réduire « l’attractivité du dispositif ».

Enfin, la loi de finances pour 2011 donne la possibilité aux organismes de sécurité sociale d’obtenir le remboursement des prestations versées à tort. Le code de l’action sociale et des familles dispose cependant qu’« en cas de précarité de la situation du demandeur, la dette peut être remise ou réduite ».

Saisi par soixante députés et soixante sénateurs, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010, a considéré que ces dispositions n’étaient pas contraires à la Constitution, sa décision mentionnant notamment le montant effectif du droit de timbre et le fait que l’accès aux soins urgents n’était pas conditionné par le paiement de ce dernier.

Certaines de ces dispositions nécessitent, pour leur application, la publication de décrets qui ne sont pas encore pris.

d) Le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité

La discussion de ce projet de loi a conduit à de vifs débats relatifs à l’AME. À l’initiative de députés émanant de la majorité, le texte adopté définitivement le 11 mai dernier prévoit la centralisation du dépôt des demandes dans les CPAM, reprenant ainsi le principe de centralisation prévu par une proposition de loi déposée par l’un des rapporteurs(31). Cela n’exclut pas que les associations puissent continuer à aider les demandeurs à constituer leur dossier. Cette modification législative vise à contribuer à lutter contre la fraude.

D.– EN COMPARAISON AVEC D’AUTRES PAYS MEMBRES DE L’UNION EUROPÉENNE, LE DISPOSITIF FRANÇAIS ASSURE AUX PERSONNES EN SITUATION IRRÉGULIÈRE UN ACCÈS RELATIVEMENT LARGE AUX SOINS

Compte tenu des débats parfois vifs entourant le degré souhaitable de couverture des dépenses de soins dispensés aux personnes en situation irrégulière, il est intéressant d’étudier la manière dont nos voisins membres de l’Union européenne assure l’accès aux soins de ces personnes. Il faut cependant en la matière distinguer le principe (prise en charge – ou non – des soins apportés aux personnes en situation irrégulière), son « intensité » (quel est le périmètre de soins, quelles sont les conditions ?) et son application effective.

1. Les difficultés des comparaisons internationales

Si cela est possible, une démarche rigoureuse d’évaluation de politique publique doit s’attacher à, un stade ou à un autre de l’analyse, à mettre en place une approche comparative internationale. Cette approche comparative peut donner lieu à un « parangonnage » (benchmarking) s’il s’agit d’identifier les meilleures pratiques afin, le cas échéant, de les appliquer.

Le problème sanitaire posé par les personnes en situation irrégulière ainsi que la question de leur accès aux soins et de la prise en charge des dépenses afférentes ne sont pas des sujets spécifiquement français. Des questions identiques se posent dans les pays voisins. Mener une approche comparative, à l’échelle européenne, était donc indispensable.

Il est cependant à noter au préalable que ces législations comparées doivent être considérées avec une certaine prudence, ne serait-ce qu’en raison des différences de situations géographiques, économiques sociales et démographiques entre les pays comparés. Il faut souligner que la législation étudiée correspond à une situation à un moment donné et peut faire l’objet d’une très récente modification ou d’un projet de modification en cours de discussion dans les instances compétentes du pays concerné, changement qui n’aurait pas été encore pris en compte par la comparaison.

Ensuite, il existe toujours un écart entre la norme juridique et son application, l’état de la législation exigeant des commentaires sur son application in concreto. Enfin, le contexte socioculturel, l’histoire et les traditions nationales, voire régionales, de chaque pays devraient être pris en compte afin d’aboutir à livrer un reflet le plus fidèle possible de la situation dans un pays donné.

2. La France assure, du moins en théorie, un accès aux soins relativement large aux personnes en situation irrégulière

D’intéressants tableaux comparatifs fournis par les services de la Direction de la sécurité sociale du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé permettent de faire le point sur les différentes législations (état de la législation en septembre 2010, soit, s’agissant de la France, avant les débats relatifs au projet de loi de finances pour 2011).

Tableaux comparés de l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière dans l’Union européenne

1) PAYS ACCORDANT UN ACCÈS AUX SOINS TRÈS LIMITÉ AUX ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

 

État du droit

Prise en charge

Financement du dispositif

Allemagne

Loi du 1er novembre 1993 : les étrangers en situation irrégulière peuvent bénéficier des mêmes prestations que les demandeurs d’asile.

Prestations moins étendues que celles du régime de sécurité sociale, elles couvrent :

le traitement des maladies graves et des douleurs aiguës,

les soins liés à la grossesse et ses suites,

les vaccinations réglementaires,

les examens de médecine préventive.

Pas de droit aux prothèses dentaires, sauf si la pose ne peut être reportée. D’une façon générale, d’autres prestations peuvent être accordées si elles sont indispensables.

Très peu de cas sont pris en charge gratuitement.

La loi du 30 juillet 2004 fait obligation aux organismes publics de prévenir de l’existence d’un étranger en situation irrégulière.

Pas de libre choix du médecin : les soins sont délivrés par les services de santé publique, les centres médicaux agréés, les médecins conventionnés ou les autres médecins en échange d’un bon de consultation par les services sociaux.

La prise en charge des prestations incombe aux Länder. Chaque Land détermine l’autorité administrative pour mettre en œuvre la loi sur les étrangers ainsi que les règles de financement qui varient d’un land à l’autre.

Autriche

Les étrangers en situation irrégulière n’ont pas accès gratuitement aux soins, à l’exception du traitement de la tuberculose.

Face à ces obstacles, des organisations servent d’intermédiaire et établissent des listes de prestataires qui aident gratuitement les sans papiers.

Les dépenses sont à la charge totale des patients.

Pour la tuberculose, une loi de 1968, prévoit que les malades doivent recevoir un traitement : les autorités sont obligées de fournir des soins subventionnés.

Aucun financement, sauf la tuberculose (obligation législative).

Danemark

Les étrangers en situation irrégulière peuvent bénéficier des traitements urgents, ceux-ci concernent : les accidents, les maladies soudaines, la naissance ou l’aggravation d’une maladie chronique.

Les prestations peuvent être fournies à titre gratuit quand cela est jugé « raisonnable, compte tenu des circonstances ». Les comtés peuvent demander le remboursement aux intéressés.

Financement par les comtés ou l’agence pour les étrangers, qui peuvent se retourner vers les intéressés.

Grèce

Depuis 2001, accès très restreint, les étrangers en situation irrégulière n’ont droit qu’aux soins urgents vitaux ainsi qu’aux soins périnataux.

Dans ces situations, un reste à charge de 25 % est laissé à la charge des étrangers irréguliers pour les médicaments (sauf pour certaines pathologies chroniques).

Les dispensaires publics effectuent les soins.

Hongrie

La législation garantit les soins urgents dans les mêmes conditions que pour les citoyens hongrois. Comme les soins urgents ne sont pas définis, il revient au prestataire de soins la charge d’interpréter ce terme, ce qui entraîne de grandes disparités de traitement.

Prise en charge gratuite des soins urgents.

Les dépenses des soins urgents sont couvertes par le fonds national d’assurance santé.

Suède

Les personnes sans papiers n’ont aucun droit aux prestations de santé à titre gratuit. Le fait de ne pas posséder un numéro personnel d’identité interdit l’accès aux droits sociaux et économiques, sauf si une législation spéciale couvre un groupe particulier tel que les demandeurs d’asile. En règle générale les enfants sont pris en charge gratuitement par les hôpitaux.

Rôle important des ONG.

Aucune prise en charge des soins.

Le montant des soins facturés aux sans papiers est disproportionné par rapport à ceux facturés aux nationaux, à titre d’exemple :

médecin dans un service d’urgence : 27 € pour les nationaux et 209 € pour les étrangers irréguliers,

médecins dans une clinique de soins primaires : 15 € pour les nationaux et 146 € pour les étrangers irréguliers,

consultation d’une sage femme : 0 € pour les nationaux et 500 € pour les étrangers irréguliers,

accouchement : 0 € pour les nationaux et 2 197 € pour les étrangers irréguliers,

traitement par insuline pour un diabète de type 2 : 188 € pour les nationaux et 1 381 € pour les étrangers irréguliers.

Pas de financement.

2) PAYS ACCORDANT AUX ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE UN ACCÈS AUX SOINS MOINS RESTRICTIF, FONDÉ SUR LA NOTION DE SOINS ESSENTIELS

 

État du droit

Prise en charge

Financement du dispositif

Belgique

Les sans papiers ont droit à « l’assistance médicale urgente » gratuite :

- l’assistance est exclusivement de nature médicale ;

- le caractère urgent doit être certifié par un médecin ;

- les soins sont fournis à titre préventif ou curatif ;

- l’aide médicale peut être mobile ou fournie dans un centre de santé.

Les étrangers en situation irrégulière ont le libre choix du praticien même si les centres d’aide sociale ont tendance à les orienter vers des médecins ou hôpitaux avec lesquels ils ont une convention.

La notion d’urgence est large et englobe les examens médicaux, les interventions chirurgicales, les accouchements, les médicaments, les analyses et examens, etc. Les exceptions sont les prothèses dentaires, les chaises roulantes et certains types de médicaments.

Les soins en établissement psychiatrique sont pris en charge depuis 2006.

L’assistance médicale urgente est gratuite. Il n’y a pas de procédure unique pour recevoir l’aide médicale urgente mais plusieurs :

- demande par les centres d’aide sociale dans la municipalité de résidence (les sans papiers doivent être en situation irrégulière et précaire économiquement). Si la décision d’attribution est positive, le demandeur peut consulter un prestataire de soins reconnu par l’institut national d’assurance maladie et le centre d’aide sociale ;

- en cas d’assistance médicale immédiate, c’est la responsabilité du prestataire de soins qui émet un certificat qui sera adressé au centre d’aide sociale.

La prise en charge est très disparate entre les centres d’aide sociale :

- en raison du manque d’information des assistants sociaux et des demandeurs,

- par la définition floue du terme d’urgence.

Les procédures d’accès sont longues… ce qui conduit souvent à ce que le demandeur ait à sa charge la première visite car le prestataire de santé n’est pas reconnu par le centre d’aide sociale.

Financement par l’État qui rembourse aux centres d’aide sociale le montant des frais médicaux payés aux prestataires.

Italie

Lorsque les personnes sont indigentes, depuis 1998 l’État subventionne en totalité ou en partie, dans les centres de santé ou à l’hôpital public, l’accès aux types suivants de soins médicaux :

- les soins médicaux et essentiels,

- les soins préventifs,

- les soins fournis pour raisons de santé publique (soins prénataux et de maternité, soins aux enfants, vaccins, diagnostic et traitement des maladies infectieuses).

Dans les autres cas, un certain nombre de soins sont toujours fournis gratuitement, sous réserve d’hospitalisation :

- les soins d’urgence (qui ne peuvent être différés),

- les soins essentiels de base : soins primaires et tous types de soins en tant que patient hospitalisé pour le traitement des maladies tels que la tuberculose, les maladies chroniques (VIH/SIDA),

- les soins de maternité,

- les soins aux personnes de plus de 64 ans,

- tous les soins pour les enfants de moins de 6 ans.

En revanche, les sans papiers ont un reste à charge pour ce qui concerne les soins spécialisés (recommandés par un généraliste) et le traitement en qualité d’externe des maladies contagieuses ou chroniques (incluant le VIH/SIDA).

Ces soins sont fournis gratuitement aux sans papiers ayant un code (d’étranger résidant temporairement) et un statut d’indigent.

Ces soins sont toujours gratuits.

Ces soins laissent un reste à charge des sans papiers.

Les étrangers sans ressource doivent signer une déclaration d’indigence lors de l’établissement de la carte de santé. Les professionnels de santé sont remboursés y compris du ticket modérateur le cas échéant par le ministère de l’intérieur ou par les régions selon qu’il s’agit ou non de soins urgents.

Pays–Bas

Les sans papiers reçoivent les soins considérés comme nécessaires, il s’agit :

- des soins en cas de pronostic vital engagé,

- des maladies contagieuses et des troubles psychologiques entraînant des comportements agressifs,

- de la grossesse (avant et pendant l’accouchement),

- des soins préventifs et de la vaccination des enfants.

En cas d’indigence, les soins sont gratuits : un fonds spécial remboursera directement le prestataire.

Un fonds spécifique a été créé en 1998, il est alimenté par le budget de l’État et géré par une fondation ad hoc. Le fond rembourse directement les prestataires qui adressent un formulaire spécifique.

Les hôpitaux et centres de convalescence négocient avec l’assurance maladie un crédit destiné à couvrir les dépenses des débiteurs insolvables.

Royaume–Uni

Les soins fournis gratuitement aux étrangers en situation irrégulière sont limités depuis 2004.

Il s’agit des soins dispensés dans les services d’urgence, des prestations liées aux consultations de planning familial (sauf grossesse), au traitement des maladies à déclaration obligatoire, ou à certaines maladies contagieuses, à des intoxications alimentaires dues aux salmonelles ou aux staphylocoques, des soins pour les troubles mentaux et les maladies sexuellement transmissibles (sauf VIH), à l’exception du SIDA pour lequel seul le test de dépistage est gratuit.

Pour tous les autres soins hospitaliers, les étrangers doivent payer ces soins. En ce qui concerne la maternité, seuls les soins au moment même de l’accouchement sont gratuits.

Pour la médecine de ville, la gratuité des soins est laissée à la discrétion du médecin. Toutefois, les sans papiers ne peuvent recevoir les soins primaires qu’à condition de s’enregistrer chez un médecin généraliste.

En tout état de cause, les étrangers n’ont plus droit aux soins secondaires gratuits.

Soins urgents hospitaliers gratuits.

Autres soins hospitaliers payants.

Soins de ville primaires gratuits à la discrétion du médecin généraliste.

Soins de ville secondaires payants.

Les soins gratuits sont financés sur le budget du National Health Service (NHS). En médecine de ville, les dépenses liées au traitement des étrangers en situation irrégulière sont imputées sur la dotation du cabinet médical, et diminuent d’autant les sommes disponibles pour les autres patients. Les médecins britanniques souhaitent la création d’un fonds spécifique.

3) PAYS ACCORDANT UN ACCÈS AUX SOINS PLUS LARGE AUX ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE SOUMIS À CERTAINES CONDITIONS

 

État du droit

Prise en charge

Financement du dispositif

Espagne

Les étrangers réguliers ou irréguliers enregistrés dans le fichier de la commune où ils résident ont les mêmes droits que les nationaux. C’est la déclaration domiciliaire qui conditionne le droit aux soins. Il est nécessaire de prouver le lieu de résidence par un contrat de logement, etc. Les administrations ont la possibilité d’obtenir les données des fichiers municipaux, ce qui fait que nombre d’étrangers renoncent à se faire enregistrer.

Les étrangers en situation irrégulière qui ne se sont pas fait enregistrer ont uniquement droit aux soins d’urgence, sauf les femmes enceintes et les mineurs qui ont les mêmes droits que les assurés sociaux.

Pour ceux qui se sont fait enregistrer, les soins sont en principe gratuits à l’hôpital et en médecine de ville à condition de consulter des médecins agréés par l’Institut national de gestion sanitaire qui rémunère directement les professionnels de santé sur la base du nombre d’assurés inscrits chez eux.

Prise en charge gratuite des enfants jusqu’à 18 ans et des femmes enceintes dans les mêmes conditions que les nationaux.

Les médicaments ont un reste à charge de 40 %, sauf pour les maladies chroniques.

Assuré par la collectivité dans le cadre du régime national de protection sociale.

France

Accès à l’aide médicale de l’État des sans papiers en situation irrégulière présents depuis plus de 3 mois et dont les revenus ne dépassent pas le plafond d’attribution de la CMUc. Si ces conditions sont remplies, les demandeurs obtiennent l’AME.

Les bénéficiaires de l’AME ont accès aux soins dispensés tant dans les hôpitaux que par les médecins libéraux.

Si la condition de résidence de 3 mois n’est pas remplie, accès aux seuls soins urgents, sans condition de ressources.

Même panier de soins que les assurés de droit commun avec une prise en charge gratuite et une dispense d’avance de frais pour une année renouvelable, sous condition de ressources.

Pour les demandeurs ne remplissant pas les conditions d’obtention, ils ont droit aux soins urgents gratuits.

Les enfants mineurs bénéficient de l’AME en tout état de cause, même si leurs parents n’y sont pas éligibles.

Financement par l’État dans les limites des tarifs opposables de l’assurance maladie.

Portugal

Les étrangers en situation irrégulière ont accès aux services et aux établissements du système national de santé de leur lieu de résidence, moyennant présentation de l’attestation domiciliaire fournie par la paroisse. Ce document atteste que les personnes sont dans le pays depuis au moins 90 jours.

Si l’autorité compétente ne reconnait pas officiellement qu’un sans papiers a vécu dans un district spécifique pendant plus de 90 jours, celui-ci a accès aux soins d’urgence dans les hôpitaux publics moyennant le paiement du coût total des soins.

Soins partiellement gratuits avec un ticket modérateur, sauf si la situation économique ou sociale de l’intéressé peut le dispenser du paiement de celui-ci. En tout état de cause, les soins sont gratuits en cas de danger pour la santé publique (maladies contagieuses, vaccinations, soins enfants et mère).

Soins payants, puisque la condition de résidence n’est pas remplie.

Financement complet du système national de santé dans certains cas (danger santé publique, situation économique), sinon financement partiel avec un ticket modérateur.

Pas de financement quand la personne ne remplit pas la condition de résidence.

Source : DSS, juillet 2010.

Les rapporteurs se sont également penchés sur le remarquable travail effectué par l’organisme « Huma network », proche de l’association française « Médecins du Monde » (32). Cet organisme a effectué une synthèse (33) des législations en la matière de seize pays membres de l’Union européenne (34). L’étude s’attache non seulement à dégager la portée des textes normatifs applicables mais aussi à en décrire l’application. Il s’agit d’un résumé d’un rapport rédigé par le même organisme intitulé « Législation et pratique, accès aux soins des personnes sans autorisation de séjour et des demandeurs d'asile » (septembre 2009).

Les données correspondent au droit applicable soit en septembre 2009, soit en septembre 2010 (35), suivant le pays concerné. Le rapport se conclut sur des recommandations adressées aux États et aux institutions européennes. Ces recommandations préconisent d’élargir les dispositifs existants de prise en charge sanitaire des personnes en situation irrégulière.

Les rapporteurs se sont intéressés à la législation relative aux personnes majeures en situation irrégulière, le cas des mineurs étant particulier. Il en ressort que sur les seize pays étudiés, la législation relative à l’accès aux soins est très diverse mais apparaît dans l’ensemble assez restrictive : « D’une façon générale, l’accès aux soins des personnes sans autorisation de séjour, et dans une moindre mesure des demandeurs d’asile, n’est pas assuré en Europe. » La France se situerait plutôt dans le groupe des pays assurant un accès assez large aux soins.

Au vu de ces deux approches comparatives, il semble que le dispositif français, en tous les cas dans le droit en vigueur avant les modifications intervenues à l’automne 2010 et ayant notamment introduit un droit de timbre, fasse partie des mécanismes les plus protecteurs.

En effet, les prestations ne sont pas limitées aux soins urgents, primaires ou de prophylaxie comme c’est le cas dans beaucoup des pays étudiés ; l’accès aux soins est gratuit sans que les professionnels de santé aient à porter de jugement sur la gravité de l’état de santé du demandeur, gravité conditionnant dans certains pays la prise en charge.

II.– L’APPLICATION DU DISPOSITIF ET SON ÉVALUATION RENCONTRENT DES DIFFICULTÉS DE PLUSIEURS ORDRES

La première partie du présent rapport a présenté le dispositif de l’AME. Elle a détaillé les motivations de sa création et l’historique de son développement. Dans un deuxième temps, la démarche d’évaluation doit analyser les problèmes et les difficultés rencontrés dans l’application du dispositif, du dépôt de la demande à la délivrance du titre sécurisé d’admission au dispositif de l’AME et à l’ouverture des droits. Ces difficultés constituent-elles des obstacles à la réalisation des objectifs précédemment cités ? Cette partie se penche également sur l’évaluation du dispositif. Les indicateurs de résultats existent-ils ? Si oui, sont-ils pertinents ? Le pilotage est-il optimal ? Des développements porteront enfin sur le suivi parlementaire du régime de l’AME et les difficultés d’évaluation correspondantes.

A.– L’INSTRUCTION DES DOSSIERS EST UN PROCESSUS ADMINISTRATIF COMPLEXE REPOSANT POUR UNE PART SUR LE PRINCIPE DÉCLARATIF

Le dispositif de l’AME fait l’objet d’une délégation de gestion par l’État à la CNAMTS via une convention.

Conformément à la convention d’objectifs et de gestion (COG) et à cette convention ad hoc liant l’État et la caisse (36), la CNAMTS assure la gestion du dispositif, même si ce n’est pas son « cœur de métier » puisqu’elle gère essentiellement les droits contributifs d’une population d’assurés sociaux.

Dans le cadre du droit en vigueur, le processus de gestion du dispositif de l’AME est bien maîtrisé par le réseau de la CNAMTS. Les CPAM appliquent bien les textes législatifs, règlementaires et infrarèglementaires, même si le caractère déclaratif de certaines preuves à apporter pour satisfaire aux conditions à remplir pour bénéficier de l’AME limite par nature la rigueur de l’instruction.

1. Attribuer une prestation sociale à des personnes en situation irrégulière, un processus nécessairement ambigu

Comme le souligne le rapport 2010 de l’IGAS – IGF, la première problématique relative à l’AME est celle, pour des bénéficiaires le plus souvent en situation de grande précarité, d’un accès à un droit garanti par la loi, droit assurant au bénéficiaire la « protection de la santé » via la prise en charge de ses dépenses de soins.

En termes de gestion publique, le dispositif de l’AME comporte également d’autres problématiques. En effet, dans son principe, l’application d’une procédure administrative consistant à attribuer une prestation sociale à des personnes en situation irrégulière, donc susceptibles d’être l’objet de mesures administratives coercitives (37), ne peut qu’être un processus complexe. Elle est de nature à placer certaines administrations dans des situations ambiguës. Cette situation délicate concerne en premier lieu le réseau de l’assurance maladie, administration employant des agents sous statut de droit privé et chargée par délégation de vérifier les conditions d’accès au dispositif. Elle illustre la difficulté fondamentale d’appliquer une procédure administrative centralisée, génératrice de droits, à une population dont le statut, au regard de la loi, est irrégulier.

2. Les textes applicables

La liste des textes applicables est particulièrement fournie car elle comporte les textes applicables à l’admission au dispositif (code de l’action sociale et des familles) et les textes relatifs au service des prestations (code de la sécurité sociale et code de la santé publique). Elle comprend des textes législatifs et réglementaires (décrets et circulaires), que complètent sur certains points les instructions de la CNAMTS, qui sont applicables au réseau de l’assurance maladie.

a) Les textes législatifs

Il s’agit principalement du chapitre II du titre V du code de l’action sociale et des familles : « Personnes non bénéficiaires de la couverture maladie universelle ». Le code de la sécurité sociale et le code de la santé publique sont applicables au service des prestations. L’article 968 E du code général des impôts (CGI) s’applique au dispositif de l’AME à la suite de l’introduction du droit de timbre par la loi de finances pour 2011.

b) Les textes règlementaires et infra-règlementaires

Les décrets et circulaires appliquant la loi sont complétés par des lettres-réseaux éditées par la CNAMTS et transmise au réseau des CPAM.

Les deux décrets applicables sont le décret n°2005-859 du 28 juillet 2005 relatif à l'aide médicale de l'État et modifiant le décret n° 54-883 du 2 septembre 1954 modifié pris pour l'application de l'ensemble des dispositions du décret du 29 novembre 1953 relatif à la réforme des lois d'assistance et le décret n°2005-860 du 28 juillet 2005 relatif aux modalités d'admission des demandes d'aide médicale de l'État. Un décret a précisé l’application du droit de timbre : le décret n° 2011-273 du 15 mars 2011 pris pour l'application de l'article 968 E du code général des impôts relatif à l'aide médicale de l'État.

Un arrêté du 6 mai 2008 fixe les modalités de transmission d’informations statistiques de la CNAMTS à l’État. L’arrêté du 10 juillet 2009 relatif au titre d’admission au bénéfice de l’aide médicale de l’État détermine les détails de ce titre.

Les CPAM et les CCAS (centres communaux d’action sociale) appliquent la circulaire DGAS/MAS/2008/70 du 25 février 2008 relative à la domiciliation des personnes sans domicile fixe.

Enfin, les textes législatifs et réglementaires sont précisés par la CNAMTS grâce à des lettres-réseaux relayées auprès des CPAM : à titre d’exemple, les documents LR-DDO-22/08 (38) et LR-DD-161/09. Ces documents ont pour vocation d’harmoniser les pratiques suivies par les CPAM en matière d’instruction des demandes.

3. Les modalités de dépôt des dossiers, d’accueil des personnes et d’instruction des dossiers

L’exploitation des réponses au questionnaire envoyé par les rapporteurs aux CPAM (cf. annexe 4), les trois rapports des inspections comme l’expérience associative permettent d’évaluer les conditions de dépôt des dossiers et d’accueil des personnes à l’aune de deux objectifs complémentaires : permettre l’accès au droit, d’une part, et lutter contre la fraude, d’autre part.

a) Le dépôt des demandes et l’instruction bientôt centralisés au sein des CPAM

La date de dépôt de la demande, même incomplète, est la date d’effet du droit ; un récépissé de dépôt de demande d’AME est transmis au demandeur. Si le dossier est accepté, cette date constituera le début de la période d’ouverture des droits.

Pour ce faire, le demandeur doit remplir le formulaire CERFA S 3720 modifié (distribué par les CPAM) puis le déposer auprès d’une liste limitative d’organismes : les organismes d’assurance maladie (CPAM et CGSS (39) – caisses générales de sécurité sociale), les CCAS, les DDASS et les associations disposant d’un agrément préfectoral. Les organismes autres que les CPAM disposent d’un délai de huit jours pour transmettre le dossier à la CPAM, qui dispose du monopole de l’instruction.

Le dépôt des demandes donne donc lieu à une coopération, d’un degré variable mais souvent intense, entre, d’une part, les CPAM et, d’autre part, les associations, les assistants sociaux des hôpitaux ou, à un moindre degré, les travailleurs sociaux des conseils généraux. Les services des CPAM apprécient généralement les conseils donnés par les associations aux bénéficiaires, qui leur permettent de traiter des dossiers complets, notamment grâce à l’intervention de personnes dotées des compétences linguistiques correspondantes et parfois rares. Certaines caisses relèvent des « déclarations modélisées » rédigées par les associations et un traitement standardisé des demandes, avec l’aide de formulaires-types.

Quelles sont les associations concernées ? Aux termes du décret n° 2005-859 du 28 juillet 2005 relatif à l'aide médicale de l'État, il s’agit des associations bénéficiant d’un agrément préfectoral spécifique, d’une durée de trois ans renouvelable. Certaines CPAM ont à cet égard indiqué aux rapporteurs qu’elles estiment souhaitable de formaliser et d’améliorer les échanges d’informations entre CPAM et préfectures au sujet des conditions d’agrément et de renouvellements d’agrément (cf. infra).

Le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité récemment adopté comporte une disposition modifiant le code de l’action sociale et des familles, et qui prévoit un « guichet unique » : « La demande d’aide médicale de l’État est déposée auprès de l’organisme d’assurance maladie du lieu de résidence de l’intéressé. Cet organisme en assure l’instruction par délégation de l’État. » La disposition, issue d’un amendement déposé par les députés, vise à mieux lutter contre la fraude. Les chiffres communiqués aux rapporteurs par la CNAMTS indiquent que 83 % des dossiers ont été déposés auprès des CPAM en 2010.

Les CPAM indiquent connaître des difficultés tenant à l’accueil des personnes venues déposer leurs dossiers. Compte tenu de leur statut, ces personnes éprouvent en effet de l’appréhension à visiter une administration ou une structure s’y apparentant. Les caisses et les associations soulignent également l’acuité des problèmes linguistiques. Il existe un fort besoin d’interprétariat, le directeur général de la CNAMTS indiquant ainsi que la CPAM de Bobigny doit s’employer à assurer l’accueil en vingt langues différentes. Certaines caisses relèvent en outre des problèmes de sécurité.

Le dépôt des demandes d’AME peut aussi correspondre à d’autres motifs que l’accès au dispositif lui-même. Ainsi, suivant les données fournies par la CPAM de Paris, l’interprétation d’une circulaire conduit certains assistants sociaux des hôpitaux à déposer des demandes d’admission au dispositif AME afin d’obtenir un refus. Ce refus formel permet ensuite une facturation des soins au titre des soins urgents et donc un paiement rapide de l’hôpital.

b) Lors de l’instruction de la demande, la vérification rigoureuse du respect des trois conditions d’accès au dispositif est complexe

Le dépôt de la demande fait commencer la phase d’instruction. Si les conditions d’admission sont remplies, l’organisme de sécurité sociale envoie dans le délai légal des deux mois un courrier notifiant l’acceptation du dossier – avec application de la règle classique selon laquelle un silence de deux mois constitue un refus implicite (40) susceptible de recours. Le courrier de notification avertit le demandeur qu’il lui appartient de venir chercher le titre d’admission à la caisse dans un délai de deux mois. Les projets de performance (PAP, cf. infra) des lois de finances imposent aux CPAM des objectifs de durée de traitement en diminution : 23 jours en 2011 et 20 jours en 2013.

Dans les CPAM les plus importantes, la gestion du dispositif peut mobiliser un nombre important d’agents. Ainsi, à la CPAM de Bobigny, la gestion du « processus AME » mobilise 17 agents équivalents temps plein – ETP – au guichet. 23 ETP travaillent à l’instruction et à la délivrance du titre. À la CPAM de Paris, les effectifs consacrés à l’AME comportent 38 techniciens « relation client », 19 conseillers techniques et sociaux et 3 techniciens en back office (données fournies par la CPAM).

Selon les données de la CNAMTS communiquées aux rapporteurs, sur les cinq motifs de refus (41) d’admission (dossier incomplet, durée de résidence inférieure au seuil, ressources supérieures au plafond, identité incertaine, autre), celui relatif à la condition de résidence est le plus souvent en cause (39 %) ; viennent ensuite les motifs pour dossier incomplet (22 %) et absence de respect des conditions de ressources (19 %). À titre indicatif, le taux de refus se situe seulement entre 3 et 4 % sur le ressort de la CPAM de Paris ; il est cependant de 10 % sur l’ensemble des autres caisses de l’Île-de-France.

● La vérification de l’identité et du caractère irrégulier du séjour

La vérification de l’identité, selon les réponses apportées par écrit par les CPAM et oralement à l’occasion des déplacements des rapporteurs, peut poser des problèmes significatifs. Cela concerne notamment les cas de présentation de documents d’état civil étranger établis dans des langues rares ou la nécessité d’une vérification de l’authenticité des papiers présentés à l’aide d’une lampe à ultraviolets, ces lampes n’étant cependant pas opérationnelles sur certains documents.

L’appréciation de la condition de « personne en situation irrégulière » est également complexe. En effet, comme le soulignent les associations, les demandeurs, et particulièrement les demandeurs du droit d’asile, peuvent souvent alterner, en quelques mois, des périodes de régularité et d’irrégularité, au gré des demandes de régularisation, de l’issue des éventuels recours et des problèmes matériels liés aux difficultés de domiciliation (retour des plis en « non distribuables »). Le statut des étrangers en situation irrégulière serait à cet égard, selon le terme des représentants des associations entendues, « dynamique » et conduirait à des alternances de statuts. Dans tous les cas, l’application du droit en la matière est pour le moins complexe. La procédure ne prévoit d’ailleurs pas une consultation systématique de la préfecture aux fins de vérifier si le demandeur dispose éventuellement d’un titre de séjour en règle (42).

Il est donc parfois difficile d’identifier les droits d’une personne à l’AME ou à la CMU au regard de son statut administratif et de l’irrégularité supposée de son séjour. Il n’existe d’ailleurs pas de définition juridique de l’irrégularité, qui serait très difficile à déterminer : comme le souligne le rapport des inspections de 2010, une circulaire (DSS/2A/DAS/DPM 2000-239 du 3 mai 2000 relative à la condition de résidence pour bénéficier de la couverture maladie universelle) a déterminé les modalités d’appréciation de la condition de régularité de la résidence pour bénéficier d’une couverture maladie au titre de l’article L. 380-1 du code de la sécurité sociale. Elle précise notamment que « À défaut de la production d'une carte de séjour, dès lors que l'intéressé peut attester par la présentation de tout document (43) (récépissé en cours de validité, convocation, rendez-vous en préfecture, autre) qu'il a déposé un dossier de demande de titre de séjour auprès de la préfecture de son lieu de résidence, il est établi qu'il remplit la condition de régularité de résidence définie à l'article L. 380-1 ».

Si les caisses d’Île-de-France vérifient en premier lieu si le demandeur n’est pas répertorié dans une des bases de données de droits existantes (44), il n’existe pas encore au niveau national de fichier centralisé recensant les demandes d’AME refusées. Un tel fichier pourrait empêcher le dépôt d’une demande dans une autre CPAM après un refus, limitant les risques d’un « nomadisme d’opportunité » selon l’expression d’une lettre-réseau de la CNAMTS.

● La vérification de la condition de la résidence ininterrompue d’au moins trois mois et les problèmes liés à la domiciliation des demandeurs

La vérification du respect de cette condition pose deux difficultés. Il s’agit, d’une part, de la condition générale de la résidence, et, d’autre part, des difficultés particulières relatives à la domiciliation, en particulier auprès des associations agréées.

- La condition de résidence ininterrompue de trois mois

La vérification se fait sur présentation d’un seul document de plus de trois mois et de moins de douze mois. Cependant, le contrôle de la preuve de la résidence et de celle de son caractère ininterrompu est dans les faits assez difficile à opérer. Aux termes des dispositions du code de l’action sociale et des familles (cf. supra), la preuve de la résidence peut se faire par des documents de nature diverse, la pratique semblant varier suivant les CPAM. Ainsi, certains demandeurs, lorsqu’ils disposent d’un passeport – ce qui est très rare – produisent uniquement une page du document. Disposer de cette pièce ne permet pas de vérifier avec toute la rigueur nécessaire le caractère ininterrompu de la résidence sur le sol français.

Il arrive d’ailleurs parfois qu’un consulat signale à la CNAMTS la présence à l’étranger d’une personne supposée résider en France ; de tels cas ont pu être rencontrés à la CPAM de Bobigny.

Pour les renouvellements de droits, la CPAM de Bobigny indique vérifier si la personne demandeuse a bénéficié de remboursements au titre de l’AME dans les trois mois précédents, ce qui démontre le cas échéant le caractère effectif de sa résidence sur le sol français.

La vérification de la condition de résidence est particulièrement délicate pour apprécier la situation de certains ressortissants européens au regard du droit à l’AME. En effet, le principe de la liberté de circulation inscrit dans les traités conduit, dans certains cas, à ne pas nécessairement indiquer sur un document officiel la date d’entrée en France et la date de sortie. Il y a donc là une réelle difficulté, pour les demandeurs, à prouver la règle de la résidence ininterrompue des trois mois, et pour les caisses, à la vérifier.

- Les problèmes relatifs à la domiciliation de certains demandeurs

Les personnes remplissant la condition de résidence n’ont parfois pas de logement fixe. Elles peuvent donc être domiciliées auprès d’une association agréée ou d’un centre communal d’action sociale (CCAS). C’est ainsi le cas pour presque le quart des bénéficiaires du ressort de la CPAM de Paris.

Le rapport précité de Médecins du Monde pointe des divergences d’application par les CCAS de la domiciliation, certains s’y refusant : un CCAS, selon l’association, aurait ainsi déclaré refuser la domiciliation au titre de l’AME des personnes en situation irrégulière. Dans le même sens, les associations ont présenté aux rapporteurs des cas où les modalités d’application du dispositif divergent selon les CPAM. Certaines CPAM, même lorsque le demandeur déclare une adresse « chez… », continueraient à refuser cette adresse, contrairement aux dispositions de la circulaire de la DGAS relative à la domiciliation.

D’après les informations fournies par la CPAM de Paris, une problématique particulière se pose du fait de domiciliations auprès d’associations ou d’organismes agréés :

« La caisse est (…) confrontée à la gestion d’un grand nombre de bénéficiaires de l’AME ne résidant pas à Paris intra muros, mais étant domiciliés auprès d’une de ces associations. Cette spécificité se vérifie à travers l’analyse de la consommation médicale des bénéficiaires de l’AME (45). » Les services de la caisse soulignent la nécessité d’un dialogue entre le réseau de l’assurance maladie et les autorités accordant l’agrément. Un constat identique est dressé à Bobigny, où les services de la caisse soulignent une certaine « porosité » des flux de demandeurs et de bénéficiaires entre Paris et la Seine-Saint-Denis.

● La vérification de la condition de ressources

Le bénéfice de l’AME est soumis à un plafond de ressources. Le demandeur doit donc indiquer le montant total de ses ressources, au besoin en effectuant une sorte de déclaration sur l’honneur. Les avantages en nature font l’objet d’une évaluation forfaitaire réglementée par les textes. Il apparaît que le contrôle de cette condition est assez difficile, au moins pour trois raisons :

– compte tenu de la situation administrative et économique de la plupart des demandeurs, il y a peu de possibilités de croisements avec d’autres fichiers, notamment fiscaux ;

– en cas d’activité professionnelle, le travail dissimulé conduit à ne pas pouvoir produire de ressources vérifiables au nom du demandeur (bulletin de paie, déclaration de revenus…) ;

– les ressources à l’étranger (qui doivent le cas échéant être mentionnées dans la déclaration du demandeur), fussent-elles données, ne sont matériellement guère vérifiables.

Généralement, les CPAM effectuent donc un premier contrôle de cohérence en comparant les ressources déclarées avec les charges assumées, notamment familiales, lorsque ces dernières sont indiquées (indication du nombre d’ayants droits).

La CPAM de Paris décrit ainsi les nombreuses difficultés occasionnées par la vérification de cette condition :

« (…) l’appréciation du « train de vie » se fait essentiellement sur dossier ; nous disposons rarement d’éléments concrets d’évaluation ; un nombre non négligeable de bénéficiaires déclare « être hébergé chez X », donc pas de quittance de loyer au dossier pour interpréter l'adéquation charges/ressources. En cas de déclaration de frais : Téléphone, EDF, nous ne disposons quasiment jamais des facturations en cause... (…) Citons également un nombre non négligeable de dossiers pour lesquels le déclarant fait état de très modestes revenus (aides diverses), toujours inférieurs aux plafonds mais souvent dérisoirement faibles ; moins de 100 €, voire 30 à 50 € mensuels, par déclaration sur l’honneur, qui paraissent incompatibles avec les exigences de la vie quotidienne. »

La CNAMTS a mis en place une démarche spéciale en cas de ressources déclarées nulles. Dans ce cas, un entretien doit être organisé, qui permet souvent de dresser un inventaire plus proche de la réalité des ressources du demandeur, notamment en intégrant l’avantage procuré par le logement en nature ou les aides à caractère familial, amical ou communautaire. Une fiche d’entretien-type a été communiquée aux CPAM, dont les services appliquent bien la procédure.

En conclusion, il semble aux rapporteurs que le caractère déclaratif de certaines des informations fournies par les demandeurs rend en tout état de cause les contrôles et les investigations difficiles et coûteuses, alors même que certains documents fournis ne permettent pas d’apprécier avec toute la rigueur nécessaire la situation réelle du demandeur. Le rapport des inspections de 2010 note d’ailleurs que « Les documents produits à l’appui de cette demande de carte [AME] peuvent être douteux ».

● Des divergences d’application par les CPAM

Malgré les textes législatifs et réglementaires applicables et les instructions du réseau, il peut arriver que des CPAM aient une application particulière du dispositif, ce qui est regrettable. Le rapport de Médecins du Monde énumère ainsi une liste de pièces qui auraient été demandées aux demandeurs par les CPAM, liste ne correspondant pas aux textes applicables. Ainsi, pendant leur audition par les rapporteurs, les associations ont fait part de demandes de CPAM relatives à la transmission préalable d’un relevé d’identité bancaire (RIB) avant l’ouverture éventuelle des droits.

4. Le bénéfice de l’admission à l’AME est formalisé depuis peu par la délivrance d’une carte sécurisée ad hoc

Conformément au code de l’action sociale et des familles et compte tenu du statut de prestation sociale de l’AME, c’est le représentant de l’État qui accorde au demandeur le droit à l’AME. Il délègue cette compétence au directeur de la CPAM.

La procédure a été modifiée avec l’introduction récente du droit de timbre. Les demandeurs (l’ouvrant droit et chaque ayant droit majeur), une fois le timbre réglé, doivent retirer en main propre le titre d’admission. Si l’ouvrant droit ne peut régler le timbre pour les ayants droits majeurs, ces droits peuvent être ouverts ultérieurement après paiement du droit de timbre pour chaque ayant droit majeur concerné.

À la suite notamment des recommandations du rapport des inspections générales de 2007, un titre d’admission sécurisé avec photographie a été mis en place par l’arrêté du 10 juillet 2009. Cette carte sécurisée, dont les modalités ont été arrêtées après concertation avec les associations actives dans ce domaine et avec les services du ministère de l’intérieur, a été généralisée depuis le 1er mars 2010 (sauf dans les DOM). Cette mise en place répond à un engagement pris par la CNAMTS et formalisé dans la COG.

Le titre plastifié, contenu dans une pochette plastique scellée et comportant une photo du bénéficiaire (apportée par le demandeur ou réalisée dans les locaux de la caisse avec une Webcam), réduit les demandes de duplicata et les risques de fraude, notamment en évitant l’utilisation d’un même justificatif d’ouverture de droits par plusieurs personnes. Son coût de fabrication est d’environ 30 euros. La carte mentionne le nom du bénéficiaire, le prénom, la date de naissance, l’adresse, la période d’ouverture des droits et l’organisme d’assurance maladie ayant délivré la carte. Il existe des cartes individuelles et des cartes familiales.

La plupart des CPAM interrogées par les rapporteurs estiment que la carte représente un outil important dans la lutte contre la fraude, même si elle a pu conduire à allonger les délais d’instruction et obliger à procéder à des aménagements matériels non négligeables (installation de Webcams ou création de permanence d’accueil par exemple).

5. Les contrôles a posteriori relatifs aux conditions d’admission

La définition et l’intensité des contrôles a posteriori relèvent moins des textes que de la politique de lutte contre la fraude du réseau de l’assurance maladie définie par la CNAMTS. Ces instructions générales sont au besoin renforcées par chaque CPAM en fonction du contexte local et du niveau de risque correspondant. Elles sont définis par le plan de maîtrise socle (PMS) de l’agent comptable de la CNAMTS et sont le cas échéant renforcés par chaque caisse.

Ainsi, un suivi particulier est fait s’agissant du suivi des demandes de duplicata d’attestation de droits (il s’agit notamment du déclenchement d’une recherche de consommation excessive sur les douze derniers mois).

L’échantillon minimum de dossiers à vérifier est de 10 % des dossiers d’AME, cette proportion pouvant être augmentée en fonction du contexte local. La cible est de parvenir à un taux de conformité supérieur à 95 %.

La notion de « contrôle » mérite cependant d’être précisée et peut appeler dans certains cas des interrogations. En effet, il faut se demander s’il s’agit d’un nouvel examen au fond, le cas échéant complété par des enquêtes complémentaires, ou bien la revue formelle des étapes d’instruction devant être suivies par les services des caisses primaires. À titre d’exemple, s’agit-il de s’interroger à nouveau sur la validité ou l’authenticité de la pièce fournie ou d’un contrôle formel de la conformité de la procédure suivie ?

Le caractère déclaratif de certaines des informations fournies par les demandeurs rend les contrôles et les investigations difficiles et coûteuses, avec des résultats aléatoires. C’est la raison pour laquelle ces contrôles sont parfois plus proches d’un contrôle de conformité de la démarche des services aux textes applicables que d’un nouvel examen au fond de la demande et de la vérification systématique de la qualité des pièces présentées par le demandeur.

Les contrôles approfondis des CPAM se heurtent en outre à des difficultés pratiques et matérielles, liées notamment au nombre réduit de contrôleurs pouvant être affectés spécifiquement à l’AME, ce qui limite le nombre d’enquêtes (46). Les services des caisses ont fait part aux rapporteurs des difficultés de recrutement des contrôleurs, en raison notamment des difficiles conditions de travail lors des contrôles sur place.

Quelles sont les alertes pouvant mobiliser les services des caisses ? Ainsi qu’évoqué supra, les consulats signalent parfois aux caisses des situations douteuses. Si certaines caisses vérifient systématiquement qu’aucun titre de séjour n’a été délivré au demandeur, d’autres, notamment la CPAM des Hauts-de-Seine, ont mis en place des « contrôles automatiques » s’agissant de situations supposées « à risque » (très nombreuses domiciliations chez un même particulier par exemple).

Il n’a pas été possible d’obtenir de la CNAMTS le coût analytique moyen d’un contrôle et le total national des sommes recouvrées après contrôle. Les informations données par les CPAM, soit au travers des réponses au questionnaire, soit lors des déplacements des rapporteurs, montrent que les montants en jeu sont finalement d’un montant relatif limité compte tenu des sommes concernées. À titre d’illustration et de mise en perspective, la CPAM de Bobigny indique ainsi qu’au total, une somme de 464 368 euros a été récupérée en 2010 auprès des assurés et des professionnels de santé : ce chiffre concerne cependant la totalité de l’activité de la CPAM et pas uniquement la gestion de l’AME.

B.– LES BÉNÉFICIAIRES ET LES DEMANDEURS DE L'AME PEUVENT RENCONTRER DES DIFFICULTÉS À FAIRE VALOIR LEURS DROITS

De nombreuses personnes en situation irrégulière ne demandent pas le bénéfice de l’AME ou renoncent à le demander. Cette situation est susceptible d’entraîner des retards d’accès aux soins ou des hospitalisations coûteuses. Elle peut en outre présenter des risques en termes de santé publique.

Compte tenu de la démarche d’évaluation menée par les rapporteurs, l’idéal aurait été de pouvoir demander directement aux personnes en situation irrégulière éligibles à l’AME les raisons de leur absence de demande du bénéfice du dispositif. Cependant, compte tenu de la population en cause, cette solution n’est guère praticable. Il est par construction très difficile d’obtenir des données statistiques précises sur le nombre de ces personnes, dont le statut est irrégulier. Cet aspect a donc été surtout développé en interrogeant les représentants des associations qui sont quotidiennement en contact avec ces personnes.

1. Les problèmes rencontrés à l’admission au dispositif de l’AME

Les données fournies par les associations, qui, au plus près des populations concernées, apportent aux personnes les plus précaires un accès aux soins immédiat (47), montrent que toutes les personnes concernées, et même les personnes remplissant les conditions d’accès au dispositif, ne font pas valoir leurs droits à l’AME. Selon les associations entendues, près d’une personne en situation irrégulière sur deux n’aurait pas de droits ouverts à l’AME – ce chiffre est cependant difficile à vérifier.

Le document « Observatoire de l’accès aux soins de la mission France Médecins du Monde, Rapport 2009 », publié en octobre 2010 (dixième rapport), retrace ainsi certaines difficultés d’accès au dispositif de l’AME sur l’échantillon que représentent les patients venus fréquenter un des centres de Médecin du Monde :

« Plus de 77 % des patients, au regard de leur situation personnelle, relèvent théoriquement d’un dispositif de couverture maladie (52 % de l’AME) (…). Les autres (près de 23 %) ne peuvent accéder à une couverture maladie, le plus souvent en raison du critère de résidence de 3 mois en France. (…) Dans les faits, 81 % des personnes qui ont droit à une couverture maladie n’en ont aucune. »

Selon ce rapport, les obstacles allégués par les personnes en situation irrégulière pouvant théoriquement s’ouvrir des droits au titre de l’AME sont « les obstacles administratifs » , « les difficultés à s’orienter dans le dispositif sanitaire et social », les obstacles linguistiques et la difficulté à prouver la durée de résidence.

De manière générale, l’appréhension des arrestations par les forces de l’ordre conduit ces personnes à redouter toute entrée dans un dispositif administratif identifiant. L’existence d’un délit d’aide au séjour irrégulier ne facilite pas la domiciliation chez un tiers. L’association relève que parfois, le coût même du déplacement à la CPAM peut se révéler rédhibitoire.

L’enquête de Médecins du Monde a défini des catégories de personnes dont les droits, possibles au regard de leur situation, n’étaient pas ouverts. Compte tenu de ces catégories, ce sont les personnes pouvant relever de l’AME qui, dans les faits, recourent le moins aux dispositifs de couverture maladie : seules 10 % des personnes concernées ont ouvert leurs droits.

Ces difficultés à bénéficier du dispositif de l’AME conduisent, selon l’association, à des retards de soins, qui sont proportionnellement plus nombreux chez les patients en situation irrégulière.

2. Les problèmes rencontrés s’agissant du bénéfice des prestations : le refus de soins

Le problème du refus de soins concerne les professionnels de santé en médecine ambulatoire (médecins et dentistes notamment) et en officines. Il n’est pas fréquent à l’hôpital. Le refus de soins, qui concerne plus particulièrement les professionnels de santé libéraux, constitue une infraction aux règles déontologiques des médecins et des dentistes. Il peut aussi caractériser une infraction pénale, ce comportement pouvant relever d’une discrimination au sens de l’article 225-1 du code pénal.

L’association « Médecins du monde » a ainsi réalisé des sondages et des « tests » en la matière. On peut également se référer aux chiffres donnés pour 2007 par une enquête de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) publiée en juillet 2008 : « Les bénéficiaires de l’Aide médicale d’État en contact avec le système de soins » :

« Plus d’un bénéficiaire de l’AME sur trois a expérimenté un refus de la part d’un professionnel de santé, le plus souvent un médecin ou un pharmacien. À titre de comparaison, les bénéficiaires de la CMU sont 15 % à déclarer être dans ce cas. Ces refus de soins déclarés apparaissent cependant de nature différente puisqu’ils émanent essentiellement de médecins et pharmaciens, alors que les refus signalés par les bénéficiaires de la CMU proviennent majoritairement de dentistes et médecins spécialistes ».

L’article 54 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires dite « HSPT » a modifié l’article L. 1110-3 du code de la santé publique en organisant la mise en place d’une procédure ad hoc et d’une commission mixte de conciliation, composée de représentants des ordres et des caisses d’assurance maladie. L’application de cette disposition est cependant suspendue à la publication d’un décret. Cette loi a également explicitement interdit la discrimination financière ou sociale à l’encontre des bénéficiaires de la CMU, de l’AME et de l’aide à l’acquisition d’une couverture maladie complémentaire (ACS).

C.– LA FIABILITÉ INSUFFISANTE DES DONNÉES EST PRÉOCCUPANTE

Définir, piloter et évaluer un dispositif administratif aussi complexe que l’attribution d’une prestation sociale à des personnes en situation irrégulière exige de disposer d’instruments de pilotage fiables et précis. Or, en matière de gestion de l’AME, il semble que les administrations publiques, au moins jusqu’à une date récente, manquent de données répondant complètement à ces exigences. Ce manque de données fiables, à la fois d’un point de vue administratif et sanitaire, a eu un impact sur la gestion de la prestation. Ses conséquences s’en ressentent sur la qualité et la finesse du contrôle parlementaire (cf. infra, D).

1. Des données statistiques à la fiabilité perfectible

Les rapporteurs ont lu avec un vif intérêt les travaux de la récente mission conjointe de l’IGAS et de l’IGF sur l’AME. Un des apports majeurs des conclusions de la mission commune des deux inspections générales réside dans un constat assez inquiétant quant à la qualité des statistiques.

Ainsi, les rapporteurs des deux inspections, dès le début du rendu de leurs travaux, évoquent à titre liminaire « la difficile quête statistique », notant que les problèmes rencontrés doivent « conduire à une réelle prudence dans les affirmations statistiques » puis utilisant l’expression significative d’ « aporie (48) statistique ». Le cas des données relatives à la Guyane semble particulièrement grave, les données n’apparaissant quasiment pas exploitables.

Les causes de ces problèmes de connaissances statistiques sont bien identifiées. Certaines d’entre elles sont résolues ou en voie de résolution. Il y a évidemment des difficultés inévitables à appréhender la diversité de la population concernée, caractérisée par une situation irrégulière et un turn-over important dans le dispositif : une proportion importante de bénéficiaires ne restent que quelques mois dans le dispositif. Ainsi, les données fournies par la CNAMTS aux rapporteurs, s’agissant de la CPAM Paris, montrent que si le nombre de bénéficiaires totaux au 31 décembre 2009 était de 64 165, 5 717 bénéficiaires étaient sortis du dispositif au cours de l’année et 6 299 (soit près de 10 %) y étaient rentrés. La CPAM Paris indique qu’environ 23 % des bénéficiaires restaient moins de neuf mois dans le dispositif.

La forte concentration des dépenses sur des effectifs réduits et le décalage entre la date de soins et la date de paiement introduisent également des facteurs de « brouillage » (ce décalage étant cependant réduit au minimum depuis 2006). L’étanchéité des circuits de données entre, d’une part, la médecine de ville et, d’autre part, l’hôpital, étanchéité que la création des agences régionales de santé pourrait réduire, joue également un rôle en la matière. Enfin, la durée-plafond des 24 mois de conservation des données du SNIRAM (Système national d’informations interrégimes de l’assurance maladie) apparaît excessivement courte et n’aidant pas à disposer d’une connaissance fine du dispositif.

2. Les pouvoirs publics manquent de données sur l’état de santé des bénéficiaires de l'AME

Les données sur l’état de santé et l’accès aux soins des bénéficiaires de l’AME sont rares et de qualité limitée. Comment s’en étonner ? Il y a des difficultés spécifiques à collecter des données à caractère sanitaire ou scientifique sur une population au statut irrégulier, très mouvante, à la fois d’un point de vue géographique (déplacements nombreux, pas de logement fixe ou logement précaire) et du point de vue du statut administratif et de la légalité de son séjour (demande d’asile, AME, régularisation…). Ces patients ne sont guère intégrés dans des réseaux de soins et échappent le plus souvent aux efforts de prévention et de dépistage. Étudier une population qui se cache n’est pas le moindre problème, et réaliser des études longitudinales (49) sur cette population s’avérerait particulièrement délicat.

Les associations travaillant « sur le terrain », en première ligne, notamment pour assurer aux personnes en situation irrégulière les premiers soins et des conseils d’orientation dans le système sanitaire français, collectent des données. Elles en font parfois de très intéressantes exploitations statistiques.

Ces travaux sont de grande qualité mais ne peuvent complètement remplacer l’expertise publique. En effet, la qualité et les caractéristiques des études statistiques doivent aussi répondre à une logique d’exploitation par les autorités publiques, nécessaire au pilotage du système et à son éventuelle adaptation.

Dans cette perspective, les rapporteurs ont interrogé l’Institut national de veille sanitaire (InVS) et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère du travail, de l’emploi et de la santé. Ces organismes ont confirmé que les données disponibles sur l’accès aux soins et sur la situation sanitaire des bénéficiaires de l’AME sont éparses, peu spécifiques et souvent de faible qualité. Les administrations ne disposent pas encore de véritable étude exhaustive épidémiologique concernant les bénéficiaires de l’AME. Seuls des indices indirects permettent de s’approcher de l’état de santé des personnes relevant du régime de l’AME.

● Une étude de la Drees intéressante mais marquée par d’importants biais de recrutement

Les difficultés d’approche de cette population ont été détaillées lors de l’audition de Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la Drees. Une enquête a été faite en 2007 par cette direction statistique sur les bénéficiaires de l’AME. Le protocole était particulier. Le choix a été fait de privilégier les points de contact avec cette population (hôpitaux, centres d’accueil associatifs) en se limitant à l’Île-de-France. L’exercice avait donc ses limites et comportait des biais : il portait en effet sur une population qui avait fait la démarche de soins. Il importe également de noter que la situation a significativement changé depuis l’année 2007 en raison de la croissance d’une immigration irrégulière en provenance d’Europe centrale et orientale (Roumanie et Bulgarie notamment).

Sur le champ de l’enquête menée par la Drees, les bénéficiaires de l’AME étaient majoritairement des femmes, notamment venues pour une consultation pour un suivi de grossesse ou un accouchement. Les patients résidaient en France depuis moins de 5 ans pour 60 % d’entre eux ; la moitié des bénéficiaires étaient originaires d’Afrique subsaharienne. Le niveau scolaire de ces personnes était relativement élevé et beaucoup travaillaient (il s’agissait d’emplois précaires, non déclarés et à temps partiel). Deux personnes sur dix ont qualifié leur état de santé de « mauvais » ou « très mauvais ». 40 % déclaraient une maladie chronique ou invalidante.

L’épidémiologie montrait une prévalence du VIH, de la tuberculose, de dépressions et des pathologies mentales, outre les maternités. Le recours au système de soins était plus tardif que pour la population générale ; 15 % de ces patients avaient un besoin de soins urgents, 15 % d’entre eux souffraient d’un retard de prise en charge sanitaire. 20 % des femmes et 40 % des hommes avaient renoncé à des soins pour des raisons financières. L’enquête soulignait aussi l’importance des réseaux sociaux ou familiaux pour entrer dans le système de soins et faire valoir ses droits. 80 % des personnes interrogées citaient des délais d’obtention inférieurs à trois mois ; pour les autres, les retards étaient liés aux difficultés de justifier d’un domicile.

● L’audition de l’InVS permet d’approcher indirectement, par des études très ciblées, quelques caractéristiques de l’état de santé des bénéficiaires de l'AME

L’InVS a indiqué aux rapporteurs ne pas disposer de données sanitaires spécifiques globales aux personnes relevant de l’AME. Lors de son audition, ses représentants ont livré des données statistiques obtenues de manière indirecte dans trois domaines précis, la nutrition, la santé mentale et les maladies rares.

Les données disponibles, assez fragiles car portant plutôt sur les migrants que sur les bénéficiaires de l'AME, soulignent la probable fragilité nutritionnelle des personnes en situation irrégulière et une légère sur-imprégnation au plomb des enfants ayant des parents bénéficiaires de l’AME. Les personnes migrantes sont également plus souvent atteintes par des pathologies infectieuses comme la tuberculose ou le VIH.

Une étude réalisée par l’InVS en 2010, en lien avec la Direction générale de la Santé (DGS), le réseau des centres de lutte antituberculeuse et les infectiologues a permis de recueillir les caractéristiques de 225 patients atteints de tuberculose ; cependant, seules 9 personnes de l’échantillon relevaient de l’AME, les données doivent donc être interprétées avec prudence. Comparées aux personnes nées en France, les personnes nées à l’étranger ont environ huit fois plus de risques de développer une tuberculose, ont plus souvent un antécédent de traitement antituberculeux et sont plus souvent porteurs de souches multi résistantes. Le délai de diagnostic de la tuberculose est allongé pour les personnes relevant de l’AME (103 jours contre 48 en moyenne pour la moyenne de l’échantillon) et les personnes nées à l’étranger rentrent plus tardivement dans le système de soins que celles nées en France (55 jours contre 39 jours).

● Les données issues du système d’information de l’assurance maladie et des hôpitaux

La consultation des données issues de l’exploitation des données des systèmes d’information de l’assurance maladie et des hôpitaux livre une vue intéressante, bien que partielle et biaisée, de l’état de santé des bénéficiaires de l’AME. Ces données détaillées ne sont disponibles que pour 2009 (50), première année où les soins donnés aux bénéficiaires de l’AME sont identifiés par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH).

Les chiffres du rapport IGAS-IGF de 2010 montrent que la structure des dépenses est marquée par le poids des dépenses d’obstétrique (22,9 % des dépenses), les affections du tube digestif, les affections respiratoires, les affections de l’appareil circulatoire et les affections et traumatismes de l’appareil musculo-squelettique et du tissu conjonctif. Les affections dues à une infection par le VIH représentent 1,6 % des dépenses. Les dépenses relatives aux transplantations d’organes ne représentent que 1,1 % des dépenses.

D.– LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT SE DÉPLOIE PRINCIPALEMENT LORS DE LA DISCUSSION ANNUELLE DES PROJETS DE LOI DE FINANCES

Le dispositif de l’AME fait souvent l’objet de questions au gouvernement ou de questions écrites (plus de 650 questions écrites de députés depuis 2007 portent, directement ou indirectement, sur l’aide médicale d’État). Également, la discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, a conduit à évoquer à de nombreuses reprises le dispositif de l’AME.

Comme l’ont montré les vifs débats intervenus au Parlement à l’automne et ayant conduit notamment à introduire un droit de timbre dans le corpus normatif, la discussion annuelle des projets de lois de finances est l’un des moments privilégiés du débat démocratique et parlementaire. Chaque année, elle permet aux parlementaires de disposer d’informations détaillées et exactes des dépenses de l’Etat relatives à l’AME.

S’agissant de crédits d’État, le contrôle parlementaire s’exerce en majeure partie dans le cadre des dispositions de la loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1er août 2001 (dite LOLF). Cette loi organique, véritable « constitution financière », vise à la fois à améliorer la performance de l’action publique et à moderniser la discussion des projets de loi de finances. À cette fin, abandonnant la division par ministères et chapitres budgétaires, elle a structuré le budget de l’État en « missions » correspondant aux grands secteurs des politiques publiques, missions elles-mêmes subdivisées en « programmes » divisés en « actions ». Des indicateurs de performance mesurent les progrès accomplis s’agissant de la réalisation des objectifs attachés à ces programmes ou actions. Conformément aux objectifs de la LOLF, la présentation budgétaire et la discussion sont supposées permettre une évaluation des performances du dispositif.

Pourtant, il semble que cet objectif n’est qu’à moitié atteint s’agissant de l’aide médicale d’État, notamment parce que les indicateurs retenus pour évaluer la performance s’inscrivent dans une logique exclusive de gestion. Ils sont certes nécessaires mais ne peuvent par construction livrer des indications pertinentes sur le niveau de réalisation des objectifs finaux du dispositif, comme l’état de santé des bénéficiaires, l’accès aux soins ou, de manière plus lointaine, la prévalence dans la population totale de certaines maladies infectieuses.

Il y a lieu enfin de noter que, conformément à la nature transversale du sujet, l’aide médicale d’État est également discutée par les parlementaires à d’autres occasions que la discussion budgétaire.

1. L’insertion de l’AME dans le dispositif de la LOLF : une action du programme « Protection maladie »

L’AME est l’une des trois actions (action n° 2) du programme n° 183 « Protection maladie » de la « Mission Santé (51) ». Les deux autres actions dudit programme sont l’accès à la protection maladie complémentaire (action n° 1) via la couverture maladie universelle (CMU) et l’aide à souscription d’une assurance complémentaire et l’indemnisation des victimes de l’amiante via le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) (action n° 3).

L’AME a représenté en 2009 près de 95 % des crédits consommés du programme 183, cette donnée ne prenant pas en compte les dépenses totales du Fonds CMU (52).

Cette intégration dans la Mission « Santé » n’allait pas de soi. En effet, pour la discussion des lois de finances de 2006 à 2008, jusqu’au projet de loi de finances pour 2009, l’AME, relevant du programme « Protection maladie », était une action placée au sein de la mission « Solidarité ». Cette structuration montre bien, d’ailleurs, la vocation ambiguë du dispositif de l’aide médicale d’Etat, à la fois instrument de politique sanitaire et moyen d’assistance aux populations défavorisées.

Il faut souligner la cohérence et l’intégration du programme 183 « Protection maladie » dans sa maquette actuelle articulant les deux dispositifs de la couverture maladie universelle et de l’aide médicale d’État. Il est en effet assez opportun que les deux actions soient rassemblées au sein d’un même programme relatif à la « Protection maladie » au vu de leur objectif final commun : assurer un accès aux soins, et finalement, à la santé, aux personnes les plus précaires et les plus fragiles. Les prestations assurées par les deux dispositifs sont d’ailleurs assez voisines et le rôle de gestionnaire de la CNAMTS y est central.

2. Le problème de la définition des indicateurs de performance

Le contrôle parlementaire s’appuie notamment, à l’Assemblée nationale, sur les travaux du rapporteur spécial de la commission des Finances (53) et du rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales sur la mission santé.

Ainsi qu’évoqué supra, un des apports des plus significatifs de la LOLF est son approche de la performance publique. La LOLF vise en effet simultanément à mieux la mesurer et en améliorer son niveau. À cette fin, la LOLF institue des « projets annuels de performance » (PAP) comportant des indicateurs de performance, dont la réalisation est mesurée au sein des « rapports annuels de performance » ou RAP. Cette description de la performance est rapportée au Parlement lors de la discussion de la loi de règlement. Les RAP y rapprochent les valeurs constatées des valeurs cibles définies dans le PAP annexé au projet de loi de finances. Le « responsable de programme », désigné par le ministre compétent, pilote le programme, concourant à l’élaboration des objectifs et assumant la responsabilité de leur mise en œuvre et de leur réalisation. Il rend compte de sa gestion et des résultats obtenus dans le rapport annuel de performances.

S’agissant de l’AME, le responsable du programme est le directeur de la sécurité sociale (DSS). La Direction de la sécurité sociale (DSS) et la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du ministère des solidarités et de la cohésion sociale en sont les gestionnaires administratifs.

Les indicateurs de performance peuvent être de trois types ; ils peuvent être élaborés « du point de vue de l’usager » (visant à évaluer la qualité du service rendu), « du point de vue du citoyen » (relatifs à l’efficacité socio-économique finale et globale du dispositif étudié) ou enfin « du point de vue du contribuable » (mesurant l’efficience de la gestion et l’utilisation de la dépense).

a) Les objectifs et les indicateurs budgétaires relatifs à l’AME

La lecture du dernier rapport annuel de performance disponible, celui de la loi de finances pour 2009, indique qu’il est assigné un objectif unique à l’AME. Cet objectif s’énonce ainsi : « Assurer la délivrance de l’aide médicale de l’État dans des conditions appropriées de délais et de contrôles ». Cet objectif fait l’objet de deux indicateurs de performance. De quelle nature sont-ils ?

Le premier indicateur de performance, l’indicateur « 3.1 », est conçu « du point de vue de l’usager (54) ». Il s’agit du délai moyen (mesuré en jours) d’instruction des dossiers, délai séparant la date de réception du dossier complet par l’organisme gestionnaire et la décision de l’organisme (délivrance de l’attestation de droits ou notification de refus).

La valeur réalisée en 2008 de cet indicateur était de 27 jours, la prévision pour 2009 était de 20 jours. La prévision a en fait été augmentée à 27 au cours de l’année 2009, la raison alléguée étant les délais d’instruction supplémentaires provoqués par les nouvelles procédures mises en place en matière de contrôle du niveau des ressources (entretien obligatoire en cas de ressources déclarées à zéro). Finalement, le délai moyen d’instruction constaté en 2009 a été de 24 jours. La cible pour 2011 est de 20 jours.

Le second indicateur « 3.2 » est un indicateur construit « du point de vue du contribuable » et vise notamment à rendre compte des efforts faits en matière de lutte contre la fraude. Il indique le « taux de contrôle par entretien des dossiers des bénéficiaires de l’aide médicale d’État par la CNAMTS ».

Cet indicateur se subdivise en deux sous-indicateurs.

Le premier est relatif au « taux de contrôle par entretien des dossiers des bénéficiaires de l’AME par la CNAMTS » : la prévision était de 15 % pour 2009, pour une valeur constatée en 2009 de 5,08 % ; la cible est de 20 % en 2011. Ces contrôles correspondent à la procédure mise en place lorsque le demandeur indique un niveau de ressources égal à « zéro ». Ce cas de figure conduit désormais la caisse à organiser un entretien individuel avec le demandeur. L’entretien permet souvent de corriger la demande en réintégrant aux ressources du demandeur des aides parfois informelles ou mal évaluées, même par le demandeur, comme l’hébergement à titre gratuit chez un tiers ou la perception d’aides de nature familiale ou informelle (cf. supra).

Le second indicateur porte sur le taux de divergences décelées à la suite des contrôles menés à l’occasion de l’entretien précité. Le taux constaté de près de 50 % sur ce dernier indicateur en 2009 a donc été calculé sur les 5,08 % du total des dossiers. Il est à noter que cette divergence, ou ce « redressement » s’agissant des ressources déclarées, ne donne pas d’indication sur ses conséquences s’agissant des conditions d’acceptation de la demande.

Ainsi, dans les deux CPAM visitées par les rapporteurs, l’entretien prévu permettait effectivement de réévaluer le montant des ressources perçues par le demandeur. Cependant, il ne semblait conduire que très rarement les services instructeurs à constater un montant de ressources supérieur au plafond.

b) Quel jugement porter sur la construction de cet objectif et de ces indicateurs ?

L’objectif budgétaire consistant à « Assurer la délivrance de l’aide médicale de l’État dans des conditions appropriées de délais et de contrôles » est un objectif de gestion.

Il apparaît ainsi assez éloigné de l’objectif final de l’AME, qui est d’assurer l’accès aux soins aux personnes en situation irrégulière.

Tout en soulignant l’utilité et la nécessité de disposer d’indicateurs de gestion, notamment destinés à mesurer – même partiellement – les efforts indispensables de lutte contre la fraude, les rapporteurs regrettent qu’il n’existe pas d’indicateurs budgétaires mesurant l’état de la santé et l’accès aux soins des bénéficiaires de l’AME, notamment en l’absence de données sanitaires spécifiques à cette population.

De ce point de vue, les indicateurs retenus par la maquette des lois de finances ne mesurent pas l’efficacité du dispositif et ne peuvent donc, par construction, évaluer son efficience (son efficacité ramenée aux coûts) et son impact global socio-économique.

Cette critique rejoint celle exprimée par le rapporteur spécial de la commission des Finances de l’Assemblée nationale M. Gérard Bapt dans sa contribution au rapport sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 (55) :

« La mesure de performance liée à l’aide médicale de l’État prête davantage le flanc à la critique. Ses indicateurs font partie de ceux qui sont orientés vers la mesure de l’activité et ne traduisent pas les résultats ou la qualité. Ainsi en va-t-il de l’indicateur n° 3, qui mesure le délai moyen d’instruction des dossiers. Ce chiffre brut, qui s’établit à 24 jours pour 2009, n’est pas rapporté aux moyens mis en œuvre. Ce défaut reflète une insuffisance de conception plus générale de la mission, où ne figure aucun crédit de personnel, ce que critique la Cour des comptes. Par suite, les bases mêmes sont absentes pour engager une mesure de la productivité. (…) Si l’état sanitaire des personnes étrangères en situation irrégulière est avant tout un problème humanitaire, il s’agit aussi d’une question de santé publique, puisqu’elles peuvent être porteuses de maladies contagieuses, comme l’a mis en évidence le Conseil supérieur d’hygiène publique de France. Il n’est donc pas normal qu’aucun indicateur ne renseigne sur l’efficacité de l’aide médicale de l’État sur ses bénéficiaires. Par définition, cette population est difficile à suivre, mais il devrait être possible d’établir des statistiques sur la base d’échantillons. »

S’agissant de l’AME, l’absence de tout indicateur relatif à la santé des bénéficiaires de l'AME ou à leur accès aux soins est certes explicable. En effet, la nature de la population étudiée, sa précarité, sa mobilité géographique et administrative, rendent extrêmement difficile l’élaboration d’un tel indicateur.

Cependant, l’argument est renversable : c’est justement en raison de la nature particulière de cette population et de sa fragilité sanitaire et sociale qu’il serait important d’élaborer des indicateurs sur l’efficacité finale du dispositif censé y remédier.

c) L’exemple de la mesure de la performance du dispositif de l’accès à une assurance complémentaire en santé

Les rapporteurs notent qu’il a été possible d’élaborer un indicateur permettant de s’approcher de l’état de santé des personnes en situation de précarité s’agissant de l’accès à la couverture maladie universelle. En effet, l’action n° 01 du Programme n° 183 « Protection maladie » relative au financement de la protection complémentaire semble s’inscrire davantage dans une logique de performance et de mesure de l’efficacité finale « socio-économique » de la dépense publique. Les indicateurs retenus couvrent en effet un champ plus large de l’action publique.

La maquette de l’objectif et des indicateurs relatifs à l’action n° 1 ont été récemment modifiés. Il est assigné un objectif unique à cette action : « Garantir l’accès aux soins des personnes disposant de faibles ressources ». La réalisation de cet objectif est mesurée par deux indicateurs.

Le premier, élaboré « du point de vue de l’usager » vise l’accès aux soins des bénéficiaires de la CMUc en mesurant « l’écart de non-recours au médecin et au dentiste avec les autres populations » et « l’écart de santé avec les autres populations (56) » (écart perçu par la population concernée), ces indicateurs étant élaborés via des données collectées annuellement par le Centre technique d’appui et de formation des centres d’examen de santé (CETAF). L’indicateur est complété par un nouvel item, l’indicateur de l’écart de la dépense en soins de ville entre assurés du régime général et bénéficiaires de la CMUc (hors affections de longue durée), la cible pour l’année 2013 se montant à 25 %. Ce premier indicateur correspond bien à une tentative de cerner la finalité de l’action, c'est-à-dire assurer un accès aux soins et à la santé d’une certaine population.

Le deuxième indicateur, élaboré « du point de vue du contribuable », mesure le taux de divergence entre les ressources déclarées et les ressources contrôlées. Il correspond à la nécessité de mesurer l’efficacité de la lutte contre la fraude.

III.– LE DISPOSITIF DE L’AME CONNAÎT UN COÛT CROISSANT ET UNE RÉCENTE ACCÉLÉRATION DES DÉPENSES

Le coût du dispositif de l’aide médicale d’État a cru depuis le 1er janvier 2000, date d’entrée en vigueur du dispositif. Cette évolution à la hausse est d’ailleurs commune à la totalité des dépenses de prestations sociales.

Cependant, cette augmentation, combinée à la régulière sous-dotation initiale des crédits budgétaires correspondants, a conduit notamment à la formation d’une dette de l’État vis-à-vis de l’assurance maladie. Elle a motivé la rédaction de trois rapports d’inspection en dix ans et l’adoption, y compris récemment, de mesures d’ajustement destinées à la maîtriser.

Cette croissance pourrait susciter des interrogations sur son caractère soutenable à moyen terme, dans un contexte budgétaire marqué par le souci de maîtriser les dépenses du budget de l’État. Il est donc essentiel de mener sur ces données une authentique démarche d’évaluation, de caractériser cette augmentation, d’en apprécier l’ampleur, d’identifier ses moteurs et de la mettre en perspective. Le but consiste à rechercher des voies de prévision, de pilotage et de maîtrise, de manière à sauvegarder la viabilité du dispositif de l’aide médicale d’État, au moins dans son principe et ses objectifs initiaux : l’accès aux soins et la protection de la santé des personnes en situation irrégulière.

La hausse de la dépense relative à l’AME est avérée, même si elle est irrégulière. Les dépenses se concentrent sur un petit nombre de bénéficiaires. Trois causes semblent ne pas avoir d’influence significative sur la croissance de la dépense : le nombre d’ayants droit, la fraude constatée ou la hausse de la consommation moyenne, même si cette dernière a récemment cru.

L’augmentation sur longue période semble plutôt imputable, mais dans des proportions qui restent encore à préciser, à la croissance du nombre de bénéficiaires et à la facturation hospitalière.

A.– SI LES DÉPENSES RELATIVES AU DISPOSITIF DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT SONT EN FORTE AUGMENTATION DEPUIS 2000, CETTE CROISSANCE EST IRRÉGULIÈRE

L’augmentation des dépenses du budget de l’État au titre du dispositif de l’aide médicale d’État depuis 2000, soit plus de onze ans, est significative. Même si son montant comme son dynamisme doivent être remis en perspective, il ne fait pas de doute que l’évolution de la dépense doit rester maîtrisée.

1. Les données budgétaires et comptables font apparaître un profil irrégulier de croissance en dix ans et une accélération depuis trois ans

Un point de méthode précèdera l’analyse de l’évolution de la dépense.

a) Point de méthode sur l’évolution des dépenses : distinction entre date de soin et date de paiement, définition des agrégats pertinents

Il convient à titre liminaire de rappeler les difficultés liées au traitement statistique des données relatives à l’AME sur longue période. Il s’agit d’isoler les dépenses, ce qui peut être fait de deux façons différentes, aboutissant à des résultats parfois dissemblables sur des durées courtes : soit en partant des dates de soins (le fait générateur, dans le cadre d’une comptabilité d’exercice), soit en se fondant sur les flux de trésorerie correspondant aux dates de paiement des soins par l’assurance maladie (comptabilité en décaissements). Le délai entre la date de soins et la date de paiement s’est cependant beaucoup réduit depuis la création du dispositif.

En parallèle, on peut aussi identifier les dotations budgétaires initiales, éventuellement abondées en cours d’année, et les comparer aux dépenses constatées. Il est de plus nécessaire d’éviter toute confusion entre, d’une part, les dépenses correspondant à l’enveloppe budgétaire de l’action 02 du programme 183 et, d’autre part, les dépenses correspondant uniquement à l’AME « de droit commun ».

Un dernier problème est relatif aux conséquences du fort turn-over que connaît le dispositif. En effet, certains bénéficiaires ne restent que quelques mois dans le dispositif ; cette courte durée a pour conséquence qu’à un moment donné, le nombre de bénéficiaires consommants peut excéder le nombre de bénéficiaires tel qu’évalué au 31 décembre de l’année considérée. Ce phénomène rend également certaines comparaisons difficiles, notamment les comparaisons de consommations moyennes entre bénéficiaires de l’AME et autres personnes consommants des soins (CMUc ou assurés sociaux), qui, eux, bénéficient de la prise en charge de leurs dépenses de soin tout au long de l’année considérée.

Sous réserve de ces considérations techniques mais non sans portée, on peut souligner que le poste des dépenses liées à l’AME connaît sur la période 2000-2010 une croissance significative. Cette croissance s’accélère depuis 2008 et la dépense reste sur une pente forte au second semestre 2010.

b) Après une évolution assez irrégulière entre 2000 et 2007, la dépense devient plus dynamique vers la fin de l’année 2008

Le tableau et le graphique (57) suivants font le point, de 2002 à 2010, sur la dépense trimestrielle en décaissement. Il fait apparaître la forte croissance que connaît le dispositif à la fin de l’année 2008 et plus encore en 2009 (les soins correspondants étant réalisés en 2008, un peu avant les décaissements intervenants en début 2009).

DÉPENSES TRIMESTRIELLES LIÉES À L’AME 2002-2010

Trimestre considéré

Dépenses en millions d’euros

1er trimestre 2002

57,711

2e trimestre

74,321

3e trimestre

151,198

4e trimestre

94,066

1er trimestre 2003

118,830

2e trimestre

122,038

3e trimestre

154,095

4e trimestre

110,504

1er trimestre 2004

129,213

2e trimestre

105,587

3e trimestre

92,598

4e trimestre

95,094

1er trimestre 2005

89,945

2e trimestre

82,676

3e trimestre

97,742

4e trimestre

106,539

1er trimestre 2006

115,191

2e trimestre

112,585

3e trimestre

118,843

4e trimestre

119,169

1er trimestre 2007

125,360

2e trimestre

112,165

3e trimestre

112,148

4e trimestre

120,016

1er trimestre 2008

110,464

2e trimestre

114,510

3e trimestre

121,499

4e trimestre

130,066

1er trimestre 2009

124,914

2e trimestre

132,848

3e trimestre

137,868

4e trimestre

144,496

1er trimestre 2010

140,398

2e trimestre

149,049

3e trimestre

141,683

4e trimestre

149,108

Source : rapport IGAS IGF 2010, rapport de M. Auguste Cazalet, sénateur, sur le projet de loi de finances pour 2006 (crédits Solidarité et intégration) et données fournies par la CNAMTS aux rapporteurs.

Si la dépense a augmenté de 2000 à 2010, il semble possible de distinguer schématiquement, en dépit des incertitudes statistiques, trois périodes.

● De 2000 à 2004, le dispositif connaît une forte croissance des dépenses, peut-être dans un contexte de montée en charge

L’audit de modernisation réalisé par les inspections générales en 2007 a permis d’avoir une première approche de la dépense sur les années 2000 à 2004. Ces données sont en « date de soins », réduisant le brouillage statistique lié au décalage temporel entre date de soin, date de facturation et date de paiement. Elles ne concernent que l’AME de droit commun. De 2000 à 2004, l’évolution de la dépense a pu être marquée par la montée en charge du dispositif et l’adaptation des acteurs aux nouvelles procédures. Il est donc difficile de savoir si la forte croissance des dépenses sur la période (166 %) revêt un caractère significatif(58). Le rapport de l’IGAS de 2003, sans se prononcer sur l’évolution du nombre de personnes en situation irrégulière sur la période et sans déterminer la date de la fin de la montée en charge du nouveau dispositif, expliquait ainsi les raisons de la hausse spectaculaire des dépenses et du nombre de bénéficiaires de l’AME sur la période 2000 – 2003 :

– le paiement de dettes de l’État antérieures à 2000 ;

– un accès à l’aide médicale d’État « facilité » par la réforme (« ouverture des droits largement simplifiée et déclarative ») ;

– la notoriété croissante du nouveau régime ;

– et, enfin, une transition lente (adaptation des systèmes d’information, des formulaires…), des textes d’applications publiés tardivement et des retards de facturation sur les années 2000 et 2001.

Le rapport de 2003, soulignant que le nombre de bénéficiaires a doublé en 21 mois, notait l’absence de point de comparaison. En effet, le nombre de bénéficiaires en situation irrégulière des anciens dispositifs de l’aide médicale départementale (AMD) n’est pas connu. Le rapport imputait déjà également la croissance des dépenses au caractère déclaratif des documents à fournir à l’appui de la demande.

DÉPENSES AU TITRE DE L’AME DE DROIT COMMUN 2000 – 2004

 

2000

2001

2002

2003

2004

2004-2000

Dépenses annuelles de l’AME de droit commun

138,8

277,9

353,9

409,2

369,2

Croissance 2004/2000

+ 165 %

Taux en % de croissance

 

100,2

27,3

15,6

- 9,8

Croissance annuelle moyenne

+ 27,5 %

En millions d’euros courants, en date de soins

Source : audit de modernisation IGAS-IGF 2007 (sauf deux dernières colonnes)

● De 2005 à 2007, la dépense suit une évolution plus erratique

La deuxième période est marquée par une croissance en tendance mais l’évolution de la dépense devient quelque peu erratique, comme le montre le tableau suivant.

AME TOUS DISPOSITIFS, DÉPENSES 2005 – 2007

Année

2005

2006

2007

2007/2005

Dépenses AME tous dispositifs

377

458,8

469,7

 

Evolution en %

- 11 %

22 %

2 %

24,5 %

En millions d’euros courants, décaissements

Source : Rapport IGAS IGF 2010 (données DSS) sauf calculs dernière colonne

On remarque la baisse des dépenses au titre de 2005 par rapport à la base 2004. L’évolution en date de soins fait d’ailleurs apparaître une diminution des dépenses entre 2004 et 2007. Cette évolution pourrait valider l’hypothèse de la montée en charge pour expliquer les fortes croissances des dépenses et du nombre de bénéficiaires dans la période du début de la décennie 2000 – 2010.

● De 2009 à 2011, le dispositif connaît un dynamisme fort des dépenses

Le rapport de la mission IGAS–IGF de 2010 livre les chiffres suivants, issus d’un retraitement des données fournies par la DSS. Ils permettent d’apprécier l’ampleur de la hausse. On note la forte augmentation des dépenses à la fin de l’année 2008 et en 2009 (plus de 13 % d’augmentation des dépenses au titre de l’AME de droit commun).

DÉPENSES ANNUELLES DE L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT (TOUS DISPOSITIFS) 2007 – 2010

 

2007

2008

2009

2010 (prév.)

2011

2010/2007

Dépenses annuelles en millions d’euros

524

527

587

623

NC

+ 18,9 %

Taux d’augmentation n/n+1

ND

+ 0,5 %

(+ 1,5 % sur le champ AME de droit commun)

+11,4 %

(+ 13,2 % sur le champ AME de droit commun)

+ 6,1 %

(+ 6,8 % sur le champ AME de droit commun)

NC

Moyenne des augmentations annuelles 2008 - 2010 : + 5 %

Dotations totales tous dispositifs en LF en millions d’euros (59)

233,5

507,2

590

535

588

+ 151,8 %

Source : rapport IGAS–IGF de 2010 (données CNAMTS retraitées) et données issues des lois de finances

La croissance des dépenses se poursuit en 2010, selon les données exploitées par le dernier rapport des inspections : les dépenses au premier semestre 2010 rapprochées de celles du premier semestre 2009 laissent apparaître une croissance de 12,3 %, essentiellement due aux prestations au titre de 2010.

La CNAMTS, à la demande des rapporteurs, a fourni les chiffres correspondants aux dépenses au titre de l’AME sur les deux derniers trimestres de 2010. Les données montrent que la forte croissance observée en 2009 et au début 2010 se poursuit, la dépense atteignant au quatrième trimestre un pic à 149,1 millions d’euros, en hausse de 3,4 % par rapport au quatrième trimestre 2009.

c) Les ouvertures de crédits initiales ont dû souvent être abondées par des lois de finances rectificatives, ce qui n’est pas le signe d’une bonne gestion publique

À titre liminaire, il convient de rappeler que les crédits de l’AME sont des crédits limitatifs. Ils ne présentent aucun caractère évaluatif. Tout dépassement des dépenses payées par la CNAMTS au nom de l’État au-delà de la dotation en loi de finances initiale doit donc impérativement être régularisé par une loi de finances rectificative.

● Une sous-estimation initiale ?

Après la réforme intervenue en 1999, de nombreuses personnes bénéficiaires de l’aide médicale ont été admises à la CMUc, ces personnes arrêtant de faire valoir leurs droits à l’aide médicale. Selon le rapport du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2000 (rapport de M. Jacques Oudin sur les crédits pour 2000 de la Santé), les premiers crédits prenant en compte la réforme intervenue en 1999 avaient été réduits de 40 % par rapport à la dotation pour 1999 et atteignaient l’équivalent de 75,5 millions d’euros (60). Sur la base de ce plancher, les crédits ouverts et les dépenses correspondantes ont régulièrement augmenté, même si les circonstances de ces hausses sont irrégulières et parfois heurtées. Des erreurs de prévision n’ont pu être évitées. Il apparaît globalement que l’impact en termes d’économies réalisées des décisions adoptées pendant la décennie 2000 pour maîtriser la dépense a été généralement surestimé : ainsi, la promotion des médicaments génériques n’a pas infléchi significativement la dépense ; quant à la création d’un ticket modérateur, le décret d’application correspondant n’a pas été publié.

● Les crédits au titre de l’AME de 2000 à 2011 : des sous-dotations persistantes

En raison de la sous-dotation initiale des crédits, une dette de l’État s’est formée, motivant la remise du premier rapport conjoint IGAS – IGF de 2007. Les crédits ouverts en loi de finances ont très souvent fait l’objet d’abondements ultérieurs en loi de finances rectificative. Les dotations effectuées en loi de finances rectificative ou loi de finances ultérieure ne visent pas nécessairement à financer la consommation de l’année mais aussi à combler les dettes de l’État relatives aux exercices précédents. Il peut donc être hasardeux de comparer deux dotations initiales sans opérer de retraitement préalable pour les rendre effectivement comparables.

Afin d’apprécier la sous-estimation initiale du format des dépenses correspondantes, sous-estimation soulignée par les travaux parlementaires relatifs aux projets de lois de finances de la première partie des années 2000, les rapporteurs ont identifié les ouvertures de crédits initiales et celles réalisées par les lois de finances rectificatives. Ces informations ont été collectées sur la base des rapports spéciaux de la commission des Finances de l’Assemblée nationale (cf. tableau ci-dessous).

AME : CRÉDITS OUVERTS EN LOI DE FINANCES INITIALES ET RECTIFICATIVES

en millions d’euros courants

Exercice

Loi de finances initiale

Loi(s) de finances rectificative(s)

Remarques

2000

75

 

Article 20 du chapitre 46-82, « Santé et solidarité »

2001

53,4

7,62

Idem

2002

61

445 (dont 180 millions d’euros pour les dépenses de 2002 et 265 millions d’euros pour les dettes constatées au 31 décembre 2001), soit 7 fois la dotation initiale

Remarque du rapporteur spécial de l’Assemblée nationale : « 145 millions d'euros de besoins de crédits (951,14 millions de francs) subsistaient au 31 décembre 2000 sur cet article »

2003

223,5

208,45

Imputation à la mission « Solidarité et intégration »

2004

223,5

 

Idem

2005

233,5

 

Idem

2006

233,5

 

Idem

2007

233,5

 

Idem

2008

413

94,2

Idem

2009

490

378,5 dont 278,5 destinés à financer la dette État/assurance maladie

Imputation à la Mission Santé

2010

535

 

Idem

2011

588

 

Idem

Source : secrétariat du CEC sur la base des rapports spéciaux.

On constate la rupture intervenue en loi de finances initiale pour 2008. La loi de finances initiale pour 2008 tire en effet les conclusions de la sous-budgétisation des dépenses de l’AME depuis 2000 et porte la dotation initiale à plus de 400 millions d’euros ; les dettes de l’État à l’égard de l’assurance maladie au titre des années antérieures au 31 décembre 2006 sont réglées. De nouvelles dettes à l’égard de l’assurance maladie se forment au titre des années 2007 et 2008, l’essentiel de ces dettes ayant été réglé par un collectif budgétaire en 2009.

La dynamique de la dépense ne permet pas d’affirmer de manière certaine que la dotation initiale pour 2011 couvrira bien les besoins ; le rapport des inspections de 2010, malgré ses réserves quant aux exercices de prévision en matière d’AME, évalue à 640 millions d’euros (61) les dépenses au titre de 2011. La dotation initiale était d’environ 590 millions d’euros. En l’absence de loi de finances rectificative pour 2011, les rapporteurs attirent donc l’attention sur le risque de voir se créer de nouveau une dette de l’État à l’égard de l’assurance maladie. À ce titre, les données fournies par la CNAMTS aux rapporteurs indiquent que le montant des dépenses nettes restant à rembourser par l’État au titre de l’AME s’élèvent à 82,9 millions d’euros (principalement au titre de l’année 2010), ce qui n’est pas négligeable.

En tout état de cause, il paraît indispensable aux rapporteurs de calibrer correctement en loi de finances initiale les dépenses d’AME. Les abondements par les lois de finances rectificatives constituent, à cet égard, un mauvais système. Elles ne permettent pas à la représentation nationale de se faire une idée précise et fidèle des dépenses du régime de l’aide médicale d’État et de leur évolution, et donc l’empêchent de se prononcer en connaissance de cause.

2. Il s’agit d’une dépense en forte croissance mais pas d’une « explosion »

Les rapporteurs ont souhaité mettre en perspective le niveau et la dynamique des dépenses relatives à l’AME.

a)  Le niveau des dépenses : tentatives de relativisation

Il faut mettre en perspective le niveau des dépenses, même s’il est difficile de trouver des éléments de comparaison s’agissant d’une prestation d’aide sociale financée par l’État et bénéficiant exclusivement aux personnes en situation irrégulière. Afin d’obtenir des ordres de grandeur, trois types de rapprochements peuvent être faits avec d’autres masses de dépenses publiques, avec toutes les réserves d’usage, tant la structure des agrégats et les missions diffèrent :

– d’abord avec le budget de l’État dans son ensemble,

– puis avec le coût de la CMUc, dont le financement repose sur une contribution des organismes de protection complémentaire,

– et enfin avec les dépenses d’assurance maladie du régime général.

Ainsi, les sommes dépensées par l’État au titre de l’AME de droit commun en 2009 (540 millions d’euros) représentent une part réduite – 0,19 % – du total des crédits de la loi de finances consommés sur l’année (290 milliards d’euros). À titre d’exemple :

– les crédits ouverts pour l’AME en 2011 représentent 8,2 % des crédits ouverts pour la mission « Justice » ;

– les crédits pour 2010 de l’action n° 3 « Ressources d’existence » du programme 157 « Handicap et dépendance » (essentiellement les crédits relatifs à l’allocation adulte handicapé - AAH) se montent à 6 524 millions d’euros, soit près de douze fois le montant de la dotation pour 2011 de l’AME.

Il peut aussi être intéressant de rapporter la part des dépenses relatives au titre de l’AME et de la CMUc aux dépenses totales du programme 183 de la mission Santé du budget de l’État, la CMUc étant financée par une contribution des organismes complémentaires. Rapporté au montant des dépenses publiques totales du programme, le poids du dispositif de la CMU complémentaire s’élève à 60 % et celui de l’AME à 28,2 %.

La comparaison avec l’ONDAM (62) est plus évocatrice, les prestations de l’AME étant des prestations de soins. L’objectif national des dépenses d’assurance maladie « réalisé » en 2009 a atteint 158,1 milliards d’euros. Les dépenses au titre de l’AME en 2009 ne représentent donc qu’un montant équivalent à 0,34 % de cet agrégat (63).

b) La croissance de la dépense relative à l’AME doit être remise en perspective et éventuellement comparée aux objectifs d’évolution imposés aux dépenses du budget général

● Un poste de dépense budgétaire très dynamique

Les dépenses suivent une forte croissance entre 2000 et 2011, même si l’évolution est erratique. Il est cependant difficile, si l’on exclut les chiffres des premières années de gestion du dispositif, caractérisées par un phénomène de montée en charge, de qualifier l’évolution de ce poste de dépense d’« explosion » ou de « dérive ». Il s’agit partiellement d’une conséquence du fait que la période est marquée par la nécessité régulière d’abonder les crédits ouverts en loi de finances en raison d’une sous-dotation initiale. Une estimation correcte du montant des dépenses et une dotation correspondante du poste auraient sans doute évité la nécessité des abondements ultérieurs et mis fin à l’impression d’une augmentation non maîtrisée des dépenses.

● La distinction euros courants/euros constants

La hausse des dépenses est donnée en valeur, c’est-à-dire qu’elle intègre une part d’inflation. Toute appréciation de l’augmentation d’une dépense sur une période dépassant quelques années doit prendre en compte l’effet valeur, c'est-à-dire l’effet de l’inflation, afin d’apprécier l’augmentation du poste de dépense en volume. Néanmoins, les taux d’inflation étant assez faible sur la décennie 2000-2010, le « déflatage » de la croissance des dépenses de l’AME ne conduit pas fondamentalement à remettre en cause l’augmentation forte constatée.

● Des bases de comparaison en dynamique : ONDAM et budget général

À titre de comparaison, et sous les réserves d’usage relatives à la composition de la population, aux facteurs de variation et au champ des prestations (la population étudiée est différente, elle varie différemment, les prestations ne sont pas identiques) la croissance moyenne annuelle des dépenses du champ de l’ONDAM (64) serait de 3,5 % entre 2006 et 2009. Une hypothèse de croissance de l’ONDAM de 3 % par an entre 2000 et 2010 aboutit à une croissance totale de l’agrégat sur la période de 34 %. Plus largement, les données issues des travaux de l’OCDE montrent que les dépenses de santé, en France, ont augmenté en moyenne en termes réels (65) d’environ 2,2 % par an sur la période 2000-2008.

Entre 2000 et 2010, la croissance des dépenses au titre de l’AME est supérieure à l’évolution de ces deux agrégats, sous réserve du réalisme et de la pertinence de la valeur de dépenses de 2000 prise comme référence initiale (cf. supra).

● Une dépense dynamique dans un budget général marqué par la volonté de maîtriser les dépenses

L’AME, classée dans la nomenclature budgétaire des « Interventions de l’État », s’apparente à une dépense de guichet. Des modifications législatives ou règlementaires, ou, plus marginalement, des améliorations de processus, peuvent infléchir le cours de la dépense. Le problème est similaire, toutes proportions gardées, pour les dépenses relatives à l’allocation pour adulte handicapé (AAH), dont la dynamique d’évolution est forte (taux de croissance pas inférieur à 5 % (66)). Les crédits initiaux ont été parfois sous-dotés, créant une dette de l’État vis-à-vis de la branche famille.

Selon les données issues des rapports du rapporteur général de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, la hausse des dépenses du budget de l’État (champ du budget général), en valeur, entre 2006 (272,8 milliards d’euros en exécution) et 2009 (290,9 milliards d’euros en exécution), se monte à 6,6 % (67). Selon les données de l’INSEE (68), les dépenses publiques ont cru de 368,8 milliards d’euros en 2002 à 473,6 milliards d’euros en 2010, soit une croissance de 28,4 %. Ces valeurs sont inférieures à la dynamique de l’AME sur la période.

Il y a un décalage certain entre, d’une part, les conditions de l’évolution des charges publiques dues au titre de la prestation sociale qu’est l’AME et, d’autre part, les normes contraignantes d’évolution de dépenses fixées par la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (69). Ainsi, l’article 4 de la loi de 2009 prévoyait une évolution annuelle des dépenses de l’État, hors plan de relance, de 0 % en volume. Plus précisément, les crédits de paiement alloués à la mission Santé devaient suivre la progression suivante en % : 1,15 (2009), 1,17 (2010) et 1,19 (2011).

La loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit une stabilisation des crédits de la mission Santé à un montant de 1,22 milliard d’euros sur les années 2011, 2012 et 2013 (70). Le rapport annexé à la loi note que « Les crédits de la mission « Santé » sont stabilisés sur la période du budget triennal à un niveau légèrement supérieur à celui de 2010. Ils intègrent l'augmentation mécanique des dépenses prises en charge par l'État dans le cadre de la formation initiale des médecins, conséquence de l'augmentation du numerus clausus, ainsi qu'une réévaluation des dépenses liées à l’Aide médicale d'État. » On ne peut donc que s’interroger sur les moyens de stabiliser en valeur cet agrégat de dépenses compte tenu des perspectives d’évolution dynamique de la dépense au titre de l’AME. L’aide médicale d’Etat représente en effet plus d’un tiers des crédits de la mission. Ce problème renvoie au constat de sous-dotation budgétaire précédemment mis en évidence.

B.– LA DÉPENSE AU TITRE DE L’AME EST MARQUÉE PAR UNE GRANDE CONCENTRATION, CE QUI REND PROBLÉMATIQUES SA PRÉVISION ET DONC SA MAÎTRISE

En raison de leur grande concentration, l’évolution des dépenses est difficilement interprétable. La prévision est difficile, ce qui rend complexe le pilotage du dispositif. Une triple concentration est en effet à l’œuvre : sur les dépenses hospitalières, sur un petit nombre de bénéficiaires et sur des zones géographiques particulières.

1. Les dépenses hospitalières représentent la majeure partie de la dépense ; elles sont concentrées sur un petit nombre de bénéficiaires

Une des principales difficultés de l’appréhension de la structure des dépenses du dispositif et de leur évolution réside dans la forte concentration du coût sur les soins hospitaliers.

a) Si les bénéficiaires de l'AME ont bien recours à la médecine de ville, la majeure partie des dépenses correspond à des prestations hospitalières

Si, en tendance, la dépense augmente, sa structure reste relativement stable. La consommation par les bénéficiaires de l'AME de médecine ambulatoire (essentiellement des consultations de médecins généralistes, les consultations de spécialistes ne représentant que 14 % des dépenses de soins ambulatoires) ou de médicaments n’est pas négligeable. Cependant, les dépenses hospitalières (les dépenses en hospitalisation privée sont très réduites) représentent près des trois quarts de la dépense totale. Cette proportion n’est que de 50 % pour l’ensemble des assurés (71). La structure de consommation est comparable à celle des bénéficiaires de la CMUc.

Cependant, les conditions de la facturation hospitalière (cf. infra) peuvent conduire à surestimer ce poste et à rendre hasardeuses les comparaisons avec les dépenses des assurés.

b) Cette dépense hospitalière est fortement concentrée sur un petit nombre de patients

Une des caractéristiques de la consommation de soins de la population relevant de l’AME est la forte concentration des dépenses, particulièrement hospitalières, sur un petit nombre de personnes. Le profil de consommation de ces personnes est atypique, ne reflète pas la consommation de soins moyenne, mais constitue un poste de dépenses important (72). À Paris, par exemple, moins de 1 % des bénéficiaires de l'AME concentrent la moitié de la dépense hospitalière.

L’existence de ces situations rend particulièrement difficile la prévision et la maîtrise de la dépense. La problématique rejoint en partie celle des effets de la tarification hospitalière, les hôpitaux gardant les patients relevant de l’AME plus longtemps que les autres, même dans le cas où des soins ambulatoires auraient pu prendre le relais des soins hospitaliers. Parfois, les problèmes sociaux des patients rendent incertaine leur prise en charge à l’extérieur ; de plus, la facturation en forfait journalier n’incite pas les hôpitaux à chercher rapidement une structure d’aval. La CPAM de Bobigny a ainsi indiqué à la mission qu’il manquait des structures d’aval, que les hôpitaux ont du mal à trouver ces structures, qui refusent d’accueillir les bénéficiaires de l’AME, craignant de ne pas être payées.

2. Il existe une forte concentration géographique des bénéficiaires et des dépenses sur Paris et les trois départements de Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Guyane

La dépense est concentrée géographiquement sur la population relevant d’un petit nombre d’organismes d’assurance maladie : Paris, Bobigny (Seine-Saint-Denis), Créteil (Val-de-Marne) et Cayenne (Guyane). Les caisses de Paris et de Bobigny concentrent à elles seules près de la moitié des bénéficiaires (au 30 juin 2010 : 65 912 pour Paris, 40 774 pour Bobigny (73)). La concentration des bénéficiaires, à Paris, s’observe d’ailleurs sur quelques arrondissements (17e, 18e, 19e et 20e).

Cette concentration géographique concerne à la fois le « stock » et la croissance annuelle : la croissance des effectifs s’observe également d’abord, sauf quelques cas particuliers, dans ces caisses. Ainsi, les travaux des inspections mettent en évidence que 6 organismes (soit 5 % du total des organismes de sécurité sociale) ont contribué à 70 % de la croissance de la dépense en 2009 : Paris, Bobigny, Créteil, Cayenne, Nanterre et Marseille.

Ce phénomène de concentration par CPAM est cependant à nuancer s’agissant de la répartition de la population entre les ressorts des caisses primaires de l’Ile-de-France, en raison de la mobilité de ces populations. Il n’est pas exclu que certaines associations ou personnes domicilient des bénéficiaires de l’AME à Paris, ces personnes n’y vivant pas comme le montre le suivi de leur consommation de soins.

3. L’hypothèse d’une concentration excessive des actes sur certains médecins libéraux et pharmaciens n’a pu être validée

Les rapporteurs ont voulu savoir si certains professionnels de santé libéraux, soit en raison de leur lieu de pratique, soit en raison de la solvabilité des patients relevant de l’AME, se « spécialisent » dans le traitement des bénéficiaires de l'AME. Des données statistiques ont donc été demandées à la CNAMTS, portant sur les médecins généralistes et les officines, afin d’estimer l’ampleur du phénomène.

Les réponses apportées par la CNAMTS comme le déplacement des rapporteurs à Bobigny permettent d’apporter un début de réponse. Il y a en effet un phénomène de concentration de la dépense sur certains professionnels de santé, comme le montrent les données relatives aux médecins généralistes et officines de certains quartiers de la Seine-Saint-Denis (Aubervilliers et La Courneuve, par exemple). Cependant, cette concentration est cohérente avec les caractéristiques géographiques de l’implantation des bénéficiaires de l’AME et il est donc difficile de l’interpréter.

C.– TROIS CAUSES DE CROISSANCE DES DÉPENSES PEUVENT ÊTRE EXCLUES : LA CROISSANCE DU NOMBRE D’AYANTS DROIT PAR OUVRANT DROIT, UNE « EXPLOSION » DE LA CONSOMMATION MOYENNE ET LA FRAUDE CARACTÉRISÉE

Avant d’explorer les explications possibles, les rapporteurs estiment possible d’écarter trois causes. Les facteurs décisifs de la hausse des dépenses ne semblent imputables ni à une hausse du nombre d’ayants droit par ouvrant droit, ni à une forte croissance de la consommation moyenne, ni à la fraude.

1. Le nombre d’ayants droit par ouvrant droit est bas et stable sur la période étudiée

Selon les données transmises par la CNAMTS aux rapporteurs, au 30 septembre 2010, le dispositif comptait 167 700 ouvrants droits pour 60 005 ayants droit. 81 % des bénéficiaires de l'AME n’ouvraient leurs droits que pour eux-mêmes, 8,92 % pour une personne de plus et moins de 5 % pour deux personnes. Les chiffres transmis aux rapporteurs sur les années 2008 et 2009 ne montrent pas de modification significative. Le ratio d’ayants droit par ouvrant droit est relativement bas et reste stable, voire diminue (1,30 en 2006 et 1,24 en 2009 selon le rapport des inspections de 2010).

Les données fournies par les associations font d’ailleurs ressortir l’isolement complet de certains bénéficiaires de l'AME, parfois en voie de totale désocialisation. Il existe certes des cas atypiques, très rares, où le nombre d’ayants droit est élevé. La modification récente du code de l’action sociale et des familles par la loi de finances pour 2011, limitant le périmètre des ayants droit, pourrait mettre à fin à certaines situations. En tout état de cause, les mineurs deviennent bénéficiaires de l’AME, conformément aux engagements internationaux de la France.

2. La consommation moyenne, si elle connaît une augmentation récente en 2009, est restée constante depuis 2001

Le calcul de la consommation moyenne comme les comparaisons avec les consommations moyennes des assurés du régime général et des ressortissants à la CMUc sont délicats à opérer. Les modes de calculs de la consommation moyenne peuvent varier, notamment en raison du fort turn-over des personnes dans le dispositif, ou de la distinction entre bénéficiaire et bénéficiaire consommant. Le phénomène de turn-over conduit à ce que le « consommant moyen » bénéficiant de l’AME ne consomme pas nécessairement de soins toute l’année.

a) Une hausse en 2009

Sur la longue période 2000-2010, les données ne montrent pas une « explosion » de la consommation moyenne pouvant expliquer la hausse des dépenses depuis la création du dispositif. Cependant, la consommation moyenne a atteint 2 040 euros en 2009 (74), en augmentation forte (+ 13 %) par rapport à 2008 (1 803 euros sur le même périmètre). L’augmentation est essentiellement due à la croissance du coût moyen de l’hospitalisation publique et dans une moindre mesure aux dispositifs médicaux et aux transports. Cette inflation de la consommation moyenne a pu contribuer à la forte croissance des dépenses observées en 2009.

La construction statistique de cet indicateur pourrait emporter des effets de brouillage dû notamment à la concentration des dépenses hospitalières sur de petits effectifs ; il faudra attendre les chiffres de 2010 et de 2011 pour vérifier cette évolution, qui, si elle se confirmait, aura un impact financier certain.

b) Des comparaisons délicates avec les consommations moyennes des assurés relevant du régime général et des ressortissants à la CMUc

Les comparaisons sont délicates. Le facteur « durée de consommation » précédemment mis en évidence doit être pris en compte, de la même manière que l’exclusion du champ de la comparaison des indemnités journalières et des dépenses médico-sociales dont ne bénéficient pas les personnes relevant de l’AME. Des effets de structure peuvent jouer : bien que la popoulation bénéficiant de l’AME soit essentiellement jeune et plus masculine que celle du régime général, une part importante des dépenses d’actes de soins relève de l’obstétrique. Les différences d’état de santé devraient aussi être prises en compte. Selon le rapport IGAS-IGF de 2010, les bénéficiaires de l’AME consomment un peu plus que la population générale et moins que les bénéficiaires de la CMUc (75).

3. La fraude constatée ne permet pas d’expliquer la croissance des dépenses

Comme c’est souvent le cas pour tout dispositif consistant à attribuer des droits, la fraude existe, comme l’ont confirmé les différents rapports d’inspection et les auditions et les déplacements des rapporteurs. Par définition, le montant de cette fraude ne peut être évalué avec précision.

L’exploitation des réponses au questionnaire envoyé aux CPAM (cf. annexe 4) est intéressante mais elle ne porte par construction que sur les cas de fraude détectés. Elle montre que les caisses situées en dehors de l’Île-de-France sont très rares à rapporter des cas de fraude. Les caisses d’Île–de–France font état de fraudes, mais qui restent ponctuelles.

La CNAMTS, dans sa réponse aux rapporteurs, relève pour sa part, en total national :

– 33 dossiers en 2008 (montant du préjudice total : 86 764 euros) ;

– 24 fraudes constatées en 2009 (sur 8 CPAM), pour un montant total de préjudice de 99 826 euros ;

– et 20 fraudes sur les trois premiers trimestres de 2010.

Selon les données de la CNAMTS, le taux de fraude (nombre de fraudes à l’AME rapporté au nombre de fraudes total, tous dispositifs confondus) varie entre 0,2 et 0,3 %.

Les fraudes sont caractérisées par un long travail des CPAM, à la suite d’enquêtes administratives devant rapporter la preuve de la fraude. Il s’agit notamment d’enquêtes de terrain menées auprès des domiciliataires et de l’examen détaillé de relevés bancaires. Le risque de préjudice est évité avant l’ouverture de droits. Il ne s’agit donc pas de fraudes mais de tentatives de fraude. Les préjudices évités font l’objet d’une évaluation réglementée et de nature forfaitaire.

Schématiquement, il peut exister deux types de fraudes à l’AME, qui peuvent d’ailleurs se combiner, la fraude à l’admission au dispositif (pour soi ou au bénéfice d’un tiers) et la fraude aux prestations.

a) La fraude à l’admission au dispositif

S’agissant de la fraude à l’admission, le premier risque consiste dans la fraude à l’identité. Elle consiste notamment à utiliser l’identité d’une autre personne pour bénéficier des prestations du dispositif. La fréquence de ce type de fraude devrait être sensiblement réduite par la création de la carte sécurisée.

Le deuxième type de fraude concerne la fraude à la condition de résidence ininterrompue pendant trois mois. Il est vrai que la vérification effective du respect de cette condition est assez difficile à déterminer (cf. supra) et que des domiciliations de complaisance sont parfois utilisées. Des cas de falsification des dates d'ouverture de droits sur les attestations AME ont également pu être rencontrés.

Enfin, compte tenu du plafond de ressources, il existe certainement une fraude à la condition de ressources. Compte tenu du caractère déclaratif de ces ressources, la proportion exacte de la fraude est cependant extrêmement difficile à déterminer. Les auditions qu’ont menées les rapporteurs (notamment celle des associations) comme les travaux des différentes missions d’inspection montrent néanmoins qu’en général, la population admise à l’AME vit dans une grande précarité financière et sociale.

Selon les données de la CNAMTS, la majorité des fraudes recensées plus haut le sont à la suite de signalements par des consulats ou lors de l’instruction des demandes, l’agent de la CPAM constatant une incohérence dans les déclarations faites, notamment entre les ressources déclarées et les charges supportées par le demandeur.

b) La fraude aux prestations

Ce type de fraude n’est pas spécifique aux bénéficiaires de l’AME puisque les fraudes aux prestations se rencontrent également chez les ressortissants à la CMU et chez les assurés sociaux. Les renseignements fournis par les CPAM comme les conclusions du rapport IGAS IGF font apparaître quelques fraudes de ce type, dont certaines impliquaient le trafic de médicaments de substitution aux opiacés, notamment le médicament Subutex. Les rapporteurs de la mission IGAS IGF de 2010, après analyse des postes de consommation exceptionnelle, n’ont pas décelé d’anomalies significatives et n’ont ainsi pas identifié de « filières ». Comme les auteurs de l’audit de modernisation de 2007, ils estiment qu’on ne peut imputer à la fraude l’augmentation des dépenses. L’exploitation des réponses des CPAM met en évidence quelques cas de fraude avérés mais peu de poursuites ont été engagées. Les montants en jeu ne sont pas élevés. Ils représentent 0,12 % du montant total des dépenses au titre de l’AME pour la CPAM de Bobigny.

Les rapporteurs en concluent que l’ampleur de la fraude ne saurait expliquer le niveau et le dynamisme de la dépense constatée au titre de l’AME.

D.– LES DEUX PRINCIPAUX FACTEURS EXPLICATIFS SONT, DANS UNE PART RESPECTIVE QUI RESTE À DÉTERMINER, L’AUGMENTATION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES ET LES CONDITIONS DE LA FACTURATION HOSPITALIÈRE

Deux facteurs peuvent conduire à accroître les dépenses au titre de l’AME, sans que la proportion de chaque facteur puisse, à ce stade, être définie avec la précision souhaitée, notamment en raison du manque de profondeur dans les séries statistiques : d’une part, l’évolution du nombre de bénéficiaires et, d’autre part, les modalités de la tarification hospitalière.

1. Le nombre de bénéficiaires est en augmentation et connaît une accélération depuis 2006 ; sa part dans la croissance des dépenses reste difficile à identifier

Même avec l’aide de l’expertise détaillée réalisée en 2010 par la mission conjointe de l’IGAS et de l’IGF, la proportion du facteur relatif à la hausse du nombre de bénéficiaires dans l’explication de la croissance des dépenses depuis 2008 reste difficile à déterminer avec précision. Une chose paraît cependant établie : la hausse des dépenses ne peut être uniquement imputée à ce facteur « volume ».

a) La hausse du nombre de bénéficiaires de l'AME croît sur moyen terme mais de manière irrégulière

En utilisant les données issues du rapport spécial de M. Gérard Bapt sur les crédits pour 2011 de la mission Santé (76) et les travaux des inspections, quatre chiffres peuvent résumer la hausse du nombre de bénéficiaires de l’AME de 2000 à 2009 : 79 361 bénéficiaire au 31 décembre 2000, 189 284 au 31 décembre 2005, 215 763 au 31 décembre 2009, et 226 611 au 31 juin 2010.

Il peut donc être constaté une augmentation des effectifs des bénéficiaires de l’AME de 185 % depuis le 31 décembre 2000. Une croissance particulièrement forte mais peut-être atypique, en raison d’un phénomène de montée en charge, est constatée de décembre 2000 à septembre 2002.

Selon les calculs de la mission d’inspection de 2010, depuis septembre 2006, le nombre de bénéficiaires de l’AME augmente de 1 à 2 % d’un trimestre à l’autre. Sur la période, le nombre de bénéficiaires croît effectivement, mais parfois de manière erratique, ce qui est notamment le reflet des difficultés statistiques vues plus haut et du fort turn-over du dispositif.

Cette progression n’est d’ailleurs pas identique sur tout le territoire. Parmi les données intéressantes fournies par les CPAM aux rapporteurs, la CPAM du Rhône a indiqué que le nombre de bénéficiaires de l’AME a augmenté de 47,3 % entre 2007 et 2008.

Le cas du département de la Guyane est particulièrement intéressant car la croissance du nombre de bénéficiaires y est forte sur la période. La CGSS de Guyane a donné les chiffres suivants : 6 617 bénéficiaires de l'AME au 31 décembre 2003 et 21 117 au 31 décembre 2009. Ce chiffre, qui a atteint 21 566 le 31 juin 2010, représente environ 9 % de la population totale du département. Le département se caractérise de plus par un ratio élevé d’ayant droit par ouvrant droit : 11 527 assurés et 10 039 ayant droit, dont 95 % de mineurs.

b) Des causes diverses : la croissance du nombre de ressortissants communautaires en situation irrégulière et les conditions d’application de la législation relative au droit d’asile et à la procédure « étranger malade »

Parmi les explications avancées pour comprendre la hausse du nombre de bénéficiaires de l'AME, trois semblent particulièrement pertinentes.

● Les ressortissants communautaires : une hausse significative à partir de 2008

Selon les données convergentes des travaux de la mission d’inspection et de l’expertise associative, la croissance du nombre des bénéficiaires de l'AME s’explique en partie, depuis 2008, par l’admission à l’AME de ressortissants de l’Union européenne inactifs dépourvus de couverture maladie et de ressources suffisantes. En effet, une modification des conditions de régularité de séjour des ressortissants communautaire décidée par une directive de 2004 (77), transposée par une loi de juillet 2006, un décret de mars 2007, une circulaire de novembre 2007 et une lettre-réseau de la CNAMTS de février 2008, a eu un impact significatif sur le nombre de personnes admises au bénéfice de l’AME. Aux termes de cette réglementation modifiée, un ressortissant communautaire inactif ne peut s’installer en France et se prévaloir d’un droit au séjour s’il ne dispose pas d’une couverture maladie.

Cette disposition a conduit à basculer sur le dispositif de l’AME un nombre croissant de ressortissants communautaires. Ainsi, selon les données du rapport d’inspection de 2010, « les ressortissants communautaires entrés dans le dispositif AME représentent 8 % des bénéficiaires de l'AME au 2ème trimestre 2010, (5 955), en augmentation de 14 % par rapport au 1er trimestre 2010. »

● Le nombre croissant de demandeurs d’asile depuis 2007

L’application de la législation relative au droit d’asile et le nombre de demandeurs d’asile peuvent avoir un impact sur les demandes de bénéfice de l’AME. En effet, si les déboutés du droit d’asile n’ont plus droit à la CMUc, ils peuvent demander le bénéfice de l’AME. À titre indicatif, 23,7 % des consultants des centres de Médecins du monde en 2009 étaient des personnes déboutées du droit d’asile.

Comme le souligne le rapport d’inspection de 2010, le nombre de demandeurs d’asile a connu une forte augmentation ces dernières années : + 20 % de 2007 à 2008, + 19 % entre 2008 et 2009. Le rythme des attributions d’asile n’a pas suivi cette pente et, compte tenu de la période s’écoulant entre la demande et le refus, la mission d’inspection conclut à une « cohérence » entre les flux observés en matière de demande d’asile et les évolutions du nombre de bénéficiaires de l'AME.

● La procédure « étranger malade » visée par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Les conditions d’application de la procédure « étranger malade » peuvent aussi avoir un impact à la fois sur le nombre de bénéficiaires de l'AME et sur les dépenses afférentes. Une instruction de juillet 2010 de la DGS (78) rapporte divers dysfonctionnements mentionnés par des travailleurs sociaux hospitaliers ou associatifs, des médecins cliniciens ou des ARS.

Selon le rapport des inspections générales de 2010, des étrangers devraient bénéficier de ce dispositif « étranger malade » mais une application jugée restrictive, s’agissant notamment de l’appréciation de la condition relative à la durée de résidence en France pour bénéficier de cette procédure, les ferait basculer vers le dispositif de l’AME. Cela conduit à augmenter le nombre de bénéficiaires de l'AME et les dépenses hospitalières afférentes ; il s’agit en effet par définition de personnes à l’état de santé très dégradé.

Outre l’impact en termes de santé individuelle et de santé publique, cette évolution aurait donc des conséquences en termes de dépenses au titre de l’AME. Le rapport des inspections relève également que la facturation sous le régime de l’AME, par rapport à l’engagement d’une procédure « étranger malade » représente pour les établissements hospitaliers une certaine sécurité : « Les hôpitaux, lorsqu’ils admettent un patient, se pénaliseraient en entreprenant une démarche complexe et aléatoire pouvant conduire à une créance irrecouvrée, alors qu’une facturation en AME ou en soins urgents leur garantit un paiement, d’ailleurs plus élevé, la facturation étant alors réalisée en TJP. »

Il est à noter que le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, tel qu’il a été adopté définitivement le 11 mai dernier, comporte un article 17 ter modifiant l’article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatif à cette procédure. Selon la rédaction du projet, le titre de séjour « étranger malades » ne pourra être accordé qu’en cas d’ « absence » du traitement approprié dans le pays d’origine. Le projet prévoit que l’autorité administrative pourra prendre en compte des « circonstances humanitaires exceptionnelles » pour l’attribution du titre de séjour, après avoir recueilli l’avis du directeur général de l’agence régionale de santé. Cette mesure pourrait conduire, si les personnes concernées basculent dans l’irrégularité, à une augmentation des demandes d’admission au bénéfice de l'AME, dans des proportions qui restent à estimer mais qui doivent être ramenées au nombre de bénéficiaires de la procédure (moins de 6 000).

c) Sur le moyen terme, l’augmentation du nombre de bénéficiaires et la croissance de la dépense semblent corrélées

● La distinction entre bénéficiaire et bénéficiaires non consommants

Le rapport de l’IGAS–IGF de 2010 établit une relation nuancée entre l’augmentation des dépenses et celle du nombre de bénéficiaires sur la période récente, estimant que l’évolution forte des dépenses de 2009 ne s’explique pas par une croissance massive du nombre de bénéficiaires de l'AME. La mission établit notamment une distinction entre bénéficiaires consommants et bénéficiaires non consommants, le nombre de bénéficiaires consommants n’ayant que peu progressé en 2008 et 2009 (79). Une des explications à la croissance de la dépense 2009 pourrait alors tenir au fait que les consommants resteraient plus longtemps dans le dispositif, ce qui serait cohérent avec l’augmentation de la consommation moyenne évoquée plus haut.

Le travail remarquable effectué sur la CPAM de Paris, détaillé dans l’annexe 11 au rapport, fait cependant ressortir une croissance régulière du nombre de bénéficiaires consommants. Plus loin, la mission note « L’augmentation quasi continue du nombre de bénéficiaires s’accompagne d’une augmentation de la dépense dans des proportions équivalentes (…) ». La mission note néanmoins qu’« en tendance, la dépense augmente légèrement moins vite que le nombre de bénéficiaires », cette observation étant « fragile ». À l’inverse, le travail effectué sur les données fournies par la CPAM de Bobigny fait ressortir la grande sensibilité de la dépense totale aux dépenses d’hospitalisation et donc à la dépense moyenne : une augmentation du nombre de bénéficiaires sur une période donnée peut s’accompagner, a contrario, d’une dépense en baisse, ou stable, en raison de l’évolution des dépenses hospitalières et de leur concentration à moyen terme.

● Une corrélation entre le nombre de bénéficiaires et le volume de la dépense

La hausse constatée du nombre de bénéficiaires – sous réserve des importantes réserves liées à la connaissance statistique imprécise de cette population très mouvante et aux phénomènes perturbateurs de concentration de la dépense sur certains bénéficiaires – est de nature à favoriser, à moyen terme, une augmentation de la dépense totale si la dépense moyenne ne baisse pas. La validation incontestable de cette hypothèse sur les dix dernières années supposerait cependant une connaissance fine des évolutions intervenues entre 2000 et 2008 (actuellement rendue difficile par la règle des 24 mois de conservation des données au sein des systèmes d’information de l’assurance maladie) afin d’établir des statistiques sur durée longue.

L’hypothèse pourrait aussi s’appuyer sur le constat que les personnes s’inscrivent généralement « à risque ouvert », comme le notent les inspections comme les associations. Ne souhaitant pas faire l’objet de procédures administratives en raison de leur statut irrégulier, les demandeurs ne déposent leur demande que le plus tard possible. Il est donc admis qu’une grande proportion de demandes concerne des personnes nécessitant, dès le dépôt de la demande, une prise en charge sanitaire, ce besoin pouvant considérablement varier en fonction de la gravité (perçue et réelle) de l’état de santé.

Certaines associations estiment également que la croissance du nombre de bénéficiaires explique en partie la hausse des dépenses ; l’audit de modernisation de 2007 expliquait aussi la croissance des dépenses par la croissance du nombre de bénéficiaires. Enfin, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre chargée de la santé, expliquait devant la commission des Finances du Sénat, le 16 juin 2010, dans le cadre du règlement des comptes et du rapport de gestion pour l'année 2009 (80), que la hausse des effectifs des bénéficiaires de l’AME expliquait environ 50 % de la croissance des dépenses : « Cette spectaculaire augmentation des dépenses est d'abord due à l'évolution du nombre des bénéficiaires, notamment à l'augmentation de 20 % des déboutés du droit d'asile qui deviennent éligibles à l'AME. Elle est également due au basculement sur cette AME des ressortissants communautaires inactifs et dépourvus de couverture maladie. Enfin, elle s'explique aussi par l'amélioration de la gestion des droits par les établissements de santé et l'assurance maladie. Au total, l'augmentation des effectifs explique la moitié de celle des dépenses en 2009. » 

2. Les conditions de la facturation hospitalière : les hôpitaux recherchent plus activement les droits à une couverture maladie des patients hospitalisés et facturent leurs soins sur la base d’un tarif spécifique et élevé

Les conditions de la tarification hospitalière influent par deux moyens sur l’évolution de la dépense au titre de l’AME, expliquant une large part de la croissance des dépenses depuis la mise en place de la tarification à l’activité comme mode de financement des hôpitaux par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Deux phénomènes se sont en effet conjugués : le changement de comportement des administrations des hôpitaux, qui ont cherché avec plus d’efficacité à connaître les droits de leurs patients à une assurance maladie, d’une part, et, d’autre part, la tarification hospitalière en tarif journalier de prestation (TJP).

a) Les hôpitaux recherchent de manière plus efficace les droits à une couverture santé des patients

Jusqu’à une date récente, les établissements hospitaliers ne recherchaient pas systématiquement et avec la rigueur nécessaire les droits à une couverture maladie de certaines personnes hospitalisées. Cela ne concernait pas la majorité des soins mais les soins dispensés aux bénéficiaires de l’AME ou à des populations en grande précarité. Les créances de l’hôpital qui n’étaient pas recouvrées étaient ensuite admises en non-valeur par le comptable dans le budget de l’établissement.

Depuis quelques années et l’introduction de la tarification à l’activité, ce comportement change. Les établissements hospitaliers recherchent systématiquement et avec efficacité les droits à une couverture maladie de ces personnes. À cette fin, ils embauchent notamment du personnel spécialisé, comme des assistants sociaux, comme ont pu le constater les rapporteurs lors de leurs deux déplacements dans des hôpitaux (La Pitié-Salpêtrière et Avicenne). Ils ont également mis en place des bases de données informatiques spécifiques.

Ces personnels sont chargés de rechercher, à l’aide de moyens informatiques, si la personne ayant bénéficié de soins dispose de droits à une couverture santé. Cela aboutit à une meilleure facturation des hôpitaux à l’État des soins dispensés à des personnes relevant du dispositif de l’AME.

b) Le mode de tarification des actes délivrés aux bénéficiaires de l’AME est inflationniste

● La tarification à l’activité ne s’applique pas aux soins délivrés par les établissements publics hospitaliers aux personnes relevant de l’aide médicale d’État

Depuis l’introduction de la tarification à l’activité en 2005, remplaçant le financement par le prix de journée, les hôpitaux facturent à l’assurance maladie les soins sur la base de tarifs forfaitaires associés à des groupes homogènes de séjour, ces tarifs étant fixés par arrêtés ministériels. Cette tarification dite « à l’activité » s’accompagne de mécanismes financiers supposés moduler l’effet de la réforme sur les budgets hospitaliers. Les tarifs sont donc complétés par, d’une part, des financements annexes (médicaments) et, d’autre part, par des sommes destinées à prendre en compte les missions d’intérêt général assumées par les hôpitaux (MIGAC).

La tarification visant à rétribuer l’activité hospitalière, ce système est supposé inciter, par une vérité des coûts et par son caractère forfaitaire, à développer des efforts de productivité.

● Tarif journalier de prestation (TJP)

Les patients bénéficiant de l’AME ne sont pas soumis au système de la tarification à l’activité. Ils sont facturés sur la base d’une formule proche du tarif de journée, le « tarif journalier de prestation » ou TJP.

Ce système tarifaire, indépendant des tarifs forfaitaires définis plus haut, couvre tous les coûts supportés par l’hôpital à l’occasion d’une hospitalisation, dont les médicaments. Ce TJP est fixé par arrêté des Agences régionales de santé (ARS) en fonction du service d’hospitalisation, du mode d’hospitalisation et de la durée.

Ce tarif était la base de la tarification de tous les soins en 1999 et aurait dû être modifié lors du passage à la tarification à l’activité, ce qui n’a pas été le cas. Ce mode de tarification dérogatoire a été finalement établi en 2009 dans la loi par une disposition issue de la loi « HPST », loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, sur le fondement d’un amendement du sénateur Alain Vasselle.

Le TJP particulier à chaque service d’hôpital (81) est supposé correspondre à son « coût de revient » : il est obtenu, conformément à l’article R. 6145-22 du code de la santé publique, en « divisant le coût de revient prévisionnel par le nombre de journées d'hospitalisation prévues, après déduction des produits ne résultant pas de la facturation des tarifs de prestations. Le coût de revient prévisionnel est égal à la totalité des dépenses d'exploitation des sections tarifaires concernées comprenant : 1° Les charges directes ; 2° Les charges des consommations d'actes, de biens et de services médicaux sur la base de leur prix d'achat ou, à défaut, de leur coût de revient ; 3° Les autres charges du compte de résultat prévisionnel principal qui ne sont pas couvertes par des ressources propres, réparties entre les catégories tarifaires proportionnellement au nombre de journées prévues dans chaque catégorie. » L’exactitude de son calcul dépend donc étroitement, en théorie, de la qualité de la comptabilité analytique de l’établissement, opération notoirement complexe en matière hospitalière.

Le fait que ce tarif journalier de prestation serve de base, en application de l’article L. 174-3 du code de la sécurité sociale (82), au calcul de la part restant à la charge du patient lors d’une hospitalisation, rend par ailleurs ses modifications délicates.

● Une base de tarification élevée et très variable entre établissements

Le sujet dépasse largement le problème de la facturation des soins apportés aux bénéficiaires de l’AME. Ces conditions de tarification des soins hospitaliers insatisfaisantes sont aussi le reflet des défauts inévitables de la tarification à l’activité, avec un financement jugé parfois insuffisant des missions d’intérêt général.

La Cour des comptes indique ainsi dans son rapport annuel sur la sécurité sociale de 2009 que les TJP sont devenus des « variables d’ajustement des recettes (…). La DHOS (83)estime (…) que, dans 50 % des établissements, les TJP sont évalués à un niveau supérieur de 10 % à 50 % par rapport à ce que produirait la seule application d’un ticket modérateur de 20 % sur les composantes de la tarification à l’activité ».

Comme le montrent les auditions auxquelles ont procédé les rapporteurs ainsi que l’annexe 10 au rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGF de 2010, ce système aboutit à fixer des tarifs très élevés par rapport aux tarifs relatifs aux groupes homogènes de séjour. De plus, il conduit, pour un acte identique, à une grande variabilité de TJP entre établissements parfois confrontés à des situations similaires. Il explique donc en partie le volume élevé des dépenses hospitalières des patients relevant de l’AME et la déformation de la consommation de soins au bénéfice de la consommation de soins hospitaliers.

Le rapport des inspections, à titre d’exemple, met en évidence les différences suivantes relatives au TJP de l’hospitalisation de jour de cinq établissements différents de l’Ile-de-France et d’un établissement hospitalier de Marseille.

EXEMPLES DE TARIFS JOURNALIERS DE PRESTATION (2008 – 2010)

(en euros)

 

AP HP

AP HM

CHIC Créteil

CHIC Montreuil

CH Saint-Denis

CH Aulnay-sous-bois

2008

1 301,44

1 040

1 169

547

534

400

2009

1 340,48

1 072

1 233

580

533,46

400

Evolution 2009/2008

3 %

3,1 %

5,5 %

6 %

- 0,1 %

2,5 %

2010

1 380,69

1 125

1 233

596

533,93

410

Evolution 2010/2009

3 %

4,9 %

0 %

2,8 %

0,0 %

0,0 %

Source : rapport IGAS–IGF de 2010

Les rapporteurs ont saisi deux Agences régionales de santé (ARS), celle de l’Île-de-France (IDF) et de Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA), pour obtenir plus de détails sur la manière dont elles fixaient les arrêtés de TJP.

La réponse très développée du directeur de l’ARS IDF, M. Claude Evin (cf. annexe 6), confirme que la procédure de fixation des tarifs journaliers de prestation (TJP) a été fortement modifiée par la mise en place de la tarification à l’activité : « Auparavant, la fixation des TJP reposait sur le calcul, effectué par l’établissement, du coût complet des prestations dans les différentes disciplines médico-tarifaires, obtenu au moyen de la comptabilité analytique conformément au mode de calcul explicité dans l’article R. 6145-22 du code de la santé publique. Ces données étaient communiquées à l’ARH, celle-ci en vérifiait l’exactitude et arrêtait sur cette base les TJP. Le calcul complet n’était pas effectué systématiquement chaque année, il pouvait être actualisé par application d’un taux général d’évolution des charges de l’établissement. »

L’application de cette disposition règlementaire ne semble plus d’actualité (« le cadre réglementaire antérieur est dorénavant dépassé »), le TJP étant devenu depuis 2005 une « variable d’ajustement ». Il semble que les ARH puis les ARS fixent maintenant les TJP sur la base des propositions faites par les établissements, en appliquant simplement à la base de l’année antérieure un coefficient d’augmentation à déterminer. L’ARS de l’Île-de-France indique ainsi valider les propositions des établissements en fonction des deux critères suivants :

– la corrélation entre la hausse proposée (généralement uniforme entre tous les tarifs) et le taux d’augmentation prévisionnel des charges ;

– la comparaison avec les tarifs pratiqués par des établissements voisins et offrant des prestations similaires, ou, plus simplement, avec la moyenne régionale.

Comme le soulignait le directeur général de la CNAMTS, M. Frédéric Van Roekeghem, entendu par la Mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (MECSS) de l’Assemblée nationale sur le sujet de la fraude sociale le 4 novembre 2010, la facturation en tarif journalier de prestation a deux conséquences :

« Premièrement, la transparence dans la connaissance des prestations est relativement faible. En effet, le tarif journalier de prestation n’est ni une nomenclature commune, ni une tarification commune à l’ensemble des établissements. Surtout, l’activité peut être très importante – certains tarifs journaliers de prestation couvrent toute la chirurgie, par exemple – et les tarifs sont très variables. En médecine, par exemple, le tarif est de 758,76 euros à l’Assistance publique – hôpitaux de Paris (AP-HP) et de 1 230 euros à l’Assistance publique – hôpitaux de Marseille (AP-HM). Deuxièmement, le tarif journalier de prestation est notablement supérieur à la facture groupe homogène de séjour. En somme, facturer en tarif journalier de prestation aboutit à moins de transparence pour les caisses, et est donc beaucoup moins performant du point de vue de l’identification que la nomenclature en groupe homogène de séjour et des médicaments facturés en sus. Cela a évidemment des conséquences financières pour l’État, d’autant plus qu’il faut y rajouter les soins urgents. […] S’il y a des conséquences financières pour l’État, cela implique des ressources pour l’établissement public concerné. […] Les dépenses d’aide médicale d’État sont extrêmement concentrées sur des dépenses hospitalières, et une partie non négligeable de cette concentration s’explique par le mode de facturation. »

● Le surcoût lié à la tarification sur la base des TJP est significatif

Le surcoût lié à cette différence de tarification est estimé entre 100 et 200 millions d’euros, soit au moins un cinquième de la dépense totale au titre de l’AME : l’évaluation par la CNAMTS atteint 130 millions d’euros, l’évaluation par la mission commune IGAS-IGF de 2010 ressort à 180 millions d’euros.

L’hôpital, aujourd’hui, selon les niveaux relatifs de GHS et de TJP, n’est parfois pas incité à une sortie rapide du patient d’un service coûteux en raison du caractère journalier de la facturation. Cela peut conduire à des durées d’hospitalisation des patients bénéficiaires de l’AME sensiblement plus longues que la moyenne, comme le note le rapport des inspections générales, s’appuyant sur une étude réalisée en 2009 par l’ATIH : « L’hôpital n’est pas financièrement intéressé à une sortie rapide du dispositif AME ».

Ce point doit être modulé par l’état de santé dégradé et la précarité de certains patients relevant de l’AME, qui peuvent effectivement amener les hôpitaux à prolonger l’hospitalisation en raison des incertitudes pesant sur le suivi effectif des traitements prescrits par des patients au mode de vie marqué par une grande précarité.

La proposition d’un passage à une tarification par GHS pour les soins urgents a fait l’objet, à l’Assemblée nationale, d’un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Cet amendement n° 168 a été présenté par M. Jean-Pierre Door, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail, MM. Yves Bur et Dominique Tian. M. Yves Bur a défendu l’amendement en notant que les soins sont facturés par les établissements hospitaliers à l’assurance maladie en tarifs journaliers de prestations, d’un montant très nettement supérieurs aux tarifs définis par les groupes homogènes de séjour et que la tarification à l’activité, avec la version V 11, a pris en compte ou renforcé le critère de précarité, les MIGAC prenant aussi en compte les difficultés d’ordre social.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre chargée de la santé, a émis un avis défavorable, indiquant que l’amendement aurait pour conséquence d’accroître le déficit des hôpitaux. Cette réaction est à rapprocher des propos que la même ministre tenait quelques mois auparavant devant la commission des affaires sociales du Sénat : « On peut se demander, en revanche, s'il ne serait pas plus pertinent et moins onéreux de calculer l'AME sur la base des groupes homogènes de séjour (GHS) plutôt que des TJP. » L’amendement au projet de loi a été rejeté.

IV.– LES RECOMMANDATIONS COMMUNES DES RAPPORTEURS, SANS REMETTRE EN CAUSE LE PRINCIPE DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT, VISENT À EN AMÉLIORER LES MODALITÉS DE GESTION

Au terme de cette démarche d’évaluation du dispositif de l’aide médicale d’État, les rapporteurs ont pu établir un constat commun et formuler ensemble quelques recommandations. Certaines recommandations spécifiques à chacun des rapporteurs font l’objet de développements particuliers dans la partie V du présent rapport (cf. infra).

A.– LA NÉCESSITÉ DU MAINTIEN DE L’AME S’ACCOMPAGNE DE CELLE DE RÉFORMES DE GESTION

1. La nécessité du maintien d’un système spécifique d’accès aux soins, sous conditions, pour les personnes en situation irrégulière

Il est remarquable de constater que deux motivations totalement opposées peuvent conduire à vouloir remettre en cause l’AME en tant que dispositif juridique particulier. Ainsi, certains, estimant son coût démesuré, jugeant le dispositif trop « généreux » ou prompt à susciter des flux d’immigration ou de « tourisme médical », préconisent sa suppression ; d’autres, se fondant sur des conceptions humanitaires et sanitaires, considèrent que la distinction entre l’AME et la CMU est dépassée et appellent à une fusion des deux dispositifs.

S’agissant d’un sujet comme celui de l’AME, parvenir à un constat commun était important. Les rapporteurs souhaitent donc souligner à ce stade que le principe même de l’AME doit être préservé.

Les rapporteurs estiment notamment que compte tenu de la population concernée, très spécifique, une fusion du dispositif dans celui de la CMU, qui aurait peut-être un sens du point de vue de la politique de santé publique, serait inopportune. Le régime de l’AME semble adapté aux caractéristiques de cette population, peut limiter certains excès grâce à ses conditions d’accès et enfin permet de maintenir une distinction administrative et symbolique entre les personnes en situation irrégulière et les étrangers disposant d’un titre de séjour.

Les rapporteurs soulignent que des considérations humanitaires comme des impératifs de politique de santé publique imposent le maintien de l’accès aux soins à ces personnes et que les coûts correspondants, bien qu’en hausse, ne suffisent pas à motiver une suppression dont les conséquences sanitaires et financières pourraient être contre-productives.

Se fondant sur ce constat commun et la conclusion du maintien du dispositif de l’AME, les rapporteurs formuleront donc des propositions, également communes, relatives à la gestion du dispositif.

2. Des recommandations de gestion

La conclusion commune de l’opportunité du maintien du dispositif de l’AME dans son principe ne doit pas empêcher – et bien au contraire – de mettre en place les moyens d’en améliorer le fonctionnement. Ces recommandations ont pour ambition de tirer les leçons de l’évaluation et de mettre en place les conditions d’une amélioration des conditions de gestion de cette prestation sociale. Les rapporteurs estiment nécessaire d’explorer toutes les pistes permettant d’imprimer plus de rigueur à l’administration du dispositif, tout en se rapprochant à moindre coût de son but ultime, l’amélioration de la santé des personnes en situation irrégulière. Il s’agit principalement de déployer l’action publique dans trois directions différentes :

– appliquer progressivement une tarification de droit commun aux soins hospitaliers délivrés aux patients bénéficiaires de l'AME ou de soins urgents ;

– améliorer la connaissance de la population des personnes en situation irrégulière concernées, à la fois d’un point de vue statistique et sanitaire, ce qui doit aller de pair avec une budgétisation correcte des besoins en loi de finances initiale et enfin

– mettre en place un suivi médical d’aval efficace des patients bénéficiaires de l’AME ainsi qu’une première visite de prévention lors de la première année du bénéfice de la prestation.

B.– ADOPTER PROGRESSIVEMENT UNE TARIFICATION DE DROIT COMMUN PAR GROUPE HOMOGÈNE DE SÉJOUR (GHS) AFIN DE SE RAPPROCHER D’UNE « VÉRITÉ DES COÛTS »

1. Abandonner le tarif journalier de prestation pour l’AME

Il semble aux rapporteurs qu’une des premières décisions à prendre consiste à changer le mode de tarification des soins hospitalier en abandonnant le tarif journalier de prestation (TJP) pour adopter la tarification de droit commun par groupe homogène de séjour (GHS) pour les patients relevant de l’AME au sens strict ou du régime des soins urgents.

Les rapporteurs, en la matière, rejoignent les conclusions de la mission conjointe IGAS IGF de 2010, qui estiment que le TJP est devenu « une variable d’ajustement des recettes de l’hôpital dans des conditions manquant de transparence ». La solution passerait donc par la modification de l’article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 afin d’aligner la facturation des soins dispensés aux patients relevant de l’AME sur celle des soins dont bénéficient les bénéficiaires de la CMUc.

Ce changement permettra de substantielles économies s’agissant des dépenses de l’État sans changement majeur de la qualité de la prise en charge sanitaire des personnes en situation irrégulière. En effet, les GHS sont forfaitaires, ne dépendent pas de la durée d’hospitalisation et sont nationaux.

Cet ajustement ne peut pas, au risque de déséquilibrer excessivement les équilibres financiers des comptes des hôpitaux, être réalisé brusquement, sur une période trop courte ou sans accompagnement financier. Il ne faut pas sous-estimer la difficulté de la réforme. Elle pourrait constituer un choc financier pour l’hospitalisation publique, particulièrement pour les grands groupes (AP-HP, AP-HM, Hospices civils de Lyon). Elle pourrait aussi conduire à des transferts de charge entre établissements d’une même zone. Il importe donc d’adopter, après les nécessaires étapes de concertation, une démarche aussi pragmatique que progressive, dans une perspective pluriannuelle.

La proposition, qui recueille un certain consensus dans son principe, serait d’aboutir à un passage à une tarification par GHS en deux ou trois ans, en accompagnant ce passage par des mesures financières visant notamment à abonder les ressources perçues par les hôpitaux au titre des missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation (MIGAC), sous la supervision des agences régionales de santé.

2. L’exigence de vérité des coûts et de transparence

Il faut à ce stade nuancer l’intérêt intrinsèque de cette proposition en termes de maîtrise des dépenses publiques considérées dans leur ensemble. L’AME est financée sur crédits d’État ; la tarification par GHS, si les efforts de productivité souhaitables ne sont pas au rendez-vous, pourrait conduire à accroître significativement le déficit des hôpitaux, ou les charges de l’assurance maladie.

Cela pourrait peser sur les comptes de l’assurance maladie et ne pas permettre une maîtrise globale de la dépense publique considérée dans son ensemble. Il serait en effet envisageable que la charge financière ne soit plus inscrite dans le périmètre du budget de l’État mais vienne, sans réduction notable, alourdir les dépenses de la branche de l’assurance maladie. Au regard des engagements de la France vis-à-vis de l’Union européenne, ce transfert serait alors neutre (84).

Cette réforme mérite cependant d’être soutenue car elle permettra de répondre à une exigence de transparence démocratique et de tendre vers une « vérité des coûts », qui pourrait être le moteur éventuel d’un accroissement de productivité supplémentaire dans les hôpitaux publics, notamment par la diminution de la durée de séjour des bénéficiaires de l'AME, lorsque celle-ci est possible, ou par le développement de soins réalisés en ambulatoire.

C.– SORTIR DU FLOU STATISTIQUE EN AMÉLIORANT LA CONNAISSANCE DE LA POPULATION EN CAUSE ET EN BUDGÉTISANT CORRECTEMENT LES BESOINS

Les rapporteurs estiment que des efforts restent à faire afin d’améliorer la connaissance statistique et sanitaire des bénéficiaires de l'AME.

De plus, la situation dans le département de la Guyane exige des mesures spécifiques.

Enfin, il est nécessaire que les dotations des lois de finances initiales prévoient correctement les besoins.
1. Suivi sanitaire : donner plus de profondeur aux données de l’assurance maladie

Il est impératif d’améliorer la connaissance statistique des conditions de gestion de cette prestation et de l’état de santé des bénéficiaires de l'AME.

Cela exige notamment de constituer des séries longues, ce qui conduit à souligner l’intérêt de la remise en cause du plafond de 24 mois (plus l’année en cours) de conservation des données de l’assurance maladie contenues dans la base de données ERASME (85) de l’assurance maladie (régime général), ces données étant ensuite anonymisées au sein du SNIIRAM (tous régimes). La base de données est assez riche puisqu’elle permet de disposer des données suivantes : âge, sexe, ALD, localisation, date de décès et des informations sur la consommation de soins en ville et dans les établissements.

Il s’agit d’un problème récurrent soulevé par d’autres acteurs de la politique de santé publique. En effet, d’autres acteurs de la politique de santé publique, notamment les épidémiologistes, pharmacologues et cancérologues recherchent plus de profondeur dans ces statistiques. Selon les informations recueillies auprès des services de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), une demande de prolongation d’un an pourrait être déposée auprès de l’autorité administrative : les données pourraient être consultées sur une période s’étendant de l’année en cours n à l’année n-3. Cependant, cette prolongation d’une année par rapport au droit en vigueur pourrait s’avérer insuffisante. Il serait sans doute préférable d’aboutir à une durée significativement plus longue.

2. Améliorer les connaissances publiques sur l’accès aux soins et l’état de santé des bénéficiaires de l'AME

La démarche d’évaluation a mis en évidence le manque de données relatives à l’accès aux soins et à l’état de santé des bénéficiaires de l'AME. Or, cet accès aux soins et l’amélioration de cet état de santé sont les deux principaux objectifs de l’AME. L’expertise associative est riche et intéressante, mais elle ne saurait se substituer à l’expertise publique. Sans méconnaître la difficulté de mener ce type d’enquêtes, les rapporteurs estiment nécessaire d’entreprendre un travail d’investigation en la matière. Cela pourrait notamment passer par une mission, ponctuelle ou permanente, confiée à l’InVS afin de développer sur ce sujet une compétence spécifique.

3. Moderniser l’instruction des demandes : mettre en place une base de données nationale des refus de demandes d’AME

Il est indispensable d’améliorer le suivi statistique des bénéficiaires de l'AME et de leur consommation, au-delà des améliorations significatives constatées depuis quelques années. Un effort substantiel de fiabilité est donc demandé aux gestionnaires du dispositif, particulièrement les CPAM et les hôpitaux.

Il conviendrait également de généraliser un dispositif actuellement applicable uniquement en Île-de-France : une base de données recensant les personnes auxquelles le bénéfice de l’AME a été refusé. Cette base de données permettrait de faciliter le travail d’instruction des CPAM. Cette bonne pratique gagnerait donc à être étendue sur tout le territoire. Il appartient à la direction de la CNAMTS d’organiser ce déploiement qui pourrait prendre comme base l’architecture déjà testée dans la région Ile-de-France.
La mise en place et l’extension de cette base de données devra respecter la législation relative aux données personnelles et les dispositions de la loi « informatique et libertés » (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée).

4. L’application du dispositif dans le département de la Guyane : à situation exceptionnelle, régulation exceptionnelle ?

La Guyane présente des difficultés particulières en matière d’AME. Département français disposant de frontières avec des pays en voie de développement, notamment avec le Surinam, pays victime d’une guerre civile, sa situation est unique. Elle concentre près d’un sixième des bénéficiaires de l'AME. Il est à noter que l’incidence de la tuberculose y est particulièrement élevée, supérieure en 2008 à celle enregistrée en Île-de-France. La définition de la « personnes en situation irrégulière » y est particulièrement problématique. Les données fournies par les associations indiquent que le nombre de personnes en situation irrégulière serait de 50 000, dont la moitié serait bénéficiaires de l'AME.

Les rapporteurs ont pris connaissance des développements intéressants du rapport de l’IGAS et de l’IGF sur la Guyane. Il est ainsi pour le moins inquiétant que les données en provenance de Guyane soient considérées comme pratiquement inexploitables.

L’urgence en la matière serait donc d’améliorer significativement et rapidement la fiabilité des statistiques afin de pouvoir porter un véritable diagnostic sur la situation en Guyane.

Les rapporteurs souhaitent également alerter le gouvernement sur les difficultés de gestion du dispositif en Guyane. Il ne fait pas de doute que les particularités de la situation exigent une régulation spécifique associant, sur le terrain, toutes les administrations responsables, les associations pouvant aussi contribuer, le cas échéant, à l’élaboration d’une action adaptée.

5. Une budgétisation exacte des besoins en loi de finances initiale

Les rapporteurs estiment regrettables les phénomènes de sous-budgétisation intervenus dans la décennie 2000 – 2010. Jusqu’en 2008, les dotations insuffisantes ont suscité la création d’une dette de l’État à l’égard de la CNAMTS.

Ces sous-dotations ont brouillé l’appréciation parlementaire de l’évolution des dépenses. Un terme a été mis à ces pratiques en 2008. Cependant, les rapporteurs souhaitent souligner la nécessité, à l’avenir, que les lois de finances initiales budgétisent précisément les besoins au titre de l’AME pour l’exercice à venir.

D.– ORGANISER UNE VISITE DE PRÉVENTION OBLIGATOIRE LORS DE LA PREMIÈRE ANNÉE DU BÉNÉFICE DE L’AME

Une proposition complémentaire à la précédente serait d’instaurer une visite de prévention obligatoire pour les personnes obtenant le bénéfice de l’AME pour la première fois.

Cette consultation, à réaliser auprès d’un médecin généraliste, ou auprès d’un dispensaire, permettrait de procéder à un premier check-up d’ensemble, afin de diagnostiquer toute pathologie grave et de mettre en place des actions simples de dépistage et de prévention.

Cette proposition aurait un intérêt sanitaire, mais aussi économique, afin d’éviter les hospitalisations coûteuses (cas du VIH, des hépatites, de la tuberculose et des pathologies cardio-vasculaires …). Enfin, en termes de santé publique, elle permettrait d’améliorer les connaissances sur l’état de santé des demandeurs de l’AME. Elle pourrait s’étendre à un examen bucco-dentaire.

Cette recommandation avait également été préconisée par la mission commune de l’IGAS et de l’IGF de 2007 dans un objectif de promotion de la santé publique. Comme cela a été expliqué aux rapporteurs dans le cadre du déplacement à la CPAM de Bobigny, elle a fait actuellement l’objet d’une expérimentation dans le département de la Seine-Saint-Denis.

E.– AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE D’AVAL DES BÉNÉFICIAIRES HOSPITALISÉS

L’évaluation a permis de souligner le coût important des séjours dans les établissements hospitaliers, coût provoqué par une tarification hospitalière inadaptée, partiellement responsable de séjours parfois particulièrement longs. Cet état de fait, bien documenté par le rapport des inspections de 2010, doit trouver une solution. Il faut en effet mettre fin à cette situation coûteuse et dont le bénéfice médical, pour les patients concernés, est peu élevé.

Il s’agit donc, compte tenu des différences de coûts relatifs à un séjour respectivement en soins aigus ou en soins de suite ou de réadaptation, de favoriser le placement dans un service ou un lit d’aval dès lors que la situation de la personne, appréciée d’un point de vue médico-social, le permet. La réforme proposée en matière de tarification hospitalière (passage à une tarification forfaitaire) permettra d’inciter les établissements à effectuer ces placements en aval, dès lors que des places sont disponibles, notamment en maisons d’accueil spécialisées (MAS).

Cette recommandation revêt en fait trois dimensions différentes : l’augmentation nécessaire du nombre de places dans les services concernés, particulièrement en maisons d’accueil spécialisé, la prise en charge financière des dépenses afférentes et les dispositions normatives à modifier.

F.– PRENDRE EN COMPTE LE CAS PARTICULIER DU DÉPARTEMENT DE MAYOTTE

Mayotte présente des caractéristiques spécifiques. En effet, cette petite île est située non loin de l’archipel des Comores. De nombreuses personnes en situation irrégulière y résident. Les structures hospitalières y sont encore peu développées et conduisent régulièrement à des évacuations sanitaires sur la Réunion.

Depuis la mise en place effective de la départementalisation le 31 mars dernier, Mayotte est régie par l’article 73 de la Constitution de 1958, dont l’alinéa 1er dispose : « Dans les départements et régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Les lois et règlements adoptés depuis le 1er mars dernier sont donc applicables à Mayotte, sans qu’il soit besoin de le préciser. Le principe est donc celui de l’identité législative (application sauf dérogation expresse). Les textes qui s’appliquent spécifiquement aujourd’hui à Mayotte demeurent en vigueur après l’instauration, dans cette collectivité, du régime d’identité législative, tant qu’ils ne sont pas modifiés ou abrogés.

En ce qui concerne l’AME, aucune évolution n’est prévue à court terme. En matière de prestations sociales et de cotisations de sécurité sociale, l’étude d'impact jointe au projet de loi relatif à Mayotte indique que le rapprochement avec le droit commun se fera sur une période de vingt à vingt-cinq ans, délai qui tient compte des écarts actuels de niveau de vie entre Mayotte et la métropole, mais aussi entre Mayotte et les autres départements d’outre-mer. Toutefois, la mise en place du revenu de solidarité active est envisagée dès 2013, avec un montant inférieur au montant métropolitain.

En matière d’aide médicale aux personnes en situation irrégulière, la récente décision d’un tribunal aux affaires sociales ayant condamné la France pour non-respect de la Convention internationale des droits de l’Enfant et demandé à la Caisse de Sécurité sociale de Mayotte de procéder à l’affiliation directe de l’enfant, afin que son droit à la santé soit garanti, montre que la situation exige des solutions particulières.

Les rapporteurs souhaitent donc attirer l’attention du gouvernement sur la situation de Mayotte, qui appelle des décisions rapides et adaptées.

V.– RECOMMANDATIONS SPÉCIFIQUES À CHAQUE RAPPORTEUR

RECOMMANDATIONS SPÉCIFIQUES
DU CO-RAPPORTEUR M. Claude GOASGUEN

Le pilotage du dispositif de l’AME, en plus des recommandations communes, nécessite une réforme structurelle plus vaste, par la mise en place de lignes budgétaires stabilisées et par une approche plus conforme avec les politiques pratiquées par les autres pays de l’UE.

1. Il convient de faire gérer le dispositif de l’AME par une caisse d’assurance maladie dédiée. Cette gestion concentrée, qui est courante dans le domaine de l’assurance maladie, permettra de limiter les gaspillages budgétaires, unanimement établis, et les distorsions entre les différentes caisses, justement critiquées. Cette caisse dédiée permettra de contrôler les besoins et d’ajuster les procédures de contrôle, notamment informatisées, qui pourraient être plus efficaces que les contrôles aléatoires et répartis sans véritable efficacité sur le territoire.

2. Il convient d’éviter les procédures fragilisées sur le plan budgétaire, dans le cadre du projet de loi de finances. Les crédits alloués sont en effet constamment dépassés et ces dépassements « épongés » par les projets de loi de finances rectificative. Ce dispositif sans limite budgétaire opérante constitue un appel d’air, contraire à une authentique rigueur budgétaire globale fondée sur des enveloppes fixes.

Il convient donc de promouvoir l’existence d'une enveloppe fixe, sauf dérogation justifiée par un rapport préalable, présenté et explicité devant le Parlement pour des situations exceptionnelles. Le montant de l’enveloppe sera strictement arrêté et les documents budgétaires relatifs au programme concerné détailleront la ventilation des crédits en fonction d’une grille de soins. Cette procédure plus rigoureuse devra être précédée d’un avis de la Haute autorité de santé qui veillera à la justification technique des crédits ainsi ventilés en fonction de l'état sanitaire des populations accueillies. Cet avis précédera la délibération du Parlement pour le vote du budget ainsi dédié à l’AME.

3. Après avoir examiné les procédures du dispositif sanitaire en faveur des immigrés illégaux dans les autres pays européens, il convient de souligner que la nature du panier de soins universel fait de la France une exception. Cette exception se justifie uniquement par des motifs « vertueusement » idéologiques mais qui sont difficilement explicables et acceptables pour les immigrés légaux et les populations socialement fragiles, qui ne disposent pas de droits aussi étendus et vivent l’AME comme un avantage injustifié par rapport à leur situation. Il n’est pas facile d’expliquer qu’une population en situation quasi délictuelle puisse bénéficier, même au nom d'une politique humanitaire, d’une situation plus favorable que ceux qui sont dans une situation légale, et tout aussi difficile. Pour ces raisons, la mise en place de niveaux de protection gradués s'impose.

Le premier niveau de protection concernera les soins indispensables au maintien de la santé de la population concernée, et notamment ce qui relève :

– des soins urgents,

– des efforts de prévention et de prophylaxie (86),

– des soins relatifs aux femmes enceintes, et
– tous les soins aux mineurs.

Pour ce premier niveau de soins, seuls les hôpitaux publics et les dispensaires seront compétents pour recevoir les bénéficiaires. En l’absence d'hôpitaux publics ou de dispensaires dans la zone géographique immédiate, des centres médicaux, des cliniques privées ou des médecins libéraux accueilleront les personnes concernées sous réserve qu’elles disposent d’un agrément spécifique. Il faut souligner à cet égard l’urgence de relancer la création de dispensaires publics dans le maillage territorial, bien trop insuffisants actuellement.

Le deuxième niveau de soins concernera un panier de soins supplémentaires, composé des soins dentaires, des dispositifs médicaux, de masso-kinésithérapie et d’optique. Le troisième niveau de soins s’étendra aux soins dits de confort, dont la prise en charge doit rester exceptionnelle. Pour ces deux derniers niveaux de soins, la médecine libérale et les cliniques privées pourront intervenir. Ces soins seront soumis à entente préalable et à l’autorisation expresse de la caisse dédiée.

4. La disposition relative au paiement préalable du droit de timbre doit être maintenue. En effet, l’effort financier que ce paiement nécessite de la part des bénéficiaires de l’AME reste faible par rapport à l’importance des crédits finançant l’AME. Les premières applications de ce dispositif montrent en effet qu’il n’a pas soulevé dans les populations concernées beaucoup de résistance ou de refus.

La faiblesse du montant du droit de timbre rend le système parfaitement opérant. Il est accompagné d’une connotation symbolique qui permet d’éviter que des individus en situation irrégulière soient dispensées de tout effort à la participation de leur couverture sociale, qui nécessite également un effort national de solidarité.

RECOMMANDATIONS SPÉCIFIQUES
DU CO-RAPPORTEUR M. Christophe SIRUGUE

À l’issue de cette démarche d’évaluation, plusieurs recommandations particulières peuvent être formulées.

Il paraît essentiel de réaffirmer la nécessité du maintien d’une même caisse pour les assurés du régime social et les bénéficiaires de l'AME et de dissuader tout projet de mise en place d'une caisse à part.

La suppression du timbre de 30 euros mis en place le 1er mars 2011 et conditionnant l’accès au dispositif est une priorité.

Il est indispensable de rappeler aux CPAM leur obligation d'accepter les domiciliations chez autrui, conformément à la circulaire de la DGAS. De même, il est nécessaire de souligner auprès du réseau de l’assurance maladie qu’il est tenu d’appliquer de manière uniforme le dispositif sur le territoire, notamment en ce qui concerne les demandes de pièces justificatives. Les justificatifs ne figurant pas sur les textes applicables n’ont pas à être exigés.

Pour des raisons sanitaires, économiques et éthiques, il paraît essentiel de signifier par voie de communication à l’ensemble des acteurs de la mise en œuvre du dispositif de l’AME que le danger n'est pas la fraude mais bien l’absence de recours à ce régime.

Il faut absolument parvenir à une dotation budgétaire plus sincère en loi de finances initiale qui prenne en compte toutes les lois de finances rectificatives nécessaires depuis quelques années et les dettes contractées auprès de l’assurance maladie.

Maintenir une couverture territoriale correcte des structures de dépôt et d'instruction des dossiers permettra de ne pas dissuader les bénéficiaires potentiels de l'AME pour qui des déplacements trop importants représentent déjà un obstacle. Il est donc inopportun de chercher à les regrouper.

Il faut que le gouvernement publie rapidement le décret permettant l'application de l'article 54 de la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, qui organisera la mise en place d'une procédure ad hoc et d’une commission mixte de conciliation.

Enfin, il est nécessaire d’accélérer l'application du dispositif de l’AME à Mayotte devenu département français le 31 mars dernier.

RÉUNION DU COMITÉ DU 9 JUIN 2011 :
EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION

M. le Président Bernard Accoyer. Le premier point de notre ordre du jour est la présentation du rapport sur l’aide médicale de l’État (AME) par les deux rapporteurs, Claude Goasguen et Christophe Sirugue. Je rappelle que ce sujet avait été proposé par le groupe UMP, et que le projet de rapport vous a été distribué et envoyé la semaine dernière.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. En accord avec Claude Goasguen, je commencerai par resituer le sujet avant de vous faire part de nos préconisations communes, sachant que le rapport présente également des préconisations spécifiques à chaque rapporteur.

Qui sont les bénéficiaires de l’AME ? Il s’agit, pour 90 % de la dépense, de tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, pour 9 % de la dépense de personnes ayant besoin de soins d’urgence et, enfin, à la marge, puisque le budget se limite à un million d’euros, de l’aide médicale d’État humanitaire.

Les conditions d’obtention de l’AME sont les suivantes : justifier de son identité et d’une durée de résidence ininterrompue de trois mois sur le territoire ; disposer de ressources n’excédant pas un plafond de 634 euros ; et depuis le 1er mars 2011, acquitter un droit de timbre de 30 euros.

Au 30 septembre 2010, 227 705 personnes bénéficiaient du dispositif : 81 % d’entre elles ouvrent des droits pour elles seules ; 9 % pour elles et une personne ; et moins de 5 % pour elles et deux personnes.

Le budget de l’AME, délégué à la CNAMTS par l’État, s’élevait à 623 millions d’euros en 2010. Il est estimé à 640 millions pour 2011, sachant que seulement 590 millions ont été inscrits au budget et que l’État doit encore rembourser à la CNAMTS près de 83 millions de dépenses nettes, principalement au titre de 2010.

Les dépenses hospitalières représentent les trois quarts de la dépense totale, et les consultations de spécialistes 14 %.

Il faut également préciser que les dépenses de l’AME sont très concentrées. À Paris, par exemple, moins de 1 % des bénéficiaires concentrent la moitié de la dépense hospitalière.

Ces dépenses sont en très forte hausse. Après une montée en puissance du dispositif entre 2000 et 2005, elles sont passées de 377 millions d’euros à cette date à 623 millions en 2010. Elles ne représentent cependant que 0,19 % du budget de l’État et 0,34 % du montant de l’ONDAM.

Quelles sont les causes qui peuvent expliquer un tel accroissement ? Nous en avons d’emblée exclu trois. En premier lieu, nous n’avons pas noté d’explosion du nombre des ayants droit à l’AME, qui reste stable. Nous n’avons pas davantage constaté d’explosion de la consommation médicale ; hormis une petite hausse en 2009, celle-ci est restée constante depuis 2001. Quant à la fraude, elle existe mais ne représente, aux dires de la CNAMTS, que 0,3 % du total des fraudes, tous dispositifs confondus.

Les facteurs de l’augmentation des dépenses que nous avons identifiés sont au nombre de deux. Il s’agit tout d’abord de l’augmentation du nombre des bénéficiaires, passé de 79 000 en 2000 à 189 000 en 2005 et à 227 000 en 2010. Le nombre des ressortissants communautaires admis à l’AME a notamment augmenté à la suite d’une directive de 2004 – transposée en 2006 par une loi dont le décret d’application a été publié en 2007 – aux termes de laquelle un ressortissant communautaire inactif ne peut s’installer en France et se prévaloir d’un droit au séjour s’il ne dispose pas d’une couverture maladie. Le nombre de demandeurs d’asile a par ailleurs augmenté, avec une hausse de 20 % entre 2007 et 2008. Des dysfonctionnements concernant les conditions d’application de la procédure « étranger malade » semblent enfin en cause, l’appréciation restrictive de la condition relative à la durée de résidence en France conduisant à un basculement vers l’AME de personnes qui devraient bénéficier de ce dispositif « étranger malade ».

La deuxième cause d’accroissement des dépenses de l’AME tient à l’augmentation considérable de la facturation hospitalière. Non seulement les hôpitaux, confrontés à des difficultés budgétaires, cherchent désormais systématiquement à connaître les droits de leurs patients à une couverture maladie au lieu d’admettre les créances non recouvrées en non-valeur dans leur budget, mais, de plus, le mode de tarification des actes délivrés aux bénéficiaires de l’AME est le tarif journalier de prestation (TJP), et non la tarification à l’activité. Or les tarifs journaliers de prestation sont très élevés et inégaux : en 2010, le TJP s’établissait ainsi à 1380,69 euros pour l’AP-HP, contre 410 euros pour le centre hospitalier d’Aulnay-sous-Bois ! Autrement dit, il est utilisé comme variable d’ajustement budgétaire par les hôpitaux. Le surcoût lié à cette différence de tarification est estimé entre 100 et 200 millions d’euros, soit au moins un cinquième de la dépense totale de l’AME.

Forts de ces constats, Claude Goasguen et moi-même avons défini des préconisations communes pour améliorer les modalités de gestion de l’AME. Il nous paraît important de maintenir ce dispositif, qui est adapté à la population concernée et répond à des considérations humanitaires, mais aussi à de vrais enjeux de santé publique : sans accompagnement de ces personnes, le risque de voir se propager des maladies contagieuses comme la tuberculose ou le sida est très réel.

Nous souhaitons ensuite voir adopter progressivement une tarification de droit commun. Il faut sortir de la tarification « souple » que constitue le TJP pour les administrations hospitalières, car elle représente des sommes considérables. Cette sortie ne pourra cependant être que progressive, les incidences du passage à la tarification à l’activité étant loin d’être négligeables, tant pour les hôpitaux que pour les bénéficiaires.

Il est d’autre part nécessaire d’avoir des statistiques fiables. Nous devons sortir du flou statistique pour améliorer la connaissance de la population en cause. Nous sommes ici confrontés à une difficulté, puisque la loi ne permet pas de préserver les données au-delà de deux ans. Or nous avons besoin de le faire pour disposer de statistiques fiables sur les bénéficiaires du dispositif. Il faut donc envisager de remettre cette limite en cause.

Nous souhaitons également que les besoins soient budgétisés correctement en loi de finances initiale. J’ai rappelé tout à l’heure que la dette de l’État envers la CNAMTS s’élevait déjà à 83 millions d’euros, ce chiffre étant appelé à augmenter puisque l’inscription budgétaire pour 2011 n’est pas à la hauteur de l’estimation des dépenses.

Par ailleurs, nous préconisons la mise en place d’une visite de prévention à l’entrée dans le dispositif. Ce « filtre » permettrait de s’assurer de la réalité de la situation des personnes, à la fois dans un souci de maîtrise du dispositif et dans un souci de santé publique.

De même, il convient d’améliorer la prise en charge d’aval des bénéficiaires hospitalisés, car les dispositifs permettant de sortir de l’hôpital font défaut pour les personnes relevant de l’AME.

Enfin, nous appelons à prendre en compte le cas particulier de Mayotte, nouveau département français. Il est prévu que l’harmonisation avec le droit commun se fasse sur une période de vingt à vingt-cinq ans. Mais l’État a déjà été condamné pour le non respect de droits à Mayotte. Il nous semble donc que s’agissant du RSA ou de l’AME, nous ne pouvons nous permettre d’attendre aussi longtemps, d’autant que le nombre de personnes susceptibles d’être concernées n’est pas négligeable.

Voici donc les principaux éléments de notre rapport, sachant que nous présenterons ensuite chacun des préconisations spécifiques.

M. le Président Bernard Accoyer. Je remercie nos deux rapporteurs d’avoir conduit ce lourd travail sur un sujet qui est à la fois grave sur le plan humain et politiquement sensible, à telle enseigne qu’ils ont eu quelque difficulté à se retrouver sur des préconisations communes. Beaucoup le sont, mais, sur quelques points, ils ont conservé des positions différentes. Il n’est certes pas aisé, pour deux rapporteurs de sensibilités différentes, de proposer des solutions convergentes – nous avons nos opinions, et elles ne sont pas toujours solubles dans des positions communes. Sans dramatiser à l’excès, je ne souhaite cependant pas que cette situation – lorsqu’elle se traduit dans le rapport – se renouvelle trop souvent. C’est lorsqu’elle sait trouver des solutions partagées que notre assemblée a la plus grande force.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Je remercie chaleureusement l’équipe qui nous a assistés dans notre travail sur ce sujet très difficile. Celui-ci a en effet été dramatisé sur le plan politique, avec des positions extrêmes qui remettent en cause jusqu’à l’existence du dispositif, tant à droite qu’à gauche. Ainsi, pour Médecins du Monde, l’AME ne devrait pas exister : la politique de santé publique devant être la même pour tous, le dispositif devrait être intégré à la CMU, voire au système social de droit commun. À l’inverse, les apôtres du Front national prônent la suppression de l’AME au nom de la justice sociale. Parvenir à un accord sur la nécessité de l’existence de l’AME n’était donc pas une mince affaire. Cela nous permettra cependant de répondre à nombre d’arguties qui ne manqueront pas d’être développées dans l’année qui vient. Avec les réponses au questionnaire que nous avons adressé à l’ensemble des caisses de sécurité sociale et le rapport de l’IGAS et de l’IGF, nous disposons d’un fonds documentaire qui permettra d’éviter les dérapages dramatisants et populaciers si désagréables dans les campagnes électorales. La seule manière de traiter ce genre de problèmes est d’avoir des documents sérieux et incontestables. Je regrette donc que cette démarche n’ait pas été conduite plus tôt : cela nous aurait évité des débats inutiles.

Mes préconisations touchent d’abord au domaine budgétaire. Comme un certain nombre de nos collègues, j’ai longtemps pensé que la fraude n’était pas négligeable. En réalité, le système de l’AME n’est pas plus touché par la fraude que les autres, mais sa gestion a besoin d’être profondément réformée, et il ne faut pas se dissimuler que ce sera difficile.

Un élément nous a frappés tous deux : l’absence de coordination entre les hôpitaux publics et la sécurité sociale, que l’IGF et l’IGAS ont identifiée comme l’élément essentiel du dérapage des dépenses de l’AME. Il faut bien voir que le surcoût lié à la tarification sur la base des TJP représente presque le quart du budget de l’AME. C’est un problème d’écritures : cette charge devrait être assumée par le budget de la sécurité sociale, non par celui de l’État. Nous ne ferons certes pas beaucoup d’économies, mais je suis attaché à la règle de bonne gestion. Il ne s’agit pas de sanctionner les hôpitaux, mais d’imputer au budget de la sécurité sociale ce qui relève de la sécurité sociale, et à celui de l’AME ce qui relève de l’AME.

D’autre part, nous ne sommes pas assez rigoureux en ce qui concerne l’AME lors de l’élaboration de la loi de finances initiale, dans la mesure où nous avons choisi d’en appeler systématiquement aux lois de finances rectificatives. Or, dans ce domaine, cela constitue un appel d’air : savoir que la somme est sous-évaluée et qu’elle sera augmentée pousse à la consommation. J’appelle donc à une vraie rigueur dans l’établissement du budget de l’AME : les parlementaires doivent avoir connaissance de tous les éléments statistiques, et l’affectation de la somme doit être connue. Enfin, l’enveloppe arrêtée ne doit pas, sauf exception, être modifiée en loi de finances rectificative.

Je suis par ailleurs plus restrictif que mon collègue quant à la méthode de soins et au caractère universel du panier de soins, qui, soit dit en passant, reste une exception en Europe. Je ne propose pas de le supprimer, mais d’adopter un système un peu plus rigoureux en le divisant en deux parties. La première serait constituée des soins indispensables au maintien de la santé, à savoir les urgences, l’hospitalisation, la prophylaxie et la prévention, les soins aux femmes enceintes et tous les soins aux mineurs. Ces soins ne seraient dispensés que par les hôpitaux publics et les dispensaires – dont le nombre est dramatiquement insuffisant. Un deuxième niveau de soins – qui comprendrait les soins plus généraux ou les dispositifs médicaux – serait soumis à entente préalable de la sécurité sociale.

Je suggère également qu’une seule caisse primaire de sécurité sociale gère l’AME. Cela permettrait d’assurer une meilleure harmonisation, de développer un système de contrôle informatique plus efficace et d’avoir des statistiques beaucoup plus fiables. Les différences entre les caisses sont en effet considérables, celles de Paris et de Seine Saint-Denis gérant la quasi-totalité du budget de l’AME.

J’en viens au droit de timbre de 30 euros, qui a suscité tant de polémiques et sur lequel nous ne sommes pas d’accord. À l’origine, je n’étais pas favorable à cette mesure, que je considérais comme une « mesurette ». Je l’ai finalement votée, la ministre compétente, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, estimant qu’il était utile de faire un geste symbolique. L’IGF et l’IGAS ont considéré que, sur le plan financier, elle n’était pas intéressante. Néanmoins, elle a quelques vertus : non seulement elle n’est pas excessive quant à son montant et peut le cas échéant être financée par des subventions, mais, de plus, elle a un aspect symbolique fort. Elle n’est d’ailleurs guère contestée en-dehors des milieux médicaux.

Cette mesure n’empêche pas la France de rester – contrairement à ce que j’entends souvent dire – un pays exceptionnel du point de vue des droits sociaux. Aucun de nos voisins – hormis l’Espagne, mais avec moins de succès que nous – ne mène une politique aussi généreuse. N’oublions pas que les populations dont il s’agit sont dans une situation particulière sur le plan juridique. Une somme de 30 euros, c’est tout de même peu si l’on songe aux Français qui sont eux-mêmes en difficulté ou aux immigrés qui sont en situation régulière, voire qui prennent le risque de demander leur régularisation.

Cela devrait en outre permettre – c’est en tout cas la proposition que nous faisons – de financer la carte de bénéficiaire avec photo ainsi que la visite de prévention dont a parlé Christophe Sirugue.

Je l’ai dit, le premier niveau de soins que je propose devrait relever des seuls hôpitaux publics et dispensaires. Je suis en effet très réservé – sauf insuffisance des équipements sanitaires dans un département – sur l’intervention des médecins libéraux en matière d’AME. Le Conseil de l’Ordre m’opposera sans doute le sacro-saint serment d’Hippocrate, mais je pense que les médecins libéraux participant à l’AME devraient être agréés par la sécurité sociale et ne dispenser que les soins relevant du deuxième niveau.

Pour conclure, je voudrais dire que nos préconisations communes restent plus importantes que nos divergences. Simplement, l’un a vu le verre à moitié plein et l’autre le verre à moitié vide … Je me félicite en tout cas du travail que nous avons conduit ensemble.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je m’associe à Claude Goasguen pour remercier l’équipe du secrétariat du Comité qui a travaillé à nos côtés.

Le dispositif de l’AME connaît-il des difficultés de fonctionnement ? Non. Il faut certes lui apporter quelques modifications ou clarifications, notamment pour nous permettre de disposer d’informations plus fiables, mais son mode de fonctionnement n’est pas remis en cause. Aucune des auditions auxquelles nous avons procédé ne nous a en tout cas menés à cette conclusion.

Les caisses s’efforcent-elles d’améliorer le dispositif ? Oui. Il existe désormais une carte avec photographie, qui permet d’identifier plus sûrement la personne. Les caisses ont toutes développé des dispositifs d’accompagnement et de contrôle des bénéficiaires de l’AME, même si vérifier la situation de personnes en situation irrégulière reste un exercice passablement délicat… Je ne suis donc pas du tout favorable à ce qu’il y ait une caisse spécifique pour l’AME : la proximité et le lien direct avec les praticiens justifient à mon sens le maintien du système existant.

Nous n’avons sans doute pas assez insisté sur le fait que beaucoup de personnes qui pourraient avoir accès à l’AME ne font pas la démarche de la demander. Réduire le nombre des portes d’entrée ne ferait qu’accentuer cette tendance.

En ce qui concerne le droit de timbre de 30 euros, je préconise sa disparition. Le rapport de l’IGAS et de l’IGF montre d’ailleurs qu’il coûte plus cher qu’il ne rapporte. À cet égard, nous déplorons que ce rapport, qui était connu avant le débat parlementaire, ne nous ait pas été transmis : s’il l’avait été, je ne suis pas sûr que le droit de timbre aurait été adopté. Certes, ce dernier peut paraître symbolique, mais, pour ma part, j’y vois un obstacle de plus à l’entrée dans le dispositif. Or les associations nous ont clairement alertés sur le risque que cela présente en termes de politique sanitaire : plus ces personnes tarderont à entrer dans le dispositif d’accompagnement médical, plus des pathologies que l’on avait pourtant éradiquées risquent de s’étendre.

S’agissant des niveaux de soins proposés par Claude Goasguen, j’observe d’abord que les dispensaires ne sont pas légion. Mais surtout, il y a un risque à créer une spécificité pour les bénéficiaires de l’AME. N’aura-t-on pas la tentation d’y « basculer » un jour les bénéficiaires de la CMU ? Au final, on se retrouverait avec deux systèmes : un système de droit commun et un autre pour les « assistés ». Dans le contexte politique que Claude Goasguen a rappelé, ce risque est réel.

Je rappelle enfin que plusieurs décrets ne sont pas sortis. Ce rapport pourrait être l’occasion d’insister auprès du Gouvernement pour remédier à cette situation.

M. René Dosière. Le travail de nos collègues démontre l’utilité du CEC. Sur un sujet qui donne lieu à des polémiques, à des rumeurs et à des fantasmes, ils sont parvenus à établir des faits. Que leurs préconisations puissent ensuite diverger ne m’étonne nullement : le débat politique est ainsi fait. L’important est que ces divergences reposent, non sur des fantasmes ou des rumeurs, mais sur des faits. On le voit, ce travail commun de la majorité et de l’opposition permet d’aboutir à un débat politique plus serein.

Cela dit, les statistiques relatives à l’AME paraissent particulièrement sujettes à caution et mériteraient un approfondissement. De plus, comme dans d’autres domaines, les indicateurs de performance ne sont pas satisfaisants. Si l’Assemblée consacrait plus de temps à l’examen des lois de règlement, donc aux résultats, elle serait mieux à même de remettre en cause ces indicateurs.

Les rapporteurs soulignent également la situation particulière de la Guyane et les risques qui existent à Mayotte. Le rapport entre les étrangers et les populations françaises est si tributaire de la situation géographique et de l’histoire de ces deux départements qu’il serait illusoire de vouloir résoudre les problèmes comme si l’on était en métropole. Les réponses doivent être tout particulièrement adaptées. À Mayotte, la moitié de la population est aujourd'hui constituée d’étrangers en situation irrégulière. Malgré la distance qui nous sépare de ces régions, nous devons être très attentifs.

Je souhaite bien entendu que ce travail connaisse des suites législatives.

Mme Catherine Lemorton. La qualité de ce travail doit en effet être saluée.

Je suis cependant totalement hostile à l’idée d’une caisse dédiée à l’AME car il y aurait forcément stigmatisation.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Je ne propose pas la création d’une nouvelle caisse mais l’attribution de la gestion de ce secteur à une caisse primaire existante, une sorte de caisse pivot.

Mme Catherine Lemorton. Quoi qu’il en soit, je doute que cela rende les contrôles « plus efficaces que les contrôles aléatoires et répartis sans véritable efficacité sur le territoire », comme vous l’écrivez. J’ai déjà souligné lors des auditions que les dossiers des bénéficiaires de l’AME sont soumis à un traitement différent de celui des dossiers de tous les autres assurés. On ne peut établir de parallèle avec les bénéficiaires de la CMU, ni affirmer que les deux catégories ont les mêmes droits. Quel que soit le professionnel de santé, tous les dossiers d’aide médicale de l’État sont envoyés sous forme papier et font l’objet d’un traitement individuel par les salariés de la sécurité sociale. Il est en effet impossible de transmettre des lots sécurisés : les lots sont dits « dégradés » et sont traités un à un. L’argument de M. Goasguen concernant une éventuelle amélioration du suivi et du contrôle ne tient pas.

Je suis également contre le droit de timbre de 30 euros. Si l’on ne constate pas un très grand nombre de refus, c’est que les personnes qui se présentent aujourd'hui ont les moyens de payer – qu’elles soient aidées par des collectivités, par des associations ou par des particuliers. Les personnes qui n’ont pas les moyens ne se présentent tout simplement pas.

Au sujet de la carte avec photographie, nous avons entendu dans le cadre de la MECSS plusieurs professionnels de santé exprimer leurs réticences, estimant qu’ils n’avaient pas vocation à faire la police.

La barrière des 30 euros provoque déjà l’augmentation de la fréquentation des CASO – centres d’accueil de soins et d’orientation – de Médecins du Monde.

Enfin, le fait que les dépenses hospitalières représentent les trois quarts de la dépense totale me conduit à regretter que la loi HPST n’ait pas mis en place le testing. Si les personnes qui bénéficient de l’AME font beaucoup plus appel à l’hôpital, c’est qu’il n’est pas simple pour elles de pousser la porte du cabinet d’un médecin libéral, d’autant qu’il peut y avoir un problème de langue. De plus, certains médecins libéraux estiment que l’AME les contraint à des tâches administratives dans la mesure où il n’y a pas de transmission par carte Vitale. Bref, l’accès à la médecine ambulatoire doit être amélioré.

M. Pierre Morange. Je m’associe aux éloges adressés à ce travail dont la qualité première est la pédagogie. Alors que la question faisait l’objet d’une certaine diabolisation, nous disposons désormais d’un état des lieux exhaustif qui met fin aux légendes urbaines ayant prospéré ces derniers temps. Ce constat partagé de la réalité budgétaire et sanitaire révèle cependant une relative méconnaissance de la situation, en raison de la difficulté à collecter les informations. Il nous renvoie donc au problème plus général de la faiblesse des systèmes informatiques de l’assurance maladie, faiblesse que la MECSS dénonce depuis 2004. Les conclusions que l’on pourra en tirer en matière de santé publique et de moyens seront d’autant plus malaisées.

Permettez-moi cependant de formuler à nouveau une suggestion que j’ai déjà exposée aux rapporteurs et à la commission des Affaires sociales.

L’aide médicale de l’État est en définitive une sorte de coopération sanitaire à front renversé puisqu’elle s’adresse à une population étrangère sur le territoire national. Au titre du parallélisme des formes, il ne serait donc pas absurde de rattacher son budget – dont il ne s’agit pas ici de contester le volume – au budget du ministère de la coopération, qui finance déjà, par exemple, les études des étrangers en France.

Sur le fond, ce transfert nous permettrait d’avoir enfin une vision globale de la prise en charge sanitaire de citoyens étrangers, qu’ils soient sur le territoire national ou au-delà des frontières. À Saint-Laurent-du-Maroni, par exemple, ville de Guyane située à la frontière avec le Suriname, la moitié des femmes qui accouchent sont surinamaises. Se crée ainsi une sorte d’aspirateur sanitaire et social qui contribue à l’accroissement des budgets. Pourquoi ne pas affecter une partie de ces crédits à la construction de structures de santé dans les pays de départ de l’immigration ? Le ratio coût/efficacité serait bien supérieur et cette logique sanitaire internationale nous permettrait tout à la fois de relancer l’influence française dans le monde et de nous retrouver autour des fondamentaux de la République. De surcroît, les pays bénéficiant de cet effort privilégieront en retour nos intérêts économiques.

Bref, il s’agirait d’instaurer un cercle vertueux où les recettes alimenteront des dépenses réalisées au nom de la solidarité et des valeurs de la République.

M. Jean Mallot. Pour en revenir à vos observations concernant les éventuelles divergences entre rapporteurs, monsieur le président, je dois avouer que je vis plutôt bien une situation semblable au sein de la MECSS, où il arrive que les deux co-présidents, Pierre Morange et moi-même, soient en désaccord sur certains sujets. L’important est de bien identifier l’objet des désaccords moyennant un diagnostic partagé quant à la réalité des situations. Les divergences au sujet des préconisations sont inhérentes au débat politique. Au moins ce débat s’appuiera-t-il sur des bases saines !

Le travail des co-rapporteurs servira donc le débat parlementaire car il dissipe certaines divergences d’appréciation a priori. À cet égard, je doute que les conclusions communes correspondent aux attentes de ceux qui ont réclamé cette étude !

La démarche du CEC aura également une utilité pour le Gouvernement. En effet, si le débat budgétaire de l’automne s’est déroulé sur des bases contestables, c’est parce que celui-ci avait gardé par-devers lui un rapport de l’IGASS et de l’IGF daté de novembre, sans doute disponible dès octobre et, comme par hasard, livré à la presse le 30 décembre ! Or ce rapport ne recommande pas, arguments à l’appui, la mise en œuvre d’un droit d’entrée dans l’AME. Je suggère qu’il soit porté en annexe du rapport du CEC.

Par ailleurs, nos rapporteurs estiment le montant de la fraude à 0,3 % des dépenses, soit un taux légèrement inférieur à celui du régime général d’assurance maladie s’il s’agit de la fraude constatée, et une proportion infime s’il s’agit de la fraude estimée.

J’ai été très choqué que l’on inscrive dans la loi le montant du droit de timbre. Cela signifie que toute augmentation ou diminution impliquera une modification législative !

L’importance des dépenses d’AME dans le secteur hospitalier nous renvoie à une problématique que nous connaissons bien : le mode actuel de tarification incite les hôpitaux à prendre l’argent là où ils le peuvent. Il était opportun de le faire apparaître clairement.

M. Jean-Pierre Door, secrétaire de la commission des Affaires sociales, suppléant son président. Je considère moi aussi que ce rapport est excellent. C’est l’honneur de notre pays d’avoir institué l’aide médicale de l’État, et je me réjouis que l’on souhaite la préserver. Du reste, même les recommandations spécifiques de chacun des deux rapporteurs ne me semblent pas présenter de si grandes différences.

La visite de prévention me paraît fondamentale. Pour avoir rédigé différents rapports relatifs aux risques épidémiques, je pense qu’elle devrait permettre la détection de trois pathologies majeures : la tuberculose, le sida et la malnutrition.

Il serait également logique d’établir une procédure d’entente préalable, à l’instar de ce qui se pratique pour les autres patients.

Je crois qu’il faut maintenir le droit d’entrée – que j’ai d’ailleurs voté – afin de préserver une équité entre tous les patients, qu’ils relèvent de l’AME ou qu’ils relèvent du régime général. La deuxième catégorie est soumise à une franchise annuelle de 50 euros ; pourquoi la première n’acquitterait-elle pas, elle aussi, une contribution symbolique ?

Le directeur général de la CNAMTS, M. Frédéric Van Roekeghem, fait état de dérives et considère qu’il faut transférer le budget de l’AME à l’assurance maladie. Cela me semble logique.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Nous le recommandons.

M. Jean-Pierre Door. Vous rejoignez donc les préconisations de la commission Raoul Briet, à laquelle j’ai participé. Il est important de préciser sur quel budget s’imputent les dépenses hospitalières.

Il faudrait par ailleurs abandonner le mot « dispensaire », qui appartient au vocabulaire d’avant-guerre. Les mutuelles et les caisses d’assurance maladie ont des « centres médicaux » : pourquoi ne pas retenir ce terme ?

S’agissant enfin des médecins libéraux, il faut rappeler que les médecins doivent recevoir tous les patients. Si certains refusent la consultation aux bénéficiaires de l’AME ou de la CMU – ce qui est loin d’être le cas général –, il appartient au Conseil de l’Ordre d’appliquer le code de déontologie.

M. le Président Bernard Accoyer. Il ne faut pas faire un drame des divergences : elles relèvent du débat politique, donc de notre compétence au premier chef. Cela étant, le diagnostic partagé par la majorité et l’opposition et les préconisations communes sont des points essentiels. C’est ce qui fait la force de nos rapports et ce qui détermine nos exigences envers le Gouvernement en matière de suivi.

Je vous propose, mes chers collègues, d’autoriser la publication de ce rapport. Je ne crois pas, monsieur Mallot, qu’il faille y annexer le rapport commandé par le Gouvernement à l’IGASS : ce document est public et, du reste, nos rapporteurs y font référence.

Conformément aux dispositions de l’article 146-3 du Règlement, le Comité autorise la publication du rapport d’information.

Le rapport sera distribué et publié sur le site internet. Il sera transmis au Gouvernement.

ANNEXE N° 1
LISTE DES AUDITIONS

– M. Jean-François CHADELAT, inspecteur général des affaires sociales (Igas), directeur du fonds CMU (22 juin 2010).

– M. Dominique LIBAULT, directeur de la sécurité sociale, ministère de la Santé et des sports (6 juillet 2010).

– M. Bernard SPITZ, président de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) (9 septembre 2010).

– M. Frédéric VAN ROEKEGHEM, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) (26 octobre 2010).

– Mme Anne-Marie BROCAS, directrice de la recherche, des études de l’évaluation et des statistiques (DREES), ministère de la Santé et des sports (4 novembre 2010).

– M. Yann BOURGUEIL, directeur de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) (4 novembre 2010).

– Dr Françoise WEBER, directrice générale de l’Institut de veille sanitaire (INVS) (3 février 2011).

– M. Frédéric SALAS, inspecteur des affaires sociales à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), et M. Alain CORDIER, inspecteur général des finances à l’Inspection générale des finances (IGF) (3 mars 2011).

– Une délégation de représentants d’associations composée de Mme Nadège DROUOT, chargée de l’Observatoire de l’accès aux soins de Médecins du Monde, de M. Didier MAILLE, responsable du service social et juridique du Comede, de Mme Caroline IZAMBERT, représentante de l’association Act-up Paris, du Dr Jeanine ROCHEFORT, responsable du centre de soins de Médecins du Monde à Saint-Denis, du Dr Jean-François CORTY, directeur des Missions France de Médecins du Monde (14 avril 2011).

ANNEXE N° 2
LISTE DES DÉPLACEMENTS

– Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris (25 novembre 2010).

– Hôpital Avicenne, Bobigny (2 décembre 2010).

– CPAM de Nanterre (17 février 2011).

– CPAM de Bobigny (31 mars 2011).

ANNEXE N° 3

COÛTS COMPARÉS DU TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX DE LA TUBERCULOSE EN FRANCE (DOCUMENT FOURNI PAR L’INVS, MARS 2011)

Pour rappel, le traitement antituberculeux standard associe durant deux mois 4 antituberculeux (Isoniazide, Rifampicine, Ethambutol et Pyrazinamide) puis 2 antituberculeux durant les 4 mois suivants (Isoniazide, Rifampicine). Le traitement standard d’une tuberculose multisensible est donc de 6 mois. L’éthambutol est adjoint au traitement pour éviter la sélection de bacilles résistants à la rifampicine en cas de résistance primaire à l’isoniazide. L’éthambutol peut donc être interrompu à la réception de l’antibiogramme lorsqu’on a la certitude que la souche est multisensible (1). Il existe des formes galéniques combinant plusieurs antituberculeux : Rifinah® (isoniazide + rifampincine) et Rifater® (isoniazide, rifampicine et pyrazinamide). Une synthèse des principes de traitement de la tuberculose a été publiée dans la revue des maladies respiratoires en décembre 2003, reprenant les travaux du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (2). La multirésistance (MDR : multi drug resistance) est définie comme la résistance à au moins l’isoniazide et la rifampicine ; l’ultra résistance (XDR : extensively drug resistance) est définie par la résistance à l’isoniazide et la rifampicine (=multirésistance) plus la résistance aux quinolones et à au moins un antituberculeux injectable (kanamycine, amikacine et capréomycine). Les données recueillies auprès de plusieurs partenaires prenant en charge les patients tuberculeux sont assez concordantes. Selon le schéma thérapeutique (type d'antituberculeux et formes galéniques -combinées ou non) et le poids de référence utilisé pour le calcul des doses, le prix médicamenteux du traitement de la tuberculose s’établit comme suit :

– 250 € à 450 € pour le traitement standard complet (6 mois) d’une tuberculose multisensible ;

– 27 330 € à 44 235 € pour le traitement d’une forme multirésistante MDR (schéma de 12 ou 14 mois selon la combinaison d’antituberculeux) ;

– 46 614 € pour le traitement d’une tuberculose ultra-résistante XDR (schéma thérapeutique de 12 mois).

Ces informations ne sont données qu’à titre indicatif car le traitement des tuberculoses (sensibles et résistantes) est très variable selon les patients du fait des intolérances ou interactions médicamenteuses, et de l’adaptation nécessaire aux résultats de l’antibiogramme. Un tableau ci-dessous reprend les prix des médicaments utilisés pour le traitement de la tuberculose (fourni par le centre médical de Bligny). En plus du coût associé aux antituberculeux, il faut tenir compte des examens réalisés dans le cadre du diagnostic, de l’hospitalisation et du suivi des malades (radiographie de thorax, surveillance biologique de la fonction hépatique, test de la vision des couleurs, consultation de suivi…).

Dénomination

Nom commercial

Coût/j (60kg) 2009

(€)

Coût mensuel

(€)

Antituberculeux de 1° ligne

     

Isoniazide (H)

Rimifon®

0,78

46,56

Rifampicine (R)

Rimactan®

Rifadine®

0,46

0,22

13,95

6,74

Pyrazinamide (Z)

Pirilène®

0,37

11,11

Ethambutol (E)

Dexambutol®

Myambutol®

0,22

6,62

Formes combinées

     

H+R+Z

Rifater®

1,68

51

H+R

Rifinah®

1,16

34,8

Autres antituberculeux

     

Streptomycine

Streptomycine panpharma

3,35

201

Amikacine

Amiklin

2,15

64,43

Capréomycine

Capastat®

32,67

980

Moxifloxacine

Izilox®

2,86

85,8

Rifabutine

Ansatipine

3,05

100,5

Rifapentine

     

Ethionamide

(Trécator®)

Trécator

17,01

510,3

Cyclosérine

Cyclosérine®

15,28

458,4

PAS (PASER®)

 

15,04

451,2

Linézolide

zyvoxid

126,6

3798

Références

(1) Tattevin P. Le traitement de la tuberculose en 2007. Med Mal Infect 2007;37(10):617-28.

(2) Prévention et prise en charge de la tuberculose en France. Synthèse et recommandations du groupe de travail du Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France (2002-2003). Rev Mal Respir 2003;20(6):7S3-7S106.

ANNEXE N° 4
SYNTHÈSE DES RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE ADRESSÉ AUX CAISSES PRIMAIRES D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) ET AUX CAISSES GÉNÉRALES DE SÉCURITÉ SOCIALE (CGSS) SUR LA GESTION DU DISPOSITIF DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT

QUESTIONNAIRE SUR LA GESTION DU DISPOSITIF
DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT

Questionnaire adressé aux caisses primaires de l’assurance maladie (CPAM) et aux caisses générales de sécurité sociale (CGSS)

Pour le ressort de la caisse considérée :

1. Effectifs de la population concernée

Analyser l’évolution de vos effectifs de bénéficiaires pour 2000, 2007 (si les données sont disponibles), 2008, 2009 et le 1er semestre 2010, en distinguant les bénéficiaires des ayant droits. Quelle est la durée moyenne de maintien dans le dispositif de l’AME ?

2. La consommation de soins

Quelles sont les grandes lignes de la consommation de soins des bénéficiaires de l’AME dans le ressort de la caisse en distinguant si possible le recours aux praticiens libéraux (médecine générale/médecine spéciale), le recours à l’hôpital, et les médicaments.

3. Instruction des dossiers

– Décrivez de manière générale les difficultés que vous rencontrez dans l’instruction des dossiers. Y a-t-il des difficultés particulières relatives à l'accueil des éventuels bénéficiaires ?

– Comment appréciez-vous le rôle joué par les différents acteurs, en particulier les associations, dans le dépôt des demandes de bénéfice de l’AME ?

– Dresser un premier bilan de la mise en place de la carte AME sécurisée le 1er mars 2010 (nombre de cartes délivrées, nombre de cartes /nombre de bénéficiaires, améliorations constatées dans le processus de gestion au niveau local…) ?

– Instruction des demandes : quelles sont les causes les plus fréquentes des éventuels retards (pièce manquante, contrôle supplémentaire à effectuer, attente d’information en provenance d’une autre administration…) ? Comment s’explique, pour les caisses concernées, le dépassement éventuel de l’objectif de 35 jours fixé par la convention d’objectifs et de gestion pour 2011 ? Quels contrôles effectuent les caisses dont le délai d’instruction est inférieur à 5 jours en 2009 ?

– Vérifie-t-on systématiquement la réalité de l’absence d’un titre de séjour auprès de la préfecture? Comment sont vérifiées les conditions relatives à la stabilité et la durée de la résidence en France, et au niveau de ressources ?

– Qui est destinataire de la décision d’accorder le bénéfice de l’AME ? L’hôpital ayant éventuellement transmis le dossier en est-il informé, et sinon, pourquoi ?

– Préciser le nombre d’AME accordées après le premier soin pris en charge, avec une régularisation a posteriori le cas échéant.

4. Prestations et remboursement des prestations

Rappeler les modalités de gestion des remboursements des dépenses et des prestations au titre de l’AME dans votre caisse.

5. Les contrôles

Préciser la politique de contrôle a posteriori de l’AME : cette politique est-elle différente de celle des contrôles des autres dispositifs ?

5.1. Les moyens

Quels sont les moyens juridiques, matériels et humains dont vous disposez pour procéder aux éventuels contrôles (en distinguant pour l’AME et pour l’ensemble des dépenses de santé) ?

Quels sont les éléments déclenchant les contrôles a posteriori ? Etes-vous notamment destinataires d’informations provenant d’autres administrations ?

5.2. L’exercice du contrôle

– Comment s'effectuent les contrôles sur la population concernée (modalités de détermination des échantillons contrôlés) ?

– Vérifie-t-on auprès de la préfecture qu’aucun titre de séjour n’a été délivré postérieurement à l’admission au dispositif de l’AME ?

– Quelles difficultés constatez-vous pour effectuer les contrôles d’une part sur la condition de résidence (règle des trois mois et continuité de la résidence sur le sol français) et d’autre part sur le niveau de ressources, conformément aux lignes directrices fixées par la Caisse nationale ? Avez-vous des améliorations à proposer en la matière ? Quelles suites ont été données au contrôle des cas où les ressources étaient déclarées à 0 ou très faibles ?

5.3. Les montants et les types de fraudes

Quels sont les types de fraudes détectées par votre caisse pour l’AME ?

5.4. Les suites données

Quelles suites ont été données à ces fraudes constatées, par la Caisse ou par un autre organisme ? Quelles sont les difficultés rencontrées ? Avez-vous des relations avec la préfecture à ce sujet ?

Avez-vous connaissance des résultats des procédures éventuellement engagées devant les tribunaux ?

Lorsque vous détectez une personne qui a des faux papiers et qui ne peut plus avoir de couverture sociale, quelle procédure appliquez-vous pour qu'elle puisse bénéficier de l'AME ?

Signalez-vous à la direction du départementale du travail les éventuels cas de travail dissimulé ou non déclaré dont vous auriez connaissance ?

*

* *

SYNTHÈSE DES RÉPONSES

Afin d’approfondir leur connaissance du dispositif de l’aide médicale d’État, les rapporteurs ont souhaité envoyer deux questionnaires aux 105 CPAM et CGSS, l’un quantitatif et l’autre qualitatif. La présente synthèse porte sur les réponses au questionnaire qualitatif. L’envoi des questionnaires et la réception des réponses comme leur acheminement au secrétariat du Comité d’évaluation et de contrôle ont été centralisés par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Les réponses aux questionnaires ont été exploitées dans le cadre de quatre rubriques, portant sur les effectifs de bénéficiaires de l’AME, la consommation de soins, l’instruction des dossiers et enfin les contrôles.

I.– LES EFFECTIFS DES BÉNÉFICIAIRES DE L’AME

A.– LA RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES BÉNÉFICIAIRES DE L’AME : UNE FORTE CONCENTRATION EN ÎLE-DE-FRANCE EST OBSERVÉE

En 2010, cinq caisses concentrent 63 % de bénéficiaires AME. Il s’agit de la CPAM de Paris, qui compte 61 605 bénéficiaires, de la CPAM de Seine-Saint-Denis, qui recense 40 774 bénéficiaires, de la CGSS de Guyane (21 566 bénéficiaires), de la CPAM du Val-de-Marne, qui compte 13 975 bénéficiaires et enfin de la CPAM des Hauts-de-Seine, qui en recense 9 220. A elles deux, les CPAM de Paris et de Seine-Saint-Denis représentent 45 % du total des bénéficiaires.

B.– L’ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE BÉNÉFICIAIRES : SUR LE LONG ET LE COURT TERME, LES EFFECTIFS DES BÉNEFICIAIRES DE L’AME AUGMENTENT

Au préalable, il convient de noter que peu de statistiques sont disponibles depuis l’année 2000, la base de données ERASME ne conservant les données que pour une durée de 24 mois avant l’année en cours. La plupart des caisses ont donc communiqué leurs effectifs de bénéficiaires de l’AME sur la période 2008-2010.

1. Les données sur longue période (2002-2010)

Communiquées par quelques caisses, elles donnent à voir une augmentation importante sur la période 2002 à 2010.

Ainsi, la CPAM du Val d’Oise a vu ces effectifs augmenter de 98,3 %. La CPAM de Seine-Saint-Denis a connu quant à elle une augmentation de 76,1 %.

Enfin, la CGSS de Guyane fait état d’une augmentation particulièrement importante: le nombre de bénéficiaires a augmenté de 191,5 %. Il a presque été multiplié par trois. Les bénéficiaires sont passés de 7 399 à 21 566. Selon la CGSS, ils représentent aujourd’hui 9 % de la population totale de Guyane et 10 % de l’ensemble des bénéficiaires de l’AME.

Selon la CGSS, cette augmentation considérable est notamment liée à l’éclatement d’une guerre civile au Surinam, pays frontalier de la Guyane, qui a été suivie d’une instabilité importante. Celle ci s’est traduite par des flux migratoires massifs vers le territoire guyanais, et plus précisément vers la commune de Saint Laurent, qui n’est séparée du Surinam que par le fleuve Maroni.

2. Les données sur la période récente (2008-2010)

Entre 2008 et 2010, l’augmentation moyenne du nombre de bénéficiaires de l’AME par CPAM ou CGSS est de 38,1 %. La médiane est de 23 %(87). Il existe des disparités importantes entre caisses.

Toutes les caisses ayant des effectifs supérieurs à 1000 ont connu une augmentation modérée de leur nombre de bénéficiaires entre 2008 et 2010. Ainsi, la CPAM de Seine-Saint-Denis a vu ses effectifs augmenter de 14,1 %. Les effectifs de la CGSS de Guyane ont augmenté de 13,3 %. Ceux de la CPAM du Val-de-Marne de 8 % et des Hauts-de-Seine de 11,1 %. Enfin, la CPAM du Val d’Oise a connu une augmentation de 3,1 %.

Des disparités beaucoup plus importantes s’observent entre les caisses ayant des effectifs inférieurs à 1 000. Certaines caisses, situées sur des territoires où vivent traditionnellement peu d’étrangers en situation irrégulière, voient leur nombre de bénéficiaires, qui était déjà faible, décliner. Par exemple, la caisse de Blois enregistre une baisse de 7 %, ses effectifs de bénéficiaires passant de 222 à 206. La CPAM de Vesoul enregistre une diminution de 58 %, ses effectifs passant de 26 à 11.

D’autres connaissent au contraire depuis 2008 une hausse inattendue. Cette hausse est parfois liée au caractère nouvellement attractif d’un territoire. Ainsi, la CPAM d’Angers voit son nombre de bénéficiaires de l’AME augmenter de 59,6 % entre 2008 et 2010. Elle relève que les associations et les centres d’hébergement constatent depuis quelques années une forte augmentation du nombre d’étrangers en situation irrégulière s’installant dans le département du Maine-et-Loire et à Angers en particulier.

Certaines caisses frontalières font état d’une forte augmentation liée à l’entrée des ressortissants communautaires inactifs dans le dispositif de l’AME. Ainsi, la CPAM de Bayonne constate l’entrée de nombreux Espagnols et Portugais, ainsi que de ressortissants des pays de l’Est. Le nombre de bénéficiaires est passé de 38 à 98, soit une augmentation de 157,9 % entre 2008 et 2010. La CPAM de Meurthe et Moselle fait état d’une augmentation de 96,3 % entre 2007 et 2010, le nombre de bénéficiaires passant de 241 à 473.

3. L’évolution comparée des effectifs d’ouvrants droits et des effectifs d’ayant droits

Il est difficile d’établir une tendance bien marquée.

En règle générale, les caisses font état d’une croissance plus rapide du nombre d’ouvrants droits que du nombre d’ayants droits. Par exemple, la CPAM de Cergy constate qu’entre 2002 et 2010, le nombre d’ouvrants droits a augmenté de 119 % et celui des ayants droits de 39,6 %. La CPAM de Seine-Saint-Denis constate une augmentation de 17 % du nombre des ouvrants droits et de 6 % du nombre des ayants droits entre 2008 et 2010.

Cependant, certaines caisses relèvent au contraire une augmentation plus rapide des ayants droits que des bénéficiaires. C’est le cas de la CPAM du Val-de-Marne qui constate une augmentation de 4,8 % du nombre des ouvrants droits et de 18,3 % de celui des ayants droits. La CPAM de Rouen relève qu’entre 2007 et 2010 les ayants droits ont augmenté de 64 %, et les ouvrants droits de 42 %. La CGSS de Guyane fait état d’une différence particulièrement marquée. Entre 2003 et 2010, son nombre d’ayants droits a augmenté de 279 % et son nombre d’ouvrants droits de 143 %.

C.– LA DURÉE MOYENNE DE MAINTIEN DANS LE DISPOSITIF DE L’AME : LA PLUPART DES BÉNÉFICIAIRES DE L’AME NE RENOUVELLE PAS LEURS DROITS À L’AME

La plupart des caisses déclarent une durée moyenne de douze mois. Dans ces caisses, il est donc rare que les bénéficiaires renouvellent leurs droits à l’AME. Toutefois, certaines caisses font état d’une durée moyenne plus longue. La CPAM du Val-de-Marne relève une durée moyenne de 30 mois et celle des Hauts-de-Seine de 28 mois, sans que des explications soient données quant à cet écart.

II.– LA CONSOMMATION DE SOINS EST MARQUÉE PAR LES SOINS HOSPITALIERS

Une très forte prédominance des soins hospitaliers est constatée. Les soins hospitaliers représentent en général entre 60 et 75 % des dépenses pour l’année 2010. Le deuxième poste de dépenses est celui des soins de ville, qui représentent environ 15 % des dépenses, le troisième poste étant les dépenses de pharmacie, qui représentent 12 % des dépenses.

Par exemple, pour la CPAM de Paris, les soins hospitaliers représentent en 2010 64 % des dépenses, les soins de ville 18 % et les dépenses de pharmacie 16 %. Pour la CPAM de Seine-Saint-Denis, les soins hospitaliers représentent en 2010 64,5 %, les soins de ville 18,2 % et les dépenses de pharmacie 14,8 %.

Trois caisses font état d’une prédominance des soins hospitaliers particulièrement élevée. Ainsi, dans le ressort de la CPAM de Haute Corse, de la CGSS de la Réunion et de la CPAM d’Angers, ils représentent plus de 90 % du total des dépenses (respectivement 90 %, 92 % et 94 %).

III.– L’INSTRUCTION DES DOSSIERS RENCONTRE PLUSIEURS DIFFICULTÉS

A.– LES DIFFICULTÉS RELATIVES À L'ACCUEIL DES BÉNÉFICIAIRES

La plupart des caisses font état de difficultés de communication du fait de la barrière de la langue et de l’insuffisance de traducteurs.

B.– L’APPRÉCIATION DU RÔLE DES PARTENAIRES : ELLE EST VARIABLE SELON LES CAISSES

Les partenaires des CPAM peuvent être, selon les caisses, les associations, les services sociaux des hôpitaux et les Centres communaux d’action sociale (CCAS).

La plupart ont une vision positive de ces partenariats. Ils facilitent la phase d’accueil et aident à la constitution de dossiers, permettant ainsi de désengorger les services de la CPAM. Ils constituent des relais physiques entre la CPAM et le demandeur. Le reproche d’une tendance à la transmission de dossiers incomplets revient néanmoins souvent dans les réponses au questionnaire.

Les caisses s’appuient plus ou moins sur ces partenaires, en fonction de leur perception de leur efficacité.

Ainsi, la CPAM du Val-de-Marne entretient un partenariat privilégié avec les CCAS, qui constituent 49 % des dossiers d’AME. Les services de la CPAM informent régulièrement les CCAS des nouveautés législatives et répondent à leurs questions techniques, ce qui évite la transmission de dossiers incomplets. Toutes les demandes qui sont étudiées par la CPAM ont fait l’objet d’une constitution avec l’aide d’un tiers. Ce partenariat est donc très important, car il permet d’éviter l’engorgement du siège de la caisse, qui subit déjà un afflux supplémentaire de 1 000 personnes par mois depuis la mise en place des cartes AME sécurisées.

La CPAM de Versailles reconnaît le rôle positif des associations, lorsque celles-ci mettent à disposition des interprètes. Elle considère cependant que la CPAM doit « garder la main sur l’instruction, afin d’assurer l’égalité de traitement entre des demandeurs ».

La CPAM de Paris, qui entretient des partenariats avec les services sociaux des hôpitaux et les associations, en a une appréciation nuancée. Elle relève une tendance des services sociaux et des associations à présenter les dossiers de façon à être sûrs d’obtenir un accord, en ne photocopiant que les éléments concordants. Par exemple, elles ne transmettraient qu’une seule page de passeport, celle comportant une date d’entrée compatible avec les conditions d’attribution, empêchant ainsi d’apprécier avec certitude la condition de stabilité de la résidence. De plus, les associations recourraient à des déclarations modélisées du type : « Association… déclare connaître M. ou Mme...fréquentant régulièrement notre association depuis plus de trois mois ». Enfin, elles domicilieraient à Paris des personnes habitant dans d’autres départements, comme le montre la localisation de leur consommation médicale.

C.– LE BILAN DE LA MISE EN PLACE DE LA CARTE AME SÉCURISÉE EST PLUTÔT POSITIF

La grande majorité des caisses ont déjà mis en place la carte sécurisée. La plupart en ont une appréciation positive. Elles considèrent qu’il s’agit d’une mesure efficace de lutte contre la fraude, la carte devant être remise en mains propres au demandeur.

Cette remise permet de vérifier l’identité du demandeur, ainsi que la réalité de sa résidence en France. La CPAM du Val-de-Marne relève que sur les 6 148 cartes sécurisées ayant été émises du premier juillet au 31 décembre 2010, 256 n’ont pas été retirées. Beaucoup relèvent également que le nombre de duplicata demandés a considérablement diminué. De plus, les demandeurs semblent apprécier cette mesure, la carte sécurisée constituant leur seule carte « officielle ». Ils n’ont pas de difficultés à communiquer leurs photographies. La CPAM de Seine et Marne note que seulement 5 photographies, sur 1 836 titres remis, ont été réalisées dans ses locaux, les demandeurs venant avec les leurs.

Certaines caisses en ont cependant une appréciation plus négative, la gestion de la carte AME sécurisée étant considérée comme plus lourde que celle de la carte papier. Elle nécessite le stockage des cartes dans un lieu sécurisé, la délivrance d’un accusé de réception de la carte et l’utilisation d’un nouvel outil informatique. La CPAM d’Angers note qu’elle génère un allongement de la durée du temps de traitement du dossier, notamment du fait du temps de communication des photographies par les futurs bénéficiaires. L’absence de photographies est la cause principale des retours de dossiers. Dès lors, l’installation de webcams au sein des locaux des CPAM, comme l’ont mis en place de nombreuses caisses, apparaît être une bonne solution. Enfin, comme le relèvent plusieurs caisses, comme la CPAM de Bayonne par exemple, la procédure est alourdie par la nécessité de réaliser une nouvelle carte lors de toute mise à jour de la composition ou de la situation administrative du foyer.

D.– LES MODALITÉS DE VÉRIFICATION DES CONDITIONS DE RESSOURCES ET DE RÉSIDENCE : LES CONDITIONS DE RESSOURCES ET DE RÉSIDENCE S’APPRÉCIENT A MINIMA

Les caisses vérifient les conditions de ressources et de résidence conformément à l’article 4 du décret du 28 Juillet 2005(88).

1. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 4, le demandeur doit fournir, pour la justification de ses ressources, « un document retraçant ses moyens d’existence et leur estimation chiffrée ».

Dans les faits, ce document est très souvent une attestation sur l’honneur. Les caisses relèvent le caractère malaisé de la fourniture de tout autre justificatif du fait de la situation irrégulière des intéressés.

Certaines reçoivent tous les demandeurs dans le cadre d’un entretien, afin de mesurer l’adéquation entre les ressources déclarées et leur train de vie. La CPAM de Paris les reçoit ainsi tous dans le cadre d’un entretien dénommé « face à face ».

Les déclarations de ressources à zéro doivent faire l’objet d’une procédure particulière(89).Lorsqu’elles en reçoivent, les caisses doivent considérer le dossier comme incomplet et le retourner au demandeur pour solliciter des informations complémentaires. La lettre réseau précise que dans la mesure du possible, ces précisions doivent être sollicitées au cours d’un entretien individuel. Puis, en cas de deuxième déclaration de ressources à « zéro », le dossier est accepté en l’état, sauf si la caisse estime qu’il demeure des incohérences manifestes (comme des disproportions avec le train de vie) dans les déclarations du demandeur.

Dans ce cas, la demande aboutit à un refus pour incohérence entre les ressources déclarées et les ressources constatées. Les caisses appliquent cette procédure et pour la plupart reçoivent les demandeurs ayant déclaré leurs ressources à zéro en entretien.

2. Conformément à l’alinéa 2 de l’article 4 du décret précité, la présence ininterrompue depuis trois mois sur le territoire français du demandeur se prouve par le visa ou tampon comportant la date d’entrée en France figurant sur son passeport, ou à défaut par tout autre justificatif (bail, quittance de loyers, attestation d’hébergement chez un tiers..). Les pièces produites ne peuvent être antérieures à 12 mois au plus par rapport à la date de la demande(90).

Les caisses disent éprouver des difficultés à apprécier la condition relative à la stabilité de la résidence en France. En effet, les passeports ne sont pas toujours communiqués (la CPAM du Val d’Oise relève même que 90 % des demandeurs déclarent leur passeport volé). Parfois, seule une page indiquant une date d’entrée en France compatible avec la demande est transmise.

La stabilité de la résidence est encore plus difficilement vérifiable pour les ressortissants de l'espace économique européen inactifs qui peuvent entrer et sortir du territoire sans que leur passeport ne soit tamponné.

La CPAM de Paris rencontre une difficulté supplémentaire : elle est confrontée à la gestion d’un grand nombre de bénéficiaires de l’AME ne résidant pas à Paris intra muros mais domiciliés auprès d’une association parisienne.

IV.– LES CONTRÔLES

A.– LES MODALITÉS DU CONTRÔLE : LE CONTRÔLE RÉALISÉ EST UN CONTRÔLE DE SECOND NIVEAU

Les contrôles réalisés par les caisses se fondent sur les recommandations du Plan de contrôle socle de l’agent comptable (PCSAC), telles qu’énoncées dans la « fiche AME 13-1»(91). Il s’agit d’un référentiel national défini par la CNAMTS.

Ce plan prévoit la réalisation de deux types de contrôles annuels. Il s’agit de vérifications de deuxième niveau, par lesquels l’agent comptable s’assure que les contrôles des services du directeur ont bien été réalisés.

Le premier est un contrôle portant sur les dossiers de premières attributions et de renouvellements de l'AME. Il peut être réalisé a posteriori ou a priori. La plupart des caisses le réalisent a priori. Il doit concerner un échantillon d’au moins 10 % des attributions. Les points à contrôler sont les suivants : présence et qualité des pièces produites pour justifier de la condition de ressources et de résidence, bonne application de la procédure préconisée en cas d’absence totale de ressources(92), qualité de remplissage du formulaire de demande, et qualité du traitement par l’ordonnateur. Il s’agit d’un contrôle de deuxième niveau, par lequel la caisse s’assure que les contrôles des services du directeur ont été réalisés.

Le second est un contrôle a posteriori du suivi des demandes de duplicata d’attestations AME. Il s’agit de vérifier qu’une procédure de vérification des consommations a été déclenchée à partir de la deuxième demande de duplicata. Selon l’organisation des caisses, le contrôle peut être réalisé à partir des déclarations de perte ou de vol d’attestation, ou à partir du tableau de suivi des demandes de duplicata d’attestation AME. La plupart des caisses utilisent ce dernier tableau de suivi. Le contrôle peut être réalisé sur un échantillon.

Beaucoup de caisses suivent à la lettre ces recommandations. Certaines mènent un contrôle portant sur une base plus étendue. Par exemple, la CPAM de Seine-Saint-Denis réalise le contrôle sur les dossiers d’attribution sur un échantillon de 50 % des dossiers, et celui sur les suivis de demandes de duplicata de façon exhaustive. De plus, les caisses ayant un petit nombre de bénéficiaires de l’AME mènent souvent les deux types de contrôle prévus par le PCSAC de façon exhaustive. C’est par exemple le cas pour la CPAM d’Auxerre.

B.– LES FRAUDES CONSTATÉES : DES FRAUDES SONT DÉTECTÉES PAR LES CAISSES D’ÎLE-DE-FRANCE 

Les caisses hors Île-de-France constatent peu de fraudes. Les fraudes détectées portent sur la condition de ressources (les ressources des demandeurs dépassent en réalité le seuil ouvrant droit à l’AME) ou de résidence. La caisse de la Vienne déclare ainsi avoir mis à jour quelques fraudes portant sur la condition de stabilité de la résidence lors du renouvellement des droits. La CPAM du Rhône a traité six fraudes en 2010, dont le montant est évalué à 4 688 euros.

Des fraudes plus conséquentes, mais ponctuelles, sont relevées par les caisses d’Île-de-France.

La CPAM de Paris est confrontée à plusieurs types de fraudes. Les plus fréquentes sont de fausses déclarations de ressources, et de résidence (fausses déclarations d’hébergement auprès d'associations ou de particuliers). Elle rencontre également des cas de falsification des dates d'ouverture de droits sur les attestations AME, d’usurpation d'identité, d’usage d'une fausse attestation AME. Enfin, elle est confrontée à l’utilisation d'attestations AME dans des affaires de trafic de Subutex. En cas de fausses déclarations de ressources ou de résidence, la sanction est la fermeture du compte AME. Pour les autres, le plus souvent elles font l'objet d'un signalement au parquet, et le cas échéant d'une constitution de partie civile. A titre exceptionnel, la caisse agit par voie d'assignation devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS), ou par transaction. La CPAM de Paris fait également état d’une fraude de grande ampleur ayant été détectée en 2006, impliquant des salariés d'une association et organisant l'obtention frauduleuse de l’AME pour de nombreux ressortissants de deux pays, alors que les conditions de ressources et de résidence n'étaient pas remplies. 99 dossiers frauduleux ont été mis à jour, pour un préjudice estimé à 1 125 000 euros. Une instruction est en cours au TGI de Paris.

La CPAM de Seine-Saint-Denis a détecté douze fraudes en 2010. Elle a été confrontée à six fraudes à la déclaration de ressources, une fraude à la résidence, quatre fraudes à l'identité, une utilisation frauduleuse d'un titre de droits (une personne s'est présentée dans plusieurs pharmacies de la région parisienne munie d'attestations AME de plusieurs assurés et d’ordonnances de Subutex). Elle fait également état d’une fraude de grande ampleur, impliquant 76 bénéficiaires de l’AME, domiciliés auprès de la même association. Le 30 juin 2009, la CPAM a déposé plainte. Le dossier a été transmis à la BRDA (brigade de répression de la délinquance astucieuse) de Paris depuis avril 2010. Le montant du préjudice provisoire est de 106 070,84 euros.

À la CPAM du Val-de-Marne, trois dossiers sont en cours de traitement. Pour deux d'entre eux il s'agit de bénéficiaires de l'AME qui seraient salariés. Le troisième ne remplirait pas les conditions de résidence. De plus, dans le cadre de la lutte contre le trafic de médicaments, la CPAM mène des investigations systématiques concernant les ordonnances falsifiées dont certaines sont utilisées par des bénéficiaires de l'AME. Un projet de serveur informatique dédié aux officines est prêt à être mis en ligne sous réserve de l’accord de la CNIL. Il s’agit d’une expérimentation à l’initiative des CPAM du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine.

La CPAM du Val d’Oise fait état de neuf dossiers en cours pour un montant total estimé à 3 000 euros.

Enfin, la CPAM des Hauts-de-Seine, a été confrontée en 2009 et 2010 à plusieurs types de fraudes. Elle note tout d’abord des fraudes à la déclaration de ressources : elle fait état de non déclaration de revenus tirés d'un travail dissimulé ou obtenus à l’étranger. Elle a ensuite été confrontée à des fraudes à la résidence : elle note le cas de bénéficiaires ne résidant pas en France et exerçant une activité à l’étranger, ayant demandé le bénéfice de l’AME pour faire soigner un enfant. De même, elle évoque le cas d’une personne venue en France pour une courte période, de façon à obtenir la prise en charge de son accouchement avant de repartir dans son pays. Ensuite, elle fait état de fraude à l'identité : elle relève l’utilisation par un tiers non identifié d'une attestation de droits perdue par le bénéficiaire en vue de la prise en charge d'actes médicaux et de médicaments sur la base d'ordonnances apocryphes. Les suites données à ces fraudes sont la notification de lettres d'observations, la notification d'indus ou le dépôt de plaintes pénales.

ANNEXE

CONTRÔLES OBLIGATOIRES DE L'AGENT COMPTABLE : FICHE AME 13.1

1

Processus : Dossier client / Assurés / AME

2

Plan de Maîtrise socle : AME et harmonisation des modalités de gestion de l’AME (LR-DDO-22/2008 du 30/01/2008 et LR-DDO-10/2009 du 19/01/2009)

3

Référence au dossier de clôture

4

Risques identifiés

 

- Condition de résidence non remplie,

- exactitude des ressources déclarées,

- justificatifs falsifiés,

- utilisation frauduleuse des attestations d’admission à l’AME.

5

Contrôle obligatoire : contrôle de la gestion de l’AME

 

Le contrôle de l’agent comptable consiste à avoir en permanence une assurance raisonnable que les opérations sont réalisées, sécurisées, optimisées et permettent à l’organisation d’atteindre ses objectifs de performance par une maîtrise de la fiabilité. En l’occurrence son action consiste à garantir par un contrôle ciblé a posteriori la prévention des fraudes.

6

Modalités de contrôle

 

6.1 – Les modalités de contrôle et leur périodicité

 

Risque

Contrôles obligatoires

 

- Conditions des 3 mois de résidence non remplies,

- fausse déclaration de ressources,

- pièces Justificatives falsifiées,

- étude du dossier erronée,

- utilisation frauduleuse d'une attestation de droit à l’AME déclarée perdue ou volée.

13.1.1 Contrôle annuel a posteriori ou a priori de la création ou de la mise à jour d’un dossier AME constitué dans le cadre du décret du 28/07/2005 (2005/860), de la CIR du 27/09/2005 (2005-407) et de la LR DDO 11/2010 (mise en place d’un titre sécurisé d’admission à l’AME.

Echantillon minimum : 10% des attributions (1ères attributions et renouvellements)

Points à contrôler :

1 - Présence et qualité des pièces produites pour justifier :

la condition de résidence,

les ressources déclarées.

2 - Bonne application de la procédure préconisée dans la LR-DDO-22/2008 en cas d’absence totale de ressources.

3 - Qualité de remplissage du formulaire de demande.

4 - Qualité du traitement par l'ordonnateur (respect du maintien d'un droit antérieur au titre de l'article L.161-8, attribution d'un NNP…

13.1.2 Contrôle annuel a posteriori du suivi des demandes de Duplicata d'attestations d'AME.

Contrôler a minima le respect par l'ordonnateur de la procédure décrite dans l'annexe 3 de la LR-DDO 10/2009 du 19/01/2009.

Selon l'organisation des caisses, le contrôle peut être réalisé :

à partir des déclarations de perte ou de vol d'attestation (voir modalités d'archivage de ces documents)

ou

du tableau de suivi des demandes de DUPLICATA d'attestation AME.

 

Toute carence récurrente des moyens de maîtrise relatifs à ce risques appellerait un signalement de l’agent comptable vers le Directeur, voire un constat de carence.

 

6.2 – Les outils

 

GESPAN

Exemple de paramétrages GESPAN : Type de contrôle : Sélectif exhaustif

1) Attribution de l'AME (*)

Rang Support Action Attribut n°1 Opérateur Attribut n°2 Opérateur Valeur

1 MUB C MUT_NUM = 75500017

2) Modification du droit à l'Ame

Rang Support Action Attribut n°1 Opérateur Attribut n°2 Opérateur Valeur

1 MUB M MUT_NUM = 75500017

BDO

IMAGE

Requête SQL

7

Référentiel du contrôle

 

7.1 – Modalités de valorisation du contrôle

 

Désignation et appellation des unités d’œuvre traitées et des anomalies détectées :

l’unité d’oeuvre traitée : le dossier AME.

Taux d’acceptation envisageable pour ce contrôle :

un taux d’anomalie > 5% doit amener l’Agent Comptable à effectuer des préconisations auprès des pilotes concernés. La détection d’une fraude doit déclencher un contrôle approfondi.

Coût du contrôle et rentabilité attendue :

ce contrôle dans le catalogue des contrôles obligatoires est un contrôle à faible coût pour un retour sur investissement fort

 

7.2 – Références des autres données ou mesures existantes

 

7.2.1 - Références des autres données ou mesures existantes : sans objet

7.2.2 - Indicateurs PMS et autres : sans objet

8

Ressources nécessaires à la réalisation du contrôle

 

8.1 – Ressources humaines

   
 

8.2 – Qualification LR-DFC-49/2005 du 20/07/2005 : les métiers du contrôle de demain

 

Technicien maîtrise des risques avec une expérience ou formation en matière d’audit de procédure ou de supervision ou d’analyse ; assistant technique maîtrise des risques ; autre profil y compris encadrement (auditeur ; responsables contrôle ; contrôle interne ; qualité ; voire statisticiens)

 

8.3 – Ressources bureautiques voire informatique : fonctionnalités outils voir § 6

9

Opportunité de mutualisation des contrôles

 

La nature des contrôles ne changerait pas dans le cadre d’une mutualisation

Légende des rubriques

1. Intitulé du processus selon la cartographie nationale.

2. Intitulé du PMS socle.

3. Se référer aux diligences du ou des programmes de travail du ou des cycles concernés.

4. Il s’agit des risques identifiés au PMS (ou qui seront précisés comme tels après mise à jour du PMS).

5. Le contrôle de l’agent comptable consiste à avoir en permanence une assurance raisonnable que les opérations sont réalisées, sécurisées, optimisées et permettent à l’organisation d’atteindre ses objectifs de performance par une maîtrise de la fiabilité des produits.

6. Sont précisées les méthodologies en raison des caractéristiques des risques pris en considération/échantillon / sondage / a priori / posteriori / audit les outils mobilisés et leurs fonctionnalités ; périodicité.

7. Le référentiel du contrôle (valorisation, autres références locales ou nationales, indicateurs…).

8. Référentiel indicatif des ressources nécessaires à la réalisation du contrôle obligatoire :

♦ Par convention, indication du temps de contrôle effectif en heures pour 100 000 BA consommant (1 année représente 1 277 H ; voir annexe « L’évaluation de la charge de travail en nombre d’ETP disponible annuel pour 100 000 BA dans les fiches de contrôles obligatoires ») et indication au global par fiche de l’équivalent ETP.

♦ Ressources humaines dont les compétences sont reprise dans la Circulaire 49/2005 ;

♦ Bases et outils informatiques / ressources bureautiques de référence.

9. Information en matière d’opportunité de mutualisation.

ANNEXE N° 5
FAC-SIMILÉ D’UNE CARTE FAMILIALE D’ADMISSION
À L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT

ANNEXE N° 6
COURRIERS À DEUX ARS ET RÉPONSES DE CELLES-CI

1 () La rédaction du code de l’action sociale et des familles évoque « l’aide médicale de l’État » ; par convention, le présent rapport utilise l’expression plus usitée d’ « aide médicale d’État ».

2 () Pour un exemple de la teneur des débats, le lecteur peut se reporter utilement à la discussion en séance publique à l’Assemblée nationale le 2 novembre 2010, portant sur l’article 86 bis du projet de loi de finances, discussion de l’amendement n°9.

3 () Voir à ce propos l’interview du Pr Laurent Lantieri publié le 09/09/2010 sur L’express.fr et les nombreuses tribunes de presse publiées par les associations ou professionnels de santé opposés aux modifications du dispositif de l’AME.

4 () Les différents sujets à aborder s’agissant de l’évaluation de la CMU seront la pré-instruction par les caisses d’allocations familiales des demandes de CMUC pour les bénéficiaires de RSA « socle », l’accès aux soins (renoncement aux soins, les restes à charge et les refus de soins), l’accès aux droits avec l’évaluation des actions mises en place pour développer le recours aux dispositifs prévus, la détermination des causes du non recours pour la CMUC et l’ACS, les contrats de complémentaire santé, la fraude et le contrôle des ressources des demandeurs et bénéficiaires de la CMUC et enfin la mise en œuvre du tiers payant social.

5 () http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/104000685/0000.pdf

6 () La Pitié – Salpêtrière (75) et Avicenne (93), CPAM des Hauts-de-Seine (Nanterre) et de Seine-Saint-Denis (Bobigny).

7 () Les 101 CPAM et les 4 CGSS questionnées ont répondu.

8 () Cet extrait de l’article ne mentionne pas le droit de timbre de trente euros par an adopté dans le cadre de la discussion de la loi de finances pour 2011.

9 () Virus de l’immunodéficience humaine.

10 () A un moindre degré, on peut y ajouter, à titre d’exemple, la rougeole et la gale, en recrudescence récente.

11 () Cons. const., déc. no 90-283 DC du 8 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.

12 () (2010/2089(INI)).

13 () Article 18 de la loi du 24 Vendémiaire an II : « Tout malade, domicilié de droit ou non, qui sera sans ressources, sera secouru ou à son domicile de fait, ou à l’hospice le plus voisin ».

14 () Les personnes doivent être en mesure de produire les titres de séjour et documents définis aux articles D. 115-1 et D. 115-2 du code de la sécurité sociale.

15 () Article L. 380-1 du code de sécurité sociale, instauré par l’article 3 de la loi portant création de la CMU.

16 () « Il s’agit donc d’une extension de la couverture de base et non d’un mécanisme de substitution, tel que l’envisageait l’ancien projet d’assurance maladie universelle » Jean-Claude Boulard, réunion de commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale du 31 mars 1999.

17 () Jean-Claude Boulard, réunion de commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale du mercredi 31 mars 1999.

18 () Mme Muguette Jacquaint, discussion en séance publique à l’Assemblée nationale du 28 avril 1999.

19 () Décision n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010, considérants 31 à 37.

20 () cette traduction doit être effectuée par un traducteur assermenté auprès des tribunaux français ou par le consul, en France, du pays rédacteur de l'acte ou du pays dont l'intéressé a la nationalité.

21 () Selon l’INSEE, en 2008, le seuil de pauvreté pour une personne seule est de 949 euros.

22 () L’article 188 de la loi de finances réduit le périmètre des ayants droit en effectuant une référence à l’article L 161-14 et aux 1° à 3° de l’article L313-3 du code de la sécurité sociale excluant « l’ascendant, le descendant, le collatéral jusqu’au 3e degré ou l’allié au même degré ».

23 () La prothèse a pour finalité de remplacer un élément manquant, l’orthèse de compenser une fonction déficiente.

24 () Service médical rendu

25 () Extrait du site www.cmu.fr : « En effet, dès que le décret d'application sera pris, les pénalités financières pour non respect du parcours de soins resteront à votre charge si vous n'avez pas désigné votre médecin traitant ou si vous prenez contact avec un autre médecin, généraliste ou spécialiste, sans y avoir été convié préalablement par votre médecin traitant. »

26 () Exemple donné par la CPAM de Paris : « pour un soin dentaire à 25 euros pris en charge à 100 % du tarif de responsabilité qui est de 7 euros, le titulaire de l’AME devra donc payer 18 euros ».

27 () Rapport 2009 de « L’observatoire de l’accès aux soins de l’association » « Médecins du Monde » (dixième rapport annuel, publié en octobre 2010).

28 () Rapport du secrétariat général du Comité interministériel de contrôle de l’immigration au Parlement, « Les orientations de la politique de l’immigration » sixième rapport, décembre 2009.

29 () Arrêt n° 285576, lecture du mercredi 7 juin 2006.

30 () Nombre de bénéficiaires et ayants droits par département, décisions d’admission et renouvellement, rejets, répartition par âge et par sexe, répartition des dépenses par type de prestations, nombre de consommants, effectifs UE, hors UE, répartition selon composition du foyer, selon durée de résidence, fraudes et contentieux…

31 () Proposition de loi n° 1767 du 21 juillet 2004 visant à réformer l’aide médicale de l’État.

32 () http://www.huma-network.org/averroes_fr/?lg=eng-GB&cp=fr

33 () « Les personnes sans autorisation de séjour et les demandeurs d’asile ont-ils droit aux soins dans l’UE ? Synthèse d’une étude sur les législations de 16 pays ».

34 () Allemagne, Belgique, Chypre, France,Espagne, Grèce, Italie, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovénie et Suède.

35 () Chypre, Grèce, République Tchèque, Pologne, Roumanie et Slovénie.

36 () La première convention a été conclue le 17 octobre 2000 et elle a été révisée en septembre 2007. La COG 2010-2013 prévoit que l’État engagera un processus de révision de la convention.

37 () Il s’agit par exemple d’une OQTF, une obligation de quitter le territoire français, prévue par l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France.

38 () Cette lettre réseau présente les procédures, outils et consignes issues du travail du groupe composé de cinq caisses d'Île de France.

39 () Par souci de simplification, la suite du présent rapport évoquera les « CPAM », sauf mention contraire.

40 () Articles 20 et 21 de la loi n° 2000 – 321 du 12 avril 2000 relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

41 () hors non-paiement du droit de timbre, à l’époque pas applicable.

42 () Le risque qu’une personne en situation régulière demande délibérément le bénéfice de l’AME en lieu et place de la CMUc semble cependant limité compte tenu de la meilleure protection assurée par la CMUc.

43 () souligné par les rapporteurs.

44 () recherche dans les bases de données nominatives des régimes sociaux accessibles.

45 () « Parmi les bénéficiaires de l’AME ayant consommé des soins ambulatoires, ceux qui sont domiciliés dans une association consomment plus souvent hors Paris (56%) que les autres bénéficiaires ayant une adresse « physique » (39%) » (donnée fournie par la CPAM Paris).

46 () À titre illustratif, la CPAM des Hauts-de-Seine indique avoir diligenté seulement 19 enquêtes en 2010 sur les bénéficiaires de l'AME.

47 () Ainsi, Médecins du Monde et le COMEDE (Comité médical pour les exilés) déclarent recevoir 40 000 personnes chaque année dans leurs centres de soins, dont 90 % d’étrangers, en situation régulière ou non.

48 () Aporie : impasse, difficulté à résoudre un problème.

49 () Étude d'une population dans le temps.

50 () De mars à novembre.

51 () La mission santé comprend le programme 183 et le programme 204 « prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

52 () Le financement de ce fonds fait intervenir les organismes de protection maladie complémentaire.

53 () M. Gérard Bapt pour le PLF 2011.

54 () L’usager étant ici la personne en situation irrégulière demandant le bénéfice de l’AME.

55 () Rapport fait au nom de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi (n° 2554) de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009.

56 () Sur la base de notes sur 10.

57 () en millions d’euros.

58 () À titre d’illustration, le rapport IGAS IGF de 2007 indiquait que « l’assistance publique - hôpitaux de Paris (…) n’a commencé à présenter des factures d’AME qu’à partir de la mi-2002, ce qui a eu un effet de report significatif sur les dépenses facturées. », cette précision est utile s’agissant du plus important prestataire de soins délivrés aux bénéficiaires de l’AME.

59 () Données LFI + LFR correspondant à l’exercice considéré.

60 () Le rapporteur sénatorial des crédits « Santé » pour 2000, M. Jacques Oudin, précisait que ce montant « permettra d’entreprendre l’apurement des dettes de l’État, évaluées à [124 millions d’euros] à la fin de l’année 1999 ».

61 () Dépenses tous dispositifs.

62 () L’objectif national des dépenses d’assurance maladie – ONDAM – est un instrument de pilotage des dépenses d’assurance maladie des régimes de la Sécurité sociale, il est utilisé dans les discussions des projets de loi de financement puis décliné par grandes masses de soins (médecine ambulatoire, médicaments, hôpital…).

63 () Pour rappel, les dépenses au titre de l’AME sont financées sur crédits d’État et ne sont donc pas une composante de l’ONDAM.

64 () Objectif national des dépenses de l’assurance maladie : l’augmentation est en valeur (euros courants).

65 () Déduction faite de l’inflation.

66 () Source : rapport de MM. Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier, sénateurs, sur les crédits 2011 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

67 () Le passage en nomenclature LOLF empêche une comparaison 2002 – 2009.

68 () Comptes nationaux, INSEE, base 2005.

69 () Loi abrogée par la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

70 () Il s’agit d’une donnée indicative pour 2013.

71 () Comparaison hors indemnités journalières et dépenses médico-sociales.

72 () A titre d’exemple, le coût journalier d’hospitalisation d’une personne en neurologie atteint 700 € (donnée IGAS IGF de 2010).

73 () Données fournies à la mission par la CNAMTS.

74 () Chiffre du rapport IGAS IGF chiffre correspondant à la consommation moyenne des 267 918 personnes ayant eu une consommation d’au moins un euro en 2009.

75 () En 2008 : 1 741 euros pour le bénéficiaire de l’AME, 2 606 euros pour le bénéficiaire de la CMUc et 1 580 euros pour l’assuré du régime général.

76 () rapport spécial n° 2857 annexe 39.

77 () Directive n° 2004/38/CE/CE.

78 () Instruction N°DGS/MC1/RI2/2010/297 du 29 juillet 2010 relative aux procédures concernant les étrangers malades atteints de pathologies graves.

79 () Le nombre de consommants sur la période annuelle peut être supérieur au nombre de bénéficiaires au 31 décembre de l’année considérée en raison des personnes ne restant que quelques mois dans le dispositif.

80 () Commission des finances du Sénat, réunion du mercredi 16 juin 2010, règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé et des sports.

81 () Il s’agit plutôt d’un rassemblement de spécialités, un tarif pouvant couvrir des situations – et donc des coûts – très différents : TJP de médecine, TJP de chirurgie, TJP de psychiatrie…

82 () Article L. 174-3 du code de la sécurité sociale : « Dans les établissements mentionnés aux articles L. 162-22-16 et L. 174-1, une tarification des prestations fixée par arrêté servira de base :1°) à la facturation des soins et de l'hébergement des malades non couverts par un régime d'assurance maladie ; 2°) au calcul de la participation laissée à la charge des assurés dans le cas où le régime d'assurance maladie dont ils relèvent comporte une disposition de cet ordre ; 3°) à l'exercice des recours contre tiers.

83 () Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins.

84 () Les dépenses publiques sont toutes regroupées dans un agrégat puis comparées aux ressources publiques pour définir le solde des administrations publiques (capacité ou besoin de financement des administrations publiques ou « APU ») souvent exprimé en points de PIB.

85 () Extraction, Recherches, Analyses pour un Suivi Médico-Economique.

86 () Moyens engagés en vue de prévenir l'apparition et/ou la propagation d'une maladie.

87 () Une partie seulement des CPAM et CGSS ayant transmis leur nombre total de bénéficiaires entre 2008 et 2010, ces deux pourcentages ont été réalisés à partir des données de la CNAMTS, portant sur les 105 caisses françaises.

88 () Il s’agit du décret n°2005-860 du 28 juillet 2005 relatif aux modalités d'admission des demandes d'aide médicale de l'Etat.

89 () Elle est définie par la lettre réseau 22/2008 de la CNAMTS.

90 ( Cette obligation a été introduite par la lettre réseau 22/2008 de la CNAMTS.

91 () cf. annexe.

92 () Cette procédure est définie par la LR-DDO-22/2008.


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