Accueil > Documents parlementaires > Les rapports d'information
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 4069

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 décembre 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

sur le dialogue social dans les armées

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Gilbert LE BRIS et Étienne MOURRUT,

Députés.

——

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : UN SYSTÈME DE DIALOGUE SOCIAL PROPRE AUX FORCES ARMÉES, AUJOURD’HUI DÉCALÉ PAR RAPPORT AUX ATTENTES DES PERSONNELS 9

I. — UN DISPOSITIF DE DIALOGUE SOCIAL SPÉCIFIQUE, ÉLABORÉ PROGRESSIVEMENT, DANS LES LIMITES PERMISES PAR LE « CANTONNEMENT JURIDIQUE » DES MILITAIRES 9

A. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DE MÉCANISMES DE DIALOGUE SOCIAL ADAPTÉS À LA CONDITION MILITAIRE 9

1. Le statut général des militaires restreint les possibilités d’expression collective autonome des militaires 10

a) Une liberté d’expression soumise à un régime plus contraignant que celui des autres agents publics 10

b) Une interdiction absolue de faire grève 12

c) Une liberté d’association très restreinte, excluant toute forme d’association professionnelle 13

d) Des limitations à la liberté de réunion 17

e) Une interdiction absolue de manifester 17

f) Un régime d’interdiction des réclamations et des recours collectifs 18

2. Des dispositifs de dialogue social adaptés au statut des militaires ont été progressivement mis en place 19

a) Traditionnellement, c’est dans le cadre de la relation de commandement que se déroule le dialogue social 19

b) Progressivement, le dialogue social a été organisé suivant une architecture institutionnelle spécifique aux militaires 21

B. L’ARCHITECTURE ACTUELLE DU DISPOSITIF DE DIALOGUE SOCIAL DANS LES FORCES ARMÉES 23

1. Le dialogue social au niveau national : des instances de concertation 24

a) Une instance nationale interarmées de concertation : le Conseil supérieur de la fonction militaire 24

b) Des instances de concertation propres à chaque armée et à chaque grande formation : les conseils de la fonction militaire 27

2. Le dialogue social au niveau local : des mécanismes de représentation et de participation 30

a) Un système de représentation du personnel à l’échelon des corps : les présidents de catégorie 30

b) Des instances de participation à l’organisation de la vie collective dans les unités de plus de cinquante militaires : les commissions participatives locales 32

II. — UN SYSTÈME DE PLUS EN PLUS DÉCONNECTÉ DES ATTENTES DES PERSONNELS ET DES ÉVOLUTIONS DE LA SOCIÉTÉ 34

A. UNE DÉFIANCE CERTAINE À L’ÉGARD DES INSTANCES NATIONALES DE CONCERTATION 34

1. Un dialogue national déconnecté des structures locales 34

a) Des instances nationales méconnues 34

b) Deux canaux bien distincts 35

2. Des membres des instances de concertation isolés 36

a) Une représentativité peu satisfaisante 36

b) Une compétence discutable 40

c) Un manque certain de reconnaissance 42

3. Un sentiment grandissant d’impuissance 43

a) Une autonomie limitée 43

b) Un suivi lacunaire 46

c) Des modes d’expression nouveaux 48

B. UN SYSTÈME DE DIALOGUE SOCIAL EN DÉCALAGE PAR RAPPORT À L’ÉTAT D’ESPRIT GÉNÉRAL DE LA NATION ET À LA SITUATION DES PRINCIPALES ARMÉES ÉTRANGÈRES 49

1. Un système qui correspond de moins en moins à l’état des relations sociales dans la société française contemporaine 49

a) Le régime d’expression collective des intérêts professionnels des militaires parait en décalage par rapport aux pratiques et aux attentes sociales, y compris celles des militaires 49

b) Le contraste entre les modes de gestion des relations sociales dans les armées et dans le reste de la société française n’est pas sans conséquence sur la cohésion des armées et leur lien avec la Nation 51

2. Un système de dialogue social dans les armées en décalage par rapport à ceux des autres démocraties occidentales 52

a) La France fait partie des pays où, traditionnellement, le régime d’expression collective des intérêts professionnels des militaires est le plus contraignant 52

b) On observe en Europe, y compris dans les pays latins, une tendance au renforcement des systèmes de concertation institués pour compenser les restrictions faites à l’exercice des droits syndicaux 56

SECONDE PARTIE : DE RÉFORMES RÉCENTES INSUFFISANTES, QUI EXIGENT UNE REFONTE PLUS GLOBALE DU SYSTÈME 59

I. — LES ADAPTATIONS RÉCENTES DU SYSTÈME DE DIALOGUE SOCIAL DANS LES ARMÉES NE RÉPONDENT QUE PARTIELLEMENT AUX ATTENTES DES MILITAIRES 59

A. DES ÉVOLUTIONS RÉCENTES, PLUS RAPIDES DANS LA GENDARMERIE QUE DANS LES AUTRES ARMÉES 59

1. Dans la gendarmerie nationale, le système de dialogue social a été largement rénové en 2010 59

a) Un représentant unique de toutes les catégories de gendarmes au niveau de l’arrondissement : le président du personnel militaire 59

b) Des agents chargés d’animer le dialogue social au niveau du groupement et de la région : les référents et le conseiller « concertation » 60

c) Des instances de concertation rénovées : les commissions de participation instituées à l’échelle de chaque groupement et de chaque région 61

2. Pour l’ensemble des militaires, une charte de la concertation et des correspondants des personnels ont été institués 63

a) La charte de la concertation, aboutissement d’importants travaux de réflexion sur les règles de dialogue social dans les armées 64

b) Les correspondants du personnel auprès des chefs d’état-major d’armée 68

B. DES RÉFORMES QUI DEMANDENT ENCORE À ÊTRE POURSUIVIES ET APPROFONDIES 70

1. Dans la gendarmerie, la réforme des instances locales de concertation n’a pas eu de corollaire au niveau national 70

a) Les conséquences de la réforme des instances locales et régionales de concertation 70

b) Les conséquences du rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur 71

2. Pour les autres militaires, les dernières adaptations du système de concertation ne suffisent pas à remédier aux insuffisances du dispositif 72

II. — RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS 73

A. ASSURER UNE RÉELLE REPRÉSENTATIVITÉ AUX INSTANCES DE DIALOGUE 73

1. Instaurer une chaîne élective continue, de la base au sommet 73

2. Conforter les présidents de catégorie 76

3. Préserver l’identité de chaque armée 77

B. CONFORTER LES MEMBRES DES INSTANCES DE CONCERTATION 79

1. Accorder plus de moyens 79

2. Reconnaître leur compétence 79

C. RÉÉQUILIBRER LES INSTANCES NATIONALES DE CONCERTATION 81

1. Libérer l’ordre du jour 81

2. Renforcer leur capacité d’expertise 83

3. Quelle place pour les associations ? 86

EXAMEN EN COMMISSION 89

ANNEXES 95

I. —  LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION D’INFORMATION 95

II. —  LISTE DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA MISSION D’INFORMATION 99

II. —  CHARTE DE LA CONCERTATION 101

INTRODUCTION

La Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a décidé la création, le 1er décembre 2010, d’une mission d’information sur le dialogue social dans les armées.

Les bouleversements profonds que subissent les forces armées depuis un certain nombre d’années peuvent en effet être source d’inquiétude, de désarroi, voire de mécontentement chez beaucoup de militaires. Il importe donc au commandement de prendre en compte au mieux les attentes et préoccupations exprimées par leurs subordonnés. Compte tenu des restrictions imposées aux militaires en matière de libertés civiles et politiques – comme l’interdiction de se syndiquer ou de faire grève – la prise en compte de leurs aspirations passe par un bon fonctionnement des instances de concertation.

Le bon fonctionnement, à tous les échelons, de ces instances est indispensable à la cohésion des armées et est gage de leur efficacité opérationnelle. Si la discipline militaire ne saurait s’accommoder de l’émergence d’une hiérarchie parallèle, le chef, responsable de ses troupes, ne peut embrasser à lui seul toutes les préoccupations de ses soldats.

Contrairement à ce que certains clichés pourraient véhiculer, le dialogue dans l’armée n’est donc pas un oxymore. Il existe et est souvent franc et direct. Il s’effectue par la relation hiérarchie directe mais aussi par la voix individuelle des présidents de catégorie, ou collective, des conseils de la fonction militaire et du Conseil supérieur de la fonction militaire.

Entre les mois de janvier et juin 2011, les rapporteurs de la mission ont rencontré un grand nombre de représentants de la communauté militaire : le chef d’état-major des armées, les secrétaires généraux des instances nationales de concertation, des responsables des ressources humaines des différentes armées et des responsables de l’administration centrale du ministère de la défense. Ils ont reçu de nombreux membres des différents conseils de la fonction militaires, des présidents de catégories et des membres des commissions participatives d’unité. Ils se sont déplacés dans plusieurs unités et ont également assisté à plusieurs sessions de conseils de la fonction militaire et à une session du Conseil supérieur de la fonction militaire. Ils ont, enfin, rencontré les représentants de différentes associations.

Au terme de leur mission, ils ont le sentiment que le dispositif actuel de concertation ne répond plus tout à fait aux attentes à la fois des militaires et du commandement. Les instances nationales sont jugées assez peu représentatives et, surtout, en manque cruel d’expertise pour pouvoir dialoguer efficacement avec le haut commandement.

Cette situation nuit grandement à la situation des militaires dans leur ensemble dans le sens où elle ne permet pas aux principales préoccupations d’être clairement exprimées et prises en compte par la hiérarchie. Cela conduit un certain nombre de militaires à se détourner du système et pourrait provoquer, à l’avenir, des formes de contestation plus radicales.

Les rapporteurs souhaitent redonner une réelle légitimité au système de concertation, sans en bouleverser fondamentalement l’équilibre, pour préserver ce lien de confiance indispensable au bon fonctionnement de nos armées.

PREMIÈRE PARTIE : UN SYSTÈME DE DIALOGUE SOCIAL PROPRE AUX FORCES ARMÉES, AUJOURD’HUI DÉCALÉ PAR RAPPORT AUX ATTENTES DES PERSONNELS

Au sein des forces armées, le dialogue social est organisé suivant des règles et au sein d’institutions spécifiques, définies de façon dérogatoire au droit commun afin de tenir compte des droits et des sujétions spécifiques à la fonction militaire. Cette organisation particulière n’a pas été instituée d’emblée : elle est le résultat d’une évolution longue, qui a débuté au XIXe siècle.

Toutefois, le système actuel de dialogue social dans les forces armées ne paraît plus adapté aux attentes des personnels, ainsi qu’aux pratiques et aux procédures actuelles du reste de la communauté nationale.

I. — UN DISPOSITIF DE DIALOGUE SOCIAL SPÉCIFIQUE, ÉLABORÉ PROGRESSIVEMENT, DANS LES LIMITES PERMISES PAR LE « CANTONNEMENT JURIDIQUE » DES MILITAIRES

Pour répondre à une demande croissante de représentation, de participation et de concertation au sein des forces armées, sans pour autant remettre en cause les restrictions liées à la condition militaire dans l’exercice de certaines libertés publiques, les pouvoirs publics ont mis en œuvre progressivement un système de dialogue social dont l’architecture et les modalités de fonctionnement sont, pour l’essentiel, dérogatoires au droit commun.

A. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DE MÉCANISMES DE DIALOGUE SOCIAL ADAPTÉS À LA CONDITION MILITAIRE

L’article 3 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, dont les dispositions sont codifiées à l’article L. 4121-1 du code de la défense, dispose que « les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens » mais précise que « toutefois, l’exercice de certains d’entre eux est soit interdit, soit restreint dans les conditions fixées par la […] loi ».

Les interdictions et les restrictions édictées en application de cet article reprennent pour l’essentiel celles que les régimes politiques successifs ont apportées depuis le XIXe siècle à l’exercice par les militaires de certaines libertés publiques, et que le doyen Maurice Hauriou décrit dans ses Principes de droit public ((1) comme un principe de « cantonnement juridique des militaires ». Cette expression fait écho au « cantonnement territorial » imposé aux militaires dans la Rome antique : dans les deux cas, le cantonnement a pour but d’assurer la suprématie du pouvoir civil sur le pouvoir militaire, condition de la démocratie, ainsi que le respect du principe hiérarchique, condition de l’efficacité de l’armée.

Ce « cantonnement juridique » restreint strictement les possibilités d’expression collective dans les armées, constituant ainsi un cadre légal incompatible avec l’application aux militaires des dispositifs de droit commun en matière de dialogue social.

1. Le statut général des militaires restreint les possibilités d’expression collective autonome des militaires

La condition militaire – entendue comme un ensemble de droits et de sujétions spécifiques aux personnels des armées – comprend des restrictions dans l’exercice de certaines libertés reconnues aux citoyens, qui compliquent l’expression collective des revendications sociales des militaires.

a) Une liberté d’expression soumise à un régime plus contraignant que celui des autres agents publics

i) Une liberté d’opinion complète, une liberté d’expression restreinte

L’état militaire n’implique aucune restriction en matière de liberté de conscience et de liberté d’opinion : tout militaire a droit au respect de ses croyances et de ses opinions, y compris philosophiques, religieuses ou politiques, et ne peut pas faire l’objet d’une sanction en raison de ses idées.

Toutefois, la manifestation de ces croyances et de ces opinions est strictement réglementée, et la liberté d’expression des militaires – c’est-à-dire le droit pour eux d’écrire et de parler en public – demeure restreinte.

La législation antérieure à la loi précitée du 24 mars 2005 portant statut général des militaires faisait obligation aux militaires en activité de service d’obtenir une autorisation préalable du ministre lorsqu’ils désiraient « évoquer publiquement des questions politiques ou mettant en cause une puissance étrangère ou une organisation internationale ». Ce régime d’autorisation préalable a été supprimé en 2005, mais l’article 4 du statut général des militaires, codifié à l’article L. 4121-2 du code de la défense encadre toujours strictement la liberté d’expression individuelle des militaires :

– il dispose que les militaires ne peuvent exprimer leur opinion « qu’en dehors du service » ;

– il soumet les militaires à une obligation générale de discrétion pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, et ce « indépendamment des dispositions du code pénal relatives à la violation du secret de la défense nationale et du secret professionnel ». Cet article précise que les personnels des armées ne peuvent être dégagés de leur obligation de discrétion que par une disposition législative expresse ou une décision expresse de l’autorité dont ils dépendent : cette obligation de discrétion a donc une portée générale et s’impose par principe ;

– il prévoit aussi la possibilité pour le commandement de restreindre ou d’interdire l’usage de « moyens de communication et d’information, quels qu’ils soient » afin d’« assurer la protection des militaires en opération, l’exécution de leur mission ou la sécurité des activités militaires » ;

– surtout, il dispose que les militaires ne peuvent exprimer leurs opinions qu’« avec la réserve exigée par l’état militaire », étant précisé que cette règle s’applique « à tous les moyens d’expression ».

ii) Un régime plus restrictif que celui applicable à la plupart des autres agents publics, mais justifié par les spécificités de la condition militaire

Si, en application d’une jurisprudence constante du Conseil d’État, tout agent public, même civil, est tenu à une obligation de réserve qui le contraint à observer une retenue dans l’expression de ses opinions, notamment politiques, sous peine de s’exposer à une sanction disciplinaire, cette obligation est appréciée de façon particulièrement étendue s’agissant des militaires.

À titre d’exemple, le Conseil d’État a considéré dans une décision du 12 janvier 2011 (2) que des interventions médiatiques critiquant directement la politique d’organisation des deux grands services français dédiés à la sécurité publique au moment même où celle-ci était en débat devant le Parlement « excédaient les limites que les militaires doivent respecter en raison de la réserve à laquelle ils sont tenus à l’égard des autorités publiques », et justifiaient une sanction disciplinaire, quand bien même la critique de fond était « présentée comme une défense du corps d’appartenance de l’intéressé et formulée en termes mesurés, sans caractère polémique ».

De même, saisie d’un litige reposant sur les mêmes faits, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré dans un arrêt du 15 septembre 2009 que « l’ingérence de l’autorité militaire [dénoncée par le requérant] a manifestement été prise en vue de défendre l’ordre dans les forces armées, but légitime aux fins de l’article 10 § 2 » de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, article qui garantit la liberté d’expression tout en permettant de soumettre son exercice « à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui ».

En effet, si la Cour a rappelé que « l’article 10 ne s’arrête pas aux portes des casernes », elle n’en a pas moins estimé qu’elle devait être « attentive aux particularités de la condition militaire et à ses conséquences sur la situation des membres des forces armées », afin que l’État puisse « imposer des restrictions à la liberté d’expression là où existe une menace réelle pour la discipline militaire, le fonctionnement efficace d’une armée ne se concevant guère sans des règles juridiques destinées à empêcher de saper cette discipline ». La Cour a aussi estimé qu’en embrassant une carrière militaire, le requérant a accepté les devoirs et responsabilités liés à la vie militaire et ne pouvait méconnaître les obligations dérivant de son statut particulier.

b) Une interdiction absolue de faire grève

L’article 6 de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, codifié à l’article L. 4121-4 du code de la défense, dispose que « l’exercice du droit de grève est incompatible avec l’état militaire », sans exception.

i) Un régime d’interdiction stricte, rare dans la fonction publique

Le droit de grève constitue un moyen de défense des intérêts professionnels reconnu d’abord aux salariés de droit privé par une loi du 25 mai 1864 supprimant le délit de coalition – dite « loi Ollivier » –, puis étendu aux agents publics. En effet, les juridictions administratives ont considéré dans un premier temps « que, par son acceptation de l’emploi qui lui a été conféré, le fonctionnaire s’est soumis à toutes les obligations dérivant des nécessités mêmes du service public et a renoncé à toutes les facultés incompatibles avec une continuité essentielle à la vie nationale » (3). Puis, appelées à apprécier la portée de l’article 7 du Préambule de la Constitution de 1946, selon lequel « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent », elles ont considéré que la grève dans la fonction publique ne peut pas être tenue pour illicite et que même l’absence de texte législatif précisant les conditions d’exercice de ce droit ne justifiait pas d’en priver les fonctionnaires (4). L’article 10 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires – dite « loi Le Pors » – a d’ailleurs consacré ce droit, en prévoyant que « les fonctionnaires exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Les militaires font partie des catégories d’agents publics qui, sur le fondement de ces dispositions, ont été soumises par la loi à des régimes spéciaux de privation ou de restriction du droit de grève. Leur situation est ainsi à rapprocher de celles :

– des magistrats, auxquels l’article 10 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature interdit « toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions » ;

– des policiers, pour lesquels l’article 2 de la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 relative au statut spécial des personnels de police prévoit que « toute cessation concertée du service, tout acte collectif d’indiscipline caractérisée pourra être sanctionné en dehors des garanties disciplinaires » ;

– des agents des services extérieurs de l’administration pénitentiaire, auxquels l’article 3 de l’ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 relative à leur statut spécial interdit « toute cessation concertée du service, tout acte collectif d’indiscipline caractérisée de la part des personnels des services extérieurs de l’administration pénitentiaire ».

ii) Un régime d’interdiction justifié par l’indispensable continuité du service public dans les forces armées

Comme l’indique le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979 relative à la loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail, les constituants de 1946 « ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu’il a des limites », et ont habilité le législateur à tracer celles-ci « en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ».

Le Conseil souligne notamment la nécessité pour le législateur « d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle », en allant au besoin « jusqu’à l’interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ». Du fait de la nature même de la mission des forces armées, tel est le cas pour les militaires.

c) Une liberté d’association très restreinte, excluant toute forme d’association professionnelle

Le statut général des militaires encadre la liberté d’association des personnels des armées par deux dispositions restrictives :

– l’article 5 de ce statut, codifié à l’article L. 4121-3 du code de la défense, interdit aux militaires en activité de service d’adhérer à des groupements ou associations à caractère politique. Cet article prévoit cependant une double exception à ce principe : l’interdiction est suspendue pour les militaires qui sont candidats à une fonction publique élective pour la durée de la campagne électorale, et pour ceux qui sont élus et acceptent le mandat correspondant ;

– l’article 6 du même statut, codifié à l’article L. 4121-4 du même code, dispose que « l’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que l’adhésion des militaires en activité de service à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire ».

Sous ces réserves, les militaires sont libres d’adhérer à tout autre groupement ou toute autre association. Si la législation antérieure à la loi précitée du 24 mars 2005 portant statut général des militaires leur faisait obligation de déclarer aux autorités militaires toute prise de responsabilités au sein d’une association, cette obligation n’a pas été reprise par le nouveau statut.

i) D’importantes restrictions à l’exercice de la liberté d’association, qui ne permettent de créer ni syndicats, ni associations professionnelles

Comme le souligne Mme Clara Bacchetta dans une étude approfondie sur la liberté d’association dans les armées (5), en formulant en des termes très larges l’interdiction faite aux militaires d’active de créer des groupements professionnels ou d’y adhérer, « le législateur a en fait souhaité viser toutes les formes de regroupement permanent reconnues par le droit français, c’est-à-dire le syndicat mais également l’association, dès lors que celle-ci se propose comme but la défense ou l’étude des intérêts professionnels des membres des forces armées ».

Ces deux formes de regroupements – le syndicat et l’association – ont en effet des régimes juridiques distincts. Ainsi, en vertu de l’article L. 2132-1 du code du travail, les syndicats possèdent la personnalité morale du seul fait de leur création et peuvent, selon l’article L. 2132-3 du même code, agir en justice et « exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent », alors qu’en application de l’article 2 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, les associations ne possèdent la personnalité morale que si elles font l’objet d’une déclaration administrative. L’article 6 de la même loi réduit en outre la capacité juridique des associations, en ne leur permettant de ne recevoir ni legs ni dons autres que manuels, sauf à être reconnue d’utilité publique par décret en Conseil d’État, auquel cas l’administration contrôle ses statuts et sa gestion.

Surtout, les syndicats tiennent dans la fonction publique une place privilégiée, car ils jouissent de droits qui ne sont pas reconnus aux associations :

– depuis la loi précitée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les syndicats reconnus représentatifs participent aux différentes instances de dialogue social et ont qualité pour négocier avec le Gouvernement, les représentants des employeurs publics territoriaux et les représentants des employeurs publics hospitaliers toutes les questions relatives aux conditions et à l’organisation du travail ;

– le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique accorde à ces syndicats d’importantes facilités dans la diffusion de l’information syndicale (mise à disposition de locaux, droit de tenir des réunions, d’afficher et de diffuser des documents, etc.) ;

– ce décret confère aux représentants syndicaux des autorisations spéciales d’absences ou des décharges d’activité de service pour l’exercice de leur mandat.

Mme Clara Bacchetta souligne ainsi dans son étude précitée qu’« alors que les syndicats sont directement ancrés dans le fonctionnement de l’administration, les associations demeurent à sa marge », relevant que ces dernières « ne disposent d’aucun moyen d’ingérence dans la gestion des services » pour trois raisons principales : leur activité ne peut se dérouler qu’en dehors des locaux de l’administration, le Gouvernement n’est jamais obligé de les consulter et leurs membres n’ont d’autre possibilité que de prendre sur leurs heures de repos pour y participer. C’est pourquoi « leur influence est modeste et leur action se limite le plus souvent à des recours devant les tribunaux pour la défense des intérêts des membres de la profession qu’elles ont en charge ».

ii) Des restrictions sans équivalent ni dans le droit privé, ni dans le droit de la fonction publique

La liberté syndicale – c’est-à-dire le droit d’appartenir à un syndicat ou d’en créer un – a été reconnue aux salariés du secteur privé par la loi du 21 mars 1884 relative à la création des syndicats professionnels, puis élargi aux fonctionnaires par la loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946 portant statut général de la fonction publique. Dans le droit en vigueur, l’article 8 de la loi précitée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires garantit aux fonctionnaires le droit syndical, et précise que les intéressés « peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats ». Les exceptions à ces principes sont très rares : avec les préfets et les sous-préfets, les militaires sont aujourd’hui les seuls fonctionnaires à ne pas disposer de la liberté syndicale.

Les restrictions apportées à l’exercice de la liberté d’association par les militaires sont encore plus exorbitantes du droit commun. En effet, comme le relève Mme Clara Bacchetta dans son article précité, même les préfets peuvent créer des associations de défense de leurs intérêts, ce qui la conduit à conclure que « les militaires d’active demeurent donc les uniques membres de la société française à être exclus du bénéfice d’une liberté aussi essentielle que peut l’être la liberté d’association, à partir du moment où la défense d’intérêts professionnels est en cause ».

iii) Des restrictions justifiées par les spécificités de la condition militaire

Jusqu’à présent, les juridictions qui ont été saisies de la conformité des articles 5 et 6 précités du statut général des militaires aux dispositions de la Constitution et des textes internationaux consacrant la liberté syndicale et la liberté d’association ont considéré que le régime restrictif imposé aux militaires en la matière se justifiait par les spécificités de la condition militaire.

La liberté syndicale et la liberté d’association ont en effet chacune une valeur constitutionnelle. L’alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946 dispose que « tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix », et dans sa décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 portant sur la loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, le Conseil constitutionnel a considéré la liberté d’association comme l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République auxquels il a reconnu une valeur constitutionnelle.

Le Conseil n’a été saisi ni des lois n° 72-662 du 13 juillet 1972 et n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, ni d’aucune question prioritaire de constitutionnalité portant sur les restrictions légales à l’exercice par les militaires de la liberté d’association. Mais le Conseil d’État, dans un avis du 1er juin 1949, a considéré que la notion de syndicat professionnel, telle qu’elle résulte des dispositions législatives qui ont institué pour les travailleurs le droit de se syndiquer, « est incompatible avec les règles propres à la discipline militaire » et que si les constituants de 1946 ont proclamé au sixième alinéa du Préambule de la Constitution le droit pour tous les citoyens d’assurer la défense de leurs intérêts professionnels en adhérant à des formations syndicales, « ils n’ont pas entendu accorder le droit syndical aux militaires en activité ».

Par ailleurs, l’Association de défense des droits des militaires (ADEFDROMIL) a contesté devant les tribunaux la conformité de l’article L. 4121-4 du code de la défense – qui interdit aux militaires d’adhérer à un groupement professionnel – à la Constitution ainsi qu’à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’article 11 de cette convention stipule en effet que « toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts » et que « l’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles, qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». Il précise qu’il n’est pas interdit que des « restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État ».

Dans deux arrêts du 11 décembre 2008, le Conseil d’État a considéré qu’eu égard aux « exigences qui découlent de la discipline militaire » et des « contraintes inhérentes à l’exercice de leur mission par les forces armées », les dispositions précitées de l’article L. 4121-4 du code de la défense, qui ne font en rien obstacle à ce que les militaires adhèrent à d’autres groupements que ceux qui ont pour objet la défense de leurs intérêts professionnels, constituent des restrictions légitimes au sens des stipulations de l’article 11 précité.

d) Des limitations à la liberté de réunion

Le statut général des militaires ne prévoit pas d’exception légale à l’application de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion. Dans un arrêt du 18 mai 1973 (6), le Conseil d’État a d’ailleurs confirmé que des militaires pouvaient légalement se réunir, en dehors du service, pour discuter et débattre de tout sujet, y compris de leur condition professionnelle.

Toutefois, l’exercice de cette liberté est encadré par trois règles.

D’abord, l’article D. 4122-12 du code de la défense interdit, au nom du « respect de la neutralité des forces armées et protection du moral et de la discipline » (titre de la sous-section du code à laquelle appartient cet article), « d’organiser et de participer à des manifestations ou à des actions de propagande philosophique, religieuse, politique ou syndicale » dans les enceintes et établissements militaires ainsi qu’à bord des bâtiments de la flotte et, en général, en tout lieu relevant d’une autorité militaire.

La portée de cette restriction est plus importante pour les militaires que pour les civils. En effet, en application loi précitée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et des textes qui ont précisé les règles d’exercice des droits syndicaux dans la fonction publique, l’administration est tenue de mettre des locaux à la disposition des syndicats représentatifs – y compris des personnels civils des armées –, ce qui confère incidemment à ces agents un droit à se réunir sur un lieu affecté au service. Les militaires n’ayant pas le droit de créer ou d’adhérer à un syndicat, ils ne bénéficient pas de cette possibilité.

Ensuite, le principe de neutralité des forces armées fait obstacle à ce que les réunions tenues par les militaires aient un caractère public.

Enfin, même dans le cadre de réunions privées, les militaires ne doivent pas violer le principe de discipline. En effet, pour affirmer dans son arrêt précité du 18 mai 1973 qu’un militaire pouvait, sans encourir de sanction, organiser une réunion ayant pour objet la condition professionnelle de certains militaires, le Conseil d’État a particulièrement tenu compte « de la volonté [que l’intéressé] a exprimée d’agir dans le respect de la discipline militaire ».

e) Une interdiction absolue de manifester

L’article D. 4121-1 du code de la défense interdit expressément « les manifestations, pétitions ou réclamations collectives ».

On soulignera que les militaires constituent la seule catégorie de fonctionnaires qui soit soumise à une telle interdiction : même les policiers et les membres des compagnies républicaines de sécurité peuvent manifester, pourvu que ce soit dans une tenue civile.

f) Un régime d’interdiction des réclamations et des recours collectifs

Il est interdit aux militaires de présenter des réclamations collectives à l’autorité dont ils dépendent, ainsi que d’exercer contre les actes de celle-ci des recours collectifs, qu’il s’agisse de recours gracieux ou de recours contentieux.

En effet, les dispositions précitées de l’article D. 4121-1 prohibant les « pétitions ou réclamations collectives » leur interdisent de saisir collectivement l’autorité supérieure ou les officiers généraux inspecteurs. De plus, les recours collectifs contentieux sont, quant à eux, rendus impossibles par l’interdiction faite aux militaires par l’article L. 4121-4 du même code d’appartenir à un syndicat ou à une association professionnelle. Ainsi, dans son arrêt précité du 11 décembre 2008, le Conseil d’État a jugé que la requête présentée par l’ADEFDROMIL était irrecevable au motif « que l’association requérante, qui regroupe des militaires et qui a notamment pour objet d’assurer la défense de leurs intérêts professionnels, contrevient aux prescriptions de l’article L. 4121-4 du code de la défense ».

L’article D. 4121-21 précité autorise les réclamations et les recours individuels. Il prévoit en effet que « le militaire peut individuellement saisir l’autorité supérieure ou, s’il y a lieu, les organismes créés à cette fin de propositions visant à améliorer les conditions d’exécution du service ou la vie en communauté ainsi que de questions relatives à sa situation personnelle ». L’article D. 4121-2 du même code lui permet également de saisir les officiers généraux inspecteurs de toute question relative à sa situation personnelle, aux conditions d’exécution du service ou à la vie en communauté, étant précisé qu’il n’est pas tenu de fournir d’avance les motifs de la demande d’audience. Par ailleurs, pour améliorer l’examen des recours gracieux formés par les militaires à titre individuel, le décret n° 2001-407 du 7 mai 2001 organisant la procédure de recours administratif préalable aux recours contentieux formés à l’encontre d’actes relatifs à la situation personnelle des militaires a institué une Commission des recours des militaires.

Il faut toutefois souligner que l’interdiction de former des recours collectifs limite dans les faits le droit de recours des militaires contre les actes de l’autorité dont ils dépendent, et ce pour deux raisons :

– dans la plupart des cas, les associations sont plus à même que les particuliers de disposer des compétences juridiques et des ressources financières nécessaires pour mener des recours, notamment si leur issue n’est pas certaine ;

– le militaire peut craindre des répercussions négatives sur sa carrière s’il engage une procédure individuelle à l’encontre d’un supérieur hiérarchique.

2. Des dispositifs de dialogue social adaptés au statut des militaires ont été progressivement mis en place

Alors qu’aux débuts de la IIIe République, l’armée - la « Grande muette » - voyait ses personnels soumis à un régime de droits politiques et de libertés publiques systématiquement dérogatoire au droit commun, les pouvoirs publics ont dû prendre en compte une demande croissante de dialogue social dans les armées pour les décisions relatives à la condition militaire.

Aussi, progressivement, ont été mis en place différents dispositifs de représentation, de participation et de concertation visant à aider le commandement dans la prise de ses décisions et à en faciliter l’appropriation par la communauté militaire. Compte tenu des restrictions attachées à la condition militaire dans l’exercice des libertés publiques, ces dispositifs, quoiqu’inspirés par une logique de dialogue social, sont nécessairement spécifiques aux militaires et exorbitants du droit commun. Ils sont de différentes natures : d’abord très informels – le dialogue social constituant une des dimensions du commandement des troupes –, ils ont été progressivement institutionnalisés, avec la mise en place d’outils et d’instances dédiés au dialogue social dans les forces armées.

a) Traditionnellement, c’est dans le cadre de la relation de commandement que se déroule le dialogue social

Comme le souligne le contrôleur adjoint des armées Thibaut de Vanssay de Blavous dans un récent article (7), « longtemps, la voie hiérarchique a constitué le mode exclusif de prise en considération des attentes du personnel militaire ». L’autorité du chef sur ses subordonnés – dont cet article note qu’elle peut être vue comme un paradigme du pouvoir, « sorte d’absolu de la subordination consentie » dans lequel l’acte juridique du commandement est doublé d’une influence morale prépondérante – a traditionnellement pour contrepartie l’ardente obligation pour la hiérarchie d’être « le porte-voix des aspirations sociales des militaires ». D’abord informel, ce mode de dialogue social s’est appuyé progressivement sur des outils formalisés d’étude du moral des militaires.

i) Le chef, « premier représentant syndical de ses troupes » (8)

L’article L. 4121-4 du code de la défense prive les militaires du droit de grève et leur interdit d’adhérer à un syndicat ou à une association à caractère professionnel, mais le même article dispose qu’« il appartient au chef, à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés et de rendre compte, par la voie hiérarchique, de tout problème de caractère général qui parviendrait à sa connaissance ».

L’obligation pour le chef de relayer les aspirations sociales de ses subordonnés fait ainsi intrinsèquement partie de la relation hiérarchique. Elle constitue une contrepartie à l’autorité que le chef détient sur eux, ainsi qu’aux restrictions que la loi fait peser sur eux dans l’exercice de leurs libertés publiques.

De même, l’article D. 4122-2 du code de la défense dispose que, lorsqu’il exerce une autorité en tant que chef, le militaire « a le droit et le devoir d’exiger l’obéissance des subordonnés » mais « respecte les droits des subordonnés » et « porte attention aux préoccupations personnelles des subordonnés et à leurs conditions matérielles de vie […] veille à leurs intérêts et, quand il est nécessaire, en saisit l’autorité compétente ».

La plupart des responsables militaires et civils entendus par les rapporteurs ont présenté le chef comme le premier échelon du dialogue social, certains évoquant la notion de « dialogue de commandement ». D’autres ont aussi décrit le chef comme le « père du régiment ». Il a en outre été estimé devant les rapporteurs que si c’est dans l’armée de terre que la concertation est la plus « rustique », c’est aussi en son sein que les officiers sont le plus proches de leurs hommes.

Les résultats d’un sondage relatif à la « vie dans l’armée de terre » réalisé en 2010 pour le compte du ministère de la défense vont dans le même sens : il en ressort en effet que 73 % des militaires de cette arme ont l’impression que leurs supérieurs directs les respectent et les prennent en considération (21 % répondant « oui, tout à fait » et 52 % « oui, plutôt »), et 65 % considèrent qu’en cas de problème, ils pourraient compter sur l’aide de leur chef direct (28 % répondant « oui, tout à fait » et 37 % « oui, plutôt »). Globalement, 81 % des militaires de l’armée de terre se disent très satisfaits (26 %) ou satisfait (55 %) de la façon dont leur chef les commande et 85 % pensent que leurs relations avec leurs supérieurs sont très bonnes (17 %) ou bonnes (68 %).

ii) Des outils formalisés d’observation du moral des militaires

C’est à partir de la Première Guerre mondiale que le commandement a mis en place un outil formalisé de suivi et d’étude du moral des troupes de l’armée de terre : le « rapport sur le moral », composé d’une partie synthétique et d’une partie consacrée à des cas particuliers jugés caractéristiques, transmis par voie hiérarchique. Comme l’analyse le contrôleur général des armées Gérard Hoffmann dans un article sur le sujet (9), « le rapport sur le moral dans l’armée de terre détient donc, dès l’origine, des caractéristiques que l’on retrouve encore aujourd’hui, à savoir l’expédition des rapports par la voie hiérarchique et la définition assez détaillée du contenu du document ».

Moyennant différents changements, ce modèle a été développé et étendu à l’ensemble des armées. Le rapport sur le moral est donc une tradition ancienne dans l’armée française.

Tous les ans ou tous les deux ans, selon les armées, le commandant de chaque unité rédige ainsi, sur la base d’un questionnaire, un rapport qui a pour objet de présenter l’appréciation du chef sur le moral collectif de son unité – et en particulier sur son évolution –, de mettre en évidence les points de satisfaction ou de préoccupation des troupes, d’inventorier les facteurs catégoriels du moral et de soumettre aux échelons supérieurs des suggestions ou des questions. Des tables rondes sont organisées en vue de la rédaction de ce rapport dans chaque unité de base, permettant à tout militaire d’y apporter sa contribution. Le document est ensuite transmis à l’état-major par la voie hiérarchique, où il fait l’objet de synthèses successives. Enfin, l’état-major en tire une synthèse destinée aux principales autorités de l’État.

Deux dispositifs viennent enrichir le rapport sur le moral :

– les autorités font réaliser des sondages d’opinion, non seulement sur des sujets ponctuels, mais aussi de façon régulière, en parallèle à la rédaction du rapport sur le moral ;

– il est prévu que les rapports peuvent contenir en annexe une note établie par chaque président de catégorie de personnels (cf. infra), qui a ainsi la faculté de présenter sa propre perception du moral de l’unité à l’autorité destinataire du rapport, adoptant éventuellement des points de vue divergents de ceux du chef.

b) Progressivement, le dialogue social a été organisé suivant une architecture institutionnelle spécifique aux militaires

La structuration du dialogue social dans les armées autour d’institutions spécifiques a été progressive ; elle a commencé à la fin des années 1960, et a été marquée par trois jalons historiques principaux.

i) 1969 : création du Conseil supérieur de la fonction militaire

Comme le rappelle M. Jean-Michel Bernard dans un récent article (10), le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) a été créé quelques mois après les événements de mai 1968 « pour satisfaire le double besoin d’expression et de concertation que l’on sentait poindre dans les armées ». Le Conseil est né selon lui « dans un climat assez particulier » tenant à trois traits :

– une diminution progressive des chances de succès des expressions individuelles ;

– le refus résolu des autorités et de la communauté militaire de tout syndicalisme au sein des armées ;

– la recherche d’une solution originale qui remédie aux effets de l’une et obéisse à la détermination de l’autre.

ii) 1989 : création des conseils de la fonction militaire

À la suite de l’épisode qu’il est convenu d’appeler la « grogne des gendarmes » à l’été 1989, qui avait vu un nombre important d’entre eux protester contre leurs conditions de travail et le manque de reconnaissance de leur métier au moyen des lettres anonymes envoyées à la presse, un conseil de la fonction militaire (CFM) a été créé pour la gendarmerie, pour chaque armée et pour les principaux services relevant du ministère de la défense.

iii) 2005 : création du Haut comité d’évaluation de la condition militaire

Le Haut comité d’évaluation de la condition militaire a été institué par la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires. Sa création vise à permettre une analyse objective de la condition militaire, évaluant notamment si les compensations offertes aux militaires en contrepartie des sujétions particulières qui pèsent sur eux sont suffisantes. Suivant une recommandation formulée par la Commission de révision du statut général des militaires (cf. l’encadré ci-après), il s’agissait en effet de répondre au malaise social qui s’était exprimé en 2001 dans la gendarmerie, ainsi que d’accompagner les restructurations des forces armées. L’objectivité des analyses du Haut comité est garantie par la neutralité et l’indépendance de ses membres.

L’intérêt de créer un Haut comité d’évaluation de la condition militaire

Le statut général prévoit, dans son article premier, qu’il soit apporté « des compensations aux contraintes et exigences de la vie dans les armées ». Or, il semble que les militaires aient, dans l’ensemble, le sentiment que cet équilibre entre contraintes et compensations a été rompu et que la condition militaire a évolué à leur détriment au cours des dernières années ; tel est du moins le constat qui ressort des auditions. Que ce sentiment de la communauté militaire soit fondé ou non, il emporte de toute façon le même risque : celui d’engendrer au fil du temps une profonde insatisfaction, assortie de la conviction que la condition militaire serait moins bien défendue que les autres intérêts professionnels dans la société, faute de disposer du moyen de pression que constitue en dernier ressort l’action syndicale. Afin de prévenir ce risque, il faut éviter que le débat sur la condition militaire, avivé par la professionnalisation des armées, ne laisse une part trop grande aux impressions générales : chacun ressent en effet plus volontiers et plus vivement ce qui est à son détriment que ce qui est à son avantage.

Il paraît donc nécessaire de procéder à une évaluation régulière, objective et comparative de la condition militaire et de son évolution. Mais il ne suffit pas que cette évaluation soit objective ; il faut encore que les parties concernées la jugent telle et ne puissent contester son impartialité. Elle doit donc émaner d’un organisme indépendant du ministère de la défense, comme d’ailleurs du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. Il convient enfin qu’elle soit directement portée à la connaissance des plus hautes autorités de l’État.

Les militaires sont en effet pleinement conscients qu’il ne suffit pas qu’ils soient entendus au niveau ministériel ; encore faut-il que les mesures à prendre soient approuvées au niveau interministériel. La nouvelle situation des armées, maintenant placées en concurrence avec les autres employeurs pour recruter et fidéliser l’ensemble de leurs ressources humaines, renforce d’ailleurs ce besoin d’évaluation comparative de la condition militaire. Pour ces motifs, il pourrait être opportun d’instituer un organisme d’observation de la condition militaire indépendant du ministère de la défense, inspiré, avec les adaptations nécessaires, de l’Armed Forces Pay Review Body (AFPRB) britannique.

Source : rapport de la commission de révision du statut général des militaires, octobre 2003.

Cette évolution historique longue a abouti à la mise en place d’un système de dialogue social spécifique à la communauté militaire, dont l’architecture institutionnelle est originale.

B. L’ARCHITECTURE ACTUELLE DU DISPOSITIF DE DIALOGUE SOCIAL DANS LES FORCES ARMÉES

Le dialogue social est organisé dans la fonction militaire suivant trois modalités, pour lesquelles des instances spécifiques ont été mises en place :

– la concertation, c’est-à-dire l’étude conjointe de tous sujets ayant trait à la condition militaire, au sein d’instances dédiées, entre le ministre de la défense et le haut commandement d’une part, et des représentants des militaires d’autre part ;

– la participation des militaires à la prise des décisions relatives à la vie courante de leur unité ;

– la représentation des militaires, qui consiste à la fois à assurer l’expression de leurs préoccupations auprès du commandement et à les conseiller.

Dans le système actuel de dialogue social dans les forces armées, la concertation est organisée, au niveau national, au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) et des conseils de la fonction militaire (CFM), tandis que la participation et la représentation des militaires sont assurées, au niveau local, respectivement par des commissions participatives locales et des présidents de catégorie.

1. Le dialogue social au niveau national : des instances de concertation

a) Une instance nationale interarmées de concertation : le Conseil supérieur de la fonction militaire

i) Le statut du Conseil supérieur de la fonction militaire

Le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) a été créé par la loi n° 69-1044 du 21 novembre 1969 dont les dispositions sont codifiées à l’article L. 4124-1 du code de la défense, qui le définit comme « le cadre institutionnel dans lequel sont examinés les éléments constitutifs de la condition de l’ensemble des militaires ».

Cet article dispose que le Conseil supérieur « exprime son avis sur les questions de caractère général relatives à la condition et au statut des militaires » et qu’il est obligatoirement saisi des projets de textes d’application du code de la défense qui ont une portée statutaire.

ii) La composition du Conseil supérieur

Selon l’article R. 4124-2 du même code, le CSFM est présidé par le ministre de la défense et composé de quatre-vingt-cinq membres siégeant avec voix délibérative, dont soixante-dix-neuf militaires d’active et six militaires retraités. Un arrêté du ministre de la défense en date du 14 août 2009 a précisé la composition du Conseil supérieur et des conseils de la fonction militaire ainsi que les modalités de désignation de leurs membres. Comme le montre le tableau ci-après, il en ressort que la composition du Conseil supérieur est réglée de façon à représenter l’ensemble des catégories de personnels – officiers, subalternes, sous-officiers supérieurs, infirmiers et techniciens, sous-officiers subalternes et gendarmes, militaires du rang – de l’ensemble des armées et des formations rattachées.

Le décret n° 2005-1239 du 30 septembre 2005 relatif au Conseil supérieur de la fonction militaire et aux conseils de la fonction militaire a établi le principe de l’élection des membres du Conseil supérieur, jusqu’alors désignés par tirage au sort parmi les membres des CFM : les dispositions de l’article R. 4124-3 du code de la défense issues de ce décret indiquent en effet que « les membres militaires, titulaires et suppléants, du Conseil supérieur de la fonction militaire sont nommés pour quatre ans par arrêté du ministre de la défense après avoir été élus parmi et par les membres des conseils de la fonction militaire ». Le Conseil est renouvelé par moitié tous les deux ans.

En application de l’article R. 4124-3 du code de la défense, les membres du CSFM représentant les retraités sont nommés par arrêté ministériel sur proposition des organisations nationales de retraités les plus représentatives, qui fournissent chacune une liste de trois candidats parmi lesquels sont choisis un titulaire et un suppléant. Actuellement, ces organisations sont les suivantes :

– l’Association nationale des officiers de carrière en retraite (ANOCR) ;

– la Confédération nationale des retraités militaires et des veuves de militaires de carrière (CNRM) ;

– la Fédération nationale des officiers mariniers en retraite (FNOM) ;

– la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG) ;

– l’Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie (UNPRG) ;

– l’Union nationale des sous-officiers en retraite (UNSOR).

L’article R. 4124-2 du code de la défense prévoit que le Conseil supérieur comprend en outre, à titre consultatif, un représentant du ministre de l’intérieur, un représentant du ministre chargé du budget et un représentant du ministre chargé de la fonction publique, nommés par arrêté de leur ministre respectif.

Composition globale du Conseil supérieur de la fonction militaire

 

Armée de terre

Marine

Armée de l’air

Gendarmerie

Délégation générale à l’armement

Service de santé
des armées

Service des essences
des armées

Totaux

Catégories de militaires

Titulaires

Suppléants

Titulaires

Suppléants

Titulaires

Suppléants

Titulaires

Suppléants

Titulaires

Suppléants

Titulaires

Suppléants

Titulaires

Suppléants

Titulaires

Suppléants

Officiers supérieurs

2

6

1

3

1

3

1

3

1

5

1

5

   

7

25

Officiers subalternes

3

9

2

6

2

6

2

6

1

5

1

5

1

3

12

40

Majors, sous-officiers ou officiers mariniers supérieurs et gradés de la gendarmerie

6

18

3

9

3

9

8

24

           

20

60

Militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées

                   

1

5

   

1

5

Sous-officiers et officiers mariniers subalternes et gendarmes

7

28

4

12

4

12

8

24

           

23

76

Militaires du rang

9

36

2

6

4

12

           

1

3

16

57

Totaux

27

97

12

36

14

42

19

57

2

10

3

15

2

6

79

263

Retraités militaires

                           

6

6

Total global

                           

85

269

Source : ministère de la défense et des anciens combattants.

iii) Le fonctionnement du Conseil supérieur de la fonction militaire

L’article 1er de l’arrêté du 26 décembre 2005 portant règlement intérieur du Conseil supérieur et des conseils de la fonction militaire donne compétence au ministre de la défense pour présider le Conseil supérieur, fixer la date de ses sessions et en arrêter l’ordre du jour. L’article 3 de cet arrêté le dote d’un secrétariat général dirigé par un membre du corps du contrôle général des armées nommé par le ministre de la défense.

En application de l’article R. 4124-1 du même code et de l’article 7 du même arrêté, l’ordre du jour du CSFM comprend :

– les projets de textes et les questions de caractère général relatives à la condition et au statut des militaires que le ministre de la défense, président du CSFM, a décidé d’y inscrire pour avis ou pour information, notamment les projets de textes comportant des dispositions statutaires ;

– les questions de caractère général relatives à la condition et au statut des militaires dont l’examen a été demandé par la majorité des membres du Conseil supérieur, et qui sont alors inscrites d’office ;

– les propositions adressées au secrétaire général par un membre du CSFM et qui ont été retenues par le ministre de la défense.

Selon les articles 8 et 21 de l’arrêté précité du 26 décembre 2005, les militaires peuvent adresser aux membres du Conseil supérieur des propositions, études et suggestions, ainsi que des questions relatives au statut et à la condition des militaires. Les membres du CSFM transmettent alors ces propositions, études, suggestions et questions, avec leur avis, au secrétaire général du Conseil supérieur, qui apprécie l’opportunité de transmettre ou non ces questions au ministre, auquel il revient de choisir s’il les soumet ou non à l’avis du Conseil supérieur. Cependant, en vertu de l’article 22 de l’arrêté 26 décembre 2005, le secrétaire général du CSFM n’est pas habilité à traiter les questions d’ordre individuel, même si elles se rapportent à l’application des dispositions relatives à la condition et au statut des militaires.

On notera que l’article L. 4124-1 du code de la défense garantit que les membres du Conseil supérieur « jouissent des garanties indispensables à leur liberté d’expression » et que « toutes informations et facilités nécessaires à l’exercice de leurs fonctions doivent leur être fournies ».

b) Des instances de concertation propres à chaque armée et à chaque grande formation : les conseils de la fonction militaire

i) Le statut des conseils de la fonction militaire

Le décret n° 90-183 du 28 février 1990 portant application de la loi n° 69-1044 du 21 novembre 1969 relative au Conseil supérieur de la fonction militaire précise qu’il est assisté dans ses missions par sept conseils de la fonction militaire (CFM), constitués chacun au sein des différentes armées et services de la défense énumérés à l’article R. 4124-6 du code de la défense : l’armée de terre, la marine nationale, l’armée de l’air, la gendarmerie nationale, la direction générale de l’armement, le service de santé des armées, et le service des essences des armées.

L’article 18 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires a donné un statut légal à ces conseils. Ses dispositions sont codifiées à l’article L. 4124-1 du code de la défense, qui institue les CFM et prévoit qu’ils « étudient toute question relative à leur armée, direction ou service concernant les conditions de vie, d’exercice du métier militaire ou d’organisation du travail » et qu’« ils procèdent également à une première étude des questions inscrites à l’ordre du jour du Conseil supérieur de la fonction militaire ».

ii) La composition des conseils de la fonction militaire

L’article R. 4124-8 du code de la défense confie au ministre de la défense la présidence des conseils de la fonction militaire. Toutefois, de façon cohérente avec le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, le CFM de la gendarmerie nationale peut, en fonction de l’ordre du jour, être présidé soit par le ministre de la défense, soit par le ministre de l’intérieur, soit par ces deux ministres.

Cet article dispose aussi que le chef d’état-major de chaque armée, le directeur général de la gendarmerie nationale, le délégué général pour l’armement, le directeur central du service de santé des armées et le directeur central du service des essences des armées sont respectivement les vice-présidents du CFM de leur armée ou formation. Ils en assurent la présidence effective à la demande du ou des ministres intéressés.

L’article R. 4124-10 du même code dispose que « les membres titulaires des conseils de la fonction militaire et les suppléants sont désignés par voie de tirage au sort parmi les militaires ayant fait acte de volontariat au sein d’une population déterminée pour chaque armée ou formation rattachée ». L’article R. 4124-9 de ce code fixe à quatre ans la durée de leur mandat. Les CFM sont renouvelés par moitié tous les deux ans.

L’arrêté précité du 14 août 2009 fixe la composition des conseils de la fonction militaire de la façon suivante :

– le CFM de l’armée de terre (CFMT) compte quatre-vingt-huit membres, dont onze officiers supérieurs, onze officiers subalternes, vingt majors et sous-officiers supérieurs, vingt-deux sous-officiers subalternes et vingt-quatre militaires du rang engagés ;

– le CFM de la marine nationale (CFMM) comporte cinquante membres, dont quatre officiers supérieurs, cinq officiers subalternes, onze majors et officiers mariniers supérieurs, vingt et un officiers mariniers subalternes et neuf militaires du rang engagés ;

– le CFM de l’armée de l’air (CFMA) est constitué de cinquante-quatre membres, dont quatre officiers supérieurs, huit officiers subalternes, seize majors et sous-officiers supérieurs, seize sous-officiers subalternes et dix militaires du rang engagés ;

– le CFM de la gendarmerie nationale (CFMG) compte soixante-dix-neuf membres, dont quatre officiers supérieurs, six officiers subalternes, trente et un majors, gradés et sous-officiers supérieurs, et trente-huit gendarmes ou sous-officiers subalternes ;

– le CFM de la direction générale de l’armement (CFMDGA) comporte seize membres, dont neuf officiers supérieurs, ingénieurs des études et techniques de l’armement ou officiers du corps technique et administratif de l’armement d’ingénieurs de l’armement, ainsi que sept officiers subalternes et ingénieurs des études et techniques de l’armement ;

– le CFM du service de santé des armées (CFMSSA) comporte quarante-sept membres, dont treize officiers supérieurs (neuf médecins de carrière, un médecin commissionné, un pharmacien, un vétérinaire et un représentant du corps technique et administratif), dix officiers subalternes, deux militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) soumis aux lois et règlements applicables aux officiers, vingt MITHA soumis à d’autres dispositions statutaires, un aumônier des armées et un militaire du rang ;

– le CFM du service des essences des armées (CFMSEA) comprenant quinze membres, parmi lesquels des ingénieurs militaires des essences, des officiers du corps technique et administratif du service des essences des armées, des sous-officiers et des militaires du rang engagés.

iii) Le fonctionnement des conseils de la fonction militaire

L’arrêté du 26 décembre 2005 portant règlement intérieur du Conseil supérieur de la fonction militaire et des conseils de la fonction militaire fixe pour les CFM des règles de fonctionnement analogues à celles du Conseil supérieur.

L’article 2 de cet arrêté établit ainsi la compétence du ministre de la défense pour fixer la date des sessions des conseils, qui se réunissent au moins deux fois par an, et pour en arrêter l’ordre du jour. En application de l’article R. 4124-1 du code de la défense et de l’article 7 de l’arrêté 26 décembre 2005, cet ordre du jour comprend :

– les points inscrits à l’ordre du jour de la session correspondante du Conseil supérieur de la fonction militaire ;

– les questions relatives à leur armée ou formation rattachée concernant les conditions de vie, d’exercice du métier militaire ou d’organisation du travail que le ministre de la défense a décidé d’y inscrire, sur son initiative ou sur proposition du chef d’état-major de l’armée ou du chef de la formation concernée ;

– les questions relatives à leur armée ou formation rattachée concernant les conditions de vie, d’exercice du métier militaire ou d’organisation du travail dont l’examen a été demandé par la majorité des membres du conseil concerné et qui sont inscrites d’office ;

– les propositions adressées au secrétaire général par un membre du conseil concerné et qui ont été retenues par le ministre de la défense.

Les conseils de la fonction militaire peuvent également être saisis de propositions, études ou suggestions présentées par des militaires suivant une procédure analogue à celle applicable devant le Conseil supérieur (cf. supra).

2. Le dialogue social au niveau local : des mécanismes de représentation et de participation

Afin de régler de façon concertée l’activité quotidienne des unités, des instances et des procédures de dialogue social ont été organisées au niveau local, suivant une logique de représentation des militaires pour certaines, et une logique de participation pour d’autres.

a) Un système de représentation du personnel à l’échelon des corps : les présidents de catégorie

Les présidents de catégories existent de longue date dans certains corps mais, jusqu’à la mise en œuvre d’un arrêté du 12 avril 2001 relatif à la désignation des présidents de catégories et des membres des commissions participatives, il n’existait pas de représentant pour chaque catégorie dans toutes les armées et leur mode de désignation variait d’une armée à l’autre.

L’article 1er de l’arrêté du 12 avril 2001 a généralisé les présidents de catégorie, dont il prévoit que tous « sont désignés parmi les officiers, sous-officiers et officiers mariniers, militaires du rang pour une durée de deux ans, renouvelable ».

i) Les missions des présidents de catégorie

Les présidents de catégorie sont chargés de représenter les militaires auprès du commandant d’une unité. Ils ont un accès direct au chef, ce qui doit permettre à ce dernier d’avoir une connaissance suffisante de la situation et des préoccupations de ses subordonnés pour remplir la mission qui lui est assignée par l’article L. 4121-4 du code de la défense, selon lequel il lui appartient, « à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés et de rendre compte, par la voie hiérarchique, de tout problème de caractère général qui parviendrait à sa connaissance » (cf. supra).

Les présidents de catégorie traitent uniquement les questions concernant la vie courante des personnels, et leur rôle dans leur unité est essentiellement consultatif.

ii) Le mode de désignation des présidents de catégorie

En application de l’arrêté précité du 12 avril 2001, les présidents de catégorie sont élus au scrutin uninominal à un tour, à bulletin secret, ce qui n’était pas le cas dans toutes les armes auparavant. En effet, si les présidents de catégorie l’étaient déjà dans la gendarmerie, ils étaient désignés par le chef de corps sur une liste proposée par le président de catégorie sortant dans les armées de terre, de l’air et dans la marine.

Désormais, selon l’article 4 de l’arrêté du 12 avril 2001, « la désignation du président de catégorie est effectuée par l’ensemble du personnel de chaque catégorie de la formation ou de l’organisme » et ce n’est qu’en cas d’absence de volontaire que le commandant de la formation désigne un représentant de la catégorie concernée. Cependant, dans ce cas, le mandat du président de catégorie ne dure qu’un an, et non deux.

Le vote se déroule dans les dix jours suivant l’enregistrement définitif des candidatures. Le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix est désigné président de catégorie. En cas d’égalité de voix, c’est le candidat le plus ancien dans le grade le plus élevé dans la catégorie qui est choisi. Cette procédure vise à garantir la légitimité des présidents de catégorie.

iii) Un statut visant à éviter toute « professionnalisation » de la fonction

L’instruction n° 201400/DEF/SGA/DFP/FM/1 du 6 septembre 2001 relative à l’élection des présidents de catégorie et des membres des commissions participatives comporte plusieurs dispositions pour éviter toute « professionnalisation » de la fonction de président de catégorie :

– elle dispose ainsi que « les présidents de catégorie occupent un poste prévu au tableau des effectifs » et qu’en principe, « la fonction de président de catégorie ne peut constituer leur seule activité » ;

– elle prévoit que si les présidents de catégorie doivent informer leurs pairs et recueillir leurs avis et suggestions, « ils ne peuvent susciter ni des pétitions ni des réclamations collectives ».

Enfin, les présidents de catégorie ne peuvent être élus sur un programme, l’article 7 de l’arrêté du 12 avril 2001 relatif à la désignation des présidents de catégories et des membres des commissions participatives leur interdisant de diffuser des textes relatifs à leur candidature.

iv) Des cas particuliers

L’instruction précitée du 6 septembre 2001 prévoit que, dans les formations disposant de plus de 50 officiers supérieurs – notamment dans les écoles et les états-majors – la représentation des officiers pourra être assurée conjointement par un président des officiers supérieurs et par un président des officiers subalternes.

Depuis la réforme des instances de dialogue de la gendarmerie entreprise en 2010 (cf. infra), les dispositions générales relatives aux présidents de catégorie ne s’appliquent plus aux gendarmes. En effet, l’ensemble des catégories de personnels militaires de la gendarmerie est désormais représenté par une seule personne, dénommée président du personnel militaire, en vertu de l’article 2 de l’arrêté du 23 juillet 2010 relatif aux instances de représentation et de participation au sein de la gendarmerie nationale. Par ailleurs, à la différence des présidents de catégorie, les présidents du personnel militaire sont désignés pour quatre ans et non pour deux ans – ce qui était déjà le cas pour les présidents de catégorie de la gendarmerie avant la réforme de 2010.

b) Des instances de participation à l’organisation de la vie collective dans les unités de plus de cinquante militaires : les commissions participatives locales

L’article D. 4121-3 du code de la défense prévoit que « les militaires participent à la prise des décisions relatives à la vie courante de leur formation par l’intermédiaire de commissions ». En application de cette disposition, l’article 8 de l’arrêté du 12 avril 2001 relatif à la désignation des présidents de catégories et des membres des commissions participatives prévoit la constitution d’une « commission participative locale » dans toute formation ou organisme dont l’effectif militaire est supérieur à cinquante personnes. Dans les autres cas, sa création est facultative.

Dans l’armée de terre, il existe ainsi une commission participative du corps dans chaque unité ou organisme formant corps dont l’effectif militaire est supérieur à 50 personnes. De plus, à l’initiative du commandant de garnison, il peut être créé une commission participative de garnison. Les commissions participatives se réunissent au minimum deux fois par an.

Dans la marine nationale, l’instruction précitée du 6 septembre 2001 prévoit qu’une commission participative d’unité doit être constituée dès que l’effectif militaire est supérieur à 25 personnes. En outre, aux commissions participatives locales s’ajoutent deux commissions participatives de port, l’une à Brest et l’autre à Toulon. Les commissions participatives se réunissent au minimum deux fois par an.

Dans la gendarmerie nationale, l’article 17 de l’arrêté du 23 juillet 2010 relatif aux instances de représentation et de participation au sein de la gendarmerie nationale, a institué des « commissions de participation » et non des commissions participatives. La commission de participation est « l’instance au sein de laquelle sont évoquées les questions relatives aux conditions de vie et de travail qui, par leur caractère général, dépassent le niveau des unités subordonnées ». Aux commissions de participation constituées à l’échelle d’un groupement ou d’une formation assimilée, situées au niveau départemental et réunies sous la présidence du commandant de groupement ou de la formation assimilée, s’ajoutent des commissions de participation régionales, qui se réunissent au moins quatre fois par an (cf. infra).

Les commissions participatives sont présidées par le commandant de la formation ou le chef de l’organisme concerné, et composées pour partie de membres élus et pour partie de membres de droit. Dans l’armée de terre, l’armée de l’air et la marine, seule une partie des membres de ces commissions est élue, les autres y siégeant de droit ; dans la gendarmerie, tous les membres des commissions de participation sont des membres de droit.

L’article 9 de l’arrêté du 12 avril 2001 relatif à la désignation des présidents de catégories et des membres des commissions participatives prévoit en effet que sont de droit membres de ces commissions le ou les présidents de catégories – dont on soulignera toutefois qu’ils ont été élus à cette fonction –, ainsi que les membres titulaires et suppléants du conseil de la fonction militaire affectés dans la formation ou l’organisme – ce qui permet d’articuler les instances nationales de dialogue et les instances locales.

En application de l’article 6 de cet arrêté, la désignation des membres élus « s’opère par scrutin, à bulletin secret, dans les dix jours suivant l’enregistrement définitif des candidatures ». Ces membres sont élus pour deux ans par les différentes catégories. L’article 10 de l’arrêté du 12 avril 2001 prévoit que leur mandat est renouvelable une fois.

II. — UN SYSTÈME DE PLUS EN PLUS DÉCONNECTÉ DES ATTENTES DES PERSONNELS ET DES ÉVOLUTIONS DE LA SOCIÉTÉ

A. UNE DÉFIANCE CERTAINE À L’ÉGARD DES INSTANCES NATIONALES DE CONCERTATION

Si l’organisation actuelle des instances locales de dialogue semble plutôt donner satisfaction, il n’en est pas de même pour les instances nationales, conseils de la fonction militaire et Conseil supérieur de la fonction militaire. Les entretiens qu’ils ont eus avec les différents représentants de la communauté militaire ont donné le sentiment aux rapporteurs que ces instances éprouvaient des difficultés à retranscrire de manière satisfaisante les préoccupations des armées ou formations rattachées qu’elles représentaient.

Conscientes de ces lacunes, les armées avaient procédé, à la demande du ministre de la défense exprimée au cours de la 76e session du Conseil supérieur de la fonction militaire, en décembre 2007, à des audits sur leurs instances de concertation. Les résultats de ces audits ont servi de support aux travaux du groupe de travail interarmées, constitué sous le double pilotage de la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) et de l’inspection générale des armées-air. L’analyse de ces documents est venue conforter les impressions éprouvées par les rapporteurs au cours de leur mission.

1. Un dialogue national déconnecté des structures locales

a) Des instances nationales méconnues

La communauté militaire connaît mal ses instances de concertation. Si la figure du président de catégorie est bien ancrée dans les esprits, cela est loin d’être le cas des instances nationales.

À la lecture d’un sondage réalisé en 2010 par l’armée de l’air, on apprend par exemple que seuls 35 % des militaires du rang déclaraient connaître la présence d’un membre du CFM air sur leur base, ce pourcentage augmentant à 60 % chez les sous-officiers et 70 % chez les officiers. On peut également relever que l’audit réalisé par l’armée de terre en 2008 faisait apparaître que 61 % des militaires toute catégorie connaissaient le CFM terre, ce pourcentage descendant à 52 % chez les engagés volontaires.

Institution plus ancienne, le CSFM est mieux connu. Le sondage nommé Baromètre interne des personnels de la défense, réalisé en 2007 par la délégation à l’information et à la communication de la défense (DICOD), indique que 77 % des militaires interrogés déclaraient avoir « entendu parler du CSFM ». Ce pourcentage a néanmoins chuté de 9 points, à 69 %, dans le sondage de 2009.

Tous les sondages font apparaître une plus grande méconnaissance des instances et un jugement plus sévère sur leur action à mesure que l’on descend dans la hiérarchie. Selon un sondage de 2010, 60 % des officiers de l’armée de l’air déclarent connaître au moins une avancée positive due au CFM air alors que ce chiffre tombe à 40 % chez les sous-officiers et à 25 % chez les militaires du rang. Un sondage de 2007 indique par ailleurs que 84 % des officiers jugent le CFM gendarmerie efficace, opinion partagée par seulement 60 % des sous-officiers et 63 % des gendarmes-adjoints volontaires.

Ainsi que le souligne le rapport du groupe de travail interarmées, il n’est pas surprenant que, dans ces conditions, « les résultats des travaux des instances et l’investissement personnel de leurs membres soient mal reconnus ». Comme ont pu le constater les rapporteurs, ce ne sont pas vers ces instances que les militaires se tournent en premier pour évoquer leurs difficultés quotidiennes mais leur hiérarchie ou leurs présidents de catégorie. Cela contribue à isoler (cf. infra) les membres de ces instances. Cela nuit surtout à la crédibilité de l’ensemble d’un dispositif qui souffre d’un « manque notable de culture de la concertation », selon les termes du rapport du groupe de travail interarmées.

b) Deux canaux bien distincts

L’organisation actuelle du dialogue dans les armées opère une distinction très nette entre la représentation et la participation au niveau local, d’une part, et la concertation au niveau national, d’autre part.

Or les audits diligentés par le ministre de la défense dans chacune des armées traduisent le sentiment d’un fossé croissant entre les préoccupations exprimées au niveau local et celles qui sont reprises au niveau national, dans les instances de concertation.

Dans son rapport de propositions présenté en janvier 2010, le groupe de travail interarmées estimait néanmoins indispensable de préserver cette distinction entre la participation qui « relève de la conduite de l’action au quotidien » et la concertation qui concerne la « préparation de l’avenir ». Si une séparation stricte des organes et des procédures de désignation demeure, elle n’exclut pas des points de rencontre entre les acteurs par le biais de diverses instances de coordination.

Les membres des instances de concertation participent ainsi aux commissions participatives d’unité, au niveau local. Par ailleurs, la plupart des armées et formations rattachées organisent, au niveau régional, des réunions préparatoires aux sessions des conseils de la fonction militaire où se rencontrent président de catégorie et membres de ces instances. Ces réunions ont pour objectif de s’assurer, ainsi que le précise le rapport du groupe de travail interarmées, « que les préoccupations portées par les membres des instances de concertation sont bien l’expression de celles des unités et que les présidents de catégorie sont bien informés des travaux menés dans le cadre des instances de concertation ».

Mais le fonctionnement de ces réunions régionales ne donne pas toujours satisfaction. L’audit réalisé par l’armée de l’air en 2008 révèle ainsi que le fruit des travaux effectué par les bases aériennes n’est pas toujours repris par le CFM air et encore moins par le CSFM, ce qui constitue une « source importante de mécontentement ».

Ce mécontentement se traduit par une défiance grandissante à l’égard des instances nationales de concertation, alors que les présidents de catégorie jouissent d’un crédit certain auprès de leurs pairs.

Dans le sondage bisannuel Vie dans l’armée de terre du deuxième semestre 2010, on apprend par exemple que, quelle que soit la catégorie hiérarchique, 90 % du personnel considère la fonction de président de catégorie nécessaire et les deux tiers la juge efficace. Un sondage comparable, réalisé en 2006, faisait à l’inverse apparaître, comme le relève l’audit réalisé par l’armée de terre en 2008, que seuls 16 % des engagés volontaires avaient confiance en leur CFM terre.

La coupure assez nette opérée entre structures locales et structures nationales de concertation ne permet pas à ces dernières de bénéficier de la légitimité et de la confiance des premières. Les conseils éprouvent par conséquent plus de difficulté à se faire l’écho des préoccupations d’une communauté militaire qui ne se reconnaît pas toujours en eux.

2. Des membres des instances de concertation isolés

a) Une représentativité peu satisfaisante

Le choix du tirage au sort pour la désignation des membres des conseils de la fonction militaire a été fait pour pouvoir disposer d’un échantillon représentatif de la communauté militaire. Basé sur le volontariat, il permet à toutes les catégories de militaires d’être effectivement représentées dans ces instances.

Ce système n’est pas remis en cause par les audits effectués par les différentes armées car il est une « garantie d’honnêteté et d’équité » selon les termes du rapport du groupe de travail interarmées. Il ne garantit pourtant pas une bonne représentativité des armées.

Témoignage d’une défiance croissante à l’égard des instances nationales, on observe tout d’abord une importante chute du nombre de volontaires depuis quelques années. Comme l’ont concédé des responsables du ministère entendus sur ce point par la mission, ce rétrécissement du vivier de candidats ne contribue pas à améliorer leur qualité puisque, dans certaines formations, il suffit de se porter volontaire pour être tiré au sort.

Le nombre de candidats par poste au CFM varie fortement selon les armées. En 2010, il y avait 15 candidats par poste dans la gendarmerie et 13 candidats par poste dans l’armée de terre mais seulement 7 candidats par poste dans la marine et 3 dans l’armée de l’air.

Nombre de candidats aux conseils de la fonction militaire en 2010

 

Candidats

Postes au CFM

Candidats par poste

Armée de terre

1 101

88

13

Marine

331

50

7

Armée de l’air

188

54

3

Gendarmerie

1 153

79

15

Source : ministère de la défense et des anciens combattants.

En vingt ans, entre 1990, date de leur création, et 2010, le nombre de candidatures au CFM de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine a, par exemple, été divisé par quatre. On peut observer que la perspective de réformes aussi importantes que la révision du statut des militaires de 2005 ou celle des retraites de 2010 n’a pas eu d’impact significatif sur le nombre de candidatures, preuve d’un malaise profond.

Source : ministère de la défense et des anciens combattants.

Source : ministère de la défense et des anciens combattants.

Source : ministère de la défense et des anciens combattants.

Source : ministère de la défense et des anciens combattants.

Le nombre de volontaires dépend fortement de l’attention que porte le commandement à la question de la concertation. S’il relaie efficacement, au niveau local, les mesures de communication et de sensibilisation entreprises par les instances nationales, il peut avoir un impact réel sur le nombre de volontaires. Dans leur rapport d’information de 2000 (11), MM. Bernard Grasset et Charles Cova relevaient que le volontariat pouvait être « plus ou moins suggéré par la hiérarchie ». Ils citent notamment le cas d’unités dans lesquelles les chefs de corps avaient demandé qu’un maximum de subordonnés se portent candidats, de manière à augmenter les chances de voir leur régiment représenté lors du tirage au sort. Ces pratiques existent probablement, l’analyse de la composition de certains CFM permettant de constater effectivement une surreprésentation de certaines formations. Les rapporteurs jugent qu’elles traduisent en creux un réel doute sur la capacité des instances nationales à prendre en considération les préoccupations locales.

Le tirage au sort présente l’inconvénient de laisser les membres des instances nationales de concertation en dehors des structures locales de dialogue. Comme le souligne l’audit de 2008 de l’armée de l’air, les membres du CFM sont des représentants sur la base aérienne et non de la base aérienne. Ils n’ont donc pas vocation à représenter leurs pairs lorsqu’ils s’expriment dans les sessions nationales.

Si les réunions régionales préparatoires et les entretiens qu’ils peuvent avoir avec leurs collègues leur permettent de connaître leurs préoccupations, ils ne reçoivent en aucun cas un quelconque mandat de leur part. Aussi, il leur est parfois reproché de ne s’exprimer qu’à titre personnel et de ne pas se sentir liés par les vœux émis par leurs pairs.

La représentation des militaires affectés dans les organismes interarmées, hors de leur armée d’appartenance, est également mal assurée. Près de 60 000 militaires ne relèvent plus aujourd’hui de leur BOP (12) d’origine et la prise en compte de leurs préoccupations n’est pas chose aisée. Comme l’a relevé le rapport du groupe de travail interarmées, « l’alternance d’affectations successives dans ces organismes et dans les armées ou formations rattachées d’appartenance a permis jusqu’ici de préserver le lien avec celles-ci » mais la question va se poser avec une acuité croissante dans les années à venir.

La représentation par catégorie n’est pas totalement satisfaisante dans les conseils de la fonction militaire. On observe ainsi une importante sous-représentation des militaires du rang dans l’armée de terre puisque ces derniers représentent 55 % des personnels mais seulement 27 % des membres du CFM. Cette sous-représentation, quoique de moindre ampleur, existe aussi dans l’armée de l’air où les militaires du rang représentent 28 % des effectifs mais n’ont que 18,5 % des sièges au CFM. À l’inverse, on constate une surreprésentation des sous-officiers de l’armée de terre dans leur CFM : ils disposent de 48 % des sièges alors qu’ils ne représentent que 33 % des effectifs. Les officiers sont également plutôt sur-représentés : ils ont 25 % des sièges au CFM de l’armée de terre alors qu’ils ne représentent que 12 % des effectifs, 22 % au CFM de l’armée de l’air alors qu’ils représentent 14 % des effectifs.

Enfin, les rapporteurs soulignent que, malgré les logiques catégorielles et fonctionnelles qui président à la composition de ces instances, il est impossible pour elles d’être une photographie en miniature des armées ou formations qu’elles représentent. Comme l’a expliqué aux rapporteurs le secrétaire général de l’une de ces instances, si la répartition entre militaires servant dans des unités opérationnelles et militaires exerçant dans des fonctions de soutien est d’environ 70/30, cette proportion est inverse dans les conseils de la fonction militaire. Quant aux militaires projetés en opérations extérieures ou embarqués pour une longue durée, ils ne sont naturellement pas présents à ces sessions.

Dans ces conditions, l’absence de mandat clairement confié aux membres de ces instances pour représenter leurs camarades absents apparaît aux rapporteurs comme une véritable lacune du système.

b) Une compétence discutable

Le rapport du groupe de travail interarmées de 2010 révèle que la majorité des audités n’est pas favorable à la professionnalisation des membres des instances de concertation, dans le sens où elle entraînerait une déconnexion avec les préoccupations quotidiennes. Les responsables des instances nationales de concertation, entendus sur ce point par la mission d’information, ont confirmé leur volonté de garder des membres « issus du bon peuple » selon l’expression de l’un d’entre eux.

Il est cependant illusoire de penser que le « bon peuple » puisse se prononcer de manière éclairée sur des projets de textes très techniques, préparés par les hauts fonctionnaires de l’administration centrale du ministère de la défense. Le dialogue entre les membres des instances de concertation et l’administration centrale n’est naturellement pas équilibré. Cela contribue à accréditer l’idée que les conseils ne sont là que pour avaliser les textes présentés par les services du ministère.

Pour pallier ce déséquilibre, l’article R. 4124-10 du code de la défense prévoit que les membres des CFM « reçoivent une formation spécifique en vue de l’accomplissement de leur fonction ». Dispensée à chacun d’entre eux, titulaires et suppléants, dès leur désignation, elle est organisée par les différentes armées et dure de deux à cinq jours (13).

Cette formation comprend un tronc commun, qui porte sur la connaissance des structures de l’administration centrale du ministère de la défense, une formation juridique (la hiérarchie des normes, la notion de fonction publique, les statuts militaires), une formation aux aspects budgétaires ainsi qu’un module sur les techniques de communication et de travaux de groupe. Un volet spécifique est ensuite adapté à chacune des armées ou formations rattachées (14).

Il est difficile pour les rapporteurs d’apprécier la qualité de cette formation, dispensée par chacune des armées et formations rattachées. Beaucoup de militaires interrogés l’ont jugée très complète tandis que d’autres regrettaient son caractère trop général, qui ne leur permet pas d’apprendre à travailler concrètement sur les textes.

On peut néanmoins s’interroger sur la capacité des militaires à l’absorber en aussi peu de temps, la partie juridique étant proche du programme de droit public du concours d’entrée à l’école nationale d’administration. Dans les faits, seuls les militaires exerçant dans le domaine des ressources humaines disposent d’une certaine compétence pour appréhender les textes qui leur sont soumis.

Ce défaut de formation pourrait être en partie comblé par l’investissement personnel des membres des conseils. Force est de constater que le temps nécessaire ne leur est pas attribué. Si une décharge d’activité est prévue, il s’agit d’un simple allègement de service de trois jours pour préparer le CFM et de deux jours pour préparer le CSFM (15), ce qui représente une dizaine de jours par an lorsque deux sessions de CSFM ont lieu dans l’année. Ces journées sont généralement consacrées aux entretiens avec le commandement local et les représentants des instances locales de dialogue, ce qui laisse peu de temps pour étudier les textes au fond.

Comme certains d’entre eux l’ont confié aux membres de la mission, ils se sentent parfois impuissants à appréhender les questions qui leur sont soumises. Ils peuvent naturellement s’en remettre aux plus expérimentés d’entre eux. Les rapporteurs ont pu constater au cours des sessions auxquelles ils avaient assisté que les plus anciens jouaient un rôle important pour mettre en confiance les membres les moins expérimentés et que l’atmosphère de ces sessions jouait un rôle d’émulation très positif. Ils ont également constaté que les membres de ces conseils s’appuyaient beaucoup sur l’expertise de la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) qui joue naturellement un rôle très important dans le fonctionnement de ces sessions mais aussi tout au long de l’année, en répondant aux questions des membres.

Si celle-ci prodigue conseils et informations de grande qualité, sa présence – son « omniprésence » ont confié certains hauts responsables – contribue à alimenter le sentiment chez beaucoup de militaires que leur liberté d’appréciation est réduite. À défaut de moyens d’expertise qui leur seraient propres, les instances nationales de concertation s’en remettent donc aux services spécialisés du ministère de la défense.

Dans leurs unités, enfin, les membres des instances nationales de concertation disposent de moyens variables. La plupart, du fait de leur affectation, disposent d’un ordinateur mais peu ont accès à des facilités en matière de déplacement, à l’inverse, par exemple, des présidents de catégorie. Le commandement a bien conscience que ces lacunes nuisent au bon exercice de ces fonctions mais, personne ne voulant franchir le pas du « professionnalisme », les exigences de la vie en unité l’emportent toujours sur celles d’une plus grande expertise des instances de dialogue.

c) Un manque certain de reconnaissance

L’implication des membres des conseils de la fonction militaire est généralement méconnue par leurs pairs et leur commandement, ce qui pose, ainsi que le souligne l’audit de l’armée de terre de 2008, « un problème d’image, de crédibilité et de motivation des candidatures ».

Plusieurs membres de ces instances ont en effet fait part à la mission d’information de leur désarroi face au scepticisme de leurs pairs, qui les estampillent « syndicalistes », et du peu de considération que leur porte souvent leur hiérarchie. Comme l’a confié l’un d’entre eux, entrer dans la concertation signifie pour beaucoup risquer d’entrer en conflit avec un commandement qui n’accepte pas toujours leurs absences répétées.

On touche ici à la question du rôle du commandement dans le fonctionnement des mécanismes de concertation. De l’attention que celui-ci porte au dialogue dépend en effet son bon fonctionnement et la crédibilité des membres de ces instances.

Or, à défaut d’une place clairement accordée au commandement local dans le système de concertation, son implication dépend de sa personnalité et de l’intérêt qu’il porte à ces questions. Comme en fait état le rapport du groupe de travail interarmées, la situation au niveau local « n’est pas satisfaisante car elle dépend beaucoup trop du bon vouloir » de chaque commandant.

À travers les témoignages qu’ils ont recueillis, les rapporteurs ont pu effectivement relever des situations très contrastées. Quand certains pouvaient, à l’initiative de leur commandant, présenter les travaux de leur CFM à leur formation, d’autres éprouvaient les plus grandes difficultés à se faire connaître auprès de leurs pairs.

Il semble qu’il subsiste en fait chez certains chefs « de contact » une grande méfiance envers les instances de concertation, perçue comme une sorte de hiérarchie parallèle, qui permet à leurs membres de s’adresser directement à leur chef d’état-major ou au ministre.

Ce manque d’attention du commandement se double d’un manque de reconnaissance de la communauté militaire dans son ensemble. Le travail effectué par les membres des instances n’est aucunement valorisé – lorsqu’il ne nuit pas, dans certains cas, au déroulement de la carrière des intéressés.

La réglementation actuelle ne permet en effet pas de distinguer, même positivement, un membre particulièrement actif puisque l’article 22 du décret de 2005 dispose qu’« aucune appréciation sur le comportement d’un militaire en sa qualité de membre du CSFM ou d’un CFM ne doit figurer dans sa notation ni dans son dossier ».

Si les membres interrogés par la mission reconnaissent ne pas attendre autre chose que la considération de leurs pairs, il est dommage que leur implication ne soit pas davantage reconnue car cela contribue à une démotivation certaine, qui se traduit par la baisse du nombre de candidatures (cf. supra).

3. Un sentiment grandissant d’impuissance

a) Une autonomie limitée

En tant que président du Conseil supérieur de la fonction militaire et des sept conseils de la fonction militaire, le ministre dispose de la maîtrise de l’organisation de leurs travaux, que ce soit en matière de fixation de l’ordre du jour ou du traitement des questions qui leur sont soumises.

L’ordre du jour des sessions des instances nationales de concertation est un grand sujet d’insatisfaction chez tous les militaires, membres de ces instances ou du haut commandement.

Le rapport du groupe de travail interarmées résume bien le sentiment général : « Les audités ont le sentiment de n’avoir aucune part dans leur détermination (« ordres du jour imposés »), que les ordres du jour ne reflètent pas leurs attentes (« loin des préoccupations de la base ») et même que l’administration les « sature » volontairement avec des textes statutaires « afin de limiter les débats portant sur la condition du personnel ».

L’examen de l’ordre du jour de récentes sessions du CSFM confirme cette dernière impression de « saturation » par des textes statutaires : pas moins de 24 projets de textes ont été examinés au cours de la 82e session, en juin 2010, 18 à la 80e, en décembre 2009 et 27 à la 79e, en juin 2009. Au total, entre la 83e session, en décembre 2010, et la 76e, en juin 2007, ce sont 100 projets de texte qui auront été examinés par le CSFM. Dans le même temps, cinq thèmes d’études, sur des sujets aussi divers que la reconversion ou la mobilité professionnelle et géographique des militaires auront fait l’objet d’un examen tandis qu’une session complète s’est consacrée à l’évolution de la concertation. Enfin, 20 séances d’information ont permis d’aborder la mise en place du futur service du commissariat des armées, la protection sociale complémentaire des militaires ou encore l’observatoire de la santé des vétérans.

Le déséquilibre en faveur des textes est bien trop important pour n’avoir qu’un simple caractère conjoncturel, lié à l’importante activité normative née de la réforme du statut de 2005 ou de la réforme des retraites de 2010. Si l’on excepte les sessions des tout premiers CSFM, où les dossiers occupaient une place plus importante que les textes, la monopolisation de l’ordre du jour par les textes est une pratique bien ancrée dans le fonctionnement de cette instance.

Cela contribue à alimenter un sentiment d’impuissance certain chez les militaires. L’audit effectué par l’armée de l’air en 2008 révèle ainsi que les membres du CFM air ne jugent pas suffisant le temps d’étude consacré aux dossiers, leur donnant l’impression que « tout leur est imposé ».

Les résultats de l’audit réalisé par l’armée de terre sont également très sévères. Il y est notamment écrit que la priorité donnée à l’étude des textes se fait au détriment de l’étude « de toute question relative à l’armée de terre concernant les conditions de vie, d’exercice du métier militaire ou d’organisation du travail » comme cela est pourtant prévu par les textes (16), alors que ce sont précisément celles « que les militaires ont le plus à cœur de voir défendues, car liées à leur quotidien ». Pour conclure, les membres du CFMT auditionnés à l’occasion de cet audit refusent que le CFMT soit cantonné « à des tâches de relecture de textes pour occuper le temps et se donner bonne conscience ».

Les militaires ont la faculté d’adresser des questions ou des propositions aux CFM ou au CSFM mais elles doivent passer par de nombreux filtres.

Selon les articles 8 et 21 de l’arrêté 26 décembre 2005 portant règlement intérieur du CSFM et des CFM, ils peuvent adresser des questions relatives au statut et à la condition des militaires ou des propositions, études et suggestions au secrétaire général de leur CFM ou aux membres de leur CFM ou du CSFM (qui les transmettent avec leur avis au secrétaire général concerné). Ces questions sont ensuite communiquées pour avis à l’autorité compétente et, si le secrétaire général l’estime opportun, transmises au ministre ou au vice-président du CFM concerné (c’est-à-dire au chef d’état-major de l’armée concernée, au directeur général de la gendarmerie nationale ou au directeur de la formation rattachée).

Ce n’est finalement que sur décision du ministre que les suggestions, études ou questions peuvent être soumises aux membres des CFM ou du CSFM.

En pratique, les questions qui sont reçues par les secrétariats généraux des CFM et du CSFM font systématiquement l’objet d’une réponse de la part des états-majors ou de l’administration centrale du ministère, dès lors qu’elles portent sur une question générale et non un problème personnel.

Il est répondu à une partie de ces questions (17) au cours des échanges que les membres du CSFM ont avec les représentants de l’administration et avec le ministre de la défense pendant la séance plénière. Compte tenu de la publicité qui est faite autour de cette dernière séance, il est parfois reproché au ministre ou aux représentants de l’administration ne pas retenir les « questions qui fâchent ». La spontanéité et la franchise des échanges au cours de ces sessions n’ont pas donné aux rapporteurs le sentiment que la hiérarchie évitait soigneusement certains sujets. Ils s’interrogent néanmoins sur l’opportunité de conserver autant de filtres, qui procurent un sentiment de frustration à beaucoup de militaires.

Les questions auxquelles il n’a pas pu être répondu faute de temps font l’objet de réponses écrites qui sont fournies dans les quinze jours suivant la clôture de la session.

De nombreuses questions sont par ailleurs traitées en dehors des sessions. Les secrétaires généraux les transmettent aux services des états-majors ou de l’administration centrale concernés, en assurant l’anonymat de leurs auteurs, et leur font retour personnellement des éléments de réponse. Ces questions sont généralement mises en ligne sur les sites intranet des CFM.

De plus, le secrétariat général du CSFM diffuse les réponses aux questions dont il est saisi dans Trait d’union, une lettre d’information périodique adressée aux membres de cette instance.

En 2010, 206 questions avaient été posées au CSFM et 469 aux différents CFM. Le nombre de questions posées à ces instances est en baisse sur la décennie, après un pic en 2005-2008, dû à la révision du statut général et des statuts particuliers des militaires. Il a été indiqué aux rapporteurs que la baisse du nombre de questions posées s’expliquait notamment par les efforts de communication faits pour la diffusion des réponses.

Source : ministère de la défense et des anciens combattants.

b) Un suivi lacunaire

À l’exception du secrétaire général du CSFM et des secrétaires généraux des CFM, il n’existe pas d’organe permanent permettant de faire le lien entre les différentes sessions.

Si l’article 13 de l’arrêté du 26 décembre 2005 portant règlement intérieur du CSFM et des CFM prévoit que ceux-ci peuvent siéger en groupe de travail, il a été indiqué aux rapporteurs que le manque de disponibilité des membres de ces instances constituait un frein à la consultation de ces groupes de travail en amont des sessions.

En 2011, seuls trois groupes de travail ont donc été réunis : un premier sur la convention défense/SNCF et l’avenir de la carte de circulation militaire, un autre sur la réforme des corps des officiers d’administration et un dernier sur la refonte du système indemnitaire des militaires.

En ce qui concerne les CFM, la pratique est variable selon les armées. Si aucun groupe d’études n’a été mis en place en amont du CFM dans l’armée de l’air, des groupes de travail sont mis en place dans la gendarmerie afin de conduire des réflexions sur les projets de textes structurants et notamment ceux relatifs à l’organisation du travail, aux statuts et à l’exercice du métier de gendarme. À ces fins, le secrétaire général du CFM gendarmerie désigne les membres titulaires pour participer à ces réflexions.

La portée des avis des différents conseils est difficile à apprécier. Selon les audits effectués par les différentes armées, les instances de concertation ne seraient, de par leur rôle purement consultatif, que de simples « chambres d’enregistrement ». Plusieurs personnes interrogées souhaiteraient ainsi instaurer un véritable droit de veto à ces instances sur les textes qui leur sont soumis. Les rapporteurs n’y sont pas favorables car cela reviendrait à mettre en place un système de codécision incompatible avec la discipline militaire.

Le mode de suivi des avis du conseil n’est cependant pas pleinement satisfaisant car il ne permet pas à la communauté militaire d’apprécier le travail de ces instances. Au cours des cinq dernières années, 157 projets de texte ont été soumis à l’avis du Conseil supérieur de la fonction militaire et une grande majorité, 138, a reçu un avis favorable. Ces avis ont, pour la plupart, été assortis de propositions ou de réserves. Mais il n’est pas possible d’indiquer clairement un pourcentage de prise en compte des avis du Conseil puisque, à ce jour, il n’en a pas été effectué de suivi précis.

Comme l’a précisé le ministère de la défense aux rapporteurs, les projets de texte peuvent être modifiés par l’administration pour tenir compte des remarques émises par les CFM avant leur examen par le CSFM. Ils peuvent aussi, après leur passage au CSFM, faire l’objet de modification en interministériel ou en Conseil d’État. Enfin, il est très difficile d’identifier dans la rédaction finale du texte ce qui relève ou non de la prise en compte de l’avis du CSFM.

Le secrétaire général du CSFM a récemment mis en place, en lien avec la direction des ressources humaines du ministère de la défense, des outils de suivi des textes qui lui sont soumis. On peut regretter que les membres du Conseil ne soient pas davantage associés à ce suivi et qu’un bilan de la publication des textes – il se passe parfois deux ans entre l’avis du CSFM et cette publication – ne soit pas systématiquement effectué. Cela alimente le sentiment d’impuissance des membres de ces instances.

Enfin, au retour des sessions du Conseil supérieur de la fonction militaire, les membres n’effectuent pas toujours un compte rendu. Dans l’armée de l’air, les membres du CSFM dressent un bilan de leur activité au cours des commissions participatives d’unités, une pratique similaire existant dans la gendarmerie. Cela n’est en revanche pas systématique dans la marine ou l’armée de terre même si cela est demandé en pratique aux commandants de formation. Les rapporteurs s’interrogent à cet égard sur l’opportunité de préserver une restriction à la liberté d’expression des membres de ces instances. Si l’article L. 4124-1 du code de la défense dispose que « Les membres du Conseil supérieur de la fonction militaire et des conseils de la fonction militaire jouissent des garanties indispensables à leur liberté d’expression », l’article R. 4124-24 du même code vient en effet apporter une restriction non négligeable à cette liberté en indiquant que « les participants à une session sont tenus à l’obligation de réserve dans la diffusion des opinions exprimées en séance ».

c) Des modes d’expression nouveaux

La défiance envers les instances nationales de concertation conduit les militaires à chercher des modes d’expression nouveaux, qui ne nécessitent pas le filtrage de la hiérarchie.

Le développement d’Internet conduit à la multiplication des forums de discussions où les militaires, sous couvert d’anonymat, peuvent exprimer leurs préoccupations. Ils s’expriment ainsi largement sur les sites d’actualité militaire, comme le blog de Jean-Dominique Merchet, Secret défense ou Opex 360.

Mais ils s’expriment également sur les blogs des chefs d’état-major des armées qui ont confié à la mission d’information prêter la plus grande attention aux préoccupations qui y sont exprimées. Plusieurs militaires interrogés ont dit regretter que leurs messages fassent l’objet d’un filtrage important. Il a été répondu que si tous les messages n’étaient effectivement pas publiés, ils étaient néanmoins tous lus et faisaient l’objet d’un suivi attentif.

On peut aussi souligner l’existence de plusieurs forums, ceux de gendarmes et citoyens et de militaires et citoyens. Sur ces forums, les personnes s’expriment sous pseudonyme et les militaires, à l’inverse des blogs des chefs d’état-major, ne sont pas les seuls à pouvoir poster des messages. Ces forums ont été créés en 2007 et le forum gendarmes et citoyens a connu un succès important : il a 19 000 membres et 480 000 messages ont été postés depuis sa création.

La situation des associations est plus difficile à apprécier. Les militaires, on l’a vu, n’ont pas le droit d’adhérer à des associations de défense de leurs droits. Pourtant, plusieurs associations, parmi lesquelles l’ADEFDROMIL ou Gendarmes et citoyens, revendiquent l’adhésion de plusieurs militaires d’active. Ces adhésions « clandestines » traduisent le malaise de certains militaires, qui estiment que seules ces associations sont en mesure de prendre en considération leurs attentes.

Dirigées généralement par d’anciens militaires, elles disposent de compétences juridiques et de moyens financiers capables d’apporter une aide précieuse à des militaires moins experts en la matière. Elles expriment également, par les recours qu’elles déposent et les tribunes qu’elles publient, des préoccupations partagées par beaucoup de militaires.

Les rapporteurs ont reçu plusieurs d’entre elles et s’étonnent des réactions très mitigées que cela a pu susciter chez plusieurs de leurs interlocuteurs du ministère de la défense. Plusieurs responsables ont néanmoins concédé suivre de près leurs travaux, preuve qu’elles ne sont pas totalement illégitimes à exprimer certaines revendications. Les maintenir ainsi à l’écart des armées ne contribue certainement pas à apaiser le dialogue entre les militaires et leur hiérarchie.

B. UN SYSTÈME DE DIALOGUE SOCIAL EN DÉCALAGE PAR RAPPORT À L’ÉTAT D’ESPRIT GÉNÉRAL DE LA NATION ET À LA SITUATION DES PRINCIPALES ARMÉES ÉTRANGÈRES

Si le système actuel de dialogue social dans les forces armées est le résultat d’une évolution historique guidée par un souci de prise en compte des aspirations des militaires, qui reflètent elles-mêmes les tendances à l’œuvre dans la société française, il semble aujourd’hui en décalage avec les pratiques sociales actuelles ainsi qu’avec les dispositifs mis en œuvre dans les armées étrangères.

1. Un système qui correspond de moins en moins à l’état des relations sociales dans la société française contemporaine

a) Le régime d’expression collective des intérêts professionnels des militaires parait en décalage par rapport aux pratiques et aux attentes sociales, y compris celles des militaires

i) Un système en décalage avec une aspiration profonde de la société à plus de concertation, tant dans les relations du travail que dans la vie civique

La plupart des personnes entendues par les rapporteurs s’accorde à constater que les relations professionnelles dans la fonction publique comme dans le secteur privé ont profondément évolué, pour faire une place de plus en plus importante aux mécanismes de concertation, de participation, et de négociation, tandis que le système de dialogue social dans les armées n’a pas connu d’évolution de même ampleur.

Dans son article précité, le contrôleur adjoint des armées Thibaut de Vanssay de Blavous relève que, plus généralement, la représentation de la société est devenue plus complexe dans toutes les démocraties occidentales : « la compétence civique, c’est-à-dire la capacité de chacun de participer au processus de décision, s’est accrue ». Il constate « l’émergence d’aspirations nouvelles : que l’État corrige son travers consistant à sous-estimer l’apport de la société civile à la détermination de sa politique et à sa prise de décision ; que les acteurs de la société civile, au moins ceux qui s’organisent pour participer à la décision, soient entendus ». Il observe que « cette évolution désormais majeure, soutenue par l’immense forum électronique de l’Internet, touche aussi [l’armée] alors qu’elle était jusque-là encore assez largement préservée ».

ii) Un système en décalage avec les nouvelles attentes des recrues

Dans la note publiée à l’issue de sa réunion des 11 et 12 mars 2008, le groupe d’études du Conseil supérieur de la fonction militaire sur l’évolution de la concertation dans les armées fait le bilan d’une série d’audits menés parmi la communauté militaire, et rapporte qu’un de ces audits met en évidence une « évolution importante de la mentalité dans la communauté militaire », caractérisée par « un développement de l’esprit de négociation des éléments de condition de vie ». Le groupe d’étude en conclut d’ailleurs qu’« un tel constat impose de considérer désormais la concertation comme un levier de performance du management dans les armées ».

Dans un récent entretien publié dans la Revue de la gendarmerie (18), M. Jean-Marc Forge, l’un des quatre experts civils membres du groupe de travail qui a préparé la réforme de la concertation dans la gendarmerie (cf. infra), relève d’ailleurs comme une « similitude » entre les systèmes de concertation dans la société civile et dans les armées ; une « aspiration universelle à la concertation, comme modalité du management actuel ». Il explique en effet que « dans les entreprises comme dans les administrations, le management par objectifs est entré dans les mœurs » et que « par essence, il intègre une dimension de concertation, de consultation ou de participation ». Aussi, selon lui, « associer tous les acteurs du « process » en les autorisant à s’exprimer sur les modalités d’atteinte des objectifs est-il maintenant globalement admis comme une nécessité ».

Outre les tendances profondes à l’œuvre dans la société française, qui se reflètent naturellement dans l’état d’esprit des recrues, on peut avancer plusieurs explications à ces constats :

– la professionnalisation des armées a pu accentuer cette tendance : comme le soulignaient déjà en 2000 MM. Bernard Grasset et Charles Cova dans leur rapport d’information précité, une armée professionnelle composée d’engagés volontaires « ne se conduit plus comme une armée d’appelés dociles et nombreux, contraints d’effectuer gratuitement ou presque, une année de service » ;

– la hausse du niveau d’instruction des recrues y a contribué également : MM. Bernard Grasset et Charles Cova font observer à juste titre qu’en raison de la hausse continue du niveau des études en France, on constate que de plus en plus de militaires du rang sont bacheliers et de plus en plus de sous-officiers sont issus de formations de niveau « bac + 2 » ou « bac + 3 », ce qui a des conséquences sur la façon de commander : « on ne commande plus une armée de diplômés comme on commandait, il y a encore quelques années des conscrits dont beaucoup avaient à peine le brevet des collèges ». Même si la discipline et l’obéissance hiérarchique doivent rester les fondements de toute armée, « lorsque le niveau d’instruction des subordonnés tangente celui de leurs officiers, l’explication, la concertation et la persuasion deviennent plus que jamais nécessaires ».

– le surcroît d’attention porté par les militaires à leurs conditions de vie s’explique aussi, selon le premier rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire (19), par un « décalage croissant entre les sujétions liées à l’état militaire et une évolution générale de la société caractérisée en particulier par l’importance accrue qu’ont prise la conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle, la recherche de la stabilité géographique, l’activité professionnelle du conjoint et le complément de revenu qu’elle apporte ».

– dans son article précité sur le Conseil supérieur de la fonction militaire, M. Jean-Michel Bernard met aussi en évidence un « moindre isolement des militaires », qui « ont aujourd’hui des conjoints qui, souvent, travaillent ». De plus, ils côtoient dans l’exercice de leur métier un personnel civil de plus en plus présent, qui bénéficie de l’ensemble des droits et des mécanismes de dialogue social applicables dans la fonction publique.

En outre, une des conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur réside dans le fait que son système de concertation est placé en situation d’être comparé avec celui de la police nationale, plus libéral. Dans l’entretien précité, M. Jean-Marc Forge indique d’ailleurs que certains syndicats de policiers revendiquent de représenter à terme les gendarmes.

b) Le contraste entre les modes de gestion des relations sociales dans les armées et dans le reste de la société française n’est pas sans conséquence sur la cohésion des armées et leur lien avec la Nation

Sans évolution du système de dialogue social dans les armées, le risque est sérieux que se produise une double rupture entre, d’une part, les militaires et leur hiérarchie et, d’autre part, entre l’armée et le reste de la société française.

i) Un système insuffisant pour répondre dans un cadre institutionnel aux aspirations sociales des militaires

Plusieurs épisodes marquants, voire spectaculaires, ont montré que le système actuel de dialogue social dans les armées ne suffit pas à répondre dans un cadre organisé aux aspirations des militaires, voire à « canaliser » l’expression de leur mécontentement, qui se retourne alors contre la hiérarchie.

La note précitée du groupe de travail du CSFM sur la concertation relève ainsi parmi les personnels des armées un « souhait profond et général de voir la hiérarchie porter une attention plus forte aux problèmes de la communauté militaire », souligne que la « capacité d’écoute de la hiérarchie est critiquée », et note un « sentiment que la modernisation du ministère s’accompagne d’une technocratisation des chefs qui, préoccupés d’abord par les indicateurs de performance, semblent oublier peu à peu les réalités humaines ».

Dans son article précité, le contrôleur adjoint des armées Thibaut de Vanssay de Blavous explique cette situation en montrant que « la hiérarchie militaire comme la plupart des organisations publiques est confrontée à une défiance croissante de la part de son personnel qui peut prendre des formes extrêmes de contestation comme nous l’a montré “l’épisode séditieux” de la Gendarmerie nationale en 2001-2002 ». Pour lui, cette remise en cause ne touche pas le principe hiérarchique en tant que tel, mais « sa légitimité à être le porte-voix des aspirations sociales des militaires » ; il lui est reproché principalement d’être à la fois juge et partie.

ii) Un système qui ne contribue pas à rapprocher l’armée de la Nation

MM. Bernard Grasset et Charles Cova concluent de leurs travaux que la pérennisation du lien entre la Nation et son armée « passe par la nécessité, pour l’institution militaire d’évoluer en phase avec la société », estimant que pour cela, « il est nécessaire de privilégier la concertation et de garantir une certaine liberté d’expression dans les armées ». Ils font aussi valoir que les militaires professionnels rempliront d’autant mieux leurs missions qu’ils s’intégreront à la Nation, « se sentiront à l’aise et s’épanouiront dans leurs fonctions ».

En tout état de cause, pour les rapporteurs, un décalage trop important entre le mode de fonctionnement des armées et l’état d’esprit général de la Nation sur le plan de l’organisation des relations sociales ne peut être que préjudiciable à l’institution militaire, et au lien qu’elle doit entretenir et renforcer sans cesse avec l’ensemble de la communauté nationale.

2. Un système de dialogue social dans les armées en décalage par rapport à ceux des autres démocraties occidentales

Parmi les démocraties libérales consentant un effort de défense significatif, la façon dont l’expression collective des intérêts professionnels des militaires est organisée varie nettement d’un pays à l’autre. Il ressort néanmoins des comparaisons internationales un double constat : d’une part, la France fait traditionnellement partie des pays où il pèse le plus de restrictions sur l’exercice des libertés publiques par les militaires et, d’autre part, l’Europe est marquée par une tendance nette à l’assouplissement de ces restrictions.

a) La France fait partie des pays où, traditionnellement, le régime d’expression collective des intérêts professionnels des militaires est le plus contraignant

L’histoire militaire de chaque pays, sa tradition syndicale, la spécificité plus ou moins marquée de son armée au sein de sa société concourent à expliquer que les dispositifs de dialogue social dans les armées soient très différents d’un pays à l’autre, même parmi les démocraties occidentales.

On peut notamment distinguer deux types de traditions syndicales, comme le fait M. Jean-Michel Bernard dans un récent article sur la concertation dans les armées en Europe et en France (20) : la première, au Royaume-Uni, dans les pays d’Europe du Nord et en Allemagne « fait la part la plus grande à la cogestion, et la participation » ; à l’inverse, la seconde, en France, en Italie ou en Espagne, a été plus marquée par la lutte politique.

L’histoire militaire de chaque pays constitue également un déterminant important de l’état des relations sociales au sein de ses armées : c’est ainsi que lors du réarmement de l’Allemagne après la seconde guerre mondiale, la Bundeswehr a adopté des règles rompant avec la tradition de « caste » militaire de l’armée prussienne, afin de garantir son ancrage dans un État démocratique, pour faire du soldat un véritable « citoyen en uniforme » dont les droits ne sauraient être restreints que dans la stricte mesure du nécessaire.

Classiquement, on distingue trois modèles d’organisation des relations sociales au sein des forces armées en Europe.

i) Un modèle « latin » auquel se rattache la France

Du point de vue du dialogue social dans les armées, la France, l’Espagne et l’Italie présentent de nombreux traits communs : traditionnellement, la liberté d’association des militaires y est très contrainte, leurs droits syndicaux inexistants et leur liberté d’expression très encadrée.

Ainsi, en Italie, la loi interdit aux militaires de carrière de faire grève ainsi que de constituer des associations professionnelles à caractère syndical ou d’y adhérer, et si les 15 % des militaires qui ont un statut contractuel peuvent adhérer à un syndicat, ils doivent s’abstenir de toute activité militante pendant leur service, sur les sites militaires ou lorsqu’ils portent l’uniforme. De même, en Espagne, bien que la Constitution de 1978 ait consacré le droit syndical, elle a prévu des exceptions pour les militaires, qui ne peuvent adhérer à aucun syndicat ni aucune association à finalité revendicative.

Corollaire de l’interdiction des syndicats, l’Italie, comme la France, a mis en place des instances officielles de concertation. Le système italien comprend trois étages, avec :

– au niveau des unités de base, des conseils de représentation de base (consiglio di base di rappresentanza, COBAR) dont les membres sont élus par tous les militaires ;

– à l’échelon des hauts commandements, des conseils intermédiaires (consiglio intermedio di rappresentanza, COIR) dont les membres sont élus par ceux des COBAR ;

– au niveau national, un conseil central (Consiglio centrale di rappresentanza, COCER), interarmées et permanent, dont les membres sont élus par ceux des COIR.

On notera que la France, l’Espagne et l’Italie sont les trois seuls États de l’Union européenne consentant un effort significatif de défense à interdire à leurs militaires d’adhérer à toute association professionnelle et à tout syndicat.

ii) Un modèle « intermédiaire »

Le cas des armées britanniques est très spécifique, caractérisé selon M. Jean-Michel Bernard par « une quasi-absence de textes » législatifs ou réglementaires et par la prédominance de « traditions fortes : l’autorité de la chaîne de commandement [est] contrebalancée par son extrême attention envers la base et même par son écoute attentive de groupes professionnels informels d’aide mutuelle ».

En effet, le droit syndical et la liberté d’association ne sont ni interdits, ni reconnus par la loi. En vertu des traditions militaires et conformément au principe d’unicité de la chaîne de commandement, les militaires ne sont traditionnellement pas autorisés à constituer des syndicats, mais ils peuvent adhérer à des syndicats ou associations professionnelles civils pour bénéficier d’un appui juridique ou d’une aide au reclassement.

Pour garantir une écoute attentive du commandement aux demandes des personnels, tant au niveau local que national, deux organismes ont été créés :

– auprès du chef d’état-major des armées (Chief of the General Staff, CGS) a été constituée en 1999 une équipe de conseillers (la CGS’s Briefing Team) chargée d’animer le dialogue social entre l’institution d’une part, les militaires et leurs familles d’autre part, par des tournées d’information auprès des troupes ;

– dans chaque unité est désigné un officier (l’Unit Welfare officer), chargé de conseiller le commandement en matière sociale et auquel les personnels et leurs familles peuvent s’adresser.

Par ailleurs, des commissions indépendantes – comme l’Armed Forces Pay Review Body – et les associations de retraités et de conjoints – comme The Forces Pension Society et The Naval, Army and Royal Air Force Families Federations – sont étroitement associées à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique sociale du ministère britannique de la défense.

Le régime d’expression collective des intérêts professionnels des militaires aux États-Unis est organisé suivant le même modèle : les militaires n’ont pas le droit de créer des syndicats, mais des associations professionnelles regroupent militaires en activité ou en retraite, réservistes et familles.

iii) Un modèle « nordique » plus libéral que le système français

En Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, les militaires en activité ont le droit d’adhérer à des associations professionnelles, sans pour autant que cela leur confère le droit de faire grève.

Ainsi, selon les statistiques présentées par M. Jean-Michel Bernard dans son article précité, 90 % des militaires hollandais appartiennent à un syndicat, ce taux atteignant 65 % en Allemagne.

Dans la plupart de ces pays, deux autres dispositifs contribuent au dialogue social :

– des médiateurs : un inspecteur-général-médiateur en Belgique et en Hollande, un Ombudsman au Danemark et en Suède, un délégué parlementaire à al défense en Allemagne ;

– des instances officielles de concertation, dont M. Jean-Michel Bernard estime toutefois que le rôle est « amoindri par celui que jouent les syndicats », sauf en Allemagne, où leurs compétences peuvent s’apparenter à un pouvoir de co-décision (cf. l’encadré ci-après).

Le dialogue social dans la Bundeswehr

1. En 1956 a été institué un « délégué parlementaire à la Défense » – généralement un ancien député –, qui est investi d’une double fonction :

– d’auxiliaire du Bundestag dans l’exercice du contrôle parlementaire sur les forces armées allemandes ;

– d’une instance de pétition pour les personnels des armées, dont il est chargé de préserver les droits fondamentaux et qui peuvent le saisir individuellement et sans passer par la voie hiérarchique.

Il est ainsi chargé de veiller au respect de l’Innere Führung, doctrine générale du commandement au sein de la Bundeswehr élaborée dès les années 1950 en vue de diffuser dans les forces armées les valeurs démocratiques.

Pour exercer ses fonctions, le délégué parlementaire dispose d’un droit d’information très étendu : il peut solliciter le ministre fédéral de la Défense et prendre connaissance de tout dossier, sauf motifs impératifs de secret. Il présente au Parlement un rapport annuel.

2. Le dialogue social est organisé au sein d’instances composées de délégués des militaires élus à bulletin secret :

– au niveau de chaque unité et des états-majors des formations, les officiers, les sous-officiers et les soldats élisent séparément leurs délégués. En parallèle, dans les services centraux et les états-majors plus importants dans la hiérarchie, des comités mixtes du personnel sont élus parmi les personnels civils et militaires réunis en un seul collège ;

– les délégués du personnel ainsi élus élisent à leur tour les membres d’un comité central du personnel.

Le comité central du personnel est chargé d’assister le ministre fédéral de la Défense dans l’élaboration des règles générales concernant les militaires. À cette fin, ses membres ont le droit d’être entendus sur toute question relative au personnel ou à la discipline.

3. En vertu du droit d’association qui leur est reconnu, les militaires allemands ont créé une association professionnelle – le deutsche Bundeswehrverband, « association de représentation de l’armée fédérale » –, qui rassemble 65 % des personnels civils et militaires de la Bundeswehr ainsi que leurs familles. Association de droit privé, elle se distingue d’un syndicat classique en ce qu’elle s’est donné pour objet non seulement de défendre les intérêts professionnels des militaires, mais aussi de représenter la Bundeswehr en tant qu’institution ; le ministre allemand de la défense en est d’ailleurs membre.

b) On observe en Europe, y compris dans les pays latins, une tendance au renforcement des systèmes de concertation institués pour compenser les restrictions faites à l’exercice des droits syndicaux

En Italie comme en Espagne, une tendance nette à l’approfondissement du dialogue social est à l’œuvre. Elle passe plutôt par une amélioration des dispositifs de concertation que par une extension des droits syndicaux des militaires.

i) Un renforcement récent des compétences des instances de dialogue social dans les armées italiennes

D’après les études de droit comparé fournies aux rapporteurs par la direction des ressources humaines du ministère de la défense, le comité central de représentation des militaires (COCER) s’est vu reconnaître récemment un véritable rôle de représentant des personnels militaires dans la négociation des conditions de rémunération.

Il s’agit selon ces informations d’une profonde évolution du dispositif italien de représentation des militaires, qui tend à acquérir une plus grande capacité de proposition dans un dialogue social approfondi, tout en conservant son caractère d’organisme spécifique à l’institution militaire œuvrant dans le cadre de procédures de dialogue social exorbitantes du droit commun.

On rappellera également que les membres des conseils locaux et intermédiaires de représentation des militaires, ainsi que ceux du conseil central, étaient déjà désignés par élection à bulletin secret.

ii) Une vague de réforme des mécanismes de représentation et de concertation dans les armées espagnoles

Les mécanismes de dialogue social dans les forces armées espagnoles ont fait l’objet de réformes récentes ou sont en voie d’être réformés, en vue d’améliorer les dispositifs de représentation des personnels militaires et de concertation dans leur gestion.

Ces réformes ont porté en premier lieu sur la garde civile, force de police rattachée au ministère de l’intérieur mais placée sous statut militaire. En effet, une loi organique du 22 octobre 2007 et ses textes d’application ont prévu deux mesures principales tendant à approfondir le dialogue social en son sein :

– le droit d’association a été reconnu aux gardes civils, et leurs associations professionnelles ont été dotées d’un statut qui leur garantit l’accès à des locaux, des aménagements de service pour leurs responsables et un financement public. Selon les informations fournies aux rapporteurs par la direction des ressources humaines du ministère de la défense, treize associations ont été constituées, quatre d’entre elles ayant été reconnues représentatives ;

– un organisme paritaire de concertation, le Conseil de la garde civile, a été institué. Composé de trente membres, dont quinze représentants des militaires élus sur des listes présentées par des associations professionnelles, il se réunit quatre fois par an pour émettre un avis sur toute question ou tout projet relatif au personnel, et pour étudier des propositions et suggestions soumises par les gardes.

Par ailleurs, l’extension de certaines de ces dispositions aux autres forces armées espagnoles est à l’étude.

En tout état de cause, la reconnaissance du droit d’association aux militaires espagnols n’a pas pour effet de leur conférer le droit de grève, le droit d’appartenir à un parti politique, le droit de prendre part à des manifestations ni le droit de participer à des conflits collectifs.

SECONDE PARTIE : DE RÉFORMES RÉCENTES INSUFFISANTES, QUI EXIGENT UNE REFONTE PLUS GLOBALE DU SYSTÈME

Dans la lignée des travaux initiés par la 76e session du Conseil supérieur de la fonction militaire (cf. supra), plusieurs mesures ont été prises pour adapter le dispositif de dialogue social dans les forces armées aux attentes ainsi exprimées par les militaires.

Toutefois, pour la majorité des personnes entendues par les rapporteurs, ces mesures vont dans le bon sens sans pour autant suffire à remédier complètement aux limites du système actuel, qui souffre d’un véritable déficit de crédibilité.

I. — LES ADAPTATIONS RÉCENTES DU SYSTÈME DE DIALOGUE SOCIAL DANS LES ARMÉES NE RÉPONDENT QUE PARTIELLEMENT AUX ATTENTES DES MILITAIRES

Parallèlement à la mise en application du nouveau statut général des militaires institué par la loi du 24 mars 2005, les pouvoirs publics ont mis en œuvre des mesures de rénovation du système de dialogue social dans nos forces armées. Cette entreprise s’est traduite notamment par une refonte complète des règles applicables à la gendarmerie nationale et par l’élaboration d’une « charte de la concertation ».

A. DES ÉVOLUTIONS RÉCENTES, PLUS RAPIDES DANS LA GENDARMERIE QUE DANS LES AUTRES ARMÉES

1. Dans la gendarmerie nationale, le système de dialogue social a été largement rénové en 2010

À la suite d’un audit des instances et des procédures de concertation dans la gendarmerie nationale mené en 2007, un arrêté conjoint des ministres de l’intérieur et de la défense en date du 23 juillet 2010 (21) a profondément réorganisé l’architecture du dialogue social dans la gendarmerie au niveau de l’arrondissement, du département et de la région.

a) Un représentant unique de toutes les catégories de gendarmes au niveau de l’arrondissement : le président du personnel militaire

En application de l’article 2 de l’arrêté précité du 23 juillet 2010, un « président du personnel militaire » a désormais vocation à représenter toutes les catégories de personnels au sein de chaque compagnie ou escadron de gendarmerie, ce qui constitue une évolution notable par rapport à la situation antérieure dans laquelle il y avait un président pour chaque catégorie. Cette mesure tend à réduire le nombre des acteurs du dialogue – qui est passé de près de 2 000 à environ 800 –, afin de pouvoir leur consacrer plus de moyens. Elle vise également à permettre de surmonter les clivages catégoriels qui étaient apparus ces dernières années et de renforcer la cohésion des personnels.

Le président du personnel militaire est élu par les gendarmes pour quatre ans. Son mandat est renouvelable. S’il n’y a pas de candidats, le poste n’est pas pourvu. Les premières élections des présidents du personnel militaire se sont déroulées en 2010. Selon les informations fournies aux rapporteurs par le ministère de la défense, 92 % des unités disposent d’un président du personnel militaire ; dans 19 départements, un poste de président du personnel militaire est vacant et dans deux départements, il y en a deux.

Chaque président du personnel militaire est assisté d’un vice-président du personnel militaire. Le vice-président est également élu.

Bien qu’il soit encore trop tôt pour en faire un bilan précis, ce point de la réforme semble avoir été bien perçu : alors que 46 % des gendarmes interrogés en 2010 dans le cadre du sondage sur le moral considéraient que leur président de catégorie était efficace, ce taux de satisfaction est passé à 62 % en 2011. En outre, parmi les gendarmes qui connaissent leur président du personnel militaire, 61 % lui font confiance (contre 44 % pour ceux qui ne le connaissent pas) et 64 % le jugent efficace (centre 48 % pour ceux qui ne le connaissent pas). On relèvera aussi que le taux de participation aux élections a atteint 90 %.

b) Des agents chargés d’animer le dialogue social au niveau du groupement et de la région : les référents et le conseiller « concertation »

L’article 6 de l’arrêté précité du 23 juillet 2010 a institué un « référent » dans chaque ressort de groupement de gendarmerie et un « conseiller « concertation » » dans chaque région, investis d’une mission d’animation du système de concertation au sein au sein de la gendarmerie. Ces agents sont ainsi chargés de :

– contribuer « à la circulation de l’information entre les membres des instances de représentation et de participation » de leur formation ;

– « faciliter la prise en compte des préoccupations des militaires par le commandement » ;

– le cas échéant, « assurer une fonction de conseil auprès de leurs pairs ».

Il est précisé que les référents et le conseiller « concertation » « n’ont pas vocation à se substituer aux présidents du personnel militaire ».

i) L’animation du dispositif de concertation à l’échelon départemental : le rôle des référents « sous-officiers et volontaires » et « officiers »

L’arrêté du 23 juillet 2010 prévoit que pour chaque groupement de gendarmerie – c’est-à-dire au niveau départemental –, sont désignés, d’une part, un « référent » représentant les personnels sous-officiers ou volontaires et, d’autre part, et un référent représentant les officiers.

Le référent « sous-officiers et volontaires » est choisi par le commandement parmi trois personnels proposés par les présidents du personnel militaire et les vice-présidents du personnel militaire. Il bénéficie donc d’une double légitimité. Il exerce un mandat de trois ans, renouvelable une fois. Il est assisté d’un vice-référent qui dispose d’un mandat de trois ans renouvelable une fois et qui assure la suppléance du titulaire en cas d’absence.

Le référent « officiers » est, quant à lui, choisi par le commandant de groupement parmi deux volontaires élus par leurs pairs. Il exerce un mandat de trois ans, renouvelable.

ii) L’animation du dispositif de concertation à l’échelon régional : la mission du conseiller « concertation »

L’arrêté du 23 juillet 2010 a institué dans chaque région un « conseiller « concertation » », affecté au sein de l’état-major de région.

Comme les référents, les conseillers « concertation » bénéficient d’une double légitimité : ils sont choisis par le commandant de région parmi trois militaires désignés par les présidents du personnel militaire, les vice-présidents du personnel militaire, les référents et les vice-référents. Ils sont investis d’un mandat de trois ans, renouvelable une fois, et mutés auprès du commandant.

Chaque conseiller est assisté d’un vice-conseiller désigné au niveau de la région zonale et appartenant à une subdivision d’arme différente. Celui-ci n’est pas muté et reste affecté dans son unité. Il bénéficie d’un mandat de trois ans, renouvelable une fois, et assure la suppléance du conseiller en cas d’absence.

c) Des instances de concertation rénovées : les commissions de participation instituées à l’échelle de chaque groupement et de chaque région

L’arrêté précité du 23 juillet 2010 a rénové le statut des commissions participatives dans la gendarmerie. Désormais dénommées « commissions de participation », elles sont constituées à l’échelon de groupements et des formations assimilées, ainsi qu’au niveau des régions ou formations assimilées.

L’article 16 de cet arrêté définit la commission de participation comme « l’instance au sein de laquelle sont évoquées les questions relatives aux conditions de vie et de travail qui, par leur caractère général, dépassent le niveau des unités subordonnées ».

i) À l’échelon départemental : la commission de participation « groupement ou assimilé »

Selon l’arrêté précité du 23 juillet 2010, chaque commission de participation constituée à l’échelon d’un groupement et d’une formation assimilée est présidée par le commandant du groupement ou de la formation et composée :

– des présidents du personnel militaire du groupement ou de la formation et de leurs vice-présidents ;

– du référent « sous-officiers et volontaires » du groupement ou de la formation et du vice-référent ;

– du référent « officiers » du groupement ou de la formation ;

– des membres titulaires et suppléants du conseil de la formation militaire de la gendarmerie affectés au sein de la formation considérée ;

– des commandants de compagnie de gendarmerie départementale, d’escadron de sécurité routière, d’escadron de gendarmerie mobile ou d’unités assimilées du groupement ou de la formation considérée ;

– de conseillers représentants des officiers et les sous-officiers de réserve du groupement ou de la formation considéré.

Sur décision de son président, la commission de participation peut être réunie en formation restreinte lorsque l’ordre du jour ne concerne qu’une partie de ses membres ou associer, à titre consultatif, des personnes qualifiées. Elle se réunit quatre fois par an.

ii) Au niveau régional : la commission de participation « région ou assimilée »

En application de l’article 18 de l’arrêté du 23 juillet 2010, la composition de la commission de participation « région ou assimilée » est comparable à celle de la commission de participation « groupement ou assimilé ». Elle comprend en effet, sous la présidence du commandant de région de gendarmerie ou de la formation assimilée :

– le président du personnel militaire de l’état-major de la formation considérée et de son vice-président ;

– les référents « sous-officiers et volontaires » de la formation considérée et des vice-référents ;

– un président du personnel militaire de chaque groupement volontaire et désigné par ses pairs (présidents du personnel militaire, vice-présidents et référents) pour la circonstance de chaque réunion de la commission ;

– les référents « officiers » de la formation considérée ;

– le conseiller « concertation » et du vice-conseiller ;

– les membres titulaires et suppléants du conseil de la formation militaire de la gendarmerie affectés au sein de la région de gendarmerie ou de la formation considérée ;

– les commandants de groupement de gendarmerie ou assimilé de la formation considérée ;

– de conseillers représentants des officiers et les sous-officiers de réserve du groupement ou de la formation considéré.

L’article 18 de l’arrêté du 23 juillet 2010 permet au président de la commission d’associer à ses réunions des personnes qualifiées, et précise qu’il doit veiller « à ce que l’ensemble des statuts éligibles à la fonction de président du personnel militaire soient représentés lors de la réunion de la commission », ce qui permet de garantir le caractère représentatif de cette commission.

On soulignera que, depuis la réforme de 2010, les commissions de participation de la gendarmerie sont composées uniquement de membres de droit ; il faut noter cependant que certains de leurs membres y siègent au titre d’une fonction à laquelle ils ont été élus – tel est notamment le cas des présidents du personnel militaire –, ou désignés sur proposition de représentants élus du personnel – tel est le cas notamment des référents « sous-officiers et volontaires » et du conseiller « concertation ».

On soulignera aussi que la réforme a renforcé la représentation de la hiérarchie au sein des commissions. Cette mesure a permis notamment d’intégrer la hiérarchie intermédiaire dans ces commissions, ce qui peut être vu comme un moyen de l’inciter à accorder plus d’importance aux procédures de concertation dans la gestion des unités.

2. Pour l’ensemble des militaires, une charte de la concertation et des correspondants des personnels ont été institués

L’évolution des mécanismes de dialogue social est plus rapide dans la gendarmerie que dans le reste des forces armées, où les principales mesures prises après l’entrée en vigueur du nouveau statut général des militaires tiennent, d’une part, à l’élaboration d’une charte de la concertation et, d’autre part, à la désignation de correspondants du personnel auprès des chefs d’état-major des différentes armées.

a) La charte de la concertation, aboutissement d’importants travaux de réflexion sur les règles de dialogue social dans les armées

Après de longs travaux préparatoires, la circulaire du ministre de la défense et des anciens combattants n° 3727/DEF/CAB du 25 mars 2011 portant charte de la concertation a doté la communauté militaire d’un document de référence définissant la nature et le champ de la concertation dans les forces armées, ainsi que les instances qui en sont chargées et leurs modalités de fonctionnement.

i) L’élaboration de la charte de la concertation : un long processus de réflexion engagé dès 2007

C’est lors de la séance plénière de la 76e session du Conseil supérieur de la fonction militaire, qui s’est tenue le 13 décembre 2007 que les membres du Conseil supérieur ont appelé l’attention du ministre de la défense sur l’opportunité d’engager une réflexion sur le dispositif de concertation dans les armées.

En réponse à cette demande, le ministre a mis en œuvre une réflexion collective sur les évolutions possibles de ce système, cette réflexion s’appuyant, d’une part, sur des audits internes menés à cet effet dans chaque armée ou formation rattachée ainsi que, d’autre part, sur les travaux d’un groupe de travail interarmées (GTIA) ad hoc coordonnés par la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) et le collège des inspecteurs généraux des armées (IGA), en lien avec un groupe d’étude spécialement créé par le CSFM. Il a fixé d’emblée une orientation générale à cette réflexion collective, en rappelant que le CSFM et les CFM constituent « l’enceinte unique et privilégiée du dialogue entre l’administration et la communauté militaire » et « l’acteur clé et efficace de la concertation dans les armées », comme le rappelle le rapport du groupe de travail interarmées de 2010.

Dès le mois de mai 2008, un rapport d’étape du groupe de travail interarmées avait mis en évidence une méconnaissance du dispositif actuel de concertation, de ses enjeux et de ses acteurs, qui expliquerait que les membres des instances de concertation sont mal considérés par leurs pairs, et que le rôle de ces instances est mal perçu. En outre, la communication institutionnelle relative à leur fonctionnement et à leurs travaux était jugée inadaptée. Sur la base de ce constat, ce rapport d’étape formulait plusieurs propositions concernant le périmètre de la concertation, le rôle, la place et le fonctionnement des instances existantes, le rôle et la place des états-majors dans le dispositif.

Certains aspects de l’étude n’ayant pas pu être finalisés du fait de la réorganisation du ministère opérée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le groupe de travail interarmées et le groupe d’étude du CSFM ont repris leurs travaux au cours de l’automne 2009, pour se concentrer sur l’organisation générale de la concertation, son contenu – en distinguant les sujets qui se rattachent à la condition militaire et ceux qui relèvent du domaine statutaire –, l’incidence de la mise en place des bases de défense, le rôle des membres et des secrétaires généraux des instances de concertation, ainsi que la place des militaires affectés hors de leurs armées d’origine. Les conclusions du groupe de travail interarmées ont ainsi été remises au ministre de la défense le 5 janvier 2010.

ii) La portée de la charte de la concertation : un outil pédagogique qui clarifie les finalités du système et en précise certaines modalités d’organisation

La charte de la concertation promulguée par voie de circulaire le 25 mars 2011 répond aux principales recommandations formulées par le groupe de travail interarmées en vue de promouvoir la concertation dans les forces armées.

Cette circulaire présente la charte comme « intervenant à la suite de la réforme du statut général des militaires (2005) et des statuts particuliers qui en résultent » : ainsi, elle « clôture une réflexion conduite par les armées et les formations rattachées ».

La charte n’a pas modifié le droit en vigueur : elle se borne à rappeler les principes fondamentaux qui régissent la concertation, et à préciser certaines modalités de leur mise en œuvre dans un cadre réglementaire constant.

Elle précise notamment la nature et les finalités de la concertation, présentée comme un des trois modes de dialogue interne à la fonction militaire – avec la représentation et la participation – « destiné à promouvoir la condition militaire par la prise en compte, par le ministre et le commandement, des préoccupations des militaires à tous les échelons ». Elle définit aussi le champ de la concertation, qui s’étend à l’ensemble de la condition militaire et non à ses seuls aspects statutaires. Elle précise aussi la place et le rôle du commandement en appui des instances de concertation, et organise la continuité de la concertation en dehors des sessions de ces instances (cf. l’encadré ci-après).

La charte de la concertation

1. Un outil pédagogique

La proposition n° 1 soumise au ministre par le groupe de travail interarmées consistait à élaborer une « charte de la concertation » pour remédier au manque d’accessibilité et de lisibilité du dispositif normatif relatif à la concertation dans les armées. Ainsi, l’élaboration d’une telle charte constitue en elle-même un outil de promotion de la concertation au sein des armées.

Cette charte peut ainsi être vue comme le pendant, pour les militaires, de la « charte du dialogue social au ministère de la défense » élaborée en décembre 2005 pour les personnels civils du ministère.

Il ressort toutefois des travaux des rapporteurs que l’emploi de l’expression « dialogue social » se heurte à certaines oppositions, notamment au sein de l’armée de terre. C’est pourquoi les rédacteurs de la charte s’en sont tenus au terme de « concertation ». Pour révélatrice qu’elle soit des réticences que peuvent encore susciter ces démarches, la portée de cette difficulté sémantique ne doit pas être exagérée.

2. Une définition de la nature et de l’objet de la concertation

Suivant les recommandations du groupe de travail interarmées, la charte définit la notion de « concertation » et délimite son périmètre.Le groupe de travail avait en effet conclu des audits menés depuis 2008 que les militaires attendent des instances de concertation qu’elles se penchent sur la condition militaire en général, alors que l’ordre du jour de ces instances est très majoritairement consacré à l’examen pour avis des textes statutaires.

La charte a donc redéfini l’esprit général qui sous-tend le système de concertation : « la concertation permet d’éclairer l’autorité dans sa prise de décision sur les sujets fondamentaux qui concernent la condition et le statut des militaires. Elle est nécessaire au bon fonctionnement des armées et des formations rattachées, notamment en favorisant l’adhésion du personnel à tous les échelons, contribuant ainsi à son moral et donc à l’efficacité opérationnelle des unités ». Elle précise aussi que « la concertation manifeste l’intérêt que le ministre et le commandement attachent à la possibilité accordée aux membres des instances qui lui sont dédiées de s’exprimer sur les questions intéressant la condition militaire ».

L’article 1er de la charte met en perspective la notion de concertation avec les deux autres modes de « dialogue dans la fonction militaire » : la participation et la représentation, assurées au niveau local respectivement par les commissions participatives d’unités et les présidents de catégories.

L’article 2 de la charte donne une définition large du périmètre de la concertation, qui dépasse les seules questions statutaires pour s’étendre à l’ensemble de la « condition militaire ». Cette condition est définie comme « l’ensemble des obligations et des sujétions propres à l’exercice du métier militaire, ainsi que les garanties et les compensations que la Nation estime nécessaire d’apporter aux militaires et à leur famille ».

Il est précisé que ce champ recouvre tous les aspects juridiques, économiques, sociaux et culturels susceptibles d’avoir une influence sur, entre autres, l’attractivité du métier, les conditions de vie des militaires, ainsi que les modalités d’organisation du travail et de départ des armées.

3. Un dispositif assurant la continuité du processus de concertation lorsque le CSFM et les CFM ne siègent pas

Le groupe de travail a suggéré au ministre de mettre en place un dispositif garantissant une certaine continuité dans la concertation, même en dehors des sessions des instances nationales de concertation. En effet, les conseils de la fonction militaire et le Conseil supérieur de la fonction militaire ne se réunissent que deux fois par an : la concertation pourrait donc gagner en efficacité en étant plus suivie dans le temps.

La mise en place d’un tel dispositif ne devait toutefois :

– ni déposséder le CSFM et les CFM de compétences qu’eux seuls tiennent des textes, notamment pour donner un avis formel sur les projets de textes relatifs à la condition militaire ;

– ni conduire à créer un dispositif de concertation parallèle, dont les membres n’auraient pas la même légitimité que ceux des conseils précités.

Dans le respect de ces contraintes, l’article 4 de la charte prévoit ainsi deux mesures :

– il charge les secrétaires généraux du CSFM et des CFM d’une mission générale d’animation de la concertation qui consiste non seulement à préparer et à organiser les sessions de ces conseils, mais aussi à ce qu’ils « appellent l’attention des plus hautes autorités du ministère sur les sujets de préoccupation qu’ils perçoivent » ;

– cet article prévoit aussi que l’état-major des armées, la direction générale de l’armement, le secrétariat général pour l’administration et la direction générale de la gendarmerie, « peuvent, en dehors des sessions, convoquer des membres des conseils en groupe de travail pour étudier notamment des thèmes particuliers relatifs au personnel militaire ».

4. L’institutionnalisation de la « journée des CFM réunis »

Suivant une recommandation du groupe de travail interarmées, la charte de la concertation tend à pérenniser une pratique consistant à réunir ensemble les membres des différents conseils de la fonction militaire en amont de chaque réunion du Conseil supérieur.

L’article 5 de la charte prévoit ainsi qu’avant chaque réunion du CSFM, son secrétaire général réunit les membres des CFM lors d’une journée qui prend l’appellation de « journée des CFM réunis ». En donnant un statut à cette réunion jusqu’alors informelle, la charte vise à faciliter l’appropriation par les membres des CFM des sujets inscrits à l’ordre du jour du Conseil supérieur.

5. Une place renforcée pour les états-majors et les directions des services dans le dispositif de concertation

Le groupe de travail interarmées avait recommandé au ministre de préciser la place et le rôle du commandement dans les instances de concertation, sans pour autant distendre le lien historique direct entre le ministre de la défense et les membres de ces instances.

Plusieurs dispositions de la charte de la concertation vont dans ce sens :

– son article 5 prévoit qu’en amont des sessions du Conseil supérieur, l’état-major des armées informe les participants à la « journée des CFM réunis » des engagements en cours des forces militaires françaises, et que l’état-major des armées, la direction générale de l’armement, le secrétariat général pour l’administration ainsi que la direction générale de la gendarmerie peuvent intervenir au cours de cette journée « sur des sujets inscrits à l’ordre du jour de la réunion ou sur tout sujet dont ils estiment nécessaire d’informer les instances de concertation » ;

– l’article 3 rappelle que le délégué général pour l’armement, les chefs d’état-major d’armée et les autorités équivalentes, « chargés de veiller au plus haut niveau aux intérêts de leurs subordonnés », sont de droit vice-présidents du conseil de la fonction militaire de leur armée, direction ou service. Il précise surtout, d’une part, que ces responsables peuvent suppléer le ministre pour la présidence effective du dit conseil et, d’autre part, qu’ils peuvent soumettre au ministre « les sujets spécifiques à leur armée, direction ou service qu’ils souhaitent voir évoquer en session » ;

– l’article 4 charge l’état-major des armées, la direction générale de l’armement, le secrétariat général pour l’administration et la direction générale de la gendarmerie d’apporter « leur soutien à l’occasion des sessions des instances » de concertation, et, le cas échéant, de convoquer les membres de ces instances en groupe de travail en dehors des sessions (cf. supra). Il prévoit en outre que le vice-président de chaque instance de concertation cosigne le communiqué rédigé à l’issue de chaque session.

Par ailleurs, la charte a aussi précisé le rôle de la direction des ressources humaines du ministère de la défense, qui doit constituer le dossier de travail des membres des instances de concertation et le leur transmettre au moins trente jours avant chaque session.

6. Des mesures visant à améliorer la formation et l’information des personnels sur les systèmes de concertation

Suivant les conclusions du groupe de travail interarmées soulignant l’importance qu’il y a à diffuser au sein de la communauté militaire une véritable culture de la concertation, les articles 7 à 9 de la charte prévoient diverses mesures visant à améliorer l’information et la formation des militaires sur le dispositif de concertation :

– l’article 7 prévoit la tenue de « séances d’information adaptées » au sein des formations administratives ;

– le même article prévoit que lors de leur formation initiale, tous les militaires bénéficient d’une présentation de la concertation, avec des formations spécifiques pour ceux qui sont appelés à exercer un commandement ;

– l’article 8 prévoit que l’administration centrale du ministère prend en considération les avis des instances dans ses décisions ;

– le même article charge le commandement d’informer les militaires sur le résultat des travaux de ces instances.

b) Les correspondants du personnel auprès des chefs d’état-major d’armée

Progressivement, des correspondants du personnel ont été désignés auprès des différents chefs d’état-major d’armée. Leur nombre et les catégories de personnel qu’ils représentent varient toutefois en fonction de chaque armée, comme le montre le tableau ci-après.

Les correspondants du personnel auprès des chefs d’état-major d’armée

 

Armée de terre

Marine

Armée de l’air

Gendarmerie

Officiers

Non

mais cette fonction est tenue par le secrétaire général du CFM terre secondé par un jeune officier supérieur du cabinet du chef d’état-major de l’armée de terre

Oui

Oui

Non

Sous-officiers

Oui

Oui

un seul et même représentant pour les sous-officiers et les militaires du rang

Oui

Oui

Militaires du rang

Oui

Oui

Non

Source : ministère de la défense et des anciens combattants.

Les correspondants auprès des chefs d’état-major ou du directeur général de la gendarmerie nationale ne sont pas élus, mais désignés par le chef d’état-major concerné ou de directeur général de la gendarmerie nationale. À la différence des présidents de catégorie, ils exercent leur fonction à plein-temps, même s’ils peuvent être chargés d’activités annexes au sein du cabinet du chef d’état-major.

Dans l’armée de terre, les correspondants auprès du chef d’état-major sont des militaires ayant exercé des fonctions de président de catégorie, et sont dotés d’une forte expérience régimentaire. Ainsi, le correspondant du personnel sous-officier est systématiquement un militaire du grade d’adjudant-chef ou de major, et le correspondant du personnel compétent pour les militaires du rang a toujours le grade de caporal-chef ou de brigadier-chef. De manière générale, tous les correspondants du personnel sous-officier auditionnés par les rapporteurs avaient exercé les fonctions de président de catégorie, ce qui tend à leur conférer une certaine expertise en matière de concertation, compensant le fait qu’aucune formation spécifique à leurs nouvelles fonctions n’est organisée.

Le dispositif des correspondants du personnel a été mis en place progressivement : ainsi, il n’existe de référent officiers dans l’armée de l’air que depuis 2008.

Leur mission générale consiste à apprécier, en temps réel et en continu, la situation des attentes et des facteurs de motivation du personnel et à apporter un éclairage supplémentaire aux informations recueillies par les autres voies institutionnelles dans ces domaines. À cette fin, ils maintiennent des contacts suivis avec les présidents de catégorie et animent leurs réseaux ; leur rôle peut aussi consister à maintenir un lien avec les personnels de leur arme servant dans des organismes extérieurs. Ils organisent divers déplacements et manifestations.

B. DES RÉFORMES QUI DEMANDENT ENCORE À ÊTRE POURSUIVIES ET APPROFONDIES

Si les initiatives prises récemment vont dans le sens d’un renforcement effectif des outils de dialogue social au sein des forces armées – notamment avec la réforme du dispositif de dialogue interne à la gendarmerie et l’élaboration de la charte de la concertation – et méritent d’être saluées, il ressort des auditions des rapporteurs qu’une large part des militaires ne les tiennent pas pour suffisantes.

1. Dans la gendarmerie, la réforme des instances locales de concertation n’a pas eu de corollaire au niveau national

Deux changements récents sont appelés à modifier de façon durable l’équilibre général du système de dialogue social dans la gendarmerie, et pourraient ainsi rendre nécessaire une évolution de l’organisation de ce système au niveau national :

– la réforme du système de concertation dans la gendarmerie mise en œuvre en 2010 aux échelons locaux de commandement, qui ne sera pas sans conséquence sur la concertation au niveau national ;

– le rattachement organique de celle-ci au ministère de l’intérieur, qui place la gendarmerie dans une position sui generis de force militaire rattachée à un ministère essentiellement civil, animé par une vie syndicale intense.

a) Les conséquences de la réforme des instances locales et régionales de concertation

L’arrêté précité des ministres de l’intérieur et de la défense en date du 23 juillet 2010 relatif aux instances de représentation et de participation au sein de la gendarmerie nationale a profondément réorganisé l’architecture du dialogue social dans la gendarmerie nationale au niveau de l’arrondissement, du département et de la région. Il a notamment pour but de donner plus de vigueur et plus d’efficacité au dialogue interne à la gendarmerie.

Or, dans le cadre de cette réforme, aucune mesure n’a été prise pour rénover l’organisation de la concertation au niveau national : la composition, les compétences et le mode de fonctionnement du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie nationale (CFMG) n’ont pas été modifiés.

Dans le numéro précité de la Revue de la gendarmerie nationale, le colonel Régis Bourçois, secrétaire général du CFM de la gendarmerie, relève que la rénovation des instances locales de concertation est le signe d’évolutions en cours qui devraient imposer, à tous les niveaux, la concertation « comme une obligation dans l’article du commandement propre à la gendarmerie » et souligne les attentes et les exigences auxquelles est confronté le CFMG. Celui-ci devra « conforter sa légitimité et gagner en visibilité », notamment pour jouer un rôle majeur « en tant que force de proposition ».

b) Les conséquences du rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur

Comme le souligne le général Philippe Mazy dans le même dossier de la Revue de la gendarmerie nationale, l’intégration récente de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur « offre l’opportunité de faire évoluer le dispositif de dialogue interne à l’institution quand bien même cette nécessité est, en réalité, antérieure à la décision du Président de la République » de rapprocher gendarmerie et police nationales sous la tutelle d’un seul et même ministère.

Il montre en effet que depuis son rattachement au ministère de l’intérieur, la gendarmerie se trouve dans une situation particulière : force militaire importante, comportant près de 100 000 hommes et femmes, elle est régie par un mode de dialogue interne « totalement différent du modèle dominant » dans son ministère de rattachement. Dès lors, « comment faire vivre en harmonie deux forces dont l’une est fortement syndiquée, dont les voix des organisations représentatives se font entendre puissamment, et l’autre qui se caractérise par une concertation interne […] quasiment inaudible au-delà de la sphère de la gendarmerie » ? Il en ressort de « nombreuses tensions », nourries par les comparaisons catégorielles ou par les inquiétudes suscitées par la répartition des rôles dans les différentes missions : alors que « l’expression syndicale policière tend à les présenter comme des « nantis » », nombreux sont les gendarmes « qui admettent de plus en plus difficilement l’absence de réponse apportée par l’institution ».

Ces tensions ne peuvent donc être apaisées – et la performance du ministère de l’intérieur assurée – que si l’on réussit à faire vivre dans la gendarmerie comme dans la police un dialogue interne de qualité. Pour y parvenir, le général Philippe Mazy juge qu’il était « indispensable que la gendarmerie adapte son dispositif de dialogue interne ».

Le général Philippe Mazy estime que cette adaptation doit être conduite « au moins au niveau local ». Mais compte tenu du fait que le niveau national constitue aujourd’hui le niveau de référence de négociation sociale dans la police, et que c’est aussi à ce niveau que sont élaborés les textes statutaires applicables à la gendarmerie, on peut estimer que le rapprochement de la police et de la gendarmerie appelle une évolution du système de concertation de la gendarmerie à l’échelon national également.

2. Pour les autres militaires, les dernières adaptations du système de concertation ne suffisent pas à remédier aux insuffisances du dispositif

Il ressort des travaux des rapporteurs que ni la rédaction d’une charte de la concertation, ni la désignation de correspondants du personnel auprès des chefs d’état-major d’armées ne constituent des réformes suffisamment profondes pour suffire à répondre aux attentes des personnels.

On notera en effet que la charte a été élaborée à cadre réglementaire constant : sa portée est essentiellement pédagogique. Quant aux correspondants du personnel, leur institution est utile et bienvenue, mais loin de marquer un changement profond dans l’organisation du système, elle s’inscrit pleinement dans l’idée traditionnelle selon laquelle le dialogue social trouve son cadre dans la relation hiérarchique.

II. — RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS

Au terme de leur mission, les rapporteurs souhaitent faire un certain nombre de propositions pour approfondir les réformes existantes. Il ne s’agit pas proposer une énième retouche au dispositif mais une réforme globale, à même de restaurer durablement la confiance des militaires dans leurs institutions. Conscients de la spécificité du métier des armes, ils n’entendent pas reprendre le modèle civil pour l’appliquer aux instances de dialogue des armées.

Compte tenu des évolutions sociétales évoquées, ils estiment néanmoins que les armées ne sauraient rester indéfiniment à l’écart de la société. Comme l’a confié un responsable entendu par la mission, l’adage selon lequel « la famille ne fait pas partie du sac à dos » est révolu depuis longtemps dans les armées. Or, aussi dévoué et impliqué qu’il soit, le commandement ne peut à lui seul embrasser toutes les préoccupations de ses subordonnés.

Les réformes entreprises ces dernières années ont permis incontestablement une meilleure circulation de l’information au sein des armées, indispensable à leur cohésion et à leur bon fonctionnement. Il importe aujourd’hui de consolider les instances de concertation en leur donnant la légitimité et les moyens nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.

Les propositions de la mission d’information visent donc à permettre aux instances de concertation de s’ériger en véritables porte-paroles de la communauté militaire, capables d’instaurer un dialogue de qualité avec leur hiérarchie. Les rapporteurs sont persuadés que plus ces instances seront crédibles, plus les militaires auront confiance en elles et plus le commandement pourra s’appuyer sur elles.

A. ASSURER UNE RÉELLE REPRÉSENTATIVITÉ AUX INSTANCES DE DIALOGUE

Pour que les instances de dialogue soient crédibles, il est indispensable qu’elles assurent la meilleure représentation possible de leurs armées.

1. Instaurer une chaîne élective continue, de la base au sommet

Les rapporteurs proposent de faire élire les membres des conseils de la fonction militaire par leurs pairs et de supprimer la désignation par tirage au sort.

Le mode de désignation des membres de ces instances ne saurait s’apparenter à une simple question « technique ». Les rapporteurs pensent que le passage du tirage au sort au vote peut changer considérablement le mode de fonctionnement de ces instances et la place de la concertation dans le fonctionnement des armées. Il aurait en effet plusieurs vertus.

Le vote, tout d’abord, permettrait de rapprocher les militaires de leurs instances de concertation. La défiance envers ces instances s’explique en grande partie par l’absence de lien entre les militaires et les membres de ces conseils.

L’élection instaurerait une relation directe entre les membres des instances de concertation et leurs électeurs. Elle exigera d’eux qu’ils partent à leur rencontre, qu’ils écoutent leurs préoccupations, et qu’ils se fassent leur porte-parole dans les instances où ils siègent puis de leur rendre compte de leur travail. Ce faisant, ils pourront tisser un lien étroit avec ceux qui les ont choisis et mieux faire connaître leur rôle.

Parce qu’ils porteront la parole de leurs électeurs, les membres des conseils de la fonction militaire bénéficieront d’une plus grande légitimité pour s’exprimer en leur nom. Là où un membre tiré au sort n’est guidé que par sa conscience professionnelle, un membre élu est tenu de prendre en considération ceux qui lui ont fait confiance.

Le vote, enfin, permettrait de résoudre l’impossible équation de la représentativité des instances de concertation. Les réformes engagées ces dernières années ont pour principal objectif de faire en sorte que les conseils de la fonction militaire soient la photo la plus juste possible des armées qu’ils représentent, en multipliant les quotas par région, catégorie ou grade.

Or cette représentativité « statistique » est impossible à atteindre, quand bien même les textes seraient modifiés chaque année. Plutôt que de chercher à entretenir la fiction que ces conseils sont des armées en miniature, il est préférable de faire émerger les préoccupations par la voix de représentants, capables de prendre en compte les attentes de ceux qui les ont choisis.

Les rapporteurs en ont conscience, la communauté militaire est, très majoritairement, défavorable au système de l’élection. Parmi les très nombreuses personnalités auditionnées, seules trois ou quatre se sont prononcées en faveur de l’élection. L’audit sur le fonctionnement du CFMT réalisé en 2008 faisait apparaître que 68 % des sondés étaient favorables au maintien du tirage au sort tandis que le rapport du groupe de travail interarmées ne remettait pas non plus en cause ce mode de désignation.

Pour de nombreux militaires, le système actuel « permet de donner sa chance à tous » ou « d’éviter la dérive des campagnes ».

L’élection aura certainement un impact sur le vivier des candidats. On peut penser que ceux qui se porteront candidats seront majoritairement des militaires expérimentés, reconnus dans leur entourage et pour beaucoup, des présidents de catégorie. Les plus jeunes hésiteront peut-être à se porter candidats, du moins dans un premier temps. Le profil des membres des conseils de la fonction militaire, aujourd’hui plus jeunes que les présidents de catégorie, en serait modifié. C’est un risque dont les rapporteurs sont conscients. Ils estiment néanmoins que la diversité des préoccupations pourra être reprise par les membres des conseils.

La « dérive des campagnes » est également souvent citée comme repoussoir. Elle aurait pour défaut de politiser et de personnaliser le scrutin, ou d’entraîner des dérives démagogiques peu compatibles avec le fonctionnement des armées. C’est faire bien peu de cas du principe électoral ! Le propre d’une campagne est précisément de faire émerger les préoccupations de chacun pour pouvoir les exprimer ensuite dans les instances où l’on a été élu. Néanmoins, afin d’éviter tout débordement, on peut envisager une interdiction des campagnes électorales, à l’image de ce qui est prévu pour les élections de présidents de catégorie.

Plusieurs interlocuteurs ont également indiqué aux rapporteurs que la mise en œuvre d’une telle mesure se heurterait à de nombreux obstacles pratiques, liés à l’activité des forces armées, présentes sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin, de nombreux théâtres d’opérations extérieures ou embarqués à la mer pour plusieurs semaines.

Ces problèmes pratiques ne semblent pourtant pas plus importants que ceux rencontrés aujourd’hui pour l’organisation du tirage au sort. On peut également souligner que, malgré leurs engagements, les militaires exercent leur droit de vote depuis plus de cinquante ans sans que cela ne pose de problème pratique dirimant.

Conscients qu’il ne sera pas possible d’effectuer un vote au niveau national, les rapporteurs proposent que ces élections s’effectuent dans un cadre régional, à l’occasion des réunions préparatoires aux sessions nationales des conseils de la fonction militaire. Organisées actuellement par chacune des armées, elles réunissent les présidents de catégorie, les membres des commissions participatives et les membres des conseils de la fonction militaire.

Ces réunions régionales pourraient constituer le cadre idéal pour faire élire, par les présidents de catégorie et les membres des commissions participatives, les membres des conseils. Les candidats pourraient venir se présenter à cette occasion sans que cela ne pose de difficulté pratique majeure. La proportion de présidents de catégorie membres des instances nationales, aujourd’hui de 15 %, ne devrait pas être sensiblement modifiée par le choix d’un tel système.

Proposition n° 1 : faire élire les membres des conseils de la fonction militaire par les présidents de catégorie et les membres des commissions participatives.

Ce mode de désignation apparaît préférable à celui du « tout président de catégorie », qui aurait consisté à tirer au sort ou élire les membres des conseils de la fonction militaire par les seuls présidents de catégorie. Préconisé notamment par le rapport d’information de Bernard Grasset et Charles Cova, il présentait l’inconvénient de créer de véritables professionnels de la concertation et de nuire à la diversité des profils de ces instances.

Par le biais de ces « grands électeurs », à la légitimité incontestable, le système proposé par les rapporteurs permet la mise en place d’un véritable continuum, de la base au sommet. Ce faisant, il rompt avec la logique qui veut que la représentation et la participation, d’une part, la concertation, d’autre part, soient deux objets distincts. Créer une chaîne élective continue permettra de s’assurer que les préoccupations locales sont bien relayées au niveau national.

2. Conforter les présidents de catégorie

Les présidents de catégorie jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de nos armées. Personnes de confiance et d’expérience, ils assurent une bonne circulation de l’information entre leurs collègues et le commandement local. Ils constituent en quelque sorte, selon l’expression du lieutenant-colonel Frédéric Devanlay (22) le « maillon fort » du dispositif de concertation sur lequel il convient de d’appuyer.

À l’inverse des instances de concertation, ils bénéficient largement de la confiance de leurs pairs. Selon le sondage bisannuel « Vie dans l’armée de terre » du deuxième semestre 2010, quelle que soit leur catégorie hiérarchique, 90 % du personnel considèrent la fonction de président de catégorie nécessaire et les deux tiers la jugent efficace. Dans un sondage de 2011, les gendarmes ont répondu positivement à 80 % à une question sur leur satisfaction de l’action de leurs présidents du personnel militaire.

Les rapporteurs jugent donc important de conforter leur action et de leur conférer les moyens nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.

Leur situation diverge très sensiblement d’une armée à l’autre.

Alors qu’aucune décharge d’activité particulière n’est prévue pour les présidents de catégorie de la marine ou de l’armée de l’air, la situation est différente dans l’armée de terre et la gendarmerie. S’ils n’occupent pas leur fonction à temps plein, une pratique courante dans l’armée de terre veut en effet que les présidents de catégorie des sous-officiers et des engagés volontaires, soient placés, dans les grandes formations, dans la cellule accueil-information. Cela leur permet d’exercer, dans les faits, leur fonction de président à temps plein. Dans la gendarmerie, les présidents du personnel militaire bénéficient de deux jours par mois pour exercer leur activité dans les formations inférieures à 130 personnes et de quatre jours au-delà.

La formation des présidents de catégorie est également dispensée de manière inégale selon les armées. Celle des présidents de l’armée de l’air s’effectue au cours des deux séminaires annuels des présidents de catégorie, les militaires du rang bénéficiant d’un stage de communication et de prise de parole. Aucune formation n’est prévue dans la marine. Dans l’armée de terre, les présidents de catégorie nouvellement élus reçoivent une information sur leur fonction pendant une durée de trois à cinq jours. Les présidents du personnel militaire de la gendarmerie sont formés durant trois journées au sein de leur région.

Enfin, au niveau des moyens qui leur sont conférés, les présidents de catégorie de l’armée de terre sont également dans une situation privilégiée. Ils disposent d’un bureau avec téléphone, d’un ordinateur relié à l’intranet et, lorsque cela est possible, d’un véhicule de liaison. Les présidents de l’armée de l’air disposent sensiblement des mêmes facilités alors que ceux de la marine éprouvent plus de difficulté à accéder à ces outils. Les présidents du personnel militaire de la gendarmerie bénéficient souvent d’un ordinateur portable et de facilités de déplacements.

Les tables rondes de présidents de catégorie des différentes armées organisées par la mission d’information ont permis de constater que la situation des présidents de catégorie de l’armée de terre était jugée enviable par leurs pairs des autres armées. Comme l’a expliqué l’un d’entre eux, les présidents de l’armée de terre, en particulier les sous-officiers, bénéficient d’un véritable « statut » dans leur unité.

Compte tenu des responsabilités nouvelles qu’ils veulent leur voir confier, les rapporteurs jugent donc important de leur accorder de plus grandes dispenses d’activité, proches d’un temps plein, et de renforcer leur formation.

Proposition n° 2 : accorder de plus grandes dispenses d’activité et assurer une meilleure formation aux présidents de catégorie.

3. Préserver l’identité de chaque armée

Les restructurations en cours du ministère de la défense constituent le principal sujet de préoccupation des militaires. Le processus d’interarmisation, pour nécessaire et compris qu’il soit, conduit à une perte de repères chez beaucoup de militaires, dont plusieurs ont confié à la mission ne plus reconnaître leur armée.

Près de 60 000 militaires exercent aujourd’hui leur fonction hors de leur armée d’appartenance, dans un cadre interarmées. Il importe donc que leurs aspirations soient prises en compte par leurs représentants afin que ne se crée pas un décalage trop important entre la représentativité des sept CFM, créés il y a plus de vingt ans, et l’organisation actuelle des armées.

La création d’un conseil de la fonction militaire « interarmées », destiné à représenter l’ensemble des métiers du soutien, a été évoquée par plusieurs interlocuteurs de la mission. Cette perspective, avancée notamment par l’administration centrale du ministère de la défense, ne semble pas recueillir l’assentiment des militaires.

Les rapporteurs estiment que cela serait en effet prématuré. Les militaires, après tant d’années de changement, ont besoin de stabilité et il importe de ne pas couper définitivement le lien qui les unit à leur armée d’appartenance. La plupart d’entre eux se définissent comme marins, aviateurs ou terriens avant d’être militaires et, même lorsqu’ils exercent dans un cadre interarmées, continuent à revendiquer leur appartenance à leur armée d’origine. C’est cette identité qui donne du sens à leur engagement et il importe de la préserver. Créer un conseil de la fonction militaire interarmées reviendrait à reconnaître l’existence d’une cinquième armée, celle du soutien, ce qui n’est pas souhaitable. Les militaires exerçant dans ce cadre doivent continuer à être représentés dans leur CFM d’origine. Par le jeu de l’élection, on peut penser que leurs attentes seront prises en considération par les membres à qui ils auront fait confiance.

Lors de la 85e session du CSFM, en juin 2011, le ministre de la défense a évoqué la possibilité de créer de nouveaux CFM « métiers » pour représenter de nouveaux statuts, comme celui d’ingénieur militaire des infrastructures, créé en 2010, ou de nouveaux corps, comme celui de commissaires des armées, également créé l’année dernière. Si les rapporteurs comprennent bien la nécessité de prendre en compte les spécificités de ces nouveaux corps, ils craignent qu’une trop grande fragmentation de la représentation nuise à l’unité des armées.

Proposition n° 3 : refuser la création d’un conseil de la fonction militaire « interarmées ».

Les rapporteurs jugent également important que les militaires puissent conserver une représentation « identitaire » de leur catégorie au sein des groupements de soutien des bases de défense. Les groupements de soutien constituant des formations administratives, les militaires peuvent avoir comme président de catégorie quelqu’un qui n’appartient pas à son armée. La pratique, courante, de lui adjoindre un représentant de chacune des armées représentées dans le groupement doit être institutionnalisée.

Proposition n° 4 : institutionnaliser la pratique des adjoints de chaque armée pour les présidents de catégorie des groupements de soutien des bases de défense.

B. CONFORTER LES MEMBRES DES INSTANCES DE CONCERTATION

1. Accorder plus de moyens

Les rapporteurs jugent indispensable d’accorder des dispenses d’activité plus grandes aux membres des instances nationales de concertation. Les dix jours par an actuellement prévus pour préparer les sessions ne sauraient suffire à leur permettre d’exercer pleinement leurs attributions.

Pour qu’ils puissent se faire l’écho des attentes de leurs camarades, il importe qu’ils puissent disposer de temps pour les rencontrer et les écouter. S’ils n’ont naturellement pas vocation à se substituer aux présidents de catégorie pour la résolution de problèmes locaux, la connaissance des préoccupations du terrain est indispensable au bon exercice de leur mandat.

Le rapport du groupe de travail interarmées proposait qu’un laps de temps soit accordé aux membres au retour de sessions afin de permettre une restitution des travaux effectués par les conseils. Les rapporteurs regrettent que cette proposition n’ait pas été transcrite dans les textes.

Sans qu’il soit forcément nécessaire d’aller jusqu’à un temps plein – même si la décharge ainsi accordée à quelques dizaines de militaires par armée ne devrait pas contribuer à les désorganiser – les rapporteurs souhaitent que d’importantes décharges d’activité leur soient accordées.

Un effort accru en matière de formation est également primordial, pour que les militaires peu familiers en matière de ressources humaines puissent appréhender la complexité des textes qui leur sont soumis.

Proposition n° 5 : accorder de plus grandes dispenses d’activité et assurer une meilleure formation aux membres des instances nationales de concertation.

Contrepartie de ces moyens renforcés, les rapporteurs proposent de limiter à deux le nombre de mandats exercés par les membres des instances nationales de concertation. Il s’agit là d’éviter un basculement vers le professionnalisme de ces fonctions, qui nuirait à la diversité des profils et les éloignerait des attentes de leurs pairs.

Proposition n° 6 : limiter à deux le nombre de mandats de membre d’une instance nationale de concertation.

2. Reconnaître leur compétence

La reconnaissance des membres des instances nationales de concertation est un sujet délicat. Les textes actuels ne permettent pas de distinguer, même positivement, un membre particulièrement actif. Comme l’a souligné le rapport du groupe de travail interarmées, il y a deux aspects à cette question, un aspect « récompense » et un aspect « symbolique ».

Attribuer une récompense aux membres des conseils à l’issue de leur mandat pourrait donner le sentiment à leurs pairs qu’ils ont été « achetés » par le commandement. Il serait en outre particulièrement difficile de procéder à une évaluation de leur travail. Celui-ci devrait-il être apprécié par le secrétaire général de son conseil de la fonction militaire ou du Conseil supérieur de la fonction militaire ? Cela modifierait profondément la nature des relations qu’ils entretiennent avec les membres. Ensuite, quels points feraient l’objet d’une évaluation : la présence, la qualité du travail sur les textes, le nombre de questions posées ? Cela semble bien difficile à mettre en œuvre.

La reconnaissance du travail des membres pourrait aussi se faire par la notation ou l’avancement mais les inconvénients du système l’emportent aussi sur les avantages.

Les rapporteurs proposent donc que la reconnaissance de la compétence des membres des instances de concertation se fasse au titre de la valorisation des acquis de l’expérience. Il s’agit là d’un critère objectif, non soumis à l’appréciation du commandement, et qui permettrait aux membres de faire valoir les compétences juridiques acquises pendant leur mandat.

Proposition n° 7 : permettre aux membres des instances nationales de concertation de pouvoir bénéficier de la validation des acquis de leur expérience de membre de ces conseils.

La reconnaissance « symbolique » est également importante. Les membres des instances nationales sont souvent méconnus de leurs pairs et leur fonction peu soutenue par le commandement local. S’il est naturellement primordial de sensibiliser le commandement local à la concertation, l’avènement d’une véritable « culture de la concertation » ne se fera pas immédiatement.

On peut penser que par le biais des élections, d’une décharge d’activité plus importante et ainsi, d’une plus grande légitimité, les membres des instances nationales de concertation pourront se faire connaître plus facilement de leurs pairs.

Lors de la 85e session du Conseil de la fonction militaire, en juin 2011, le ministre a procédé à la remise de l’insigne de membre du CSFM à chacun des membres siégeant. Il doit permettre « à la communauté militaire de les identifier », selon les propres mots du ministre.

Les rapporteurs proposent qu’un insigne équivalent soit remis à l’ensemble des membres des conseils de la fonction militaire, appelés selon leurs vœux, à jouer un rôle croissant. S’il ne leur appartient pas concevoir ce futur insigne, les rapporteurs souhaiteraient que soit retenu un symbole autre que le casque corinthien, retenu pour les membres du CSFM. Symbole, certes, de la « mission militaire du CSFM », ce casque avait pour principal défaut de recouvrir les oreilles des soldats grecs, diminuant par là les capacités auditives de ceux qui les portaient. Il existe de symboles plus heureux pour une instance de dialogue…

Proposition n° 8 : octroyer un signe distinctif aux membres des conseils de la fonction militaire.

C. RÉÉQUILIBRER LES INSTANCES NATIONALES DE CONCERTATION

1. Libérer l’ordre du jour

L’ordre du jour des sessions des instances nationales de concertation est un grand sujet d’insatisfaction chez tous les militaires, membres de ces instances ou du haut commandement car il ne permet pas toujours d’examiner les sujets qui touchent à la condition militaire.

Comme l’ont expliqué aux membres de la mission plusieurs responsables de l’état-major et de l’administration du ministère de la défense, il appartient avant tout aux autorités de mettre fin à cette pratique en ne soumettant à ces instances que les textes strictement nécessaires.

Afin de dégager du temps dans les conseils de la fonction militaire, les rapporteurs proposent de supprimer le double examen systématique des sujets à l’ordre du jour du Conseil supérieur de la fonction militaire de l’ordre du jour des CFM actuellement prévu par l’article 7 de l’arrêté du 26 décembre 2005 portant règlement intérieur du Conseil supérieur et des conseils de la fonction militaire.

Ce double examen des projets de textes, par les CFM, puis par le CSFM n’est en effet pas satisfaisant. Il conduit à surcharger l’ordre du jour des CFM et leur interdit d’approfondir les questions qui sont de leur seul ressort. Surtout, l’examen de textes qui ne concernent qu’une armée ou formation rattaché présente peu d’intérêt pour les autres. Comme l’ont indiqué à la mission plusieurs membres de ces instances, le fait que les sessions des CFM se tiennent simultanément les conduit à consulter les membres des CFM concernés par les projets de texte et de reprendre à leur compte leur position. À l’inverse, l’examen par le CSFM de textes à vocation générale déjà examinés par les CFM conduit souvent les membres du CSFM à défendre les positions prises par leur CFM d’appartenance.

Si les rapporteurs comprennent l’utilité, dans certains cas, d’une double lecture de projets de textes, pour permettre tout simplement aux armées d’être informées des évolutions en cours dans les autres armées, ils pensent que les inconvénients de cette pratique l’emportent sur les avantages. Il conviendrait que les textes à vocation interarmées soient plutôt examinés par le CSFM tandis que les textes qui ne concernent qu’une seule armée le soient par le seul CFM concerné.

Ils proposent donc de supprimer l’inscription systématique de l’ordre du jour des CFM l’ordre du jour de la session correspondante du CSFM. Cela permettra de libérer du temps pour permettre aux problématiques propres à chaque armée ou formation rattachée de s’exprimer.

Proposition n° 9 : Supprimer l’inscription systématique à l’ordre du jour des CFM de l’ordre du jour de la session correspondante du CSFM.

Dans le même ordre d’idée, les rapporteurs se sont interrogés sur la possibilité de séparer le partage des attributions entre le CSFM et les CFM. Au CSFM, pourrait être réservée l’étude des projets de texte et aux CFM les questions relatives à la condition militaire.

Une spécialisation des instances n’apparaît néanmoins pas souhaitable, l’examen des textes et les questions relatives à la condition militaire étant étroitement liées. Un meilleur équilibre de l’ordre du jour semble donc suffisant. Mais on peut penser que le temps ainsi libéré permettra dans les faits aux conseils de la fonction militaire de se spécialiser dans l’étude des sujets liés à la condition militaire.

Pour accompagner ce rééquilibrage en faveur des CFM, les rapporteurs proposent que leur présidence effective soit confiée, non plus au ministre de la défense, mais aux chefs d’état-major des armées, responsables, en vertu de l’article R. 3121-5 du code de la défense, de la condition des militaires. Cette proposition figurait déjà dans le rapport de la commission de révision du statut général des militaires de 2003. On pouvait y lire que « mener la concertation avec les militaires de leur armée [est] le prolongement naturel de leurs responsabilités ».

Les conseils de la fonction militaire pourraient ainsi devenir le lieu d’expression privilégié des préoccupations propres à chacune des armées et non plus de simples instances de préparation des sessions du Conseil supérieur de la fonction militaire.

Proposition n° 10 : confier la présidence des conseils de la fonction militaire au chef d’état-major de l’armée ou au directeur de la formation rattachée correspondante.

Les rapporteurs proposent également de simplifier les modalités de fixation de l’ordre du jour des instances nationales de concertation pour laisser plus de latitude aux membres de ces instances.

Ils proposent que celui-ci ne comprenne plus que les projets de textes que le président – ministre ou chef d’état-major – a décidé d’y inscrire, pour avis – ce qui exclut les textes inscrits à titre d’information –, et les questions inscrites d’office, dont l’examen a été demandé par la majorité des membres du conseil. Cela aboutirait à un véritable partage de l’ordre du jour.

Afin de laisser un peu de souplesse au dispositif, le secrétaire général conserverait la possibilité d’y ajouter les propositions adressées par les membres du CSFM ou par le président. Comme l’a relevé le groupe de travail interarmées, le secrétaire général du CSFM – ainsi que les secrétaires généraux des CFM – est la seule instance permanente, les CSFM ne se réunissant que deux fois par an. Lui seul est donc en mesure, entre deux sessions, d’identifier les thèmes d’actualité à même d’être étudiés par le CSFM.

Son rôle d’animateur des sessions doit être valorisé et son autorité renforcée. C’est pourquoi les rapporteurs proposent de le laisser décider seul des propositions d’inscription à l’ordre du jour qui lui sont adressées par les membres du CSFM, sans recueillir l’aval du président. Les groupes de travail qui se réunissent entre les sessions (cf. infra.) pourraient participer à cette réflexion.

Proposition n° 11 : partager l’ordre du jour entre le président du conseil et les membres.

2. Renforcer leur capacité d’expertise

Entre les sessions du Conseil supérieur de la fonction militaire, le secrétaire général peut consulter un échantillon représentatif des membres du Conseil sur des sujets qu’il juge opportun. Comme on l’a déjà indiqué, en 2011, trois groupes de travail ont ainsi été réunis sur les thèmes suivants : convention défense/SNCF et avenir de la carte de circulation militaire, réforme du corps des officiers d’administration et refonte du système indemnitaire des militaires.

Ces groupes permettent à une quinzaine de membres, volontaires, d’étudier pendant un jour ou deux un thème qui sera présenté ensuite à l’ensemble des membres du CSFM.

Un dispositif similaire existe dans la gendarmerie, où le secrétaire général du CFMG peut désigner des membres pour participer à des réflexions sur des projets de texte structurants, notamment ceux relatifs à l’organisation du travail, aux statuts et à l’exercice du métier de gendarme.

Les rapporteurs proposent d’institutionnaliser cette pratique et de l’étendre aux armées qui n’y ont pas recours. Ces groupes de travail seraient l’occasion pour les membres des conseils de renforcer leur capacité d’expertise en travaillant sur certains sujets entre les sessions. Le choix de ces sujets, plutôt que d’être laissé à la discrétion des secrétaires généraux, pourrait être accordé aux membres des instances eux-mêmes. Ces réunions assureraient la continuité des travaux des instances de concertation et seraient également un lieu d’échange, entre les secrétaires généraux et les membres de ces instances, sur l’ordre du jour des sessions à venir des conseils.

La réunion de ces groupes de travail se heurte aujourd’hui au manque de disponibilité des membres des conseils. Les dispenses d’activité proposées plus haut par les rapporteurs permettront de lever cet obstacle.

Proposition n° 12 : institutionnaliser les groupes de travail thématiques entre les sessions des conseils de la fonction militaire et du Conseil supérieur de la fonction militaire.

Plusieurs membres des instances nationales de concertation ont indiqué aux rapporteurs la difficulté qu’ils éprouvaient à appréhender la complexité des textes qui leur étaient soumis et l’état de dépendance dans lequel ils se trouvaient à l’égard de l’expertise de l’administration du ministère de la défense.

Si des exigences accrues en matière de disponibilité et de formation, évoquées plus haut, permettraient aux membres de ces instances d’exercer leur fonction avec plus d’assurance, elles ne les rendraient pas moins dépendants des services du ministère. Or plusieurs d’entre eux ont regretté la place trop importante occupée par la direction des ressources humaines du ministère de la défense dans le fonctionnement des instances de concertation, leur donnant parfois le sentiment de leur laisser une marge d’appréciation très réduite.

C’est pourquoi les rapporteurs jugent important que les membres des instances nationales puissent s’appuyer, de manière complémentaire, sur un organe d’expertise indépendant, le Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM, cf. supra).

Depuis son installation, cette instance indépendante a publié cinq rapports : un sur l’attractivité des carrières militaires et des rémunérations (2007), un autre sur la mobilité des militaires et son accompagnement (2008), un sur la reconversion (2009), un sur les pensions militaires de retraite (2010) et un dernier sur la condition des militaires en service hors métropole.

Outre ces thèmes particuliers, chaque rapport présente une « revue annuelle de la condition militaire », qui vise à regrouper les données disponibles qui caractérisent les principaux aspects de la condition militaire, et fait le point sur les suites données aux recommandations émises dans ses différents travaux. La qualité du travail fourni par le Haut comité est une source d’information précieuse pour les autorités mais aussi pour l’ensemble des militaires. L’analyse statistique détaillée d’un certain nombre de phénomènes permet de dépasser les impressions ressenties par les acteurs. De même, les comparaisons auxquelles le haut comité procède, avec la fonction publique civile, le secteur privé ou certaines armées occidentales, sont très utiles à la bonne compréhension du fonctionnement des armées.

Les rapporteurs estiment que ses travaux devraient être plus étroitement liés à ceux des instances de concertation. Ils ont déjà fait l’objet de séances d’information lors de sessions de CSFM et, pour la première fois, son président a présenté, au cours de la session de décembre 2011, son rapport à ses membres.

Un lien plus étroit entre l’activité des deux instances pourrait être envisagé. Un tel vœu avait été exprimé lors des audits réalisés en 2008 par les différentes armées. Celui de l’armée de terre proposait par exemple de lier l’action du CFMT aux rapports du HCECM tandis que figuraient parmi les propositions non retenues dans le rapport final, la mise en place d’une séance d’étude annuelle du CSFM et des CFM consacrée au thème retenu par le HCECM. Le rapport effectué par l’armée de l’air proposait également de permettre eu CSFM de s’adresser régulièrement au Haut comité.

Les rapporteurs proposent que le CSFM puisse demander au Haut comité d’effectuer une étude à son intention, qu’il viendrait présenter lors d’une session suivante. Il ne s’agit en aucun cas de mettre le HCECM sous tutelle ou de remettre en cause son indépendance, mais de permettre aux membres du CSFM de disposer de sources d’information autres que celles émanant du ministère de la défense.

Cela n’enlèverait pas au Haut comité la possibilité d’effectuer par ailleurs une étude sur le thème de son choix. Donner un peu de son temps aux sujets choisis par le CSFM, un peu à l’image de ce que fait la Cour des comptes avec le Parlement, ne semble pas de nature à remettre en cause son indépendance.

Dans le même souci de conforter leur capacité d’expertise, les rapporteurs pensent que les instances de concertation pourraient s’appuyer plus souvent sur le collège des inspecteurs généraux.

Les inspecteurs généraux des armées, placés directement sous l’autorité du ministre, effectuent pour son compte des « missions d’inspection, d’étude et d’information s’étendant à l’ensemble des armées, de la gendarmerie nationale, de la direction générale de l’armement » (23).

Grâce à leur autorité et la grande qualité de leurs travaux, ils pourraient apporter des analyses et des études précieuses aux instances de concertation. Il n’est pas question naturellement de les mettre à disposition de ces instances mais de simplement permettre à ces dernières de les saisir occasionnellement pour la réalisation d’études. Ils pourraient ainsi venir présenter le résultat de leurs travaux aux membres de ces instances plus régulièrement qu’ils ne le font déjà, sans passer par le filtre du ministre.

Proposition n° 13 : donner la possibilité au CSFM et aux CFM de demander aux inspecteurs généraux et au HCEM de rédiger une étude sur le thème de leur choix.

Le rapport d’information de Bernard Grasset et Charles Cova proposait la création d’une autorité administrative indépendante, le médiateur du personnel militaire, pour pallier le manque de représentativité des instances de concertation.

À l’aune des expériences étrangères (Allemagne, Norvège, Suède), la mission estimait qu’un médiateur aurait pu combler le vide laissé par l’absence de syndicats et d’associations professionnelles. Cette idée est séduisante : situé hors de la hiérarchie militaire, accessible à tous les militaires, bénéficiant d’une indépendance totale, ce médiateur aurait eu un champ de compétence sans limite, à l’exception des décisions relatives à l’emploi opérationnel des forces.

Les rapporteurs de la présente mission n’ont pas retenu cette proposition. La création d’une telle instance viendrait en effet s’ajouter aux nombreuses existantes et, à moins de mettre à sa disposition une administration pléthorique - ce qui n’est naturellement pas souhaitable - laisserait le médiateur démuni.

Les rapporteurs préfèrent s’appuyer sur ce qui existe déjà. Ce rôle de médiation est aujourd’hui en partie assuré par les inspecteurs généraux, en vertu de l’article D. 4121-2 du code de la défense, qui dispose que « tout militaire peut saisir les officiers généraux inspecteurs d’une question relative à sa situation personnelle, aux conditions d’exécution du service ou à la vie en communauté. Les motifs de la demande d’audience n’ont pas à être fournis d’avance. » Ils proposent donc de conforter ce rôle dans les faits en en faisant une plus grande publicité auprès de la communauté militaire.

Proposition n° 14 : conforter le rôle de médiation assuré par les inspecteurs généraux.

3. Quelle place pour les associations ?

Les rapporteurs sont opposés à une évolution vers le syndicalisme. Le renforcement des structures de concertation qu’ils proposent doit suffire à laisser s’exprimer les attentes de la communauté militaire. La discipline militaire ne saurait s’accommoder de l’émergence d’un pouvoir concurrent de la hiérarchie. Comme le soulignait le rapport de la commission de révision du statut général des militaires, « l’ingérence dans l’activité des forces, la remise en question de la cohésion des unités, voire de la disponibilité et du loyalisme des militaires, en sont des risques majeurs et donc inacceptables ». Le principe de discipline ne peut s’accommoder de la mise en place d’une cogestion des forces armées. Celles-ci y sont très majoritairement hostiles et le législateur n’a pas remis en cause cet état de fait lors de la révision du statut général des militaires, en 2005.

Les rapporteurs se sont interrogés plus longuement sur la place que peuvent occuper les associations dans le dispositif de concertation. Les associations de militaires retraités siègent au Conseil supérieur de la fonction militaire. Leurs représentants apportent aux autres membres la connaissance de l’institution militaire acquise au long de leur parcours professionnel. Puissantes et bien organisées, les associations sont capables de faire entendre auprès des pouvoirs publics les préoccupations de leurs membres. Elles sont ainsi régulièrement reçues par la Commission de la défense de l’Assemblée nationale et les échanges avec leurs membres sont toujours riches d’enseignement pour les députés.

Aussi, à l’occasion de la discussion parlementaire du projet de loi de révision du statut général des militaires, plusieurs députés se sont prononcés en faveur de l’adhésion des militaires d’active à ces associations de retraités. Cette proposition n’a pas été adoptée car elle aurait conduit à transformer ces associations en groupements professionnels, ce qui n’était pas souhaité.

L’interdiction faite aux militaires d’active d’adhérer à des groupements professionnels a également été maintenue par l’article 6 du statut des militaires, codifié à l’article L. 4121-4 du code de la défense.

Malgré cette interdiction, force est de constater que des associations professionnelles existent, même si leurs dirigeants ne sont plus membres de l’armée. S’il est difficile de mesurer leur représentativité, leur audience est certaine et les revendications qu’elles portent souvent légitimes. La mission d’information a reçu la plupart d’entre elles et ne saurait partager le sentiment exprimé par plusieurs militaires qui ne voient en leurs membres que des « déçus » ou « frustrés » du système. Dès lors, pourquoi interdire aux seuls militaires d’active d’adhérer à des associations chargées de défendre leurs intérêts ?

Les rapporteurs n’y voient pas d’obstacle dirimant. Une association professionnelle se distingue d’un syndicat dans le sens où elle n’occupe pas de place institutionnelle dans le dispositif de concertation. Une association demeure toujours en marge du système : elle n’y dispose ni de locaux, ni de facilités d’actions. Il n’est pas question, comme l’ont proposé certains, de faire siéger les membres de ces associations aux côtés des retraités militaires, au Conseil supérieur de la fonction militaire.

Il pourrait en revanche être profitable que les membres de ces instances, ainsi que la communauté militaire dans son ensemble, bénéficient de l’expertise et du support de ces associations dans l’examen de leurs droits. Il ne s’agit pas de constituer une force corporative organisée pour faire pression sur l’autorité hiérarchique mais d’offrir aux militaires un moyen nouveau d’information.

Reconnaître aux militaires la liberté d’adhérer à des associations de défense de leurs droits aboutirait à une surenchère revendicative et à des luttes partisanes incompatibles avec la discipline militaire, ont déclaré plusieurs personnalités à la mission d’information. Ce risque n’est pas totalement absent. Mais on peut penser qu’en mettant fin à cette clandestinité de fait, les membres de ces associations auront à cœur de faire preuve d’esprit de responsabilité. Comme l’a déclaré un interlocuteur aux rapporteurs, même un syndicaliste sait faire la part des choses entre la défense des intérêts de ses pairs et la nécessaire obéissance à son chef ! C’est accorder peu de confiance aux militaires que de ne pas les penser capables d’opérer une telle distinction.

Les rapporteurs proposent donc que les militaires puissent adhérer à des associations de défense de leurs droits. Pour éviter la surenchère des campagnes, il leur serait interdit de faire état de leur appartenance à l’occasion des élections aux conseils de la fonction militaire. Les associations ne disposeraient naturellement pas de siège dédié dans ces instances.

Proposition n° 15 : autoriser les militaires à adhérer à des associations de défense de leurs droits.

Pour accompagner ce mouvement, les rapporteurs proposent également de lever l’interdiction faite aux militaires de déposer des « réclamations collectives », prévue par l’article D. 4121-1 du code de la défense.

Cette interdiction limite de fait la possibilité pour les militaires de former des recours contre les actes de l’autorité dont ils dépendent parce qu’ils ne disposent pas seuls des compétences juridiques et ressources financières nécessaires pour les mener.

Proposition n° 16 : autoriser les militaires à déposer des recours collectifs contre les actes de l’autorité dont ils dépendent.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission de la défense nationale et des forces armées examine le présent rapport d’information au cours de sa réunion du mardi 13 décembre 2011.

Un débat suit l’exposé des rapporteurs.

M. Daniel Boisserie. Avez-vous pris en compte la question du harcèlement dans les armées ? Vous êtes-vous intéressés au dialogue social avec les personnels civils ?

M. le président Guy Teissier. Les personnels civils ont des organisations syndicales. Le harcèlement est un problème relevant du commandement et non de la représentation des personnels. Le relationnel avec la hiérarchie compte beaucoup pour régler cette question.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur. Nous nous sommes surtout intéressés à l’architecture du système, plus qu’aux problématiques relevant du moral des troupes. Le dialogue des personnels civils n’entrait pas dans le champ de notre mission. Je relève que la notion même de « dialogue social dans les armées » a fait débat, certains de nos interlocuteurs préférant les expressions « dialogue de commandement » ou « dialogue militaire »… Mais, au final, elle nous semble être pertinente.

M. Michel Grall. Comment s’organise le dialogue social dans les armées compte tenu des mouvements de fond qui les touchent aujourd’hui : révision générale des politiques publiques (RGPP), réforme de la carte militaire, ou encore intensification des OPEX ?

M. Gilbert le Bris, rapporteur. Tout ce qui concerne les OPEX relève par nature du commandement et non du dialogue social. Néanmoins, les évolutions que vous mentionnez sont caractéristiques du contexte général dans lequel s’inscrit notre travail, au même titre que la fin de la conscription.

Les bases de défense (BdD) auront leur place dans l’organisation future du dialogue social. Les élections auront certainement lieu à leur échelle à l’avenir. Mais pour l’heure, les militaires demeurent attachés à leur armée d’appartenance et à leur identité de corps. Ce sont les présidents de catégorie de chaque armée qui représentent le mieux les personnels.

Mme François Hostalier. Il s’agit d’un domaine insuffisamment abordé et je félicite les rapporteurs pour leur travail. Le dialogue social n’occulte pas le lien des militaires avec leur corps d’appartenance. Pour avoir souvent travaillé avec l’association solidarité défense, j’ai pu constater qu’un chef se doit d’être à l’écoute de ses hommes pour commander efficacement.

Le plus souvent les problèmes sont résolus sur le plan local. Les parlementaires sont parfois saisis. La création d’un médiateur militaire est-elle envisagée ? Il pourrait faire remonter des propositions à la faveur de son positionnement « neutre », à l’exemple de ce qui existe dans l’Éducation nationale.

M. Gilbert le Bris, rapporteur. Le rôle de « père du régiment » traditionnellement dévolu au chef existe encore, mais il ne correspond plus vraiment à la réalité.

Plutôt que de mettre en place un médiateur, nous préconisons de renforcer le rôle de l’inspection générale des armées. Cela supposera de renforcer la publicité sur leurs prérogatives dans ce domaine.

M. Philippe Vitel. La constitution des BdD a déjà favorisé le dialogue entre les militaires au niveau local.

Nous gardons l’image des femmes de gendarmes manifestant dans les rues, leurs époux n’ayant pas ce droit. La tutelle du ministère de l’intérieur sur la Gendarmerie aura-t-elle un impact sur le fonctionnement de son dialogue social ?

M. le président Guy Teissier. Je note tout de même que l’on a vu des gendarmes manifester dans les rues – et, qui plus est, en uniforme –, ce qui constituait selon moi un précédent grave. Il me semble que le corps des gendarmes se caractérise par des spécificités déjà suffisamment nombreuses pour qu’il ne soit pas nécessaire d’en ajouter de nouvelles. Dans tous les cas, leur rattachement au ministère de l’intérieur ne remet pas en cause leur statut militaire.

M. Étienne Mourrut, rapporteur. Les gendarmes sont un corps particulier, relativement sensible en ce moment. Tous affirment tenir à leur statut militaire. Ils ont cependant le sentiment que les discussions conduites au niveau du Conseil supérieur de la fonction militaire sont relativement éloignées de leurs préoccupations.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur. La Gendarmerie est allée plus loin que les autres corps dans le domaine de la concertation. Le choix des représentants se fait au niveau du groupement, le colonel y choisissant lui-même ses interlocuteurs. Si des évolutions devaient toucher les autres forces armées, la Gendarmerie devrait bien évidemment être concernée.

M. Philippe Nauche. S’ils sont soumis à des règles spécifiques, les militaires n’en sont pas moins des citoyens à part entière. Il convient dès lors de trouver les moyens adéquats pour faire vivre cette citoyenneté dans les armées.

Comment s’organise la représentativité dans les bases de défense ? Compte tenu de leur diversité de taille et de composition, est-il possible d’imaginer un système commun ou faut-il encore passer par les présidents de catégorie ?

Je constate par ailleurs que la réforme génère beaucoup d’interrogations, souvent relayées sur des blogs ou des sites Internet. Or les éléments publiés sont souvent inexacts, voire totalement faux. Comment les armées réagissent-elles ? Comment répondre aux légitimes interrogations liées aux restructurations ?

M. Gilbert Le Bris, rapporteur. Les bases de défense changeront la donne d’ici une dizaine d’années. À ce stade, la représentativité doit toujours passer par le système classique propre à chaque armée. C’est d’ailleurs pertinent car cela permet à chaque militaire d’avoir un correspondant issu du même corps, quelle que soit son unité de rattachement. Quand l’interarmisation aura progressé, il sera temps de faire de la base de défense l’élément de référence pour la représentativité.

Les moyens de communication modernes ouvrent de nouveaux champs d’expression ; cela fonctionne plutôt bien et sans dérive manifeste. Ils ne peuvent toutefois remplacer un dialogue social en bonne et due forme.

M. Yves Fromion. Le rapport que vous nous présentez me semble très important car il va répondre aux interrogations croissantes des jeunes officiers. Ils manifestent en effet un besoin et une envie de s’exprimer, ne serait-ce que pour expliquer la spécificité de leur statut et éviter d’être marginalisés.

Pour les bases de défense, je rejoins totalement votre analyse. À ce stade, il ne s’agit que de structures administratives et logistiques qui ne peuvent pas remplacer l’unité militaire. À Bourges, je constate que les militaires de la base de défense sont très attachés à leur armée d’origine. L’esprit de base n’a pas encore remplacé l’esprit de corps. J’ajoute qu’il est difficile de faire de la base de défense l’élément de référence alors que son périmètre n’est pas définitivement arrêté.

Vous proposez de mobiliser plus largement les inspecteurs généraux. C’est une idée excellente car elle permettra de sortir le dialogue social de la relation hiérarchique. Pour autant, il faut organiser les relations des militaires avec les inspecteurs généraux en créant par exemple un référent au sein de chaque unité, à condition que ce personnel ne devienne pas une sorte « d’œil de Moscou » au sein du régiment.

M. le président Guy Teissier. Lors de vos échanges avec les militaires, quelles étaient les questions qui revenaient le plus souvent ? S’agissait-il de la solde, des aspects familiaux, de la mobilité géographique ? Parlent-ils du rapport à la hiérarchie ?

M. Étienne Mourrut, rapporteur. À ma grande surprise, la question salariale n’a presque jamais été posée. Les interrogations sont très variées même si les questions relatives à la famille sont majoritaires. L’exigence de mobilité est en effet un facteur difficile à prendre en compte, surtout pour les conjoints. Notre attention a également été attirée sur la faible diffusion des informations. Les militaires disent par exemple ne pas avoir de retour sur les conclusions ou les débats du CSFM.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur. La réforme est sans nul doute l’élément qui génère le plus de questions. Comme vous le savez, le dialogue s’organise à trois niveaux : celui de représentation avec les présidents de catégorie, celui de la participation avec une réflexion d’unité et celui de la concertation avec le CSFM et les CFM d’armées. Les enjeux ne sont pas les mêmes : plus on gagne en généralité, plus le rapport à l’autorité apparaît dans les débats. Les représentants du CSFM regrettent par exemple que la complexité juridique des textes qui leur sont soumis occulte le débat de fond sur le statut et la vie militaire, certains allant jusqu’à parler de technique « d’enfumage ». Ils regrettent également que le dialogue social ne fasse l’objet d’aucun enseignement dans les écoles.

M. Étienne Mourrut, rapporteur. J’ajoute que les préoccupations sont très différentes selon les armées.

M. le président Guy Teissier. Si tous les militaires sont soumis au même statut, ils n’exercent pas le même métier et n’ont donc pas les mêmes préoccupations. L’exigence de mobilité géographique est par exemple beaucoup plus forte pour un sous-officier de l’armée de terre que pour un sous-officier de l’armée de l’air.

Lors de visites d’unités, j’ai constaté que la vie familiale est de plus en plus un sujet de préoccupation. Les épouses des militaires ont désormais presque toutes une activité professionnelle, ce qui est difficilement compatible avec des déménagements réguliers, sauf à renoncer à une deuxième source de revenus. C’est un point qu’il faut surveiller, le taux de divorce chez les militaires étant beaucoup plus élevé que la moyenne nationale.

Les interrogations des militaires ne portent toutefois nullement préjudice à leur action. En opérations, ils font preuve d’une conscience professionnelle remarquable. Devant le groupe de travail franco-britannique qui s’est réuni ce matin, l’ancien commandant du Charles de Gaulle a confirmé ce sens de la mesure et de la responsabilité de tous les personnels. Pendant l’engagement du bâtiment au large de la Libye, les moyens de communication ont été maintenus sans qu’une seule information stratégique ne soit transmise.

Mme Françoise Hostalier. Avez-vous rencontré les associations d’épouses de militaires ?

M. Gilbert Le Bris, rapporteur. Nous avons auditionné les associations de retraités ainsi que les associations liées aux armées mais pas spécifiquement les associations d’épouses. Néanmoins lors de nos déplacements sur les sites, nous avons rencontré les épouses des militaires. À chaque fois, nous avons eu le sentiment que le dialogue était satisfaisant et que les préoccupations des conjoints étaient bien prises en compte.

*

* *

La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport de la mission d’information en vue de sa publication.

*

* *

ANNEXES

I. —  LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION D’INFORMATION

• 8 février 2011

– M. le contrôleur général des armées Philippe Tardieu de Maleissye-Melun, secrétaire général du Conseil supérieur de la fonction militaire ;

• 9 février 2011

– colonel Jacques Pujo-Sausset, secrétaire général du conseil de la fonction militaire de l’armée de l’air ;

• 15 février 2011

– M. le contrôleur général des armées Christian Piotre, secrétaire général pour l’administration du ministère de la défense et des anciens combattants ;

• 16 février 2011

– général Philippe Renard, directeur des ressources humaines de l’armée de terre, accompagné du lieutenant-colonel Jean-Frédéric Lenoble ;

• 1er mars 2011

– colonel François Armand, secrétaire général du conseil de la fonction militaire de l’armée de terre ;

• 2 mars 2011

– M. le contrôleur général des armées Jacques Roudière, directeur des ressources humaines du ministère de la défense et des anciens combattants, accompagné du capitaine de frégate Jean-Baptiste Soubrier ;

• 8 mars 2011

– général Bruno Bourdoncle de Saint-Salvy, sous-chef d’état-major ressources humaines, accompagné du colonel Marc Boileau ;

– capitaine de vaisseau Dominique de Lorgeril, secrétaire général du conseil de la fonction militaire de la marine ;

• 9 mars 2011

– général Herbert Buaillon, directeur des ressources humaines de l’armée de l’air ;

• 15 mars 2011

– général Joël Delpont, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale, accompagné du colonel Jean-Jacques Taché ;

• 29 mars 2011

– colonel Jean-Xavier Chabane, correspondant du personnel officier auprès du chef d’état-major de l’armée de l’air et capitaine de corvette Sébastien Baquer, correspondant du personnel officier auprès du chef d’état-major de la marine ;

– M. le contrôleur général des armées Hughes de la Giraudière, conseiller social du ministre de la défense et des anciens combattants ;

• 30 mars 2011

– lieutenant-colonel Philippe Troger, représentant du secrétaire général du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie nationale ;

• 5 avril 2011

– table ronde réunissant les correspondants sous-officiers auprès des chefs d’état-major des différentes armées et du directeur général de la gendarmerie nationale :

– adjudant-chef Pascal Hanet, correspondant du personnel sous-officier auprès du chef d’état-major de l’armée de terre ;

– major Laurent Ighilameur, correspondant du personnel non officier auprès du chef d’état-major de la marine ;

– adjudant-chef Antoine Brosse, correspondant du personnel sous-officier auprès du chef d’état-major de l’armée de l’air ;

– maréchal des logis-chef François-Xavier Camacho, correspondant du personnel sous-officier auprès du directeur général de la gendarmerie nationale ;

• 12 avril 2011

– table ronde réunissant les présidents de catégorie des officiers de l’armée de terre, de la marine, de l’armée de l’air et des présidents du personnel de la gendarmerie appartenant au grade des officiers :

– armée de terre : lieutenant-colonel Peyre, lieutenant-colonel Robert et capitaine Pelletier ;

– marine : commandant Dominique Greppi et commissaire principal Jean-Jacques Perry ;

– armée de l’air : lieutenant-colonel Fabrice Alborna et lieutenant-colonel Cédric Collardelle ;

– gendarmerie nationale : capitaine Roger Alves et capitaine Christian Borne ;

• 3 mai 2011

– entretien de M. Gilbert Le Bris avec M. Michel Renaut, secrétaire général du conseil de la fonction militaire de la direction générale de l’armement ;

• 10 mai 2011

– table ronde réunissant les présidents de catégorie des militaires du rang de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air:

– armée de terre : brigadier-chef Chassagrande, caporal-chef Mathieu et caporal-chef Mouthinho ;

– marine : caporal-chef Vincent Moyat (GSBDD de Creil) et brigadier-chef Sabrina Willaume (GSBDD de Montlhéry) ;

– armée de l’air : caporal-chef Nicolas Claret et caporal-chef Marine Pernet ;

• 25 mai 2011

– M. Christian Contini, président de l’association Gendarmes et citoyens ;

• 8 juin 2011

– M. Jacques Bessy, premier vice-président de l’Association de défense des droits des militaires (ADEFDROMIL) et M. Jacky Mestries, président de l’association La Grogne dans la gendarmerie ;

– M. Jean-Michel Bernard, membre de l’Association nationale des officiers de carrière en retraite ;

• 14 juin 2011

– table ronde réunissant les présidents de catégorie des sous-officiers de l’armée de terre, de la marine, de l’armée de l’air et des présidents du personnel de la gendarmerie appartenant au grade des sous-officiers :

– armée de terre : major Moussion, adjudant-chef Gotte, adjudant-chef Vanderlooven, adjudant-chef Castano ;

– marine : maître principal Lionel Grandhomme (GSBDD de Cherbourg) et adjudant-chef Yves Benoist (GSBDD de Montlhéry) ;

– armée de l’air : major Christine Curon-Cailloux et adjudant-chef Christophe Marcon ;

– gendarmerie nationale : adjudant-chef Pascal Gelin, gendarme Michel Vuillermaz et gendarme Mickael Verfaillie ;

• 15 juin 2011

– M. Bernard Cordoba, président du forum Gendarmes et citoyens et M. Nicolas Bara, président de l’association Militaires et citoyens et du forum Militaires et citoyens ;

• 22 juin 2011

– chef d’escadron Jean-Hugues Matelly ;

– membres du groupe de travail interarmées sur la réforme des structures de dialogue ;

• 13 septembre 2011

– amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées.

II. —  LISTE DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA MISSION D’INFORMATION

• 9 mars 2011, déplacement au conseil de la fonction militaire de l’armée de terre, à Dourdan

– tables rondes avec des membres du conseil et de commissions participatives d’unités ;

– séance plénière du conseil ;

– entretien avec le général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre ;

• 18 mars 2011, déplacement au conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, à Paris

– séance plénière du conseil ;

– entretien avec le général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale ;

• 4 avril 2011 

– entretien de M. Étienne Mourrut avec des officiers et sous-officiers du groupement de gendarmerie de Vauvert (Gard) ;

• 19 avril 2011

– déplacement de M. Gilbert Le Bris à la commission de participation de la région des Pays de Loire de la gendarmerie, à Saint-Herblain (Loire-Atlantique) ;

• 5 mai 2011, déplacement à la base navale de Brest

– tables rondes avec des membres du conseil de la fonction militaire de la marine, de commissions participatives d’unités, de présidents de catégorie et de marins ne participant à aucune instance de dialogue ;

– déjeuner avec des marins de tous grades et de toutes affectations de la base navale de Brest ;

– entretien avec le vice-amiral d’escadre Anne-François de Saint Salvy, préfet maritime et commandant de la zone maritime Atlantique ;

• 17 mai 2011, déplacement au 1er régiment de chasseurs de Verdun

– tables rondes avec des membres du conseil de la fonction militaire de l’armée de terre, de la commission participative de corps et des présidents de catégorie ;

– déjeuner avec des militaires de tous grades et de toutes affectations ;

– entretien avec le colonel Xavier Pineau, commandant du régiment ;

 19 mai 2011, déplacement à la base aérienne de Creil

– entretien avec le colonel Patrice Sauvé, commandant de la base aérienne et de la base de défense de Creil ;

– commission participative de la base de défense ;

• 27 mai 2011, déplacement au conseil de la fonction militaire de la marine, à Cherbourg

– séance plénière du conseil ;

– entretien avec l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine ;

• 24 juin 2011, déplacement au Conseil supérieur de la fonction militaire, à Paris

– séance plénière du Conseil.

III. —  CHARTE DE LA CONCERTATION

MINISTERE DE LA DEFENSE

ET DES ANCIENS COMBATTANTS

CIRCULAIRE n° 003727 /DEF/CAB portant charte de la concertation

Références :

- Code de la défense (partie législative) : articles L. 4111-1, L. 4121-3 et L. 4124-1 ;

- code de la défense (partie réglementaire): articles R. 4124-1 à R. 4124-25 ;

- article 11 du décret n° 2005-796 du 15 juillet 2005 relatif à la discipline générale militaire ;

- arrêté du 14 août 2009 fixant la composition du Conseil supérieur de la fonction militaire et des conseils de la fonction militaire et les modalités de désignation de leurs membres ;

- instruction n° 230845 du 9 octobre 2009 relative à l’élection des membres du Conseil supérieur de la fonction militaire ;

- arrêté du 26 décembre 2005 relatif à la formation spécifique dispensée aux membres du Conseil supérieur de la fonction militaire et des conseils de la fonction militaire ;

- arrêté du 26 décembre 2005 portant règlement intérieur du Conseil supérieur et des conseils de la fonction militaire ;

- arrêté du 12 avril 2001 relatif à la désignation des présidents de catégories et des membres des commissions participatives ;

- instruction n° 201 400 du 6 septembre 2001 relative à l'élection des présidents de catégories et des membres des commissions participatives ;

- arrêté du 23 juillet 2010 relatif aux instances de représentation et de participation au sein de la gendarmerie nationale ;

- circulaire n° 86000 GEND/DPMGN du 23 juillet 2010 relative à la participation et à la représentation dans la gendarmerie nationale

La concertation constitue le mode de dialogue spécifique aux militaires, situé au niveau ministériel, permettant d'examiner, dans le respect des spécificités liées à l'état militaire, les sujets fondamentaux qui les concernent dans les domaines statutaires et de condition militaire.

Le Conseil supérieur de la fonction militaire et les conseils de la fonction militaire sont des acteurs clé et efficaces de la concertation dans les armées et les formations rattachées. Le travail réalisé dans ces instances vient appuyer l’action du commandement qui a la responsabilité de veiller aux intérêts des subordonnés.

Sa rédaction prend en compte l’avis rendu par le Conseil supérieur de la fonction militaire lors de sa 83ème session (décembre 2010).

Intervenant à la suite de la réforme du statut général des militaires (2005) et de l’élaboration des statuts particuliers qui en résultent, la présente charte vise à promouvoir la concertation.

Nonobstant d’autres évolutions de la réglementation ayant pour objet d’améliorer la concertation militaire, la charte clôture une réflexion conduite par les armées et les formations rattachées à laquelle ont été associés l’état-major des armées, les états-majors des différentes armées, directions et services, les secrétariats généraux du Conseil supérieur de la fonction militaire et des conseils de la fonction militaire ainsi qu’un groupe d’étude constitué de membres de ces instances.

Destinée à l’ensemble des militaires, elle constitue un outil pédagogique qui doit permettre à chaque militaire d’identifier la concertation et les instances qui y sont dédiées parmi les autres modalités du dialogue dans la fonction militaire, d’en percevoir le périmètre, d’en comprendre le fonctionnement et d’en mesurer l’efficacité.

Par ailleurs, la charte s’adresse plus particulièrement aux acteurs directs de la concertation que sont les hautes autorités, le commandement et les membres des instances dédiées. L’adhésion à cette charte constitue un engagement moral par lequel ils s’attachent à en respecter les termes, l’esprit et les valeurs.

La charte rappelle les principes fondamentaux qui régissent la concertation. Elle est complétée de dix articles qui en précisent la mise en œuvre et de quatre annexes venant illustrer les principaux processus qu’elle décrit.

Afin de contribuer à améliorer le fonctionnement de la concertation et à en faire connaître l’apport à la communauté militaire, il est demandé aux commandants des formations administratives, sous couvert de leurs chefs d’états-majors et autorités équivalentes respectifs, d’assurer la plus large diffusion de cette charte et de veiller en permanence à ce qu’elle soit connue et comprise de tous.

Par ailleurs, il convient de prendre les dispositions nécessaires pour rappeler la réglementation en vigueur, reconnaître à leur juste place les membres des instances de concertation au sein de leurs formations et favoriser l’implication de chacun des acteurs concernés dans la concertation.

La présente circulaire sera publiée au Bulletin officiel des armées. Fait à Paris, le 2 5 MARS 2011

Le ministre de la défense et des anciens combattants

Gérard LONGUET

CHARTE DE LA CONCERTATION

La concertation permet d’éclairer l’autorité dans sa prise de décision sur les sujets fondamentaux qui concernent la condition et le statut des militaires. Elle est nécessaire au bon fonctionnement des armées et des formations rattachées, notamment en favorisant l’adhésion du personnel à tous les échelons, contribuant ainsi à son moral et donc à l’efficacité opérationnelle des unités.

La concertation manifeste l’intérêt que le ministre et le commandement attachent à la possibilité accordée aux membres des instances qui lui sont dédiées de s’exprimer sur les questions intéressant la condition militaire.

Pour être utile et efficace, la concertation exige, dans sa mise en œuvre, une grande capacité d’écoute entre les parties et l’investissement du commandement jusqu’au niveau local.

Elle repose sur des relations responsables entre l’ensemble des acteurs de la concertation. Ceux-ci veillent, en toutes circonstances, à apprécier avec discernement les exigences inhérentes au métier des armes et les attentes particulières des militaires. Ils interviennent avec la réserve et la correction qui conviennent à leur état et qu’exige la garantie de liberté d’expression qui leur est accordée.

L’implication personnelle et désintéressée des militaires à tous les niveaux dans la concertation mérite la considération de tous.

La présente charte de la concertation a vocation à préciser l’esprit des textes la régissant, au besoin en les expliquant.

A ce titre, elle fixe un code de bonne conduite et de bonnes pratiques entre les différents acteurs (ministre - commandement - administration - conseils) et, à cette fin, doit :

Contribuer activement au dialogue afin de concourir à l’épanouissement des militaires, à la cohésion des armées et des formations rattachées et à leur efficacité opérationnelle ;

Susciter l’intérêt et l’adhésion des militaires aux projets qui les concernent en matière de condition militaire et de statuts, les associer à leur élaboration par la concertation en conférant aux instances dédiées une capacité de proposition et d’amélioration ;

Favoriser en ces domaines l’information la plus complète, l’écoute des attentes des militaires et l’échange avec le ministre, le commandement et l’administration ;

Mettre à la disposition des acteurs un document de référence précisant le contenu et la portée de la concertation pour en assurer, in fine, le bon déroulement.

L’adhésion à cette charte constitue un engagement moral des différents acteurs par lequel ils s’attachent à respecter les termes, l’esprit et les valeurs de la concertation.

La mise en œuvre de la concertation repose sur la connaissance et la bonne application des principes qui touchent :

- au dialogue dans la fonction militaire (article 1) ;

- à la condition militaire (article 2) ;

- à la présidence, à la vice-présidence des organismes consultatifs et de concertation, à la détermination de Tordre du jour des conseils, au rôle de la direction des ressources humaines du ministère de la défense (article 3) ;

- à l’organisation et au fonctionnement des instances de concertation (article 4) ;

- à la réunion des membres des conseils de la fonction militaire (article 5) ;

- à la désignation et au rôle des membres des instances de concertation (article 6) ;

- à l’information et la formation des militaires à la concertation (article 7) ;

- à l’information sur les travaux des instances de concertation (article 8) ;

- au rôle des commandants de formation vis-à-vis des membres des instances de concertation (article 9) ;

- aux obligations et aux garanties des membres des instances de concertation (article 10).

PRINCIPES DE MISE EN ŒUVRE

Article 1

Le dialogue dans la fonction militaire

Les militaires s’expriment dans le cadre des lois et règlements définissant leur statut. Ils bénéficient de modalités particulières de dialogue pour faire valoir les intérêts de la communauté militaire.

Ce dialogue couvre les domaines de la concertation, de la participation et de la représentation. Associé au devoir fondamental qu’a tout chef de veiller aux intérêts de ses subordonnés, il est destiné à promouvoir la condition militaire par la prise en considération, par le ministre et le commandement, des préoccupations des militaires à tous les échelons.

Le dialogue dans la fonction militaire comporte plusieurs niveaux qui, tout en possédant des liens entre eux, sont organisés selon des modes distincts :

1.1 - Le dialogue national : la concertation

Au niveau national, la concertation avec l’ensemble des militaires se réalise :

-par l’intermédiaire des conseils de la fonction militaire, instances où les militaires étudient toute question relative à leurs conditions de vie, d’exercice du métier, d’organisation du travail, du personnel de leur armée ou de leur formation rattachée et procèdent à une première étude des questions soumises au Conseil supérieur de la fonction militaire. Les membres des conseils de la fonction militaire sont tirés au sort parmi les militaires volontaires ;

-au travers du Conseil supérieur de la fonction militaire, instance de concertation interarmées, où les militaires expriment leur avis sur les questions de caractère général relatives à leur condition à leur statut. Ses membres sont élus par et parmi les membres des conseils de la fonction militaire.

1.2 - Le dialogue local : la participation et la représentation

Au sein des formations administratives, la participation des militaires à la prise des décisions relatives à la vie courante de leur unité est assurée par l’intermédiaire de commissions qui comprennent principalement des membres élus par et parmi leurs pairs.

La représentation est assurée dans les formations par des présidents élus par et parmi les militaires des différentes catégories. Appelés à conseiller leurs pairs et à recueillir leurs préoccupations, consultés par le commandement, ils sont membres de droit des commissions précitées.

Les membres titulaires et les membres suppléants des instances de concertation sont également membres de droit des commissions précitées.

1.3 - Les autres modalités du dialogue des militaires

Des échanges, débats et informations réciproques entre ces différents niveaux peuvent avoir lieu à l’occasion de réunions relatives aux sessions des conseils de la fonction militaire organisées à l’initiative des armées et formations rattachées qui en éprouvent le besoin.

Par ailleurs, les questions intéressant l’action sociale ainsi que l’hygiène, la sécurité et la prévention des accidents de travail sont examinées au sein de commissions dédiées.

Article 2

La condition militaire

La condition militaire recouvre l’ensemble des obligations et des sujétions propres à l’exercice du métier militaire, ainsi que les garanties et les compensations que la Nation estime nécessaire d’apporter aux militaires et à leur famille.

Contribuant de manière déterminante au moral du personnel et, par conséquent, à l’efficacité opérationnelle des forces armées, elle prend notamment en compte les aspects juridiques, économiques, sociaux et culturels susceptibles d’avoir une influence sur, entre autres, l’attractivité du métier des armes et des parcours professionnels, et les conditions de vie, d’organisation du travail et de départ des armées.

Article 3

Présidence, vice-présidence des organismes consultatifs et de concertation, détermination de l’ordre du jour des conseils, rôle de la direction des ressources

humaines du ministère de la défense

3.1 - La présidence des conseils

Le Conseil supérieur de la fonction militaire

Le ministre de la défense assure la présidence du Conseil supérieur de la fonction militaire.

Les conseils de la fonction militaire

Le ministre de la défense assure la présidence des conseils de la fonction militaire.

Le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie nationale peut, en fonction de l’ordre du jour, être présidé soit par le ministre de la défense, soit par le ministre de l’intérieur, soit par ces deux ministres.

Le délégué général pour l’armement, les chefs d’états-majors d’armée et les autorités équivalentes, chargés de veiller au plus haut niveau aux intérêts de leurs subordonnés, sont vice-présidents du conseil de la fonction militaire de leur armée, direction ou service. Ils peuvent en assurer la présidence effective. Ils soumettent à leur ministre les sujets spécifiques à leur armée, direction ou service qu’ils souhaitent voir évoquer en session.

3.2 - La détermination de l’ordre du jour des conseils

Le ministre de la défense arrête l’ordre du jour des sessions du Conseil supérieur de la fonction militaire et des conseils de la fonction militaire.

L’ordre du jour du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie nationale est arrêté conjointement par les ministres de la défense et de l’intérieur ou par l’une de ces deux autorités lorsque son contenu ne relève que de ses seules attributions.

L’ordre du jour comprend d’office les questions ou sujets pour lesquels une majorité de membres a demandé l’inscription à l’issue d’un vote exprimé en session. Ces questions et sujets sont énumérés dans une annexe au communiqué de clôture de la session.

Il peut également comporter toute question ou sujet soumis à titre individuel par un militaire directement au secrétaire général du conseil de la fonction militaire correspondant à son armée ou à sa formation rattachée ou au secrétaire général du Conseil supérieur de la fonction militaire, ou par l’intermédiaire d’un membre desdits conseils.

3.3 - Le rôle de la direction des ressources humaines du ministère de la défense

La direction des ressources humaines du ministère de la défense, en liaison avec les autres services du secrétariat général pour l’administration, l’état-major des armées, les armées et les formations rattachées, constitue le dossier de travail des membres des instances de concertation pour les sujets inscrits à l’ordre du jour des sessions des instances de concertation et en assure la présentation. Ce dossier est transmis dans un délai de trente jours qui précèdent le début des sessions des conseils de la fonction militaire.

Article 4

Organisation et fonctionnement des instances de concertation

Les sessions des conseils permettent un dialogue loyal, sans intermédiaire, empreint de courtoisie et de sincérité, entre l’administration centrale et un échantillon représentatif de la communauté militaire sur les sujets qui relèvent de la concertation.

Le Conseil supérieur de la fonction militaire siège au moins deux fois par an, au printemps et en automne.

La date des sessions du Conseil supérieur de la fonction militaire et la date de la réunion conjointe des conseils de la fonction militaire sont communiquées à titre prévisionnel lors de la clôture de chaque session du Conseil supérieur de la fonction militaire pour les deux sessions suivantes.

Les conseils de la fonction militaires des armées et formations rattachées sont réunis à la demande des chefs d’états-majors et autorités équivalentes.

Ils sont également convoqués avant chaque session du Conseil supérieur de la fonction militaire.

Les secrétaires généraux des conseils animent la concertation, assurent la préparation et l’organisation des sessions, appellent l’attention des plus hautes autorités du ministère sur les sujets de préoccupation qu’ils perçoivent, apportent aux militaires les éléments de réponse à leurs sollicitations ou les orientent vers les services compétents.

L’état-major des années, la direction générale de l’armement, le secrétariat général pour l’administration, la direction générale de la gendarmerie, apportent leur soutien à l’occasion des sessions des instances notamment sur les sujets de leur ressort.

Ils peuvent, en dehors des sessions, convoquer des membres des conseils en groupe de travail pour étudier notamment des thèmes particuliers relatifs au personnel militaire.

Un secrétaire de session est désigné par ses pairs au sein de chaque conseil pour la durée de la session.

Un communiqué, faisant l’objet d’une large diffusion, est rédigé à l’issue de chaque session. Le communiqué de la session du Conseil supérieur de la fonction militaire est signé conjointement par le président et le secrétaire de session. Le communiqué des sessions des conseils de la fonction militaire est signé conjointement par le vice-président et le secrétaire de session.

Les projets de textes inscrits à l’ordre du jour des sessions du Conseil supérieur de la fonction militaire donnent lieu à un avis favorable ou défavorable assorti le cas échéant d’observations.

Ils peuvent, en dehors des sessions, convoquer des membres des conseils en groupe de travail pour étudier notamment des thèmes particuliers relatifs au personnel militaire.

Article 5

Réunion des membres des conseils de la fonction militaire

Avant chaque session du Conseil supérieur de la fonction militaire et des sessions correspondantes des conseils de la fonction militaire, le secrétaire général du Conseil supérieur de la fonction militaire réunit l’ensemble des membres appelés à siéger aux sessions des conseils de la fonction militaire des armées et formations rattachées, lors d’une journée qui prend l’appellation de « journée des CFM réunis ».

A cette occasion, l’administration centrale du ministère de la défense présente aux membres les sujets inscrits à l’ordre du jour de la session du Conseil supérieur de la fonction militaire en vue de leur étude ultérieure par les instances de concertation. Par ailleurs, elle effectue un point de situation sur l’état d’avancement des projets de textes examinés par ces mêmes instances lors des sessions précédentes.

En préambule, les membres sont informés par l’état-major des armées des engagements en cours des forces militaires françaises.

Parallèlement, l’état-major des armées, la direction générale de l’armement, le secrétariat général pour l’administration, la direction générale de la gendarmerie nationale peuvent, en cours de journée, intervenir sur des sujets inscrits à l’ordre du jour de la réunion ou sur tout sujet dont ils estiment nécessaire d’informer les instances de concertation.

Article 6

Désignation et rôle des membres des instances de concertation

Sous réserve de remplir les conditions exigées par la réglementation, tout militaire en position d’activité peut se porter volontaire au tirage au sort des membres du conseil de la fonction militaire de son armée ou de sa formation rattachée dans sa catégorie d’appartenance.

Les membres des conseils de la fonction militaire sont désignés pour quatre ans. Ils sont répartis au sein de deux groupes dont le renouvellement intervient alternativement tous les deux ans. Ils bénéficient d’une formation particulière destinée à les préparer à l’exercice de leurs fonctions. Cette formation comporte un tronc commun qui est complété par chaque armée et formation rattachée.

A l’occasion des opérations de renouvellement des conseils de la fonction militaire, les nouveaux membres élisent parmi eux ceux qui siégeront également au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire. Des retraités militaires, membres des associations les plus représentatives, sont également désignés par le ministre de la défense pour y siéger.

Dépourvus de tout mandat impératif, les membres des conseils s’expriment librement et à titre personnel lors des travaux réalisés au sein de ces instances. Au sein de leurs formations respectives, ils restituent les résultats des travaux auxquels ils ont participé en respectant l’obligation particulière de réserve à laquelle ils sont soumis.

Lors des sessions des différents conseils de la fonction militaire, à la lumière des échanges avec le commandement, ils témoignent des préoccupations du personnel qui leur parviennent.

Lors des sessions du Conseil supérieur de la fonction militaire, ils témoignent à la fois des préoccupations fonctionnelles et catégorielles de leur formation et de celles que leur armée ou leur formation rattachée pourrait avoir exprimées au cours de la session préalable de leur conseil de la fonction militaire.

Article 7

L’information et la formation des militaires à la concertation

7.1 L’information des militaires

Dans les formations administratives, la concertation fait l’objet de séances d’information adaptées au cours desquelles il peut être fait appel aux militaires exerçant ou ayant exercé les fonctions de membre d’une instance de concertation.

Cette information a pour objet de présenter aux militaires la concertation, son organisation et ses modalités d’exercice. Elle vise à faciliter la compréhension de ses enjeux par chacun et à permettre à ses acteurs de prendre en considération les préoccupations des militaires qui relèvent de ce domaine, notamment sur les sujets débattus au cours des sessions.

7.2 La formation des militaires

Dans le cadre de leur formation initiale, les militaires bénéficient d’une présentation de la concertation.

Les formations spécifiques visant à préparer les militaires à l’exercice d’un commandement, comportent obligatoirement un module relatif à la concertation adapté à leurs futures responsabilités.

Article 8

Information sur les travaux des instances de concertation

L’efficacité du dialogue des militaires repose sur la bonne diffusion d’une information de qualité à tous les échelons de la hiérarchie.

Dans le cadre des travaux des conseils, l’administration centrale s’attache à prendre en considération les avis et les propositions exprimés, à motiver le cas échéant ses décisions et à informer les membres des instances de concertation sur les suites données aux sujets abordés en session.

L’information de l’ensemble des militaires sur les conclusions des travaux est de la responsabilité du commandement, assisté le cas échéant par les membres des instances de concertation.

Article 9

Rôle des commandants de formation vis-à-vis des membres des instances de

concertation

Chargé de veiller aux intérêts de ses subordonnés, le commandant de formation s’attache à connaître au mieux leurs préoccupations, à y répondre et au besoin à les porter au niveau hiérarchique supérieur.

Vis-à-vis des membres des conseils relevant de son autorité, le commandant de formation :

- leur accorde toutes les facilités nécessaires à l’exercice de leurs fonctions y compris dans le cadre de la préparation des travaux des conseils et des restitutions des travaux des sessions ;

- justifie auprès du secrétaire général du conseil de la fonction militaire concerné ou du Conseil supérieur de la fonction militaire l’indisponibilité d’un membre convoqué aux travaux des instances de concertation. Un membre suppléant de sa catégorie est alors convoqué pour le remplacer ;

- les reçoit individuellement lorsqu’ils sont désignés et s’entretient avec chacun d’eux avant et après chaque session ;

- peut les associer aux réflexions sur les sujets portant sur les conditions de vie, d’exercice du métier et d’organisation du travail. Afin de contribuer à l’échange d’informations et de

valoriser leur action, ils sont associés, autant que de besoin, aux visites d’autorités et inspections ;

- peut les associer aux réflexions sur les sujets portant sur les conditions de vie, d’exercice du métier et d’organisation du travail. Afin de contribuer à l’échange d’informations et de valoriser leur action, ils sont associés, autant que de besoin, aux visites d’autorités et inspections ;

- s’appuie sur eux pour communiquer les résultats des travaux des instances de concertation tout en veillant à ce que cette communication s’adresse à l’ensemble des militaires relevant de son autorité ;

- s’appuie notamment, sur eux pour susciter les volontariats aux tirages au sort lors des opérations de renouvellement des sièges des conseils.

Article 10

Obligations et garanties

Sauf cas de force majeure, d’indisponibilité médicale ou pour raison impérieuse de service, le membre convoqué pour siéger à une session ou pour participer à un groupe de travail d’un conseil doit y répondre positivement.

En dehors de sa participation aux travaux des conseils, le membre est tenu à l’obligation de réserve dans la diffusion des opinions exprimées en séance. Il apporte sa contribution de manière constructive et en veillant au respect des règles élémentaires de courtoisie et de bienséance.

Il ne peut être fait état dans son dossier individuel ou sa notation d’une quelconque appréciation qui porterait sur son comportement dans l’exercice de ses fonctions.

Le membre qui estime ne pas pouvoir exercer correctement ses fonctions en informe le secrétaire général du conseil auquel il appartient.

ABREVIATIONS UTILISEES :

AFR : Armées et formations rattachées

CFA : Commandant de formation administrative

CP (L) : Commissions participatives (locales)

CFM : Conseil de la fonction militaire

CSFM : Conseil supérieur de la fonction militaire

DRH-MD : Direction des ressources humaines du ministère de la

défense

SG : Secrétaire général

(1 ) Maurice Hauriou, Principes de droit public, éditions Tenin, Paris, 1910.

2 () Arrêt du Conseil d’État n° 338461, 12 janvier 2011, Matelly.

3 () Arrêt du Conseil d’État n° 37317, 7 août 1909, Winkell.

4 () Arrêt du Conseil d’État n° 01645, 7 juillet 1950, Deheane.

5 () Clara Bacchetta, « La liberté d’association professionnelle dans les armées », Les Champs de Mars n° 9, premier semestre 2001.

6 () Arrêt du Conseil d’État n° 81656, 18 mai 1973, Massot.

7 () Thibaut de Vanssay de Blavous, « Du dialogue social », Défense nationale et sécurité collective n° 695, mars 2007.

8 () Terme employé par le colonel Lepetit, chef de la sous-direction du personnel de la gendarmerie nationale lors de la table ronde organisée lors de la journée d’études sur la mesure du moral dans les armées de septembre 1997, cf. Actes de la journée d’études sur la mesure du moral dans les armées, Centre d’études en sciences sociales de la défense, septembre 1997.

9 () Gérard Hoffmann, « Un moral bon sous tous rapports », Défense nationale, février 1995.

10 () Jean-Michel Bernard, « Le Conseil supérieur de la fonction militaire », Défense nationale et sécurité collective n° 695, mars 2007.

11 () Rapport d’information n° 2490 présenté par MM. Bernard Grasset et Charles Cova au nom de la Commission de la défense nationale et des forces armées sur les actions destinées à renforcer le lien entre la Nation et son Armée, 22 juin 2000.

12 () Budget opérationnel de programme

13 () Article 3 de l’arrêté du 26 décembre 2005 relatif à la formation spécifique dispensée aux membres du CSFM et des CFM.

14 () Annexe à l’arrêté du 26 décembre 2005 relatif à la formation spécifique dispensée aux membres du CSFM et des CFM.

15 () Article 20 de l’arrêté 26 décembre 2005 portant règlement intérieur du CSFM et des CFM.

16 () Article 7 du décret n° 2005-1239 du 30 septembre 2005 relatif aux CSFM et au CFM.

17 () En moyenne, 20 à 35 questions sont traitées à chaque session du CSFM.

18 () « La concertation en gendarmerie : point de vue d’un auditeur civil », entretien avec M. Jean-Marc Forge in Revue de la gendarmerie n° 236, 3e trimestre 2010.

19 () Haut comité d’évaluation de la condition militaire, premier rapport, février 2007.

20 () Jean-Michel Bernard, « La concertation dans les armées en Europe et en France », Défense nationale et sécurité collective n° 726, janvier 2010.

21 () Arrêté du 23 juillet 2010 relatif aux instances de représentation et de participation au sein de la gendarmerie nationale.

22 () Vers un dialogue social rénové ? Lieutenant-colonel Frédéric Devanlay, mai 2010, sur le site Internet de l’école de guerre.

23 () Article D. 3124-1 du code de la défense.


© Assemblée nationale