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N° 3920

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le  9 novembre 2011.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1) sur le genre et la dépendance,

PAR Mme Marianne DUBOIS

Députée.

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(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de :

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente ; Mmes Danielle Bousquet, Geneviève Levy, Bérengère Poletti, vice-présidentes ; Mmes Martine Billard, M. Olivier Jardé, secrétaires ; Mmes Edwige Antier ; Marie-Noëlle Battistel ; Huguette Bello ; Marie-Odile Bouillé ; Chantal Bourragué ; Valérie Boyer ; Martine Carrillon-Couvreur ; Joëlle Ceccaldi-Raynaud ; Marie-Françoise Clergeau ; Catherine Coutelle ; Pascale Crozon ; Marie-Christine Dalloz ; Claude Darciaux ; Marianne Dubois ; M. Guy Geoffroy ; Mmes Arlette Grosskost ; Françoise Guégot ; MM. Guénhaël Huet ; Bruno Le Roux ; Mmes Gabrielle Louis-Carabin ; Jeanny Marc ; Martine Martinel ; Henriette Martinez ; M. Jean-Luc Pérat ; Mmes Josette Pons ; Catherine Quéré ; MM. Jacques Remiller ; Daniel Spagnou ; Philippe Vitel.

INTRODUCTION 5

I. – LA PERTE D’AUTONOMIE : LES FEMMES SONT EN PREMIÈRE LIGNE 9

A. LES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES SONT MAJORITAIREMENT DES FEMMES 9

1. Les femmes sont particulièrement concernées par le lien existant entre le vieillissement et la dépendance 9

a) L’augmentation de l’espérance de vie des femmes se poursuit  9

b) Le pourcentage de femmes dans la population française augmente avec l’âge 10

c) L’espérance de vie en bonne santé des femmes diminue avec l’âge  11

2. La nouvelle longévité des femmes handicapées mentales 12

B. LES FEMMES ÂGÉES PEINENT À FINANCER LEUR PERTE D’AUTONOMIE 12

1. Des inégalités professionnelles constamment dénoncées par la Délégation 13

a) Les femmes « gagnent » toujours moins bien leur vie que les hommes 13

b) L’inégalité des pensions creuse les écarts entre les femmes et les hommes au moment de la retraite 13

2. L’accroissement de la précarité des femmes âgées, un facteur d’isolement 15

a) Une pauvreté statistiquement démontrée 15

b) Une situation régulièrement dénoncée 16

3. Le financement de leur dépendance par les femmes : des restes à charge financiers pesants 17

II. – LES INÉGALITÉS DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DÉPENDANCE 19

A. L’AIDANT FAMILIAL : UNE TÂCHE DÉVOLUE AUX FEMMES 19

1. Des solidarités familiales inégales 19

a) Le rôle indispensable de l’aidant 19

b) Les aidants sont des aidantes 20

2. Des solidarités familiales inégales 20

3. La difficile conciliation des vies professionnelle et familiale 21

B. L’EMPLOI À DOMICILE : L’ÉVOLUTION NÉCESSAIRE DES CONDITIONS D’EMPLOI D’UNE MAIN D’œUVRE FÉMININE PRÉCAIRE ET À TEMPS TRÈS PARTIEL 23

1. Les raisons de la féminisation extrême des services à domicile 23

2. Les prémices d’une revalorisation des métiers à domicile 24

C. LE BÉNÉVOLAT AUPRÈS DES PERSONNES ÂGÉES EN TRÈS GRANDE DÉPENDANCE : UNE MAJORITÉ DE FEMMES 26

1. L’indispensable présence des bénévoles 26

2. Les bénévolats féminins et masculins sont contrastés. 27

III. – LES RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION 29

1. Mener de grandes campagnes de sensibilisation 29

a) Mettre en garde nos concitoyens sur les coûts des pertes d’autonomie 29

b) Changer le regard porté par la société sur la vieillesse 29

2. Partager les droits à la retraite 30

3. Mieux diffuser l’information en direction des personnes âgées et des familles 31

a) Utiliser davantage les nouvelles technologies 31

b) Généraliser les expériences de guichet unique d’information 32

4. Prévenir les états de dépendance des femmes 32

a) Instaurer un bilan médical systématique des seniors 32

b) Développer les centres multidisciplinaires de consultation en gérontologie 32

c) Assurer la prise en charge des personnes âgées admises dans les services d’urgence par un gérontologue 33

d) Prendre en charge un dépistage de l'ostéoporose  chez les femmes ménopausées 34

e) Permettre des diagnostics plus précoces de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées 35

5. Encourager l’autonomie et le maintien à domicile 35

a) Mettre en place des aides à la vie quotidienne 35

b) Favoriser le maintien de la vie sociale 36

c) Renforcer la professionnalisation et l’organisation du secteur des emplois à domicile 36

6. Soutenir les aidants familiaux  37

a) Aider les aidants à « souffler » 37

b) Favoriser les aidants sur le plan successoral 38

7. Aménager les congés familiaux existants 39

8. Retarder l’entrée en structure d’accueil médicalisée quand le maintien à domicile n’est plus possible 40

a) L’accueil familial 40

b) La maison d’accueil rurale pour personnes âgées (MARPA ) 41

c) Le logement intergénérationnel 41

d) La création de maisons d’accueil 42

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 44

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 49

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 51

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION 52

ANNEXE 3 : COMPTE RENDU DES AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION 53

ANNEXE 4 : GRILLE AGGIR ET GROUPES ISO-RESSOURCES 77

MESDAMES, MESSIEURS,

Face au constat de l’augmentation continue de l’espérance de vie des Français (en 2009, 84,5 ans pour les femmes et 77,8 ans pour les hommes) mais préoccupé par l’accroissement prévisible du nombre de personnes très âgées en situation de dépendance et par le financement de leur prise en charge, le Gouvernement a lancé en février 2011 une réflexion nationale sur ce thème. Quatre groupes de travail ont été constitués (1), des débats au niveau départemental puis régional se sont tenus à travers toute la France et un site Internet dédié à ce thème a été ouvert et recueille les contributions de nos concitoyens (2).

En mars 2011, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale a estimé que la future réforme de la dépendance ne pouvait faire l’impasse d’une réflexion sur la place et le rôle considérable des femmes dans les situations de vieillissement et de perte d’autonomie. Elle a alors confié à votre rapporteure le soin d’étudier cette réalité qui, pourtant évidente, a rarement été mise en relief, pour ne pas dire qu’elle a été passée sous silence.

Pour son analyse, la Délégation a choisi d’aborder cette question sous un regard un peu différent de celui des experts et des personnalités d’horizons divers dont étaient composés les groupes de travail mis en place par le Gouvernement. Elle s’est tournée principalement vers des acteurs de terrain, anonymes pour la plupart, qui œuvrent quotidiennement et de façon remarquable, dans la prise en charge des personnes âgées.

Sans prétendre à l’exhaustivité, les 18 auditions qu’elle a menées ainsi que son déplacement au sein de deux institutions d’hébergement de personnes âgées lui ont cependant permis de vérifier la très grande variété des situations dans lesquelles se trouvent nos aînés. Le temps de la vieillesse est le reflet d’une vie entière, d’une condition physique, d’une histoire familiale, d’une activité professionnelle, d’un milieu social, d’un ancrage local, de croyances religieuses, d’une génération et d’un genre. Il est vécu par l’individu de façon progressive et très variée tant en durée qu’en niveau de perte d’autonomie.

La diversité, voire l’inégalité, des conditions d’accompagnement des personnes âgées se remarque également au niveau des pratiques employées - simultanément ou successivement – pour répondre à leurs besoins. Ces pratiques dépendent à la fois des ressources financières, des compositions des familles et des crédits que peuvent y consacrer les politiques publiques.

Au fil des auditions, l’importance de l’impact de la dépendance sur les femmes s’est clairement dévoilée : la dépendance touche majoritairement des femmes (I) et, dans la prise en charge de la dépendance, les femmes se voient assigner un rôle qu’elles n’ont pas plus que les hommes vocation à jouer et dont il est légitime de se demander pourquoi elles sont quasiment les seules à l’assumer (II).

La Délégation constate ainsi que les inégalités et les discriminations - qu’elle ne cesse de souligner dans ses différents rapports – dont souffrent de nombreuses femmes tout au long de leur vie familiale et professionnelle, ont des répercussions jusqu’à leurs dernières années. Elle s’inquiète de la situation d’un grand nombre de « travailleuses pauvres » ou de salariées des classes moyennes, dont la faiblesse des retraites, voire la précarité, ne leur permettront pas de supporter, au moment du grand âge et de la solitude, la prise en charge financière d’une future perte d’autonomie.

Ne leur laissant aucune possibilité de choix entre les services proposés par le marché – inaccessibles pour elles – et les structures publiques d’hébergement - inadaptées à leur situation - cette précarité place alors ces femmes dans une autre forme de dépendance, à la merci des arbitrages et des arrangements de leur entourage familial. Si la solidarité nationale est défaillante, le poids de la vieillesse pèse sur les familles, plus particulièrement sur les épaules des femmes, de manière insoutenable pour les milieux disposant de revenus moyens ou faibles.

I. – LA PERTE D’AUTONOMIE : LES FEMMES SONT EN PREMIÈRE LIGNE

À une longévité féminine indéniable (A) s’ajoute le poids de l’inégalité entre les femmes et les hommes dans les capacités financières qu’ils peuvent respectivement consacrer à la prise en charge de leur dépendance (B).

A. LES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES SONT MAJORITAIREMENT DES FEMMES

Aujourd’hui, l’arrivée dans le troisième âge des très nombreuses classes d’âge du baby boom et l’augmentation continue de l’espérance de vie sont les causes d’un vieillissement général de la population française, lequel ne peut que s’accompagner d’une multiplication des cas de pertes d’autonomie en permettant à la fois le maintien en vie des personnes fragilisées par l’âge (1) et le vieillissement des personnes lourdement handicapées à leur naissance (2).

1. Les femmes sont particulièrement concernées par le lien existant entre le vieillissement et la dépendance

Trois facteurs principaux expliquent la prépondérance des femmes au sein des personnes âgées dépendantes.

a) L’augmentation de l’espérance de vie des femmes se poursuit (3)

L’espérance de vie à la naissance augmente régulièrement en France. Bien que celle des femmes (84,5 ans en 2009) augmente moins vite que celle des hommes (77,8 ans), soit en moyenne de deux mois chaque année au lieu de trois, l’écart reste important.

Quant à l’espérance de vie à 65 ans (la plus élevée d’Europe en 2008), elle s’élève en 2009 à 22,6 ans chez les femmes et à 18,4 ans chez les hommes, soit respectivement 1,4 an et 1,7 an de plus qu’en 2000.

b) Le pourcentage de femmes dans la population française augmente avec l’âge

Un bilan démographique de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) (4) montre que le pourcentage de femmes dans la population française augmente avec l’âge : au 1er janvier 2010, les femmes représentaient 50,5 % de la population de 20 à 59 ans, 52,7 % de la tranche des 60 à 74 ans, 65 % des octogénaires, 77 % des nonagénaires, 86 % des centenaires et quasiment 100 % des supercentenaires (personnes âgées de plus de 110 ans).

Ces taux importants de représentation des femmes s’appliquent à des classes d’âge qui ne représentent actuellement que 14,1 % (personnes de 60 à 74 ans) et 8,9 % (personnes de plus de 75 ans) de l’ensemble de la population. Mais ils sont appelés à augmenter dans les mêmes proportions que l’accroissement de ces générations dans les prochaines années, lequel figure ainsi dans les projections de l’INSEE :

PROJECTION DE POPULATION À L'HORIZON 2060
ET STRUCTURE PAR ÂGE

en %

Champ : France métropolitaine.

Source : INSEE, projections de population 2007-2060.

 

Population au 1er janvier

(en millions)

Moins de 20 ans

20 ans
à 59 ans

60 ans
à 74 ans

75 ans
ou plus

2015

64,5

24,2

51,0

15,5

9,3

2020

66,0

23,9

49,6

17,0

9,4

2025

67,3

23,5

48,4

17,2

10,9

2030

68,5

23,0

47,5

17,1

12,3

2035

69,7

22,6

46,7

17,1

13,6

2040

70,7

22,4

46,6

16,3

14,7

2050

72,3

22,3

45,9

15,9

16,0

2060

73,6

22,1

45,8

15,9

16,2

Source : « Projections de population à l’horizon 2060 », INSEE Première, n° 1320, octobre 2010

De même, si les centenaires ne sont aujourd’hui que 15 000 (soit 0,02 % de la population), ils pourraient être 200 000 en 2060 (soit 0,3 % de la population).

c) L’espérance de vie en bonne santé des femmes diminue avec l’âge (5)

Si l’augmentation de l’espérance de vie s’accompagne d’une augmentation de la durée de vie sans incapacité, il convient de constater que les maladies et les incapacités fonctionnelles augmentent avec l’âge et que leurs séquelles conduisent à des pertes d’autonomie plus ou moins graves et plus ou moins progressives qui sont évaluées au moyen de la grille nationale AGGIR (Autonomie-Gérontologie-Groupes Iso-Ressources) (6). Toutefois, l’évolution du nombre de personnes très âgées et très dépendantes dans les années à venir ne repose, comme le reconnaît le groupe de travail Perspectives démographiques et financières de la dépendance mis en place par le Gouvernement, que sur des hypothèses démographiques et d’évolution de l’état de dépendance susceptibles elles-mêmes d’évoluer.

Certains constats établis sur le lien entre vieillissement et dépendance semblent toutefois devoir continuer à se manifester. Ainsi, en 2002-2003, les femmes et les hommes de 65 ans pouvaient respectivement espérer vivre :

– 7 ans sans problèmes fonctionnels (difficultés pour voir, entendre, marcher, se pencher, monter des escaliers, etc.) ;

– 13 ans et 12 ans sans limitations d’activités (être limité depuis au moins six mois à cause d’un problème de santé dans les activités que les gens font habituellement) ;

– 17 ans et 15 ans sans difficultés dans les activités de soins personnels (difficultés ou besoin d’aide pour faire sa toilette, s’habiller, etc.).

Toutefois, à âge égal, les hommes « se sentent en meilleure santé, déclarent moins de maladies, moins de limitations fonctionnelles et recourent moins aux soins que les femmes » (7). De fait, pour les femmes, vivre plus longtemps n’est pas toujours un avantage ou une chance à cause de leurs nombreuses fragilités : diabète, ostéoporose, tension artérielle, maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées et maladies dégénératives invalidantes. En 2006 les femmes de plus de 65 ans ont déclaré en moyenne plus de 6 maladies ou troubles de santé contre un peu plus de 5 pour les hommes (8). Les femmes de plus de 85 ans sont également 38,4 % à souffrir de la maladie d’Alzheimer contre 23,9 % pour les hommes.

Cette plus grande fragilité des femmes à mesure qu’elles avancent en âge se vérifie également en examinant le nombre des patients qui, en situation sévère de perte d’autonomie sont pris en charge par les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) (9: les femmes y représentent les deux tiers des bénéficiaires.

De même, les statistiques relatives à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) participent à cette démonstration : fin 2007, en France métropolitaine, un bénéficiaire de l’APA sur deux a plus de 85 ans – la proportion de bénéficiaires augmentant fortement avec l’âge – et, tous âges confondus, 74 % de ses bénéficiaires sont des femmes dont 56 % de veuves (10).

2. La nouvelle longévité des femmes handicapées mentales

Le vieillissement des populations de jeunes gravement handicapés, en lien avec l’augmentation générale de l’espérance de vie, constitue un phénomène nouveau. Certes désormais bien identifiée, cette apparition de générations de grands handicapés du troisième âge est toutefois insuffisamment quantifiée, ainsi que le relevait en 2009 notre collègue Paul Jeanneteau, dans l’avis qu’il présentait sur le projet de loi de finances pour 2010 (11).

Cet avis, qui retient une estimation de 280 000 à 350 000 personnes intellectuellement déficientes vieillissantes en France au début des années 2000, ne distingue pas les proportions de femmes et d’hommes qui composent cette population. Il semblerait néanmoins que « comme en population générale, les filles ont, globalement, une meilleure espérance de vie que les garçons à l’exception notable des personnes porteuses d’une trisomie 21 » (12) ainsi que l’a notamment démontré une étude australienne de 2002 portant sur l’espérance de vie de 8 724 déficients intellectuels : la probabilité de survie y était de 66,7 ans pour des hommes et de 71,5 ans pour les femmes (13).

Face à cet état de dépendance et en dépit de l’existence de différentes aides publiques, de nombreuses femmes rencontrent – et vont rencontrer – d’immenses difficultés à financer les coûts résultant de leur perte d’autonomie.

B. LES FEMMES ÂGÉES PEINENT À FINANCER LEUR PERTE D’AUTONOMIE

Les diverses inégalités professionnelles que rencontrent un grand nombre de femmes au cours de leur carrière (1) ont pour effet premier de les conduire inéluctablement à percevoir des pensions dont le faible montant participe à les paupériser davantage (2). À l’heure de leur retraite, nombre de femmes rencontreront des difficultés pour financer les frais de prévention d’une perte d’autonomie puis pour prendre en charge les coûts d’une dépendance (3).

1. Des inégalités professionnelles constamment dénoncées par la Délégation

a) Les femmes « gagnent » toujours moins bien leur vie que les hommes

La persistance d'écarts salariaux importants entre les femmes et les hommes constitue une discrimination que la Délégation dénonce depuis des années (14).

Dans les Chiffres-clés 2010 : l’égalité entre les femmes et les hommes, le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale fait apparaître une sous-représentation des femmes dans les fonctions d’encadrement et de direction des secteurs privé et public mais une sur-représentation dans les formes d’emploi les plus précaires ainsi que dans la prise en charge des obligations familiales ; par conséquent des écarts moyens de salaires avec les hommes de 27 % (tous temps de travail confondus), de 19,2 % (travail à temps complet des secteurs privé et semi-public) et de 23,4 % pour les cadres se constatent (15).

Ces différences de carrières et de rémunération entre les femmes et les hommes débouchent finalement sur d’importants écarts des montants de retraite lesquels, en définitive jouent sur le financement de la dépendance des femmes. Car la dépendance a un coût que seules les femmes qui auront mené des carrières professionnelles « à l’égal des hommes » seront en mesure de financer.

b) L’inégalité des pensions creuse les écarts entre les femmes et les hommes au moment de la retraite

Ainsi que le démontre la Délégation depuis des années, les femmes et les hommes ne sont toujours pas égaux au moment de la retraite. Dans son rapport (n°2762) de 2010 sur les retraites, elle dénonçait encore les écarts considérables persistant en matière de pensions, écarts d’autant plus préoccupants que s’y ajoute une forte dispersion des retraites servies aux femmes entre les différents régimes. Elle rappelait qu’en 2004, le montant moyen des retraites perçues par les femmes était de 38 % inférieur à celui des hommes (soit une pension mensuelle moyenne de 1 020 euros contre 1 636 euros).

De même, en matière de pensions de droits propres, en décembre 2009, une pension moyenne mensuelle, tous régimes confondus, s’établissait à 1 194 euros alors que le montant moyen des pensions des femmes atteignait 877 euros mensuels contre 1 524 euros pour les hommes (16). Cette nette faiblesse des pensions des femmes apparaît également avec évidence en matière de « minimum contributif » de retraite puisqu’au 31 décembre 2008, les femmes représentaient 70 % des bénéficiaires de ce droit, lequel permet de majorer certaines trop faibles pensions à taux plein afin que leur montant soit porté à un minimum, soit 590,33 euros par mois en 2009. À titre de comparaison, il peut être rappelé qu’en 2009 le seuil de pauvreté correspond à un niveau de vie inférieur à 954 euros par mois (17).

De tels écarts existant depuis des générations et ne se résorbant que très lentement, cette réalité devrait perdurer encore longtemps, selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE) : « les pensions de droit direct des femmes de la génération 1965-1974 seraient encore inférieures de 32 % à celles de leurs homologues masculins et ce, sans compter les facteurs pénalisants que constituent le travail à temps partiel, les formes particulières d’emploi, le risque de chômage ou d’interruption d’activité auxquels les femmes demeurent plus exposées… À l’horizon 2040, les pensions de retraite globale des femmes âgées de 65 à 69 ans seraient encore inférieures d’un quart à celles des hommes » (18).

Certes, diverses projections sur les durées d’assurance montrent une diminution des écarts de pension entre hommes et femmes au fil des générations car les générations féminines d’après guerre auront travaillé davantage et auront le plus souvent des carrières complètes. Mais nombre de femmes dont les emplois auront été précaires, sous-payés, à temps partiel, en horaires décalés, avec des interruptions pour élever les enfants ou pour cause de chômage, disposeront de très petites retraites dont le montant ne sera pas suffisant pour prendre en charge financièrement leur perte d’autonomie. Selon M. Jean-Michel Houriez, responsable des études du Conseil d’orientation des retraites (COR), « la progression du travail à temps partiel et le chômage sont venus annuler les effets de la hausse du taux d’activité féminin. Si l’activité féminine progresse régulièrement, celle du taux en équivalent temps plein (ETP) stagne à partir de la génération 1955 » (19).

C’est notamment pour prévenir cette paupérisation des femmes travaillant à temps partiel, que la Délégation rappelle incessamment l’indispensable information des salariées qui choisissent de travailler à temps partiel sur les conséquences à long terme de leur choix (20).

2. L’accroissement de la précarité des femmes âgées, un facteur d’isolement

La précarité grandissante des femmes âgées est un fait statistiquement mesuré (a) que dénoncent inlassablement les diverses associations qui œuvrent dans le domaine de la solidarité envers les personnes vulnérables (b).

a) Une pauvreté statistiquement démontrée

Dans une enquête de 2008 sur les revenus fiscaux et sociaux, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) indique que les situations de pauvreté – soit les personnes percevant moins de 60 % du revenu médian – augmentent avec l’âge de façon inégale entre les femmes et les hommes atteignant un taux de 73,7 % parmi les femmes de plus de 75 ans.

Répartition des femmes et des hommes vivant sous le seuil de pauvreté
selon l’âge en 2008

De même, une comparaison du niveau de vie moyen des femmes et des hommes de plus de 65 ans entre 2000 et 2004, établie en 2008 par le COR, précise que le taux de pauvreté des veuves âgées de plus de 65 ans et vivant seules en 2004 (13,5 %), était supérieur à celui de l’ensemble de la population française (11,7 %). Ce constat peut d’ailleurs être étendu à l’ensemble des femmes âgées vivant seules.

Les statistiques portant sur l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) comptent 57 % de femmes parmi les bénéficiaires de l’allocation en 2009 (21).

Répartition des allocataires de minima sociaux
selon le sexe en 2009

Enfin, une étude portant sur les parcours des femmes âgées en situation de pauvreté, citée par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, cite les différents handicaps que cumulent le plus souvent les femmes : une faible retraite, des difficultés à se loger dans un logement décent et à s’alimenter convenablement, un désinvestissement de leur santé, un isolement. Apparaît alors une « figure inhabituelle, celle de la vieille femme seule, «sans le sou», exposée aux carences affectives et exclue des apports culturels, image qui, il faut bien l’admettre, contraste avec la caricature médiatisée des jeunes seniors pleinement insérés et dynamiques » (22).

b) Une situation régulièrement dénoncée

Au cours de son audition, le Secours catholique a témoigné de la pauvreté accrue des femmes: sur 1 million et demi de personnes accompagnées en 2009, la part des femmes vivant seules en situation de précarité s’élevait à 41 %, soit 6 femmes sur 10. Confronté au vieillissement de la population, le Secours catholique remarque à cet égard que les personnes ayant été dans une situation précaire pendant leur période d’activité le sont d’autant plus à la retraite ; il souligne par ailleurs qu’à côté de la pauvreté matérielle, il existe une pauvreté relationnelle, ressentie plus fortement en milieu rural, notamment à cause des difficultés de déplacement.

Un constat similaire a été établi par le Secours populaire lors de son audition. Parmi les 2,08 millions de personnes en difficulté qu’il a accueillies en 2009 (23), on compte de nombreuses travailleuses pauvres, qui travaillent à temps partiel, occupent des emplois précaires ou ont des contrats aidés. Ce public est depuis peu, rejoint par de multiples personnes âgées et retraitées en difficulté, mais pour tous les types d’aide, 72 % des demandeurs sont des femmes (24).

Témoignages extraits de l’ouvrage « Porte-voix de la pauvreté », octobre 2010

Adélaïde, 63 ans (Paris) : Je vis en HLM depuis 30 ans. Je n’ai plus les moyens de faire des travaux et mon logement se délabre de plus en plus. Le responsable de l’habitat a l’air de s’en moquer, c’est dommage… J’ai 63 ans et le Secours populaire me vient en aide depuis trois ans, heureusement qu’ils sont là, car cette aide alimentaire m’est précieuse. L’automne de ma vie n’est pas du tout comme je l’avais rêvé. Je ressens une grande solitude, un grand découragement et mon seul espoir, c’est de mourir dans mon sommeil.

B., retraitée (Puy-de-Dôme) : Après avoir travaillé 40 ans de ma vie, je me retrouve avec une pension insuffisante pour vivre et c’est vraiment désolant. Lorsque les factures sont réglées, il ne reste plus qu’à se priver de beaucoup de choses comme un petit restaurant de temps en temps ou quelques jours de vacances. Heureusement, grâce au Secours populaire, j’ai pu partir au bord de la mer et j’en étais ravie. Je suis également bénévole et je vois des personnes bien plus en détresse que moi. Je crois que c’est très dur de se décider à pousser la porte d’une association, mais il faut passer outre et rester digne malgré tout.

La Fondation de France pour sa part explique comment la précarité augmente l’isolement lié à la dépendance. De fait, les personnes en situation de dépendance ayant des revenus inférieurs à 1 000 euros par mois sont deux fois plus exposées à l’isolement (25) que celles ayant des revenus supérieurs à 2 500 euros. Les personnes les plus touchées par ce phénomène sont âgées de plus de 75 ans (16 % contre 9 % en moyenne pour les autres catégories d’âge). Par ailleurs, la Fondation observe qu’une partie de la population âgée est fortement dépendante des intervenants à leur domicile, soulignant ainsi la précarité du lien social. « Pour une partie de la population âgée dépendante, les réseaux amicaux ou familiaux cèdent le pas aux réseaux d’aide et de maintien à domicile Cette substitution est parfois insatisfaisante pour les personnes âgées notamment parce que leur capacité à pallier l’absence d’autres réseaux (familiaux, amicaux) reste suspendue à la possibilité de nouer des liens « d’intimité » avec les professionnels intervenant à domicile (professionnels que les personnes n’ont pas choisis) » (26).

3. Le financement de leur dépendance par les femmes : des restes à charge financiers pesants

Pour compenser leur perte d’autonomie, les personnes âgées – et leurs familles – doivent souvent assumer des coûts importants : dépenses de santé liées aux diverses pathologies responsables de l’état de dépendance, rémunération des aides à domicile, frais d’hébergement dans un établissement, etc. (27).

Quelques exemples de coûts moyens du maintien à domicile

- Aide à domicile à mi-temps, cinq jours par semaine au minimum = de 850 euros à 900 euros/mois ;

- Service à domicile 24h/24 = 6 000 euros/mois ;

- Reste à charge en réponse à une situation de grande dépendance (GIR 2) bénéficiant de 2 heures d’aides à la personne par jour =.

* 136 euros/mois si le revenu est inférieur à 695 euros/mois ;

* 363 euros/mois si le revenu atteint 1 207 euros

* 690 euros/mois si le revenu atteint 1 810 euros

- Reste à charge d’une entrée en institution = 2 200 euros/mois en moyenne

Source : Délégation aux droits des femmes à partir d’éléments d’information recueillis auprès des personnes entendues et Étude socio-économique 2010 de l’Association France Alzheimer

Si différentes aides publiques ont été mises en place afin de soulager financièrement les intéressés, elles ne sont d’aucun bénéfice pour les personnes qui, appartenant aux classes moyennes, disposent d’un revenu insuffisant pour prendre en charge la dépendance – notamment lorsque la personne âgée doit être hébergée en établissement. Ces personnes se situent en effet dans le bas d’une courbe dite « courbe en U » symbolisant le fait que d’une part, elles ne bénéficient pas véritablement des diverses déductions fiscales qui, liées directement ou indirectement à la dépendance, profitent aux personnes acquittant un impôt sur le revenu plus important que le leur et que d’autre part, elles ne reçoivent qu’un faible montant d’aides publiques, ces aides étant dégressives en fonction des revenus.

*

* *

Si la dépendance est bien au premier chef un problème touchant principalement les femmes, sa prise en charge sur le plan humain est tout autant une affaire de femmes.

II. – LES INÉGALITÉS DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DÉPENDANCE

Rester le plus longtemps possible à son domicile est le souhait exprimé par une très grande partie de l’opinion publique lorsqu’elle est interrogée sur la façon dont elle envisage de vivre les années du grand âge. Le maintien à domicile constitue un des objectifs du Gouvernement annoncés au moment du lancement du débat sur la réforme de la dépendance. Par conséquent, ainsi que l’a affirmé à la Délégation Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités et de la cohésion sociale (28), les conditions d’un véritable « libre choix » entre le maintien à domicile et l’entrée en établissement d’hébergement pour personnes âgées doivent être garanties aux familles.

Or le maintien à domicile repose sur les épaules des femmes à travers leur rôle, souvent contraint, d’aidantes familiales (A), de professionnelles de l’aide aux personnes dépendantes (B), et mêmes de bénévoles (C).

A. L’AIDANT FAMILIAL : UNE TÂCHE DÉVOLUE AUX FEMMES

Le recours aux aidants familiaux et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans l’accomplissement de leur tâche relèvent de la sphère privée et ne font l’objet d’un débat public que lorsque les problèmes surgissent, comme pendant la canicule de 2003. Alors, la solidarité familiale, dont certains pensent qu’elle se délite lentement, est rappelée à tout un chacun par les pouvoirs publics qui n’encouragent pourtant guère son développement.

1. Des solidarités familiales inégales

a) Le rôle indispensable de l’aidant

Près de 4 millions de femmes et d’hommes non professionnels (29) accompagnent gratuitement une personne malade, âgée ou handicapée de leur entourage familial sans y avoir été formés. Appelés aidants informels ou familiaux ou encore, « naturels », ils se situent majoritairement au sein de la « génération pivot » des 45 à 64 ans, laquelle soutient simultanément ses enfants, ses petits-enfants et ses parents (53,9 % des aidants ayant au moins un enfant à charge) (30).

Le volume d’heures d’aide apporté par les aidants représente deux à trois fois celui de l’aide professionnelle car leur domaine d’intervention est plus large : il comprend non seulement les activités de la vie quotidienne – repas, hygiène, tâches ménagères – mais aussi un soutien moral. La valeur de cette aide informelle non rémunérée a fait l’objet de peu d’études mais a été récemment estimée à 8 milliards d’euros (31). À titre de comparaison, le Royaume-Uni l’a, quant à lui, évaluée en 2007 à environ 104,4 milliards d’euros, ce qui représente près de 7 % de plus que la somme des dépenses publiques engagées dans ce domaine (soit 98,05 milliards d’euros (32)).

b) Les aidants sont des aidantes

Une comparaison entre le soin apporté aux personnes âgées dépendantes et le soin apporté aux enfants amène à constater que les tâches, travaux domestiques et soins du corps, reviennent majoritairement – et même traditionnellement – aux femmes. De fait, elles constituent 54 % des aidants familiaux. Mais quand la perte d’autonomie d’un ascendant s’aggrave ou devient psychique et que les soins sont plus contraignants (les soins au corps notamment), elles passent à 74 % des aidants (33).

Les hommes aidants accomplissent de préférence certaines tâches matérielles comme gérer les dossiers administratifs, faire les courses. Ils assument cependant dans sa totalité le rôle d’aidants, lorsque leur conjointe perd son autonomie ou si, fils uniques, ils n’ont pas de femme. Ils ont plus facilement recours, quand leurs ressources le leur permettent, à des professionnels spécialisés pour la prise en charge d’une dépendance plus lourde. Au contraire, les aidantes retardent voire écartent une telle solution car elles la vivent comme une incapacité à assurer elles-mêmes l’accompagnement de leurs parents âgés.

La vie quotidienne personnelle des aidant(e)s est difficile et a un impact certain sur leur santé. Ils sont coupés de la scène sociale, ne sortent plus, ne reçoivent plus, ne partent plus en vacances, arrêtent souvent de travailler ou travaillent à temps partiel. À cela s’ajoute une confusion des rôles : aidant, on n’en est pas moins fille/fils ou belle-fille/gendre du père ou de la mère que l’on soutient ; cette confusion entraîne une souffrance psychique et engendre des problèmes de sommeil, de nourriture de dépression. Enfin, l’accompagnement d’un ascendant peut également parfois amener certains couples à se séparer; les conjoints ne supportant plus l’implication de l’autre et ses absences régulières.

2. Des solidarités familiales inégales

Le prix à payer face à la perte d’autonomie d’un proche dépend de l’état de dépendance de la personne âgée mais surtout des ressources familiales. Ce prix est plus élevé pour les groupes sociaux dont les revenus sont les plus faibles. Dans ces milieux, faute de possibilités et de moyens financiers pour accéder aux services à domicile, les soins envers les plus dépendants sont le plus souvent relégués aux femmes de la famille.

Mme Simone Pennec, sociologue, maître de conférence à l’université de Bretagne occidentale écrivait notamment dans son étude Entre règles publiques et arrangements privés : le travail filial et la préservation des biens de famille : « Les données concernant les ascendants de catégories modestes montrent l’importance des déterminations sociales en jeu dans la prise en charge des ascendants par certains enfants. Elles montrent clairement l'assignation au soutien domestique des femmes dans les milieux sociaux où il s’avère indispensable de faire soi-même et bien plus difficile de faire faire. Dit autrement, à défaut de pouvoir payer une autre personne, généralement une autre femme, il faut payer de sa personne. » (34)

Et, elle réitère son propos dans son étude « Le soin au grand âge : des solidarités pratiques entre inégalités familiales et précariat professionnel » : « Ces situations imposent à une partie des mères âgées de faire appel aux services de la parenté, plutôt qu’aux services professionnels marchands, et à certains enfants de produire les activités de soutien pour suppléer les prestations collectives, pour les compléter ou pour éviter/retarder le paiement de frais d’hébergement. Cette dépendance économique forge la pauvreté d’une part des vieilles femmes et oblige plus durablement certains individus aux règles de solidarité faites aux membres de la parenté. » (35)

Or les milieux disposant de revenus faibles sont justement ceux où les personnes souffrent de handicaps plus nombreux (36) et plus lourds.

Ces inégalités des solidarités familiales au détriment des femmes se conjuguent avec les difficultés certaines qu’elles doivent affronter pour concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Lorsque les aidant(e)s sont des salarié(e)s, à leurs obligations professionnelles s’ajoutent en effet leurs obligations filiales, mais aussi conjugales et parentales.

3. La difficile conciliation des vies professionnelle et familiale 

Entre 25 et 49 ans, aux âges où les charges familiales sont les plus lourdes, plus de 80 % des femmes ont une activité professionnelle ou en recherchent une (le taux moyen d’activité des femmes entre 15 et 64 ans étant de 66,1 % contre 74,9 % pour les hommes). Et, il n’échappe à personne que « ce numéro d’équilibriste » (37) que constitue la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale leur revient majoritairement, en dépit des dispositifs mis en place par les pouvoirs publics pour aider les deux parents actifs à assumer leur rôle de parent et à choisir le mode de garde le plus adapté.

Par conséquent, pour s’occuper de leurs enfants, les femmes se trouvent contraintes le plus souvent d’arrêter leur travail, ou de travailler à temps partiel. (les femmes occupent 81,9 % des emplois à temps partiel (38)). En effet, ainsi que le note Mme Marie Duru-Bellat, le temps partiel « libère du temps... pour la famille et non pour la femme. Il constitue donc une façon de concilier emploi des femmes et division du travail entre les sexes et consacre la priorité que les femmes, de fait, doivent donner à leur famille et partant le caractère secondaire, contingent, de leur emploi par rapport aux contraintes de leur rôle familial » (39).

Le soin à l’égard des parents âgés entre, de la même façon mais à des périodes de vie plus tardives, dans cette nécessité d’articuler la vie professionnelle et la vie familiale. Ce soin est, on l’a vu, majoritairement assuré par les femmes de la famille mais ces dernières exercent de plus en plus souvent une activité professionnelle – à 50 ans et plus, le taux d’activité des femmes est de 55,5 % -, et elles sont bien souvent obligées de s’occuper simultanément de plusieurs générations, même si elles accordent une plus grande priorité à leurs descendants qu’à leurs ascendants.

Bien davantage que les hommes, ces femmes actives utilisent le temps « libéré » par les 35 heures pour soutenir leur famille plutôt que pour s’offrir du repos ou des loisirs mais cette différence genrée de l’utilisation des réductions du temps de travail (RTT) n’est pas souvent soulignée… Néanmoins, avec Mme Simone Pennec, précitée, il convient de s’interroger sur « la pérennité des accommodements instables élaborés par la famille pluri-générationnelle, et par les femmes, pour assurer les soins et soutiens des uns et des autres ». Et, de fait, il est nécessaire de constater que :

– l’évolution du nombre des aidants est désormais remise en question en raison d’une mobilité et d’un éloignement géographiques accrus des enfants, qui ne vivent donc plus ni ne travaillent plus à proximité de leurs parents. On se souvient des problèmes apparus lors de la canicule de 2003 pendant laquelle des personnes âgées sont mortes non seulement à cause de la chaleur mais aussi de la solitude ;

– les nouvelles configurations familiales ont également des conséquences qui n’ont pas encore été mesurées. L’augmentation des situations nouvelles de conjugalité - les PACS, les divorces et séparations concernaient peu, voire pas du tout, la génération des femmes actuellement dépendantes – et les recompositions familiales qui en découlent auront sans aucun doute pour incidence une hausse du nombre de personnes seules parmi les personnes âgées dépendantes, une baisse du nombre des aidants familiaux et une redistribution des rôles des uns et des autres ;

– les femmes seniors font preuve d’une moins grande disponibilité envers leurs parents préférant s’occuper de leurs petits-enfants ou arrière-petits-enfants ou, quand elles disposent de revenus suffisants, sortir ou voyager.

En conséquence, en se basant sur les travaux de l’INSEE, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) (40) prévoit que le nombre des aidants familiaux diminuerait très fortement d’ici 2040. De nombreux emplois à domicile devront donc être progressivement créés.

B. L’EMPLOI À DOMICILE : L’ÉVOLUTION NÉCESSAIRE DES CONDITIONS D’EMPLOI D’UNE MAIN D’œUVRE FÉMININE PRÉCAIRE ET À TEMPS TRÈS PARTIEL

Le développement des emplois à la personne est récent. «  Les services à la personne, ça vous change la vie » annonce en 2011 l’agence nationale des services à la personne créée dans le cadre de la loi dite « Borloo » (41). Aujourd’hui, ces services qui sont majoritairement utilisés par les milieux les plus aisés pour y transférer leurs tâches domestiques et familiales, se caractérisent par un taux d’emploi très féminin et par des conditions de travail difficiles.

1. Les raisons de la féminisation extrême des services à domicile

Dans son rapport d’information sur son activité au cours de la période juillet 2007 à novembre 2008, la Délégation soulignait que « l’entrée massive des femmes dans le marché du travail s’est accompagnée d’une ségrégation professionnelle considérable et n’a pas enrayé le mécanisme traditionnel de concentration des emplois féminins, voire l’a accentué (42) ». Et pour réaliser une égalité effective des femmes et des hommes, elle citait la Commission européenne (43: « La surreprésentation des femmes dans l'emploi précaire est d'abord imputable à l'orientation scolaire des filles et à la permanence de stéréotypes intériorisés tant par les filles que par les garçons. Délaissant les emplois réputés masculins au profit d'emplois réputés féminins, les filles s'orientent ou sont orientées vers des filières moins rentables les plaçant dans des situations plus instables. »

Ces constats restent d’actualité en ce qui concerne le travail à domicile. Considérés comme un travail d’appoint - les durées du travail sont comprises entre 10 et 20 heures hebdomadaires -, ne proposant pas les conditions d’un investissement de longue durée et mal rémunérés - les salaires sont peu élevés et variables d’un mois à l’autre (44) -, les métiers de ce secteur sont quasi exclusivement occupés par des femmes qui, après avoir consacré leur temps en priorité à leur famille (enfants et/ou ascendants), cherchent à se réinsérer. Les compétences qu’elles ont acquises ne sont ni reconnues ni validées et ne se traduisent pas plus dans les salaires que dans les déroulements de carrière, d’autant qu’elles sont faiblement diplômées (45). Ces femmes sont de plus en plus souvent rejointes par des femmes d’origine étrangère, souvent peu formées, voire illettrées (46).

Contrairement à l’idée – qui a progressé lentement dans l’opinion publique - que le soin et la garde des enfants par d’autres personnes que leurs parents constituent un travail à part entière qui suppose une qualification et un salaire appropriés, le travail polyvalent auprès des personnes âgées (aide à la vie quotidienne et soins) n’a pas reçu cette même reconnaissance et reste considéré comme un travail « de femmes ». Et les familles sont d’autant moins incitées à le rétribuer à sa juste valeur qu’elles ont l’impression qu’il pourrait être réalisé bénévolement. Ainsi on constate un écart entre la valeur économique du service rendu et ce que les familles sont prêtes à payer, quand elles le peuvent.

Mais, le recrutement de travailleurs à domicile commence à devenir difficile en raison de la non attractivité de ces professions qui, outre la faiblesse de leurs rémunérations, rendent plus aiguës les difficultés d’articulation entre vie professionnelle et vie familiale en raison de temps de travail imprévisibles : en fonction de l’état de santé des personnes accompagnées, ce temps est souvent fragmenté entre plusieurs personnes et plusieurs lieux, composé de petites séquences d’une heure ou deux, d’horaires atypiques, de nuit ou durant le week-end (47 % de ces salariés travaillent le samedi et 26 % le dimanche (47)) ou tôt le matin et tard le soir.

2. Les prémices d’une revalorisation des métiers à domicile

Conscients des enjeux économiques et sociaux que représentent les services à domicile, le Gouvernement accompagne les partenaires sociaux et les professionnels du secteur dans leur démarche actuelle de revalorisation de leur activité.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités et de la cohésion sociale s’est ainsi félicitée devant la Délégation (48) de l’élaboration actuelle d’une convention collective de branche des services à la personne qui uniformise les diverses conventions collectives précédentes et tente de rendre moins précaires les conditions de travail des salarié(e)s du secteur : mise en place d’une complémentaire santé, meilleure prise en compte de l’ancienneté, augmentation de la rémunération des heures en soirée ou le week-end, prise en compte des temps de concertation ou de synthèse dans le temps de travail effectif, etc.

Les actions de formation qualifiante étant limitées en raison de leur coût pour les petites structures et des difficultés à mettre en place un remplacement des personnels concernés, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) participe au développement de formations ou aux validations des acquis de l’expérience (VAE) des salarié(e)s du secteur. Elle a ainsi signé des conventions avec différents acteurs du champ professionnel, et notamment avec les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Il s’ensuit un véritable relèvement du niveau de qualification puisqu’en 2008, 40 % des intervenant(e)s avaient un diplôme d’études sanitaires et sociales ainsi qu’un relèvement des salaires de 5% pour les titulaires d’un diplôme d’auxiliaire de vie sociale (DEAVS).

Par ailleurs, s’interrogeant devant la Délégation sur les raisons pour lesquelles le secteur du soin à domicile devrait être le seul où il n’y a pas de formation et de VAE, M. Laurent Hénart, député et président de l’Agence nationale des services à la personne (49) considère qu’il sera à terme inévitable de « faire tomber les barrières entre le sanitaire et le social » afin de donner aux femmes la possibilité de suivre des parcours de formation. Estimant que s’occuper d’une personne âgée constitue un véritable acquis professionnel pour un(e) auxiliaire de vie, il souhaite que prochainement cet acquis puisse être valorisé dans le cadre d’une formation ou d’une VAE et permette de devenir aide soignant(e) ou infirmièr(e).

Enfin, il doit être noté que la Commission nationale de la certification professionnelle s’est lancée dans un chantier de simplification des certifications de niveau V et d’identification de menus communs. Ce travail devrait poser les bases d’une nécessaire fluidification des parcours.

Si des politiques ambitieuses de formation professionnelle et de valorisation des parcours des professionnelles de l’aide à domicile doivent être encouragées, il doit être rappelé qu’elles ont des conséquences sur les niveaux de rémunération, créant des obligations salariales plus importantes pour les employeurs particuliers ou associatifs qui n’ont pas toujours les moyens de les assurer. Dans le cas des associations, cette difficulté s’ajoute à la concurrence du secteur marchand à laquelle elles doivent faire face.

Ces problèmes que rencontrent divers organismes intervenant dans le secteur des soins à domicile – qui pour certains ont abouti à des dépôts de bilan – ont incité le Gouvernement à confier à Mme Bérengère Poletti, députée des Ardennes et vice-présidente de la Délégation, une mission parlementaire ayant pour objectif d'évaluer les difficultés des services d'aide à domicile agréés et autorisés, et d'élaborer rapidement des mesures en réponse à ces difficultés dont elle a présenté les premiers enseignements et recommandations à la Délégation, le 18 octobre 2011.

C. LE BÉNÉVOLAT AUPRÈS DES PERSONNES ÂGÉES EN TRÈS GRANDE DÉPENDANCE : UNE MAJORITÉ DE FEMMES

Le travail des associations dans le domaine social et humanitaire est incontournable en particulier dans les services gériatriques et ceux dédiés à la fin de vie, alors que les bénévoles n’y sont pas assez nombreux.

1. L’indispensable présence des bénévoles

L’importance de l’accompagnement des bénévoles auprès des personnes âgées dépendantes a été reconnue par le Programme de développement des soins palliatifs (2008-2012) au travers de mesures relatives à leur formation (50). Pourtant, aujourd’hui encore, le recrutement de bénévoles pour accompagner des personnes âgées s’effectue difficilement ce qui s’explique, selon les différents représentants d’associations de soins palliatifs entendus par la Délégation, par le regard que la société porte sur la personne âgée et par le peu d’inclination que nous avons tous à nous projeter dans ce qui risque de nous arriver. Les bénévoles préfèrent procurer des soins palliatifs ou des soins aux enfants.

Selon divers témoignages recueillis par la Délégation, pour nombre de gens, le bénévolat en soins palliatifs dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne serait pas vraiment de l’accompagnement mais plutôt des « visites à des vieilles dames qui s’ennuient ». Un bon bénévole serait dans un « vrai » hôpital, avec de « vrais malades » - tels des malades cancéreux en phase terminale -, et pas dans un EHPAD avec des vieilles dames démentes.

Pourtant, l’action des bénévoles auprès des personnes âgées, revêt deux fonctions essentielles (51) : celle de redonner du sens au travail ingrat, peu reconnu et mal payé des soignants qui n’ont pas assez de temps pour se consacrer suffisamment aux malades ou pour participer à des sessions de formation continue portant sur les soins palliatifs ; et celle de soulager les familles, souvent prises dans une ambivalence entre chagrin, culpabilité et envie d’abandonner.

Le rôle des bénévoles s’effectue en complémentarité de celui des aides soignants mais ne doit cependant pas masquer l’insuffisance de personnel et de moyens de ces unités pour personnes âgées, unanimement dénoncée par les différents bénévoles entendus par la Délégation. De même, les manques de formation des jeunes aides-soignants les laissent souvent démunis face aux situations qu’ils rencontrent et notamment face aux malades Alzheimer.

2. Les bénévolats féminins et masculins sont contrastés.

Bien que les hommes soient plus nombreux à s’engager dans la vie associative (45 % contre 40 % de femmes), ils ne s’orientent pas vers les mêmes secteurs que les femmes. Ces dernières sont majoritairement présentes dans les activités éducatives ou religieuses et dans l'action sociale, caritative et humanitaire. À titre d’exemple, il peut être constaté que les femmes représentent 60 % des 80 000 bénévoles du Secours populaire et 80 % des 60 000 bénévoles du Secours catholique.

TAUX D’ADHÉSION SELON L’ÂGE ET LE SEXE POUR CERTAINS TYPES D’ASSOCIATIONS EN 2008
(Champs : France métropolitaine)

 

Ensemble

Action sanitaire et sociale ou humanitaire et caritative

Sport

Culture

Loisirs

Défense de droits et d’intérêts communs

Clubs de 3e âge de loisirs pour personnes âgées *

Syndicat, groupement profes-
sionnel

Sexe

               

Hommes

35,6

3,5

15,4

5,5

5,0

2,2

8,3

8,1

Femmes

29,9

4,6

9,5

6,3

4,5

2,7

10,7

6,5

Âges

               

16-24 ans

26,3

2,1

17,1

4,6

2,7

0,7

--

1,9

25-39 ans

32,7

3,4

14,1

5,4

3,2

3,3

--

8,6

40-59 ans

34,4

4,0

12,7

6,0

5,0

3,0

--

11,8

60-74 ans

36,9

6,9

10,7

8,7

7,9

2,3

7,3

2,6

75 ans et +

27,6

3,4

4,0

3,6

4,5

1,5

13,6

1,7

Ensemble

32,6

4,1

12,3

5,9

4,7

2,5

9,6

7,3

Source : Enquête SRCV-SILC 2008

* personnes dont l’âge est strictement supérieur à 59 ans

En matière de bénévolat auprès des personnes en fin de vie, l’ASP fondatrice, très présente dans les services de gérontologie et de soins palliatifs des hôpitaux et des EHPAD, est particulièrement féminisée, puisqu’elle ne compte que 20 % d’hommes parmi ses 240 bénévoles. À ce sujet, il faut noter que les quelques hommes qui, au sein des associations travaillent dans le secteur palliatif, ne se retrouvent qu’aux postes de direction et d’encadrement.

Un exemple de la composition des équipes de bénévolat est donné par une enquête réalisée en mai/juin 2009 par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Elle dresse ainsi le portrait-robot de la bénévole d’accompagnement : c’est une femme (82 %), mariée avec enfants (85 %) et petits-enfants (60 %), âgée de 50 à 59 ans (67 %), habitant en zone urbaine (64 %), retraitée ou préretraitée (60 %).

III. – LES RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION

Prenant acte des déclarations de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités et de la cohésion sociale (52) selon lesquelles la réforme de la dépendance se poursuit même si les mesures financières les plus lourdes ont dû être reportées, la Délégation souhaite apporter sa contribution à la définition de cette nouvelle politique. Sans vouloir se prononcer sur les aspects financiers de la prise en charge de la dépendance, elle affirme néanmoins son attachement au maintien du principe de la solidarité nationale et à une plus juste attribution des prestations et des aides, notamment en direction des classes moyennes.

Les propositions de la Délégation ne prétendent pas répondre à elles seules aux multiples enjeux de la prise en charge de la dépendance ni régler toutes les inégalités rencontrées par les femmes et que dénonce le présent rapport. Ayant essentiellement pour objet d’améliorer la situation des femmes, qu’elles soient en charge de la perte d’autonomie de personnes âgées ou qu’elles soient elles-mêmes atteintes par la dépendance, ses propositions, loin d’exclure les hommes de leur champ d’application, apportent diverses améliorations à leur propre statut d’accompagnant ou de personne dépendante.

En tout état de cause la Délégation se montrera très attentive aux mesures qui seront proposées ou adoptées dans l’avenir et à la juste place que réservera l’État à la solidarité familiale : elle veillera à ne pas faire peser l’entière responsabilité des situations de dépendance sur les seules familles ni à substituer à une nécessaire solidarité familiale, la solidarité nationale.

1. Mener de grandes campagnes de sensibilisation

a) Mettre en garde nos concitoyens sur les coûts des pertes d’autonomie

Il convient de susciter une prise de conscience de l’opinion publique sur les coûts d’un maintien à domicile et sur les sacrifices financiers que les restes à charge du traitement de la dépendance feront peser sur certaines familles, et plus précisément sur les femmes retraitées dont en moyenne, les pensions se montent à 877 euros par mois.

b) Changer le regard porté par la société sur la vieillesse 

La lutte contre une certaine discrimination fondée sur l'âge au sein d’une société qui ne « doit » pas vieillir et plus particulièrement contre la représentation dégradée, négative de la vieille femme, paraît indispensable. Car vieillir ne signifie pas forcément être dépendant, ne servir à rien et coûter cher. Afin de chasser l’idée que les personnes âgées sont une charge, il faut promouvoir une vision dynamique du vieillissement, il faut expliquer la place et le rôle des personnes âgées comme responsables de la solidarité intergénérationnelle - à travers leur rôle de grands-parents ou d’aidants familiaux -, et acteurs du transfert des savoir-faire ou de la transmission d’une histoire familiale. Il faut montrer que les personnes âgées sont des éléments essentiels de notre société qui s’engagent massivement dans le bénévolat ou dans la vie de la cité, soutiennent, y compris financièrement, les associations caritatives et créent de nombreux emplois pour le seul maintien de leur autonomie.

À titre d’exemple, un plus grand retentissement pourrait par exemple être donné à certains événements tels que la « semaine bleue », semaine nationale des retraités et personnes âgées, dont le but est d’informer et de sensibiliser l’opinion publique à la fois sur la contribution des retraités à la vie économique, sociale, culturelle et sur les difficultés rencontrées par les personnes âgées. De même, une campagne d’information sur le service civique pourrait prôner les vertus d’un engagement citoyen auprès des personnes âgées : que ce soit dans le cadre d'une association ou d’une fondation, ou auprès d’une collectivité locale ou d'un établissement public, de très nombreuses missions de 6 à 12 mois, très variées, permettent à des jeunes gens de mener des actions de solidarité ou de proximité à travers toute la France (53).

Le rôle de l’école ne doit pas être oublié par le biais des programmes d’éducation civique. Mais, l’école peut également favoriser des rencontres entre ses élèves et des personnes âgées : nombre de ces échanges intergénérationnels sont d’ores et déjà mis en place à l’initiative de la plupart des associations caritatives (54).

2. Partager les droits à la retraite

Lorsque dans un couple, l’un des conjoints a interrompu son activité professionnelle – ou n’en a pas exercé – pour élever leurs enfants, il cesse de cotiser pour ses droits à retraite et se retrouvera ultérieurement avec une pension de droits propres très insuffisante, voire inexistante.

En cas de divorce, ces mères – dans la majorité des cas – et pères de famille se retrouveront au moment de leur retraite dans une situation matérielle difficile. Certes, leur petite pension de droits propres pourra être augmentée d’une prestation compensatoire accordée au moment du divorce (55) mais « cette possibilité s’avère, dans les faits, insuffisante à garantir un véritable partage des droits à la retraite qui viendrait compenser le fait que l’un des conjoints n’a pas exercé, ou a cessé d’exercer pendant la durée du mariage une activité professionnelle pour s’occuper de l’éducation des enfants du couple » (56).

Cette inégalité des situations des deux parents deviendra en outre dramatique si l’intéressée doit seul(e) assumer et financer une perte progressive de son autonomie. C’est pourquoi, il conviendrait de reprendre la recommandation adoptée par la Délégation (57), lors de la réforme des retraites en 2010, et décider de mettre systématiquement en œuvre un partage des droits à la retraite entre ex-conjoints en cas de divorce afin que celui qui a interrompu son activité professionnelle ou n’en a pas exercé pour élever des enfants, ait droit à une partie des droits à la retraite de son ex-conjoint pour compenser les conséquences de cette période d’inactivité tant que le droit à réversion n’est pas ouvert.

3. Mieux diffuser l’information en direction des personnes âgées et des familles

a) Utiliser davantage les nouvelles technologies

Il existe peu de sites Internet dédiés à l’information exhaustive des familles et des personnes âgées sur les services offerts et leur coût et proposer comme le font, depuis plus de 10 ans, Âge village et Âge village pro (58), ou plus récemment le portail du ministère de la solidarité et de la cohésion sociale  (59).

Pour soulager les personnes âgées et leur entourage, des supports DVD de qualité, facilement disponibles, devraient être édités afin de les familiariser ou de les former sur un sujet particulier en répondant à leurs multiples questions, à l’exemple du DVD sur la maladie d’Alzheimer proposé par Âge village à l’attention des aidants familiaux.

Il est souhaitable de faciliter l’accès aux nouvelles technologies des seniors tant pour leurs démarches administratives (paiement des factures EDF en ligne, promotions de la SNCF, etc.) que pour leur permettre de s’ouvrir aux échanges sociaux par Internet.

Des lieux d’information informatique – ainsi qu’un numéro d’appel unique d’assistance et d’information - pourraient être mis en place afin d’offrir aux personnes âgées un environnement informatique et des ateliers d’initiation (accès Internet, messagerie électronique) ; ces lieux pourraient également s’ouvrir à titre accessoire aux foyers dont les revenus modestes ne leur permettent pas de disposer d’un matériel informatique.

b) Généraliser les expériences de guichet unique d’information

La structure « Tout sous un même toit » présentée devant la Délégation par l’Association Notre-Dame de Bon Secours est un des douze sites sélectionnés comme modèles de guichet unique d’information dans le cadre du Plan Alzheimer 2008-2012. Elle se définit comme un espace d’accueil, d’écoute, d’orientation et d’accompagnement des malades d’Alzheimer et de leurs aidants, familiaux, bénévoles et professionnels. Le but poursuivi est de regrouper les différentes structures intervenant auprès des malades ou de leurs familles en un même endroit, afin de faciliter les démarches des uns et des autres.

Dans le dispositif expérimental « Tout sous un même toit », une assistante sociale et une psychologue dressent un bilan et un profil psychologique du malade puis l’envoient soit vers un référent médico-social soit vers un gestionnaire de cas, si sa situation est complexe (Alzheimer majoré, difficultés médicales, psychologiques ou sociales). Le gestionnaire de cas offre un accompagnement proche du malade : il ne prend pas plus de 40 dossiers par an, peut visiter les malades à domicile et fait le lien entre tous les spécialistes médicaux.

4. Prévenir les états de dépendance des femmes

La perte d’autonomie n’étant pas un état pathologique en soi mais la conséquence des séquelles de certains troubles ou de certaines maladies, il paraît évident qu’en développant le dépistage et le traitement précoce de ces pathologies les personnes âgées, et notamment les femmes qui sont spécifiquement atteintes par certaines maladies, retarderont leur entrée dans la dépendance.

a) Instaurer un bilan médical systématique des seniors

Une consultation médicale gratuite et obligatoire de prévention comprenant un bilan médical doit être proposée à toute personne demandant la liquidation de sa retraite ou sollicitant une allocation de solidarité aux personnes âgées.

b) Développer les centres multidisciplinaires de consultation en gérontologie

Dans un lieu unique et bien identifié, les seniors doivent avoir la possibilité tout à la fois de trouver les appareillages dentaires, auditifs et visuels dont ils ont besoin, de se rendre à des consultations avec des psychologues, des podologues, des ophtalmologues - les maladies de l’œil cataracte, glaucome, dégénérescence maculaire sont fréquentes chez les personnes âgées – et de se faire prescrire un bilan cognitif, ou plus simplement des tests pour mesurer leur condition physique après 60 ans et adapter leurs activités à leur état.

Toutes ces mesures simples réduiraient considérablement les risques de dépendance (60) et par conséquent en réduiraient les coûts.

Le centre de gérontologie Anselme Payen à Paris (15ème) est ouvert à tous. Il propose des consultations médicales, des bilans de santé ainsi qu’un atelier mémoire. Ce centre est utile à la fois pour la population du quartier mais aussi pour les résidents de l’EHPAD situé à proximité, grâce à la diversité des spécialistes exerçant dans le centre et au prix modéré de leurs consultations.

c) Assurer la prise en charge des personnes âgées admises dans les services d’urgence par un gérontologue

40 % des personnes admises aux urgences sont âgées de plus de 80 ans, soit 5,6 millions de personnes selon un rapport de la Cour des comptes de 2006 laquelle constate : « Cette proportion traduit l’échec d’un suivi global adapté à leurs problèmes de santé en recommandant le développement des filières gériatriques. Le développement de ces filières pour lesquelles des moyens ont été dégagés dans le plan « Urgences » doit être accéléré ».

Le rapport sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes de Mme Rosso-Debord, précité, s’interrogeait sur la nécessité de ce recours aux urgences : « (Il) semble toutefois souvent davantage révéler des difficultés de prise en charge de la personne à domicile - insuffisance de l’anticipation des risques ou parfois épuisement de la famille qui ne voit que ce moyen pour s’octroyer un répit - ou en établissement d’hébergement - absence d’un médecin ou d’une infirmière pouvant intervenir. » De même, il soulignait la nécessité d’efforts particuliers d’accompagnement et d’aide de la personne au moment des retours au domicile : « Ces accompagnements doivent d’autant plus être encouragés et développés qu’ils évitent les cas onéreux de maintien abusif de la personne dans un service hospitalier, en attendant d’avoir trouvé la solution appropriée à son cas ».

Les patients âgés polypathologiques et fragiles admis aux urgences et nécessitant une hospitalisation de courte durée devraient de fait systématiquement soit être reçus dans un secteur d’hospitalisation de « post-urgence gériatrique » soit pris en charge par des unités mobiles de gériatrie.

d) Prendre en charge un dépistage de l'ostéoporose (61) chez les femmes ménopausées

Une ostéodensitométrie doit être proposée de façon systématique et régulière aux femmes ménopausées afin de prévenir l’apparition d’une ostéoporose, responsable, chaque année, en France, d'environ 150 000 fractures, notamment des vertèbres, du poignet et du col du fémur. S’intéressant plus particulièrement aux fractures de l’extrémité supérieure du fémur (FESF), la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a établi que les séjours hospitaliers de patients âgés de 55 ans ou plus victimes d’un tel accident - dont les trois-quarts sont des femmes - étaient passés de 77 300 en 2007 (62) à 79 200 en 2009 (63). Elles devraient concerner près de 150 000 personnes en 2050 (64).

La DREES estime à 475 millions d’euros (en 2009) le seul coût des soins aigus de cette pathologie sur la base des tarifs des séjours et des honoraires remboursés aux chirurgiens et médecins anesthésistes libéraux. Elle note que pour approcher le coût complet, il faudrait ajouter le coût du matériel implanté (prothèses et matériel d’ostéosynthèse) qui est variable selon les marchés, ainsi que celui des soins de suite et de réadaptation et les charges médico-sociales induites.

D’après les informations recueillies par la Délégation, le coût total moyen actuel d’une hospitalisation pour une fracture du col du fémur peut être estimé à 16 000 euros. En comparaison, on peut relever qu’un dépistage systématique de l’ostéoporose, à un âge à fixer avec les spécialistes de cette maladie, s’élève à 40 euros, ce qui est le tarif de responsabilité de la sécurité sociale. Le coût global d’une mesure systématique de dépistage pourrait ainsi s’élever annuellement à environ 80 millions d’euros (calcul prenant en compte 2 millions de personnes, soit près de la moitié du nombre de femmes âgées de 60 à 74 ans (65)). Ce chiffre peut paraître élevé, mais il ne l’est pas si on le compare avec le coût annuel de l’hospitalisation pour les fractures du col du fémur (coût devant s’élever à environ 1 milliard d’euros, si l’on applique mécaniquement l’hypothèse du montant de l’hospitalisation retenu, 16 000 euros, à environ 77 000 patients atteints d’une fracture du col du fémur), un coût considérable que le dépistage ferait naturellement diminuer.

Le Groupe de Recherche et d'Information sur les Ostéoporoses (GRIO) rappelait, à l'occasion de la Journée Mondiale contre l'Ostéoporose, en 2009, que 8 femmes sur 10 n'ont actuellement procédé à aucune exploration, et ne suivent donc aucun traitement, notamment après une première fracture de fragilité.

e) Permettre des diagnostics plus précoces de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées

La maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées étant une cause majeure de dépendance (66), il est indispensable de favoriser leur diagnostic précoce et de former par des modules de formation initiale et continue les médecins généralistes à leur dépistage. Le rôle majeur des médecins traitants dans le processus de la prise en charge d’une personne âgée, au moment du diagnostic des premiers symptômes d’une maladie dégénérative et de l’orientation vers des spécialistes, a été souligné par plusieurs interlocuteurs devant la Délégation. Les médecins traitants peuvent être de véritables alliés dans le traitement de la maladie dont le traitement précoce permet de ralentir l’évolution. Or, dans la majorité des cas, note la coordinatrice du guichet unique  Tout sous un même toit  « les personnes s’adressent à elle quand arrive un gros problème ».

5. Encourager l’autonomie et le maintien à domicile

a) Mettre en place des aides à la vie quotidienne

L’habitat joue un rôle important dans la prévention de la dépendance. Or conserver son habitat sans l'adapter à sa perte d'autonomie présente des risques bien identifiés. Les chutes (67) représentent plus de 80 % des accidents de la vie courante chez les personnes de plus de 65 ans et 78 % surviennent à domicile. Près de 450 000 personnes de plus de 65 ans sont victimes de chute chaque année. Les chutes concernent davantage les femmes que les hommes. En 2005, une personne sur quatre, âgée de 65 à 75 ans, disait être tombée au cours des 12 derniers mois dont 27,6 % de femmes et 19,9 % d’hommes.

L’adaptation du logement à la perte progressive de l’autonomie de la personne âgée présente de nombreux avantages. Les hospitalisations seraient moins nombreuses, une multiplication des aides à la personne serait évitée et une entrée en maison de retraite retardée. Une campagne d’information sur ce thème permettrait de démontrer aux personnes âgées et à leur famille les bénéfices évidents qu’elles peuvent tirer des différentes adaptations des logements.

L’absence de travaux - tels que poser une rampe dans l’escalier pour ne pas tomber, remplacer une baignoire difficile à enjamber par un bac à douche, changer un revêtement de sol un peu glissant - accroît non seulement le nombre des accidents mais encore multiplie l’importance des petits handicaps dont souffrent les personnes âgées. L’adaptation d’un logement au grand âge a un coût qui reste toutefois sans comparaison possible avec celui d’un hébergement en maison de retraite. Il serait néanmoins utile d’en faciliter le financement, notamment en étudiant la possibilité d’un assouplissement des règles d’utilisation du prêt viager hypothécaire (68) qui n’est soumis à aucune imposition particulière sauf s’il est transformé en rente viagère redevable de l’impôt sur le revenu.

b) Favoriser le maintien de la vie sociale

Afin de contrer la solitude, l’isolement et l’ennui des personnes âgées, doivent être encouragés la création de centres de rencontre, l’apprentissage intergénérationnel et les transmissions des savoirs.

De nombreuses actions du Secours populaire rapportées devant la Délégation visent au maintien du lien social et en particulier des liens intergénérationnels. Ainsi, en Corrèze, 15 centres de loisirs pour enfants se sont mobilisés dans 13 maisons de retraite pour distribuer 600 calendriers. Un groupe de seniors a été invité à assister à l’arrivée du Tour de France depuis la tribune présidentielle. Des personnes de plus de 60 ans participent à l’encadrement de sorties d’enfants. L’organisation de lotos, de guinguettes, d’ateliers de broderie et de groupes de parole constitue autant d’occasion de sorties et de rencontres. Des ateliers d’informatique aident à maintenir une activité intellectuelle. Des activités artistiques – cuisine, couture, esthétique, coiffure – sont également proposées.

c) Renforcer la professionnalisation et l’organisation du secteur des emplois à domicile

Les services à domicile des personnes âgées souffrent d’une double exigence paradoxale : intervenant auprès d’un public plus fragile que d’autres, ils doivent disposer de professionnels compétents et qualifiés ; mais plus leurs personnels sont qualifiés, plus leurs prestations sont onéreuses et ne peuvent pas bénéficier aux personnes âgées les moins aisés et souvent les plus dépendantes.

Il est certain que l’exigence de qualité doit être maintenue tant pour le bénéfice des personnes âgées que pour celui de personnels qui ne peuvent que tirer profit d’une meilleure formation et d’une plus grande qualification. Mais, le financement de ces services, actuellement assuré par des aides publiques aux personnes, par les paiements des utilisateurs des services et indirectement par les dépenses fiscales, devra être repensé ; la solidarité nationale doit trouver un équilibre entre une aide nécessaire aux plus pauvres et un soutien aux classes moyennes.

Par ailleurs, considérant que le temps partiel est le mode de recrutement majeur des services à domicile, la Délégation rappelle qu’elle considère ce mode d’organisation du travail comme constitutif d’un problème social majeur en raison des conséquences très lourdes qu’il emporte pour les salariées qui travaillent sous ce statut : ses salaires très bas ne permettent pas aux femmes de sortir de la pauvreté, ses horaires atypiques les coupent de toute vie familiale normale et la faiblesse des volumes d’heures exercées peut empêcher l’ouverture d’un droit aux prestations chômage et contribue à la formation d’une pension de retraite d’un faible montant.

La Délégation réitère donc ici les principales propositions sur le temps partiel qu’elle a adoptées en juillet dernier (69) inviter les partenaires sociaux à participer à une réforme du temps partiel ; introduire une durée légale minimale de temps de travail ; instaurer une prime de précarité au départ de la salariée ; créer une obligation de surcotisation pour l’assurance vieillesse lorsque la salariée le demande ; rétablir une retraite à taux plein à 65 ans pour les salariées qui ont principalement travaillé à temps partiel.

6. Soutenir les aidants familiaux (70)

a) Aider les aidants à « souffler »

Se félicitant de la multiplication des structures de répit comme l’accueil de jour qui permet aux aidants de prendre un peu de distance face à une tache qu’ils pensent pouvoir réaliser seuls, la Délégation entend veiller à ce que la création chaque année, de 3 250 places d'accueil de jour et d'hébergement temporaire se poursuive conformément aux prévisions du plan solidarité grand âge (PSGA) 2007/2012 (71).

La Délégation souhaite également que soient encouragées la création de toute formule qui, en complément de l’offre actuelle d'hébergement temporaire, permettrait aux aidants de vaquer à leurs occupations personnelles, de partir eux-mêmes en vacances, de se rendre à un mariage etc., à l’exemple des séjours d’une journée, d’un week-end voire de plusieurs semaines que proposent les Petits frères des Pauvres.

Une surveillance de l’état de santé d’un aidant par le médecin traitant est par ailleurs indispensable. « Il existe un risque de surmortalité de plus de 60 % des aidants dans les trois années qui suivent le début de la maladie de leur proche ». (72)

b) Favoriser les aidants sur le plan successoral

L’inégalité de l’investissement auprès d’un parent âgé entre membres d’une fratrie ou d’une parenté pourrait être compensée lors de la succession de la personne aidée. Ainsi, un enfant qui rapporterait la preuve qu’il a supporté la charge de ses père et mère au-delà des exigences résultant de son devoir filial pourrait faire valoir une créance contre leur succession à proportion des dépenses nécessaires faites et du temps passé.

Par ailleurs, il pourrait être institué une possibilité de legs en faveur d’aidants d’autant plus impliqués dans l’accompagnement d’une personne âgée que ses héritiers légaux manifestent un désintérêt pour l’ascendant lors de ses dernières années d’existence.

On notera que le Conseil supérieur du notariat vient de réaliser un rapport, publié en octobre 2011, et intitulé « Propositions notariales pour les élections présidentielles 2012 ». Ce rapport comporte un volet consacré à la famille où figurent des éléments de réflexion sur la dépendance. Le conseil considère ainsi comme inéluctable de donner plus de place à la liberté testamentaire et propose des mesures analogues à celles retenues par la Délégation. Notamment, selon le Conseil supérieur du notariat, les personnes âgées doivent pouvoir se départir, le cas échéant, des obligations testamentaires liées à la notion de réserve héréditaire, en particulier si les héritiers légaux manifestent un désintérêt pour l’ascendant lors de ses dernières années d’existence. À l’inverse, un enfant qui a passé beaucoup de temps à s’occuper de l’un ou l’autre de ses parents âgés devrait se voir reconnaître le droit à une créance particulière, la créance d’assistance, sur la succession. Par ailleurs, pour favoriser les nécessaires solidarités face à la dépendance, le conseil propose trois autres axes de réforme :

– développer les prêts viagers hypothécaires en faveur de la personne âgée dépendante (73;

– encourager le développement du bail à nourriture par lequel une personne âgée loge et nourrit un aidant qui, en contrepartie, lui prodigue une aide à la vie quotidienne ;

– améliorer le traitement fiscal de la donation avec charges par laquelle en échange du bien qui lui est donné, un enfant accepte de remplir diverses obligations alimentaires.

7. Aménager les congés familiaux existants

Le rôle des aidants, l’ampleur de leur travail quotidien et les difficultés auxquelles ils font face ont été reconnus récemment par l’instauration de mesures timides : la création de congés de solidarité familiale (74) et de congés de soutien familial.

Le congé de solidarité familiale permet aux salariés d’accompagner un de leurs proches en fin de vie pendant une durée de trois mois, renouvelable une fois sur l’ensemble de la carrière. Il est ouvert non seulement aux ascendants, descendants ou personnes partageant le domicile de la personne accompagnée, mais aussi à ses frères et sœurs et aux personnes désignées comme personnes de confiance. Une allocation journalière d’accompagnement au profit des salariés du secteur privé vient d’être mise en place par un décret de janvier 2011. Fixée à 53,17 euros, elle est versée pour une durée maximale de 21 jours. Les décrets sont en attente de publication pour la fonction publique.

Malgré ces mesures, le dispositif français accuse un net retard par rapport à la Suède où, depuis 1989, le congé Care Leave Act est rémunéré à 80 % du salaire pour une période de deux mois maximum.

Le congé de soutien familial permet à toute personne, sous certaines conditions, de cesser son activité professionnelle afin de s'occuper d'un membre de sa famille handicapé ou faisant l'objet d'une perte d'autonomie d'une particulière gravité (dépendante à plus de 80 %). Ce congé de soutien familial est d'une durée de 3 mois renouvelable ne peut excéder un an pour l'ensemble de la carrière professionnelle du salarié. Il n'est pas rémunéré (75).

Sur ce plan, la France est devancée par l’Irlande où ce congé sans solde existe (Carer’s Leave Act) mais sous une forme plus avantageuse pour l’aidant : d’une durée plus longue (entre 13 et 104 semaines de congé), il propose une définition large de la personne aidée (devant nécessiter des soins fréquents pour les activités de la vie quotidienne ou présenter un danger pour elle-même) et permet aux personnes de confiance, au-delà de la famille stricto sensu, d’en bénéficier.

La diminution prévisible du nombre des aidants, dont la tâche est par ailleurs indispensable au maintien à domicile, pourrait être modérée sous l’action des politiques publiques. Les dispositions existantes sont trop récentes pour que l’on puisse en mesurer l’impact sur les aides apportées par les salariés à leurs ascendants, un impact sans doute limité puisque ces congés ne sont pas rémunérés ou très peu. Ils ne peuvent, en l’état actuel de la réglementation, soutenir réellement les aidants qu’en cas d’accidents ou de fin de vie, en tout cas pas dans une gestion à long terme ponctuée d’événements imprévus.

Pour ces raisons la Délégation recommande :

– l’instauration d’un aménagement du temps de travail des salariés aidants pour une durée équivalente à la moyenne de la durée de versement de l’APA soit 4 ans (76) ;

– l’allongement de la durée des congés existants, assorti de la possibilité de les fractionner et/ou de les partager entre les salariés aidants (filles ou fils) et la prise en compte pour la retraite des périodes d’aidants ;

– le report du congé parental, dont la durée initiale d’un an au maximum peut être prolongée deux fois, non pris par les salariés pères de famille pour l’accompagnement d’un parent dépendant ;

– la création d’un compte épargne temps familial cofinancé par les employeurs et les salariés et pouvant être utilisé tout au long de la vie professionnelle afin de couvrir des absences liées à des impératifs familiaux.

8. Retarder l’entrée en structure d’accueil médicalisée quand le maintien à domicile n’est plus possible

Plusieurs solutions d’hébergement alternatives à l’aide à domicile, qui ont été présentées à la Délégation, doivent être encouragées et généralisées.

a) L’accueil familial

L’hébergement d’une personne dépendante au domicile d’un accueillant familial agréé est une solution intéressante pour les personnes accueillies, qui ont en général plusieurs pathologies graves et ne sont pas acceptées dans les établissements de santé ou qui ne s'adaptent pas en hébergement collectif. L’accueil familial permet à la personne âgée de ne pas quitter son milieu familier (région, commune), d’avoir un domicile, de bénéficier d’une présence permanente et de maintenir des relations humaines. Ce mode d’hébergement est assez peu développé et quasi inexistant en milieu urbain.

Le nombre des accueillants familiaux baisse malheureusement depuis 2002. Quelques raisons ont été avancées devant la Délégation qui amènent à reconnaître que l’accueil familial est plus favorable aux accueillis qu’aux accueillants : difficulté de l’emploi, départs en retraite – la moyenne d’âge des accueillants familiaux est de 60 ans, voire 70 ans – et obligation légale de disposer de revenus annexes aux revenus de l’accueil familial.

Diverses possibilités d’amélioration des conditions d’accueil doivent donc être étudiées. Les procédures administratives d’agrément imposées par le Conseil général pourraient être allégées. Il serait également souhaitable de remédier à certains problèmes rencontrés par les accueillants familiaux qui se substituent totalement à la famille de la personne accueillie : le versement aléatoire par les familles du salaire fixe qui, de plus, n’évolue pas avec la dépendance de la personne accueillie, le montant non revalorisé des indemnités de logement et l’absence de rémunération en cas d’arrêt de maladie ou de vacances.

b) La maison d’accueil rurale pour personnes âgées (MARPA )

La Mutualité sociale agricole (MSA), a conçu et expérimenté au début des années 80 cette forme attractive d’hébergement en milieu rural qui propose à ses résidents issus d'un même milieu social et géographique, la location d’un logement privatif et des espaces de vie collective. Le but d’une telle structure est la préservation et la stimulation de l’autonomie, chacun disposant d’un logement privatif tout en conservant – voire en enrichissant – ses activités et ses relations sociales. En milieu rural les personnes âgées maintenues à domicile souffrent de dénutrition, de désocialisation et de solitude. La solution Marpa pour un coût modéré, permet aux personnes âgées valides ou en perte d’autonomie, « de continuer à vivre comme chez soi », d’être indépendantes tout en partageant leurs repas et leurs activités avec les autres résidents. Il existe actuellement 130 MARPA.

À Nesploy (Loiret), la MARPA « les Néfliers », a mis 20 ans pour naître. Ouverte en 2007 cette petite unité de vie confortable à l’environnement particulièrement soigné, offre une capacité d’accueil de 23 résidents et emploie 5,5 équivalents temps plein. Le coût de l’hébergement s’élève à 1 260 euros pour une personne seule et 2 118 euros pour un couple (auxquels s’ajoutent des charges individuelles d’électricité et de téléphone).

c) Le logement intergénérationnel

Ce système de solidarité intergénérationnelle met en relation une personne âgée avec une jeune fille ou un jeune homme ou un étudiant et crée ainsi un lien intergénérationnel : la personne âgée ayant besoin d’une présence ou de louer une chambre et l’étudiant recherchant un logement. Plusieurs associations travaillent en France dans ce secteur d’échange pour sélectionner les logements, les étudiants, organiser les démarches contractuelles et faire un suivi de la cohabitation.

Ce système de solidarité décrit lors de son audition devant la Délégation par l’association « Le PariSolidaire » revêt plusieurs formes. Une première formule « conviviale » permet à une personne senior, en général autonome, disposant d’une chambre à louer, d’accueillir un jeune contre une participation financière. Une deuxième formule appelée « logement solidaire », concerne les jeunes en difficultés financières, auxquels aucun loyer ne sera demandé en échange du logement. Le jeune accueilli devra être présent tous les soirs, dîner avec la personne âgée, et parfois effectuer des services de la vie quotidienne tels que l’arrosage des plantes en hauteur, laver la vaisselle, aider l’hôte si celui-ci est en difficulté sans toutefois se substituer à l’aide à domicile, ni faire la toilette de la personne âgée, ni la mettre au lit, ni encore lui donner ses médicaments. Si le jeune doit être présent tous les soirs, il n’est pas là pour faire de la garde de nuit. La personne âgée reste vivre dans son domicile, dans son quartier et ne perd pas les liens établis avec son environnement. La présence d’une personne dans le logement la rassure ainsi que sa famille. Les hôtes, en majorité des personnes de 90 ans et plus, et les jeunes accueillis sont principalement des femmes. Une troisième formule « Mixité intergénérationnelle » a été mise en place grâce à certains bailleurs sociaux. Ceux-ci proposent d’installer des jeunes à l’étage d’un immeuble ou dans des studios refaits à neuf, en échange de services aux personnes âgées habitant l’immeuble (parties de scrabble, aide en informatique, promenades, prendre le thé…).

L’association « Le PariSolidaire » créée en avril 2004 affirme que ce système de solidarité intergénérationnelle fonctionne bien : plus de 1 400 cohabitations à ce jour ; 750 demandes reçues en 2010 ; 50 jeunes et 50 personnes âgées en attente pour cause d’incompatibilité.

d) La création de maisons d’accueil

Destinées aux personnes âgées, cette formule présente de nombreux avantages. Ce sont des maisons d’habitation dans lesquelles un petit nombre de personnes âgées, suffisamment autonomes pour ne pas avoir besoin d’assistance la nuit, mais se sentant trop seules à domicile, vivent en colocation au rez-de-chaussée, tandis que des auxiliaires de vie sociale logent au 1er étage avec leur famille. Ce type de structure démontre que la dépendance ne s’aggrave pas de façon inexorable et qu’il est possible de préserver, chez les personnes très âgées, un degré d’autonomie qui leur évite d’avoir à terminer leur vie dans une maison de retraite. Le regroupement des personnes évite le morcellement des aides ; et le coût global d’hébergement est réduit. La mutualisation (par exemple la préparation des repas est faite pour les 6 personnes, pour un montant de 200 euros mensuels par personne) permet un coût horaire de 14 euros au lieu de 20 pour les fédérations d’aide à domicile. Le professionnalisme des assistantes de vie est reconnu. Elles peuvent travailler à temps plein sans avoir à se déplacer, être remplacées en cas d’arrêt de travail, rester en relation avec la personne âgée tout en conservant leur vie privée. La présence d’une maison d’accueil est un levier de création d’emplois pour une commune. Les maisons sont construites dans des communes où exercent des médecins; la qualité des soins ambulatoires est un élément très important pour ce type de structure.

Créées par « Âge et Vie Habitat », 11 maisons de ce type sont en activité en Franche-Comté, les premières ayant été ouvertes en 2008. Cinq à six nouvelles maisons sont en construction chaque année. L’ensemble de la structure emploie près de 60 personnes ; 95 % du personnel est féminin. Le coût mensuel est de 1 300 euros pour chaque résident. Les personnes accueillies sont principalement des femmes, âgées en moyenne de 90 ans. Les personnes les plus démunies ne pouvant pas payer les prix de pension sont des femmes très âgées, veuves, qui perçoivent des demi-pensions d’un montant très faible.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux droits des femmes, sous la présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, a examiné le présent rapport d’information, au cours de sa réunion du mardi 8 novembre 2011.

Un débat a suivi l’exposé de la rapporteure.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Il faudra absolument faire connaître le contenu de ce rapport, en organisant par exemple une conférence de presse. Car les propositions qui y sont formulées sont le résultat d’un travail de recherche considérable et pourraient servir de base à une éventuelle future loi. Elles sont expliquées sans langue de bois – dire les choses telles qu’elle sont, n’est-ce pas d’ailleurs le propre de notre Délégation ? – et toutes sont pertinentes.

La recommandation qui porte sur les successions me semble en particulier révolutionnaire ! Mais toute vérité est bonne à dire… Je suggère donc qu’on prenne contact avec les médias et qu’on communique le rapport au Gouvernement.

Mme Marianne Dubois.  Je compte aussi en parler à l’occasion de l’intervention que je ferai, après demain dans l’hémicycle, lors de l’examen des crédits « Solidarité » du projet de loi de finances pour 2012.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Il faudra bien préciser que ces recommandations sont faites au nom de notre Délégation.

Mme Marianne Dubois. J’avoue que l’ampleur des problèmes soulevés par ce rapport peut décourager.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Vous avez su traduire la réalité existante avec beaucoup plus d’exactitude que tout ce que j’ai pu lire sur ce sujet. Et ce rapport mériterait d’être transmis à tous les candidats à la prochaine élection présidentielle pour leur demander ce qu’ils comptent faire face à une telle situation.

À la différence du rapport d’information de Mme Valérie Rosso-Debord sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes – dont le contenu était davantage orienté sur les problèmes de financement de la dépendance – votre étude, Madame Dubois, dit les choses telles qu’elles sont.

Mme Catherine Coutelle. Les recommandations que formule ce rapport sont concrètes et proches du terrain. C’est pourquoi elles sont très intéressantes et méritent d’être creusées. La mise en œuvre de certaines d’entre elles n’aurait certainement pas un coût financier élevé ; mais il faut reconnaître que face à l’ampleur de l’enjeu financier que représente la dépendance, les choses n’avancent pas.

Si le rapport de Mme Valérie Rosso-Debord n’a pas connu de suite, la raison en est que le Gouvernement n’a pas voulu s’engager sur la voie qu’elle proposait d’un recours obligatoire à l’assurance privée pour garantir l’aléa de la dépendance.

Tous les professionnels regrettent que les promesses relatives à la dépendance, qui faisaient pourtant partie du programme du Président de la République, n’aient pas été tenues alors que la situation est encore pire aujourd’hui qu’il y a cinq ans.

Concernant la proposition relative aux successions, il ne faudrait pas qu’elle aboutisse à ce que les membres d’une fratrie se disputent la garde de la personne âgée dans le but d’être favorisés au moment du partage de l’héritage.

La recommandation relative au congé familial n’est pas sans faire penser à la proposition de loi de M. Jean Leonetti instituant une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie. J’avais alors défendu l’idée d’instituer un capital temps que les salariés se constitueraient au long de leur carrière ; un tel dispositif donnerait également plus de disponibilité pour s’occuper d’une personne âgée.

En tout état de cause, c’est la montagne du financement qui reste à franchir. Le reste à charge pour les enfants dépasse souvent leurs moyens financiers, ce qui peut conduire à des situations dramatiques, notamment dans le cas des familles à enfant unique – d’autant que certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne bénéficient pas d’aide du département. On sait aussi que les associations d’aide à domicile sont en grande difficulté car les prix de revient de leurs prestations sont supérieurs aux sommes qu’elles reçoivent ; il en résulte une baisse du nombre des heures effectuées.

Mme Pascale Crozon. Une meilleure diffusion de l’information en direction des personnes âgées et des familles – qui fait l’objet du troisième volet de recommandations – me paraît indispensable : il faut globaliser la problématique et fournir à tous les informations nécessaires.

Le partage des points de retraite en cas de divorce reprend une proposition que notre Délégation avait faite à l’occasion de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites. Un dispositif équivalent existe en Allemagne et en Angleterre. Il évite aussi d’avoir à attendre le décès de l’ex-conjoint pour percevoir une pension de réversion.

Concernant le soutien à apporter aux aidants familiaux, j’avais interpellé la ministre sur le problème du financement des maisons de répit. Une structure de ce type a été ouverte à Villeurbanne : elle assure d’une part l’information des personnes concernées et de l’autre propose une structure d’accueil de la personne dépendante qui permet d’alléger la charge de l’aidant pendant deux ou trois jours.

Concernant l’accueil en famille, abordé dans la huitième série de recommandations, des garde-fous seraient à prévoir afin de prévenir la création de situations de conflit d’intérêts entre les accueillants et la personne âgée.

Mme Marianne Dubois. Si je mentionne peu de chiffres dans mon rapport, j’évoque cependant la question des économies que pourrait permettre un dépistage de l’ostéoporose. Un simple examen de densitométrie osseuse coûtant 40 euros, il doit être comparé au coût, par exemple, d’une fracture du col du fémur qui peut être estimé à 16 000 euros !

À la différence de ce que propose Mme Valérie Rosso-Debord dans son rapport, je préconise un dépistage de l’ostéoporose qui interviendrait suffisamment tôt ; on sait en effet que jusqu’à l’âge de 55 ans il est encore possible d’améliorer sa condition physique.

Un autre chiffre est particulièrement édifiant: on constate une surmortalité de plus de 60 % des aidants dans les trois années qui suivent le début de la maladie de leur proche.

Mme Catherine Coutelle. Le fait que les femmes vivent plus longtemps que les hommes mais que leur espérance de vie en bonne santé diminue avec l’âge plus rapidement qu’eux, me paraît aussi être une donnée à retenir.

La nécessité de retarder l’entrée en structure d’accueil médicalisée me semble très importante. Il faut trouver des formules moins chères que les EHPAD qui ne devraient être que des solutions de placement de dernier recours. Il est par exemple dommage qu’il devienne si difficile de disposer de lits en foyer-logement, formule pourtant moins onéreuse.

Avec davantage d’imagination et de souplesse on pourrait concevoir des dispositifs conciliant l’autonomie et l’entraide. Des systèmes de colocation dans lesquels les personnes mettent en commun l’allocation adulte handicapé rendent possible l’emploi d’un aidant à domicile. En Belgique, par exemple, le système de béguinage est un mode d’habitat groupé qui permet à chaque personne de conserver une maison individuelle.

Pourquoi, dans les territoires qui se dépeuplent, lorsque des personnes âgées ne sont plus en mesure de demeurer dans leur domicile isolé à la campagne, les petites communes n’achètent-elles pas des maisons pour permettre aux personnes devenues dépendantes de vivre en colocation dans le centre bourg ?

Mme Marianne Dubois. Des maisons d’accueil existent déjà ; elles reçoivent trois ou quatre personnes qui logent au rez-de-chaussée, l’aide familiale vivant à l’étage.

Mme Pascale Crozon. De telles structures existent aussi pour les jeunes en situation de rupture avec leur famille.

Mme Marianne Dubois. Je reconnais que le rapport n’insiste probablement pas assez sur les disparités qui existent sur ce sujet entre le monde rural et les villes. Il y a peu d’aide inter-générationnelle à la campagne.

Mme Catherine Coutelle. À Dijon et à Angers, des initiatives ont été prises pour encourager les liens inter-générationnels dans certains quartiers.

Les procédures de tutelle et de curatelle me semblent poser aussi un grave problème.

Mme Marianne Dubois. Le rapport ne soulève pas cette question ; le problème mériterait de faire l’objet d’une étude à part entière.

Pour conclure, je suggère de donner au rapport le titre suivant : Femmes et dépendance : la double peine.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je mets aux voix le rapport ainsi intitulé.

La Délégation a adopté le présent rapport d’information et les recommandations suivantes :

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

1) Mener de grandes campagnes de sensibilisation auprès de nos concitoyens afin de :

– les informer et les mettre en garde sur les coûts des pertes d’autonomie ;

– changer le regard porté par la société sur la vieillesse.

2) Partager, en cas de divorce, les droits à la retraite du conjoint qui n’a pas interrompu sa carrière pour élever les enfants du couple avec la mère ou le père de famille qui, pour s’occuper desdits enfants, n’a pas exercé ou a cessé d’exercer pendant la durée du mariage une activité professionnelle.

3) Mieux diffuser l’information en direction des personnes âgées et des familles en :

– multipliant et en diversifiant davantage l’utilisation des nouvelles technologies ;

– généralisant les expériences de guichet unique d’information afin de regrouper les différentes structures intervenant auprès des malades ou de leurs familles en un même endroit, et de faciliter ainsi leurs démarches.

4) Prévenir les états de dépendance des femmes par :

– une proposition systématique aux seniors cessant leur activité professionnelle d’effectuer gratuitement un bilan de santé ;

–  le développement des centres multidisciplinaires de consultation en gérontologie ;

– la prise en charge systématique par un gérontologue des personnes âgées admises dans les services d’urgence ;

– un dépistage gratuit de l'ostéoporose chez les femmes ménopausées ;

– une formation initiale et continue des médecins généralistes plus importante sur la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées.

5) Encourager l’autonomie et le maintien à domicile par :

– la mise en place des aides à la vie quotidienne dans le logement des personnes âgées ;

– le maintien de la vie sociale et des liens intergénérationnels ;

– un renforcement de la professionnalisation et l’organisation du secteur des emplois à domicile dont les intervenants, qui travaillent le plus souvent à temps partiel doivent obtenir un statut plus protecteur au sein d’une indispensable réforme de ce mode d’organisation du travail.

6) Soutenir les aidants familiaux en :

– leur offrant davantage de possibilités de répit ;

– favorisant sur le plan successoral, celui des membres d’une fratrie ou d’une parentèle qui rapporterait la preuve qu’il a supporté la charge d’une personne âgée au-delà des exigences résultant d’un devoir filial ou familial.

7) Aménager les congés familiaux existants (congé de solidarité familiale, congé de soutien familial, congé parental) en faveur des aidants familiaux et créer un compte épargne temps familial cofinancé par les employeurs et les salariés et pouvant être utilisé tout au long de la vie professionnelle afin de couvrir des absences liées à des impératifs familiaux.

8) Retarder l’entrée en structure d’accueil médicalisée quand le maintien à domicile n’est plus possible en encourageant et en généralisant les différentes solutions existantes d’hébergement alternatives à l’aide à domicile : accueil familial, maison d’accueil rurale pour personnes âgées (MARPA), logement intergénérationnel ou maisons d’accueil.

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LA RAPPORTEURE

Mme Cathy Cahart, adjointe à la direction de l’établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), résidence Lelégard – Saint-Cloud

Mme Florence Leduc, présidente de l’Association française des aidants familiaux

Mme Aude Messean, co-fondatrice de l’association « Le PariSolidaire » – réseau de solidarité intergénérationnelle, M. Marco Piovesan, chargé de mission développement et finances.

Mme Claudette Roche, coordinatrice en équipe en gérontologie dans une EHPAD. Association pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement.

Mme Martine Neveu, directrice de l’EHPAD Anselme Payen, Paris

Mme Christiane Lenormand, présidente et Mme Isabelle Ménager, responsable d’une structure d’aide à domicile- Union des associations d'aide, de soins et services à domicile (UNA) du Loiret

M. et Mme Rat, accueillants familiaux.

Mme Malika Tabti, membre du Bureau national du Secours populaire français.

M. Gauthey, directeur associé de la société « Petits-fils », d’aide à domicile et membre du CA du syndicat des services à la personne.

MM. Nicolas Perrette et Simon Vouillot, directeurs de la société Age et Vie Habitat.

M. Yves Martin, p résident et M. Daniel Bonneau, responsable de la MARPA « Les Néfliers » de Nesploy (Loiret).

M. Joseph Larnicol, président de l’Association France Alzheimer - Loiret.

Melle Nzhate Boungzate, coordinatrice de Tout sous un même toit - Association Notre Dame de Bon Secours.

Mme Marie-Hélène Wagner, bénévole (gérontologie et malades d’Alzheimer) et écrivain.

M. Paul Charvet, adjoint au responsable du département prison justice du Secours catholique.

Mme Delluc, responsable, Docteur Savin et Mme Perey, assistante sociale, membres de l’équipe médico-sociale de l’aide personnalisée à l’autonomie (APA - service territorial ouest) du Conseil général des Hauts-de-Seine.

Mme de Vivie, fondatrice de Agevillage et Agevillage-pro, webmagazines

Mme Simone Pennec, sociologue, Maître de conférences, à l’Université de Bretagne Occidentale (contribution écrite).

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LA DÉLÉGATION

—  Mme Bérengère Poletti, vice-présidente de la Délégation

—  Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

—  M. Laurent Hénart, député, président de l’Agence nationale des services à la personne

ANNEXE 3 : COMPTE RENDU DES AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu les conclusions de Mme Bérengère Poletti, vice-présidente, sur la mission parlementaire relative au secteur de l’aide à domicile que lui a confiée Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je remercie Mme Bérengère Poletti d’avoir accepté de présenter à notre Délégation les premières orientations du rapport qu’elle est en train d’élaborer dans le cadre de sa mission sur le secteur de l’aide à domicile.

La dépendance est un problème majeur, qu’on laisse aller malheureusement à vau-l’eau. Quelques propositions sur cette question devraient être présentées au cours de la prochaine discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, mais on s’interroge sur les mesures qui suivront.

Mme Bérengère Poletti, vice présidente. Il est légitime que la Délégation aux droits des femmes se saisisse d’un sujet qui, dans le quotidien, concerne avant tout les femmes.

Celles-ci sont en effet en première ligne pour deux raisons : d’une part, leur espérance de vie, supérieure à celle des hommes, fait que ce sont en majorité des femmes qui sont en situation de dépendance ; d’autre part, ce sont aussi des femmes qui, en établissement ou à domicile – et souvent sous forme d’emplois précaires ou d’emplois partiels – travaillent dans le secteur de l’aide à la personne.

En préalable à l’éventuelle reconnaissance d’un cinquième risque dans le champ de la protection sociale – qui est un engagement du programme présidentiel de 2007 – des groupes de travail ont été constitués à la demande de la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale sur la question de la dépendance. Pour tous les intervenants, il est clair qu’il faut favoriser le maintien à domicile des personnes dépendantes, les enquêtes montrant que 90 % des Français souhaitent rester dans leur logement pendant les dernières années de leur vie.

Mais la question du maintien à domicile est un sujet complexe et de nombreux organismes intervenant dans le secteur des soins à domicile connaissent des difficultés financières aboutissant parfois à des dépôts de bilan.

Cette situation a motivé la mission qui m’a été confiée à la fin du mois de juillet.

Conformément aux termes de ma lettre de mission, j’ai d’abord dressé un état des lieux en procédant, au mois de septembre, à des auditions des différents acteurs – organismes privés, intervenants publics, associations, conseils généraux et représentants de l’État – et j’ai travaillé sur des propositions susceptibles d’être adoptées à l’occasion de la prochaine discussion du projet de loi de finances (PLF) et du PLFSS pour 2012.

Dans le cadre de cette mission, il m’a également été demandé d’aborder un problème qui met en jeu l’ensemble du dispositif, celui de la tarification des services. J’ai donc prévu de procéder à des déplacements auprès d’une dizaine de conseils généraux afin de me rendre compte de la situation sur le terrain. Des propositions ont déjà été formulées sur ce sujet par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) dans un rapport récent. L’Assemblée des départements de France (ADF), après avoir signé une convention avec 14 associations, expérimente, quant à elle, de nouvelles modalités de tarification. Je proposerai, pour ma part, des pistes alternatives.

Concernant la première partie de mon rapport, trois amendements seront présentés au cours des discussions du PLF et du PLFSS.

Le premier amendement, présenté au nom du Gouvernement dans le PLF, consiste à proposer la création d’un fonds d’aide de 50 millions d’euros pour les services à domicile connaissant des difficultés financières. Ce fonds sera délégué à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), plus précisément à la section IV de son budget, laquelle porte sur les crédits attribués aux services de soins à domicile. La CNSA attribuera ces sommes aux agences régionales de santé (ARS) selon les mêmes règles de répartition que celles des fonds de compensation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Les dossiers des associations candidates seront d’abord instruits pour avis par la direction régionale des finances publiques. Celle-ci vérifiera la solidité de leur budget – il est en effet exclu de distribuer des aides qui se révéleraient vaines si les structures concernées étaient trop en difficulté – et appréciera les efforts de gestion et d’organisation qu’elles auront accomplis dans les mois précédant leur demande. Les associations seront alors renvoyées vers les ARS où une commission composée de représentants des services de l’État et des conseils généraux sera habilitée à distribuer les crédits. Il conviendra en un premier temps de répondre aux demandes d’aide les plus urgentes puis d’assurer un accompagnement financier dans la durée.

Le deuxième amendement portera sur le soutien aux familles en difficulté. Celles-ci peuvent être aidées par des techniciens de l’intervention sociale et familiale (TISF), par exemple lorsqu’une mère de famille nombreuse, pour des raisons de santé, n’est plus en mesure provisoirement de s’occuper de ses enfants. Ces interventions ne bénéficient malheureusement plus du dispositif d’exonération de charges, celui-ci n’ayant été maintenu que pour l’aide aux personnes fragiles - personnes âgées dépendantes ou handicapées. Il en résulte d’importants problèmes de financement pour les associations d’aide à domicile. Cependant la disposition législative nécessaire pour étendre le champ des exonérations aux interventions des TISF coûterait 25 millions d’euros et l’amendement pour l’introduire dans le PLFSS n’est pas à ce jour gagé. Il n’y a donc pas de certitude sur l’adoption de cette mesure pourtant nécessaire.

Enfin la troisième mesure sera présentée en même temps que l’amendement relatif au fonds d’aide de 50 millions d’euros. Elle vise à donner davantage de sécurité juridique aux expérimentations faites par les départements pour introduire des modalités de tarifications différentes de celles que prévoit la loi.

La seconde partie du travail entrepris dans le cadre de ma mission porte sur la tarification.

Le problème est complexe car il s’inscrit dans la politique de décentralisation. On sait que la baisse des recettes, provoquée par la crise de 2009-2010, de la CSG et de la journée de solidarité a eu pour conséquence que les dépenses consenties par les départements pour assurer le paiement de l’APA n’ont plus été compensées au même niveau par l’État, même si un fonds exceptionnel de 150 millions d’euros a été débloqué.

De fait, si la décentralisation a pour avantage de permettre la mise en place de mesures adaptées à la réalité du terrain, elle a aussi pour conséquence des visions très différentes de l’organisation tarifaire des aides à domicile.

Certains conseils généraux ont instauré des procédures d’autorisation des services d’aide à domicile et fixé les tarifications. Ceux-ci sont d’un montant généralement suffisant pour assurer la totalité des soins. En l’absence d’autorisation, le service peut sur-tarifer sa prestation ; la personne est alors contrainte d’acquitter un reste à charge. Dans ce système, les services non autorisés peuvent difficilement se développer.

Dans d’autres départements, les services d’aide à domicile font l’objet d’une certification « qualité » et ne sont pas soumis à un régime d’autorisation. Ce dispositif encourage le développement de services commerciaux d’aide à domicile, conformément à la loi relative au développement des services à la personne, élaborée par Jean-Louis Borloo, qui avait pour objectif de susciter la création d’emplois de proximité. Les services d’aide certifiés assurent aujourd’hui 5 % du volume horaire global.

Pour certains, la concurrence qui résulte de cette diversité de dispositifs entre la filière associative et le secteur privé serait la source des difficultés que connaît l’ensemble du secteur car elle aurait eu pour effet de faire diminuer le volume horaire disponible.

La réalité du problème semble cependant être différente.

La première cause des difficultés tient au fait que la tarification dans les départements se révèle souvent inférieure au prix de revient des services effectués.

Par ailleurs, les associations ont souvent mené, légitimement, des politiques ambitieuses de formation professionnelle et ont encouragé la valorisation des parcours professionnels, ce qui, dans le cadre de conventions collectives, a eu des conséquences sur les niveaux de rémunération. Or une intervention auprès d’une personne dépendante peut consister en des tâches très diverses n’exigeant pas les mêmes qualifications ; par exemple, faire la vaisselle ou ouvrir les volets, et prodiguer des soins corporels à la personne. De plus, lorsque le professionnel est qualifié, l’association doit le payer en prenant en compte ses temps de déplacement alors que le conseil général ne rembourse que la prestation effectuée auprès de la personne dépendante. Les associations travaillant en milieu rural, où les distances à parcourir sont importantes, sont particulièrement affectées par ce type de contrainte.

Ces problèmes sont encore aggravés par le fait que les conseils généraux ne disposant plus des mêmes moyens en raison des mauvaises compensations de l’APA par l’État, n’accordent plus aussi facilement qu’avant des subventions aux associations connaissant des problèmes de trésorerie. Celles-ci sont donc contraintes de puiser sur leurs fonds de roulement dont elles ont pourtant un besoin croissant en raison des retards de paiement de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et des départements. Ainsi, elles se retrouvent de plus en plus dépendantes des banques.

Des aides ponctuelles sont donc nécessaires. Elles seront accordées par les commissions précitées qui devraient bientôt voir le jour ; ces aides ne sauraient toutefois intervenir que dans l’attente d’une réforme des modalités de tarification qui devrait conduire les services d’aide à se réorganiser, se restructurer et parfois se regrouper.

Certes il y a des cas de mauvaise gestion : embauche d’un nombre excessif de cadres administratifs, niveau excessif des frais de structures, supérieurs aux 15 % préconisés. Mais ce ne sont pas les seules causes des problèmes rencontrés par ces services : ceux-ci devront se réorganiser s’ils veulent survivre jusqu’à la mise en place des réformes envisagées et assurer des prestations de qualité.

L’ADF lance dans le Doubs une expérimentation consistant en des tarifications définies sur le modèle de celles des EHPAD, à savoir sur la base de conventions tripartites et d’un paiement mensuel. Les auditions que j’ai menées avec les intervenants concernés, m’ont cependant amenée à constater l’existence de positions divergentes sur les modalités de délivrance des dotations.

L’IGAS a proposé un autre système consistant à porter l’effort sur les personnes les plus fragiles, relevant des GIR 1 et 2 (groupes iso-ressources établissant des degrés de dépendance allant du GIR 1 - personnes confinées au lit ou au fauteuil, dont les fonctions mentales sont gravement altérées et qui nécessitent une présence continue d’intervenants – au GIR 6 - personnes âgées n’ayant pas perdu leur autonomie pour les actes essentiels de la vie courante) et à maintenir un régime d’autorisation pour avoir la garantie que les interventions auprès de ces personnes sont réalisées par des professionnels bien formés.

Cette seconde partie de mon rapport m’amènera à effectuer, en novembre et décembre, des déplacements dans plusieurs départements qui expérimentent de nouveaux systèmes de tarification. Si la Délégation le souhaite, je pourrai lui présenter les constats que j’y aurai effectués.

On m’a par ailleurs souvent cité l’exemple du Maine-et-Loire qui applique les dispositifs existants et, où, semble-t-il, les choses se passent bien : c’est avec intérêt que j’irai visiter les services de ce département.

Je souligne que les succès ou les échecs en ce domaine paraissent partagés entre des exécutifs de gauche et de droite.

La plus ou moins grande richesse des territoires concernés ne semble pas non plus être un facteur explicatif. Ainsi, dans les Yvelines, les personnes payent un reste à charge ; le système adopté est celui de la certification et le niveau des remboursements est fixé au niveau de la CNAV ; un turn over important d’organismes privés est à constater. Moins de moyens sont ainsi consacrés à ce secteur que, par exemple, dans le département des Ardennes où le niveau de richesse économique est pourtant inférieur.

La mise en place de parcours professionnels renvoie au problème de la condition de travail des femmes. Pourtant, la nature même du travail d’aide à domicile n’exclut en rien l’intervention d’hommes, même si j’ai pu voir, dans ma carrière de sage-femme combien l’arrivée de professionnels masculins dans une profession féminine est, pour des raisons culturelles, difficilement acceptée ; les hommes ont pourtant toutes les qualités pour effectuer des tâches de soins.

Les tâches proposées correspondent le plus souvent, à un temps partiel, organisé en pointillés dans la journée et donc a priori dévolu aux femmes souhaitant apporter à leur foyer un salaire d’appoint. Avec raison, les services d’aide s’efforcent de faire varier le contenu des tâches confiées aux professionnelles en ne leur attribuant pas seulement des personnes fragiles mais aussi des travaux de ménage ou des soins d’enfants ; un temps complet peut ainsi être atteint.

Je ferai enfin remarquer que les aidants bénévoles sont eux aussi des femmes : les épouses, les sœurs, les filles, les belles filles etc.

Mme Marianne Dubois. Depuis plusieurs mois je travaille sur le problème de la dépendance et je fais le même constat. Il y a là des données culturelles difficiles à faire évoluer…

Mme Bérengère Poletti, vice présidente. On rencontre tout de même des personnes âgées en bonne forme ! Il faut souligner que l’espérance de vie sans dépendance augmente plus vite que l’espérance de vie elle-même, même si en France cet écart demeure moindre que dans d’autres pays. Vieillir n’est pas toujours une mauvaise nouvelle.

M. Jean-Luc Perat. Quelles sont les conséquences dans les territoires ruraux des conventions collectives qui ne permettent plus aux personnes sous qualifiées d’intervenir chez une personne âgée si une tâche plus spécialisée est requise ?

Dans le département du Nord, la mise en place de chèques emplois service (CESU) a été motivée par le constat que l’APA, depuis sa création en 2002, était souvent considérée comme une retraite complémentaire ; cela contraignait ultérieurement les services à réclamer le remboursement des sommes versées indûment.

Mme Bérengère Poletti, vice présidente. Le recours aux CESU comme mode de paiement versé au prestataire intervenant à domicile est un élément contribuant à la performance de la gestion. On estime ainsi que ce dispositif permet d’éviter de payer l’équivalent d’un volume de 20 % d’heures tarifées et non accomplies.

Ce sont les services du conseil général qui établissent le plan d’aide pour la personne âgée ; par exemple, passer chaque jour à son domicile pour ouvrir les volets, la lever, lui faire sa toilette, lui préparer ses repas, la mettre au fauteuil, faire un peu de ménage etc. Des tâches de soin et des taches ménagères composent ainsi le plan d’intervention. Mais en milieu rural, à la différence du milieu urbain, les associations sont dans l’incapacité de mettre sur la même mission deux personnes aux qualifications différentes ; il est donc fait appel à la personne la plus qualifiée, ce qui est normal. Celle-ci relevant d’une convention collective qui régit ses congés, son salaire et ses récupérations, l’association ne peut faire autrement que de la payer au prix de sa qualification et, en outre, pour la totalité de la durée de son déplacement alors que le conseil général ne paye que l’intervention. Cette situation grève évidemment le budget des services d’aide à domicile.

On pourrait proposer des enveloppes d’aides qui tiendraient compte des spécificités géographiques des zones d’intervention. Des efforts d’organisation et des regroupements sont aussi nécessaires.

M. Patrick Lebreton. À La Réunion, la caisse générale de sécurité sociale a procédé en 2009 à une enquête sur les risques psychologiques encourus pas les professionnels de l’aide à domicile.

La spécificité de La Réunion est que 92 % de la classe d’âge concernée touche l’APA, contre 57 % en métropole. Ce sont des femmes qui en bénéficient en majorité mais il y a aussi des hommes. Dans la ville dont je suis maire, une unité de coordination de services d’aide à domicile est en place qui a vu ses effectifs passer de 63 personnes à 125 au moment de la création de l’APA. L’étude citée a relevé que ces professionnels souffraient de problèmes de santé et se plaignaient d’un manque de reconnaissance pour un métier moralement éprouvant qui les contraint parfois à faire face à des situations empreintes d’agressivité.

Les aides à domicile aspirent donc à avoir accès à une formation et à bénéficier d’un véritable statut ; ils demandent aussi un salaire plus valorisant, ce qu’ils mériteraient en effet. Ils souhaitent enfin bénéficier de structures de rencontres entre collègues pour pouvoir rompre leur isolement.

Ce type de demande se retrouve-t-il dans votre rapport ?

Mme Bérengère Poletti, vice présidente. Mon travail porte plus sur les questions de financement de l’aide à domicile.

En matière de qualification professionnelle, un référentiel est souhaité par l’ensemble des services concernés. La question est de savoir s’il est nécessaire de former tous les intervenants. On peut imaginer que dans un pôle de professionnels, 60 % à 70 % des personnes soient formées pour que des perspectives professionnelles puissent leur être offertes – devenir, par exemple, aide-soignante puis infirmière.

Il est exact par ailleurs de dire que ce sont des métiers éprouvants ; les intervenants à domicile sont seuls et c’est dans la solitude qu’ils doivent affronter des situations particulièrement difficiles. Il faut donc proposer des possibilités de formation. Une convention collective pour l’ensemble de la profession est en cours d’élaboration.

Mais il faut aussi tenir compte du fait que la situation des associations demeure très fragile : les dépôts de bilan menacent, comme on l’a vu dans le Finistère et dans l’Aube où pas moins de 200 personnes sont touchées par un plan de licenciement.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Mme Bérengère Poletti, je vous remercie de nous avoir fait part de toutes ces informations.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’audition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale sur les enseignements des tables rondes sur la dépendance.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Merci, madame la ministre, d’avoir accepté d’être auditionnée par la Délégation. Nous vous entendons aujourd’hui sur la problématique de la dépendance, les enseignements des tables rondes que vous avez organisées sur ce sujet, et enfin votre programme en matière d’aide à domicile. Comment appréhendez-vous cette question primordiale, dont l’allongement de la vie fait désormais une réalité ?

Quelles conclusions tirez-vous des tables rondes ? Quelles orientations souhaitez-vous privilégier, tant en ce qui concerne les personnes aidées que les types de prise en charge ou le financement de la dépendance ? Quels sont les obstacles financiers qui ont conduit non à reporter la réforme de la dépendance, mais à l’aborder sous un angle nouveau ?

Vous l’avez dit à plusieurs reprises, la dépendance est une question féminine – d’abord parce qu’elle touche de nombreuses femmes, et ensuite parce que les aidants sont en majorité des femmes. Nous sommes donc impatients de vous entendre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Si j’ai souhaité que la Délégation aux droits des femmes se saisisse de la problématique de la dépendance, c’est parce qu’il me semblait que la question du genre était consubstantielle au sujet, qu’il s’agisse du public concerné, des professionnels qui assurent la prise en charge de la dépendance, ou bien sûr des aidants. La féminisation des titres est à l’ordre du jour : « aidante » pourrait être le terme générique pour désigner ces 4 millions de personnes qui se dévouent chaque jour, à domicile ou en tant que bénévole dans un établissement, au chevet des personnes en perte d’autonomie.

Vous avez parlé de report de la réforme de la dépendance. La réforme continue. Ses mesures financières les plus lourdes ont certes été reportées, mais le travail qui a été conduit reste très utile, et la réforme se fera. Nous poursuivons d’ailleurs notre politique en direction des personnes âgées. Notre pays est l’un de ceux où l’effort de solidarité nationale en leur faveur est le plus élevé : il est estimé entre 25 et 27 milliards d’euros. Le plan Alzheimer, qui mobilise 1,6 milliard, n’est pas remis en cause. Nous poursuivons notre programme de création de places : nous aurons à nouveau 7 500 nouvelles places en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Je rappelle enfin que le sous-objectif national des dépenses de l’assurance maladie (sous-ONDAM) personnes âgées prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est particulièrement ambitieux : notre effort va augmenter de 6,3 %, chiffre à comparer avec les prévisions de croissance que vous connaissez. Nous investirons ainsi 400 millions d’euros d’argent frais pour améliorer la prise en charge.

Celle-ci n’est pas seulement financière. La qualité de la prise en charge des personnes en perte d’autonomie peut être améliorée à moyens constants, grâce à une meilleure organisation de notre système. Par exemple, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a chiffré à 2 milliards le coût des hospitalisations indues de personnes âgées. Nous pourrions donc réaliser des économies, mais aussi éviter des traumatismes aux familles et aux personnes âgées. C’est dans cette voie que nous devons avancer, d’autant que les phénomènes de glissement sont importants : on enregistre des dégradations brutales et irréversibles de l’autonomie chez ces personnes indûment hospitalisées.

Nous lançons donc ce chantier de l’efficience, puisqu’il y a des besoins dont la satisfaction n’exige ni dépenses nouvelles, ni texte de loi. Je pense par exemple à une meilleure information de nos compatriotes lorsqu’ils choisissent une maison de retraite. J’ai appelé de mes vœux la mise en place d’indicateurs de qualité dans les EHPAD et d’un site internet dédié. Ce sera chose faite en 2012.

Nous allons également prendre des mesures d’effet immédiat, dont un plan d’investissement de 50 millions d’euros pour soutenir les travaux de rénovation des établissements ou des services accueillant des personnes âgées. J’ai souhaité qu’une attention particulière soit portée aux structures intermédiaires – accueil de jour ou de nuit, accueil temporaire – afin de soulager les aidants.

Autre point important, la création d’un fonds en faveur des services à domicile, hébergé par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), d’un montant de 50 millions d’euros. Comme je l’ai dit devant la Commission des affaires sociales, cette mesure n’est pas financée par le PLFSS mais par le projet de loi de finances (PLF). Je la conçois comme une démarche proactive, qui aide à la restructuration de ces services, car plusieurs rapports ont fait état de difficultés. Nous devons avoir une démarche d’efficience : si nous nous contentons d’une politique de guichet, nous nous retrouverons tôt ou tard aux prises avec les mêmes difficultés. Je rappelle d’autre part que l’autorité de tarification est bien le conseil général. Les difficultés de tarification ont par ailleurs entraîné une démarche d’expérimentation, que je mène avec l’aide de Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France (ADF), afin d’envisager une modulation de la tarification pour tenir compte de la spécialisation de plus en plus lourde des intervenants à domicile.

Permettre à la personne âgée de rester chez elle le plus longtemps possible, c’est garantir sa qualité de vie et celle de son entourage. L’aidant doit conserver sa place – celle d’époux, d’épouse, de fils, de fille, de proche. Il ne s’agit pas de faire de lui un soignant. Nous avons été très touchés, tout au long du débat, par les témoignages particulièrement poignants de femmes qui se retrouvent tiraillées entre la nécessité d’aider leurs parents, parfois leurs beaux-parents, et celle de prendre en charge qui le fils au chômage, qui le petit-fils en échec scolaire… C’est à elles que nous devons penser : il importe de préserver leur santé, leur vie familiale et leur activité professionnelle. La loi offre déjà un certain nombre de possibilités. Je pense au congé de solidarité familiale, que j’ai soutenu, qui permet d’aider un proche en fin de vie et est assorti d’une allocation. J’ai lancé des rencontres avec les partenaires sociaux sur la question du partage des responsabilités professionnelles et familiales – sujet auquel je vous sais très attachée, madame la présidente. Je poursuis demain une série de rencontres sur l’amélioration du parcours hiérarchique des femmes dans l’entreprise. J’interpelle également les organisations syndicales sur leur propre gestion de la parité. Je ne parle pas seulement des congés de maternité et de paternité, mais de tous les types de congés familiaux.

L’épuisement des aidants est très lié à l’absence de structures de répit. J’ai donc tenu à en faire une priorité. Nous avons créé cette année 1 260 nouvelles places d’accueil de jour et plus de 800 places d’hébergement temporaire, qui ont été notifiées aux agences régionales de santé (ARS) par la CNSA. Nous avons mis l’accent sur l’aspect qualitatif de ces structures, en fixant par exemple des règles de fonctionnement pour les accueils de jour. Par ailleurs, les plateformes de répit expérimentées depuis 2010 sont en phase de généralisation. Notre objectif est d’en créer 150 d’ici 2012. Elles rendront lisibles et plus accessibles les différentes prestations disponibles.

Pour être préservés, les aidants doivent avoir un rôle bien distinct de celui des professionnels. Nous mettons donc en place des services professionnels d’aide à la personne de qualité. C’est notamment le cas des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), à distinguer des services à domicile (SAD). Nous avons autorisé depuis 2007 la création de 18 500  places nouvelles. Le dispositif des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA) va s’élargir à toutes les personnes dépendantes pour mieux épauler les aidants. Le gestionnaire de cas qui exerce dans ce type de structure assure la coordination de toutes les aides – une tâche souvent chronophage pour les aidants.

On ne saurait dire à quel point le rôle des aidants peut être amélioré par des formations. Celles-ci constituent d’ailleurs l’une des mesures phares du plan Alzheimer. Il y a quelques jours, je passais mon après-midi dans un Café des aidants. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que personne n’avait dit à mes interlocutrices qu’on ne commence jamais la toilette d’un malade atteint d’Alzheimer par le visage, pour ne pas susciter de réaction d’agressivité ! Il y a tout un travail de formation à l’aide à faire avec l’appui des associations – France Alzheimer est l’un de nos correspondants. Ne craignons pas de dire aux aidants qu’ils ont besoin d’être formés : selon Mme Desana, présidente de France Alzheimer, ils répugnent souvent à l’être – soit qu’ils n’en ressentent pas le besoin, soit qu’ils redoutent de voir leur rôle mis en cause.

Enfin, il faut valoriser les métiers de l’aide aux personnes âgées dépendantes, que ce soit à domicile ou en établissement. Je salue à cet égard l’agrément de la convention collective de branche de l’aide à domicile, qui comporte un certain nombre d’avancées concrètes pour les salariés : bénéfice d’une complémentaire santé, meilleure prise en compte de l’ancienneté…

Nous avons encore un long chemin à parcourir. Il nous faudra pour cela agir sur toutes les données que nous avons énumérées.

Mme Pascale Crozon. Je suis pleinement d’accord avec vous sur la nécessité de séparer les soignants des aidants, comme sur celle de former ces derniers : l’amour ou l’affection sont irremplaçables, mais ils ne suffisent pas toujours.

Députée du Rhône, je tenais à vous parler de la Maison des répits qui ouvrira au mois de novembre à Villeurbanne, sur la base d’une partie des propositions que nous avions faites en matière d’accueil et de formation. Je me permets de solliciter votre aide, car l’ARS ne nous a toujours pas donné l’autorisation d’ouvrir des lits la nuit, ce qui permettrait aux aidants de prendre un recul salutaire.

Mme la ministre. Mon cabinet va se rapprocher de vous afin de regarder le dossier de plus près. Si je peux contribuer à débloquer la situation, je le ferai bien volontiers.

Mme Pascale Crozon. Je vous en remercie, car j’avais déjà posé une question orale à ce sujet avant l’été. Or je pense comme vous qu’il est important de développer ce type de structures pour pouvoir apporter le maximum d’attention aux malades comme aux soignants.

Un autre problème préoccupe le groupe SRC : la précarité professionnelle des femmes. 80 % des intervenants dans ce domaine sont des femmes, qui vivent souvent dans des conditions très difficiles. Nous défendrons le 17 novembre prochain une proposition de loi tendant à lutter contre la précarité professionnelle des femmes, notamment dans ce secteur. Sachant l’attention que vous portez à ce problème, j’espère de tout cœur que vous serez présente.

Mme la ministre. Je vous ai parlé de la convention collective de branche de l’aide à domicile, qui uniformise les conventions collectives précédentes et opère un certain nombre d’avancées qui vont dans le sens d’une déprécarisation de ces professions. Je pense au bénéfice d’une complémentaire santé, à la meilleure prise en compte de l’ancienneté, à l’augmentation de la rémunération des heures en soirée ou le week-end, ou encore à la prise en compte des temps de concertation ou de synthèse dans le temps de travail effectif. Cela va permettre de rendre ces emplois plus attractifs, de faciliter la mobilité professionnelle, de mieux protéger les salariés. Le coût de la convention a été estimé à 85,9 millions d’euros - c’est peut-être un peu excessif. Les questions qui n’ont pas été résolues - rémunérations, pouvoir d’achat, augmentation du prix de l’essence – sont en négociation.

Au-delà du dialogue social, nous privilégions aussi une approche qualitative. Je pense par exemple à l’accroissement du niveau de qualification des salariés. En 2008, 40 % des intervenants avaient un diplôme d’études sanitaires et sociales. La validation des acquis de l’expérience (VAE) s’est considérablement développée : 80 % des candidats à la VAE pour un diplôme de niveau 5 se présentent pour des certifications dans le champ sanitaire et social, le diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale étant celui qui est le plus souvent présenté. Les conventions que la CNSA signe avec différents acteurs du champ, notamment les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), contribuent à accroître le niveau de qualification.

Votre Délégation nous avait demandé de travailler à la refonte de l’offre de certifications. Un chantier de simplification des certifications de niveau V et d’identification de menus communs a été conduit. Le Premier ministre a confié cette mission au président de la Commission nationale de la certification professionnelle. Nous avons quant à nous mené un important travail de réingéniérie des diplômes, qui a posé les bases de la nécessaire fluidification des parcours. Une évaluation de ce travail est en cours.

Nous avons par ailleurs saisi le Conseil supérieur du travail social, que je préside avec l’appui du vice-président Michel Thierry. Ses orientations pour les formations sociales, adoptées en mars dernier, constituent notre feuille de route, mais la rénovation du travail social est un chantier de grande ampleur.

Mme Marianne Dubois. Je suis taraudée par le cas de ces femmes âgées de cinquante à quatre-vingts ans qui n’ont pas une carrière complète, parce qu’elles se sont arrêtées de travailler pour élever leurs enfants, et se retrouvent frappées par la dépendance. Lorsqu’elles sont hébergées dans un établissement spécialisé, le coût du reste à charge est considérable – et cela ne va pas aller en s’arrangeant. Certes, les jeunes femmes sont mieux informées et s’arrêtent de moins en moins – ou de moins en moins longtemps – pour élever leurs enfants, mais toute une génération va dans le mur.

Par ailleurs, comment intéresser les hommes aux problèmes – et aux métiers – de la dépendance ?

Mme la ministre. Vous soulevez une vraie question, qui vaut pour un certain nombre de sujets. Est-il besoin, par exemple, de rappeler le différentiel entre le niveau moyen des retraites des femmes et des hommes ?

La question cruciale du reste à charge ne se pose pas pour les plus modestes, la dépendance étant entièrement prise en charge par les mécanismes d’aide sociale pour les personnes à très faible revenu. Le problème touche donc les classes moyennes modestes. Je vous redis que l’amélioration de cette prise en charge est le point central de la réforme que nous avons dû reporter en raison de son coût. C’est sur cette catégorie de la population – dont les revenus sont trop faibles pour subvenir à tous les besoins, mais trop élevés pour pouvoir prétendre à des aides – qu’il faudra cibler l’aide.

La réponse à la seconde question est plus délicate. Pour que les hommes prennent davantage leur part, sans doute faut-il rendre la charge supportable, en agissant – comme nous le faisons – sur la formation, les prises en charge intermédiaires, la compétence des services professionnels, bref tout ce qui peut aider à ce qu’on soit moins désarmé devant la dépendance d’un proche. Cela ne dispense pas de conduire une politique de fond sur le partage des tâches familiales et professionnelles : avoir pris un congé de paternité ou un congé de présence parentale pour s’occuper d’un enfant malade prédispose plus volontiers à prendre en charge un parent dépendant. Mais nous n’en sommes pas encore là…

Mme Pascale Crozon. Ma collègue ne pensait pas seulement aux aidants, mais aussi – et surtout – aux soignants. Je pense que cette mixité ne pourra devenir une réalité sans la mise en place d’un véritable statut du soignant. Les hommes n’accepteront jamais de vivre dans la précarité comme ces femmes qui cumulent quelques heures d’un côté, quelques heures de l’autre. Nous rencontrons tous dans nos permanences des femmes qui ne touchent que 600 ou 800 euros de retraite, et nous nous demandons comment elles font pour vivre. La réforme des retraites aurait pu être mise à profit pour conduire une vraie réflexion sur ce problème. Nous y avions beaucoup réfléchi au sein de la Délégation. Il est dommage qu’on ne nous ait pas entendues : il y a des solutions qui ne coûteraient guère plus cher et permettraient de stabiliser les femmes à la fin de leur vie. Elles ont élevé des enfants ; elles méritent d’être traitées autrement.

Mme la ministre. On sent tout de même poindre une évolution. Les services à domicile, qui tenaient plus à l’origine du bénévolat amélioré, sont en train de se structurer. Ces métiers offriront bientôt des perspectives de carrière, ce qui n’existait pas auparavant et contribuait à décourager les hommes. Nous allons avoir des métiers de coordonnateur, des métiers intermédiaires, des métiers qui se situeront à l’interface entre la structure collective et le domicile. Les jeunes et les hommes seront davantage attirés par ces métiers qui ne se cantonnent plus à l’aide ménagère ou au nursing et offrent de plus en plus de possibilités d’évolution. Tout le travail de la décennie qui vient sera de structurer ce secteur et de développer non seulement des métiers intermédiaires, mais aussi des métiers de management – organisation des temps, accompagnement des personnels…

M. Patrick Lebreton. J’aimerais vous interroger sur un sujet périphérique qui concerne les conditions de vie de nos aînés dans le contexte de l’allongement de la durée de la vie. Les règles qui régissent l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) prévoient la récupération sur succession de cette allocation perçue par les personnes n’ayant pas suffisamment cotisé. À la Réunion, les conditions sociales, alliées à la spéculation et à l’explosion du coût du foncier, conduisent de nombreuses personnes âgées qui pourraient toucher cette allocation à ne pas le faire de peur de ne pouvoir transmettre de succession à leurs enfants. Bref, elles sont contraintes d’arbitrer entre leurs conditions de vie et l’émancipation sociale de leur descendance. J’avais déposé il y a deux ans une proposition de loi visant à exclure la résidence principale à usage d’habitation de l’actif net successoral. Je comprends que les contraintes budgétaires ne nous permettent pas de prendre une telle mesure aujourd’hui, mais je souhaitais avoir votre avis, car c’est un vrai sujet au regard du nombre des personnes concernées comme de la misère à laquelle elles se condamnent. Tôt ou tard, il faudra bien le traiter.

Mme la ministre. Vous soulevez là un problème global. La question du recours sur succession a été évoquée à travers celle de la réforme de la prestation dépendance. J’ai indiqué très clairement qu’il n’était pas question que cette dernière donne droit à recours sur succession, car il y aurait alors rupture d’égalité selon les conditions dont chacun finirait sa vie : si votre père meurt d’un cancer à l’hôpital, il n’y a pas de récupération sur votre succession, mais il en va différemment s’il meurt de la maladie d’Alzheimer dans un EHPAD. Il reste qu’un certain nombre de prestations, comme l’allocation aux enfants handicapés (ASH) donnent lieu à récupération.

M. Fabrice Saad, conseiller chargé du financement de la dépendance et du secteur médico-social au cabinet de la ministre. Il y a en effet récupération sur succession pour les minima sociaux – minimum vieillesse, ASH. Lors de la réforme des retraites, une souplesse a cependant été introduite : nous avons exclu le capital d’exploitation des agriculteurs de la récupération, car nous avions observé dans cette population un refus massif du minimum vieillesse, pour la raison précise que vous venez d’évoquer.

Mme la ministre. L’ASH donne lieu à la fois à obligation alimentaire et à récupération sur succession.

M. Patrick Lebreton. Cette souplesse aurait dû être de bon augure, madame la ministre…

Mme la ministre. Je ne suis hélas pas seule à trancher, et je crains que Bercy ne nous suive pas. Sur le fond, vous avez parfaitement raison, et il est naturel de vouloir transmettre son patrimoine à ses enfants, encore que cela n’existe pas dans tous les pays. Dans les pays anglo-saxons, on lègue ses biens à qui l’on veut.

M. Patrick Lebreton. Cette allocation ne devrait donc pas s’appeler allocation de solidarité : elle est plus proche d’une avance sur succession.

Mme la ministre. Sans doute, mais il n’est pas non plus indécent que celui qui s’est constitué un patrimoine participe à sa propre prise en charge. S’il avait un compte bancaire, on prélèverait d’ailleurs dessus !

M. Patrick Lebreton. Une personne qui dispose de quelques moyens ne peut en effet prétendre à cette solidarité.

Mme la ministre. Je conviens qu’il faut sans doute imaginer – comme vous le proposez – un système de plancher.

Mme Pascale Crozon. Ce serait en effet une bonne chose, car les personnes âgées qui ont peu de patrimoine tiennent d’autant plus à le léguer à leurs enfants.

Mme la ministre. J’en prends note. Je rappelle par ailleurs que nous avons augmenté le minimum vieillesse de 25% durant ce quinquennat.

M. Guénhaël Huet. Il y a là une vraie question. Dans ce domaine comme dans d’autres, il importe de trouver une solution équilibrée. Il ne faudrait pas non plus que ces mécanismes aboutissent à ce que la solidarité nationale se substitue complètement à la solidarité familiale. Dans une société équilibrée, l’État intervient, mais les individus ont aussi leur rôle à jouer. Sachant qu’il y a autant de situations que d’individus, il est de toute façon difficile d’imposer une règle générale.

Mme la ministre. J’aime à dire que la solidarité familiale ne doit pas être le paravent de nos égoïsmes. L’indicateur financier a ses limites, mais il a aussi un sens. Sur les 32 à 35 milliards d’euros du coût de la prise en charge des personnes dépendantes, 25 à 27 milliards – soit 80 % – sont assumés par des mécanismes de solidarité. Certes, nous ne valorisons pas de façon monétaire l’effort des familles. Mais il y a aussi un lien qui se crée entre la personne dépendante et l’aidant. Tout n’est donc pas à sens unique – heureusement d’ailleurs, car c’est ce qui fait le sel de la vie.

Rappelons néanmoins que si une telle politique est possible dans notre pays, c’est grâce à un taux de fécondité élevé. J’ai eu l’occasion d’échanger avec un think tank allemand : compte tenu de leur taux de natalité, les Allemands sont obligés de constater qu’il ne pourra plus y avoir que des personnes salariées aux côtés des personnes dépendantes. Toutes les politiques sont liées : c’est grâce à nos politiques familiales que nous pouvons aussi conduire des politiques de solidarité.

Mme Marianne Dubois. Ayant emmené à plusieurs reprises mes parents aux urgences, j’ai constaté qu’on les laissait sortir sans poser la moindre question sur le domicile, la famille ou la présence d’aidants. N’y a-t-il pas une marge de progrès sur ce point ?

Mme la ministre. La question de la coordination est une question centrale. Dans la gouvernance de la dépendance, la coordination doit se faire à plusieurs niveaux. Elle doit d’abord s’opérer entre les acteurs politiques – les conseils généraux, les conseils régionaux, mais aussi les communes, qui gèrent un grand nombre de services tels que les téléalarmes, les animations ou le portage de repas, et enfin l’État et son bras armé, la sécurité sociale. Mais elle se fait aussi au chevet de la personne malade, à son domicile. Lors de la Journée des personnes âgées, il y a une quinzaine de jours, je suis allée offrir une rose à une dame isolée. « Je suis contente de vous voir, me dit-elle, car je ne vois jamais personne. » Elle voyait pourtant une aide-soignante trois fois par jour, un kinésithérapeute trois fois par semaine et son médecin tous les deux jours !

Il faut aussi un décloisonnement entre le sanitaire, le médico-social et le social. La frontière entre le sanitaire et le médico-social est une des questions cruciales de la prise en charge de la personne dépendante. À l’interface, il faut déployer des structures et des personnels de case manager. Je ne prise guère ce terme – une personne n’est pas un cas, mais avant tout une personne, une situation, le membre d’une famille. Mais il a le mérite d’être clair : les Anglo-Saxons ont su déployer à l’interface des deux systèmes ces métiers qui permettent d’assurer une fluidité entre eux. Il y a chez nous un travail considérable de décloisonnement à faire. J’ai mis en place les outils avec les ARS ; reste à s’en servir. Ce sera le travail de la décennie qui s’ouvre.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je vous remercie, madame la ministre. Nous aurons l’occasion de vous recevoir à nouveau d’ici la fin de la législature, notamment pour évoquer le travail à temps partiel.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’audition de M. Laurent Hénart, député, président de l’Agence nationale des services à la personne.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Notre Délégation a pris l’initiative de se saisir du problème de la dépendance car, tant du côté des aidants que des aidés, ce sont les femmes qui sont en priorité concernées.

Pour nous parler de ce sujet, je suis particulièrement heureuse de recevoir notre collègue Laurent Hénart, président de l’Agence nationale des services à la personne (ANS).

Dans ce secteur qui se trouve dans une situation extrêmement préoccupante, l’ANS joue un rôle important et porte des projets novateurs.

Laurent Hénart. En cette période de crise, la question de la dépendance constitue un sujet crucial – la solidarité, en s’appliquant aussi en ce domaine, devant apporter à tous la preuve tangible de l’existence de la communauté nationale.

Le vieillissement est le problème humain majeur du continent européen ; demain, il sera aussi celui de l’Inde, du Brésil et de la Chine. Les voies nouvelles qu’on imagine aujourd’hui serviront à d’autres.

C’est un sujet qui malmène en premier lieu les femmes ; parce que, vivant plus longtemps, elles se retrouvent souvent seules ; parce que leur dépendance peut être douloureuse, si elle n’a pas été préparée et anticipée ; et parce que, enfin, le secteur de l’aide à la personne emploie des femmes à près de 90 %, tant dans les services de soins à domicile que dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Quel est l’état de la question et quelles sont les pistes de réforme ?

Disposer de personnels qualifiés et assurer une liberté de choix ne se fera pas sans une réforme du financement. Qu’une partie de celui-ci provienne des départements et l’autre de la sécurité sociale n’a pas de sens ; il faut faire un choix. Après en avoir discuté en conseil d’administration, l’ANS, qui regroupe tous les acteurs du secteur – les réseaux de collectivités locales, les réseaux associatifs, les entreprises de service à domicile et les particuliers employeurs –, estime qu’il conviendrait de privilégier un système analogue à celui de la sécurité sociale : il s’agirait de concentrer les responsabilités sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), laquelle serait relayée, au niveau des territoires, par les agences régionales de santé (ARS).

À court terme, l’ANS propose de reformer le mode de versement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Cette aide financière fait en effet l’objet de fraudes. Le premier type de détournement s’organise de la façon suivante : le bénéficiaire demande le versement de l’APA sur un compte auquel ont accès des ayants droit ; ceux-ci perçoivent la somme en numéraire, l’utilisent partiellement pour payer un prestataire de soins à domicile et conservent le reste. L’ensemble des heures prescrites n’est ainsi pas effectué.

La seconde source de fraude est l’indu, qui traduit l’incapacité des départements à prendre en compte le décès du bénéficiaire de l’APA. De six mois à un an sont nécessaires aux services administratifs avant la suspension de l’aide ! La somme versée indûment étant alors entrée dans la succession, la procédure de récupération est complexe : elle passe par l’émission d’un titre de recette, conformément aux règles de la comptabilité publique. À l’échelle nationale, le phénomène est sensible.

Une dizaine de départements ont mis en place avec l’ANS, depuis 2004, un système de versement de l’APA par le biais des chèques emploi service. L’avantage est évident : le chèque n’est utilisé et les comptes du département ne sont débités qu’une fois effectuée l’heure de travail au domicile de l’ayant droit.

Le département des Pyrénées-Orientales, où ce système est expérimenté depuis 2005, a ainsi réalisé une économie de 15 %, ce qui a permis à ce département de revaloriser le taux horaire des intervenants et de mettre en place un programme de certification.

Une économie d’un sixième sur une dépense qui s’élève à six milliards d’euros dégagerait une marge d’un milliard d’euros en deux ou trois ans. Certes, il s’agit d’une économie par recyclage de crédits, mais elle permettrait de disposer d’un délai pour mettre en place une réforme globale.

À moyen terme, l’ANS est favorable à un financement collectif du socle de la dépendance. En tant que député, et à titre personnel, j’ai toujours été opposé au recours à l’assurance obligatoire. Il s’agit en effet d’une véritable hérésie sur les principes, car la dépendance est un risque social majeur qu’il ne revient pas à une assurance privée de couvrir – est-il besoin de rappeler que nombreuses sont les personnes qui ne payent même pas leur assurance-automobile ? C’est aussi une hérésie du point de vue de la justice sociale, car la même charge pèserait sur tous, quel que soit le niveau de revenu. L’assurance obligatoire est de fait un impôt déguisé : un impôt en outre injuste car non progressif.

Le système assurantiel ne sera pas à même, à lui seul, de financer la dépendance dans les quinze ans à venir. L’assurance privée intervient traditionnellement dans le cadre de la liberté contractuelle et ses clients sont des personnes solvables ; les assureurs ne s’engageront de manière globale que si une cotisation obligatoire est mise en place.

Un socle de financement collectif est donc indispensable. Les réflexions menées par l’ANS suggèrent la mise en place d’un financement assis de manière équilibrée sur les revenus du travail et du capital. Il me semble, pour ma part, que deux milliards d’euros pourraient être trouvés en augmentant la contribution sociale généralisée (CSG) ou la contribution sociale sur les revenus et les placements financiers ; et deux autres milliards d’euros en supprimant une journée de réduction du temps de travail (RTT). Mes propositions me rendent destinataire de nombreuses lettres d’injures… Mais le taux de taxation sur les revenus du travail atteint, en France, un niveau déraisonnable et il est plus élevé que partout ailleurs en Europe ; on ne peut donc qu’élargir l’assiette, ce qui revient à demander de travailler plus.

L’ANS propose également de développer le système de prévoyance en resserrant notamment la fiscalité de l’assurance-vie. Des volumes d’épargne considérables - 1 300 milliards d’euros – bénéficient aujourd’hui d’une fiscalité dérogatoire. En restreignant les conditions d’utilisation de ce type de contrat, on pourrait en faire de vrais contrats de prévoyance vieillesse qui couvriraient l’accompagnement de la retraite et la dépendance.

Que les compagnies d’assurance plaçant de l’assurance-vie soient aujourd’hui en décollecte montre que ce produit est utilisé comme un second Livret A  – pour la retraite, pour aider les enfants, pour défiscaliser les successions ou pour compléter des revenus devenus insuffisants en période de baisse de pouvoir d’achat –, autrement dit comme une variable d’ajustement. L’objectif d’intérêt général, qui justifiait pourtant un régime fiscal dérogatoire, est perdu.

Mais, au-delà de ces questions de financement, le problème de fond me paraît être que le système médical ne favorise pas l’autonomie des personnes : il n’y a pas d’anticipation de la dépendance. Lutter contre le handicap et la dépendance relève aujourd’hui du curatif, de l’a posteriori. Il serait pourtant plus avantageux, financièrement, de prévenir et d’anticiper.

Ce serait aussi plus efficace, comme le montrent des pays tels que le Québec ou les pays scandinaves ; dans ces pays, l’espérance de vie est comparable à la nôtre, mais l’espérance de vie en bonne santé est de cinq à six ans supérieure. Un système de médecine générale différent du nôtre y est en place, basé sur des équipes de soin ; en France, l’exercice solitaire de la médecine est une tradition.

Si les maisons de santé sont créées en milieu rural faute, dit-on, d’autres solutions, l’intérêt de ces structures, qui aujourd’hui connaissent un ratio d’un médecin pour trois paramédicaux, est d’assurer un bien meilleur suivi des patients et de faire de la prévention.

Il conviendrait donc de disposer d’équipes de santé intervenant suffisamment tôt dans le processus de vieillissement. Par exemple, lorsque des ergothérapeutes donnent aux personnes âgées des conseils d’aménagement de leur domicile, ils préviennent des accidents à répétition dont les conséquences sont toujours graves – on sait qu’après deux fractures du bassin, la personne, le plus souvent, restera handicapée et devra être placée en établissement. Conjurer l’irrémédiable, c’est ce qu’on peut attendre d’équipes de soins combinant les compétences de médecins et de personnels paramédicaux. De véritables centres de ressources sanitaires seraient, en outre, à même de mettre en réseau les différents intervenants à domicile ; même si ces derniers relèvent d’autres secteurs que celui de la santé – il peut s’agir du salarié qui fait le ménage ou s’occupe du jardin –, ils pourraient être formés pour détecter les problèmes de santé de la personne âgée et remplir une fonction d’alerte.

Enfin, l’ensemble de ces réformes conduira à une modification en profondeur des conditions de travail des femmes employées dans le secteur des soins à domicile. Les métiers du soin sont en effet largement féminisés, qu’il s’agisse des aides à domicile ou des médecins. La conséquence en est que de nombreuses femmes exercent, aujourd’hui, leur activité dans des univers professionnels cloisonnés qui rendent difficile la conciliation avec la vie familiale. Faire tomber les barrières entre le sanitaire et le social donnerait aux femmes la possibilité de suivre des parcours de formation.

On sait que le temps partiel, prédominant dans le secteur du soin à domicile, répond à la fois à une contrainte professionnelle et à un choix. Permettre à la femme de se professionnaliser progressivement passe par une augmentation des salaires et par des formations pour devenir aide-soignante, infirmière voire médecin car pourquoi ce secteur devrait-il être le seul où il n’y a pas de formation et de validation des acquis de l’expérience ? On sait que la spécificité de ces métiers tient aux difficultés rencontrées sur le terrain et auxquelles aucun diplôme ne prépare. Savoir s’occuper d’une personne âgée constitue un véritable acquis pour une auxiliaire de vie ; cet acquis doit pouvoir être valorisé dans le cadre d’une formation pour devenir aide soignante ou infirmière.

Au demeurant, de nombreuses branches de la formation professionnelle sont excédentaires ; il leur serait facile d’aider les autres secteurs.

Je suis convaincu, comme je l’ai exposé dans un rapport que j’ai rendu sur les nouveaux métiers de santé, qu’un jour les infirmières deviendront des praticiens de soins qui recevront des délégations de tâches des médecins. Et pourquoi ne pourraient-elles pas devenir elles-mêmes des médecins ?

Je rappelle que les salariés travaillant dans le secteur du soin à domicile représentent, avec les professionnels de santé, 4,5 millions d’emplois pour une population active de 21,5 millions de personnes. Ces emplois se féminisent à très grande vitesse. Il y a donc là un enjeu majeur pour les femmes.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je suis très heureuse que vous ayez répondu à notre invitation car vous nous avez présenté des pistes qui n’ont jamais été ouvertes.

Mme Marianne Dubois. Ces propositions sont en effet très innovantes, mais je doute que la dame qui prépare le petit-déjeuner et qui fait la toilette d’une personne âgée puisse, par le biais de la validation des acquis de l’expérience, devenir un jour infirmière. Dans le milieu rural, les personnes effectuant ces tâches ont un niveau d’études très faible ; parfois, elles n’ont pas même le permis de conduire.

Laurent Hénart. C’est précisément la situation que je voudrais voir changée. Si, chaque année, 10 % des deux millions de salariés du secteur des soins à domicile suivaient une formation, 200 000 personnes pourraient bénéficier soit d’une remise à niveau – apprendre à écrire, lire et compter, ou encore passer le permis de conduire – soit d’une formation spécialisante – car il y a aussi des personnes diplômées dans ce secteur, par exemple des émigrés, qui n’ont pas pu faire reconnaître leur niveau d’étude.

On ne peut tout de même pas laisser les choses en l’état ! Il y va de la qualité de vie de très nombreuses personnes.

La spécificité de ce secteur est qu’il offre un éventail de tâches correspondant à des niveaux de formation très différents : d’une absence complète de qualification à un niveau supérieur au baccalauréat. Il est donc facile de commencer à travailler dans ce secteur ; c’est une bonne chose au regard du marché de l’emploi, mais on doit pouvoir se former. Qu’une telle formation soit possible, même dans le cas de personnes quasi illettrées, l’expérience le prouve ; il y faut de la détermination et du temps.

Malheureusement les moyens manquent, parce qu’ils sont mal répartis. Le système éducatif délivre des licences et des masters dans des filières dont on n’a pas besoin. Voyez ce que deviennent les diplômés de sociologie ou de psychologie ! De nombreux étudiants ignorent même que, dans la filière qu’ils ont choisie, le seul moyen de trouver un emploi est de passer les concours de la fonction publique.

Il n’est pas normal que la formation aux activités de soins à domicile passe par des filières honteuses, proposées dans quelques lycées professionnels seulement. Il s’agit tout de même d’un secteur qui fait travailler plus de professionnels que le BTP ou la banque. La situation est telle qu’il faut l’intervention de députés pour que la maquette d’un baccalauréat professionnel d’aide à domicile soit validée par le recteur ! Dans mon département, ce type de formation relève de l’enseignement agricole !

M. Jean-Luc Pérat. Les personnes travaillant dans le secteur des soins à domicile ne sont pas assez incitées à se former. Ne faudrait-il pas encourager les parrainages qui permettent de procéder à des évaluations sur le terrain ? Car l’obtention des unités de valeurs pour faire reconnaître des acquis professionnels passe par une procédure très lourde, qu’il convient certainement d’assouplir.

Je soulèverai aussi les cas où une personne âgée ne peut plus bénéficier de l’aide du professionnel auquel elle est pourtant habituée, parce que celui-ci n’a pas les diplômes nécessaires pour effectuer certaines tâches. C’est là une source de perturbation pour la personne dépendante.

Enfin, on sait que l’APA est parfois détournée de sa finalité ; elle est utilisée comme une retraite complémentaire au lieu de permettre le financement d’un service à la personne. J’ai pu, moi aussi, constater l’efficacité du recours au chèque emploi service universel.

M. Patrick Lebreton. Dans le département de La Réunion, le secteur des soins à domicile compte 20 000 employés pour une population de 830 000 personnes ; en 2020, ces employés seront 24 000.

Nous avons été sélectionnés pour expérimenter la mise en place d’un centre de ressources destiné à assurer, dans ce domaine d’activité, une meilleure information, une meilleure structuration et une meilleure formation.

La ville de Saint-Joseph, dont je suis le maire, compte plus de personnes âgées que dans le reste de l’île – 13 % contre une moyenne de 9 %. Dans notre centre communal d’action sociale, nous faisons travailler ensemble des jeunes qui sortent des écoles et des femmes expérimentées, d’un certain âge déjà, qui aimeraient disposer d’une formation adaptée et bénéficier d’une meilleure reconnaissance.

Pensez-vous qu’il faille créer un statut spécifique pour ce type de métier ? Quelles évolutions voyez-vous pour l’avenir ?

Laurent Hénart. Créer un statut, c'est-à-dire un cadre d’emploi unique, me semble difficile en raison de la diversité des intervenants : les associations, les entreprises et les particuliers employeurs.

Les progrès réalisables, dans un délai de cinq ans, pourraient porter sur trois sujets qui, au-delà des conventions collectives, feraient l’objet d’accords interprofessionnels : la mobilité des employés, la validation des acquis et la santé.

Sur les deux premiers points, il y a accord de la profession. Sur le dernier, les réticences sont nombreuses car les intervenants rechignent à devenir des auxiliaires des métiers de santé. La santé doit pourtant être abordée en termes de réseaux d’intervenants ; cela se fera au bénéfice tant des aidés que des aidants.

On constate, par ailleurs, que les personnes débutent une formation en ignorant tout de la réalité du terrain. L’immersion professionnelle permettrait d’éviter de nombreux échecs, ainsi que des financements inutiles. Il faut donc développer l’alternance ; certes, l’organiser aura un prix, car la personne en alternance ne peut pas voir ses tâches redistribuées comme cela peut être le cas sur un site de production. Mais cet effort est nécessaire. Le Fonds national de modernisation et de développement de l’apprentissage pourrait y contribuer, car il ne consomme pas la totalité des 450 millions d’euros annuels collectés à son profit sous forme de taxe ; des ressources pourraient aussi être trouvées dans les budgets des régions qui n’utilisent pas entièrement les sommes que leur verse ce fonds.

Enfin, concernant les particuliers employeurs, il conviendrait de favoriser un cadre d’emploi qui ait les qualités de l’emploi salarié. La démarche naturelle est de faire passer les personnes vers des emplois salariés au sein d’une association ou d’une entreprise. Mais proposer, comme l’a fait un réseau associatif d’aide à domicile qui connaît actuellement de grosses difficultés financières, des modalités d’emploi consistant à forfaitiser les salariés, tout en leur garantissant un périmètre d’action, conduit à des situations qui ne sont pas viables. Il faut donc partir du modèle le plus précaire, qui est celui du particulier employeur, et le consolider. La création des centres de ressource s’inscrit dans cet objectif.

Le problème est le recours aux contrats de mandat par lequel l’employeur particulier confie des tâches à un organisme tiers. Cette procédure peut constituer une aubaine pour les associations qui, pour économiser des charges, font passer leurs salariés en mode mandataire. La personne âgée se retrouve ainsi employeur sans le savoir ; les enfants ne comprennent pas comment leurs parents se sont mis dans une telle situation ; enfin, cette procédure est source de nombreux contentieux.

La Fédération des particuliers employeurs propose la mise en place d’un système de mandataire d’ordre public. Les centres de ressource départementaux, analogues à des coopératives, régleraient les problèmes de droit du travail, de droit à la formation et de validation des acquis de l’expérience ; ils aideraient l’employeur mais aussi le contrôleraient.

Cette intervention publique aura un coût. L’ANS a lancé une expérimentation sur la base d’un budget de 20 millions d’euros dans cinq départements cette année, dont celui de La Réunion, et dans dix l’an prochain.

Pour financer la généralisation de ce dispositif, on peut imaginer une diminution légère du plafond des dépenses ouvrant droit à l’avantage fiscal sur l’aide à domicile ; l’abaisser à 10 000 ou à 12 000 euros, selon le nombre d’enfants, dégagerait un rendement fiscal qu’on peut estimer à 400 millions d’euros.

Je rappelle aussi que l’État, par le biais des exonérations de charges, de l’avantage fiscal et des crédits d’intervention, consacre 4 milliards d’euros à ce secteur ; une telle somme peut être ventilée autrement.

L’ensemble de ces réformes est réalisable à législation constante.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je vous remercie de ces explications qui nous auront beaucoup appris.

ANNEXE 4 :
GRILLE AGGIR ET GROUPES ISO-RESSOURCES

La grille nationale AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources) constitue un outil destiné à évaluer le degré de perte d’autonomie ou le degré de dépendance, physique et psychique, des demandeurs de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), dans l’accomplissement de leurs actes quotidiens.

Elle classe les personnes en fonction de leur état physique ou mental en six groupes iso-ressources (GIR) :

– personnes âgées confinées au lit ou au fauteuil, dont les fonctions mentales sont gravement altérées et qui nécessitent une présence indispensable et continue d’intervenants (GIR 1) ;

– personnes âgées confinées au lit ou au fauteuil, dont les fonctions intellectuelles ne sont pas totalement altérées et personnes âgées dont les fonctions mentales sont altérées mais qui ont conservé leurs capacités de se déplacer (GIR 2) ;

– personnes âgées ayant conservé leur autonomie mentale et partiellement leur autonomie locomotrice mais qui ont besoin quotidiennement et plusieurs fois par jour d’être aidées pour leur autonomie corporelle (GIR 3) ;

– personnes âgées n’assumant pas seules leurs transferts mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l’intérieur de leur logement et personnes âgées n’ayant pas de problèmes locomoteurs mais devant être aidées pour les activités corporelles et pour les repas (GIR 4) ;

– personnes âgées ayant besoin d’une aide ponctuelle pour la toilette, la préparation des repas et le ménage (GIR 5);

– personnes âgées n’ayant pas perdu leur autonomie pour les actes essentiels de la vie courante (GIR 6).

Seuls les quatre premiers GIR de la grille nationale ouvrent droit à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), que les bénéficiaires se trouvent à domicile ou en établissement, à condition qu’ils répondent aux critères d’âge et de résidence. Les personnes âgées classées en GIR 5 et 6 peuvent néanmoins prétendre au versement des prestations d’aide ménagère servies par leur régime de retraite ou par l’aide sociale départementale.

1 () Société et vieillissement - Perspectives démographiques et financières de la dépendance - Accueil et accompagnement des personnes âgées - Stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées.

2 () http://www.dependance.gouv.fr.

3 () Voir le rapport de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), L’état de santé de la population en France : Rapport de suivi des objectifs de la loi de santé publique 2009-2010 », La Documentation française, janvier 2011, p. 73 et s.

4 () Projections de population à l’horizon 2060, INSEE première, n° 1320, octobre 2010.

5 () Voir le rapport précité L’état de santé de la population en France : Rapport de suivi des objectifs de la loi de santé publique 2009-2010, p. 83 et s.

6 () Voir, infra, l’annexe Grille AGGIR et groupes iso ressources.

7 () L’État de santé de la population en France, DREES, Études et résultats, n° 747, janvier 2011, p.11.

8 () Ministère des solidarités et de la cohésion sociale, Chiffres-clés 2010 : l’égalité entre les femmes et les hommes, p. 59.

9 () À plus de 80 %, ces patients sont âgés de 75 ans ou plus et 96 % d’entre eux vivent à domicile. Voir DREES, Études et résultats, n° 739 , septembre 2010.

10 () Caractères sociodémographiques et ressources des bénéficiaires et nouveaux bénéficiaires de l’APA, DREES, Études et résultats, n° 730, juin 2010.

11 () Avis n° 1946, tome IV, « Solidarité, insertion et égalité des chances : handicap et dépendance » présenté au nom de la Commission des Affaires sociales.

12 () Selon une étude australienne de 2003, l’âge médian au décès des hommes trisomiques est de 61,1 ans pour les hommes contre 57,8 ans pour les femmes, en raison d’une plus forte prévalence de malformations cardiaques chez les filles et du facteur aggravant que constituent en ce cas les troubles hormonaux et la ménopause précoce qui affectent habituellement les femmes trisomiques 21.

13 () Bernard Azéma et Nathalie Martinez, « Les personnes handicapées vieillissantes : espérances de vie et de santé ; qualité de vie », Revue française des affaires sociales, n° 2, avril-juin 2005, p. 304.

14 () Rapports d'information de Mme Marie-Jo Zimmermann n° 3621 sur l'application des lois sur l'égalité professionnelle au sein des entreprises (juillet 2011) et n° 3602 sur le temps partiel (juillet 201l).

15 () Chiffres-clés 2010, précités, p. 39 et s.

16 () Les retraites et les retraités en 2009, DREES, Études et résultats, n  757, avril 2011.

17 () Les niveaux de vie en 2009, INSEE première, n°1365, août 2011.

18 () Rapport de Mme Geneviève Bel, Les femmes face au temps partiel, mars 2008, p.71.

19 () Rapport d’information de Mme Marie-Jo Zimmermann sur le projet de loi portant réforme des retraites, n° 2762, juillet 2010, p. 50.

20 () « Les femmes, arrivées sur le marché du travail à temps partiel dans les années 90, cumulant de faibles temps partiels et des périodes d’inactivité ou de chômage, parviendront à l’âge de la retraite dans vingt ou trente ans. Contraintes de travailler au-delà de soixante ans et plus longtemps que les hommes, pour améliorer le niveau de leur retraite faute de carrières complètes, elles ne bénéficieront que de très faibles retraites, du minimum contributif ou de l’allocation de solidarité pour personnes âgées ». Rapport d'information précité sur l'application des lois sur l'égalité professionnelle au sein des entreprises, p.14.

21 () Chiffres-clés 2010, précités, p.86.

22 () Campéon A., Chauvin K., Delaune F., « Les femmes âgées en situation de pauvreté », Les travaux de l’ONPES 2009-2010., p. 395.

23 () Leur nombre a augmenté de 19,47 % depuis le début de l’année 2011.

24 () Audition du 3 mai 2011.

25 () Une situation d’isolement objectif se définit par l’absence de toute relation sociale significative au sein des cinq grands réseaux de sociabilité : réseau familial, réseau professionnel, réseau associatif, réseau amical, réseau de voisinage.

26 () Fondation de France, Les solitudes en France en 2010, p. 19.

27 () Voir sur ce point le rapport d’information n° 2647 de Mme Valérie Rosso-Debord La prise en charge des personnes âgées dépendantes, juin 2010, p. 40 et s.

28 () Audition du 19 octobre 2011.

29 () Audition de Mme Florence Leduc, présidente de l’Association française des aidants familiaux.

30 () Enquête handicap santé 2008.

31 () Voir l’article de Mme Gwénaëlle Thual « Les proches de personnes malades aujourd’hui : état des lieux », Réciproques, numéro spécial, avril 2010.

32 () Centre d’analyse stratégique, Comment soutenir efficacement les « aidants » familiaux de personnes âgées dépendantes ?, note de veille n° 187, juillet 2010.

33 () Audition de Mme Florence Leduc, présidente de l’Association française des aidants familiaux.

34 () Enfances, Familles, Générations, n°2, 2005, p.78-92.

35 () L’entraide familiale « sous contraintes » et les transformations du parcours de vie : pratiques sociales et régulations juridiques, Le Borgne-Uguen F. et Rebourg M. (dir.) Rennes, Presses Universitaires de Rennes, Coll., 2011.

36 () « Les ouvriers et les ouvrières ne sont pas seulement désavantagés face à la mort : au sein d’une vie plus courte, ils passent aussi plus de temps que la moyenne en situation d’incapacité. …Les différences d’exposition aux risques de maladies ou d’accidents tout au long de la vie, liées aux conditions de vie et aux conditions de travail, de même que les différences dans les modes de recours au système de soins, contribuent sûrement à ce double désavantage. », E. Cambois, C. Laborde et J-M. Robine, La « double peine » des ouvriers, plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte INED, Population et société, n° 441, janvier 2008.

37 () Rachel Silvera et Hélène Periver, « Maudite conciliation », Travail, genre et société, n° 24, 2010/2, p. 25 à 27.

38 () Chiffres-clés 2010, précités.

39 () L’école des filles. Quelle formation pour quels rôles sociaux, L’Harmattan, 2007.

40 () CREDOC, Les emplois dans les services à domicile aux personnes âgées : Approche d’un secteur statistiquement indéfinissable, décembre 2010, p. 22.

41 () Loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne.

42 () « L’égalité filles-garçons s’apprend dès l’école », n° 1295, décembre 2008.

43 () Cinquième rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes pour 2008.

44 () Selon la DREES, les aides à domicile sont rémunérées en moyenne 1 190 euros/mois pour celles qui travaillent à temps plein, et 717 euros/mois pour celles qui travaillent à temps partiel soit un salaire mensuel moyen de 832 euros nets. Voir Les intervenants au domicile des personnes fragilisées en 2008, DRESS, Études et résultats, n°728, juin 2010.

Quant au salaire horaire minimum, il est aujourd’hui de 9 euros bruts soit 6,93 nets http://www.urssaf.fr/profil/particuliers/baremes/baremes/les_salaires_minimums_01.html#OG26795

45 () Si le niveau général d’études n’a aucun impact sur le salaire, les titulaires d’un diplôme d'état d'auxiliaire de vie sociale (DEAVS) voient toutefois leur salaire augmenté de 5 % par rapport à celles qui n’ont aucun diplôme. DREES. note n°728, juin 2010.

46 () Audition de M. Laurent Hénart, député et président de l’Agence nationale des services à la personne du 26 octobre 2011.

47 () DREES. Études et résultats, n° 728, précité.

48 () Audition du 19 octobre 2011.

49 () Audition du 26 octobre 2011.

50 () La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés alloue des crédits (1,4 milliard d’euros) à la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs qui sont redistribués aux associations pour la formation des bénévoles dans le cadre du Fonds national d'action sanitaire et sociale.

51 () Audition de Mme Claudette Roche, coordinatrice en équipe en gérontologie dans une EPHAD et représentante de l’ASP fondatrice.

52 () Audition du 19 octobre 2011.

53 () Les volontaires en service civique reçoivent entre 548,14 et 649,82 euros par mois et bénéficient d'une protection sociale intégrale.

54 () Armée du salut, Petits frères des pauvres, Secours catholique et Secours populaire.

55 () En application de l’article 271 du code civil, le juge fixe le montant d’une prestation compensatoire en prenant en considération « avec d’autres éléments, la situation respective des ex-époux en matière de pensions de retraite ».

56 () Rapport d'information n° 2760 de Mme Marie-Jo Zimmermann sur le projet de loi portant réforme des retraites, juillet 2010, p.38.

57 () Ibidem.

58 () Voir : www.agevillage.com et www.agevillagepro.com.

59 () www.dependance.gouv.fr

60 () Mme Florence Leduc, présidente de l’Association française des aidants familiaux, établissait ce même constat lors de son audition devant la Délégation en rappelant que les aides humaines allouées à la personne dépendante ne sont pas toujours les plus adaptées aux problèmes rencontrés. Elle donnait ainsi l’exemple de l’octroi d’une aide humaine à une personne âgée alors qu’en amont, personne n’avait noté que sa vue avait baissée et que faute de nouvelles lunettes, ses risques de chute en étaient évidemment accrus.

61 () Maladie du squelette se traduit par une diminution de la masse osseuse et par une détérioration de la microarchitecture du tissu osseux.

62 () Les fractures du col du fémur en France entre 1998 et 2000 : quel impact du vieillissement ?, DREES, Études et résultats, n°723, avril 2010.

63 () Les modalités de prise en charge des fractures du col du fémur en France de 1998 à 2009, DREES, Études et résultats, n°774, septembre 2011.

64 () Traitement médicamenteux de l’ostéoporose postménopausique : Argumentaires, Haute Autorité de la santé (HAS), actualisation 2006.

65 () Chiffres-clés 2010, précités.

66 () D'ici 2020, selon l'INSEE, 1,3 million de personnes devraient être touchées par la maladie d'Alzheimer, soit une personne de plus de 65 ans sur quatre. Voir la note de veille n° 185 du Centre d’analyse stratégique, juillet 2010.

67 () Voir le rapport précité de la DREES : L’état de santé de la population en France objectif 99.

68 () « Les seniors propriétaires à 75 % de leur logement, ont, pour une grande part, des revenus excessivement bas. Pour éviter d’une part, un habitat dépourvu de sécurité et d’autre part, la vente du logement pour aller vers le logement locatif social ou privé ou encore vers l’hébergement collectif, la mobilisation de la valeur du bien pour financer l’adaptation du logement et continuer à l’occuper mérite de mobiliser les capacités financières. » Extrait du rapport remis au Secrétaire d'État au Logement et à l'urbanisme par Mme Muriel Boulmier, L'adaptation de l'habitat au défi de l'évolution démographique : un chantier d'avenir, octobre 2009.

69 () Rapport d’information précité, n° 3602, juillet 2011, p. 37 et s.

70 () Note de veille n° 187 du Centre d’analyse stratégique.

71 () Audition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin du 19 octobre 2011.

72 () Haute autorité de santé (HAS). Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : suivi médical des aidants, février 2010.

73 () Dans son rapport précité, La prise en charge des personnes âgées dépendantes, Mme Rosso-Debord proposait d’alléger le régime fiscal applicable aux rentes viagères lorsque ces dernières sont destinées à prendre en charge une perte d’autonomie avérée : « Les personnes de plus de soixante-cinq ans propriétaires d’un bien immobilier peuvent, lorsqu’elles n’arrivent plus à assumer les coûts de leur perte d’autonomie, souscrire un prêt viager hypothécaire. Le montant de ce prêt, qui ne comporte aucun remboursement pendant la vie de l’emprunteur, est hypothécairement garanti sur la valeur de son immeuble et est fixé en fonction de l’âge du bénéficiaire et de la valeur de son immeuble. Le prêt n’est soumis à aucune imposition particulière sauf s’il est transformé en rente viagère soumise à l’impôt sur le revenu. », p. 91.

74 () Créé par la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, le congé d’accompagnement a été transformé en congé de solidarité familiale par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

75 () Décret n° 2007-573 du 18 avril 2007.

76 () La durée de perception de l’APA, Drees, Études et résultats, n°724, avril 2010.


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