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N° 4098

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 décembre 2011.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

au nom du comité d’évaluation et de contrôle
des politiques publiques sur

l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe

et présenté

par MM. Michel HEINRICH et Régis JUANICO,

Députés.

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INTRODUCTION 11

SYNTHÈSE 17

LISTE DES PROPOSITIONS 25

I.– LA PERFORMANCE DES POLITIQUES SOCIALES EN EUROPE : QUELS ENJEUX, QUELLES RÉPONSES POLITIQUES ? 31

A.– L’ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE SOCIALE : UN EXERCICE DÉLICAT MAIS ESSENTIEL 31

1. Les objectifs de l’évaluation 31

a) La définition de la performance : une notion multidimensionnelle reposant sur trois principaux critères 31

b) La mesure de la performance : un impératif pour nourrir le débat public et éclairer le décideur 35

c) La comparaison de la performance : un « benchmarking » pour repérer des bonnes pratiques et concourir à la coordination des politiques en Europe 39

2. Les précautions à prendre du fait de certaines limites des analyses comparatives 40

a) La nécessaire prudence dans l’interprétation d’indicateurs en nombre croissant 41

b) Les défis de la mesure de l’impact propre d’une politique publique, a fortiori en période de mutations économiques 43

c) La question de la « transférabilité » et l’importance de la prise en compte des contextes socio-culturels 45

3. La méthodologie retenue par le groupe de travail 45

a) L’identification préalable des principaux objectifs des politiques sociales et des indicateurs communs au niveau européen 46

b) La démarche de l’évaluation 48

c) La mobilisation de plusieurs outils d’investigation et d’évaluation 51

B.– L’ANALYSE DU POSITIONNEMENT DE LA FRANCE EN EUROPE AU REGARD DES PRINCIPAUX INDICATEURS SOCIAUX ET DES ÉVALUATIONS RÉALISÉES 52

1. Un niveau de dépenses sociales particulièrement élevé 52

a) Un effort financier important en faveur de la protection sociale correspondant en grande partie, comme dans d’autres pays, aux pensions et à la santé 53

b) Une progression des dépenses au cours des dernières décennies, qui apparaît supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE 57

2. Une comparaison faisant apparaître plusieurs points forts du modèle social français mais aussi des résultats plus contrastés 61

a) Une revue des principales évaluations : forces et faiblesses du modèle français 61

b) La performance du système de santé français comparée aux autres pays : l’exemple de l’évaluation réalisée par l’OCDE en 2010 68

c) Des faiblesses en matière d’emploi par rapport à d’autres pays et aux objectifs européens 71

3. Des transferts contribuant significativement à la réduction de la pauvreté, qui constitue un objectif central des politiques sociales 75

a) Un objectif devenu central au niveau européen 75

b) En France, un taux de pauvreté inférieur à la moyenne des pays européens mais une évolution préoccupante pour certains publics fragiles 84

c) L’accès à l’emploi : un enjeu stratégique pour lutter efficacement contre la pauvreté 87

C.– LE DÉPLOIEMENT D’INSTRUMENTS ET D’UNE GOUVERNANCE RÉNOVÉS POUR RENFORCER LA PERFORMANCE DES POLITIQUES SOCIALES 93

1. Des instruments de l’Europe sociale susceptibles d’être confortés ou mieux exploités 93

a) Mieux exploiter le Fonds social européen (FSE) en France et dans l’Union européenne 94

b) Conserver un dispositif européen d’aide alimentaire aux plus démunis après 2014 99

2. Le développement de l'expérimentation et de l'évaluation pour un meilleur pilotage des politiques sociales 101

a) Renforcer le rôle du Parlement 101

b) Adopter une conduite pragmatique des réformes, comme en Suède notamment, en développant l'expérimentation et l'évaluation 104

c) Encourager les échanges de bonnes pratiques entre les départements et améliorer l’évaluation des politiques sociales locales 109

II.– QUELS FACTEURS DE PERFORMANCE DES POLITIQUES DE L’EMPLOI EN EUROPE ? 112

A.– EN REMARQUES LIMINAIRES : DES ENJEUX TRANSVERSAUX POUR LES POLITIQUES DE L’EMPLOI 112

a) Le poids des cotisations sociales sur le coût du travail 112

b) La nécessité d’une politique de croissance 114

B.– UNE APPROCHE : L’ÉVALUATION COMPARÉE DE CINQ POLITIQUES D’ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D’EMPLOI EN EUROPE 116

1. Des dépenses importantes mais des pratiques évaluatives inégalement développées 116

a) Des dépenses élevées en faveur de l’emploi, dont l’efficacité est aujourd’hui questionnée 116

b) Des efforts d’évaluation comparée par les organisations internationales mais un développement inégal des pratiques évaluatives au niveau national 121

c) Des évaluations qui semblent peu exploitées par les décideurs publics 125

2. Des enjeux communs et des logiques convergentes élaborées au sein des organisations internationales 126

a) La logique de guichet unique : vers un service commun à tous les demandeurs d’emploi 127

b) L’activation des revenus de remplacement 128

c) Les « droits et devoirs » d’un parcours individualisé vers l’emploi 132

3. Des modalités de mise en œuvre spécifiques, révélatrices du poids des contextes nationaux 135

a) Des modèles de gouvernance contrastés 135

b) Des modes de gestion des ressources financières et humaines différents suivant les pays 139

c) Des conceptions variées de l’accompagnement individualisé et une palette de prestations d’aide au retour à l’emploi propre à chaque pays étudié 142

C.– LES LEÇONS DE LA COMPARAISON : DES ENSEIGNEMENTS ROBUSTES À DIFFUSER ET DES PROPOSITIONS CONCRÈTES À METTRE EN œUVRE EN FRANCE 145

1. Des enseignements peu nombreux mais robustes sur l’efficacité des politiques de l’emploi 145

a) Les exonérations de cotisations sociales sur les salaires des moins qualifiés suscitent des questionnements 146

b) L’accompagnement personnalisé et renforcé des demandeurs d’emploi est efficace 149

c) La formation professionnelle ne facilite le retour à l’emploi que dans certaines conditions 152

d) Les prestataires externes ne sont pas plus efficaces que l’opérateur public 154

e) Les contrats aidés ne doivent pas se substituer à des emplois normaux mais peuvent être utilisés de façon ciblée 155

2. Des propositions pour améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi en France 157

a) Renforcer l’accompagnement personnalisé et adopter une approche globale du demandeur d’emploi 158

b) Renforcer les compétences et l’autonomie des conseillers de Pôle Emploi 162

c) Être plus à l’écoute des usagers 165

III.– L’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE COMPARÉE DE DEUX POLITIQUES SOCIALES À DESTINATION DES FAMILLES DANS CINQ PAYS EUROPÉENS 171

A.– DES POLITIQUES SOCIALES SUSCEPTIBLES DE CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION QUANTITATIVE ET QUALITATIVE DE L’EMPLOI EN EUROPE 171

1. Les politiques familiales au sein de l’Union européenne : des finalités variées, l’émergence de défis communs 171

a) La diversité des objectifs assignés aux politiques familiales dans les États membres 172

b) L’investissement en faveur des familles : un effort significatif en France et des formes diverses selon les pays 177

c) Le rôle croissant de l’Europe, à travers notamment les orientations visant à accroître les taux d’activité ainsi que la qualité de l’emploi 181

2. L’articulation entre le travail et les responsabilités familiales : des enjeux majeurs pour les politiques sociales 186

a) Un levier de performance économique ayant un impact sur la croissance et les finances sociales, mais aussi au niveau des entreprises 186

b) Un facteur de performance sociale à travers l’amélioration des conditions de travail et la prévention des risques psychosociaux 188

c) Un vecteur d’égalité entre les hommes et les femmes 190

3. Le champ de l’étude confiée au groupement KPMG/Sciences Po et le choix des cinq pays européens sous revue 193

B.– LES POLITIQUES PUBLIQUES VISANT À FAVORISER LA CONCILIATION ENTRE VIE FAMILIALE ET VIE PROFESSIONNELLE 196

1. Un objectif bien identifié des politiques publiques au niveau national 196

a) Un des quatre objectifs définis par le programme de qualité et d’efficience « Famille » annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale 196

b) Un objectif contractualisé avec la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) dans le cadre de sa convention avec l’État 201

c) Un aspect important de la résolution sur l’égalité entre les femmes et les hommes adoptée par l’Assemblée nationale en mars 2011 202

2. Une comparaison européenne faisant apparaître plusieurs spécificités des politiques de conciliation en France 204

a) Un système socio-fiscal moins individualisé que dans certains autres pays 204

b) Une très bonne prise en charge des enfants en âge préscolaire, mais un manque de places d’accueil pour les moins de trois ans 206

c) Un congé parental très féminisé, plus long et moins bien rémunéré que dans certains pays, en particulier en Suède et en Allemagne 211

3. Plusieurs enseignements à tirer de la tentative d’évaluation de la performance comparée des politiques de conciliation 214

a) Les limites rencontrées pour évaluer la performance comparée des politiques de conciliation 214

b) De bons résultats dans certains domaines, en particulier la natalité et l’insertion professionnelle qui se fait plutôt à temps plein 216

c) Mais des voies d’amélioration afin de favoriser l’égalité des genres et l’emploi des mères et de mieux répondre aux difficultés parfois exprimées par les parents 219

C.– LES POLITIQUES PUBLIQUES CONCERNANT LES FAMILLES MONOPARENTALES 222

1. Des familles en nombre croissant, le plus souvent des mères seules, qui sont particulièrement exposées au risque de pauvreté en France et en Europe 223

2. De multiples leviers d’action reflétant, comme pour les politiques de conciliation, les différentes figures contemporaines de l’État social 228

a) Entre ciblage et universalisme : deux grandes catégories de pays, selon que les parents isolés constituent ou non une cible spécifique des politiques publiques 229

b) Du « maternalisme » à l’activation : des formes de protection sociale évoluant progressivement 235

3. Quels instruments apparaissent les plus performants pour lutter contre la pauvreté et favoriser l’accès à l’emploi des parents isolés ? 239

a) L’absence d’un réel modèle de réussite, même si la Suède et la France apparaissent plutôt mieux positionnées 239

b) Le caractère rémunérateur de la reprise d’un emploi, comme c’est le cas en France avec le revenu de solidarité active (RSA) 241

c) L’importance d’un accompagnement adapté, de la prise en compte des difficultés liées à la garde d’enfants et de l’accès à des emplois de qualité 245

d) L’importance des politiques universalistes visant à promouvoir l’emploi des mères en général 247

D.– PRÉCONISATIONS : CRÉER LES CONDITIONS D’UN MEILLEUR ÉQUILIBRE DES TEMPS PROFESSIONNELS ET FAMILIAUX ET AMÉLIORER L’ACCOMPAGNEMENT DES FAMILLES MONOPARENTALES 249

1. Réformer le congé parental pour favoriser l’accès ou le retour à l’emploi et promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes 250

a) Fixer le cap d’une réforme allant progressivement vers un congé parental plus court et mieux rémunéré, en prévoyant en son sein une période réservée pour l’un des parents 250

b) Apporter un accompagnement renforcé vers la formation et l’emploi aux bénéficiaires du complément du libre choix d’activité 256

2. Poursuivre le développement et la diversification de l’offre d’accueil de la petite enfance 258

3. Encourager le développement de la négociation collective et des bonnes pratiques en milieu de travail 263

a) Encourager le développement de la négociation collective dans le champ de l’articulation entre vies familiale et professionnelle 263

b) Favoriser le développement des bonnes pratiques en entreprise 265

4. Apporter un accompagnement professionnel et social adapté aux parents isolés pour mieux répondre aux situations de vulnérabilité, tout en soutenant l’emploi des parents en général 273

a) Améliorer l’information, concernant les aides aux familles et le dispositif du revenu de solidarité active (RSA), et progresser en matière d’accès aux droits 273

b) Procéder à l’évaluation de l’accompagnement par les travailleurs sociaux et des conditions d’accès aux crèches pour les bénéficiaires de minima sociaux 276

c) Pour mieux répondre aux situations particulières de vulnérabilité, renforcer la coordination entre les acteurs et envisager un accompagnement spécifique 279

RÉUNION DU COMITÉ DU 7 AVRIL 2011 : POINT D’ÉTAPE 287

RÉUNION DU COMITÉ DU 15 DÉCEMBRE 2011 : EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION 297

ANNEXE N° 1 : Liste des personnes auditionnées 317

ANNEXE N° 2 : Comptes rendus des tables rondes (la pauvreté en France et en Europe, la conciliation entre famille et travail et les familles monoparentales, l'accompagnement des demandeurs d'emploi et la conciliation famille-travail) 325

ANNEXE N° 3 : Réponses des ambassades (Allemagne, Autriche, Finlande, Italie, Norvège, Portugal, Royaume-Uni, Suède) au questionnaire adressé par les rapporteurs 372

ANNEXE N° 4 : Réponses des parlements européens (Allemagne, Autriche, Finlande, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse) au questionnaire adressé par les rapporteurs 417

ANNEXE N° 5 : Liste des sigles des noms de pays 447

ANNEXE N° 6 : Objectifs définis dans les programmes de qualité et d’efficience (PQE) annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2011 449

ANNEXE N° 7 : Objectifs fixés dans les projets annuels de performance (PAP) annexés au projet de loi de finances (PLF) pour 2011 pour les missions budgétaires relevant du champ social 451

ANNEXE N° 8 : Objectifs de la nouvelle stratégie « Europe 2020 » 457

ANNEXE N° 9 : Objectifs généraux de la méthode ouverte de coordination en matière de protection et d’inclusion sociales 459

ANNEXE N° 10 : Quelques indicateurs utilisés dans le cadre des « comparaisons ouvertes » entre les collectivités locales suédoises 461

ANNEXE N° 11 : Rapports d’évaluation extraits de la liste des rapports réalisés par l’Inspection générale des affaires sociales depuis 2010 accessibles en ligne 463

ANNEXE N° 12 : Études réalisées à la demande des rapporteurs 469

–  Étude réalisée par le cabinet Euréval sur la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens (France et Allemagne, Portugal, Royaume-Uni, Suède)

–  Étude réalisée par Sciences Po Expertise et conseil / CEE, Liepp et l’OFCE sur les politiques d’articulation entre vie familiale et vie professionnelle et les politiques envers les familles monoparentales dans cinq pays européens (France et Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède)

INTRODUCTION

« L’évaluation des politiques publiques est une discipline d’importance décisive. Discipline au double sens du mot : à la fois une véritable technique professionnelle et une exigence qu’une démocratie moderne doit s’imposer (1) ».

Lors de sa réunion du 21 octobre 2010, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a décidé d’inscrire à son programme de travail l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe, à l’initiative du groupe UMP.

Conformément aux dispositions prévues par l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale (2), un groupe de travail a été constitué, associant des représentants de différentes commissions permanentes concernées :

– Mme Anne Grommerch (UMP), désignée par la commission des Affaires européennes ;

– M. Michel Heinrich (UMP), désigné par la commission des Affaires sociales ;

– M. Régis Juanico (SRC), désigné par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation et par la commission des Affaires européennes ;

– M. Jean Mallot (SRC), désigné par la commission des Affaires sociales et membre du CEC ;

– M. Pierre Méhaignerie (UMP), président de la commission des Affaires sociales et membre du CEC.

Au sein de ce groupe, le Comité a désigné ses deux rapporteurs : M. Michel Heinrich (UMP), membre de la commission des Affaires sociales, et M. Régis Juanico (SRC), membre de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation et de la commission des Affaires européennes, qui ont pu engager leurs travaux communs à compter du 12 janvier 2011.

« Alors que nous devons surmonter de lourdes contraintes et relever de nombreux défis », comme l’a souligné le président Pierre Méhaignerie, à l’origine de l’inscription du sujet au programme du CEC, « l’exigence de performance constitue un impératif : une évaluation régulière doit la mesurer (3) ».

Pour être effectivement essentielle, au regard notamment de ses enjeux majeurs pour l’amélioration du pilotage de l’action publique, l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe n’en constituait pas moins un véritable défi, pour le moins ambitieux, sinon audacieux.

Aux difficultés liées au champ particulièrement large des politiques publiques concernées, se sont effet ajoutées celles relatives au nombre de pays relevant du champ de l’investigation, soit a minima les 27 États membres de l’Union européenne, sans compter notamment la Norvège et la Suisse. En outre, la question de la « performance » de diverses politiques sociales ne pouvait manquer de faire naître un certain nombre d’interrogations épistémologiques (que peut-on connaître et apprendre ?), méthodologiques (de quelle façon ?) et instrumentales (à quelles fins ?) concernant les conditions selon lesquelles il convenait de procéder à cette évaluation. Les travaux du groupe de travail devaient par ailleurs être conclus au plus tard douze mois suivant la désignation des rapporteurs, conformément aux dispositions prévues par le Règlement de l’Assemblée.

Dès lors, il est apparu nécessaire de définir une démarche évaluative et des angles d’étude permettant tout à la fois d’envisager cette question dans sa globalité, mais aussi de tenir compte de l’ensemble des contraintes précédemment évoquées, ainsi que de l’intérêt qu’il pouvait y avoir à examiner de manière plus approfondie quelques politiques plus ciblées dans un nombre limité de pays, en vue notamment d’identifier des bonnes pratiques.

Le Comité a validé, lors de sa réunion du 7 avril 2011, les grandes lignes de la démarche que lui ont proposée les rapporteurs lors de la présentation d’un point intermédiaire (4)

Dans cette perspective, le présent rapport comporte, tout d’abord, plusieurs éléments d’analyse transversale sur la performance des politiques sociales en Europe, en vue d’en cerner les enjeux, mais aussi d’identifier les principales caractéristiques du modèle social de la France et de son positionnement en Europe, ainsi que les leviers possibles d’amélioration de la performance, en termes notamment de gouvernance et d’évaluation des politiques (I). Un second volet  – thématique – du rapport a pour objet l’évaluation de la performance comparée des politiques d’accompagnement des demandeurs d’emploi, d’une part (II), et de deux politiques sociales à destination des familles, d’autre part (III), dans cinq pays européens.

Pour la préparation de ce rapport, 80 personnes ont été entendues par le groupe de travail, au cours de 40 auditions et tables rondes, dont la liste est présentée dans l’annexe n° 1. Les rapporteurs se sont également rendus en Suède, à Bruxelles, au Royaume-Uni et en Allemagne, entre mai et novembre 2011. Parallèlement, des questionnaires ont été adressés aux postes diplomatiques et aux parlements dans quinze pays européens (5). Les rapporteurs ont par ailleurs souhaité bénéficié du concours de prestataires extérieurs pour réaliser, avec l’accord du Comité, deux études sur les thèmes plus ciblés évoqués plus haut, lesquelles sont publiées en annexe du présent rapport. Ces prestataires (groupement KPMG-Sciences Po et KPMG-Euréval), ont été sélectionnés après mise en concurrence sur appel d’offres, au titre de l’accord-cadre dont bénéficie le CEC pour la réalisation d’évaluation de politiques sociales.

Que toutes les personnes entendues par les rapporteurs, les deux équipes de prestataires ainsi que les services des ambassades – en particulier celles des pays visités par les rapporteurs, soit, dans l’ordre chronologique, les postes de Suède, du Royaume-Uni et d’Allemagne – et de la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne soient ici remerciés pour leur aide précieuse à l’élaboration du présent rapport et, plus largement, leur contribution à nourrir un débat qui, loin d’être épuisé par ce rapport, a vocation à se poursuivre régulièrement au sein de notre Assemblée.

*

À titre liminaire, que recouvre précisément le terme de « politiques sociales » ? Avant que de chercher à évaluer et comparer la performance des politiques sociales, il importe en effet de commencer par préciser leur périmètre ou, tout du moins, de mettre au jour les questionnements qu’il suscite, dans la mesure où ce terme ne désigne pas un ensemble clairement délimité de politiques publiques.

● Au sens strict, les politiques et les dépenses sociales renvoient le plus souvent au champ de la protection sociale.

Les politiques de protection sociale visent à protéger les personnes contre un certain nombre d’événements ou de risques sociaux, par exemple la maladie, la vieillesse ou le chômage. Elles recouvrent ainsi traditionnellement :

– les régimes de base de sécurité sociale (assurance), qui en constituent le « noyau dur » et assurent la couverture des risques relatifs à la vieillesse, à la maladie, à l’invalidité, aux accidents du travail, aux maladies professionnelles et à la famille ;

– l’assurance complémentaire ou surcomplémentaire (prévoyance) ;

– l’indemnisation du chômage ;

– les dispositifs d’aide sociale, qui repose sur le principe d’une solidarité en faveur des plus démunis (assistance). À défaut d’autre protection, l’aide sociale est allouée aux personnes qui se trouvent dans l’impossibilité financière ou physique de pourvoir à leurs besoins quotidiens. L’aide sociale peut revêtir des formes variées en fonction de la situation du bénéficiaire et est le plus souvent financée par l’impôt, et non par les cotisations sociales.

● Le champ des politiques sociales peut toutefois apparaître beaucoup plus large et évolutif et inclure, en particulier, les questions relatives à la formation professionnelle, au travail et à l’emploi.

Dans un ouvrage de référence sur les politiques sociales (6), Mme Marie-Thérèse Join-Lambert, inspectrice générale des affaires sociales, a défini le champ des politiques sociales comme correspondant « dans leur ordre d’apparition, aux politiques du travail (conditions de travail et relations collectives entre employeurs et salariés), à la protection sociale (aide sociale, politiques d’assurances puis de sécurité sociale, vieillesse, santé, famille, indemnisation du chômage), aux politiques de la formation professionnelle et de l’emploi, ainsi qu’aux différentes politiques dites " transversales " plus récentes : revenu minimum et politiques locales d’insertion qui lui sont liées, intégration des immigrés, politique de la ville… ».

De fait, il apparaît difficile de circonscrire précisément le périmètre des politiques sociales, dès lors notamment que l’on considère qu’elles visent non seulement à couvrir ou à réparer un risque social (soit le « social réparateur »), mais aussi à prévenir sa survenue (par exemple, les politiques de l’emploi pour prévenir le chômage, et donc les dépenses sociales au titre de l’assurance chômage). Par un « effet domino », on pourrait ainsi considérer que les questions relatives à l’éducation et à la formation, du fait notamment de leur impact en termes d’accès à l’emploi, ou encore les questions fiscales, eu égard à la dimension redistributive des prélèvements obligatoires, relèvent également, entre autres, du champ social. Celui-ci peut ainsi s’avérer très extensif, comme l’a notamment souligné Mme Annie Fouquet (7), inspectrice générale des affaires sociales et ancienne présidente de la Société française de l’évaluation (SFE), et ce d’autant plus que les politiques sociales interagissent étroitement avec les politiques économiques.

Pour les investigations du groupe de travail, cette définition du champ des politiques sociales présentait toutefois l’avantage d’embrasser un plus large spectre d’analyse et, en particulier, de permettre l’analyse des politiques visant à promouvoir l’accès et le retour à l’emploi, auxquelles s’attachent des enjeux stratégiques en termes de cohésion sociale et de lutte contre la pauvreté.

Cette approche a semblé d’autant plus nécessaire qu’en France, comme cela est apparu très clairement au cours de plusieurs auditions, l’on tend souvent à cloisonner, sinon à opposer, le champ de l’emploi et celui des questions sociales.

Or, dans bien des domaines, il y a une forme d’hémiplégie de la pensée à vouloir envisager l’un sans l’autre. Par exemple, chercher à favoriser l’insertion professionnelle d’un demandeur d’emploi peut conduire à prendre en compte ses difficultés de logement, de santé ou encore de garde d’enfant, et à proposer un accompagnement social adapté à la nature de celles-ci. En sens inverse, l’analyse de dispositifs sociaux, et en particulier de prestations monétaires, ne peut occulter la question de leur impact éventuel en termes d’éloignement du marché du travail. Le cloisonnement du champ social et de l’emploi peut également conduire à mettre en place des fonctionnements administratifs « en tuyaux d’orgue », c’est-à-dire de manière parallèle et insuffisamment coordonnées, qui sont sources de complexité pour les usagers, mais aussi de dispersion des responsabilités et de perte d’efficacité dans le pilotage de l’action publique (sur tous ces points, cf. infra).

Pour l’ensemble de ces raisons, les rapporteurs ont donc souhaité retenir cette seconde acception, plus large, des politiques sociales pour évaluer leur performance comparée en France et en Europe.

SYNTHÈSE

En octobre 2010, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a décidé d’inscrire à son programme de travail l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe. Essentielle pour l’amélioration du pilotage de l’action publique, cette évaluation n’en constituait pas moins un véritable défi, pour le moins ambitieux, sinon audacieux. Pour y répondre, le présent rapport comporte, tout d’abord, plusieurs éléments d’analyse transversale sur la performance des politiques sociales en Europe, ainsi qu’un second volet, thématique, ayant pour objet l’évaluation de la performance comparée des politiques d’accompagnement des demandeurs d’emploi, d’une part, et de deux politiques sociales à destination des familles, d’autre part.

Il est appuyé sur deux études comparatives, portant sur cinq pays européens (8) outre la France, réalisées par des prestataires externes, sur appel d’offres. Le groupe de travail a par ailleurs auditionné plus de 80 personnes, au cours de 40 auditions et tables rondes. Les rapporteurs se sont également rendus à Stockholm, à Bruxelles, à Londres et à Berlin, où une quarantaine de représentants des différentes parties prenantes ont été entendus. Parallèlement, des questionnaires ont été adressés par les rapporteurs aux ambassades et aux parlements dans quinze pays européens.

Première partie :

Éléments d’analyse transversale

LA PERFORMANCE DES POLITIQUES SOCIALES EN EUROPE : QUELS ENJEUX, QUELLES RÉPONSES POLITIQUES ?

 La performance a tout d’abord été définie comme la capacité à atteindre des objectifs préalablement fixés, en termes notamment d’efficacité socio-économique (pour le citoyen), d’efficience (pour le contribuable) et de qualité de service (pour l’usager). Il est également apparu nécessaire d’inscrire son évaluation dans une temporalité suffisamment longue pour prendre en compte, par exemple, les économies qu’une réforme peut être susceptible de générer, à plus ou moins long terme. Le suivi de la performance des politiques sociales constitue aujourd’hui un impératif pour améliorer leur gestion et éclairer la décision publique. Dans cet objectif, de nombreux enseignements peuvent être tirés de l’observation de bonnes pratiques dans d’autres pays, même si les comparaisons internationales appellent certaines précautions, par exemple sur l’interprétation des différents indicateurs.

 Par rapport aux autres pays européens, la France se caractérise par un niveau particulièrement élevé de dépenses sociales, qui représentent aujourd’hui plus de 31 % du PIB (produit intérieur brut), mais aussi par leur augmentation sensiblement plus marquée que la moyenne des pays de l’OCDE au cours des dernières décennies.

Dans le domaine social, les performances françaises sont le plus souvent au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Le dynamisme démographique de la société française, l’espérance de vie à la naissance, la durée de la vie en retraite ou encore l’efficacité redistributive du système fiscalo-social dans son ensemble apparaissent comme des points forts du modèle français en comparaison internationale. D’autres résultats moins favorables posent question : en particulier, la faiblesse des taux d’emploi par rapport à d’autres pays et par rapport aux objectifs européens. Même dans les domaines où les performances françaises sont bonnes, les évaluations soulignent que des progrès sont possibles : en particulier, dans le domaine de la santé, des progrès dans la lutte contre les inégalités de santé, la coordination des soins et la réduction des frais administratifs. Enfin, une analyse fine à partir des indicateurs français et européens – élaborés pour leur part dans le cadre de la nouvelle stratégie « Europe 2020 » qui a fait de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion un des objectifs phares de l’Union européenne – montre une tendance à l’aggravation des inégalités et de l’exclusion en France, même si les inégalités de revenus en France sont plus faibles que dans la moyenne des pays de l’OCDE. Alors que le taux de pauvreté relatif au seuil de 60 % du revenu médian s’établit à 13,5 % selon l’Insee (2009), l’indicateur européen, plus complet, qui tient également compte de la pauvreté en conditions de vie et des ménages dont aucun membre ne travaille, révèle qu’avec 18,4 % des Français concernés par le risque de pauvreté ou d’exclusion en 2009, la France est plus performante que la moyenne de l’Union européenne mais seulement à la 9e place après la République Tchèque, les Pays-Bas et la Suède, notamment.

● Pour renforcer la performance des politiques sociales, le rapport préconise tout d’abord d’améliorer leur pilotage et leur évaluation, au regard notamment de pratiques observées dans plusieurs pays européens, et de :

→ organiser chaque année un débat au Parlement sur l’efficacité des politiques sociales, qui porterait par exemple sur des thèmes correspondant à certains des objectifs des programmes de qualité et d’efficience (PQE), et dont le choix serait partagé entre la majorité et l’opposition ;

→ développer le recours à l’expérimentation dans le champ social, en définissant un programme pluriannuel d’expérimentations, soumis pour avis à la commission des Affaires sociales et en organisant régulièrement des débats en séance publique à l’Assemblée nationale sur les résultats des expérimentations ; et d’améliorer l’évaluation des politiques et d’en tirer tous les enseignements pour une conduite pragmatique des réformes dans la durée, fondée sur une démarche d’amélioration en continu des dispositifs ;

→ renforcer l’évaluation des politiques locales et favoriser les échanges de bonnes pratiques par la création d’un tableau de bord commun pour la comparaison de l’action sociale décentralisée et d’un fonds de « recherche et développement » des politiques sociales locales, financé conjointement par l’État et les collectivités territoriales.

Le rapport propose également de s’appuyer sur les outils de l’ « Europe sociale », encore trop souvent négligée et de :

→ redéployer le Fonds social européen, en fonction de l’objectif européen de sortir 20 millions d’Européens de la pauvreté et de l’exclusion d’ici 2020, et en France, faciliter l’accès des associations innovantes dans le domaine social à ces financements ;

→ conserver un programme européen d’aide alimentaire aux plus démunis après 2014, dans le cadre des engagements de l’Union européenne exprimés dans la stratégie Europe 2020.

Seconde partie : Analyse de la performance comparée de différentes politiques publiques dans cinq pays européens

LES FACTEURS DE PERFORMANCE DES POLITIQUES DE L’EMPLOI EN EUROPE

● Des enjeux transversaux s’attachent à l’évaluation des politiques de l’emploi : le poids des cotisations sociales sur le travail en France rend aujourd’hui nécessaire une réflexion sur le financement de la protection sociale et sur le système fiscal. De plus, l’efficacité de la politique de l’emploi est intrinsèquement liée à la croissance économique, appelant une politique volontariste de développement industriel et d’innovation.

À la demande des rapporteurs, le cabinet Euréval a réalisé une comparaison des politiques de l’emploi dans cinq pays européens (Allemagne, France, Portugal, Royaume-Uni, Suède) et une synthèse des travaux d’évaluation consacrés, dans ces pays, à l’efficacité de l’accompagnement et des dispositifs censés favoriser le retour à l’emploi.

● Par rapport à ses voisins européens, la France se caractérise par la complexité et l’éclatement des structures d’accompagnement des demandeurs d’emploi, par la faiblesse des effectifs du service public de l’emploi affectés au placement et par une adaptation moindre des ressources humaines et financières. Les autres pays européens étudiés paraissent plus réactifs que la France dans l’ajustement des moyens à la conjoncture. Les conseillers du service public de l’emploi y ont plus d’outils, de prestations ou d’aides sociales à leur disposition et plus d’autonomie que les conseillers français. Les rapporteurs préconisent de :

→ lancer une expérimentation avec des collectivités territoriales volontaires sur le rapprochement des acteurs de l’Emploi, de l’Entreprise et de la Formation professionnelle sous une direction commune pour identifier et promouvoir les meilleures pratiques.

● La synthèse des travaux de recherche réalisés dans le domaine des politiques de l’emploi a mis en évidence des enseignements peu nombreux mais robustes sur l’efficacité des politiques de l’emploi. Les exonérations de charges sociales sur les salaires des moins qualifiés se sont révélées efficaces mais pourraient constituer une trappe à bas salaire et limiter la progressivité des carrières. Le renforcement et la personnalisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi a un impact favorable sur le retour à l’emploi, susceptible de générer des économies pour l’assurance chômage. Plusieurs dispositifs doivent être mieux ciblés : la formation professionnelle doit être encouragée en période de récession, en privilégiant les formations en alternance, et pour augmenter la qualité de l’emploi à plus long terme. Les contrats aidés sont utiles pour les publics structurellement éloignés de l’emploi ou pour donner un « coup de pouce » temporaire. Enfin, les évaluations européennes montrent de façon convergente que les prestataires privés ne sont pas plus efficaces que l’opérateur public pour les mêmes missions. Les rapporteurs insistent sur la nécessité de

→ mettre un terme à l’instabilité juridique et financière relative aux contrats aidés, qui nuit à l’efficacité de ces dispositifs, et veiller à des durées de contrat suffisantes pour permettre un accompagnement, une formation et une insertion durable des bénéficiaires.

Pour améliorer les performances du service public de l’emploi français, les rapporteurs proposent les mesures suivantes :

→ renforcer et personnaliser l’accompagnement des demandeurs d’emploi, en organisant rapidement un premier entretien consacré à l’indemnisation, suivi d’un second sur l’accompagnement professionnel et en intensifiant les contacts ;

→ adopter une approche globale du demandeur d’emploi, en renforçant la coordination entre les professionnels du retour à l’emploi et ceux de l’insertion sociale, en utilisant plus fréquemment et plus efficacement les aides à la reprises d’activité (aide au permis de conduire, aide à la garde d’enfants) et en intervenant le plus en amont possible de la fin des dispositifs temporaires comme les contrats aidés ;

→ renforcer les compétences, l’expertise et l’autonomie des conseillers de Pôle Emploi, en renonçant à la généralisation du métier unique tout en encourageant la polyvalence pour ceux qui le souhaitent, en renforçant la formation des conseillers et leur autonomie ;

→ adapter les moyens de Pôle Emploi à la conjoncture et au niveau de chômage, en augmentant le nombre de conseillers pour maintenir le niveau de service en période de crise et pour cela, en permettant un recours accru aux CDD ;

→ être plus à l’écoute des usagers, en confirmant le rôle et l’importance des lieux d’échanges entre les usagers et Pôle Emploi et en confiant au Médiateur la responsabilité d’un rapport annuel plus complet sur la satisfaction des bénéficiaires.

L’ARTICULATION ENTRE VIE FAMILIALE ET VIE PROFESSIONNELLE : UN DÉFI PERSONNEL, UN ENJEU COLLECTIF

Le rapport comporte une analyse de deux politiques sociales à destination des familles, qui s’est appuyée sur une étude comparative réalisée, à la demande des rapporteurs, par Sciences Po/ le Centre d’études européennes (CEE), le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP) et l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

● Des enjeux majeurs s’attachent aux politiques visant à favoriser l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle, en termes économiques, sociaux et sociétaux. En effet, au regard des difficultés parfois rencontrées dans ce domaine, qui peuvent être plus aiguës encore pour des parents seuls, ces politiques sont susceptibles de favoriser l’augmentation des taux d’activité des parents, et particulièrement des mères, ainsi que la qualité de l’emploi et l’égalité entre les hommes et les femmes. Elles peuvent également contribuer à la consolidation des systèmes de protection sociale et à la performance des entreprises.

La France se place au premier rang des pays de l’OCDE pour les différentes aides apportées aux familles, qui représentent 3,7 % du PIB ; des moyens importants sont en particulier alloués aux mesures visant à favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, qui constitue aujourd’hui un objectif clairement identifié des politiques publiques.

● L’analyse comparée des politiques d’articulation fait tout d’abord ressortir plusieurs spécificités françaises, notamment un système socio-fiscal moins individualisé que dans certains autres pays, et un congé parental très féminisé, plus long et moins bien rémunéré que dans certains pays, en particulier la Suède et l’Allemagne. Par ailleurs, on constate en France une très bonne prise en charge des enfants de trois à six ans, mais, a contrario, un manque de places d’accueil pour les moins de trois ans, les besoins non couverts étant estimés à environ 350 000 places. En tout état de cause, l’accès à des modes de garde de qualité présente des enjeux importants en termes d’égalité des chances, de réussite scolaire et de lutte contre les inégalités sociales.

Dans l’analyse de la performance des politiques d’articulation, la France se distingue par de bons résultats dans certains domaines, en particulier la natalité et l’insertion professionnelle des femmes, qui se fait plutôt à temps plein. Il existe néanmoins des voies d’amélioration afin de favoriser l’égalité des genres, l’accès ou le retour à l’emploi des mères et de mieux répondre aux difficultés parfois exprimées par les parents en matière de conciliation.

Il convient également de souligner la persistance d’écarts salariaux entre les hommes et les femes : une étude récente de l’OFCE montre ainsi qu’une cohorte d’hommes, dans la tranche des quarantenaires, gagnent 17 % de plus qu’une cohorte de femmes disposant des mêmes caractéristiques (même âge, ayant des enfants, aucune interruption de carrière pour les élever, diplômes et expériences égaux, voire supérieurs pour les femmes), et que l’essentiel de cette différence (70 %) reste inexpliqué.

● Pour créer les conditions d’un meilleur équilibre des temps professionnels et familiaux, le rapport préconise en conséquence :

→ d’aller progressivement vers un congé parental plus court, de quatorze mois, en incluant deux « mois d’égalité » non transférables, qui seraient réservés à celui des parents n’ayant pas pris le reste du congé, et mieux rémunéré qu’aujourd’hui, par exemple à hauteur des deux tiers du salaire antérieur, en s’inspirant des dispositifs mis en place en Suède et en Allemagne ;

→ de poursuivre le développement de l’offre de garde de la petite enfance, en particulier en accueil collectif, qui est très développé dans les pays nordiques, tels que la Suède, et en maintenant au moins au niveau actuel la scolarisation des enfants de moins de trois ans ;

→ de favoriser le développement de la négociation collective et des bonnes pratiques en milieu professionnel en matière d’articulation entre le travail et les responsabilités familiales, au regard notamment de l’implication des entreprises dans ce domaine en Allemagne. Les directeurs des ressources humaines de l’entreprise (DRH) des entreprises doivent penser l’organisation du travail (horaires, prise en compte des modes de garde des enfants…), en fonction d’un objectif de meilleure conciliation travail/famille, qui vise à favoriser une paternité active et un véritable partage des tâches familiales, y compris ménagères dans le couple, par une meilleure implication des hommes (double journée de travail pour les femmes).

Les rapporteurs souhaitent ainsi offrir de meilleures opportunités de carrières aux mères et plus de temps de famille aux pères.

LES FAMILLES MONOPARENTALES : ENTRE CIBLAGE ET UNIVERSALISME, DES RÉPONSES ADAPTÉES AUX SITUATIONS PARTICULIÈRES DE VULNÉRABILITÉ

● En France comme en Europe, les familles monoparentales sont particulièrement exposées au risque de pauvreté et de précarité et il s’agit très majoritairement de mères seules. Le taux d’emploi des parents isolés est plus élevé en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE, contrairement au taux de pauvreté qui lui est nettement inférieur. Toutefois, dans les cinq pays européens étudiés, y compris en France, le taux de chômage des mères seules est partout supérieur à celui de l’ensemble des mères.

● Dans les cinq pays sous revue, les politiques publiques en direction des familles monoparentales se caractérisent par une certaine diversité, illustrant les différentes figures contemporaines de l’État social. Certains pays, comme la France ou le Royaume-Uni ont ainsi adopté des dispositifs spécifiques en faveur des parents isolés, contrairement à d’autres pays, tels que la Suède, qui ont adopté une approche dite universaliste. Par ailleurs, des réformes ont été mises en place dans plusieurs pays afin de favoriser l’accès à l’emploi et lutter contre la pauvreté des parents isolés, les formes de protection sociale évoluant ainsi progressivement du « maternalisme » à l’activation.

● De l’évaluation de la performance comparée des différentes politiques publiques, il ressort tout d’abord l’absence d’un réel modèle de réussite, même si la Suède, puis la France, apparaissent plutôt mieux positionnées par rapport aux principaux indicateurs socio-économiques. Cette analyse comparative permet également d’identifier plusieurs leviers de l’action publique de nature à lutter contre la pauvreté et à soutenir l’accès à l’emploi des parents isolés, notamment : le caractère rémunérateur de la reprise d’un emploi, l’importance d’un accompagnement adapté et de la prise en compte des frais et des difficultés liées à la garde des enfants ainsi que l’accès à des emplois de qualité. Parallèlement, il convient également de déployer des politiques volontaristes et universalistes visant à promouvoir l’emploi des mères en général.

● Afin d’améliorer l’accompagnement social et professionnel des parents isolés en situation de vulnérabilité, les rapporteurs proposent :

→ d’améliorer l’information concernant les aides aux familles et le dispositif du revenu de solidarité active (RSA) ;

→ de procéder à une évaluation de l’accompagnement par les travailleurs sociaux et des conditions d’accès aux établissements d’accueil des jeunes enfants pour les bénéficiaires de minima sociaux. ;

→ de renforcer la coordination entre les acteurs, de sensibiliser les agences de l’emploi à la question des parents isolés et d’engager des expérimentations visant à proposer un accompagnement spécifique des parents isolés, sur la base du volontariat, en s’inspirant des bonnes pratiques observées notamment au Royaume-Uni et en Allemagne.

LISTE DES PROPOSITIONS

Recommandation n° 1 : Conforter les instruments de l’Europe sociale

– Poursuivre les négociations dans le sens d’un redéploiement du Fonds social européen en faveur des nouveaux objectifs de la stratégie Europe 2020, en particulier celui visant à « sortir » 20 millions d’Européens de la pauvreté et de l’exclusion d’ici à 2020, et de l’expérimentation sociale.

– Conserver un dispositif d’aide alimentaire pour les plus démunis après 2014 et encourager les réflexions dans le sens d’un financement de cette aide par le Fonds social européen, à l’occasion des négociations actuelles sur les perspectives budgétaires 2014-2020.

En France :

– Renforcer l’information et l’accompagnement juridique des associations françaises candidates aux financements FSE dans les Direccte, par la création d’un groupe de travail impliquant des associations bénéficiaires et notamment chargé de proposer des mesures de simplification ;

– Encourager l’expérimentation sociale en apportant un appui financier aux projets innovants susceptibles d’être cofinancés par le FSE.

Recommandation n° 2 : Organiser un débat au Parlement en semaine de contrôle, par exemple au printemps, sur l’efficacité des politiques sociales, qui pourrait s’appuyer sur certains objectifs des programmes de qualité et d’efficience (PQE), dont le choix serait partagé entre la majorité et l’opposition, ainsi que sur un rapport du Gouvernement au Parlement.

Recommandation n° 3 : En s’inspirant notamment des pratiques observées en Suède, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni :

– définir un programme pluriannuel d’expérimentations sociales, qui pourrait être soumis pour avis à la commission des Affaires sociales ;

– organiser des débats au Parlement sur les résultats d’expérimentations, par exemple dans le cadre des semaines de contrôle de l’Assemblée nationale ;

– aller vers une exigence d’expérimentation préalable systématique, au moins pour les grandes réformes sociales ;

– améliorer l’évaluation in itinere et ex post des politiques sociales afin de pouvoir les adapter, en tant que de besoin, par exemple en prévoyant a priori un budget pour l’évaluation, même limité en proportion des dépenses, et en veillant à associer les parties prenantes, ainsi que des chercheurs, éventuellement d’autres pays européens.

Recommandation n° 4 : Encourager la mise en place d’une « méthode ouverte de coordination » entre conseils généraux, en promouvant l’exemple suédois

– Encourager une évolution de l’Observatoire de l’action sociale décentralisée (ODAS) dans le sens d’un renforcement de ses capacités d’évaluation.

– Susciter l’adoption d’un tableau de bord commun pour la comparaison de l’action sociale décentralisée.

– Créer un fonds de « recherche, développement et évaluation » sur les politiques sociales locales financé conjointement par l’État et les collectivités territoriales.

Recommandation n° 5 : Lancer une expérimentation avec des collectivités territoriales volontaires sur le rapprochement des acteurs de l’Emploi, de l’Entreprise et de la Formation professionnelle sous une direction commune pour identifier et promouvoir les meilleures pratiques.

Recommandation n° 6 : Mettre un terme à l’instabilité juridique et financière relative aux contrats aidés, qui nuit à l’efficacité de ces dispositifs et veiller à des durées de contrat suffisantes pour permettre un accompagnement, une formation et une insertion durable des bénéficiaires.

Recommandation n° 7 : mettre en œuvre un accompagnement renforcé

– Programmer deux entretiens très rapprochés au début du parcours personnalisé, l’un sur l’indemnisation, l’autre sur le projet professionnel.

– S’inscrire effectivement dans l’objectif d’organiser le premier entretien cinq jours après l’inscription à Pôle Emploi.

– Intensifier les contacts avec les demandeurs d’emploi.

Recommandation n° 8 : adopter une approche globale du demandeur d’emploi

– Renforcer la coordination entre les acteurs de l’aide sociale et ceux du retour à l’emploi, grâce à un pilotage de haut niveau associant préfets, directeurs locaux de Pôle Emploi et présidents de conseils généraux.

– Préserver les moyens consacrés aux aides à la reprise d’activité comme l’aide au permis de conduire B ou les aides à la garde d’enfants pour lutter efficacement contre les freins au retour à l’emploi et donner plus de marges de manœuvre aux conseillers et travailleurs sociaux dans l’attribution de ces aides.

– Accompagner les bénéficiaires de contrats aidés en amont de la fin de leur contrat.

Recommandation n° 9 : renforcer les compétences et l’autonomie des conseillers de Pôle Emploi

– Renoncer à la généralisation du métier unique tout en encourageant la polyvalence pour ceux qui le souhaitent.

– Renforcer la formation initiale et développer l’expertise des conseillers sur les bassins d’emploi.

– Accorder une plus grande autonomie aux conseillers en favorisant les échanges de bonnes pratiques.

Recommandation n° 10 : l’adaptation des moyens de Pôle Emploi à la conjoncture et au niveau de chômage

– Adapter les moyens de Pôle Emploi aux besoins résultant de la conjoncture économique en permettant l’augmentation rapide du nombre de conseillers lorsque le chômage augmente.

– Dans cette perspective, permettre un recours accru aux CDD à Pôle Emploi.

Recommandation n° 11 : être à l’écoute des usagers

– Confirmer le rôle et l’importance des lieux d’échanges entre les associations de chômeurs et Pôle Emploi (comités de liaison) aux niveaux local et national.

– Confier au Médiateur la responsabilité d’un rapport annuel plus complet sur la satisfaction des bénéficiaires.

Recommandation n° 12 : En s’inspirant des dispositifs mis en place en Suède et en Allemagne notamment :

– aller progressivement vers une allocation de congé parental (CLCA) d’un montant plus élevé et proportionnel au salaire antérieur, à hauteur des deux tiers, jusqu’à un montant maximum, et sur une période plus courte, de 14 mois ;

– prévoir une période non transférable réservée à l’un des parents au sein du congé parental (« mois d’égalité »), de 2 mois, et organiser parallèlement des campagnes de sensibilisation concernant la parentalité masculine.

Recommandation n° 13 : Metttre en place un accompagnement renforcé vers l’emploi et la formation des bénéficiaires du CLCA, et accroître la coopération entre Pôle Emploi et les Caf, en prévoyant en particulier la transmission par ces dernières des listes des allocataires du CLCA à Pôle Emploi, pour lui permettre de proposer une offre de services dédiée.

Recommandation n° 14 : Au regard notamment des pratiques observées dans les pays nordiques, en particulier en Suède, poursuivre le développement de l’offre de garde de la petite enfance, et :

– atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement en termes de création de places, soit 200 000 places supplémentaires, dont la moitié en accueil collectif ;

– définir des objectifs ambitieux dans ce domaine dans la prochaine convention d’objectifs et de gestion (Cog) entre l’État et la Cnaf ;

– afin qu’il s’agisse bien d’une création nette de nouvelles places d’accueil, maintenir au moins au niveau actuel la scolarisation des enfants de moins de trois ans.

Recommandation n° 15 : Améliorer les connaissances et réaliser une étude permettant d’évaluer finement les besoins ainsi que les disparités territoriales concernant la qualité et l’offre des modes de garde, en particulier dans les départements et territoires d’outre-mer, et développer les données sur l’accueil périscolaire.

Recommandation n° 16 : Afin d’encourager le développement de la négociation collective concernant l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, dans le prolongement des préconisations du rapport de Mme Brigitte Grésy de juin 2011 :

– inscrire la question de l’articulation dans le champ de la négociation triennale de branche sur l’égalité professionnelle ;

– définir en conséquence les indicateurs pertinents, concernant la question de l’articulation, pour la négociation triennale de branche sur l’égalité professionnelle (par voie réglementaire), et améliorer le suivi des actions en faveur de l’articulation dans le cadre du bilan annuel de la négociation collective.

Recommandation n° 17 : En s’inspirant notamment de l’implication des entreprises dans le champ de la conciliation entre famille et travail en Allemagne, soutenir le développement des bonnes pratiques et :

– procéder à une évaluation approfondie du crédit d’impôt famille (Cif) en faveur des entreprises qui réalisent certaines dépenses pour aider leurs salariés à mieux articuler vie familiale et vie professionnelle ;

– confier à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) une mission de diffusion des bonnes pratiques et d’accompagnement des entreprises dans le domaine de l’articulation ;

– veiller à la formation et la sensibilisation de l’encadrement aux questions relatives à l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle ; les directeurs des ressources humaines (DRH) de l’entreprise doivent penser l’organisation du travail (horaires, prise e compte des modes de garde des enfants…), en fonction d’un objectif de meilleure conciliation travail/famille, qui vise à favoriser une paternité active et un véritable partage des tâches familiales ;

– favoriser la mixité au sein des instances de direction des entreprises, en envisageant de préciser explicitement que la délibération annuelle des conseils d’administration sur la politique d’égalité au sein de l’entreprise doit notamment porter sur la question de la mixité au sein des comités de direction, et de prévoir la transmission du rapport de situation comparée entre les hommes et les femmes à l’assemblée générale des actionnaires.

Recommandation n° 18 : Pour améliorer l’information et l’accès aux droits :

– organiser une campagne d’information sur le revenu de solidarité active (RSA), en direction des bénéficiaires potentiels mais aussi du grand public, et étudier finement les raisons du recours limité au RSA chapeau ;

– renforcer l’information des familles sur l’ensemble des aides existantes, par exemple en diffusant un guide sur les aides en faveur des familles monoparentales ;

– généraliser les pratiques consistant à simplifier les formulaires et les courriers administratifs en associant systématiquement les représentants des bénéficiaires.

Recommandation n° 19 : Pour mieux évaluer les pratiques actuelles afin d’améliorer l’accompagnement des allocataires du RSA, notamment des parents isolés :

– faire le bilan de l’application des dispositions législatives prévoyant un accès préférentiel aux établissements d’accueil des jeunes enfants pour les bénéficiaires de minima sociaux et en particulier les parents isolés disposant de faibles ressources ;

– procéder à une étude sur le nombre des travailleurs sociaux, leur formation et les pratiques actuelles en matière d’accompagnement ).

Recommandation n° 20 : Concernant les politiques en direction des parents isolés, soutenir l’emploi des mères en général, et parallèlement, en vue d’améliorer l’accompagnement des parents isolés pour répondre aux situations particulières de vulnérabilité :

– renforcer les coopérations entre les services sociaux, les collectivités locales et les acteurs de l’emploi (plus développées par exemple en Norvège et au Royaume-Uni) ;

– envisager des expérimentations pour proposer un accompagnement renforcé aux parents isolés, sur la base du volontariat, avec par exemple un parcours intégré d’insertion comprenant notamment des aides accrues pour la garde d’enfants et le retour à l’emploi, voire d’autres options ou droits spécifiques, tels qu’un accès renforcé à la formation ou à un mode d’accueil (en s’inspirant de certains aspects du dispositif d’accompagnement mis en place au Royaume-Uni) ;

– mettre en place un comité national d’évaluation des expérimentations, en associant largement les parties prenantes et les associations, et en prévoyant l’examen des résultats de l’expérimentation par le Parlement ;

– sensibiliser les agences de l’emploi à la question spécifique des parents isolés, et, en concertation avec les organisations syndicales, en étudiant les possibilités de fixer des objectifs aux agents du service public de l’emploi dans ce domaine (en s’inspirant de certaines pratiques observées en Allemagne).

I.– LA PERFORMANCE DES POLITIQUES SOCIALES EN EUROPE : QUELS ENJEUX, QUELLES RÉPONSES POLITIQUES ?

L’évaluation comparative de la performance des politiques sociales en Europe soulève essentiellement trois séries de questions.

Tout d’abord, de quelle façon définir et évaluer la « performance » des politiques sociales, dans quels objectifs et selon quelles modalités ?

Par ailleurs, comment se situe globalement la France en Europe, autrement dit quelle analyse peut-on faire des moyens mis en œuvre et des résultats obtenus par rapport aux principaux objectifs et indicateurs sociaux, en particulier en matière de lutte contre la pauvreté ?

Enfin, quels leviers d’amélioration de la performance peut-on identifier, concernant ce qu’il est convenu d’appeler l’Europe sociale, mais aussi la gouvernance et l’évaluation des politiques en France, au regard des pratiques observées dans d’autres pays ?

A.– L’ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE SOCIALE : UN EXERCICE DÉLICAT MAIS ESSENTIEL

Il convient en premier lieu de clarifier le cadre conceptuel de la performance de l’action publique et d’en cerner les principaux enjeux. Comme l’ont fait apparaître les premières auditions du groupe de travail, les comparaisons internationales peuvent se heurter à certaines limites ou, du moins, appellent certaines précautions, concernant par exemple l’interprétation des indicateurs. Au regard notamment de ces éléments, une méthodologie a été définie pour procéder à l’évaluation comparée de la performance des politiques sociales en Europe, qui conduit, d’une certaine manière, à apprécier l’efficacité de la dépense sociale.

1. Les objectifs de l’évaluation

La mesure de la performance des politiques – notion multidimensionnelle qui doit naturellement être définie au préalable – ainsi que sa comparaison entre les pays présentent des enjeux majeurs pour l’action publique. Les objectifs de cette évaluation comparative apparaissent, en effet, aussi divers que stratégiques.

a) La définition de la performance : une notion multidimensionnelle reposant sur trois principaux critères

● La définition de la performance fondée sur les critères de qualité, d’efficacité socio-économique et d’efficience

Dans l’esprit de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), la performance peut être définie comme « la capacité à atteindre des objectifs préalablement fixés, exprimés en termes d’efficacité socio-économique, d’efficience de la gestion et de qualité de service (9) ».

En d’autres termes, une action, un programme ou une politique publique peuvent être jugés plus ou moins performants selon la nature des résultats obtenus au regard des ressources allouées et des objectifs ayant été préalablement fixés, en prenant en compte les trois dimensions de la performance du point de vue du citoyen, du contribuable et de l’usager (10). En effet :

– pour l’usager, la performance dépend de la qualité du service rendu ;

– pour le citoyen ou la collectivité, elle doit s’apprécier en examinant dans quelle mesure une action a produit les résultats escomptés, en termes notamment de modification de l’environnement économique et social, et donc de juger de son efficacité socio-économique ;

– pour le contribuable, cette notion recouvre l’efficience de la gestion ou encore l’optimisation des moyens : autrement dit, les résultats sont-ils à la hauteur des sommes dépensées par la collectivité ? Les moyens humains et financiers ont- été utilisés au mieux ?

LES PRINCIPAUX CRITÈRES DE LA PERFORMANCE









La performance s’inscrit ainsi dans une démarche « objectifs/résultats » et, dans ce sens, participe du contrôle de la gestion, qui consiste à produire des outils de connaissance afin d’améliorer le rapport entre les moyens mobilisés et l’activité ou les résultats produits ainsi que d’améliorer le pilotage, comme l’illustre le schéma présenté ci-après.

L’APPROCHE TRADITIONNELLE DE LA PERFORMANCE, À L’INTERSECTION DU CONTRÔLE DE GESTION ET DE L’ÉVALUATION

Évaluation des politiques publiques : apprécier si les moyens juridiques, administratifs, organisationnels, financiers ou humains mis en œuvre et les biens et services publics rendus permettent d’obtenir les effets attendus de la politique et d’atteindre les objectifs qui lui sont liés (effets en termes de retombées socio-économiques).

Contrôle de gestion : produire les outils de connaissance des coûts, des activités et des résultats pour améliorer le rapport entre les moyens mobilisés et l’activité ou les résultats produits et pour objectiver et nourrir le dialogue de gestion entre les acteurs des différents niveaux d’une administration et pour améliorer le pilotage.

Source : ministère du budget et de la réforme de l’État, in « La mesure de la performance de l’action publique », Alexandre Siné et Brice Lannaud, Économie politique de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), Conseil d’analyse économique (2007)

 Le choix de retenir une acception un peu plus large de la performance

Au-delà des trois critères d’efficacité, de qualité et d’efficience, il est apparu nécessaire de prendre en compte certains autres éléments, de manière complémentaire, pour évaluer la performance des politiques sociales :

– tout d’abord, les questionnements relatifs à la pertinence et la cohérence des objectifs assignés à l’action publique dans certains domaines : par exemple, concernant les performances comparées des politiques visant à favoriser la conciliation entre le travail et la vie familiale, l’étude confiée au groupement KPMG/Sciences Po (11) souligne le manque de cohérence globale du système français, qui serait lié à la multiplicité, voire l’incompatibilité de certains objectifs, de nature à créer des dysfonctionnements ;

– d’autre part, au-delà des objectifs socio-économiques stricto sensu, le souhait d’évaluer la situation des différents pays européen au regard de certains objectifs sociaux, voire sociétaux, en tant que tels, par exemple l’égalité entre les hommes et les femmes ou encore le bien-être des enfants ;

– enfin, au-delà des conséquences directes et immédiates de l’intervention publique (les résultats), l’appréciation de l’impact et des modifications induites par l’action des pouvoirs publics, y compris par rapport à des objectifs susceptibles d’avoir un impact à plus long terme (les retombées) et dépendre de multiples facteurs, concernant par exemple le chômage ou la natalité. Dans une perspective d’évaluation des politiques publiques, il s’agit ainsi d’apprécier dans quelle mesure la situation des bénéficiaires finaux, jugée initialement problématique, s’est finalement améliorée.

En effet, il est apparu important d’inscrire l’évaluation dans une temporalité plus longue et de mesurer l’ensemble des impacts pour pouvoir véritablement apprécier la performance d’un dispositif. Ainsi, des réformes susceptibles d’être coûteuses dans un premier temps, par exemple pour accroître les moyens d’un service public ou améliorer le niveau d’une prestation (le cas échéant, sur une période plus courte, comme cela est envisagé pour le congé parental, cf. infra), peuvent néanmoins être jugées performantes, dès lors notamment qu’il est établi qu’elles peuvent ensuite avoir un impact positif sur les finances sociales (12).

LE CHOIX DE MESURER LA PERFORMANCE À L’AUNE DE L’ENSEMBLE DES OBJECTIFS DE L’ACTION PUBLIQUE, Y COMPRIS GÉNÉRAUX ET AYANT UN IMPACT À MOYEN TERME

Source : ministère du budget et de la réforme de l’État, ibid.

La performance ne se résume pas donc à la recherche d’efficience, même si elle en constitue indéniablement une dimension importante. D’une certaine manière, il s’agit ainsi d’évaluer et de promouvoir une « performance durable », selon la formule employée par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), dont le directeur général, M. Jean-Baptiste Obeniche (13) a été auditionné par le groupe de travail, concernant la notion de performance en milieu de travail (14).

Pour la présente évaluation, la performance pourrait ainsi être définie comme la capacité à atteindre, à plus ou moins long terme, des objectifs préalablement fixés en termes, notamment, d’efficacité socio-économique, d’efficience et de qualité de service.

b) La mesure de la performance : un impératif pour nourrir le débat public et éclairer le décideur

À travers la production d’outils de connaissance des moyens, des activités et des résultats, la mesure de la performance des politiques publiques constitue un vecteur d’amélioration de leur gestion, qui apparaît particulièrement nécessaire au regard de la situation actuelle des finances sociales.

● Un élément essentiel du pilotage de l’action publique

Conformément aux principes posés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (15), le suivi de la performance et, plus largement, l’évaluation des politiques publiques doivent permettre une plus grande transparence sur les objectifs et les résultats de l’action publique, de nature à renforcer sa légitimité, et par voie de conséquence, celle des prélèvements obligatoires.

Exigence démocratique, la mesure de la performance vise à promouvoir une meilleure allocation des moyens ainsi qu’à maintenir ou améliorer la qualité des services publics.

En effet, le recueil d’informations relatives au coût et aux résultats produits par l’action publique, à travers par exemple l’élaboration et le suivi d’une série d’indicateurs, peut constituer un outil d’aide à la décision, que ce soit au niveau politique, pour la définition des objectifs stratégiques et la conception des politiques publiques ou, au niveau des gestionnaires.

Il s’agit donc notamment d’interroger le rapport coût-efficacité des politiques mises en œuvre, afin d’optimiser l’utilisation des moyens, mais aussi et corrélativement, dans un contexte budgétaire contraint, de concourir au maintien et à l’amélioration de la qualité des services publics. À cet égard, si l’emploi du terme de « performance » peut susciter certaines réserves dans le champ social, les rapporteurs ont pu constater, en revanche, lors de leur déplacement à Londres, combien la notion de « value for money » était développée au Royaume-Uni (soit, d’une certaine manière, les évaluations visant à vérifier que le citoyen « en a pour son argent »). Cette approche peut toutefois apparaître réductrice et présente certaines limites.

La mesure de la performance n’est donc pas une fin en soi, mais doit permettre d’éclairer la décision publique concernant la pertinence des choix opérés et l’efficacité de leur mise en œuvre.

● Une démarche nécessaire dans le contexte actuel, marqué par le poids de la dette et la dégradation des comptes sociaux

Il convient tout d’abord de rappeler que les dépenses correspondant aux prestations de protection sociale représentaient près de 597 milliards d’euros en 2009 (16), soit 31,3 % du produit intérieur brut (PIB).

La situation actuelle des finances sociales se caractérise principalement par le niveau élevé des dépenses publiques en comparaison d’autres pays européens (cf. infra), ainsi que par les déficits des régimes de base de sécurité sociale, en particulier au titre de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse, comme l’illustre le graphique présenté ci-après. En outre, la dette portée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) restant à amortir devrait s’élever à 140 milliards d’euros à la fin de l’année 2011, soit environ 7 points de PIB (17).

ÉVOLUTION DES SOLDES DU REGIME GÉNÉRAL ET DES CAISSES NATIONALES D’ASSURANCE MALADIE (CNAM) ET D’ASSURANCE VIEILLESSE (CNAV)

(en milliards d’euros courants)

Source : Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2011)

Concernant les recettes, un premier constat est celui d’un niveau de prélèvements obligatoires sensiblement plus élevé que la moyenne européenne (18).


ÉVOLUTION DE 1965 A 2009 DU TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN FRANCE, DANS L’UNION EUROPÉENNE ET DANS LES PAYS DE L’OCDE

(en pourcentage du produit intérieur brut)

Source : Rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, annexé au projet de loi de finances pour 2012, ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État (octobre 2011)

Or aujourd’hui, ce sont plus des deux tiers des prélèvements obligatoires qui financent la protection sociale (70 % contre 59 % en 1981). En 2009, l’ensemble des prélèvements obligatoires finançant la protection sociale représentaient ainsi près de 29 % du PIB.

De plus, la composition des prélèvements obligatoires sociaux (19) a sensiblement évolué depuis plusieurs décennies : aujourd’hui, les cotisations sociales représentent en effet 73 % de ces prélèvements, contre 97 % en 1981, le reste (soit 27 %) correspondant à des impôts et à des taxes affectés.

PART DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES FINANÇANT LA PROTECTION SOCIALE

(en pourcentage du PIB)

Note de lecture du graphique :

Le taux de prélèvements obligatoires est défini comme l’ensemble des impôts et cotisations sociales effectives perçues par les administrations publiques rapporté au produit intérieur brut (PIB). Il atteint 42,8 % du PIB en 2008, contre 40,4 % en 1981. Les prélèvements obligatoires sociaux recouvrent les cotisations sociales effectives reçues par les administrations publiques, et les impôts et taux affectés à la protection sociale. Le taux de prélèvements obligatoires sociaux, calculé en rapportant ces montants au PIB atteint 23 % en 2008. Enfin, pour mesurer l’ensemble des financements publics affectés à la protection sociale, il convient d’ajouter les contributions publiques affectées à la protection sociale, qui représentent 3 % du PIB en 2008, et les cotisations imputées des administrations publiques (APU), qui représentent 1,8 % du PIB (20)

Source : Insee, Drees, programme de qualité et d’efficience (PQE) « Financement » annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012)

Le niveau des charges sociales en France peut soulever des questionnements, en termes notamment de coût du travail, d’emploi et de compétitivité de l’économie française, qui seront développés au début de la seconde partie du présent rapport relative à l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Par ailleurs, ces cotisations étant prélevées sur les salaires et leur augmentation étant dès lors susceptible d’impacter le revenu net, donc le pouvoir d’achat des ménages, il n’apparaît pas illégitime de chercher à s’assurer de la bonne utilisation de ces ressources collectives.

Dans cette perspective, l’évaluation de la performance des politiques peut apporter des éléments d’analyse permettant d’envisager des mesures de nature à dépenser mieux et à améliorer la qualité de l’action publique. Ainsi, quel que soit l’objectif poursuivi (par exemple, le retour à l’équilibre des comptes publics ou l’amélioration des aides sociales et de la couverture d’un risque, tel que la dépendance), cette évaluation est de nature à éclairer le décideur concernant la possibilité et les moyens de mettre en œuvre cet objectif – et notamment, avant que d’accroître, le cas échéant, les prélèvements sociaux, de lui permettre d’envisager toutes les alternatives possibles en termes de redéploiements ou de plus grande efficacité de l’intervention publique.

c) La comparaison de la performance : un « benchmarking » pour repérer des bonnes pratiques et concourir à la coordination des politiques en Europe

Pour évaluer la performance d’une action publique, il convient naturellement de comparer la situation actuelle à ce qu’elle était auparavant, en vue de mesurer les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés. À cette comparaison dans le temps doit toutefois s’ajouter une comparaison dans l’espace par rapport aux pratiques d’autres pays. Les apports de l’analyse comparée des politiques publiques peuvent en effet être importants et ce, à plusieurs titres.

Il convient tout d’abord de rappeler que l’analyse comparative (encore appelée étalonnage ou parangonnage, en anglais « benchmarking ») s’est développée initialement afin de permettre aux entreprises d’améliorer leurs performances et leur productivité face à la concurrence mondiale. Il s’agissait ainsi d’identifier les meilleures pratiques (« best practice ») et d’organiser un échange d’informations en vue d’atteindre de meilleurs résultats. Dans le cadre de la nouvelle gestion publique (« New public management »), cette pratique a été transposée et progressivement utilisée par les administrations pour améliorer l’efficacité et la qualité des services publics.

L’analyse comparative (« benchmarking ») s’inscrit ainsi dans une perspective dynamique d’amélioration de l’action publique, et non de classement ou de palmarès.

Constituant l’un des outils d’évaluation des politiques publiques, l’étalonnage permet en effet de fournir des points de repères et à leur aune, d’identifier les points forts et faibles d’une politique mise en œuvre dans un pays et de concourir à l’analyse de son impact, en comparant les résultats atteints par différents dispositifs. Comme l’a notamment indiqué la directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), Mme Anne-Marie Brocas (21), les comparaisons internationales peuvent également permettre de comprendre comment les autres États abordent des problèmes similaires et dans quelle mesure des agencements de politiques ou de programmes ont pu être vertueux. Plus largement, il s’agit ainsi d’irriguer la réflexion stratégique du décideur, par l’identification de bonnes pratiques dans d’autres pays.

Au niveau européen, ce « benchmarking » s’effectue notamment dans le cadre de la méthode ouverte de coordination (Moc) dans le champ social, qui offre un cadre commun d’évaluation des politiques, d’échanges et d’identification des bonnes pratiques, en vue de favoriser la convergence des politiques sociales en Europe, ainsi que l’a rappelé Mme Anne-Marie Brocas.

Dans les domaines relevant de la compétence des États membres, tels que l’emploi, la cohésion sociale, la santé ou les retraites, ce processus non contraignant, qui a été engagé en 2000 (22), se fonde principalement sur :

– la définition d’objectifs à atteindre, dans le cadre d’orientations stratégiques (« guidelines ») et non de directives, ainsi que d’indicateurs communs visant à mesurer les progrès réalisés dans l’atteinte de ces objectifs ;

– l’établissement de rapports nationaux dans lesquels les États membres présentent notamment les stratégies mises en œuvre à cette fin, ainsi que l’évaluation conjointe de ces politiques avec la Commission européenne et l’identification de bonnes pratiques dans le cadre des revues par les pairs (« peer reviews »). Ainsi les travaux réalisés dans le cadre de la Moc permettent-ils de suivre les performances des États membres en matière sociale (cf. infra).

L’analyse comparative peut ainsi être une approche féconde, à la condition toutefois de prendre les précautions méthodologiques nécessaires et de garder à l’esprit certaines limites quant aux enseignements susceptibles d’être tirés de l’observation de dispositifs étrangers, afin notamment de ne pas porter de jugements hâtifs sur leur caractère plus ou moins performant.

2. Les précautions à prendre du fait de certaines limites des analyses comparatives

L’évaluation comparée de l’efficacité et de l’efficience en matière sociale est un exercice rigoureux, qui impose des précautions ayant trait :

– au choix des outils de mesure, les indicateurs étant nombreux et devant être interprétés avec prudence ;

– à l’interprétation des résultats, la chaîne causale entre une politique publique et des résultats étant difficile à établir ;

– à la formulation de conclusions ou de préconisations pour le décideur public, les bonnes performances observées étant parfois liées à des facteurs aux effets incertains, comme le facteur culturel.

a) La nécessaire prudence dans l’interprétation d’indicateurs en nombre croissant

Un premier constat s’agissant de l’évaluation des performances dans le domaine social peut être celui de la multiplicité des indicateurs, tant au niveau national qu’international.

Au niveau national, la recherche de politiques performantes s’est accompagnée par un développement croissant d’indicateurs, dont la nature et l’usage varient significativement.

Avec la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, appliquée pour la première fois en 2006, le budget de l’État est désormais accompagné de projets annuels de performance (Pap) fixant des objectifs, mesurés au moyen d’indicateurs précis et comportant des cibles de résultats à moyen terme. Ces annexes aux projets de loi de finances et leur pendant, les rapports annuels de performances (Rap), présentés en annexe des lois de règlement et qui rendent compte des résultats obtenus en expliquant les écarts par rapport aux prévisions, constituent la manifestation la plus importante de l’introduction de la mesure de la performance au cœur de l’action publique.

S’inscrivant dans une démarche analogue, des programmes de qualité et d’efficience (PQE) sont également annexés, depuis 2006, au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ils permettent de suivre les progrès réalisés par rapport aux objectifs définis, à travers plus de 170 indicateurs. Ces programmes constituent ainsi un outil structurant d’analyse de la performance des politiques de sécurité sociale.

Plus ponctuellement, des objectifs et des indicateurs sont également présentés à l’occasion de plans sectoriels, par exemple, les cent objectifs quinquennaux de santé publique, définis dans le cadre de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, ou le tableau de bord de la lutte contre la pauvreté, prévu par la loi du 1er décembre 2008, assorti d’une série d’indicateurs.

Enfin, au niveau national, des objectifs et des indicateurs figurent également dans les conventions d’objectifs et de gestion (Cog) conclues entre l’État et les caisses de sécurité sociale.

Ce nombre croissant d’indicateurs suscite des interrogations légitimes : Ces indicateurs sont-ils tous nécessaires ? Sont-ils robustes sur le plan statistique ? Le décideur public dispose-t-il des moyens et du temps pour les examiner ?

Lors de son audition, M. Laurent Caussat, sous-directeur des études et des prévisions financières à la direction de la sécurité sociale (DSS) (23), a admis que les indicateurs s’étaient multipliés ces dernières années, sans toujours correspondre à un réel besoin.

Face à cette grande diversité, il a estimé que les PQE participaient plutôt d’une démarche de rationalisation et de sélection, en reprenant pour la plupart des indicateurs éprouvés, y compris au niveau international.

Cette multiplication des indicateurs de performance s’observe aussi au niveau international, en particulier dans le domaine social, à la faveur des exercices de comparaison des performances réalisés par l’OCDE ou des instruments de convergence et d’apprentissage réciproque mis en place par l’Union européenne.

Dans le cadre de la « Moc sociale », déjà évoquée précédemment, le Comité de la protection sociale (24), lieu d’échanges entre la Commission européenne et les États membres, a institué un « sous-groupe indicateurs » (SGI) en vue de formuler et de définir des indicateurs harmonisés. Le SGI contribue à l’amélioration de la collecte de statistiques pertinentes, en particulier grâce à la réalisation de l’étude européenne sur le revenu et les conditions de vie (EU-Silc). De ce fait, il participe à une démarche d’harmonisation des indicateurs pour faciliter les comparaisons internationales.

Ces travaux n’aboutissent pas toujours à la réduction du nombre d’indicateurs. Par exemple, dans le cadre des travaux relatifs à la stratégie Europe 2020, il n’a pas été possible de définir un indicateur synthétique de la pauvreté en Europe, compte tenu, notamment, des spécificités nationales. Une définition tridimensionnelle a donc été retenue, fondée sur trois indicateurs communs (cf. infra).

Lors de son audition (25), Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), a souligné les grandes disparités politiques entre États membres, en dépit de la convergence des objectifs favorisée au niveau communautaire. Outre ces finalités politiques divergentes, elle a averti que d’autres précautions étaient nécessaires, compte tenu des singularités nationales et des acceptions différentes – bien qu’apparemment voisines – de certains concepts, chaque État membre souhaitant conserver ses propres définitions.

S’agissant de l’emploi des femmes – un objectif très suivi depuis la stratégie de Lisbonne définie en mars 2000, les performances française et britanniques paraissent semblables. En réalité, beaucoup de femmes considérées comme étant dans l’emploi au Royaume-Uni sont en réalité à temps partiel voire très partiel, aux Pays-Bas, par exemple. A l’extrême inverse, on observe traditionnellement en Allemagne une dualité très marquée entre les femmes qui travaillent et celles qui ont des enfants. Ces pays se sont donc opposés à la définition d’un taux d’emploi des femmes en équivalent temps plein.

Les chiffres et les concepts sont donc au cœur des débats politiques et sont aisément instrumentalisés.

Mme Monika Queisser et M. Stéphane Carcillo, économistes à la division des politiques sociales, au sein de la direction pour l’emploi, le travail et les affaires sociales de l’OCDE (26), ont aussi souligné que beaucoup de pays ont utilisé les prestations de handicap pour garantir les revenus des personnes sans emploi. Ainsi, le taux de chômage de la Norvège est significativement plus faible que celui de ses voisins européens, mais une partie du chômage est en réalité « masquée » par des statuts liés à l’incapacité. Outre les difficultés de comparaison internationale qu’elles induisent, ces politiques ont des effets que les deux experts ont qualifiés de « dramatiques » sur le niveau de pauvreté (cf. infra).

Lors de leur déplacement à Berlin, les rapporteurs ont également pu observer qu’une partie significative des personnes employées dans le cadre des « mini-jobs » en Allemagne (emplois de courte durée dont la rémunération mensuelle ne dépasse pas 400 euros ; sur ce point, voir la seconde partie du rapport) n’étaient pas comptabilisées dans les statistiques du chômage, ce qui peut être de nature à modifier sensiblement leur interprétation (27).

Un des enjeux de l’évaluation de la performance réside donc dans les outils utilisés. Trop synthétiques, les indicateurs ne permettent pas toujours une compréhension fine des politiques sociales et de leurs facteurs de performance. Trop nombreux, ils deviennent inexploitables pour le décideur public de haut niveau. Une différenciation et une hiérarchisation des indicateurs paraissent donc souhaitables.

De plus, leur examen ne saurait se substituer à des travaux d’analyse qualitative et approfondie des politiques considérées qui, seule, permet d’identifier les facteurs d’efficacité ou d’efficience et de saisir la réalité illustrée par les chiffres.

b) Les défis de la mesure de l’impact propre d’une politique publique, a fortiori en période de mutations économiques

Les comparaisons internationales se heurtent encore aux limites épistémologiques inhérentes à toute évaluation, en particulier les limites relatives à la mesure de l’impact (28) des politiques publiques, à l’imputabilité des résultats à une dépense publique donnée et à l’interprétation de l’impact observé.

Un premier enjeu consiste à identifier une chaîne causale et des responsabilités, comme l’a souligné M. Laurent Caussat, qui s’interrogeait (cf. supra) sur le responsable de l’évolution du pourcentage du nombre de bénéficiaires de l’AAH qui perçoivent une rémunération d’activité. De même, à quel acteur ou à quelle politique faut-il imputer une augmentation du taux d’emploi des seniors ?

En matière sociale, l’établissement du lien causal est rendu particulièrement ardu par la multiplicité des facteurs agissant sur le résultat attendu d’une politique donnée. Par exemple, la mesure de l’efficacité de la politique de l’emploi doit tenir compte du fait que toute réduction du taux de chômage est en partie due à la conjoncture et à d’autres politiques, comme la politique industrielle.

La multiplication des acteurs intervenant dans le champ social (État, caisses de Sécurité sociale, collectivités territoriales, secteur associatif…) renforce cette difficulté de l’imputabilité, de même que les profondes mutations économiques auxquelles chacun des pays européens étudiés fait face aujourd’hui, de façon différente : dans la crise actuelle, la détermination de l’impact en propre des différentes politiques de l’emploi est en effet malaisée. Selon les pays, atténuent-elles les effets de la crise ? Les renforcent-elles ? L’évaluation doit tenir compte du contexte macroéconomique propre à chaque pays. Un délai d’observation et d’analyse est de surcroît nécessaire pour évaluer l’impact en propre d’une politique sociale.

Ensuite, en dépit des progrès apportés par la Lolf, la mesure de l’efficience représente une deuxième difficulté, compte tenu des multiples formes de dépenses publiques (transferts financiers directs, prestations de service, exonérations fiscales etc.) dans le domaine social. En France, le quotient familial, par exemple, n’est pas considéré formellement comme une dépense sociale en faveur des familles, mais comme un mode de calcul consubstantiel à l’impôt sur le revenu favorisant l’équité horizontale. Ce mode de calcul est pourtant un élément clé de la politique familiale française.

Enfin, les phénomènes observés, lorsqu’ils sont restitués correctement par les analyses et les indicateurs, sont complexes et il revient au décideur politique de définir les objectifs à l’aune desquels l’impact d’une politique publique peut être jugé positif ou négatif. Ainsi, une politique peut être efficace dans l’ensemble mais être très discriminante socialement. Dès lors, peut-elle être qualifiée de performante ?

c) La question de la « transférabilité » et l’importance de la prise en compte des contextes socio-culturels

Les premières auditions du groupe de travail ont fait apparaître un troisième écueil possible concernant cette fois, non pas l’analyse, mais les enseignements susceptibles d’être tirés des études comparatives.

Le plus souvent, s’impose en effet, a minima, une adaptation nécessaire des dispositifs afin de pouvoir les mettre en œuvre dans un contexte différent, si tant est que ce soit envisageable. Par exemple, des actions publiques peuvent produire des résultats très positifs dans des pays de petite taille ou dont le nombre d’habitants est sensiblement inférieur, par exemple la Suède ou le Danemark, ou encore dans des États fédéraux ou très décentralisés, comme l’Allemagne et l’Espagne, mais s’avérer beaucoup moins adaptés dans des pays ayant des caractéristiques un peu différentes.

L’étude comparée des politiques publiques peut ainsi conduire à identifier des bonnes pratiques, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elles pourront être reproduites à l’identique en France.

À cet égard, il convient en particulier de prendre en compte les facteurs socio-culturels, qui peuvent par exemple contribuer à expliquer les différences entre la France et l’Allemagne en termes de recours à l’apprentissage ou encore d’acceptation sociale des mères qui travaillent, qui sont encore parfois surnommées les « mères corbeaux (29) » (« Rabenmutter »). L’étude réalisée par Sciences Po/CEE, Liepp et l’OFCE souligne ainsi que « le contexte socio-culturel est un facteur important qui peut freiner ou encourager l’accès des femmes au marché du travail », de même que « le poids des normes sociales sur les comportements de fécondité », qui peut être de nature à impacter sensiblement l’efficacité, au moins à court terme, des politiques de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Ces limites possibles des comparaisons internationales ainsi que l’importance des enjeux attachés à l’évaluation de la performance des politiques sociales doivent conduire à s’interroger sur les moyens de procéder à celle-ci.

3. La méthodologie retenue par le groupe de travail

Une méthodologie a été définie par les rapporteurs, en s’appuyant principalement sur l’identification des principaux objectifs et indicateurs sociaux au niveau européen, sur l’établissement d’une démarche évaluative ainsi que sur la mobilisation de plusieurs outils d’investigation.

a) L’identification préalable des principaux objectifs des politiques sociales et des indicateurs communs au niveau européen

Il résulte de la définition même de la performance d’une action publique que sa mesure dépend des objectifs lui ayant été assignés et auxquels pourront, le cas échéant, être associés des indicateurs. Évaluer la performance des politiques sociales suppose donc, dans un premier temps, de pouvoir recenser leurs principaux objectifs qui, en France, sont essentiellement ceux définis par :

– les programmes de qualité et d’efficience (PQE) annexés au PLFSS, concernant les politiques de sécurité sociale ;

– les projets annuels de performances (Pap) annexés au projet de loi de finances (PLF), concernant les missions budgétaires relevant du champ social ;

– les conventions d’objectifs et de gestion (Cog) entre l’État et les caisses nationales de sécurité sociale.

Importants pour éclairer l’analyse, ces objectifs ne constituaient cependant pas un point de départ possible pour évaluer la performance comparée de différentes politiques en Europe. En effet, un dispositif mis en œuvre dans un autre pays pourrait difficilement être qualifié de peu efficace ou performant, sous prétexte qu’il n’aurait pas atteint des objectifs qui ne lui auraient pas été fixés par les pouvoirs publics, au niveau national (30).

Il est donc apparu pertinent de privilégier les objectifs communs fixés au niveau européen pour fonder l’analyse comparative. L’adoption de la démarche de performance (« objectifs/résultats ») s’y est en effet traduite par :

– la définition d’objectifs, certes formulés en des termes assez généraux, et d’indicateurs communs dans le cadre de la méthode ouverte de coordination (Moc) en matière de protection et d’inclusion sociale, ainsi que dans le cadre de la Stratégie européenne pour l’emploi (SEE), qui vise à créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, à travers notamment des lignes directrices (31;

– surtout, l’adoption par les chefs d’État et de gouvernement, en mars 2000, de plusieurs objectifs chiffrés dans le cadre de la « Stratégie de Lisbonne », en particulier en matière d’emploi, à laquelle a succédé la stratégie « Europe 2020 » pour « une croissance intelligente, durable et inclusive », qui a été adoptée par le Conseil européen en juin 2010 et comporte cinq grands objectifs, dont deux concernent la lutte contre la pauvreté (cf. infra) et l’emploi.

Cette nouvelle stratégie fixe en particulier l’objectif de porter à 75 % le taux d’emploi de l’ensemble des hommes et des femmes âgés de 20 à 64 ans d’ici à 2020.

OBJECTIFS FIXÉS EN MATIÈRE D’EMPLOI À L’HORIZON 2010 DANS LE CADRE DE LA STRATÉGIE DE LISBONNE

Objet

Objectif chiffré

Conseil européen

L’un des trois objectifs chiffrés finaux (*)

Taux d’emploi

70 % de la population active (de 15 à 64 ans)

Lisbonne (mars 2000)

60 % concernant les femmes (de 15 à 64 ans)

L’un des objectifs intermédiaires (**)

Structures d’accueil subventionnées pour les enfants

(taux de couverture)

90 % pour les enfants de 3 ans jusqu’à l’âge de la scolarité obligatoire (32)

Barcelone (mars 2002)

33 % pour les enfants âgés de moins de 3 ans

(*)  Le Conseil européen a d’abord fixé trois objectifs chiffrés « finaux », entre 2000 et 2002, concernant les taux de croissance, d’emploi et d’émission de gaz à effet de serre, avant d’opérer un recentrage sur les deux premiers en 2005.

(**) Une dizaine d’objectifs « intermédiaires » ont également été identifiés, en vue d’atteindre les objectifs de croissance et d’emploi, concernant par exemple la recherche et l’éducation.

Source : tableau réalisé d’après le rapport de M. Laurent Cohen-Tanugi, Une stratégie européenne pour la mondialisation : rapport en vue de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (avril 2008)

Plusieurs indicateurs ont également été définis en commun pour mesurer les progrès atteints vers ces objectifs, concernant notamment l’emploi et le champ social, comme l’a rappelé Mme Anne Duthilleul (33), auteure d’un rapport au nom du Conseil économique, social et environnemental sur le suivi de la situation de la France au regard de ces indicateurs (34).

Les indicateurs de Lisbonne ou « indicateurs structurels »

Au Conseil européen de Lisbonne, en mars 2000, l’Union européenne s’est fixée pour objectif stratégique à l’horizon 2010 de « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Pour le suivi de la stratégie de Lisbonne, 42 indicateurs ont été définis concernant six domaines (contexte économique général, emploi, innovation et recherche, réforme économique, cohésion sociale et environnement). Parmi ceux-ci, une « liste restreinte » de 14 indicateurs a été fixée par le Conseil européen en décembre 2003 (voir la liste en annexe). Ces « indicateurs structurels » se rapportent aux trois piliers de la stratégie de Lisbonne (économique, social, environnemental) et mesurent la situation de chaque pays dans chacun des six domaines précités concourant à l’amélioration de la compétitivité européenne.

Pour évaluer la performance comparée des politiques sociales, il est donc apparu pertinent de chercher notamment à mesurer les résultats obtenus par les différents pays par rapport aux objectifs sur lesquels ils s’étaient accordés, au niveau européen, en particulier concernant l’emploi et la lutte contre la pauvreté.

b) La démarche de l’évaluation

Lors de son audition, M. Jean-Claude Barbier (35), sociologue, directeur de recherche au Centre d’économie de la Sorbonne (CNRS) et fondateur de la Société française de l’évaluation (SFE), a constaté une tendance à répéter ce qui a déjà été fait, y compris dans le domaine de l’évaluation, faute d’études bibliographiques, en estimant qu’il serait utile de recenser ce qui a déjà été produit sur un sujet et d’évaluer ce matériau. Selon son analyse, la valeur ajoutée d’une étude sur la performance des politiques sociales devrait résider dans sa capacité à montrer les limites, présenter des chiffres à jour, sélectionner l’information et traduire des études techniques en information utile pour le décideur.

En tout état de cause, il est apparu indispensable, en premier lieu, compte tenu du nombre de pays européens (36) et de l’ampleur des politiques publiques concernées – elles-mêmes constituées d’un ensemble de programmes et d’actions – et en vue notamment d’identifier de bonnes pratiques, de préciser le champ des investigations du groupe de travail (37) et d’approfondir l’analyse sur quelques politiques plus ciblées dans un nombre circonscrit de pays.

Le choix de ces thèmes d’étude a été défini en prenant tout d’abord en compte le champ et la structure des prestations sociales servies en France, présentées ci-dessous. Par ailleurs, certains thèmes ont été écartés, en raison notamment des travaux parlementaires récents ou en cours sur : la prise en charge de la dépendance (38), les retraites (39) – du fait également de l’adoption récente de la loi n° 2010-330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites –, la fraude sociale (40), ainsi que la politique de la ville et les sans-abris, compte tenu des travaux du CEC sur les quartiers défavorisés (41) et, en cours, sur l’hébergement d’urgence.

Il a également été tenu compte de la création, en janvier 2011, par la Conférence des Présidents d’une mission d’information sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale même si certains aspects de cette question seront évoqués dans le cadre du présent rapport, concernant par exemple le coût du travail ou le financement des politiques familiales. Enfin, au-delà des travaux parlementaires, l’évaluation récente de la performance des systèmes de santé par l’OCDE (42), dont les principales conclusions seront présentées plus loin, a conduit à écarter également la santé des thèmes d’étude possibles.

LA STRUCTURE DES PRESTATIONS SOCIALES EN FRANCE EN 2009

Source : Drees, Les comptes de la protection sociale en 2009, Études et résultats (février 2011)

En revanche, il est apparu intéressant d’approfondir l’analyse sur certaines des faiblesses de la France identifiées au cours du premier cycle d’auditions transversales menées par les rapporteurs, en particulier en matière d’emploi (cf. la section B ci-dessous relative au positionnement de la France en Europe). Au regard de l’ensemble de ces éléments, les rapporteurs ont choisi de porter leurs investigations sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi et sur deux politiques sociales à destination des familles (43).

En deuxième lieu, il est apparu important de prendre en compte les spécificités du secteur social, et notamment le fait que ces politiques sont mises en œuvre par de multiples acteurs, le rôle de l’État étant de fait sensiblement plus limité ou moins direct que dans d’autres domaines, compte tenu notamment des prérogatives des partenaires sociaux, mais aussi des associations ou des collectivités territoriales. Les questions relatives à la gouvernance locale des politiques ont donc également été intégrées dans le champ de l’évaluation.

Enfin, la démarche d’évaluation s’est notamment appuyée sur les principes de transparence et de pluralité, en prenant en compte, autant que possible, la diversité des points de vue des parties prenantes.

Concrètement, cette préoccupation s’est par exemple traduite par le souhait de s’intéresser aux enquêtes d’opinion auprès des bénéficiaires des politiques et aux mesures de la satisfaction des usagers, dans le cahier des charges prévu pour la réalisation de deux études complémentaires par des prestataires extérieurs.

Par ailleurs, le présent rapport s’attache, autant que possible, à justifier les partis pris méthodologiques et la démarche suivie, ainsi qu’à publier, en annexe, un certain nombre de données complémentaires sur lesquelles l’évaluation a pu s’appuyer.

Les principes de pluralité et de transparence dans l’évaluation des politiques publiques

Principe de pluralité : l’évaluation s’inscrit dans la triple logique du management public, de la démocratie et du débat scientifique. Elle prend en compte de façon raisonnée les différents intérêts en présence et recueille la diversité des points de vue pertinents sur l’action évaluée, qu’ils émanent d’acteurs, d’experts, ou de toute autre personne concernée. Cette prise en compte de la pluralité des points de vue se traduit, chaque fois que possible, par l’association des différentes parties prenantes concernées par l’action publique ou par tout autre moyen approprié.

Principe de transparence : la présentation des résultats d'une évaluation s’accompagne d’un exposé clair de son objet, de ses finalités, de ses destinataires, des questions posées, des méthodes employées et de leurs limites, ainsi que des arguments et critères qui conduisent à ces résultats. La diffusion publique des résultats d’une évaluation est souhaitable. Les règles de diffusion des résultats sont établies dès le départ. L’intégrité des résultats doit être respectée, quels que soient les modalités ou les supports de diffusion retenus.

Source : charte de l’évaluation des politiques publiques de la Société française de l’évaluation (SFE)

c) La mobilisation de plusieurs outils d’investigation et d’évaluation

Afin de multiplier et recouper les sources d’information, en cherchant notamment à ne pas se limiter aux données et travaux réalisés par des organisations internationales, telles que l’OCDE, comme y a invité M. Claude Martin, sociologue (44), plusieurs outils d’investigation ont été mobilisés :

– des cycles d’auditions pour chaque thématique retenue, entre le 18 janvier et le 26 octobre 2011, qui ont notamment permis d’entendre des experts, des responsables administratifs ainsi que différentes parties prenantes des politiques concernées, dans le cadre notamment de tables rondes avec les organisations syndicales de salariés, avec plusieurs associations et organismes représentant ou intervenant auprès des familles ou des plus démunis (45) ;

– des déplacements à Bruxelles (6 juin 2011), Stockholm (13 et 14 juin 2011), Londres (18 et 19 juillet 2011) et Berlin (6 et 7 novembre 2011) ;

– une revue de la littérature et des principales ressources documentaires et statistiques disponibles, notamment produites par Eurostat et l’OCDE ;

– l’envoi d’un questionnaire aux missions diplomatiques dans quinze pays européens (46), dont les réponses sont présentées en annexe ;

– l’envoi d’un questionnaire aux parlements de ces pays, pour les aspects plus spécifiquement parlementaires, dont les réponses sont présentées en annexe ;

– le recours à des expertises extérieures, avec l’accord du CEC, après mise en concurrence sur appel d’offres, les prestataires retenus ayant remis, en octobre 2011, leurs études comparées sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi, d’une part, et sur deux politiques sociales en direction des familles, d’autre part, dans cinq pays européens ;

– l’organisation, le 3 novembre 2011, d’un séminaire de travail, ouvert aux membres du CEC, au cours duquel a été présentée l’étude réalisée par Sciences Po/CEE-Liepp et l’OFCE, concernant les politiques d’articulation entre vie familiale et vie professionnelle ainsi que les politiques en direction des familles monoparentales, en présence de différents experts (économistes, sociologues, etc.), en vue notamment de permettre la confrontation des points de vue.

B.– L’ANALYSE DU POSITIONNEMENT DE LA FRANCE EN EUROPE AU REGARD DES PRINCIPAUX INDICATEURS SOCIAUX ET DES ÉVALUATIONS RÉALISÉES

Concernant les politiques sociales en France et en Europe, quels sont les principaux résultats obtenus au regard des objectifs qui leur sont assignés et aux moyens mis en œuvre ? Quelles singularités du modèle social français cet exercice de « benchmarking » permet-il de mettre en lumière ?

Cette analyse, nécessairement globale et donc parcellaire, peut néanmoins s’appuyer sur les évaluations déjà réalisées ainsi que sur l’analyse des principaux indicateurs sociaux, en particulier en matière de lutte contre la pauvreté, mais aussi dans d’autres domaines, par exemple la santé. Il apparaît ainsi que la France se caractérise notamment par l’importance des moyens alloués au système de protection sociale, mais aussi par le caractère très redistributif de celui-ci.

1. Un niveau de dépenses sociales particulièrement élevé

Pour les comparaisons internationales, l’indicateur le plus souvent utilisé est le montant des dépenses sociales, le cas échéant ventilé selon la nature des risques, rapporté au produit intérieur brut (PIB). La définition et le périmètre des dépenses sociales peuvent toutefois différer sensiblement selon les organisations internationales et les pays.

Ainsi, les dépenses sociales sont considérées comme publiques par l’OCDE lorsque les administrations centrales, les organismes de sécurité sociale ou les collectivités locales gèrent les flux financiers correspondants (47). Les dépenses sociales correspondent alors à l’ensemble des ressources allouées par les pouvoirs publics pour les retraites, la santé et les prestations d’aide sociale.

En revanche, pour Eurostat et l’Insee (48), les dépenses de protection sociale comprennent la fourniture de prestations sociales, qui représentent l’essentiel, ainsi que les coûts administratifs et d’autres dépenses, par exemple les intérêts payés aux banques. Ceci explique qu’il puisse y avoir parfois des divergences entre les chiffres avancés concernant la part des dépenses sociales dans le PIB en France.

En tout état de cause, par rapport à la moyenne des pays européens, la France se distingue à la fois par le niveau et par la progression des dépenses, qui apparaissent sensiblement supérieurs à la moyenne européenne.

a) Un effort financier important en faveur de la protection sociale correspondant en grande partie, comme dans d’autres pays, aux pensions et à la santé

Si la part de la richesse nationale consacrée au système de protection sociale apparaît sensiblement plus importante en France, la structure des dépenses sociales est en revanche très proche de la moyenne européenne.

● Le niveau des dépenses sociales par rapport aux autres pays

En France, la part des prestations sociales dans la dépense publique n’a cessé de croître au cours des cinquante dernières années, comme l’illustre le graphique ci-après. En 2010, les dépenses consolidées des administrations publiques, qui s’élevaient à 1 094,5 milliards d’euros, soit 56,6 % du PIB, se composaient ainsi pour près de 45,3 % de prestations sociales (49).

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN FRANCE DEPUIS 1960

(en pourcentage du PIB)











Source : Insee, calculs de la direction du trésor

Représentant près de 31 % du PIB en 2008, les dépenses de protection sociale en France étaient les plus élevées au sein de l’Union européenne, dont la moyenne était de 26,4 % en 2008.

La situation de la France se rapproche ainsi, mais au-dessus, de celles du Danemark, de la Suède, des Pays-Bas, de la Belgique et de l’Autriche, qui consacrent également près de 30 % de la richesse nationale à leur système social.

dÉpenses de protection sociale en France et en europe en 2008

(en pourcentage du PIB)

Source : Eurostat, Statistics in focus (avril 2011)

● La ventilation des dépenses sociales par rapport aux autres pays

En France, comme en Europe, les dépenses liées à la vieillesse et à la santé représentent les trois quarts des prestations sociales, ainsi que l’indique le tableau ci-dessous. Les autres types de prestations représentent des proportions plus faibles et sont très variables selon les pays.

RÉPARTITION DES PRESTATIONS SOCIALES PAR GROUPE DE FONCTIONS EN 2008

(en pourcentage du total des prestations, en parité de pouvoir d’achat et en pourcentage du PIB)

 

Moyenne de l’UE

France

Allemagne

Suède

Royaume-Uni

Pays-Bas

Répartition des prestations sociales par principaux groupes de fonctions (en pourcentage du total de prestations) :

           

Vieillesse, survie

45,4

45,8

43,0

41,8

39,7

39,9

Maladie, soins de santé

29,7

29,8

30,5

26,0

33,3

32,8

Invalidité

8,1

6,0

7,8

15,1

11,0

8,8

Famille, enfants

8,3

8,4

10,6

10,4

7,3

6,6

Chômage

5,2

5,8

5,4

3,0

2,5

3,8

Logement, exclusion sociale

3,4

4,2

2,8

3,7

6,1

8,0

Dépense moyenne par habitant (en parité de pouvoir d’achat)

100

126

121

137

104

145

Dépenses totales de protection sociale (en pourcentage du PIB)

26,4

30,8

27,8

29,4

23,7

28,4

Source : tableau réalisé d’après les données d’Eurostat (base Sespros)

La structure des prestations sociales en France apparaît ainsi très proche de la moyenne européenne, même si les dépenses liées au chômage, à la vieillesse, au logement et à l’exclusion sociale sont proportionnellement plus élevées, de même que, dans une moindre mesure, pour la maladie et la famille. En revanche, les dépenses liées à l’invalidité sont relativement plus faibles que dans d’autres pays européens.

Au-delà de l’Europe, les prestations liées aux pensions et à la santé représentent également une part prépondérante des dépenses publiques sociales dans l’ensemble des pays de l’OCDE, la France se situant également en première position, avec des dépenses représentant 28 % du PIB (50), contre une moyenne de 19 % (cf. le graphique présenté ci-dessous).

DÉPENSES SOCIALES PUBLIQUES PAR GRANDS DOMAINES EN 2007

(en pourcentage du PIB)

Source : OCDE, Panorama de la société 2011. Les indicateurs sociaux (juillet 2011), éléments présentés au groupe de travail lors de l’audition de Mme Monika Queisser, le 15 février 2011

Cette situation s’explique notamment par les principaux déterminants économiques et sociaux de la dépense publique, en particulier le vieillissement de la population, la hausse du niveau de vie et le progrès technique.

Outre les facteurs spontanés d’évolution de la dépense, tels que la conjoncture économique (par exemple, un épisode de crise s’accompagne mécaniquement d’une hausse des dépenses d’aide sociale), plusieurs facteurs structurels influent en effet à long terme sur le montant et la composition des dépenses sociales. En particulier, le vieillissement de la population entraîne une hausse des dépenses de retraite, du fait de la dégradation du ratio de dépendance économique (51), mais aussi au titre des dépenses de santé et de la prise en charge de la dépendance. Outre l’allongement de l’espérance de vie, la progression des dépenses de santé est également liée à d’autres évolutions, au demeurant positives, telles que l’élévation du niveau de vie et le progrès technique et médical.

Mais l’importance de cet effort financier traduit également en partie un choix de société, lié à la forte socialisation de ce type de dépenses et à l’objectif de redistribution associé à des transferts sociaux significatifs. De fait, il apparaît en effet que les inégalités de revenus (après transferts) sont plus faibles dans les pays dont les dépenses sociales sont plus élevées.

COEFFICIENT DE GINI (52) DE L’INÉGALITÉ DE REVENUS ET DÉPENSES SOCIALES EN 2007 : LES PAYS À FORTES DÉPENSES SOCIALES ONT UNE PLUS FAIBLE INÉGALITÉ DE REVENUS

(dépenses sociales publiques en pourcentage du PIB)

Source : OCDE, ibid. (juillet 2011)

b) Une progression des dépenses au cours des dernières décennies, qui apparaît supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE

En France, la dynamique des dépenses sociales est portée notamment par les postes correspondant à la retraite et à la santé, en partie pour les raisons évoquées plus haut. Il n’en reste pas moins que, dans d’autres pays européens confrontés à des enjeux analogues de long terme, la progression des dépenses a été sensiblement moins marquée, ainsi que l’indique le graphique ci-après.

RÉPARTITION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN 2009 ET DE LA HAUSSE PRÉVISIONNELLE ANUELLE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

APUC : administrations publiques centrales ; APUL : administrations publiques locales ASSO : organismes de sécurité sociale

Source : direction générale du trésor, Rapport sur la dépense publique et son évolution, annexé au projet de loi de finances pour 2011 (septembre 2010)

Les dépenses sociales ont ainsi augmenté en France de 6,1 points de PIB entre 1982 et 2007, contre 2,5 points en moyenne dans les pays de l’OCDE sur la même période.

La progression des dépenses sociales en France contraste par ailleurs avec celle du groupe de pays qui se caractérisent, comme elle, par un niveau élevé de dépenses publiques, en particulier la Suède, l’Allemagne et le Danemark, dont l’évolution a été plus contenue, voire en diminution dans le cas de la Suède par exemple (cf. le second graphique présenté ci-après). En particulier, la diminution de la part des prestations sociales dans le PIB, entre 2003 et 2008, a atteint 0,8 points en Finlande, 1,7 points au Danemark, et 2,8 points en Suède (53).

ÉVOLUTION DES DÉPENSES SOCIALES PUBLIQUES ENTRE 2007 ET 1982 OU L’ANNÉE DISPONIBLE LA MOINS RÉCENTE

(en points de produit intérieur brut, PIB)

Source : OCDE (éléments présentés lors de l’audition de Mme Monika Queisser, chef de la division des politiques sociales, le 15 février 2011)

ÉVOLUTION DES DÉPENSES SOCIALES PUBLIQUES DANS CERTAINS PAYS DE L’OCDE DEPUIS 30 ANS

(en pourcentage du PIB)

Source : OCDE (éléments présentés lors de l’audition de Mme Monika Queisser chef de la division des politiques sociales, le 15 février 2011)

Enfin, plusieurs éléments doivent être pris en compte pour compléter l’analyse comparative des dépenses sociales en France et en Europe :

– tout d’abord, comme l’a notamment souligné M. Laurent Caussat (54), sous-directeur des études et des prévisions financières à la Direction de la sécurité sociale (DSS), les prestations sociales sont l’outil principal de la redistribution en France, où le levier fiscal est beaucoup moins mobilisé que dans certains autres pays, dans la mesure où les impôts directs n’assureraient que 30 % de la redistribution ;

– par ailleurs, lorsqu’elle est exprimée en parité ou standards de pouvoir d’achat (55) (SPA) par habitant, et non par rapport au PIB, la dépense sociale de la France apparaît certes élevée, mais au sixième rang des pays européens, derrière le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et l’Autriche (56). Exprimé dans cette unité, le niveau de dépenses de protection sociale de la France (8 310 en SPA par habitant) n’apparaît pas aussi significativement supérieur à la moyenne des seize pays de la zone euro (8 108 en SPA par habitant), qu’il ne l’est en rapportant ces mêmes dépenses sociales au PIB.

En tout état de cause, l’importance de cet effort de la Nation en faveur du système de protection sociale doit conduire à s’interroger sur les principaux résultats obtenus grâce à ces transferts monétaires, en particulier en matière de lutte contre la pauvreté.

2. Une comparaison faisant apparaître plusieurs points forts du modèle social français mais aussi des résultats plus contrastés

a) Une revue des principales évaluations : forces et faiblesses du modèle français

Les travaux permettant une comparaison des performances sociales entre la France et ses voisins européens sont relativement nombreux. Les organisations internationales ont notamment pour objectif la comparaison internationale et l’échange de bonnes pratiques, de façon plus ou moins contraignante, sur la base de ces études réciproques.

Les économistes de l’OCDE produisent des comparaisons internationales de qualité, consacrées de façon croissante aux enjeux sociaux : l’éducation, la santé, le financement des systèmes de protection sociale, les retraites, les inégalités, la mesure du bien-être etc. (57) Depuis les années 2000, plusieurs rapports conjoints ont également été produits dans le cadre de la méthode ouverte de coordination (Moc) dans le domaine de la protection sociale (58). Enfin, d’autres organisations à l’échelle mondiale comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (59), l’Organisation internationale du travail (OIT) (60) et le Fonds monétaire international (FMI) financent des travaux de recherche ou communiquent des données à cette fin (61). Les travaux des corps d’inspection (Inspection générale des finances, Inspection générale des affaires sociales), de la Cour des comptes doivent également être signalés. (62) Les comparaisons régionales, c’est-à-dire dans la zone OCDE ou au niveau communautaire, sont toutefois plus pertinentes pour la présente étude.

Dans son Panorama de la société, une publication annuelle, l’OCDE propose un tableau de bord synthétique évaluant les performances respectives des pays membres sur la base d’indicateurs de la situation sociale. Un extrait de l’édition de 2011 est présentée infra et témoigne des performances intermédiaires de la France.

D’après les publications de l’OCDE et de l’Union européenne, quelques points forts du modèle français font toutefois consensus par rapport à l’ensemble des pays européens :

● Le dynamisme démographique – Après l’Irlande et l’Islande, avec près de 2 enfants par femme, la France a le taux de fécondité le plus élevé des pays européens et le 9e de l’OCDE. La moyenne de l’OCDE est de 1,74 enfants par femme. (63)

● L’espérance de vie en retraite – Avec un âge officiel de départ à la retraite bas et la 2e espérance de vie la plus élevée dans l'OCDE, les femmes françaises peuvent s'attendre à profiter de 26,5 années à la retraite, la quatrième plus longue période de l'OCDE. Les hommes français peuvent s’attendre à vivre 21,8 années à la retraite, la troisième plus longue durée de l'OCDE. (64)

● La redistribution et la lutte contre la pauvreté – Les inégalités de revenus et la pauvreté (après impôts et transferts) restent plus faibles en France qu’en moyenne dans l’OCDE. Le rapport entre le revenu moyen des 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches est de 1 à 7 en France contre une moyenne OCDE de 1 à 9, et 7,2 % de la population vit en dessous du seuil de 50 % du revenu équivalent médian en France contre une moyenne OCDE de 11,1 %. (65)

● La santé – La France fait partie des pays de l’OCDE (7place), et en particulier de l’Europe (4place) où l’espérance de vie à la naissance est la plus forte, ce qui témoigne de l’efficacité de son système de santé (66) (cf. infra). La France est également au-dessus de la moyenne des pays de l’Union européenne (EU 27) s’agissant de l’espérance de vie en bonne santé pour les femmes avec 63,2 ans (62,5 ans pour les hommes) contre 61,6 (60,9 ans pour les hommes) pour la moyenne de l’Union (67) en 2009 mais elle atteint seulement la 11e place après la Suède, Malte, la Norvège ou encore le Royaume-Uni.

*

En revanche, compte tenu du niveau des dépenses sociales françaises, certaines performances moindres suscitent des interrogations.

● La population active – En 2009, la France était à la 20e place des pays de l’OCDE, avec un taux d’emploi en pourcentage de la population de 15 à 64 ans de 64,1 %, en dessous de la moyenne OCDE à 66,1 %. (68)

● Le financement du système de retraite – Le dernier rapport conjoint de la « Moc Pensions » de 2010 (69) estimait que le système français garantissait efficacement le maintien du niveau de vie des personnes retraitées et notait que le taux de pauvreté des seniors était bien inférieur à la moyenne des pays de l’Union (11 % contre 19 %). Cependant, l’âge moyen de départ à la retraite en 2008 (59,3 ans) était le plus bas de l’Union européenne à 27. La soutenabilité de long terme du système de retraite français compte tenu du vieillissement de la population était évaluée « moyennement risquée » par les institutions européennes, au regard de la réforme de 2003. Depuis cette publication, la Commission européenne note que la dernière réforme des retraites votée en novembre 2010 « vise principalement à équilibrer les comptes du système de retraite d’ici à 2020 (qui redeviendrait néanmoins déficitaire par la suite » La Commission ajoute que « la réforme […] comprend un relèvement progressif de l’âge minimal de départ à la retraite (de 60 à 62 ans), dont l’effet cumulé représentera 1 % du PIB en 2020. » (70) En 2009, conformément aux recommandations de l’OCDE et de l’Union européenne, le taux d’emploi des seniors est en augmentation (38,9 % des personnes âgées de 55 à 64 ans) mais reste particulièrement faible par rapport à la moyenne européenne (46,0 %) et à l’objectif de Lisbonne de 50 %. Les dépenses de retraite françaises demeurent en troisième position dans le classement 2009 (avec 14,5 % du PIB) (71).

● L’éducation scolaire – La France atteint tout juste la moyenne des pays de l’OCDE avec un score moyen au test PISA (72) pour les compétences en lecture de 496 points contre 539 pour la Corée (2009). À l’occasion de la parution de l’édition 2011 de Regards sur l’éduction, l’Organisation estime que « la France a rattrapé le retard qu’elle pouvait déplorer ces dernières décennies en matière de niveau d’éducation atteint par sa population. […] Cependant depuis 1995, de sérieux signes de ralentissements sont observés aussi bien dans les taux de scolarisation […] que dans l’investissement financier dans l’enseignement primaire et secondaire. » (73)

● La confiance et la cohésion sociale – Bien que ces indicateurs ne mesurent pas la performance de politiques sociales en tant que telles, il faut souligner le faible niveau de confiance manifesté par les Français vis-à-vis d’autrui et vis-à-vis des institutions nationales, qui va de pair avec le constat de l’Organisation sur les comportements « pro-social » et « anti-social » en France (74) : seulement 31 % des français ont consacré du temps au volontariat, au don d’argent et à l’aide d’autrui le mois précédent leur réponse (2010), la moyenne OCDE étant de 39 %.

Enfin, le Rapport conjoint sur la protection sociale et l’inclusion sociale de 2009 élaboré au sein du Comité de la protection sociale de l’UE a essayé de conclure de façon synthétique sur les défis que la France paraissait devoir relever en matière sociale :

« – Promouvoir l'inclusion active, en particulier l'accès et le retour durable sur le marché du travail des personnes qui en sont le plus éloignées, avec une attention particulière pour l'intégration effective, professionnelle et socio-économique, des jeunes et des minorités visibles, également dans un souci de cohésion territoriale.

– Résorber la crise du logement, notamment dans les zones urbaines les plus exposées.

– Assurer l'adéquation des pensions et leur viabilité financière en renforçant les mesures favorables à l'emploi des seniors.

Consolider la viabilité financière du système de santé par un approfondissement des réformes visant à assurer une meilleure coordination et rationalisation du parcours de soins tout en préservant un large accès et corrigeant les disparités géographiques.

− Pour les soins de longue durée, assurer une coordination des différents acteurs du financement, afin de garantir la solvabilité à long terme du système et réduire le reste à charge pour les personnes, assurant ainsi une meilleure égalité d'accès. » (75)

APERÇU RÉCAPITULATIF DE LA SITUATION SOCIALE DANS LES PAYS DE L’OCDE

 

Indicateur du contexte général

Indicateurs

Indicateurs relatifs à l’équité

Indicateurs de santé

Indicateurs de cohésion sociale

 

Revenu médian équivalent des ménages en USD convertis à l’aide des PPA

Taux d’emploi de la population âge de 15 à 64 ans

Taux de chômage de la population âge de 15 à 64 ans

Performances moyennes (PISA) sur l’échelle des compétences

Coefficient de Gini des inégalités de revenus

Taux de pauvreté

% des personnes qui trouvent difficile ou très difficile de vivre avec leur revenu actuel

% du salaire brut moyen nécessaire pour dépasser le seuil de pauvreté de 60 % du revenu médian pour un parent seul avec 2 enfants

Espérance de vie à la naissance

Mortalité infantile

Taux d’expériences positives

Pourcentage de personnes satisfaites de la qualité

Part de la population exprimant un niveau de confiance élevé dans autrui

Indice de corruption

Indice de comportement pro-social

Taux de participation à la dernière élection

Tolérance de la communauté envers les groupes minoritaires

 

2007

2009

2009

2009

2007/
2008

2007/
2008

2010

2009

2008

2008

2009

2009

2007/08

2010

2010

2009 ou + récent

2010

Autriche

Belgique

Danemark

Espagne

 

Estonie

Finlande

France

Allemagne

Grèce

Hongrie

Islande

Irlande

Italie

 

Luxembourg

Norvège

Pays-Bas

Pologne

Portugal

République slovaque

République tchèque

Royaume-Uni

Slovénie

Suède

Suisse

Turquie

Source : Compilation des indicateurs sociaux de l’OCDE dans Panorama de la société 2011(www.oecd.org/els/social/indicateursSAG).

Nota : un point indique que le pays est classé dans les deux déciles supérieurs, un rectangle dans les deux déciles inférieurs et un triangle dans les six déciles intermédiaires.

b) La performance du système de santé français comparée aux autres pays : l’exemple de l’évaluation réalisée par l’OCDE en 2010

La brève revue des travaux de comparaison internationale réalisée supra montre que les résultats de la France semblent très positifs dans le domaine de la santé, au regard de l’indicateur de l’espérance de vie à la naissance. Toutefois, une évaluation de la performance suppose l’examen d’autres indicateurs qualitatifs et appelle également une analyse en termes d’efficience, c’est-à-dire un examen du rapport coût – efficacité. Compte tenu de la publication d’un rapport récent du département des affaires économiques de l’OCDE intitulé Améliorer le rapport coût-efficacité des systèmes de santé (2010), le groupe de travail a entendu sur ce sujet Mme Isabelle Joumard, économiste principale, et M. Peter Hoeller, chef de la division d’économie publique à l’OCDE (76).

Selon les deux économistes, le rapport de 2010 s’inscrit dans une démarche plus générale, initiée en 2003 par le secrétariat général de l’OCDE, pour mesurer l’efficacité de la dépense publique. L’OMS avait déjà réalisé une première analyse en termes d’efficacité, en 2000, dans laquelle la France apparaissait comme disposant du système sanitaire le plus efficace. Si le rapport de l’OCDE confirme globalement les très bonnes performances françaises, il identifie cependant des marges de progrès possibles en termes d’efficience.

En premier lieu, l’analyse des deux intervenants s’est attachée aux indicateurs de résultats finaux et de dépenses. Les indicateurs d’état de santé sont plutôt satisfaisants en France : au 8e rang pour l’espérance de vie à la naissance des femmes, la France est en 2e position pour l’espérance de vie à 65 ans des femmes, juste après le Japon. Surtout, la France est le pays au monde où la mortalité évitable (77) est la plus faible.

D’autres indicateurs plus qualitatifs portent sur la qualité des soins, comme celui qui mesure les hospitalisations évitables. Par exemple, dans un système de santé globalement efficace, peu de gens devraient normalement se rendre à l’hôpital parce qu’ils ont une crise d’asthme. Mais les écarts dépendent beaucoup des pays et des pathologies : la France est plutôt bien classée pour l’asthme, par exemple, ainsi que pour les autres maladies pulmonaires, mais beaucoup moins bien pour les insuffisances cardiaques. Des indicateurs relatifs à la satisfaction des patients ont aussi été présentés mais doivent être interprétés avec précaution : les Japonais, par exemple, sont peu satisfaits de leur système de santé, alors même que leurs indicateurs d’état de santé sont parmi les plus satisfaisants.

Mme Isabelle Joumard a souligné que la relève de la génération actuelle des médecins, en particulier des généralistes, était un sujet de préoccupation. D’après les deux experts, si le nombre de médecins généralistes en exercice par habitant est dans la moyenne de l’OCDE (3,4 ‰), le nombre de diplômés en médecine pour 100 000 habitants en 2007 était le plus faible de l’OCDE.

En second lieu, des techniques économétriques ont été utilisées pour approcher l’impact en propre des politiques de santé. L’état de santé est en effet aussi dû à l’éducation, au niveau de revenu ou encore à la pollution.

D’après ces travaux, plusieurs marges de progression ont été identifiées :

● Les inégalités – La France se situe au-dessus de la moyenne de l’OCDE, en termes d’efficacité, mais en dessous pour l’équité La France fait partie des pays de l’OCDE où les inégalités d’état de santé sont les plus fortes (cf. graphique infra).

La coordination des soins – Les soins de long séjour sont plus importants en France que dans les autres pays, ce qui justifie les efforts mis en œuvre en faveur de la coordination des soins.

● Les frais administratifs – La France fait partie des pays les plus inefficaces pour les frais administratifs (coûts de collecte des recettes, de fonctionnement, cf. graphique infra). Elle est proche des États-Unis qui, comme l’a rappelé Mme Joumard, ont un système d’assurance privée fragmenté. La fragmentation du système français paraît donc être une piste de réflexion. De ce point de vue, les pays les plus performants sont ceux dans lesquels les politiques sociales sont financées par la fiscalité, en raison de coûts de collecte des recettes moindre.

INÉGALITÉS CONCERNANT L’ÉTAT DE SANTÉ (2008) (78)

(Indice d’inégalité mesuré par l’écart-type
des âges de mortalité pour la population âgée de plus de 10 ans)

Source : Human Mortality Database, Université de Californie, Berkeley, USA

DÉPENSES ADMINISTRATIVES (2008) (79)

(en pourcentage des dépenses totales)

Source : ECO-Santé, OCDE 2010

D’après les calculs des économistes de l’OCDE, la France pourrait économiser 1,3 % du PIB sur une période de dix ans en étant plus efficiente, la moyenne de l’OCDE étant de 2 %. Pour cela ils estiment que des gains d’efficience sont notamment possibles à l’hôpital, en réduisant les coûts de gestion et en améliorant la coordination des soins.

ÉCONOMIES POTENTIELLES DUES À UNE PLUS GRANDE EFFICIENCE DES DÉPENSES DE SANTÉ D’APRÈS L’OCDE

(en pourcentage du PIB projeté en 2017)

Source : OCDE 2010, “Améliorer le rapport coût-efficacité des systèmes de santé”, OCDE Département des Affaires Économiques, Note de politique économique, n° 2.

Les deux experts ont également insisté sur l’économie politique des réformes pouvant être mises en œuvre, autrement dit les facteurs de réussite de celles-ci (80). Leurs travaux montrent en effet qu’il n’y a pas un modèle unique à suivre, mais des groupes de pays ayant des institutions semblables. La cohérence doit primer, et à cet égard l’expérience des pairs comparables est utile. La France gagnerait notamment à se comparer avec le Canada, la Belgique, ainsi qu’avec l’Australie, où une réforme sur le financement des hôpitaux était en débat début 2011.

c) Des faiblesses en matière d’emploi par rapport à d’autres pays et aux objectifs européens

Si la France paraît avoir des résultats relativement satisfaisants en matière de santé, l’emploi apparaît en revanche comme un point faible du modèle français. Ce constat a été repris par la plupart des personnes entendues au début des travaux du groupe de travail.

ÉVOLUTION DU TAUX DE CHÔMAGE EN FRANCE (2005-2010)

Source : OCDE

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d’orientation pour l’emploi (81), a rappelé qu’une période de forte décrue du chômage avait précédé la crise de 2008, puisque le taux de chômage avait atteint un minimum historique de 7,4 %, taux le plus bas observé depuis 25 ans. Un relatif consensus semblait alors établi sur la nécessité de dynamiser la création d’emploi, de sécuriser les parcours professionnels et d’augmenter les taux d’emploi, en remettant en cause les dispositifs « malthusiens » (82) comme les préretraites. La crise a cependant entraîné une hausse rapide du chômage dès 2008 et un allongement de la durée moyenne du chômage à partir de 2009, nécessitant l’adoption de mesures conjoncturelles.

Toutefois, l’observation de l’évolution du taux d’emploi sur une plus longue période suggère des difficultés plus structurelles. Bien que le taux d’emploi (83) ait augmenté – de 60,9 % en 1999, selon Eurostat, il a atteint son maximum en 2008 avec 64,8 % – la France n’est jamais parvenue à atteindre l’objectif de la stratégie de Lisbonne en matière de taux d’emploi (70 %). La Commission européenne a rappelé très récemment qu’en France « les niveaux enregistrés pour les travailleurs les plus jeunes et les plus âgés restent inférieurs à la moyenne de l’Union européenne et de la zone euro (surtout parmi les 60-64 ans). Dans l’ensemble, le taux d’emploi (69,2 % en 2010) est légèrement supérieur à la moyenne de la zone euro et de l’Union européenne mais reste bien loin de l’objectif de 75 % fixé dans la stratégie “ Europe 2020 ” » (84).

Selon les Perspectives de l’emploi 2011 de l’OCDE, la France devrait aujourd’hui s’attacher à certains défis structurels relatifs au marché du travail.

Les défis de la France sur le fonctionnement du marché du travail

En France, les taux d’emploi des jeunes (15-24 ans) et des seniors (55-64 ans) sont relativement faibles. Au premier trimestre 2011, le taux d’emploi des jeunes atteignait 29 %, sensiblement moins que la moyenne OCDE (38 %). Le taux d’emploi des seniors en France s’est bien maintenu pendant la crise et a même progressé de 2,4 points de pourcentage entre les premiers trimestres 2008 et 2011. Cependant, il reste significativement en dessous de la moyenne OCDE (40 % en France au premier trimestre 2011 contre 54 % en moyenne OCDE).

La différentiation marquée entre contrats temporaires et permanents en France pourrait accroître la fragilité financière des travailleurs qui ont moins de sécurité d’emploi. Une nouvelle analyse de l’OCDE sur la volatilité des gains dans les Perspectives de l’emploi 2011 montre qu’en comparaison des travailleurs permanents, les travailleurs temporaires, même ceux qui travaillent à temps complet, sont plus susceptibles de connaître de fortes variations de leurs gains d’une année à l’autre.

Près de la moitié des travailleurs en France estime que leurs qualifications sont sous-utilisées. Une analyse de l’OCDE sur l’adéquation des qualifications sur le marché du travail dans les Perspectives de l’emploi 2011 a montré qu’environ 45 % des travailleurs en France estiment que leurs qualifications sont sous-utilisées dans leur emploi actuel, ce qui est nettement plus qu’en moyenne dans les pays de l’OCDE (autour de 35 %). Ce résultat doit être repris avec prudence car il repose sur la déclaration des individus, subjective par définition. Une estimation de l’inadéquation des qualifications faite en comparant le niveau d’éducation formelle des travailleurs à celui requis par leur catégorie socioprofessionnelle indique qu’environ 20 % des travailleurs en France sont surqualifiés, ce qui est inférieur à la moyenne OCDE (autour de 25 %).

Source : Perspectives de l’emploi, OCDE, 2011

La Commission européenne estime qu’ « en ce qui concerne les jeunes travailleurs, la faiblesse du taux d’emploi est liée aux taux de chômage élevés (surtout des jeunes peu qualifiés), qui s’expliquent en partie par le niveau du salaire minimum et l’absence (depuis des années) de liens forts entre les établissements d’enseignement et les entreprises. 

Mme Marie-Claire Carrère-Gée a confirmé que le marché du travail français se caractérisait par une forte dualisation. Les difficultés se concentrent sur certains publics : les familles monoparentales, les moins qualifiés, les jeunes, les immigrés et les Français issus de l’immigration, qui parviennent difficilement à s’extraire d’emplois de moindre qualité. Les autres publics accèdent à des emplois plus stables, avec des conditions de travail plus satisfaisantes, mais toutefois peu de perspectives d’évolution.

Auteur de nombreux travaux sur la qualité de l’emploi, Mme Christine Ehrel, chercheur au Centre d’études pour l’emploi (CEE) (85) a également souligné la position moyenne de la France par rapport à ses voisins européens, au regard des quatre dimensions principales de la qualité de l’emploi que sont la sécurité socio-économique, l’accès à la formation, les conditions de travail ainsi que les inégalités de genre et les difficultés à concilier travail et vie familiale. Sur la base d’un indicateur synthétique de qualité de l’emploi, la France obtient des résultats moindres, avec un indice de 1,1, que la Suède (2,1), l’Irlande (1,6), la République Tchèque (1,3) ou la Belgique (1,25). (86) Mme Christine Erhel a ajouté que la crise avait accentué la destruction d’emplois médians, sauf en Allemagne où des emplois de qualité intermédiaire sont créés par le dynamisme industriel. La France se caractérise, selon Mme Ehrel, par la difficulté que représentent les transitions.

M. Jérôme Vignon (87), a conclu que le marché du travail français était pénalisé à trois titres :

– le coût du travail, en France, entraîne un problème de compétitivité ;

– la structure des rémunérations lui paraît désincitative et la progressivité des carrières insuffisante : certains secteurs ont uniquement recours à des personnels peu qualifiés et à bas salaires ;

– l’intensité du travail (88) entraîne des formes d’usure.

Compte tenu des enjeux mis en évidence mais aussi des moindres performances françaises dans ce domaine, vos rapporteurs ont jugé nécessaire de consacrer une partie de leur rapport d’information à une analyse plus approfondie des politiques relatives au marché du travail et à l’emploi. Celles-ci présentent une importance majeure pour lutter contre la pauvreté, promouvoir la cohésion sociale et soutenir la croissance, mais aussi prévenir certaines dépenses sociales, par exemple au titre des minima sociaux ou de l’assurance chômage.

*

* *

Comme le montre la brève synthèse réalisée précédemment, des travaux de comparaison des performances sociales en Europe sont élaborés dans le cadre des organisations internationales, en particulier l’Union européenne et l’OCDE. Toutefois, une précision s’impose, au regard des objectifs de la présente étude. Bien qu’ils soient nombreux, les travaux de comparaison internationale ou les rapports favorisant la coordination et la convergence des systèmes nationaux au niveau communautaire s’intéressent aux performances globales des systèmes nationaux. S’ils permettent d’identifier les forces et les faiblesses des systèmes de protection sociale, ils ne proposent pas d’analyse précise des différents dispositifs mis en œuvre dans les pays considérés. Les recommandations générales qui sont formulées à l’issue de ces travaux appellent des réflexions complémentaires sur les causes qui sous-tendent les forces et faiblesses observées. Le caractère transposable des « bonnes pratiques » parfois identifiées doit être évalué, compte tenu du contexte national. Cette évaluation plus approfondie est l’objet des deux parties thématiques du présent rapport.

3. Des transferts contribuant significativement à la réduction de la pauvreté, qui constitue un objectif central des politiques sociales

La réduction de la pauvreté constitue un objectif essentiel des politiques sociales. L’ensemble des dépenses sociales y contribue et la performance des politiques sociales en Europe ne saurait être abordée sans examiner les résultats dans ce domaine, le caractère central de cet objectif étant d’ailleurs depuis plus de dix ans, pleinement reconnu par les institutions européennes.

a) Un objectif devenu central au niveau européen

● Une intervention résiduelle et indirecte à l’origine

L’action de l’Union européenne en matière de lutte contre l'exclusion sociale et la pauvreté repose sur l'article 137 du traité CE. S'agissant des droits sociaux fondamentaux, ce dernier prévoit que « la Communauté soutient et complète l'action des États membres dans [...] l'intégration des personnes exclues du marché du travail ». Bien que deux recommandations du Conseil datant de 1992 expriment la détermination des États membres à œuvrer en faveur du droit de chacun à des ressources de base et à préserver la qualité de leurs systèmes de protection sociale, l’action de l’Union dans ce domaine est surtout résiduelle et indirecte.

Ainsi, le programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD), créé à la demande de Jacques Delors alors président de la Commission européenne, en 1987, avait surtout vocation à écouler les stocks d’invendus issus de la politique agricole commune (PAC), en les redistribuant à des associations caritatives. (cf. infra, section C.1.a.).

● Un objectif de plus en plus assumé depuis 2000

La lutte contre la pauvreté est toutefois devenue un objectif de plus en plus assumé des politiques communautaires avec la création, lors du Conseil de Lisbonne de mars 2000, d’une méthode ouverte de coordination (Moc) pour la protection sociale et l’inclusion sociale et la définition d’objectifs communs au sommet de Nice de décembre 2000.

Lors du Sommet de Lisbonne en mars 2000, le Conseil européen a fait de la cohésion sociale, au même titre que l’emploi et l’économie de la connaissance, « un objectif stratégique pour la décennie à venir ». Il souligne que « le chômage structurel de longue durée et les déséquilibres marqués entre les taux de chômage régionaux [constituent] des problèmes dont continuent à souffrir de façon endémique certaines parties de l’Union. […] Il est inacceptable que, dans l’Union, tant de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et soient touchés par l’exclusion sociale. Il faut prendre des mesures pour donner un élan décisif à l’élimination de la pauvreté ». Pour atteindre ces objectifs, une cible chiffrée a été définie : « réduire de moitié, le nombre de personnes menacées par la pauvreté dans toute l'Union européenne en prenant le niveau de 1997 comme référence. »

Le Conseil européen de Nice, en décembre 2000, a complété le volet social des objectifs de Lisbonne par un « Agenda social européen ». Des objectifs communs de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ont été fixés dans ce cadre, à traduire dans des « Plans nationaux d’action contre la pauvreté et l’exclusion sociale » (PNAI), évalués conjointement par la Commission et par le Conseil. En 2003, un indicateur européen a également été créé pour mesurer l’ampleur du phénomène des travailleurs pauvres.(89).

Les rapports conjoints sur la protection sociale et l'inclusion sociale (90), l'agenda social de la Commission pour la période 2005-2010 (91), les deux consultations publiques lancées par la Commission, sur les services sociaux d’intérêt général en 2006 (92), et sur la réalité sociale européenne en 2007 (93), les objectifs communs en matière d'inclusion sociale définis dans le cadre de la Moc (94) et adoptés par le Conseil européen en 2005 (et confirmés en 2008) témoignent de l’importance croissante conférée à cet enjeu.

● Le tournant, initié en 2008, de la stratégie « Europe 2020 »

Un des objectifs de la Présidence française de l’Union européenne, au second semestre de 2008, fut de renforcer l’attention portée à la lutte contre la pauvreté dans l’UE. Par décision n° 1098/2008 du Parlement et du Conseil européens du 22 octobre 2008, l’année 2010 a été proclamée « année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale » pour « donner un élan décisif à l’élimination de la pauvreté et l’exclusion sociale et promouvoir cet engagement et des actions à tous les niveaux de gouvernance […] en tirant parti des réalisations et des potentialités de la Moc sur la protection sociale et l’inclusion sociale […] et en mobilisant tous les acteurs concernés... ». En France, une enveloppe de 26 millions d’euros a été prévue, dont 17 millions financés par l’Union européenne.

Enfin, lors de l’élaboration de la nouvelle stratégie de croissance européenne « Europe 2020 », succédant à la stratégie de Lisbonne, la Commission européenne a proposé, dans une communication du 3 mars 2010, de retenir un objectif de réduction d’un quart du nombre de personnes vivant en situation de pauvreté d’ici à 2020. Compte tenu du consensus exprimé par les institutions communautaires en faveur d’un nombre resserré d’objectifs, cette proposition de la Commission constituait un engagement fort.

Lors du Conseil dit « EPSCO » (95) du 8 mars 2010 réunissant les ministres de l’Emploi et des Affaires sociales pour discuter du volet social de la stratégie Europe 2020, la France a soutenu la définition de cet objectif, préconisant, pour l’atteindre, de mettre en œuvre une stratégie européenne globale et ambitieuse, reposant sur l’accroissement du niveau d’emploi, une plus grande efficience des systèmes de protection sociale et la facilitation de l’accès au logement, aux produits alimentaires, au crédit bancaire, à la santé et à l’énergie. Ce faisant, la France estimait que l’Union européenne montrerait son attachement à un modèle de croissance qui bénéficie au plus grand nombre – répondant ainsi aux préoccupations des citoyens européens – tout en respectant le principe de subsidiarité (96).

Le 17 juin 2010, le Conseil européen a adopté la nouvelle stratégie Europe 2020 pour l'emploi et une croissance intelligente, durable et inclusive et fait de la réduction de 25 % du nombre de personnes vivant en situation de pauvreté, soit 20 millions de personnes, un des cinq grands objectifs de l’UE. Le 16 décembre 2010, la Commission européenne a donc publié un diagnostic de la situation européenne en matière de pauvreté et proposé un plan d’action (97), qui repose sur la coordination des États membres : la « plateforme européenne contre la pauvreté et l’exclusion sociale ».

● Le diagnostic de la Commission européenne

Tout d’abord, le diagnostic fait par la Commission, élaboré sur la base des travaux du Comité de la protection sociale, est le fruit d’un consensus politique difficile entre les États membres. Lors d’un déplacement à Bruxelles, Mme Eva Török, chef de cabinet adjoint du commissaire chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, M. Lazlo Andor, et Mme Anne Degrand-Guillaud, spécialiste de la lutte contre la pauvreté et organisatrice de l’année européenne de la pauvreté en 2010 (98), ont présenté les trois indicateurs définis par le sous-groupe indicateurs du Comité de la protection sociale, afin d’appréhender les différents aspects de la pauvreté en Europe.

Encadré 1 : mesure du risque de pauvreté et d’exclusion sociale dans le cadre de la stratégie Europe 2020(99)

La cible européenne de réduction de la pauvreté repose sur trois indicateurs : la notion de pauvreté relative ou pauvreté monétaire (seuil de pauvreté défini à 60 % du revenu médian), celle de faible intensité laborieuse (nombre de ménages où personne ne travaille) et la pauvreté en conditions de vie (critères de privation matérielle).


Source : Données EU-SILC (2009) – année de référence pour les revenus : 2008 in « The social dimension of the Europe 2020 strategy: a report of the social protection committee (2011) (100)»

Le taux de risque de pauvreté (« at risk of poverty » sur le graphique) ou pauvreté monétaire relative est définie comme le pourcentage de personnes vivant avec l’équivalent d’un revenu disponible inférieur à 60% du revenu médian individualisé d’un ménage dans son pays, après taxes et transferts. Cette mesure de la pauvreté est dite « relative » puisqu’elle vise à identifier les personnes dont les revenus les excluent du train de vie considéré comme étant le minimum acceptable dans le pays où ils vivent.

La notion de privation matérielle grave (« severe material deprivation ») vise des personnes qui ne peuvent accéder à un certain nombre de biens ou de services considérés comme nécessaires à une vie normale et digne, en Europe. Les personnes en situation de privation matérielle sévère sont celles qui connaissent au moins quatre des neuf privations définies au niveau européen : ne pas pouvoir payer ses factures ou son loyer, ne pas pouvoir chauffer suffisamment son logement, être dans l’impossibilité de faire face à des dépenses inattendues, de manger des protéines au moins tous les deux jours, d’avoir une télévision couleur, un téléphone ou une machine à laver etc. Cet outil de mesure permet à la fois de tenir compte des inégalités au sein des pays, mais aussi de mesurer les inégalités entre États membres, en particulier ceux des pays de l’Union dont le PIB est le plus faible aujourd’hui, c’est-à-dire les nouveaux États membres.

La faible intensivité du travail dans un ménage (« living in very low work intensity households ») correspond au nombre de personnes de moins de soixante ans, vivant dans un ménage où les adultes ont travaillé moins de 20 % de leur temps d’activité potentiel durant les douze derniers mois. Les services de la Commission européenne estiment que cet indicateur permet notamment de prendre en compte des situations souvent peu visibles lorsqu’elles sont compensées par un système de protection sociale généreux : ainsi, en dépit de ses bons résultats, le nombre de ménages où personne ne travaille est significatif. Il permet aussi d’identifier des situations d’exclusion ou de discrimination envers les minorités.

Au total, l’Union européenne considère aujourd’hui que 114 millions de personnes sont en situation de pauvreté ou d’exclusion sociale en Europe.

La Commission a rappelé qu’en 2008, « les “ travailleurs pauvres ” représentaient 8 % de la population active, tandis que le risque de pauvreté avait considérablement augmenté pour les personnes sans emploi, passant de 39 % en 2005 à 44 %. En outre, 8 % des Européens vivent dans un dénuement matériel extrême et n’ont pas les moyens de subvenir à des besoins estimés essentiels pour mener une vie décente en Europe, tels que le téléphone ou un système de chauffage correct. Dans les pays les plus pauvres, ce taux est supérieur à 30 %. Enfin, plus de 9 % des Européens en âge de travailler vivent dans des ménages où personne n’a d’emploi. Une telle situation est inacceptable dans l’Europe du XXIsiècle. » (101)

PART DE LA POPULATION EN SITUATION DE PAUVRETÉ, SELON LES TROIS INDICATEURS DÉFINIS DANS LE CADRE DE LA STRATÉGIE « EUROPE 2020 » (2009)

(en pourcentage de la population totale)

n risque de pauvreté ou pauvreté relative  n privation matérielle sévère  o ménages à faible intensité de travail

Les sigles de chaque pays sont détaillés en annexe du présent rapport.

Source : Données EU-SILC (2009) in « The social dimension of the Europe 2020 strategy: a report of the social protection committee (2011) » – Année de référence pour les revenus : 2008, sauf IE (2008-2009) et UK (2009)

● Le plan d’action de la Commission européenne

Une fois le diagnostic adopté, le plan d’action de la Commission européenne consiste, d’une part, à susciter des réflexions stratégiques thématiques communes et, d’autre part, à organiser le redéploiement des fonds structurels européens pour tenir compte des priorités stratégiques de l’UE, ce second point étant un enjeu majeur.

En premier lieu, « en 2012, la Commission présentera une communication qui fournira une évaluation approfondie de la mise en œuvre des stratégies d’inclusion active à l’échelon national, y compris l’efficacité des mécanismes de revenu minimum, et de l’utilisation possible des programmes de l’UE à l’appui de l’inclusion active. » En outre, plusieurs réflexions et initiatives ont débuté dès 2011 sur les retraites et le vieillissement actif ; sur la qualité des services sociaux, dans le domaine des soins de longue durée ou du sans-abrisme, notamment ; sur l’efficacité et l’efficience du système de santé ; sur les politiques de lutte contre l’abandon scolaire ; sur la pauvreté des enfants ; sur l’intégration des minorités, en particulier des Roms ; sur les inégalités entre les femmes et les hommes ; sur l’accès aux droits des personnes handicapées ; sur le sans-abrisme et le logement.

En second lieu, le redéploiement des fonds structurels européens devrait être opéré à l’occasion de l’examen du prochain cadre financier pluriannuel de l’UE pour 2014-2020. Il existe en effet un décalage entre le calendrier stratégique de l’UE (2011-2020) et celui de la programmation budgétaire, ce qui paraît problématique. M. Koos Richelle, directeur général de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, à la Commission européenne (102) a confirmé la réalité de cette difficulté et souligné que l’effectivité du redéploiement des fonds pour soutenir la stratégie Europe 2020 demeurait une question majeure.

Enfin, l’action de la Commission consistera surtout à coordonner et évaluer l’action des États membres, comme l’a souligné M. Koos Richelle. La lutte contre la pauvreté au niveau communautaire s’inscrit désormais dans la stratégie macroéconomique d’ensemble, poursuivie dans le cadre du « semestre européen ». Ce dernier, mis en œuvre pour la première fois cette année à la suite de la réforme de la gouvernance économique de l’UE, permet le suivi simultané des politiques économique, budgétaire et de l’emploi des États membres sur six mois.

Dans ce cadre, les États membres communiquent leurs objectifs et leurs plans d’action via les plans nationaux de réforme (PNR), qui sont ensuite évalués par la Commission. D’après M. Koos Richelle, il s’agit bien d’amorcer une démarche objectifs – résultats. Ainsi, la Commission a publié le 7 juin 2011 un document de travail portant évaluation du programme national de réforme 2011 et du programme de stabilité de la France pour 2011-2014 (103), accompagnant un projet de recommandation du Conseil sur ces deux mêmes programmes.

D’après M. Richelle, les objectifs nationaux annoncés en juin 2011 par les États membres sont cependant insuffisants : l’addition des cibles des vingt-sept États membres ne permettait pas d’atteindre l’objectif communautaire.

OBJECTIFS DE RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ EXPRIMÉS PAR LES ÉTATS MEMBRES POUR LA STRATÉGIE EUROPE 2020 (PNR 2011)

(en nombre de personnes concernées)

Autriche

235 000

Belgique

380 000

Bulgarie

260 000

Chypre

27 000

République Tchèque

Maintenir le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale sous le niveau de 2008 (15,3 % de la population totale), en s’efforçant de le diminuer de 30 000

Allemagne

330 000 (chômeurs de longue durée)

Danemark

22 000 (ménages à faible intensité de travail)

Estonie

Ramener le taux de risque de pauvreté (après transferts sociaux) à 15 % (17,5 % en 2010)

Grèce

450 000

Espagne

1 400 000 – 1 500 000

Finlande

150 000

France

Réduction d’un tiers du taux de pauvreté ancré dans le temps sur la période 2007-2012,

soit 1,6 million de personnes

Hongrie

450 000

Irlande

186 000 d’ici 2016

Italie

2 200 000

Lituanie

170 000

Luxembourg

Pas d’objectif

Lettonie

121 000

Malte

6 560

Pays-Bas

100 000

Pologne

1 500 000

Portugal

200 000

Roumanie

580 000

Suède

Réduction de la proportion de femmes et d’hommes n’appartenant pas à la population active (hors étudiants à plein-temps), de chômeurs de longue durée et de travailleurs en congé maladie de longue durée bien en deçà de 14 % d’ici à 2020

Slovénie

40 000

Slovaquie

170 000

Royaume-Uni

Objectifs chiffrés figurant dans la loi de 2010 sur la pauvreté
des enfants

Grand objectif de l’UE

20 000 000

Source : Plans nationaux de réformes, résumés dans le tableau de suivi de la Commission européenne, disponible sur le site Internet d’Europe 2020 (104)

b) En France, un taux de pauvreté inférieur à la moyenne des pays européens mais une évolution préoccupante pour certains publics fragiles

● Des résultats « assez bien mais disparates » au regard des objectifs de Lisbonne

Depuis l’adoption de la stratégie de Lisbonne par le Conseil européen de mars 2000, les résultats de la France en matière de lutte contre la pauvreté sont évalués régulièrement et comparés avec ceux de ses voisins européens.

Mme Anne Duthilleul, actuellement membre de la Commission de régulation de l’énergie et ancien membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de 2004 à 2010, a été entendue par le groupe de travail au titre de son rapport réalisé au nom de la délégation pour l’Union européenne du CESE intitulé Le suivi de la situation de la France au regard des indicateurs de Lisbonne (édition 2009) (105). Les résultats de la France en 2009 au regard des objectifs de cohésion sociale de la stratégie européenne étaient jugés « assez bien, mais disparates ».

D’après le rapport, « le taux de risque de pauvreté après transferts sociaux s’élèv[ait] en France à 13 % en 2006, soit un taux inférieur à la moyenne (UE-27 à 16 %), selon la définition européenne. Il pla[çait] notre pays dans une situation intermédiaire au sein de l’Union entre des pays comme la Lettonie, les pays du sud de l’Europe et la Lituanie, où le risque de pauvreté après transferts sociaux [était] élevé, et d’autres pays comme la République tchèque et les Pays-Bas, où ce risque [était] plus faible. »

● L’évaluation du plan national de réforme (PNR) français par la Commission européenne

Plus récemment, le 7 juin 2011, la Commission européenne a publié ses recommandations à la lecture du dernier programme national de réforme français, transmis en avril 2011. S’agissant de la lutte contre la pauvreté (106), elle indique que « 18,4 % de la population étaient confrontés au risque de pauvreté ou d’exclusion en 2009, ce qui est inférieur à la moyenne de l’Union européenne (23,1 %) […] Le PNR indique que 1,6 million de personnes (selon les indicateurs de l’UE) pourraient sortir de la pauvreté d’ici 2012. » Toutefois, selon la Commission, « les trois indicateurs de la pauvreté définis dans le cadre de [la] stratégie [Europe 2020] stagnent depuis plusieurs années en France. »

ÉVOLUTION DES INDICATEURS DE LA STRATÉGIE « EUROPE 2020 » EN FRANCE
(2005-2009)

Indicateurs d’inclusion sociale

2005

2006

2007

2008

2009

Taux de risque de pauvreté

(en % de la population totale)

13,0

13,2

13,1

12,7

12,9

Privation matérielle grave

(en % de la population totale)

5,3

5,0

4,7

5,4

5,6

Pourcentage de personnes vivant dans un ménage à faible intensité de travail

(en % des personnes âgées de 0 à 59 ans, hors étudiants)

8,6

9,1

9,5

8,8

8,3

Intersection des trois indicateurs : risque de pauvreté ou d’exclusion

(en % de la population totale)

18,9

18,8

19,0

18,6

18,4

Source : SESPROS – EU-Silc (107)

● Les résultats des enquêtes de l’Insee

D’après l’Insee, le taux de pauvreté relatif au seuil de 60 % du revenu médian (954 euros en 2009) s’établit à 13,5 % de la population française métropolitaine. La part des personnes confrontées à des difficultés financières et des privations matérielles a augmenté par rapport à 2009 : 13,3 % de la population rencontrent un cumul important de « difficultés en conditions de vie » en 2010 contre 12,6 % en 2009 (108). À cet égard, le rapport souligne que le nombre de dossiers déclarés éligibles aux procédures légales de traitement du surendettement a augmenté de 14 % entre 2008 et 2009, avant de se stabiliser en 2010. Selon les résultats de l’enquête sur les Revenus fiscaux et sociaux de 2009 de l’Insee (109), 10,1 % des actifs ayant au moins 18 ans sont considérés comme pauvres, soit une augmentation de 0,6 point par rapport à 2008. Parmi les personnes occupant un emploi, ce sont les non-salariés qui sont affectés par la hausse de la pauvreté : leur taux de pauvreté passe de 15,3 % à 16,9 %.

Dans la dernière édition de son Portrait social (110) publiée le 15 novembre 2011, l’Insee confirme cette tendance. L’augmentation de la pauvreté est essentiellement liée à l’augmentation du taux de chômage depuis 2008 et à l’allongement de la durée moyenne du chômage depuis 2009. Les inégalités de niveaux de vie sont importantes parmi les chômeurs, en fonction des ressources du ménage dans lequel ils vivent, et les écarts constatés ont eu tendance à augmenter depuis 2002. L’Insee souligne de surcroît la persistance du phénomène des travailleurs pauvres. L’Insee indique en effet que « deux personnes en emploi sur dix font malgré tout partie des 30 % de personnes les plus modestes. »

Sur le long terme, d’après Mme Monika Queisser et M. Stéphane Carcillo, économistes à la division des politiques sociales, au sein de la direction pour l’emploi, le travail et les affaires sociales de l’OCDE (111), la relation entre âge et pauvreté a beaucoup changé au cours des dernières décennies : la pauvreté concernait auparavant beaucoup les personnes âgées, inactives, en mauvaise santé ; les jeunes sont désormais les plus touchés. Les publics les plus vulnérables aujourd’hui leur paraissent être les jeunes non étudiants, les familles monoparentales, les familles nombreuses, et les personnes immigrées.

Toutefois, selon une enquête réalisée à la demande de la Mutuelle des étudiants (LMDE), « 26 % des étudiants interrogés déclarent rencontrer de réelles difficultés financières (loyer, alimentation...) » (112) D’après cette même enquête, cette précarité financière conduit nombre d’entre eux à renoncer aux soins : 34 % des étudiants disent avoir renoncé à consulter un médecin au cours de l’année écoulée et 19 % déclarent ne pas bénéficier d’une assurance maladie complémentaire contre 6 % en moyenne pour l’ensemble de la population.

Enfin, le 23 mars 2011, à l’occasion de la remise de son rapport annuel, le Médiateur de la République, M. Jean-Paul Delevoye, a évoqué « entre douze et quinze millions de personnes [qui] seraient actuellement concernées par le sentiment de précarité, c’est-à-dire [dont les] fins de mois se joueraient à 50 ou 150 euros près. […] Selon une enquête d’Ipsos, 45 % des 35-44 ans disent avoir déjà vécu une situation de précarité – pas assez d’argent pour payer les impôts, pour donner de l’argent à son enfant ou pour faire réparer la voiture –, soit une augmentation de 16 points entre 2008 et 2009. » (113)

● Le témoignage des associations de lutte contre la pauvreté

À la suite de ces observations, vos rapporteurs ont souhaité rencontrer des représentants du secteur associatif, à l’occasion d’une table ronde sur la pauvreté en France et en Europe, le 5 octobre 2011 (114). Plusieurs constats communs ont été formulés sur les indicateurs de pauvreté et la dégradation de la situation actuelle.

Plusieurs associations ont confirmé l’importance de conserver un nombre suffisant d’indicateurs pour appréhender les multiples formes de pauvreté. M. Bruno Grouès, conseiller technique du pôle « Lutte contre l’exclusion » de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) a estimé « qu’il était très important de garder les seuils de pauvreté monétaire qui sont actuellement utilisés par l’Onpes, à 40, 50 et 60 % du revenu médian » faute de quoi « on risque de négliger la situation des plus pauvres. » Mme François Coré, représentante d’ATD Quart Monde, a ajouté qu’une « batterie extrêmement large » était nécessaire pour limiter les risques de sélectivité et d’écrémage.

Les associations s’accordent également sur le constat d’une dégradation de la situation depuis le début de la crise, ainsi qu’une évolution des formes de pauvreté et des publics concernés. D’après M. Bruno Grouès, « les associations elles-mêmes ont constaté une augmentation de la pauvreté depuis la crise, à travers notamment l’augmentation des demandes d’aide alimentaire et le fort accroissement du nombre de bénéficiaires du “ RSA socle ”, qui a augmenté de 10 % entre juin 2009 et juin 2010. Tous ces indicateurs révèlent une forte augmentation de la pauvreté, qui s’accompagne d’un creusement des inégalités. Les catégories les plus touchées sont les jeunes, les familles monoparentales, surtout les femmes seules avec enfants, les travailleurs pauvres, même si le RSA a permis une amélioration de leur situation, ainsi que les personnes âgées, nouveau public qu’on voit arriver aux permanences des associations de solidarité. »

Selon M. Matthieu Angotti, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), « les seniors sont de plus en plus concernés […] On voit aujourd’hui arriver à l’âge de la retraite les premières générations de la crise ; leurs pensions sont moins confortables en raison de parcours plus chaotiques. Il ne s’agit pas encore d’un phénomène massif mais le problème est réel. » D’après M. Pascal Rodier, secrétaire national du Secours populaire, citant un sondage Ipsos : « 30 % des 15-34 ans considèrent avoir connu personnellement une situation de pauvreté. »

c) L’accès à l’emploi : un enjeu stratégique pour lutter efficacement contre la pauvreté

Après un bilan, dont certains éléments ont été évoqués supra, Mme Monika Queisser et M. Stéphane Carcillo ont proposé une réflexion sur la contribution du système de protection sociale à la réduction de la pauvreté. Le système français fait partie des plus efficaces en Europe, en dépit d’une fiscalité sur le revenu qui pourrait être plus redistributive.

● La réduction de la pauvreté par le système socio-fiscal

Les travaux de l’OCDE témoignent en effet d’une corrélation indéniable entre les dépenses sociales et la réduction du taux de pauvreté. 80 % de la réduction du taux de pauvreté en Suède est imputable aux transferts sociaux et aux impôts. Le système français, transferts et impôts, est également efficace puisqu’il contribue à 78 % de la réduction du taux de pauvreté (cf. premier graphique infra).

RÉDUCTION DU TAUX DE PAUVRETÉ GRÂCE AUX TRANSFERTS SOCIAUX ET AUX IMPÔTS (DIRECTS) SUR LES MÉNAGES (2005) (115)

(pour l’ensemble de la population, en points et en pourcentage)

Dans tous les pays de l’OCDE, les transferts monétaires publics et les impôts sur les ménages réduisent sensiblement la pauvreté. On peut mesurer cet effet à travers la différence entre le taux de pauvreté fondé sur le revenu disponible et le taux de pauvreté calculé à partir du revenu marchand. L’OCDE mesure la pauvreté en termes de revenu marchand par la proportion de personnes ayant un revenu marchand inférieur à un seuil donné de revenu disponible des ménages. Compte tenu de cette définition, la différence entre le taux de pauvreté fondé sur le revenu marchand et le taux de pauvreté fondé sur le revenu disponible correspondra à la fois à l’ampleur en valeur absolue des impôts sur les ménages et des transferts monétaires publics, et au degré auquel ils sont ciblés sur les pauvres. Les différences mesurées en points de pourcentage vont de moins de 10 points en Corée, aux États-Unis et en Suisse à plus de 23 points en Belgique et en France, tandis que l’écart en pourcentage entre les taux de pauvreté dû aux effets conjugués des impôts sur les ménages et des transferts monétaires publics varie de 12 % en Corée à 80 % au Danemark et en Suède, et s’établit légèrement au-dessus de 60 % en moyenne.

Source : OCDE, Croissance et inégalités (2008)

RÉDUCTION DES INÉGALITÉS IMPUTABLE AUX TRANSFERTS ET AUX IMPÔTS (2005) (116)

(Baisse du coefficient de Gini, en points)




Source : OCDE, Croissance et inégalités (2008)

Par ailleurs, les inégalités de revenus entre les ménages sont réduites d’environ 41 % par le système socio-fiscal français (contre 33 % en moyenne dans l’OCDE), tandis que certains pays comme la Belgique, le Luxembourg, la Suède, le Danemark ou la République Tchèque ont des systèmes plus redistributifs (cf. graphique supra).

Toutefois, l’accès à l’emploi reste un enjeu majeur pour lutter efficacement contre la pauvreté. Mme Monika Queisser et M. Stéphane Carcillo ont montré que les transferts sociaux seuls ne permettaient pas de sortir durablement de la pauvreté. Comme le montre le graphique infra, qui prend l’exemple d’un parent isolé avec deux enfants, bénéficiaire de l’aide sociale en 2007, rares sont les pays dans lesquels ces transferts permettent effectivement d’atteindre le seuil de pauvreté.

Ce graphique semble également indiquer que, contrairement à une idée reçue répandue, les minima sociaux français sont parmi les moins généreux de l’OCDE (117). Ce constat vient contredire le préjugé selon lequel les « assistés » pourraient vivre des minima sociaux confortablement et sans travailler.

Quoiqu’il en soit, le retour à l’emploi reste une nécessité pour sortir durablement de la pauvreté. Beaucoup de pays ont utilisé les prestations liées au handicap, comme les préretraites, pour garantir les revenus de personnes sans emploi, selon les deux économistes de l’OCDE. L’effet de ces choix politiques sur le niveau de pauvreté est dramatique : les personnes concernées par l’incapacité ne reviennent jamais ensuite vers l’emploi ou extrêmement rarement. L’employabilité et le capital humain décroissent en effet avec le temps passé sans activité.

Les associations de lutte contre la pauvreté souscrivent en partie à cette idée : « Toutes [les] personnes [en situation de pauvreté] ont en commun de rencontrer des difficultés d’accès à l’emploi », a confirmé M. Matthieu Angotti, directeur général de la Fnars. L’accès au droit et l’accès à une activité économique sont les enjeux majeurs de la lutte contre la pauvreté, d’après les associations, qui ont également souligné les difficultés administratives croissantes rencontrées par les seniors – compte tenu de la complexification des parcours – pour le calcul de leurs droits à la retraite et au minimum vieillesse. Ces ruptures de droit sont une des causes les plus fréquentes d’exclusion pour les plus de 50 ans (118).

REVENUS NETS DES BÉNÉFICIAIRES DE L’AIDE SOCIALE – PARENT ISOLÉ, 2 ENFANTS (2007) (119)

(pourcentage du revenu médian des ménages, différents seuils de pauvreté)


Source : OCDE, Perspectives de l’emploi (2009)

Ce point de vue a également été développé par M. Jérôme Vignon, président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes) et ancien directeur de la protection et de l’intégration sociales de la Commission européenne (120), pour qui l’augmentation des taux d’emploi est une nécessité, à la fois pour la soutenabilité et l’efficacité des systèmes de protection sociale mais aussi pour la lutte contre la pauvreté des enfants, qui reste plus élevée en France que dans d’autres pays aux dépenses comparables, notamment le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège et l’Autriche. Lors de son audition, il a estimé que l’emploi était la clé de l’efficacité des dépenses sociales en France. Il a rappelé que les dépenses sociales françaises étaient les plus élevées d’Europe en points de PIB. Or, le taux d’emploi en France est moindre que celui des autres États qui ont des dépenses comparables. Pourquoi, en dépit de dépenses si importantes, sommes-nous si peu capables d’avoir de meilleurs résultats en termes d’emploi ?

C.– LE DÉPLOIEMENT D’INSTRUMENTS ET D’UNE GOUVERNANCE RÉNOVÉS POUR RENFORCER LA PERFORMANCE DES POLITIQUES SOCIALES

1. Des instruments de l’Europe sociale susceptibles d’être confortés ou mieux exploités

Comme le rappelle le présent rapport dans ses développements consacrés à la lutte contre la pauvreté au niveau communautaire, les compétences de l’Union européenne en matière sociale, telles que prévues par les traités, sont surtout résiduelles et indirectes.

D’après les traités, les politiques sociales sont en effet du ressort des États membres. Le Traité de Rome de 1957 comportait toutefois deux postulats qui ont servi de fondements aux avancées ultérieures. En premier lieu, la libre circulation des travailleurs est érigée au rang de principe fondamental du droit communautaire. Le traité européen prévoit ainsi « l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. » En deuxième lieu, pour éviter toute distorsion de concurrence entre les États membres, l’Union européenne favorise l’établissement de normes communes de travail. L’introduction de la monnaie unique a accru les besoins de convergence économique au sein de l’Union. Avec le traité d’Amsterdam en 1997, l’emploi devient une « question d’intérêt commun ». Un objectif est clairement inscrit dans le traité : atteindre « un niveau d'emploi élevé » sans affaiblir la compétitivité. Pour cela, une stratégie coordonnée est élaborée lors du sommet extraordinaire sur l’emploi, à Luxembourg en novembre 1997 : la stratégie européenne pour l’emploi (SEE). Enfin, la stratégie de Lisbonne, révisée en 2004, marque une nouvelle avancée de l’Europe sociale avec un premier objectif de réduction de la pauvreté.

L’Europe sociale s’est cependant développée plus vite et plus sûrement que ne le prévoyaient les traités, grâce à des initiatives apparemment marginales. Créé en 1957 par le Traité de Rome pour faciliter les reconversions dans les secteurs en restructuration, le Fonds social européen (FSE) est le plus ancien des « fonds structurels » (121) communautaires. Le programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) a été créé en 1987 pour redistribuer les stocks d’invendus de la politique agricole commune (PAC) aux plus pauvres.

Avec des interprétations très différentes des traités communautaires, les États membres sont aujourd’hui relativement divisés sur le devenir de l’Europe sociale. Les négociations relatives au cadre financier pluriannuel pour 2014-2020 témoignent de ces divergences.

a) Mieux exploiter le Fonds social européen (FSE) en France et dans l’Union européenne

L’objectif premier des financements du FSE est de soutenir la création d’emplois dans l’UE. Il s’agit de créer plus d’emplois et de meilleure qualité en cofinançant des projets locaux, régionaux et nationaux qui améliorent les niveaux d’emplois, leur qualité et l’inclusion sur le marché du travail dans les États membres et dans leurs régions.

DÉPENSES DU FONDS SOCIAL EUROPÉEN PAR ÉTAT MEMBRE (2007-2013)

(en millions d’euros)

Source : Commission européenne

Bien que la France fasse partie des premiers bénéficiaires du FSE (6e place), avant d’autres pays dont le PIB est inférieur, l’examen des dépenses par habitant confirme l’effet redistributif du fonds.

DÉPENSES DU FONDS SOCIAL EUROPÉEN PAR HABITANT
DANS CHAQUE ÉTAT MEMBRE (2007-2013)

(en millions d’euros par habitant)

Source : Commission européenne

L’actuel cycle de programmation du FSE s’étend de 2007 à 2013, avec pour devise : « Investir dans les personnes ». Sur cette période, le FSE investit au total environ 75 milliards d’euros (près de 10 % du budget de l’UE) dans des projets d’amélioration de l’emploi. La répartition des fonds varie d’une région à l’autre, pour s’adapter aux priorités locales et régionales. Les financements sont accordés dans six domaines prioritaires spécifiques (cf. graphique infra).

RÉPARTITION DU FONDS SOCIAL EUROPÉEN PAR CATÉGORIES DE PRIORITÉS (2007-2013)

( en pourcentage des dépenses du FSE en France par rapport à la moyenne de l’Union européenne)

Source : Commission européenne

En France, l’enveloppe 2007-2013, de 800 millions d’euros, finance par exemple des projets d’associations accompagnant les créateurs d’entreprises, des dispositifs facilitant la transmission et la reprise de très petites entreprises, ou encore des associations proposant un soutien renforcé aux demandeurs d’emploi et aux employeurs.

Alors que le cycle de programmation actuel est sur le point de prendre fin, les institutions européennes débattent actuellement du prochain budget du FSE, dans le cadre plus large des négociations relatives au cadre financier pluriannuel de l’UE pour 2014-2020.

Renouvelés tous les sept ans, la stratégie et le budget du FSE sont en effet négociés entre les États membres de l’UE, le Parlement européen et la Commission européenne. De nouvelles règles de fonctionnement du FSE ont ainsi été proposées au Conseil et au Parlement européen, le 6 octobre 2011, par la Commission, en vue d’une adoption fin 2012, afin de permettre le lancement d'une nouvelle génération de programmes de politique de cohésion en 2014. Dans une résolution non législative du 15 novembre 2011, le Parlement européen a souligné que « le Fonds social européen reste le principal instrument ayant spécifiquement pour objectif l'inclusion sociale […] il doit être renforcé de manière à répondre de façon adéquate aux objectifs ambitieux fixés dans la stratégie UE 2020 et dans la plateforme contre la pauvreté ». (122)

Le montant global proposé pour les sept années à venir s’établit à 1 025 milliards d’euros en crédits d’engagement (soit 1,05 % du revenu national brut ou « RNB » de l’UE) et à 972,2 milliards d’euros (soit 1 % du RNB de l’UE) en crédits de paiement. La Commission propose d’allouer 36,7 % du budget septennal à la politique de cohésion, contre 35 % lors de l’exercice précédent. Les principaux changements proposés par la Commission sont les suivants :

● Le Fonds social européen (FSE) devrait jouer un rôle fondamental dans la lutte contre le chômage et la persistance de niveaux de pauvreté élevés et dans la réalisation des objectifs phares de la stratégie Europe 2020. D’après la proposition de la Commission, le FSE représentera 25 % du budget alloué à la politique de cohésion, soit au moins 84 milliards d’euros.

● La Commission propose également d’établir un cadre stratégique commun pour l’ensemble des fonds structurels afin de traduire les objectifs de la stratégie Europe 2020 en priorités d’investissement. Concrètement, la Commission propose de conclure des contrats de partenariat avec chaque État membre. Ces contrats énonceront l’engagement, souscrit par les partenaires au niveau national et régional, de consacrer les fonds alloués à la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020.

● La proposition prévoit enfin d’introduire dans la politique de cohésion de nouvelles dispositions en matière de conditionnalité : celles-ci seront axées sur les résultats et encourageront les États membres à mettre en œuvre les réformes nécessaires pour garantir une utilisation efficace des ressources financières. Par ailleurs, 5 % du budget de cohésion affecté à chaque État membre sera affecté à une réserve de performance, qui, après révision à mi-parcours, sera allouée aux États membres dont les programmes auront le plus contribué à atteindre les objectifs convenus dans les contrats de partenariat pour le développement et l’investissement.

Il serait souhaitable que la France soutienne ces orientations positives. La réserve de performance, sous réserve qu’elle ne se traduise pas par des obligations d’information administrative supplémentaires pour les bénéficiaires, peut contribuer à la démarche objectifs-résultats. L’augmentation du budget du FSE et son redéploiement pour soutenir la réalisation des objectifs de la stratégie « Europe 2020 » devraient également être soutenus par la France, afin de permettre à l’Europe sociale de tenir ses promesses.

*

Les associations présentes à la table ronde sur la pauvreté en France et en Europe ont par ailleurs émis plusieurs critiques sur le fonctionnement du FSE en France. Le FSE est en effet réparti sous la forme d’enveloppes nationales, confiées aux États membres, qui définissent les règles de leur utilisation dans les limites imposées par la Commission. L’enveloppe de 800 millions d’euros en France est sous divisée en enveloppes régionales, gérées au niveau déconcentré. Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) sont chargées d’accompagner les associations candidates.

D’après M. Matthieu Angotti, « le FSE est un bon outil, qui accorde des subventions importantes, mais qui, en France, est handicapé par une gestion trop pointilleuse : on ne touche l’argent qu’au bout de deux à trois ans, ce qui implique des avances de trésorerie, donc des frais bancaires énormes. ». Outre ces questions de trésorerie, qui handicapent les plus petites associations, les personnes présentes ont jugé les procédures du fonds trop complexes. « Ces contraintes sont tellement monstrueuses qu’il serait plus simple d’émarger au FSE pour une entreprise du CAC 40 que pour une mission locale ! », a regretté M. Pascal Rodier. Au surplus, le recours au FSE paraît même « dangereux, étant donné l’excès des contrôles », a ajouté M. Matthieu Angotti. Ainsi, M. Étienne Grass, conseiller chargé du travail, de l’emploi, de la santé, de l’inclusion sociale et de la coordination du service Emploi, politiques sociales et santé à la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne (123), a mentionné un incident récent, à l’occasion de contrôles de la Commission en Île-de-France. Le seuil de 2 % d’erreurs ayant été dépassé lors de l’audit d’un projet, l’ensemble des remboursements de la Commission pour les projets en Île-de-France a été arrêté, y compris pour les associations dont les dossiers étaient corrects.

Si la complexité des dossiers soulignée par les associations semble inhérente aux procédures des fonds structurels communautaires, les associations bénéficient normalement d’un soutien juridique de qualité dans les Direccte, d’après M. Étienne Grass. Des progrès sont également attendus de la part de la Commission européenne qui s’est engagée à chercher « à faciliter l’accès des petites organisations aux subventions globales et veillera à ce que les groupes souffrant de handicaps multiples et fortement menacés par la pauvreté aient un meilleur accès aux financements. » (124)

D’après les responsables associatifs, un effort d’information en direction des associations et pour les projets innovants pourrait toutefois être envisagé. M. Étienne Grass a également précisé qu’actuellement, une association porteuse d’un projet devait trouver un co-financeur en plus des financements FSE. Il propose donc que les projets innovants soient financés à 100 % et bénéficient d’un appui spécifique, par exemple par le Fonds pour l’innovation et l’expérimentation sociale.

Enfin, lors de son audition par le groupe de travail, le 6 septembre 2011, M. Martin Hirsch, président de l’Agence du service civique et ancien Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a proposé qu’une partie du FSE soit utilisée pour financer des expérimentations dans le domaine social à l’échelle de l’Union européenne. Convaincu de la nécessité de mettre en œuvre un cercle vertueux d’expérimentation et d’évaluation, M. Martin Hirsch a considéré que l’Union européenne était un niveau pertinent pour développer l’expérimentation sociale à grande échelle, comparer les résultats et proposer des lignes directrices en conséquence.

b) Conserver un dispositif européen d’aide alimentaire aux plus démunis après 2014

D’après les associations entendues lors de la table ronde sur la pauvreté en France et en Europe , « le PEAD était la seule chose ressemblant peu ou prou à une politique sociale européenne. » (125) Ce programme a cependant été brusquement remis en cause en 2011 par le juge communautaire. (126)

Adossé à la politique agricole commune, le PEAD mis en place en 1987 reposait à l’origine principalement sur le troc de matières premières (viande, lait, céréales, sucre, riz) issues des stocks d’intervention de la politique agricole commune (PAC) contre des produits alimentaires finis plus ou moins élaborés (pâtes, crèmes dessert, lait, etc.), via des appels d’offres communautaires auprès des professionnels de l’agroalimentaire, redistribués à des associations caritatives agréées (en France : la Croix-Rouge française, la Fédération française des Banques alimentaires, les Restos du Cœur, et le Secours populaire français). D’après M. Pascal Rodier, secrétaire national du Secours populaire, « son adossement à la politique agricole commune portait déjà en germes les difficultés actuelles, la PAC étant régulièrement remise en cause. »

En effet, les réformes successives de la PAC permettent la disparition progressive des stocks d’invendus sur lesquels s’appuie le PEAD. Dans un premier temps, le budget communautaire a compensé les diminutions temporaires des stocks. Mais en 2008, compte tenu de l’attrition inévitable des ressources du programme, la Commission européenne a proposé d’en modifier les règles de financement. Une minorité de blocage au Conseil (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, République Tchèque, Royaume-Uni, Suède) s’est alors opposée à ce que des fonds tirés du budget agricole soient utilisés à des fins de politique sociale. En effet, comme l’a souligné M. Bruno Lemaire, actuel ministre chargé de l’agriculture et de l’alimentation (127), le PEAD représente un coût net de 200 millions d’euros pour l’Allemagne, qui n’en bénéficie pas au niveau national.

Dans son arrêt du 13 avril 2011, le juge communautaire a donné raison aux requérants, considérant que le PEAD ne pouvait plus être lié à la PAC mais relevait de l'aide sociale directe, et devait donc être financé dans ce cadre, lequel n'est pas communautarisé.

Cette situation est apparue dramatique pour les associations françaises de lutte contre la pauvreté. Lors de la table ronde du 5 octobre 2011, M. Pascal Rodier a fait part de l’inquiétude et de l’indignation du milieu associatif : « il faut savoir qu’en 2010, le PEAD a financé plus de la moitié des 90 millions de repas distribués par notre association. […] On mesure l’impact d’une réduction aussi drastique de l’aide alimentaire : la situation sociale risque de se tendre dangereusement dans certains endroits. Pour les associations de solidarité, le pire serait de se retrouver en porte-à-faux par rapport à une politique dont nous ne sommes que les exécutants, et non les décideurs. On aurait pu à la limite accepter une baisse de 10 % de l’enveloppe financière, mais pas de 80 % d’un coup ! »

Témoignant d’un réel effort pour sortir de cette impasse, la Commission européenne a présenté le 3 octobre 2011 une nouvelle base juridique pour le PEAD, à savoir l’objectif de cohésion sociale, dans l'espoir de parvenir à un accord politique et de permettre au programme de continuer d'exister en 2012 et 2013, mais aussi à plus long terme, financé par le budget communautaire. Après plusieurs mois de blocage, les États membres de l’Union européenne sont finalement parvenus, le 14 novembre 2011, à un accord permettant de prolonger le PEAD pendant deux ans (2012-2013) sur les crédits de la PAC, avec un financement à hauteur de 500 millions d’euros. L’Allemagne a obtenu que plus aucune politique sociale ne soit financée après 2014 par la PAC.

Mais l’avenir du PEAD reste menacé à plus long terme. La Commission européenne a élaboré une proposition, qui devrait être prête d'ici à la fin de l'année 2011, visant à prolonger le programme au-delà de 2013, en intégrant le PEAD dans les instruments de la politique sociale de l'UE en le dotant d'une enveloppe de 2,5 milliards d’euros. Plusieurs États membres s’opposent cependant à ce que les prérogatives de l’Union européenne soient étendues en matière sociale, craignant que cette communautarisation ne se fasse au détriment des compétences des États membres.

Selon M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes, répondant aux questions de la presse au sortir du Conseil « Affaires générales » du 15 novembre 2011, « la France est favorable à ce qu’on définisse exactement qui fait quoi dans les perspectives financières après 2014. Si vous regardez le retour français du PEAD, ce doit être à peu près 75 millions d’euros, donc vous comprenez que dans la complexité du budget européen, ça n’aurait pas été non plus totalement insurmontable sur le plan national, de renationaliser le budget aux démunis. Mais nous pensons qu’il est important que l’Europe ait cette marque symbolique de solidarité dans une période de crise, et donc c’est la raison pour laquelle nous nous sommes battus pour obtenir l’accord franco-allemand, qui aujourd’hui, débloque la situation. » (128)

La Confédération européenne des syndicats (129) et plusieurs eurodéputés (130) ont déjà apporté leur soutien à l’idée d’intégrer le PEAD dans le fonds social européen.

Recommandation n° 1 : Conforter les instruments de l’Europe sociale

– Poursuivre les négociations dans le sens d’un redéploiement du Fonds social européen en faveur des nouveaux objectifs de la stratégie Europe 2020, en particulier celui visant à « sortir » 20 millions d’Européens de la pauvreté et de l’exclusion d’ici à 2020, et de l’expérimentation sociale.

– Conserver un dispositif d’aide alimentaire pour les plus démunis après 2014 et encourager les réflexions dans le sens d’un financement de cette aide par le Fonds social européen, à l’occasion des négociations actuelles sur les perspectives budgétaires 2014-2020.

En France :

– Renforcer l’information et l’accompagnement juridique des associations françaises candidates aux financements FSE dans les Direccte, par la création d’un groupe de travail impliquant des associations bénéficiaires et notamment chargé de proposer des mesures de simplification ;

– Encourager l’expérimentation sociale en apportant un appui financier aux projets innovants susceptibles d’être cofinancés par le FSE.

2. Le développement de l'expérimentation et de l'évaluation pour un meilleur pilotage des politiques sociales

a) Renforcer le rôle du Parlement

Aux termes de l’article L. O. 111-4 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique du 2 août 2005 (131), des annexes sont jointes, chaque année, au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), en présentant, pour les années à venir, les programmes de qualité et d’efficience (PQE) relatifs aux dépenses et aux recettes de chaque branche de la sécurité sociale.

Ces programmes doivent comporter « un diagnostic de situation appuyé notamment sur les données sanitaires et sociales de la population, des objectifs retracés au moyen d’indicateurs précis dont le choix est justifié, une présentation des moyens mis en oeuvre pour réaliser ces objectifs et l’exposé des résultats atteints lors des deux derniers exercices clos et, le cas échéant, lors de l’année en cours ». Cette annexe comprend également un PQE relatif aux dépenses et aux recettes des organismes qui financent et gèrent des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) concernant l’invalidité et les dispositifs gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Les PQE comportent une présentation stratégique des objectifs assignés aux politiques de sécurité sociale dans les six domaines couverts (132), exposent les principaux résultats obtenus, et précisent les actions mises en œuvre par le gouvernement et les acteurs du système de sécurité sociale afin de poursuivre ou d’infléchir ces résultats. Les progrès réalisés au regard de chacun des objectifs sont ensuite mesurés au moyen d’un ensemble d’indicateurs, dont le choix est justifié au niveau méthodologique. Des indicateurs de cadrage permettent également d’apprécier la nécessité des mesures mises en œuvre ou envisagées au regard du contexte économique, sanitaire, social et financier. En outre, les PQE comportent une série d’indicateurs « objectifs / résultats », dont plusieurs sont assortis d’une cible quantifiée à une échéance donnée ou d’une simple trajectoire d’évolution jugée souhaitable.

Les PQE constituent ainsi un outil structurant pour déterminer les objectifs et analyser les performances des politiques de sécurité sociale, dans le cadre d’une démarche « objectifs-résultats » s’inspirant de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

Par ailleurs, comme l’a rappelé M. Laurent Caussat (133), sous-directeur des études et des prévisions financières à la direction de la sécurité sociale (DSS), ils visent à appréhender, de façon globale, l’impact final des politiques de sécurité sociale, la nature des indicateurs des PQE étant ainsi un peu différente de celle des indicateurs retenus pour les lois de finances, dans le cadre des projets annuels de performances (Pap). Ils permettent ainsi de prendre en compte les spécificités des politiques de sécurité sociale, concernant notamment le caractère évaluatif des dépenses correspondantes ainsi que la pluralité des acteurs chargés de leur mise en œuvre, qui rendent délicate l’identification précise des contributions de chacun d’entre eux aux résultats finaux de ces politiques.

Pourtant, alors qu’ils constituent en théorie un instrument stratégique pour le suivi et l’amélioration de la performance des politiques de sécurité sociale, ils ne font à aucun moment l’objet d’un véritable débat au Parlement.

Le calendrier d’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), particulièrement serré, constitue sans doute l’explication principale de cette situation. Par ailleurs, il semble que ni le débat d’orientation sur les finances publiques, organisé chaque année en juin ou juillet, ni l’examen par la commission des Affaires sociales des rapports sur le suivi de la mise en application des lois de financement de la sécurité sociale, ne permettent d’examiner ces programmes de qualité et d’efficience et, plus largement, d’interroger et de débattre de l’efficacité des politiques sociales.

Cette situation n’apparaît guère satisfaisante pour le pilotage de l’action publique et pour les conditions d’exercice par le Parlement de ses missions d’évaluation et de contrôle, et ce d’autant plus que les PQE ne constituent pas une simple annexe technique, mais, en présentant les objectifs des politiques de sécurité sociale et les indicateurs retenus pour mesurer l’atteinte de ces objectifs, soulèvent un certain nombre de questions sur le fond. Par exemple, le PQE de la branche famille présente certaines limites ou du moins suscite plusieurs questionnements, concernant par exemple la pertinence de quelques-unes des cibles retenues (cf. sur ce point, la dernière partie du présent rapport).

Concernant les moyens susceptibles d’améliorer l’exploitation des PQE, M. Laurent Caussat (134), en rappelant les contraintes liées au calendrier parlementaire d’examen des PLFS, s’est interrogé sur la possibilité d’organiser, par exemple au printemps, un débat sur un ou plusieurs sujets concernant la performance dans le champ des politiques sociales.

Il semblerait en effet nécessaire d’organiser, chaque année, un débat pendant les semaines de contrôle de l’Assemblée nationale, portant par exemple sur un nombre limité d’objectifs des politiques de sécurité sociale tels qu’ils sont définis dans les PQE (par exemple « concilier vie familiale et vie professionnelle » ou « aider les familles vulnérables » pour le PQE Famille, « assurer un égal accès aux soins » ou « développer la prévention » pour le PQE Maladie, « concilier le financement de la sécurité sociale avec la politique de l’emploi » pour le PQE Financement (135), etc.)

Ces thèmes seraient choisis par les groupes parlementaires de la majorité et de l’opposition, et il serait également possible de prévoir le dépôt par le Gouvernement d’un rapport au Parlement pour préparer ce débat. À cet égard, il est intéressant de noter qu’au Royaume-Uni, selon M. Philip Aylett, responsable du secrétariat du comité des comptes publics (Public accounts comittee, PAC) du Parlement britannique (136), les ministères rendent des rapports annuels devant les commissions, concernant notamment des questions relatives à la performance au regard des objectifs fixés et qu’en tout état de cause, l’analyse budgétaire et le suivi de la performance s’effectuent plutôt a posteriori, après le vote du budget.

Ce débat pourrait ainsi permettre à la représentation nationale de se prononcer sur la pertinence des objectifs fixés et des moyens mis en œuvre, ainsi que d’apprécier les résultats obtenus par rapport à ceux-ci, en identifiant les faiblesses et les marges de progrès ainsi que les leviers d’amélioration éventuels de la performance des politiques sociales concernant les thématiques retenues.

Recommandation n° 2 : Organiser un débat au Parlement en semaine de contrôle, par exemple au printemps, sur l’efficacité des politiques sociales, qui pourrait s’appuyer sur certains objectifs des programmes de qualité et d’efficience (PQE), dont le choix serait partagé entre la majorité et l’opposition, ainsi que sur un rapport du Gouvernement au Parlement.

b) Adopter une conduite pragmatique des réformes, comme en Suède notamment, en développant l'expérimentation et l'évaluation

Apparue assez récemment en France, l’expérimentation constitue une forme privilégiée d’évaluation ex ante des politiques publiques, qui apparaît très utile, en particulier dans le champ social, en vue de tester l’efficacité des dispositifs et de mesurer leur impact et leur coût avant, le cas échéant, de les mettre en œuvre à grande échelle. Depuis la révision du 28 mars 2003 (137), l’article 37-1 de la Constitution prévoit ainsi que « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».

À cet égard, la directrice générale de la cohésion sociale (DGCS), Mme Sabine Fourcade (138), qui est également déléguée interministérielle à l’innovation, à l’expérimentation sociale et à l’économie sociale, a rappelé que cette méthode avait été utilisée préalablement à la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA), et que plusieurs expérimentations étaient actuellement engagées dans le champ social, par exemple dans le domaine du handicap.

Il convient également de rappeler qu’un fonds pour l’innovation et l’expérimentation sociale a été créé en 2006, suite à au Conseil national de lutte contre l’exclusion du 16 septembre 2005. Pour 2012, sa dotation représente environ 3,1 millions d’euros et les crédits de la mission budgétaire « Solidarité, insertion et égalité des chances » destinés à l’expérimentation sociale et autres expériences en matière sociale et d’économie sociale représentent au total 6,2 millions d'euros (139).

Plusieurs rapports parlementaires ont toutefois regretté, concernant ces crédits relatifs à l’expérimentation sociale, que « le projet annuel de performances (PAP) annexé au présent projet de loi de finances se montre toujours aussi lacunaire sur la finalité et, surtout, l'efficacité de ces crédits (140) », en souhaitant également que « les actions engagées dans le cadre du FIES (Fonds pour l’innovation et l’expérimentation sociale) soient à l’avenir plus détaillées et qu’elles fassent l’objet d’évaluations annexées aux projets annuels de performances transmis au Parlement (141) ».

Surtout, selon certaines personnes entendues par le groupe de travail, en particulier M. Martin Hirsch (142), président de l’Agence du service civique, l’expérimentation semble encore insuffisamment développée dans le champ social, alors que d’autres pays en Europe semblent y recourir plus fréquemment.

Le rapport conjoint de l’Igas et du Centres d’études sur l’emploi (143) sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi d’octobre 2007, dont deux de ses auteurs ont été entendus par le groupe de travail (144), fait ainsi apparaître les différentes approches pragmatiques suivies en Suède, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, pour adapter les politiques de l’emploi.

Expérimentations et évaluations : la conduite pragmatique des réformes dans le champ des politiques de l’emploi en Suède, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni

« Un point commun intéressant entre ces trois pays est leur attachement à une conduite pragmatique des politiques de l’emploi, qui sont pour la plupart dans un premier temps expérimentées, avant d’être généralisées si (et seulement si) une première évaluation de ces expérimentations en a montré l’intérêt, puis ultérieurement à nouveau évaluées pour juger de leur efficacité, et au besoin réformées, voire abandonnées si les résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés.

La Suède s’est ainsi dotée d’un organisme indépendant, institutionnellement rattaché au ministère de l’emploi, l’Institut d’évaluation des politiques de l’emploi (IFAU), qui coordonne les activités d’expérimentation et d’évaluation. L’IFAU intervient ainsi en amont, pour faire des propositions et préparer les réformes, puis en aval pour expertiser les politiques mises en place. C’est lui par exemple qui est actuellement chargé, en partenariat avec l’AMS, de construire un outil de profilage statistique des demandeurs d’emploi, puis de le tester dans les agences pour l’emploi d’un comté. Deux modèles sont pour l’instant à l’étude (l’un national, l’autre régional), et l’expérimentation servira entre autres à dégager les atouts et faiblesses de chacun. Si l’expérimentation conclut à l’efficacité de l’outil, il sera ensuite mis en place sur tout le territoire, puis à nouveau évalué par l’IFAU après une période test. L’IFAU a par ailleurs évalué l’ensemble des politiques actives développées notamment dans les années 1990, et ses évaluations sur les différents dispositifs ont un impact fort sur les choix opérés, notamment pour privilégier les emplois aidés dans le secteur privé et pour diminuer le volume des formations longues.

Au Royaume-Uni, les politiques de l’emploi sont systématiquement soumises à des expérimentations sur des échantillons tests, puis ultérieurement évaluées, du point de vue de leur efficacité par le ministère du Travail et des pensions (DWP), et sur les aspects financiers par l’Office national d’audit (National audit office, NAO). Ces évaluations ont un impact politique concret, puisqu’elles alimentent les débats autour des réformes à envisager. Si un dispositif perdure dans le temps, il sera régulièrement évalué pour voir s’il correspond toujours aux besoins, dans un contexte économique et social changeant. C’est par exemple le cas des New Deals, qui ont tous déjà donné lieu à de nombreuses études, et qui devraient être prochainement repensés, après bientôt dix ans de fonctionnement, pour tenir compte des propositions de réformes, et des nouveaux besoins qui ont émergé compte tenu de l’ensemble des autres réformes mises en place sur le marché du travail. Le recours à des expérimentations préalables donnant lieu à évaluation avant généralisation est également à l’œuvre sur de nombreux aspects du système britannique : la mise en place des Jobcentre Plus a ainsi été précédée d’un projet pilote, l’extension actuelle de l’accompagnement vers l’emploi aux personnes handicapées et invalides correspond à l’extension nationale du projet Pathways to Work, une expérimentation d’accompagnement renforcé après l’accès à l’emploi est en cours (…), etc. Dans certains cas, l’expérimentation conduit à ne rien changer (…).

Aux Pays-Bas, si la culture de l’expérimentation était traditionnellement moins systématique, elle s’est largement développée ces dernières années. Le dispositif des Toonkamers, tentatives de guichets uniques complets (rassemblant l’Organisation centrale du travail et du revenu, CWI, l’organisme de gestion des assurances sociales, UWV, et les services sociaux des municipalités), est par exemple actuellement expérimenté dans huit régions afin de juger de ses performances. Les évaluations des politiques de l’emploi sont très relayées dans le débat politique, et en général programmées dès la mise en place du dispositif. Il était ainsi par exemple prévu que la loi de 2002 soit évaluée en 2006, lorsqu’il a été décidé du développement d’un marché privé du placement, un organisme a été créé pour suivre sa montée en charge, évaluer ses performance, et promouvoir les bonnes pratiques : le Conseil de l’emploi et des revenus (RWI), qui finance des enquêtes de satisfaction auprès des bénéficiaires, et évalue l’efficacité des prestations proposées par les opérateurs privés.

Il est intéressant de noter que, dans les trois pays, l’ensemble du calendrier est en général programmé dès la mise en place d’un nouveau dispositif : expérimentation, déploiement puis évaluation sont prévus dès le départ, et intégrés comme des étapes indispensables pour juger de la qualité de la réforme. Une « mauvaise » évaluation constitue ensuite un argument politique suffisant pour retirer une mesure ou la réformer. »

Source : Les prestations et services d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Comparaisons internationales. Suède, Pays-Bas et Royaume-Uni, rapport de M. Nicolas Grivel, membre de l’Igas, et de Mmes Nathalie Georges et Dominique Méda, membres du Centre d’études de l’emploi (octobre 2007)

L’étude de Sciences Po annexée au présent rapport souligne également concernant la Suède, dont le système est jugé « le plus efficace » pour les politiques d’articulation entre vies familiale et professionnelle, « la grande réactivité de l’action publique dans ce domaine liée à une démarche d’évaluation constante des dispositifs au regard des objectifs fixés. En cas d’inefficacité, des modifications sont rapidement apportées de sorte à corriger les effets pervers du système (…). Ce fut notamment le cas pour inciter les pères à recourir au congé parental ou pour réduire l’effet désincitatif sur l’emploi des mères du coût des structures d’accueil des jeunes enfants ». Mme Maria Hemström (145), chef de l’unité d’analyse du ministère suédois de l’emploi, a par ailleurs rappelé la création d’une autorité indépendante chargée de l’évaluation des politiques de l’emploi (IFAU, Institut pour l’évaluation des politiques de l’emploi, cf. l’encadré supra), et l’utilisation des évaluations réalisées pour le pilotage des réformes mises en œuvre dans ce domaine.

En Italie, le gouvernement a récemment mis en place une série de réformes dans le domaine des politiques sociales et de l’emploi, dont certaines ont été confirmées après une période d’expérimentation et d’autres sont encore en phase d’évaluation, concernant par exemple la carte sociale (146) (cf. l’encadré ci-après), selon les informations communiquées par l’ambassade de France en Italie. Autre exemple en Europe : les représentants de l’Institut de recherche britannique sur les finances publiques (Institute for fiscal studies, IFS), qui ont été entendus par les rapporteurs lors de leur déplamcent à Londres (147), ont par exemple évoqué une expérimentation en cours concernant les aides aux familles monoparentales.

L’expérimentation sociale en Italie : l’exemple de la « carte sociale »

La « Social card » (également appelée « carte-achats ») avait été introduite avec le plan de rigueur de 2008, et la loi n°10 du 26 février 2011 a confirmé cette mesure en étendant son utilisation, d’où l’appellation de « Nouvelle Social Card ». Les individus qui peuvent la demander sont les familles avec un enfant de moins de trois ans et les personnes âgées de plus de 65 ans en situation de pauvreté absolue, et les familles en situation de pauvreté absolue (environ 4,2 % des familles italiennes) ont été ajoutées. La phase expérimentale qui a démarré avec le décret-loi n°112/2008 prévoyait d’aider les familles et les personnes âgées pour les achats et les dépenses domestiques (électricité et gaz). Actuellement 50 % des financements disponibles, qui représentent au total 500 millions d’euros, ont été consommés et 734 000 individus en ont bénéficié. Il faut noter que certaines régions, provinces et municipalités ont également intégré la Social card (…) dans leur politique régionale afin de compléter la part financée par l’Etat. Le ministère du travail et des politiques sociales a évalué l’extension de la Social card en y ajoutant des services, une possibilité d’accès à toutes les personnes qui habitent en Italie mais qui n’ont pas la citoyenneté italienne et en augmentant sa valeur mensuelle fixée actuellement à 40 euros pour l’élever à 129 euros en moyenne (cela signifie une augmentation moyenne de 23 % du revenu familial). Mais les résultats de cette évaluation ont montré que si on étendait la Social card de cette manière, dès 2013, à plein régime, la dépense annuelle estimée passerait de 500 millions d’euros à 2,3 milliards d’euros. Cette mesure n’a donc à ce stade pas été adoptée. Et la loi du 26 février 2011 prévoit le renouvellement de la Social card sur les bases actuelles en maintenant le principe d’évaluation annuelle des résultats obtenus.

Source : réponse de l’ambassade de France en Italie au questionnaire adressé par les rapporteurs en septembre 2011.

À la lumière notamment de pratiques observées dans d’autres pays européens et dans le prolongement de préconisations formulées par M. Martin Hirsch lors de son audition, il apparaît dès lors nécessaire de renforcer le recours à l’expérimentation dans le champ social. Ceci constitue incontestablement un levier d’amélioration de la performance des politiques publiques, dans la mesure où elles peuvent permettre de « corriger le tir » très rapidement, en évitant notamment d’engager des sommes importantes sur des dispositifs dont l’efficacité ne serait pas avérée ou, du moins, qui mériteraient d’être sensiblement améliorée.

Dans ce sens, il conviendrait de développer une approche pragmatique des réformes dans la durée, comme c’est notamment le cas en Suède, et pour cela de :

– définir un programme pluriannuel d’expérimentations sociales, qui pourrait être soumis pour avis à la commission des Affaires sociales ;

– organiser un débat régulier au Parlement sur les résultats des évaluations parvenues à leur terme, par exemple dans le cadre des semaines mensuelles de contrôle ;

– attendre l’évaluation de l’expérimentation avant, le cas échéant, de généraliser les dispositifs ;

– adopter progressivement le principe d’une expérimentation préalable systématique, au moins pour toutes les grandes réformes sociales ;

– améliorer l’évaluation in itinere et ex post des politiques : en veillant à associer largement les parties prenantes, ainsi que des chercheurs, éventuellement d’autres pays européens, dans les instances de débat et d’évaluation (telles que le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, le Conseil d’orientation pour l’emploi, etc.), et en prévoyant dès le lancement d’une réforme un budget, même très faible par rapport aux montants considérés pour l’évaluation, comme cela existe dans d’autres pays ;

– tirer tous les enseignements de ces évaluations pour pouvoir adapter les dispositifs « au fil de l’eau », en s’engageant dans un processus d’amélioration continue des politiques publiques.

Recommandation n° 3 : En s’inspirant notamment des pratiques observées en Suède, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni :

– définir un programme pluriannuel d’expérimentations sociales, qui pourrait être soumis pour avis à la commission des Affaires sociales ;

– organiser des débats au Parlement sur les résultats d’expérimentations, par exemple dans le cadre des semaines de contrôle de l’Assemblée nationale ;

– aller vers une exigence d’expérimentation préalable systématique, au moins pour les grandes réformes sociales ;

– améliorer l’évaluation in itinere et ex post des politiques sociales afin de pouvoir les adapter, en tant que de besoin, par exemple en prévoyant a priori un budget pour l’évaluation, même limité en proportion des dépenses, et en veillant à associer les parties prenantes, ainsi que des chercheurs, éventuellement d’autres pays européens.

c) Encourager les échanges de bonnes pratiques entre les départements et améliorer l’évaluation des politiques sociales locales

Depuis les premières lois de décentralisation, les collectivités territoriales ont pris une place importante dans le développement et la mise en œuvre des politiques publiques, en particulier dans le domaine social et éducatif. Les conseils généraux sont ainsi devenus des acteurs incontournables de l’action sociale, les conseils régionaux se sont vus reconnaître un rôle dans la stratégie économique du territoire et la formation. Les communes conservent des prérogatives importantes dans le domaine de l’action sociale, en particulier pour la petite enfance. Ce mouvement s’est accompagné d’une déconcentration progressive des services de l’État.

La volonté de mieux prendre en compte la variabilité et la multiplicité des situations locales a conduit au développement de programmes contractuels entre l’État et les collectivités locales, dans des champs aussi variés que l’éducation, l’action sociale, le logement, l’insertion, ou encore la santé. Un foisonnement de contrats locaux réunit désormais, sur un territoire précis, identifié par ses caractéristiques sociales, tous les acteurs susceptibles de relayer l’action publique : les zones d’éducation prioritaire, les contrats enfance, les contrats éducatifs locaux, les programmes locaux d’insertion etc.

Les collectivités territoriales sont donc aujourd’hui des acteurs incontournables de la performance des politiques sociales en Europe.

Or, force est de constater que leurs pratiques et leurs résultats sont insuffisamment connus aujourd’hui. M. Antoine Magnier, directeur de la Dares (148), a regretté que la décentralisation ne se soit pas accompagnée d’une réflexion sur le système d’information. Aujourd’hui, l’information sur les politiques décentralisées dépend de la bonne volonté des collectivités et se heurte au coût d’une telle collecte d’information.

M. Stefan Ackerby, président de l’association des régions et des communes de Suède (SKL) (149) a présenté ce qui pourrait constituer un exemple de performance. La SKL a mis en place un système dit « de comparaisons ouvertes » entre les collectivités locales. Les régions et les communes font l’objet d’un classement, à partir de leurs résultats mesurés par des indicateurs communs. Ce classement, réalisé en coopération avec l’inspection des affaires sociales, est rendu public et repris par la presse locale et nationale, de sorte qu’une telle comparaison des performances locales a un effet incitatif. Il est très populaire, selon M. Stefan Ackerby. À certains égards, ce mécanisme ressemble à la « méthode ouverte de coordination » pratiquée au niveau communautaire, puisqu’elle n’est pas contraignante et qu’elle préserve l’autonomie des collectivités concernées.

M. Ackerby a reconnu la difficulté de mesurer la performance et l’efficacité des politiques, ainsi que l’efficience. Les indicateurs mesurent surtout la satisfaction des usagers. La SKL essaie, par ailleurs, de publier des travaux de recherche et d’analyse indépendants (evidence-based research) et de diffuser les bonnes pratiques.

Les rapporteurs proposent donc d’encourager la mise en place d’une méthode ouverte de coordination au niveau locale, une « Moc locale », en particulier entre conseils généraux pour favoriser les échanges de bonnes pratiques dans le domaine de l’insertion sociale et professionnelle, domaine dans lequel les marges de progrès et les bénéfices potentiels de ces échanges paraissent les plus importants.

Pour cela, ils préconisent de faire notamment évoluer le rôle de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS), en renforçant ses capacités de recherche et en lui permettant de réaliser des expérimentations et des évaluations de politiques sociales locales (150). Les rapporteurs proposent également que l’ODAS puisse s’appuyer sur un fonds de « recherche, développement et évaluation » sur les politiques sociales locales, dont le financement serait partagé entre l’État et les collectivités locales. Comme l’a très bien dit M. Martin Hirsch, il est temps aujourd’hui d’utiliser pleinement les dispositions introduites par la révision constitutionnelle de 2003 sur le recours aux expérimentations locales, mises en œuvre pour la première fois en 2007 pour le revenu de solidarité active (RSA).

En s’inspirant de l’exemple suédois, les rapporteurs proposent l’adoption d’un tableau de bord commun pour la comparaison de l’action sociale décentralisée. Comme l’avait souligné M. Ackerby, ces indicateurs ont leurs limites et ne sauraient traduire, à eux seuls, toute la richesse des politiques menées au niveau local. C’est pourquoi le renforcement des capacités d’évaluation des collectivités territoriales paraît justifiée. Mais ce tableau de bord constituerait un repère pour nos concitoyens et un objet de débat utile, susceptible de mettre en lumière des « bonnes pratiques ».

Recommandation n° 4 : Encourager la mise en place d’une « méthode ouverte de coordination » entre conseils généraux, en promouvant l’exemple suédois

– Encourager une évolution de l’Observatoire de l’action sociale décentralisée (ODAS) dans le sens d’un renforcement de ses capacités d’évaluation.

– Susciter l’adoption d’un tableau de bord commun pour la comparaison de l’action sociale décentralisée.

– Créer un fonds de « recherche, développement et évaluation » sur les politiques sociales locales financé conjointement par l’État et les collectivités territoriales.

II.– QUELS FACTEURS DE PERFORMANCE DES POLITIQUES DE L’EMPLOI EN EUROPE ?

A.– EN REMARQUES LIMINAIRES : DES ENJEUX TRANSVERSAUX POUR LES POLITIQUES DE L’EMPLOI

Plusieurs constats formulés par les personnes auditionnées ont convaincu les rapporteurs de consacrer une partie du rapport aux facteurs de performance des politiques de l’emploi. La partie transversale du présent rapport a montré en effet à quel point l’emploi est déterminant pour la soutenabilité des systèmes de protection sociale et pour lutter efficacement contre la pauvreté. Elle a souligné également plusieurs faiblesses de la France par rapport à ses voisins européens : les taux d’emploi des jeunes et des seniors, inférieurs à la moyenne de l’OCDE ; la dualisation croissante du marché du travail, qui pénalise les jeunes et les moins qualifiés ; la faible progressivité des carrières et la difficulté des transitions professionnelles.

Compte tenu des multiples facteurs agissant sur l’activité et le chômage, de la pluralité d’objectifs que peut avoir la politique de l’emploi selon les pays – l’accès à l’emploi seulement ou l’accès à un emploi de qualité ? – et de l’interdépendance qu’elle entretient avec l’ensemble des politiques économiques et sociales, quelques remarques liminaires sur des enjeux transversaux sont apparemment nécessaires.

a) Le poids des cotisations sociales sur le coût du travail

Les enjeux relatifs à la compétitivité de l’économie et l’analyse de l’impact des prélèvements obligatoires en France ne sont pas l’objet du présent rapport, qui ne saurait, en tout état de cause, traiter de ces sujets que de manière superficielle.

Toutefois, il faut souligner que le mode de financement de la protection sociale a une incidence sur les résultats en matière d’emploi. Le poids des cotisations sociales sur le coût du travail constitue un enjeu important pour la France dans les comparaisons internationales (cf. graphique infra, page suivante). Ce sujet a été évoqué par nombre de personnes entendues, au titre du premier cycle d’auditions transversales sur la performance du système français de protection sociale, ainsi que par plusieurs spécialistes par la suite. Les déplacements réalisés par vos rapporteurs en Suède, au Royaume-Uni et en Allemagne ont confirmé l’acuité de cette question pour la France.

L’IMPOSITION DES REVENUS DU TRAVAIL : IMPÔTS SUR LE REVENU ET COTISATIONS DE SÉCURITE SOCIALE DES SALARIÉS ET DES EMPLOYEURS EN 2009

(en pourcentage des coûts de main d’œuvre, pour un célibataire sans enfant ayant un salaire égal à celui d’un salarié moyen)

CSS : cotisations de sécurité sociale.

Source : Les impôts sur les salaires 2008-2009, OCDE (août 2010)

Le programme de qualité et d’efficience (PQE) « Financement », annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale en 2012, comporte un objectif consistant à « concilier le financement de la sécurité sociale et la politique de l’emploi ». À cet égard, le PQE Financement souligne le niveau élevé des cotisations sociales en général et plus particulièrement que « l’ensemble des cotisations et contributions patronales versées aux organismes de sécurité sociale représente 29,8 % du coût du travail au niveau du salaire moyen en France, qui se situe de fait au premier rang des pays de l’OCDE en termes d’importance des prélèvements patronaux sur les salaires, devant l’Italie (24,3 %), la Suède (23,9 %) et la Belgique (23 %). Ce ratio est de 16,3 % en Allemagne et 0 % au Danemark, puisque depuis 2000, il n’existe plus de cotisation patronale obligatoire de sécurité sociale. » (151)

Le 9 novembre 2011, M. Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée nationale, a pris acte, avec regret, de l’impossibilité de parvenir à un consensus transpartisan sur un rapport dans le cadre de la mission d’information sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale qu’il présidait : « des points de vue trop éloignés, notamment sur l’impact des 35 heures sur la compétitivité de notre pays, n’ont pas permis d’aboutir à un constat partagé. […] Un constat commun a néanmoins pu être dressé sur un certain nombre de sujets tels que le déficit croissant du commerce extérieur, la dégradation de la compétitivité du coût salarial de notre pays notamment par rapport à l’Allemagne, la désindustrialisation de la France, et certaines difficultés de financement des petites et moyennes entreprises. »

Pour sa part, le Président de la République a décidé, le 15 novembre 2011, la création d’un Haut Conseil au financement de la protection sociale, associant les partenaires sociaux et chargé de faire des propositions pour réduire le poids des prélèvements sur les salaires (152).

Ces éléments témoignent de l’importance de cette question, qui doit toutefois être abordée dans le cadre d’une réflexion plus large sur l’impact des prélèvements obligatoires.

b) La nécessité d’une politique de croissance

Outre les difficultés liées au coût du travail, plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs ont tenu à rappeler qu’une politique de croissance et de développement économique était nécessaire à l’amélioration de la situation de l’emploi. La croissance française ne s’accompagne pas d’une offre de travail de haut niveau et de qualité, selon M. Jérôme Vignon, président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes) (153), pour qui les transitions vers des emplois de qualité doivent être favorisées, afin d’éviter que la politique de l’emploi ne se traduise par la subvention massive par les prestations sociales d’emplois sous-qualifiés.

Le retour au plein-emploi, mais également l’amélioration de la qualité de l’emploi, nécessitent une politique industrielle repensée, fondée sur l’innovation, selon M. Philippe Askenazy, économiste (154), rejoint sur ce point par M. Francis Kramarz, directeur du centre de recherche en économie et en statistique (Crest) (155). Selon Mme Christine Erhel, chercheuse au Centre d’études de l’emploi (CEE) (156), la solidité du tissu industriel allemand est pour beaucoup dans le maintien d’emplois intermédiaires, tandis que le développement du secteur tertiaire en France s’accompagne souvent d’une diminution de la qualité de l’emploi. Par ailleurs, comme le soulignait M. Philippe Askenazy, le développement de l’aide à la création d’entreprise doit s’accompagner d’un renforcement des mesures d’aides ou de simplification à destination des petites et très petites entreprises. La performance des politiques de l’emploi a donc pour corollaire des performances économiques et industrielles, appuyées sur une véritable stratégie visant notamment la création d’emplois de qualité.

*

* *

De ces remarques liminaires découle un constat essentiel pour l’évaluation comparée des politiques de l’emploi : les objectifs comme les modalités de ces politiques varient considérablement en Europe. Dans cette diversité, une mission apparaît toutefois commune à tous les pays considérés : l’accompagnement des demandeurs d’emploi et la facilitation de l’accès à l’emploi.

C’est pourquoi la présente étude s’est donnée pour objectif de comparer la mise en œuvre de cette mission dans cinq pays européens, dont la France, en soulignant les phénomènes de convergence ou les singularités nationales. Recherchant une compréhension poussée des contextes nationaux, elle conclut sur les principaux enseignements des travaux de recherche et d’évaluation menés sur ce sujet.

Cette analyse repose sur un travail de synthèse de la littérature académique et publique dans les cinq pays étudiés (Allemagne, France, Portugal, Royaume-Uni, Suède) réalisé par le cabinet Euréval, en réponse à un appel d’offre au titre de l’accord cadre dont bénéficie le CEC pour faire réaliser des évaluations de politiques publiques, ainsi que sur les auditions menées par le groupe de travail, complétées par des déplacements dans plusieurs des pays étudiés.

B.– UNE APPROCHE : L’ÉVALUATION COMPARÉE DE CINQ POLITIQUES D’ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D’EMPLOI EN EUROPE

1. Des dépenses importantes mais des pratiques évaluatives inégalement développées

a) Des dépenses élevées en faveur de l’emploi, dont l’efficacité est aujourd’hui questionnée

Les dépenses totales en faveur du retour à l’emploi évoluent de façon relativement similaire dans les cinq pays étudiés, montrant une réaction conjoncturelle commune. Le premier graphique infra montre qu’après une baisse générale des dépenses publiques consacrées à cette politique publique entre 2005 et 2008, la crise économique apparue en 2008 a entraîné une hausse des dépenses dès 2009, cependant inégale selon les pays.

● La classification des dépenses par les organisations internationales

Une analyse plus approfondie de la répartition de ces dépenses (second graphique infra) permet de caractériser les pays étudiés et d’identifier des approches différentes des politiques de l’emploi. Eurostat et l’OCDE répartissent ainsi les dépenses en faveur de l’emploi suivant neuf catégories de « politiques du marché du travail » (PMT) :

– les « services PMT » (catégorie 1), qui incluent les coûts des services publics de l'emploi (SPE) ainsi que tous les autres services publics pour les demandeurs d'emploi ;

– les « mesures PMT » (catégories 2-7), qui recouvrent les mesures d'activation pour les chômeurs et autres groupes cibles incluant la formation professionnelle (cat. 2), la rotation dans l'emploi et le partage d'emploi (cat. 3), les incitations à l'emploi (cat. 4), l’emploi protégé et la réadaptation (cat. 5), la création directe d'emplois (cat. 6) et les aides à la création d'entreprise (cat. 7) ;

– les « soutiens PMT » (catégories 8-9), qui recouvrent le maintien et le soutien du revenu en cas d'absence d'emploi (principalement prestations de chômage) et allocations de préretraite.

L’OCDE a fait le choix d’une classification plus normative encore : l’Organisation distingue en effet les mesures dites « actives » (l’équivalent des « services » et « mesures PMT ») des dépenses « passives » (les « soutiens PMT »). Les premières sont considérées comme un investissement susceptible de favoriser le retour à l’emploi. L’effet désincitatif des secondes sur l’activité doit être limité au mieux (cf. encadré infra).

ÉVOLUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES EN FAVEUR DU RETOUR À L’EMPLOI (2005-2009)

(en pourcentage du PIB))

Source : OCDE in Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, 2011, annexée au présent rapport.

DÉPENSES PUBLIQUES EN FAVEUR DES POLITIQUES DU MARCHÉ DU TRAVAIL,
PAR TYPE D'ACTION (2009)

Source : Eurostat

La notion d’activation des dépenses sociales selon l’OCDE

L’activation est un concept introduit dans le vocabulaire politique international à partir de la réforme suédoise des politiques dites « actives » de l’emploi, débattue à partir des années 1930 et mise en œuvre dans les années 1950. L’activation impliquait que tout chômeur qui ne pouvait trouver un emploi devait en premier lieu se voir proposer une formation ou une mesure appropriée. Elle s’inscrivait toutefois dans une politique plus large de lutte contre les inégalités et de construction d’un système de protection sociale.

Gösta Rehn – l’un des pères du fameux modèle suédois – a contribué à la diffusion de la notion lorsqu’il a occupé les fonctions de chef du département de l’emploi et des politiques sociales à l’OCDE de 1962 à 1973. À partir de 1964, l’OCDE adopte cette notion en transformant progressivement son contenu, la détachant de ses interactions avec la politique économique et les revenus, pour fonder une critique des « politiques passives » : la simple indemnisation du chômage et les préretraites.

Dans les années 1990, la question de l’emploi apparaît dans l’agenda communautaire – au sommet d’Édimbourg en 1992, dans le « Livre Blanc » présenté au sommet de Bruxelles en 1993 – et dès cette époque, la Commission et le Conseil des ministres plaident conjointement pour des « politiques actives de l’emploi ».

La notion fait ensuite son entrée dans les conclusions du sommet de Lisbonne en mars 2000, sous l’impulsion conjointe des Espagnols et des Britanniques. Elle appartient désormais au lexique de base des sommets européens.

La France manifeste, en matière de dynamique d’activation, son caractère hybride. Jusqu’au milieu des années 2000, elle se rapprochait des systèmes scandinaves par la constance et la variété de ses dispositifs, justifiés par la situation des bénéficiaires, mais elle y consacrait des ressources proportionnellement bien inférieures. Les emplois temporaires (publics ou associatifs) relevaient d’une logique « d’employeur en dernier ressort », l’État étant considéré comme chargé de fournir des emplois temporaires pour pallier les déficiences du marché, à la manière des politiques actives suédoises ou danoises.

Depuis le milieu des années 2000, cependant, l’activation a plutôt pris la forme de mesures qui empruntent à la fois à la logique de l’activation des personnes et à la logique de l’activation des systèmes. Ainsi, la réduction des durées d’indemnisation, la décroissance progressive du taux de remplacement ou encore le contrôle de la recherche active d’un emploi (sanction des refus d’offres « raisonnables » d’emploi, sanction du manque d’assiduité aux rendez-vous avec Pôle Emploi) s’inscrivent dans une démarche d’activation des personnes, proche du régime libéral britannique. La Prime pour l’emploi (PPE) et plus récemment le Revenu de solidarité active (RSA) relèvent plutôt de l’activation des systèmes, par la lutte contre les « trappes à inactivité ».

L’OCDE estimait qu’en France, en 2008, les dépenses « passives » en faveur de l’emploi représentaient 1,2 % du PIB, contre 0,7 % pour les dépenses « actives ».

Source : D’après Jean-Claude Barbier (2002) « Peut-on parler « d’activation » de la protection sociale en Europe ? », Revue française de sociologie, n°43-2, avril-juin, pp. 307-332.

● Trois modèles européens d’accompagnement vers l’emploi

Une analyse statique, à partir des dépenses de 2009 par exemple, permet d’identifier trois modèles contrastés s’agissant des dépenses en faveur de l’emploi :

– le Royaume-Uni, avec une intervention publique minimale destinée à fluidifier le fonctionnement du marché du travail en favorisant la rencontre de l’offre et de la demande ;

– la Suède, dont les dépenses sont inférieures à la moyenne de l’Union européenne (1,8 % du PIB contre 2,1 % pour l’UE 27) mais qui consacre 60 % de celles-ci à des politiques « actives » ;

– le Portugal, l’Allemagne et la France, avec des dépenses sensiblement plus élevées et une répartition marquée par le poids des « soutiens », autrement dit des dépenses « passives ».

La faiblesse relative des dépenses du Royaume-Uni en faveur de l’emploi témoigne d’une approche différente de celle qui prévaut dans les modèles continental (France, Allemagne, Portugal) et nordique (Suède). Comme le montre le second graphique supra, le Royaume-Uni concentre les moyens sur le service public de l’emploi. Ceux-ci sont équivalents à ceux de l’Allemagne et supérieurs à ceux de la France. En revanche, les dépenses en faveur des « mesures PMT » sont quasi inexistantes (7 % des dépenses totales). Les « soutiens PMT » sont très faibles, comparativement aux autres pays (0, 32 % du PIB contre environ 1,5 % pour la France et l’Allemagne).

La Suède se caractérise par des dépenses relativement plus faibles que celles des autres pays étudiés et réparties presque également entre les services, les mesures et les soutiens PMT. Comparativement aux autres pays étudiés, la Suède est le pays qui consacre la part de son PIB la plus importante aux dépenses « actives » (services et mesures PMT).

● Les questions suscitées par ces modèles contrastés

Ce premier constat traduit le poids des spécificités institutionnelles des cinq pays étudiés : les trois modèles identifiés correspondent en effet à une classification traditionnelle (modèles libéral, social-démocrate ou nordique, corporatiste ou continental) inspirée de la typologie des États-providence d’Esping-Andersen (157). Toutefois, la limitation de la proportion des dépenses « passives » est présentée par l’OCDE comme un premier indicateur d’efficacité ou d’efficience. L’importance très variable des « mesures PMT » soulève également des questions sur leur efficacité et appelle une analyse complémentaire de leur contenu réel. De plus, une analyse dynamique depuis 2005 montre qu’au contraire des dépenses globales, les dépenses publiques pour le placement et les services assimilés ont évolué de façon très contrastée selon les pays depuis le début de la crise (cf. graphique infra).

DÉPENSES PUBLIQUES DE PLACEMENT ET SERVICES ASSIMILÉS (2005-2009)

(en pourcentage du PIB)

Source : OCDE in Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, 2011, jointe au présent rapport.

La comparaison de la répartition des dépenses en faveur de l’emploi dans les cinq pays étudiés suscite donc les questionnements suivants :

– Quelles sont les caractéristiques de l’accompagnement des demandeurs d’emploi dans les cinq pays étudiés ? À quels services, à quelles mesures, ceux-ci ont-ils le plus souvent recours ? Quelles convergences ou divergences peuvent être observées ?

– Comment s’expliquent les écarts entre les pays étudiés concernant les dépenses de « soutien », dites « passives » ? Dans quelle mesure les écarts constatés sont-ils intrinsèquement liés au modèle national de protection sociale ou au contraire issus d’une volonté délibérée ?

– Quelles sont les politiques les plus efficaces ou les plus efficientes ? Dans quelle mesure la répartition des dépenses en faveur de l’emploi est-elle délibérée et inspirée par l’évaluation de l’efficacité des différents dispositifs ? Les évolutions observées depuis le début de la crise sont-elles la résultante d’un choix politique ?

b) Des efforts d’évaluation comparée par les organisations internationales mais un développement inégal des pratiques évaluatives au niveau national

Une première démarche consiste à chercher des réponses aux questions soulevées supra dans les comparaisons et les évaluations réalisées par les organisations internationales, qui réalisent un grand nombre de travaux sur l’emploi.

L’Organisation internationale du travail (OIT) publie par exemple un rapport annuel intitulé Tendances mondiales de l’emploi, qui décrit très précisément l’évolution du chômage, des taux d’activité, de la productivité, proposant pour chaque phénomène une ventilation régionale, infrarégionale, une analyse par secteur d’activité, des projections, des simulations etc. Toutefois, ces publications sont essentiellement descriptives, statistiques. Les travaux des organisations de coopération que sont l’OCDE ou l’Union européenne sont plus normatifs et sont conclus par des recommandations.

● Les recommandations de l’OCDE relatives à l’emploi

Certaines d’entre elles ont été évoquées dans la première partie du présent rapport (section I.B.2.c.), à l’occasion de la présentation d’un panorama des évaluations internationales en matière sociale témoignant notamment des moindres performances françaises en matière d’emploi. Ces évaluations reposent sur les lignes directrices définies par les organisations internationales qui les produisent.

S’agissant de l’emploi, les ministres chargés de l’emploi et des affaires sociales des pays membres de l’OCDE ont adopté une stratégie en 1995, réévaluée lors d’une conférence politique à haut niveau à Toronto en 2006 et définissant désormais les quatre axes stratégiques suivants :

– « des politiques macro-économiques axées sur la stabilité », c’est-à-dire une politique macroéconomique solide, encourageant l’investissement et la croissance, et visant à réduire les fluctuations cycliques de l’économie ;

– « une réforme des systèmes fiscaux et de protection sociale » pour « activer » les dépenses sociales, c’est-à-dire s’assurer qu’elles ne dissuadent pas le travail ou l’emploi ;

– « de meilleures réglementations du travail pour une plus grande sécurité d'emploi », traduite fréquemment par la notion de « flexicurité » ;

– un renforcement du capital humain (158), par l’investissement dans des politiques d’éducation, de formation professionnelle et de santé et par une politique de lutte contre les inégalités d’accès à ces services.

● Des préconisations voisines dans l’Union européenne

Ces préconisations très générales, adoptées par l’ensemble des pays membres de l’Organisation, sont voisines de celles qui sont formulées au niveau communautaire. Ainsi, la stratégie de Lisbonne adoptée en mars 2000 s’appuyait sur des axes relativement similaires pour faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Cette stratégie a été recentrée autour de trois axes principaux en 2004 : rendre l'Europe plus attractive pour les investissements et le travail ; faire de la connaissance et de l'innovation le cœur de la croissance européenne ; bâtir des politiques permettant de créer davantage et de meilleurs emplois (159).

● Des outils et des processus multiples, dont le fonctionnement est chronophage

Définie en 1997, la stratégie européenne pour l’emploi (SEE) repose sur une méthode ouverte de coordination, processus volontaire de convergence et d’échange de bonnes pratiques dont le volet Emploi fut la première manifestation (cf. première partie du présent rapport). Des « rapports conjoints » mesurent les progrès des États membres par rapport aux « lignes directrices pour l’emploi » élaborées dans ce cadre, en lien avec le Comité de l’emploi, créé en 2000 pour faciliter les échanges entre les services de la Commission européenne et les services gouvernementaux des États membres.

Ensuite, à partir de 2000, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, la Commission européenne a proposé plusieurs « initiatives », comme celle visant à améliorer les qualifications des travailleurs, en concordance avec les besoins des employeurs européens, intitulée « Des compétences nouvelles pour des emplois nouveaux. » De multiples dispositifs tels qu’Europass, cadre européen unique pour la transparence des qualifications et des compétences ; Eures, le réseau européen des services publics de l’emploi pour l'emploi et la mobilité des travailleurs ; Progress, le programme communautaire pour l'emploi et la solidarité dont l’objet est de financer principalement des activités d’analyse et d’apprentissage mutuel, de sensibilisation et de diffusion pour la période 2007-2013 ; le Fonds social européen (cf. première partie du présent rapport) sont créés ou voient leurs missions évoluer compte tenu des objectifs communautaires en matière d’emploi.

Enfin, dans un registre proche, la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), un organe tripartite de l'Union qui a été institué dès 1975 dans le but de contribuer à la planification et à la mise en place de meilleures conditions de vie et de travail en Europe, participe notamment aux réflexions sur la qualité de l’emploi, qui constitue un objectif explicite de l’Union depuis 2003.

Ce foisonnement d’initiatives, d’objectifs et d’exercices de suivi est porteur d’une relative confusion. À la suite de l’adoption, en 2007, du Traité de Lisbonne, la gouvernance a d’ailleurs été opportunément simplifiée, de façon à regrouper les différents exercices de coordination des politiques européennes au sein du « semestre européen » (cf. première partie du présent rapport). Les avis, rapports et publications des institutions européennes, produites notamment par le Comité de l’emploi, présentent un intérêt indéniable mais restent difficilement accessibles pour le décideur public.

Plusieurs personnes entendues par le groupe de travail – notamment M. Jérôme Vignon, ancien directeur de la protection et de l’intégration sociales à la Commission européenne (160) et M. Étienne Grass, conseiller en charge des affaires sociales à la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne (161) – ont souligné la richesse de ces travaux tout en reconnaissant que des outils de synthèse pour les élus nationaux pourraient faciliter leur diffusion. Suggérant qu’elle était trop peu sollicitée aujourd’hui, M. Étienne Grass a par exemple proposé de recourir plus fréquemment aux services de la représentation permanente de la Commission européenne en France, qui pourrait ainsi utilement exposer le résultat des travaux communautaires sur l’emploi au Conseil d’orientation pour l’emploi (COE).

D’un contenu variable, ces processus de coordination et de comparaison ont pour effet la production d’une information statistique et technique croissante, souvent factuelle. Autorisant un classement des États membres les uns par rapport aux autres en fonction de leurs résultats finaux, conduisant à des modèles de gouvernance, ces comparaisons ne permettent cependant pas toujours de mettre en évidence les facteurs d’efficacité ou d’efficience en propre des politiques menées.

● Un développement inégal des analyses d’impact au niveau national

En sus des travaux réalisés par les organisations internationales, plusieurs publications nationales ou instituts de recherche spécialisés sur les politiques de l’emploi offrent aujourd’hui des études d’impact de qualité. Le développement de l’évaluation de l’impact des politiques de l’emploi est cependant inégal suivant les pays. L’étude réalisée par le cabinet Euréval souligne que « sur le plan de l’évaluation des impacts, les pays étudiés présentent une image très contrastée puisqu’une partie d’entre eux (Allemagne, France, Suède) a une pratique active, tandis que les analyses d’impact approfondies ne sont pas, ou sont très peu pratiquées dans d’autres (Portugal, Royaume-Uni). Ce constat a été confirmé par les experts nationaux chargés de superviser les cinq études par pays. […] Ce panorama est également confirmé par un autre article récent qui passe en revue des analyses plus anciennes et qui suggère que l’analyse quantitative des impacts était un peu plus pratiquée au Royaume-Uni dans les années 1990. »

L’Allemagne, la France et la Suède peuvent être considérés comme des pays plus avancés dans le domaine de l’évaluation de l’impact des politiques de l’emploi : « en Allemagne, l’Institut de recherche du service public de l’emploi (IAB) joue un rôle clé. De plus, la fondation IZA (Institut de recherche sur le travail) a acquis une renommée internationale dans le domaine de l’évaluation des politiques de l’emploi et contribue très efficacement à la capitalisation des leçons apprises grâce aux évaluations. Par ailleurs, en Suède, une organisation publique (Institut pour l’évaluation de la politique d’emploi) finance, coordonne et diffuse une grande proportion des travaux d’évaluation conduits dans le pays. Dans les deux pays, l’évaluation mobilise fortement les centres de recherche universitaires et aboutit à des publications répondant aux critères académiques d’indépendance et de qualité. »

En France, les évaluations d’impact sont encore souvent réalisées par ou à l’initiative des pouvoirs publics : « des travaux pertinents sont régulièrement publiés par l’administration nationale (Dares) et par le service public de l’emploi (Pôle Emploi). Des évaluations plus approfondies et plus indépendantes sont régulièrement produites par un ensemble d’instituts de recherche publics (CEE, Crest, Cereq) et d’équipes universitaires. » (162)

À cet égard, Mme Marie-Claire Carrère-Gée a souligné le rôle du COE (163), qui s’appuie sur la recherche académique pour construire des analyses partagées et des propositions consensuelles avec les acteurs de l’emploi. Elle a toutefois évoqué plusieurs zones d’ombre, pour lesquelles aucune évaluation n’est aujourd’hui disponible. Le suivi des taux d’insertion à l’issue de chaque formation au niveau régional serait par exemple insuffisant, de même que l’information statistique et l’évaluation des politiques relatives aux très petites entreprises (TPE). Mme Véronique Hespel et M. Pierre-Emmanuel Lecerf, respectivement inspectrice générale et inspecteur des finances, auteurs d’une récente étude sur les effectifs des services publics de l’emploi en Europe (164), ont également jugé insuffisante l’information actuelle sur les effectifs chargés de l’indemnisation et de l’accompagnement au niveau local (165).

M. Antoine Magnier, directeur de la Dares, s’est pour sa part félicité du développement des évaluations d’impact en France, qu’il juge de bonne qualité. Il a rappelé de surcroît le coût d’une information statistique croissante demandée par les pouvoirs publics, en particulier sur les interventions et les politiques locales. En conséquence, le développement de nouvelles bases de données, de travaux de recherche et d’enquêtes doit être justifié et il importe que ces travaux soient effectivement utilisés. (166)

c) Des évaluations qui semblent peu exploitées par les décideurs publics

 Des évaluations peu exploitées en France

Plusieurs des personnes entendues par le groupe de travail ont regretté que les évaluations et les travaux de recherche sur l’emploi soient insuffisamment exploités et peu connus des décideurs publics. La construction d’un consensus sur les causes du chômage prendra du temps, d’après Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du COE, qui a estimé que les décideurs devaient s’approprier les résultats des travaux académiques et des évaluations (167). L’élaboration de positions communes sur l’emploi lui paraît aujourd’hui plus difficile au sein du COE qu’au Conseil d’orientation sur les retraites où des points de convergence et des diagnostics partagés ont pu se développer.

M. Martin Hirsch a d’ailleurs regretté que les décisions publiques ne soient pas plus souvent précédées d’expérimentations ou d’évaluations et que les recommandations de celles-ci ne soient pas plus suivies, le cas échéant (cf. première partie du présent rapport). Il a observé que les décisions obéissaient souvent à des logiques court-termistes (limiter les dépenses à court terme) ignorant les gains d’efficience pouvant éventuellement être obtenus à plus long terme (168).

● Un défaut partagé par la plupart des pays étudiés

Lors du déplacement organisé à Londres les 18 et 19 juillet 2011, les rapporteurs ont été frappés de l’ampleur des coupes budgétaires décidées par le gouvernement, sans considération pour l’efficacité prouvée de certains dispositifs, notamment contre l’exclusion et la pauvreté des enfants (169). Si ces réductions drastiques ont sans doute pour effet d’améliorer l’état des finances publiques à court terme, leur effet sur la situation sanitaire et sociale, ainsi que sur la compétitivité de l’État concerné, et donc sur ses perspectives de recettes à moyen et long terme pourrait cependant être préjudiciable.

En Allemagne, le ministère chargé du travail a présenté un projet de réforme, justifié par l’obligation de réaliser des économies de 8 milliards d’euros d’ici 2015 dans le cadre du plan d’austérité allemand. La subvention aux créateurs d’entreprises sera notamment réduite, de façon à économiser 5 milliards d’euros, sans toutefois qu’une évaluation témoignant d’une efficacité insuffisante de ce dispositif ait été invoquée (170).

À l’inverse, la Suède fait exception puisqu’après avoir connu une récession importante et une augmentation durable du chômage dans les années 1990, le gouvernement s’était appuyé sur des travaux d’évaluation pour ne conserver que les dispositifs en faveur de l’emploi les plus efficients, avant de les adapter dans la période récente pour répondre à la crise de 2008 (171).

M. Jean-Claude Barbier, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des politiques de l’emploi en Europe et aux États-Unis (172) a estimé qu’il y avait peu d’apprentissage réciproque entre les pays. Le poids des spécificités nationales et de l’organisation historique reste déterminant. À cet égard, l’observation des profils de dépenses en faveur de l’emploi supra confirme la persistance de modèles relativement stables dans le temps (libéral, continental, nordique).

2. Des enjeux communs et des logiques convergentes élaborées au sein des organisations internationales

En dépit de l’inertie des modèles nationaux, dus au poids des contextes nationaux et des modes de décision publique, les États européens partagent des enjeux communs et mettent progressivement en œuvre des réformes convergentes suivant les recommandations des organisations internationales.

Les missions des services publics de l’emploi en Europe sont relativement similaires et consistent à favoriser l’appariement des offres et des demandes d’emploi sur le marché du travail, l’accompagnement des demandeurs d’emploi, et le contrôle du respect des obligations de recherche d’emploi par les bénéficiaires d’assurance chômage. 

a) La logique de guichet unique : vers un service commun à tous les demandeurs d’emploi

● Une intégration progressive

L’intégration des fonctions d’indemnisation et d’accompagnement est une tendance commune aux cinq pays étudiés et la plupart des réformes récentes ont pour objectif la création de « guichets uniques », une recommandation désormais habituelle de l’OCDE, que l’Organisation applique à divers domaines de l’action publique (173). Cette tendance à l’intégration des fonctions d’indemnisation et d’accompagnement se double d’une volonté de rapprocher le service public de l’emploi des structures de l’aide sociale.

Selon l’étude réalisée à la demande des rapporteurs par le cabinet Euréval, « c’est au Royaume-Uni que l’intégration semble la plus aboutie. Les agences locales du service public de l’emploi (Jobcentre Plus) sont issues de la fusion en 2002 des Jobcentres et des Benefit Agencies, sous la forme d’un guichet unique qui délivre également des aides au logement et des aides au paiement des impôts locaux. » (174) La logique intégrative s’accompagne souvent d’un questionnement sur « le métier unique » qui, en France par exemple, doit devenir celui des professionnels de l’accompagnement et de l’indemnisation de Pôle emploi. À cet égard, il faut souligner qu’en dépit d’une intégration considérée comme la plus aboutie, le Royaume-Uni a conservé des métiers distincts, qui sont cependant regroupés dans un même lieu. En particulier, le conseiller qui assiste le demandeur d’emploi dans l’élaboration de son projet professionnel n’est pas le même que celui qui vérifie le respect de ses obligations de recherche d’emploi.

● Un constat qui doit être en partie nuancé

La Suède est demeurée dans une situation qui était celle de la France avant la création de Pôle Emploi en 2008. L’indemnisation des demandeurs d’emploi y est assurée par les caisses d’assurance chômage, tandis que le service public de l’emploi est chargé de l’accompagnement. Selon M. Stefan Ackerby, directeur de l’Association suédoise des régions et des municipalités, la politique nationale de l’emploi s’appuie sur le réseau déconcentré des « services publics de l’emploi » (nom donné aux agences locales). Les communes, responsables de l’aide sociale, ont cependant mis en place des services municipaux d’aide au retour à l’emploi, destinés aux bénéficiaires de l’assistance. Les communes sont relativement autonomes dans la mise en œuvre de mesures de suivi ou de coaching. En théorie, des accords peuvent être passés entre les municipalités qui souhaitent se doter d’unités d’aide au retour à l’emploi et les services publics de l’emploi locaux mais en pratique, 85 % des communes se sont dotées de tels services et les relations avec le service public de l’emploi ne paraissent pas parfaitement harmonieuses. M. Stefan Ackerby a souligné la suppression de la possibilité octroyée aux municipalités d’employer les demandeurs d’emplois. En effet, ce système créait une tentation pour les communes consistant à employer les bénéficiaires de l’assistance (financée par les communes) avant de les licencier pour qu’ils bénéficient ensuite de l’assurance chômage (175).

En Allemagne, l’Agence fédérale pour l’emploi assure l’accompagnement et l’indemnisation des chômeurs couverts par le régime d’assurance chômage. Elle participe également à l’accompagnement des bénéficiaires du régime de solidarité avec les communes. Selon l’étude réalisée par le cabinet Euréval : « dans ce second régime, l’Agence assure l’accompagnement et l’indemnisation des allocataires, tandis que les communes ont la charge de l’assistance sociale et du versement d’aides complémentaires. L’Agence et les communes conviennent généralement d’établir des guichets uniques. » (176)

La logique intégrative est également remise en cause par le développement de la cotraitance et de la sous-traitance. Le recours à l’externalisation est par exemple important au Royaume-Uni. En France, « l’aide à la recherche d’emploi reste […] fragmentée dans la mesure où d’autres acteurs, comme les départements ou les missions locales, remplissent des fonctions en partie similaires pour les bénéficiaires des minima sociaux et pour les jeunes entrant sur le marché du travail. », selon la même étude (177).

b) L’activation des revenus de remplacement

● Une recommandation des organisations internationales

Outre l’intégration des services publics, l’OCDE préconise « l’activation » de la protection sociale (cf. encadré supra, B.1.a.). Dans une publication récurrente intitulée Prestations et salaires, l’Organisation évalue l’importance des « trappes à inactivité », autrement dit les désincitations financières induites par le système socio-fiscal à la reprise d’un emploi, dans chaque pays membre. Le revenu de solidarité active (RSA) mis en place en France en 2008 avait ainsi pour objectif de lutter contre ce phénomène, en évitant la perte nette résultant du passage de l’aide sociale à un emploi faiblement rémunéré, au niveau du salaire minimum par exemple. L’activation concerne aussi bien l’indemnisation chômage que les minima sociaux, qui agissent tous deux sur le « salaire de réservation », « c'est-à-dire le niveau de salaire minimum qu’un emploi doit offrir pour décider une personne à quitter le chômage. Il est établi qu’un niveau élevé d’indemnisation tend à prolonger la durée du chômage, parfois avec des effets positifs dans la mesure où les personnes concernées finissent par trouver des emplois de meilleure qualité ». (178)

L’étude réalisée par le cabinet Euréval confirme que « la tendance est à une moindre générosité de l’indemnisation du chômage dans tous les pays étudiés, ce qui correspond à un mouvement de plus grande ampleur et de plus longue durée. En fait, depuis une vingtaine d’années, la logique des systèmes d’indemnisation du chômage s’est considérablement modifiée dans la plupart des pays de l’OCDE. On est progressivement passé d’une logique d’assurance où le rôle de l’indemnisation consistait à lisser le revenu dans les périodes de chômage à une logique plus incitative. » (179)

De façon plus générale, un rapprochement progressif de l’assurance chômage et des minima sociaux est observé dans la plupart des pays européens, favorisé par la logique d’activation et par la recherche d’une meilleure maîtrise des dépenses publiques.

La tendance à une moindre générosité et à une plus grande conditionnalité de l’assurance chômage entraîne en effet, dans un contexte de chômage élevé, un basculement au moins partiel vers les régimes de solidarité, dont les effets incitatifs ou désincitatifs pour le retour à l’emploi posent ensuite question. Sur le plan financier, ce mouvement se traduit par une fiscalisation du financement des revenus de remplacement au sens large, qui sont donc gérés de façon croissante par l’État. De plus, les recettes issues des cotisations sociales sont mécaniquement réduites en cas de récession, entraînant une baisse des moyens disponibles pour l’indemnisation et l’accompagnement des demandeurs d’emploi, qui justifie alors une intervention de l’État. La fiscalisation du financement de l’indemnisation chômage peut permettre, en outre, de ne pas faire porter le financement de l’assurance chômage sur les facteurs de production, augmentant la compétitivité.

● Une logique inégalement aboutie dans les pays étudiés

Pour des raisons historiques, le Royaume-Uni et la Suède sont les pays où ces logiques sont les plus abouties. La durée d’indemnisation du chômage au Royaume-Uni est la plus faible des pays étudiés (3,5 mois). Les demandeurs d’emplois sont incités à retrouver un emploi, même faiblement rémunéré. Un système de crédits d’impôts progressif, dont l’objectif explicite est de « rendre le travail payant » (make work pay), garantit un revenu minimum. En Suède, le système est beaucoup plus généreux (en montant et durée de l’indemnisation) mais l’assurance chômage est financée principalement par l’impôt. Sans avoir atteint ce stade, le plafonnement de l’allocation mensuelle en Allemagne et au Portugal, introduisant une dimension redistributive, remet en question la logique uniquement assurantielle de ces régimes dits « bismarckiens ».

La France se situe dans une situation intermédiaire. Le taux de remplacement des indemnités chômage a diminué continuellement depuis 2001. Les conventions d’assurance chômage depuis 2001 ont progressivement regroupé les filières d’indemnisation dans un régime unique, durci les conditions d’accès à l’indemnisation et renforcé les contreparties mais ont supprimé la dégressivité des allocations. Ensuite, dans un contexte de crise, la convention de 2009 a plutôt recherché une extension de la couverture des demandeurs d’emploi.

Les bénéficiaires de l’assurance chômage en fins de droits peuvent recevoir l’allocation de solidarité spécifique (ASS) versées par Pôle Emploi mais financée par l’État. Les demandeurs d’emplois non éligibles à l’assurance chômage peuvent bénéficier du RSA, financé par les départements. L’intérêt financier des départements est donc d’encourager le retour vers l’emploi.

En tout état de cause, les faibles montants des minima sociaux devraient faire aujourd’hui de la France un des systèmes de protection sociale les plus « activés » – ou en tout état de cause « activant » – de l’OCDE.

L’INDEMNISATION DU CHÔMAGE (2010)

 

Allemagne

France

Portugal

Royaume-Uni

Suède

Taux de cotisation

Employeurs

Salariés

Total

1,40 %

1,40 %

2,80 %(180)

4,00 %

2,40 %

6,40 %


Pas de cotisation spécifiquement applicable au risque de chômage

Financement par l’impôt

Partiellement

Non

Non

Non

Principalement

Conditions d’affiliation minimale

360 jours d’activité au cours des 24 derniers mois

122 jours d’activité au cours des 28 derniers mois

430 jours d’activité au cours des 24 derniers mois

Système spécifique(181)

Environ 65 jours d’activité au cours des 12 derniers mois

Durée d’indemnisation

Entre 6 et 24 mois (182)

Entre 4 et 24 mois

Entre 9 et 38 mois

3,5 mois (uniforme)

8 mois

Montant d’indemnisation

Mode de calcul

Pour cent

Euros / mois

% du salaire


60 à 67

Forfait + % du salaire

% du salaire


65

Forfait

324

% du salaire


70 à 80

Plafond du salaire de référence
(Euros / mois)

4 650 à 5 500 (nouveaux / anciens Länder)

11 540

Aucun

Aucun

/

Montant minimal de l’allocation mensuelle

(Euros / mois)

/

829

475

/

/

Montant maximal de l’allocation mensuelle

(Euros / mois)

1 940 à 2 215

(nouveaux / anciens Länder)

-

1 425

/

1 625

Montant mensuel du salaire minimum national

(Euros / mois)

/

1 344

475

1 175

/

Source : Euréval d’après l’Unédic

Ces éléments appellent deux remarques de la part de vos rapporteurs.

● Un débat sur le plafonnement de l’indemnisation du chômage des cadres

En premier lieu, un débat a été engagé au début de l’année 2011 sur la question du plafonnement de l’indemnisation chômage des cadres, notamment par M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale et membre du groupe de travail sur la performance des politiques sociales en Europe (183). Cette proposition a également été soutenue par M. Bruno Lemaire, ministre chargé de l’agriculture, en charge du projet présidentiel de l’UMP pour 2012. (184) Opposé à cette mesure, comme d’ailleurs le Médef et la CGPME, le président de la CFE-CGC, M. Bernard Van Craeynest, a souligné que les cadres versaient une cotisation supérieure à la somme qu'ils touchent lorsqu'ils sont au chômage. (185) Le système actuel est donc rentable pour l’Unédic. Les quelques éléments de comparaison internationale évoqués supra montrent que cette question renvoie plus largement à un débat sur la philosophie du système de protection contre le risque de chômage. La définition d’un montant maximal d’indemnisation chômage augmenterait les incitations au retour à l’emploi pour les cadres et – sous réserve du maintien du niveau actuel de cotisations chômage – remettrait en cause la logique assurantielle prévalant actuellement au profit d’une logique de solidarité comme dans les modèles universalistes de protection sociale (Royaume-Uni, Suède). Vos rapporteurs préconisent que cette réflexion se poursuive dans le cadre plus large des débats sur le financement de la protection sociale associant les partenaires sociaux (cf. supra section II.A.) et estiment que ce sujet de société pourra être débattu à l’occasion des prochaines échéances électorales.

● Les limites des incitations financières

En second lieu, si la réduction des freins financiers au retour à l’emploi paraît effectivement devoir être recherchée, « l’activation » financière montre aussi ses limites, soulignées par les associations de chômeurs (186), les associations de lutte contre la pauvreté (187), les syndicats de salariés (188) et les syndicats de Pôle Emploi (189), et résumées par M. Matthieu Angotti, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, lorsqu’il a affirmé que « depuis vingt ans, les études sur le RMI tend[ent] à montrer que le principal facteur de retour à l’emploi n’[est] pas l’incitation financière à travailler, mais l’accompagnement. Les personnes éloignées de l’emploi sont dans une problématique de survie, et les obstacles qui les séparent de l’emploi ne se surmontent pas avec un chèque. » Vos rapporteurs souscrivent à ce constat, exprimé à de nombreuses reprises durant les auditions. L’indemnisation du chômage et les minima sociaux ne doivent pas décourager le travail, mais ils ne sauraient constituer à eux seuls une politique de l’emploi.

c) Les « droits et devoirs » d’un parcours individualisé vers l’emploi

L’accompagnement des demandeurs d’emploi et le contrôle des obligations de ces derniers constituent une autre mission commune des services publics de l’emploi en Europe. L’adoption d’une logique de « droits et devoirs », prévoyant que le versement des prestations de l’assurance chômage ou de l’aide sociale est conditionné au respect d’un parcours plus ou moins standardisé, constitue un autre point partagé par les pays étudiés. Conformément à la logique de l’activation, les obligations des demandeurs d’emploi évoluent dans le temps, en fonction de leur éloignement du marché du travail. Cet éloignement est soit évalué a priori par des techniques de ciblage ou de « profilage » – le demandeur d’emploi est alors orienté vers une filière ou un programme correspondant à son employabilité supposée – , soit considéré comme croissant avec le temps passé au chômage. Tandis que les années 1990 ont vu se multiplier les parcours ciblés sur des groupes de demandeurs d’emploi (jeunes, seniors, parents isolés, personnes handicapées), le regroupement des programmes et l’individualisation du suivi constituent une tendance commune aux pays étudiés dans la période récente.

● Un parcours contraignant ou un système de sanctions discrétionnaires ?

Ainsi, en Allemagne, les « réformes Hartz » de 2001 à 2005 ont été engagées conformément au principe « Fördern und Fordern » (« promouvoir et exiger »). Bien qu’il existe différents régimes correspondant au type d’allocations reçues (allocations chômages dites « UB » ou filet de sécurité sociale minimal dit « UB2 »), les obligations des bénéficiaires sont les mêmes. Au Royaume-Uni, les programmes « New Deal » lancés par le gouvernement travailliste en 1997 à destination des jeunes, des seniors, des parents isolés, des chômeurs de longue durée ou encore des personnes handicapées ont progressivement été regroupés pour aboutir au « Work program » unique mis en place par le nouveau gouvernement conservateur en 2010. Le système portugais paraît plus personnalisé avec trois types de programmes (« Emploi », « Formation professionnelle » et « Réinsertion professionnelle »), dont le choix est arrêté lors de l’élaboration du projet personnel du demandeur d’emploi avec son conseiller et adapté en fonction de ses besoins. En Suède, au parcours de droit commun s’ajoute un programme dédié aux jeunes de 16 à 24 ans, ciblé sur l’acquisition d’une expérience professionnelle.

Ces programmes plus ou moins regroupés et individualisés prévoient des obligations croissantes pour le demandeur d’emploi, dont le non respect entraîne des sanctions. Suivant les pays, ces sanctions sont plus ou moins considérés comme des outils de la politique de l’emploi et sont plus ou moins laissées à la discrétion des conseillers du service public de l’emploi.

Les pays de type continental ont défini clairement les efforts de recherche d’emploi et les conditions d’une « offre raisonnable d’emploi », à l’instar de la France, sans toujours l’appliquer toutefois.

Au Portugal, « la recherche de travail est rendue obligatoire par la loi pour les bénéficiaires d’allocation chômage, mais les demandes de preuves de recherche d’emploi ainsi que le nombre de candidatures requises varient selon le plan personnel de retour à l’emploi de chaque chômeur. Le demandeur d’emploi a le devoir d’accepter toute offre d’emploi dont les tâches sont en adéquation avec son profil et ses exigences salariales. Il n’a pas le droit de refuser un emploi correspondant à son profil, afin de suivre une formation. Un seul refus d’un travail adéquat ou d’une activité de formation ou d’orientation fait l’objet d’une suspension des allocations chômage. La mobilité géographique n’est pas obligatoire, mais elle est encouragée par des incitations financières. » (190)

En Allemagne, « un demandeur d’emploi doit en principe accepter tout poste correspondant à son profil à condition que des motifs où raisons personnelles ne soient pas incompatibles avec le poste proposé. S’il bénéficie de mesures d'insertion, le demandeur d’emploi ne peut pas compter sur le fait que l'agence lui proposera des emplois en lien avec la formation qu'il aura suivie. Si l’agence n’est pas en mesure de proposer un emploi “convenable”, et que les efforts fournis par le demandeur d’emploi sont vains, il devra réajuster ses orientations et intérêts personnels en fonction des besoins. Après les trois premiers mois de chômage, le chômeur doit accepter tout type d'emploi qu'il est capable d'occuper. » (191)

Dans les modèles libéral et nordique, les sanctions sont plus discrétionnaires et le renforcement des obligations des demandeurs d’emploi résulte plutôt des changements progressifs de l’indemnisation et des modalités du parcours vers l’emploi. Au Royaume-Uni, la décision de sanctionner un demandeur d’emploi fait beaucoup appel à l’appréciation des conseillers du Jobcentre. D’après les experts auteurs de la monographie sur la Suède réalisée dans le cadre de l’étude annexée au présent rapport, les sanctions sont considérées dans ce pays comme un dernier recours et non comme un instrument sensé favoriser le retour à l’emploi, ce qui reste l’objectif du parcours contraignant imposé au demandeur d’emploi : « afin de limiter le nombre de sanctions et d’interruption des aides, le SPES (192) essaie de tenir les chômeurs régulièrement informés des termes et conditions de l’assurance chômage. » (193)

Ces éléments de comparaison mettent en évidence que, dans les pays dans lesquels le parcours des demandeurs d’emploi est très normé, l’augmentation progressive des contraintes du parcours personnalisé est considérée comme suffisamment incitative, tandis que les pays proposant des parcours plus personnalisés ont tendance à préciser les « droits et devoirs » du demandeur d’emploi.

● Jusqu’où renforcer les devoirs des demandeurs d’emploi ?

Par ailleurs, le renforcement de la conditionnalité observée dans tous les pays étudiés suscite des questionnements sur les éventuels effets d’aubaine qui pourraient en résulter pour les employeurs. En Suède, l’obligation de travailler à temps plein en échange des prestations sociales introduite par le gouvernement est une des rares mesures fermement condamnée par l’opposition et par les syndicats de salariés (cf. encadré infra).

En Suède, l’introduction d’un travail obligatoire d’insertion
en échange des prestations sociales est critiquée par l’opposition

En Suède, le parcours du demandeur d’emploi est rythmé par des phases successives. (194) Les demandeurs d’emploi bénéficient d’abord des services dans les agences locales du service public de l’emploi (195), tout en étant relativement autonomes. Au bout d’une période allant de 300 jours à 18 mois, les demandeurs d’emploi entrent dans un programme en trois phases appelé « Garantie emploi et développement ». La phase 1 est centrée sur l’accompagnement et la motivation du demandeur d’emploi, la phase 2 comprend des mesures en faveur de l’insertion dans l’entreprise, c’est-à-dire des stages et des contrats aidés.

La phase 3 est la plus contestée puisqu’elle prévoit que le demandeur d’emploi qui serait toujours au chômage en dépit des mesures de soutien et des formations d’adaptation pourrait être employé à temps plein en échange des prestations sociales. La phase 3 peut devenir permanente, avec un changement obligatoire d’employeur tous les deux ans. Dans l’esprit des concepteurs de la réforme, la phase 3 peut être un tremplin pour des personnes éloignées de l’emploi à la suite d’un ou plusieurs accidents de parcours, mais aussi remettre au travail des chômeurs et des assistés qui souhaiteraient bénéficier à vie des prestations sans travailler ou encore des invalides ou personnes handicapées qui ne pourraient retrouver un emploi autrement.

En juin 2011, l’opposition a cependant déposé une proposition de loi pour rendre optionnelle la phase 3, dénonçant les effets d’aubaine qu’elle induit pour les employeurs et le subventionnement d’emplois de mauvaise qualité.

Les initiatives consistant à conditionner les prestations sociales à une activité, même partielle, dans le secteur marchand ou non marchand, imposent de tenir compte de la situation spécifique de certains publics très éloignés de l’emploi. Il importe de faire en sorte que les emplois d’insertion, pensés pour être des tremplins, ne deviennent pas des « voies de garage » et que la recherche légitime d’un équilibre entre les droits et les devoirs du citoyen n’aboutisse pas au subventionnement massif d’un secteur à bas salaire, au profit des employeurs les moins scrupuleux.

3. Des modalités de mise en œuvre spécifiques, révélatrices du poids des contextes nationaux

Outre les convergences telles qu’observées précédemment, la comparaison révèle aussi des spécificités nationales dans la mise en œuvre des politiques de l’emploi, qui témoignent selon les cas du poids de l’organisation historique ou de choix récents plus ou moins performants.

a) Des modèles de gouvernance contrastés

La gouvernance des politiques de l’emploi est un des aspects essentiels des différences observées entre les pays. Elle peut être caractérisée suivant notamment deux axes : le degré de décentralisation des politiques de l’emploi et le rôle des partenaires sociaux.

● Un degré de décentralisation variable

Ainsi, bien que le Royaume-Uni et la Suède partagent un certain nombre de caractéristiques, leurs institutions sont relativement éloignées. Alors que le système britannique est décrit par l’étude réalisée par le cabinet Euréval comme « très centralisé », les municipalités suédoises ont une relative autonomie dans l’accompagnement de certains demandeurs d’emploi et ont maintenu des caisses d’assurance chômage gérées par les partenaires sociaux. S’agissant du service public de l’emploi, l’étude précitée souligne que le service public de l’emploi « reste relativement concentré en France, au Portugal et au Royaume-Uni. À l’inverse, la déconcentration donne une grande marge d’autonomie aux agences régionales et locales en Suède et encore plus en Allemagne. Cela tient aux origines historiques de l’assurance chômage, traditionnellement portée dans ces deux pays par les partenaires sociaux au niveau local. » (196)

La mise en œuvre des politiques de l’emploi est très différente en France et en Allemagne, dont les systèmes de protection sociale sont pourtant proches historiquement. Le fédéralisme allemand a pour corollaire l’existence de directions régionales, qui traduisent les objectifs nationaux en objectifs régionaux et locaux, orientent étroitement les agences locales et collaborent avec les Länder sur des programmes régionaux pour l’emploi ou dans le cadre de politiques économiques structurelles au niveau régional. La gouvernance du service public de l’emploi français confère beaucoup moins d’autonomie aux agences locales.

● Une implication inégale des partenaires sociaux

L’implication des partenaires sociaux diffère également fortement suivant les pays étudiés. Selon la même étude, « au Royaume-Uni et dans une moindre mesure au Portugal, la formulation des politiques relève essentiellement du gouvernement. […] En Allemagne, les partenaires sociaux jouaient un rôle important dans la définition des règles d’indemnisation du chômage au niveau national et dans sa mise en œuvre au niveau local. Ce rôle traditionnel reste d’actualité dans la mesure où les partenaires sociaux sont membres du conseil d’administration du service public de l’emploi et y font des contributions actives, comme par exemple lors de la gestion de la crise de 2008. Cependant leur poids a évolué à la suite des réformes du début des années 2000 et leur influence a été jugée comme déclinante [par une récente étude]. En Suède, la gestion et l’amélioration de la politique de l’emploi à l’échelle nationale sont une préoccupation centrale du gouvernement, mais la formulation des réformes politiques est largement influencée par les partenaires sociaux. » (197)

D’après l’étude réalisée par le cabinet Euréval, la France se situe dans une position intermédiaire : « les partenaires sociaux y ont un rôle fixé par le législateur à plusieurs niveaux : ils contribuent à la fixation des règles d’indemnisation du chômage, des règles relatives à l’affiliation et aux contributions sociales relevant du champ d’application du régime d’assurance chômage. Par ailleurs, au sein de l’Unedic, ils conservent la responsabilité de la gestion de l’assurance-chômage. » (198)

RÔLE DES PARTENAIRES SOCIAUX DANS LA GOUVERNANCE
DU SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI (2007)

Pays

Fonctions

Allemagne

France

Portugal

Royaume-Uni

Suède

Indemnisation

Tripartite

Paritaire

État

État

Paritaire

Suivi / contrôle

Tripartite

Tripartite

État

État

Tripartite

Sanction

Tripartite

État

État

État

Paritaire

Modèle de gouvernance

État et partenaires sociaux

Intermédiaire

État seul

État seul

État et partenaires sociaux

Source : d’après Ferracci, 2007 in Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe au présent rapport.

● Le « mille-feuille » français

Mais la France se distingue surtout des autres pays par la complexité de sa gouvernance, soulignée par la plupart des personnes entendues par vos rapporteurs, à l’instar de Mme Marie-Claire Carrère-Gée (199) qui jugeait indispensable de simplifier le « mille-feuille français ». Ce constat était déjà présent dans le rapport de M. Jean Marimbert sur le rapprochement des services de l’emploi en 2004, qui déplorait « l’extrême complexité de la physionomie actuelle des services publics de l’emploi » résultant d’une histoire sociale qui a engendré « le développement par strates d’un dispositif très éclaté de services d’accueil, d’orientation, et d’aide au placement des demandeurs d’emploi. » (200)

Aujourd’hui, outre le noyau du service public de l’emploi composé, au niveau national, des services de l’État en charge de l’emploi et de la formation professionnelle, de Pôle Emploi, de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et de l’Unédic, concourent également à la politique de l’emploi les collectivités territoriales et leurs groupements, chacune dans son domaine de compétences (201), ainsi que les « cotraitants » de Pôle Emploi – les missions locales pour le public jeune, Cap Emploi pour le public handicapé, ainsi que d’autres acteurs du monde associatif, éducatif ou professionnel sous réserve de conventions locales – et enfin les sous-traitants, c’est-à-dire les prestataires externes. Le service public de l’emploi français demeure donc éclaté par rapport à ses voisins, et ce en dépit de la fusion ANPE/Unedic. Dans une étude comparative récente, l’Inspection générale des finances dénombre huit organismes chargés du suivi et de l’indemnisation des demandeurs d’emploi en France, contre seulement quatre en Allemagne et deux au Royaume-Uni (202).

Compte tenu de cette fragmentation très forte du paysage institutionnel, M. Daniel Jamme, membre du Conseil économique, social et environnemental et auteur d’un rapport intitulé Pôle emploi et la réforme du service public de l'emploi : bilan et recommandations estime que « Pôle Emploi est appelé à jouer un rôle pivot afin de favoriser la coordination entre les multiples acteurs du service public de l’emploi. » (203)

Les rapporteurs considèrent qu’une plus grande coordination des composantes du service public de l’emploi est nécessaire et qu’une simplification du paysage institutionnel doit être recherchée à moyen terme. À cet égard, des initiatives locales de rapprochement des composantes du service public de l’emploi avec les acteurs de l’initiative économique (Chambre de commerce et d’industrie, Chambre des métiers, notamment) constituent des exemples pertinents. Vitré-Communauté, la communauté d'agglomération autour de la ville centre de Vitré, dans l'Ille-et-Villaine, a par exemple créé une Maison de l’emploi, de l’entreprise et de la formation professionnelle, réunissant sous une direction unique l’opérateur Pôle Emploi, Transitio CTP, une filiale de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), le service Insertion de Vitré Communauté, le centre d'information et d'orientation, le point information jeunesse, une cyber-base d’offres d’emploi, la chambre d'agriculture, la chambre de commerce et d'industrie, ainsi que la chambre des métiers et de l'artisanat.

Des échanges entre les collectivités territoriales (conseils généraux, les communes et leurs groupements) devraient être favorisés pour identifier les meilleures pratiques en la matière.

Recommandation n° 5 : Lancer une expérimentation avec des collectivités territoriales volontaires sur le rapprochement des acteurs de l’Emploi, de l’Entreprise et de la Formation professionnelle sous une direction commune pour identifier et promouvoir les meilleures pratiques.

b) Des modes de gestion des ressources financières et humaines différents suivant les pays

● Une gestion souple et réactive des ressources humaines dans certains pays

Par lettre de mission du 18 juin 2010, le ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi et le secrétaire d’État à l’emploi ont confié à l’Inspection générale des finances (IGF) la réalisation d’une étude comparative sur les effectifs du service public de l’emploi (SPE) des principaux partenaires européens de la France, notamment le Royaume-Uni et l’Allemagne, afin d’éclairer le débat en France sur la « bonne taille » de l’opérateur principal Pôle emploi. Le rapport indique qu’à l’été 2010, le SPE français était moins doté en effectifs que les SPE allemand et britannique, en particulier en matière d’accompagnement des demandeurs d’emploi.

EFFECTIFS DU SPE RAPPORTÉS AU NOMBRE DE CHÔMEURS (2010)

 

Allemagne

France

Royaume-Uni

ETP pour 10 000 chômeurs

au sens de l’Organisation internationale du travail

420

215

221

ETP pour 10 000 chômeurs

au sens des administrations nationales

377

159

349

Source : IGF

Le SPE français paraît structurellement moins doté en effectifs que les SPE allemand et britannique, en particulier en matière d’accompagnement des demandeurs d’emploi, mission que les deux membres de l’Inspection générale des finances ont qualifiée de « sous dotée » en France. Selon leur rapport, « les écarts résultent selon les missions d’une productivité plus importante ou d’une moindre intensité de l’offre de services du SPE français. […] En ce qui concerne l’accueil des demandeurs d'emploi, le SPE français est probablement caractérisé par une productivité et une efficience plus grandes que celles de ses homologues, permettant de concilier un effectif limité et l’existence d’un réseau d’accueil de proximité relativement dense. »

Les pays étudiés se distinguent également par leur réactivité dans la crise. Les auteurs du rapport précité soulignent que la stratégie de sortie de crise, en Allemagne et au Royaume-Uni, s’est traduite par un renforcement massif des moyens consacrés à l’accompagnement, pour réduire la taille des portefeuilles de chaque conseiller, orientation facilitée par le recours aisé aux contrats à durée déterminée dans ces pays. Les pouvoirs publics britanniques ont embauché 16 000 conseillers supplémentaires au plus fort de la crise, alors que la France adoptait une démarche plus restrictive. En Allemagne, les agences pour l’emploi ont été renforcées par 5 000 emplois supplémentaires, correspondant à une dépense de 800 millions d’euros pour 2009 et 2010, payés pour moitié par l’État fédéral et l’Agence fédérale du travail (204). En France, la convention collective de Pôle Emploi prévoit un maximum de 4,5% de salariés en contrat à durée déterminée.

L’Inspection générale des finances a préconisé de favoriser l’adaptation conjoncturelle des effectifs de Pôle Emploi en permettant un recours plus important aux contrats à durée déterminée et s’est montrée convaincue de l’utilité de développer la sous-traitance, suivant des modalités performantes, en s’inspirant de l’Australie pour les contrats ou de l’Allemagne, qui a recours aux opérateurs externes via un système de « bon de placement ».

● Des tentatives peu concluantes pour recourir à l’externalisation de façon efficiente

L’externalisation des services aux demandeurs d’emploi est effectivement une tendance commune aux pays étudiés, à la faveur de l’abolissement du monopole de placement imposé par le respect du principe de libre concurrence garanti par les articles 85 et 86 du Traité de Rome.

D’après l’étude menée par l’Inspection générale des finances, en 2008, le placement par des prestataires privés « concernait 511 000 chômeurs en Allemagne, 481 000 en France et 728 000 au Royaume-Uni. Rapportés au nombre de chômeurs tiré des statistiques de l’OCDE, ces chiffres conduisent à des ratios de 16 %, 23 % et 30 % respectivement. » (205)

D’après l’étude réalisée à la demande des rapporteurs, « l’externalisation de l’accompagnement des demandeurs d'emploi c'est-à-dire la sous-traitance de tâches jusqu’alors assurées par le service public(206) s’est faite à des degrés divers et selon des modalités variées dans les pays considérés. […] Cette pratique est particulièrement marquée au Royaume-Uni où les opérateurs privés et associatifs sont rémunérés par le SPE pour suivre et accompagner les bénéficiaires des programmes Flexible New Deal ou Pathways to Work. L’externalisation est limitée aux prestations qui concernent les personnes les plus en difficulté. Un paiement aux résultats conduit à augmenter la rémunération du prestataire si la personne accompagnée retrouve rapidement un emploi. Tous les opérateurs privés sont tenus de respecter un seuil minimum d’exigences défini par le SPE en matière de niveau et de qualité de service. Cependant, en dehors de ces exigences, les prestataires sont libres d'organiser comme bon leur semble la mise en œuvre des prestations sans avoir à en rendre compte au SPE. (207) » (208) L’étude rappelle également que depuis 2005, la France expérimente le recours à des prestataires externes pour proposer aux demandeurs d’emploi les plus en difficulté un accompagnement renforcé. En Suède, certains services ont également été ouverts à la concurrence du secteur privé.

L’externalisation se développe donc à des degrés divers et de façon variée en Europe. Les pays étudiés ont également innové dans la recherche de modalités d’externalisation les plus efficientes possibles.

En Allemagne, « l’externalisation a été introduite en 2002. Les bénéficiaires du type d’allocation 2 (seuil minimum d’aide sociale) peuvent profiter de ce système sous certaines conditions. Quant aux bénéficiaires du type d’allocation 1 (assurance chômage), ils peuvent décider de recourir à un prestataire privé après six mois de chômage, grâce à une somme qui leur est allouée sous forme d’un “bon de placement” utilisable auprès des prestataires de leur choix. » (209) Ce système des « bons de placement » permet aux demandeurs d’emploi d’exercer individuellement leur droit à choisir librement parmi des prestataires concurrents, ce qui suscite des questions au regard de l’asymétrie d’information, dont pourraient être victimes les personnes les plus fragiles et les moins informées.

L’étude réalisée à la demande des rapporteurs rappelle ainsi qu’« une étude approfondie (210) a identifié des effets potentiellement négatifs, dont le plus important est le risque d’écrémage engendré par la rémunération au résultat. Si les opérateurs privés sont payés, au moins en partie, en proportion des retours à l’emploi, ils ont en effet une incitation à prendre en charge prioritairement les personnes les plus proches de l’emploi afin de présenter de bons résultats. Cet “effet pervers” peut être prévenu si, parallèlement à sa propre activité d’accompagnement, le SPE se charge également de surveiller le profil des personnes recrutées par les opérateurs privés. Le SPE britannique envisage d’aller plus loin en intégrant la distance à l’emploi dans le mode de calcul de la rémunération des opérateurs privés. » Lors du déplacement organisé à Londres les 18 et 19 juillet 2011, ces nouvelles modalités d’externalisation ont en effet été évoquées avec des représentants du National Audit Office (NAO) et de l’Institute for fiscal studies (IFS).

Toutefois, les représentants de l’Agence fédérale pour l’emploi – service public de l’emploi allemand – rencontrés à Berlin le 7 novembre 2011, se sont montrés dubitatifs sur l’externalisation, les prestataires externes ayant finalement montré une moindre efficacité que l’opérateur public (cf. infra, partie C.1.d.).

c) Des conceptions variées de l’accompagnement individualisé et une palette de prestations d’aide au retour à l’emploi propre à chaque pays étudié

● Un accompagnement dont le contenu varie considérablement en fonction du rôle du conseiller et de la fréquence des contacts

L’analyse du contenu de l’accompagnement proposé aux demandeurs d’emploi est également riche d’enseignements, compte tenu des différences importantes observées entre les pays. Selon l’étude réalisée à la demande des rapporteurs, « le face-à-face entre conseiller et demandeur d’emploi est au cœur des dispositifs d’insertion dans les pays considérés. » (211) Les différences observées sont de deux types : les premières ont trait au rôle et à l’autonomie des conseillers du service public de l’emploi ; les secondes à la nature et à la fréquence des contacts avec le demandeur d’emploi.

L’Allemagne se distingue des autres pays étudiés par l’absence de référent attitré à chaque demandeur d’emploi. D’après l’étude précitée, « les conseillers établissent des relations avec les employeurs du bassin d’emploi local afin d’identifier leurs besoins, puis ils proposent à l’employeur un candidat pour un poste vacant. Cette logique de traitement au cas par cas et en étroite relation avec les entreprises tend à améliorer les chances d’insertion des personnes les plus fragilisées. » (212)

En France, à l’inverse, chaque demandeur d’emploi se voit normalement attribuer un conseiller référent mais « l’organisation des services d’accompagnement aux demandeurs d’emploi repose sur une faible spécialisation des agents et une approche globale de l’intermédiation. Les conseillers sont polyvalents, dans la mesure où l’offre de services aux entreprises, qui émane tant de Pôle emploi que de ses cotraitants, est très fortement intégrée à celle destinée aux demandeurs d’emploi. » (213)

Alors qu’au Royaume-Uni et en Suède, les parcours sont très structurés et strictement définis, les conseillers du service public de l’emploi allemand paraissent plus autonomes puisque « le conseiller adapte la fréquence des entretiens et les mesures d’aide en fonction de son appréciation de la situation du demandeur. » (214)

L’élaboration du plan d’action individuel requiert dans tous les pays au minimum un entretien peu après l’inscription. Deux entretiens successifs sont mêmes prévus en Suède. « L’actualisation et la révision du plan d’action se font selon des modalités et fréquences variables, allant d’un entretien toutes les 2 semaines (France) à un entretien toutes les 8 semaines (en Suède, Allemagne). » (215)

Le rapport précité de l’Inspection générale des finances a relevé l’intérêt, au Royaume-Uni, de l’organisation rapide d’un premier entretien de 45 minutes, suivi de contacts très courts mais fréquents. L’intensité des contacts s’accroît au bout du 6mois au chômage. Au bout de 12 mois, les demandeurs d’emploi sont orientés vers un sous-traitant, rémunéré selon ses résultats. Contrairement aux idées reçues, le rapport montre qu’au Royaume-Uni, la multiplication des contacts n’est pas perçue comme inquisitoire, mais comme une forme de soutien. Si celui-ci est sans doute superflu pour certains demandeurs d’emploi, plusieurs études concordantes semblent attester de l’efficacité de contacts fréquents et en tête-à-tête.

L’étude réalisée par le cabinet Euréval ajoute que « le conseiller personnalisé a pour unique mission l’aide et l’accompagnement, le contrôle étant assuré par une tierce personne. Pour proposer la solution la mieux adaptée au demandeur d’emploi, ce conseiller personnalisé est capable de mobiliser de nombreuses ressources relevant de domaines très divers : milieu professionnel de l’entreprise, services médicaux et sociaux, services de formation, etc. » (216)

Une réflexion sur l’intensité et la personnalisation de l’accompagnement du demandeur d’emploi, et donc sur le degré d’autonomie et les ressources pouvant être mobilisées par les conseillers du service public de l’emploi, paraît donc justifiée (cf. infra, C.1.b.).

● Des « palettes » de prestations d’aide au retour à l’emploi propres à chaque pays étudié

Contrairement au Royaume-Uni où ces prestations sont peu nombreuses, très ciblées et représentent un faible montant de dépenses (cf. supra, partie B.1.a.), les autres pays utilisent une palette variée de prestations d’accompagnement et d’aide au retour à l’emploi.

En particulier, la France a une approche très complète avec des prestations de toutes natures, dont les principaux sont les contrats aidés, les subventions à l’emploi et la formation professionnelle. Outre un recours élargi à l’ensemble des types de prestations recensées en Europe, le système français se caractérise par une multiplicité de dispositifs ciblés.

La Suède prône une approche très raisonnée, appuyée sur des apprentissages et des évaluations menées durant la crise économique des années 1990.

L’Allemagne a plus volontiers recours à la formation dans le cadre des dispositifs d’activité partielle. D’après l’ambassade de France en République fédérale d’Allemagne, le chômage partiel est l’instrument traditionnel de l’industrie allemande face aux crises conjoncturelles. Les entreprises y ont eu largement recours pendant la crise économique de 2008-2009 : 102 000 salariés étaient au chômage partiel en 2008, puis 570 000 en janvier 2009, puis 1 247 000 en mars 2009 avant une nette décrue depuis.

LES PRESTATIONS OFFERTES PAR PAYS

Pays

Prestations

Allemagne

France

Portugal

Royaume-Uni

Suède

Subventions à l’emploi

Aide temporaire aux employeurs qui embauchent des personnes de certains groupes cibles

Création directe d’emploi : les Contrats d’avenir, les contrats d’accompagnement dans l’emploi et les contrats Emploi solidarité (217)

Subvention à l’employeur (2 500 euros + exonération des charges sociales pendant 24 mois) pour l’embauche en CDI d’un chômeur de plus de 6 mois

Subvention de 2340 euros pour l’embauche d’un participant au programme New Deal for Young People

Subventions salariales, en particulier pour les personnes handicapées

Dispositif « nouveau départ » pour les chômeurs depuis plus de 12 mois

Aide à la création d’entreprise

Subvention à la création d’entreprise pour une durée maximale de 90 jours

Aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise(218)

Appui technique et aide au financement des projets des jeunes chômeurs de longue durée

Aide d'un montant équivalent à l’allocation chômage + prime de 600 euros pour les participants au programme New Deal for Young People

Aide pour les jeunes de moins de 25 ans participant au programme « Garantie d’activité jeune »

Emplois spécifiques

Emplois subventionnés dans le secteur non marchand

Emplois très temporaires dans le secteur marchand destiné aux personnes éloignées du marché du travail (219)

Nombreux dispositifs tels que: contrat de professionnalisation, contrat jeune en entreprise, entreprise d’insertion par l’économie, association intermédiaire

Emplois occupationnels au sein de structures publiques ou privées non lucratives

Emplois dans le secteur de l’environnement ou dans le secteur associatif pour les participants au programme New Deal for Young People

Emplois de développement subventionnés, emplois sécurisés et emplois publics protégés

Formation

Bons de formation délivrés par le conseiller

Formations courtes qualifiantes destinées aux personnes proches du marché du travail en entreprise ou en milieu scolaire

Allocations de formation, formation institutionnelle (stages, formations conventionnées), formations en alternance, apprentissage

Formation en apprentissage

Dispositif de rotation-formation

Cours de spécialisations

Formations générales ou professionnelles à temps plein (peu fréquent)

Formations courtes, orientées vers l’industrie, la santé et le transport

Autres aides

Aide spéciale en cas d’addiction, de surendettement, d’enfant à garder

Aide à la garde d'enfants pour les parents isolés (AGEPI)

Aide à la mobilité géographique pour un emploi à plus de 50 km du lieu de résidence

Aide spéciale, ex. : pour achat de vêtements

 

Source : Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe au présent rapport.

La France et l’Allemagne se distinguent par le nombre de chômeurs aidés pour créer leur entreprise, avec une tendance croissante pour la France et décroissante pour l’Allemagne, où les crédits destinés à l’aide à la création d’entreprises sont actuellement en diminution (cf. supra, partie B.1.c.).

Il faut également souligner l’existence de dispositifs d’aide personnelle à la reprise d’activité (aide à la garde d’enfants, aide pour l’achat de vêtements etc.) dans tous les pays étudiés, à l’exception de la Suède, où les services publics et le système fiscal semblent lutter efficacement contre ce qu’il est convenu d’appeler les « freins périphériques » à la reprise d’un emploi.

Cette grande variété de dispositifs appelle une analyse en termes de performance. À l’exception du Royaume-Uni, les différents pays étudiés ont en effet recours depuis longtemps à ces dispositifs en faveur de l’emploi. Les réformes menées en Suède et en Allemagne font cependant suite à des évaluations de l’efficacité respective de ces différents dispositifs.

C.– LES LEÇONS DE LA COMPARAISON : DES ENSEIGNEMENTS ROBUSTES À DIFFUSER ET DES PROPOSITIONS CONCRÈTES À METTRE EN œUVRE EN FRANCE

1. Des enseignements peu nombreux mais robustes sur l’efficacité des politiques de l’emploi

L’information sur la performance respective des différents dispositifs est lacunaire mais la synthèse des évaluations et des travaux académiques, réalisée à la demande des rapporteurs, permet de dégager quelques grands enseignements.

a) Les exonérations de cotisations sociales sur les salaires des moins qualifiés suscitent des questionnements

Les subventions en faveur de l’emploi sont fréquemment critiquées à l’issue des travaux d’évaluation, au regard des effets dits « d’aubaine » ou « de file d’attente » qu’elles peuvent induire. Dans le premier cas, l’entreprise aurait embauché même en l’absence de la subvention : celle-ci représente donc une aubaine. Dans le second cas, le dispositif a pour seul effet de favoriser l’embauche du public ciblé par la mesure, au détriment des autres demandeurs d’emplois dans la « file d’attente », sans pour autant réduire le chômage global.

La Cour des comptes avait souligné à plusieurs reprises l’insuffisance des évaluations sur les nombreux dispositifs d’exonérations de charges sociales en dépit de la charge financière croissante qu’ils représentaient sur les finances publiques. En 2009, elle estimait que « s’agissant des allègements généraux sur les bas salaires, leur efficacité sur l’emploi était trop incertaine pour ne pas amener à reconsidérer leur ampleur, voire leur pérennité. Quant aux allègements ciblés sur des territoires ou des secteurs d’activité, leur manque de lisibilité et leur impact limité sur l’emploi justifiaient un réexamen des différents mécanismes. » (220)

Toutefois, M. Francis Kramarz, directeur du Crest et membre du Conseil d’analyse économique, ainsi que du groupe d’experts sur le salaire minimum, a affirmé que les baisses massives de charges sur les bas salaires étaient la seule politique de l’emploi qui ait été efficace en France. (221) En effet, selon un récent rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et sociales (222), les allègements de charges sur les bas salaires ont été jugés efficaces et efficients : « parmi les niches sociales totalement efficientes […] la plus importante est le dispositif d’allègements généraux de charges sur les bas salaire (“ réduction Fillon”). Cette politique est considérée, de façon consensuelle, comme fortement créatrice d’emplois. Elle présente une excellente efficacité en termes de coût par emploi créé dans les conditions actuelles de fonctionnement du marché du travail français : en effet, la baisse du coût du travail est d’autant plus forte à enveloppe financière donnée qu’elle est concentrée sur les bas salaires (“effet d’assiette”). De plus, pour ces niveaux de rémunération, la sensibilité de la demande de travail des entreprises à son coût est particulièrement élevée ; ceci reflète notamment le déséquilibre entre offre et demande de travail non qualifié pouvant s’expliquer par la rigidité à la baisse pour les basses rémunérations liée au salaire minimum. »

Ce constat a également été partagé par M. Jérôme Vignon, qui a considéré que cette politique était un moyen de contourner les inconvénients du SMIC.

La comparaison entre les pays étudiés est troublante sur ce point. La Suède n’a en effet pas de salaire minimum. Le poids des partenaires sociaux et l’efficacité des transferts sociaux et fiscaux garantissent un niveau élevé respectivement de salaire et de ressources. Le salaire minimum au Portugal s’établit à un niveau très faible : 475 euros en 2010 (cf. tableau supra, section B.2.b.). Le Royaume-Uni a deux salaires minimum : le premier (223), de droit commun, s’établit à un niveau inférieur à celui du SMIC français (224) ; le second, encore inférieur, parfois appelé « SMIC jeunes » vise à rendre ces derniers plus compétitifs sur le marché du travail.

En Allemagne, les Mini et Midi-jobs, emplois à faible rémunération qui bénéficient d’une imposition et de charges sociales moindres, destinés aux personnes les plus éloignées du marché du travail, ont été introduits par les réformes Hartz.

Midi, Mini-jobs et Jobs à 1 euro en Allemagne

En Allemagne, une importante réforme du marché du travail est intervenue entre 2003 et 2005, par le vote de quatre lois successives appelées « lois Hartz », du nom de leur promoteur, ancien directeur du personnel chez Wolkswagen.

Notamment, la loi Hartz II a introduit une exonération de charges sociales pour les mini-jobs, emplois occasionnels, historiquement plus développés en Allemagne que dans d’autres pays européens et habituellement occupés par les étudiants, les femmes au foyer, les retraités, ou par des salariés en plus de leur activité principale. Depuis le 1er avril 2003, date de l’entrée en vigueur de la réforme, la limite de rémunération des activités à temps très partiel est passée de 325 à 400 euros. La limitation temporelle de 15 heures par semaine a été totalement supprimée. Les détenteurs d’un Mini-job ne versent ni cotisations sociales ni impôt sur le revenu. Cette franchise s’applique à ceux qui n’ont aucun autre revenu comme à ceux qui souhaitent compléter leurs revenus en plus d’un emploi principal. Dans ce dernier cas, leur employeur verse une somme forfaitaire de 25 % du salaire (12 % seulement dans le cas des emplois domestiques) qui se décomposent en : 12 % de cotisations aux assurances retraite, 11 % pour l’assurance maladie, ainsi que 2 % d’impôt sur le revenu. Le « mini-salarié » n’acquiert toutefois aucun droit en matière d’assurance maladie et seulement des droits très restreints pour sa retraite. Il peut néanmoins augmenter ces derniers en versant lui-même le complément de cotisations nécessaire (7,5 % de son salaire) à sa caisse d’assurance retraite.

Pour lisser la transition entre mini-job et activité plus importante, et ainsi éviter une « trappe à pauvreté », la loi a créé les midi-jobs. Ces midi-jobs se situent dans la zone de rémunération qui va de 401 à 800 euros et sont l’objet d’un régime de transition favorable aux salariés eu égard aux cotisations sociales. Alors que l’employeur verse la totalité des charges pour ses midi-salariés dès que le salaire atteint 401 euros, le salarié ne voit ses propres cotisations augmenter que de façon graduelle : elles passent progressivement de 4 % jusqu’au taux plein de 21 % pour un salaire de 800 euros. Les prestations des assurances maladie et chômage sont intégralement maintenues, en dépit de cotisations réduites. Les droits à la retraite peuvent être accrus, comme pour les mini-jobs, par le versement d’un complément de cotisations. Si les détenteurs d’un nouveau midi-job sont privilégiés au niveau du versement des cotisations sociales, tel n’est pas le cas pour l’impôt sur le revenu : ils sont tenus d’intégrer leur salaire à leur revenu global et de verser des impôts le cas échéant.

La réforme est donc avantageuse pour les élèves, les étudiants, et les retraités, qui ont vu leurs revenus augmenter avec le nombre d’heures. En revanche, si le mini / midi-salarié est un bénéficiaire de l’aide sociale, son activité professionnelle lui rapporte très peu : seuls les premiers 70 euros lui restent acquis (« franchise ») ; de 70 à 690 euros par mois, 85 % de ses revenus sont défalqués de l’aide sociale ; la part dépassant 690 euros par mois est défalquée à 100 % de l’aide sociale. les bénéficiaires de l’aide sociale perdent la totalité de leurs prestations au-delà de 15 heures par semaine (225).

Enfin, la loi Hartz IV de 2005 est la plus importante et la plus controversée : elle prévoit une réduction des indemnités versées aux chômeurs de longue durée qui refuseraient d'accepter des emplois en dessous de leur qualification. De plus, une nouvelle mesure « d’activation » destinée aux chômeurs de longue durée a été créée : pour conserver le bénéfice de leurs aides sociales, les chômeurs de longue durée sont tenus d’accepter des petits contrats temporaires, des 1-Euro-Jobs (ou emplois à un euro).

Source : Brigitte Lestrade , « Les mini-jobs, une perspective pour les chômeurs ? », Regards sur l'économie allemande, n° 67, juillet 2004.

Selon les chiffres de l’Agence fédérale pour l’emploi (226), entre 2003 et 2010, le nombre de personnes occupant un Mini-Job est passé de 5,53 millions à 7,27 millions (dont 4,6 millions de femmes), soit une hausse de 1,6 million sur cette période. En 2010, un travailleur sur 4 occupait donc un Mini-Job.

Le nombre important et croissant de « Mini-Jobbers » conduit à nuancer les chiffres du chômage. Plusieurs études et syndicats soulignent qu’une part significative des « Mini-Jobbers » (surtout les femmes majoritairement concernées par ces dispositifs) souhaiterait travailler davantage. Or, le Mini-Job a échoué dans son objectif de permettre une transition vers un Midi-Job ou un emploi régulier à plein temps. Au contraire, il conduirait à une précarisation croissante de l’emploi, de même qu’à une paupérisation des bénéficiaires dans la mesure où une rémunération de 400 euros est en deçà du salaire de subsistance.

Ces éléments semblent donc conforter l’idée d’un mouvement général de remise en question du salaire minimum, encouragé d’ailleurs par l’OCDE.

Toutefois, le 14 novembre 2011, lors du congrès du parti démocrate-chrétien (CDU) à Leipzig, la chancelière allemande, Mme Angela Merkel, a annoncé son intention d’instaurer un salaire minimum dans toutes les branches d’activité mais négocié secteur par secteur. Les syndicats allemands critiquent en effet les « mini-emplois », qui dans les faits sont surtout occupés par des femmes, accroissant ainsi leur vulnérabilité en cas de divorce, notamment.

Ce revirement illustre les difficultés auxquelles fait face le modèle social européen dans un contexte de crise et de forte compétition internationale. Compte tenu de la récession actuelle, les États européens hésitent à encourager la flexibilisation du marché du travail, de crainte qu’elle n’entraîne surtout, dans un premier temps, un recul en termes d’emploi et donc une hausse rapide des dépenses de protection sociale. Une telle hausse représenterait un coût trop élevé pour des États déjà fortement endettés.

b) L’accompagnement personnalisé et renforcé des demandeurs d’emploi est efficace

Selon les conclusions de plusieurs études concordantes, le renforcement du suivi individualisé des demandeurs d’emploi favorise le retour à l’emploi.

D’après l’étude réalisée à la demande des rapporteurs, « cette leçon s’appuie sur des analyses réalisées en Allemagne, France et Suède. En France et en Suède, les dispositifs testés ont porté sur un renforcement du conseil personnalisé complété par un accès à une gamme de services variés tels que des bilans de compétences et des aides à la définition d’un projet. […] Dans les trois pays, le retour à l’emploi a été amélioré par rapport aux modalités « normales » de suivi et d’accompagnement. »

En effet, en Allemagne, ce renforcement aurait augmenté le retour à l’emploi par rapport à l’accompagnement normal de 5 % après 12 mois tandis que la France constate une amélioration de 6 à 9 % après 12 mois. En Suède, quatre dispositifs pilotes d’accompagnement renforcé se sont montrés 25 % plus efficaces que l’accompagnement normal.

Bien que le contenu de ces initiatives d’accompagnement renforcé varie (bilans de compétence, coaching, ateliers collectifs, aides à la définition d’un projet, à la rédaction d’un curriculum vitae, entraînements à l’entretien d’embauche), les évaluations mettent en évidence plusieurs facteurs d’efficacité.

L’intensification des échanges avec le demandeur d’emploi – De façon concordante, les études montrent que le taux de retour à l’emploi augmente avec l’intensité de l’accompagnement. Une récente étude (227) de l’Institut d’études de l’emploi allemand (Forschunginstitut zur Zukunft der Arbeit) a notamment démontré que le temps consacré à la recherche d’emploi est considérablement réduit à mesure que le chômage perdure. L’organisation d’un premier rendez-vous dès que possible avec le demandeur d’emploi et des contacts fréquents limitent le découragement systématiquement observé à mesure que la durée du chômage augmente.

● La personnalisation du suivi – L’étude précitée souligne également qu’une étude française montre un meilleur taux de retour à l’emploi lorsque l’accompagnement est plus personnalisé. Le profilage n’est pas nécessaire, selon certaines études suédoises, qui suggèrent qu’un bon conseiller est aussi efficace.

● Les qualités professionnelles du conseiller – Les qualités professionnelles des conseillers sont le corollaire de la personnalisation du service. « Le fait d'avoir été suivi par tel ou tel conseiller a un impact significatif sur le retour à l'emploi (jusqu'à ± 13 % de probabilité de retour à l'emploi après un an) », selon l’étude réalisée à la demande des rapporteurs. « Le succès de l’accompagnement tient principalement à la pratique du conseiller », c’est-à-dire de sa bonne connaissance du bassin d’emploi local, comme en Allemagne ; de sa capacité à mobiliser des aides utiles pour le demandeur d’emploi, comme au Royaume-Uni ; de sa connaissance des prestations d’aide au retour à l’emploi et de leurs effets ; de sa relation avec le demandeur d’emploi. Ces éléments plaident pour une autonomie accrue et un renforcement des qualifications des conseillers du service public de l’emploi.

Ces remarques générales sont valables pour tous les demandeurs d’emploi. Elles n’excluent pas, cependant, qu’une aide plus soutenue et appropriée puisse être apportée à des demandeurs d’emploi connaissant de grandes difficultés financières, sociales ou psychologiques (cf. infra, section C.2.a.)

D’après les seules informations disponibles sur le rapport coût – efficacité, produites par le service public de l’emploi suédois, le coût de l’accompagnement serait bien moindre que les autres mesures d’aide au retour à l’emploi, justifiant le recours presque exclusif à cette mesure au Royaume-Uni. Ce moindre coût est en partie expliqué par le fait que l’accompagnement seul est généralement proposé aux demandeurs d’emplois les moins en difficulté (cf. tableau infra, deuxième ligne). Les « programmes de garantie » (228) sont un peu plus coûteux mais permettent d’aider des demandeurs d’emploi plus éloignés du marché du travail.

COMPARAISON DU COÛT DE CINQ TYPES DE SERVICES EN SUÈDE (2010)

 

Suivi-accompa-gnement

Formation profession-nelle 

Placement / stage

Programmes de garantie 

Emploi aidé

Coût en euros par participant sortant du chômage (dans les 6 mois après la sortie du dispositif)

3 000

30 000

6 000

15 000

160 000

Distance des participants au marché de l’emploi (indice 0-1)

0,12

0,14

0,21

0,16

0,32

Source : Euréval

COÛT PAR PARTICIPANT SORTANT DU CHÔMAGE POUR CINQ TYPES DE DISPOSITIFS D’AIDE AU RETOUR À L’EMPLOI EN SUÈDE (2010)

(en euros)

Source : Euréval, à partir des données du SPE suédois.

Les deux membres de l’Inspection générale des finances, auteurs de l’étude comparative sur les services publics de l’emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, concluent pour leur part que le renforcement des moyens dédiés à l’accompagnement peut générer des économies à terme, en réduisant la durée d’indemnisation.

c) La formation professionnelle ne facilite le retour à l’emploi que dans certaines conditions

D’après l’étude réalisée à la demande des rapporteurs, « le moindre recours aux formations, la réduction de la durée des formations et le développement des formations en alternance sont des options qui se sont souvent révélées efficaces pour le retour à l’emploi à court terme […] Sachant que ces options impliquent souvent des diminutions de coût, elles sont potentiellement porteuses de gains d’efficience. Cependant, ces gains n’ont pas été évalués empiriquement. »

Le service public de l’emploi suédois propose de moins en moins de formations longues. En effet, selon les travaux synthétisés dans l’étude réalisée par le cabinet Euréval, l’efficacité des formations dépend de trois variables qu’il faut prendre en compte pour que les formations produisent des effets bénéfiques :

● Le temps de la formation et de ses effets – Les formations ne favorisent pas le retour à l’emploi à court terme et pour cause, puisque le demandeur d’emploi formé n’est pas dans l’emploi (« effet de verrou »). Les effets bénéfiques de la formation professionnelle apparaissent à plus long terme : les emplois obtenus à la suite d’une formation proposée dans le cadre d’un projet de retour à l’emploi sont plus durables et de meilleure qualité. Une étude allemande (229) montre également que la formation a un impact positif sur l’emploi (+ 10 %) à moyen terme (2 à 3 ans). De façon assez inattendue, « des études récentes ont identifié un “effet de dissuasion” engendré par certaines prestations d’aide au retour à l’emploi. Ainsi, la perspective de devoir s’engager dans une formation obligatoire à temps plein pousse certains bénéficiaires à intensifier leur recherche d’emploi et/ou accepter plus facilement les emplois qui leurs sont accessibles. L’impact de ce mécanisme sur le taux d’emploi a été estimé à 7 points dans les pays du nord de l’Europe où les programmes destinés aux chômeurs sont à la fois généreux et contraignants. » (230)

● Les liens entre la formation et le monde professionnel – Une étude allemande montre que les formations incluant un stage en entreprise ont un meilleur impact sur le retour à l’emploi (231).

● Les besoins du public bénéficiaire – l’expérience suggère également qu’il n’est pas des plus utile de proposer une formation longue à des jeunes qualifiés, qui ont plutôt besoin d’expérience professionnelle, ou à des jeunes sans diplômes qui peuvent rencontrer en formation des difficultés similaires à celles qu’ils ont connu durant leur scolarité.

En conclusion, « la formation n’est pas une réponse à court terme au chômage, sauf à être brève et professionnalisante » (232). Toutefois, elle permet d’accéder à des emplois de meilleure qualité et peut être opportunément prescrite aux demandeurs d’emplois en période de récession.

Des études concordantes montrent en effet que « la formation longue est relativement plus efficace en temps de crise, d'une part parce qu'elle a un meilleur impact à long terme dans ce contexte, mais aussi parce que l’effet de verrou a une influence moins négative en période de récession. » Ces éléments confortent la pratique, très développée en Allemagne, consistant à encourager les formations professionnelles pendant les périodes d’activité partielle (dit « chômage partiel » en France). Ce type de mesure est très utilisé en Allemagne où les employeurs, en particulier dans l’industrie, compte tenu des perspectives démographiques, sont soucieux de conserver leurs employés qualifiés.

RÉCURRENCE AU CHÔMAGE POUR CINQ TYPES DE DISPOSITIFS EN SUÈDE

(pourcentage de participants ayant retrouvé puis perdu un emploi
dans les 12 mois suivant la fin du programme)

Source : Euréval, d’après les données du SPE suédois.

En France, le recours à l’activité partielle se développe, même si la structure de l’économie française, où le secteur des services est particulièrement développé, en fait une mesure moins prisée qu’en Allemagne et plusieurs dispositions encouragent son articulation avec la formation professionnelle.

L’articulation entre activité partielle et formation en France

Les partenaires sociaux ont mis en place un ensemble de dispositions pour favoriser le recours à l’activité partielle dans la période récente à travers diverses dispositions de l’accord national interprofessionnel du 8 juillet 2009 relatif à la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l’emploi et à travers l’accord national interprofessionnel du 2 octobre 2009 relatif au chômage partiel.

D’après un rapport parlementaire récent (233), « des progrès restent manifestement à faire pour mieux articuler chômage partiel et formation, si l’on en croit le rapport public pour 2011 de la Cour des comptes, lequel, se fondant sur l’expérience récente de la crise financière, regrette “une articulation encore embryonnaire entre chômage partiel et formation”, en l’absence d’obligations légales ou réglementaires en la matière. La cour souligne également la difficulté pratique à mettre en œuvre des formations dans le cadre de périodes de chômage partiel, du fait du cloisonnement des dispositifs de formation (et de leurs financements) selon qu’ils ont vocation à trouver place dans le temps de travail ou hors de celui-ci. La cour relève enfin “l’absence de suivi précis et rigoureux par les services du ministère chargé de l’emploi de la qualité de cette articulation entre chômage partiel et formation”. »

Consultée dans le cadre des travaux du groupe de travail, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) a estimé que les partenaires sociaux avaient mis en place tous les outils nécessaires au développement de l’activité partielle et à son articulation avec la formation professionnelle.

« Si la nécessité s’en fait sentir, les organisations représentatives des employeurs et des salariés, comme elles l’ont prévu dans le programme de l’Agenda Social qu’elles viennent d’élaborer, pourront bien entendu réactiver ou compléter les mécanismes existants en matière de chômage partiel. »

S’agissant de l’articulation avec la formation professionnelle, la CGPME a rappelé les récentes améliorations introduites par « les accords nationaux interprofessionnels du 7 janvier 2009 et du 5 octobre 2009 repris par la loi du 24 novembre 2009. Les derniers textes réglementaires concernant la mise en œuvre de l’intégralité du dispositif viennent à peine de paraître. […] tous les instruments sont là. Il convient de les utiliser pleinement. De plus, il y a lieu de laisser à ces différents instruments, dont plusieurs sont novateurs, notamment la préparation opérationnelle à l’emploi – POE –, le temps de produire leurs effets en ayant présent à l’esprit que les entreprises, notamment les PME, ont besoin d’une véritable stabilité législative. » (234)

d) Les prestataires externes ne sont pas plus efficaces que l’opérateur public

Selon l’étude réalisée à la demande des rapporteurs, « le Royaume-Uni est le pays qui a le plus développé l’externalisation et la rémunération des opérateurs en fonction du retour à l’emploi. Une étude réalisée au début de ce processus dans le cadre des “employment zones a montré des effets positifs. On peut toutefois regretter l’absence d’évaluation plus récente du système britannique d’incitation financière à la performance, car plusieurs évaluations d’un dispositif américain similaire ont pointé les risques d’écrémage induits par la rémunération au résultat. » Le service public de l’emploi britannique tente actuellement de limiter les risques d’écrémage en incluant un critère d’éloignement du marché du travail dans la rémunération du prestataire au résultat. Si les prestataires externes ne sont pas plus efficaces que l’opérateur national, l’externalisation est cependant perçue comme un instrument de flexibilité et permet de proposer une offre de service plus adaptée à certains groupes ciblés (chômeurs de longue durée ou personnes handicapées).

L’étude précitée confirme l’impression ressentie lors des déplacements au Royaume-Uni et en Allemagne : outre le risque de voir les prestataires se concentrer sur les demandeurs d’emploi les moins en difficulté (« écrémage »), plusieurs expérimentations conduites en France, en Suède et en Allemagne montrent que les prestataires privés ne sont pas plus efficaces que l’opérateur public.

Elle souligne que « l’accompagnement externalisé [a] un impact légèrement plus tardif et plus faible (- 2 %) en termes de sortie vers l’emploi. D’un côté comme de l’autre, les modalités d’accompagnement sont similaires en termes de contenu, d’organisation, d’affectation de conseillers dédiés avec des « portefeuilles » réduits de demandeurs d’emploi, de méthodes, d’outils de travail et d’innovation. Il apparaît que le service public a fait des propositions d’emploi particulièrement bien adaptées aux attentes des bénéficiaires et que les prestataires privés ont particulièrement soigné l’appui méthodologique à la recherche d’emploi. » Ce constat français est confirmé par une étude suédoise similaire (235), qui conclut aussi à un impact identique entre public et privé.

Toutefois, la mise en concurrence des prestataires externes et de l’opérateur national dans l’expérimentation menée en France semble avoir créé une émulation réciproque. Ainsi, le rapport de synthèse du Comité de pilotage de l’évaluation sur les expérimentations d’accompagnement renforcé des demandeurs d’emplois conduites par l’Unédic et l’ANPE en 2007 (236) souligne que les deux types de programmes – publics, d’une part, privés, d’autre part – « ont un impact supérieur dans les zones où ils ont été conjointement déployés. »

e) Les contrats aidés ne doivent pas se substituer à des emplois normaux mais peuvent être utilisés de façon ciblée

Les contrats d’insertion, aussi appelés « contrats aidés », sont fréquemment mis en cause par les évaluations d’impact. Dans le secteur non marchand, les contrats aidés auraient le même effet « verrou » qu’une formation longue sans toujours procurer aux demandeurs d’emplois concernés des qualifications qu’ils puissent faire valoir sur le marché du travail. D’après M. Antoine Magnier, directeur de la Dares, les évaluations tendent à démontrer que les contrats aidés constituent l’une des mesures les moins efficaces et les plus stigmatisantes (237). Dans le secteur marchand, des effets « d’aubaine » et de « file d’attente » sont observés : soit l’entreprise aurait embauché de toute façon, soit elle aurait pris un autre demandeur d’emploi. De plus, selon l’étude réalisée à la demande des rapporteurs, les contrats aidés font également partie des mesures les plus coûteuses (cf. tableau supra C.1.b.).

En dépit de ces faiblesses, le recours aux contrats aidés ne doit pas être écarté systématiquement. À l’inverse, ils peuvent être utilisés comme en Suède dans certaines circonstances pour pallier des difficultés temporaires.

● Un « coup de pouce » pour dénouer des situations difficiles ou en période de crise – Lorsque des difficultés transitoires éloignent des personnes actives du marché du travail, leur employabilité décroît à mesure que la durée de chômage augmente, accroissant les risques de pauvreté, de perte de qualification (effets dits « d’hystérèse » (238)). Les contrats aidés peuvent être des instruments de souplesse dans des situations individuelles difficiles ou en période de crise économique pour éviter les conséquences à long terme du chômage. Il existe nombre d’exemples de personnes, qui se sont vus « donner une chance » à l’occasion d’un contrat de ce type dans les collectivités territoriales et qui sont devenus par la suite des professionnels reconnus.

● Des emplois aménagés pour des publics structurellement éloignés du marché du travail – Tous les publics ne sont pas en mesure de s’insérer sur le marché du travail normal, sans aménagements. Les contrats aidés dans le secteur non marchand font partie des mesures permettant d’éviter une alternative trop brutale entre, d’une part, le marché du travail normal, et d’autre part, l’incapacité.

● Une mesure d’insertion pour les chômeurs de longue durée – Les contrats aidés peuvent constituer des mesures d’insertion efficaces pour les publics éloignés de l’emploi. Toutefois, les débats actuels en Suède sur la politique gouvernementale consistant à rendre obligatoire l’exercice d’une activité d’insertion pour les chômeurs de longue durée témoignent de plusieurs interrogations. Les syndicats ont notamment dénoncé les risques de voir ces emplois se substituer à des emplois normaux et compromettre la qualité de l’emploi (dumping social).

En tout état de cause, les rapporteurs jugent indispensable de stabiliser les dispositifs et les moyens qui y sont affectés. Les changements incessants de règles concernant les contrats aidés (nombre, montant de l'aide de l'État, conditions de renouvellement durée et qualité des contrats…) ont des effets très déstabilisants pour les structures qui les emploient (associations, collectivités) mais surtout pour les bénéficiaires. Il faut assurer au dispositif des contrats aidés de la visibilité, de la stabilité et de la continuité dans le temps.

Recommandation n° 6 : Mettre un terme à l’instabilité juridique et financière relative aux contrats aidés, qui nuit à l’efficacité de ces dispositifs et veiller à des durées de contrat suffisantes pour permettre un accompagnement, une formation et une insertion durable des bénéficiaires.

*

* *

Les enseignements accumulés sur l’efficacité des politiques de l’emploi tendent donc à montrer que la combinaison de plusieurs dispositifs permet de répondre efficacement aux besoins des demandeurs d’emploi. Les écueils sont pourtant nombreux : les risques d’effets d’aubaine, de sélection, de « file d’attente », d’« écrémage » ont été clairement mis en évidence par les travaux économétriques. La performance des politiques de l’emploi nécessite donc d’utiliser les différents outils avec discernement.

L’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi, à la fois efficace et efficient, doit être privilégié et développé en France.

Les prestations d’aide au retour à l’emploi doivent être dispensées de façon ciblée, pour les publics et dans les cas où elles sont les plus efficaces :

– les subventions et les exonérations de charges sociales pour les plus bas salaires et les publics les plus éloignés de l’emploi ;

– les formations professionnelles, en période de récession préférablement, pour améliorer la qualité de l’emploi ;

– les contrats aidés pour donner un « coup de pouce » temporaire.

D’autres prestations comme les aides à la création d’entreprise restent encore sous-évaluées en France comme ailleurs mais pourraient avoir des effets bénéfiques à condition d’être accompagnées d’un soutien à plus long terme pour les plus petites entreprises.

2. Des propositions pour améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi en France

Dans un ouvrage récent (239), M. Philippe Askenazy, économiste, membre du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap), a affirmé que le chômage de masse en France était dû à l’application de politiques économiques inadaptées, qui trouverait son origine dans une lecture conjoncturelle et erronée de la crise des années 1970-1980, et par l’obsession partagée par l’ensemble de classe politique française d’un retour au plein emploi à court terme.

Lors de son audition par le groupe de travail, le 17 avril 2011, il a insisté sur la poursuite vaine du « mythe nordique » ou du « miracle économique allemand » et préconisé de considérer les politiques dans leur globalité. Par exemple, le modèle allemand se caractérise, selon lui, par une forte compétitivité, liée à une industrie dynamique et exportatrice, par un grand nombre de jeunes en apprentissage d’autant plus facilement embauchés que le coût de leur travail est moindre que celui des ouvriers. En revanche, ces résultats sont obtenus au détriment des femmes et des employés du secteur tertiaire, qui supportent l’essentiel de la modération salariale, tandis que la faible natalité constitue la faille de ce modèle sur le long terme.

Les recommandations qui suivent tiennent compte de cette réflexion et des autres remarques de méthode formulées notamment dans la première partie du présent rapport. Elles ne proposent pas « l’importation » d’un modèle idéal mais essaient de tenir compte à la fois des enseignements généraux soulignés précédemment et de la réalité de la situation française évoquée au cours des auditions menées par le groupe de travail.

a) Renforcer l’accompagnement personnalisé et adopter une approche globale du demandeur d’emploi

● Les modalités d’un accompagnement renforcé

Les rapporteurs souscrivent au constat exprimé par les associations de demandeurs d’emploi, l’ensemble des syndicats de salariés et par les représentants du personnel de Pôle Emploi, qui ont tenu à rappeler, à l’instar de Mme Françoise Kermogant, déléguée centrale de Force ouvrière à Pôle Emploi que « le demandeur d’emploi demande à un organisme comme le nôtre une porte unique, ce qui n’exclut pas deux guichets puisque, une fois qu’il a poussé la porte, il peut parfaitement passer d’un bureau à un autre. La première préoccupation de quelqu’un qui vient de perdre son emploi, et c’est parfaitement légitime, c’est de savoir comment il sera indemnisé. Une fois qu’il est rassuré, on peut lui parler orientation, formation, reclassement. Mais une chose après l’autre. » (240)

Les travaux d’évaluation et les personnes entendues dans le cadre des travaux du groupe de travail, ainsi que les rapports les plus récents comme ceux de l’Inspection générale des finances (241), du CESE (242), et du Sénat (243), sont unanimes : il faut renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi en France et rechercher une plus grande personnalisation du service aux usagers. La fréquence des entretiens améliore le suivi, renforce la confiance entre le demandeur d’emploi et le conseiller et permet de prévenir efficacement les erreurs ou les fraudes. Selon le rapport de l’IGF précité, « l’action du SPE, focalisée sur l’intensification des contacts avec les demandeurs d’emploi en Grande Bretagne et en Allemagne, entraîne une sortie plus précoce du chômage pour une fraction significative de demandeurs d’emploi lorsqu’elle est bien ciblée ; cette moindre durée du chômage se traduit par une diminution des dépenses d’indemnisation pesant sur les finances publiques, ce qui peut conduire à une économie supérieure aux coûts engendrés par l’intensification des contacts » 

Concrètement, ce renforcement paraît pouvoir s’articuler autour de trois propositions phares :

– programmer deux entretiens très rapprochés au début du parcours personnalisé, l’un sur l’indemnisation, l’autre sur le projet professionnel ;

– organiser dès que possible le premier entretien, qui doit rassurer le demandeur d’emploi sur sa situation et lui permettre de se projeter dans un projet professionnel ;

– augmenter la fréquence des contacts avec les demandeurs d’emploi en privilégiant des contacts brefs, téléphoniques ou électroniques pour ceux qui sont demandeurs et des rendez-vous plus approfondis avec ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi.

Recommandation n° 7 : mettre en œuvre un accompagnement renforcé

– Programmer deux entretiens très rapprochés au début du parcours personnalisé, l’un sur l’indemnisation, l’autre sur le projet professionnel.

– S’inscrire effectivement dans l’objectif d’organiser le premier entretien cinq jours après l’inscription à Pôle Emploi.

– Intensifier les contacts avec les demandeurs d’emploi.

● Le rapprochement des acteurs de l’insertion professionnelle et sociale au niveau local

La mise en place du RSA en 2008 rend nécessaire le rapprochement des acteurs de l’insertion professionnelle et ceux de l’insertion sociale, en particulier dans le contexte institutionnel français, qui se caractérise par une multitude d’intervenants. L’accompagnement des bénéficiaires du RSA vers l’emploi est source d’efficience à long terme mais il nécessite des investissements dans un premier temps, ainsi que des échanges entre les acteurs au niveau local.

Selon les propos de M. Arnaud Richard, rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de finances 2012 pour les crédits de la mission Travail et Emploi, « la territorialisation de Pôle Emploi se trouve encore aujourd’hui au milieu du gué. Tant le rapport du Conseil économique, social et environnemental que celui du Sénat parus avant l’été soulignent les insuffisances des démarches entreprises par Pôle Emploi et appellent à un renforcement de la coordination avec les autres acteurs du service public de l’emploi et plus particulièrement avec les co-traitants, de manière à éviter les chevauchements d’actions, à accroître la lisibilité pour le public et à éviter les mises en concurrence entre acteurs. […] La territorialisation (au double sens d’adaptation aux caractéristiques locales et de complémentarité avec d’autres acteurs) et la déconcentration (délégation de compétences et subsidiarité) constitueraient des leviers importants pour répondre aux attentes et aux besoins du public. Une telle démarche s’inscrirait en outre dans la continuité de la “personnalisation” de l’offre de services » (244)

C’est pourquoi les rapporteurs proposent tout d’abord de veiller au renforcement de ces échanges, grâce à un pilotage de haut niveau associant les préfets et les présidents de conseils généraux. Il paraît de surcroît indispensable

– de mobiliser les conseils généraux et leurs services, dans le cadre des Plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE) par exemple ;

– d’organiser des rencontres et des formations communes aux conseillers de Pôle Emploi et aux travailleurs sociaux pour tenir compte des besoins spécifiques des bénéficiaires du RSA (cf. infra, partie III) ;

– d’encourager le développement de guichets uniques partagés entre travailleurs sociaux et conseillers de Pôle Emploi, dans la logique du « référent unique » du dispositif du RSA.

● La lutte contre des freins dits « périphériques » au retour à l’emploi

L’adoption d’une approche globale du demandeur d’emploi nécessite également un abandon de la logique « de statut » qui a prévalu jusqu’à présent. Plusieurs aides à la reprise d’activité ont été mises en place pour lutter contre ce qu’il est convenu d’appeler « les freins périphériques » au retour à l’emploi : les problèmes de santé, de transport, ou de garde d’enfants, qui sont loin d’être négligeables.

Les aides à la mobilité, l’aide au permis de conduire B, l’aide différentielle de reclassement (245) (dispensées par Pôle Emploi), et l’aide à la garde d’enfants pour parents isolés (AGEPI) sont proposées par Pôle Emploi. L’aide personnalisée au retour à l’emploi (APRE) est dispensée par le guichet qui suit, en l’espèce, un bénéficiaire du RSA donné (département, Pôle Emploi ou prestataire privé). Bien que cette aide soit théoriquement adaptée aux besoins du demandeur d’emploi à la discrétion de son conseiller, plusieurs personnes entendues par le groupe de travail ont regretté que des critères d’attribution aient été réintroduits, altérant leur efficacité et dévoyant l’idée initiale d’un « coup de pouce » facilement accessible.

Les rapporteurs préconisent donc

– de préserver les moyens consacrés à ces aides ;

– de confier la décision d’attribution aux conseillers et travailleurs sociaux ;

– de travailler avec les conseils généraux et leurs services à l’élaboration d’une charte d’utilisation de ces aides pour les conseillers et les travailleurs sociaux et de renforcer l’information des acteurs sur l’intérêt d’utiliser ces outils avec souplesse.

● L’accompagnement des demandeurs d’emploi en amont et en aval de la perte ou de la reprise d’un emploi

Enfin, l’approche globale consiste également à accompagner les demandeurs d’emploi dès que possible et aussi longtemps que nécessaire.

Selon Mme Véronique Hespel et M. Pierre-Emmanuel Lecerf, auteurs de l’étude précitée de l’IGF sur les effectifs des services publics de l’emploi en Europe, l’idée d’une intervention en amont et en aval de la perte de l’emploi ou du retour à l’emploi, telle que pratiquée en Allemagne, où les entreprises qui licencient doivent prévenir la Bundesagentür für Arbeit, a reçu un accueil très favorable à Pôle Emploi.

Plus particulièrement, les personnes entendues par les rapporteurs se sont fait l’écho des conditions dans lesquelles se terminaient les contrats aidés, du jour au lendemain. La reprise d’un contact avec Pôle Emploi lorsque le travailleur est encore dans l’emploi serait de nature à favoriser sa transition vers un autre emploi. Ce suivi en aval du chômage requiert une réflexion sur une modification des conditions de gestion des fichiers de Pôle Emploi.

Recommandation n° 8 : adopter une approche globale du demandeur d’emploi

– Renforcer la coordination entre les acteurs de l’aide sociale et ceux du retour à l’emploi, grâce à un pilotage de haut niveau associant préfets, directeurs locaux de Pôle Emploi et présidents de conseils généraux.

– Préserver les moyens consacrés aux aides à la reprise d’activité comme l’aide au permis de conduire B ou les aides à la garde d’enfants pour lutter efficacement contre les freins au retour à l’emploi et donner plus de marges de manœuvre aux conseillers et travailleurs sociaux dans l’attribution de ces aides.

– Accompagner les bénéficiaires de contrats aidés en amont de la fin de leur contrat.

b) Renforcer les compétences et l’autonomie des conseillers de Pôle Emploi

● La revalorisation des métiers des conseillers professionnels

Le renforcement des compétences et de l’autonomie des conseillers et des travailleurs sociaux chargés de l’accompagnement est le corollaire du renforcement et de la personnalisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Les conseillers allemands, suédois ou britanniques semblent avoir plus d’autonomie et de leviers que les conseillers français :

– les conseillers britanniques délivrent également des aides au logement ou des aides au paiement des impôts locaux et ce sont eux qui décident de la fréquence des contacts avec le demandeur d’emploi ;

– les conseillers allemands sont des experts du bassin d’emploi local et proposent les aides qu’ils jugent les plus utiles au demandeur d’emploi ;

– les conseillers suédois ont également une grande autonomie pour définir les besoins du demandeur d’emploi.

Au regard des expériences étrangères et des propos rapportés lors des auditions, les rapporteurs estiment que la France fait fausse route en voulant généraliser le métier unique. Au Royaume-Uni, le conseiller qui assiste le demandeur d’emploi dans l’élaboration de son projet professionnel n’est d’ailleurs pas le même que celui qui vérifie le respect de ses obligations de recherche d’emploi.

Si la poursuite du développement de la polyvalence, ou « polyactivité », peut se poursuivre sur la base du volontariat, force est de constater que tous les professionnels de l’accompagnement n’ont pas vocation à devenir des spécialistes de l’indemnisation et réciproquement. Il paraît plus utile de développer l’interdisciplinarité et les échanges. L’existence d’un référent unique constitue un facteur d’efficacité mais peut s’accommoder de plusieurs intervenants, de la même manière qu’un collégien a un professeur principal mais un enseignant par matière et que la plupart des Français ont aujourd’hui un médecin traitant, qui les oriente vers des spécialistes. Les rapporteurs jugent qu’il serait préférable de renforcer la formation des conseillers, considérablement réduite depuis la création de Pôle Emploi (de 6 mois à 4 jours, dans certains cas) et de favoriser l’échange de bonnes pratiques.

En revanche, la réduction des différences de statut ou de primes entre les agents doit être poursuivie.

Recommandation n° 9 : renforcer les compétences et l’autonomie des conseillers de Pôle Emploi

– Renoncer à la généralisation du métier unique tout en encourageant la polyvalence pour ceux qui le souhaitent.

– Renforcer la formation initiale et développer l’expertise des conseillers sur les bassins d’emploi.

– Accorder une plus grande autonomie aux conseillers en favorisant les échanges de bonnes pratiques.

Ces changements sont également de nature à changer le fonctionnement de l’opérateur et à réduire les risques psychosociaux, aujourd’hui croissants. Selon les syndicats de salariés et les représentants des salariés de Pôle Emploi entendus par le groupe de travail, « la situation à Pôle Emploi est dramatique. Le manque de moyens entraîne une carence dans la qualité de l’accueil et des services […] certains prennent des médicaments, le nombre d’arrêts maladie augmente à un rythme exponentiel. En outre, les agents absents ne sont pas remplacés, ce qui aggrave encore la situation. » (246) Ils ont également mentionné « des incidents de plus en plus fréquents, voire dramatiques » et rappelé que l’employeur avait une responsabilité au titre de la sécurité des biens et des personnes, qui comprend leur santé physique et mentale.

Comme l’a conclu M. Gaby Bonnand (CFDT), président de l’UNEDIC, « la mécanique administrative doit être changée, décentralisée pour donner plus de souplesse aux antennes et aux agents de sorte qu’ils soient remis au cœur du système, car qui mieux qu’eux peut, dans un cadre déterminé et collectif, bien sûr, connaître les besoins des demandeurs ? N’en restons pas à des outils nationaux appliqués administrativement à des publics normés ! » (247)

● Les moyens de Pôle Emploi

L’ensemble des personnes entendues par le groupe de travail, ainsi que tous les rapports précités de l’IGF, du CESE et du Sénat jugent aujourd’hui nécessaires de renforcer les moyens de Pôle Emploi. M. Yves Razzoli, conseiller confédéral en charge du dossier Emploi (CFTC), a relevé « le mécanisme paradoxal du financement de Pôle Emploi, qui a de l’argent quand il n’y a pas de chômeurs et qui n’en a pas quand il y a des chômeurs. C’est à ce niveau-là que l’État devrait intervenir. Tant que le problème ne sera pas réglé, Pôle Emploi se heurtera toujours à un problème de moyens. Le manque d’effectifs et de moyens est flagrant, criant même. » (248)

Selon le rapport de l’IGF précité, « Afin d’éviter que le surcroît d’activité généré par la hausse du chômage ne se traduise par une dégradation de l’offre de services aux demandeurs d’emploi, le SPE doit être en mesure de mobiliser, rapidement et à titre transitoire, des capacités supplémentaires. A cet égard, Pôle emploi semble présenter davantage de rigidités que ses homologues étrangers en matière de recrutement de personnels en CDD... »

Cet avis est partagé par les rapporteurs, qui jugent trop hâtive la réduction des crédits alloués au retour à l’emploi dans la récession considérée par le gouvernement comme « la plus sévère depuis la seconde guerre mondiale. » (249) (250) D’après le ministère de l’Emploi suédois, le manque d’efficacité du service public de l’emploi suédois dans la crise économique des années 1990 a durablement pénalisé l’emploi en Suède. La tiédeur s’est avérée plus coûteuse à moyen et long terme qu’une politique volontariste.

Les rapporteurs préconisent donc de s’inspirer de la réactivité et de la flexibilité des modèles allemand et britannique. Une forte réactivité du service public de l’emploi est souhaitable en période de crise, sous réserve que les dépenses engagées soient justifiées par leur efficacité (cf. supra). Ainsi, les effets de l’augmentation du nombre de contrats aidés décidée par le Gouvernement en 2011 devront être évalués. D’après les auteurs de l’étude précitée sur les effectifs des services publics de l’emploi en Europe, l’accroissement des dépenses à court terme est susceptible d’engendrer des économies en réduisant les dépenses d’indemnisation chômage. C’est pourquoi les rapporteurs proposent également de permettre un recours accru aux contrats à durée déterminée à Pôle Emploi, aujourd’hui limités à 5 % des heures travaillées, hors contrats aidés, par la convention collective.

Par la suite, la réduction des dépenses d’indemnisation doit permettre le retour à l’équilibre. Un redéploiement des effectifs, dès lors que la fusion est terminée, vers l’accompagnement et l’accompagnement en région serait souhaitable. Mais comme l’ont souligné les auteurs du rapport de l’IGF précité, « Dans le contexte actuel de contrainte budgétaire, un tel objectif peut être réalisé, au moins pour partie, au travers d’un redéploiement de personnels vers les services d’accompagnement […] Toutefois, sans une amélioration significative de la situation de l’emploi, ces leviers ne seront probablement pas suffisants pour permettre au SPE français d’atteindre les taux d’encadrement de ses homologues allemands et britanniques en matière de suivi des chômeurs. »

Recommandation n° 10 : l’adaptation des moyens de Pôle Emploi à la conjoncture et au niveau de chômage

– Adapter les moyens de Pôle Emploi aux besoins résultant de la conjoncture économique en permettant l’augmentation rapide du nombre de conseillers lorsque le chômage augmente.

– Dans cette perspective, permettre un recours accru aux CDD à Pôle Emploi.

c) Être plus à l’écoute des usagers

Selon l’étude réalisée à la demande des rapporteurs par le cabinet Euréval, il existe peu d’enquêtes sur la satisfaction des demandeurs d’emploi et leurs résultats sont peu significatifs. Le niveau de satisfaction dépend en effet essentiellement de la question posée et s’explique souvent par des facteurs géographiques ou sociaux. Selon l’étude précitée, en France, « l’enquête réalisée par le Service public de l’emploi montre un taux de satisfaction de 66 %. La satisfaction est plus élevée en ce qui concerne l’écoute et l’accueil (79 % et 75 %), et plus faible en ce qui concerne les services d’aide à la recherche d’emploi (52 %). Les publics les plus éloignés de l’emploi sont les moins satisfaits, de même que les personnes qui utilisent moins fréquemment les services de Pôle Emploi. Le taux de satisfaction est variable avec l’âge, il est de 75 % pour les plus de 55 ans et de 59 % pour les moins de 25 ans. »

Le 14 septembre 2011, les rapporteurs ont rencontré des représentants des principales associations de demandeurs d’emplois. Les demandeurs d’emploi déplorent un discours coercitif et culpabilisant, qui semble assez éloigné de celui des autorités britanniques ou suédoises (cf. supra, section B.2.c.). Selon une enquête française, 39 % des chômeurs éligibles n’ont pas fait valoir leurs droits à l’assurance chômage en 2010 (251) : « Les motifs de non recours sont au nombre de quatre : la balance des gains et des pertes financières peut ne pas pencher du côté de l’indemnisation ; l’information sur les règles d'éligibilité peut être imparfaite ; la demande peut être difficile à faire ; l'efficacité de l'accompagnement vers l’emploi peut ne pas être crédible. »

Le non-recours à l’assurance chômage est estimé à 39 % en France

« Pour prétendre à l’indemnisation chômage en France, un travailleur privé d’emploi doit satisfaire des critères portant notamment sur son ancienneté au travail et sa disponibilité à rechercher activement un emploi. Par exemple, entre 2003 et 2006, un individu de moins de 50 ans doit avoir travaillé au moins 6 mois dans les 22 derniers mois pour être éligible. Même pour les individus répondant à ces conditions, le versement de l’allocation n’est pas systématique : dans l’année suivant la perte de l’emploi, l’individu doit s’inscrire auprès de l’Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE) et déposer un dossier de demande d’allocations en y joignant les preuves justifiant son éligibilité. Pour être effectivement indemnisé, un chômeur éligible doit donc comprendre et entreprendre différentes formalités administratives. En exploitant les enquêtes Emploi de l’Insee pour la période 2003-2006, nous obtenons un échantillon de 1890 demandeurs d’emploi de moins de 50 ans pour lesquels nous pouvons établir l’éligibilité à l’indemnisation. 39% de ces individus ne s’inscrivent pas à l’ANPE au cours de leur épisode de chômage, s’empêchant ainsi de percevoir l’allocation. Certes, un problème de sous-déclaration pourrait affecter ce chiffre. Néanmoins, un travail que nous menons actuellement sur données administratives issues du FH-DADS (Appariement du Fichier Historique des demandeurs d’emploi et des Déclarations Annuelles des Données sociales) et non sujettes à ce biais, semblent confirmer ce constat (Blasco et Fontaine [2009]). Il faut cependant noter que le fait de ne considérer que les individus pour lesquels nous pouvons garantir l’éligiblité opère une sélection sur les données. Malgré ces réserves, ce non-recours significatif, non spécifique à la France, indique bien que des coûts sont associés à l’indemnisation (coûts de transaction, frictions dans le processus de recours) ou que certains chômeurs se considèrent à tort comme non éligibles. »

Source : Extrait de Étudier le non-recours à l’assurance chômage, Sylvie Blasco, François Fontaine, 2010.

Les revendications des demandeurs d’emploi semblent relever du bon sens : « introduire davantage de respect de la personne dans les lettres envoyées aux chômeurs ; fournir un livret d’accueil aux demandeurs d’emploi au moment de leur inscription avec les coordonnées des associations locales de chômeurs ; généraliser les panneaux d’affichage dans les agences et l’expression libre des organisations de chômeurs sur ces panneaux ; simplifier les règles d’indemnisation du chômage et d’accès aux mesures d’accompagnement ; lutter contre les radiations abusives et promouvoir les droits de la défense des chômeurs et précaires… » (252)

De façon générale, les associations de chômeurs regrettent de ne pas être plus associées à l’élaboration des politiques et des dispositifs les concernant. Ils ont mentionné l’existence d’un « Parlement des chômeurs » dans le Land de Thuringe, en Allemagne, ainsi qu’un réseau national très actif et systématiquement impliqué dans la gouvernance en Finlande. Ils ont jugé que les chômeurs et leurs représentants étaient déconsidérés en France, ajoutant que pour la plupart d’entre eux, il s’agissait de leur première rencontre avec des parlementaires.

Plusieurs initiatives récentes en faveur de l’expression des demandeurs d’emploi ont été relevées : un groupe de travail associant des représentants des associations de chômeurs et de Pôle Emploi a travaillé sur le contenu des courriers, avant d’être supprimé avec la généralisation de la dématérialisation ; le Grenelle de l’insertion (CNLE) a associé les représentants des chômeurs ; le Conseil national de la lutte contre l’exclusion a invité certaines associations, mais elles ne sont pas conviées de façon systématique etc. Des comités de liaison ont été mis en place au niveau régional mais ils avaient surtout vocation à être un lieu d’information des chômeurs, et non pas d’échanges. Les rapporteurs préconisent de revaloriser ces comités de liaison au niveau local et de permettre l’expression des associations de demandeurs d’emploi au niveau national en facilitant leur représentation dans des instances consultatives telles que le CNLE.

Les rapporteurs ont également entendu M. Jean-Louis Walter, médiateur de Pôle Emploi, qui a d’abord rappelé le volume considérable des dossiers traités par l’opérateur. Pôle Emploi gère environ 6 millions de dossiers par an. 300 000 réclamations sont formulées chaque année et seulement 15 240 arrivent au niveau du Médiateur. Jean-Louis Walter a indiqué que ce chiffre augmenterait probablement encore quelques années, à mesure que se développera la notoriété de l’institution. Les résultats du Médiateur, son efficacité, ne devraient pas être évalués à l’aune de ce chiffre. En revanche, la réduction du nombre total de réclamations pourrait être un objectif de long terme plus pertinent pour l’ensemble de Pôle Emploi.

Dix à quinze pourcent des réclamations reçues sont rejetées : les courriers d’humeurs, les demandes qui ne sont pas à proprement parler des réclamations et qui auraient du être adressées aux agences de Pôle Emploi, etc. Cet indicateur ne paraît pas très satisfaisant cependant : M. Walter indique que les rejets incluent formellement toutes les demandes n’ayant pas été satisfaites. Dans ce nombre, il y a cependant des usagers dont la demande ne pouvait être satisfaite mais qui l’ont accepté après avoir reçu une réponse explicative bien faite.

Dans son prochain rapport annuel, M. Walter souhaite étudier de façon approfondie l’ensemble des 300 000 réclamations formulées par les usagers, pour établir un diagnostic plus complet du niveau de satisfaction des usagers de Pôle Emploi, dépassant ainsi l’analyse de l’activité propre du Médiateur.

Les rapporteurs souscrivent à cette dernière idée, qui pourrait contribuer à améliorer la participation des usagers à l’évaluation des besoins et à la prise de décision.

Recommandation n° 11 : être à l’écoute des usagers

– Confirmer le rôle et l’importance des lieux d’échanges entre les associations de chômeurs et Pôle Emploi (comités de liaison) aux niveaux local et national.

– Confier au Médiateur la responsabilité d’un rapport annuel plus complet sur la satisfaction des bénéficiaires.

*

* *

Plusieurs conclusions de cette étude appellent des réflexions complémentaires, compte tenu des interactions des politiques de l’emploi avec d’autres politiques sociales ou économiques. Le financement de la protection sociale est l’une de ces réflexions indispensables et urgentes. D’autres recommandations appellent cependant une mise en œuvre rapide. L’accompagnement personnalisé est un facteur d’efficacité mais plus encore une exigence morale. Aux « devoirs » des demandeurs d’emploi répondent les « devoirs » de la puissance publique. M. Gaby Bonnand, président de l’Unédic (CFDT) s’est inquiété des conséquences des politiques actives de retour à l’emploi : « peut-on vraiment, comme on envisage de le faire, considérer comme « emploi durable » une succession ininterrompue de contrats pendant six mois, sur une période totale de sept mois ? Non. Que Pôle Emploi devienne l’outil qui pourvoit de tels postes est problématique. M. Gaby Bonnand a également souligné la rotation croissante des emplois mise en évidence par les statistiques de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) : « hors intérim, 19 millions de recrutements en 2010, soit le nombre de déclarations uniques d’embauche (DUE) recensé par l’Acoss, et 32 millions avec l’intérim. Sur 19 millions, 12 millions sont des contrats de moins d’un mois. Il y a dix ans, les chiffres étaient deux fois moindres et on créait trois fois plus d’emplois nets. Autrement dit, si l’objectif de Pôle Emploi est uniquement le retour à l’emploi, Pôle Emploi deviendra un simple instrument de rotation de la main-d’œuvre. » Une politique active de retour à l’emploi doit donc avoir pour corollaire le développement d’emplois de qualité.

III.– L’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE COMPARÉE DE DEUX POLITIQUES SOCIALES À DESTINATION DES FAMILLES DANS CINQ PAYS EUROPÉENS

En France, comme dans d’autres pays en Europe, des enjeux majeurs, en termes économiques, sociaux et sociétaux, s’attachent aux politiques sociales à destination des familles.

En particulier, au regard des difficultés parfois rencontrées en matière de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, qui peuvent être plus aiguës encore pour des parents seuls, les politiques publiques visant à favoriser cette articulation sont des instruments susceptibles de favoriser l’emploi des parents, mais aussi la qualité de l’emploi et l’égalité entre les hommes et les femmes.

Il apparaît dès lors nécessaire de créer les conditions d’un meilleur équilibre des temps professionnels et familiaux, ainsi que d’améliorer l’accompagnement social et professionnel des parents isolés en situation de vulnérabilité, en vue de favoriser l’accès à l’emploi et de lutter contre la pauvreté au sein de ces foyers.

A.– DES POLITIQUES SOCIALES SUSCEPTIBLES DE CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION QUANTITATIVE ET QUALITATIVE DE L’EMPLOI EN EUROPE

Si les politiques familiales apparaissent extrêmement variées en Europe, certaines problématiques communes ont progressivement émergé, sous l’impulsion notamment des organismes internationaux et communautaires, concernant en particulier le soutien à l’articulation entre le travail et la vie privée et, corrélativement, à l’emploi des femmes (1).

Ceci peut s’expliquer notamment par le fait que les mesures visant à favoriser cette articulation peuvent contribuer à accroître les performances économiques et sociales générales de l’action publique, mais aussi celles des entreprises (2).

Par ailleurs, les rapporteurs ont par ailleurs pu s’appuyer sur une étude comparée réalisée par le groupement KMPG/Sciences Po concernant deux politiques sociales à destination des familles, dont il convient de présenter les objectifs et le champ, ainsi que les raisons ayant présidé au choix des cinq pays sous revue (3).

1. Les politiques familiales au sein de l’Union européenne : des finalités variées, l’émergence de défis communs

Qu’elles soient ou non nommées « politiques familiales », les politiques sociales à destination des familles en Europe se caractérisent par une grande diversité dans les différents États membres, concernant tant leurs objectifs que les moyens qui leur sont alloués.

L’intervention croissante de l’Europe dans ce champ de l’action publique, en particulier au cours de la décennie passée, a néanmoins contribué à faire apparaître plusieurs enjeux communs.

a) La diversité des objectifs assignés aux politiques familiales dans les États membres


● Les objectifs de la politique familiale en France

Comme l’a rappelé M. Hervé Drouet (253), directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), l’objectif premier des politiques familiales est de soutenir la natalité ainsi que de compenser les charges des familles, en opérant ainsi une forme de solidarité horizontale. Ces deux objectifs font relativement consensus, ainsi que l’a observé le Haut conseil de la famille (254), qui a également relevé, concernant l’objectif de soutien de la natalité, que « cette affirmation revendiquée la distingue des autres pays, où cet objectif n’apparaît que très peu, très récemment ou de façon très indirecte ».

À partir des années soixante-dix, un accent plus important a été mis sur le soutien des familles les plus modestes, dans une perspective de redistribution verticale. À cet égard, M. Hervé Drouet a souligné l’importance de l’effet redistributif des prestations sociales dans ce domaine.

Par ailleurs, au cours des dix dernières années, « c’est la question de l’encouragement de la participation des femmes à l’activité économique, et donc aussi celle de la conciliation entre vie familiale et professionnelle, qui est au centre des priorités gouvernementales », selon le programme de qualité et d’efficience (PQE) de la branche Famille, annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012.


● Les objectifs des politiques familiales dans les différents pays européens

Comme l’a souligné M. Bertrand Fragonard, président délégué du Haut conseil de la famille (255), les comparaisons internationales représentent un exercice très difficile, en particulier dans le domaine des politiques familiales, dès lors que tous les pays n’ont pas de politiques spécifiques dédiées à la famille, par exemple l’Espagne ou l’Italie, tandis que les pays nordiques ou le Royaume-Uni ont des dispositifs assez originaux.

En effet, la notion même de politique familiale ne fait pas l’objet d’un consensus en Europe. Dans certains pays, l’aide aux familles s’inscrit dans le champ plus vaste de la politique sociale : au Portugal, par exemple, la notion de politique familiale ne figure expressément dans aucun programme de gouvernement depuis au moins cinq ans, et elle est vue essentiellement comme une politique d’assistance ou de solidarité, selon les informations communiquées par l’ambassade de France au Portugal. D’autres pays, en revanche, sont très attachés à l’autonomie de ce champ d’action publique. Globalement, les États membres n’en mènent pas moins un ensemble de politiques qui, conjuguées, constituent une politique familiale, qu'elle soit ainsi nommée ou non (256).

De fait, même si la question de la conciliation semble désormais bien identifiée dans plusieurs pays, les objectifs assignés aux politiques familiales apparaissent très divers, , comme l’illustre le tableau ci-après. Le directeur général de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion à la Commission européenne, M. Koos Richelle (257), a d’ailleurs souligné combien les approches et les positions étaient très différente en Europe en matière familiale.

Lors de son audition (258), M. Olivier Thévenon, économiste à l’Institut national des études démographiques (Ined) et à la division des politiques sociales de l’OCDE a pour sa part expliqué que ces objectifs sont principalement les suivants : la lutte contre la pauvreté et l’aide financière aux familles ; l’aide au développement de l’enfant ; le soutien à l’emploi des femmes et la conciliation entre le travail et la vie familiale ; l’égalité entre les sexes ; l’aide aux ménages à avoir plus ou moins d’enfants souhaités et au moment désiré, avec des orientations plus ou moins natalistes. Selon son analyse, il n’y a pas en général de conflit entre ces objectifs ou tout du moins lorsqu’il y en a, les politiques ont précisément pour objet de rendre compatibles ces objectifs.

Pour autant, s’ils ne sont pas nécessairement en tension, il reste que certains objectifs peuvent être plus difficiles à concilier que d’autres. Par exemple, certains estiment que la politique familiale ne doit pas être confondue avec la politique sociale, son objectif devant être l’équité horizontale (en direction des familles), et non la redistribution verticale (en direction des plus modestes), qui relève d’autres instruments (259) .

En outre, la multiplicité ainsi que le manque de clarté et de cohérence entre les différents objectifs assignés aux politiques familiales peuvent être sources de difficultés pour le pilotage de l’action publique et, par voie de conséquence, de moindres performances pour les politiques, en particulier celles visant à favoriser conciliation entre vie familiale et vie professionnelle (cf. infra).

LA PLURALITÉ DES OBJECTIFS ASSIGNÉS AUX POLITIQUES FAMILIALES EN EUROPE

Pays

Objectifs des politiques familiales

Le cas échéant, nature du texte définissant ces objectifs

ALLEMAGNE

Concilier vie familiale et de la vie professionnelle (par la mise à disposition de structures d’accueil pour les enfants, le congé parental et l’allocation parentale d’éducation).

Soutenir financièrement à toutes les familles (par l’allocation parentale d’éducation, l’allocation familiale, des avantages fiscaux pour des parents).

Aider les familles pauvres et réduire les risques de pauvreté des enfants.

Loi sur la garde des enfants de 2008 (développement des structures d’accueil pour les enfants). Loi sur l'accélération de la croissance de 2009 (augmentation de l’allocation familiale). Loi sur les acomptes de pensions alimentaires de 1979 (paiement d’acomptes de pensions alimentaires pour les enfants vivant avec un parent isolé). Loi sur le congé parental et l’allocation parentale d’éducation de 2006.

AUTRICHE

Soutenir financièrement les familles vulnérables, permettre aux parents de s'occuper de leurs enfants comme ils le désirent (soi-même, en charger un membre de la famille ou une nourrice, jardin d'enfants, etc.), faciliter la réinsertion des parents sur le marché du travail et la création de lieux de travail favorables à la famille (familienfreundlich), protéger les enfants de toute forme de violence, promouvoir et financer des services de garde d'enfants de bonne qualité et encourager les pères à s'impliquer davantage dans la vie familiale.

FINLANDE

La politique familiale finlandaise est ancienne. Elle a été mise en place en 1948. Le dernier document ministériel décrivant cette politique date de 2006. Il rappelle que l’objectif en est de créer un environnement sûr pour les enfants et de fournir aux parents les moyens de les élever dans de bonnes conditions. L’importance de la famille en tant qu’unité sociale apportant une stabilité aux relations humaines est soulignée. La Finlande adhère aux objectifs de la Convention des droits de l’enfant de l’ONU.

FRANCE

Contribuer à la compensation financière des charges de famille. Aider les familles vulnérables. Concilier vie familiale et vie professionnelle. Garantir la viabilité financière de la branche famille.

Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Famille » annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012

ITALIE

Protéger les droits de la famille, donner des aides économiques, lutter contre la crise démographique et soutenir la maternité et la paternité, réduire les coûts des services pour les familles nombreuses, développer des systèmes territoriaux de services socio-éducatifs, concilier vie familiale et vie professionnelle, améliorer la qualification des femmes qui aident à domicile.

Décret de la présidence du conseil des ministres du 29 octobre 2009 (qui modifie le décret du 3 juillet 2002) : ce décret prévoit la création du secrétariat d’Etat pour les Politiques de la Famille, ses compétences et ses objectifs. Celui-ci est rattaché à la présidence du Conseil des ministres (260).

PORTUGAL

« Dans la société actuelle la famille constitue un espace privilégié pour la réalisation de la personne et le renforcement de la solidarité entre les générations. Il est du devoir de l’État de coopérer, soutenir et stimuler le développement spécifique de la famille, sans que cela signifie une substitution dans les tâches qui sont et doivent être les siennes ». 

Pour cela, la loi du 20 décembre 2002 « consigne, dans le cadre du système public de sécurité sociale, le principe d’autonomie du sous-système de protection familiale, dont l’objectif est de compenser les charges qui pèsent sur les familles lorsqu’elles dépassent un certain seuil ».

Le décret loi n° 91 du 9 avril 2009 « reconnaît le rôle indispensable des familles et choisit comme priorité l’incitation à la natalité et l’égalité des genres et pour ce faire cherche à promouvoir le partage du congé de parentalité, ceci dans le but de mieux concilier vie professionnel et familiale ».

Décret-loi n° 176/2003 du ministère de la sécurité sociale et du travail du 2 août 2002.


Loi n° 32 du 20 décembre 2002.


Décret-loi n° 91 du 9 avril 2009.

ROYAUME-UNI

Lutter contre la pauvreté infantile en œuvrant auprès des familles les plus démunies.

La loi contre la pauvreté infantile de 2010 qui fixe un objectif d’éradication de la pauvreté infantile d’ici 2020. La stratégie du gouvernement en matière de pauvreté infantile pour les dix années à venir.

Concilier vie professionnelle et vie familiale.

La loi pour le travail et les familles de 2006 qui a créé un ensemble de mesures permettant de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale (congés maternité, parental et d’adoption et droit de requérir une plus grande flexibilité au travail notamment). Lancement en mai 2011 d’une consultation nationale sur la modernisation des lieux de travail qui inclurait notamment un assouplissement des conditions de recours aux congés maternité, paternité et parental et élargirait le droit à demander un aménagement des horaires de travail.

Lutter contre les inégalités en santé des enfants

Le NSF (National service framework for children, young people and maternity services, un programme décennal d’amélioration de la santé des enfants mis en place en 2004) détaille des standards précis pour onze thématiques différentes qui couvrent l’ensemble des problématiques de la santé des enfants (exemples : le soutien à la parentalité, l’enfant à l’hôpital, la santé mentale de l’enfant).

Réduire le déficit public en gelant le montant des allocations familiales et en conditionnant leur versement au niveau de revenu

Revue des dépenses (Spending review). La décision a été prise de supprimer les allocations familiales (en janvier 2013) dès lors que l’un des membres du couple perçoit plus de 43.875 £ par an. Par ailleurs, le montant des allocations familiales sera gelé pendant trois ans.

SUÈDE

Les grands objectifs du gouvernement en matière de politique de la famille ont été rappelés dans le projet de budget général de septembre 2011. Il s’agit d’assurer la sécurité économique des familles et des enfants. L’action de l’État et des communes doit contribuer à assurer un niveau de vie convenable aux familles et à leur donner une liberté de choix dans leur mode de vie.

Le ministère en charge de la famille transmet aussi tous les ans en décembre une sorte de lettre de cadrage à l’Agence de sécurité sociale. Cette lettre est liée à la négociation de son budget pour l’année suivante. Ce système vaut pour toutes les agences nationales mais les objectifs sont très généraux, en l’occurrence les mêmes que ceux décrits dans le budget. Deux pistes spécifiques sont toutefois précisées : donner aux parents toute l’information nécessaire sur leurs droits afin qu’ils soient en mesure de choisir les modalités de partage du congé parental. Implicitement, on comprend qu’il s’agit en fait de rappeler la règle selon laquelle les pères qui ne prennent pas leurs deux mois de congés parental les perdent et qu’un bonus est accordé si le congé parental est mieux partagé entre les parents. Cela étant, le gouvernement refuse d’augmenter la durée du nombre de jours de congé non transférables (quota du père). Par ailleurs, l’agence devra aussi tenter de diminuer les dépenses liées à l’allocation servie au parent isolé dont l’ex-conjoint ne paye pas la pension, ce qui revient, dans la réalité, à se montrer plus rigoureux envers les pères qui n’assurent pas leurs devoirs alimentaires.

L’agence nationale dispose d’indicateurs de suivi, notamment l’évolution des revenus des familles avec enfants, particulièrement le nombre de celles disposant de ressources limitées, l’impact des différentes allocations sur le niveau économique des familles, le taux de natalité.

La politique familiale est d’ores et déjà très développée : allocations générales ou ciblées, congé parental généreux, obligation pour les municipalités de fournir une place de crèche à l’issue du congé parental. Elle se situe dans une perspective de protection de l’enfant, d’égalité entre les genres, de conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Le gouvernement met aussi beaucoup l’accent, comme déjà indiqué, sur la notion de liberté de choix des parents.

Sources : extraits des réponses des ambassades au questionnaire adressé par les rapporteurs en septembre 2011

b) L’investissement en faveur des familles : un effort significatif en France et des formes diverses selon les pays

Dans les pays de l’OCDE, les dépenses publiques au titre des prestations familiales représentent en moyenne un dixième des dépenses sociales publiques nettes totales. Particulièrement généreuse en France, l’aide apportée aux familles prend des formes diverses selon les pays en Europe.


● Une politique généreuse en faveur des familles en France, comparativement à d’autres pays en Europe

Le montant total des prestations familiales et des allocations logement versées par la branche famille atteint 46,1 milliards d’euros en 2010 (261), dont une partie prépondérante (83 %) est financée par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Les trois cinquièmes de ces dépenses sont universelles, c'est-à-dire non soumises à des conditions de ressources. Ces aides de la branche famille sont complétées par des prestations au titre de la maternité, des majorations de pensions à raison des enfants élevés ainsi que des aides fiscales, telles que le quotient familial.

En tout état de cause, dans l’analyse et la comparaison des politiques familiales, il convient de garder à l’esprit qu’outre les prestations monétaires, les familles bénéficient également d’aides fiscales significatives, en particulier en France, à travers le système du quotient familial, qui est quasiment unique au monde, selon M. Hervé Drouet.

ÉVOLUTION DES PRESTATIONS FAMILIALES ET DES ALLOCATIONS LOGEMENT VERSÉES PAR LA BRANCHE FAMILLE EN FRANCE DEPUIS 2001

(en milliards d’euros courants)

 

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Montant total

35,9

37,1

37,5

39,0

40,1

41,6

42,5

44,4

45, 8

46,1

Source : Cnaf, direction de la sécurité sociale (DSS), données présentées dans le programme de qualité et d’efficience (PQE) « Famille » annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012

Selon l’OCDE, qui compare les efforts en faveur des familles des pays en agrégeant les prestations familiales, les aides fiscales ainsi que les dispositifs d’accueil des jeunes enfants, ces différentes aides représentent environ 3,7 % du produit intérieur brut (PIB) en France, contre 2,2 % en moyenne dans les pays de l’OCDE (262), ainsi que l’illustre le graphique ci-après.

La France est ainsi au premier rang des pays de l’OCDE pour l’effort de redistribution de la richesse nationale en faveur des familles.

DÉPENSES PUBLIQUES AU TITRE DES PRESTATIONS FAMILIALES EN ESPÈCES, EN SERVICES EN NATURE ET DES MESURES FISCALES EN 2007

(en pourcentage du PIB)

Source : OCDE, Assurer le bien-être des familles (juillet 2011)

Il convient toutefois de préciser que les comparaisons internationales concernant les politiques familiales peuvent également s’appuyer sur la base de données d’Eurostat (base Sespros, qui ne prend en compte que les dépenses de protection sociale, et non la fiscalité par exemple).

Le classement de la France en termes de dépenses publiques dépend donc également des conventions de calcul retenues par ces deux sources statistiques. Ainsi, les dépenses publiques en faveur des familles ne représentent « que » 2,5 % du PIB selon les données d’Eurostat, contre une moyenne de 2 % environ en Europe, ainsi que le constate un rapport récent du Haut conseil de la famille (263). Comme l’illustre le graphique ci-après, la France est l’un des pays où l’écart est le plus fort entre ces deux sources statistiques, en raison principalement de deux spécificités nationales, qui sont prises en compte par l’OCDE, et non par Eurostat, concernant, d’une part, le taux très élevé de pré-scolarisation des enfants de moins de six ans, et, d’autre part, le quotient familial.

PART DU PRODUIT INTÉRIEUR BRUT (PIB) CONSACRÉ AUX FAMILLES SELON L’OCDE (2005) ET SELON EUROSTAT (2007)

(en pourcentage)

Sources : Eurostat et l’OCDE, in L’investissement de la Nation en direction des familles, note de travail adoptée par le Haut conseil de la famille (9 septembre 2010)

Par ailleurs, si les dépenses sont plus élevées en France, c’est aussi en partie du fait d’un nombre d’enfants proportionnellement plus important que dans d’autres pays, en raison d’un taux de fécondité parmi les plus élevés en Europe, comme l’a rappelé Mme Jeanne Fagnani, directrice de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et consultante auprès de l’OCDE (264). De ce fait, pour les comparaisons internationales, il est important de compléter l’analyse en s’appuyant sur un autre indicateur relatif au montant moyen des dépenses publiques rapporté à chaque enfant, ainsi que l’a d’ailleurs également observé l’étude de Sciences Po/CEE-Liepp et l’OFCE (265).

Il n’en reste pas moins que la France consent un effort important en faveur des familles par rapport à d’autres pays européens. L’importance de cet effort mais aussi, et peut-être tout autant, sa relative stabilité dans le temps constituent certainement l’un des points forts de la politique familiale française, par rapport à d’autres pays en Europe.

Dans ce sens, M. Claude Martin (266), directeur de recherche au CNRS et au Centre de recherche sur l’action politique en Europe (Crape), a souligné que le modèle français de politique familiale est caractérisé par sa continuité, en dépit des alternances politiques. Cet atout ne doit pas cependant se transformer en inconvénient, au sens où le caractère globalement stable de l’aide apportée aux familles ne doit naturellement pas être synonyme d’inertie, c’est-à-dire d’impossibilité d’envisager un quelconque aménagement au dispositif actuel.

A contrario, les représentants de l’Institut britannique pour la famille et la parentalité (Family and parenting institute, FPI), entendus par les rapporteurs lors de leur déplacement à Londres (267), ont souligné l’importance des réductions budgétaires intervenues récemment au Royaume-Uni (par exemple, la suppression des aides à la naissance à partir du troisième enfant), mais aussi l’impact de la diminution des aides sociales sur les familles les plus vulnérables.


● Des profils de dépenses très divers selon les pays

Dans les différents systèmes de protection sociale européens, l’aide aux familles prend principalement la forme d’allègements fiscaux, de prestations monétaires et de services en nature (en particulier, des services de garde d’enfants). Les transferts en espèces en constituent une partie importante dans la grande majorité des pays, comme l’illustre le graphique présenté plus haut sur les dépenses publiques dans les différents pays de l’OCDE.

La ventilation des dépenses publiques consacrées aux familles apparaît très hétérogène dans les différents pays en Europe, cette diversité reflétant des priorités différentes ainsi que des spécificités historiques et culturelles.

La France se caractérise notamment par la part plus élevée d’allègements fiscaux à des fins sociales, comme cela a été évoqué plus haut, ainsi que par des prestations en nature proportionnellement plus importantes que dans certains autres pays, tels que l’Allemagne, probablement en partie grâce à l’accueil dans les écoles maternelles des enfants âgés de trois à six ans (cf. infra, dans le B relatif aux politiques de conciliation).

DÉPENSES PUBLIQUES EN FAVEUR DES FAMILLES EN FRANCE, EN ALLEMAGNE
ET EN SUÈDE EN 2007 ET DANS LA MOYENNE DES PAYS DE L’OCDE EN 2009

(en pourcentage du PIB)

 

En espèces

En services

En déductions fiscales

Total

France

1,33

1,66

0,72

3,71

Moyenne de l’OCDE (en 2009)

1,17

0,83

0,23

2,2

Allemagne

1,09

0,75

0,88

2,7

Suède

1,49

1,86

0

3,35

Sources : tableau réalisé d’après les données présentées par Mme Jeanne Fagnani, lors de son audition par le groupe de travail le 7 septembre 2011 (base de données sur les familles, 2011), complétées par les données de l’OCDE pour la moyenne des pays en 2009

Dans les différents pays européens, les profils de dépenses évoluent par ailleurs sensiblement en fonction de l’âge des enfants, comme l’a expliqué M. Olivier Thévenon.

Enfin, si la politique familiale est majoritairement financée par les cotisations sociales en France, ce financement est assuré par l’impôt dans d’autres pays en Europe, par exemple l’Allemagne, la Finlande et la Norvège.

À cet égard, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) a rappelé, dans une contribution écrite adressée aux rapporteurs, que les entreprises contribuent aujourd’hui très largement au financement de la branche Famille du régime général de sécurité sociale, à travers leur cotisation déplafonnée (268) de 5,4 %, dont le produit représente 45,3 % du financement de la branche.

MODE DE FINANCEMENT DES POLITIQUES FAMILIALES EN ALLEMAGNE, EN ITALIE, EN FINLANDE, EN FRANCE, EN NORVÈGE, AUX PAYS-BAS ET AU PORTUGAL

Allemagne

En Allemagne, il n’existe pas de branche famille dans la sécurité sociale, les prestations familiales sont financées par l’impôt.

Finlande

L’impôt, aussi bien municipal que d’État, finance la politique familiale.

France

En France, la branche famille du régime général de la sécurité sociale est majoritairement financée par des cotisations sociales, le reste l’étant par des impôts et taxes (269).

Italie

L'article 19 de la loi n°248/2006 prévoit l'institution d'un « Fonds pour les politiques de la famille » auprès de la Présidence du Conseil des ministres. Chaque année, le montant du fonds est décidé au moment du vote de la loi de Finances. Le fonds est ensuite redistribué entre les différents projets que le secrétariat d’État compétent souhaite développer. En 2009, ce fonds représentait 187 millions d’euros.

Norvège

La politique de la famille est financée par l’impôt ; elle fait partie intégrante du modèle de protection sociale universel norvégien. Elle est déterminée par le Parlement et le Gouvernement, même si les municipalités jouent un rôle essentiel dans sa mise en œuvre.

Pays-Bas

Ce sont les communes qui gèrent le budget qui leur a été alloué par le ministère compétent. Le paiement des allocations est assurée par l’UWV (autorité administrative indépendante, qui est l’opérateur principal de placement des demandeurs d’emploi), en collaboration avec le service des impôts (Belastingdienst) ainsi que par la SVB (Sociale Verzekeringsbank ou Banque d’assurance sociale).

Portugal

Les budgets affectés à la famille sont déterminés au sein du budget annuel de sécurité sociale (intégré lui-même au budget annuel de l’État). Il y existe une sous-rubrique prestations sociales, au sein de laquelle figurent les dépenses affectées à la famille (18,1 milliards d’euros pour 2012, sur un total de 40 milliards de dépenses pour la sécurité sociale), réparties en quatre sous-systèmes : solidarité (4 milliards), protection familiale (1 milliard), action sociale (100 millions), prévoyance, par exemple pour le congé parental (13 milliards).

Source : réponses des ambassades au questionnaire adressé par les rapporteurs en septembre 2011

c) Le rôle croissant de l’Europe, à travers notamment les orientations visant à accroître les taux d’activité ainsi que la qualité de l’emploi

Si les politiques familiales relèvent en principe de la compétence des États membres, l’Europe exerce toutefois une influence croissante dans ce domaine, en particulier dans le champ de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, à travers principalement les objectifs et recommandations définis en matière d’emploi ainsi que d’égalité entre les hommes et les femmes.

● La signature du traité d’Amsterdam (270) en 1997 a marqué (cf. I du présent rapport) un tournant dans les orientations communautaires, en inscrivant les questions sociales dans l’agenda européen, à travers notamment l’introduction de dispositions prévoyant que « l’Union se donne pour objectif de promouvoir le progrès économique et social ainsi qu’un niveau d’emploi élevé et de parvenir à un développement équilibré et durable, notamment par (…) le renforcement de la cohésion économique et sociale ».

S’inscrivant dans cette lignée, la Stratégie européenne pour l’emploi (SEE, cf. supra) a été lancée par le Conseil européen en novembre 1997, afin notamment d’accroître les taux d’activité, la cohésion sociale, la compétitivité et la croissance des économies, ainsi que de consolider les systèmes de protection sociale. Par la suite, des objectifs chiffrés de taux d’emploi, pour chaque État membre, ont été fixés lors du Sommet de Lisbonne en mars 2000, concernant notamment l’emploi des femmes (60 % de taux d’emploi des femmes âgées de 15 à 64 ans, à l’horizon 2010), comme indiqué dans la première partie du rapport.

L’intervention de l’Europe dans le champ des politiques familiales est ainsi très liée aux objectifs visant à accroître les taux d’activité.

Or l’atteinte de ces objectifs en matière d’emploi nécessite le déploiement de mesures permettant de mieux concilier travail et vie de famille. C’est d’ailleurs pour cette raison que, dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne, une ligne directrice pour l’emploi a été adoptée lors du sommet de Barcelone en mars 2002, en fixant des objectifs chiffrés concernant les taux de couverture des services de garde des jeunes enfants (cf. sur ce point, la section B ci-dessous), en vue de permettre aux parents, particulièrement aux mères, d’accéder ou de se maintenir dans l’emploi.

En effet, comme l’a souligné le Comité économique et social européen dans un avis très récent sur les politiques familiales (271), l’objectif fixé à l’horizon 2020 « ne pourra être atteint que s’il est conjugué avec une politique familiale permettant aux hommes et aux femmes d’élever le nombre d’enfants qu’ils souhaitent en travaillant, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui, dans la plupart des États de l’Union ». Dans cette perspective, le Conseil européen a engagé les États membres à agir concrètement « pour promouvoir une participation accrue au marché du travail en général (272) » et continuer de soutenir le développement de l’offre de structures pour la garde d’enfants ainsi que la conciliation entre la vie professionnelle, la vie familiale et la vie privée (273).


● 
Cette influence de l’Europe s’est également traduite par des orientations visant à améliorer la qualité de l’emploi, dont l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle constitue l’une des dimensions.

À cet égard, Mme Christine Erhel (274), maître de conférences à l’université Paris I, chercheure au Centre d’études de l’emploi (CEE) et au Centre d’économie de la Sorbonne, a rappelé que l’Union européenne s’est dotée en 2001 de plusieurs indicateurs de la qualité de l’emploi, dits « indicateurs de Laeken », dans le prolongement de la réflexion initiée par les organisations internationales, en particulier le Bureau international du travail (BIT), autour de la notion de « travail décent ».

Cette question a également fait l’objet de nombreux travaux de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, dite Fondation de Dublin.

En effet, suite au sommet de Lisbonne en mars 2000, qui visait notamment une « amélioration quantitative et qualitative de l’emploi », et dans la lignée de la méthode ouverte de coordination (Moc), le Conseil européen, réuni à Laeken en décembre 2001, a approuvé une liste d’indicateurs correspondant aux différentes dimensions de la qualité de l’emploi, parmi lesquelles l’insertion et l’accès au marché du travail, l’égalité des genres et « l’organisation du travail et l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle ». Bien qu’ils aient été considérés seulement comme une première étape, ces indicateurs ne firent cependant pas l’objet de nouveaux débats, même lors de l’examen de la stratégie « Europe 2020 ».

En tout état de cause, des politiques publiques contribuant à améliorer la qualité de l’emploi sont non seulement facteurs de progrès social mais aussi d’amélioration des performances économiques, en favorisant l’emploi, la cohésion sociale, la productivité et la croissance, comme l’a notamment souligné la Commission européenne, dans plusieurs communications (cf. l’encadré ci-après).

Les enjeux de l’amélioration de la qualité de l’emploi, en termes notamment de croissance, de performances économiques et de cohésion sociale

Dans sa communication du 20 juin 2001, la Commission européenne souligne que :

« Les conclusions du Conseil de Nice ont appelé à accorder davantage d’attention à la qualité de l’emploi et à son importance pour la croissance en tant qu’élément important d’attractivité et d’incitation au travail (…). Rétablir le plein emploi signifie qu’il est important d’axer notre action sur une amélioration non seulement quantitative, mais aussi qualitative de l’emploi.

Promouvoir la qualité dans la politique de l’emploi et la politique sociale constitue un élément clé pour les objectifs consistant à bâtir des emplois plus nombreux et meilleurs, à créer une économie compétitive, fondée sur la cohésion et la connaissance, et à assurer une interaction positive entre les politiques économiques, sociales et de l’emploi. À ce titre, la qualité peut et doit aller de pair avec une amélioration de l’efficacité, en particulier en ce qui concerne les finances publiques et les “incitants” sur le marché du travail. Les politiques sociales ne sont pas simplement un résultat de bonnes performances et de bonnes politiques économiques, mais elles constituent en même temps un apport et un cadre. »

Dans la communication de 2003, la Commission européenne évoque par ailleurs la corrélation entre qualité de l’emploi, la productivité et les performances économiques :

« Au sein de l’UE, on observe une corrélation positive entre les performances globales du marché du travail d’une part et, de l’autre, la qualité de l'emploi. On relève en particulier une corrélation négative entre la proportion d’emplois de qualité médiocre et le taux d’emploi, notamment pour les femmes et les travailleurs possédant un niveau de qualification moyen à élevé. (…) La corrélation entre les dimensions qualitative et quantitative de l’emploi est corroborée par des simulations dynamiques, qui montrent que sans amélioration significative de l'emploi, la création d’emplois demeure en deçà de son potentiel. (…)

Une analyse comparative intersectorielle menée à l’échelle de l’UE ainsi que dans différents États membres montre qu’il existe une relation positive entre la qualité de l'emploi et la productivité du travail. Diverses études qualitatives et quantitatives montrent que de nouvelles formes d’organisation du travail, caractérisées entre autres par de nouvelles structures organisationnelles, des méthodes de travail plus souples et moins hiérarchisées, une participation plus forte et de nouveaux systèmes de gratification des salariés et d'évaluation de leurs performances tendent à accroître la productivité et les taux d’emploi.

Le dialogue social et les relations entre les partenaires sociaux peuvent jouer un rôle important dans l’amélioration de la productivité et de la qualité de l’emploi. On observe une corrélation étroite entre emplois de qualité médiocre, d’une part, et pauvreté et exclusion sociale, d’autre part. (…) Dans plusieurs États membres, ce sont surtout les femmes faiblement qualifiées qui courent le plus le risque de devenir prisonnières d’un cycle alternant périodes de chômage et emplois précaires à temps partiel mal rémunérés. »

Sources : communications de la Commission européenne du 21 juin 2001, « Politiques sociales et de l’emploi : un cadre pour investir dans la qualité », et du 26 novembre 2003, « Amélioration de la qualité de l’emploi : un examen des progrès accomplis »

Mme Christine Erhel a également observé que les études tendent à montrer une corrélation entre de bonnes performances économiques et la qualité de l’emploi. Instrument de modernisation du modèle social européen, celle-ci apparaît ainsi porteuse d’une interaction positive entre les politiques économiques, sociales et de l’emploi.

Par ailleurs, dans un rapport remis à la Commission européenne en 2008 sur la qualité de l’emploi (275), Mme Christine Erhel a indiqué avoir retenu quatre dimensions principales dans l’analyse de cette notion :

– la sécurité socio-économique (niveau du revenu lié au travail et ses perspectives de progression, type de contrat, activité en temps partiel ou temps plein et facilité des transitions professionnelles) ;

– l’accès à la formation ;

– les conditions de travail (niveau d’exposition aux risques et aux accidents du travail, durée du travail, intensité et modularité du travail) ;

– le genre et la conciliation entre vie familiale et professionnelle, cette dimension faisant l’originalité de la démarche européenne. Elle prend en compte les inégalités d’accès et de taux d’emploi ainsi que les inégalités salariales, mais aussi l’existence d’une offre de garde d’enfants de qualité (disponibilité horaire, coût, qualité de la garde, mesurée par le niveau de qualification du personnel ou la satisfaction des usagers, etc.).

● Enfin, l’Union européenne peut légiférer dans des domaines qui concernent la conciliation entre le travail et la vie familiale ainsi que l’égalité professionnelle.

Suite à l’accord conclu entre les partenaires sociaux, une directive a par exemple été adoptée en mars 2010 (276) concernant le congé parental (cf. infra, dans la section D). Comme l’a rappelé Mme Sophie Mandelbaum, secrétaire confédérale responsable de la délégation femmes à la Confédération française démocratique du travail (CFDT) (277), la directive européenne relative au congé parental doit être transposée avant le 8 mars 2012.

Des débats ont également eu lieu récemment au Parlement européen et au Conseil européen concernant le congé de maternité et l’allongement éventuel de la durée minimale de celui-ci (278).

2. L’articulation entre le travail et les responsabilités familiales : des enjeux majeurs pour les politiques sociales

Sous l’impulsion notamment des institutions européennes et d’organisations internationales telles que l’OCDE, l’expression « conciliation entre vie familiale et vie professionnelle » (ou « work-life balance », dans une formulation opposant d’ailleurs curieusement le travail à la vie) est progressivement entrée dans le langage courant de l’action politique. Ce terme désigne un objectif pour l’action publique, un énoncé qui apparaît donc plutôt normatif, en même temps qu’une série de mesures qui visent en principe à faciliter la vie des citoyens (279).

En tout état de cause, l’articulation entre le travail et les responsabilités familiales pose aujourd’hui des questions majeures, en termes notamment de performance économique et sociale des politiques publiques, mais aussi de progrès démocratique, en contribuant à promouvoir l’égalité des genres.

a) Un levier de performance économique ayant un impact sur la croissance et les finances sociales, mais aussi au niveau des entreprises

La conciliation apparaît tout d’abord comme un vecteur de performance, tant au niveau macro que micro-économique.

● Selon l’analyse développée par M. Philippe Askenasy, économiste, chercheur au CNRS, membre du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) et professeur associé à l’École d’économie de Paris (280) , l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle apparaît comme un véritable enjeu pour améliorer les taux d’emploi des femmes, et cette articulation peut être améliorée sensiblement par les services de gardes d’enfants,

En effet, plus de six millions de femmes de 25 à 49 ans dans l’Union européenne affirment être contraintes à l’inactivité ou au travail à temps partiel en raison de leurs responsabilités familiales. Pour plus d’un quart d’entre elles, le manque de services de garde d’enfants ou leur coût est à l’origine de cette situation (281) et, selon la Commission européenne (282), « répondre à cette demande pourrait permettre d’augmenter le taux d’emploi féminin global d’au moins un point de pourcentage ».

Dès lors, les politiques publiques visant à favoriser la conciliation entre la famille et le travail peuvent avoir un impact positif sur la natalité ainsi que sur les taux d’activité, et donc sur la croissance. En favorisant une participation accrue au marché du travail des parents, particulièrement des mères, ces politiques contribuent également à la lutte contre la pauvreté des familles ainsi qu’à la consolidation des systèmes de protection sociale, à travers la perception de cotisations sociales supplémentaires correspondant à cette augmentation de la population active, mais aussi la préservation du ratio de cotisants par retraités, ainsi que la diminution éventuelle du nombre de bénéficiaires de minima sociaux.

Au cours de leurs déplacements en Europe, les rapporteurs ont pu mesurer combien ces enjeux sont aujourd’hui bien identifiés comme majeurs dans d’autres pays. Par exemple, les représentants du ministère britannique du travail et des retraites (283) (Departement for work and pensions, DWP) ont souligné l’importance pour l’emploi de la question de la conciliation entre famille et travail, en évoquant notamment la question de la « trappe à inactivité » liée à la garde des enfants.

● Les mesures visant à favoriser l’articulation sont également sources d’externalités positives pour les entreprises.

Dans ce sens, les représentants de la Confédération des employeurs allemands (Bundesvereinigung der Deutschen Arbeitgeberverbände, BDA), rencontrés par les rapporteurs lors de leur déplacement à Berlin, ont souligné très clairement « la valeur économique d’une conciliation bien faite », dans la mesure où celle-ci peut contribuer « à retenir les meilleurs salariés et à conserver une main d’œuvre hautement qualifiée, ainsi qu’à attirer de jeunes talents et donner une image positive de l’entreprise ».

Par ailleurs, comme l’a très justement souligné Mme Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, auteure d’un rapport récent sur l’égal accès aux responsabilités professionnelles et familiales (284), l’équilibre entre le travail et la vie privée peut constituer un réel atout pour les entreprises, selon notamment la théorie de « l’enrichissement croisé ». Les ressources et compétences acquises dans la sphère familiale pourraient ainsi être mobilisées dans un autre domaine et contribuer à obtenir de meilleurs résultats professionnellement, et réciproquement. La parentalité et les mesures visant à favoriser la conciliation peuvent également contribuer à une saine mise à distance des tensions et difficultés professionnelles éventuellement rencontrées, de nature à prévenir les situations de stress au travail (cf. infra) et, plus largement, selon l’analyse développée par Mme Brigitte Grésy, à favoriser l’équilibre personnel et donc une meilleure efficacité professionnelle.

Selon cette dernière, la prise en compte de la parentalité, notamment masculine, apparaît « donc facteur de performance, tant au niveau macro-économique que pour les entreprises ». Dans ce sens, M. Jean-Baptiste Obeniche (285), directeur général de l’Anact, a également indiqué que l’accroissement de la performance pourvait passer par l’amélioration des conditions du travail.

b) Un facteur de performance sociale à travers l’amélioration des conditions de travail et la prévention des risques psychosociaux

À la suite de la remise du rapport de MM. Philippe Nasse et Patrick Légeron sur les risques psychosociaux au travail (286) à M. Xavier Bertrand, alors ministre du Travail, des relations sociales et de la solidarité, un collège d’expertise sur le suivi statistique de ces risques a été mis en place en 2008 afin de dresser un premier état des lieux.

Ce collège d’expertise a élaboré, à titre provisoire, une batterie d’une quarantaine d’indicateurs immédiatement disponibles dans les sources statistiques existantes afin de mesurer ces risques. Les risques psychosociaux ont été analysés selon six dimensions : les exigences émotionnelles, l’autonomie et les marges de manœuvre, les rapports sociaux et relations de travail, les conflits de valeur, l’insécurité socio-économique ainsi que les exigences du travail, qui recouvrent notamment les difficultés de conciliation entre vies familiale et professionnelle (287).

● Les difficultés de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle constituent un facteur reconnu de risques psychosociaux.

En effet, selon les informations communiquées par le ministère du Travail, de l’emploi et de la santé, suite à l’audition de M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail (288), le collège d’expertise a considéré que les difficultés de conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle constituent un facteur de risques psychosociaux, au même titre que d’autres difficultés liés à l’intensité et au temps de travail. Ces difficultés passent par plusieurs canaux :

– pour les cadres, le fait de devoir une disponibilité sans limites, qui peut provoquer des dépassements fréquents des horaires et une présence étendue ;

– des horaires décalés ou atypiques, qui créent un déphasage par rapport aux rythmes de la vie familiale et sociale ;

– le télétravail, qui peut être incompatible avec la vie familiale et sociale, si le salarié ne sait pas établir de frontières entre les différents temps de vie, mais qui peut inversement également permettre de mieux conjuguer vie familiale et vie professionnelle, dans le cas contraire.

Selon une publication récente de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) sur les indicateurs des risques psychosociaux (289), s’appuyant sur les résultats d’une enquête réalisée en 2007 (290), il apparaît que les problèmes de conciliation entre le travail et la vie personnelle touchent au moins 11 % des actifs occupés qui disent avoir toujours ou souvent des difficultés à concilier travail et obligations familiales. De façon apparemment paradoxale, les femmes ne sont pas sensiblement plus nombreuses que les hommes à exprimer cette opinion, ce qui s’expliquerait en partie, selon cette étude, par leur durée du travail en moyenne moins élevée. Il semblerait toutefois que les femmes rencontrent des difficultés particulières en matière de conciliation (cf. infra).

En tout état de cause, selon les informations communiquées par la direction générale du travail, si ce thème est identifié par le collège d’expertise et étudié par le biais de quelques questions dans les grandes enquêtes épidémiologiques, en revanche, il n’existerait pas d’indicateur de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée.

● Or les risques psychosociaux n’ont pas seulement un coût humain mais aussi financier, même s’il reste difficile à chiffrer précisément.

Le coût pour les dépenses publiques peut être lié, par exemple, aux indemnités journalières versées par la sécurité sociale pendant les arrêts maladie ou encore à la prescription de médicaments, tels que des psychotropes, suite à un épisode d’épuisement professionnel (« burn out »), voire même au retrait du marché du travail de la personne exposée à ces risques. En France, selon certaines estimations (291), le coût social du stress au travail représenterait 10 à 20 % des dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale.

Pour les entreprises, les risques psychosociaux peuvent également être source de coûts, du fait notamment du turn-over, des arrêts maladie ou encore des « coûts cachés » liés à une organisation déficiente du travail. À cet égard, en regrettant « l’obligation du présentéisme à la Française », Mme Brigitte Grésy (292) a évoqué une étude réalisée en 2009 au Royaume-Uni, selon laquelle le nombre de jours perdus attribués au « présentéisme » (soit notamment le fait d’être présent dans l’entreprise mais sans pouvoir se concentrer sur son travail en raison d’un stress élevé) serait 1,5 fois plus élevé que celui des jours perdus liés à l’absentéisme : le présentéisme serait donc plus coûteux que l’absentéisme (293).

Il convient par ailleurs de rappeler que les risques psychosociaux, qui pèsent sur le bon fonctionnement des entreprises, représenteraient un coût évalué entre 3 et 4 % du PIB dans les pays industrialisés, selon le Bureau international du travail (BIT). L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail avait également estimé, en 2002, que le coût du stress d’origine professionnelle représentait environ 20 milliards d’euros par an dans quinze pays européens.

Ainsi, les mesures visant à favoriser la conciliation entre la famille et le travail, y compris sur le lieu de travail, peuvent être de nature à accroître sensiblement la performance des entreprises.

c) Un vecteur d’égalité entre les hommes et les femmes

● La promotion de l’égalité des genres, à laquelle contribuent les politiques de conciliation, est aujourd’hui un objectif largement partagé.

Au niveau européen, l’article 8 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que : « Pour toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes ». L’égalité entre les femmes et les hommes constitue également un droit fondamental garanti par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (294) : en effet, aux termes de son article 23, « L’égalité entre les hommes et les femmes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération. Le principe de l’égalité n'empêche pas le maintien ou l’adoption de mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous-représenté ».

En soulignant que l’égalité entre les sexes est une condition indispensable de la réalisation des objectifs de croissance, d’emploi et de cohésion sociale, la Commission européenne a par ailleurs réaffirmé son engagement en faveur de celle-ci, en adoptant la Charte des femmes, en septembre 2010 (295), ainsi qu’une Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour 2010-2015 (296).

En France, plusieurs mesures ont également été adoptées au cours des dernières années en vue de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. En particulier, l’article 1er de la Constitution a été complété en 2008 (297) par un nouvel alinéa précisant que « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes (…) aux responsabilités professionnelles et sociales ».

● Des inégalités persistent néanmoins entre les hommes et les femmes, notamment en France, concernant l’accès à l’emploi et les trajectoires professionnelles.

Selon le genre, l’influence de la parentalité sur la participation au marché du travail est encore très différente dans l’Union européenne, notamment parce que les femmes continuent à assumer une part prépondérante des tâches relevant de la sphère familiale. À l’arrivée de jeunes enfants, les mères ont de fait plus souvent tendance à se retirer du marché du travail ou à diminuer leur temps de travail.

Comme l’a souligné la Commission européenne, dans la Stratégie pour l’égalité précitée, les femmes et les hommes sont toujours inégaux face à la pauvreté et à l’exclusion sociale, les femmes connaissant un risque plus élevé de pauvreté, surtout les mères célibataires et les femmes âgées, du fait notamment de l’écart de pensions (cf. infra). Les obstacles à l’emploi se traduisent également par des taux d’inactivité et de chômage de longue durée plus élevés.

Par ailleurs, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes (298) demeure de 17,8 % dans l’Union européenne, ainsi que l’a indiqué Mme Anne Duthilleul (299: celui-ci représente notamment 23 % en Allemagne et 17 % en France (300).

Évoquant l’importance des enjeux éthiques liés aux questions relatives à l’égalité des genres, Mme Brigitte Grésy a rappelé que les femmes sont encore considérées comme des « agents à risque » par certains employeurs, et qu’une enquête récente (301) de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) montre qu’une cohorte d’hommes, dans la tranche des quadragénaires, gagnent 17 % de plus qu’une cohorte de femmes disposant des mêmes caractéristiques (302), mais qu’une partie prépondérante de cet écart (70 %) reste inexpliquée.

Or cet écart salarial ainsi que les différences de parcours professionnels se traduisent ensuite par des niveaux des retraites plus faibles pour les femmes.

Lors de la table ronde avec les organisations syndicales (303), M. Yves Razzoli, conseiller confédéral en charge du dossier Emploi (CFTC), a ainsi estimé que « Les mécanismes de l’assurance vieillesse devraient aussi être rendus plus équitables. Aujourd’hui, on constate que la différence entre les retraites des hommes et celles des femmes est de l’ordre de 40 %. C’est énorme. Si l’on introduit des dispositifs qui incitent les femmes à s’absenter, il faut les accompagner de mécanismes qui rétablissent les droits à la retraite, à moins d’aggraver encore les distorsions. » Mme Françoise Kermorgant, déléguée centrale de Force ouvrière (FO), a également précisé que « dans ces dispositifs, il faut tenir compte non seulement de l’affiliation – c'est-à-dire du nombre de trimestres – mais aussi de la bonification des points, et surtout du niveau de salaire. Sinon, le problème ne sera jamais résolu. »

Concernant le niveau des pensions de retraite, le président de l’Union des associations familiales de France (Unaf), M. François Fondard (304), a également souligné que « celles-ci sont aujourd’hui, en moyenne, de 1 450 euros par mois pour les hommes et de seulement 850 euros pour les femmes. »

En tout état de cause, comme l’a fait valoir la Confédération générale du travail (CGT), dans une contribution écrite adressée aux rapporteurs dans le prolongement de la table ronde, les inégalités professionnelles semblent s’appuyer sur des représentations négatives des femmes dans toute la société. Selon la confédération, les stéréotypes culturels relatifs à la place des femmes se retrouvent en particulier au niveau familial (le travail ménager, la prise en charge des enfants et des personnes âgées leur étant naturellement attribués) et au niveau social (la notion de salaire d’appoint restant bien présente). Or ces inégalités se renforcent mutuellement.

En effet, comme cela est apparu très clairement au cours des auditions, l’inégal partage des tâches familiales, les écarts de rémunération, le recours au congé parental presque exclusivement féminin, du moins en France, ainsi que les différences de trajectoires professionnelles et la persistance de certaines représentations sociales tendent à amplifier leurs effets et à se consolider mutuellement.

C’est donc nécessairement en adoptant une démarche globale et volontariste qu’il convient de poursuivre les efforts déjà réalisés en matière d’égalité professionnelle, particulièrement dans le champ de l’articulation entre le travail et la famille, qui peut concourir significativement à celle-ci.

À cet égard, on ne soulignera jamais assez combien le développement de politiques ambitieuses en matière d’égalité professionnelle ne relève pas d’une « victimisation », et moins encore d’une vision paternaliste de protection des femmes. Il s’agit, au contraire et avant tout, de mesurer et de prendre en compte un certain nombre de données factuelles concernant la parentalité en général et son impact sur les trajectoires professionnelles – et ce, concernant aussi bien les hommes que les femmes – avant d’envisager, le cas échéant, les mesures correctrices nécessaires, au regard des inégalités observées et de leur impact négatif éventuel, au niveau individuel mais aussi pour la collectivité.

Et quand bien même le débat devrait être posé en ces termes, alors il faudrait bien admettre que les hommes, eux aussi, sont victimes, au sens où les dispositifs actuels (cf. infra) ainsi que la persistance de certaines représentations sociales, concernant notamment la parentalité masculine, peuvent conduire certains d’entre eux à renoncer, par exemple, à la possibilité de prendre un congé de paternité ou un congé parental, ou même à éprouver davantage de difficultés à aménager l’organisation du travail ou leurs horaires pour des raisons familiales, par crainte notamment d’être mal jugés de leur employeur ou de leurs collègues.

Il doit donc s’agir, dans un même mouvement, de donner aux hommes la possibilité de s’impliquer davantage dans la vie familiale, et aux femmes toutes les chances d’insertion et de réussite professionnelle, en tenant compte du fait que tous les parents n’ont pas les mêmes préférences, et ce faisant, en créant les conditions d’un réel « libre choix ».

Les rapporteurs ont d’ailleurs pu constater que cette préoccupation était aujourd’hui largement partagée en Europe, notamment dans les pays nordiques, de longue date, mais aussi, par exemple, au Royaume-Uni. Les représentants du ministère du travail et des retraites, entendus par les rapporteurs lors de leur déplacement à Londres (305), ont ainsi souligné leur attachement à l’objectif de réduction des inégalités entre les genres, en rappelant à cet égard qu’une consultation nationale avait été lancée récemment, concernant notamment la question de la conciliation entre la famille et le travail, ainsi que l’importance de favoriser une meilleure implication des pères dans la vie familiale, ce qui permettrait de réduire les inégalités entre les hommes et les femmes.

3. Le champ de l’étude confiée au groupement KPMG/Sciences Po et le choix des cinq pays européens sous revue

Avec l’accord du CEC, deux études complémentaires ont été réalisées par des prestataires extérieurs à l’Assemblée, dont l’une portait sur deux politiques sociales à destination des familles dans cinq pays européens : outre la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède.


● Le champ de l’étude confiée au groupement KPMG/Sciences Po

L’étude avait pour objectif l’analyse comparée de dispositifs en vigueur et des évaluations des résultats, concernant plus spécifiquement :

– d’une part, les politiques publiques visant à favoriser l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle, en particulier les dispositifs de prise en charge de la petite enfance et les congés parentaux ;

– d’autre part, les politiques publiques menées en direction des familles monoparentales, en matière notamment d’emploi et de lutte contre la pauvreté.

La synthèse des principales données disponibles et des évaluations existantes avait pour objectif de dégager des constats pertinents sur l’efficacité de différents instruments relevant de ces politiques et d’identifier le cas échéant de bonnes pratiques. Les réponses aux questions évaluatives posées sur ces deux thématiques devaient s’appuyer sur des indicateurs pertinents, mais aussi sur des données qualitatives et des enquêtes d’opinion, et faire apparaître les spécificités nationales ayant le cas échéant une incidence sur la comparaison avec la situation française.

L’étude devait par ailleurs comprendre une analyse transversale permettant d’identifier les convergences ou les divergences, ainsi que les meilleures performances, et être accompagnée, en annexe, d’une monographie par pays étudié. L’étude réalisée par Sciences Po/CEE, le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP) et l’OFCE comporte ainsi plusieurs tableaux et graphiques synthétiques, par exemple le tableau 12 récapitulatif sur l’évaluation des performances comparées des dispositifs d’articulation entre vie familiale et vie professionnelle dans les cinq pays européens.


● Le choix des cinq pays européens sous revue

Le panel des cinq pays retenus pour cette évaluation comparative a été constitué en retenant tout d’abord deux pays qui sont apparus incontournables, en raison de leur caractère comparable en taille et en proximité : l’Allemagne et le Royaume-Uni.

En outre, en vue d’améliorer la performance des politiques sociales en France à la lumière de bonnes pratiques observées à l’étranger, il a semblé nécessaire d’approfondir l’analyse concernant les pays se caractérisant par de bons résultats ou par des évolutions positives dans certains domaines, dans le champ des deux politiques précitées, notamment :

– la Suède, où le taux d’emploi des femmes est parmi les plus importants en Europe (près de 76 % en 2010), comme l’illustre le graphique ci-dessous, et le taux de fécondité également relativement élevé (1,97 en 2010 (306)) ; la Suède est par ailleurs bien positionnée en termes de taux d’emploi et de pauvreté des parents isolés (cf. infra) ;

– les Pays-Bas, où le taux de participation des femmes au marché du travail, également très élevé, s’est significativement accru depuis les années 1990, l’étude de Sciences Po rappelant à cet égard que « ce phénomène a largement sous-tendu l’idée d’un " miracle néerlandais" des années 1990 », même si cela a été essentiellement rendu possible par des politiques visant à favoriser l’emploi à temps partiel ;

– le Royaume-Uni, en raison notamment de la progression significative du taux d’emploi des parents isolés sur une décennie (d’environ 11 points entre 1997 et 2006), tandis que le nombre d’allocataires du revenu d’assistance (income support) et le taux de pauvreté monétaire des parents isolés ont diminué sensiblement sur la même période (cf. infra, dans la section C du présent rapport relative aux familles monoparentales).

TAUX D’EMPLOI DES FEMMES DANS DIFFÉRENTS PAYS EUROPÉENS EN 2010

Note : le taux d’emploi est calculé en divisant le nombre de personnes occupées de 20 à 64 ans par la population totale de la même classe d’âge ; cet indicateur est fondé sur l’enquête EFT (307).

Source : Eurostat (extraction des données en novembre 2011)

Enfin, il a semblé pertinent de tenir compte de l’adoption ou de la mise en œuvre récente de réformes dans le champ des politiques publiques de conciliation ou à destination des familles monoparentales, dans l’objectif d’évaluer leur impact. À cet égard, l’exemple de l’Allemagne est apparu particulièrement intéressant, du fait de l’adoption d’une loi tendant à instituer un droit à un mode de garde, en 2004, et de la réforme récente du congé parental, en 2006 (308). Ce pays, dont les politiques familiales sont en profonde mutation, constitue ainsi une forme de « laboratoire expérimental », en permettant d’observer in concreto les effets et l’impact de la réforme qui a modifié le congé parental, afin qu’il soit plus court et mieux rémunéré et que davantage de pères y recourent.

B.– LES POLITIQUES PUBLIQUES VISANT À FAVORISER LA CONCILIATION ENTRE VIE FAMILIALE ET VIE PROFESSIONNELLE

Les « politiques de conciliation » peuvent être définies comme l’ensemble des mesures contribuant à accroître les ressources familiales (revenus, services et temps consacré aux enfants) ainsi que l’intérêt des parents pour le marché du travail, selon la définition proposée par l’OCDE (309).

En France, le soutien à l’articulation entre les responsabilités professionnelles et familiales constitue l’un des grands objectifs assignés aux politiques sociales en direction des familles. Les dispositifs mis en œuvre dans ce domaine présentent par ailleurs plusieurs spécificités par rapport à d’autres pays européens. Enfin, plusieurs enseignements peuvent être tirés de la présente tentative d’évaluation de la performance comparée des politiques de conciliation.

1. Un objectif bien identifié des politiques publiques au niveau national

Favoriser la conciliation entre vies familiale et professionnelle correspond désormais à un objectif clairement défini de l’action publique, aussi bien dans le cadre des programmes de qualité et d’efficience (PQE) annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui est examiné chaque année par le Parlement, que dans celui de la convention d’objectifs et de gestion (Cog), conclue tous les quatre ans entre l’État et la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

Plus ponctuellement, l’adoption par l’Assemblée nationale, au printemps dernier, de la résolution sur l’égalité entre les femmes et les hommes (cf. infra) a également été l’occasion de rappeler l’importance des enjeux liés à la conciliation, et plus largement, de mettre en exergue et de réaffirmer clairement les objectifs poursuivis par les pouvoirs publics en matière d’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités professionnelles et familiales.

a) Un des quatre objectifs définis par le programme de qualité et d’efficience « Famille » annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale

Comme cela a été souligné dans la première partie du présent rapport, les programmes de qualité et d’efficience (PQE), qui sont annexés au PLFSS, constituent un instrument structurant de mesure et de suivi de la performance des politiques mises en œuvre dans le champ de la sécurité sociale.

En particulier, le PQE de la branche Famille définit, dans sa deuxième partie « Objectifs/résultats », quatre grands objectifs, dont l’un concerne la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle (objectif n° 3). Ce dernier est assorti de plusieurs indicateurs et de cibles, parfois chiffrées, concernant, d’une part, l’accès à l’offre de garde et, d’autre part, l’équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle selon le genre, comme indiqué dans le tableau ci-après, extrait de l’annexe n° 1 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

S’il présente de manière circonstanciée la finalité, les résultats et les modalités de construction de chaque indicateur, ainsi qu’un certain nombre de précisions méthodologiques, le PQE Famille n’en présente pas moins un certain nombre de limites, particulièrement concernant l’objectif relatif à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

● Tout d’abord, l’indicateur retenu sur l’emploi des femmes n’apparaît pas pertinent, puisqu’il ne prend compte ni les nouvelles orientations stratégiques européennes, ni les objectifs fixés par ailleurs au niveau national.

En effet, la nouvelle stratégie « Europe 2020 », adoptée en juin 2010, fixe l’objectif d’un taux d’emploi de 75 % des personnes âgées de 20 à 64 ans d’ici à 2020, sans plus désormais définir d’objectif commun, au niveau européen, concernant l’emploi des femmes. Dans ce cadre, la France a décidé de se fixer un objectif de taux d’emploi des femmes de 70 % d’ici à 2020, comme l’ont rappelé les représentants de la Délégation générale pour l’emploi et la formation professionnelle (DGEFP) lors de leur audition (310).

En effet, le programme national de réforme (PNR) de la France, établi en avril 2011 (311), précise que « la question de l’emploi des femmes demeure un défi majeur et transversal notamment pour leur participation au marché du travail. La France a donc choisi de fixer un sous-objectif dédié, atteindre un taux d’emploi des femmes âgées de 20 à 64 ans de 70 % d’ici à 2020 ».

Or l’objectif retenu par le PQE annexé au PLFSS pour 2012 n’est pas de 70 % mais de 60 % et concerne les femmes âgées de 15 à 64 ans, et non de 20 à 64 ans : en d’autres termes, il correspond à l’ancien objectif, qui avait été fixé pour la France, comme pour les autres États membres, à l’horizon 2010, dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne, alors même que celle-ci est désormais remplacée par la stratégie « Europe 2020 ».

LES OBJECTIFS ET INDICATEURS FIXÉS EN MATIÈRE
DE CONCILIATION ENTRE VIES FAMILIALE ET PROFESSIONNELLE DANS LE PROGRAMME DE QUALITÉ ET D’EFFICIENCE (PQE) « FAMILLE » ANNEXÉ AU PLFSS POUR 2012

Partie II – « Objectifs / résultats »

Cibles

Responsables administratifs portant les politiques à titre principal

Ob-jectif

Indicateur

3. Concilier vie familiale et vie professionnelle

Accès à l’offre de garde

3-1. Indicateur sur l'offre en modes de garde

* évolution de la capacité théorique d’accueil par les modes de garde formels pour 100 enfants de moins de 6 ans

* taux d'occupation des établissements d'accueil pour jeunes enfants

50 % en 2011 (moins de 3 ans)

100 % en 2011 (3 à 6 ans)

Augmentation

CNAF/ Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

3-2. Suivi du développement de la garde, collective et individuelle, d’enfants de moins de 3 ans sur la période 2009-2012

* nombre de places créées en accueil collectif depuis 2009

* nombre d’enfants supplémentaires de moins de 3 ans accueillis par un assistant maternel de moins 3 ans

100 000

100 000

CNAF/DGCS/DSS

3-3. Indicateur sur l’évolution de la dispersion territoriale des modes de garde

* densité moyenne de la capacité théorique d’accueil par les modes de garde « formels » pour 100 enfants de moins de 3 ans dans les départements les mieux et les moins bien dotés

* densité moyenne de la capacité théorique d’accueil en EAJE pour 100 enfants de moins de 3 ans dans les départements les mieux et les moins bien dotés

Réduction de la dispersion

CNAF /DGCS

3-4. Taux d'effort et reste à charge des familles selon le mode de garde, le revenu et la configuration familiale (cas types)

Renforcement de la liberté de choix

CNAF

Équilibre vie familiale – vie professionnelle, selon le genre

3-4. Indicateur sur l'emploi des femmes

* taux d'emploi des femmes et des hommes âgés de 15 à 64 ans

* taux d'emploi des femmes et des hommes selon le nombre d'enfants à charge (0, 1, 2, 3 et plus) et l’âge de l’enfant

* taux d'activité des femmes selon le nombre d'enfants à charge (0, 1, 2, 3 et plus) et l’âge de l’enfant

60 % pour les femmes, 70 % au total (en 2010)

(sic)

Augmentation

Augmentation

DGEFP

3-5. Nombre de bénéficiaires d'aides à la réduction partielle ou totale d’activité professionnelle (CLCA (312) et COLCA (313) ) et proportion de femmes parmi ces bénéficiaires

Libre choix

CNAF

3-6. Proportion de femmes en emploi après un CLCA ou un COLCA

Pas d’écart avant et après CLCA

DGEFP

3-7. Nombre de bénéficiaires et taux de recours au congé de paternité

Augmentation

CNAMTS

Source : programme de qualité et d’efficience (PQE) de la branche « Famille », annexe n° 1 au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012

Par ailleurs, au-delà de la cible chiffrée fixée pour l’emploi des femmes, le PQE Famille pour 2012 n’évoque que de manière incidente, dans les développements relatifs à cet indicateur, « les objectifs de la nouvelle stratégie « Europe 2020 [qui] ont fixé le taux d'emploi des 20 à 64 ans à 75 %, d’ici 2020 », mais sans expliciter les raisons pour lesquelles l’indicateur 3-5 n’a pas été modifié en conséquence, et surtout, sans évoquer à aucun moment le nouvel objectif fixé par la France concernant l’emploi des femmes...

● L’insuffisante coordination entre les services ministériels concernant l’élaboration des PQE et le suivi de ces indicateurs explique probablement en partie cette situation, qui n’apparaît guère satisfaisante pour le pilotage de l’action publique comme pour la bonne information du Parlement.

En effet, alors même que la DGEFP est identifiée comme « responsable administratif portant les politiques à titre principal » pour deux séries d’indicateurs du PQE Famille (3.5. et 3.7. concernant l’emploi des femmes et la proportion de femmes en emploi après un congé parental), les représentants de la délégation qui ont été entendus par les rapporteurs, ne semblaient pas avoir été consultés sur ceux-ci. Ils se sont interrogés, au surplus, sur la nature des leviers réels dont la DGEFP pouvait disposer sur cette question spécifique.

A contrario, concernant le deuxième sous-objectif relatif à « l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle selon le genre » – qui soulève donc, par définition, des questions relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes – on peut noter que la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) n’est mentionnée à aucun moment parmi les responsables administratifs portant ces politiques à titre principal.

Pourtant, la DGCS est notamment chargée de la conception, du pilotage et de l’évaluation des politiques publiques en matière de politique familiale, de lutte contre les exclusions, de cohésion sociale ainsi que d’égalité entre les hommes et les femmes (314). En particulier, le décret du 25 janvier 2010 (315) prévoit qu’elle « initie et pilote la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes et promeut les droits des femmes. (…) Elle promeut les politiques d’égalité entre les femmes et les hommes, dans le respect de l’approche intégrée et de l'approche spécifique préconisées au plan international. Elle est chargée dans ces domaines de renforcer et de développer les collaborations entre l’État, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux, les associations et les entreprises. » Ce même décret prévoit d’ailleurs également qu’ « Elle organise les conditions dans lesquelles la politique d’égalité entre les femmes et les hommes est prise en compte par les ministères concernés »

● Le choix de l’indicateur n° 3.1 sur l’offre en modes de gardes qui s’appuie sur l’évolution de la « capacité théorique d’accueil » (316) peut également susciter des interrogations, concernant notamment les conditions dans lesquelles il correspond pleinement à l’indicateur retenu au niveau européen dans ce domaine, qui semble concerner plutôt le taux de couverture (soit le nombre d’enfants accueillis par rapport au nombre total d’enfants de la même classe d’âge).

Dans un rapport publié en 2008 (317), la Commission européenne indiquait en effet que pour évaluer les progrès sur l’atteinte des objectifs de Barcelone pour l’accueil des moins de trois ans, « l’offre est mesurée par le nombre d’enfants accueillis (par des structures officielles autres que la famille) par rapport au nombre total d’enfants de la même classe d’âge (enfants de moins de trois ans et enfants âgés entre trois ans et l’âge de la scolarité obligatoire), » …) Ces données concernent l’utilisation de l'offre existante de garde d'enfants par les parents et non le nombre de places existantes dans chaque État membre, difficilement comparable au niveau européen. » C’est d’ailleurs également sur l’analyse des taux de couverture que s’appuie l’étude comparée figurant en annexe au présent rapport.

● Enfin, il est permis de s’interroger sur la pertinence des cibles choisies, qui pourraient sans doute être plus ambitieuses dans certains domaines, notamment en matière d’égalité des genres.

Par exemple, pour l’indicateur n° 3-6 relatif au nombre d’allocataires du complément ou du complément optionnel du libre choix d’activité (CLCA et COLCA) et la proportion de femmes, le seul objectif fixé est celui du « libre choix ». Pourtant, compte tenu du caractère quasi exclusivement féminin du congé parental – par lequel la France se distingue d’ailleurs d’un certain nombre de pays en Europe (cf. infra) – , il pourrait être envisagé, par exemple, de fixer un objectif de progression de la proportion d’hommes bénéficiant de cette allocation.

Il en va de même, dans une certaine mesure, pour la cible retenue pour l’indicateur n° 3.3 sur l’évolution de la dispersion territoriale des modes de garde (indicateur d’ailleurs également exprimé en termes de capacité théorique d’accueil), dont l’objectif, qui est sans surprise de réduire cette dispersion, pourrait sans doute être affiné ou complété…

En tout état de cause, ces limites renvoient au problème principal des PQE, à savoir qu’ils ne font à aucun moment l’objet d’un véritable débat au sein de la représentation nationale, alors même qu’ils définissent des objectifs, assortis d’une série d’indicateurs, qui sont loin d’être seulement techniques, mais posent des questions importantes en termes de pilotage de l’action publique et de performance des politiques sociales.

b) Un objectif contractualisé avec la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) dans le cadre de sa convention avec l’État

Dans le respect des lois de financement de la sécurité sociale, l’État conclut avec différents organismes de sécurité sociale, notamment la Cnaf, une convention d’objectifs et de gestion (Cog) comportant des engagements réciproques des signataires, pour une durée minimale de quatre ans (318).

Ces conventions déterminent les objectifs pluriannuels de gestion, les moyens de fonctionnement dont les branches et les organismes disposent pour les atteindre et les actions mises en oeuvre à ces fins par chacun des signataires (319). Les Cog prévoient également, le cas échéant, les indicateurs quantitatifs et qualitatifs associés à la définition des objectifs ainsi que le processus d’évaluation contradictoire des résultats obtenus au regard des objectifs fixés. Elles doivent être transmises aux commissions parlementaires chargées des affaires sociales.

À travers une démarche « objectifs/résultats », les Cog s’inscrivent pleinement dans une logique de performance des politiques sociales. Selon le portail du service public de la sécurité sociale (320, elles ont en effet « pour ambition de permettre aux usagers de bénéficier des performances d’un service fiable et moderne, en recherchant constamment les conditions d’une plus grande efficience ».

Concernant plus particulièrement les questions relatives à l’articulation des temps professionnels et familiaux, la Cog conclue entre l’État et la Cnaf pour 2009-2012, signée le 9 avril 2009, prévoyait que la branche Famille devait contribuer de façon décisive à la mise en œuvre de deux politiques majeures, constituant l’investissement principal de la branche pendant les deux premières années de la convention :

– la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA), qui modifie en profondeur la logique des minima sociaux ;

– « le développement de l’accueil du jeune enfant qui constitue une préoccupation partagée par l’État et la branche Famille et qui est, au même titre que l’action en direction des enfants plus âgés et de la jeunesse, primordial pour permettre aux parents de concilier vie familiale et vie professionnelle ».

L’une des quatre missions autour desquelles se structure l’offre de services de la Cnaf dans la Cog pour 2009-2012 vise ainsi à « aider les familles à concilier vie familiale, vie professionnelle et vie sociale », en prévoyant notamment pour cela de poursuivre la structuration d’une offre diversifiée en direction de la petite enfance (321). Des indicateurs généraux sont par ailleurs associés aux objectifs stratégiques de la COG : à titre d’exemple, le tableau ci-dessous présente l’un d’entre eux, relevant du champ de la conciliation.

LES INDICATEURS GÉNÉRAUX ASSOCIÉS À LA COG ENTRE L’ÉTAT ET LA CNAF : UN EXEMPLE DANS LE CHAMP DE LA CONCILIATION ENTRE FAMILLE ET TRAVAIL

Objectif stratégique

Nature de l’indicateur (322)

Modalités de calcul

Cibles

Observa-tions

Une offre de services et d'équipements adaptée aux besoins

Améliorer l’information et l’accompagne-ment des familles afin qu’elles obtiennent un mode d’accueil collectif

Évolution du nombre de places d’accueil en établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE)

Nombre de places en EAJE (0-5 ans révolus) agréées par la PMI (323)

386 000 places fin 2012

Les résultats ne dépendent pas de la seule branche famille

Nombre de places en jardins d’éveil

Indicateur de suivi

Nombre de places en EAJE de personnel

Indicateur de suivi

Nombre de projets rentrés dans la base plan crèche

Indicateur de suivi

Taux de fréquentation des structures

60 % des structures doivent atteindre le taux cible de 70 %

Source : convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre l’État et la Cnaf pour 2009-2012

En outre, la Cog prévoit notamment que les Caf assurent une offre de service pour l’accompagnement des familles monoparentales ayant des jeunes enfants, en fonction de leurs partenariats locaux et de leurs ressources, soutiennent les projets d’insertion sociale de ces familles et contribuent à lever les obstacles familiaux et sociaux (par exemple, la garde des enfants) permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle.

c) Un aspect important de la résolution sur l’égalité entre les femmes et les hommes adoptée par l’Assemblée nationale en mars 2011

Conformément aux dispositions prévues par l’article 34-1 de la Constitution (324), l’Assemblée nationale a adopté, le 22 mars dernier, une résolution sur l’égalité entre les femmes et les hommes en 2011, suite au dépôt de la proposition de résolution de MM. Christian Jacob, Jean-François Copé, Pierre Lequiller, Guy Geoffroy et Mme Marie-Jo Zimmermann (325).

Cette résolution avait pour ambition de permettre à chacun d’exercer avec plus de liberté ses responsabilités professionnelles et familiales, selon l’exposé des motifs de la proposition de résolution, qui souligne également que l’égalité n’est pas qu’une affaire de femmes : « sans l’implication des hommes, il est vain de défendre une vision d’équilibre tant dans la sphère professionnelle que familiale ». Une démarche similaire était par ailleurs entreprise par les députés allemands, selon l’exposé des motifs, dans le souci de l’affirmation d’une volonté commune de lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes.

La proposition de résolution a été adoptée par l’Assemblée nationale, les groupes de l’opposition SRC et GDR s’étant abstenus sur celle-ci.

Ainsi, considérant notamment que « l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale repose essentiellement sur les femmes et retentit sur leur carrière, les femmes étant plus souvent que les hommes touchées par les contrats précaires, les emplois à temps partiels et par un accès limité à la formation professionnelle », et que « la rigidité des rôles attribués aux femmes et aux hommes risque d’entraver leur choix et de limiter l’expression de leurs potentiels respectifs », l’Assemblée nationale s’est prononcée solennellement :

– en faveur d’une application stricte de l’ensemble des lois relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes ;

– pour que la lutte contre les inégalités de rémunérations entre les femmes et les hommes soit une priorité des politiques publiques ;

– pour que les parents puissent « exercer en toute liberté leurs choix professionnels et familiaux, par un environnement de travail flexible et juste » ainsi que par « une amélioration quantitative et qualitative des modes d’accueil d’enfants, notamment au sein des entreprises ».

En adoptant ce texte, l’Assemblée nationale a par ailleurs affirmé l’importance du rôle des hommes dans la recherche de l’égalité entre les sexes et les a encouragé « à prendre toute la mesure de leur rôle éducatif au sein de leur famille ».

L’examen en séance publique de cette proposition de résolution par l’Assemblée nationale a également été l’occasion pour la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, de souligner que la France avait la chance de conjuguer un taux de natalité et un taux d’activité professionnelle féminine élevés, mais qu’il convenait de pérenniser cet équilibre, de sorte qu’il ne repose pas uniquement sur les épaules des femmes (326). Selon la ministre, « le partage des responsabilités » familiales et professionnelles « est d’ailleurs au cœur de notre politique familiale, puisque le Président de la République en a fait un objectif majeur de son quinquennat ».

En tout état de cause, il apparaît que le soutien à l’articulation entre les responsabilités professionnelles correspond désormais à un objectif bien identifié des politiques publiques en France, dont un parangonnage européen ou « benchmarking » fait apparaître plusieurs spécificités.

2. Une comparaison européenne faisant apparaître plusieurs spécificités des politiques de conciliation en France

Si l’objectif général visant à favoriser la conciliation entre le travail et la vie familiale apparaît aujourd’hui relativement consensuel, en France et en Europe, les instruments ou dispositifs susceptibles d’être mis en œuvre à cette fin font débat et, à tout le moins, se caractérisent par une certaine diversité entre les pays.

Les différentes informations recueillies par le groupe de travail font apparaître, de manière convergente, trois spécificités françaises concernant le système socio-fiscal, l’accueil de la petite enfance et les congés parentaux. Les spécificités concernant ces deux derniers points seront présentées succinctement, compte tenu de l’analyse approfondie des dispositifs concernés dans l’étude comparative présentée en annexe au présent rapport.

a) Un système socio-fiscal moins individualisé que dans certains autres pays

En France, la fiscalité repose sur le principe d’une imposition conjointe des deux membres du couple, à travers le quotient familial (327). Ce système permet notamment de prendre en compte les différentes facultés contributives des couples, dans une perspective de redistribution tenant compte du fait que les couples bi-actifs ont souvent des revenus supérieurs à ceux où l’un des deux ne travaille pas.

En revanche, dans d’autres pays en Europe, notamment en Suède, l’imposition est individuelle. De même, en Finlande, l’assiette de l’impôt sur le revenu est individualisée, la notion de « couple fiscal » n’existant pas (328).

Individualisation ou « conjugalisation » de la fiscalité en Europe

Certains pays comme la France appliquent un quotient conjugal (329) (Allemagne, où il s’agit davantage d’une imposition commune que d’un quotient conjugal en tant que tel, Luxembourg, Portugal), d’autres ont mis en place une imposition séparée accompagnée d’un crédit d’impôt ou d’un abattement (Autriche, Belgique, Danemark, Italie, Espagne) ou une imposition totalement séparée (Finlande, Grèce, Pays-Bas, Suède, Royaume-Uni).

Source : Architecture de la politique familiale, Haut conseil de la famille (note adoptée en janvier 2011)

Or, dans certaines configurations, compte tenu des caractéristiques du système socio-fiscal, l’accès ou le retour à l’emploi du membre du couple dont le salaire est le plus faible, soit la femme le plus souvent, peut induire un gain financier finalement limité pour le couple, dans la mesure où :

– le système du quotient peut entraîner une baisse du taux d’imposition du membre du couple ayant le plus haut revenu (l’homme en général) et une augmentation de celui du second apporteur de revenus, et dès lors, selon certaines analyses, avoir un effet désincitatif sur l’emploi des femmes ;

– la part du salaire qui n’est pas conservée par le couple, du fait de la hausse des prélèvements et de la baisse des prestations sociales, dont certaines sous conditions de ressources au niveau du ménage, auxquels s’ajoutent les frais de garde des enfants, peut être significatif, ceci pouvant avoir un effet désincitatif sur le retour à l’emploi.

Le système socio-fiscal peut dès lors avoir des effets négatifs sur l’emploi des femmes et corrélativement sur l’égalité des genres.

C’est précisément pourquoi Mme Christina Stockfisch (330), représentante de la division « Femmes et égalité des chances » de la Confédération des syndicats allemands (Deutsche GewerkshaftsBund, DGB) a vivement critiqué le système de l’imposition au niveau du couple existant en Allemagne. De même, l’étude comparative présentée en annexe souligne que la France « conserve des dispositifs qui encouragent le retrait total ou partiel des mères du marché du travail, comme le congé parental, ou encore un système fiscalo-social familialisé ».

En sens inverse, les représentants de la deuxième confédération syndicale de Suède (TCO), entendus par les rapporteurs lors de leur déplacement à Stockholm (331), ont clairement identifié la suppression de l’imposition des ménages au profit d’une imposition individuelle, dès les années 1970, comme l’un des principaux facteurs expliquant le taux d’activité élevé des femmes dans ce pays.

Si la suppression du quotient conjugal devait sans doute avoir « des conséquences socio-économiques considérables et n’irait pas dans le sens d’une réduction de la pauvreté des familles », comme le souligne la note précitée du Haut conseil de la famille précitée, il reste que la « conjugalisation » ou « familialisation » de l’imposition et des droits sociaux peut avoir des effets dissuasifs sur l’emploi féminin, tenant également aux écarts de rémunération persistants entre les hommes et les femmes.

Au-delà des spécificités des systèmes socio-fiscaux en Europe, c’est donc d’abord sur ces écarts de rémunération, et plus largement sur l’égalité professionnelle, qu’il convient d’améliorer la situation actuelle en France.

b) Une très bonne prise en charge des enfants en âge préscolaire, mais un manque de places d’accueil pour les moins de trois ans

Le développement des structures d’accueil des jeunes enfants constitue un élément central des politiques publiques d’articulation entre famille et travail, en contribuant à favoriser l’emploi, et donc la lutte contre la pauvreté, la natalité ainsi que l’égalité des chances. Conscients de ces enjeux, de nombreux pays européens ont mis en œuvre des réformes visant à accroître leur offre de garde.

En mars 2002, le Conseil européen réuni à Barcelone a invité les États membres à « éliminer les freins à la participation des femmes au marché du travail et, compte tenu de la demande et conformément à leurs systèmes nationaux en la matière, s’efforcer de mettre en place, d’ici 2010, des structures d'accueil pour 90 % au moins des enfants ayant entre trois ans et l’âge de la scolarité obligatoire et pour au moins 33 % des enfants âgés de moins de trois ans (332)».

Près de dix ans plus tard, quels progrès ont été réalisés vers l’accomplissement de ces objectifs dits de Barcelone, concernant le développement des « services d’accueil formels », selon la terminologie communautaire (333? Et de quelle manière se positionnent les différents pays européens dans ce domaine? Concernant la France, il apparaît que les caractéristiques des modes de garde varient assez sensiblement, selon que l’enfant a plus ou moins de trois ans.


● Concernant la prise en charge des enfants en âge préscolaire

Le système français présente plusieurs points forts comparativement à d’autres pays : il permet en effet un accueil gratuit des enfants dès l’âge de trois ans dans les écoles maternelles, et une prise en charge par des enseignants qui disposent d’un niveau élevé de formation, comme c’est aussi le cas en Suède.

La France est la mieux positionnée des cinq pays européens étudiés en termes de prise en charge des enfants âgés de trois à six ans : elle dépasse en effet les objectifs de Barcelone, avec un taux de couverture de 100 % des enfants, contre par exemple moins de 70 % aux Pays-Bas (334).

Par ailleurs, il est à noter que l’accueil des enfants se fait sur la journée entière, alors que les horaires d’ouverture des structures d’accueil sont moins larges dans un certain nombre de pays. Par exemple au Royaume-Uni, l’accueil préscolaire s’est développé récemment dans des écoles primaires publiques, mais ne couvre en général que le matin ou l’après-midi (335). Mme Nicola Smith, chef du département des affaires économiques et sociales du Congrès des syndicats britanniques (Trade union congress, TUC), a d’ailleurs souligné, plus généralement, le problème de l’offre de garde de la petite enfance, en jugeant le marché inefficace et en soulignant l’importance d’une action publique dans ce domaine (336).

L’étude réalisée par l’OFCE, le CEE et le LIEPP souligne ainsi que « Le système scolaire en France (…) est remarquable du point de vue de la prise en charge des enfants âgés de 3 à 6 ans » et que « le point fort du système français reste l’école maternelle », comme l’ont également souligné, notamment, M. Claude Martin et Mme Brigitte Grésy, qui a par ailleurs rappelé combien le système français des maternelles est aujourd’hui envié en Europe.



● Concernant la prise en charge des enfants de moins de trois ans

Les travaux du groupe de travail, l’étude comparée figurant en annexe ainsi que les informations recueillies par les rapporteurs lors de leurs déplacements à Londres, Stockholm et Berlin ont permis de faire apparaître plusieurs grandes caractéristiques des différents systèmes de garde.

En Suède, comme l’a indiqué M. Stefan Ackerby (337), directeur de l’Association suédoise des régions et des municipalités (SKL), les services d’accueil et de garde de la petite enfance se sont fortement développés depuis les années 1980, à la suite de la mise en place d’un droit opposable à la garde d’enfant dès les 13 mois de celui-ci. Le pourcentage d’enfants âgés de 1 à 3 ans inscrits dans des services d’accueil s’élevait ainsi à 78,7 % en 2010. Les représentants du syndicat suédois TCO ont ainsi considéré que l’accessibilité des systèmes de garde – tous les enfants ayant accès à une place de garderie à partir d’un an – ainsi que le système souple et incitatif de congé parental (cf. infra) expliquaient, avec le système d’imposition, le niveau élevé d’emploi des femmes en Suède.

En Allemagne, en revanche, malgré les réformes récentes visant à développer les infrastructures d’accueil de la petite enfance, les représentants de la Confédération des employeurs (BDA) ont regretté l’insuffisance de places d’accueil, et pas seulement pour les enfants en bas âge, ainsi que les horaires d’ouverture trop limités. L’Allemagne est ainsi le seul pays du panel à ne pas atteindre les objectifs de Barcelone, avec d’importantes disparités territoriales (338).

Au Royaume-Uni, les modes de garde sont insuffisants et coûteux et les mères travaillent fréquemment à mi-temps, selon M. Peter Grigg et Mme Katherine Rake de l’Institut pour la famille et la parentalité (FPI), qui ont indiqué que la crèche commence à trois ans et demi et qu’avant elles sont privées et très chères (339). Les représentants du ministère britannique ont également convenu qu’il existait aujourd’hui un véritable problème concernant l’offre et le coût de garde.

Aux Pays-Bas, les structures d’accueil sont nombreuses mais les enfants sont très souvent pris en charge à temps partiel (seuls 4 % des enfants de moins de 3 ans sont accueillis dans des structures formelles pour plus de 30 heures par semaine), en cohérence avec le niveau élevé d’emplois à temps partiel dans ce pays. Il existe également d’importantes disparités territoriales.

En France, il convient tout d’abord de rappeler que, selon une étude récente de la Drees (340), la majorité des enfants de moins de trois ans (63 %) sont gardés à titre principal par un de leurs parents et qu’un enfant sur trois n’est gardé que par ses parents, sans autres intervenants durant la semaine – il s’agit le plus souvent de la mère.

Selon l’étude annexée au présent rapport (cf. le graphique présenté ci-après), la France atteint les objectifs européens (33%) mais, avec un taux de couverture de 42 % pour la garde des enfants de moins de trois ans dans les services formels, ne se place qu’en 3ème position par rapport aux autres pays sous revue, derrière la Suède (47 %) et les Pays-Bas (56 %) (341).

Ce constat mérite toutefois d’être nuancé :

– par la bonne amplitude horaire des services d’accueil en France par rapport à d’autres pays, et contrairement par exemple au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, où les enfants sont presque exclusivement pris en charge à temps partiel ; à cet égard, l’étude réalisée par l’équipe de Sciences Po/CEE, Liepp et OFCE présente de manière très pertinente un graphique, présenté ci-dessous, permettant de comparer les taux de couverture en équivalent temps plein des services d’accueil de la petite enfance, la France se plaçant alors en deuxième position, devant les Pays-Bas ;

TAUX DE PRISE EN CHARGE DES ENFANTS DE MOINS DE 3 ANS DANS LES STRUCTURES FORMELLES (342) EN ÉQUIVALENT TEMPS PLEIN EN 2008

(en pourcentage)

Source : étude de Sciences Po/CEE, LIEPP ET OFCE, annexée au présent rapport (OCDE, Base de données sur la famille)

– par le biais qu’il peut y avoir dans l’évaluation du fait du choix des pays du panel, dont deux sont parmi les mieux placés en Europe (la Suède et les Pays-Bas), alors que des grands pays européens, à l’instar de l’Italie, de l’Autriche ou de l’Irlande, ont des résultats très inférieurs à ceux de la France, qui est tout de même mieux positionnée par rapport à la moyenne des États membres pour l’accueil des moins de trois ans, comme l’illustre le graphique ci-après.

LES MODES DE GARDE D’ENFANTS DE MOINS DE TROIS ANS EN 2009 EN ALLEMAGNE, EN FRANCE, EN IRLANDE, AU ROYAUME-UNI, AU DANEMARK ET DANS L’UNION EUROPÉENNE

(en pourcentage et en nombre d’heures)

Note de lecture : En France, 41 % des enfants de moins de trois ans sont gardés par un mode de garde formel (dont 25 % plus de 30 heures par semaine). 45 % sont gardés exclusivement par leurs parents. En moyenne, les enfants sont accueillis dans un système de garde formelle 30,4 heures dans la semaine. 14 % des enfants de moins de 3 ans bénéficient d’un mode de garde informel (par exemple, un membre de la famille ou un employé à domicile).

Source : Eurostat/Sespros 2011, calculs de la direction de la sécurité sociale (DSS), in Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2011)

Il n’en reste pas moins qu’il existe aujourd’hui d’importants besoins de garde d’enfants non couverts, qui sont estimés à environ 350 000 places, même s’ils apparaissent difficiles à évaluer précisément (cf. l’encadré ci-après). Dans l’analyse des performances comparées des politiques d’articulation présentée en annexe, ce point est très clairement identifié comme l’un des points faibles du système français.

Cette insuffisance des places d’accueil pour les moins de trois ans, malgré les efforts significatifs mis en œuvre pour développer l’offre de garde depuis plusieurs années (cf. infra), peut aussi apparaître comme l’envers d’une politique familiale, qui apparaît par ailleurs efficace, au sens où elle contribue à expliquer un taux de natalité particulièrement élevé en Europe, et donc un nombre proportionnellement plus important d’enfants en bas âge en France. Or il est bien évident qu’il est plus facile de satisfaire aux objectifs européens, lorsque le dénominateur (le nombre total d’enfants d’une classe d’âge considérée) est plus faible, en termes d’effort public.

L’estimation des besoins non couverts des jeunes enfants

« Au plan national, l’estimation des besoins non couverts est (…) délicate et conduit à des chiffres assez éloignés les uns des autres selon les conventions retenues. Une majorité d’écrits convergent actuellement vers un chiffre de besoins non couverts d’environ 350 000 places (ou enfants…). Ce chiffre peut être jugé comme sous-évalué ou sur-évalué en fonction des conventions de calcul retenues. Ces estimations intègrent un « besoin latent », celui des familles qui optent pour le complément de libre choix d’activité (CLCA), faute d’un mode de garde qui corresponde à leurs souhaits. (…) Il est donc nécessaire d’acquérir une meilleure connaissance (à l’échelle globale et par territoires) des besoins et de l’offre. »

Source : Les aides apportées aux familles qui ont un enfant de moins de trois ans, Haut conseil de la famille (décembre 2009)

À cet égard, il est à noter que la France et la Suède se distinguent par l’importance des dépenses publiques en matière de prise en charge de la petite enfance (1 % du PIB), mais que leur ventilation varie assez sensiblement (343).

c) Un congé parental très féminisé, plus long et moins bien rémunéré que dans certains pays, en particulier en Suède et en Allemagne

En France, il est possible d’interrompre son activité professionnelle jusqu’aux trois ans de l’enfant, en percevant une allocation – le complément de libre choix d’activité (CLCA) – dont le montant est d’environ 560 euros par mois.

La prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), le complément de libre choix d’activité (CLCA) et le congé parental

La prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) regroupe cinq allocations. Instituée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, elle s’est en effet substituée, pour les enfants nés après le 1er janvier 2004, aux cinq prestations qui, jusqu’alors, étaient liées à la petite enfance : allocation parentale d’éducation (APE), allocation pour jeune enfant (APJE), allocation d’adoption (AAD), aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (Afeama) et allocation de garde d’enfant à domicile (Aged).

La Paje se compose : d’une prime de naissance ou d’adoption ; d’une allocation de base (AB) versée pendant les trois années qui suivent l’arrivée de l’enfant (sous conditions de ressources et dont le montant est de 180 euros par mois) ; d’un complément de libre choix d’activité (CLCA ou Colca) en cas d’interruption totale ou partielle de l’activité professionnelle d’un des parents et ce, dès le premier enfant (mais pendant seulement 6 mois) ; d’un complément mode de garde (CMG) en cas de recours à une assistante maternelle agréée ou à une garde à domicile.

Le CLCA s’élève à 560 euros par mois (ou 380 euros si l’allocataire touche déjà l’allocation de base) pendant un congé d’une année, renouvelable deux fois, jusqu’aux trois ans de l’enfant. Par ailleurs, les parents d’au moins trois enfants, l’allocataire qui souhaite réduire ou interrompre son activité professionnelle a le choix entre le CLCA ou le complément optionnel de libre choix d’activité (Colca), qui est une allocation d’un montant plus élevé versée pendant une durée plus courte (un an).

Il convient enfin de distinguer ces deux prestations du congé parental d’éducation, dont peut bénéficier le salarié (le contrat de travail étant alors seulement suspendu pendant cette période), dans les conditions prévues par les articles L. 1225-47 et suivants du code du travail. Aujourd’hui, de nombreuses femmes sont éligibles aux prestations précitées sans l’être au congé parental ; elles ne bénéficient donc pas de la protection de leur emploi issue du droit du travail.

● Comme cela a été souligné à plusieurs reprises au cours des auditions, les spécificités du congé parental français sont principalement les suivantes :

– un congé parmi les plus longs en Europe, comme l’illustre le graphique ci-après ;

– une faible rémunération, comparativement à certains autres pays européens, tels que le Danemark, la Suède ou l’Allemagne, où l’allocation parentale mensuelle correspond à 67 % du salaire antérieur plafonné à 1 800 euros par mois, comme l’ont précisé les représentants du ministère fédéral allemand de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse (344;

– un recours quasi-exclusivement féminin au congé parental (le taux de recours des pères est de 1 % en France, contre 16 % par exemple en Allemagne ou 13 % aux Pays-Bas) et l’absence de « quota du père », c’est-à-dire d’une période non transférable réservée au deuxième parent qui n’a pas pris l’intégralité du congé, les mois étant perdus si celui-ci ne les prend pas (345).

LES CONGÉS PARENTAUX EN EUROPE

Source : Favoriser l’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités professionnelles et familiales, rapport de Mme Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales (juin 2011)

● Le dispositif actuel du congé parental peut entraîner de longues interruptions de carrières préjudiciables pour l’insertion professionnelle et le déroulement de carrière des femmes. M. Christophe Lefevre, délégué national de la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), a ainsi fait part de ses inquiétudes concernant l’« éloignement des mères de familles de l’emploi et de l’entreprise, au bout de trois ans de congé parental (346) ». En considérant que le congé parental est trop long et mal rémunéré, M. Claude Martin a par ailleurs estimé qu’il renvoie vers l’inactivité les femmes peu qualifiées, qui sont celles qui recourent le plus au congé parental à taux plein.

Identifiant là l’un des points faibles de la France dans l’analyse des performances comparées des politiques de conciliation, l’étude présentée en annexe comporte plusieurs développements approfondis concernant les effets des congés parentaux sur l’emploi des femmes, à travers notamment une revue de la littérature académique sur l’évaluation de l’impact de l’extension de l’allocation parentale d’éducation (APE), qui a eu lieu en 1994 (347). Selon les évaluations de cette réforme, qui permettent d’évaluer empiriquement l’effet de prestations sur les comportement d’activité des mères, entre 110 000 et 150 000 mères de deux enfants auraient ainsi été incitées à se retirer du marché du travail.

En revanche, plusieurs réformes ont été mises en œuvre dans différents pays européens, afin de rendre les congés parentaux plus favorables à l’emploi des mères, par exemple en Allemagne en 2006 (cf. infra). De ce point de vue, le dispositif français apparaît plus défavorable à l’emploi et à l’égalité professionnelle.

● Enfin, concernant les dépenses publiques correspondant à l’ensemble des congés familiaux (y compris le congé de maternité), la Suède consacre environ le double (0,70 % du PIB) des moyens alloués par l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France, où les dépenses publiques représentent environ 0,3 % du PIB.

Au total, en agrégeant les dépenses relatives aux modes de garde et aux congés parentaux – ce qui permet de donner un ordre de grandeur et de comparer les moyens consacrés aux politiques d’articulation dans les différents pays – , il apparaît que la France consacre des moyens significatifs à ces politiques. La dépense au titre de la prise en charge des enfants de moins de six ans représente en effet 26 milliards d’euros par an, soit environ 1,3 % du PIB. Au sein du panel, seule la Suède dépasse la France en termes de dépenses (1,7 % du PIB).

À la lumière des objectifs fixés aux politiques d’articulation, aux spécificités des dispositifs mis en œuvre et aux moyens qui leur sont alloués, il convient enfin, dans un troisième temps, de chercher à mesurer les résultats atteints dans les différents pays, en vue d’appréhender la performance comparée de ces politiques.

3. Plusieurs enseignements à tirer de la tentative d’évaluation de la performance comparée des politiques de conciliation

Si l’évaluation comparative de la performance des politiques publiques de conciliation s’est heurtée à quelques difficultés, elle a néanmoins permis d’identifier plusieurs points forts du système français ainsi que des voies possibles d’amélioration dans certains domaines.

a) Les limites rencontrées pour évaluer la performance comparée des politiques de conciliation

Par construction, l’évaluation de la performance comparée des politiques de conciliation nécessitait de pouvoir identifier leurs objectifs et les moyens mis en œuvre, et de disposer de données permettant de mesurer les résultats obtenus dans les différents pays. Cet exercice a toutefois soulevé plusieurs questions.

● Tout d’abord, à l’aune de quels objectifs convient-il en définitive d’apprécier la performance des politiques sociales ? Doit-il s’agir uniquement de la mesurer au regard des objectifs européens, qui peuvent n’apparaître que comme des « plus grands communs dénominateurs » ? Dans quelle mesure doit-on pondérer ou compléter cette évaluation par l’analyse de la performance des politiques au regard des objectifs qui leur sont fixés au niveau national ? Par exemple, si les Pays-Bas n’atteignent pas certains objectifs européens, les politiques de conciliation peuvent néanmoins y être jugées performantes, au regard de la grande cohérence d’un système organisé autour du temps partiel et de la satisfaction des parents.

Concernant la France, Mme Jeanne Fagnani, a souligné la nécessité de clarifier les objectifs assignés aux politiques familiales. De même, l’étude comparée figurant en annexe souligne que « les différents objectifs assignés aux politiques d’articulation créent des incohérences, voire des effets pervers », concernant notamment le congé parental (348), et que « le système n’est pas pensé dans sa globalité avec des objectifs clairs qui permettraient d’évaluer sa performance à l’aune de l’approche » consistant à comparer les résultats obtenus dans les différents pays par rapport aux objectifs, non pas européens, mais nationaux. À cet égard, M. Koos Richelle (349) a d’ailleurs estimé que le terme de « performance » était peut-être trop normatif pour correspondre à la diversité des enjeux dans les États membres.

● Concernant les moyens, il n’est pas toujours aisé d’évaluer précisément et de comparer des dépenses publiques concernant des dispositifs très différents, compte tenu des données disponibles. Par exemple, l’étude en annexe a retenu la base de données qui est apparue la plus robuste pour analyser les dépenses relatives à l’accueil de la petite enfance, mais les dernières données dataient de 2005 (350).

● S’agissant enfin de l’évaluation des résultats, des données semblent lacunaires dans certains domaines, par exemple le secteur périscolaire ou la qualité de l’accueil, dont l’évaluation pourrait nécessiter d’aller au-delà des seuls indicateurs relatifs au nombre d’enfants par encadrant ou à leur niveau de qualification. De manière générale, les données statistiques présentent également plusieurs limites en termes de comparabilité et d’interprétation. Enfin, certaines réformes peuvent être plus lentes à produire leurs effets.

Sur un plan plus qualitatif et en vue notamment de mesurer la satisfaction des bénéficiaires finaux des politiques (les parents), il existe certes des enquêtes et sondages d’opinion réalisés au niveau européen (cf. par exemple, infra, le graphique sur la perception des difficultés en matière de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle dans différents pays européens), mais pas nécessairement sur tous les aspects soulevés par ces questions ni, semble-t-il, concernant certains publics, tels que les parents isolés.

Par ailleurs, des évaluations qualitatives peuvent être réalisées au niveau national. Par exemple, en Allemagne, le ministère fédéral a fait réaliser des enquêtes auprès des familles en Allemagne pour mesurer l’impact de réforme ou de prestation relevant des politiques familiales (351). Toutefois, pour apprécier la performance comparée des politiques de conciliation, il eût fallu idéalement réaliser de telles enquêtes qualitatives dans différents pays européens, par exemple sous forme d’entretien de group (« focus group »), voire suivre des cohortes dans le temps, mais cela était matériellement impossible dans les délais impartis.

L’intérêt des études qualitatives pour l’évaluation des politiques publiques

« Les études qualitatives sont utilisées pour mieux comprendre en profondeur les opinions, représentations et comportements. C’est grâce au temps passé à écouter les personnes choisies avec soin comme étant réellement concernées par la problématique, et au mode d’interview (non directif) que certaines opinions peuvent être exprimées, sortant du discours "convenu" obtenu lors d’un questionnaire quantitatif fermé. Elles sont complémentaires des données chiffrées quantitatives qu’elles permettent d’éclairer ou de nuancer. »

Source : Union nationale des associations familiales (Unaf), Écouter les familles pour mieux les comprendre n° 1 (mars 2009)

Nonobstant ces limites, plusieurs enseignements peuvent néanmoins être tirés de l’observation et de l’analyse des politiques de conciliation.

b) De bons résultats dans certains domaines, en particulier la natalité et l’insertion professionnelle qui se fait plutôt à temps plein

Les mesures des résultats des politiques de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle peuvent tout d’abord s’appuyer sur l’analyse des principaux indicateurs sociaux, en particulier en matière de fécondité et d’emploi, qui font apparaître plusieurs points positifs du système français :

– un emploi des femmes majoritairement à temps plein, contrairement par exemple aux Pays-Bas, où le temps partiel est très développé : en effet, si l’on compare les taux d’emploi recalculés en équivalent temps plein, comme l’illustre le graphique ci-après, la France se place alors en 2e position parmi les pays du panel ; par ailleurs, l’écart de taux d’activité entre les hommes et les femmes (8,7 points) est inférieur à celui des Pays-Bas, de l’Allemagne et du Royaume-Uni (de 11,1 à 12,3 points) ;

TAUX D’EMPLOI DES FEMMES ET TAUX D’EMPLOI EN ÉQUIVALENT TEMPS PLEIN,
15-64 ANS, EN 2010

(en pourcentage)

Source : étude de Sciences Po/CEE, LIEPP et OFCE, annexée au présent rapport (Eurostat, EFT)

– un niveau de fécondité qui est le deuxième plus élevé en Europe et très supérieur à celui de l’Allemagne, où 30 % des femmes n’ont aucun enfant, selon Mme Jeanne Fagnani, contre 10 à 15 % seulement en France.

INDICE CONJONCTUREL DE FÉCONDITÉ (352) DANS LES PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE EN 2009

Source : Eurostat, in France, portrait social. Édition 2011, Insee (novembre 2011)

Pour apprécier les résultats des politiques de conciliation, il s’agit là d’un point important – et en l’occurrence très clairement à l’avantage de la France – , qui peut également justifier d’apporter un tempérament à l’analyse comparative présentée en annexe. On peut en effet considérer que les politiques de conciliation n’ont pas seulement pour objectif de prendre acte et d’accompagner une natalité dynamique, ainsi que de limiter ses effets éventuellement négatifs sur les carrières des femmes (353– cette approche impliquant de juger de l’efficacité des dispositifs essentiellement à l’aune des objectifs d’insertion professionnelle et d’égalité –mais aussi de concourir à soutenir la natalité, au même titre que d’autres instruments, et ce, y compris dans des pays où celle-ci est déjà élevée.

Par ailleurs, les objectifs européens sont atteints, en termes d’emploi et de modes de garde formels : de ce point de vue, le système français peut être jugé performant, ainsi que le souligne l’étude présentée en annexe.

Au niveau plus qualitatif, les parents sont globalement satisfaits de leur mode de garde. M. François Fondard, président de l’Unaf (354), a ainsi indiqué qu’« aujourd’hui, 90 % des jeunes familles souhaitent faire garder leur enfant en crèche, mais le nombre de places y étant limité – il n’y en a que 350 000, soit 15 % du nombre des enfants de zéro à trois ans –, elles se tournent vers les assistantes maternelles, qui leur donnent globalement satisfaction. Comme le montre en effet une enquête qualitative que nous avons menée avec des entretiens individuels (355), neuf familles sur dix se déclarent satisfaites de leur mode de garde. » . De même, selon l’enquête précitée de la Drees de 2007, 72 % des parents se déclaraient satisfaits du mode de garde, même si cela ne signifie pas qu’ils n’éprouvent pas de difficultés en termes de conciliation (cf. infra).

Enfin, l’accent mis sur le « libre choix » en France, même s’il présente certaines limites dans la pratique, permet pour les parents, et particulièrement pour les femmes, d’avoir un parcours peut-être moins normé qu’il ne peut l’être, par exemple, en Suède. Ainsi, M. Stefan Ackerby a rappelé qu’en principe, les enfants y sont gardés par leurs parents jusqu’à l’âge d’un an, puis par une structure préscolaire d’accueil avec un contenu pédagogique jusqu’à l’âge de 6 ans, âge où l’enfant commence la scolarité obligatoire. En France, une femme peut probablement plus facilement reprendre une activité, si elle le souhaite, dès dix semaines suivant la naissance, compte tenu de l’offre de garde mais aussi d’une acceptation sociale plus importante que dans d’autres pays, tels que l’Allemagne.

c) Mais des voies d’amélioration afin de favoriser l’égalité des genres et l’emploi des mères et de mieux répondre aux difficultés parfois exprimées par les parents

Il apparaît tout d’abord qu’en France et dans l’Union européenne, l’emploi des femmes a globalement progressé entre 2000, année de l’adoption de la Stratégie de Lisbonne, et 2010, échéance fixée pour l’atteinte de ses objectifs, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Toutefois, la France atteint tout juste le seuil de 60 %, tandis que l’emploi des femmes est près de dix points supérieur en Suède ou au Danemark par exemple.

L’ÉVOLUTION DU TAUX D’EMPLOI DES FEMMES DANS SIX PAYS EUROPÉENS ET DANS L’UNION EUROPÉENNE ENTRE 2000 ET 2010 PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS DE LISBONNE

Les taux d’emplois concernent les personnes âgées de 15 à 64 ans.

Source : Eurostat 2011, Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2011)

En effet, si dans l’esprit du « benchmarking », on compare la situation de la France aux pays obtenant les meilleurs résultats dans ce domaine, il est clair que des progrès restent à faire en matière d’égalité dans l’emploi entre les hommes et les femmes. Ainsi, le taux d’emploi des mères d’enfants en bas âge est significativement plus important en Suède et, plus généralement, les écarts d’activité entre hommes et femmes y sont également moins marqués, comme l’indique le tableau ci-dessous.

L’EMPLOI DES FEMMES EN FRANCE ET EN SUÈDE

(en pourcentage et en points)

 

France

Suède

Taux d’emploi des femmes de 15 à 64 ans (2010)

59,9 %

70,3 %

Taux d’emploi des mères dont le benjamin a moins de six ans (2010 pour la France et 2009, pour la Suède)

65,7 %

80,9 %

Différence entre les taux d’activité selon le sexe (2010)

8,7

5,6

Écart de taux d’emploi hommes/femmes en ETP (2008)

13,6

10,7

Source : tableau réalisé d’après les données présentées sur les graphiques 13, 14 et 18 de l’étude comparée de Sciences Po/CEE, LIEPP et OFCE présentée en annexe

D’un point de vue plus qualitatif, et concernant tout d’abord l’appréciation portée sur les dispositifs actuels, il semblerait que même si globalement les parents sont satisfaits du mode de garde obtenu pour leur enfant, l’accueil collectif est généralement plébiscité au moment du choix (quand les femmes sont enceintes ou en congé maternité), et notamment parce qu’il favorise l’apprentissage de la vie en collectivité. En outre, il ressort d’une enquête qualitative réalisée par l’Unaf (cf. encadré ci-dessous) que le congé parental n’était pas perçu comme offrant une véritable liberté de choix, en raison du faible montant de l’indemnité.

Les enseignements d’une étude qualitative réalisée auprès de familles concernant la perception des congés familiaux

Selon les résultats de cette enquête, « la possibilité de s’occuper de son enfant après la naissance est appréciée, mais là encore le sentiment des mères n’est pas celui d’une vraie liberté de choix. Le congé maternité est perçu comme beaucoup trop court, « inhumain » (...), les mères déclarent donc tout faire pour allonger ce congé : vacances, RTT, congés maladies pour dépression post-natale " de complaisance ". Le congé parental est perçu comme appréciable mais n’offrant pas un véritable choix du fait du faible montant de l’indemnité. » Par ailleurs, sur la proposition concernant le congé parental d’un an rémunéré à 67 %, l’étude note que « cette proposition séduit clairement un bon nombre de parents interviewés ». Enfin, « la possibilité de partager le congé parental avec le père est perçue de manière très positive, à la fois pour lui et pour la mère. ».

Source : « Modes de garde : vécu et attentes des parents et futurs parents », Unaf (mars 2009)

Par ailleurs, les enquêtes d’opinion semblent suggérer une perception plus aiguë des difficultés en matière de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle en France.

LA PERCEPTION DES DIFFICULTÉS À TROUVER LE BON ÉQUILIBRE ENTRE VIE PRIVÉE ET VIE PROFESSIONNELLE DANS DIFFERENTS PAYS EUROPÉENS

Note : la question posée était la suivante : « Trouvez-vous personnellement très difficile, plutôt difficile, plutôt facile ou très facile de concilier le travail et la vie familiale ? » Les réponses sont, de gauche à droite : très difficile (en noir), moyennement difficile (en gris clair), plutôt facile (en gris moyen), très facile (en gris foncé), et sans réponse (en blanc).

Source : « Family life and the needs of an ageing population », enquête Eurobaromètre réalisée à la demande de la Direction générale pour l’emploi, les affaires sociales et l’égalité des chances par la Commission européenne (octobre 2008)

À cet égard, M. Claude Martin a souligné que si les taux d’activité des femmes françaises sont satisfaisants, le stress au travail est très élevé, en s’interrogeant par ailleurs sur un « mal-être de genre » susceptible de toucher les femmes, soumises à une multitude d’injonctions (être une bonne mère, une bonne épouse, une bonne employée, réussir sa vie personnelle, etc). Concernant les questions de conciliation, il a également rappelé qu’un nombre important de femmes en France prenaient des psychotropes, et qu’un sondage a révélé que la France est le pays d’Europe où les enfants parlent le moins avec leur père.

*

Les politiques visant à favoriser la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle semblent donc relativement efficaces par rapport à d’autres pays européens si l’on regarde les principaux indicateurs, qui montrent que les femmes françaises ont beaucoup plus d’enfants et que leur taux d’emploi, sans être parmi les plus élevés, reste supérieur à la moyenne européenne.

De ce point de vue, il est vrai qu’il y a là une forme de « petit miracle », selon les termes de Mme Brigitte Grésy, qui a toutefois également considéré que le système français est « miraculeux, mais fragile », en identifiant notamment parmi les sujets de préoccupation le manque de places pour l’accueil des enfants en bas âge et la prise en charge par l’éducation nationale des enfants de moins de trois ans.

Au regard notamment des moyens significatifs alloués par les pouvoirs publics aux politiques d’articulation, et des attentes ou des difficultés parfois exprimées par les parents, des marges de progression existent en effet, en vue, en particulier, de mieux soutenir l’emploi des mères, de promouvoir l’égalité des genres, et de mieux répondre à certaines difficultés de conciliation entre famille et travail, qui sont souvent plus aiguës pour les parents seuls.

C.– LES POLITIQUES PUBLIQUES CONCERNANT LES FAMILLES MONOPARENTALES

En raison de leur augmentation et de leur plus grande exposition à la pauvreté et à la précarité (1), les familles monoparentales constituent « un défi pour les politiques sociales », selon les termes de Mme Anne Eydoux (356), maître de conférences d’économie, chercheuse à l’Université de Rennes 2 (Cress-Lessor) et associée au Centre d’études de l’emploi (CEE).

Dans les différents pays européens, les parents isolés ne sont pas toujours identifiés comme une cible spécifique des politiques publiques et, lorsque c’est le cas, les dispositifs mis en place en leur faveur apparaissent très variés.

Néanmoins, une relative convergence peut être observée en Europe concernant la nécessité de soutenir l’accès à l’emploi des parents isolés – le cas échéant, au même titre que l’ensemble des parents, pour les pays n’ayant pas de dispositifs ciblés –, de sorte que leurs revenus soient moins dépendants des prestations sociales et qu’ils soient ainsi mieux protégés du risque de pauvreté, ainsi que leurs enfants (2). Les politiques publiques en direction des parents isolés s’inscrivent donc nécessairement dans une perspective plus large visant à favoriser l’emploi des femmes.

Comme pour les politiques de conciliation, les éléments de constat, concernant notamment la situation socio-économique ainsi que les dispositifs mis en place en faveur des parents isolés, seront présentés brièvement compte tenu de leur analyse très approfondie dans l’étude présentée en annexe. Enfin, si aucun des cinq pays étudiés ne propose un réel modèle de réussite, l’analyse comparée des politiques qui y sont mises en œuvre fait apparaître plusieurs leviers de l’action publique susceptibles de soutenir l’accès à l’emploi et de lutter contre la pauvreté des familles monoparentales (3).

1. Des familles en nombre croissant, le plus souvent des mères seules, qui sont particulièrement exposées au risque de pauvreté en France et en Europe

● La « monoparentalité » : une notion complexe aux contours mouvants

Comme l’ont souligné un certain nombre de personnes auditionnées, le terme de « parents isolés » recouvre une réalité évolutive et multiforme.

En effet, en rappelant qu’elle concerne aujourd’hui environ deux millions de familles et près d’un enfant sur cinq, Mme Christine Kelly, présidente de la Fondation K d’urgences (357), a souligné combien la monoparentalité est un phénomène complexe : le père peut être plus ou moins présent, il peut s’agir d’une famille recomposée qui ne dit pas son nom, ou à l’inverse d’une situation qui est dissimulée à l’entourage, d’une situation transitoire, etc. Mme Anne Eydoux a également souligné les difficultés de définition, mais aussi de comparaison entre les pays, compte tenu de la dispersion des données et des différentes définitions retenues au niveau national.

Il s’agit très majoritairement de mères seules, en France (85 % des parents isolés), comme en Europe, la Suède se distinguant toutefois par la proportion significative d’hommes parmi les parents isolés (32 %), selon l’étude annexée au présent rapport (358). Les raisons de la monoparentalité varient également selon les pays : en France, en Allemagne et aux Pays-Bas, la proportion de parents divorcés ou séparés est élevée, tandis que dans d’autres, tels que le Royaume-Uni ou la Suède, la maternité célibataire est plus importante.

Par ailleurs, la proportion de parents isolés tend à augmenter dans les différents pays européens, et notamment en France, où elle a augmenté de 2,9 points depuis 2005.

● Des familles particulièrement exposées au risque de pauvreté

Les personnes vivant au sein d’une famille monoparentale sont particulièrement touchées par la pauvreté. En effet, selon les dernières données de l’Insee (359), en France, près d’un tiers de ces personnes sont pauvres au sens monétaire, soit une proportion 2,3 fois plus élevée que dans l’ensemble de la population, et le taux de pauvreté des familles monoparentales (360) a augmenté (de 29,7 % à 30,9 %) entre 2005 et 2009, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

ÉVOLUTION DU TAUX DE PAUVRETÉ EN FRANCE PAR TYPE DE MÉNAGES ENTRE 2005 ET 2009

(en pourcentage)

Source : Insee, France, portrait social 2011 (novembre 2011)

Mme Sabine Fourcade (361), directrice générale de la cohésion sociale (DGCS), a précisé à cet égard que les risques d’exclusion sociale sont plus particulièrement importants concernant les mères seules avec des enfants en bas âge, tout en observant que les familles monoparentales ne devaient pas être considérées, de manière générale et par principe, comme des familles en danger.

Au niveau européen, Mme Anne Degrand-Guillaud, spécialiste de la lutte contre la pauvreté, entendue par les rapporteurs lors de leur entretien avec des membres du cabinet du Commissaire européen pour l’emploi et les affaires sociales (362), a fait part de ses inquiétudes concernant les familles monoparentales, en ayant le sentiment que leur pauvreté tendait à se développer en Europe.

Il apparaît en effet que, dans d’autres pays, les foyers monoparentaux sont également particulièrement exposés au risque de précarité, comme l’indiquent l’analyse comparative en annexe ainsi que les éléments présentés par Mme Anne Eydoux (363) et reproduits ci-après, concernant le taux de pauvreté de ces foyers comparé à celui des autres ménages avec enfants.

En particulier, l’étude annexée au présent rapport souligne que le taux de pauvreté des familles monoparentales « est près de deux fois plus élevé en France et au Royaume-Uni que celui de l’ensemble des ménages avec enfants, près de 2,5 fois plus élevé aux Pays-Bas et en Suède et près de trois fois plus élevé en Allemagne », en notant également « une hausse importante du taux de pauvreté des parents isolés en Allemagne, tandis que le taux de pauvreté aurait fortement baissé au Royaume-Uni entre 2008 et 2009. En France, compte tenu de la rupture de série signalée par Eurostat en 2008, le taux de pauvreté est relativement stable. »

TAUX DE PAUVRETÉ DES FOYERS MONOPARENTAUX COMPARÉ À CELUI DES AUTRES MÉNAGES AVEC ENFANTS

(en pourcentage)

 

1997

2005

2008

2009

Union européenne

Autres ménages avec enfants

37

17 (UE 15)

31

17 (UE 27)

35

18 (UE 27)

34

17 (UE 27)

Allemagne

Autres ménages avec enfants

48

12

26

11

36

13

37

13

France

Autres ménages avec enfants

30

15

26

13

29

16

29

15

Norvège

Autres ménages avec enfants

-

-

20

7

21

8

29

9

Royaume-Uni

Autres ménages avec enfants

55

22

38

19

46

19

35

18

Suède

Autres ménages avec enfants

-

-

20

8

27

11

29

11

Le taux de pauvreté des foyers monoparentaux en pourcentage est indiqué en police romaine, tandis que celui des autres ménages avec enfants est indiqué en italique.

Source : Eurostat, EU-SILC (éléments présentés lors de l’audition de Mme Anne Eydoux, chercheuse au Centre d’études de l’emploi, le 28 septembre 2011)

En Suède, Mme Sophia Lövgren, secrétaire générale de l’association Makalösa Föräldrar (364), qui propose des aides aux familles monoparentales, a souligné que celles-ci sont confrontées à un risque de pauvreté matériel important, en soulignant par ailleurs leurs conditions de logement plus difficiles ainsi qu’un manque de liens sociaux.

Par ailleurs, en Allemagne, selon les informations communiquées par les représentants du ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse (365), 43,7 % des parents isolés ont un revenu mensuel net moyen se situant entre 1 300 et 2 600 euros, et 41,7 % disposent de moins de 1 300 euros.

● L’insertion professionnelle des parents isolés

Comme l’indique le tableau ci-après, les enfants des familles monoparentales sont confrontés à un risque élevé de pauvreté, mais l’on peut observer également que, dans le cas par exemple de la France, le taux de pauvreté est divisé par plus de deux lorsque le père ou la mère exerce une activité professionnelle.

Outre les aides sociales, l’accès à l’emploi apparaît ainsi stratégique pour lutter contre la pauvreté des familles monoparentales.

À cet égard, comme l’a constaté M. Olivier Thévenon, économiste à l’Ined et à l’OCDE (366), en présentant le graphique ci-dessous, le taux d’emploi des parents isolés est plus élevé en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE, tandis que leur taux de pauvreté est nettement inférieur à celle-ci.

TAUX D’EMPLOI ET DE PAUVRETÉ DES PARENTS ISOLÉS DANS LES PAYS DE L’OCDE EN 2007

(en pourcentage)

Source : OCDE (éléments présentés lors de l’audition de M. Olivier Thévenon le 12 avril 2011)

TAUX DE PAUVRETÉ DES ENFANTS ET DES FAMILLES SELON LA SITUATION AU REGARD DE L’EMPLOI (DU MILIEU À LA FIN DES ANNEES 2000)

(en pourcentage)

 

Enfants
(0-17 ans)

Un seul parent

Deux parents

Ne travaillant pas

Travaillant

Aucun ne travaille

Un seul
travaille

Les 2
travaillent

Autriche

6.2

51.3

10.5

36.3

4.5

2.9

Belgique

10.0

43.2

10.1

36.1

10.6

2.5

République tchèque

10.3

71.4

10.3

43.2

9.5

0.7

Danemark

3.7

33.9

5.1

29.2

7.8

0.6

Estonie

12.4

94.5

29.2

75.4

16.3

3.1

Finlande

4.2

46.3

5.6

23.4

8.9

1.1

France

8.0

35.8

14.6

18.1

8.7

3.0

Allemagne

8.3

46.2

11.6

23.2

3.7

0.6

Grèce

13.2

83.6

17.6

39.2

22.1

4.0

Hongrie

7.2

30.8

21.3

9.6

6.5

3.1

Islande

8.3

22.9

17.1

51.0

28.8

4.1

Irlande

16.3

74.9

24.0

55.4

15.7

1.9

Israël

26.6

81.1

29.6

86.4

37.5

3.6

Italie

15.3

87.6

22.8

79.3

22.5

2.7

Luxembourg

12.4

69.0

38.3

27.4

15.8

5.3

Pays-Bas

9.6

56.8

23.2

63.1

14.6

1.8

Norvège

5.5

42.5

5.9

45.4

7.3

0.2

Pologne

21.5

74.9

25.6

51.2

28.4

5.7

Portugal

16.6

90.2

26.2

53.2

34.3

4.8

Espagne

17.3

78.0

32.2

70.6

23.2

5.1

République slovaque

10.9

65.9

23.9

66.0

18.2

1.8

Suède

7.0

54.5

11.0

46.0

18.5

1.4

Suisse

9.4

21.6

7.6

 

Turquie

24.6

43.6

31.9

28.1

18.9

20.2

Royaume-Uni

10.1

39.1

6.7

35.8

9.0

1.0

États-Unis

21.6

91.5

35.8

84.1

30.6

6.6

OCDE 34 moyenne

12.7

61.4

21.3

49.4

17.3

3.9

Le taux de pauvreté des enfants est défini comme la proportion d’enfants vivant dans des familles dont le revenu est inférieur à 50 % du revenu médian pour l’ensemble de la population (367).

Source : OCDE 2011 (questionnaire sur la distribution des revenus)

Dans les cinq pays européens sous revue, l’étude comparée présentée en annexe fait ressortir plusieurs points saillants concernant l’insertion professionnelle des parents isolés :

– le taux d’emploi des parents isolés en France (73 %) est le deuxième plus élevé des cinq pays, derrière la Suède (81 %) et devant les Pays-Bas (69,8 %), l’Allemagne (68%) et le Royaume-Uni (56,8 %) ;

– le recours au temps partiel est plus faible en France (28,4 %), à l’inverse notamment des Pays-Bas ;

– la France et la Suède se distinguent par une faible différence de taux d’emploi entre les parents isolés et l’ensemble des parents, contrairement par exemple aux Pays-Bas et surtout au Royaume-Uni, où le taux d’emploi des mères isolées est plus de dix points inférieur à celui de l’ensemble des mères ;

– en revanche, le taux de chômage des mères isolées est partout supérieur à celui de l’ensemble des mères : le rapport note ainsi que « de même qu’en Suède, en France, le taux de chômage des mères isolées (15 %) est plus élevé que celui de l’ensemble des mères (9,6 %) ».

2. De multiples leviers d’action reflétant, comme pour les politiques de conciliation, les différentes figures contemporaines de l’État social

Comme l’a rappelé Mme Anne Eydoux (368), on distingue traditionnellement trois grands systèmes de protection sociale ou d’ « État social » (369) :

– le modèle libéral (ou résiduel), qui repose sur la responsabilité individuelle et la régulation par le marché, les politiques sociales étant financées par l’impôt et les prestations visant prioritairement à aider les familles les plus vulnérables, par exemple le Royaume-Uni et les États-Unis ;

– le modèle universaliste (ou social-démocrate), mis en œuvre dans les pays scandinaves, où la protection sociale est financée par l’impôt et s’inscrit dans une logique égalitariste et universaliste, en proposant notamment une offre développée de services à l’ensemble de la population ;

– le modèle corporatiste (encore appelé conservateur ou assurantiel), où les prestations sociales et leur niveau sont essentiellement conditionnés par le versement de cotisations prélevées sur les salaires, comme c’est le cas en Allemagne, et où les modèles des politiques familiales reposent plutôt sur le modèle du « male breadwinner » (« gagne-pain masculin - chef de famille »).

En fonction des caractéristiques propres aux différentes formes d’État-providence – qui contribuent également à expliquer la diversité des approches adoptées en matière de conciliation (370) – mais aussi de leurs spécificités culturelles et historiques, les cinq pays étudiés ont développé, à l’égard des familles monoparentales, des politiques publiques plus ou moins ciblées ou universalistes, qui se caractérisent également par une évolution progressive de l’« assignation » aux tâches domestiques « à l’activation (371) ».

a) Entre ciblage et universalisme : deux grandes catégories de pays, selon que les parents isolés constituent ou non une cible spécifique des politiques publiques

● Les éléments de typologie et le modèle universaliste suédois

Schématiquement, deux grands groupes de pays peuvent être distingués, selon l’approche retenue à l’égard des familles monoparentales :

– les pays où les parents isolés constituent, de longue date, une cible spécifique des politiques publiques, en particulier la France et le Royaume-Uni, qui ont tous deux mis en place une prestation spécifique pour ces publics : l’allocation de parent isolé (API), créée en France en 1976 et désormais remplacée par le revenu de solidarité active (RSA) majoré (cf. l’encadré présenté ci-après), et l’allocation sous conditions de ressources créée en 1975 au Royaume-Uni (income support) ;

– ceux où tel n’est pas le cas, mais où les parents isolés peuvent néanmoins faire l’objet d’un traitement différencié, au cas par cas, selon l’étude présentée en annexe au présent rapport et parmi lesquels l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède (372).

À cet égard, Mme Ulroika Hagström et M. Mats Essemyr, experts au département pour les questions sociales du syndicat suédois TCO (373), ont rappelé que les prestations sociales sont universelles et individuelles en Suède, et que les parents isolés touchent donc les mêmes aides sociales que les parents en couple, ainsi qu’une aide supplémentaire de l’État lorsque l’autre parent ne peut payer la pension alimentaire (en l’absence de ressources ou s’il est en prison, par exemple). Observant que les familles monoparentales et leurs difficultés sont aujourd’hui une problématique émergente, ils ont également fait état de critiques concernant le niveau de prestations sociales liées aux enfants et de la pension de remplacement de la pension alimentaire, qui n’auraient pas été réévaluées depuis quinze ans.

La Suède apparaît ainsi comme l’archétype du modèle d’État social universaliste, avec la prégnance d’une logique individualiste en matière de droits, ne tenant pas particulièrement compte de la situation conjugale ou familiale (cf. supra, sur le système de l’imposition individuelle). De ce fait et en cohérence avec l’ensemble du système socio-fiscal, il n’y a pas de dispositif ciblé en direction des parents isolés, exceptées les avances sur pension alimentaire.

● La diversité des dispositifs ciblés en faveur des parents isolés en Europe

Les pouvoirs publics peuvent utiliser un large éventail d’instruments pour aider les parents isolés, comme l’illustre le tableau ci-après élaboré à partir des informations recueillies auprès des postes diplomatiques. Il peut s’agir par exemple de compléments d’allocations familiales, d’exonérations fiscales, de dispositions relatives aux congés parentaux, de prestations d’aide à la garde d’enfants, de compléments d’aide sociale ou d’allocations de logement, de garanties de ressources, ou encore d’avances sur pension alimentaire.

En Allemagne, il est à noter que s’il n’y a pas de garantie minimale de ressources spécifique pour les parents isolés, comme c’est le cas en France par exemple, les représentants du ministère fédéral chargé de la famille (374) ont néanmoins évoqué plusieurs prestations s’adressant particulièrement aux parents isolés (375) (cf. également, dans la section D infra, le schéma relatif aux aides apportées aux parents isolés en Allemagne).

● Les prestations liées à la monoparentalité en France

Le revenu de solidarité active (RSA) majoré constitue aujourd’hui la principale prestation sociale liée à la monoparentalité.

Les prestations liées à la monoparentalité en France : l’allocation de soutien familial (ASF), l’allocation de parent isolé (API) et le revenu de solidarité activé (RSA)

L’allocation de soutien familial (ASF) est versée aux personnes qui ont la charge d’un enfant privé de l’aide de l’un ou de ses deux parents, qu’il soit orphelin, que sa filiation ne soit pas légalement établie ou que l’un de ses parents, ou les deux, se soustrait à ses obligations d’entretien ou au versement d’une pension alimentaire (376), ou se trouve hors d’état d’y faire face. 750 000 allocataires perçoivent l’ASF en 2009, soit 4 % de plus qu’en 2008.

L’allocation de parent isolé (API) est un minimum social qui garantit aux parents assumant seuls la charge d’au moins un enfant ou d’un enfant à naître un revenu minimum. L’API est versée pendant 12 mois, lorsque le plus jeune enfant a plus de 3 ans (API courte), ou bien jusqu’au mois précédant le 3ème anniversaire du plus jeune enfant (API longue), lorsque celui-ci a moins de 3 ans. Au 1er juin 2009, le RSA a été mis en place en métropole, qui en remplaçant notamment l’API, qui continue cependant d’être servie dans les départements d’outre-mer ainsi que dans quelques situations spécifiques en métropole.

Le revenu de solidarité active (RSA) est une prestation entrée en vigueur le 1er juin 2009, en France métropolitaine. Il remplace notamment le revenu minimum d’insertion (RMI), l’API et les mécanismes d’intéressement à la reprise d’activité propres à ces minima. Il permet ainsi aux personnes dépourvues de revenus professionnels de disposer d’un revenu garanti forfaitaire (RSA socle) en fonction de la composition du foyer. Ce revenu est majoré (RSA socle majoré) pour les parents isolés. Les bénéficiaires qui perçoivent de faibles revenus d’activité peuvent également bénéficier d’un complément de revenu (le « RSA activité » : sur ce point, ainsi que sur les droits et devoirs des bénéficiaires du RSA, cf. l’encadré présenté infra). Au 31 décembre 2009, 223 500 personnes bénéficiaient du RSA socle majoré ou de l’API, soit 11,5 % de plus qu’en 2008.

Source : Les prestations familiales et de logement en 2009, Drees, Études et résultats n° 769 (juillet 2011)

DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES PRÉVUS EN FAVEUR DES FAMILLES MONOPARENTALES

Pays

Compléments d’allocations familiales

Exonérations fiscales

Congés parentaux

Compléments d’aide sociale ou d’allocations logement

Garanties de ressources pour parents isolés

Avances sur pension alimentaire

ALLEMAGNE

Nature de l’aide

 

Déduction supplémentaire des impôts pour les parents isolés

 

Allocation de parent isolé dans le cadre de l’allocation de chômage ou l’aide sociale

 

Si le parent non résident ne respecte pas ses obligations de paiement de pensions alimentaires pour enfants vers le parent résident, l’État verse des avances sur ces pensions alimentaires pour compenser les défauts ou retards de paiement :

Montant et conditions d’attribution

 

1 308 euros par an.

Un ou plusieurs enfants mineurs vivent dans le ménage du parent isolé (la limite d’âge de l’enfant passe à 25 ans si l’enfant suit une formation ou des études).

 

131 euros par mois si un enfant de moins de 7 ans, ou deux ou trois enfants de moins de 16 ans vivent dans le ménage ; 175 euros par mois avec 4 enfants mineurs ; 218 euros par mois avec 5 ou plus d’enfants mineurs

 

– 117 euros pour les enfants de moins de 6 ans, 158 euros pour les moins de 12 ans ;

– versé pendant 72 mois au maximum ; limite d’âge à 12 ans.

Nombre de bénéficiaires 

 

Il n’existe pas de statistiques, mais le ministère de la famille estime qu’entre 600 000 et 1,3 million de parents isolés en bénéficient.

 

Il n’en existe pas de statistiques

 

Environ 500 000 cas par an

AUTRICHE

Allocation parentale d’éducation (Kinderbetreuungs-geld) : les parents isolés et les familles économiquement faibles peuvent recevoir un supplément de 6,06 euros par jour (limite de revenu net annuel : 5 800 euros).

Abattement fiscal pour parents isolés (Alleinerzieherabsetz-betrag) : Un montant de 494 euros est déduit par an des impôts à payer individuellement, pour le 1er enfant, 669 euros pour le 2ème, 220 euros pour tout enfant supplémentaire.

Cf. compléments d’allocations familiales. Les parents isolés ayant soumis une demande de pension alimentaire à l’autre parent, mais ne la recevant pas encore peuvent recevoir 2 mois supplémentaires d’allocation parentale d’éducation (limite de revenu net mensuel : 1 200 euros).

     

ITALIE

Il n’existe pas réellement de mesures spécifiques pour les familles monoparentales mais les mesures présentées ci-dessous s’adressent également à ces familles.

Compléments d’allocations familiales. L'aide est donnée en fonction des revenus, du nombre de personnes qui composent la famille et de sa typologie. Il existe des tableaux pour calculer le montant de l'allocation, donné sous forme de chèque, qui sont publiés chaque année. La demande d'allocation doit être présentée aux employeurs ou à l’Institut national de prévoyance sociale (INPS). Il existe aussi un chèque familial qu'il faut demander aux mairies et l'INPS s'occupe du paiement. Ils peuvent être demandés par une famille composée au moins d'un parent et de trois enfants mineurs ou par des familles qui ont un salaire et des biens inférieurs à ceux prévus par l'indicateur de la situation économique (ISE). Le montant des chèques familiaux est calculé en tenant compte des seuils de revenus fixés et réévalués chaque année en fonction du taux d'inflation prévisionnel. Le montant du chèque est calculé chaque année par l'Istat (Institut de statistique). Pour 2010, le montant mensuel était de 129,79 euros (13 mois de durée).

Exonérations fiscales. Il existe différents types d'exonération fiscale. L’impôt sur le revenu appelé « Irpef » (impôt sur les personnes physiques) peut être réduit sous certaines conditions et l’abattement fiscal opéré est proportionnel au revenu. Pour les familles, qui ont un parent à charge, celui-ci ne doit pas avoir un revenu supérieur à 2 840,51 euros annuels. Pour les enfants à charge, le revenu du foyer ne doit pas dépasser 95 000 euros annuels pour un enfant. Si le nombre d’enfants est plus élevé, le seuil de 95 000 euros augmente de 15 000 euros par enfant supplémentaire. L'abattement de base pour les enfants est de 800 euros (900 euros si les enfants ont moins de 3 ans). De plus, le montant augmente de 220 euros si l’enfant est handicapé et de 200 euros, pour tous les enfants, s'ils sont plus de 3. Si les parents sont divorcés, il existe différents critères pour la répartition de l'abattement. Pour les familles nombreuses (au moins 4 enfants à charge) un abattement de 1 200 euros est prévu en plus et il ne dépend pas du revenu.

NORVÈGE

Les parents isolés – essentiellement des mères – bénéficient de mesures spécifiques : une allocation de « transition » qui peut atteindre au maximum, annuellement, 145 762 couronnes norvégiennes, soit environ 18 800 euros. Cette aide varie en fonction des revenus du travail du parent isolé. En principe, elle peut être versée pendant trois ans, mais peut par exemple être prorogée de deux ans si le parent poursuit des études. Le parent isolé peut aussi bénéficier d’une allocation l’aidant à faire garder son enfant afin de lui permettre de travailler ou de chercher un emploi de 38 652 couronnes norvégiennes (de l’ordre de 4 900 euros par an) et d’une allocation « d’éducation » à taux variable. Une aide peut aussi être attribuée au parent qui déménage pour trouver un emploi. Enfin, lorsque le parent qui n’a pas la garde de l’enfant ne paye pas la pension alimentaire qu’il doit, l’agence pour l’emploi et les affaires sociaux (NAV) peut verser au parent isolé, sous condition de ressources, une avance.

PAYS-BAS

 

Réduction du revenu imposable de 945 € (377)

 

Allocation de garde d'enfants ; budget enfance ; allocation logement ; allocation frais de santé (378)(

   

PORTUGAL

Supplément de 20 %. Pour mémoire, les allocations familiales au Portugal ne sont pas universelles, mais sous conditions de ressources : elles sont attribuées par foyer fiscal et pour un salaire per capita (des personnes majeures) inférieur à 420 euros par mois.

Il existe une possibilité d’exonération fiscale sur les pensions alimentaires en cas de divorce. Par ailleurs, en cas de perte d’emploi et donc de la capacité de payer une pension alimentaire, un fonds de l’Etat se substitue au parent défaillant (ce dispositif est jugé discriminatoire par certaines associations familiales, car un tel avantage n’existe pas, même proportionnellement, pour les pères ou mères mariés au chômage).

Pas de dispositif spécifique

 

Il n’existe pas au Portugal de telles garanties, car les dispositifs de garantie de ressources existants sont calculés par foyer fiscal. Un projet est néanmoins à l’étude.

Pas de dispositif spécifique

Source : tableau réalisé d’après les réponses des postes diplomatiques au questionnaire adressé en septembre 2011

Par ailleurs, les collectivités locales peuvent mettre en place des aides spécifiques, telles que la prestation « Paris logement Familles monoparentales (379) », ainsi que l’a expliqué Mme Olga Trostiansky, adjointe au maire de Paris chargée de la solidarité, de la famille et de la lutte contre les exclusions (380).

Les aides de la ville de Paris en faveur des familles monoparentales

« À Paris, les familles monoparentales représentent 27,6 % des familles parisiennes en moyenne. 39,9 % des familles monoparentales sont sous le seuil de bas revenus contre 20,6% pour l’ensemble des familles. Par ailleurs, presque la moitié des familles monoparentales ne sont pas imposables. Presque 40 % d’entre elles sont demandeuses d’un logement social (…). Panorama non exhaustif des mesures et des aides spécifiques de la Ville, qualifiables de mesures sociales :

– les aides spécifiques : le RSA (pour les ex-allocataires s de l’API : fin 2009, on dénombre 4 809 allocataires de la majoration isolement du RSA), Paris logement Familles monoparentales (en 2009, 6 983 familles monoparentales parisiennes ont reçu cette aide d’un montant de 122 euros maximum) ; aide pour le départ en vacances (Renouveau Vacances a traité 177 dossiers de familles monoparentales en 2009) ;

– les aides non spécifiques : au-delà des aides spécifiques, les familles monoparentales, sous réserve d’en remplir les conditions d’octroi, peuvent prétendre à d’autres aides, (…) au même titre que les couples. Il n’est alors pas possible d’isoler, parmi les bénéficiaires de ces allocations les familles monoparentales des autres. »

Source : note de la Direction des familles et de la petite enfance de la ville de Paris sur les familles monoparentales (381) (juin 2010)

Concernant enfin les transferts sociaux, l’étude annexée au présent rapport comporte une analyse approfondie de leur impact sur les conditions de vie et la pauvreté des parents isolés ainsi que de leur montant (cf. les séries de tableaux 11 et le tableau 12 relatif aux prestations sociales reçues par les parents isolés et l’ensemble des ménages de l’étude en annexe, ainsi que le tableau récapitulatif présenté infra sur les principaux résultats socio-économiques concernant les parents isolés).

b) Du « maternalisme » à l’activation : des formes de protection sociale évoluant progressivement

Comme l’a observé Mme Anne Eydoux (382), l’analyse des politiques sociales à l’égard des mères qui élèvent seules leurs enfants, et par extension à l’égard des parents isolés, peut apparaître révélatrice de la manière dont les États sociaux conçoivent la place des femmes dans la société.

● Dans plusieurs pays européens, en particulier la France, le Royaume-Uni et la Norvège, des prestations sociales dédiées aux parents isolées, plus ou moins généreuses et pour des périodes plus ou moins longues, ont été mises en place selon une approche qualifiée de « maternaliste (383) », au sens où elles avaient pour objectif de permettre aux mères isolées de ne pas travailler pour pouvoir s’occuper de leurs jeunes enfants.

Par exemple, le Royaume-Uni a mis une place en 1975 une allocation (income support) permettant aux parents isolés de s’occuper de leurs enfants, quasiment jusqu’à leur majorité, et, jusqu’au milieu des années 1990, les parents élevant des enfants de moins de 16 ans étaient éligibles à cette allocation, sous condition de ressources et sans obligation de travail ou recherche d’emploi (384). En France, en revanche, l’allocation de parent isolé (API) était temporaire, dans la mesure où elle ciblait plutôt les parents d’enfants de moins de trois enfants (« API longue »), outre l’ « API courte » évoquée plus haut.

● Afin de mieux favoriser l’insertion professionnelle des parents isolés, plusieurs réformes ont été mises en œuvre dans les pays européens étudiés ; elles sont présentées de manière approfondie dans l’étude annexée au présent rapport (385).

Au Royaume-Uni, les représentants du ministère de l’emploi et des pensions (DWP) ainsi que de l’Institut britannique pour la famille et la parentalité, qui ont été entendus par les rapporteurs (386), ont expliqué qu’auparavant, il n’y avait que très peu de soutien, sinon rien, pour inciter les parents à reprendre un travail, mais qu’un changement profond était intervenu en vue de créer des conditions plus favorables à leur insertion professionnelle, à travers notamment la mise en place d’un programme d’accompagnement spécifique (New deal for lone parents), qui semble avoir eu un impact significatif sur les taux d’emploi (cf. la section D infra).

Cette évolution semble toutefois progressive : dans ce sens, l’étude annexée au présent rapport indique que « depuis peu, les entretiens avec les conseillers des services de l’emploi sont devenus obligatoires tous les ans si les enfants ont plus d’un an ». Les représentants du syndicat TUC entendus à Londres ont par ailleurs expliqué qu’aujourd’hui les mères isolées ne peuvent être obligées des faire de recherches d’emploi en dehors des heures d’école, si elles n’ont pas de mode de garde.

En France, l’allocation de parent isolé (API) a été mise en place en 1976 , sans réelle considération pour le retour à l’emploi et plutôt comme un « salaire maternel », comme l’ont notamment rappelé MM. Claude Martin et Bertrand Fragonard (387), ce dernier ayant souligné que le RSA s’inscrit dans une perspective différente et qu’il est assorti de certaines obligations, l’impact de cette réforme devant être évalué dans le temps.

La loi (388) prévoit en effet que les bénéficiaires du RSA socle sont soumis à un ensemble de droits et devoirs, présentés dans l’encadré ci-après.

L’étude annexée au présent rapport souligne à cet égard que « la réforme du RSA renforce l’exigence d’insertion selon un principe de "droits et devoirs" qui dépendent de la situation familiale et professionnelle de l’individu », tout en relevant que des dispositions spécifiques sont prévues pour les bénéficiaires du RSA majoré, qui a remplacé l’API. En effet, l’article L. 262-28 du code de l’action sociale et des familles dispose que « les obligations auxquelles est tenu (…), le bénéficiaire ayant droit à la majoration mentionné à l’article L. 262-9 », concernant le RSA majoré au titre de l’isolement, « tiennent compte des sujétions particulières, notamment en matière de garde d’enfants, auxquelles celui-ci est astreint ». Selon l’étude annexée au présent rapport, « tant que l’enfant a moins de 3 ans, les parents isolés ne sont concernés par les devoirs d’insertion qu’une fois la garde de leur enfant assurée (Périvier, 2010). Lorsque l’enfant atteint 3 ans, ils sont soumis aux mêmes droits et devoirs que les autres bénéficiaires. »

Cette étude rappelle également qu’une évaluation réalisée en 2008 montrait que les parents isolés (qui bénéficiaient du RMI, donc des parents isolés n’ayant pas d’enfants de moins de trois ans) participaient plus aux dispositifs d’insertion que les autres allocataires de cette prestation (389).

La parution du rapport final du comité national d’évaluation du RSA, prévue en principe d’ici la fin de l’année, permettra certainement de disposer d’éléments d’analyse afin d’évaluer plus finement l’impact de la création du RSA sur la situation des parents isolés et les pratiques actuelles en matière d’accompagnement vers l’emploi.

Les droits et les devoirs prévus par la loi relative au RSA

Depuis le 1er juin 2009, le RSA s’est substitué au RMI (revenu minimum d’insertion) et à l’API (allocation de parent isolé) en France métropolitaine (loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008). Il constitue une modification majeure de la politique sociale mettant l’accent sur l’articulation entre les revenus de l’assistance et les revenus d’activité (…).

Les droits garantis par la loi

■ Le droit à un revenu minimum garanti : un droit familial

Comme le RMI et l’API, le RSA est une allocation différentielle qui complète les revenus du ménage jusqu’au niveau garanti. Ce dernier est égal à la somme :

– d’un montant forfaitaire (RSA socle) qui varie en fonction de la composition du foyer. Il est fixé par décret à un montant équivalent à celui des anciens dispositifs RMI et API (460 euros par mois, forfait logement compris, pour une personne vivant seule et 780 euros pour une personne élevant seule un enfant de moins de 3 ans : il s’agit du RSA majoré) ;

– d’une fraction des revenus professionnels des membres du foyer, fixée par décret à 62 % (RSA activité) (…)

Le droit à l’insertion : un droit individuel

Chaque bénéficiaire du RSA (l’allocataire ou son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité) a droit à un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins et organisé par un référent unique. La loi préconise que les personnes soient orientées en priorité vers un organisme d’insertion professionnelle (Pôle emploi ou autre organisme de placement en emploi) ou, en cas de difficultés faisant obstacle à une telle orientation, vers un organisme compétent en matière d’insertion sociale (conseils généraux, CCAS, …).

Les devoirs exigés par la loi

Qui est concerné par les devoirs ?

Les individus appartenant à un ménage dont les ressources initiales sont inférieures au montant forfaitaire, donc qui perçoit le RSA socle, et qui, soit n’ont pas d’emploi, soit ont un emploi avec un salaire mensuel inférieur à 500 euros.

■ Quels sont les devoirs ?

Le bénéficiaire doit rechercher un emploi, ou entreprendre des démarches pour créer son activité ou encore s’engager dans une démarche d’insertion sociale ou professionnelle. Concrètement, une fois que le foyer auquel la personne appartient perçoit le RSA, celle-ci peut être :

– orientée vers Pôle emploi : dans ce cas, elle est liée par un contrat qui implique qu’elle recherche activement un emploi selon les modalités de droits commun (comme tout chômeur) ; elle ne peut pas refuser plus de deux offres « raisonnables » d’emploi ;

– orientée vers un organisme compétent en matière d’insertion sociale : dans ce cas, elle entre dans un parcours d’insertion sociale et signe un contrat de même nature que celui que signaient les allocataires du RMI.

Source : « La logique sexuée de la réciprocité dans l’assistance », Hélène Périvier, OFCE, Centre de recherche en économie de Sciences Po, Revue de l’OFCE n° 114 (juillet 2010)

3. Quels instruments apparaissent les plus performants pour lutter contre la pauvreté et favoriser l’accès à l’emploi des parents isolés ?

Si aucun des pays du panel ne se distingue par d’excellents résultats concernant le taux de pauvreté des parents isolés, la comparaison des politiques mises en œuvre permet néanmoins d’identifier quelques leviers susceptibles d’accroître la performance de l’action publique dans ce domaine, en vue notamment de lever les obstacles à l’emploi rencontrés par les parents isolés.

a) L’absence d’un réel modèle de réussite, même si la Suède et la France apparaissent plutôt mieux positionnées

● Un champ de l’action publique qui se prête plus difficilement à une évaluation de la performance comparée des politiques mises en œuvre...

Il est en effet apparu beaucoup plus difficile de mesurer et de comparer la performance des politiques publiques concernant les familles monoparentales, en raison principalement :

– de l’absence d’objectifs communs au niveau européen dans ce domaine, mais aussi, et fort logiquement, d’objectifs fixés au niveau national dans les pays où les parents isolés ne constituent pas une cible spécifique de l’action publique ; au demeurant, même dans les pays où ils le sont, par exemple en France, il apparaît malaisé d’identifier précisément les objectifs assignés aux politiques mises en œuvre dans ce domaine (390) ;

– des limites liées aux données statistiques disponibles pour isoler et comparer les dépenses publiques correspondant aux politiques mises en œuvre en direction des parents isolés (qu’il s’agisse du coût des prestations ou des dispositifs ciblés sur ces foyers, ou encore du montant des transferts sociaux qu’ils reçoivent dans les différents pays) : en dépit de ces difficultés réelles, l’étude présentée en annexe propose néanmoins une estimation des prestions sociales reçues par les parents isolés dans les différents pays étudiés (391), mais il convient de garder à l’esprit qu’il s’agit uniquement de données déclaratives, et non pas de données issues des comptabilités nationales ;

– enfin, des évaluations des résultats, qui peuvent s’appuyer sur certains indicateurs, concernant en particulier la situation socio-économique des parents isolés ou l’impact des transferts sociaux, mais qui apparaissent limités dans certains domaines.

Ainsi, l’étude annexée au présent rapport souligne que « du fait du non-ciblage des parents isolés et du caractère local du suivi, il n’y a pas d’évaluation spécifique des programmes d’activation sur les parents isolés et il est donc difficile d’en tirer un bilan différencié ». En effet, en Suède ou encore aux Pays-Bas, les pratiques varient au niveau local et selon les travailleurs sociaux, ce qui constitue une difficulté supplémentaire pour pouvoir apprécier et comparer les résultats entre les pays.

Enfin, compte tenu des données disponibles, il semble qu’il n’ait pas été possible de s’appuyer sur des enquêtes d’opinion, telles que celles ayant été réalisées au niveau européen concernant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

● Une analyse comparative permettant néanmoins de tirer des conclusions concernant l’efficacité et la soutenabilité des différentes politiques publiques

Au regard des principaux résultats socio-économiques concernant les parents isolés dans les cinq pays européens étudiés, résumés dans le tableau ci-dessous, l’étude présentée en annexe au présent rapport souligne qu’il n’y a pas de réel modèle de réussite, dans la mesure où les taux de pauvreté sont partout très élevés (allant de 28,9 % en Suède à 37,5 % en Allemagne) et qu’« au final, aucun ne répond à l’ensemble des problèmes posés par la monoparentalité de manière totalement satisfaisante ».

PRINCIPAUX RÉSULTATS SOCIO-ÉCONOMIQUES CONCERNANT LES PARENTS ISOLÉS

(en pourcentage)

 

Allemagne

France

Pays-Bas

Royaume-Uni

Suède

Taux d’emploi

68 (4)

73 (2)

70 (3)

57 (5)

81 (1)

Part de temps partiel

49 (3)

24 (1)

69 (5)

51 (4)

27 (2)

Taux de pauvreté avant transferts

58 (3)

50 (2)

64 (4)

77 (5)

39 (1)

Revenu équivalent avant transferts
(en % de l’ensemble des ménages)

53 (3)

64 (2)

46 (4)

34 (5)

64 (1)

Prestations sociales reçues par les parents isolés
en % du revenu disponible de l’ensemble des ménages

0,6 (4)

0,7 (2)

0,7 (3)

1,8 (1)

0,4 (5)

Niveau de vie moyen – après transferts
(en % de l’ensemble des ménages)

66 (4)

69 (2)

67 (3)

65 (5)

70 (1)

Taux de pauvreté - après transferts - (à 60 %)

37(5)

29 (2)

33 (3)

35 (4)

29 (1)

Soutenabilité

--

+

-

--

++

Source : étude de Sciences Po/OFCE présentée en annexe au présent rapport (EU-Silc, EFT, auteurs)

L’étude formule néanmoins plusieurs conclusions particulièrement éclairantes pour l’analyse des politiques publiques mises en œuvre et de leurs résultats :

– tout d’abord, « les performances de la Suède sont plus élevées » que celles des autres pays étudiés, tant du point de vue de la pauvreté, du niveau de vie médian par rapport à l’ensemble de la population, que de l’emploi (le taux d’emploi des parents isolés y étant en effet supérieur à 80 %) ;

– concernant plus particulièrement la France : au regard du taux de pauvreté (après transferts sociaux), « la France et la Suède sont tout de même plus performantes en matière de pauvreté que l’Allemagne ou le Royaume-Uni, où le taux de pauvreté des parents isolés est proche de 35 % » ; par ailleurs, « la France, dont les taux d’emploi sont proches de 70 %, est également relativement performante de ce point de vue » ;

– en revanche, en termes de performance dans l’emploi et de performance redistributive, le modèle de l’Allemagne est jugé « probablement le moins efficace », d’autant plus qu’il n’apparaît « pas soutenable d’un point de vue démographique » ;

– enfin, le taux d’emploi des parents isolés est particulièrement faible au Royaume-Uni (57 %) et « ces familles sont très dépendantes des transferts sociaux (…). Or la relative générosité du système social est déjà remise en question par la politique de rigueur budgétaire liée à la crise économique ».

Enfin, il est intéressant de noter que, de manière apparemment paradoxale, le pays qui est le « premier de la classe », c’est-à-dire la Suède, au regard de ses résultats en matière de pauvreté et d’emploi, est aussi celui qui ne développe aucune politique spécifique en direction des parents isolés.

b) Le caractère rémunérateur de la reprise d’un emploi, comme c’est le cas en France avec le revenu de solidarité active (RSA)

Qu’il s’agisse ou non spécifiquement des parents isolés, favoriser l’accès à l’emploi suppose, en premier lieu, de veiller à ce qu’il soit effectivement rémunérateur (« to make work pay », selon la formule anglo-saxonne), c’est-à-dire qu’il permette un gain effectif de revenu, en prenant notamment en compte l’augmentation des prélèvements obligatoires ainsi que la diminution éventuelle des prestations sociales, suite à la reprise d’une activité professionnelle, ainsi que le surcoût lié au travail (par exemple les transports, la garde d’enfants, etc.).

● En France, cette préoccupation a été l’une des raisons de la création du revenu de solidarité active (RSA) par la loi du 1er décembre 2008 (392). Cette nouvelle prestation avait notamment pour objectif, selon l’exposé des motifs du projet de loi (393), « d’offrir des moyens convenables d’existence à toute personne privée de ressources » et « de faire en sorte que chaque heure travaillée se traduise, pour l’intéressé, par un accroissement du revenu disponible – c’est-à-dire que le travail " paie " et ce, dès la première heure travaillée ».

En permettant le cumul entre revenus du travail et prestation de solidarité, cette réforme devait donc permettre d’assurer une progression du revenu total, comme l’illustre le graphique ci-après.

ILLUSTRATION THÉORIQUE DU MONTANT DU RSA EN FONCTION DES REVENUS D’ACTIVITÉ

Note : l’axe des abscisses retrace le montant des revenus d’activité de la personne concernée ; l'axe des ordonnées reflète le revenu de cette personne après versement du RSA : revenus d’activité (partie en gris foncé), RSA socle (partie en gris moyen) et RSA activité (partie en gris clair). Pour un revenu d’activité de 200 euros, une personne seule reçoit 254,63 euros de RSA socle (partie gris moyen) permettant d’atteindre le forfait de 454,63 euros ainsi que 62 % de son revenu d’activité au titre du RSA activité (partie en gris clair) soit un revenu total de 578,63 euros. Au-delà de 454,63 euros de revenus d’activité, seul le RSA activité est versé (partie clair). Au-delà de 1 200 euros de revenus d’activité, le RSA n'est plus versé.

Source : Les comptes de la protection sociale 2009, Drees, Études et résultats n° 755 (février 2011)

Il semblerait toutefois qu’une proportion non négligeable de bénéficiaires potentiels du « RSA activité » ne le demande pas, pour différentes raisons (cf. infra).

● Par rapport aux autres pays étudiés, l’étude annexée au présent rapport comporte une analyse des « contraintes budgétaires », représentant le revenu disponible après transferts (394), à partir du modèle Taxben de l’OCDE, qui s’appuie sur les législations sociales et fiscales nationales (modèle de cas-types). Le graphique présenté ci-après, extrait de cette étude, permet ainsi de mettre en évidence les incitations financières à l’emploi dans les différents pays européens.

L’étude souligne en particulier qu’ « en France, depuis la réforme du RSA, le revenu disponible est toujours une fonction croissante du revenu d’activité (…) : ainsi, toute reprise d’emploi est désormais rémunératrice », même à temps très partiel, et que, « par rapport aux autres pays, les gains à la reprise d’un emploi sont plus élevés en bas de l’échelle des revenus (c’est-à-dire pour des reprises à temps partiel, voire très partiel) ». Dans d’autres pays en effet, les incitations à la reprise d’un emploi sont faibles, voire nulles pour peu d’heures travaillées, par exemple en Suède et aux Pays-Bas, ce qui se traduit par un « plateau » au tout début des courbes, correspondant dans une certaine mesure au dispositif existant antérieurement en France avec le RMI.

ÉVOLUTION DU REVENU DISPONIBLE D’UN PARENT ISOLÉ AVEC DEUX ENFANTS EN
FONCTION DE SON REVENU NET D’ACTIVITÉ

Lecture du graphique : en France, un parent isolé avec deux enfants n’ayant aucun revenu d’activité a un revenu disponible (après transferts et impôt) équivalent à 40 % du salaire moyen (395). En Suède, le revenu disponible d’un parent isolé ayant deux enfants est équivalent à 44 % du salaire moyen, s’il ne travaille pas et jusqu’à des revenus nets d’activité équivalant à 20 % du salaire moyen.

Source : étude annexée au présent rapport, OCDE Tax Ben 2009

En revanche, l’étude note que « la France est également le pays où les revenus d’inactivité (pour les parents isolés sans autres ressources) sont les plus faibles » : ils représentent en effet 40 % du salaire moyen, contre 52 % au Royaume-Uni, par exemple. Cet élément semble corroborer l’analyse de Mme Christine Kelly (396), selon laquelle la France fait partie des pays en Europe où les mères isolées sans emploi sont les plus pauvres, après transferts sociaux. De manière plus générale, M. Bertrand Fragonard (397) a également indiqué que les bénéficiaires du RSA sont plus pauvres que leurs équivalents ailleurs en Europe et que les prestations de solidarité sont moins généreuses que dans d’autres pays européens.

Enfin, dans l’évaluation comparée des incitations financières à l’emploi, il convient également de prendre en compte les frais de garde d’enfants, comme l’a indiqué M. Oliver Thévenon, en présentant le graphique ci-après.

PARENTS ISOLÉS PRENANT UN EMPLOI À PLEIN TEMPS : POURCENTAGE DU SALAIRE BRUT CORRESPONDANT À L'IMPOSITION, À LA BAISSE DES PRESTATIONS ET AUX FRAIS DE GARDE DES ENFANTS

(pour une famille monoparentale gagnant 50 % du salaire moyen, en pourcentage du salaire brut dans le nouvel emploi en 2008)

Note : Chaque famille comprend deux enfants âgés de 2 et 3 ans. Le scénario considéré est celui d’une transition de l’inactivité professionnelle (la personne ne perçoit aucune allocation de chômage mais a droit, le cas échéant, à un revenu minimum garanti) vers un emploi à plein temps. Les enfants sont gardés à plein temps dans une structure collective lorsque le parent travaille, et le parent n’a pas de frais de garde lorsqu’il ne travaille pas. Les prestations servies à titre temporaire uniquement, immédiatement après l’entrée dans l’emploi, ne sont pas prises en compte.

Source : OCDE (audition de M. Olivier Thevenon, économiste à l’Ined et à l’OCDE, le 12 avril 2011)

Le graphique fait notamment apparaître que, dans ce cas de figure, la part de revenu absorbé suite à la reprise d’un emploi en France (en prenant en compte l’effet des prestations, de la fiscalité et des frais de garde, soit la « charge fiscale effective avec frais de garde d’enfants ») correspond à la moyenne des pays de l’OCDE (78 %), mais qu’elle est sensiblement inférieure dans d’autres pays, par exemple la Suède (66 %), où les frais de garde sont notamment plus limités. M. Olivier Thévenon a ainsi expliqué que, pour les familles monoparentales, la rentabilité d’un emploi faiblement rémunéré peut-être limitée, particulièrement en présence d’un enfant en bas âge. Au-delà de leur coût, la garde des enfants soulève également, plus largement, la question des freins non monétaires à l’emploi.

c) L’importance d’un accompagnement adapté, de la prise en compte des difficultés liées à la garde d’enfants et de l’accès à des emplois de qualité

Selon Mme Christine Kelly (398), présidente de la Fondation K d’urgences, les principaux obstacles à la recherche et à la reprise d’un emploi sont l’inaccessibilité des services de garde d’enfants, les questions liées aux moyens de transport et les difficultés dans la poursuite de formations. En particulier, selon un sondage récent, les solutions proposées en termes de garde d’enfants sont jugées insuffisantes par les deux tiers des parents qui élèvent seuls leurs enfant.

Les difficultés exprimées par les familles monoparentales

La difficulté des familles monoparentales à concilier vie professionnelle et vie personnelle est la contrainte principale que les Français anticipent… Dans l’esprit des Français, les difficultés rencontrées par les personnes contraintes d’élever seules un ou plusieurs enfants sont hétéroclites. 37 % d’entre eux déclarent toutefois que la capacité à concilier la vie professionnelle et la vie personnelle est la principale difficulté endurée pour ces parents. Le manque d’aides financières est identifié comme un autre obstacle majeur (27 %), tandis que le manque de solutions de garde d’enfants et la difficulté pour toucher la pension alimentaire fixée au tribunal sont respectivement évoqués par 18 % et 12 % des Français.

… mais pour les familles monoparentales la principale difficulté vécue concerne les aides insuffisantes et inadaptées de l’État. La moitié des Français qui élèvent seuls un ou des enfants (50 %) déclarent que le manque d’aides financières de la part de l’État est la principale difficulté qu’ils rencontrent au quotidien. Concilier sa vie professionnelle et personnelle (28 %) n’est cité qu’en deuxième position. Le manque de solutions de garde d’enfants et la difficulté pour toucher la pension alimentaires fixée par le tribunal sont respectivement cités par 11 % et 8 % des personnes en situation monoparentale. Parmi les parents élevant seuls un ou plusieurs enfants, près de 4 sur 5 (79 %) déclarent ainsi « ne pas être suffisamment aidés » par l’État. Par ailleurs, les solutions proposées en termes de garde d’enfants pour les familles monoparentales sont jugées insuffisantes par 66 % des personnes qui élèvent seules leur(s) enfant(s). Un sentiment exacerbé chez les femmes (71 %), les personnes âgées de 30 à 49 ans (72 %) et les actifs (74 %).

Source : « Les difficultés des familles monoparentales/Fondation K d’urgences », sondage de l’Institut CSA (399) (avril 2011)

Concernant ces freins non monétaires à l’emploi, qui sont en réalité tout sauf « périphériques (400) », comme l’a fait valoir Mme Anne Eydoux (401), les rapporteurs ont pu observer que les parents isolés rencontrent des difficultés analogues dans d’autres pays en Europe, par exemple :

– en Suède, où Mme Sophia Lövgren (402), secrétaire générale de l’association « Les parents remarquables » (Makalösa Föräldrar), a expliqué que, le plus souvent, les mères isolées travaillent et que les structures d’accueil et de garde d’enfants sont excellentes, mais que les horaires de ces garderies ne sont pas particulièrement adaptés aux parents isolés qui travaillent à temps plein, en particulier les plus qualifiés, ou ceux dont les emplois impliquent des horaires décalés, en expliquant que l’association plaidait pour un élargissement des horaires d’ouverture de ces structures d’accueil ;

– au Royaume-Uni (403), où les représentants du syndicat britannique TUC (Trade union congress), en rappelant la progression du taux d’emploi des parents isolés, ont également évoqué les problèmes auxquels sont confrontés les parents isolés concernant en particulier l’accès à des modes de garde ainsi qu’à des emplois adaptés, avec des éléments de souplesse.

Sur un autre registre, les représentants du Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF), entendus par le groupe de travail (404) ont évoqué les craintes de certains employeurs concernant par exemple le risque d’absence du parent en raison d’un enfant malade, mais aussi, plus généralement, l’idée selon laquelle la mère isolée n’est pas vraiment « disponible » pour chercher un emploi.

Enfin, il convient de prendre en compte la question de la qualité de l’emploi, ainsi que l’ont notamment fait valoir Mme Anne Eydoux et M. Claude Martin (405), ce dernier ayant notamment rappelé que les mères seules occupent souvent des emplois précaires, à temps partiel, d’où une grande vulnérabilité.

Dans ce sens, une étude réalisée pour la Commission européenne en 2008 sur la pauvreté des familles monoparentales (406), soulignait que « pour favoriser l’accès au marché du travail des " gagne-pain " des familles monoparentales –hommes ou femmes –, il ne faudrait pas avoir recours à la contrainte ou au chantage, mais améliorer surtout la qualité du travail auquel ils peuvent avoir accès. Le problème d’être piégées dans des emplois de mauvaise qualité est une réalité pour les mères seules ».

Concernant la nature des freins à l’emploi, l’étude réalisée par Sciences Po/CEE, Liepp et l’OFCE rappelle également les résultats d’une évaluation des expérimentations conduites par les caisses d’allocations familiales (CAF) concernant l’accompagnement social des bénéficiaires du RSA pour les parents isolés (407), et dont il ressort que sur « les principaux obstacles au maintien dans l’emploi : 36 % des enquêtés répondent en premier lieu la formation professionnelle contre 34 % pour le transport, 29,5 % la gestion des problèmes budgétaires, 26 % les modes de garde et 21 % le logement ». Dans une autre étude parue en 2008, les allocataires de l’API recherchant activement un emploi invoquaient l’absence de formation adéquate comme cause de chômage et 17 % l’absence de permis de conduire.

Ainsi, selon l’étude annexée au présent rapport, « les obstacles à la participation au marché du travail des parents qui élèvent seuls leurs enfants en France résident surtout dans la faible attractivité ou qualité de certains emplois et dans l’insuffisance des services d’accueil pour les enfants ».

d) L’importance des politiques universalistes visant à promouvoir l’emploi des mères en général

Les différentes informations recueillies par le groupe de travail concernant la situation des familles monoparentales, en France et en Europe, suggèrent l’importance des politiques universalistes, c’est-à-dire qui visent à favoriser l’emploi des mères et, au-delà, des parents en général – le cas échéant, en complément de quelques dispositifs ciblés – au regard notamment des éléments suivants.

● Tout d’abord, d’un point de vue sociologique, la monoparentalité n’est pas un état, comme l’a notamment fait observer M. Claude Martin (408), dans la mesure où elle se traduit fréquemment par des « séquences » (par exemple, une période de célibat avant un remariage, etc.) : il convient dès lors de ne pas fonder exclusivement les politiques publiques sur des dispositifs qui s’avèreraient trop rigides et inadaptés à une réalité plus évolutive.

● Tous les parents divorcés, célibataires ou veufs ne sont pas, heureusement, dans une situation de vulnérabilité économique justifiant qu’un accompagnement spécifique leur soit systématiquement proposé. En sens inverse, « Il ne faut pas oublier non plus [les familles] qui, sans être monoparentales, souffrent d’une grande pauvreté », selon M. François Fondard (409), qui a également précisé que « l’Unaf estime qu’il faut porter une attention particulière aux familles en situation de précarité » et « que les familles monoparentales représentent 16 % de l’ensemble des familles ayant charge d’enfant ».

● De surcroît, il est important de prendre en compte le souhait exprimé par les parents isolés de ne pas être stigmatisés, comme cela a notamment été évoqué au cours du séminaire de travail du 3 novembre dernier, mais aussi lors des échanges avec les responsables du ministère fédéral en charge de la famille (410).

Les enseignements d’une enquête réalisée en Allemagne en 2011 concernant les attentes exprimées par les parents isolés

Pour une mère isolée, être mère est un des éléments centraux de l’image qu’elle se fait d’elle même, mais aucunement le seul. La réussite professionnelle et l’engagement professionnel sont plus importants pour elles que pour les mères vivant en couple.

Par ailleurs, les parents isolés attendent de la société :

– d’être acceptés comme une famille normale au sein d’une société moderne ;

– qu’il n’y ait pas de différenciation par rapport aux autres familles ;

– de ne pas être présentés comme un groupe séparé (les avantages accordés constituent aussi une part de stigmatisation ) ;

– des offres d’emplois et de garde des enfants avec des horaires souples ;

– de ne pas être punis s’ils s’engagent dans un nouveau partenariat (pension alimentaire, régime fiscal).

Source : « Le monde et les réalité des parents isolés » (Lebenswelten und -wirklichkeiten von Alleinerziehenden), étude réalisée par l’Institut Sinus en 2011 (411)

● La subordination à une condition relative à l’isolement d’une prestation ou de tout autre dispositif ciblé, tel que l’allocation de parent isolé (API), peut ensuite soulever des difficultés en termes de contrôle, voire de fraude. À cet égard, Mme Christine Kelly a jugé illégitime que des familles en réalité recomposées puissent bénéficier d’aides sociales destinées à compenser une situation de monoparentalité (412).

● Le principe même d’aides réservées aux parents seuls peut également soulever des questions sociétales.

Sur ce point, les représentants de l’Institut britannique pour la famille et la parentalité (FPI) ont fait état d’un débat concernant le soutien apporté aux parents isolés et de la mesure dans laquelle a pu contribuer au développement des familles monoparentales (413), en expliquant que le FPI considérait pour sa part qu’il s’agissait d’une tendance sociale, et non du résultat d’une politique.

M. Bertrand Fragonard (414) a également évoqué le fait qu’une augmentation éventuelle des prestations en faveur des familles en raison des difficultés particulières qu’elles rencontrent, pourrait aussi poser des problèmes éthiques, selon certaines analyses, au regard des craintes que ce type de mesures ne favorise l’éclatement des familles, voire, dans une certaine mesure, la fraude.

● Enfin, comme le démontre l’étude réalisée par l’équipe de Sciences Po/CEE, Liepp et l’OFCE annexée au présent rapport, les parents isolés ne suivent pas de modèle d’insertion spécifique sur le marché de travail. En effet, lorsqu’on les compare à l’ensemble des mères, « en termes de recours au temps partiel, de contrats temporaires et de travail indépendant, il n’y a pas de spécificités des mères isolées ». En particulier, il apparaît que « le recours au temps partiel et, dans une moindre mesure, les taux d’emploi des mères isolées sont corrélées avec la situation générale des femmes sur le marché du travail. L’augmentation des taux d’emploi des parents isolés passe donc probablement par une politique volontariste concernant l’emploi des mères en général, et des mères de jeunes enfants en particulier. »

Au regard des politiques publiques mises en œuvre dans ce domaine (cf. supra, la section B relative aux politiques de conciliation), ceci semble en effet de nature à expliquer, au moins en partie, que le taux d’emploi des mères isolées soit de plus de 81 % en Suède.

Il convient dès lors d’améliorer les politiques publiques dans le champ de l’articulation, en vue de créer les conditions d’un meilleur équilibre des temps professionnels et familiaux et, parallèlement d’apporter un accompagnement social et professionnel adapté pour répondre aux situations particulières de vulnérabilité des parents isolés.

D.– PRÉCONISATIONS : CRÉER LES CONDITIONS D’UN MEILLEUR ÉQUILIBRE DES TEMPS PROFESSIONNELS ET FAMILIAUX ET AMÉLIORER L’ACCOMPAGNEMENT DES FAMILLES MONOPARENTALES

Pour reprendre la formule d’une étude réalisée pour la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), la conciliation entre le travail et la vie familiale apparaît comme « un défi personnel (et) un enjeu collectif (415) ».

À cet égard, comme l’a très justement fait remarquer le directeur général de l’Anact, M. Jean-Baptiste Obeniche (416), il semble préférable de retenir le terme d’« équilibre » (ou à défaut, d’articulation), plutôt que celui de « conciliation », dans la mesure où ce dernier suggère d’emblée une opposition qui semblerait inéluctable entre les deux sphères, professionnelles et personnelles, et invite également à penser le travail dans un rapport d’assujettissement, alors qu’il peut être un facteur de développement personnel.

Pour créer les conditions d’un meilleur équilibre des temps professionnels et familiaux, plusieurs mesures pourraient être envisagées, en s’inspirant notamment de pratiques observées à l’étranger, concernant les congés parentaux, le dispositif d’accueil de la petite enfance ainsi que le développement de la négociation collective et des bonnes pratiques dans ce domaine.

Parallèlement, il convient de veiller à apporter un accompagnement, social et professionnel, adapté pour répondre aux situations particulières de vulnérabilité concernant les parents isolés.

1. Réformer le congé parental pour favoriser l’accès ou le retour à l’emploi et promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes

a) Fixer le cap d’une réforme allant progressivement vers un congé parental plus court et mieux rémunéré, en prévoyant en son sein une période réservée pour l’un des parents

Ainsi que cela a été souligné plus haut, le système français du congé parental présente principalement deux faiblesses comparativement à d’autres pays européens, concernant ses effets sur l’emploi et les trajectoires professionnelles de ses bénéficiaires, ainsi que sur les inégalités de genres qu’il peut contribuer à conforter.

● Un complément du libre choix d’activité (CLCA) plus court et mieux rémunéré

En s’inspirant des dispositifs mis en place dans différents pays européens, en particulier les pays nordiques ainsi que l’Allemagne (cf. l’encadré ci-après ainsi que les monographies réalisées dans le cadre de l’étude annexée au rapport), il conviendrait tout d’abord de réformer les modalités d’indemnisation de cette prestation, afin que son montant ne soit plus forfaitaire, mais proportionnel au salaire antérieur, en fixant également, de ce fait, un montant minimum.

Dans ce sens, le rapport de Mme Marie-Françoise Clergeau au nom de la Mecss (417) de l’Assemblée nationale s’était prononcé en faveur d’un « congé parental réformé, plus court, mieux indemnisé, partagé et souple ». Par ailleurs, Mme Michèle Tabarot, dans un rapport au Premier ministre remis en 2008 (418), avait préconisé un congé plus court et mieux rémunéré, à hauteur de 67 % du salaire brut.

Ainsi, en s’inspirant du dispositif existant en Allemagne, il conviendrait d’aller progressivement vers un relèvement du CLCA, dont le montant serait fixé de manière proportionnelle au salaire antérieur, par exemple à hauteur des deux tiers. Compte tenu notamment des écarts salariaux persistants entre les hommes et les femmes, cette réforme permettrait ainsi de donner à tous les parents, quel que soit le montant de leurs revenus, un choix réellement libre s’agissant de la garde de leur enfant.

En contrepartie d’une meilleure rémunération et afin notamment de mieux favoriser l’insertion professionnelle de ses allocataires, il conviendrait, d’autre part, de raccourcir la durée du CLCA, en prévoyant également, en son sein, une période réservée pour l’un des parents, par exemple le père (cf. infra).

La réforme du congé parental mise en œuvre en Allemagne en 2006

En 2006, a été mise en place l’allocation parentale d’éducation proportionnelle au revenu, versée pendant un an, en lieu et place d’un dispositif de congé parental de deux ans rémunéré sur une base forfaitaire. Innovation supplémentaire, si les parents se partagent le congé parental, il est prolongé de deux mois. L’allocation parentale mensuelle s’élève à 67 % du revenu antérieur net, 300 euros au minimum et 1 800 euros au maximum.

Tout parent qui exerce une activité professionnelle et l’interrompt à cause de la naissance d’un enfant peut prendre le congé parental. Ce congé peut être pris par la mère, par le père ou par les deux parents, soit successivement, soit dans le même temps. Les parents peuvent prendre le congé parental jusqu’à l’âge de trois ans révolus de l’enfant. Les 12 ou 14 premiers mois sont indemnisés : un parent peut partir en congé parental indemnisé pour une période maximum de 12 mois ; si l’autre parent prend également un congé parental d’au moins deux mois, il a droit à deux mois d’indemnisation supplémentaires.

Selon les évaluations, 96 % des jeunes mères cessent leurs activités professionnelles pour partir en congé parental, dont 90 % pendant un an, et 23 % des jeunes pères partent en congé parental, dont 75 % ne prennent toutefois que deux mois de congé au maximum.

Source : réponse de l’ambassade de France en Allemagne au questionnaire envoyé par les rapporteurs en septembre 2011

Ainsi, en s’inspirant du dispositif mis en place en Allemagne, la durée du CLCA pourrait par exemple être portée à 14 mois, en incluant la période de deux mois réservée à l’autre parent (cf. infra). À cet égard, les rapporteurs ont noté avec intérêt qu’en Allemagne, depuis la réforme intervenue en 2006, « un nombre nettement accru de mères revient rapidement sur le marché de l’emploi », et que les évaluations qui ont été réalisées montrent une moindre activité professionnelle la première année après la naissance, mais aussi « un fort désir de retour au travail » et « les signes d’un retour plus rapide au travail la deuxième année suivant la naissance », selon les représentants du ministère chargé de la famille (419), dont les présentations sont reproduites ci-dessous.

L’analyse de l’impact du congé parental en Allemagne, suite à la réforme de 2006

Impact du revenu parental (420)

– Avec le revenu parental, les parents sont dans une situation économique sûre durant les deux ans suivant la naissance de l’enfant.

– Le revenu parental renforce la cohésion au sein du couple.

– L’activité professionnelle des mères subit une mutation en fonction de leurs souhaits : les mères sont plus nombreuses à se consacrer à leur enfant pendant l’année suivant la naissance qu’elles ne l’étaient avant l’introduction du revenu parental ; un nombre nettement accru de mères revient rapidement sur le marché de l’emploi. À l’heure actuelle, une mère sur trois ayant des enfants entre un et deux ans travaille.

Évaluation, avec le ministère des finances, de prestations liées à la famille, analyse d’impact et suivi du revenu parental au sein du ministère fédéral chargé de la famille

– Deux évaluations du revenu parental ont été faites jusqu’à présent à la demande du BMFSFJ (421) : en 2008 et en 2009 par le RWI. Le suivi (monitoring) régulier du revenu parental à la demande du BMFSFJ examine si ce revenu parental atteint les objectifs qui ont motivé la loi. Aucune autre prestation légale n’a fait l’objet d’un examen aussi intensif depuis son introduction. Tous les résultats ont été publiés.

– Objectif de l’examen : amélioration constante de la prestation. Au-delà du suivi (monitoring), dans le cadre de l’évaluation d’ensemble de prestations liées au mariage et à la famille, le BMFSFJ et le ministère fédéral des finances (BMF) examinent en commun, jusqu’en 2013, l’interaction entre une multitude de prestations liées à la famille en vue d’atteindre des objectifs primordiaux de politique familiale (422).

– Des études réalisées sur le revenu parental et le congé parental d’éducation, il ressort que 91 % de l’ensemble de la population connaissent le revenu parental et 90 % des parents le percevant voient en lui une prestation particulièrement importante pour la famille (cette perception ne varie que très peu entre parents appartenant à différentes catégories de revenus : 88 % des bas revenus et 83 % des revenus élevés la partagent) ainsi qu’une forte identification de la politique familiale avec le revenu parental. Cette prestation est très appréciée de la population. Son introduction a été perçue comme un signal fort de l’assistance de l’État aux familles.

– Les évaluations font également apparaître : un degré élevé de stabilité économique pour les familles les deux années suivant la naissance ; une moindre activité professionnelle des mères (période de répit) l’année suivant la naissance (Institut de recherche économique allemand, RWI) ; un fort désir de retour au travail et des signes d’un retour plus rapide au travail la deuxième année suivant la naissance (RWI, DIW) ; un retour plus rapide des mères dont le partenaire perçoit le revenu parental (RWI 2009) ; des effets positifs du revenu parental sur la fertilité des femmes bénéficiant d’une qualification, avérés régionalement.

Source : ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse (423)

● Une période spécifique non transférable pour un congé parental mieux partagé entre les hommes et les femmes

La directive du 8 mars 2010 précitée sur le congé parental, qui porte application de l’accord-cadre sur le congé parental conclu en juin 2009 par les partenaires sociaux, consacre le principe d’un droit au congé parental individuel propre à chacun des deux parents, auquel il est possible de déroger par transfert des droits de l’un à l’autre parent, sauf pour une durée d’un mois non transférable. En effet, selon l’accord-cadre, « l’expérience montre que la non-transférabilité du congé est susceptible d’inciter les pères à le prendre, de sorte que les partenaires sociaux européens conviennent d’en rendre une partie non transférable ». L’accord-cadre prévoyait en effet que « le congé est accordé pour une période d’au moins quatre mois et, pour promouvoir l'égalité de chances et de traitement entre les hommes et les femmes, il ne devrait pas, en principe, pouvoir être transféré. Pour favoriser l’égalité entre les deux parents en matière de congé parental, au moins un des quatre mois de congé ne peut être transféré. Les modalités d’application de la période non transférable sont arrêtées au niveau national par voie législative et/ou par des conventions collectives, en fonction des dispositions en matière de congé en vigueur dans les États membres. »

Dans son rapport précité, Mme Brigitte Grésy (424), inspectrice générale des affaires sociales, a par ailleurs préconisé de raccourcir le complément de libre choix à un an, en isolant, au sein de cette période, « deux mois non transmissibles pour l’autre parent ».

Dans cet esprit, il conviendrait de réformer le dispositif français pour instituer une telle partie non transférable au sein du CLCA, par exemple en prévoyant une période de deux mois, qui seraient réservés pour le parent n’ayant pas pris l’intégralité de la durée restante du congé, et qui seraient donc perdus si celui-ci ne les prend pas.

Plusieurs pays en Europe ont d’ailleurs mis en place ce type de dispositif, voire même des aides financières (cf. le tableau ci-après), afin de promouvoir un meilleur partage du congé parental entre les parents.

Lors de leur déplacement à Berlin, les rapporteurs ont également pu mesurer les effets positifs, concernant l’implication des pères, de l’introduction d’une période spécifique pour l’un des parents au sein du congé parental (cf. l’encadré ci-après sur l’impact des mois accordés en cas de partage du congé parental).

LE DÉVELOPPEMENT DES « QUOTAS DU PÈRE », « MOIS DU PARTENAIRE » OU « BONUS D’ÉGALITÉ » : QUELQUES EXEMPLES EN EUROPE

Pays

Nature et modalités de la période réservée à l’autre parent ou non transférable

Allemagne

Les parents éligibles peuvent prendre un congé parental individuel ou commun. Pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2007 (loi du 5 décembre 2006), le parent qui cesse de travailler bénéficie d’un congé parental d’une durée de 12 mois (14 pour les parents isolés), le congé postnatal de maternité étant pris en compte dans le congé parental. Si le congé parental est partagé entre les deux parents, sa durée maximale est portée à 14 mois. Les parents se partagent alors ces 14 mois comme ils l’entendent sous la réserve suivante : chacun d’eux doit prendre au minimum deux mois (425) et au maximum douze mois. Ces deux mois supplémentaires sont clairement destinés à inciter les pères à participer davantage à l’éducation de leurs enfants (étude annexée au présent rapport).

Finlande

Une première réforme importante a eu lieu en 1995 visant à promouvoir l’égalité entre les sexes. Constatant qu’en 1993, moins de la moitié des pères prenaient un congé, et que ceux-ci ne prenaient qu’un dixième des jours disponibles, les pouvoirs publics ont décidé d’introduire un mois de congé non transférable entre les deux parents, ce mois étant perdu pour les deux parents si le père ne le prend pas. En 2002, la durée du congé parental a été portée à seize mois, en même temps que chaque parent s’est vu attribuer deux mois non transférables (ambassade de France en Finlande).

Islande

La loi sur les congés de maternité/paternité et les congés parentaux a été revue en 2000. Le congé parental a été prolongé pour passer de six à neuf mois. Sur toute cette période, trois mois doivent être pris par la mère et trois par le père. Les parents peuvent décider librement de la répartition des trois mois restants (426). (Alliance européenne pour les familles)

Norvège

Le droit au congé parental a été porté depuis juillet 2009 à 56 semaines, assorti d’une couverture égale à 80 % du salaire, ou, au choix, 46 semaines compensées à 100 %. En 2009, la durée du congé parental a été prolongée de 4 semaines, le portant à 56 semaines. Dix semaines de ce congé (contre 6 depuis l’introduction de ce quota en 1993) ne sont pas « transférables » à la mère, et donc perdues, si le père ne les utilise pas. Pour le moment, si la quasi-totalité des pères prennent leurs six semaines, ils restent très minoritaires à dépasser ce seuil (ambassade de France en Norvège)

Portugal

En mai 2009, le Portugal a modifié sa législation relative aux congés familiaux. Dans le cadre de cette réforme, les notions de congés maternité et paternité ont, été abrogées et les notions de licença parental inicial et de licença parental complementar leurs ont été substituées. C'est-à-dire qu'il n'existe plus, formellement, de "congé maternité", mais bien un congé (licença) partagé entre le père et la mère. Dans la partie "inicial" de ce congé, il existe une période obligatoire exclusive pour la mère de 45 jours (ambassade de France au Portugal). Les parents peuvent opter pour un congé parental de 120 jours calendaires rémunéré à 100 % de leur revenu de référence ou de 150 jours calendaires à 80 % de ce revenu. Pour des raisons de santé, les 42 premiers jours qui suivent la naissance sont réservés aux mères. Dans les 30 jours qui suivent la naissance, le père est tenu de prendre 10 jours ouvrables de congé de paternité, payés à 100 % de son revenu de référence (dont 5 jours juste après la naissance). Il peut ensuite prendre 10 jours de congé supplémentaires, en même temps que la mère. Au terme des 42 jours de congé réservés à la mère, les parents peuvent se partager la période restante, en bénéficiant d’un bonus de 30 jours si chacun des deux utilise au moins 30 jours consécutifs ou deux périodes de quinze jours de congé. Dans ce cas, le congé parental initial sera porté à 150 jours calendaires à 100 % du revenu de référence ou 180 jours à 83 % du revenu de référence. En juin 2010, 85 % des pères avaient utilisé les 10 jours obligatoires du congé de paternité et 26 % avaient partagé ce congé parental initial de 120 ou 150 jours avec la mère. ce congé initial s’ajoute le droit à un congé parental non transférable de trois mois, pour chacun des parents. Même s'il n'est rémunéré qu'à 25 % du revenu de référence, il est assimilé à un revenu complet pour le calcul de la pension. (Alliance européenne pour les familles)

Suède

En Suède, le droit au congé parental est familial mais accompagné de quotas individuels pour les deux parents. Le congé parental (föräldraledighet) est d’une durée de 480 jours (soit environ 16 mois) et peut être pris à temps plein ou à temps partiel (…). En théorie, chaque parent se voit attribuer 240 jours, mais un parent peut transférer ses jours (sauf 60 jours qui restent non transférables) à l’autre parent en en faisant la demande auprès de la caisse d’assurance. (..) Un « bonus d’égalité » a été introduit en juillet 2008, qui fonctionne comme un crédit d’impôt. Chaque jour (au-delà des 60 jours non transférables) pris par l’autre parent permet de cumuler un crédit d’impôt pour le parent ayant pris le plus de jours. Plus la répartition du congé est égale, plus ce crédit d’impôt est important. Le montant du crédit d’impôt (soldé une fois que la totalité des jours de congé ont été pris) est limité à 13 500 SEK (1 495 euros) par enfant (étude annexée au présent rapport)

Sources : réponses des ambassades au questionnaire adressé par les rapporteurs en septembre, étude de Sciences Po/CEE, Liepp et OFCE annexée au présent rapport et site internet de l’Union européenne – Alliance européenne pour les familles

L’analyse de l’impact des mois accordés en cas de partage du congé parental en Allemagne selon le ministère fédéral chargé de la famille

Hausse constante de la participation des pères :

– 24,4 % des pères d’enfants nés au 1er trimestre 2010 ont perçu le revenu parental, ce chiffre dépassant même 30 % dans certains Länder ;

– en comparaison, la participation des pères n’était encore que de 21 % en 2008 et seuls 3,5 % des pères percevaient l’ancienne allocation parentale d’éducation ;

– cet engagement accru des pères aide aussi les mères et renforce les liens entre le père et l’enfant.

Source : ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse (éléments communiqués lors de l’entretien à Berlin du 7 novembre 2011)

À cet égard, on peut observer que le terme de « quota du père », pour désigner cette période non transférable, a le mérite d’être immédiatement compréhensible, mais aussi l’inconvénient de suggérer que c’est donc, en principe, la mère qui prend la part prépondérante du congé parental – il en va d’ailleurs de même d’expressions telles que « écoles maternelles », « assistant maternel », « l’heure des mamans », etc. Aussi semblerait-il préférable, concernant cette période, d’évoquer plutôt le terme de quotas, ou encore de « mois d’égalité », par exemple.

Par ailleurs, selon l’étude annexée au présent rapport, en Suède, « le gouvernement mène régulièrement des campagnes de sensibilisation pour encourager les pères à prendre une plus grande part du congé parental. Ces campagnes de sensibilisation visent également les entreprises. Au fil des années, les entreprises, notamment les plus grandes, sont devenues de plus en plus sensibilisées à la question de l’implication des pères dans la prise en charge des jeunes enfants et de nombreuses entreprises ont mis en place des dispositifs pour inciter les pères à prendre un congé. » Des actions de sensibilisation ainsi qu’une campagne publique ont également été organisées au Royaume-Uni afin de promouvoir la participation des pères à l’éducation des enfants (427).

De même, il pourrait être envisagé d’organiser une campagne de sensibilisation en France sur ces questions, pour accompagner la réforme proposée du congé parental.

● Une démarche progressive

Il conviendrait d’adopter une démarche progressive et pragmatique pour la mise en œuvre de cette réforme, qui pourrait s’étaler sur plusieurs années en tenant compte du développement de l’offre de garde de la petite enfance, de la conjoncture économique, ainsi que de l’évaluation de l’impact de la réforme (428).

Par ailleurs, les dispositions actuellement prévues par le code du travail concernant le congé parental d’éducation pourraient être maintenues. Ainsi, au-delà de la première année, les parents qui le souhaiteraient pourraient interrompre leur activité professionnelle, sans être rémunérés, mais en étant protégés par le droit de travail, et donc assurés de retrouver leur emploi à la fin du congé parental.

Recommandation n° 12 : En s’inspirant des dispositifs mis en place en Suède et en Allemagne notamment :

– aller progressivement vers une allocation de congé parental (CLCA) d’un montant plus élevé et proportionnel au salaire antérieur, à hauteur des deux tiers, jusqu’à un montant maximum, et sur une période plus courte, de 14 mois ;

– prévoir une période non transférable réservée à l’un des parents au sein du congé parental (« mois d’égalité »), de 2 mois, et organiser parallèlement des campagnes de sensibilisation concernant la parentalité masculine.

b) Apporter un accompagnement renforcé vers la formation et l’emploi aux bénéficiaires du complément du libre choix d’activité

Comme l’a rappelé M. Bertrand Fragonard (429), toutes les mères au foyer et allocataires du CLCA ne sont pas en congé parental, au sens du droit du travail, en préconisant par ailleurs d’améliorer l’accompagnement de ces femmes qui souhaitent retravailler, surtout les mères de jeunes enfants.

En effet, une proportion significative des mères bénéficiant du CLCA ne sont pas en position de congé parental et sont donc ensuite à la recherche d’un emploi. Dans un avis adopté par consensus en février 2010 (430), le Haut conseil de la famille a jugé « nécessaire d’apporter un accompagnement renforcé vers la formation et vers l’emploi, ainsi que de meilleures garanties dans l’emploi aux bénéficiaires du CLCA et aux parents de jeunes enfants, en ciblant en priorité les personnes non couvertes par le congé parental » (au sens du droit du travail). Plusieurs outils étaient envisagés dans cette perspective, notamment :

– le repérage par la caisse d’allocations familiales (CAF) de la situation des parents à leur entrée dans le CLCA, afin de pouvoir apporter une information spécifique à ceux qui ne seront pas couverts par un congé parental ;

– pour ces derniers, une proposition de bilan personnalisé deux mois avant la fin du CLCA ;

– la désignation d’un référent au sein de la CAF pouvant assister les parents dans la recherche d’un mode d’accueil de leur enfant, soit occasionnel pendant la recherche d’emploi, soit plus durable pendant la formation ou la reprise d’emploi ;

– une offre spécifique au sein de Pôle Emploi, comportant notamment une offre renforcée en matière de formation professionnelle.

Le directeur général de Pôle Emploi, M. Christian Charpy (431), a également souligné tout l’intérêt qu’il y aurait à engager des actions en direction des personnes allocataires d’un CLCA. Des premières pistes de réflexion avaient d’ailleurs été étudiées par Pôle emploi, présentées ci-dessous.

Les premières pistes éventuelles pour préparer certains bénéficiaires du CLCA à reprendre une activité professionnelle

« Dans le cadre de nos missions en direction des actifs et sous réserve d’une inscription en catégorie qui reste à définir, Pôle emploi pourrait proposer une offre de services pour faciliter l’accès au monde du travail des publics qui en sont éloignés, dont les personnes souhaitant reprendre une activité professionnelle après un CLCA et ne bénéficiant pas de droit au congé parental font partie. Le type de prestation d’offre de services pourrait, sur la base de l’offre de services pour les publics éloignés de l’emploi et dès lors que les CAF (caisses d’allocations familiales) nous ont permis d’identifier ces populations :

– deux mois avant l’IDE (inscription comme demandeur d’emploi) (…), intervenir de manière anticipée au cours du CLCA avec l’envoi d’informations sur l’offre de services de Pôle emploi, mais aussi (…) sur le marché du travail, idéalement prenant en compte la dimension « bassin d’emploi » ;

– dès l’IDE, dans le cadre d’un parcours approprié : une dimension orientation et formation sur les différentes options précisées en amont ; un accompagnement spécifique pour préparer au monde de l’entreprise et faciliter l’intégration dans l’entreprise (…) ;

– suivi dans l’emploi pour s’assurer de l’employabilité dans la durée des personnes identifiées comme ayant ce besoin. »

Source : Pôle emploi, annexe n° 2 à la note adoptée par le Haut conseil de la famille, Problématiques et voies de réformes du complément de libre choix d’activité, en février 2010

M. Christian Charpy (432), a toutefois indiqué qu’actuellement les agences de Pole emploi ne sont pas en mesure d’engager de telles actions, dans la mesure où elles ne disposent pas d’informations concernant la liste des allocataires du CLCA, en suggérant dès lors que ces informations soient transmises à Pole emploi par les Caf plusieurs mois avant la fin du CLCA. Une offre de services dédiée pourrait ensuite être proposée à ces allocataires, le cas échéant. Ces dispositions seraient à prévoir, au moins, dans la prochaine Cog entre l’État et la Cnaf.

Recommandation n° 13 : Metttre en place un accompagnement renforcé vers l’emploi et la formation des bénéficiaires du CLCA, et accroître la coopération entre Pôle Emploi et les Caf, en prévoyant en particulier la transmission par ces dernières des listes des allocataires du CLCA à Pôle Emploi, pour lui permettre de proposer une offre de services dédiée.

2. Poursuivre le développement et la diversification de l’offre d’accueil de la petite enfance

Pour permettre une meilleure articulation entre vie familiale et vie professionnelle, un effort significatif a été réalisé afin de développer l’offre de garde de la petite enfance, mais celui-ci doit être poursuivi et amplifié, en améliorant parallèlement les connaissances dans ce domaine.


● Un effort significatif pour développer l’offre d’accueil de la petite enfance au cours des dernières années…

Comme l’a rappelé M. François Fondard, président de l’Unaf (433), « certes, le nombre actuel de places en crèche ne permet pas de couvrir toutes les demandes. Néanmoins, il convient de noter qu’il est passé de 100 000 vers 1995 à 350 000 aujourd’hui, grâce aux plans d’investissement " petite enfance " ».

En particulier, un objectif de création de 200 000 solutions de garde supplémentaires pour l’accueil des jeunes enfants a été fixé en 2009, dont 100 000 pour l’accueil collectif avant 2012. Cet investissement est pris en charge par les collectivités territoriales et par la Cnaf – les ressources de son Fonds national d’action sociale (Fnas) ayant été augmentées à cette fin de 7,5 % par an pour la période 2009 à 2012. Comme l’indique le tableau ci-dessous, le nombre de places d’accueil collectif a progressivement crû, de manière sensible, depuis 2009 (434), de même que le nombre d’enfants supplémentaires de moins de trois ans gardés par un assistant maternel.

SUIVI DE L’OBJECTIF DE CRÉATION DE 200 000 PLACES SUPPLÉMENTAIRES SUR LA PÉRIODE 2009-2012

 

Objectif 2009

Réalisa-tions 2009

Taux de réalisation 2009

Objectif cumulé 2009-2010

Réalisa-tions cumulées 2009-2010

Taux de réalisation 2010*

 

Accueil collectif

Nombre de places nouvelles

12 460

12 400

99 %

27 400

24 820

91 %

60 400

Augmentation de fréquentation par place

10 015

8 175

82 %

19 940

16 815

84 %

39 600

Accueil par un assistant maternel

Nombre d’enfants supplémentaires de moins de 3 ans gardés par un assistant

25 000

21 170

85 %

50 000

42 520

85 %

100 000

* Les données 2010 sont prévisionnelles.

Source : Cnaf et Acoss (PQE Famille annexé au PLFSS pour 2012)


● … qui doit être poursuivi, en raison notamment des enjeux de ce développement en termes d’accès à l’emploi et d’égalité des chances

Comme l’a souligné la Commission européenne (435), « il existe un lien direct entre la disponibilité de structures d’accueil des enfants et les possibilités d’emploi rémunéré pour les parents. Ces structures permettent à ces derniers d’avoir et de conserver un emploi rémunéré tout en améliorant leur qualité de vie et en éliminant une contrainte majeure qui pèse sur leur liberté d’organisation du temps ».

À cet égard, Mme Hélène Périvier, économiste à l’OFCE et coordonnatrice de l’étude annexée au présent rapport, a évoqué, lors du séminaire de travail du 3 novembre 2011, les conclusions d’une étude récente ayant permis d’évaluer les effets de l’obtention d’une place en crèche sur le retour à l’emploi des mères (cf. l’encadré ci-dessous). Il convient également de rappeler qu’en France, 40 % des parents qui se sont arrêtés pour prendre un CLCA auraient préféré continuer à travailler, mais n’ont pas pu le faire parce que leurs conditions de travail étaient trop contraignantes et qu’ils ne trouvaient pas de mode de garde satisfaisant pour leur enfant, selon le Haut conseil de la famille.

L’impact de l’obtention d’une place en crèche sur le retour à l’emploi des mères

À Grenoble comme dans la plupart des grandes villes françaises, le nombre de places en crèches est limité et seule une partie des demandes peuvent être satisfaites. L’enquête menée en 2007 auprès de l’ensemble des familles grenobloises inscrivant un enfant en maternelle permet de comparer la situation des parents dont la demande a été satisfaite avec la situation de ceux dont la demande n’a pas pu être satisfaite. L’enquête révèle que les mères dont la demande de place en crèche a été satisfaite retournent plus facilement dans l’emploi entre la naissance et l’inscription en maternelle, que les mères dont la demande n’a pas pu être satisfaite. L’enquête démontre également que les parents dont la demande de place a pu être satisfaite ont, au moment de l’inscription en maternelle, beaucoup moins d’inquiétudes quant à la santé, au développement de leur enfant et à sa capacité à s’intégrer à l’école que ceux dont la demande de place en crèche n’a pas pu être satisfaite. Les parents dont la demande de place en crèche a été satisfaite ne sont pourtant ni plus, ni moins diplômés que ceux dont la demande n’a pas été satisfaite.

Source : L’effet de l’obtention d’une place en crèche sur le retour à l’emploi des mères et leur perception du développement de leurs enfants, M. Éric Maurin, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), et Mme Delphine Roy, doctorante à l’École d’économie de Paris, Cepremap (mai 2008)

L’accès à des modes de garde de qualité présente également des enjeux importants en termes d’égalité des chances.

En effet, comme l’a souligné Mme Christine Attali-Marot (436), présidente de la commission petite enfance à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), « notre pays compte deux millions d’enfants pauvres. Ce triste constat devrait conduire à infléchir notre politique familiale pour développer l’accès à des modes d’accueil de qualité, comme y poussent tous les grands organismes internationaux (…) qui y voient un moyen de rétablir une certaine égalité des chances, mais aussi de faciliter le parcours professionnel des parents, et ainsi, de contribuer à la diminution de la pauvreté des familles. »

En tout état de cause, il convient de fixer des objectifs ambitieux en termes de développement de l’offre de garde de la petite enfance, concernant en particulier l’accueil collectif, mais aussi de diversification (par exemple, les « classes passerelles (437) », les crèches d’entreprise ou des structures ayant de plus grandes amplitudes horaires), pour mieux répondre aux besoins des parents.

Enfin, pour ne pas annuler le bénéfice de la création de nouvelles places, il est important de veiller à ce que la scolarisation des enfants de moins de trois ans ne diminue pas davantage au cours des prochaines années. En effet, selon l’étude de Sciences Po/CEE, Liepp et l’OFCE annexée au présent rapport, « sur longue durée, on remarque qu’après avoir été stable, autour d’un tiers, pendant presque 30 ans (fin des années 1970 – début des années 2000), le taux de scolarisation des enfants de 2 ans a depuis largement baissé pour atteindre 13,6 % en 2010 ».

L’accueil des jeunes enfants dans une structure éducative adaptée est une condition importante pour la réussite scolaire et constitue un outil majeur de lutte contre les inégalités sociales. À cet égard, l’analyse de l’étude internationale Pisa de 2009 (438) révèle que « les élèves qui ont suivi un enseignement préprimaire tendent à être plus performants. Cet avantage est le plus marqué dans les systèmes d’éducation où l’enseignement préprimaire dure longtemps, où le ratio élèves/enseignant au niveau préprimaire est faible et où les dépenses publiques par élève à ce niveau sont élevées. »

Les écoles maternelles sont un lieu d’apprentissage fondamental du langage, du vocabulaire, de la socialisation et du vivre ensemble, mais aussi un mode de garde complémentaire financièrement accessible à de nombreuses familles, en particulier à des femmes qui souhaitent continuer à travailler.

C’est pourquoi il est important de soutenir le service public de la petite enfance, et de maintenir au moins au niveau actuel la scolarisation des enfants de moins de trois ans.

Recommandation n° 14 : Au regard notamment des pratiques observées dans les pays nordiques, en particulier en Suède, poursuivre le développement de l’offre de garde de la petite enfance, et :

– atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement en termes de création de places, soit 200 000 places supplémentaires, dont la moitié en accueil collectif ;

– définir des objectifs ambitieux dans ce domaine dans la prochaine convention d’objectifs et de gestion (Cog) entre l’État et la Cnaf ;

– afin qu’il s’agisse bien d’une création nette de nouvelles places d’accueil, maintenir au moins au niveau actuel la scolarisation des enfants de moins de trois ans.


● …en améliorant parallèlement les connaissances, concernant notamment les disparités territoriales

Des disparités territoriales existent aujourd’hui en matière d’offre de garde de la petite enfance. Selon les départements (439), le potentiel total d’accueil pour les modes de garde formels varie en effet de 24 à 75 places pour 100 enfants de moins de trois ans, comme l’indique la carte présentée ci-après, un constat analogue pouvant être fait au niveau infra-départemental.

Dans l’analyse des politiques d’articulation entre vie familiale et vie professionnelle annexée au présent rapport, les « disparités territoriales dans l’offre de service d’accueil » ainsi que « la qualité des modes d’accueil et l’égalité d’accès des jeunes enfants [qui] sont variables sur le territoire » sont d’ailleurs clairement identifiés comme l’un des points faibles du système français. De manière plus générale, l’étude souligne également que « les parents, selon leur lieu d’habitation, supportent des coûts de garde sensiblement différents, ce qui modifie les difficultés qu’ont les mères pour travailler ».

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE LA CAPACITÉ THÉORIQUE D’ACCUEIL PAR LES MODES DE GARDE FORMELS POUR 100 ENFANTS DE MOINS DE 3 ANS EN 2009

Source : Drees (PQE Famille annexé au PLFSS pour 2011)

Or les évaluations et données disponibles semblent encore insuffisamment développées dans ce domaine.

Il apparaît tout d’abord difficile d’estimer précisément les besoins de garde, et donc le déficit de l’offre par rapport à ceux-ci. C’est précisément pourquoi le rapport précité de Mme Brigitte Grésy ainsi que les travaux du Haut conseil de la famille ont souligné la nécessité d’acquérir une meilleure connaissance des besoins et de l’offre, à l’échelle globale et par territoire, dans la perspective notamment de la nouvelle Cog qui doit être préparée en 2012, et de déterminer avec plus de pertinence un objectif de progression de l’offre de garde à l’horizon 2015 (440).

En outre, l’étude de Sciences Po et l’OFCE annexée au présent rapport note, concernant la diversité de l’offre de garde entre les régions, qu’« en termes de performances comparées des différents systèmes, ce point mériterait une étude approfondie dans chaque pays. En particulier pour la France, une étude permettant d’évaluer finement la qualité, sur plusieurs dimensions, des modes de garde dans les différents territoires serait nécessaire. Concernant le cas spécifique de la France, une mise en lumière de la situation dans les départements et territoires d’outre mer (Dom-Tom) serait essentielle, car l’ensemble des données présentées [dans cette étude] fait référence à la situation dans la France métropolitaine, or la situation dans les territoires d’outre-mer est beaucoup moins favorable qu’en métropole ». Par ailleurs, cette étude souligne que le coût de certains dispositifs est mal ou pas évalué, s’agissant par exemple de l’accueil périscolaire.

Pour améliorer le pilotage des politiques publiques dans ce domaine et prendre, en particulier, les mesures nécessaires pour corriger les disparités territoriales, il convient dès lors de remédier à ces lacunes en termes d’évaluation.

Recommandation n° 15 : Améliorer les connaissances et réaliser une étude permettant d’évaluer finement les besoins ainsi que les disparités territoriales concernant la qualité et l’offre des modes de garde, en particulier dans les départements et territoires d’outre-mer, et développer les données sur l’accueil périscolaire.

3. Encourager le développement de la négociation collective et des bonnes pratiques en milieu de travail

Au regard notamment des pratiques observées en Allemagne, par exemple dans le cadre du programme « La famille, un facteur de succès » (cf. infra), il apparaît nécessaire d’encourager le développement de la négociation collective ainsi que des bonnes pratiques en entreprise concernant l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle.

a) Encourager le développement de la négociation collective dans le champ de l’articulation entre vies familiale et professionnelle

Selon M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail (441), il semblerait que la question de la conciliation soit spécifiquement identifiée dans quelques dizaines d’accords de branches. Ceci semble relativement peu au regard du nombre de branches professionnelles, qui est de l’ordre de 700. Concernant plus particulièrement les risques psychosociaux, l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le stress au travail, conclu en juillet 2008, évoque notamment « les facteurs subjectifs », considérés comme l’un des quatre facteurs de stress au travail, en faisant référence aux « difficultés de conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle ». Par ailleurs, selon les informations communiquées par la direction générale du travail, il ressort d’une analyse de 230 accords signés dans les entreprises de plus de 1 000 salariés que le thème de l’articulation est identifié dans bon nombre d’entre eux et fait partie du diagnostic. Ces accords peuvent prévoir, par exemple, un aménagement du temps de travail qui tienne compte des situations individuelles.

Dans le champ de l’articulation, ces dispositions issues de la négociation collective apparaissent toutefois assez générales et sont en tout état de cause insuffisamment développées. Dans son rapport précité sur l’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités professionnelles et familiales, Mme Brigitte Grésy (442), inspectrice générale des affaires sociales (Igas), fait ainsi le constat d’une « négociation collective peu vaillante sur le thème de l’articulation et de la paternité ». En effet, selon son analyse, la négociation collective sur le temps de travail n’a pas pris en compte la question de la parentalité, et donc de l’articulation des temps, et « le bilan n’est pas plus favorable dans d’autres champs de négociation comme celui des risques psychosociaux, même s’il progresse dans les accords sur l’égalité professionnelle ».

Mme Brigitte Grésy a préconisé en conséquence d’intégrer la question de l’articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle dans le champ de la négociation triennale de branche sur l’égalité professionnelle. En effet, l’article L. 2241-3 du code de travail (443), qui définit le champ de cette négociation, ne mentionne pas cette question de l’articulation, contrairement aux dispositions du même code relatives aux négociations sur l’égalité au niveau des entreprises (444).

Il conviendrait également de veiller à ce que les partenaires sociaux puissent disposer des informations nécessaires à la négociation triennale de branche sur l’égalité professionnelle, et s’appuyer en particulier sur des informations précises et des indicateurs chiffrés, concernant notamment la question de l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle. Dans le prolongement des préconisations du rapport de l’Igas précité, une modification de l’article D. 2241-7 du même code (445) serait dès lors nécessaire, après consultation des partenaires sociaux. En outre, afin d’améliorer le suivi des mesures adoptées dans ce domaine, le bilan annuel de la négociation collective, qui est examiné par la Commission nationale de la négociation collective (446), pourrait également comporter des développements spécifiques concernant la question de l’articulation.

Au-delà des dispositions législatives et réglementaires, il convient enfin de veiller à ce que les accords conclus ne contribuent pas à conforter une vision stéréotypée des genres, en faisant trop explicitement ou implicitement référence aux mères, et non à la parentalité en général, comme l’a souligné le directeur général de l’Anact, M. Jean-Baptiste Obeniche (447).

En outre, le développement de la négociation collective dans le champ de l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle pourrait opportunément s’accompagner d’une présence accrue des femmes au sein des délégations syndicales, qu’il s’agisse des organisations de salariés ou d’employeurs, compte tenu de leur représentation encore limitée dans ces délégations, comme l’a observé M. Jean-Denis Combrexelle (448).

Recommandation n° 16 : Afin d’encourager le développement de la négociation collective concernant l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, dans le prolongement des préconisations du rapport de Mme Brigitte Grésy de juin 2011 :

– inscrire la question de l’articulation dans le champ de la négociation triennale de branche sur l’égalité professionnelle ;

– définir en conséquence les indicateurs pertinents, concernant la question de l’articulation, pour la négociation triennale de branche sur l’égalité professionnelle (par voie réglementaire), et améliorer le suivi des actions en faveur de l’articulation dans le cadre du bilan annuel de la négociation collective.

b) Favoriser le développement des bonnes pratiques en entreprise

En France, plusieurs mesures ont été mises en place afin d’encourager le développement de mesures favorables à l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle en milieu de travail (449).

À cet égard, le président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise, M. Jérôme Ballarin (450), a rappelé la création récente de la charte de la parentalité en entreprise, qui a été présentée le 11 avril 2008 par M. Xavier Bertrand, alors ministre du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et de Mme Nadine Morano, alors secrétaire d’État chargée de la famille. La charte a notamment pour objectif d’inciter les entreprises à créer « un environnement où les salariés-parents peuvent mieux concilier leurs vies professionnelle et familiale » ainsi que « de faire évoluer les représentations liées à la parentalité dans l’entreprise ».

Selon M. Jérôme Ballarin, la charte a déjà été signée par plus de 300 entreprises et associations, et environ 2,5 millions de salariés sont aujourd’hui concernés par celle-ci.

● L’évaluation de l’impact du crédit d’impôt famille (Cif)

La loi de finances pour 2004 (451) a créé un crédit d’impôt imputable sur l’impôt sur les bénéfices des entreprises qui réalisent certaines dépenses permettant à leurs salariés ayant des enfants à charge de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale, dit « crédit d’impôt famille » (Cif).

Le taux du crédit d’impôt varie en fonction de la nature des dépenses engagées par l’entreprise : il est notamment de 50 % pour le financement de la création ou du fonctionnement de crèches et de 25 % pour la prise en charge partielle des chèques emploi service universel (Cesu), afin notamment d’aider les salariés pour l’achat de services de garde d’enfants. Jusqu’en 2010, les dépenses de formation engagées en faveur des salariés bénéficiant d’un congé parental d’éducation étaient également éligibles à ce dispositif. Il convient par ailleurs de rappeler que, dans le cadre du plan de développement de l’offre de garde pour la petite enfance sur la période 2009-2012, l’objectif de création de 200 000 places prévoyait notamment 100 000 nouvelles places en accueil collectif, dont 10 000 dans des crèches d’entreprise. Les dépenses publiques correspondant au Cif représentent 36 millions d’euros en 2011 (452) et environ 4 800 entreprises en bénéficient (453).

M. Ballarin a estimé que le Cif à destination des entreprises constituait une très bonne mesure, mais que les plafonds, vite atteints, peuvent dissuader des entreprises de mettre en œuvre des projets de taille adaptée. Il convient néanmoins de préciser que le plafond des dépenses éligibles à ce crédit d’impôt est actuellement de 500 000 euros par an et par entreprise, ce qui est tout de même significatif. Par ailleurs, une modification de ce dispositif peut apparaître prématurée, dans la mesure où il semblerait qu’il n’ait pas fait l’objet d’une évaluation approfondie récemment, concernant notamment son impact et les réformes possibles, voire nécessaires.

À cet égard, si le Cif n’a pas fait l’objet d’une mission d’évaluation appronfodie dans le cadre du rapport récent de l’inspection générale des finances (IGF) sur les dépenses fiscales et les niches sociales (454), la fiche de synthèse relatif à ce crédit d’impôt, figurant en annexe de ce rapport, souligne néanmoins que le taux de recours au dispositif est « probablement élevé, compte tenu de la publicité accordée au dispositif, mais [qu’] il n’existe pas d’enquête permettant de le démontrer, s’agissant d’un crédit d’impôt ». Concernant la capacité du dispositif à exercer l’effet incitatif recherché, « à [leur] connaissance, il n’existe pas d’évaluation sur l’effet d’entraînement que ce dispositif produit en matière de création de places de crèches ». Enfin, l’objectif du dispositif serait formulé dans des termes trop généraux pour se prêter à une évaluation, selon ce rapport, qui note également qu’il a évolué substantiellement récemment et que, plus généralement, l’efficacité de ce dispositif par rapport aux autres dispositifs existants n’a pu être évaluée.

En outre, concernant le Cif et, plus généralement, les mesures mises en place en faveur des entreprises, l’étude de Sciences Po/CEE, Liepp et OFCE annexée au présent rapport évoque notamment les risques d’une inégalité croissante entre salariés, dans la mesure où ce sont essentiellement les grandes entreprises qui sont concernées par ces dispositifs (455).

Il serait donc intéressant qu’une évaluation approfondie de ce dispositif soit réalisée, par exemple par l’Igas ou par la Cour des comptes, afin notamment d’analyser son impact en termes de création de places de crèches et d’examiner quels ont été les changements observés suite à la création d’une crèche d’entreprise, et la perception qu’en ont les salariés, mais aussi quel a été leur taux de remplissage. Cette étude pourrait également évaluer les conditions dans lesquelles les entreprises sont informées de ce dispositif et l’utilisent, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), ou encore dans quelle mesure il avait été mobilisé pour proposer des formations aux salariés en congé parental.

● Le soutien au développement des bonnes pratiques en entreprise, en renforçant notamment le rôle de l’Anact

En 2006, l’Allemagne a lancé un programme dénommé « La famille, un facteur de succès » (Erfolgsfaktor Familie), bénéficiant d’un financement du ministère fédéral chargé de la famille et du Fonds social européen (FSE), et dont le coût est évalué à 50 millions d’euros. Comme le précise l’étude de Sciences Po annexée au présent rapport, ce programme est axé sur des partenariats stratégiques avec des associations professionnelles et des partenaires sociaux, à travers la constitution d’un réseau de quelque 3 000 entreprises qui se sont engagées à mener une politique respectueuse des familles (cf. l’encadré ci-après concernant la présentation détaillée de ce programme). Il comprend notamment des mesures innovantes, comme l’organisation d’un audit au terme duquel les sociétés peuvent se voient décerner un label « Entreprise favorable à la conciliation » (Familiefreundlicher Betrieb), ou encore l’incitation au développement des crèches d’entreprise dans les petites et moyennes entreprises (456).

Au Royaume-Uni, les représentants de la Confédération des employeurs (Confederation of british industry, CBI) entendus par les rapporteurs lors de leur déplacement à Londres (457), ont également rappelé qu’une consultation nationale avait été lancée par le Gouvernement en mai 2011 (Consultation on modern workplace, ou « consultation sur les lieux de travail modernes », concernant en particulier le congé parental, la flexibilité des conditions de travail et les écarts salariaux), en vue notamment de favoriser les pratiques favorables aux familles dans les entreprises (family friendly).

Programme d’entreprises allemand « La famille : facteur de succès » – Initiative « Des heures de travail adaptées aux exigences de la famille »

Le programme a pour principales finalités d’inscrire la prise en compte des besoins des familles dans l’agenda des gestionnaires, de sensibiliser les entreprises aux avantages d’une politique du personnel adaptée aux exigences de la famille, et de faire de la prise en compte des besoins des familles l’image de marque de l’économie allemande.

Les partenariats stratégiques. Les associations nationales du secteur économique (Association des chambres de commerce et d‘industrie allemandes, Confédération des organisations patronales, BDA, Union centrale de l’artisanat allemand), les syndicats (Fédération des syndicats allemands, DGB) et les grandes fondations (Hertie, Bertelsmann) soutiennent le programme d’entreprises en lançant leurs propres projets. De hautes personnalités du secteur économique et des syndicats sont identifiées comme les représentants de ce programme, portant la responsabilité commune de mieux prendre en compte les besoins des familles. Par ailleurs, 16 entrepreneurs ou entrepreneuses renommés jouent le rôle d’interlocuteurs au niveau des Länder (ambassadeurs régionaux).

Le réseau d’entreprises au cœur du partenariat. Initiative lancée par le ministère allemand chargé de la famille et de l’Association des chambres de commerce et d’industrie allemandes (DIHK), le réseau comprend environ 3 700 employeurs favorisant ouvertement une politique de ressources humaines adaptée aux besoins des familles. Le réseau constitue une plate-forme pour des employeurs engagés, fournit des informations sur des champs d’actions et soutient des coopérations. Un service d’information et de conseil a été mis en place dans la Maison du patronat allemand (Haus der Deutschen Wirtschaft), à Berlin, et les 80 chambres de commerce et d’industrie servent d’institutions-relais dans les régions. Enfin, une journée annuelle des entreprises « La famille : facteur de succès » est organisée à Berlin, en présence notamment de la ministre en charge de la famille et du président du DIHK.

Les objectifs. Ils consistent à : créer une acception moderne et intelligente du concept des heures de travail flexibles, en introduisant une nouvelle perspective « flexible et favorable à la famille » ; publier de bonnes pratiques existantes par rapport à des horaires de travail favorables à la famille pour ainsi montrer aux employeurs et aux employés des marges de manœuvre inconnues ; présenter les possibilités et les avantages d’un équilibrage des intérêts (dans le cadre juridique existant) pour les employeurs ainsi que pour les employés ; offrir de meilleures opportunités de carrière aux mères, et plus de temps en famille aux pères ; amortir les effets de l’évolution démographique sur le marché du travail et soutenir le développement d’heures de travail adaptées aux exigences de la famille, en tant que modèles efficaces pour attirer et conserver de la main d’œuvre qualifiée.

Les réalisations : « convaincre par l’exemple ». Une banque de données rassemblant des " rapports d’expérience " de plus de 120 employeurs et employés qui ont réussi à pratiquer des horaires variables, rend cette approche crédible (« Beaucoup plus de formules de travail qu’on ne le croirait »). Il s’agit également de faciliter la mise en place de mesures au sein des entreprises grâce à des aides concrètes (guide, site internet) et de campagne d’annonces publicitaires (novembre à décembre 2010). Au niveau local, des manifestations sont organisées par les chambres de commerce et d’industrie, avec la participation de la ministre chargée de la famille, ainsi que des forums spécialisés régionaux, en coopération avec le bureau du réseau « La famille : facteur de succès », ayant lieu dans les chambres de commerce et d’industrie en tant qu’ « institutions-relais ».

Source : ministère fédéral de la familles, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse (éléments communiqués lors de l’entretien à Berlin du 7 novembre 2011)

Aux Pays-Bas, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle constitue un objectif majeur des politiques publiques en direction des familles, le gouvernement ayant distingué plusieurs priorités dans ce domaine, selon les informations transmises par l’ambassade de France aux Pays-Bas, notamment :

– favoriser un équilibre entre la famille et le travail en incitant au travail à la maison et au télétravail, un assouplissement des règles relatives aux conditions de travail étant notamment prévu dans le cadre d’un projet de loi ;

– encourager une attitude favorable aux familles chez les employeurs pour que ceux-ci flexibilisent les horaires de travail, offrent des possibilités de garde d’enfants et soutiennent la participation des femmes au travail ;

– encourager la participation paternelle à la vie familiale, à travers notamment la réalisation d’une recherche portant sur les obstacles que rencontrent les pères qui souhaitent participer davantage à la vie familiale ;

– organiser une campagne d’information sur les différentes mesures de flexibilisation du travail (Het nieuwe werke, « Une nouvelle façon de travailler), avec comme point culminant la semaine du 8 novembre 2011.

En France, en revanche, plusieurs personnes auditionnées, notamment M. Claude Martin, sociologue (458), et Mme Jeanne Fagnani, consultante auprès de l’OCDE (459), ont estimé que l’implication des entreprises pourrait être plus importante en matière d’articulation entre vie familiale et vie professionnelle, par rapport notamment à d’autres pays européens, notamment l’Allemagne.

Dans cette perspective, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) pourrait être chargée de diffuser les informations et les bonnes pratiques en matière d’articulation ainsi que d’accompagner des entreprises dans ce domaine (460).

Par ailleurs, le président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise, M. Jérôme Ballarin (461), a souligné l’importance des questions relatives au management et à la formation, initiale et continue, de l’encadrement, et ce dans les secteurs public et privé, en jugeant par ailleurs que la puissance publique pourrait être plus incitative dans ce domaine.

Il est en effet important de veiller à la formation et à la sensibilisation de l’encadrement aux questions d’articulation entre le travail et la vie familiale ainsi qu’à leurs enjeux managériaux.

Les directeurs des ressources humaines (DRH) des entreprises doivent en effet penser l’organisation du travail (horaires, prise en compte des modes de garde des enfants…), en fonciton d’un objectif de meilleure conciliation travail/famille, qui vise à favoriser une paternité active et un véritable partage des tâches familiales, y compris ménagères dans le couple, par une meilleure implication des hommes (double journée de travail pour les femmes).

● La nécessité d’étudier toutes les possibilités pour favoriser la mixité au sein des instances de direction des entreprises

La loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 sur la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle a constitué une avancée significative dans ce domaine. Toutefois, comme cela a été évoquée à plusieurs reprises lors des auditions, notamment celle du directeur général du travail, M. Jean-Denis Combrexelle (462), les femmes sont encore peu représentées dans les instances de direction des entreprises, tels que les comités exécutifs et comités de direction des entreprises. En effet, selon une étude réalisée par le cabinet Mac Kinsey (463), la part des femmes dans les comités de direction des principales entreprises européennes n’était que de 9 % en France en 2008, contre 11 % en moyenne en Europe, et 27 % en Suède.

Il apparaît dès lors nécessaire d’étudier toutes les mesures susceptibles de promouvoir davantage de mixité au sein des instances de direction des entreprises, tout en prenant en compte la différence de nature profonde entre :

– les conseils d’administration et les conseils de surveillance, d’une part, qui sont des organes définis par la loi et régis par le droit des sociétés, obéissant à une logique institutionnelle ;

– et les comités de direction et les comités exécutifs, d’autre part, qui s’inscrivent dans une logique contractuelle.

Par ailleurs, on peut penser que la féminisation accrue des conseils d’administration sera de nature à les rendre plus sensibles aux questions relatives à la politique d’égalité au sein des entreprises, concernant notamment la mixité au sein des comités de direction. D’autres mesures pourraient être envisagées dans ce sens, concernant par exemple les deux points suivants.

Depuis la loi précitée du 27 janvier 2011, le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, selon l’organisation adoptée par la société, devra désormais délibérer annuellement sur la politique de la société en matière d’égalité professionnelle et salariale (464). Dans les sociétés devant établir le rapport sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans l’entreprise (cf. infra, ce rapport de situation comparée devant notamment comporter des indicateurs concernant le positionnement dans l’entreprise) et dans celles qui mettent en œuvre un plan pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le conseil délibérera sur cette base. Il pourrait dès lors être envisagé de préciser explicitement dans la loi, ne serait-ce qu’à titre symbolique, que cette délibération annuelle doit notamment permettre d’évoquer la question de la mixité au sein des comités de direction ou des comités exécutifs des entreprises.

Une autre voie d’amélioration pourrait être de prévoir l’adjonction du rapport de situation comparée au rapport annuel du conseil d’administration, qui est adressé à l’assemblée générale des actionnaires.

Il convient à cet égard de rappeler que, conformément aux dispositions prévues par le code de travail (465), dans les entreprises de plus de 300 salariés, ce rapport doit comporter « une analyse permettant d’apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale. Il est établi à partir d’indicateurs pertinents, reposant notamment sur des éléments chiffrés, définis par décret et éventuellement complétés par des indicateurs tenant compte de la situation particulière de l’entreprise. Il recense les mesures prises au cours de l'année écoulée en vue d'assurer l'égalité professionnelle, les objectifs prévus pour l'année à venir et la définition qualitative et quantitative des actions à mener à ce titre ainsi que l’évaluation de leur coût. » Par voie réglementaire, ont également été définis des indicateurs visant à analyser les conditions dans lesquelles s’articulent l'activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale des salariés (indicateurs concernant les congés et l’organisation du temps de travail dans l’entreprise). Par ailleurs, la négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle dans l’entreprise (466) s’appuie sur les éléments de ce rapport de situation comparée, qui est transmis aux délégués syndicaux ainsi qu’aux membres du comité d’entreprise.

Comme l’Assemblée nationale en avait approuvé le principe (467) lors de l’examen en première lecture de la proposition de loi précitée sur la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration (468), il serait opportun de prévoir que ce rapport de situation comparée soit annexé au rapport annuel de l’entreprise et transmis à l’assemblée générale. Ces dispositions avaient en effet vocation à infléchir les pratiques actuelles et à favoriser des progrès tangibles, en renforçant la transparence sur les orientations dans ce domaine et les résultats observés au sein de chacune des entreprises concernées.

Recommandation n° 17 : En s’inspirant notamment de l’implication des entreprises dans le champ de la conciliation entre famille et travail en Allemagne, soutenir le développement des bonnes pratiques et :

– procéder à une évaluation approfondie du crédit d’impôt famille (Cif) en faveur des entreprises qui réalisent certaines dépenses pour aider leurs salariés à mieux articuler vie familiale et vie professionnelle ;

– confier à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) une mission de diffusion des bonnes pratiques et d’accompagnement des entreprises dans le domaine de l’articulation ;

– veiller à la formation et la sensibilisation de l’encadrement aux questions relatives à l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle ; les directeurs des ressources humaines (DRH) de l’entreprise doivent penser l’organisation du travail (horaires, prise e compte des modes de garde des enfants…), en fonction d’un objectif de meilleure conciliation travail/famille, qui vise à favoriser une paternité active et un véritable partage des tâches familiales ;

– favoriser la mixité au sein des instances de direction des entreprises, en envisageant de préciser explicitement que la délibération annuelle des conseils d’administration sur la politique d’égalité au sein de l’entreprise doit notamment porter sur la question de la mixité au sein des comités de direction, et de prévoir la transmission du rapport de situation comparée entre les hommes et les femmes à l’assemblée générale des actionnaires.

4. Apporter un accompagnement professionnel et social adapté aux parents isolés pour mieux répondre aux situations de vulnérabilité, tout en soutenant l’emploi des parents en général

L’aide à l’insertion professionnelle et sociale des foyers monoparentaux, et particulièrement de ceux qui perçoivent le RSA, doit constituer une priorité de l’action publique.

Dans cette perspective, et tout en développant des politiques universalistes visant à soutenir l’emploi des parents en général, il convient de veiller à la mobilisation de moyens adaptés, que ce soit en termes d’accompagnement social, de formation, d’aides ciblées ou encore d’accès aux modes d’accueil des jeunes enfants. Plusieurs mesures pourraient être envisagées dans ce sens.

a) Améliorer l’information, concernant les aides aux familles et le dispositif du revenu de solidarité active (RSA), et progresser en matière d’accès aux droits

● L’amélioration de l’information des familles concernant les aides existantes…

Il existe aujourd’hui de nombreuses aides en faveur des familles ainsi que des bénéficiaires de minima sociaux, mais elles ne sont pas toujours autant mobilisées qu’elles pourraient l’être, en partie par méconnaissance de ces dispositifs. C’est notamment le cas pour l’aide à la garde d’enfants pour parents isolés (Agepi), qui est versée par Pôle emploi (469), ainsi que l’aide personnalisée pour le retour à l’emploi (Apre, cf. sur ces aides, la deuxième partie du présent rapport relative aux politiques de l’emploi).

Les représentants du Conseil national d’information pour les droits des femmes et des familles (CNIDFF) entendus par le groupe de travail (470), ont d’ailleurs souligné le besoin d’informations, en particulier pour des publics précaires, concernant des aides éparses et qui peuvent également être assez complexes. Concernant l’accompagnement professionnel et les difficultés liées par exemple à la garde d’enfants, ils ont également rappelé qu’il existe aujourd’hui des aides à la mobilité, mais qu’elles restent assez peu connues, en précisant par ailleurs que sur les 500 000 personnes accueillies dans les centres pour être informées, près des trois quarts étaient des femmes et que les mères seules en représentaient une partie significative (26 %).

De même, Mme Olga Trostiansky, adjointe au maire de Paris, chargée de la solidarité, de la famille et de la lutte contre l’exclusion (471), a indiqué que des études réalisées au début des années 2000 avaient mis en évidence une très grande méconnaissance des dispositifs existant en faveur des familles, en précisant les diverses actions mises en œuvre depuis lors pour améliorer leur information (par exemple, la diffusion d’un guide « Parent à Paris » ou encore la mise en place de « relais informations familles (472) »).

Il conviendrait dès lors d’améliorer l’information des familles sur l’ensemble des aides dont elles peuvent bénéficier, au-delà d’ailleurs des seules prestations monétaires. Dans ce sens, la secrétaire d’État chargée de la famille, Mme Claude Greff, a d’ailleurs déclaré envisager la réalisation d’un guide en direction des familles monoparentales (473).

● … et particulièrement sur le dispositif du RSA, afin de mieux le faire connaître et d’améliorer le recours au « RSA activité »

Plusieurs personnes entendues par le groupe de travail ont souligné qu’un certain nombre de bénéficiaires potentiels du « RSA activité » ne le demandaient pas. Plusieurs éléments pourraient concourir à expliquer cette situation.

M. Matthieu Angotti (474), directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), a estimé à cet égard que, lors de la création du RSA, il « existait (…) un risque en termes d’image, dans la mesure où le RSA, à la fois minimum social et complément de revenus, rassemblait deux dispositifs en un. Ses promoteurs assuraient que tout le monde bénéficierait ainsi d’une dynamique positive, et que cela permettrait de remédier à la stigmatisation du RMI. (…) en termes d’image, il s’est produit exactement l’inverse de ce qu’on espérait ; non seulement les bénéficiaires du « RSA socle » souffrent exactement de la même image que les bénéficiaires du RMI, mais les bénéficiaires du « RSA activité » se sentent eux aussi stigmatisés. De surcroît, le dispositif impose des démarches administratives assez lourdes, pour gagner des sommes minimes. Enfin, (…) certaines personnes ne souhaitant pas être surveillées. »

Outre la relative complexité du mécanisme de cette prestation, le manque d’information sur celui-ci peut également concourir à expliquer ce recours plus faible que prévu au RSA activité, même si le nombre de ses bénéficiaires a progressé sensiblement depuis 2009. À cet égard, M. Martin Hirsch, président de l’Agence du service civique (475) a d’ailleurs souligné qu’il n’y avait pas eu de campagne d’information organisée, depuis celle ayant eu lieu en 2009, pour le lancement de la réforme.

Or l’organisation d’une telle campagne d’information auprès du grand public serait d’autant plus nécessaire qu’elle permettrait de progresser sur le chantier de l’accès aux droits, en faisant mieux connaître le dispositif à ses bénéficiaires potentiels, mais aussi de mieux faire connaître le dispositif, concernant par exemple les droits et devoirs des bénéficiaires du RSA, et de contribuer à lutter contre certaines représentations.

Enfin, plusieurs personnes entendues par les rapporteurs ont évoqué la complexité des dossiers et formulaires administratifs. La directrice générale de la cohésion sociale Mme Sabine Fourcade (476) a toutefois rappelé que des travaux ont été engagés dans le cadre d’un plan de simplification, mis en place à l’été 2010, afin d’améliorer les notices et les formulaires, en associant des bénéficiaires, et qu’un nouveau formulaire était mis en place depuis janvier 2011.

Il n’en reste pas moins nécessaire de poursuivre les efforts visant à simplifier les démarches, formulaires et courriers administratifs, en veillant à associer autant que possible les représentants des bénéficiaires, et ce pour l’ensemble des prestations sociales, en prévoyant par exemple des dispositions dans ce sens dans la prochaine Cog entre l’État et la Cnaf.

Il convient enfin d’évaluer de manière approfondie les conditions de recours au « RSA activité » et les raisons de l’écart observé avec les prévisions initiales, ce sur quoi le rapport final du Comité national d’évaluation du RSA devrait notamment permettre d’apporter des éléments de réponse.

Recommandation n° 18 : Pour améliorer l’information et l’accès aux droits :

– organiser une campagne d’information sur le revenu de solidarité active (RSA), en direction des bénéficiaires potentiels mais aussi du grand public, et étudier finement les raisons du recours limité au RSA chapeau ;

– renforcer l’information des familles sur l’ensemble des aides existantes, par exemple en diffusant un guide sur les aides en faveur des familles monoparentales ;

– généraliser les pratiques consistant à simplifier les formulaires et les courriers administratifs en associant systématiquement les représentants des bénéficiaires.

b) Procéder à l’évaluation de l’accompagnement par les travailleurs sociaux et des conditions d’accès aux crèches pour les bénéficiaires de minima sociaux

Pour soutenir l’insertion professionnelle des parents isolés en situation de vulnérabilité, il convient de veiller à la qualité de leur accompagnement et de prendre en compte les difficultés susceptibles d’être rencontrées pour la prise en charge de leurs enfants, ce qui suppose, dans les deux cas, d’évaluer de manière approfondie les pratiques actuelles.


● L’accompagnement par les travailleurs sociaux

Le président de l’Observatoire national de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (ONPES), M. Jérôme Vignon (477), a souligné l’importance de l’accompagnement des familles monoparentales par les travailleurs sociaux et, plus généralement, du renforcement des liens entre les services sociaux et les acteurs de l’emploi.

Selon son analyse, les mères seules sont parfois insuffisamment incitées à reprendre un emploi et soutenues dans cette démarche, les assistantes sociales pouvant avoir tendance à se concentrer sur la prise en charge de l’enfant par la mère. Par ailleurs, les travailleurs sociaux chargées d’accompagner les familles monoparentales seraient trop peu nombreux (environ 3 000), alors qu’il faudrait, selon lui, un ratio d’un travailleur social pour vingt-cinq familles monoparentales pour assurer un véritable suivi. Il serait également nécessaire d’améliorer la situation actuelle, non seulement au niveau quantitatif, mais aussi qualitatif, concernant notamment la formation des travailleurs sociaux et les liens avec les acteurs de l’emploi.

La nécessité de mobiliser des moyens adaptés pour l’accompagnement social et professionnel des allocataires du RSA, en particulier des parents isolés, avait d’ailleurs été soulignée également par le Haut conseil de la famille (cf. l’encadré ci-dessous).

La nécessité de consacrer les moyens nécessaires à l’accompagnement social et professionnel des allocataires du RSA, et notamment des bénéficiaires du RSA majoré : la position du Haut conseil de la famille

« La réussite de l’insertion sociale et professionnelle des allocataires du RSA, notamment des bénéficiaires du RSA majoré, est un impératif. Il l’est en termes humains. Il l’est aussi en termes financiers : le coût des actions à entreprendre est de loin inférieur aux économies qui seraient réalisées en permettant l’insertion professionnelle de ces familles (gains de RSA, gains en aides au logement, CMUC (couverture maladie universelle complémentaire) et ACS (aide à l’acquisition d’une complémentaire santé) ; cotisations sociales supplémentaires versées au titre de l’emploi occupé…. Il faut donc mobiliser les marges d’action qu’autorise la création du RSA pour améliorer les performances constatées dans la gestion de l’API et du RMI. La situation très spécifique d’une partie des mères allocataires du RSA majoré – celles qui ont un jeune enfant (l’ex-API « longue ») mérite une attention toute particulière (…). »

Concernant l’accompagnement vers l’emploi, le Haut conseil de la famille a préconisé de « consacrer les moyens nécessaires à l’accompagnement social et professionnel », en prenant « acte du rôle que les Caf pourraient être amenées à jouer dans l’accompagnement individualisé des allocataires, tel que le prévoit la Cog pour 2009-2012 entre la Cnaf et l’État (avec un noyau dur de 170 000 allocataires du RSA majoré). Dans son avis du 11 février 2010, le HCF a également proposé que les Caf s’investissent dans l’accompagnement socioprofessionnel des allocataires du CLCA qui ne bénéficient pas du droit de retour à l’emploi lié au congé parental (soit environ 70 000 allocataires).

Dans les deux cas, la réussite de cet accompagnement ne peut passer que par une coordination étroite entre les services des Caf et ceux de Pôle Emploi. Mais la situation actuelle – au demeurant très hétérogène selon les Caf  n’est vraisemblablement pas à hauteur de cette ambition, sachant que les Caf ne disposent réellement que de 2 134 travailleurs sociaux exerçant cette profession. Certains membres du HCF sont d’ailleurs réticents à ce qu’ils considèrent comme un risque de débordement des Caf de leur cœur de métier. Dans ce contexte, afin que la Cog puisse marquer une ligne plus nette sur ce qui est attendu de la Cnaf et des Caf, il apparaît nécessaire de mieux connaître et évaluer les pratiques actuelles en matière d’accompagnement socioprofessionnel (degré d’implication des Caf, moyens déployés, cofinancements éventuels,…). Si l’engagement des Caf est confirmé sur les cibles précitées, il est probable qu’il faudra développer leurs moyens en personnel. Ce développement doit constituer une priorité dans l’affectation des moyens de la branche famille. »

Source : Les ruptures et discontinuités de la vie familiale, avis adopté par consensus par le Haut conseil de la famille (juillet 2010)

Dès lors, dans la perspective notamment de la prochaine Cog entre l’État et la Cnaf, il conviendrait de procéder à une évaluation approfondie du nombre et de la répartition des travailleurs sociaux, et d’examiner la formation et les informations dont ils disposent, concernant par exemple les aides proposées par Pôle emploi, et, plus généralement, les pratiques en termes de coordination avec les acteurs de l’emploi.

Cette évaluation pourrait ainsi permettre d’envisager toutes les mesures qui s’avéreraient nécessaires pour améliorer l’accompagnement proposé aux bénéficiaires du RSA, et en particulier aux allocataires du RSA majoré.


● L’accès aux places en crèches des bénéficiaires de minima sociaux

M. Yves Razzoli, conseiller confédéral en charge de l’emploi à la CFTC (478), a souhaité « qu’une attention particulière soit portée aux familles monoparentales, à travers notamment l’amélioration des dispositifs de garde, collective ou individuelle, et l’accès au logement, de plus en plus difficile ».

Les problèmes d’accès à un mode d’accueil pour leurs enfants peuvent en effet freiner l’insertion professionnelle des parents isolés, ainsi que cela a été souligné précédemment. L’étude de Sciences Po annexée au présent rapport souligne à cet égard qu’« au total, les incitations financières sont trop faibles en regard des contraintes familiales des parents isolés souvent en situation d’emploi précaire », et ce d’autant plus « qu’il n’existe pas de dispositif d’insertion qui permettrait aux parents isolés d’accéder en même temps à des formations ou des emplois aidés et à des modes d’accueil de leurs enfants (…), même si le principe de l’accès prioritaire des enfants de parents allocataires de minima sociaux (qu’ils soient en couple ou isolés) est inclus dans la loi du 23 mars 2006 (479) (article 8), qui prévoit un mécanisme de places garanties dans les crèches. »

Ces dispositions ont ensuite été modifiées par la loi du 1er décembre 2008 précitée généralisant le RSA, aux termes de laquelle « Le projet d’établissement et le règlement intérieur des établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans (…) prévoient les modalités selon lesquelles ces établissements garantissent des places pour l’accueil d’enfants non scolarisés âgés de moins de six ans à la charge de personnes engagées dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle et répondant aux conditions de ressources fixées par voie réglementaire, pour leur permettre de prendre un emploi, de créer une activité ou de participer aux actions d’accompagnement professionnel qui leur sont proposées. »

Toutefois, comme cela a été souligné notamment lors du séminaire du travail organisé le 3 novembre 2011, il n’y a pas eu de bilan réalisé depuis lors concernant l’application de ces dispositions. La directrice générale de la cohésion sociale (DGCS), Mme Sabine Fourcade (480), a indiqué pour sa part qu’en juillet 2011 une enquête avait été lancée à ce sujet auprès des préfets, qui sont représentés au sein des commissions départementales de l’accueil des jeunes enfants (CDAJE), présidées par le président du conseil général, le président de la Caf en étant le vice-président, mais que que seules 34 réponses exploitables ont été reçues et que 23 d’entre elles indiquaient qu’il n’y avait pas eu de bilan réalisé sur l’application de ces dispositions. Par ailleurs, les structures d’accueil peuvent être soumises à des injonctions paradoxales, dans la mesure où la réservation de places pour des personnes engagées dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle peut s’opposer à l’augmentation de leur taux de fréquentation.

Il convient en conséquence de procéder à une évaluation approfondie de l’application des dispositions prévues sur ce point par la loi relative au RSA. En s’appuyant sur ce bilan, il serait possible d’envisager des mesures appropriées pour améliorer, le cas échéant, le dispositif actuel, en vue de faciliter l’accès à des modes de qualité des bénéficiaires de minima sociaux, en particulier les parents isolés allocataires du RSA majoré.

Recommandation n° 19 : Pour mieux évaluer les pratiques actuelles afin d’améliorer l’accompagnement des allocataires du RSA, notamment des parents isolés :

– faire le bilan de l’application des dispositions législatives prévoyant un accès préférentiel aux établissements d’accueil des jeunes enfants pour les bénéficiaires de minima sociaux et en particulier les parents isolés disposant de faibles ressources ;

– procéder à une étude sur le nombre des travailleurs sociaux, leur formation et les pratiques actuelles en matière d’accompagnement ).

c) Pour mieux répondre aux situations particulières de vulnérabilité, renforcer la coordination entre les acteurs et envisager un accompagnement spécifique


● Le renforcement de la coopération entre les services sociaux et de l’emploi, qui est plus forte dans d’autres pays, par exemple au Royaume-Uni et en Norvège

Ainsi que l’a souligné Mme Anne Eydoux, économiste et chercheuse associée au Centres d’études de l’emploi (481), l’une des voies d’amélioration du dispositif actuel concernant le RSA réside dans le développement de la coordination entre les services sociaux et de l’emploi, en particulier entre les Caf et Pôle Emploi, en observant également qu’il n’y pas actuellement de dispositif intégré permettant d’accéder à la fois à des formations ou à des emplois aidés et à des modes d’accueil pour leurs enfants.

En Norvège, en revanche, le plan d’action de lutte contre la pauvreté, qui comporte des mesures ciblées sur des publics vulnérables, parmi lesquels les parents isolés lorsque leurs principaux revenus sont des allocations d’assistance, repose comme au Royaume-Uni sur une participation volontaire et sur une forte coopération entre les services sociaux et les services de l’emploi (482), comme l’indique également l’encadré ci-dessous. L’allocation est par ailleurs assortie de subventions à l’accueil des jeunes enfants dans une structure collective afin d’en faciliter l’accès aux parents isolés.

Une très forte coopération entre les services sociaux et de l’emploi en Norvège

La Norvège a connu à partir de 2006 une très importante réforme administrative avec la mise en place progressive d’une nouvelle agence, dénommée NAV. L’objectif de cette évolution considérable a consisté en la fusion de la sécurité sociale d’Etat, du service public de l’emploi (État) et du système d’aide social (municipalités). Cette nouvelle agence nationale pour l’emploi et les affaires sociales a pour mission d’apporter un service « global » au « client », de coordonner l’aide apportée traditionnellement par un « job centre » et un bureau de sécurité sociale. La montée en puissance de NAV s’achève cette année ; plus de 450 bureaux sont maintenant ouverts. Au sein de l’agence, l’administration d’État regroupe 14 000 agents. Les collectivités locales apportent leurs forces – environ 4 000 agents – soit en constituant physiquement un guichet unique avec l’État, soit par une coordination entre l’action des agents de l’État et de ceux des municipalités.

Source : ambassade de France en Norvège (extrait de la réponse au questionnaire adressé par les rapporteurs en septembre 2011)

En tout état de cause, comme cela a déjà souligné dans la deuxième partie du présent rapport concernant les politiques de l’emploi, il est nécessaire de renforcer la coordination entre les acteurs de l’insertion professionnelle et sociale. Dans cette perspective, il conviendrait notamment de développer les rapprochements parfois opérés au niveau local, comme cela a été fait par exemple à Nantes selon Mme Anne Eydoux. Mme Olga Trostiansky, adjointe au maire de Paris (483), a également précisé qu’un partenariat avait été mis en place entre le département, qui est pilote en matière d’insertion professionnelle et sociale, et la Caf, concernant l’accompagnement des allocataires du RSA (484).


● La sensibilisation des acteurs de l’emploi aux questions relatives aux familles monoparentales, en s’inspirant du système allemand

Les représentants du ministère allemand chargé de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse, qui ont été entendus par les rapporteurs (485), ont expliqué que l’un des leviers de l’action publique qui avait été mobilisé pour promouvoir l’accès à l’emploi des parents isolés avait été de sensibiliser à cette question spécifiques les acteurs du placement, comme l’indique le schéma ci-dessous.

LES AIDES AUX PARENTS ISOLÉS EN ALLEMAGNE

Source : ministère fédéral allemand chargé de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse (éléments communiqués lors de l’entretien du 7 novembre 2011)

Ces mêmes représentants ont expliqué que dans le cadre d’un partenariat avec l’Agence fédérale du travail et le ministère de l’emploi et des affaires sociales (partenariat intitulé Gute Arbeit für Alleinerziehende, soit « Du bon travail pour les parents isolés »), le ministère fédéral chargé de la famille avait soutenu le développement, dans certains territoires, de la mise en réseau des différents intervenants au niveau local pour mieux accompagner les parents isolés dans l’emploi (486). Parallèlement, des objectifs ont été fixés aux personnels dans les agences de l’emploi, pour mieux évaluer ce qui a été fait pour améliorer l’insertion des familles monoparentales, et des conférences organisées afin d’identifier les actions ayant eu des résultats et dans quelle mesure, dans le cadre de coopérations organisées avec les agences de l’emploi. Selon le ministère fédéral de la famille, ce programme a permis de favoriser une augmentation de l’emploi des parents isolés.

Dans le prolongement des préconisations du présent rapport, visant à renforcer les compétences et l’autonomie des conseillers de Pôle Emploi, et en concertation avec les organisations syndicales, il pourrait être intéressant de s’inspirer des pratiques observées en Allemagne, en sensibilisant mieux les acteurs de l’emploi à la question particulière des familles monoparentales.


● La possibilité d’envisager un accompagnement spécifique des parents isolés, sur la base du volontariat et à titre expérimental

Au cours des auditions, il est apparu que les parents isolés pouvaient rencontrer des difficultés particulières en termes de garde d’enfants, de transports, de formation, et plus largement de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Or les dispositifs actuellement prévus pour y répondre semblent présenter certaines limites, et notamment, de manière non exhaustive :

– les interventions des Caf réalisées au titre de l’accompagnement social des familles monoparentales ne semblent pas actuellement répondre à l’ensemble de leurs difficultés ; à tout le moins, il ne serait sans doute pas inutile de chercher à mieux évaluer leurs pratiques dans ce domaine, ainsi que le prévoit d’ailleurs la Cog pour 2009-2012 (487) ;

– concernant la formation, l’étude de Sciences Po/CEE, Liepp et l’OFCE annexée au présent rapport fait apparaître que « les parents isolés ont des diplômes relativement moins élevés que l’ensemble des parents (488) » ; concernant plus généralement les familles exposées au risque de pauvreté, le président de l’Unaf, M. François Fondard (489) a par ailleurs considéré que « des actions particulières de formation sont à mener auprès de ces populations dépourvues de qualification, et donc d’activité professionnelle » ;

– concernant la garde des enfants, outre les questions relatives à l’accès aux structures d’accueil mentionnées plus haut, les résultats d’une enquête réalisée récemment par Pôle emploi auprès des bénéficiaires des aides à la mobilité en vue d’évaluer leurs effets sur le retour à l’emploi (490), qui ont évoqué par la présidente du Conseil d’orientation pour l’emploi, Mme Marie-Claire Carrère-Gée (491), semblent montrer que celles-ci sont efficaces, concernant notamment l’aide à la garde d’enfant pour parents isolés (Agepi). Il ressort en effet de cette étude que ces aides ont parfois été déterminantes pour le retour à l’emploi de leurs bénéficiaires, qui jugent qu’ils n’auraient pas pu accéder à l’emploi sans cette aide dans 41,5 % des cas pour l’Agepi.

Toutefois, selon Mme Anne Eydoux, le montant de cette aide, de l’ordre de 400 euros pour un enfant, serait trop faible au regard des frais de garde et des difficultés rencontrées par les parents isolés. En soulignant le rôle des aides à la mobilité pour soutenir l’accès à l’emploi, le directeur général de Pôle Emploi, M. Christian Charpy (492), a par ailleurs observé que le nombre de bénéficiaires de l’Agepi était de fait relativement limité (6 000 personnes par an).

Tout en développant des politiques volontaristes visant à permettre un meilleur équilibre des temps professionnels et familiaux, concernant notamment le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance ainsi que de bonnes pratiques en milieu de travail, il convient d’apporter une réponse adaptée aux situations particulières de vulnérabilité de certains parents isolés.

Dans cette perspective, il pourrait être envisagé de mettre en place un programme d’accompagnement spécifique, sous la forme d’une expérimentation, qui pourrait s’inspirer, par exemple de certains aspects du programme d’accompagnement pour les parents isolés (New deal for lone parents, NDLP) mis en place au Royaume-Uni, et dont les principales caractéristiques sont présentés dans l’encadré ci-après.

Ce programme semble en effet avoir eu des effets positifs en termes de taux d’emploi et de pauvreté des parents isolés. Tout en relevant les difficultés pour évaluer son impact spécifique, l’étude annexée au présent rapport présente les évaluations réalisées, dont il ressort qu’« une partie importante de l’augmentation du taux d’emploi des parents isolés peut être attribuée au NDLP ». L’étude note également qu’« entre 1997 et 2006 le taux d’emploi des parents isolés a progressé de 11,3 points pour atteindre 56,6 % », tandis que le nombre de parents isolés bénéficiaires de l’income support (revenu d’assistance) a significativement baissé (- 25,7 %), ainsi que leur taux de pauvreté, comme l’illustre le graphique ci-après.

Le programme d’accompagnement spécifique pour les parents isolés (New deal for lone parents) et les évaluations menées afin de mesurer son impact

« L’arrivée au pouvoir des travaillistes en 1997, inspirés par la troisième voie formulée par Giddens, a entraîné la mise en place d’une nouvelle approche qui promeut une politique d’activation, notamment pour les mères seules : leur participation à l’emploi est vue comme un rempart contre la pauvreté. Cette politique combine des crédits d’impôts, un programme de développement de l’accueil des enfants (National childcare strategy) et un dispositif d’accompagnement spécifique des parents seuls (New deal for Lone ParentsNDLP). Le NDLP avait pour objectif initial d’accroître le taux d’emploi des parents isolés à 70 % en 2010, de réduire par deux la pauvreté des enfants en 2010 pour l’éliminer en 2020, et d’accroître le nombre de places d’accueil de jeunes enfants, en particulier pour les parents isolés vivant dans des zones défavorisées (Suhrcke et alii, 2009).

Le NDLP s’appuie sur un réseau de conseillers qui fournit un accompagnement vers et dans l’emploi aux parents isolés. Les conseillers peuvent proposer des services divers : conseils dans la recherche d’emploi, aides financières ponctuelles pour la formation et la garde d’enfants pendant la recherche d’emploi, aides financières ponctuelles pour résoudre des problèmes non anticipées liés à la reprise d’emploi, etc. Le système se fait sur la base du volontariat et tous les parents isolés ne travaillant pas ou travaillant moins de 16 heures y sont éligibles. (…)

La participation au dispositif NDLP ouvre des droits spécifiques : les parents isolés travaillant moins de 16 heures par semaine ont accès à une offre de formation et à une prime de 15 livres s’ils y participent (work-based learning for adults and training for work program) ; 20 Livres hebdomadaire si les parents isolés s’engagent dans une recherche d’emploi active (work search premium) ; « in-work credit » : crédit ouvert aux parents isolés qui perçoivent l’income support depuis au moins un an et qui reprennent un emploi d’au moins 16 heures.

Deux études ont essayé d’évaluer l’impact du NDLP sur les sorties de l’income Support et sur la reprise d’emploi. La première conclut à des effets positifs du NDLP suite à un protocole expérimental où une partie des participants était éligible au NDLP et l’autre non. Après neuf mois, 49,4 % des participants au groupe expérimental étaient en emploi contre 25,2 % des individus du groupe de contrôle (Lessor et al., 2003). L’effet net du NDLP sur les taux d’emploi serait donc importants, environ 24 points de pourcentage. Sur la même population, Dolton et al. (2006) trouvent quant à eux un effet net beaucoup plus faible, s’élevant à environ 14 points de pourcentage. Mais dans les deux cas, une partie importante de l’augmentation du taux d’emploi des parents isolés peut être attribuée au NDLP.

D’autres études pointent le fait que le NDLP attire le plus souvent les personnes ayant les caractéristiques les plus favorables au regard de l’emploi : faible proportion de seniors, plus forte proportion de familles avec un seul enfant, plus faible proportion de familles avec de jeunes enfants. S’il n’est pas aisé de distinguer quel service spécifique du NDLP a le plus d’effet, il ressort que les entretiens périodiques obligatoires ont un effet positif sur la participation, alors qu’un seul entretien obligatoire sur le retour à l’emploi aurait un effet net faible (Delautre, 2008).

Source : extraits de l’étude de Sciences Po/CEE-LIEPP et l’OFCE annexée au présent rapport

ÉVOLUTION DU TAUX D’EMPLOI DES PARENTS ISOLÉS ET DU NOMBRE DE BÉNEFICAIRES DE L’INCOME SUPPORT (REVENU D’ASSISTANCE) AU ROYAUME-UNI ENTRE 1998 ET 2006

(en pourcentage et en milliers)

Source : ministère britannique du travail et des retraites (Department for work and pensions, DWP) in « Dix ans de New deal for lone parents au Royaume-Uni », Guillaume Delautre, Revue française des affaires sociales (2008)

Dans les départements volontaires, des expérimentations pourraient ainsi être mises en place pour proposer aux parents isolés qui le souhaiteraient : un parcours intégré d’insertion, qui pourrait comprendre par exemple un accompagnement renforcé, une aide accrue pour la garde d’enfants et la mobilité (en envisageant par exemple une augmentation de l’Agepi ou de l’aide personnalisée pour le retour à l’emploi – Apre – , à titre expérimental), voire d’autres options ou droits spécifiques, comme un accès renforcé à la formation professionnelle ou à un mode d’accueil, etc.

Parallèlement, il conviendrait de mettre en place un comité d’évaluation associant largement les parties prenantes et les représentants des familles pour évaluer l’impact de ce programme d’accompagnement renforcé sur l’emploi et la pauvreté des familles concernées, ainsi que sur le coût et les économies qui seraient réalisées, le cas échéant, grâce à un meilleure insertion professionnelle et sociale des parents isolés. Les résultats de cette expérimentation pourraient également être examinés par le Parlement, dans le cadre des semaines de contrôle.

Recommandation n° 20 : Concernant les politiques en direction des parents isolés, soutenir l’emploi des mères en général, et parallèlement, en vue d’améliorer l’accompagnement des parents isolés pour répondre aux situations particulières de vulnérabilité :

– renforcer les coopérations entre les services sociaux, les collectivités locales et les acteurs de l’emploi (plus développées par exemple en Norvège et au Royaume-Uni) ;

– envisager des expérimentations pour proposer un accompagnement renforcé aux parents isolés, sur la base du volontariat, avec par exemple un parcours intégré d’insertion comprenant notamment des aides accrues pour la garde d’enfants et le retour à l’emploi, voire d’autres options ou droits spécifiques, tels qu’un accès renforcé à la formation ou à un mode d’accueil (en s’inspirant de certains aspects du dispositif d’accompagnement mis en place au Royaume-Uni) ;

– mettre en place un comité national d’évaluation des expérimentations, en associant largement les parties prenantes et les associations, et en prévoyant l’examen des résultats de l’expérimentation par le Parlement ;

– sensibiliser les agences de l’emploi à la question spécifique des parents isolés, et, en concertation avec les organisations syndicales, en étudiant les possibilités de fixer des objectifs aux agents du service public de l’emploi dans ce domaine (en s’inspirant de certaines pratiques observées en Allemagne).

RÉUNION DU COMITÉ DU 7 AVRIL 2011 :
POINT D’ÉTAPE

M. le Président Bernard Accoyer. Notre ordre du jour appelle la présentation par nos rapporteurs – Michel Heinrich pour la majorité, Régis Juanico pour l'opposition – d'un point d'étape sur la performance comparée des politiques sociales en Europe. Ce sujet a été proposé par le groupe UMP et cinq de nos collègues ont été désignés par trois commissions pour participer à ces travaux : la commission des Affaires sociales, la commission des Affaires économiques et la commission des Affaires européennes. Le champ potentiel de l'étude étant vaste, il me paraît souhaitable d’entendre nos rapporteurs nous présenter leur approche.

M. Régis Juanico, rapporteur. Lors de sa réunion du 21 octobre 2010, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a décidé d’inscrire à son programme de travail l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe, à l’initiative du groupe UMP et du président de la commission des Affaires sociales, M. Pierre Méhaignerie. Notre binôme de rapporteurs a été désigné le 12 janvier 2011, tandis qu’était formé un groupe de travail comportant trois autres membres : Mme Anne Grommerch, M. Jean Mallot et M. Pierre Méhaignerie.

Compte tenu du large intitulé du sujet qui nous a été confié, nous avons souhaité profiter d’une réunion du Comité pour présenter notre démarche et l’avancement des travaux engagés depuis le mois de janvier. Une note qui constitue notre étude préalable a été diffusée aux membres du Comité mardi dernier. Pour la présenter, nous ferons le point sur les enseignements des premiers travaux de notre groupe avant d’exposer notre approche générale et les deux thèmes d’étude ciblés sur lesquels nous proposons de développer nos analyses selon des modalités que nous détaillerons.

Notre premier cycle d’auditions et de travaux avait deux objectifs. Le premier était de définir ce qu’il convenait d’entendre par le terme de « performance » dans l’intitulé de notre sujet, en soulignant les questionnements concernant les moyens de la mesurer et de cerner le périmètre des politiques sociales. Le second visait à définir les enjeux des politiques sociales en Europe dans la période récente ainsi que les principales forces et faiblesses du système social français, pour choisir les thèmes d’étude et les pays susceptibles de faire l’objet d’une évaluation approfondie.

Ces auditions ont permis de clarifier le concept de performance des politiques sociales, dans toutes ses dimensions : du point de vue du citoyen – on parle alors d’efficacité socio-économique ; du point de vue de l’usager – il s’agit là de qualité de service ; enfin, du point de vue du contribuable – c’est ce qu’on appelle l’efficience, les résultats sont rapportés aux moyens mis en œuvre.

Le champ des politiques sociales s’est révélé d’autant plus vaste et évolutif que les interactions avec les politiques économiques sont nombreuses. Nous avons choisi de retenir de ce champ une acception large, en ne nous limitant pas aux seules questions relatives à la protection sociale – le social « réparateur » –, pour aborder également les politiques de l’emploi. Nous avons ainsi choisi une approche pragmatique, compte tenu des périmètres couverts par la notion de « politiques sociales » en France, dans l’Union européenne et à l’OCDE.

Enfin, l’analyse et l’appréciation comparée, dites benchmarking en anglais, peuvent s’appuyer sur des objectifs et des indicateurs définis aux niveaux national et européen, que nous avons recensés et dont un résumé figure en annexe de la note qui vous a été distribuée.

Les auditions l’ont montré, la mesure de la performance est un enjeu en soi. En dépit de la robustesse statistique croissante des outils d’information, nous avons constaté les limites que présente le recours aux indicateurs et, plus largement, aux techniques quantitatives pour mesurer et comparer la performance de l’action publique dans le champ social. Il n’est pas toujours aisé de mesurer l’efficience de politiques qui sont par définition multidimensionnelles, puisque cela suppose de rapporter des résultats à une politique particulière ou encore des résultats précis à des moyens de nature et d’origine disparates. Par ailleurs, les indicateurs doivent être en quantité suffisante pour permettre d’appréhender un problème dans sa complexité mais deviennent rapidement trop nombreux et peuvent alors être délaissés par le décideur public. Ainsi, au projet de loi de financement de la Sécurité sociale sont annexés plus de 170 indicateurs pour les programmes de qualité et d’efficience, mais sont-ils suffisamment exploités ?

La mesure de la performance n’est évidemment pas une fin en soi, mais, en tant qu’outil d’aide à la décision, elle doit permettre, dans un contexte de finances publiques contraintes, d’envisager comment améliorer la qualité des services publics et renforcer l’efficacité de la gestion publique.

Ces limites incitent à mobiliser des outils plus qualitatifs d’évaluation des politiques publiques. Selon les champs d’investigation et en fonction des données disponibles, il sera sans doute intéressant d’exploiter, par exemple, des enquêtes de satisfaction auprès des usagers d’un service public, des données concernant la perception des assurés ou le suivi d’une cohorte de bénéficiaires. En tout état de cause, il faudra prendre en compte des éléments de contexte ainsi que les caractéristiques institutionnelles et socioculturelles des différents pays considérés.

Ce premier cycle d’auditions a également été riche d’enseignements sur les forces et les faiblesses du modèle français. Le groupe de travail a entendu des experts du champ social, des comparaisons européennes ou internationales et de l’évaluation de la performance : plusieurs experts de l’OCDE, de la Société française de l’évaluation, de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) dans le domaine sanitaire et social, du Centre d’analyse stratégique (Cas) ou encore de la Direction de la sécurité sociale.

Représentant près de 30 % du produit intérieur brut, les dépenses publiques sociales en France sont les plus élevées des pays de l’OCDE. Dans le domaine de la santé, par exemple,  La France obtient de bons résultats en matière d’espérance de vie, de mortalité évitable et de taux de natalité. En sens contraire, Mme Isabelle Joumard, économiste principale à l’OCDE, estime que des gains d’efficience seraient possibles et que des progrès permettraient de réduire les coûts administratifs et les inégalités entre patients et d’améliorer la coordination des soins.

Les politiques familiales ont également été abordées, dans le cadre d’une réflexion plus large sur la qualité de l’emploi en Europe. Selon plusieurs personnes auditionnées, il serait intéressant d’étudier la contribution des politiques familiales à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle et au retour à l’emploi.

Plusieurs intervenants ont souligné le caractère central de la question de l’emploi, à l’instar de M. Jérôme Vignon, président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale et ancien directeur de la protection et de l’intégration sociales à la DG-Emploi de la Commission européenne. Les performances françaises en matière d’emploi, notamment pour le retour à l’emploi et l’accompagnement des travailleurs vers des emplois durables, sont significativement moindres que celles des pays qui ont des dépenses comparables. Pourtant, l’augmentation du taux d’emploi participe de la soutenabilité de notre système de protection sociale et d’une lutte efficace et durable contre la pauvreté.

Enfin, plusieurs personnes auditionnées ont suggéré de choisir des angles d’études relatifs à des objectifs européens, définis par exemple dans la stratégie de Lisbonne, et maintenant dans la stratégie « Europe 2020 ». D’un point de vue pratique, l’intérêt porté au niveau de l’Union européenne à l’emploi et à la lutte contre la pauvreté a suscité la collecte de statistiques et des travaux de comparaison sur ces sujets. Sur le fond, le fait que les États membres de l’Union européenne soient parvenus à un consensus sur ces objectifs témoigne de leur pertinence.

Le rapport pourra présenter l’ensemble de ces éléments d’analyse transversale sur la performance des politiques sociales en Europe et évoquer également certaines questions relatives à la gouvernance des politiques sociales comme levier possible d’amélioration des performances. Certains États européens tels les pays scandinaves, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, se caractérisent par l’importance qu’ils accordent à l’évaluation et à l’expérimentation.

M. Michel Heinrich, rapporteur. M. Régis Juanico l’a rappelé, la performance des politiques sociales en Europe est un sujet vaste qui présente de nombreux aspects intéressants. Le Règlement de l’Assemblée prévoyant que l’étude doit être réalisée dans un délai de douze mois, nos premières auditions menées nous ont convaincus de la nécessité de préciser le champ de nos investigations pour respecter ce délai. Nous proposons donc une démarche en deux parties : une première approche transversale et macro-économique de la performance des politiques sociales, complétée par une analyse plus fine visant à identifier des bonnes pratiques concernant certains aspects des politiques familiales et des politiques de l’emploi, qui relèvent de deux champs distincts mais dont certains enjeux sont communs.

Une première étude pourrait concerner les politiques du marché du travail. Elles présentent une importance majeure pour lutter contre la pauvreté, promouvoir la cohésion sociale et soutenir la croissance, mais aussi prévenir certaines dépenses sociales, par exemple au titre des minima sociaux ou de l’assurance chômage.

Nous envisageons d’étudier plus précisément les dispositifs qui apparaissent les plus performants pour favoriser l’accès ou le retour à l’emploi. Cette question englobe les trois critères de la performance : l’accélération du retour à l’emploi relève de l’efficacité, l’amélioration du service rendu aux personnes en recherche d’emploi témoigne d’un souci de qualité de service et l’optimisation des dépenses au titre de l’indemnisation du chômage est une démarche d’efficience.

L’étude pourrait porter sur cinq pays environ : outre la France naturellement, des pays comparables en taille et en proximité, notamment l’Allemagne ou le Royaume-Uni, et d’autres qui se caractérisent par des résultats intéressants comme la Suède, les Pays-Bas ou le Danemark pour les pays nordiques, le Portugal pour les pays latins ou l’Autriche pour l’Europe continentale.

Après avoir défini les principales caractéristiques des politiques du marché du travail des pays concernés – par l’analyse des modèles institutionnels, de la nature et de la structure des grandes catégories de dépenses, des transitions entre chômage, inactivité et emploi – nous pourrions comparer les principaux dispositifs d’accompagnement proposés aux demandeurs d’emploi. La palette des prestations offertes au demandeur d’emploi varie selon les pays. Dans certains États, on propose même du coaching sportif ou diététique – mais avec quels moyens, et pour quels résultats ?

Une réflexion similaire serait utile au sujet des organismes de placement : quel est leur rôle, et de quels moyens disposent-ils ? Quels sont les rôles respectifs du service public de l’emploi et des acteurs privés ? Comment les besoins des usagers sont-ils pris en compte et les partenaires sociaux associés?

Enfin, il nous paraît important de comparer les modalités d’indemnisation du chômage dans différents pays.

Un second angle d’étude approfondie pourrait concerner les politiques familiales. Au cours des auditions, il est apparu que les recommandations de l’Union européenne dans le champ des politiques familiales concernent pour l’essentiel des objectifs de taux d’emploi et de qualité de l’emploi. L’originalité de l’approche européenne sur ce point tient à l’importance accordée à la dimension du « genre », vue sous l’angle non seulement de l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi des conditions de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, qui est considérée par les travailleurs européens comme le troisième critère de qualité de leur emploi après la stabilité et le salaire. La question des familles monoparentales, a également été évoquée ; il y a là des enjeux importants au regard de la lutte contre la pauvreté mais aussi des difficultés rencontrées pour l’accès à l’emploi.

Après avoir cerné les caractéristiques des politiques familiales dans un panel de pays en examinant les dépenses et leur nature ainsi que les résultats comparés obtenus au regard d’indicateurs clés, nous pourrions étudier comment favoriser la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle, en analysant en particulier la disponibilité et la qualité des structures d’accueil des jeunes enfants. Il nous semble également important de comparer les politiques visant les familles monoparentales : quel est, pour elles, l’impact des politiques sociales et familiales, notamment en termes de redistribution et de lutte contre la pauvreté ? Quels principaux dispositifs d’accompagnement à l’emploi leur sont proposés ? Dans quelle mesure le système fiscal et le système social encouragent-il les parents isolés à exercer une activité professionnelle ? Ces questions nous paraissent mériter une attention particulière. L’évaluation pourrait porter sur cinq pays environ : outre la France, nous pensons à l’Allemagne et au Royaume-Uni pour les raisons précitées mais aussi, pour leurs résultats et l’originalité de leurs politiques, à l’Autriche, au Portugal, à la Suède ou au Danemark.

Pour répondre à ces deux champs d’interrogations, plusieurs outils d’investigation peuvent être envisagés : en premier lieu, un cycle d’auditions spécialisé sur les thèmes retenus ; une revue des ressources documentaires disponibles ; l’envoi de questionnaires aux ambassades et aux Parlements des pays étudiés ainsi qu’aux administrations françaises compétentes.

Ensuite, trois ou quatre missions, selon les contraintes du calendrier des travaux, nous permettraient de rencontrer des responsables institutionnels, des responsables de l’évaluation et des représentants des bénéficiaires et des usagers, syndicats ou associations de chômeurs par exemple, dans les pays retenus et à Bruxelles.

Enfin, compte tenu de l’ampleur du travail envisagé et des obstacles linguistiques et matériels mais aussi pour nous appuyer sur des enquêtes qualitatives ou des données nouvelles, il nous paraît nécessaire de solliciter la commande d’études par les prestataires retenus au titre de l’accord-cadre défini par le CEC. Ces études porteraient en premier lieu sur les politiques familiales en Europe ; elles concerneraient essentiellement les structures d’accueil des enfants et les parents isolés. Elles pourraient également porter sur une partie du thème des « politiques d’accès à l’emploi », car même si, en ce domaine, les données et les études disponibles sont plus nombreuses et accessibles, nous rencontrerons des obstacles linguistiques.

Sous réserve de l’accord de principe du Comité, un cahier des charges précis pourra être soumis aux cinq prestataires sélectionnés dans l’accord cadre pour le lot des politiques sociales. Nous envisageons également de faire appel à un groupe informel d’experts, composé de plusieurs des personnes auditionnées, en vue d’apporter un avis technique. Après analyse et sélection des candidatures avec le concours du secrétariat du Comité, nous piloterons et suivrons naturellement la réalisation des travaux ainsi commandés.

Selon l’ampleur des investigations nécessaires, l’examen du rapport par le Comité pourrait être envisagé à l’automne, et au plus tard avant la fin de l’année 2011. Dans cette hypothèse plus tardive, l’organisation au début de l’automne d’un ou plusieurs séminaires ou tables rondes sur une partie des thèmes d’étude proposés pourrait être envisagée.

M. le Président Bernard Accoyer. Je félicite au nom du Comité les deux rapporteurs pour l’excellent travail qu’ils ont déjà accompli. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales, qui a été à l’origine de la thématique retenue pour ce rapport et qui participe à une partie des travaux des rapporteurs.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales. Je remercie à mon tour les rapporteurs pour ce travail remarquable sur un sujet de première importance. J’insiste sur le fait que la correction des inégalités est puissante en France ; elle s’exerce par le biais des prestations sociales davantage que par celui de la fiscalité. Notre pays est au quatrième rang mondial au classement de la lutte contre la pauvreté, ce qui n’est pas toujours clairement perçu. Mais, lorsque 600 milliards d’euros sont en jeu, il n’est pas interdit de chercher à mieux gérer cette enveloppe

Des efforts restent à faire pour améliorer le marché du travail. On sait déjà qu’avec un taux de chômage à 8 %, certaines régions françaises connaîtraient le quasi-plein emploi. Or, dans le même temps, des secteurs entiers de notre économie cherchent de la main d’œuvre sans parvenir à recruter ; pour obtenir des résultats, nous devons renforcer l’efficacité de notre système de formation professionnelle. Nous disposons donc déjà d’éléments pour débattre du passage du chômage au travail ; il nous faut analyser ce qu’ont fait certains de nos voisins européens pour inciter les chômeurs à reprendre un travail.

Pour ce qui a trait à la politique familiale, je partage ce qui a été dit.

D’une manière générale, nous disposons d’éléments de diagnostic mais nous ne sommes pas « passés aux travaux pratiques ». Nous devons étudier comment la Grande-Bretagne, la Suède ou encore l’Allemagne ont modifié leurs politiques d’accès au travail et de prestations sociales pour améliorer l’emploi, puis en débattre publiquement pour définir quels éléments utiles retenir dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet des diverses familles politiques à la veille des prochaines élections.

M. Pierre Lequiller, président de la commission des Affaires européennes. Je suis convaincu que l’intéressante démarche retenue par nos rapporteurs sera fructueuse. Les comparaisons internationales montreront que, si nous sommes moins bons que d’autres pays dans certains domaines, nous sommes meilleurs dans d’autres. Ainsi, en Allemagne, la généralisation de la formation en alternance et de la formation professionnelle continue permet que le marché du travail se trouve dans une situation meilleure qu’en France. En revanche, l’Allemagne, avec une démographie en berne et une population vieillissante, est très intéressée par notre politique familiale qui induit un taux de natalité parmi les plus élevés d’Europe. Une évaluation comparée présentera donc un intérêt soutenu, tant pour nous que pour nos partenaires européens et il me paraîtrait judicieux de prévoir des échanges d’évaluations.

M. Pierre Méhaignerie. La commission des Affaires sociales a reçu des délégations parlementaires de Turquie, du Japon et de République tchèque ; toutes ont dit envier notre politique familiale. Mais Yves Bur, Gilles Carrez et moi-même, en visite en Allemagne, nous sommes entendu demander par la présidente SPD de la commission des Affaires sociales du Bundestag si nous ne pensions pas étouffer l’emploi en continuant de faire progresser les prestations sociales au rythme de 3,5 %. Il y a là matière à réflexion.

M. Jean Mallot. Je remercie Régis Juanico et Michel Heinrich pour ce rapport d’étape. Membre du groupe de travail constitué autour d’eux, j’ai également assisté aux auditions menées et j’ai noté une constante : tous nos interlocuteurs ont souligné qu’un haut niveau de protection sociale est toujours, pour un pays, un facteur de compétitivité économique globale. Gardons-nous donc de jeter le bébé avec l’eau du bain…

Le choix des politiques à analyser de manière approfondie – politiques du marché du travail et politiques familiales – est tout à fait pertinent, mais les personnes auditionnées ont souligné la difficulté qu’il y a à comparer des systèmes sociaux qui diffèrent grandement par leurs structures, leur mode de financement et leur perception culturelle. Il faudra éviter toute transposition hâtive, qui provoquerait une transplantation ratée.

Il faudra enfin se reporter aux évaluations déjà conduites au sein de notre Assemblée – ainsi du rapport d’information relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi ou du rapport d’information relatif à la prestation d’accueil du jeune enfant.

M. le Président Bernard Accoyer. On ne s’étonnera guère que les autres pays européens envient notre taux de natalité ni que, de ce fait, ils se montrent curieux d’une politique familiale qui facilite manifestement la maternité. Nous avons là un atout majeur, à conforter.

M. Pierre Méhaignerie. En matière de politiques de l’emploi, les rapporteurs ne devraient-il pas aussi étudier les micro-territoires qui, en matière de politique de l’emploi, réussissent mieux que d’autres, notamment parce qu’ils ont regroupé toutes les structures ad hoc au sein d’une direction unique ?

M. Michel Heinrich, rapporteur. Je rappelle que nous nous sommes lancés dans une comparaison européenne. Nous chercherons à déterminer comment améliorer la qualité du service, ce qui nous conduira à étudier le fonctionnement de Pôle Emploi.

En matière de politique familiale, nous centrerons la comparaison sur la relation entre politique familiale et emploi, singulièrement pour ce qui concerne les familles monoparentales. Dans ce domaine, nous faisons moins bien que nos partenaires : outre que le taux de pauvreté de ces familles est relativement élevé par rapport à ce qu’il est dans les autres pays européens, les mères isolées – qui constituent l’immense majorité des chefs de familles monoparentales – accèdent difficilement à l’emploi.

Enfin, la France est probablement le pays qui consacre le plus de moyens au passage du chômage à l’emploi, sans nécessairement obtenir les meilleurs résultats ; nous devrons examiner ce point.

M. Régis Juanico, rapporteur. Dans le droit fil de l’excellente suggestion faite par M. Pierre Lequiller, nous pourrions organiser à l’automne, en collaboration avec la commission des Affaires européennes, une table ronde à laquelle seraient conviés des parlementaires d’autres pays.

Soyez assuré, monsieur Mallot, que nous tiendrons le plus grand compte des différences de taille entre les pays et de leurs différences historiques et socioculturelles pour relativiser les comparaisons entre chiffres bruts.

Pour répondre enfin à M. Méhaignerie, la lutte contre la pauvreté sera étudiée de manière transversale, car le sujet est commun aux deux thèmes d’étude principaux que nous avons retenus. Pour ce qui est spécifiquement du retour à l’emploi, fil rouge de notre réflexion, nous chercherons à déterminer si de bonnes pratiques permettent, dans d’autres pays européens, un retour à un emploi de bonne qualité, riche en contenu.

M. Christian Jacob, président du groupe UMP. Il a été dit que les mères isolées éprouvent des difficultés particulières à accéder à l’emploi dans notre pays. Il me semblait pourtant que le taux de professionnalisation des femmes est particulièrement élevé en France ; qu’en est-il ?

M. Michel Heinrich, rapporteur. En France, contrairement à ce que l’on observe dans d’autres pays, on informe les mères de famille monoparentale sur les aides auxquelles elles peuvent prétendre, mais on les met assez peu en relation avec Pôle Emploi. Il semble que notre système d’aide n’incite pas à l’emploi. Cette situation a des conséquences désastreuses immédiates – les femmes concernées n’ont que peu de ressources – et différées : elles auront de très faibles pensions de retraite. L’annexe 6 à la note qui vous a été distribuée montre que, pour ce qui est du taux de pauvreté des parents isolés, la France ne se classe que dans le deuxième tiers des pays de l’OCDE.

M. le Président Bernard Accoyer. Je ne doute pas que ces sujets intéresseront vivement nos collègues des pays voisins.

Sur la proposition du Président Bernard Accoyer, un résumé des conclusions auxquelles parviendra le Comité sera publié sur le site internet de l’Assemblée, en français, en anglais et en allemand.

Le Comité valide la démarche présentée par ses rapporteurs ainsi que leurs demandes d'études, qui seront transmises au collège des Questeurs pour engager une consultation des entreprises retenues au titre du lot 2 (politiques sociales) de l’accord-cadre mis en place pour le CEC.

RÉUNION DU COMITÉ DU 15 DÉCEMBRE 2011 :
EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION

- Performance des politiques sociales en Europe : examen du rapport (rapporteurs : MM. Michel Heinrich et Régis Juanico.)

M. le Président Bernard Accoyer. Nous en venons à l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe. Ce sujet a été inscrit au programme de travail du CEC à la demande du groupe UMP. Il intéresse tout particulièrement le président de la Commission des affaires sociales, Pierre Méhaignerie, qui a d’ailleurs participé activement au travail des rapporteurs, de même que Jean Mallot, membre de la même commission, et Anne Grommerch, qui a été désignée par la Commission des affaires européennes.

Le projet de rapport qui vous a été transmis au début de la semaine est complété par deux études réalisées à la demande des rapporteurs. Celles-ci établissent des comparaisons entre la France et quatre autres pays européens, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède et, selon le cas, les Pays-Bas ou le Portugal. Ces études ont porté sur deux sujets distincts : d’une part, l’accompagnement des demandeurs d’emploi et, d’autre part, deux politiques familiales – la politique menée en faveur des parents isolés et celle en faveur de la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale.

La première étude a été réalisée par le cabinet Euréval, la seconde par une équipe de Sciences Po. Ces prestataires ont été sélectionnés sur appel d’offres au titre de l’accord cadre dont bénéficie le CEC. Ces deux études ont été transmises et sont sur table.

Nos deux rapporteurs, Michel Heinrich et Régis Juanico, ont produit un travail de grande qualité sur un sujet difficile, et je les en remercie.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Je voudrais tout d’abord adresser mes remerciements aux administrateurs du CEC, qui nous ont accompagnés tout au long de cette mission, et à Régis Juanico avec lequel j’ai travaillé en parfaite collaboration.

Essentielle pour l’amélioration du pilotage de l’action publique, l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe n’en constituait pas moins un véritable défi, pour le moins ambitieux, sinon audacieux !

Compte tenu du champ très large de ces politiques, du nombre des pays concernés et des délais impartis, il convenait en effet de trouver les voies et moyens d’envisager cette question dans sa globalité, tout en approfondissant l’analyse dans certains domaines pour pouvoir identifier des bonnes pratiques. Lors de la réunion du CEC du 7 avril dernier, nous vous avions exposé la démarche et les angles d’étude que nous envisagions dans cette perspective.

Pour la préparation du rapport, nous avons souhaité mobiliser une très large palette d’outils d’investigation et d’évaluation. Tout d’abord, le groupe de travail a entendu plus de quatre-vingts personnes, au cours de quarante auditions et tables rondes. Avec mon collègue Régis Juanico, nous nous sommes également rendus à Stockholm, Bruxelles, Londres et Berlin, où nous avons rencontré une quarantaine de représentants des différentes parties prenantes. Parallèlement, des questionnaires ont été adressés aux ambassades et aux Parlements dans quinze pays européens. Enfin, nous avons souhaité, avec l’accord du CEC, ainsi que l’a rappelé le Président Bernard Accoyer, bénéficier du concours de prestataires extérieurs pour la réalisation de deux études comparées concernant les thèmes d’étude retenus.

À la lumière de ces éléments, nous formulons vingt préconisations dans notre rapport, que nous proposons d’intituler « S’inspirer des meilleures pratiques européennes pour améliorer nos performances sociales ».

Concernant les éléments d’analyse transversale, la performance a tout d’abord été définie comme la capacité à atteindre des objectifs fixés, en termes notamment d’efficacité socio-économique pour le citoyen, d’efficience pour le contribuable et de qualité de service pour l’usager.

Afin d’accroître durablement la performance des politiques sociales, il est apparu nécessaire d’inscrire son évaluation dans une temporalité suffisamment longue. Il fallait pouvoir prendre en compte, par exemple, les économies qu’une réforme peut générer à plus ou moins long terme. C’est notamment le cas pour certaines de nos propositions qui sont susceptibles d’avoir ensuite un impact positif sur les finances sociales – je pense par exemple à celles qui visent à favoriser l’accès ou le retour à l’emploi, qu’il s’agisse des mères, seules ou non, ou de l’ensemble des chômeurs.

En tout état de cause, la mesure et le suivi régulier de la performance constitue aujourd’hui un impératif pour la gestion publique, en éclairant le décideur sur la pertinence des choix opérés. C’est aussi une exigence qu’une démocratie moderne doit s’imposer.

Au cours de nos travaux, nous avons pu mesurer combien les comparaisons internationales doivent inviter à la prudence : il ne faut pas porter de jugement trop hâtif, voire erroné, en termes de performance comparée et d’interprétation des nombreux indicateurs disponibles. Par exemple, dans certains pays, les taux d’emploi des femmes sont élevés, mais il s’agit souvent d’emplois à temps partiel, tandis que dans d’autres le taux de chômage est « optiquement » plus faible, mais en réalité masqué pour partie par une proportion beaucoup plus importante de personnes relevant du régime de l’incapacité. De même, en Allemagne, les « mini-jobs » concernent près de 4,5 millions de salariés, qui ne sont quasiment pas inclus dans les chiffres du chômage.

Par rapport aux autres pays européens, la France se caractérise par un niveau particulièrement élevé de dépenses sociales, qui représentent plus de 31 % du PIB : près de 600 milliards d’euros y sont consacrés ! Au cours des dernières décennies, l’augmentation des dépenses sociales a également été sensiblement plus marquée en France que dans d’autres pays européens. Au cours des dernières décennies, cette progression a été plus de deux fois supérieure à celle de la moyenne des pays de l’OCDE.

Par ailleurs, un premier examen des principales évaluations réalisées par les organisations internationales montre que les performances françaises sont le plus souvent au-dessus de la moyenne de ces pays.

La société française connaît ainsi un réel dynamisme démographique : après l’Irlande et l’Islande, la France a le taux de fécondité le plus élevé des pays européens. L’espérance de vie à la naissance y est assez élevée : notre pays est situé au quatrième rang en Europe dans ce domaine.

Il se situe également au quatrième rang pour la durée de la vie en retraite, qui est de 26,5 années en moyenne.

L’efficacité redistributive du système fïscalo-social dans son ensemble est incontestable : le rapport entre le revenu moyen des 10 % aux revenus les plus élevés et des 10 % aux revenus les plus faibles est de 1 à 7 en France après impôts et transferts, contre 1 à 9 en moyenne dans l’OCDE.

Au-delà de ces points forts du modèle français, on enregistre d’autres résultats moins favorables, en particulier la faiblesse des taux d’emploi par rapport à d’autres pays et par rapport aux objectifs européens. Même dans les domaines où les performances françaises sont bonnes, les évaluations soulignent que des progrès sont possibles : par exemple, dans le domaine de la santé, l’OCDE a montré qu’il existe une marge de progrès s’agissant de la lutte contre les inégalités, de la coordination des soins et de la réduction des frais administratifs.

M. Régis Juanico, rapporteur. Après ce premier constat général, nous avons souhaité évaluer nos résultats au regard d’un objectif central des politiques sociales, aujourd’hui pleinement reconnu comme tel par les institutions communautaires – il constitue l’un des objectifs phares de la nouvelle stratégie européenne intitulée « Europe 2020 » – : la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Le 17 juin 2010, le Conseil européen a adopté cette nouvelle stratégie pour l’emploi et une croissance intelligente, durable et inclusive, et fait de la réduction de 25 % du nombre de personnes vivant en situation de pauvreté, soit 20 millions de personnes, un des cinq grands objectifs de l’Union européenne.

Outre l’indicateur habituel de pauvreté monétaire à 60 % du revenu médian, l’Union européenne considère également la pauvreté en conditions de vie – dite, dans le langage communautaire, « privation matérielle sévère » – et les ménages dans lesquels personne ne travaille – dits « à faible intensité de travail ».

L’analyse des indicateurs français et européens montre une tendance à l’aggravation des inégalités et de l’exclusion en France. Alors que le taux de pauvreté relatif au seuil de 60 % du revenu médian s’établit à 13,5 % selon l’Insee en 2009, l’indicateur européen, plus complet, révèle que la France n’est qu’à la neuvième place du classement européen, avec 18,4 % des Français concernés par le risque de pauvreté ou d’exclusion.

Le 23 mars 2011, à l’occasion de la remise de son rapport annuel, le Médiateur de la République, M. Jean-Paul Delevoye, avait évoqué « entre 12 et 15 millions de personnes qui seraient actuellement concernées par le sentiment de précarité, c’est-à-dire dont les fins de mois se joueraient à 50 ou 150 euros près ». Selon une enquête Ipsos, 45 % des 35-44 ans disent avoir déjà vécu une situation de précarité, soit une augmentation de 16 points entre 2008 et 2009.

D’après les associations actives dans la lutte contre la pauvreté que nous avons entendues, les publics les plus vulnérables sont aujourd’hui les jeunes, les familles monoparentales, les familles nombreuses et les personnes immigrées. La situation s’aggrave à cause de la crise, mais aussi en raison de la complexité toujours croissante des démarches administratives pour percevoir certains minima sociaux.

Ces associations rejoignent le constat formulé par les économistes de l’OCDE : l’accès à l’emploi est une condition nécessaire, même si elle n’est pas suffisante, pour sortir durablement de la pauvreté. Mais il faut aussi accéder à un emploi de qualité : il convient en effet de ne pas oublier le phénomène des travailleurs pauvres, qui retient aujourd’hui toute l’attention des institutions européennes et des autorités allemandes, et pour lequel le revenu de solidarité active (RSA) a été institué.

C’est pourquoi nous avons décidé de consacrer des développements plus substantiels de notre rapport aux politiques de l’emploi en Europe, à celles visant une meilleure conciliation entre travail et vie familiale, ainsi qu’à la situation particulière des familles monoparentales.

À l’issue de ces considérations transversales sur la performance des politiques sociales, nous proposons plusieurs mesures pour améliorer le pilotage et l’évaluation de ces politiques au regard des pratiques observées dans les autres pays européens.

Nous suggérons ainsi d’organiser chaque année un débat au Parlement sur l’efficacité des politiques sociales, qui porterait par exemple sur des thèmes correspondant à certains des objectifs des programmes de qualité et d’efficience (PQE), annexés aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, et dont le choix serait partagé entre la majorité et l’opposition.

Nous proposons aussi de développer le recours à l’expérimentation dans le champ social, en définissant un programme pluriannuel d’expérimentations. Ce programme pourrait être soumis pour avis à la Commission des affaires sociales. Des débats pourraient également être organisés régulièrement en séance publique à l’Assemblée nationale sur les résultats des expérimentations.

Plus généralement, nous recommandons d’améliorer l’évaluation des politiques sociales et d’en tirer tous les enseignements pour une conduite pragmatique des réformes dans la durée, fondée sur une démarche d’amélioration continue des dispositifs.

Il faudrait également renforcer l’évaluation des politiques locales et favoriser les échanges de bonnes pratiques, par exemple par la mise en place d’un tableau de bord commun de comparaison de l’action sociale décentralisée et par celle d’un fonds de « recherche et développement » des politiques sociales locales financé conjointement par l’État et les collectivités territoriales.

Le rapport propose également de s’appuyer sur les outils de 1’ « Europe sociale », encore trop souvent négligée.

À l’occasion des négociations sur les perspectives budgétaires de l’Union européenne pour 2014-2020, il nous paraît indispensable de redéployer le Fonds social européen en fonction de l’objectif européen consistant à sortir 20 millions d’Européens de la pauvreté et de l’exclusion d’ici à 2020. À une échelle très opérationnelle et pragmatique, il faut absolument faciliter en France l’accès des associations innovantes dans le domaine social à ces financements.

De manière plus ciblée, il est également essentiel de conserver un programme européen d’aide alimentaire aux plus démunis après 2014, dans le cadre des engagements de l’Union européenne exprimés dans la stratégie « Europe 2020 ».

M. Michel Heinrich, rapporteur. En ce qui concerne la politique de l’emploi, il faut rappeler en préambule son interdépendance avec la politique macroéconomique ou la politique fiscale. Le poids des cotisations sociales sur le travail en France rend aujourd’hui nécessaire une réflexion sur le financement de la protection sociale : la cotisation payée par l’employeur sur le salaire y est de 29 %, contre 26 % en Italie, 23 % en Suède, 16 % en Allemagne et 0 % au Danemark. Par ailleurs, il faut souligner que l’efficacité de la politique de l’emploi est intrinsèquement liée à la croissance économique, qui appelle une politique volontariste de développement industriel et d’innovation.

Nous nous sommes intéressés à ce qui constitue le point commun des politiques de l’emploi dans tous les pays considérés : l’accompagnement des demandeurs d’emploi pour le retour à l’emploi. Nous nous sommes appuyés sur les travaux du cabinet Euréval, qui a réalisé à notre demande une comparaison des politiques de l’emploi dans cinq pays européens – Allemagne, France, Portugal, Royaume-Uni, Suède – et une synthèse des travaux d’évaluation consacrés, dans ces pays, à l’efficacité de l’accompagnement et des dispositifs qui visent à favoriser le retour à l’emploi. Cette étude vous a été communiquée.

L’examen des profils de dépenses par pays a confirmé nos intuitions : certains pays sont plus efficaces que d’autres et parviennent, grâce à plus de politiques mieux ciblées et plus adéquates, à réduire leurs dépenses, notamment la part des dépenses « passives » – c’est-à-dire des dépenses d’indemnisation – grâce à plus de dépenses « actives ». Tel est particulièrement le cas pour la Suède, où l’on trouve deux tiers de dépenses actives pour un tiers de dépenses passives. Tel est aussi l’esprit des changements que nous proposons.

Par rapport à ses voisins européens, la France se caractérise par plusieurs éléments :

– d’abord, la complexité et l’éclatement des structures d’accompagnement des demandeurs d’emploi – on en dénombre pas moins de huit dans certaines zones – : le célèbre « millefeuille » français ;

– deuxièmement, la faiblesse des effectifs du service public de l’emploi affectés au placement, qui a été particulièrement soulignée par une récente étude de l’Inspection générale des finances ;

– troisièmement, une adaptabilité moindre des ressources humaines et financières. Certains des autres pays européens étudiés paraissent plus réactifs que la France dans l’ajustement des moyens à la conjoncture. Ainsi, le JobCentre britannique a augmenté de 37 % ses effectifs en 2009 pour faire face à la crise avant de les réduire dès 2010.

Les conseillers du service public de l’emploi chez nos voisins ont souvent plus d’outils, de prestations ou d’aides sociales à leur disposition et plus d’autonomie que les conseillers de Pôle Emploi en France : par exemple, au Royaume-Uni, les conseillers du JobCentre Plus versent aussi les allocations logement ou les aides ponctuelles pour le paiement des impôts locaux ; en Allemagne, les conseillers de l’Agence fédérale du travail développent des liens privilégiés avec les entreprises du bassin d’emploi local.

Au regard des expériences locales dont nous avons eu connaissance, notamment celle de Vitré, que connaît bien le président de la commission des Affaires sociales, nous proposons de lancer une expérimentation avec des collectivités territoriales volontaires sur le rapprochement des acteurs de l’emploi, de l’entreprise et de la formation professionnelle sous une direction commune pour identifier et promouvoir les meilleures pratiques.

La synthèse des travaux de recherche réalisés dans le domaine des politiques de l’emploi a mis en évidence des enseignements peu nombreux mais « robustes » sur l’efficacité des politiques de l’emploi.

En premier lieu, les exonérations de charges sociales sur les salaires des moins qualifiés se sont révélées efficaces, mais pourraient constituer une trappe à bas salaire et limiter la progressivité des carrières.

En second lieu, le renforcement et la personnalisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi ont un impact favorable sur le retour à l’emploi, susceptible de générer des économies pour l’assurance chômage.

Par ailleurs, plusieurs dispositifs doivent être mieux ciblés : la formation professionnelle doit être encouragée en période de récession, en privilégiant les formations en alternance, et pour augmenter la qualité de l’emploi à plus long terme. Les contrats aidés sont utiles pour les publics structurellement éloignés de l’emploi ou pour donner un « coup de pouce » temporaire.

Enfin, les évaluations européennes montrent de façon convergente que les prestataires privés ne sont pas plus efficaces que l’opérateur public pour les mêmes missions – si ce n’est qu’on détecte une forme d’émulation entre ces deux types de structures lorsqu’elles interviennent sur le même territoire.

Ces divers enseignements nous conduisent d’abord à préconiser de mettre un terme à l’instabilité juridique et financière relative aux contrats aidés, qui nuit à l’efficacité de ces dispositifs, et de veiller à des durées de contrat suffisantes pour permettre un accompagnement, une formation et une insertion durable des bénéficiaires.

En outre, pour améliorer les performances du service public de l’emploi, nous proposons plusieurs mesures coûteuses à court terme mais susceptibles de générer des économies à moyen terme. En particulier, il faut renforcer et personnaliser l’accompagnement des demandeurs d’emploi en organisant rapidement un premier entretien consacré à l’indemnisation, suivi d’un second sur l’accompagnement professionnel. Les syndicats de Pôle Emploi, les associations de chômeurs, l’Inspection générale des finances – M. Christian Charpy et son successeur, M. Jean Bassères – sont unanimes : le demandeur d’emploi est d’abord préoccupé par sa subsistance et ne peut se projeter dans un avenir professionnel qu’une fois rassuré sur ce point.

Il faudrait aussi intensifier les contacts avec les demandeurs d’emplois : sur ce point, une étude allemande citée dans le rapport et évoquée par l’Inspection générale des finances montre un impact significatif sur le retour à l’emploi.

Il conviendrait par ailleurs d’adopter une approche globale du demandeur d’emploi. Il est nécessaire de renforcer la coordination entre les professionnels du retour à l’emploi et ceux de l’insertion sociale pour développer une culture partagée. Il n’est pas possible de continuer avec un système dans lequel les personnes les plus en difficulté ne sont pas accompagnées vers l’emploi. Mais il n’est pas question non plus de nier leurs difficultés spécifiques.

Nous avons également pu mesurer l’intérêt indéniable des aides à la reprise d’activité – aide au permis de conduire ou à la garde d’enfants – pour débloquer durablement des situations qui paraissent banales, mais sont parfois inextricables : Pôle Emploi parle de « freins périphériques » au retour à l’emploi. Ces aides sont aujourd’hui mal connues et mal utilisées.

Enfin, l’approche globale consiste à intervenir le plus en amont possible de la perte d’emploi. Nous préconisons donc d’intervenir précocement, en contactant le demandeur d’emploi deux mois avant la fin des dispositifs temporaires, tels que les contrats aidés.

Cette approche globale du demandeur d’emploi doit également s’accompagner d’une évolution des conditions de travail à Pôle Emploi. En nous inspirant des pratiques observées ailleurs en Europe, nous préconisons de renforcer les compétences, l’expertise et l’autonomie des conseillers de cet organisme, en renonçant à la généralisation du métier unique – lequel n’existe dans aucun des pays étudiés – tout en encourageant la polyvalence pour ceux qui le souhaitent et en renforçant leur formation.

Reste la question des moyens de l’opérateur Pôle Emploi, sur laquelle nous avons adopté une position commune et affirmée. Au regard des pratiques de nos voisins européens, il nous paraît nécessaire d’adapter ces moyens à la conjoncture et au niveau du chômage – donc d’augmenter le nombre de conseillers pour maintenir le niveau de service en période de crise. Pour cela, nous proposons en particulier un recours accru aux contrats à durée déterminée (CDD).

Enfin, les auditions que nous avons menées nous ont convaincus de la nécessité d’une meilleure prise en compte de la parole des usagers. Nous proposons de confirmer le rôle et l’importance des lieux d’échanges entre les usagers et Pôle Emploi – dans le cadre des comités de liaison – et de confier au Médiateur de cet opérateur la responsabilité d’un rapport annuel plus complet sur la satisfaction des bénéficiaires.

M. Régis Juanico, rapporteur. Concernant l’équilibre entre famille et travail, il convient d’abord de souligner les enjeux majeurs des politiques visant à favoriser l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle.

Au regard des difficultés parfois rencontrées dans ce domaine, qui peuvent être plus aiguës encore pour des parents seuls, ces politiques sont susceptibles de favoriser l’augmentation des taux d’activité des parents, particulièrement des mères, mais peuvent aussi améliorer la qualité de l’emploi.

Les « politiques d’articulation » sont en effet des facteurs de performance, au niveau macroéconomique, en contribuant en particulier à la consolidation des systèmes de protection sociale, mais aussi au niveau des entreprises, notamment en attirant et fidélisant une main-d’œuvre qualifiée et en donnant une image positive de celles-ci.

Ces mesures sont aussi sources de performance et de progrès social : elles contribuent à l’amélioration des conditions de travail, à la prévention des risques psychosociaux, ainsi qu’à la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes. Une enquête de l’OFCE montre qu’à quarante ans, à un même niveau de diplômes et d’ancienneté, il existe un écart de 17 % entre le salaire des hommes et celui des femmes, l’essentiel de cette différence de salaire – soit 70 % – restant inexpliqué.

La France se place au premier rang des pays de l’OCDE pour les différentes aides apportées aux familles. Parmi ces aides, qui représentent 3,7 % du PIB, des moyens importants sont en particulier alloués aux mesures visant à favoriser l’équilibre entre famille et travail, qui constitue un objectif clairement identifié des politiques publiques.

En termes de résultats, la situation de la France est bonne par rapport aux autres pays européens, mais elle pourrait être améliorée.

L’analyse comparée des « politiques d’articulation » fait en effet ressortir plusieurs spécificités françaises, notamment un système socio-fiscal moins individualisé et un congé parental très féminisé, plus long et moins bien rémunéré que dans certains pays, en particulier en Suède et en Allemagne. Par ailleurs, on constate en France une très bonne prise en charge des enfants de trois à six ans, grâce au système des écoles maternelles – qui est envié en Europe – mais aussi, a contrario, un manque de places d’accueil pour les moins de trois ans, les besoins non couverts étant estimés à environ 350 000 places.

La France se distingue par de bons résultats dans certains domaines, en particulier la natalité – nous avons le troisième taux de fécondité le plus élevé de l’OCDE – et l’insertion professionnelle des femmes, qui se fait plutôt à temps plein. Il existe néanmoins des voies d’amélioration afin de favoriser l’égalité des genres, l’accès ou le retour à l’emploi des mères, leurs évolutions professionnelles, de même que pour répondre plus efficacement aux difficultés parfois exprimées par les parents en matière de conciliation.

Pour créer les conditions d’un meilleur équilibre des temps professionnels et familiaux, et avec le double objectif d’aide au retour à l’emploi et d’égalité des genres, nous préconisons plusieurs orientations.

En s’inspirant notamment des dispositifs observés en Suède et en Allemagne, il faudrait aller progressivement vers un congé parental mieux rémunéré – à hauteur des deux tiers du salaire antérieur –, plus court – d’une durée de 14 mois –, en incluant deux « mois d’égalité », qui seraient réservés à celui des parents n’ayant pas pris le reste du congé et qui seraient donc perdus s’il ne les prend pas. Ainsi pourrait-on encourager une participation accrue des pères et mieux partager le congé parental : aujourd’hui, moins de 3 % des pères utilisent ce congé dans notre pays.

Nous proposons également de mettre en place un accompagnement renforcé vers l’emploi et la formation des bénéficiaires du complément du libre choix d’activité (CLCA) et d’accroître à cette fin la coopération entre Pôle Emploi et les caisses d’allocations familiales (Caf).

Le rapport préconise par ailleurs de poursuivre le développement de l’offre de garde de la petite enfance, en particulier en accueil collectif. Celui-ci est très développé dans les pays nordiques, tels que la Suède. Il conviendrait aussi de mieux évaluer les besoins et les disparités territoriales dans ce domaine.

L’accès à des modes de garde de qualité présente des enjeux importants en termes d’égalité des chances, de lutte contre les inégalités sociales et de prévention de l’échec scolaire. Les écoles maternelles sont en particulier un lieu d’apprentissage fondamental du langage, du vocabulaire, de la socialisation et du vivre-ensemble, mais aussi un mode de garde financièrement accessible, notamment à des femmes qui souhaitent continuer à travailler. C’est pourquoi il est important de maintenir, au moins au niveau actuel, la scolarisation des enfants de moins de trois ans, qui n’a cessé de diminuer au cours des dernières années.

Au regard notamment de l’implication des entreprises en Allemagne dans ce domaine, nous proposons également d’encourager le développement de la négociation collective et des bonnes pratiques en milieu professionnel, en confiant notamment à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’Anact, une mission de diffusion des bonnes pratiques et d’accompagnement des entreprises en matière d’articulation entre la vie familiale et le travail. Nous souhaitons également favoriser une représentation plus équilibrée au sein des comités de direction des entreprises.

Les directeurs des ressources humaines des entreprises doivent concevoir l’organisation du travail, les horaires et les modes de garde en cherchant à mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale et à encourager une paternité active et un véritable partage des tâches familiales, y compris ménagères, au sein du couple.

Pour reprendre une formule employée par les représentants du ministère de la famille allemand, nous voulons offrir de meilleures opportunités de carrière aux mères et davantage de temps familial aux pères.

Nous avons enfin souhaité approfondir l’analyse sur la question des familles monoparentales, qui sont particulièrement exposées au risque de pauvreté et de précarité, en France comme dans le reste de l’Europe. Je rappelle à cet égard que, selon un rapport récent de l’Insee, les personnes vivant au sein d’une famille monoparentale sont particulièrement touchées par la pauvreté et que près d’un tiers de ces personnes sont pauvres au sens monétaire, soit une proportion 2,3 fois plus élevée que dans l’ensemble de la population.

En France, le taux d’emploi des parents isolés est plus élevé que dans la moyenne des pays de l’OCDE, tandis que le taux de pauvreté est, lui, nettement inférieur. Toutefois, dans les cinq pays européens étudiés, y compris en France, le taux de chômage des mères seules est partout supérieur à celui de l’ensemble des mères.

Au cours de nos travaux, il est apparu que les politiques en direction des familles monoparentales se caractérisent par une certaine diversité en Europe, qui témoigne de différentes conceptions de 1’« État social ». Certains pays, comme la France ou le Royaume-Uni, ont ainsi adopté des dispositifs ciblés en faveur des parents isolés, contrairement à d’autres, dont la Suède. Au cours des dernières années, différentes réformes ont été mises en place dans plusieurs pays européens afin de favoriser l’accès à l’emploi et de lutter contre la pauvreté de ceux-ci.

En termes de performance comparée des politiques, on constate tout d’abord l’absence d’un réel modèle absolu de réussite, du moins parmi les cinq pays étudiés, même si la Suède, puis la France, apparaissent relativement mieux positionnées au regard des principaux indicateurs socio-économiques.

L’analyse permet d’identifier plusieurs leviers de l’action publique de nature à soutenir l’accès à l’emploi des parents isolés – je pense par exemple au caractère rémunérateur de la reprise d’un emploi, mais aussi à l’importance d’un accompagnement adapté et de la prise en compte des frais et des difficultés liées à la garde des enfants, ou à l’accès à des emplois de qualité.

Le développement de politiques volontaristes dans les domaines touchant à la conciliation entre famille et travail et au soutien à l’emploi des femmes et des parents en général, notamment à travers le développement de l’offre de garde de la petite enfance, est également de nature à favoriser l’emploi des parents isolés. À cet égard, il est intéressant de noter que, parmi les cinq pays étudiés, le « premier de la classe » – la Suède – est aussi celui où les parents isolés ne constituent pas une cible spécifique des politiques publiques.

Afin de favoriser un meilleur accompagnement social et professionnel des parents isolés en situation de vulnérabilité, nous proposons notamment d’améliorer l’information concernant les aides aux familles et le dispositif du RSA, de mieux évaluer l’accompagnement par les travailleurs sociaux ainsi que les conditions d’accès aux établissements d’accueil des jeunes enfants des bénéficiaires de minima sociaux – en particulier les parents isolés disposant de faibles ressources –, de renforcer la coordination entre les acteurs et de sensibiliser les agences de l’emploi à ce type de public, au regard notamment de pratiques observées en Allemagne.

Enfin, en nous inspirant de certains aspects d’un programme mis en place au Royaume-Uni, nous préconisons d’engager des expérimentations pour proposer un accompagnement renforcé aux parents isolés, sur la base du volontariat, avec par exemple un parcours intégré d’insertion comprenant notamment des aides accrues pour la garde d’enfants et le retour à l’emploi, voire d’autres options ou droits spécifiques, tels qu’un accès renforcé à la formation ou à un mode d’accueil.

Telles sont les principales conclusions de nos travaux, aussi passionnants que complexes, sur la performance, les enjeux et les métamorphoses de la question sociale en France et en Europe. Nous espérons avoir ainsi ouvert un débat qui, loin d’être épuisé par ce rapport, a vocation à se poursuivre régulièrement au sein de notre assemblée.

M. le Président Bernard Accoyer. Je tiens à remercier et à féliciter les rapporteurs : le travail qui leur a été confié était gigantesque, et il est d’ailleurs appelé à continuer.

M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission des affaires sociales. J’ai lu attentivement le rapport et souhaite que beaucoup de nos collègues fassent de même ! Je tiens également à remercier les rapporteurs, qui ont mené leur travail avec beaucoup de conviction.

Se pose maintenant la question des suites que l’on va lui donner. Je souhaite qu’avec les ministres concernés, et peut-être les directeurs généraux des organismes nationaux concernés, comme la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), ou le délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), nous ayons fin janvier ou début février une confrontation sur trois ou quatre principales mesures concrètes d’amélioration.

Comme l’ont souligné les deux rapporteurs, nous dépensons beaucoup : nous sommes avec la Suède parmi les meilleurs ou les moins mauvais, mais, compte tenu des moyens financiers que nous mobilisons, nous pourrions faire beaucoup mieux !

Quatre mesures principales mériteraient à mon sens d’être retenues. D’abord, l’accompagnement des demandeurs d’emplois, qui s’appuie en effet sur huit structures différentes ! J’ai fait expérimenter une maison de l’emploi hébergeant tous les services concernés, y compris les chambres de commerce, les chambres de métiers, les chambres d’agriculture et le centre d’information et d’orientation (CIO), avec à sa tête un président et un directeur unique : cela a permis d’améliorer substantiellement les prestations, puisque les offres d’emploi proposées à Pôle Emploi ont augmenté de 60 % en un an. Nous avons donc de grandes marges d’amélioration, notamment au regard de notre faible taux d’emploi.

Deuxièmement, des simplifications sont possibles s’agissant de l’instabilité des règles et de la prolongation des contrats, laquelle est nécessaire pour ceux qui ont du mal à retrouver un emploi.

Troisièmement, il y a lieu de préparer les orientations du Fonds social européen pour les années 2014-2020, qui vont se décider en 2012. Le Parlement et les élus locaux veulent-ils y participer pour voir comment le montant de 1,1 milliard d’euros prévu pour la France pourrait être employé au mieux, notamment en matière d’accompagnement pour l’emploi ?

Une autre mesure, qui pourrait donner lieu à un accord entre la droite et la gauche, concerne les écoles maternelles. Je milite pour qu’il n’y ait pas un poste de moins dans l’enseignement primaire – qui est un élément important dans notre positionnement vis-à-vis des autres pays. Mais, dans le même temps, les rythmes scolaires des élèves de douze ou quatorze ans sont totalement inadaptés, avec trop d’heures de cours : la réduction des postes pourrait être concentrée sur le premier et le second cycle du secondaire. Je vois dans des zones rurales des jeunes qui partent à l’école à sept heures et quart et qui reviennent chez eux à dix-huit heures trente !

En tout état de cause, il faut que nous tirions rapidement les conséquences du travail remarquable qui vient d’être réalisé.

M. le Président Bernard Accoyer. J’attache également la plus grande importance à ce que des suites lui soient données : nous allons tout faire dès maintenant pour qu’il en soit ainsi.

M. Jean Mallot. Quand ce travail d’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe a été lancé, nous étions nombreux à penser que, compte tenu de l’ampleur de la tâche et de la difficulté de comparer les différents systèmes européens, nos rapporteurs auraient du mal à aboutir. Or, non seulement ils ne se sont pas noyés dans le sujet, mais ils ont su établir des comparaisons entre ces systèmes et faire des recommandations intéressantes : je les en félicite et remercie Pierre Méhaignerie d’avoir suggéré ce thème de travail.

Les rapporteurs ont souligné l’importance des politiques sociales comme amortisseurs de la crise. Une étude récente de l’OCDE indique en particulier que l’accroissement des inégalités a été contenu grâce à ces politiques, même si elle fait aussi apparaître que l’écart s’est creusé en la matière avec les 0,1 % ou les 0,01 % les plus riches.

Cela étant, il faut examiner l’efficience et l’efficacité des dépenses en question, mais de façon fine, et non selon la méthode globale de la révision générale des politiques publiques (RGPP), sujet abordé il y a deux semaines par le CEC. On peut par certaines réorganisations simples, dont on peut aisément convaincre les acteurs concernés, obtenir des systèmes plus efficients et peut-être plus efficaces. Certaines mesures prises dans le passé se sont en revanche révélées inopportunes.

En arrière-plan se pose la question de l’harmonisation sociale en Europe, qui est un vaste sujet d’actualité. Il n’est pas de convergence économique et politique possible sans elle. Nous devrons veiller à ce que cette harmonisation, qui ne doit pas être confondue avec l’uniformisation, se fasse par le haut, sous peine de remettre en cause les bienfaits des politiques sociales.

J’ai relevé dans le rapport l’importance des collectivités territoriales, notamment la spécificité des conseils généraux – dont les politiques sociales méritent également d’être harmonisées à certains égards – : j’ai, à ce sujet, des réserves sur la réforme territoriale adoptée par le Parlement il y a quelques mois, dans la mesure où elle tend à confondre des collectivités dont le rôle est largement différent.

Je relève aussi le besoin de stabilité des règles, notamment concernant les contrats aidés. Les acteurs économiques et sociaux en France ont beaucoup de mal à cet égard : trop souvent, une règle est à peine publiée qu’elle est déjà modifiée !

S’agissant de la politique sociale vis-à-vis des parents isolés, j’apprécie plus l’approche retenue par ce rapport que celle du rapport sur la fraude sociale de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) : aborder la politique à l’égard des publics défavorisés ou en difficulté, notamment des parents isolés, sous l’angle de la fraude en présupposant qu’ils seraient des profiteurs, est désagréable et inadapté. L’approche proposée ici permettra de régler plus efficacement les problèmes de ces populations, qui doivent faire l’objet d’une politique ciblée, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays.

Par ailleurs, je retrouve certaines conclusions des travaux de la Mecss sur la protection du jeune enfant dans la recommandation n° 12, tendant à instaurer une allocation de congé parental d’un montant plus élevé et sur une période plus courte, de manière à assurer la stabilité économique de la famille tout en maintenant le lien à l’emploi.

Quant à la prise en charge des demandeurs d’emploi, on constate que la réforme de Pôle Emploi est insuffisante : il ne suffit pas de réunir l’ANPE et les Assedic ! J’apprécie à cet égard les recommandations 7, 8, 9 et 10, qui portent sur les entretiens relatifs à l’indemnisation des chômeurs et à leurs projets professionnels en distinguant les deux – chacun devant faire l’objet d’une réponse spécifique –, de même que sur l’approche globale du demandeur d’emploi ou sur la nécessité de renforcer les compétences et l’autonomie des conseillers de Pôle Emploi et d’adapter les moyens de cet opérateur à la conjoncture et au niveau de chômage – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

En conclusion, ce rapport est important et utile ; il comporte des outils méthodologiques et des préconisations précises auxquelles il faut donner suite, que ce soit au sein de la Commission des affaires sociales ou des autres commissions de l’Assemblée nationale.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, suppléant son président.  Ce travail, à la fois dense et clair, est en effet d’un grand intérêt.

La scolarisation des très jeunes enfants évoquée par Pierre Méhaignerie est un point important : je pense comme lui qu’il faut donner toute sa place à l’école maternelle.

Se pose à cet égard la question de la scolarisation des moins de trois ans. Je comprends que les rapporteurs ne souhaitent pas que se poursuive la diminution de la proportion d’enfants scolarisés avant trois ans au moment où l’on souhaite développer une politique d’accueil des tout-petits, notamment dans le cadre de crèches ou d’organismes assimilés. Mais je récuse l’approche caricaturale consistant à être soit systématiquement pour, soit systématiquement contre la scolarisation de ces enfants : toute présentation de ce type est très dommageable. Un enfant peut être adapté à une scolarisation dès l’âge de deux ans alors que son frère, arrivant au même âge et vivant dans les mêmes conditions, ne le sera pas !

Je n’ai pas trouvé dans le rapport d’étude comparative avec les autres pays sur les formules appropriées de prise en charge mixte de ces enfants, dans le cadre d’un dispositif à la fois communal et national. Les dispositifs du type « classe passerelle » me semblent être pertinents à la fois par leur originalité et leur adaptation aux enfants : un travail de recherche mériterait d’être mené dans ce domaine.

Parce que, au-delà de la question du coût, l’intérêt des tout-petits doit prévaloir, il serait intéressant que la Commission des affaires sociales examine la question du meilleur mode d’organisation de la prise en charge des enfants de moins de trois ans, en tenant compte des initiatives étrangères dont les rapporteurs du CEC ont éventuellement eu à connaître lors de l’élaboration de ce rapport.

M. Pierre Méhaignerie. Lors de leur visite à Berlin, les rapporteurs ont-ils eu l’occasion d’évoquer les « mini-jobs » avec leurs interlocuteurs? Si oui, quelle est la rémunération offerte dans ce cadre, et quel est le montant du revenu complémentaire ?

M. le Président Bernard Accoyer. S’agissant de la petite enfance, les rapporteurs semblent privilégier l’accueil collectif. Pour des motifs financiers que l’on ne peut méconnaître et en raison de l’hétérogénéité des besoins, il me semblerait pourtant préférable de favoriser des modes de garde diversifiés. En ce qui concerne l’accueil des enfants de moins de trois ans à l’école maternelle, je pense que, sans remettre en cause le principe, il faut se garder d’édicter une règle absolue. Les très jeunes enfants qui ne maîtrisent pas encore le langage ne sont pas tous à leur place dans des structures où règnent parfois déjà des rapports tendus entre les enfants, et les pédopsychiatres ne sont pas tous favorables à une scolarisation aussi précoce. Dans certaines situations toutefois, pour des raisons sociales, culturelles ou linguistiques, il peut y avoir un grand avantage à l’accueil collectif des très jeunes enfants. Si les places en crèche manquent, il conviendrait alors que les enfants concernés puissent trouver par dérogation une place dans une école maternelle. Il ne me paraît pas judicieux de fixer des règles intangibles quand des réponses multiples sont préférables.

Pierre Méhaignerie a soulevé la question de fond de la suite à donner à nos travaux. Je milite pour que les recommandations du CEC trouvent une traduction législative ou réglementaire. L’Assemblée nationale publie chaque année quelques cent cinquante rapports d’information ou d’évaluation, et les suites qui leur sont données ne sont pas à la hauteur des efforts fournis par les élus et les services. Le CEC doit s’employer avec persévérance à ce que cette situation change. La mission de contrôle et d’évaluation dont le Parlement est investi par la Constitution s’inscrit dans la durée. Si, en se dispersant, on passe trop vite d’un sujet à un autre, on empêche que des suites soient données aux recommandations formulées. Que M. Méhaignerie en soit assuré, j’inviterai la Conférence des présidents à inscrire à l’ordre du jour de nos travaux, pendant la semaine de contrôle, à la fin du mois de janvier prochain, un débat sur les politiques sociales réunissant les ministres concernés, et si possible le directeur général de Pôle Emploi et d’autres personnalités qualifiées concernées. Ce sera une première étape. Elle devra être suivie d’autres, pendant le reste de la présente législature comme au cours de la législature suivante, pour que les conclusions des travaux de premier ordre dont nous sommes saisis ne restent pas lettre morte. Le CEC, à l’avenir, doit éviter un foisonnement excessif de travaux nouveaux, qui nuirait à son efficacité, et je m’attacherai à ce qu’il en soit ainsi.

Sur un autre thème, j’observe également, pour m’en féliciter, que la proposition de résolution concernant la mise en œuvre du principe de précaution, issue du travail collectif et trans-courant du CEC, qui pourrait être débattue en séance publique au début février 2012, constitue une suite importante du rapport du CEC sur ce sujet.

M. Pascal Brindeau. La difficulté inhérente aux rapports comparatifs de ce type est que l’on s’efforce de cerner une question protéiforme, le contenu même de la politique étant envisagé de manière différente selon les pays considérés. Les rapporteurs ont le grand mérite, en ciblant leur ouvrage, d’avoir mis en exergue ce qui fait la faiblesse de notre pays – la politique de retour à l’emploi – et de formuler des recommandations courageuses. Le premier semestre sans travail est une période cruciale pour les demandeurs d’emplois, au cours de laquelle les conseillers du service public de l’emploi jouent un rôle déterminant. On se félicitera donc que les rapporteurs recommandent d’adapter le nombre de conseillers du service public de l’emploi en cas de crise. Cependant, les personnes amenées à se rendre à Pôle Emploi déplorent toutes l’impossibilité dans laquelle on les met de s’adresser à un interlocuteur unique. Je ne suis pas certain que recruter des conseillers sous contrat à durée déterminée stabilisera des relations que les intéressés souhaiteraient plus suivies.

D’autre part, un travail reste à conduire sur les relations entre Pôle Emploi et les entreprises. De plus en plus nombreuses sont les PME de ma circonscription qui, lorsqu’elles veulent embaucher, ne passent plus par le service public de l’emploi, et les agences d’intérim se transforment en recruteurs, ce qui pose un problème réel.

Je remercie les rapporteurs pour leurs propositions intéressantes et je souhaite que le débat annoncé soit centré sur la politique de retour à l’emploi et son évolution.

M. Jean Mallot. Comme le Président Accoyer, je souhaite bien sûr que nos travaux soient suivis d’effet. Pour cela, ils doivent être rappelés sans relâche à l’attention de nos collègues lors de nos débats en séance publique. Ce fut le cas, hier, du rapport d’information sur l’évaluation des dispositifs de promotion des heures supplémentaires prévus par la loi TEPA que M. Jean-Pierre Gorges et moi-même avons rédigé au nom du CEC. En persévérant, nous finirons pas convaincre nos collègues de l’intérêt de l’évaluation des politiques menées.

L’abondance des rapports publiés par l’Assemblée nationale peut donner une impression de foisonnement, c’est vrai. Mais on note, dans ces différents textes, des convergences et des recoupements – cela vaut, ici, pour la prestation d’accueil du jeune enfant, dont la Mecss a traité – qui montrent une cohérence d’ensemble. On se souviendra que les préconisations du rapport sur le médicament publié par la Mecss en 2008 ont finalement été mises en œuvre – malheureusement après qu’eut éclaté l’affaire du Mediator, et à cause de cette affaire.

M. le Président Bernard Accoyer. Je rappelle que l’une des recommandations du rapport de nos collègues Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, relative à la réintégration des heures supplémentaires dans le mode de calcul des allègements généraux sur les bas salaires, dits allègements « Fillon », tel qu’il résultait de la loi TEPA, a d’ores et déjà été retenue par le Gouvernement et s’est concrétisée dans la loi de financement pour la sécurité sociale de 2012.

M. Jean Mallot. C’est vrai, mais il reste encore à faire pour prendre en compte l’intégralité des recommandations du rapport.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Nous souscrivons à la proposition de M. Méhaignerie, que je remercie. De fait, les très nombreux éléments contenus dans le rapport et ses annexes font de ce document une mine d’informations.

L’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi est primordial – selon nombre de nos interlocuteurs, il est plus efficace que les incitations financières au retour à l’emploi.

En Allemagne, plus de 7 millions de personnes ont un « mini-job », un emploi à faible rémunération. C’est la seule source de revenu pour 5 millions d’entre elles, exception faite de quelques prestations sociales. J’ajoute qu’une proportion importante de ces personnes n’est pas comptabilisée en tant que chômeurs. Les employeurs allemands ne nous l’ont pas dissimulé : ce dispositif, que les syndicats apprécient assez peu, constitue pour les entreprises un effet d’aubaine qui contribue grandement à la réduction du coût du travail. En revanche, l’évolution souhaitée vers des « midi-jobs » rémunérés 800 euros n’a pu être constatée dans les faits.

Jean Mallot a insisté, comme nous le faisons, sur la nécessaire stabilité juridique. En réalité, il faut faire davantage, et avoir le courage de renoncer aux mesures dont l’évaluation a montré qu’elles n’ont pas les effets escomptés. Certains pays semblent savoir le faire mieux que nous…

Il est intéressant de comparer les politiques menées par les collectivités territoriales. La Suède procède de la sorte et publie même un classement des collectivités sur la base d’une comparaison de leurs résultats en matière sociale. Sans recommander d’aller jusque-là, nous jugeons utile des comparaisons qui permettent de repérer et de diffuser les meilleures pratiques.

Pascal Brindeau juge que les conseillers de Pôle Emploi ne sont pas suffisamment tournés vers les employeurs. De nombreux observateurs ont en effet souligné que, sur ce point, nos procédures pèchent. La démarche suivie en Allemagne est à cet égard intéressante : le conseiller commence par interroger les entreprises, puis il propose aux demandeurs d’emploi les emplois disponibles.

M. Régis Juanico, rapporteur. Nous avons appris de ces multiples auditions et déplacements en Europe qu’il est très difficile de comparer les politiques sociales : la taille, l’histoire et les traditions des différents pays européens interdisent d’imaginer un modèle unique. Cela n’empêche en rien de s’inspirer, partout, des bonnes pratiques – et il y en a dans notre pays. M. Méhaignerie a relevé dans le rapport que la part de nos dépenses de protection sociale représente environ 31 % de notre produit intérieur brut, ce qui place la France « en tête » en Europe en ce domaine. Je ne dirais pas que l’on pourrait faire « beaucoup » mieux, mais il est vrai que l’on peut faire mieux, et rendre ainsi cette dépense plus efficace.

En ces matières, les performances de la France sont souvent supérieures à celles des autres pays membres de l’OCDE, qu’il s’agisse du dynamisme démographique, de l’espérance de vie, de la politique familiale – sans doute, précisément, en raison de la stabilité de la réglementation qui la caractérise –, de la prise en charge des enfants de moins de trois ans ou du système de redistribution opéré par les prestations familiales. Les politiques sociales françaises sont donc globalement performantes, mais elles pourraient être améliorées dans trois domaines prioritaires.

Il convient en premier lieu de renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi ; à ce sujet, l’éclatement du service public de l’emploi est particulièrement nocif. Il faut aussi personnaliser les contacts entre conseillers et demandeurs d’emploi, et donner aux conseillers une plus grande autonomie, pour leur permettre de mobiliser davantage les aides existantes, telles que l’aide au permis de conduire et l’aide à la garde d’enfant.

La deuxième amélioration souhaitable concerne le congé parental. Les observations concordent : plus il est long, plus les carrières sont fragilisées, notamment celles des femmes les moins qualifiées. En Allemagne, la réforme du congé parental, qui a été à la fois raccourci et mieux rémunéré, a eu des effets très intéressants : la proportion des pères qui le prennent a significativement augmenté en dix ans.

M. le Président Bernard Accoyer. Les ménages allemands n’ont cependant pas plus d’enfants pour autant !

M. Régis Juanico, rapporteur. Il s’agit là d’une autre problématique des politiques familiales.

La troisième évolution nécessaire est d’ordre culturel et concerne les entreprises. Les directeurs des ressources humaines doivent impérativement réfléchir à une organisation du travail favorable à la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Aussi longtemps que les mentalités n’auront pas évolué à ce sujet, aussi longtemps que les femmes ne seront pas représentées à tous les niveaux des entreprises, on n’avancera pas.

Je reviens par ailleurs sur la prise en charge des enfants en âge préscolaire pour souligner que le rapport ne privilégie pas l’accueil collectif : nous parlons de modes d’accueil diversifiés, en y incluant l’école maternelle. Nous considérons que les dispositifs existants doivent tous être conservés, et complétés, car ils constituent un atout pour la compétitivité de notre pays. Pour ce qui est de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, notre position n’a rien de dogmatique. Nous ne disons pas qu’il conviendrait de revenir à la situation d’il y a dix ans, quand 30 % des enfants de moins de trois ans étaient accueillis à l’école maternelle, mais qu’il ne faut pas descendre au-dessous de la proportion actuelle, qui s’établit à 13,6 %, car dans certains cas la scolarisation des enfants âgés de moins de trois ans a des conséquences très favorables sur la suite de leur scolarité. Selon la célèbre étude Pisa de l’OCDE, cet effet est d’autant plus positif que la période de pré-scolarisation a été longue. Les pédopsychiatres ne sont sans doute pas tous d’accord entre eux à ce sujet ; pour autant, il nous semble que la scolarisation des enfants de moins de trois ans en maternelle participe utilement de la lutte contre l’échec scolaire. C’est donc une forme de prévention qui réduira les dépenses sociales à terme.

Je le répète, une offre de garde d’enfants diversifiée et complétée est un atout pour la compétitivité de la France.

Conformément aux dispositions de l’article 146-3 du Règlement, le Comité autorise la publication du rapport d’information sur la performance des politiques sociales en Europe.

Le rapport sera distribué et mis en ligne sur le site Internet de l’Assemblée nationale. Il sera transmis au Gouvernement.

En application des dispositions de l’article 146-7 du Règlement, le Comité propose à la Conférence des présidents d’inscrire un débat en séance publique sur ce rapport à l’ordre du jour d’une prochaine semaine de contrôle, en y invitant, si possible, certains responsables des organismes ou services nationaux compétents.

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

AUDITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

– Mme Anne Duthilleul, membre de la Commission de régulation de l’énergie, ancien membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de 2004 à 2010, au titre de son rapport au nom de la Délégation pour l’Union européenne du CESE sur le Suivi de la situation de la France au regard des indicateurs de Lisbonne (18 janvier 2011).

– Mme Isabelle Joumard, économiste principale, et M. Peter Hoeller, chef de la division d’économie publique à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sur le rapport Systèmes de santé : efficacité et politiques de novembre 2010 (18 janvier 2011).

– M. Laurent Caussat, sous-directeur des études et des prévisions financières, et Mme Charlotte Lespagnol, chef de la mission des programmes de qualité et d’efficience à la Direction de la sécurité sociale (DSS) (1er février 2011).

– Mme Annie Fouquet, inspectrice générale des affaires sociales, ancienne présidente de la Société française de l’évaluation (1er février 2011).

– M. Vincent Chriqui, directeur général, et M. Sylvain Lemoine, chef du département des questions sociales, du Centre d’analyse stratégique (8 février 2011).

– Mme Monika Queisser, chef de la division des politiques sociales au sein de la direction pour l’emploi, le travail et les affaires sociales de l’OCDE, et M. Stéphane Carcillo, économiste à l’OCDE, maître de conférences en sciences économiques à l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne (15 février 2011).

– Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, et M. Olivier Bontout, adjoint à la sous-direction de la synthèse, des études économiques et des évaluations, du ministère du travail, de l’emploi et de la santé (15 février 2011).

– Mme Christine Erhel, chercheure au Centre d’études de l’emploi (CEE), maître de conférences à l’université Paris I, chercheure associée au Centre d’économie de la Sorbonne (8 mars 2011).

– M. Jérôme Vignon, président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes) (15 mars 2011).

– M. Olivier Thévenon, économiste à la division des politiques sociales à l’OCDE et à l’Institut national des études démographiques (Ined) (12 avril 2011).

– M. Jean-Claude Barbier, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) (12 avril 2011).

– M. Claude Martin, directeur de recherche au CNRS, directeur du Centre de recherche sur l’action politique en Europe (Crape) et titulaire de la chaire « Lien social et santé » à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) (13 avril 2011).

– M. Nicolas Grivel, responsable de la mission Appui, ressources et stratégie des agences régionales de santé au secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales, et Mme Nathalie Georges, sur le rapport conjoint d’octobre 2007 du Centre d’études de l’emploi (CEE) et de l’Igas sur Les prestations et services d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Comparaisons internationales : Suède, Pays-Bas et Royaume-Uni (3 mai 2011).

– Mme Véronique Hespel, inspectrice générale des finances, et M. Pierre-Emmanuel Lecerf, inspecteur des finances, auteurs de l’ Étude comparative des effectifs des services publics de l’emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni (11 mai 2011).

– M. Philippe Askenazy, économiste, chercheur au CNRS, membre du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) et professeur associé à l’École d’économie de Paris (17 mai 2011).

– M. Jean-Louis Walter, médiateur de Pôle Emploi (24 mai 2011).

– Mme Annie Gauvin, directrice des études, des évaluations et des affaires internationales à Pôle Emploi (24 mai 2011).

– M. Bertrand Fragonard, président délégué du Haut conseil de la famille, et M. Gauthier Maigne, secrétaire général (25 mai 2011).

– Audition, sous forme de table ronde, d’une délégation des représentants du personnel de Pôle emploi, composée de Mmes Bernadette Billet et Sandrine Etienne, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), de M. Frédéric-Paul Martin, de la Confédération française de l’encadrement et de la Confédération générale des cadres (CFE-CGC), de M. Vincent Strobel, de la Confédération générale du travail (CGT), de M. Yann Renaud, de la CGT - Force ouvrière (FO), de Mme Sylvette Uzan-Chomat et de M. Noël Dauce du Syndicat national unitaire (SNU) (21 juin 2011).

– Mme Christine Kelly, présidente de la fondation K d’urgences, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) (28 juin 2011).

– M. Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise (OPE), membre du Haut conseil de la famille et de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, président de 1762 Consultants (28 juin 2011).

– M. Cyrille Quertier, chef de service de l’appui stratégique au développement du réseau, et de Mme Anita Tostivint, spécialiste de la parentalité au centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) (12 juillet 2011).

– M. Hervé Drouet, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et Mme Patricia Chantin, responsable des relations avec le Parlement (12 juillet 2011).

– Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE), et de M. Louis-Paul Pelé, secrétaire général (6 septembre 2011).

– M. Martin Hirsch, président de l’Agence du service civique, ancien président d’Emmaüs France et de l’Agence nouvelle des solidarités actives, ancien Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté (6 septembre 2011).

– Mme Jeanne Fagnani, directrice de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et consultante auprès de l’OCDE (7 septembre 2011).

– M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, M. Jean-Henri Pyronnet, adjoint à la sous-directrice des relations individuelles et collectives du travail et Mme Marie-Soline Chomel, chef de la mission études, Europe et international (14 septembre 2011).

– Mme Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, auteure du Rapport sur l’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités professionnelles et familiales de juin 2011 (14 septembre 2011).

– Audition, sous forme de table ronde, d’une délégation des représentants d’associations de demandeurs d’emploi, avec M. Alain Marcu, représentant l’association AC ! Agir ensemble contre le chômage, M. Laurent Delavigne, représentant le Mouvement national des chômeurs et précaires, M. Yves Barraud, président de l’association Alternatives pour une nouvelle économie de l’emploi et Mme Sophie Hancart, responsable du site www.actuchomage.org, et M. Patrick Boulte, responsable de l’association Solidarités nouvelles face au chômage (14 septembre 2011).

– M. Francis Kramarz, directeur du Centre de recherche en économie et statistique (Crest) (14 septembre 2011).

– Mme Olga Trostiansky, adjointe au maire de Paris, chargée de la solidarité, de la famille et de la lutte contre l’exclusion (20 septembre 2011).

– M. Antoine Magnier, directeur de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), et Mme Béatrice Sédillot, adjointe, au ministère du travail, de l’emploi et de la santé (21 septembre 2011).

– Mme Isabelle Eynaud-Chevalier, chef de service des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle au ministère de l’emploi et de la santé (DGEFP), et M. Marc-Antoine Estrade, chef du département synthèse (21 septembre 2011).

– Mme Anne Eydoux, professeur à l’Université de Rennes 2, chercheuse associée au Centre d’études de l’emploi (28 septembre 2011).

– M. Jean-Baptiste Obéniche, directeur général de l’Agence nationale d’amélioration des conditions de travail (ANACT), et Mme Pascale Levet, directrice technique et scientifique (28 septembre 2011).

– M. Christian Charpy, directeur général de Pôle Emploi (4 octobre 2011).

– Audition, sous forme de table ronde sur la pauvreté en France et en Europe, de : Mme Françoise Coré, du Pôle politique d’ATD Quart Monde, M. Mathieu Angotti, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), Mme Armelle de Guibert, directrice de l’antenne grande pauvreté, de l’association des Petits Frères des Pauvres, M. Bruno Grouès, conseiller technique du pôle de lutte contre l’exclusion de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss) et M. Pascal Rodier, secrétaire national du Secours populaire (5 octobre2011).

– Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale (DGCS), au ministère du Travail, de l’emploi et de la santé. (18 octobre 2011).

– Audition, sous forme de table ronde sur la conciliation famille/travail et familles monoparentales, de : Mmes Caroline Kovarsky, déléguée générale de la Fédération français des entreprises de crèches, Sandra Onysko, représentante de l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles (UFNAFAAM), Mme Karine Métayer, conseillère technique enfance, jeunesse, familles et Mme Christine Attali-Marot, présidente de la commission petite enfance, à l’Uniopss, M. François Fondard, président de l’Union nationale des associations familiales (Unaf), et Mme Claire Ménard, chargée des relations avec le Parlement (25 octobre 2011).

– Audition, sous forme de table ronde sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi et la conciliation famille-travail de : M. Gaby Bonnand, secrétaire national de la CFDT chargé de la protection sociale et des questions économiques, président de l’Unedic, et Mme Sophie Mandelbaum, secrétaire confédérale responsable de la délégation femmes à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Mme Françoise Kermorgant, déléguée centrale FO à Pôle Emploi, M. Sébastien Socias, FO Pôle Emploi et Mme Sandra Mitterrand, conseillère technique au secteur Conventions collectives de Force Ouvrière (CGT-FO), M. Yves Razzoli, conseiller confédéral en charge du dossier Emploi (CFTC), M. Christophe Lefevre, délégué national de la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Mme Marie-France Boutroue, conseillère confédérale et M. Rubens Baradji, conseiller technique, Confédération générale du travail (CGT) et Mme Martine Vignau, responsable des politiques familiales de l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa) (26 octobre 2011).

– Séminaire de travail sur la présentation de l’étude comparée annexée au présent rapport sur les politiques d’articulation entre vie familiale et vie professionnelle et les politiques publiques en direction des familles monoparentales dans cinq pays européens (3 novembre 2011), en présence de Mme Anne Eydoux, de M. Claude Martin, de Mme Jeanne Fagnani, de Mme Frédérique Le Prince, chargée de mission au secrétariat général du Haut conseil de la famille, et de Mme Marie-Thérèse Letablier, sociologue, directrice de recherche au CNRS.

DÉPLACEMENTS DES RAPPORTEURS

Ÿ Déplacement à Bruxelles (6 juin 2011)

– M. Étienne Grass, conseiller chargé du travail, de l’emploi, de la santé, de l’inclusion sociale et de la coordination du service Emploi, politiques sociales et santé, à la Représentation française de l’Union européenne ;

– Mme Claude Denagtergal, conseillère auprès de la Confédération européenne des syndicats (CSE-ETUC) ;

– Mme Éva Török, chef de cabinet adjoint du commissaire chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion ;

– M. Koos Richelle, directeur général de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, à la Commission européenne.

Ÿ Déplacement à Stockholm (13 et 14 juin 2011)

– M. Stefan Ackerby, directeur de SKL – association suédoise des communes et des régions ;

– Mme Maria Hemström, chef de l’unité d’analyse, ministère de l’Emploi ;

– Mme Ulrika Hagström, experte au département pour les questions sociales – Syndicat TCO ;

– M. Mats Essemyr, expert au département pour les questions sociales – Syndicat TCO ;

– M. Per Molander, directeur général de l’Inspection de la sécurité sociale ;

– M. Jon Dutrieux, expert au département pour les questions de soutien aux enfants, aux familles et aux handicapés, de l’Inspection de la sécurité sociale ;

– Mme Lövgren, secrétaire générale de l’association Les Parents remarquables ;

– Mme Maria Stenberg, députée du Parlement suédois, membre de la commission pour l’Emploi ;

– Mme Annelie Karlsson, députée du Parlement suédois, membre de la commission des Assurances sociales ;

– Mme Gunilla Nordgren, députée du Parlement suédois, membre de la commission des Assurances sociales ;

– Mme Marie Berlin, experte au département d’évaluation et d’analyse du système social, Agence nationale pour les affaires sociales.

● Déplacement à Londres (18 et 19 juillet 2011)

– M. Phil Gibby, directeur du National Audit Office en charge des "value for money audits" concernant le ministère du travail et des retraites ;

– M. Riaz Rahman, analyste senior de l’unité chargée des "value for money audits" concernant le ministère du travail et des retraites ;

– M. James Young, analyste senior de l’unité “Société civile et qualité de service” du National Audit Office ;

– M. Carl Emmerson, directeur adjoint de l’Institute for Fiscal Studies et directeur du programme de recherche sur les impôts directs et la protection sociale ;

– Mme Lorraine Dearden, chercheuse associée, directrice du programme de recherche Éducation, Emploi et Évaluation, Institute for Fiscal Studies ;

– Mme Barbara Sianesi, directrice de recherche en économie, programme Éducation, emploi et évaluation, Institute for Fiscal Studies ;

– M. Luke Sibieta, chercheur en économie, programme Éducation, emploi et évaluation, Institute for Fiscal Studies ;

– Mme Katherine Rake, directrice générale du Family and Parenting Institute ;

– M. Peter Grigg, directeur recherche et conseiller politique du Family and Parenting Institute ;

– M. Philipp Aylett, chef du secrétariat de la Commission des comptes publics de la Chambre des communes du Parlement britannique ;

– Mme Sinead Lawrence, conseillère politique (salaire, équilibre vie familiale - vie professionnelle, aménagement du temps de travail, contrats de travail), au syndicat d’employeurs Confederation of British Industry ;

– Mme Emily Catell, analyste en chef à la division Parentalité et emploi du ministère du travail et des retraites ;

– M. Eamonn Davern, chef de la division des parties prenantes et des usagers du Jobcentre Plus ;

– Mme Nicola Smith, responsable des affaires économiques et sociales au Trade Union Congress (syndicat de salariés).

● Déplacement à Berlin (6 et 7 novembre 2011)

Ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse :

– M. Peter Siemund, chargé de la division de la politique internationale de la famille ;

– Mme Kirsten Wendland, chef de la division de l’évaluation des prestations familiales ;

– M. Thomas Metker, chef de la division des questions de politiques familiales ;

– M. Ingo Behnel, directeur de la politique de la famille ;

Confédération des syndicats allemands (DGB) :

– Mme Gabriele Bischoff, directrice des affaires européennes ;

– Mme Christina Stockfisch, de la division des femmes et de l’égalité des sexes ;

– Mme Silke Raab, chargée de la politique de la famille à la division des femmes et de l’égalité des sexes, ;

– M. Johannes Jakob, division de la politique du marché du travail, de la formation continue et du travail intérimaire ;

Agence fédérale du travail (BDA) :

– M. Lars Andresen, chargé de la communication politique ;

Fédération des employeurs allemands (BDA) :

– Mme Julia Kaute, chargée de mission à la division des affaires internationales et européennes ;

– M. Alexander Böhne, chargé de la politique du personnel ;

– M. Torsten Petrak, chargé de la politique du marché du travail.

ANNEXE N° 2 :
COMPTES RENDUS DES TABLES RONDES (LA PAUVRETÉ EN FRANCE ET EN EUROPE, LA CONCILIATION ENTRE FAMILLE ET TRAVAIL ET LES FAMILLES MONOPARENTALES, L'ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI ET LA CONCILIATION FAMILLE-TRAVAIL)

Mercredi 5 octobre 2011

– Audition, sous forme de table ronde, sur la pauvreté en France et en Europe, de M. Matthieu Angotti, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), Mme Françoise Coré, représentante d’ATD Quart Monde Mme Armelle de Guibert, directrice de l’antenne « Grande pauvreté » aux Petits frères des pauvres, M. Bruno Grouès, conseiller technique du pôle « Lutte contre l’exclusion » de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), et M. Pascal Rodier, secrétaire national du Secours populaire. 

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Mesdames et messieurs, je vous remercie d’avoir accepté de participer à cette table ronde, organisée dans le cadre d’une mission qui nous a été confiée par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale, visant à évaluer la performance des politiques sociales en Europe. Le sujet étant très vaste, nous avons décidé, après une étude transversale générale, de recentrer notre analyse sur les politiques d’aide au retour à l’emploi et sur les politiques à destination des familles, plus particulièrement monoparentales.

M. Régis Juanico, co-rapporteur. Je précise que l’évaluation porte sur les politiques sociales des différents États européens, dans une perspective comparative, sans pour autant exclure la politique sociale européenne elle-même, et notamment les conséquences d’une réduction du programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD).

M. Matthieu Angotti, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars). La Fnars fédère 850 associations, intervenant principalement dans le champ de l’hébergement, de l’accès au logement et de l’insertion par l’activité économique. Ces organismes accueillent, traditionnellement, un grand nombre d’hommes seuls âgés de 35 à 50 ans, mais, depuis dix à quinze ans, on voit apparaître de nouveaux publics, notamment des jeunes en rupture avec leur milieu familial – aujourd’hui, 20 % des personnes accueillies dans les centres d’hébergement ont moins de 25 ans –, et des familles monoparentales – essentiellement des femmes seules avec enfants. En outre, avec la crise économique et sociale que nous traversons depuis 2008, l’exclusion atteint des niveaux très élevés, et des familles non monoparentales viennent elles aussi frapper aux portes des structures d’hébergement.

Toutes ces personnes ont en commun de rencontrer des difficultés d’accès à l’emploi. Il s’agit d’un processus cumulatif : plus on est éloigné de l’emploi, plus on a de mal à y revenir, en raison d’obstacles multiples, dans le domaine de la santé, de la qualification, de la garde des enfants, ou de l’éducation. Voilà pourquoi l’accès à une activité économique est l’enjeu majeur de la lutte contre la pauvreté. Selon les indicateurs, il y a trois à quatre millions de chômeurs en France : même si les politiques sociales ne résoudront pas à elles seules le problème, il faut avoir conscience du contexte actuel pour travailler dans ce domaine.

M. Régis Juanico, co-rapporteur. L’augmentation du nombre de seniors en situation de pauvreté fait-elle partie des nouvelles tendances ?

M. Matthieu Angotti. Les études consacrées aux phénomènes d’exclusion récents, notamment celle que le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) a réalisée pour l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes), montre que les seniors sont de plus en plus concernés. Depuis trente ou quarante ans, leur nombre était relativement stable, voire avait tendance à décroître, dans la mesure où les générations qui partaient à la retraite avaient bénéficié de parcours professionnels stables. On voit aujourd’hui arriver à l’âge de la retraite les premières générations de la crise ; leurs pensions sont moins confortables en raison de parcours plus chaotiques. Il ne s’agit pas encore d’un phénomène massif, mais le problème est réel, d’autant plus que les personnes concernées n’ont pas l’habitude d’appeler à l’aide et que les professionnels du secteur connaissent mal ce public.

L’accès à une activité économique inclut l’accès à l’emploi, mais aussi l’accès à la formation professionnelle – encore insuffisant –, voire la possibilité de créer sa propre activité ; le service public de l’emploi n’est pas très performant sur ce dernier point.

Le revenu minimum d’insertion (RMI) avait certes des défauts – notamment la faiblesse des taux de contractualisation des contrats d’insertion, qui variaient entre 30 et 60 % selon les territoires –, mais il comportait aussi de bons aspects, notamment l’accompagnement socioprofessionnel des bénéficiaires. Avec le revenu de solidarité active (RSA), on souhaitait à l’origine faciliter l’accès au service public de l’emploi et accorder une prime à l’activité. Il existait déjà un système d’intéressement auparavant – quand on reprenait une activité professionnelle, on pouvait cumuler les revenus d’activité et le RMI –, mais on souhaitait le pérenniser et l’appliquer à d’autres catégories de population, notamment celle des travailleurs pauvres.

Il avait été décidé d’évaluer le RSA en mode expérimental. Travaillant à l’époque au CRÉDOC, j’y ai contribué ; nous avions émis plusieurs mises en garde.

En premier lieu, nous conseillions de ne pas focaliser le dispositif sur les aspects financiers : depuis vingt ans, les études sur le RMI tendaient à montrer que le principal facteur de retour à l’emploi n’était pas l’incitation financière à travailler, mais l’accompagnement. Les personnes éloignées de l’emploi sont dans une problématique de survie, et les obstacles qui les séparent de l’emploi ne se surmontent pas avec un chèque.

Or le RSA prévoyait de distinguer l’accompagnement social, pris en charge notamment par les travailleurs sociaux et les communes, et l’accompagnement professionnel, dont était chargé Pôle emploi. Nous avions mis en garde contre une trop forte dichotomie et rappelé la nécessité de veiller à ce que Pôle emploi soit en mesure de s’occuper de toutes ces personnes.

Il existait en outre un risque en termes d’image, dans la mesure où le RSA, à la fois minimum social et complément de revenus, rassemblait deux dispositifs en un. Ses promoteurs assuraient que tout le monde bénéficierait ainsi d’une dynamique positive, et que cela permettrait de remédier à la stigmatisation du RMI.

Enfin, nous craignions que l’effet de seuil ne soit que repoussé : le RSA encouragerait peut-être à la reprise d’un travail, mais une personne travaillant 10 heures dans la restauration rapide avec un revenu complété par le RSA aurait-elle intérêt à passer à 20 heures afin de gagner dix euros de plus ? Rien n’était moins sûr.

Sur ces quatre points, nos craintes se sont avérées justifiées. Que l’on se soit focalisé sur les aspects financiers, passe encore : ce n’est qu’une question de discours. Ce qui est plus grave, c’est que quasiment les deux tiers des bénéficiaires du RSA sont orientés vers Pôle emploi, qui n’a ni les moyens, ni le personnel formé pour les prendre en charge. Du coup, après être venus une fois ou deux, les intéressés n’y retournent plus, et les équipes qui s’occupent de la gestion des contentieux se trouvent submergées par des dossiers de personnes qui ne sont plus suivies.

M. Régis Juanico, co-rapporteur. Le directeur général de Pôle emploi soutient que les conseils généraux ne consacrent pas assez de moyens financiers aux personnels d’accompagnement. Partagez-vous son point de vue ?

M. Matthieu Angotti. Je ne souhaite pas entrer dans ce débat ; je constate simplement que les personnes concernées ne sont pas accompagnées.

Il ne s’agit pas de revenir en arrière, car le RSA répondait à de bons principes : permettre l’accès au service public de l’emploi, accorder une prime à l’activité. En revanche, force est de constater que la mise en œuvre de ces principes a été difficile, surtout en période de crise, et que Pôle emploi n’a pas les moyens d’assurer le suivi des bénéficiaires. Il faut donc trouver des solutions, peut-être via les conseils généraux, ou en déléguant la mission d’accompagnement aux associations.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Pourquoi les travailleurs pauvres recourent-ils peu au RSA ?

M. Matthieu Angotti. Il s’agit en effet d’un autre échec : en termes d’image, il s’est produit exactement l’inverse de ce qu’on espérait ; non seulement les bénéficiaires du « RSA socle » souffrent exactement de la même image que les bénéficiaires du RMI, mais les bénéficiaires du « RSA activité » se sentent eux aussi stigmatisés. De surcroît, le dispositif impose des démarches administratives assez lourdes, pour gagner des sommes minimes. Enfin, se pose le problème du travail au gris, certaines personnes ne souhaitant pas être surveillées.

Autre risque qui s’est vu confirmé sur le terrain, l’arbitrage en faveur du temps partiel. La seule solution est de favoriser l’insertion professionnelle et l’accès à un emploi de qualité, grâce à un bon accompagnement des bénéficiaires. S’il s’agit simplement de faire basculer quelques personnes de l’autre côté du seuil de pauvreté, le « RSA activité » n’a aucun intérêt ; selon les calculs de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), seulement 0,2 % des familles ont vu leur sort s’améliorer grâce à lui : c’est dérisoire !

J’en viens aux indicateurs. Le problème, c’est que la France n’a pas respecté le processus d’harmonisation et qu’elle a décidé unilatéralement en 2007 de se doter d’un nouvel indicateur, le taux de pauvreté ancré dans le temps : on a décidé, une fois pour toutes, qu’être pauvre, c’était disposer de moins de 900 euros par mois ; cette valeur ne varie qu’en fonction de l’inflation.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Dans notre étude, nous avons plutôt retenu comme seuil de pauvreté 60 % du revenu médian.

M. Matthieu Angotti. Ce qui est intéressant, c’est d’utiliser plusieurs indicateurs, comme le fait l’ONPES – qui, malheureusement, manque cruellement de moyens.

Le Fonds social européen (FSE) est un bon outil, qui accorde des subventions importantes, mais qui, en France, est handicapé par une gestion trop pointilleuse : on ne touche l’argent qu’au bout de deux à trois ans, ce qui implique des avances de trésorerie, donc des frais bancaires énormes.

Une initiative intéressante, intitulée « Pour une Europe sociale, apprenons la MOC », a été lancée pour mieux comprendre la Méthode ouverte de coordination. Par ailleurs, je copréside, avec Bruno Grouès, le groupe de travail du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) sur la participation des personnes en situation de pauvreté ou d’exclusion sociale aux politiques qui les concernent. Nous avons émis plusieurs recommandations, que nous présenterons dans quelques jours à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Il importe de promouvoir la création de collectifs de personnes en situation de précarité et de pauvreté afin de les aider à sortir du témoignage individuel et à construire une parole collective. Il conviendra ensuite d’accorder des places à ces collectifs dans les instances qui élaborent, suivent et évaluent les politiques publiques. Il s’agit d’un enjeu majeur.

Mme Françoise Coré, pôle politique, ATD Quart Monde. Je suis d’accord avec tout ce qui vient d’être dit.

Depuis 50 ans, ATD Quart Monde lutte avec les populations pauvres en France et dans le monde à la recherche de solutions pour mettre fin au fléau qu’est la pauvreté. Les politiques publiques font partie intégrante de ces solutions. Pour qu’elles soient bien orientées, il importe qu’elles soient bien évaluées. C’est pourquoi nous nous félicitons que le CEC se penche sur la performance des politiques en matière de lutte contre la pauvreté.

Une évaluation réussie doit mesurer les changements que ces politiques entraînent dans la vie des personnes en situation de pauvreté. Pour cela, il convient que celles-ci soient associées à l’évaluation, comme le prévoyait d’ailleurs l’article 159 de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998.

L’évaluation ex post, sur les résultats avérés, n’a de sens que si la politique a pu aller au bout de ses effets. Elle sera d’autant plus significative qu’elle aura été précédée d’une évaluation ex ante, sur les résultats escomptés, réalisée par l’intermédiaire d’études d’impact ; c’est essentiel pour que les décisions soient prises de manière informée.

Les politiques susceptibles d’exercer un effet, positif ou négatif, sur la pauvreté et l’exclusion sociale ne se limitent pas, loin s’en faut, aux politiques labellisées « politiques de lutte contre la pauvreté ». L’article 1er de la loi de 1998 faisait ainsi de la lutte contre les exclusions une priorité pour l’ensemble des politiques de la nation. Comme l’a souligné Matthieu Angotti, pour lutter contre le chômage, les politiques sociales ne suffiront pas.

De même, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne a introduit, dans son article 9, une clause sociale horizontale , en prévoyant que dans la définition de ses politiques et actions, « l’Union prend en compte les exigences liées » – entre autres – « à la lutte contre l’exclusion sociale ». Ce sont donc toutes les politiques et actions publiques qui doivent être évaluées.

Que nous disent les plus pauvres ? Une participante à une Université populaire Quart monde déclarait : « Si on avait tous nos droits, on ne serait pas pauvres ».

Le rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », publié en 1987 par le Conseil économique et social, a introduit une nouvelle manière de considérer les plus pauvres et de concevoir la lutte contre la pauvreté ; il est, à ce jour, le plus diffusé des rapports du Conseil. La misère y est assimilée à une violation des droits de l’homme ; on y souligne les limites de l’assistance et la nécessité de réintroduire les très pauvres dans les circuits communs.

Ce rapport a été à l’origine d’avancées majeures, comme la création du RMI ou l’adoption de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, résultat d’une lutte de dix années menée par l’ensemble des associations du secteur, et qui est elle-même à l’origine de la couverture maladie universelle (CMU) et du droit au logement opposable (Dalo).

Au niveau européen, la protection contre la pauvreté a été inscrite dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – article 34 – et dans la Charte sociale révisée du Conseil de l’Europe – article 30. Cet énoncé des droits de tous pour tous est encore renforcé par l’interdiction de discrimination sur le critère d’origine sociale ; en France, récemment, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) a d’ailleurs recommandé au Gouvernement « de mener une réflexion sur l’intégration du critère de l’origine sociale dans la liste des critères prohibés ».

Pendant vingt ans, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion s’est ainsi inscrite dans la lutte pour les droits, selon une approche tendant à l’éradication de la pauvreté et ayant une portée universelle. Ces textes imposent une obligation de résultat à l’État, garant de l’effectivité des droits fondamentaux pour tous.

Depuis une dizaine d’années, on note en France et dans l’Union européenne une nouvelle orientation des politiques de lutte contre la pauvreté, reposant sur des objectifs chiffrés et sur des indicateurs, et visant à une réduction partielle de la pauvreté à une échéance donnée. Il s’agit là d’une différence fondamentale par rapport à l’objectif précédent.

L’objectif de réduction de la pauvreté comporte un risque élevé – et, dans certains cas, une volonté cachée – de sélectivité et d’écrémage. Si des garanties ne sont pas mises en place, ceux qui bénéficieront de cette stratégie seront les moins en difficulté parmi les pauvres. Qu’adviendra-t-il des autres ? Ils se retrouveront encore plus en arrière, abandonnés, considérés comme moins « capables » que ceux qui s’en sortiront moyennant les aides disponibles. L’écrémage contribuera ainsi à pérenniser la misère et l’exclusion, et à développer une suspicion à l’égard de ceux qui sont le plus en difficulté.

C’est d’ailleurs de ce que dénonçait Pierre Saglio, alors président d’ATD Quart Monde France, en 2010 : « L’ambition du droit commun pour tous jusqu’aux plus fragiles n’est plus portée aujourd’hui. La réforme du RSA est significative d’un abandon de l’ambition du droit commun pour ceux qui sont les plus éloignés du travail. Le " RSA activité " est un bon outil pour des personnes qui peuvent accéder à un travail, mais pour ceux qui sont exclus du marché de l’emploi, il n’apporte rien. Il y a une forme de renoncement qui n’est pas le fait des seuls politiques. Les citoyens, l’opinion publique, l’ensemble de la société semblent s’être résignés. On distribue des aides, on apporte les secours de base pour soulager la souffrance, mais on renonce à l’ambition radicale d’en finir avec ce fléau. [...] Alors que la lutte contre la pauvreté ne peut être menée que sur le long terme, on s’enferme dans des logiques d’urgence, sans se préoccuper de ce qui produit de l’exclusion et la pauvreté de demain. »

La pauvreté de demain, ce sont les jeunes des familles pauvres et les jeunes en errance qui vont la subir. L’orientation actuelle des politiques basées sur des objectifs chiffrés et sur des indicateurs ne permettra pas de casser la pauvreté intergénérationnelle. ATD Quart Monde, dans le cadre de l’Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, a été à l’initiative d’un regroupement de jeunes, hommes et femmes, âgés de 16 à 30 ans, originaires de dix pays européens et de différents milieux, y compris très défavorisés. Ces jeunes ont réfléchi ensemble aux sujets relatifs à leur vie : l’école, la formation professionnelle, le travail, la vie en famille, la citoyenneté, les discriminations, la violence. Ils ont transmis les résultats de leur travail collectif aux responsables politiques de la France et de l’Union européenne. Voici ce qu’ils disent :

« Que ce soit au niveau des écoles, que ce soit au niveau du travail, quand on donne le nom de la rue ou du quartier où on habite, on est très mal vus et ça peut durer dix, quinze ou trente ans ; on est poursuivis par cela » ;

« On dit que l’école c’est l’égalité des chances, mais c’est pas vrai » ;

« Mon souci à moi, ce n’est pas d’avoir une allocation, c’est de trouver du travail » ;

« Il ne faut pas nous imposer des solutions toutes faites ».

On en revient ainsi au thème de la participation : il faut écouter les destinataires des politiques publiques, dialoguer avec eux et construire ensemble des solutions.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Vous avez évoqué l’écrémage lié aux objectifs de réduction de la pauvreté, qui ferait que les plus pauvres le resteraient. Que serait une approche différente ?

Mme Françoise Coré. On éviterait l’écrémage par le choix des indicateurs. Si, par exemple, l’on retient comme indicateur du taux de pauvreté 60 % du revenu médian, étant donné le nombre de personnes se trouvant au-dessous de ce niveau, il sera plus facile de faire passer au-dessus du seuil, qui est à 1 euro près, les personnes qui en sont les plus proches.

Si l’on veut vraiment utiliser des indicateurs, il faudra se doter d’une batterie extrêmement vaste. Tony Atkinson, qui est l’expert de la Commission européenne sur la question, estime que, rien que pour mesurer la pauvreté monétaire, il faudrait un indicateur portant sur le niveau de vie – le revenu par unité de consommation –, un portant sur l’intensité de la pauvreté, un portant sur la permanence de la pauvreté et un portant sur les inégalités de niveau de vie. La solution de facilité, qui serait d’utiliser un très petit nombre d’indicateurs, est très risquée. Elle ne peut être acceptée que si la présentation des indicateurs est accompagnée d’une analyse expliquant leur évolution et permettant leur interprétation.

M. Régis Juanico, co-rapporteur. On nous a présenté à Bruxelles un travail en cours sur les indicateurs au niveau européen.

Mme Françoise Coré. Au niveau européen, on a décidé de retenir trois indicateurs, ce qui va dans un sens déjà moins restrictif. En France, le « tableau de bord du suivi de l’objectif de réduction de la pauvreté », publié pour la première fois en 2008, prévoit, s’agissant la grande pauvreté monétaire, un objectif de stabilité sur cinq ans. Il n’y a donc pas de volonté de s’y attaquer.

Mme Armelle de Guibert, directrice antenne Grande pauvreté, Petits frères des pauvres. Je dirige des structures qui hébergent des personnes sans abris, depuis maintenant dix ans. Une cause importante, non de la pauvreté, mais du fait de se trouver en rupture d’hébergement, est la difficulté d’accès au droit : les personnes isolées et désocialisées n’ont souvent ni la connaissance des dispositifs et des circuits, ni l’habitude des administrations pour effectuer les démarches nécessaires, soit que leurs métiers qui ne les y aient pas amenées, soit qu’elles ne maîtrisent pas bien notre langue. Beaucoup de personnes auraient ainsi pu conserver leur logement si on les avait aidées à défendre leurs droits.

Par ailleurs, l’éclatement des dispositifs ne favorise pas un accompagnement global et durable. Pour le RSA, le cahier des charges du marché passé par la Ville de Paris précisait ainsi que les opérateurs devaient travailler dans tous les domaines : insertion professionnelle, éducation, santé, accès au logement. Concrètement, ils n’y arrivent pas ! Du coup, les personnes ont plusieurs interlocuteurs, qui n’agissent pas de concert : le référent RSA n’ira pas nécessairement dans le même sens que nous.

Autre exemple, un tiers des jeunes de moins de 25 ans accueillis dans les structures d’hébergement d’urgence viennent directement de l’aide sociale à l’enfance (Ase) ; en effet, les services en charge de l’Ase estiment que l’accès au logement ne fait pas partie de la protection de l’enfance, et les contrats jeunes majeurs sont menacés. Quand un jeune demande un renouvellement pour six mois du contrat afin de résoudre ses difficultés de logement, il s’entend répondre qu’il ne s’agit pas du cœur de l’activité de l’Ase ! Du coup, on les retrouve au centre d’hébergement d’urgence, où certains arrivent dès le lendemain de leur dix-huitième anniversaire.

De même, pour constituer les dossiers de retraite des personnes qui percevaient le RSA et ont eu des parcours chaotiques, il faut des techniciens ! Nous avons la chance de pouvoir compter sur des bénévoles spécialisés, mais les rapports avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) sont difficiles.

Chez les plus de 50 ans, une rupture de droits peut provoquer un retour à la rue. Le cas le plus fréquent est la rupture du RSA et des droits afférents – par exemple, si la personne disposait d’un récépissé de demande de titre de séjour, mais que le rendez-vous à la préfecture, soit avait été fixé après l’expiration du délai de validité du récépissé, soit avait été manqué pour des raisons de santé.

Afin de vérifier que les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) sont bien sur le territoire français, on leur adresse des questionnaires ; si ceux-ci, pour une raison ou une autre, ne sont pas renvoyés, le versement de l’ASPA est immédiatement stoppé. Il est alors difficile de réactiver les droits : on examine les dossiers au cas par cas, cela prend du temps et ce n’est pas forcément rétroactif. Si nous n’étions pas là pour prendre en charge le coût de leur hébergement, grâce à des financements pour partie privés, toutes ces personnes se retrouveraient à la rue.

M. Régis Juanico, co-rapporteur. Les conséquences de ces ruptures de droits font-elles l’objet d’un travail collectif de la part des associations nationales de lutte contre la pauvreté, de manière à saisir le Médiateur de la République et porter la question dans le débat public ?

M. Bruno Grouès, conseiller technique du pôle « Lutte contre l’exclusion » de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). C’est ce que fait le Secours catholique.

Mme Armelle de Guibert. Nous sommes en train de faire remonter les informations sur les différents cas dont nous avons connaissance ; quand nous les aurons toutes collectées, nous saisirons le Médiateur.

Mme Françoise Coré. De façon collective, le CNLE le fait périodiquement.

Mme Armelle de Guibert. S’agissant du droit à la santé, le rapport du CNLE comprend une contribution sur l’aide médicale de l’État (AME). Il préconise que la sécurité sociale aille vers les plus pauvres, plutôt que l’inverse. De fait, la venue d’agents des caisses primaires d’assurance maladie (Cpam) dans nos associations permet de résoudre des cas qui, sinon, sembleraient insolubles. Or cette possibilité semble aujourd’hui menacée.

Notre public est constitué pour 78 % d’hommes et pour 22 % de femmes. Il s’agit, pour une part, de personnes qui étaient relativement bien insérées mais qui, à la suite de la perte de leur emploi, d’une addiction ou d’un divorce, n’arrivent pas à gérer la baisse de leurs revenus.

Une autre catégorie est constituée de personnes au parcours chaotique, avec des cotisations éparses. Au début, cela pouvait être un choix de leur part – notamment après 1968 –, mais les années passant, ou à la suite d’une addiction ou d’une maladie, ils se retrouvent en difficulté.

Troisième catégorie, les travailleurs migrants, qui n’ont pas forcément été déclarés et qui connaissent mal leurs droits.

Ensuite, il y a des personnes qui, depuis leur naissance, n’ont jamais eu un logement en propre.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Constatez-vous une augmentation du nombre de seniors ?

Mme Armelle de Guibert. Oui : nos services n’arrivent plus à faire face à la demande. On voit des gens de plus en plus âgés, dont la pension de retraite est insuffisante, ou qui souffrent de maladie, et qui n’arrivent plus à payer leur loyer.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Ont-ils fait des démarches pour obtenir le minimum vieillesse ?

Mme Armelle de Guibert. Non, car ils n’en ont pas l’habitude ; de ce point de vue, nous faisons le même constat que la Fnars. Le problème est particulièrement grave en raison de l’isolement de ces personnes : dès qu’elles ont un problème de santé, qu’elles sont hospitalisées, les traites ne sont plus payées, et c’est vite le cercle vicieux. Un autre cas de figure, c’est quand deux personnes ne sont pas mariées, que l’un des deux décède et que ses enfants mettent le conjoint à la porte ; ce fut le cas d’un homme de 80 ans dernièrement. Il existe des situations très différentes, mais presque toutes résultent de l’isolement, de la méconnaissance de dispositifs trop complexes et de la difficulté qu’ont ces personnes à accéder à leurs droits.

Enfin, la dernière catégorie est constituée de personnes ayant toujours vécu dans un milieu enfermant et sécurisé, comme l’armée ou les congrégations religieuses ; quand ils en sortent, ils ne savent plus prendre des décisions et se retrouvent assez rapidement à la rue.

M. Pascal Rodier, secrétaire national du Secours populaire. Pour ce qui est de l’évolution de la pauvreté en France, les associations de solidarité constatent un accroissement des demandes et une réduction de l’accès aux droits sociaux contenus dans le préambule de la Constitution. Je retiendrai comme la plus symbolique la réduction de l’accès aux vacances, un Français sur deux ne partant pas en vacances selon certaines études récentes. Alors que certains indicateurs fixent le seuil de pauvreté à environ 950 euros, le baromètre Ipos- Secours populaire de 2011 montre que les Français placent ce seuil à un petit plus de 1 000 euros. Cela signifie, par exemple, que les seniors qui ne bénéficient pas d’autres sources de revenus que la retraite de base de la sécurité sociale sont concernés. Il est vrai que les permanences d’accueil des associations comme les nôtres accueillent de plus en plus ce nouveau public. Nous tenons même désormais des permanences dans les universités, de plus en plus d’étudiants se voyant contraints de faire appel à l’aide sociale au sens large.

M. Régis Juanico. Selon l’Insee, 20 % des étudiants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2009 : c’est considérable.

M. Pascal Rodier. Selon le même sondage Ipsos, 30 % des 15-34 ans considèrent avoir connu personnellement une situation de pauvreté. La précarité ne touche plus seulement des catégories marginales de la population.

De tels chiffres expliquent pourquoi les mécanismes de l’aide sociale se révèlent parfois impuissants à appréhender des parcours de vie complexes. Ainsi les dispositifs d’insertion peinent à répondre à la situation des familles monoparentales, ces parents isolés étant souvent dans l’impossibilité d’occuper les emplois qu’on leur propose faute de trouver un mode de garde adéquat pour leurs enfants. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’emplois aux horaires décalés, peu compatibles avec le fonctionnement d’une crèche normale. Ces gens ne sont pas que des travailleurs : ils ont aussi une vie à côté du travail. C’est pourquoi l’insertion par l’économique restera insuffisante tant qu’on ne se préoccupera pas des autres modalités d’insertion. Ainsi emploi et logement sont liés : accéder au logement social peut se révéler compliqué pour les jeunes qui sont en contrat à durée déterminée (CDD). Il n’est pas toujours facile d’identifier les besoins d’accompagnement de ces publics, qui ne connaissent pas toujours les mécanismes d’aide à l’accès au logement. Toute la difficulté est de parvenir à établir des passerelles entre les différents dispositifs sociaux afin de pouvoir traiter l’ensemble de la situation de la personne concernée.

Avec 188 000 familles monoparentales sur 538 900 familles accueillies par notre association, la proportion des parents isolés est loin d’être négligeable. Le manque de maîtrise de la langue française est un autre obstacle à l’accès aux dispositifs d’aide sociale – nous voyons souvent dans nos permanences des enfants se faire les interprètes de leurs parents –, d’autant que ces dispositifs ne sont pas toujours compréhensibles même pour le citoyen ordinaire.

M. Mathieu Angotti. D’où l’importance de l’accompagnement. Nous sommes aujourd’hui dans la situation ubuesque où les travailleurs sociaux eux-mêmes ne maîtrisent pas l’ensemble des dispositifs : ceux qui sont censés ouvrir les portes ne disposent pas des clés nécessaires ! Cela confirme ce que disait Armelle de Guibert sur la nécessité d’un accompagnement global. Celui-ci suppose d’identifier les accompagnants et de leur donner les moyens de maîtriser l’ensemble du système. Tant que les pouvoirs publics n’auront pas conscience que le travail social aujourd’hui doit faire l’objet d’un investissement assez lourd, notamment en matière de formation, mais que le retour sur investissement sera formidable, en termes de santé publique, de réduction de la délinquance etc., on n’y arrivera pas.

M. Pascal Rodier. Je voudrais faire part à ce propos d’une expérience personnelle. Lorsque le RSA s’est substitué au RMI, le réflexe du conseil général des Yvelines a été de fermer l’association qui accompagnait sur le plan socioprofessionnel les allocataires du RMI dans l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, laissant les bénéficiaires du RSA dans la nature. On retrouve une partie de ce public par le biais de l’aide au logement, par exemple dans les logements de stabilisation, mais force est de constater que l’accompagnement social est beaucoup moins visible, ce qui est d’autant plus regrettable s’agissant de personnes dont l’éloignement de l’emploi est souvent aggravé par des parcours personnels marqués par des ruptures. Comment dire à quelqu’un qui est fragilisé sur différents axes de sa vie qu’il va s’épanouir par le travail ? Voilà une difficulté parmi d’autres.

J’en viens à la question du programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD). Le PEAD était la seule chose ressemblant peu ou prou à une politique sociale européenne. Il est vrai que son adossement à la politique agricole commune contenait en germes les difficultés actuelles, la PAC étant régulièrement remise en cause. En 2008, la Commission avait déjà proposé de modifier les règles de financement de ce programme. La réduction envisagée de 75 % de l’enveloppe financière pour l’ensemble de l’Union européenne se traduirait par une baisse de 80 % des crédits destinés à la France. Or il faut savoir qu’en 2010, le PEAD a financé plus de la moitié des 90 millions de repas distribués par notre association. Par ailleurs, notre association n’est pas la seule à bénéficier de cette aide en France, où elle est distribuée aussi par la Croix rouge, la Fédération des banques alimentaires et les Restos du cœur, entre autres. On mesure l’impact d’une réduction aussi drastique de l’aide alimentaire : la situation sociale risque de se tendre dangereusement dans certains endroits. Pour les associations de solidarité, le pire serait de se retrouver en porte-à-faux par rapport à une politique dont nous ne sommes que les exécutants, et non les décideurs. On aurait pu à la limite accepter une baisse de 10 % de l’enveloppe financière, mais pas de 80 % d’un coup !

M. Régis Juanico, co-rapporteur. À un moment où la pauvreté s’accroît dans toute l’Europe, il n’y a pas de raison pour que le seul programme européen d’aide aux plus démunis voit ses crédits baisser, même de 10 %.

M. Pascal Rodier. D’autant plus que le poids financier de ce programme est relativement marginal par rapport à l’ensemble du budget européen. D’autres structures d’aide aux plus démunis, telles que les centres communaux d’action sociale (CCAS), risquent de se retrouver en difficulté. Dans mon département, le PEAD fournit 475 000 des 750 000 euros d’aide alimentaire annuelle.

En revanche, le Secours populaire n’émarge pas au Fonds social européen : je mets au défi n’importe quelle mission locale d’y recourir, étant donné la lourdeur et la technicité excessive du dispositif.

M. Mathieu Angotti. Ce serait même dangereux, étant donné l’excès des contrôles !

M. Pascal Rodier. Ces contraintes sont tellement monstrueuses qu’il serait plus simple d’émarger au FSE pour une entreprise du CAC 40 que pour une mission locale.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Il semble pourtant que les associations allemandes sollicitent davantage le FSE.

M. Mathieu Angotti. La gestion administrative du dispositif est bien plus lourde en France.

M. Pascal Rodier. En outre, le tissu associatif n’est pas le même dans ces deux pays. Il faudrait que l’administration française facilite l’accès des associations au FSE. Simplement connaître le dispositif suppose déjà de disposer de relais à Bruxelles, ce qui est hors de portée de la majorité des structures associatives.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Une consultation des associations est-elle organisée au niveau européen ?

M. Pascal Rodier. À ma connaissance, cela n’existe pas, et si un tel dispositif existait, il mériterait d’être mieux connu. Il arrive en effet que, comme les citoyens, les associations ne recourent pas à des dispositifs existants faute d’en connaître l’existence.

M. Mathieu Angotti. De ce point de vue, on ne saurait trop insister sur le caractère essentiel du premier accueil. Plus généralement, il faut souligner l’importance de la capacité à « aller vers » les plus démunis. En la matière, les expérimentations sont nombreuses, mais rarement pérennisées, alors que c’est extraordinairement efficace.

M. Pascal Rodier. Quant à l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le Secours populaire, comme les autres associations, s’est efforcé de s’emparer du dispositif. Il faut bien dire cependant que nous l’avons perçu comme le moyen de bénéficier d’un « label », plutôt que comme l’expression d’une véritable volonté européenne. Il est vrai que les mécanismes de l’aide sociale sont très différents selon les pays européens. L’Allemagne, par exemple, a une approche de l’aide alimentaire très différente de la nôtre, considérant que celle-ci doit relever de la compétence nationale.

M. Bruno Grouès. L’évolution de la pauvreté en France prouve qu’il est possible de lutter contre ce fléau. En effet, celle-ci a baissé depuis 1945, en raison, certes, de la croissance économique des Trente Glorieuses, mais aussi de la mise en place d’un système de protection sociale efficace, notamment pour les personnes âgées et les handicapés.

La situation s’est dégradée depuis les années quatre-vingt, avec l’émergence du phénomène des travailleurs pauvres et l’aggravation du chômage. Ces dix dernières années, la pauvreté globale s’est stabilisée, mais cette stabilité a pris fin avec la crise de 2008, qui a provoqué l’augmentation du nombre des personnes sous le seuil de pauvreté. Selon l’Insee, le nombre de pauvres a augmenté de 337 000 de 2008 à 2009.

Les associations elles-mêmes ont constaté une augmentation de la pauvreté depuis la crise, à travers notamment l’augmentation des demandes d’aide alimentaire et le fort accroissement du nombre de bénéficiaires du « RSA socle », qui a augmenté de 10 % entre juin 2009 et juin 2010. Tous ces indicateurs révèlent une forte augmentation de la pauvreté, qui s’accompagne d’un creusement des inégalités. Les catégories les plus touchées sont les jeunes, les familles monoparentales, surtout les femmes seules avec enfants, les travailleurs pauvres, même si le RSA a permis une amélioration de leur situation, ainsi que les personnes âgées, nouveau public qu’on voit arriver aux permanences des associations de solidarité.

Les principaux facteurs de la pauvreté sont connus – chômage, ruptures, etc. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il s’agit d’un phénomène multifactoriel, d’où la difficulté à le combattre : c’est à tout un ensemble de causes qu’il convient de s’attaquer. C’était tout l’intérêt du plan Borloo, plan multidimensionnel et interministériel de lutte contre la pauvreté, conforme à l’esprit de la loi d’orientation de 1998 relative à la lutte contre les exclusions.

Vous avez raison de souligner que dans de nombreux cas, le retour à l’emploi est fortement compromis par la pauvreté du demandeur d’emploi ou par des difficultés particulières, notamment sanitaires ou psychologiques. Il s’agit là des personnes les plus éloignées de l’emploi, celles dont les associations s’occupent le plus. De ce point de vue, la protection sociale et les minima sociaux constituent d’indispensables filets de protection, qu’il convient de conserver, et même consolider en période de crise.

L’explosion du « RSA socle » – ce sont aujourd’hui 1,5 million de ménages qui en bénéficient – pose un gros problème financier aux conseils généraux, qui se plaignent notamment de ce que le transfert de cette compétence ne se soit pas accompagné d’un transfert équivalent de moyens financiers. En conséquence, certains départements se voient contraints de réduire les dépenses d’insertion pour faire face à l’explosion des dépenses d’allocation.

M. Régis Juanico, co-rapporteur. À en croire les précédents intervenants, il semble que les conseils généraux font un peu plus d’effort pour l’insertion professionnelle, au détriment des dispositifs d’insertion sociale et des publics les plus éloignés du travail.

M. Bruno Grouès. Je suis tout à fait d’accord avec cette analyse.

L’insuffisance du recours aux dispositifs sociaux a déjà été évoquée. Un tiers des bénéficiaires potentiels du « RSA activité » ne le demandent pas, ce qui est considérable. Parmi les causes, M. Angotti a évoqué la stigmatisation. En s’en prenant aux « assistés », les responsables politiques sont directement responsables de cette catastrophe : il existe pourtant dans notre droit un devoir d’assistance à personne en danger ! L’accès au RSA est également rendu plus difficile par le défaut d’information et la trop grande complexité du dispositif. Les jeunes souffrent particulièrement de cette difficulté d’accès au RSA, puisque seuls 9 000 à 10 000 jeunes en bénéficient. On ne pourra pas réduire le nombre de jeunes en galère sans supprimer la condition des deux années de travail à temps plein durant les trois années précédant la demande pour être éligible au RSA-jeunes.

En outre, avec un montant qui reste fixé au niveau de 467 euros, le RSA ne permet pas de vivre dignement.

M. Mathieu Angotti. En violation de la loi du 1er décembre 2008, aux termes de laquelle le RSA devait « assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence ».

M. Bruno Grouès. Ce n’est effectivement pas le cas.

C’est pourquoi j’ai trouvé très intéressante la proposition faite par le Parlement européen à la Commission européenne, avec l’approbation du Comité économique et social européen, de réfléchir à l’institution dans chaque État membre d’un revenu minimum égal au seuil de pauvreté tel que défini dans cet État. C’est ce que nous défendons pour la France, avec une indexation sur le revenu médian. Il faut que le montant du « RSA socle » décolle. En outre, il faut améliorer le volet accompagnement et insertion. Les allocataires souffrent souvent d’une mauvaise orientation et ne sont pas suffisamment associés à la prise de décision. Surtout le dispositif souffre d’un trop grand cloisonnement entre le social et le professionnel. Il faut parvenir à instituer un accompagnement socioprofessionnel global.

La polémique regrettable lancée par Laurent Wauquiez a au moins l’avantage de ne pas trop mal se terminer puisqu’elle a débouché sur la proposition de M. Daubresse d’un contrat unique d’insertion rémunéré au Smic horaire, ce qui paraît la moindre des choses. Nous regrettons cependant qu’il prévoie des sanctions financières en cas de refus : il est très difficile d’orienter des personnes à la fois éloignées de l’emploi et en situation de travailler ; par de telles sanctions, on court le risque de les obliger à travailler alors qu’elles en sont incapables.

La promotion de la lutte contre la pauvreté au rang d’« objectif phare » de la stratégie « Europe 2020 » n’a hélas pas eu d’effets significatifs, pas plus en France qu’ailleurs en Europe, à notre connaissance. En revanche, le travail d’harmonisation des indicateurs est positif. L’Insee est d’ailleurs en train de les corriger. À notre avis, il est très important de garder les seuils de pauvreté monétaire qui sont actuellement utilisés par l’Onpes, à 40, 50 et 60 % du revenu médian. Si on ne garde que le seuil à 60 %, on risque de négliger la situation des plus pauvres.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Il semble en effet que la fourchette entre 50 et 60 % recouvre une population très importante.

M. Régis Juanico, co-rapporteur. C’est pourquoi nous demandons aux chercheurs et aux économistes avec lesquels nous travaillons des analyses comportant systématiquement les deux seuils, 50 % et 60 %.

Mme Françoise Coré. Si elles ne retiennent pas également le seuil de 40 %, elles seront impuissantes à faire état de la dégradation de la situation d’une partie de la population, telle qu’elle apparaît dans les derniers chiffres de l’Insee.

M. Bruno Grouès. S’agissant de la méthode ouverte de coordination (Moc), elle a permis à l’Europe de dessiner peu à peu les grands traits d’une politique de lutte contre la pauvreté susceptible de recueillir l’adhésion des États membres. Ainsi la notion d’inclusion active est désormais reçue dans presque tous les États membres, de même que la dimension de genre, le thème des enfants pauvres, la fixation d’objectifs chiffrés de réduction de la pauvreté, les indicateurs, enfin le thème de la participation des personnes en situation de pauvreté. Ce sont là des évolutions globalement positives que nous devons à l’Europe, alors que celle-ci n’a pas de compétence sociale. Nous avons simplement quelques réticences face à certaines interprétations du concept d’inclusion active, celui-ci pouvant notamment servir à sanctionner injustement les pauvres. Cette notion présente l’autre inconvénient d’inciter les États membres à faire porter leurs efforts sur l’insertion professionnelle au détriment de l’insertion sociale. Même si l’emploi est la voie royale, il ne faut pas oublier tout ce qui le précède ou l’accompagne, le logement, la santé, etc.

Mme Armelle de Guibert. Ainsi les réponses aux besoins d’hébergement des SDF, tels que le plan d’action renforcé en direction des personnes sans abri (Parsa) ou les dispositifs de logement social, s’adressent surtout à des personnes qui ont un emploi ou sont en capacité d’en retrouver un rapidement, à ce que j’appellerai le « gratin des SDF ». Le RSA, même en y ajoutant l’allocation logement, ne permet pas d’avoir accès à un hébergement à Paris ou dans les grandes villes.

M. Mathieu Angotti. Toute politique sociale est en effet exposée au risque de stratifier à l’excès les différents publics auxquelles elle s’adresse et en conséquence les dispositifs de solidarité qu’elle leur propose. C’est le piège dans lequel le RSA est tombé, l’essentiel des moyens étant concentré au bénéfice des personnes relativement proches de l’emploi. De même, les dispositifs d’aide au logement de type « Solibail » ne fonctionnent que pour des personnes déjà proches du logement. Je veux répéter, quitte à paraître quelque peu obsessionnel, que la seule solution pour éviter cette stratification, c’est le travail social et la qualité de l’accompagnement. Il faut éviter toute catégorisation a priori et partir du principe que personne n’est foutu d’avance.

M. Bruno Grouès. Le problème est que les aides sont de plus en plus conditionnées à la recherche d’un emploi ou d’une formation. C’est bien, mais du coup les personnes qui n’y ont pas accès sont écartées des dispositifs de solidarité, alors qu’il s’agit des personnes les plus en difficulté.

M. Mathieu Angotti. Il faut inverser la logique et commencer par poser que l’emploi ou le logement sont un droit, puis chercher ensuite à construire le parcours permettant d’y arriver. Subordonner la solidarité à l’emploi, c’est mettre la charrue avant les bœufs. Il ne s’agit pas de nier la responsabilité individuelle, au contraire, puisque nous mettons l’accent sur la nécessité de faire participer les personnes en cause. Il est tout à fait normal de lier les droits et les devoirs : il n’y pas de droit à l’accompagnement sans devoir d’assiduité, par exemple. Nous disons simplement qu’aujourd’hui la France est beaucoup plus en retard sur la question des droits que sur celle des devoirs.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. L’opinion publique a le sentiment inverse.

Mme Armelle de Guibert. C’est qu’on ne l’instruit pas de ces questions !

M. Mathieu Angotti. Ce n’est pas le cas de toute l’opinion publique, mais il est vrai que les classes moyennes inférieures, qui s’en sortent au prix de grandes difficultés, peuvent avoir le sentiment que certains profitent du système.

M. Bruno Grouès. S’agissant des réseaux associatifs européens de lutte contre la pauvreté, je veux rappeler que l’Uniopss a présidé à la création du réseau européen des associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, l’EAPN, et de sa branche française, EAPN-France. L’EAPN est très présent auprès des institutions communautaires. D’autres réseaux, tels que la FEANTSA, la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les personnes sans-abri, dont fait partie la FNARS, sont également influentes au niveau européen.

Le bilan de l’année européenne de lutte contre la pauvreté est très décevant. Même si elle a permis de financer des projets innovants, elle n’a pas été, contrairement à nos vœux, l’occasion de lancer une campagne de sensibilisation du grand public au problème de la pauvreté et de l’exclusion.

Quant au PEAD, il ne saurait évidemment tenir lieu de politique européenne de lutte contre la pauvreté. Il faut cependant maintenir ce programme, fût-ce dans un cadre juridique renouvelé : y mettre fin serait catastrophique.

Mme Françoise Coré. Le 21 septembre, via un communiqué de presse, ATD Quart Monde a publiquement pris position sur la baisse drastique des fonds alloués au PEAD. La politique d’aide alimentaire touche au symbolique du lien essentiel que constitue le repas familial. Pour mesurer le scandale que représente la perte d’un droit aussi fondamental – celui de nourrir sa famille –, il suffit de se poser la question martelée par ATD : pourquoi accepter pour les plus démunis ce que vous n’accepteriez pas pour vous-même et vos enfants ? Le PEAD a pris dans la vie des plus exclus une importance démesurée au regard de ce que souhaitaient ses promoteurs : pour Coluche, les Restos du cœur ne devaient être qu’une solution provisoire. Cette volonté a été détournée par l’opportunisme de l’Europe, qui a vu là le moyen de recycler les surplus de la politique agricole commune (PAC). Les pauvres ont été utilisés pour compenser les dysfonctionnements d’une politique européenne. Ceux qui ont recours à l’aide alimentaire nous disent qu’ils se sentent atteints dans leur dignité.

L’indignation suscitée par la décision relative au PEAD a été unanime en France, que ce soit chez les politiques, dans la presse ou les associations ; cette décision a, entre autres effets pervers, porté un nouveau coup à la confiance de l’opinion dans les institutions européennes. Mais personne n’a relevé la proposition de la Commission européenne de faire basculer ce programme dans la politique de cohésion économique et sociale à partir de 2014. C’est cette façon d’aborder la lutte contre la pauvreté par le « petit bout de la lorgnette » qui porte atteinte à la dignité des personnes. La diminution drastique de ce programme du jour au lendemain est ce qui est un scandale à nos yeux. La perte est d’autant plus sensible pour la France qu’elle bénéficie, chose étonnante, de 17 % des crédits alloués à ce programme européen.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Peut-être est-ce proportionnel à sa contribution ?

Mme Françoise Coré. Par ailleurs, on insiste beaucoup sur l’obligation pour les bénéficiaires de la solidarité de se réinsérer dans le marché du travail. Or, selon le CNLE, le « RSA socle » ne permet de couvrir les dépenses courantes que jusqu’au 15 du mois, voire moins dans certains cas, contraignant les allocataires à courir après toutes les formes d’ aides extralégales, multipliant les démarches auprès des départements, des associations, en un mot dépensant une énergie et un temps considérable pour simplement survivre. Quel temps leur reste-t-il pour l’insertion professionnelle ?

M. Bruno Grouès. La véritable solution n’est pas dans l’aide alimentaire, mais dans l’augmentation du « RSA socle ». Cette solution ménagerait beaucoup plus la dignité des personnes que le recours à l’aide alimentaire, que les associations sont obligées d’assurer faute de mieux.

M. Pascal Rodier. On doit en effet se demander s’il est normal d’être contraint de recourir à l’aide alimentaire. Selon une étude de l’INSERM, l’aide alimentaire, quelle que soit sa forme, couvre à peine 30 % des besoins de ceux qui y ont recours. On pourrait par ailleurs expérimenter des dispositifs moins stigmatisants : c’est en Allemagne, je crois, que l’aide alimentaire est distribuée sous forme de chèques permettant de faire ses courses. Il faudrait surtout établir clairement les responsabilités de tous les acteurs de l’aide sociale, notamment celles de l’État.

M. Mathieu Angotti. C’est en effet une question politique au sens strict. Il y a un problème de gouvernance des dispositifs, et celui-ci ne relève pas des associations : c’est à l’État de définir une politique cohérente sur ce sujet.

M. Pascal Rodier. Avant même l’institution du PEAD dans les années quatre-vingt, le Secours populaire avait déjà beaucoup à faire dans le domaine de la solidarité. Mais avec l’ouverture des « frigos » de l’Union européenne, nous nous sommes soudain retrouvés avec une manne à redistribuer, entraînant une instrumentalisation de fait des associations. Mais cette forme de solidarité montre très vite ses limites. Il est vrai qu’elle est aussi un moyen d’être en contact avec les démunis, comme l’est la Journée des oubliés des vacances mise en place par le Secours populaire. De même que nous utilisons cette manifestation pour interpeller l’opinion sur un problème de société, nous essayons de dépouiller l’aide alimentaire de toute stigmatisation. Mais tant que les politiques sociales seront ce qu’elles sont, nous resterons confrontés aux limites du système, et l’aide alimentaire restera un sparadrap sur une jambe de bois.

Mme Armelle de Guibert. La notion de durée n’est pas non plus prise en compte par les dispositifs publics d’aide sociale, alors que l’expérience de notre association dans le domaine de l’aide au logement des plus âgés nous a convaincus de son importance. Ainsi le bénéfice des mesures d’accompagnement social lié au logement (ASLL) n’excède pas un an à compter du relogement, alors qu’il faut au moins deux ans pour s’assurer que leurs bénéficiaires ne retourneront pas à la rue.

M. Mathieu Angotti. L’intensité de ces dispositifs est également insuffisante. Les associations sont contraintes d’adapter aux situations particulières qu’elles rencontrent sur le terrain des dispositifs trop rigides en termes de durée et d’intensité. Je pense par exemple au dispositif de prévention du non-paiement des loyers, dont le déclenchement est trop tardif.

Mme Armelle de Guibert. Un accompagnement dans la durée suffirait à prévenir des situations absurdes. J’ai à l’esprit l’exemple d’une femme qui ignorait qu’il fallait prévenir la sécurité sociale en cas de congé maladie pour bénéficier des indemnités journalières et s’est retrouvée de ce fait dans l’impossibilité de payer son loyer.

M. Mathieu Angotti. Là encore c’est une question de gouvernance des dispositifs. Passer à une logique diagnostic-adaptation de la réponse doit être un des enjeux majeurs de la réforme en cours de l’accès au logement. Il ne s’agit pas de recentraliser les dispositifs, mais il faut que l’État assume un rôle de stratège en matière d’action sociale, comme il le fait dans le domaine de la santé à travers les agences régionales de santé. L’action sociale souffre d’une très forte dispersion, responsable de graves iniquités territoriales.

M. Pascal Rodier. La capacité des associations d’adapter les politiques sociales aux réalités de terrain est ce qui fait tout l’intérêt du milieu associatif. Les êtres humains ayant le chic pour ne pas entrer dans les cases prévues par les politiques publiques, le tissu associatif doit faire du sur-mesure.

M. Mathieu Angotti. Il faut reconnaître qu’il y a eu des progrès de ce point de vue : je pense notamment à l’allocation personnalisée d’autonomie et au rôle du conseil général dans le dispositif. Même s’il n’est pas exempt de toute critique, son principe de fonctionnement, celui d’une réponse adaptée après un diagnostic préalable, est le bon. Généraliser un tel mode de fonctionnement permettrait de gagner en efficacité sans accroître les coûts.

M. Pascal Rodier. La participation des personnes aidées est également un élément déterminant, et beaucoup d’associations s’efforcent de permettre à ces personnes de s’approprier les mesures de solidarité. Ainsi le Secours populaire est en train de mettre en place des ateliers de « recherche action » visant à inciter les personnes aidées par notre association à « co-construire » les solidarités plutôt qu’à les vivre comme une contrainte.

Mme Françoise Coré. Dans cet esprit, ATD Quart Monde a conçu des co-formations qui permettent des croisements de connaissances entre personnes en situation de précarité, professionnels et élus. Ces actions rencontrent un très grand succès.

M. Bruno Grouès. Il est essentiel en effet d’assouplir la rigidité des dispositifs d’aide sociale, rigidité qui est celle du droit lui-même. Je pense notamment aux contrats aidés, dont les modalités devraient être plus adaptables.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Ce dispositif pèche également par un manque d’accompagnement à l’issue du contrat.

M. Mathieu Angotti. Là encore, l’accompagnement joue un rôle essentiel. C’est ce qui fait défaut au RSA : l’accompagnement n’est obligatoire que lorsque les allocataires gagnent moins de 500 euros par mois. De ce fait, un nombre considérable d’allocataires ne sont plus suivis depuis qu’ils sont passés du RMI au RSA.

M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Il faudrait peut-être moins de contrats aidés mais qu’ils soient mieux accompagnés, car cela reste un bon outil. Je suis très frappé de voir certaines associations les utiliser sans se préoccuper du sort de ces personnes à l’issue du contrat.

M. Mathieu Angotti. Il y a en effet une responsabilité des employeurs, quels qu’ils soient, État, collectivités locales, ou même associations.

Mme Armelle de Guibert. Il y a aussi un problème de financement : les associations n’ont pas toujours les moyens de pérenniser ces emplois.

M. Pascal Rodier. Il s’agit de savoir si on aide la personne ou si on subventionne l’emploi. Nous rappelons souvent à nos bénévoles que la finalité des emplois aidés est d’aider la personne, et non de pallier un manque de personnels.

M. Mathieu Angotti. C’est aussi le rôle du service public de l’emploi de responsabiliser les employeurs sur cette question.

M. Pascal Rodier. On voit tout l’intérêt d’un dispositif d’aide publique à l’emploi comme l’emploi tremplin : par un financement dégressif garanti sur six ans, il laisse à l’association qui y a recours le temps de trouver les moyens de pérenniser le poste.

Mardi 25 octobre 2011

Audition, sous forme de table ronde, sur la conciliation entre famille et travail et les familles monoparentales, de : Mme Christine Attali-Marot, présidente de la commission petite enfance, et Mme Karine Métayer, conseillère technique enfance, jeunesse, familles, à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), M. François Fondard, président, et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires, de l’Union nationale des associations familiales (Unaf), Mme Caroline Kovarsky, déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèches et Mme Sandra Onysko, représentante de l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles (UFNAFAAM).

M. Michel Heinrich, rapporteur. Notre groupe de travail a reçu mission d’évaluer la performance des politiques sociales en Europe. Vu l’ampleur du sujet, nous avons décidé de faire porter notre rapport sur deux grands sujets : en premier lieu, la lutte contre la pauvreté et, en deuxième lieu, les politiques destinées à favoriser le retour ou l’accès à l’emploi et – ce qui concerne plus directement la présente audition –, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. À propos de cette dernière, nous avons distingué quatre thèmes que je vous propose d’évoquer successivement : la gouvernance des politiques familiales, l’accueil de la petite enfance, les congés parentaux et le soutien aux familles monoparentales.

Mme Christine Attali-Marot, présidente de la commission petite enfance, à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). Créée en 1947, l’Uniopss rassemble des associations et des organismes d’économie sociale qui, d’une part, conçoivent et gèrent des modes d’accueil, et, d’autre part, accompagnent les parents en vue de favoriser leur réinsertion professionnelle ou de les soutenir dans l’éducation de leurs enfants. Les acteurs qu’elle fédère sont donc engagés depuis fort longtemps dans les actions visant à faciliter la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, ainsi que dans l’accueil, les soins et l’éducation des jeunes enfants.

Avant toute chose, nous tenons à rappeler l’impact, à court, moyen et long termes, de la pauvreté des familles sur le devenir des enfants, et ce dans tous les domaines – santé, éducation, accès à l’emploi, insertion sociale. En dépit des acquis de notre politique familiale – notre taux de natalité et celui de l’accès des femmes à l’emploi comptent parmi les plus élevés en Europe –, notre pays compte deux millions d’enfants pauvres. Ce triste constat devrait conduire à infléchir notre politique familiale pour développer l’accès à des modes d’accueil de qualité, comme y poussent tous les grands organismes internationaux – Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – qui y voient un moyen de rétablir une certaine égalité des chances, mais aussi de faciliter le parcours professionnel des parents, et ainsi, de contribuer à la diminution de la pauvreté des familles.

La gouvernance de la politique familiale française se caractérise par une extraordinaire fragmentation des responsabilités. En effet, l’État réglemente, notamment les conditions d’accueil des jeunes d’enfants ; les conseils généraux ont la responsabilité de mettre en œuvre cette politique en autorisant les ouvertures de structures d’accueil et en dispensant les agréments aux assistantes maternelles ; la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), elle, contribue au financement, d’où son rôle structurant dans l’offre d’accueil ; enfin, les collectivités locales et les acteurs privés que nous sommes, à but lucratif ou non, gèrent des établissements dans un contexte de quasi-marché, caractérisé par le développement de la commande publique et par la disparition des appels à projets, propices à des innovations dont les associations furent pendant longtemps les fers de lance.

L’absence de compétence légale pour l’organisation des modes d’accueil de la petite enfance est un réel problème.

J’ajoute qu’alors que les acteurs de la politique familiale s’efforcent d’augmenter le nombre de places d’accueil, conformément à l’objectif fixé par le Gouvernement, les places créées tendent à être occupées par les enfants de deux à trois ans, dans la mesure où leur taux de scolarisation est en diminution – il était seulement de 13,5 % à la rentrée de 2010. Pourtant, accessible à toutes les familles et gratuite, l’école maternelle a vocation à constituer une première étape dans l’éducation des enfants.

Les commissions départementales d’accueil du jeune enfant (CDAJE) fonctionnent plus ou moins bien selon les départements. Elles ont une fonction de diagnostic et de recommandation, mais non de régulation. Dans cette situation de quasi-marché et d’absence de compétence légale pour la mise en œuvre de la politique familiale, cette lacune fait obstacle à la création de modes d’accueil pertinents, c’est-à-dire de modes d’accueil de qualité favorisant l’égalité des chances. Les schémas locaux d’accueil des jeunes enfants, mis en avant à une époque, n’ont malheureusement jamais vu le jour.

Au total, la fragmentation entre, d’un côté, le soin et, de l’autre, l’éducation – au sens de tout ce qui peut favoriser l’éveil de l’enfant – a des conséquences très dommageables car elle induit une discontinuité dans la prise en charge de l’enfant. La question de l’intégration ou pas des différents acteurs de la gouvernance doit donc être posée, sachant que les jeunes enfants de moins de trois ans ont prioritairement besoin de continuité et de sécurité affective. À ce problème, s’ajoute celui de l’hétérogénéité des situations sur notre territoire.

Cette fragmentation renvoie plus largement à la conception que nous avons de la place de l’enfant dans notre société et aux valeurs que nous souhaitons transmettre.

Mme Caroline Kovarsky, déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèches. La Fédération française des entreprises de crèches est une association de la loi de 1901 créée il y a trois ans pour regrouper les acteurs apparus après la conférence de la famille de 2003, qui a permis des financements publics pour la création de places en crèche par des entreprises privées à but lucratif. Nos membres gèrent des places pour le compte de municipalités – en délégation de service public ou en application de l’article 30 du code des marchés publics – ou d’entreprises – la tendance actuelle étant à la création de crèches interentreprises dans lesquelles les mairies et les entreprises, petites et grandes, réservent des places.

Aujourd’hui, nous gérons environ 20 000 places, soit 5 % du parc, dans 500 crèches, et employons 8 000 salariés en équivalent temps plein. Ainsi, nous avons bien participé à l’objectif de la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la Cnaf visant à créer 200 000 places entre 2009 et 2012.

Je ne peux que confirmer le constat de Mme Attali-Marot quant à la fragmentation des acteurs de la petite enfance. En outre, les services de la protection maternelle et infantile (PMI) ont des interprétations divergentes de la réglementation et cette disparité peut même se faire sentir au sein d’un même département, un médecin de PMI réclamant par exemple dans une salle de sommeil une fenêtre que d’autres intervenants refusent. Pour nous qui essayons de développer un modèle applicable à l’ensemble du territoire, c’est un frein à nos projets.

Nous collaborons de manière efficace avec la Cnaf, ne serait-ce que pour le versement de la prestation de service unique (PSU), sujet auquel ont été sensibilisées les caisses d’allocations familiales (Caf). L’année dernière, nous avons mis au point avec ces dernières et à leur intention un guide méthodologique pour la gestion des entreprises de crèche et pour les formalités à accomplir.

Enfin, un certain nombre de conseils généraux ou régionaux subventionnent des entreprises de crèche – mais ceux qui ne le font pas refusent parfois même de nous recevoir. Quant aux municipalités, certaines reconduisent tacitement des marchés avec les associations, au lieu de lancer des appels d’offres comme cela devrait toujours être le cas. D’où, encore, une forte hétérogénéité sur l’ensemble du territoire.

Mme Karine Métayer, conseillère technique enfance, jeunesse, familles à l’Uniopss. Les appels d’offres ne sont pas obligatoires.

Mme Caroline Kovarsky. Si, ils le sont.

M. François Fondard, président de l'Union nationale des associations familiales (Unaf). L’Unaf regroupe 7 500 associations familiales et 750 000 familles adhérentes, réparties sur tout le territoire dans 100 unions départementales. Nos missions consistent à représenter l’ensemble des familles françaises et étrangères, et à émettre des avis à l’adresse des pouvoirs publics sur toutes les questions relatives à la politique familiale.

Pour l’Unaf, les évolutions intervenues depuis la réforme de 1996 ont contribué à une gouvernance efficace de la politique familiale. Les projets de loi de financement de la sécurité sociale permettent en effet aux gouvernements de définir leur politique et au Parlement de voter les budgets, ce qui a fortement contribué à l’adoption de mesures visant à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Je rappelle qu’en 1995, alors que l’indice démographique avait chuté à 1,65, le Gouvernement a réuni l’ensemble des partenaires sociaux en vue d’une réflexion sur les moyens d’améliorer notre politique familiale. C’est ainsi que, jusqu’en 2000, cette dernière a pu être rénovée et adaptée en fonction de l’attente des familles, et devenir plus performante grâce à la création de prestations et de services, sachant que les jeunes femmes françaises désirent avoir des enfants tout en continuant à travailler.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Considérez-vous être suffisamment associés ?

M. François Fondard. Bien sûr, puisque toutes ces évolutions sont issues d’un travail en commun de l’ensemble des associations familiales et des partenaires sociaux, qui étaient réunis au sein des conférences de la famille.

La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) est, comme j’ai l’habitude de le dire, le bras armé chargé de mettre en œuvre la politique familiale. Les travaux de la Cnaf et des Caf ont permis d’améliorer l’efficacité de l’action sociale familiale au niveau local. C’est ainsi que les centres de loisirs sans hébergement (CLSH) et les crèches associatives bénévoles, créés par les associations familiales au milieu des années soixante, sont aujourd’hui, grâce à une véritable volonté politique du Gouvernement, financés par les Caf. C’est la preuve que les associations et les familles ont été associées à l’évolution des politiques familiales. Ce financement national est une bonne chose.

Comme le dit fort justement Mme Attali-Marot, nous souffrons d’un problème de fragmentation, qui engendre des inégalités territoriales. Aujourd’hui, si certaines communes développent des structures « petite enfance », d’autres ne le font pas faute de moyens ou par manque de volonté politique.

M. Michel Heinrich, rapporteur. C’est parfois même un choix délibéré.

M. François Fondard. Effectivement. Et si une commune ne développe pas de structure, c’est la commune voisine qui finance.

En la matière, le financement de la Cnaf couvre entre 50 % et 60 % des dépenses, le reste étant à la charge des collectivités locales.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Le financement est assuré pour les deux tiers par les parents et la Cnaf, et pour un tiers par les collectivités.

M. François Fondard. Il y a donc une véritable inégalité territoriale, dans la mesure où ce sont les collectivités locales dynamiques qui agissent. Nous regrettons l’absence de pilotage dans ce domaine.

À mon avis, le bon choix sera de s’appuyer sur les communes, car ce sont elles qui sont les mieux à même de déterminer les besoins en établissements d’accueil de jeunes enfants. Leur action devra impérativement être menée en association avec les financeurs que sont les Caf. Il y a plusieurs années, l’Unaf préconisait même un financement par celles-ci non pas des deux tiers, monsieur Heinrich, mais de 100 %, en vue d’assurer l’égalité territoriale.

Le problème est, comme l’a également dit Mme Attali-Marot, que les commissions départementales d’accueil du jeune enfant (CDAJE) n’ont aucun pouvoir de contrainte, leur compétence se limitant à l’émission de recommandations.

Il faut trouver un équilibre entre les services. Certes, le nombre actuel de places en crèche ne permet pas de couvrir toutes les demandes. Néanmoins, il convient de noter qu’il est passé de 100 000 vers 1995 à 350 000 aujourd’hui, grâce aux plans d’investissement « petite enfance ».

La réponse aux besoins passe également par le nombre de places auprès des assistantes maternelles et il faudrait généraliser sur l’ensemble du territoire les relais assistantes maternelles (RAM), qui ont prouvé leur efficacité. Parallèlement, il est important de rappeler l’importance des médecins de PMI, dont le rôle est en particulier de veiller à la formation et au contrôle de ces professionnelles qui gardent aujourd’hui 600 000 enfants dans notre pays.

Les départements investissent souvent dans les structures, dont les gestionnaires sont soit des municipalités, soit des associations, soit encore des entreprises – ces deux derniers types de gestion, qui représentent 50 % du total, devant être encouragés. Je forme des vœux pour que les commissions départementales d’accueil du jeune enfant (CDAJE) réunissent l’ensemble des acteurs en vue de parvenir à une égalité territoriale en matière d’accueil de la petite enfance.

Mme Sandra Onysko, représentante de l’Union fédérative nationale des associations de familles d'accueil et assistantes maternelles (UFNAFAAM). L’UFNAFAAM fédère des associations d’assistantes maternelles dans 72 départements.

Les assistantes maternelles ont été associées aux travaux du ministère de la cohésion sociale, mais pas à ceux de la direction de la sécurité sociale, d’où un manque de cohérence. De même, pour ce qui est de la PMI, les pratiques ne sont pas harmonisées. Par exemple, le référentiel d’agrément, sur lequel nous avons travaillé en association avec l’ensemble des acteurs, n’a pas de caractère obligatoire !

Enfin, nous n’avons pas été associées au rapport de Mme Anne Grommerch sur la famille – qui propose pour les assistantes maternelles des dispositions déjà votées et appliquées ! –, ni au rapport de M. Éric Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales.

Mme Karine Métayer. Les conférences de la famille, en débouchant sur des recommandations dont certaines ont été reprises par le Gouvernement, ont en effet conduit à des évolutions substantielles de la politique familiale. En revanche, le Haut conseil de la famille, installé en juin 2009 et dont le rôle s’inscrit sur le long terme, n’a pas été, lui, à l’origine de préconisations reprises par le Gouvernement : en ce sens, il y a eu affaiblissement de la concertation.

L’absence de pilotage a conduit certaines collectivités territoriales à se désengager du secteur de la petite enfance pour se concentrer sur leurs compétences obligatoires. Ainsi, nous sommes soumis à leur bon vouloir ou dépendants de leurs possibilités dans un contexte budgétaire tenu. C’est au détriment du maintien de certains types de structures, notamment de celles qui sont destinées à des publics particuliers et dont le coût est élevé car il est assuré par des professionnels qualifiés – je pense à l’accueil de nuit et à celui des enfants en situation de handicap.

M. François Fondard. L’Unaf est un des membres fondateurs de la Confédération des organisations familiales de la Communauté européenne (Coface), qui représente les associations familiales de 25 pays.

Les fédérations d’associations familiales des autres pays européens se plaignent de ne pas être entendues comme le sont les nôtres en France. Dans notre pays, en effet, le politique consulte, non pas uniquement les employeurs et les salariés, mais également les réseaux associatifs, ce qui est une chance pour nous. En définitive, si nos politiques familiales sont aussi développées et efficaces, c’est parce que le Gouvernement a toujours écouté un troisième partenaire social.

M. Michel Heinrich, rapporteur. En France, comme on l’a rappelé, le taux de natalité et le taux d’activité des femmes comptent parmi les plus élevés en Europe. Pourtant, les Français estimeraient l’équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle difficile à atteindre. Comment expliquez-vous cette contradiction ?

M. François Fondard. Les résultats de votre enquête, résumés dans le tableau que vous nous avez fait parvenir, ne recoupent pas les nôtres.

Aujourd’hui, 90 % des jeunes familles souhaitent faire garder leur enfant en crèche, mais le nombre de places y étant limité – il n’y en a que 350 000, soit 15 % du nombre des enfants de zéro à trois ans –, elles se tournent vers les assistantes maternelles, qui leur donnent globalement satisfaction. Comme le montre en effet une enquête qualitative que nous avons menée par des entretiens individuels, neuf familles sur dix se déclarent satisfaites de leur mode de garde. Ce résultat est d’ailleurs corroboré par les enquêtes de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et de l’Institut national d’études démographiques (Ined), selon lesquelles le taux de satisfaction est de 75 %.

Mme Christine Attali-Marot. Il convient de mener ce type d’enquête et d’en analyser les résultats à la lumière de l’organisation des pays en matière de politique familiale – durée du congé parental, gratuité ou non des modes d’accueil, caractère collectif ou individuel de ces derniers, part respective des prestations et des services, etc. –, pour éviter des interprétations erronées.

Mme Caroline Kovarsky. En France, il faudrait distinguer entre la province et l’Île-de-France. Dans cette dernière, en effet, les difficultés sont exacerbées à cause des problèmes de logement et de transport, et les familles contraintes à un choix par défaut.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Partagez-vous le sentiment selon lequel le système de garde français apparaît performant pour l’accueil préscolaire – en maternelle –, mais qu’en revanche il présente des insuffisances pour l’accueil des enfants de moins de trois ans ?

D’autre part, la qualité de l’accueil vous semble-t-elle suffisamment prise en compte en France ?

Mme Karine Métayer. Pour l’Uniopss, la complémentarité des modes d’accueil doit être maintenue pour tenir compte de la diversité des besoins des familles et des enfants. Nous constatons tous aujourd’hui un manque de places. Il y a eu une évolution positive et, conformément à la dernière convention d’objectifs et de gestion (COG), le nombre de places d’accueil, à la fois en mode individuel et collectif, a augmenté, en vue d’atteindre l’objectif de 200 000 unités.

Mais cette évolution a été obtenue notamment grâce à l’augmentation du nombre d’agréments, et non à celle du nombre de structures d’accueil collectif. D’où l’importance à nos yeux de pérenniser et de conforter l’existant, actuellement menacé par le manque de financements, mais aussi par le recours à de nouvelles modalités d’accueil qui n’ont pas permis d’augmenter le nombre de places – je pense moins aux jardins d’éveil, qui ne sont encore que cinq en France, qu’aux maisons d’assistantes maternelles. Celles-ci ne sont que des regroupements d’assistantes maternelles qui exerçaient auparavant à domicile, et leur moindre coût incite certaines collectivités à les développer au détriment de la construction de micro-crèches. Or, pour nous, la question essentielle reste celle de la qualité : quelles structures voulons-nous pour favoriser l’éveil et la socialisation de nos enfants, tout en leur assurant une sécurité affective ?

Le développement de ces nouvelles modalités d’accueil entraîne une fragilisation du secteur, cette forme de concurrence ne pouvant être intéressante que s’il en résulte une qualité d’accueil garantie par un cahier des charges. Or ce n’est malheureusement pas toujours le cas, le moins-disant l’emportant souvent. Au final, la systématisation de la commande publique n’est pas toujours la meilleure solution, car elle ne coûte pas forcément moins cher et elle amène un certain nombre de structures pertinentes situées dans des quartiers à devoir fermer du jour au lendemain.

Mme Christine Attali-Marot. La qualité de l’accueil des jeunes enfants ne peut recevoir une définition simple. En effet, non seulement elle doit se construire avec l’ensemble des partenaires concernés – financeurs, professionnels et parents –, mais elle intègre plusieurs éléments : le nombre d’enfants accueillis, le niveau de qualification des professionnels, mais aussi la possibilité pour ces derniers de réfléchir et de travailler ensemble – temps qui n’est malheureusement pas financé par les Caf. La qualité de l’accueil est donc une notion beaucoup plus complexe qu’on ne l’imagine.

Mme Sandra Onysko. Je rejoins l’Uniopss : la qualité de l’accueil ne peut être définie en fonction du taux d’encadrement ou de la qualification des personnels. Il faut réfléchir à ce qu’elle signifie réellement.

Pour les assistantes maternelles, réunies encore dernièrement dans le cadre d’un colloque, la qualité consiste aussi à donner une cohérence à sa pratique. Or, après avoir obtenu leur agrément, elles ne bénéficient d’aucune passerelle, d’où un manque de cohérence.

Comme le dit M. Fondard, bien que la crèche reste le mode de garde privilégié par les parents, la garde par les assistantes maternelles constitue le premier mode d’accueil en France, avec 700 000 enfants gardés. Néanmoins, l’enquête de l’Unaf nous gêne car, en parlant de « perles rares », elle exclut toute notion de professionnalisme. Or il faut savoir que la durée de vie professionnelle des assistantes maternelles est en moyenne de sept à huit ans seulement, sans aucune évolution de carrière, et que le nombre de celles qui débutent est équivalent à celui de celles qui arrêtent d’exercer. Il convient donc de s’interroger sur les causes de ce phénomène, mais aussi sur les alternatives qui peuvent leur être proposées.

Mme Caroline Kovarsky. La qualité de l’accueil fait partie des priorités de nos membres : elle figure dans notre charte éthique.

Nous regrettons que les micro-crèches ne soient développées qu’à titre expérimental, en particulier dans les territoires ruraux.

Pour répondre à Karine Métayer sur la mise en concurrence, le moins-disant n’est pas forcément une entreprise de crèche.

Mme Karine Métayer. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

Mme Caroline Kovarsky. Elles peuvent être créées par des associations qui reçoivent des aides via des contrats aidés ou des subventions des collectivités territoriales.

Mme Christine Attali-Marot. Les micro-crèches peuvent être financées de deux façons. Soit elles bénéficient de la prestation de service unique (PSU), comme tous les autres modes d’accueil collectif, auquel cas la participation des familles obéit au barème national. Soit elles sont financées par les familles, lesquelles sont ensuite remboursées par la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). D’où, comme le dit la Cnaf, un mode d’accueil à deux vitesses puisque seules les familles qui en ont les moyens peuvent accéder aux « micro-crèches Paje ».

Mme Karine Métayer. Les gestionnaires de celles-ci ne sont pas tenus de respecter le barème de la Cnaf : ils peuvent pratiquer le tarif de leur choix.

M. François Fondard. Parmi les principaux points forts de nos politiques familiales, nous sommes très attachés à la notion de libre choix et à celle d’universalité. Des pays étrangers, notamment le Japon et l’Allemagne, s’interrogent sur les raisons qui maintiennent notre taux de natalité à un tel niveau depuis dix ans. Il se trouve simplement que nos politiques familiales ont été confortées grâce notamment aux aides à l’embauche des assistantes maternelles, au complément de libre choix d’activité (CLCA), s’intégrant désormais à la Paje, et l’ouverture du congé parental d’éducation au deuxième enfant.

S’agissant de la scolarisation à deux ans, l’Unaf, après en avoir longuement débattu, s’est prononcée résolument contre, des professionnels la jugeant extrêmement destructrice pour certains enfants – des petits de trois ans peuvent d’ailleurs ne pas la supporter. Mme Dolto-Tolitch a même proposé l’institution d’un permis pour l’école à deux ans, en vue de déterminer quels enfants sont aptes à s’y adapter. Néanmoins, l’Unaf n’est pas opposée au maintien de quelques places – sachant qu’on en a perdu 150 000 en l’espace de dix ans –, cette scolarisation précoce étant souhaitable pour certains enfants en vue de les socialiser.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Votre position est donc moins tranchée en ce qui concerne les enfants de familles en situation de précarité et de primo-arrivants…

M. François Fondard. Oui, mais il est indispensable, dans ces cas d’exception, qu’un professionnel évalue sérieusement l’aptitude de l’enfant à supporter l’école dès l’âge de deux ans.

Le principal problème, s’agissant des maternelles, tient à la réduction du nombre des places disponibles pour les enfants de trois ans, du moins dans certaines communes. Il arrive alors qu’on refuse des enfants n’ayant pas encore trois ans à la date de la rentrée, de sorte qu’ils ne sont scolarisés que l’année suivante, à trois ans et six mois, voire davantage. L’enfant ne prend pas pour autant une année de retard mais la jonction avec le congé parental d’éducation est plus malaisée. Des familles peuvent alors se retrouver sans solution de garde, faute de places dans les crèches et parce que les suppressions de postes dans l’éducation nationale ont sensiblement réduit les possibilités d’accueil dans les classes maternelles. La situation est de plus en plus tendue dans un nombre croissant de territoires, que nous recenserons, et nous comptons interpeller le ministre de l’Éducation nationale à ce sujet.

D’autres formules pourraient être développées, notamment celles des classes passerelles et des jardins d’éveil. Ces derniers, auxquels l’Unaf était favorable, ont été décriés à tort : leurs normes d’encadrement ne sont pas aussi insuffisantes qu’on l’a dit et ils peuvent assurer un accueil de bonne qualité.

Lors d’un colloque, organisé il y a une quinzaine de jours par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et par le Centre d’analyse stratégique, ont été présentées des expériences de classes passerelles réalisées à Roubaix – mais sans aucun autre financement que celui de la commune – avec deux éducatrices et un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem) pour une vingtaine de jeunes enfants.

Mme Christine Attali-Marot. Nous sommes favorables à la formule des classes passerelles, mais il faut tenir compte des particularités locales. De nombreuses expériences ont été menées dans les années 2000 et un ouvrage sur ce thème a été financé par la Fondation de France. Généralement, les classes passerelles bénéficient d’une contribution de l’éducation nationale ainsi que de temps partiels d’enseignants, comme de professionnels de la petite enfance.

Il ne faudrait pas stigmatiser l’idée de la scolarisation dès deux ans ou poser le débat en termes simplistes. La question principale est celle de l’accessibilité pour toutes les familles et donc de la gratuité.

Il y aurait contradiction à dire qu’il faut scolariser les enfants de milieux défavorisés tout en soutenant que l’école peut provoquer des dommages. La principale difficulté réside dans le nombre excessif d’enfants : de vingt à trente par classe de petite section de maternelle, encadrés par une enseignante peu ou pas formée à l’éducation des tout petits et par un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem). À cela s’ajoute, le plus souvent, la première séparation de l’enfant avec le milieu familial.

Nous ne sommes pas opposés aux jardins d’éveil par idéologie, mais parce que nous estimons qu’on ne peut accueillir convenablement des groupes de douze enfants à un âge, entre deux et trois ans, qui est celui de l’exploration du monde et de la construction de la personnalité et qui se caractérise par une motricité intense. C’est pourquoi, quand elles sont trop rares, on affecte les éducatrices de jeunes enfants plutôt dans les grandes sections qu’auprès des bébés. Or les jardins d’éveil manquaient de professionnels qualifiés. Ils sont, en outre, payants alors que l’école est en principe gratuite, ce qui est indispensable pour certaines familles.

M. François Fondard. Je ne suis pas d’accord avec le refus de toute position tranchée sur l’école à deux ans, qu’il ne faut pas confondre avec les classes passerelles. L’exemple de Roubaix montre que ces dernières peuvent bénéficier du même encadrement que les jardins d’éveil.

Une circulaire de l’éducation nationale limite maintenant la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Auparavant, les parents y recouraient comme à un mode de garde gratuit mais notre société se doit de refuser qu’on compromette l’épanouissement des enfants en les scolarisant trop tôt. La place des enfants de moins de trois ans est dans les crèches, dans les jardins d’enfants ou dans les classes passerelles. Mais cela a bien sûr un coût, qu’il faut veiller à maintenir supportable pour les familles étant entendu qu’on ne peut les dispenser de toute participation. C’est pourquoi la Cnaf a instauré un barème national proportionnel.

Nous insistons, avant toute autre considération, sur l’intérêt de l’enfant.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Passons maintenant à la question du congé parental. Nous souhaiterions que vous réagissiez aux propositions formulées dans le rapport de Mme Brigitte Grésy et répondiez aux questions que nous vous avons transmises sur le complément de libre choix d’activité (CLCA) et sur le complément optionnel (Colca).

M. François Fondard. Il y a deux ans, le travail effectué par le Haut conseil de la famille (HCF) a permis de battre en brèche les idées reçues et les éléments invoqués pour réduire le congé parental d’éducation. L’Unaf a toujours considéré qu’il convenait de le maintenir à trois ans car son utilité est indiscutable ; 550 000 personnes y recourent aujourd’hui : un tiers à temps partiel et deux tiers à temps complet. Contrairement à ce qui a pu être dit, il s’agit d’une solution librement choisie par 60 % des bénéficiaires. Ceux-ci se répartissent entre toutes les couches de la société : on compte autant de familles en situation de précarité que de familles aisées. Les 40 % restants ont été contraints d’adopter cette formule pour deux raisons majeures : l’absence de mode de garde alternatif, faute de place en crèche ou d’assistante maternelle, et les contraintes tenant aux conditions de travail.

Nous avons également combattu l’idée que le congé parental constituerait une trappe à inactivité. Les études réalisées sous l’égide du Haut conseil de la famille ont montré que 81 % des bénéficiaires retrouvaient une activité professionnelle dans l’année suivant leur retour sur le marché du travail.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Certes, mais le congé parental ne nuit-il pas aux évolutions de carrière, surtout à celles des femmes ?

M. François Fondard. Il nuit, en effet, à la carrière professionnelle des femmes mais le dispositif tel qu’il est actuellement a évolué de façon récente et il serait donc intéressant d’attendre quelques années pour dresser des constats définitifs. Le congé concerne, pour 97 %, des mères de famille. On ne saurait cependant assimiler ce système à la pratique des générations précédentes, où les femmes restaient sans activité professionnelle pendant quinze ou vingt ans afin d’élever plusieurs enfants.

D’autre part, toutes les projections montrent qu’en 2020, du fait de l’ensemble des dispositifs mis en place, les mères de famille totaliseront plus d’annuités de cotisations de retraite que leur conjoint, et que les hommes en général.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Je partage cette analyse, à ceci près que le niveau de leur retraite sera inférieur à celui des hommes. Cela fait aussi partie de nos sujets de préoccupation : comment concilier une carrière professionnelle et l’éducation de ses enfants ? Cela soulève en outre la question du partage du congé parental entre père et mère, comme celle de la participation masculine aux tâches familiales.

Mme Christine Attali-Marot. L’Uniopss n’a pas récemment débattu de ces questions, même si notre président siège au Haut conseil de la famille.

Celui-ci n’a pas choisi parmi les scénarios possibles mais a posé comme préliminaire que rien ne pourrait se faire sans un renforcement des modes d’accueil.

Dans nos réseaux, nous avons souvent évoqué l’idée de laisser une marge de choix aux familles puisqu’il faut, à la fois, promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes et ne pas trop contraindre, compte tenu de la diversité des conditions de vie.

Les contraintes qui s’imposent aux familles doivent être mises en perspective avec la gouvernance des modes d’accueil. L’absence de choix fait aujourd’hui partie d’un système très intégré de prise en charge. Gardons-nous de greffer là-dessus des éléments partiels de politique inspirés par certains exemples étrangers.

M. François Fondard. L’Unaf est favorable à des dispositifs incitant les hommes à participer davantage aux tâches familiales, notamment aux soins de l’enfant, bien que nos enquêtes nous aient permis de constater des progrès importants à cet égard. Changer un enfant ne représente plus guère un problème pour un homme, alors que, il y a trente-cinq ans, les « pionniers » sidéraient leur entourage. En outre, les enfants sont maintenant désirés, ce qui n’était pas forcément le cas autrefois. L’homme ne vivait pas alors de la même façon : au sein de familles beaucoup plus nombreuses, il incarnait l’autorité et rien d’autre. Mais cette évolution sociologique ne se traduit pas encore dans la durée que les hommes consacrent au soin des enfants : ils restent très en retard sur les femmes.

Le congé parental d’éducation concerne principalement les femmes pour une deuxième raison, qui tient aux écarts de rémunération avec les hommes. Nous serions donc favorables à un congé prolongé d’un an, partagé entre homme et femme, et assorti d’une meilleure rémunération des femmes, qui aurait une répercussion sur le niveau des pensions de retraite – celles-ci sont aujourd’hui, en moyenne, de 1 450 euros par mois pour les hommes et de seulement 850 euros pour les femmes – , et cela sans remettre en cause la durée maximale de trois ans du congé parental d’éducation pour les parents qui le souhaitent.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Tout se tient : l’écart des rémunérations s’explique aussi par les différences de déroulement des carrières, elles-mêmes imputables aux différences de temps consacré à la famille.

M. François Fondard. On pourrait imaginer l’institution de congés parentaux favorisant un meilleur partage des tâches entre homme et femme, ainsi que le propose Mme Brigitte Grésy. Mais il ne faut pas réduire la durée du congé parental d’éducation car cela aurait probablement une incidence négative sur notre indice national de fécondité.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Une réforme du complément optionnel du libre choix d’activité (Colca) vous paraît-elle souhaitable ?

M. François Fondard. On pourrait envisager une réforme du Colca applicable dès le premier enfant et, pourquoi pas, fixer à plus long terme un pourcentage de rémunération. Aujourd’hui, la branche famille n’en a pas les moyens. Mais il serait intéressant d’en observer l’impact sur les pères au bout de quelques années.

Mme Sandra Onysko. On a constaté que, sur 18 assistantes maternelles, 16 l’étaient devenues à l’issue de leur propre congé parental. Il y a dix ans, elles se recrutaient plutôt parmi les mères de famille âgées de 45 à 55 ans, qui faisaient ce choix par défaut. Aujourd’hui, la motivation réside, selon 95 % des réponses, dans la nécessité de concilier vie professionnelle et vie familiale.

Comme l’Unaf, nous estimons que les femmes recourent souvent au congé parental parce que leur salaire est inférieur à celui de leur conjoint. Mais n’oublions pas que certaines professions, comme celles d’agriculteur ou de travailleur indépendant, ne peuvent accéder au dispositif.

Mme Caroline Kovarsky. À la Fédération française des entreprises de crèches, nous n’avons à nous prononcer ni sur la durée, ni sur la répartition entre père et mère du congé parental. Mais nous observons que les employeurs qui investissent dans des places en crèche cherchent ainsi à éviter que leurs salariés ne prennent un congé parental qui dérèglerait la vie de l’entreprise, surtout si celle-ci est de petite taille.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Nous arrivons à notre dernier thème : les familles monoparentales. Quelles mesures pourraient améliorer l’accès des parents isolés à l’emploi et contribuer à résoudre leurs difficultés, notamment en ce qui concerne la garde des enfants ?

Mme Christine Attali-Marot. Il y a quelques mois, l’Uniopss a engagé une démarche auprès de la Cnaf au sujet, non seulement des familles monoparentales mais, plus généralement, des familles en situation de grande précarité. L’application de la prestation de service unique (PSU) est ainsi conçue que l’accueil de leurs enfants est subordonné à la passation d’un contrat avec les gestionnaires des structures de garde, par lequel ces familles s’engagent à confier l’enfant selon une certaine périodicité et à payer la prestation correspondante. Or le propre des familles précaires, parmi lesquelles de nombreuses familles monoparentales, est justement de ne pas avoir un rythme d’existence régulier : elles ne peuvent prévoir leur emploi du temps, compte tenu notamment des aléas des emplois intérimaires. La précarité nous semble donc en contradiction avec cette exigence de contrat. Il en résulte que les gestionnaires, associatifs comme municipaux, essaient d’éviter d’accueillir les enfants des familles fragiles, en dépit de la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions qui impose un quota d’un enfant issu de milieu précaire pour vingt places disponibles. Car, que les gestionnaires facturent ou non les prestations, ils ne sont pas payés, ce qui creuse le déficit de la structure d’accueil.

Mme Karine Métayer. Les gestionnaires sont ainsi placés devant une double injonction paradoxale : la loi du 23 mars 2006 pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, dite « loi Borloo », leur impose de réserver des places aux familles monoparentales bénéficiaires des minima sociaux, tandis que la Cnaf leur demande d’atteindre un certain taux d’occupation. Dès lors, quelle que soit la volonté d’aider ces familles, on ne peut maintenir ces places réservées, sauf à le faire au détriment de la structure qui voit alors diminuer son financement par la Cnaf.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Du coup, les places restent vides et la gestion s’en trouve grevée…

Mme Karine Métayer. Beaucoup d’événements imprévisibles surviennent dans ces familles, qu’il s’agisse d’une formation ponctuelle, d’un entretien d’embauche, d’un temps de réinsertion ou d’alphabétisation, et n’entrent pas dans le champ de la prestation de service unique (PSU), pourtant censée s’adapter à la réalité des situations et des besoins.

M. Michel Heinrich, rapporteur. À vos yeux, la conception du système est donc trop rigide ?

Mme Christine Attali-Marot. Le système a longtemps fonctionné convenablement, jusqu’à cette pression sur les taux de remplissage qu’exercent les Caf, à l’affût de tout ce qu’elles peuvent récupérer.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Cette pression revêt cependant une certaine efficacité : on parvient à gagner des places utiles.

Mme Christine Attali-Marot. De grandes villes se sont penchées sur le problème et ont émis l’idée de partenariats avec les départements dans le cadre de la lutte contre l’exclusion.

Mme Karine Métayer. Précisons aussi que le système fonctionne bien à certains endroits. Nous avons ainsi constaté des innovations, à l’initiative de gestionnaires associatifs, afin d’aider à la réinsertion sociale et professionnelle des mères seules. Nous les avons recensées sur le site « accueil petite enfance ».

Mme Caroline Kovarsky. Le plan « espoir banlieues » devrait également favoriser ce type d’initiatives.

M. Michel Heinrich, rapporteur. L’information des destinataires sur les dispositifs dont ils peuvent bénéficier est-elle suffisante ?

Mme Christine Attali-Marot. Dans la mesure où ces mères fréquentent les centres de la protection maternelle et infantile (PMI), l’information circule convenablement. L’accessibilité des services est plus problématique.

Mme Sandra Onysko. Il manque un niveau à la Paje : on constate en effet un glissement du fait que des familles de la classe moyenne sombrent dans la précarité. D’autre part, si le crédit d’impôt apparaît suffisant pour couvrir le coût d’une assistante maternelle – hormis à Paris –, il serait souhaitable de le mensualiser plutôt que de le verser en fin d’année.

M. François Fondard. L’Unaf estime qu’il faut porter une attention particulière aux familles en situation de précarité. Les familles monoparentales représentent 16 % de l’ensemble des familles ayant charge d’enfant. Il ne faut pas oublier non plus celles qui, sans être monoparentales, souffrent d’une grande pauvreté et dont le nombre augmente : 13,5 % de la population se situent maintenant au dessous du seuil de pauvreté, soit une progression de 0,5 % en un an. Cette augmentation peut paraître relativement faible eu égard à la crise économique mais on ne peut évidemment s’en satisfaire.

Des actions particulières de formation sont à mener auprès de ces populations dépourvues de qualification, et donc d’activité professionnelle.

L’information sur les prestations existantes s’est plutôt améliorée. Les réseaux associatifs accomplissent un travail considérable en la matière, mais manquent de moyens pour leurs interventions, qui ne peuvent être toutes reconduites. Et je n’ose penser à ce qui se passerait si les aides alimentaires européennes venaient à faire défaut…

M. Michel Heinrich, rapporteur. Que pensez-vous de la possibilité que les partenaires sociaux négocient un « droit individuel à la parentalité », évoquée dans le rapport récent de Mme Brigitte Grésy ?

Mme Christine Attali-Marot. Il est un peu tôt pour nous prononcer sur le sujet.

Mme Caroline Kovarsky. Le décret du 7 juillet 2011, relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, comporte toute une série de mesures possibles dans ce but, notamment une participation aux modes d’accueil de la petite enfance ou une évolution des dépenses éligibles au crédit d’impôt famille (CIF).

La FFEC a soutenu la proposition de loi de M. Jean-François Lamour visant à obliger les entreprises de plus de 500 salariés à effectuer une étude de faisabilité relative au mode de garde des enfants.

M. François Fondard. Depuis deux ou trois ans, en liaison avec l’Observatoire de la parentalité en entreprise, nous effectuons une enquête annuelle auprès des salariés afin d’identifier tout ce qu’il est possible de réaliser en entreprise. Une prise de conscience s’est faite dans les milieux économiques, comme le prouve la liste des signataires de la charte de la parentalité. Les entreprises tiennent de plus en plus compte de la situation familiale de leurs salariés, non plus seulement des femmes mais également des hommes : l’évolution des esprits est significative.

Mme Caroline Kovarsky. Nous travaillons aussi avec l’Observatoire de la parentalité et nous publierons la semaine prochaine, en collaboration avec l’Uniopss, le ministère chargé de la famille et la Cnaf, un guide destiné aux entreprises pour les informer sur la possibilité de créer une structure d’accueil et sur les manières de faciliter ainsi la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale de leurs salariés.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Faut-il légiférer pour imposer la prise en compte de l’articulation entre emploi et vie familiale dans les négociations sociales de branche ? Beaucoup d’entreprises semblent ignorer le sujet et les représentants syndicaux sont généralement des hommes éloignés de ce genre de préoccupation.

M. François Fondard. Au sein du HCF, les représentants des salariés comme ceux des entreprises considèrent que les politiques familiales ne relèvent pas d’eux. Mais, je le répète, les esprits évoluent. La loi ne peut que faciliter et accélérer la prise de conscience des partenaires sociaux. Nous l’avons bien vu lors de la création du congé parental d’éducation, avec l’obligation de réembauche.

Mme Christine Attali-Marot. L’idée de légiférer sur le droit des parents en entreprise renvoie au regard que pose la société sur le rôle de ces derniers. Qu’elle puisse instituer un droit individuel à la parentalité en entreprise et, dans le même temps, faire peser une menace de coercition sur des parents considérés comme démissionnaires montre qu’elle a encore besoin de mûrir sa réflexion sur la famille et sur le travail pour être à même de bien appréhender et traiter les causes des difficultés rencontrées dans certains milieux. Il est aujourd’hui impensable de ne pas pouvoir offrir à ses enfants les conditions d’une vie digne, mais c’est aujourd’hui le fait de parents qui ne sont pas en entreprise. Il faut donc avancer sur tous les champs en même temps.

M. Régis Juanico, rapporteur. Il faut en effet une réflexion sur la parentalité en général. Mais les dispositifs spécifiques aux entreprises concernent-ils seulement les mères, ou visent-ils les deux parents avec le souci d’un meilleur partage ?

Mme Christine Attali-Marot. Ce doit être en effet une préoccupation centrale que le plus grand nombre de parents possible puissent assumer leur rôle. Certaines familles cumulent les facilités alors que d’autres cumulent les difficultés.

M. François Fondard. Je veux profiter de l’occasion qui m’est offerte à travers vous pour demander que la représentation nationale exclue définitivement l’assujettissement du congé parental d’éducation à la contribution sociale généralisée (CSG), afin de ne pas pénaliser les familles : 30 euros représentent une somme importante pour certaines d’entre elles.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Je vous remercie.

Mercredi 26 octobre 2011

Audition, sous forme de table ronde, sur l'accompagnement des demandeurs d'emploi et la conciliation famille-travail, de M. Gaby Bonnand, président de l’Unedic (CFDT), et Mme Sophie Mandelbaum, secrétaire confédérale responsable de la délégation femmes à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), de Mme Françoise Kermorgant, déléguée centrale FO à Pôle Emploi, M. Sébastien Socias, FO Pôle Emploi et Mme Sandra Mitterrand, conseillère technique au secteur Conventions collectives de Force Ouvrière (CGT-FO), de M. Yves Razzoli, conseiller confédéral en charge du dossier Emploi (CFTC), de M. Christophe Lefevre, délégué national de la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFECGC), de Mme Marie-France Boutroue, conseillère confédérale et M. Rubens Baradji, conseiller technique, Confédération générale du travail (CGT) et de Mme Martine Vignau, responsable des politiques familiales de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)

M. Michel Heinrich, rapporteur. Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Notre mission, qui porte sur la performance des politiques sociales en Europe, s’attachera aussi aux problématiques de la pauvreté. Notre rapport abordera deux thématiques : l’accès et le retour à l’emploi, et la conciliation entre vie familiale et travail, en insistant tout particulièrement sur les familles monoparentales. Outre ce que vous pourrez nous dire aujourd'hui, nous serions heureux de recevoir vos contributions écrites.

Tout d’abord, nous souhaiterions vous interroger sur votre appréciation sur la gouvernance des politiques sociales et sur la qualité du dialogue social en France, comparées à celles des autres pays.

Nous nous préoccupons aussi de la politique sociale à l’attention des familles et de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Quelles sont les différentes approches des pays de l’Union européenne ? Les discussions européennes impliquent-elles les confédérations ?

M. Gaby Bonnand, président de l’UNEDIC (CFDT). Notre pays est assez particulier en Europe. La législation y est abondante. Les accords interprofessionnels conclus entre partenaires sociaux nécessitent souvent, pour entrer en vigueur, l’intervention de l’État qui publie des arrêtés d’extension. Tous les accords liés à la formation professionnelle, au chômage, à l’emploi des jeunes, qui ont fait l’objet de négociations interprofessionnelles mobilisatrices ces derniers mois, nécessitent soit un agrément de la part de l’État, soit une reprise de leur contenu par le législateur. Nous devons aussi distinguer les caractères quantitatif et qualitatif de ces accords.

Ces dernières années, d’importants pas ont été effectués pour rapprocher la législation et l’action contractuelle. La loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007 prévoit que la puissance publique consulte les partenaires sociaux avant de légiférer sur la relation de travail. Elle nous a permis d’intervenir dans des champs très sensibles. Sur la représentativité, c’est la loi qui a permis aux partenaires sociaux d’être saisis avant que des dispositions législatives soient présentées au Parlement.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Le législateur a très peu touché à l’accord !

M. Gaby Bonnand. Du fait de cette imbrication, qu’on ne retrouve pas à l’étranger, entre les domaines législatif et contractuel, la gouvernance de la politique sociale de la France revêt un caractère particulier. Si le développement de la négociation collective à l’échelle interprofessionnelle, encore accru par la crise, a été considérable, il nécessite aussi l’intervention du pouvoir réglementaire ou législatif.

Quelles seraient les améliorations souhaitables ? Il faut mieux clarifier les articulations entre l’action du législateur et la négociation contractuelle. Les partenaires sociaux ont parfois l’impression de négocier sous pression. Récemment s’est conclue une négociation sur l’assurance-chômage. L’accord signé par quatre organisations syndicales et trois organisations patronales est appliqué depuis le 1er juin 2011. Pourtant, en septembre, le Gouvernement a demandé aux partenaires sociaux de rouvrir une négociation sur des questions qu’ils avaient déjà abordées – sur les droits rechargeables. Le ministre a écrit aux secrétaires généraux des syndicats une lettre les invitant à engager une réflexion sur les questions d’emploi. Autrement dit, alors même que nous concluons des accords pour une durée déterminée – l’accord conclu court jusqu’en décembre 2013 –, l’État met sous pression les partenaires sociaux pour modifier l’agenda social précédemment établi. Il considère être au-dessus de la négociation sociale. La CFDT ne demande pas la constitution de deux sphères parallèles, mais elle souhaite une meilleure prise en compte du travail des partenaires sociaux. Il n’est pas sûr que l’harmonisation généralisée par la loi permette de gérer au mieux les situations des différentes professions.

Mme Marie-France Boutroue, conseillère confédérale à la Confédération générale du travail (CGT). Il faut aussi bien distinguer le dialogue social interprofessionnel national de celui qui est mené par secteur ou branche d’activité. La négociation dans les branches d’activité est très importante, en particulier dans les branches concernant les très petites entreprises (TPE), ou encore l’économie sociale. Elle n’est cependant pas représentée au niveau national et les TPE ne comportent que rarement des organisations syndicales, le dialogue social y est la plupart du temps absent, aussi bien en quantité qu’en qualité.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Les parlementaires qui ont soutenu une tentative d’évolution dans ce domaine n’ont pas été écoutés.

Mme Marie-France Boutroue. Il reste que ces salariés votent désormais pour déterminer la représentativité des organisations syndicales au niveau national, mais que leurs employeurs ne sont pas concernés par ces élections, alors qu’elles créent pourtant de la norme et du dialogue social, à l’échelle à la fois nationale et territoriale.

Cet angle d’analyse me paraît essentiel. Les employés des TPE, y compris ceux des professionnels libéraux, représentent plus de 6 millions des 24 millions environ de salariés du privé. Leur prochain vote va compter pour la représentativité. Si nous voulons que tous ces salariés bénéficient de droits, le dialogue social – je préfère l’expression de négociation collective – doit aussi les concerner.

L’effectivité des droits aussi est essentielle. Une fois que les droits ont été négociés, comment sont-ils appliqués, tant à l’échelle des branches qu’à celle des entreprises ? Nous sommes bien obligés de reconnaître nos difficultés à envoyer des militants en formation ; 0,08 ‰ de la masse salariale pour aider les militants syndicaux à s’informer et se former équivaut à 240 euros par an et par entreprise pour l’ensemble des organisations syndicales. Or, pour rendre les droits effectifs, il nous faut des syndicalistes formés. Les moyens financiers destinés à cette formation doivent donc être accrus.

Je ne procéderai pas à des comparaisons avec les autres pays : en Allemagne, les syndicats ne sont pas représentés en tant que tels dans les entreprises ; la négociation s’effectue essentiellement au niveau de la branche. On observe aussi une tendance à décentraliser la négociation collective au niveau de l’entreprise, avec le risque d’une déperdition des résultats des négociations nationales. Et c’est ce que nous avons vécu en France dans le cadre de la décentralisation de la négociation collective. La négociation de proximité est très positive mais les militants se désinvestissent alors de la négociation nationale, puisque nous n’arrivons plus à négocier sur les questions salariales : le système de grille minimale pose des difficultés d’effectivité et d’articulation entre les négociations au niveau national et la réalité des entreprises.

Comment ces questions peut-elles être gérées politiquement ? Pour moi, elles relèvent plutôt de la Commission européenne, en tout cas de la négociation à l’échelon européen. Pourtant, même si des accords engageant leurs signataires – les employeurs adhérents aux organisations patronales qui les ont négociés – ont été conclus à l’échelle européenne, nous avons, nous CGT, constaté, notamment pendant une table ronde tenue en 2007 et 2008 sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qu’il nous était extrêmement difficile de faire décliner concrètement un accord-cadre européen.

Enfin, alors qu’une loi de 2001 a rendu obligatoire la négociation sur l’égalité entre les femmes et les hommes, aujourd’hui, le résultat n’est pas au rendez-vous. La question n’est donc pas seulement celle de la quantité du dialogue social mais aussi celle de sa qualité. Nous sommes face à une réelle difficulté de mise en pratique des lois existantes.

Mme Françoise Kermogant, déléguée centrale FO à Pôle Emploi. La notion de dialogue social est particulièrement vaste et mal définie. À Force Ouvrière, nous sommes plus attachés à la pratique contractuelle et à la négociation collective. L’amélioration de la pratique contractuelle, notamment son articulation avec les politiques publiques, est, surtout aujourd’hui, une question de fond. C’est cette pratique qui, dans la suite logique des décisions du Conseil national de la Résistance, a créé le tissu social de la France et permis une société avancée et équilibrée, qui a mieux résisté que d’autres aux difficultés récentes.

Or la pratique contractuelle souffre aujourd’hui d’un manque de moyens. Les conditions de la négociation et de la contractualisation doivent être intégrées dans les dispositifs applicables à l’ensemble des salariés du pays, à travers des dispositions législatives, le code du travail notamment.

Cela dit, une fois les accords conclus se pose le problème de leur application, qui est aujourd'hui de plus en plus difficile, quels que soient les secteurs d’activité. Des moyens devraient être trouvés pour obliger les parties, notamment les employeurs, à respecter leur propre signature. Si les accords ne sont pas appliqués, la négociation n’a pas de sens.

Mme Sandra Mitterrand, conseillère technique au secteur conventions collective à la Confédération générale du travail – Force ouvrière (CGT-FO). Je réitère moi aussi notre attachement à la négociation collective, de préférence au dialogue social. Si la quantité des accords reste inchangée, leur qualité se dégrade. Les raisons de cette évolution sont d’abord la part croissante des accords dérogatoires à la loi ou aux accords de niveau supérieur. C’est un effet de la loi du 20 août 2008 : un accord d’entreprise peut désormais déroger, en matière de temps de travail, à un accord de branche plus favorable.

La consécration par la loi du 20 août 2008 de la négociation collective en dehors de tout syndicat tend aussi à affaiblir le poids des organisations syndicales. Nombre d’élus de comités d’entreprise sont éloignés de la dimension revendicative du mandat de délégué syndical. Les négociations avec des délégués syndicaux ou avec un comité d’entreprise ne sont pas de même nature.

Enfin, s’il y a obligation de négociation, il n’y a pas obligation d’aboutir à un accord. C’est pourquoi nous demandons qu’il y ait, au moins en matière salariale, obligation d’aboutir à un accord pour relever les minima salariaux.

La négociation collective doit rester l’apanage des syndicats et le niveau principal celui de la branche. C’est, pour nous, le seul niveau de régulation pour atteindre l’ensemble des salariés, indépendamment de la volonté de négocier des entreprises et de la présence de syndicats en leur sein.

La loi doit aussi poser des garanties minimales et non pas des garanties supplétives n’ayant vocation à s’appliquer qu’à défaut d’accord.

M. Yves Razzoli, conseiller confédéral, chargé du dossier « emploi » à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). À la CFTC, nous sommes attachés à la négociation collective comme au dialogue social. Comme la langue pour Ésope, le dialogue social est à la fois la meilleure et la pire des choses. Le pire a été illustré par les négociations sur les retraites – tous les partenaires sociaux avaient conscience qu’il fallait négocier, mais nous ne sommes absolument pas sûrs d’avoir obtenu les résultats utiles et nécessaires. Le meilleur était la rencontre que nous avons eu avec le ministre Xavier Bertrand, lorsqu’il est venu présenter la convention tripartite entre l’État, l’UNEDIC et Pôle Emploi. Cette présentation a été effectuée après que les partenaires sociaux ont rencontré l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances et travaillé sur la méthode, bref, après une concertation avec tous les partenaires sociaux, patronat compris. En France la qualité du dialogue social n’est pas toujours de ce niveau.

Quelle comparaison effectuer entre la France et ses partenaires européens ? En Allemagne, les employeurs et le Gouvernement souhaitent avoir face à eux des représentants syndicaux bien formés et stables. En France, nous avons l’impression que tout est fait pour que les représentants syndicaux ne soient pas très bien formés et changent très souvent.

M. Régis Juanico, rapporteur. Tant chez les employeurs que chez les salariés, ce ne sont pas forcément des femmes qui négocient sur l’égalité entre hommes et femmes et la conciliation entre vie familiale et professionnelle. Avez-vous mis en place des solutions pour y remédier ?

M. Michel Heinrich, rapporteur. Nous souhaitons ajouter le champ de l’articulation entre la conciliation entre vie familiale et emploi dans la négociation triennale de branche. Qu’en pensez-vous ?

Mme Martine Vignau, responsable des politiques familiales à l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA). Sur le dialogue social, nous rencontrons une difficulté en matière d’articulation des dispositions législatives et des accords contractuels. Comme c’est le cas à l’échelon européen, le travail contractuel devrait fabriquer de la norme, et celle-ci devrait être respectée.

De plus, la mise en application des lois comme des accords est fortement perturbée. Nombre de décrets et d’arrêtés ne paraissent pas. En outre, bien des accords sont précédés non pas de négociations mais de simples consultations.

Vous avez aussi raison de soulever la question de la formation des élus et de la nécessité de reconnaître l’égalité du statut des représentants syndicaux face à leurs interlocuteurs. Nous devons améliorer la formation des élus, et faire en sorte que les négociations soient conduites par des personnes aussi concernées que possible. Trop souvent, les mesures relatives à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes sont négociées par des hommes. Cela dit, il y a peu d’accords sur ce sujet ; et, lorsqu’ils existent, il n’y a pas de suivi sur leur effectivité. Des améliorations sont donc nécessaires.

M. Christophe Lefevre, délégué national de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC). Il existe des instances européennes au sein desquelles nous sommes consultés à travers nos syndicats : les articles 154 et 155 du Traité nous permettent d’être consultés sur des mises en œuvre. En revanche, nous constatons très souvent en France des déperditions entre les directives européennes et les dispositions législatives.

Nous rencontrons en effet des difficultés pour augmenter le nombre de négociatrices.

Nous regrettons que le décret du 7 juillet 2011 ait prévu des modalités dérogatoires dans l’application par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des sanctions en matière d’égalité salariale. Ce décret, qui nous laisse pantois, ne nous aide pas à faire appliquer cette loi.

Nous avons en effet besoin que les négociateurs des syndicats soient bien formés et restent longtemps. Or, certains chefs d’entreprises agissent de façon à dégoûter leurs interlocuteurs syndicaux avec lesquels ils sont censés négocier. Cela renvoie à la nécessité de négocier au niveau de la branche, de façon à la fois à créer une sorte de socle minimal et à instituer un champ concurrentiel cohérent, les entreprises d’un même secteur étant soumises aux mêmes obligations.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Les comités de direction non plus ne sont pas très féminisés.

Mme Marie-France Boutroue. Nos bases syndicales sont majoritairement masculines. Au sein de la CGT, nous avons donc mis en place une charte de l’égalité, pour faire de la place pour les femmes.

Nous avons aussi mis en place un système décentralisé de formation à la négociation collective destiné à aider nos militants.

Enfin, il faut arrêter de découper en tranches – salaires, articulation entre loi et accords… – les négociations sur l’égalité. Cette méthode ne permettra pas d’aboutir.

M. Michel Heinrich, rapporteur. La proposition que nous ferions serait d’ajouter à la négociation triennale de branche sur l’égalité professionnelle le champ de l’articulation. Nous avons le sentiment que cette dimension n’est pas suffisamment traitée.

Mme Marie-France Boutroue. Si ajouter expressément ce champ est possible, il faut, dans l’esprit de la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, permettre aux organisations syndicales de disposer d’éléments statistiques fiables, par entreprise et par branche, pour qu’elles puissent ensuite élaborer des propositions.

Mme Sandra Mitterrand. Nous ne sommes pas opposés à l’ajout de champs à l’obligation de négociation triennale. En revanche, en matière d’égalité, les accords – quand ils ne sont pas vides d’obligation – ne sont aujourd'hui que de simples rappels de la loi. Pour négocier au niveau de la branche, nous aurions besoin de rapports sur la situation de la branche.

Mme Sophie Mandelbaum, secrétaire confédérale responsable de la délégation « femmes » à la Confédération démocratique du travail (CFDT). Aujourd’hui, la négociation spécifique à l’égalité professionnelle ne fonctionne pas. Nous sommes très favorables à des mesures permettant de rendre visible le sujet de l’égalité professionnelle, donc à des négociations spécifiques sur cette question, tant au niveau des branches que des entreprises.

Cela dit, nous croyons aussi beaucoup à la démarche intégrée. Nous préférons que la conciliation des temps soit réellement abordée, par exemple, dans le cadre des négociations sur la durée du travail et la rémunération. Dans le cadre de l’Agenda social, un rendez-vous a été organisé sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle. Avant qu’une articulation et une concertation permettent l’adoption des dispositions législatives nécessaires, il faut d’abord que nous nous rencontrions dans le cadre prévu, de façon à examiner ce qui favoriserait l’effectivité de ces droits. Au moment des négociations sur la RTT, alors que la conciliation faisait partie des thèmes de négociation, les employeurs ont refusé d’entrer dans la négociation sur l’organisation du travail, l’assouplissement du temps de travail et l’établissement de modes d’organisation plus intelligents permettant d’absorber les incidents dus à la vie familiale. Tant que la volonté d’aboutir ne sera pas là, rien ne sera possible. Avant d’émettre un avis sur une mesure qui ne serait pas forcément la plus efficace, attendons que le rendez-vous prévu ait eu lieu.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Quelles sont vos propositions en faveur des familles monoparentales ? Souhaiteriez-vous voir évoluer le complément de libre choix d'activité (CLCA) et le complément optionnel de libre choix d'activité (COLCA) ?

M. Yves Razzoli. Aujourd’hui, 12 % des enfants vivent dans une famille monoparentale, et les parents isolés représentent 24 % des revenus les plus faibles : 60 % d’entre eux sont inactifs ou au chômage.

Nous souhaitons qu’une attention particulière soit portée aux familles monoparentales, à travers notamment l’amélioration des dispositifs de garde, collective ou individuelle, et l’accès au logement, de plus en plus difficile. La CFTC propose la création d’une allocation de libre choix parental d’un montant de la moitié du SMIC, « fractionnable » jusqu’à ce que l’enfant atteigne seize ans. Ainsi, l’égalité entre hommes et femmes dans un certain nombre de conseils pourrait peut-être être établie, la femme bénéficiant de dispositifs lui permettant de faire garder son enfant.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Le montant de ce congé serait donc de l’ordre de celui du CLCA ?

M. Yves Razzoli. Oui. Mais les conditions d’obtention du CLCA devraient être assouplies pour permettre aux parents occupant des emplois précaires ou sans revenus suffisants d’y prétendre.

Mme Sophie Mandelbaum. Notre optique n’est pas du tout la même. Dans une période de crise économique, les dispositifs favorisant le retour au foyer des femmes comportent des risques de régression. Nous ne souhaitons pas l’allongement des congés de maternité ou des congés parentaux, ni la création de nouveaux dispositifs en ce sens. Nous souhaitons au contraire un raccourcissement du congé parental d’éducation, assorti d’une amélioration de sa rémunération, avec une partie obligatoirement partagée et non cessible.

La directive européenne relative au congé parental d’éducation doit être transposée en France avant le 8 mars 2012.

Nous sommes gênés par l’expression « congé de paternité ». Il faut distinguer ce qui relève de la santé de la femme de ce qui relève des questions d’accueil de l’enfant. Nous préférons donc l’expression de « congé parental », d’autant qu’il existe aussi des familles où les deux parents sont du même sexe.

Enfin, comme je l’ai déjà dit, nous souhaitons travailler à une réorganisation des modalités du travail pour mieux concilier les temps. Lorsque nous arrivons à créer des lieux de dialogue social appropriés pour négocier non seulement l’organisation et la durée du travail mais aussi le transport et la garde d’enfants de manière articulée avec les entreprises et les pouvoirs publics, les solutions sont toujours plus riches et adaptées.

La situation des familles parentales est extrêmement difficile, surtout en zone rurale, où se conjuguent notamment l’emploi précaire en horaires atypiques et des systèmes de transport très coûteux. La seule négociation avec les entreprises ne suffit pas.

Mme Martine Vignau. Les familles monoparentales sont vraiment les parents pauvres de notre système de protection sociale. Les prestations familiales ne permettent pas d’assurer une redistribution en leur faveur. Ces familles sont très modestes, précaires ; les niveaux de qualification y sont bas ; bref, les inégalités s’y cumulent, avec des emplois à temps partiel, voire très partiel, des horaires atypiques, de nuit notamment, ou encore des difficultés d’accès au logement, qui les obligent à s’éloigner des grands centres.

Une part de ces populations se retrouve dans les 40 % de personnes qui choisissent le CLCA faute d’autres solutions. Le CLCA n’est pas, dans ce cas, le résultat d’un libre choix : ces personnes s’excluent de l’emploi ! Cette réalité doit donc être mieux prise en compte. L’enchaînement de CLCA éloigne de l’emploi. Un tiers des bénéficiaires du CLCA pour le troisième enfant en bénéficiaient déjà pour le deuxième. Il faut donc concevoir des formations pour réintégrer l’emploi, et, plus largement, repenser le retour à l’emploi.

80 % des femmes travaillent, et leur salaire n’est plus un salaire d’appoint. Dans ces conditions, l’enchaînement des CLCA est très néfaste. Nous souhaitons donc la réduction de la durée du congé parental, en même temps qu’un accroissement de sa rémunération, et qu’il soit ouvert de façon plus incitative à l’homme : il faut nettement plus de onze jours pour prendre en charge un enfant ! Il faut aussi une période non transmissible à l’autre parent, et des mesures un peu coercitives.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Selon certains de nos interlocuteurs, Pôle Emploi ignore le nombre des personnes en CLCA et ne connaît pas les dates de fin de ces congés.

Mme Martine Vignau. C’est vrai.

Mme Marie-France Boutroue. Nous vous ferons parvenir nos propositions relatives aux congés parentaux. Nous sommes d’accord sur la nécessité de ne pas confondre les congés de maternité et de paternité. Ces deux types de congés répondent à des situations très différentes.

Si les chefs de familles monoparentales sont le plus souvent des femmes, les difficultés principales sont d’abord le manque de confiance en soi, l’inquiétude sur le type d’emploi qui sera retrouvé, et enfin sur les conditions de garde des enfants. Les modes d’accueil de proximité sont insuffisants : les jardins d’accueil ne remplacent pas l’école maternelle. L’essentiel porte donc sur l’aide au retour à l’emploi et l’existence d’emplois de proximité. Faute de tels emplois, les femmes dépendent des moyens de transport collectif et sont pénalisées par leur tarif, ainsi que par des problèmes d’accès au permis de conduire. De plus, même avec une aide pour le financer, comment des femmes très mal payées pourraient-elles acheter une automobile, puis encore payer l’essence et l’assurance ? Par ailleurs, quelle formation vont-elles suivre ? Qui va la payer ? Et qui gardera les enfants pendant la formation ?

Une fois la question de l’emploi réglée, il reste à résoudre la question de l’accueil des enfants avant l’ouverture de l’école. Les entreprises ne pourraient-elles pas s’organiser pour tenir compte des heures d’ouverture des services publics locaux ?

Si nous voulons que des femmes reprennent confiance en elles et retournent dans l’emploi, il y a un ensemble de thèmes à traiter pour trouver des solutions globales.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Certaines aides sont sous-utilisées. Les crédits de l’aide personnalisée de retour à l'emploi – l’APRE –, par exemple, ne sont pas consommés. Cette situation a-t-elle pour origine des difficultés d’information ?

M. Christophe Lefevre. Nous souhaitons que, dans les entreprises et les structures professionnelles en général, des entretiens sur la conciliation entre vie privée et vie professionnelle puissent être organisés. Une lettre de cadrage du ministre Xavier Darcos avait, en 2009, prévu un tel entretien.

Nous avons très peur de l’éloignement des mères de familles de l’emploi et de l’entreprise, au bout de trois ans de congé parental. Nous souhaitons donc le réduire à un an, mais en portant son montant, aujourd’hui forfaitaire, à 80 % du salaire, et en prévoyant un mécanisme de fractionnement.

Il faudrait aussi permettre aux parents de disposer d’un temps partiel conjoncturel d’un mois, qui permettrait de régler des difficultés temporaires. Au-delà, on reviendrait aux demandes de temps partiel, pour lesquelles l’accord de l’entreprise est nécessaire.

Nous sommes favorables à l’alignement des conditions de rémunération du congé de paternité sur le congé de maternité, autrement dit à une obligation pour l’entreprise ou la structure d’emploi de compenser l’intégralité de la perte de salaire pendant les quelques jours aujourd’hui accordés au père.

Il faut travailler la piste du télétravail, aujourd’hui sous-développé, qui améliorerait les conditions de vie et de déplacement, ainsi que la conciliation entre vie familiale et travail.

Enfin, les crèches et, de façon générale, les dispositifs de garde des enfants doivent être mieux développées.

M. Gaby Bonnand. Si nous constatons en effet que l’aide personnalisée au retour à l’emploi (APRE), ciblée sur les allocataires du RSA qui reprennent une activité professionnelle, est peu utilisée, nous ne savons pas pourquoi. N’est-elle pas proposée ou bien plus simplement les allocataires du RSA ont-ils du mal à retrouver du travail ?

La préparation opérationnelle à l'emploi (POE) aussi est peu utilisée, mais pas pour des raisons d’information. C’est une véritable usine à gaz ! Elle est destinée à former aux métiers en tension. Trop ciblées sur des publics et des métiers précis, les aides ne répondent pas au rôle qu’on veut leur faire jouer. Il faudrait plutôt mettre en place des outils au service des agents qui construisent des parcours pour des demandeurs d’emploi.

En 2010, 19 millions de recrutements ont été opérés, dont 12 millions de contrats de moins d’un mois ! Voilà des chiffres parlants. Dans un système qui pénalise les plus précaires, lesquels ne cessent de changer d’emplois et d’employeurs, il est normal que des dispositifs comme l’APRE ne trouvent pas preneurs : ils sont construits non pas au service d’un parcours mais d’une situation, à un moment précis. Pour savoir pourquoi l’APRE n’est pas utilisée, il nous faudrait disposer d’un bilan qualitatif, une sorte de film sur les trajectoires, plutôt que de statistiques qui ne sont que des photos instantanées.

M. Rubens Baradji, conseiller technique à la Confédération générale du travail. Lier toutes les prestations sociales à l’inscription à Pôle Emploi serait dangereux. Il est normal qu’elle soit obligatoire pour bénéficier des indemnités chômage, mais, autrement, cela gommerait la spécificité des situations. Lors de la création de l’Aide personnalisée au retour à l’emploi (APRE), on a élaboré une aide avec des conditions qui ne correspondaient pas au vécu des personnes au RSA ni à leurs besoins pour s’en sortir. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les bénéficiaires n’aient pas été au rendez-vous.

Mme Sandra Mitterrand. Les congés parentaux doivent rester distincts. Chacun a sa raison d’être et il ne faudrait pas déshabiller l’un pour habiller l’autre. Pour nous, la priorité n’est pas la réduction, et encore moins la cessation, d’activité, qui éloignent de l’emploi. Mais nous sommes pour le maintien du CLCA tel qu’il est. Nous pourrions être favorables à une partie non transmissible, réservée aux pères, à condition qu’elle n’ampute pas le congé que tout un chacun peut prendre aujourd'hui. Si le CLCA est utilisé davantage par les mères que par les pères, cela tient aux différences de rémunération entre hommes et femmes, qu’il faut réduire en priorité, avant de se préoccuper d’un congé non transmissible auquel nous ne nous opposons pas par principe, mais qui devrait s’ajouter aux autres et non s’y substituer.

Sur la durée, la directive européenne qui doit être transposée avant mars 2012 prévoit le fractionnement du congé parental qui pourrait être pris jusqu’aux huit ans de l’enfant. Nous sommes pour repousser la limite d’âge encore plus loin, jusqu’à seize ans, car la parentalité ne s’arrête pas au bout de cinq, huit, ni même dix ans. Ainsi, ce congé permettrait de répondre à différents besoins apparaissant au cours de la vie professionnelle : la garde mais aussi les différents incidents qui peuvent survenir dans le parcours scolaire des enfants. Pris sous forme d’une succession de courtes périodes, le congé parental ne pénaliserait pas le maintien dans l’emploi, ou l’accès à l’emploi. Nous suggérons de l’étendre jusqu’à l’âge légal de scolarisation.

Venons-en au congé de paternité. Pour nous, la priorité est à la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Il n’y a pas de raison, à nos yeux, de prévoir des congés spécifiques pour les pères. Cela dit, le congé paternité est nécessaire à l’accueil de l’enfant. C’est pourquoi nous sommes favorables à une amélioration, de sa rémunération surtout. Il faudrait aussi le rendre obligatoire, puisque, aujourd'hui, deux tiers seulement des pères le prennent. En outre, les accords collectifs plus favorables, en termes de rémunération et de durée, créent des disparités entre salariés. Nous voudrions donc une loi qui prévoit un congé obligatoire, avec une rémunération conséquente. Il est important pour nous que la démarche soit générale et que l’arrivée de l’enfant soit accompagnée en amont et en aval. En amont : autorisations d’absence pour les rendez-vous prénataux, l’entrée et la sortie de la maternité. En aval : égal accès aux dispositifs conçus pour répondre aux besoins familiaux, comme les journées pour enfants malades, pour la rentrée scolaire,… L’accès doit être égal pour tous, pour les hommes et les femmes, et ne pas relever seulement des accords d’entreprise.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Que pensez-vous du droit individuel à la parentalité tout au long de la vie professionnelle ?

M. Régis Juanico, rapporteur. Jusqu’à présent, les cotisations retraite étaient suspendues pendant le congé maternité, mais cela va changer à partir de 2013.

M. Michel Heinrich, rapporteur. L’ouverture des droits sera préservée.

Mme Françoise Kermorgant. Il y a deux choses : l’affiliation et la bonification en valeur des droits.

Mme Martine Vigneau. Il faudrait plutôt parler de congé familial, qui pourrait se substituer à ce qui existe, à condition de l’adapter aux besoins, de le faire mieux connaître des salariés et repenser le cadre d’ensemble. Nous avons déjà longuement discuté, au sujet de la perte d’autonomie, des aides aux aidants,… Peut-être faudrait-il, avant de prendre position, savoir ce que recouvre ce congé.

Mme Sophie Mandelbaum. Nous ne sommes pas pour la création de nouveaux droits qui risqueraient d’éloigner encore les femmes de l’emploi. Mais nous sommes intéressés par une réforme des congés parentaux, afin de mieux les adapter aux besoins des salariés tout au long de leur vie professionnelle. Cela rejoint la négociation qui va avoir lieu sur la deuxième étape de la sécurisation des parcours professionnels. Il faut pouvoir utiliser ces congés au cours des différents temps de la vie des salariés, femmes ou hommes.

Mme Sandra Mitterrand. Le droit individuel et le compte épargne temps familial ne répondraient pas à tous les besoins. C’est point par point qu’il faut régler les choses. Certains dispositifs propres à des accords méritent d’être généralisés, par exemple les jours d’absence pour enfant malade. Il n’y a pas besoin d’un compte épargne temps pour cela. Ensuite, ce droit individuel ne réglerait pas le problème de l’aménagement du temps de travail et des horaires de travail, qui doivent être étudiés branche par branche, et aménagés de façon à pouvoir garantir le temps familial.

Ensuite, les besoins personnels doivent être pris en compte par les entreprises dans l’attribution des congés payés, dans les plannings, les horaires de réunion, etc. Ni le compte épargne temps familial, ni le droit individuel n’apportent de réponse à la question de l’articulation de la vie professionnelle et de la vie familiale.

Mme Marie-France Boutroue. Tout cela me rappelle la négociation sur les 35 heures. Il faut commencer par réorganiser le travail au sein de l’entreprise. Le fait que certains salariés aient mis de côté des heures supplémentaires, une partie de leurs congés payés pour leur retraite, pose des questions. Quels types d’heure vont alimenter ce compte épargne temps ? Comment sera-t-il utilisé ? Et financé ? Ensuite, en termes d’organisation du temps de travail, le risque est que ce soit plutôt les femmes qui mettent de côté du temps pour s’occuper des enfants, et que les entreprises ne prennent plus la peine de négocier des jours pour enfant malade prévus pour le moment dans les conventions collectives, ou des aménagements du temps de travail, ni même la conciliation entre vie familiale et travail. Avec le compte épargne temps familial, que reste-t-il à négocier ?

M. Michel Heinrich, rapporteur. Nous vous avons posé la question, mais notre intention n’était pas pour autant, à ce stade, de retenir la proposition.

M. Yves Razzoli. Cela étant, votre question en soulève d’autres. Que faire, pendant le congé, de la couverture maladie complémentaire par exemple ? Pour beaucoup, la couverture maladie ne suffit pas. Et avec deux ans de cotisation en moins, on perd 25 % de la retraite complémentaire.

Les mécanismes de l’assurance vieillesse devraient aussi être rendus plus équitables. Aujourd'hui, on constate que la différence entre les retraites des hommes et celles des femmes est de l’ordre de 40 %. C’est énorme. Si l’on introduit des dispositifs qui incitent les femmes à s’absenter, il faut les accompagner de mécanismes qui rétablissent les droits à la retraite, à moins d’aggraver encore les distorsions.

Mme Marie-France Boutroue. L’écart est surtout lié aux inégalités de salaire.

M. Michel Heinrich, rapporteur. À l’horizon 2020, les femmes auront plutôt plus de trimestres que les hommes, mais le montant de leur retraite ne sera pas supérieur, bien au contraire. Chaque enfant, je le rappelle, donne droit à huit trimestres comptabilisés au titre de la retraite dans le privé, ce qui est loin d’être négligeable. Les femmes auront donc largement leurs trimestres, mais le montant de la retraite sera très bas.

Mme Françoise Kermorgant. Dans ces dispositifs, il faut tenir compte non seulement de l’affiliation – c'est-à-dire du nombre de trimestres – mais aussi de la bonification des points, et surtout du niveau de salaire. Sinon, le problème ne sera jamais résolu.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Le problème rejoint celui de l’égalité salariale.

Mme Marie-France Boutroue et Mme Françoise Kermorgant. Oui.

Mme Françoise Kermorgant. Il faut des dispositifs plus coercitifs.

M. Christophe Lefevre. Une précision. S’agissant de l’égalité salariale, on raisonne uniquement en salaire, notamment dans le bilan social. Or, dans beaucoup de structures, la rémunération comprend des avantages annexes tels que les actions gratuites ou autres, sur lesquels il n’y a pas de contrôle possible. Il faudrait que les comparaisons soient vraiment précises.

Mme Marie-France Boutroue. La situation a été débloquée en 2007 lors de notre rencontre avec Xavier Bertrand. Nous sommes tombés d’accord là-dessus.

M. Christophe Lefevre. Alors, il faut pousser les feux.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Nous nous intéressons également aux thèmes de l’accès et du retour à l’emploi, y compris à ce qui se fait à l’étranger.

M. Sébastien Socias, Force Ouvrière Pôle Emploi. Dans la convention qui est en cours d’écriture, nous n’avons qu’une priorité : plus d’effectifs et plus de moyens – car la situation l’exige. À l’époque de sa création, on disait que Pôle Emploi devrait améliorer la situation des chômeurs en France. Or, elle n’a cessé de se détériorer depuis. Il ne suffit pas de dire que Pôle Emploi ne fonctionne pas et de reprocher aux agents d’en être responsables. Si l’on veut véritablement aider les usagers du service public qui en ont besoin, il faut s’en donner les moyens.

Mme Françoise Kermorgant. Il ne faut pas se faire d’illusions. Des organes parfaitement sérieux et dignes de confiance l’ont constaté : aujourd'hui, la situation à Pôle Emploi est dramatique. Le manque de moyens entraîne une carence dans la qualité de l’accueil et des services que les demandeurs d’emploi sont en droit d’attendre. La puissance publique fait de la publicité mensongère sur ce que le demandeur d’emploi peut attendre. Cela provoque même des incidents de plus en plus fréquents, voire dramatiques. On ne peut pas continuer à fonctionner avec, à l’accueil, des agents insuffisamment ou pas formés. Ils souffrent d’une image dégradée d’eux-mêmes, et, à cet égard, leur employeur a une responsabilité au titre de la sécurité des biens et des personnes, qui comprend leur santé physique et mentale. Et c’est la conséquence directe du manque de moyens. On met à l’accueil des agents après quatre jours de formation. C’est insupportable pour eux et pour les usagers.

Faute de moyens, on réduit les superficies minimales : on a supprimé l’équivalent de 170 sites de 50 personnes. Et nous en sommes à 0,85 ordinateur par agent. Demain, on travaillera dans le couloir avec l’ordinateur du voisin – s’il n’est pas là. Sinon, il faudra faire sans.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Où en est-on de la polyvalence ?

Mme Françoise Kermorgant. La polyactivité n’est pas la solution à tous les problèmes, mais elle n’est pas à rejeter en bloc. Il faut l’organiser en sachant que tout le monde ne peut pas tout faire. Et on ne peut pas mettre en place un dispositif de formation sans prévoir des moyens de substitution pour l’accueil.

Le demandeur d’emploi demande à un organisme comme le nôtre une porte unique, ce qui n’exclut pas deux guichets puisque, une fois qu’il a poussé la porte, il peut parfaitement passer d’un bureau à un autre. La première préoccupation de quelqu’un qui vient de perdre son emploi, et c’est parfaitement légitime, c’est de savoir comment il sera indemnisé. Une fois qu’il est rassuré, on peut lui parler orientation, formation, reclassement. Mais une chose après l’autre.

En tout cas, c’est criminel de la part de la puissance publique de vouloir imposer le métier unique à tout le monde, notamment l’entretien unique.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Il semble qu’on en revienne…

M. Régis Juanico, rapporteur. M. Charpy nous a dit que ce n’était plus un problème et que, aujourd'hui, tout se faisait sur la base du volontariat.

Mme Françoise Kermorgant. On fait la même chose en l’appelant autrement, et nous sommes trois ici de Pôle Emploi.

M. Sébastien Socias. Quelques chiffres. La formation de base d’un agent travaillant à l’UNEDIC ou à l’ANPE pour acquérir les compétences minimales durait six mois. Aujourd'hui, quatre jours. L’écart est impressionnant.

Concernant les entretiens d’inscription et de diagnostic (EID), la puissance publique s’était engagée, au moment de la création de Pôle Emploi, à ce qu’un demandeur d’emploi soit reçu dans les cinq jours. Aujourd'hui, nous en sommes à trois semaines, un mois. Pendant un mois, les gens ignorent ce que seront leurs droits. À la fin de l’année, les besoins des familles se font plus pressants et on en arrive à ce qu’on a vu récemment : des prises d’otages, des menaces de suicide, ou même des incidents qualifiés de « mineurs » par la direction mais qui se multiplient. Et nos collègues sont en situation de grande souffrance : certains prennent des médicaments, le nombre d’arrêts maladie augmente à un rythme exponentiel. En outre, les agents absents ne sont pas remplacés, ce qui aggrave encore la situation. Et quand les malades reprennent leur poste, cette situation a continué à péricliter. Il serait temps de décider un moratoire car le diagnostic est clair. Qui plus est, pour y remédier, on voit dans les régions se multiplier des initiatives qui vont toutes dans le mauvais sens : la dégradation du service public. On va finir par se demander à quoi sert Pôle Emploi.

Pour une fois, tout le monde est d’accord sur le constat – la situation s’aggrave – mais la seule réponse qui nous est faite, c’est que nous n’aurons pas plus de moyens, au contraire.

M. Rubens Baradji. La création de Pôle Emploi est une fausse bonne idée. Son directeur général vous a indiqué que le métier unique a été abandonné. Il passe son temps à le répéter, mais c’est faux. Tout ce qui se met en place – l’entretien d’inscription et de diagnostic, l’accueil unique – vise à fusionner en une seule activité les métiers de l’indemnisation et de l’aide à l’insertion professionnelle. Ces deux qualifications fortes préexistaient à la création de Pôle Emploi, et elles répondaient à des attentes fortes, mais elles sont aujourd'hui toutes les deux dégradées et attaquées dans leurs fondements. Cette politique remet en cause l’aptitude de Pôle Emploi à répondre aux usagers. Pour la CGT, il faut au contraire impérativement préserver et renforcer d’un côté les missions d’indemnisation, de l’autre les missions d’insertion.

La convention tripartite ne le fera pas et nous le regrettons, car cela veut dire que l’on va continuer à mettre en œuvre un accompagnement des demandeurs d’emploi qui est conçu non pas pour répondre qualitativement à leurs attentes mais pour industrialiser, en quelque sorte, le processus du travail à Pôle Emploi où la dilution des qualifications des personnels accompagne la dilution de l’exigence de répondre à la demande. C’est plutôt la « polyincompétence » des personnels qui est recherchée, par le biais de la mécanisation, sous couvert d’apporter une réponse a minima aux attentes sociales. Nous sommes inquiets et déterminés à combattre de telles orientations, y compris dans le cadre de la convention tripartite.

M. Gaby Bonnand. Pôle Emploi traverse de graves difficultés à cause du manque de moyens mais aussi de son organisation. Je voudrais mettre l’accent sur trois ou quatre points importants qui se discutent dans le cadre de la convention tripartie.

Premièrement, la confusion de la dernière convention, dont l’EID est l’expression. On ne peut pas traiter de l’indemnisation facilement car le sujet s’est compliqué considérablement au fur et à mesure, non pas à cause des règles, mais à cause des parcours des demandeurs. Aujourd'hui, un demandeur d’emploi peut avoir une petite activité – moins de 110 heures par mois –, avoir eu trente ou quarante employeurs dans les vingt-huit derniers mois. C’est donc un travail très complexe de calculer les droits. Résultat : l’indemnisation et la formation ne sont pas de même nature. L’EID risque donc de dénaturer les deux services que Pôle Emploi doit rendre aux demandeurs d’emploi.

Deuxièmement, il faut aussi différencier le suivi et l’accompagnement. Quand les demandeurs d’emploi sont reçus en entretien, ils ont le sentiment de faire une démarche très administrative. Or, il n’est pas possible de bâcler l’étape du diagnostic. Sinon, tout accompagnement personnalisé est impossible. On ne peut pas établir un diagnostic selon un modèle préétabli et différencier le parcours ensuite. Dans la dernière convention, on parlait de « suivi mensuel personnalisé ». Maintenant, le suivi n’est plus ni mensuel ni personnalisé, mais l’indicateur est toujours sur le tableau de bord du conseil d’administration. Il faut sortir de la mécanique administrative pour s’orienter vers une démarche qualitative. D’où notre objectif pour la convention tripartite : ne pas s’en tenir aux objectifs de moyens et s’intéresser aux résultats.

Quand on parle de retour à l’emploi, il faut se garder de vouloir faire faire à Pôle Emploi plus qu’il ne peut faire. Ce n’est pas lui qui va créer des emplois. Je ne dis pas que c’est ce que l’on dit, mais les agents subissent une pression car ce qui compte, c’est le retour rapide à l’emploi. Sans doute à raison. Cela étant, je vous mets en garde contre la rotation extrême des emplois. J’insiste sur les chiffres : hors intérim, 19 millions de recrutements en 2010, soit le nombre de déclarations uniques d’embauche (DUE) recensé par l’ACOSS, et 32 millions avec l’intérim. Sur 19 millions, 12 millions sont des contrats de moins d’un mois. Il y a dix ans, les chiffres étaient deux fois moindres et on créait trois fois plus d’emplois nets. Autrement dit, si l’objectif de Pôle Emploi est uniquement le retour à l’emploi, Pôle Emploi deviendra un simple instrument de rotation de la main-d’œuvre. D’où l’importance d’un accompagnement diversifié, personnalisé. Les dispositifs de formation doivent être mobilisés pour éviter cette dérive. Et il est important que les outils mis au service de Pôle Emploi, c'est-à-dire l’APRE, mais aussi les contrats aidés, l’action de formation préalable au recrutement (AFPR), ne soient pas mobilisés uniquement en fonction d’une typologie de publics prédéfinie, ou de métiers en tension dont la liste est arrêtée tous les mois par le préfet. La mécanique administrative doit être changée, décentralisée pour donner plus de souplesse aux antennes et aux agents de sorte qu’ils soient remis au cœur du système, car qui mieux qu’eux peut, dans un cadre déterminé et collectif, bien sûr, connaître les besoins des demandeurs ? N’en restons pas à des outils nationaux appliqués administrativement à des publics normés ! Ce n’est pas comme ça que l’on réglera le problème de l’emploi, ni que l’on renforcera le crédit de Pôle Emploi. Une insertion durable peut passer par la formation.

Peut-on vraiment, comme on envisage de le faire, considérer comme « emploi durable » une succession ininterrompue de contrats pendant six mois, sur une période totale de sept mois ? Non. Que Pôle Emploi devienne l’outil qui pourvoit de tels postes est problématique.

La convention tripartite qui est en cours de discussion nous semble devoir avancer dans une direction où les indicateurs de résultat seraient privilégiés, plutôt que les indicateurs de moyens. Les discussions telles qu’elles se présentent – et le travail de l’IGF et de l’IGAS a été très important – laissent percevoir qu’on pourrait avoir des indicateurs de résultat pour envisager le travail autrement, de manière plus qualitative.

M. Régis Juanico, rapporteur. Ce sera l’une des orientations de notre rapport, que de viser le retour à l’emploi, mais à l’emploi de qualité.

Mme Françoise Kermorgant. Il ne faut pas oublier le contexte économique et social : on ne peut pas espérer que Pôle Emploi va créer des emplois, mais, pour avoir des résultats, il lui faut des moyens. À défaut, nous irons dans le mur. Or ceux qu’il a pour le moment ne lui permettent pas de satisfaire la demande. Et je ne comprends pas pourquoi on ne réfléchit pas dans le bon sens, c'est-à-dire en partant d’une analyse des besoins des usagers, qu’ils soient demandeurs d’emploi ou employeurs. Pour le moment, on se contente d’actions d’affichage, en présentant des mesures qui ne répondent en rien aux besoins des usagers. Si vous saviez les retards dans l’indemnisation, l’absence de moyens consacrés à l’orientation, et d’outils – je ne parle même pas des matériels : bureaux, ordinateurs,… – à la disposition des collègues chargés du placement et de l’intermédiation avec les entreprises. Si on ne se pose pas la question des besoins des populations ciblées, cela m’étonnerait que l’on trouve des solutions viables.

M. Yves Razzoli. J’adhère totalement aux propos de Gaby Bonnand. Le rapport de la Cour des comptes de 2009 relevait le mécanisme paradoxal du financement de Pôle Emploi, qui a de l’argent quand il n’y a pas de chômeurs et qui n’en a pas quand il y a des chômeurs. C’est à ce niveau-là que l’État devrait intervenir. Tant que le problème ne sera pas réglé, Pôle Emploi se heurtera toujours à un problème de moyens.

Le manque d’effectifs et de moyens est flagrant, criant même. Lors de la fusion UNEDIC-ANPE, on a annoncé que les portefeuilles des agents compteraient 60 personnes. Aujourd'hui, on en est à 200, voire 300 à certains endroits. La situation est ingérable. Si l’on ne fait pas preuve de volontarisme pour donner plus de moyens et plus d’effectifs à ce service dont on attend beaucoup, on passera à côté de l’essentiel, surtout que, pour améliorer la qualité des portefeuilles, on propose, dans la convention tripartite, de redéployer 2 000 équivalents temps plein, qui sont pour le moment au service des entreprises, et même des très petites entreprises qui ont besoin d’être aidées dans leurs démarches. Résultat : une nouvelle dégradation de la qualité perçue par les demandeurs d’emploi et par les entreprises, pour ne rien dire des salariés eux-mêmes car travailler dans une entreprise où l’on vous répète tous les jours que rien ne va n’a rien de valorisant.

Je conclurai par une phrase que m’a dite un membre du MEDEF : « De toute manière, on ne crée pas d’emploi parce qu’on nous donne des aides, on crée un emploi parce qu’on en a besoin. » Aujourd'hui, la crise provoque la « glaciation » des emplois. Il y a des gisements d’emploi mais ils ne sont pas créés faute de relance. La formation, Gaby Bonnand l’a très bien dit, est un complément indispensable à un emploi de longue durée, mais il faut d’abord et avant tout que l’emploi soit créé.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Beaucoup des personnes auditionnées préconisent le renforcement des liens au niveau local, entre Pôle Emploi et les acteurs locaux. Qu’en pensez-vous ? Et êtes-vous favorables au système en vigueur en Allemagne où chômage partiel et formation se conjuguent ?

M.  Christophe Lefevre. L’Allemagne est sortie de la crise aussi parce qu’elle avait augmenté les effectifs des agences de l’emploi. Les réclamations reçues se montent à 600 000 et ce chiffre est énorme. Nos préconisations pour Pôle Emploi concernent la personnalisation du service de formation. Pour le moment, il achète des formations en masse et il faudrait des formations plus courtes, moins coûteuses et plus efficaces.

On s’est aperçu, dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle d’un défaut d’accompagnement des seniors qui sont de plus en plus nombreux à accepter une rupture conventionnelle du contrat de travail. Il faut donc un accompagnement très resserré des demandeurs en fin de droits, des seniors et des jeunes, quitte à segmenter par catégorie.

Autre aspect concernant la gouvernance : bien souvent, les décisions sont prises en dehors du conseil d’administration de Pôle Emploi, ce qui empêche l’anticipation.

Les solutions à l’allemande sont en effet à recommander. Au niveau européen, je travaille avec la direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion et nous avons fait un exercice de prospective, en imaginant ce que seraient les métiers dans dix ans. Même si la crise est profonde et durable, cet exercice est utile pour pouvoir former des gens à des métiers qui auront demain des besoins.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Plusieurs personnes nous ont fait remarquer que la formation n’était pas un accélérateur pour retrouver un emploi et que ses effets ne se mesuraient qu’à long terme.

M. Gaby Bonnand. L’un des enjeux est en effet le maillage du territoire, mais on se heurte à un problème majeur qui est la passation des marchés publics. S’agissant de la formation, Pôle Emploi passe des appels d’offre auxquels les acteurs locaux ne peuvent pas répondre. Je ne dis pas que ceux qui emportent les marchés ne font pas du bon travail, mais ils savent, eux, monter des dossiers. Les acteurs locaux se sont sentis exclus de certains marchés. C’est pourquoi nous poussons pour que la convention tripartite ait un volet régional, avec des indicateurs locaux.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Par « acteurs locaux », j’entendais aussi département, conseil général, caisse d’allocations familiales,…

M. Gaby Bonnand. Trois ou quatre régions ont fait des achats groupés avec Pôle Emploi et des conseils régionaux. Au sujet de la formation, le rapport de Rose-Marie Van Lerberghe est toujours d’actualité.

S’agissant de l’Allemagne, faisons tout de même attention à comparer ce qui est comparable. L’Allemagne a un rapport à la formation professionnelle très différent du nôtre. En France, pendant la crise, les partenaires sociaux ont négocié un accord sur le chômage partiel, créé un fonds de sécurisation des parcours professionnels, que le législateur a siphonné pour financer des actions auxquelles il n’était pas forcément destiné. Cela étant, les partenaires sociaux ont contribué à créer des outils tels que l’activité partielle de longue durée (APLD) que certains secteurs ont beaucoup utilisée, notamment la chimie et l’automobile. Mais les services ont très peu fait appel à ce dispositif, beaucoup moins qu’en Allemagne. Il faut avoir en tête que la crise actuelle n’a pas détruit plus d’emplois que celle de 1993, même si elle est plus grave sur le plan financier. En tout cas, les dispositifs de cessation d’activité partielle créés par les partenaires sociaux ont été mieux utilisés cette fois-ci. Bien que l’on n’en soit pas au niveau de l’Allemagne, des progrès ont été faits.

M. Sébastien Socias. Sur le terrain, il y a une interaction indéniable entre les acteurs locaux, mais il y a aussi une concurrence larvée entre eux parce qu’il n’y a pas d’harmonisation des politiques publiques de l’emploi. Les communes, les départements, voire les régions, veulent chacun apparaître comme celui qui fait plus et mieux que les autres pour l’emploi. Quand une agence de Pôle Emploi est installée dans une commune mais en couvre plusieurs autres, il existe indéniablement des interactions politiques. Il est toujours intéressant pour un maire d’intervenir dans le domaine de l’emploi et il arrive que des tensions se manifestent.

S’agissant de la formation professionnelle, il ne faut pas perdre de vue que tout demandeur d’emploi la perçoit comme un retour à l’école. C’est un investissement intellectuel lourd, variable selon les métiers. Par exemple, pour devenir conducteur de train, il faut un an de formation. Tout le monde ne peut pas le faire. Ainsi, pour les jeunes qui sont en échec scolaire, la formation n’est pas une solution. J’en ai reçu beaucoup qui voulaient faire une formation et quand je leur demandais s’ils avaient conscience qu’ils allaient retourner à l’école, ils me répondaient que non, qu’ils voulaient travailler. Il y a inadéquation entre l’offre et ce qui est attendu. Je dis cela pour faire apparaître le fossé qui existe entre l’éducation nationale et le monde du travail. Il y a là matière à réflexion.

Une autre de mes préoccupations, à propos de la formation professionnelle, ce sont les plus de cinquante ans. Que fait-on pour eux ? Aujourd'hui, très peu de formations s’adressent à eux, et elles sont d’autant plus rares qu’il n’y a pas d’emploi pour eux, la crise ayant joué comme un facteur aggravant.

M. Rubens Baradji. En ce qui concerne la coordination de l’action publique au niveau local, une très grande confusion règne autour de ce que l’État central attend des uns et des autres. Différentes strates réglementaires se sont empilées entraînant, sur la longue durée, une « démultiplication du service public de placement » – selon l’expression de Philippe Séguin, ministre du travail et des affaires sociales en 1986 –, qui s’est poursuivie avec la loi Borloo dite de « cohésion sociale », baptisée par la CGT loi de « coercition sociale », redéfinissant le service public de l’emploi. On trouve dans le premier cercle non seulement les piliers historiques du service public de l’emploi – sous tutelle publique – plus l’UNEDIC, et des intervenants qui n’ont rien à voir avec le service public comme les entreprises d’intérim ou les opérateurs privés de placement, et des « cotraitants » ou des « partenaires » du service public de l’emploi comme les réseaux associatifs comme Ohé ou Cap Emploi. Parallèlement, on crée les missions locales de l’emploi. Autrement dit, on ne dit pas grand-chose des compétences des niveaux institutionnels de la République, si bien que l’on ne sait pas ce qu’il faut attendre des communes, des départements, des régions, en matière d’aide à l’insertion professionnelle. Pour la formation, les acteurs sont identifiés, pour l’action sociale aussi, mais pas pour l’insertion professionnelle. Qu’est-ce que le service public de l’emploi aujourd'hui ? Un vaste fouillis qui ressemble à un champ de ruines.

On parle de Pôle Emploi, mais le service public de l’emploi, il ne faut pas le perdre de vue, c’est aussi et avant tout le ministère du travail et ses services déconcentrés. Le représentant du ministre dans les territoires, c’est le préfet. Quel est son rôle ? D’organiser l’intervention publique dans les territoires. Ce sont des sujets qui méritent d’être traités, si l’on veut mieux comprendre la politique de l’emploi, l’aide à l’insertion professionnelle, et au retour à l’emploi.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Les acteurs sont-ils trop nombreux sur le terrain ?

M. Rubens Baradji. Que veut l’État avec les missions locales, ou les maisons pour l’emploi ?

Mme Françoise Kermorgant. Une clarification est nécessaire, sur les niveaux de responsabilité et les champs d’intervention.

M. Sébastien Socias. Les missions locales ne sortent pas de leur domaine d’intervention : les moins de vingt-six ans sortis du système scolaire. La question est de savoir s’il faut de la complémentarité ou de la concurrence.

M. Michel Heinrich, rapporteur. Nous vous remercions.

ANNEXE N° 3 :
RÉPONSES DES AMBASSADES (ALLEMAGNE, AUTRICHE, FINLANDE, ITALIE, NORVÈGE, PORTUGAL, ROYAUME-UNI, SUÈDE) AU QUESTIONNAIRE ADRESSÉ PAR LES RAPPORTEURS

Questionnaire adressé par les rapporteurs en septembre 2011

1. Quelles sont les autorités publiques compétentes au niveau national dans le domaine de l’emploi et des questions sociales (agences, ministères, etc.) et, brièvement, quelles sont leurs principales missions ? Les questions relatives à l’emploi et aux affaires sociales relèvent-elles d’un même ministère ?

2. Quels sont les objectifs fixés en matière de lutte contre la pauvreté ?

La performance des politiques sociales

3. Des réformes récentes ont-elles été mises en œuvre après une phase d’expérimentation sur tout ou partie du territoire et/ou suivies d’une évaluation dans le domaine des politiques sociales et de l’emploi ?

4. Dans quelle mesure des parties prenantes (associations, syndicats, collectivités locales, etc.) sont-elles associées à la conception et à l’évaluation des politiques sociales à destination des familles ainsi que des politiques de l’emploi ?

Le retour à l’emploi

5. Quelles mesures relatives au service public de l’emploi ont été prises pour faire face à la crise économique à partir de 2007-2008 ? La politique de l’emploi est-elle concernée par les mesures de restriction budgétaire ? Comment cela se traduit-il ?

6. Quelles sont les missions du service public de l’emploi ? Quels sont, le cas échéant, ses objectifs et ses indicateurs de performance ? Des enquêtes sur la satisfaction des usagers sont-elles menées ? Dans quelle mesure est-elle prise en compte par les décideurs, notamment dans le pilotage du service public de l’emploi ?

7. Dans quelle mesure la qualité de l’emploi retrouvé après une période de chômage est-elle un souci pour les autorités (en particulier le service public de l’emploi) ? Des évaluations ou des indicateurs existent-ils sur ce sujet ?

Les politiques sociales à destination des familles

8. Quels sont les principaux objectifs des politiques familiales ? Ces objectifs sont-ils formalisés dans un ou plusieurs textes ou documents au niveau national, et le cas échant par quels organismes ou institutions sont-ils déterminés ?

9. Quel est le mode de financement des politiques familiales ?

10. Présenter de manière synthétique les grandes orientations des politiques adoptées à l’égard des familles monoparentales, en complétant le tableau joint concernant les dispositifs spécifiques prévus en faveur des parents isolés.

11. Présenter de manière synthétique les grandes orientations des politiques publiques mises en œuvre afin de favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, ainsi que les principales réformes intervenues dans ce sens au cours des quatre dernières années. Des indicateurs sont-ils définis au niveau national afin de mesurer et suivre les résultats obtenus dans ce domaine ?

RÉPONSE DE L’AMBASSADE DE FRANCE EN RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNE

1. Les questions relatives à l’emploi et aux affaires sociales relèvent du ministère du travail et des affaires sociales (BMAS) qui est compétent pour le droit du travail, la sécurité au travail, la politique du marché du travail, l’apprentissage, la formation continue, les minima sociaux, les retraites et la politique du handicap.

Le service public de l’emploi relève de l’Agence fédérale du travail (Bundesagentur für Arbeit, BA), autorité administrative indépendante. Le ministère de la Famille, des seniors, des femmes et de la jeunesse (BMFSFJ) est responsable de la politique de la famille, des structures d’accueils pour les enfants, de la protection des mineurs, de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes ainsi que de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Le ministère de la Santé (BMG) est compétent pour l’assurance maladie, l’assurance dépendance et la lutte et la prévention contre les maladies. Dans le domaine de la santé publique, il y a d’autres autorités publiques dont le ministère de la santé assure la tutelle juridique. L’Institut pour la qualité et la rentabilité du système de santé publique est une autorité scientifique indépendante chargée d’évaluer les traitements médicaux et d’élaborer pour ceux-ci un bilan coûts-efficacité. L’Institut fédéral pour les médicaments et les produits médicaux est compétent pour l’autorisation de mise sur le marché des médicaments. L’Institut Paul Ehrlich est chargé de la recherche, du contrôle et des autorisations d’exploitation dans le domaine des biotechnologies et des traitements médicaux spécifiques. L’Institut Robert Koch enfin est l’autorité de surveillance et de prévention des maladies.

2. Selon les estimations, entre 15 % et 17 % des Allemands vivent en situation de pauvreté relative (60 % du revenu moyen et moins). Cette pauvreté relative frappe en priorité les jeunes avec enfants et particulièrement les familles monoparentales. Dans le cadre de la stratégie 2020 de l’Union européenne, le gouvernement allemand a fixé comme objectif sur le plan national de réduire, jusqu’à 2020, le nombre de personnes en chômage de longue durée (depuis un an ou plus) de 20 % par rapport à 2008. D’autres objectifs sont l’encadrement des jeunes issus de familles défavorisées, la lutte contre la pauvreté des retraités et l’amélioration de l’intégration d’étrangers.

La performance des politiques sociales

3. Une évaluation des réformes de la politique d’activation de travailleurs âgés a été menée et a montré que les différentes mesures de cette politique avaient porté des fruits : depuis 2000, le taux d’emploi des plus de 55 ans est passé de 38 % à 57 % et les salariés âgés travaillent de plus en plus longtemps. Outre la pression démographique, la fin des différentes mesures d’âge et un ensemble de mesures favorisant le maintien en emploi ou l’embauche des travailleurs âgés expliquent ce phénomène :

– des mesures d’âge permettant un départ anticipé à la retraite, partiellement financé par l’employeur, ont été abandonnées au fur et à mesure qu’apparaissait un problème de main d’œuvre qualifié ;

– de leurs côtés les pouvoirs publics ont mis fin aux aides à la préretraite en même temps qu’était décidé le recul progressif de l’âge légal de départ en retraite de 65 à 67 ans, en 2007. Le régime de départ en retraite à temps partiel avait en effet été totalement dévoyé ;

– à la frontière entre les mesures d’âge et celles liées au marché du travail, la réforme dite « Hartz IV » de 2003 a supprimé la dispense de recherche d’emploi pour les travailleurs âgés et a par ailleurs considérablement durci les conditions pour être déclaré inapte au travail ;

– l’« intiative 50 + » regroupe un ensemble de dispositions relatives au marché du travail organisées par la loi pour l’amélioration des opportunités d’emploi des seniors de 2007 ; elle comprend tout d’abord une disposition dérogatoire au droit du travail qui permet d’embaucher un salarié de plus de 50 ans en contrat à durée déterminée et de lui renouveler indéfiniment ce type de contrat ;

– parallèlement, l’embauche d’un salarié âgé peut donner lieu à des aides, soit versées à l’employeur soit au salarié lui-même. Les aides à l’employeur consistent en une prime d’insertion qui concerne les chômeurs de plus de 50 ans. En cas d’embauche, leur salaire est en partie pris en charge par l’Agence fédérale du travail. Les travailleurs de plus de 50 ans, dont l’emploi est menacé (licenciement déjà prononcé ou prochaine fin de contrat à durée ) ou qui bénéficient d’une allocation de chômage pendant encore 6 mois peuvent, s’ils acceptent un nouvel emploi moins rémunéré, bénéficier d’un complément salarial versé par la BA.

4. Toutes les parties prenantes peuvent donner leurs positions au cours de la procédure législative. Des associations d’employeurs, des syndicats, des groupes de pression, des associations caritatives et d’autres parties prenantes y ont largement recours.

Le retour à l’emploi

5. Il faut d’abord noter que la crise économique n’a pas eu de fort impact sur le taux de chômage. Si le PIB allemand a connu une sévère récession en 2009, l’impact social de cette crise et singulièrement sur les chiffres du chômage est resté limité, surtout grâce au chômage partiel.

Le chômage partiel est l’instrument traditionnel de l’industrie allemande face aux crises conjoncturelles. Les entreprises ont largement eu recours au chômage partiel pendant la crise économique de 2008-2009. Il y avait eu 102 000 salariés au chômage partiel en 2008. Ce nombre a monté à 570 000 en janvier 2009, 1 247 000 en mars 2009 et est tombé depuis.

En Allemagne, le montant de l’indemnisation est totalement pris en charge par l’Agence fédérale du travail. En outre, en même temps que la durée maximale du chômage partiel passait de 12 à 18 puis 24 mois du fait de la crise, le coût pour les entreprises a été réduit par une prise en charge plus importante des charges sociales. Précédemment, les entreprises versaient des cotisations sociales, part patronale et salariale, sur 80 % de l’allocation compensatrice. Elles n’en versent plus que 50 % depuis début 2009, voire plus du tout si le salarié bénéficie d’une formation sur les heures supprimées et, quelle que soit sa situation, à partir du 7e mois de chômage partiel.

Selon l’Agence fédérale du travail, la quotité de travail des 1,25 millions de salariés au chômage partiel correspondait à 362 000 emplois en équivalents-temps-plein. Selon l’« Institut für Weltwirtschaft » de l’Université de Kiel, le nombre de chômeurs évités serait d’environ 275 000. Autre mesure relative au service public de l’emploi pour faire face à la crise économique, les agences de travail ont été renforcées par 5 000 emplois supplémentaires pour améliorer la qualité du placement des chômeurs. Les coûts de la mesure pour 2009 et 2010 s’élevaient à 800 millions d’euros, payés pour moitié par l’État fédéral et l’Agence fédérale du travail.

La politique de l’emploi est toutefois, comme toute autre politique, concernée par des mesures de restriction budgétaire. Le ministère du travail a présenté un projet de réforme des instruments du marché de travail selon lequel deux programmes d’aide aux chômeurs seront supprimés ou réduits :

– les emplois aidés pour les travailleurs âgés (« Kombilohn ») ne seront pas prolongés et prendront donc fin le 31 décembre 2011 ;

– la subvention aux créateurs d’entreprises sera réduite et elle ne sera plus un droit du chômeur qui s’installe à son compte ; l’attribution de la subvention sera laissée à la discrétion des services d’emploi. Les coupes financières de la subvention devraient rapporter 5 milliards d’euros.

La loi est actuellement en discussion au Parlement et devrait être adoptée début novembre 2011. La réforme s’explique par l’obligation de la ministre de faire des économies de 8 milliards d’euros d’ici 2015 dans le cadre du plan d’austérité.

6. L’objectif primaire du service public de l’emploi est de trouver et de proposer aux demandeurs d’emploi un nouveau travail. En plus, l’Agence du travail propose des formations ou formations continues à ceux d’entre eux qui en ont besoin pour se qualifier. En plus, l’Agence gère et verse les allocations de chômage. Les missions du service public de l’emploi se manifestent par son organisation qui se caractérise par une dualité de structure pour les demandeurs d’emploi de courte durée d’une coté et les chômeurs de longue durée de l’autre. Cette organisation est par ailleurs conçue comme l’outil d’une politique d’activation du marché du travail.

La gestion des chômeurs de courte durée

Il s’agit des chômeurs qui ont acquis des droits assurantiels par l’exercice d’une activité salariée soumise à cotisation d’au moins un an. Ils constituent un tiers des demandeurs d’emploi. Ce sont des bénéficiaires de l’« Allocation de chômage I » (ALG I). Ces chômeurs sont gérés localement par des Agences du travail, dépendantes directement et uniquement de l’Agence fédérale du travail. L’indemnisation, les mesures d’aides et les coûts administratifs de ces structures sont financés par les cotisations-chômage.

La gestion des chômeurs de longue durée

Il s’agit plus généralement des chômeurs, reconnus aptes au travail, qui n’ont pas ou plus de droits à l’assurance-chômage et qui sollicitent une indemnisation. Ce sont des bénéficiaires de l’« Allocation de chômage II » (ALG II). Ce régime a été redéfini par la loi dite « Hartz IV » qui a fusionné la précédente allocation chômage de longue durée et l’aide sociale pour les actifs.

Les bénéficiaires d’ALG II sont gérés dans des JobCenter. Cette structure a été faite pour leur permettre de bénéficier d’un guichet unique. En effet, l’allocation de base est versée sur des crédits gérés par l’Agence fédérale du travail, qui n’est plus en l’occurrence un gestionnaire d’une branche de la sécurité sociale mais l’opérateur de l’État fédéral, qui lui verse pour ce faire une subvention financée par l’impôt. Les services de la BA sont de même compétents pour toutes les mesures d’accompagnement vers l’emploi et de placement qui sont proposés aux chômeurs. De leurs côtés, les communes sont constitutionnellement compétentes pour financer et distribuer l’aide sociale, y compris les aides au logement. La lois dite « Hartz IV » a donc prévu la réunion des services de la BA et des communes chargés des bénéficiaires d’ALG II au sein de structures uniques, les JobCenters.

Une enquête, non pas sur la satisfaction des usagers, mais sur la performance et l’efficacité des mesures d’activation, a été menée par le ministère du Travail et l’Institut de recherche sur le marché du travail (« Institut für Arbeitsmarkt- und Berufsforschung ») de l’Agence fédérale du travail. Les résultats ont été transmis aux agences régionales de travail qui ont donc la possibilité de les prendre en compte dans leurs décisions.

7. Le souci de la qualité de l’emploi retrouvé après une période de chômage dépend surtout du type de demandeur d’emploi.

Les demandeurs d’emploi de courte durée peuvent, les 3 premiers mois de leur chômage, refuser des emplois ne correspondant pas à leur qualification ou entraînant une perte de rémunération supérieure ou égale à 20 % de leur salaire antérieur ou nécessitant un temps de déplacement déraisonnable (2 heures la plupart du temps). La perte de salaire peut aller jusqu’à 30 % à partir du 3e mois et à partir du 7e seuls peuvent être refusés les emplois dont le salaire est inférieur à l’allocation. De même, à partir du 3e mois, un emploi entraînant un déménagement ne peut être refusé que s’il est un obstacle à une vie familiale normale.

En cas de dérogation à ces obligations, l’allocation peut être suspendue pour une durée allant jusqu’à 12 semaines, voire être supprimée, si au total plusieurs sanctions ont entraîné des suspensions d’une durée totale de 21 semaines. Chaque année, entre 40 000 et 60 000 suspensions temporaires et entre 4 000 et 7 000 radiations sont prononcées pour refus de ces obligations. Les demandeurs d’emploi de longue durée subissent des contraintes plus fortes. La réforme « Hartz IV » s’inscrit dans une logique d’activation de la main d’œuvre. Les bénéficiaires d’ALG II ne peuvent donc refuser aucune proposition de formation ou de stage et sont tenus de s’y montrer assidus. Ils ne peuvent de même refuser aucune offre d’emploi ou d’activité, y compris des travaux d’utilité collective, non marchands, dit « Jobs à 1 euro », rémunérés 1 ou 2 euros de l’heure en sus du bénéfice de leur allocation.

En cas de non-exécution de leurs obligations, les bénéficiaires voient l’allocation de base diminuée ou supprimée. S’il s’agit d’un manque d’assiduité, la sanction correspond à 10 % du montant pour 3 mois à chaque manquement. Pour un refus d’emploi ou d’activité, la sanction s’élève à 30 % pour 3 mois à la première, 60 % à la seconde dans la même année et de la totalité à la 3e, toujours dans la même année. Cette dernière sanction peut être appliquée au premier refus pour les moins de 25 ans. Dans les faits toutefois, les sanctions sont appliquées avec parcimonie : selon le ministère fédéral du travail, environ 1 % des allocataires sont effectivement sanctionnés chaque année, la moitié des sanctions prononcées par les JobCenters étant par ailleurs annulées sur recours du fait de la bonne foi des intéressés.

Les politiques sociales à destination des familles

8 et 9. En Allemagne, il n’existe pas de branche famille dans la sécurité sociale, les prestations familiales sont financées par l’impôt.

10. Cf. le tableau présenté dans la partie III du présent rapport.

11. La politique publique de famille suit deux grandes orientations pour favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

La mise à disposition de plus de structures d’accueil pour les enfants

La situation en Allemagne est très contrastée. Dans l’ancienne RFA, le pourcentage d’enfants de moins de 3 ans accueillis dans des garderies en 2007 était de 10 % (dont 80 % en structure collective) alors qu’il est de 41 % dans les nouveaux Länder (dont 90 % en structure collective), pour une moyenne nationale de 15,5 %.

En 2009, la ministre de la famille de l’époque, Mme Von der Leyen, a présenté son projet de développer massivement l’offre de garde. Il s’agissait de tripler celle-ci par la création de 500 000 places d’accueil pour les enfants de moins de 3 ans jusqu’à à 2013, en priorité dans les anciens Länder (Ouest). L’objectif, ambitieux, est d’arriver en 2013 à un taux d’enfants accueillis de 35 %. Pour ce faire, le parlement fédéral a approuvé un projet de financement fédéral de 4 milliards d’euros censé couvrir un tiers des besoins de financement, les deux autres tiers étant, respectivement, à la charge des communes et des Länder dont elles dépendent. En terme de personnel, il s’agit de recruter 80 000 personnes d’ici 2013, 50 000 puéricultrices pour les structures collectives et 30 000 assistantes maternelles agréées. Le recrutement de l’ensemble de ces personnels est confié à l’Agence fédérale du travail.

La répartition des compétences à l’intérieur des institutions allemandes délèguent aux communes la politique d’accueil de la petite enfance. C’est donc à elle que revient la responsabilité de mettre en œuvre l’augmentation prévue des places d’accueil. Elles disposent pour cela d’une grande latitude dans les moyens pour y parvenir, avec des situations très contrastées. Ainsi, dans les nouveaux Länder, les structures communales prédominent, même si une partie a été privatisée alors qu’à l’Ouest l’offre est plus diversifiée. De la même façon, le principe général est une participation marginale des familles au coût des structures de garde, modulable en fonction des revenus, mais la définition des grilles et des seuils est de compétence communale.

Le plan fédéral s’accompagne de la création d’un droit opposable pour les familles pour obtenir une place d’accueil dans une structure collective ou auprès d’une assistante maternelle. L’éventuelle sanction pour le non respect de ce droit n’est pas prévue dans la nouvelle législation mais est tiré du droit existant. Les tribunaux compétents pourront ainsi prononcer des astreintes financières ou condamner la commune, qui n’aura pas respecté le droit d’une famille, à prendre en charge les coûts engendrés par une structure de garde à laquelle cette dernière aura fait appel.

La contrepartie demandée par une partie de la CDU à l’instauration de ce droit, à savoir la création d’une allocation supplémentaire de 150 € par mois à l’attention des familles qui n’exerceraient pas ce droit, n’a pas été, à l’heure actuelle, prise en compte dans le dispositif, même si la possibilité d’étudier une mesure de ce type, en 2013, est ouverte dans le projet de loi.

Le congé parental et l’allocation parentale d’éducation

En 2006, a été mise en place l’allocation parentale d’éducation proportionnelle au revenu, versée pendant un an en lieu et place d’un dispositif de congé parental de 2 ans rémunéré sur une base forfaitaire. Innovation supplémentaire, si les parents se partagent le congé parental, il est prolongé de 2 mois. L’allocation parentale mensuelle s’élève à 67 % du revenu antérieur net, 300 € au minimum et 1 800 € au maximum. Le coût total de la mesure est estimé à 4 milliards d’euros par an au lieu de 2,9 milliards d’euros pour le dispositif précédent.

Tout parent qui exerce une activité professionnelle et l’interrompt à cause de la naissance d’un enfant peut prendre le congé parental. Ce congé peut être pris par la mère ou le père ou par les deux parents, soit successivement, soit dans le même temps. Les parents peuvent prendre le congé parental jusqu’à l’âge de 3 ans révolus de l’enfant. Les 12 ou 14 premiers mois sont indemnisés : un parent peut partir en congé parental indemnisé pour une période maximum de 12 mois ; si l’autre parent prend également un congé parental d’au moins deux mois il a droit à deux mois d’indemnisation supplémentaires.

Selon les évaluations, 96 % des jeunes mères cessent leurs activités professionnelles pour partir en congé parental, dont 90 % pendant un an ; et 23 % des jeunes pères partent en congé parental, dont 75 % ne prennent toutefois que deux mois de congé au maximum. Cela paraît du à la réticence des entreprises : Selon une étude de l’Institut de l’économie allemande de Cologne réalisée pour le compte du ministère de la famille, 80 % des entreprises ont déclaré attacher une grande importance au thème de la conciliation vie familiale et carrière ; pourtant, seulement 16 % des entreprises incitent les hommes à prendre un congé parental ou à travailler à temps partiel.

RÉPONSE DE L’AMBASSADE D’AUTRICHE

1. Au niveau fédéral, le ministère compétent dans le domaine de l’emploi et des questions sociales est le ministère de l’emploi, des affaires sociales et de la protection des consommateurs (BMASK Bundesministerium für Arbeit, Soziales und Konsumentenschutz). La politique familiale est coordonnée par le ministère de l’économie, de la famille et de la jeunesse (BMWFJ Bundesministerium für Wirtschaft, Familie und Jugend). Il convient aussi de souligner que certaines mesures relèvent de la compétence de plusieurs ministères.

Selon un rapport de la Cour des comptes de juin dernier, cette fragmentation des autorités compétentes dans le domaine des politiques familiales fédérales serait « source d’inefficacité et de conflits ». Dans des proportions variées, sept ministères (ministère de l’Économie, de la famille et de la jeunesse ; ministère des Finances ; ministère de la Santé ; ministère de l’Emploi, des affaires sociales et de la protection des consommateurs ; ministère de l’Éducation, de l’art et de la culture et ministère de la Justice), des organismes relevant de l’autorité de l’État fédéral (bureaux fiscaux et bureaux en charge des aides aux étudiants notamment) ainsi que des organismes autonomes (organismes de sécurité sociale) interviennent dans la définition ou l’exécution des prestations familiales (cf. annexe 1). À titre d’exemple, le cadre juridique du fonds de financement des prestations familiales (FLAF) relève du ministère de l’économie, de la famille et de la jeunesse. 11 des 25 prestations financées par le FLAF sont en revanche du ressort d’autres ministères (ministères des Affaires sociales, de la Santé et des Finances).

Le ministère de l’Emploi, des affaires sociales et de la protection des consommateurs définit « la politique sociale, en collaboration avec les partenaires sociaux, il s’agit d’assurer un développement social équilibré entre les générations et groupes composant la société, de renforcer le bien-être social dans les relations professionnelles, de garantir la santé et la sécurité au travail, de soutenir les catégories vulnérables et à besoins spécifiques. » Les compétences du ministère de l’Emploi sont donc les suivantes : marché du travail (politique de l’emploi, accès au marché du travail), protection des travailleurs (santé et sécurité au travail), droit du travail, égalité de traitement homme et femme, sécurité sociale à l’exception de l’assurance maladie et l’assurance accident, retraites, protection des consommateurs, politique en faveur des personnes handicapées, dépendance, logement social.

L’agence compétente pour l’emploi de droit public est l’AMS (Arbeitsmarktsservice Österreich), qui exécute la politique de l’emploi sous la tutelle du ministère des Affaires sociales et agit de concert avec les partenaires sociaux pour la prévention et l’élimination du chômage en Autriche. Le service de l’emploi a été détaché de l’administration fédérale directe le 1er juillet 1994 et constitue depuis cette date une agence de droit public ayant la personnalité morale. La définition de la politique de l’emploi revient au ministère de l’emploi et des affaires sociales et l’AMS se concentre sur :

– la mise en œuvre des mesures de « politique active de l’emploi » visant le retour au plein emploi et la prévention du chômage; la politique active de l’emploi comprend aussi bien les activités d’assistance-conseil que celles de placement et de promotion (loi de 1968 sur la promotion du marché du travail Arbeitsmarktförderungsgesetz, loi de 1994 sur le service de l’emploi Arbeitsmarktservicegesetz) ;

– l’examen des dossiers et le versement d’indemnités de chômage dans le cadre de la « politique passive de l’emploi » (en particulier loi de 1977 sur l’assurance chômage Arbeitslosenversicherungsgesetz) ;

– les tâches relevant d’une politique de réglementation et d’encadrement, comme par exemple l’admission de main-d’œuvre étrangère sur le marché du travail (loi de 1975 sur l’emploi des étrangers AusLänderbeschäftigungsgesetz).

2. Selon l’étude EU-Silc (European Community Statistics on Income and Living Conditions), 12 % de la population autrichienne, soit environ 1 million de personnes, présente un risque élevé de pauvreté (revenus inférieurs à 60 % du revenu annuel national médian, soit 994 euros par mois pour une personne seule). Les catégories les plus touchées sont les foyers monoparentaux (30 %), les retraités vivant seuls (28 %) et les personnes d’origine étrangère non européenne (26 %). Avec 12 % de sa population dans le groupe à risque, l’Autriche se situe en 8e position au sein de l’UE-27, dont la moyenne est de 16,6 % (France : 13,4 %, Allemagne : 15,3 %). Dans le cadre de la stratégie UE 2020, l’Autriche s’est fixé pour objectif une diminution de 23,5 % de sa population à risque. Le parlement a notamment adopté en juillet 2010 un revenu minimum de 744 euros se substituant aux précédents minima d’aide sociale qui différaient selon les Länder.

La performance des politiques sociales

3. L’organisation administrative autrichienne a de fait souvent inversé le processus : un Land implante une mesure qui, jugée efficace, sera étendue à d’autres Länder voire à l’ensemble du territoire. Des « bonnes pratiques », pouvant être citées, sont par exemple l’implantation de l’école toute la journée en Carinthie, aujourd’hui mise en œuvre progressivement dans l’ensemble du pays (des crédits budgétaires de 80 millions d’euros par an de 2011 à 2014 sont alloués par l’État fédéral) et les subventions versées par le Land de Salzbourg pour les structures de gardes d’enfant en entreprises, aujourd’hui étendues à d’autres Länder. Dans son rapport précité, la Cour des comptes relève que la fragmentation des prestations familiales rend difficile l’évaluation et donc la diffusion de bonnes pratiques.

4. Les collectivités territoriales (Länder et communes) sont étroitement associées à la politique sociale et de l’emploi en Autriche. Dans de nombreux domaines de la politique sociale, l’État fédéral définit la politique générale et assure le financement, la mise en place et la gestion reviennent aux Länder et communes. Le système de santé, le logement, les services sociaux, les structures d’accueil des enfants et le revenu minimum (équivalent RSA français) relèvent très largement de la compétence des Länder et des communes.

En matière de politiques familiales par exemple, les compétences de l’État fédéral et des Länder sont clairement établies dans la loi constitutionnelle fédérale :

– article 10 (paragraphe 1) : l’État fédéral est compétent, au niveau de la législation et l’exécution, en matière de politique démographique, octroi d’allocations familiales et création d’un fonds de financement des politiques familiales ;

– article 14 (paragraphe 4) : les Länder sont compétents, au niveau de la législation et l’exécution, en matière de structures publiques de gardes d’enfants (Kindergarten, garde après l’école, crèches).

Concernant les logements sociaux, le cadre juridique est défini au niveau de l’État fédéral et les Länder ont en charge la programmation, le contrôle et la gestion des attributions de logements et de subventions. La loi fédérale est ainsi complétée par neuf lois régionales établissant les critères d’attribution des subventions (qualité, normes écologiques, limites de revenus). De même, les Länder sont libres de définir la politique hospitalière. Cette décentralisation est néanmoins souvent jugée inefficace et coûteuse : clarifier le partage de compétences entre État fédéral et Länder devient un enjeu majeur. Le ministre de la Santé plaide actuellement pour une réorganisation du système de santé selon un cadre unique de programmation, financement et gestion.

La récente réforme de la dépendance va dans ce sens. Le parlement a voté la création d’un fonds pour la dépendance destiné à garantir la survie du financement des services sociaux fournis par les Länder. L’autre volet de la réforme est une réorganisation du système de gestion et versement des allocations dépendance. Cette réforme met donc en place un système dans lequel les Länder sont en charge de l’ensemble des services sociaux tandis que l’État fédéral gère et verse l’ensemble des allocations dépendance, autrefois versés par près de 300 différents organismes fédéraux et locaux.

Le rapport de la Cour des comptes de juin dernier soulève aussi la difficulté de procéder à une évaluation nationale des politiques sociales et familiales autrichiennes du fait de la fragmentation des compétences et de la difficulté d’accès aux données.

Les partenaires sociaux sont directement impliqués dans la conception des politiques sociales et des politiques de l’emploi. La spécificité autrichienne réside dans le fait que les partenaires sociaux n’interviennent pas seulement dans les questions relatives aux rapports de travail (négociations salariales, conventions collectives) mais dans tous les secteurs de la politique économique et sociale. Cette coopération se fait surtout au sein des institutions de la commission paritaire où siègent des représentants du gouvernement et des « représentations d’intérêts » : la Chambre économique fédérale autrichienne (WKÖ), la Chambre fédérale du Travail (AK) et la Chambre agricole autrichienne (LK), auxquelles l’adhésion est obligatoire, sont obligatoirement consultées dans ce cadre. En général, la Confédération syndicale autrichienne (ÖGB) et la Fédération de l’industrie autrichienne (IV), auxquelles l’adhésion est volontaire, sont également consultées.

La commission paritaire dispose de quatre sous-comités : le Comité consultatif sur les questions économiques et sociales, le Sous-comité sur les questions internationales, le Sous-Comité sur les salaires ainsi que le Sous-comité sur la concurrence et les prix.

Le Comité consultatif sur les questions économiques et sociales est une institution au sein de laquelle, soit sur commande des présidents des représentations d’intérêts, soit à la demande du gouvernement, des études concernant des questions fondamentales de politique économique et sociale sont réalisées et des recommandations communes et consensuelles des partenaires sociaux sont élaborées.

Au-delà de ces institutions, les partenaires sociaux sont présents à de multiples niveaux de la conception des politiques sociales, familiales et de l’emploi :

– législation : droit d’examen des projets de lois, droit de proposition dans certaines instances législatives, droit de formulation de projet de lois dans des domaines de compétence spécifiques des partenaires sociaux (droit du travail, droit social, etc.) ;

– administration : participation à de très nombreuses commissions, comités consultatifs et autres comités par exemple sur l’apprentissage professionnel, le contrôle des conditions de travail, sur les questions de concurrence et de cartel, pour le marché du travail, la protection des consommateurs et dans certaines instances accordant des subventions ;

– politique sociale (assurance sociale) : une tâche importante des représentations d’intérêts consiste à mandater des représentants dans les organismes d’assurance retraite, maladie et accident qui sont des collectivités à gestion autonome ;

– conduite informelle de négociations et recherche de solutions dans des domaines pour lesquels les représentations d’intérêts disposent d’une expertise particulière, comme par exemple le droit du travail, le droit social, mais également le droit des entreprises ou de la famille, des domaines où une entente préalable des partenaires sociaux permet de trouver plus facilement des solutions adéquates au niveau politique.

En matière de politique de l’emploi, le ministère du travail, des affaires sociales et de la protection des consommateurs définit les grandes orientations et objectifs à atteindre en étroite coopération avec les partenaires sociaux. Ces derniers sont également associés à chaque étape à l’élaboration et à la mise en place des mesures et programmes. Ils sont aussi représentés dans les organes de contrôle de l’agence pour l’emploi (AMS).

Le retour à l’emploi

5. Les dépenses totales pour la politique de l’emploi sont passées de 4,28 milliards d’euros en 2008 à 5,28 milliards d’euros en 2009 (+ 23 %), pour atteindre 5,63 milliards d’euros (+ 6,6 %) en 2010. En 2011, ces moyens ont été de nouveau réduits sous l’effet de l’amélioration de l’emploi. La loi de finance 2012, présenté le 19 octobre dernier, prévoit une légère augmentation des moyens consacrés à la politique de l’emploi en 2012. En effet, l’institut de recherche économique WIFO prévoit une hausse des demandeurs d’emplois pour 2012 (prévisions WIFO 2012 : 4,4 %, après 4,2 % en 2011 et 4,4 % en 2010).

DÉPENSES POUR LA POLITIQUE DE L’EMPLOI

(en milliards d’euros)

Source : ministère des Finances, BMF

Le budget alloué à l’AMS pour la politique dite active de l’emploi a, pour sa part, augmenté de 882,24 millions d’euros en 2008 à 1,12 milliard d’euros en 2009, pour légèrement diminuer à 1,08 milliard d’euros en 2010. Entre 2008 et 2010, le nombre de postes au sein de l’AMS a été augmenté de 200 pour atteindre 4 865 salariés. Les aides de retour à l’emploi ont concerné 300 000 personnes en 2008, 412 000 personnes en 2009 (+37,5 % en glissement annuel) et 368 000 (- 12 %) en 2010.

DÉPENSES DE L’AMS PAR POSTES EN 2008, 2009 ET 2010

(en milliards d’euros)

 

2010

2009

2008

Activité

306,48

336,35

195,96

- dont chômage partiel

54,87

113,52

1,01

Qualification

686,98

699,86

611,83

Soutien

85,50

83,30

74,45

Total

1 078,96

1 119,51

882,24

Source : Geschäftsbericht, AMS 2010

L’augmentation la plus importante en 2009 concerne le poste « incitations à l’activité » suite au recours massif au chômage partiel, qui a été la principale mesure pour éviter les licenciements « secs » pendant la crise économique. On comptait ainsi 66 505 travailleurs en chômage partiel en 2009, chiffre quasiment divisé par deux en 2010 avec 23 704 salariés au chômage partiel.

L’allocation de chômage partiel (Kurzarbeitsbeihilfe) subventionne la réduction des horaires de travail en cas de ralentissement conjoncturel de l’activité économique et aide les entreprises à conserver leurs salariés. Les pertes de salaire subies par les travailleurs sont compensées dans une large mesure. Dès février 2009, le Parlement a autorisé une utilisation accrue de ce dispositif, sur la base d’un accord avec les partenaires sociaux. Cet accord porte la période maximale d’utilisation de 6 à 18 mois. En contrepartie, les employeurs sont tenus de mettre en place des programmes de reconversion ou de formation à l’intention des travailleurs susceptibles d’être licenciés. Selon le dernier accord en la matière, le temps de travail peut être réduit de 10 % à 90 %, mais les pertes de salaire net subies par les travailleurs ne peuvent excéder 10 %. Enfin, pour les entreprises qui associent le chômage partiel à des mesures de qualification, les deux tiers des coûts pour les formations sont subventionnés.

En juin 2009, après que la barre des 60 000 demandeurs d’emploi a été franchie, les autorités ont présenté un deuxième paquet consacré au marché du travail prolongeant la durée de chômage partiel de 18 à 24 mois (cf. modèle allemand). En outre, l’AMS prendra en charge les cotisations de sécurité sociale dès le septième mois. Le deuxième paquet emploi met également en place le programme « Aktion 4 000 » doté de 54 millions d’euros pour réduire le nombre de chômeurs de longue durée en leur facilitant l’accès au marché de l’emploi. L’ensemble des mesures mis en œuvre depuis le début de la crise en Autriche a été jugé très efficaces et a permis à l’Autriche de contenir la montée du chômage, atteignant un maximum de 5,1 % en octobre 2009 (en glissement annuel), et baissant désormais jusqu’à 3,7 % en août dernier.

6. Le service autrichien de l’emploi (Arbeitsmarktservice – AMS), cf. Q1, est chargé de « la mise en œuvre d’une politique d’intervention active visant à contribuer au retour au plein emploi et à la prévention du chômage ». Les responsabilités de l’AMS sont les suivantes :

– pour l’emploi : les aides de réinsertion professionnelle, les entreprises « socio-économiques » et des projets d’emploi d’utilité publique, les primes de solidarité, le soutien à la création d’entreprises unipersonnelles ;

– pour la qualification : les fondations pour l’emploi, la mobilité professionnelle (recherche de travail active, orientation, qualification et formation), les aides destinées aux cours de formation et aux coûts annexes des formations, les aides à la qualification professionnelle, les aides pour couvrir le coût de la vie, les mesures pour les jeunes ;

– pour le soutien: les établissements de conseil et d’assistance, les programmes de création d’entreprises et les aides à la création, les aides à la mobilité (frais de déplacement pour entretiens d’embauche, indemnité d’éloignement, aide au déménagement).

Objectif et indicateurs de performance

L’AMS a développé des instruments de pilotage et de contrôle internes :

– objectifs annuels relatifs au marché du travail ;

– appréciation de la satisfaction des clients ;

– l’outil « balanced scorecard » (cf. ci-dessous).

OBJECTIFS ANNUELS RELATIFS AU MARCHÉ DU TRAVAIL 2010

OBJECTIF

Nombre / taux envisagé

Nombre / taux réalisé

(réussite +/échec -)

Augmenter la présence sur le marché du travail (postes pourvus par l’intermédiaire d’AMS sans secteur primaire)

303 462

370 835 (+)

Lutter contre le chômage des jeunes (durée inférieure à 6 mois)

9 047

5 478 (+)

Lutter contre le chômage des seniors (nouveau poste de travail dans les 6 moins)

108 778

115 514 (+)

Favoriser le travail des chômeurs de longue durée

33 837

59 225 (+)

Baisser le chômage longue-durée (chômage d’une durée maximum de 12 mois)

Max 3,5 %

1,2 % (+)

Augmenter l’efficacité des formations (part de reprises de travail après formation dans les 3 mois)

47 ,5 %

51,9 % (+)

Faciliter la reprise du travail (reprise de travail après formation)

38 401

52 089 (+)

Favoriser les formations dans certains domaines (femmes dans l’artisanat et la technique par exemple)

Min. 10 808

13 340 (+)

Le principal outil de mesure du taux de satisfaction des usagers est le CMS (Customer monitoring system). Il s’agit d’une enquête téléphonique menée par un institut professionnel de recherche indépendant auprès d’un échantillon aléatoire des clients actuels, pour un coût estimé à 200 000 euros par an. Parmi les personnes en recherche d’emploi en contact avec l’AMS, trente personnes sont interrogées tous les trois mois, soit environ 12 000 personnes (50 % de femmes) par an. Les employeurs sont eux interrogés à hauteur de vingt employeurs ayant posté une offre d’emploi par bureau local tous les trois mois, soit environ 10 000 par an. Il existe un rapport standardisé de ces études synthétisant les résultats et différentes statistiques, à disposition des experts internes et de la direction. Les Länder obtenant de mauvais résultats sont chargés de mettre en place des programmes spécifiques pour améliorer leurs résultats.

L’outil de gestion « Balanced Scorecard (BSC) » existe depuis 2007. Il affiche les stratégies principales et mesure tous les paramètres de performance. Les résultats des indicateurs sont mesurés de façon continue et sont mis en relation (les résultats excellents pour un paramètre compensent les mauvais résultats pour un autre). Les principaux indicateurs sont : rapidité du placement, satisfaction des clients, égalité des chances, efficacité, résultats et position sur le marché. Selon cet outil, la performance globale de l’AMS s’est améliorée de 71,5 % en 2009 à 72,2 % en 2010 (sur un total de 100 %). Les résultats des services de l’emploi de 8 des 9 Länder se sont améliorés, en particulier à Salzbourg et en Haute-Autriche. BSC est également l’outil de pilotage central de l’évaluation de la gestion des services de l’emploi au niveau régional et local. Les performances de ces services sont analysées tous les trois ans. L’AMS dispose aussi d’une analyse interne des besoins en personnel, qui permet de définir le nombre d’agents nécessaires au sein des services de l’AMS. Cet instrument a été établi selon des conseillers en recrutement extérieur à l’agence.

Évaluation externe

Les différents services et mesures offerts par les bureaux régionaux de l’AMS font souvent l’objet d’évaluations de la Cour des comptes autrichienne. Le résultat de ces évaluations a été globalement satisfaisant. Des problèmes de coordination et de doublement de structures entre l’AMS et les services qui gèrent les aides européennes (par exemple le WAFF à Vienne) ainsi que les différents organismes de formation ont cependant été constatés. Un rapport de la Cour des comptes d’octobre 2011 critique les formations de l’AMS, jugées coûteuses et peu ciblées, et relève le fort taux d’abandon.

L’AMS effectue régulièrement des études de benchmark entre les différents services régionaux. Quant aux études comparatives au niveau européen réalisées notamment par la DG Emploi, l’Autriche figure, en général, parmi les pays où les organismes sont les plus performants (cf. www.pes-benchmarking.eu).

7. La qualité de l’emploi retrouvé après une période de chômage ne fait pas l’objet d’une évaluation spécifique mais fait partie des thèmes abordés lors des enquêtes de satisfaction des usagers (cf. question 6).

Les politiques sociales à destination des familles

8. La politique familiale autrichienne poursuit les principaux objectifs suivants : soutenir financièrement les familles vulnérables, permettre aux parents de s’occuper de leurs enfants comme ils le désirent (soi-même, garde par un membre de la famille ou une nourrice, jardin d’enfants, etc.), faciliter la réinsertion des parents sur le marché du travail et la création de lieux de travail favorables à la famille (familienfreundlich), protéger les enfants de toute forme de violence, promouvoir et financer des services de garde d’enfants qui soient de bonne qualité et encourager les pères à s’impliquer davantage dans la vie familiale.

Ces objectifs sont déterminés par le ministère de l’économie, la famille et la jeunesse et des axes prioritaires sont définis chaque année. Ils ne sont néanmoins pas formalisés dans des textes au niveau national. Cf. le tableau présenté dans la partie III du présent rapport. La directive générale sur l’attribution des subventions de l’État (Allgemeine Rahmenrichtlinie für die Gewährung von Förderungen aus Bundesmitteln (ARR)) de 2004 (révision 2011) rappelle les objectifs éligibles à l’attribution de fonds fédéraux :

– soutenir les familles pour leur permettre de consacrer plus de temps à la famille ;

– renforcer les relations familiales ;

– soutenir les familles en situation de crise ;

– soutenir les familles vulnérables et à besoins spécifiques (famille monoparentale, avec des enfants handicapés, issue de l’immigration).

9. Le coût des politiques familiales de l’État fédéral s’est élevé à 8,6 milliards d’euros en 2009, soit 11 % des dépenses fédérales et 3,1 % du PIB (contre 2,23 % en moyenne dans l’OCDE). À ces aides s’ajoutent les prestations versées par les Länder.

D’après le rapport de la Cour des comptes de juin dernier, les dépenses de l’État fédéral en 2009 se sont élevées en moyenne à 4 845 euros par enfant (recevant des prestations familiales), à 125 euros en Carinthie, à 43 euros en Haute-Autriche et 21 euros à Salzbourg. Les prestations familiales de l’État fédéral sont financées par :

– le fonds de financement des prestations familiales (Familienlastenausgleichsfonds - FLAF) doté de 6,1 milliards d’euros, financé à 75 % par les cotisations des employeurs (4,5 % au titre des charges sociales) et à 25 % par le budget fédéral. Au total, 70 % des mesures de l’État fédéral pour les familles sont financées par le FLAF. En plus des allocations familiales (55 %) et des allocations pour garde d’enfant (19 %), ce fonds finance d’autres mesures, telles que l’usage gratuit des transports en commun pour les enfants en âge scolaire, les apprentis et les stagiaires, la fourniture de manuels scolaires aux élèves, l’aide aux familles par le biais de virements temporaires, et les conseils aux familles ;

– le budget fédéral (1,7 milliard d’euros) ;

– indirectement à travers les crédits d’impôt aux familles (0,7 milliard d’euros).

DÉPENSES DU FONDS DE PÉRÉQUATION DES CHARGES FAMILIALES EN 2009

(en millions d’euros)

Allocations familiales

3,440

Allocation de garde d’enfants

0,979

Transferts compensatoires à d’autres caisses de sécurité sociale et institutions

0,996

Avances sur pensions alimentaires

0,105

Transports gratuits jusqu’à l’école ou au lieu de formation et bourses pour les élèves et apprentis

0,397

Livres scolaires

0,103

Autres dépenses (telles que le supplément aux allocations pour la garde d’enfant, pour les centres de conseil aux familles, compensation des difficultés familiales, médiation, éducation à la parentalité, conseil aux enfants et aux familles en cas de séparation)

0,132

Total des dépenses

6,152

Source : ministère de l’Économie, de la famille et de la jeunesse

Le rapport de la Cour des comptes de juin dernier critique la gestion du fonds de versement des prestations sociales (Familienlastenausgleichfonds FLAF) qui enregistre des déficits depuis 6 ans et son endettement auprès de l’État fédéral atteint aujourd’hui 3,6 milliards d’euros. La Cour des comptes juge utiles les récentes coupes réalisées par le gouvernement telles la diminution de la durée de versement de la prime familiale du 26e au 24anniversaire, avec une prolongation possible jusqu’à 25 ans dans certains cas. Les prestations des Länder sont financées par les budgets des Länder.

Ce rapport de la Cour des comptes critique également une politique familiale très coûteuse qui gagnerait en efficacité en introduisant plus de transparence et de cohérence dans le versement des prestations. En particulier, la fragmentation des allocations (47 au niveau fédéral et à titre d’exemple 27 pour le Land de Haute-Autriche) peut conduire à des doubles versements. La Cour suggère donc de centraliser la gestion des versements pour une meilleure articulation, communication des données et évaluation.

10. Cf. le tableau présenté dans la partie III du présent rapport.

11. Les récents rapports de l’OCDE et de la Commission européenne ont souligné que des progrès doivent être faits en matière de conciliation de la vie familiale et professionnelle afin de remédier à certaines faiblesses structurelles de l’Autriche : faible natalité (taux de fécondité de 1,4 enfant par femme), fort taux d’emploi à temps partiel des femmes (43,5 % contre 31,7 % en moyenne dans l’UE-27), faible scolarisation des enfants de moins de 3 ans (17 % d’enfants de moins de 3 ans dans des structures d’accueil publiques à comparer à l’objectif de Barcelone de 33 % pour 2010), non généralisation de la scolarisation toute la journée et la persistance d’un écart de salaire homme-femme de près de 25 % à qualification identique. L’Autriche s’est récemment saisie de ces problématiques et multiplie les initiatives pour un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et privée.

– développement des structures d’accueil des enfants (de moins de 3 ans en particulier) : un budget fédéral de 55 millions d’euros a été voté le 19 octobre dernier par le Parlement sur la période 2011-2014 pour multiplier les structures d’accueil des enfants (de moins de 3 ans en particulier). Les fonds fédéraux doivent être doublés par les Länder. Un budget de 15 millions d’euros par an est disponible pour aider les communes à couvrir des frais engendrés par la construction de Kindergarten. En outre 10 millions d’euros sont prévus pour les projets de construction déjà entamés. Au total, 17 000 places ont été créées pour les enfants de moins de 3 ans depuis 2008. Ce chiffre est encourageant même si l’Autriche ne sera pas en mesure d’atteindre l’objectif de Barcelone de 33 % à l’horizon 2020. Certains Länder sont allés plus loin en proposant des mesures telles que la gratuité du Kindergarten.

Les crédits fédéraux doivent être alloués en priorité aux structures pour les enfants de moins de 3 ans, au maximum 25 % des subventions peuvent être réservés aux 3-6 ans. Le gouvernement souhaite également encourager les Kindergarten à ouvrir plus tard et plus longtemps afin de permettre aux parents de travailler à temps complet. Ainsi, les subventions seront attribuées en 2012/2013 aux Kindergarten ouvrant plus de 44 semaines par an et en 2013/2014 à ceux ouvrant plus de 47 semaines par an. De même, des subventions supplémentaires sont réservées aux Kindergarten ayant étendu leurs horaires d’accueil d’au moins 5 heures par rapport à l’année précédente ce qui doit correspondre à au moins 30 heures par semaine.

– scolarisation toute la journée : le gouvernement a alloué 80 millions d’euros par an dans la programmation pluriannuelle 2011-2014 pour la généralisation de l’école toute la journée : l’objectif étant 120 000 places à la rentrée 2011, 210 000 en 2015, soit 50 % des enfants scolarisés (à comparer à 105 000 à la rentrée 2010).

– congé parental d’éducation et encouragement à la participation des pères : il n’existe pas de congé légal de paternité en Autriche. En revanche, depuis janvier 2011, les fonctionnaires fédéraux ont droit au « mois papa » (Papa-Monat) : congé de paternité non rémunéré, de 1 à 4 semaines durant les 2 mois qui suivent la naissance de l’enfant. Ce dispositif va être prochainement étendu aux employés de la ville de Vienne.

Afin d’inciter les pères à participer à la vie familiale, le congé parental rémunéré peut être prolongé (jusqu’à 6 mois) si les deux parents demandent l’allocation. De plus depuis janvier 2010, les parents ont le choix entre deux régimes : une allocation forfaitaire ou une allocation liée au revenu (80 % du revenu durant 12 mois ou jusqu’au 14 mois si les parents perçoivent la prestation en alternance, plafonné toutefois à 2 008€/mois). Ce modèle devrait notamment encourager les pères à sortir temporairement du marché du travail pour s’occuper de leurs enfants. Toutefois, le pourcentage d’homme qui avaient recours au congé parental était seulement de 4,8 % en 2010.

Le gouvernement souhaite atteindre une moyenne nationale de 20 % d’ici 2020. Une campagne « Echte Männer gehen in Karenz » (« les vrais hommes partent aussi en congé parental ») a été lancée en novembre 2010.

– sensibilisation des entreprises : le ministère de l’Économie, de la famille et de la jeunesse subventionne aussi un certain nombre de mesures sociales et de sensibilisation visant à aider les mères et pères à conserver leur emploi. Parmi ces mesures, il faut citer l’« audit familial et professionnel », conçu pour aider les entreprises à créer un environnement favorable à la famille. Un auditeur recense les besoins de l’entreprise au moyen d’entretiens avec la direction et les travailleurs. Sur cette base, il établit un plan d’entreprise qui comporte des objectifs à atteindre dans une période déterminée. À la fin de cette période, un auditeur externe évalue les résultats. Les entreprises qui participent à cette mesure reçoivent des subventions couvrant une partie des coûts.

Le prix de l’entreprise la plus favorable à la famille a été créé en 2010. Les entreprises ayant lancé des initiatives innovantes pour instaurer un environnement de travail favorable à la famille peuvent présenter leur candidature pour ce prix. Le prix est décerné tous les deux ans et sert à la diffusion de bonnes pratiques (entreprises ayant implanté des structures de garde d’enfants ou facilitant le télétravail pour les jeunes parents par exemple).

– discussion actuelle sur la formation de nourrice (Tagesmutter/-vater): le ministère de la famille suggère la mise en place d’un label de qualité des formations. Elles varient en effet énormément d’un Land à l’autre au niveau de la durée (320 heures en Carinthie contre 60 à Vienne par exemple), des prix et des subventions. La reconnaissance des formations de nourrice permettrait d’encourager cette forme de garde complémentaire aux crèches/Kindergarten. Selon l’accord voté le 19 octobre au Parlement, le gouvernement s’engage à verser aux Länder 750 euros par personne pour une telle formation.

Conclusion :

La politique sociale autrichienne s’est construite au fil de l’histoire, d’où une fragmentation importante du système, renforcée par le poids des structures régionales et locales (Länder et communes). Elle est aussi fortement marquée par la coopération des grandes représentations d’intérêt économique (Chambre économique fédérale, Chambre du travail et syndicats notamment) entres elles et avec le gouvernement. Cette coopération a par ailleurs été la condition préalable à la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale et à la mise en place du « modèle social autrichien ».

Il en résulte autant des priorités financières de longue date (part du social et de la famille dans le budget fédéral et le produit intérieur brut) qu’une créativité intéressante :

– des concepts : distinction d’une politique active et d’une politique passive de l’emploi ;

– des institutions qui ne sont pas informelles : les représentations d’intérêts ;

– des comportements publics : le partage des expériences avec les partenaires économiques et sociaux, - la participation de l’économie aux politiques familiales.

Ce système semble porter ses fruits : statistiquement, le chômage est l’un des plus faibles de l’Union Européenne et sociologiquement, l’Autriche malgré le poids démographique considérable de l’immigration, surtout à Vienne, demeure un pays sans fracture et à forte cohésion sociale.

RÉPONSE DE L’AMBASSADE DE FRANCE EN FINLANDE

1. Au niveau national, les questions liées à l’emploi sont de la compétence du ministère de l’Emploi et de l’économie (notamment Industrie, le Budget dépendant du ministère des Finances) ; la fusion début 2008 au sein d’un même ministère de ces portefeuilles a constitué une réforme très importante. Le ministère, s’il constitue une seule entité, est dirigé par deux ministres, dont celui de l’emploi s’appuyant sur deux grandes directions : Droit du travail et Marché du travail.

Les questions liées aux affaires sociales et à la santé ressortissent de deux ministères, le domaine de la santé faisant curieusement l’objet d’un rattachement aux deux.

La Finlande dispose d’une administration déconcentrée. En matière d’emploi, une quinzaine de centres régionaux rattachés au ministère de l’Emploi et de l’économie contrôlent un réseau de 180 agences pour l’emploi et le développement économique. Par ailleurs, l’Agence nationale pour les affaires sociales et la santé, « Valvira », est chargée, avec ses bureaux régionaux, de contrôler la bonne mise en œuvre des dispositifs sociaux et de répondre aux plaintes éventuelles.

La Finlande est aussi – et peut être surtout – un pays très décentralisé, où les communes jouent un rôle important, particulièrement dans le domaine social. Si les lois fixent le cadre général, les communes ont le pouvoir de lever l’impôt sur le revenu et la responsabilité de la mise en œuvre d’une part importante de la protection sociale (indépendamment des allocations servies par KELA, l’organisme national de sécurité sociale). Les ressources des collectivités locales atteignaient, en 2010, 40 milliards d’euros ; près de la moitié provenait de l’impôt local et 19 % de subventions de l’État. 51 % de ce budget était consacré aux dépenses sociales et de santé. 425 000 agents travaillent pour les collectivités locales, soit 20 % de la population active. 57 % d’entre eux sont affectés à la mise en œuvre des politiques sociales et de santé.

En 2009, le coût total de la protection sociale en Finlande était évalué par l’Agence publique de recherche et d’études sociales (THL) à 52 milliards d’euros.

2. Selon les statistiques nationales finlandaises, le taux de pauvreté relative (ressources inférieures à 60 % du revenu médian) atteignait 13,1 % de la population en 2009. Il était relativement stable ces dernières années, et nettement inférieur à la moyenne européenne. Les couples avec ou sans enfant sont largement épargnés par la pauvreté. Le taux de pauvreté affectant les enfants compte parmi les plus faibles d’Europe. Les personnes les plus touchées sont celles qui vivent seules, particulièrement parmi les jeunes et les retraités.

La lutte contre l’exclusion sociale constitue l’un des principaux objectifs du nouveau gouvernement. Elle passe par la lutte contre le chômage – particulièrement celui de longue durée – et le renforcement des services de prévention en matière de santé, pour les enfants et les jeunes en particulier. Un programme d’action déjà ancien, visant à faire reculer le nombre de sans abris (notamment à Helsinki) semble avoir porté ses fruits. Depuis les années 1990, le nombre de SDF est en net recul. Par ailleurs, des prestations sociales, notamment familiales et garantie de retraite, ont été revalorisées pendant la crise économique, en 2008. La perspective de l’égalité entre hommes et femmes est aussi importante dans l’appréhension de la question de la pauvreté. Les familles monoparentales sont bien davantage touchées (18 %) que les autres par le phénomène de pauvreté, et la grande majorité des parents isolés sont des femmes.

Les élections générales de la fin du printemps dernier ont entraîné une alternance politique, rassemblant une coalition assez hétéroclite et intégrant le parti social-démocrate, éloigné du pouvoir depuis une dizaine d’années. Le nouveau gouvernement devrait publier cet automne son programme de lutte contre l’exclusion et les indicateurs qu’il retient. D’ores et déjà, il a souligné que la lutte contre la pauvreté et les inégalités constituerait une priorité. Cependant, programme n’a pas encore été publié à ce jour. L’unanimité sur les mesures à prendre ne semble pas encore obtenue au sein du comité ministériel en charge du dossier.

3 et 4. Comme dans les autres pays nordiques, les réformes font très généralement l’objet d’une réflexion en amont, au sein d’une commission comprenant experts et représentants des parties concernées. Par ailleurs, particulièrement dans le domaine social et la santé, les collectivités locales sont au minimum consultées puisque ce sont elles qui mettront ensuite en œuvre, voire financeront le projet. En revanche, on ne constate pas au cours des dernières années, d’expérimentation initiée par le gouvernement. Le programme qui a permis d’augmenter notablement le taux d’emploi des seniors et qui s’est étendu sur une dizaine d’années comprenait un certain nombre d’expérimentations qui ont fait l’objet d’évaluation.

Le service public de l’emploi a aussi fait l’objet d’expérimentations. Ainsi une méthode de coopération entre les services déconcentrés de l’emploi et les services municipaux, qui s’adressent aux mêmes « clients » a-t-elle été développée- lentement- depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, 58 centres (labour force service centres) existent et le nouveau gouvernement envisage de légiférer pour étendre cette coopération à tout le pays, notamment hors des grandes villes. Le gouvernement souhaite aussi lancer en 2012 une expérience de coopération entre municipalités et État dans le domaine de la lutte contre le chômage de longue durée, après concertation avec les partenaires sociaux.

Par ailleurs, même si son rôle consiste d’abord à défendre les intérêts des communes en exerçant une action de lobbying auprès du gouvernement, l’association des communes peut aussi faire circuler l’information sur les expérimentations que pourraient conduire telle ou telle collectivité locale. Ainsi la ville de Turku, ancienne capitale historique, expérimente-t-elle un programme en faveur des enfants et des jeunes, en coopération avec des ONG, et a créé une Maison des enfants, engendrant des coopérations inter administratives et inter professionnelles. Il sera intéressant de voir si ce « modèle » est repris.

Les syndicats (72 % des salariés sont syndiqués) constituent sans conteste des acteurs importants de la vie publique. Les « rounds » de négociations avec l’organisation patronale (en cours ces mois ci, avec une recentralisation du cadre général des négociations qui ces dernières années se nouaient plutôt au niveau des branches, voire des entreprises) organisés tous les deux ou trois ans, notamment sur les grandes questions salariales et les conditions de travail constituent un temps fort pour le pays. Mais les syndicats sont aussi régulièrement consultés sur les grands projets de réforme. L’ancien Premier ministre qui avait exceptionnellement dérogé à cette règle sur la question des retraites avait rapidement dû faire marche arrière ; les syndicats, dans leur sagesse, n’avaient pas commenté ce retrait, pour ne pas lui faire perdre la face.

5. La récente crise économique et financière a aussi frappé très fortement la Finlande, avec une régression de son PIB de 8 % en 2009. Si l’économie a ensuite repris de manière assez vigoureuse (sur un rythme annuel de l’ordre de 3 %, le PIB n’a pas encore retrouvé son niveau antérieur à la crise Les amortisseurs sociaux ont joué leur rôle. Les dépenses de protection sociale ont augmenté de 7,9 % entre 2008 et 2009, alors que le taux de l’inflation était nul. Les types de dépenses les plus concernées par ces hausses ont été, sans surprise, les allocations chômage (plus 35 %) mais aussi les dépenses liées aux pensions de base (+ 11 %). L’augmentation n’a pas été uniquement mécanique, les allocations ayant été revalorisées. La part des dépenses sociales dans le PIB est passée de 26,3 % à 30,6 %. Cette évolution est due à l’action conjuguée la baisse du PIB et de l’augmentation des dépenses. La politique de l’emploi n’a donc pas été affectée par des mesures de restriction budgétaire. Elle a même bénéficié d’une hausse de l’ordre de 10 % dans ses mesures d’activation.

Le Parlement a voté en 2010 une loi qui rend éligible aux allocations de chômage les employés qui, pendant la récession, ont été obligés de réduire leur temps de travail au sein de leur entreprise. Les mesures prises ont eu un double objectif, de protection sociale et d’activation du marché de l’emploi, mais aucune réforme substantielle n’a été mise en oeuvre. Quelques municipalités ont dû mettre, de manière temporaire, des agents publics en « chômage technique » pour équilibrer leur budget.

6. Une réforme est intervenue entre 2004 et 2006 pour rapprocher les acteurs concernés, service public de l’emploi, ministère des affaires sociales (services de sécurité sociale) et municipalités, sur la base du volontariat. L’objectif était de créer un réseau de bureaux d’accueil des demandeurs d’emploi qui soit multi professionnels et qui puisse mieux prendre en charge les usagers et réduire le taux de chômage structurel. Depuis la fusion des ministères de l’emploi et des finances en 2008, les bureaux pour l’emploi et de développement économique accueillent les chômeurs. Ils cherchent – mais ce n’est pas nouveau- à leur offrir un service individualisé : recherche d’emploi, orientation, plan de carrière, « réhabilitation », entreprenariat, accès à internet et information sur les allocations sociales auxquelles ils peuvent prétendre. Un service d’aide à l’emploi est accessible par téléphone et internet, aussi bien pour les demandeurs d’emploi que pour les entreprises. Les priorités des services sont définies au niveau ministériel, mais après négociation avec les centres régionaux.

Pour 2011, les principales cibles des bureaux pour l’emploi et de développement économique étaient les suivantes :

– aide à l’obtention rapide d’un emploi, croissance à long terme des taux d’emploi et de productivité, prévention de l’augmentation du chômage, amélioration de la disponibilité d’une main d’œuvre qualifiée, promotion de l’entreprenariat et de l’internationalisation des entreprises.

Le nouveau gouvernement vient de réaffirmer que la lutte contre le chômage des jeunes et le chômage de longue durée ferait partie de ses priorités et bénéficierait d’un financement supplémentaire.

Les indicateurs statistiques visent les flux de demandeurs d’emploi de plus de 3 mois et ciblent en particulier les jeunes de moins de 25 ans ; les problèmes de recrutement rencontrés par les employeurs, les chômeurs de longue durée, le nombre de création d’entreprises font aussi l’objet d’un suivi. Ces statistiques sont analysées chaque mois au niveau ministériel. Une étude annuelle sur la satisfaction des clients du service public de l’Emploi est réalisée ; elle vise aussi bien des demandeurs d’emploi que des entreprises. Il semble que le taux de satisfaction atteigne 60 à 70 %.

7. Le premier objectif du service public de l’emploi est d’aider les chômeurs à trouver le plus rapidement possible un emploi, et inversement à permettre aux entreprises de recruter un employé qualifié. La priorité du processus de recherche est donc le « matching ». Le demandeur d’emploi peut exprimer ses préférences et il en est tenu compte dans la mesure du possible. Un chômeur indemnisé dispose de trois mois pour trouver un emploi qui lui convient ; au-delà, il sera obligé, pour conserver son allocation chômage, d’accepter l’emploi proposé par le job centre, dans une zone géographique ne dépassant pas 85 km. La principale confédération syndicale, LO, interrogée sur ce point, considère que la qualité de l’emploi retrouvé ne constitue pas une priorité pour le SPE.

8-9. La politique familiale finlandaise est ancienne. Elle a été mise en place en 1948. Le dernier document ministériel décrivant cette politique date de 2006. Il rappelle que l’objectif en est de créer un environnement sûr pour les enfants et de fournir aux parents les moyens de les élever dans de bonnes conditions. L’importance de la famille en tant qu’unité sociale apportant une stabilité aux relations humaines est soulignée. La Finlande adhère aux objectifs de la convention des droits de l’enfant de l’ONU. Comme indiqué au point 1, les municipalités jouent un rôle essentiel dans le champ du social et donc dans la prévention en faveur de l’enfance, le logement etc…

L’impôt, aussi bien municipal que d’État, finance la politique familiale. Plusieurs types d’allocations existent, allocation familiale dès le premier enfant, allocation de garde d’enfant, allocation logement, de l’ordre de 258 euros par mois également financée par l’impôt (164 000 foyers en bénéficiaient en 2010 pour une population un peu supérieure à 5 millions d’habitants en Finlande). 14,5 % des familles vivaient dans des logements sociaux. Enfin, comme dans les autres pays nordiques, l’assiette de l’impôt sur le revenu est individualisée ; la notion de « couple fiscal » n’existe pas.

10. Les familles monoparentales sont plus fragiles et risquent davantage que les autres d’être frappées par la pauvreté. Elles constituent donc une catégorie de population prioritaire dans la stratégie de lutte contre la pauvreté Les dispositifs généraux (aide à la recherche d’emploi, allocations sociales, allocation logement, crèches…) sont complétés par des dispositifs spécifiques : majoration des allocations familiales – qui devrait être revalorisée de 10 % en 2012 – pour les parents isolés- la plupart du temps des femmes- allocation en faveur du parent qui a la garde de l’enfant mais ne reçoit pas de pension alimentaire de l’autre parent.

11. Comme dans les autres pays nordiques, la conciliation vie familiale et vie professionnelle constitue un thème important, qui passe aussi par la recherche de l’égalité entre hommes et femmes. Le taux d’emploi des femmes est inférieur à celui des hommes mais approche cependant 70 %. Le congé de maternité dure 105 jours ouvrables (6 jours par semaine). À l’issue de cette période, un congé parental est ouvert ; il compte 158 jours ouvrables. Les pères sont incités à prendre un congé pour s’occuper de leur enfant ; un « bonus » de jours leur est ouvert s’ils utilisent au moins 12 jours de congé de paternité. En revanche, la totalité des jours du congé parental est transférable entre les parents. Il n’existe pas, comme en Suède, de quota de jours réservé au père. L’idée d’instaurer un tel dispositif est cependant évoquée aujourd’hui par le gouvernement finlandais.

À l’issue du congé parental, les municipalités doivent fournir aux parents qui le souhaitent une place au sein d’une crèche ou en alternative un soutien financier de la commune pour financer une place de crèche privée, ou encore une allocation de garde à la maison. La contribution des parents au financement des crèches municipales est fixée par la loi ; elle varie en fonction du nombre d’enfants et des ressources de la famille. Elle ne peut dépasser 254 euros par mois. Les conventions collectives, qui constituent une part essentielle du droit du travail, et qui visent notamment les conditions de travail, contribuent ainsi, plus ou moins directement, à la recherche d’une conciliation entre vie professionnelle et vie privée.

Une commission a récemment travaillé sur le lien entre l’amélioration des conditions de travail pour tous et la possibilité et l’envie pour les seniors de travailler plus longtemps.

RÉPONSE DE L’AMBASSADE DE FRANCE EN ITALIE

1. Au niveau national, c’est le ministère du Travail et des politiques sociales qui est en charge des politiques pour l’emploi et des questions sociales. Il existe également des agences et des organismes liés au ministère comme l’« ISFOL » et « Italia Lavoro SpA ».

– ISFOL: l’Institut pour le développement de la formation professionnelle des travailleurs (Istituto per lo Sviluppo della Formazione Professionale dei Lavoratori) est un organisme public de recherche. Ses missions sont de promouvoir des activités d’étude, de recherche, d’expérimentation, de documentation, d’évaluation, d’information, de consultation et d’assistance technique pour le développement de la formation professionnelle, des politiques sociales et du travail. En outre, grâce à ses actions, l’ISFOL essaie également de contribuer à l’amélioration des ressources humaines, à l’augmentation de l’emploi, à l’inclusion sociale et au développement social. Il collabore également avec d’autres organismes nationaux et internationaux et avec les ministères.

Afin de réaliser ses activités de recherche, le département « Marché du travail et politiques sociales » d’ISFOL est organisé en hui sous-départements opérationnels : analyse et évaluation des politiques pour l’emploi ; recherche sur les processus de travail ; politiques sociales et égalité entre les sexes ; analyse des besoins professionnels, analyse de l’évolution technologique et des organisations de travail ; systèmes locaux ; observatoire sur l’inclusion sociale ; unité égalité entre les sexes ; projet environnement.

– Italia Lavoro SpA a été créé par la directive du président du Conseil des ministres du 13 mai 1997, pour promouvoir, projeter, réaliser et gérer les activités et les interventions destinées au développement de l’emploi sur tout le territoire national, avec une attention particulière portée sur les zones les moins développées et les personnes les plus défavorisées du marché du travail. En outre, depuis 1998, Italia Lavoro SpA assure une assistance technique aux régions, provinces et aux autres organismes territoriaux.

D’autres ministères comme celui du développement économique peuvent intervenir, en lien avec le ministère du travail et des politiques sociales, sur des questions concernant l’emploi (par exemple, la programmation des investissements publics du Fonds FAS – Fonds pour les zones sous-développées)

2. Les objectifs en matière de lutte contre la pauvreté fixés par le gouvernement italien sont présentés dans le Plan Italie 2020, en accord avec la stratégie Europe 2020. Dans le cadre de ce plan, le gouvernement italien prévoit de réduire le nombre de personnes pauvres de 7 810 000 (dont 3 074 000 en condition de pauvreté absolue) à 2 200 000 de personnes en 2020. Pour atteindre ces objectifs, le Rapport stratégique 2008-2010 prévoit de réformer le modèle social italien, et de le centrer sur la personne. L’objectif est de créer un système de protection capable de renforcer l’autonomie de l’individu, en intervenant de manière préventive permettant ainsi le développement de comportements responsables.

Les trois objectifs principaux contenus dans ce rapport et dans le Plan pour l’inclusion sociale qui en a découlé, sont :

– un plan pour les individus qui vivent dans des situations de pauvreté extrême ou qui sont sans domicile fixe : le projet prévoit une série d’actions, qui sont : permettre au niveau de chaque municipalité l’accès des personnes défavorisées et des personnes sans domicile fixe aux services d’aide et d’insertion sociale (par exemple accès à la Carte achats) (cette mesure est prévue par la loi n°10/2011 mais elle n’est pas encore mise en place car le décret d’application n’a pas été publié)

– définition au niveau national de lignes directrices pour lutter contre la pauvreté extrême dans les grandes zones urbaines ;

– organiser une rencontre au niveau national pour débattre des questions de l’inclusion sociale et des personnes, qui vivent en condition de pauvreté (cette rencontre n’a pas encore été organisée).

Un plan de soutien pour les familles qui se trouvent en difficultés financières à cause de l’augmentation des prix des biens de consommation :

– le « Plano Casa » est un plan pour le logement destiné à répondre sur tout le territoire aux besoins de logement, en augmentant l’offre immobilière grâce à la construction de logements ouvriers et à la requalification urbaine. Ce plan s’adresse aux familles avec des revenus faibles, aux personnes âgées en conditions sociales et économiques défavorisées, aux jeunes couples, aux étudiants qui étudient dans une ville différente de leur lieu de résidence et aux immigrés réguliers ;

– Activation de la Carte-achats

– Plan pour les mineurs défavorisés : la pauvreté étant la principale cause de discrimination pour les enfants et les adolescents, des mesures de soutien ont été mises en place pour venir en aide aux mineurs et à leur famille :

– Prévention : aider la famille dans l’éducation de l’enfant ;

– Protection : lutte contre les situations difficiles ;

– Urgence : gestion des cas d’abandon et de violence envers les mineurs.

D’autres rapports gouvernementaux ont également porté sur l’avenir du modèle social, il s’agit du Livre Vert de 2008 et du Livre Blanc de 2009, qui ont mis en évidence l’importance de la participation sociale, de la responsabilité collective dans la prévention et la lutte contre la pauvreté et l’activation de processus d’inclusion active.

3. Récemment, le gouvernement italien a effectivement mis en place une série de réformes dans le domaine des politiques sociales et de l’emploi, dont certaines ont été confirmées après une période d’expérimentation et d’autres sont encore en phase d’évaluation.

1) Les réformes prévues par la loi 185/2008 et qui ont été reconfirmées après évaluation des résultats obtenus :

– Social Card (également appelée Carte-achats) et Nouvelle Social Card :

La Social Card avait été introduite avec le plan de rigueur de 2008, et la loi n° 10 du 26 février 2011 a confirmé cette mesure en étendant son utilisation, d’où l’appellation de Nouvelle Social Card.

Les individus qui peuvent la demander sont les familles avec un enfant de moins de trois ans et les personnes âgées de plus de 65 ans en situation de pauvreté absolue, et ont été ajoutées les familles en situation de pauvreté absolue (environ 4,2 % des familles italiennes).

La phase expérimentale qui a démarré avec le décret-loi n°112/2008 prévoyait d’aider les familles et les personnes âgées pour les achats et les dépenses domestiques (électricité et gaz). Actuellement 50 % des financements disponibles, qui représentent au total 500 millions, ont été consommés et 734 000 individus en ont bénéficié. Il faut noter que certaines régions, provinces et municipalités ont également intégré la Social Card (Région Frioul Vénétie-Julienne, province de Latine, municipalités d’Alessandria, de Susegana, de Cassola et de Grado) dans leur politique régionale afin de compléter la part financée par l’État.

Le ministère du Travail et des politiques sociales a évalué l’extension de la Social Card en y ajoutant des services, une possibilité d’accès à toutes les personnes qui habitent en Italie mais qui n’ont pas la citoyenneté italienne et en augmentant sa valeur mensuelle fixée actuellement à 40 euros pour l’élever à 129 euros en moyenne (cela signifie une augmentation moyenne de 23 % du revenu familial). Mais les résultats de cette évaluation ont montré que si on étendait la Social Card de cette manière, dès 2013, à plein régime, la dépense annuelle estimée passerait de 500 millions d’euros à 2,3 milliards d’euros. Cette mesure n’a donc à ce stade pas été adoptée. Et la loi du 26 février 2011 prévoit le renouvellement de la Social Card sur les bases actuelles en maintenant le principe d’évaluation annuelle des résultats obtenus.

– Facilités de paiement pour dépenses d’électricité : cette mesure prévoit que les familles avec un ISEE (indicateur du seuil économique équivalent) inférieur à 7 500 euros, les familles avec plus de trois enfants, dont l’ISEE est inférieur à 20 000 euros et, enfin, les personnes malades, dont la maladie nécessite un appareillage électrique particulier peuvent faire une demande auprès de leur municipalité afin d’obtenir une réduction de leur facture d’électricité. Cette mesure a été confirmée en février 2011, en lien avec la mesure de la Social card.

– Bonus Famille : le Bonus Famille était une mesure transitoire, qui pouvait être cumulée avec la Social Card et qui prévoyait un transfert monétaire compris entre 200 et 1 000 euros par an, en fonction de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Irpef, Imposta sul Reddito delle Persone Fisiche). Le transfert était payé avec une somme unique au début de l’année (au niveau national environ 1,6 milliards d’euros en 2009), avec l’objectif de résoudre les situations de pauvreté extrême. Mais cette mesure n’a pas été renouvelée par l’État et ce sont donc des administrations locales qui ont pris le relais et ont renouvelé la réforme pour les années suivantes (par exemple la Région Vénétie et la municipalité de Carbonia).

– Suspension des mensualités d’emprunts :

Première possibilité : cette mesure permet à tous les individus, qui ont fait un emprunt inférieur à 250 000 euros pour l’achat ou la rénovation de leur première habitation et qui ont un revenu inférieur à 30 000 euros (selon les indices ISEE) et, qui se trouvent dans l’impossibilité temporaire de payer les mensualités (en raison de la perte de leur emploi, d’un décès, de dépenses médicales, ou de l’augmentation de la mensualité de leur emprunt) de demander à leur banque une suspension des mensualités pour 18 mois au maximum. Cette mesure a été reconfirmée avec le décret ministériel du ministère de l’Économie n° 132/2010.

Deuxième possibilité : cette mesure est prévue dans l’accord cadre ABI/ministère des Finances du 25 mars 2009 et a été reconfirmée avec la signature du nouvel accord ABI/CNCU de janvier 2011. Elle permet aux personnes, qui ont fait un emprunt inférieur à 150 000 euros pour l’achat ou la rénovation de leur première habitation et qui ont un revenu inférieur à 40 000 euros (indices ISEE) et qui se trouvent dans l’impossibilité temporaire de payer les mensualités (raisons similaires à la première hypothèse), de demander à leur banque une suspension des mensualités pour au moins 12 mois.

En outre, le gouvernement italien a mis en place d’autres réformes et mesures sociales et de l’emploi, qui sont :

– PARI : Programma d’Azione di Reimpiego di Lavoratori Svantaggiati - Programme d’action pour le réemploi des travailleurs défavorisés : le ministère du travail a organisé et financé la mesure en deux temps : la première fois de 2005 à 2007 et la seconde fois de 2007 à 2009. Ces deux opérations sont le fruit d’une coopération entre Italia Lavoro SpA et dix-huit régions italiennes.

– Action de système Welfare to Work pour les politiques du réemploi : le nouveau plan d’intervention nationale a une durée triennale (2009-2011) et il poursuit l’objectif de mettre en place des politiques et des services de welfare to work envers les travailleurs sortis ou qui risquent de sortir du système de production. Ce projet étend l’expérience consolidée des programmes PARI et PARI 2007. Les interventions programmées prévoient de : renforcer les politiques actives et passives de l’emploi ; projeter et gérer les actions de réemploi, avec l’objectif d’étendre les actions de politique active à un nombre plus élevé de travailleurs ; soutenir les entreprises au moment des situations de crises et tenir sous contrôle les amortisseurs sociaux. Il n’existe pas à ce stade de données sur les résultats obtenus.

– AR.CO. Programme de développement du territoire pour la croissance de l’emploi Il s’agit d’une mesure prévue à l’article 30 de la loi du 28 décembre 2001. Le projet est de soutenir la réalisation de modèles de services pour rendre plus compétitif les secteurs de l’artisanat et du commerce et de développer des réseaux de coopération soutenables, afin d’assurer la croissance de l’emploi. Mais ce projet n’a été mis en place, que depuis 2008, sur la période 2008-2011. 18 régions italiennes et la province autonome de Trente ont participé au projet. Le projet est encore dans sa première phase, il n’existe encore aucune donnée concernant les objectifs atteints.

– Système d’information pour l’emploi et la formation « Excelsior » : l’Union italienne des Chambres de commerce, d’industrie, d’artisanat et d’agriculture, en collaboration avec le ministère du Travail et l’Union européenne ont créé ce système qui permet, grâce à des enquêtes annuelles, de donner des informations concernant la prévision de la demande de travail et les besoins professionnels et de formation des entreprises.

Les informations rassemblées dans Excelsior concernent : les caractéristiques des entreprises qui embauchent ; les raisons pour lesquelles les entreprises n’embauchent pas ; les mouvements d’emploi prévus en fonction du niveau d’encadrement ; les embauches prévues par les entreprises par type de contrat ; les fonctions, les diplômes universitaires et les niveaux de formation demandés ; les prévisions d’embauche de travailleurs immigrés et les fonctions professionnelles correspondantes ; les dimensions et les caractéristiques des investissements annuels des entreprises italiennes en formation continue et les types de ressources affectées ; les entreprises qui acceptent des stagiaires et le nombre de stages engagés par an. Ce système vient lui aussi d’être mis en place.

4. Sur la concertation au niveau national, il n’y a pas d’obligation prévue par la loi. Le Gouvernement peut consulter à discrétion les partenaires sociaux.

En effet, depuis le gouvernement Amato (1992), les réformes qui ont été mises en place, ont changé la réglementation relative aux concertations. Les gouvernements depuis cette date ont considéré que la concertation avait eu jusqu’à présent un rôle trop important. Elle avait un rôle de légitimation politique des gouvernements et n’avait plus un rôle de consultation. Dans le cas des politiques sociales et pour l’emploi, les gouvernements ont considéré que, les syndicats notamment, déterminaient les choix gouvernementaux dans ces domaines, qui étaient de compétence exclusive de l’exécutif. Par conséquent, le Gouvernement qui engage une concertation n’est pas aujourd’hui obligé d’y donner suite et d’intégrer les résultats des concertations avec les partenaires sociaux dans les projets de loi qu’il présente.

Concernant l’évaluation, le ministère a engagé en coopération avec les collectivités locales, deux types d’activités d’évaluation et de contrôle :

– le suivi de la construction de systèmes sociaux régionaux, avec la présentation depuis 2004, de la cartographie des services sociaux régionaux, des plans sociaux régionaux permettant l’évaluation et la promotion de certaines innovations régionales dans l’organisation des services ;

– le contrôle de la dépense sociale et la création prévue pour 2013 d’une base de données portant sur le système des transferts économiques d’assistance au niveau territorial avec l’ISTAT, le ministère de l’Économie et des finances et les régions.

5. Pour faire face à la crise économique, différentes mesures ont été prises par le gouvernement italien depuis 2008 : il s’agit à la fois de mesures de soutien à la demande, de mesures sociales, et de mesures de soutien à l’activité. Trois décrets-lois ont été pris par le gouvernement en 2008 et 2009: le premier a été adopté en novembre 2008, le second en février 2009 et le dernier au mois de juillet 2009. Un autre décret-loi avait été adopté après les élections régionales de mars 2010.

Concernant les mesures de soutien à l’emploi :

a) Soutenir les emplois existants

Parmi l’ensemble des mesures, la Cassa Integrazione reste l’un des principaux amortisseurs sociaux : cet outil est normalement destiné aux entreprises industrielles de plus de 15 salariés. Il permet de compenser le revenu des salariés lorsque survient une crise, qu’elle soit structurelle ou conjoncturelle pour l’entreprise. En cas de difficultés de longue durée et de restructuration et de crise économique, cette durée de compensation est d’un an et peut aller jusqu’à deux ans. En cas de difficultés ponctuelles, cette période est normalement fixée à 13 semaines. La loi de finances pour 2010 prévoit un élargissement de cet outil aux entreprises du secteur commercial de plus de 50 salariés, aux agences de voyages et de tourisme de plus de 50 salariés et aux entreprises de sécurité/surveillance de plus de 15 salariés. La durée a été allongée à 24 mois.

En 2009, l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) a autorisé 918 millions d’heures de « Cassa integrazione » qui correspondent à une augmentation de 311,4 % par rapport aux 223 millions d’heures autorisées en 2008. Le rapport de l’INPS souligne qu’un quart des demandes proviennent d’un public qui, l’an passé, ne pouvait en bénéficier. En septembre 2009, on estime que 617 000 personnes bénéficiaient de la Cassa Integrazione.

b) Favoriser la formation et la mobilité professionnelle

Des mesures ont également été prises pour la formation des salariés, puisque les personnes qui bénéficient des allocations de la Cassa Integrazione peuvent bénéficier de formations durant cette période. Pour cette formation, 20 millions d’euros ont été prévus en 2009. Le budget prévu pour 2010 est de 150 millions d’euros. M. Sacconi a également réaffirmé son intention d’organiser une table de travail  avec les régions et les partenaires sociaux pour revoir complètement la formation en Italie, et « changer les paradigmes de la formation ».

La loi de finances pour 2010 prévoyait de plus que les travailleurs licenciés à cause d’une réduction du personnel ou de cessation d’activité des entreprises de moins de 15 salariés pourraient être inscrits sur les listes de « mobilité » : cette mesure est très importante car elle constitue une aide à la réinsertion sur le marché du travail ; les entreprises qui décident d’embaucher ces salariés ont droit à des dégrèvements d’impôts. Le salarié qui est inscrit sur une liste de mobilité s’engage à être immédiatement disponible pour un emploi ou à suivre un parcours de requalification professionnelle. La loi de finances 2010 prévoit que l’INPS communique au ministère du travail, les données relatives aux bénéficiaires des prestations sociales, qui les adresse aux « agences pour l’emploi » afin d’améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande d’emploi.

c) Favoriser la création d’emploi

– Staff leasing : Ce type de contrat de nature commerciale permet à une entreprise utilisatrice de s’adresser à une autre entreprise pour la fourniture de main d’œuvre nécessaire à des services spécifiques. Cette typologie de contrat a été étendue également aux services liés aux soins et à l’assistance des personnes.

– Emplois des personnes de plus de 50 ans : la loi de finances pour 2010 prévoit des « incitations à l’embauche » pour les entreprises qui engageront des chômeurs de plus de 50 ans, qui ont au moins 35 années de cotisations. Une expérimentation est prévue pour 2010, les bénéficiaires de cette mesure qui acceptent une offre de travail dont le niveau de salaire est inférieur d’au moins 20 % à leur ancien salaire recevront une contribution complémentaire jusqu’à la date effective de leur droit à la retraite.

– Bons ou « vouchers » : la loi de finances pour 2010 a prévu un élargissement du type de personnes qui pourront bénéficier de bons de travail. Parmi ceux-ci, on peut citer l’extension aux étudiants universitaires de moins de 25 ans, et aux chômeurs. Ces bons peuvent être utilisés dans tous les secteurs de production et par les collectivités locales dans la limite maximum de 3000 euros annuels.

d) Mesures pour les chômeurs

Les collaborateurs de projet (free-lance) qui sont en difficulté suite à la crise économique recevront une contribution en un versement, après 2 mois de chômage minimum. Au cours d’une phase expérimentale de deux ans (2010-2011) et dans les limites d’un plafond de 200 millions d’euros, il est prévu de verser, en une seule fois, à cette typologie de travailleurs une somme correspondant à 30 % du revenu perçu l’année précédente et qui ne soit pas supérieure à 4 000 euros,  à condition qu’ils exercent leur activité en régime de mono-entrepreneur,  qu’ils aient perçu un revenu brut, l’année précédente, qui n’ait pas excédé 20 000 euros et supérieur à 5 000 euros, qu’ils soient sans contrat de travail depuis au moins 2 mois et avec au moins 3 mois de cotisations dans le système de gestion séparée de l’INPS au  cours de l’année précédente.

Indemnité de chômage « transférable à l’employeur» : une expérimentation pour 2010 prévoit qu’une prime (équivalente à l’indemnité chômage) est accordée aux employeurs qui embauchent des salariés avec un contrat à durée indéterminée et à temps plein. Des conditions sont requises pour bénéficier de cette mesure :

– ne pas avoir effectué dans les 12 mois précédents une réduction du personnel avec les mêmes qualifications du personnel à embaucher ;

– de pas avoir mis des travailleurs en liste de « mobilité » pendant les six mois précédents.

Suspension des remboursements de prêts bancaires : Un accord a également été passé avec les banques pour que, durant un an, les personnes au chômage aient une suspension de leur remboursement de prêts bancaires.

Primes pour les agences pour l’emploi : Des primes seront versées aux agences intermédiaires qui ont favorisé l’embauche des travailleurs défavorisés (y compris les personnes handicapées) avec des contrats à durée indéterminée ou à durée déterminée supérieure à douze mois. La prime est de 1 200 euros pour chaque travailleur embauché avec des contrats à durée indéterminée ou d’au moins 24 mois ; le montant est de 800 euros si les contrats ont une durée qui varie entre 12 et 24 mois. L’embauche des travailleurs handicapés selon des contrats d’au moins douze mois prévoit un bonus qui varie entre 2 500 et 5 000 euros.

Les dernières mesures mises en place en 2011 par le Gouvernement pour lutter contre le chômage :

– faciliter l’emploi des jeunes: initiative du 10 août 2011 (financement annoncé d’un milliard d’euros), en collaboration avec le ministère de l’enseignement et de la jeunesse ; mise en place d’un plan pour améliorer l’orientation scolaire, l’intégration école-travail- université ;

– réforme de l’apprentissage (mai 2011) (contribution de 100 millions d’euros à un fonds dédié à la formation des apprentis) ;

– nouvelle réglementation concernant les stages en entreprises afin de limiter leur utilisation excessive et sans insertion du jeune sur le marché de l’emploi ; fixation d’une durée maximale et d’une rémunération (indemnité) équitable ;

– mise en place et activation d’outils internet favorisant l’adéquation entre l’offre et la demande d’emploi (ex : Clic Lavoro) ;

– projets de réforme des services de l’emploi, (a priori prévue pour la fin de l’année).

En parallèle de ces mesures permettant d’atténuer les effets de la crise sur l’emploi, des plans de rigueur ont été adoptés en 2010 et surtout en 2011 (juillet et août), et des restrictions budgétaires ont effectivement concerné les politiques sociales et pour l’emploi. En 2008, le Fonds pour les politiques sociales disposait de 670,8 millions d’euros, en 2010 de 380,2 millions et en 2011, de 178 ,5 millions.

CONCERNANT LES MESURES DESTINÉES À AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ DU TRAVAIL

(en millions d’euros)

2008

2009

2010

2011

800

2647

3768

707

RENFORCEMENT DU SYSTÈME DES ALLOCATIONS DE CHÔMAGE ET DE L’ASSISTANCE SOCIALE 

(en millions d’euros)

2008

2009

2010

2011

0

856

1885

305

SOUTIEN AUX REVENUS, POUR DES CATÉGORIES SPÉCIFIQUES DE TRAVAILLEURS

(en millions d’euros)

2008

2009

2010

2011

0

2723

264

263

Ces restrictions ont eu un impact sur : la réduction des transferts aux entreprises de 0,32 % du PIB en 2009 à 0,12 % du PIB en 2011 ; la réduction des allocations aux chômeurs et les fonds destinés à la Cassa Integrazione de 0,11 % du PIB en 2010 à 0,07 % du PIB en 2011 ; la réduction de la dépense pour les politiques actives dans le monde du travail de 0,08 % du PIB en 2010 à 0,04 % du PIB en 2011. Mais pour faire face à la crise économique et à la diminution des fonds disponibles en matière sociale et d’emploi, les régions et les provinces autonomes se sont mobilisées en mettant en place des initiatives permettant de « compenser » les restrictions budgétaires de l’État. Ces initiatives régionales ont servi à assurer un niveau de protection de base, de favoriser la compétitivité des entreprises et de définir des politiques sociales et de soutien à l’emploi. Parmi la diversité de ces initiatives, on peut citer :

– Nord-ouest-Région Piémont : création d’un fond de 40 millions d’euros qui assure l’accès au crédit des PME, des petites entreprises artisanales, industrielles et commerciales, victimes d’une chute de leur chiffre d’affaires, et risquant la fermeture ;

– Nord-est-Région Vénétie : protocole d’entente entre la région et plusieurs agences financières pour l’activation d’un fonds d’1 million d’euros pour la couverture financière d’opérations de Cassa Integrazione mises en place par les entreprises ;

– Centre- Région Molise : interventions destinées à la création de Comités contre la crise, qui ont mis en place plusieurs mesures, financées grâce au fond FSE.

– Îles – Région Sicile : la Région a prévu une ligne d’intervention destinée à renforcer le système de garantie sur les emprunts d’entreprise.

6. Le service pour l’emploi intervient grâce aux 527 centres pour l’emploi (« Centri per l’impiego ») répartis sur le territoire italien, auxquels s’ajoutent 120 agences pour l’emploi siciliennes. Il faut également signaler que, depuis 2003 (décret législatif n° 276/2003), la loi autorise la création d’agences pour l’emploi privées.

1) Les missions du service public de l’emploi 

Les centres pour l’emploi s’adressent aux travailleurs et aux entreprises. Leur objectif est de favoriser la rencontre entre la demande et l’offre d’emploi. Leurs missions sont les suivantes :

– activités administratives : inscription de la personne au chômage, inscription sur les listes de mobilité et de pré-mobilité, recueil de candidatures spontanées et inscription sur les listes de travaux socialement utiles ;

– information : destinée aux chômeurs sur les parcours de formation possibles afin d’améliorer les compétences de la personne aux exigences du marché du travail, les informations sur les concours publics, les adresses utiles pour la recherche d’emploi et, enfin, les informations destinées aux entreprises sur les aides de l’État et des provinces qui souhaitent recruter des personnes au chômage appartenant à des catégories spécifiques ;

– promotion de l’offre et de la demande d’emploi : chaque centre pour l’emploi a une base de données que les employeurs peuvent consulter librement pour embaucher ;

– orientation professionnelle : les centres offrent un soutien à la recherche d’emploi grâce à des colloques d’orientation et de consultation professionnelle ;

– service Eures (European Employment Services) : point d’information et d’orientation sur le marché du travail de l’Union européenne pour favoriser la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs ;

– emploi des personnes handicapées et des personnes appartenant à des catégories protégées (loi n° 68/1999) : mise en place de soutiens et d’aides pour améliorer l’insertion des personnes protégées sur le marché de l’emploi :

– interventions pour des catégories de personnes défavorisées (non couvertes par la loi n° 68/1999) ;

– travaux socialement utiles : ces activités sont réservées aux catégories et aux travailleurs les plus défavorisés ;

– stages de formation et d’orientation ; promotion de parcours de formation.

2) Évaluation – Indicateur de performance – Enquête de satisfaction des usagers

Concernant l’évaluation, le ministère du Travail, grâce à des financements du FSE, a chargé :

– l’ISFOL de créer un système de gestion et d’évaluation des actions entreprises par les agences publiques et privées et d’étudier les interactions entre ces deux types de structures ;

– l’Italia Lavoro SpA de développer un programme appelé « PROJET SPINN » (Services pour l’Emploi Network National), destiné à expérimenter des initiatives nouvelles et à appuyer les services pour l’emploi.

Concernant les indicateurs de performance proposés par l’ISFOL, on peut citer :

– indice de satisfaction concernant les services avec lesquels les usagers ont pris contact ;

– changements et améliorations perçus ;

– diversité et utilité des informations et outils disponibles dans les Centres pour l’emploi.

Concernant les enquêtes de satisfaction des usagers, elles ont été menées sur environ 70 % des agences et elles portent sur les politiques offertes. Il n’existe aucune obligation nationale de mener ces enquêtes, mais selon les années, 9 à 13 régions sur 19 en réalisent. De même, 82 à 84 provinces sur 102 ont-elles aussi organisé des enquêtes complémentaires. Les études Isfol et les études réalisées par des agences indépendantes montrent que 64,8 % des personnes jugent la qualité des services présents dans les centres est de niveau moyen. Les résultats des enquêtes ont parfois permis un renforcement, une diversification des interventions et une modernisation structurelle des systèmes d’information et des services pour l’emploi et une nouvelle approche du partenariat local avec la mise en place de coopération à plusieurs niveaux favorisant la mobilisation des acteurs locaux.

Selon les territoires, les initiatives ont été mises en place selon des modalités diverses :

– au Nord, les centres pour l’emploi ont réalisé des programmes en lien avec les conseillers départementaux pour les politiques sociales et avec les services régionaux chargés du travail et des politiques sociales. Ces programmes ont permis le développement de réseaux territoriaux sur différentes thématiques : coordination des centres pour l’emploi avec les services sanitaires et sociaux pour l’insertion des personnes handicapées dans le monde du travail ; développement de parcours de formation école-travail en lien avec les instituts de formation et les structures éducatives ; accord-cadre territoriaux définis avec des entreprises et les partenaires sociaux afin de faciliter la rencontre entre demande et offre d’emploi et afin de permettre une requalification professionnelle.

– dans le Centre : près de 86 % des administrations ont signé des accords ou des projets en collaboration avec d’autres organismes afin d’améliorer la coordination entre les politiques sociales, éducatives et de l’emploi.

– dans le Sud : de nombreux projets se développent concernant l’intégration des politiques sociales, éducatives et de l’emploi mais 50 % des administrations provinciales y contribuent. Les opportunités de formation et les offres de travail sont néanmoins peu nombreuses et se situent en dessous de la moyenne nationale.

7. Plusieurs études montrent que la qualité du travail, en particulier du travail trouvé après une période de chômage, influence l’équilibre psycho-physique de la personne. Mais les politiques de replacement et de réemploi sont généralement incluses de manière globale dans les politiques pour l’emploi. On peut néanmoins identifier quelques éléments plus spécifiques.

La directive du 20 juillet 2000 prévoit que le replacement des chômeurs doit respecter les objectifs suivants : stabilité ; assistance et accompagnement dans les projets de mobilité géographique des travailleurs et des entreprises ; individualisation des bonnes pratiques de réemploi, afin de créer des modèles et d’échanger les expériences ; développement des pratiques de benchmarking sur les actions précédentes.

De plus, des réformes mises en place entre 2003 et 2007 ont prévu de nouveaux types de contrats pour le replacement des chômeurs et d’autres catégories de travailleurs défavorisés. Les mesures d’aide prévues sont :

– le contrat d’insertion : il prévoit un « projet individuel d’insertion », destiné à garantir le réajustement des compétences professionnelles du travailleur dans un contexte de travail. De plus, les employeurs qui embauchent quelqu’un avec ce type de contrat peuvent obtenir des aides économiques ;

– le contrat de replacement : il peut être à temps plein ou à temps partiel ;

– le réemploi de dirigeants : ce type de réemploi s’adresse aux entreprises qui ont au maximum 250 salariés et aux groupes, qui ont plusieurs filiales.

Il n’existe pas d’indicateurs ni d’évaluation sur ce sujet.

8. En Italie, il n’existe pas de plan national de politiques familiales, vu comme un cadre de politiques qui s’adresseraient de manière spécifique aux familles. La loi de finances pour 2007 avait prévu l’élaboration d’un tel plan. Il a donc été présenté par le secrétariat d’État à la Famille, mais il n’a pas encore été approuvé en Conseil des ministres et il n’a donc pas encore été présenté au Parlement. Le Secrétaire d’État à la Famille, M. Giovanardi, avait d’ailleurs au mois de juillet dernier menacé de démissionner si ce plan n’était pas présenté en Conseil des ministres pour approbation.

En lien avec le secrétariat d’État, d’autres ministères et départements s’occupent aussi de promouvoir des mesures envers les familles et collaborent avec le département pour les politiques familiales comme le ministère du Travail ou le département de « Pari Opportunità » (égalité des chances). En effet, ces organismes ont certaines compétences spécifiques comme par exemple les droits des femmes et l’insertion sur le marché de travail des femmes (voir la question 11 pour des exemples pratiques en matière de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale). De plus, des ressources sont versées aux régions pour développer différents projets dans ce domaine (voir également le tableau présenté dans la partie III du présent rapport).

9. L’article 19 de la loi n° 248/2006 prévoit l’institution d’un « Fonds pour les politiques de la famille » auprès de la présidence du Conseil des ministres. Chaque année, le montant du fonds est décidé au moment du vote de la loi de finances. Le fonds est ensuite redistribué entre les différents projets que le secrétariat d’État souhaite développer. En 2009, ce fonds représentait 187 millions d’euros. On peut citer par exemple, le crédit pour les nouveaux nés. Il s’agit d’un projet signé par le Secrétaire d’État à la Famille, M. Giovanardi, en collaboration avec des banques italiennes. Dans ce projet, un emprunt garanti de 5 000 euros à des taux favorables peut être demandé par toutes les familles, qui ont un bébé né ou adopté en 2009, 2010 ou 2011.

Un autre projet financé avec le fonds est le « Prix ami de la famille 2010 », un projet qui a pour objectif la diffusion d’initiatives en matière de politiques familiales. Il s’adresse aux organismes locaux, aux entreprises et à d’autres structures privées et publiques. Il s’agit d’une «compétition» positive entre ces différentes structures pour la présentation de projets pour soutenir les familles.

10. Il n’existe pas réellement de mesures spécifiques pour les familles monoparentales mais les mesures présentées ci-dessous s’adressent également à ces familles. Voir également le tableau présenté dans la partie III du présent rapport.

11. En matière de conciliation, les compétences sont partagées entre le secrétariat d’État à la famille, le département de « Pari Opportunità » et le ministère du Travail. Il existe également au niveau territorial des conseillères de « Pari Opportunità » nommées par le ministère du Travail et le département de « Pari Opportunità » qui ont des compétences dans différents secteurs comme par exemple la promotion du travail des femmes. Étant donné le partage des compétences, les grandes orientations ne sont pas définies dans un seul document, mais dans plusieurs documents, ou plusieurs initiatives et programmes de différents organismes.

● Les grandes orientations

Les grandes orientations des politiques permettant de favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle sont les suivantes : favoriser la flexibilité des horaires de travail et l’organisation du travail ; favoriser l’inclusion des femmes sur le marché du travail ; favoriser la réinsertion des travailleuses et des travailleurs après des périodes de congé ; favoriser la création de crèches dans les entreprises et promouvoir des actions pour aider les familles avec des enfants ; développer les systèmes des congés parentaux.

● Les principales réformes

La principale loi qui s’occupe des politiques pour la conciliation est la loi 53/2000. Elle a introduit les congés parentaux et a souligné aux régions et aux organismes locaux l’importance de réorganiser les temps dans les villes. Elle prévoit également de favoriser la conciliation au travail, en sensibilisant les entreprises et les partenaires sociaux. Cette loi évoque la flexibilité des horaires et de l’organisation du travail pour les salariés (le télétravail, le travail à domicile, horaires flexibles à l’arrivée ou à la sortie du travail). Elle prévoit de favoriser la réinsertion des salariés après un congé parental ou pour des raisons liées à la conciliation.

Grâce à cette loi, le ministère apporte des aides aux entreprises qui veulent réaliser des actions positives envers leurs employés en matière de conciliation, notamment en introduisant des modalités nouvelles d’organisation et de gestion des temps de travail (la loi est une compétence du secrétariat d’État à la Famille).

Projet P.A.R.I. ( « Pères actifs dans la responsabilité à l’intérieur de la famille »). Il a été conclu fin 2006 : il s’agit d’un projet proposé par le département des « Pari Opportunità » qui prends en considération les décisions prises dans l’agenda de Lisbonne et essaye de promouvoir le rôle des pères en matière de conciliation vie familiale/vie professionnelle (par exemple avec les congés parentaux, la sensibilisation des entreprises, la diffusion d’information-sensibilisation envers les néo-pères).

La loi n° 53/2000 a été modifiée par la loi  n° 69/2009 qui augmente les bénéficiaires potentiels et actualise les interventions qui peuvent être financées. Différentes mesures de conciliation sont prévues pour les travailleurs autonomes et salariés. Un projet très important a été inséré dans le cadre du plan stratégique d’action « Italia  2020 ». Le ministère du Ttravail et des politiques sociales et le département de « Pari Opportunità » ont présenté un projet en décembre 2009 pour l’insertion des femmes sur le marché du travail. Des accords avec les régions ont été signés, le 29 avril 2010. Cinq lignes d’action (40 millions d’euros) sont prévues :

– favoriser les crèches familiales grâce à l’expérience de tagesmutter, femmes rémunérées pour s’occuper des enfants chez elles ;

– mise en place de vouchers pour acheter des services de soin dans des structures comme les ludothèques et les centres d’été ;

– création de liste de référence des aides à domicile et baby-sitter, italiennes et étrangères, qui ont reçu une formation ;

– soutien des coopératives sociales qui travaillent pour la conciliation ;

– parcours de formation actualisés pour les demandeuses d’emploi qui veulent se réinsérer dans le monde de travail après une période d’éloignement.

Le projet « Work-Family Balance Assessment » (2009) présenté par le département de « Pari Opportunità » veut promouvoir la conciliation vie professionnelle et familiale des femmes, et sensibiliser les entreprises à une nouvelle politique d’organisation du travail qui puisse mettre au centre, la famille. Le but est la création d’un modèle qui permettent aux entreprises, aux associations et aux administrations publiques de promouvoir la conciliation et de mettre en place des actions dans ce domaine.

Décret législatif n° 151/2001 : ce décret réunit les mesures les plus importantes en matière de soutien à la maternité et à la paternité. Il réactualise les lois existantes et leurs modifications. Les sujets traités par le décret sont : le congé de maternité, l’indemnité de maternité, le congé de paternité, le congé parental, le repos journalier, les garanties pour les mères- salariées, le chèque de maternité payé par l’État, le chèque de maternité des communes, les mesures pour la conciliation entre famille et travail.

En mars 2011, le ministère du Travail et des politiques sociales a lui aussi présenté un texte sur la conciliation vie familiale-vie professionnelle. Parmi les mesures présentées, on peut citer l’adoption d’horaires flexibles pendant les trois premières années de la vie de l’enfant, la création de « voucher-travail » pour payer les femmes qui aident à domicile ou par exemple la mise en place de congés non rémunérés en cas de maladie de l’enfant pendant les huit premières années de la vie de l’enfant.

● Indicateurs

Il n’existe pas vraiment d’indicateurs qui mesurent et suivent les résultats obtenus dans ce domaine. Toutefois, il existe des organismes qui font des statistiques pour analyser la situation des familles. En lien avec certains projets, le secrétariat d’État à la Famille développe des indicateurs, mais pour l’instant aucun ne concerne la conciliation. Les organismes qui font des recherches en matière de politiques familiales sont :

– l’Osservatorio nazionale sulla famiglia (observatoire national sur la famille): il analyse et étudie les problématiques liées à la famille. Il publie ses recherches afin de permettre la diffusion de ces informations. Il actualise les connaissances sur les principales dynamiques démographiques, sociologiques, économiques et de politique familiale ;

– l’Istat : cet Institut de statistiques présente dans le cadre de ses recherches, la situation des familles italiennes dans différents domaines.

RÉPONSE DE L’AMBASSADE DE FRANCE EN NORVÈGE

1. Au plan national, deux ministères sont essentiellement en charge de ces domaines. Le ministère de l’Emploi est responsable de la politique « marché du travail », de l’environnement et de la sécurité au travail, des retraites, mais aussi d’une partie des questions sociales, notamment la lutte contre la pauvreté. Le ministère de l’Enfance, de l’égalité et de l’insertion sociale a pour principales missions de permettre aux enfants et aux jeunes de grandir dans de bonnes conditions et de promouvoir pour les familles un environnement économique et social sûr, et de favoriser l’égalité entre hommes et femmes. Le ministère de la Santé, dans la mesure où il est aussi en responsabilité des soins apportés notamment aux personnes âgées est aussi concerné par ces domaines, en liaison, dans un pays décentralisé, avec les communes et leur association. Les ministères disposent de moyens relativement modestes mais d’importantes agences déconcentrées assument la mise en œuvre des politiques nationales.

La Norvège a connu à partir de 2006 une très importante réforme administrative avec la mise en place progressive d’une nouvelle agence, NAV. L’objectif de cette évolution considérable a consisté en la fusion de la sécurité sociale d’État, du service public de l’emploi (État) et du système d’aides sociales (municipalités). Cette nouvelle agence nationale pour l’emploi et les affaires sociales a pour mission d’apporter un service « global » à l’usager, de coordonner l’aide apportée traditionnellement par un « job centre » et un bureau de sécurité sociale. La montée en puissance de NAV s’achève cette année ; plus de 450 bureaux sont maintenant ouverts. Au sein de l’agence, l’administration d’État regroupe 14 000 agents. Les collectivités locales apportent leurs forces – environ 4000 agents – soit en constituant physiquement un guichet unique avec l’État, soit par une coordination entre l’action des agents de l’État et de ceux des municipalités.

Autres agences rattachées au ministère de l’Emploi : l’Inspection du travail qui effectue, classiquement, des audits, contrôles etc. ; un Institut de la médecine du travail, organisme de recherche qui traite des questions de sécurité et d’environnement au travail et le Service public des pensions. Par ailleurs, l’Agence de la famille, de l’enfance et de la jeunesse met en œuvre la politique du ministère éponyme.

2. Le gouvernement norvégien a présenté en 2007 un plan d’action afin de lutter contre la pauvreté. Ce plan a été actualisé en 2009. L’objectif affiché était d’éradiquer la pauvreté. Le système de protection sociale universel norvégien est très généreux ; le plan de réduction des inégalités comprend à la fois des actions générales - revalorisation de la plupart des allocations sociales, amélioration de l’aide au logement ou augmentation du nombre de places en crèche – et des mesures ciblant plus spécifiquement des populations plus vulnérables – chômeurs de longue durée, immigrés en difficulté etc.

Le taux de pauvreté – revenu inférieur à 50 % du salaire médian – est de l’ordre de 3 %. Si on retient le pourcentage habituel européen (inférieur à 60 %) le taux de pauvreté atteint 8 %, mais les salaires norvégiens sont si élevés que le taux de pauvreté « réelle » est sans doute plutôt celui de 3 %. Les indicateurs utilisés pour mesurer la pauvreté sont ceux décrits ci-dessus (persistance sur une période de 3 ans, d’un revenu inférieur à 50 ou 60 % du revenu médian). Le ministère prend aussi en compte le coefficient de Gini, l’évolution du nombre de sans domicile fixe (SDF) et de personnes expulsées de leur logement, la proportion de la population recevant des aides sociales.

Différents indicateurs peuvent aussi être mis en relation : revenus, patrimoine, niveau d’endettement, conditions de logement, étude sur la « transmission » intergénérationnelle de la pauvreté.

3. et 4. La réforme NAV déjà évoquée fait typiquement partie de ce type de démarches ; une volonté politique forte, des systèmes « pilotes » au cours des deux ans qui ont précédé la mise en oeuvre, pour réaliser des tests, une négociation absolument nécessaire avec les collectivités locales directement impliquées dans le projet, et des syndicats eux aussi concernés par les évolutions des statuts et conditions de travail de leurs membres. L’ampleur de la réforme a aussi conduit à une mise en place très progressive sur 5 ans.

À cette très notable exception près, le système d’expérimentation sociale ne semble pas habituel en Norvège. L’Association des communes peut certes faire circuler l’information à propos de telle expérience réussie dans une municipalité, mais les autres communes en tirent les conséquences qu’elles souhaitent. Comme dans les autres pays nordiques, l’information et la négociation sont naturelles. En conséquence, le Gouvernement publie un Livre blanc avant de formaliser une proposition de réforme importante, et l’ensemble des partenaires sociaux, ONG etc. ont l’opportunité de faire valoir leur opinion. Il s’agit donc davantage de négociation que d’expérimentation.

5. Aucune restriction budgétaire n’est intervenue. Les amortisseurs sociaux ont joué, ce qui a entraîné une hausse des dépenses sociales. Aucune mesure nouvelle importante n’a été mise en œuvre. Les mesures existantes ont été renforcées pour aider les jeunes ou les immigrés par exemple. La politique menée a plutôt été de nature keynésienne. Les projets déjà prévus ont vu leur calendrier accéléré (par exemple pour le développement du nombre de crèches).

Le principal problème de ce pays riche au taux de chômage très bas, au taux d’emploi élevé est surtout de parvenir à réduire le taux d’absence sur le marché du travail lié à des autorisations d’absence pour cause de maladie, pension d’invalidité etc. qui touche environ 20 % de la population en âge de travailler.

6. La mission du SPE est parfaitement classique. NAV est chargé de mettre en œuvre la politique de l’emploi en Norvège, de faciliter le rapprochement entre les demandeurs d’emploi et les emplois vacants, d’assurer le suivi des chômeurs, de les aider, de les orienter, et les coacher. L’objectif est de fournir les bons services et prestations, y compris sociales, au bon moment, d’avoir une vision globale, et in fine d’augmenter le taux d’emploi et de diminuer le nombre de personnes vivant d’allocations. Les « job centres » sont répartis en trois catégories spécialisées en fonction du degré d’éloignement du marché de l’emploi et de la fragilité du demandeur d’emploi.

NAV effectue environ 3 fois par an un sondage afin de connaître l’opinion de ses « usagers » sur les services qu’il leur apporte. Cette évaluation est publiée. On peut supposer que l’agence en tient compte.

7. La première priorité semble surtout être d’aider le chômeur à trouver un emploi, et à ce qu’il (elle) le conserve ou en tout cas ne soit pas exclu de nouveau rapidement du marché de l’emploi. Dans la mesure où les « job centres » sont spécialisés en fonction du profil du demandeur d’emploi et de la difficulté potentielle à lui trouver un emploi, on peut considérer que la qualité de cet emploi n’est pas négligée et que les recherches prennent raisonnablement en compte le profil du candidat. Mais cette approche ne semble pas très développée.

8. et 9. La politique de la famille est financée par l’impôt ; elle fait partie intégrante du modèle de protection sociale universel norvégien. Elle est déterminée par le Parlement et le Gouvernement, même si les municipalités jouent un rôle essentiel dans sa mise en œuvre.

Elle vise, sans surprise, à assurer aux enfants et aux jeunes la possibilité de grandir dans un environnement sûr, de les protéger de la pauvreté et de donner aux familles une sécurité économique et sociale.

Au-delà des structures éducatives, une série d’allocations, plutôt généreuses, viennent en aide aux parents. Ainsi une allocation familiale d’environ 125 euros par mois est-elle attribuée par enfant, jusqu’à l’âge de 18 ans. Les parents qui ne souhaitent pas utiliser les services municipaux de crèche pour leur enfant, entre l’âge de un à trois ans, perçoivent une somme qui peut au maximum atteindre 39 636 couronnes par an, soit environ 5 120 euros par an. Un débat est en cours en vue de limiter le versement de cette allocation aux seuls enfants de moins d’un an afin de faciliter l’intégration des enfants issus de l’immigration par l’accès aux crèches.

Une loi de juin 2005 relative aux crèches prévoit que les municipalités ont l’obligation de disposer d’un nombre suffisant de places afin d’accueillir les enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge de la scolarisation obligatoire. L’équivalent de nos préfets veille à la bonne application de cette loi, les conditions locales pouvant donner lieu à des adaptations.

Le nombre de places de crèches était à l’époque insuffisant pour répondre à cet objectif. Un effort de développement important a depuis lors été entrepris.

Le droit au congé parental a été porté depuis le 1er juillet 2011 à 57 semaines, assorti d’une couverture égale à 80 % du salaire, ou, au choix, 47 semaines compensées à 100 %.

10. Les parents isolés – essentiellement des mères – bénéficient de mesures spécifiques : une allocation de « transition » qui peut atteindre au maximum, annuellement, 145 762 couronnes norvégiennes, soit environ 18 800 euros. Cette aide varie en fonction des revenus du travail du parent isolé. En principe, elle peut être versée pendant 3 ans, mais peut par exemple être prorogée de deux ans si le parent poursuit des études. Le parent isolé peut aussi bénéficier d’une allocation l’aidant à faire garder son enfant afin de lui permettre de travailler ou de chercher un emploi 38 652 couronnes norvégiennes (de l’ordre de 4 900 euros par an) et d’une allocation « d’éducation » à taux variables. Une aide peut aussi être attribuée au parent qui déménage pour trouver un emploi. Enfin, lorsque le parent qui n’a pas la garde de l’enfant ne paye pas la pension alimentaire qu’il doit, NAV peut verser au parent isolé, sous condition de ressources, une avance.

11. La politique de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle intègre l’idée d’égalité entre hommes et femmes. 80 % des femmes âgées de 25 à 65 ans occupent un emploi (le taux est d’environ 75 % pour les mères ayant un enfant de un à 3 ans).

Les réformes les plus récentes ont visé : en 2005 à rendre obligatoire pour les municipalités la mise à disposition d’un nombre suffisant de places de crèches avec la mise en œuvre d’un développement rapide de ces structures ces dernières ; en 2009, la durée du congé parental a été prolongée de 4 semaines, le portant à 56 semaines et de 1 semaine en 2011 (cf. questions 8-9).

Dix semaines de ce congé (contre 6 depuis l’introduction de ce quota en 1993) ne sont pas « transférables » à la mère, et donc perdues, si le père ne les utilise pas. Pour le moment, si la quasi totalité des pères prennent leurs 6 semaines, ils restent très minoritaires à dépasser ce seuil. Le congé est flexible ; il peut être pris jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de trois ans. Il est possible de combiner travail à temps partiel et congé parental.

Au-delà de la loi, les partenaires sociaux jouent un grand rôle en Norvège, et les conventions collectives permettent aussi, par la recherche de bonnes conditions de travail, de faciliter la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

RÉPONSE DE L’AMBASSADE DE FRANCE AU PORTUGAL

1. Le ministère de la solidarité est responsable des questions sociales (politique sociale à destination des familles).

L’emploi est depuis juin 2011, date de prise de fonction du nouveau gouvernement, sous la tutelle du ministère de l’économie. L’Institut de l’emploi et de la formation professionnelle (IEFP), service public national de l’emploi équivalent de Pôle emploi en France, est chargé, sous la tutelle du ministère de l’Économie et du secrétariat d’État à l’emploi, de promouvoir la création et la qualité de l’emploi, de combattre le chômage et d’assurer la formation professionnelle. L’Institut n’a qu’une mission d’exécution et n’intervient pas dans la définition des politiques de l’emploi.

2. Un programme social d’urgence a été lancé par le nouveau gouvernement en juillet dernier. Il s’agit d’un programme ambitieux de 400 millions d’euros et qui devrait toucher au total un million et demi de personnes. Il doit permettre de limiter l’impact social de la récession auprès des populations les plus fragiles. Il est prévu pour fonctionner jusqu’à la fin de 2013 et ne sera pas, en principe, reconduit. Une partie de la vingtaine de mesures prévues sont d’ores et déjà opérationnelles : tarifs préférentiels (gaz, eau…), augmentation du nombre de places en crèche, aides pour l’utilisation des transports publics, soutien aux personnes âgées, augmentation des prestations chômage pour des couples avec enfants dont l’un des conjoints est touché, distribution de médicaments.

La performance des politiques sociales

3. Une évaluation de l’efficacité des mesures du plan d’urgence est prévue à la fin de l’année. Dans le domaine de l’emploi, il n’y a pas eu de mesures nouvelles depuis 2009-2010. Des mesures de soutien financier aux entreprises avaient alors été mises en place pour stimuler la signature de contrats à durée indéterminée pour des chômeurs présents dans l’entreprise depuis plus de 12 mois.

4. Partenaires sociaux

En accord avec la Constitution et la législation, les partenaires sociaux (représentants des syndicats, des entreprises et certaines associations représentant la société civile) participent au processus de prise de décisions du gouvernement à travers des mécanisme de consultation (A) et de concertation sociales (B). Le processus de consultation sociale permet aux organisations les plus représentatives de la société et du tissu économique portugais de donner leur avis sur sollicitation du Conseil économique et social (CES). Celui-ci se prononce après consultation sur des avant-projets ou des études à réaliser, par exemple : plans de développement économique et social, positions du Portugal sur des questions européennes dans le domaine économique et social, utilisation des fonds communautaires au niveau national, politique de développement régional, situation économique et sociale du pays...

Le processus de concertation sociale vise à promouvoir le dialogue entre le gouvernement et les partenaires sociaux : syndicats et confédérations patronales. Sur la base d’une négociation tripartite, ceux-ci examinent des projets de loi sur les thèmes sociaux, du droit du travail et de emploi et concluent des accords de concertation sociale. Les deux processus A et B se déroulent dans le cadre du CES, dont l’organisation est comparable en France au Comité économique, social et environnemental.

Associations familiales

Les organisations familiales sont reconnues comme telles selon un processus administratif défini par l’Institut de sécurité sociale. La reconnaissance d’une organisation familiale donne la possibilité de bénéficier de subventions. Une seule association familiale fait partie du CES. Il existait jusqu’à une date récente un conseil consultatif de la famille, où étaient représentées les associations familiales, qui permettait d’informer ces dernières des options stratégiques choisies par le gouvernement. Ce conseil a cessé d’exister. Les associations déploraient qu’il ne soit pas un authentique organe de consultation, mais plutôt une chambre d’enregistrement des décisions gouvernementales en matière de politique familiale. Il n’existe donc pour l’instant ni dialogue structuré, ni processus participatif avec les associations familiales. Ceci est vivement critiqué par celles-ci, qui regrettent également qu’aucune grande direction du ministère de la solidarité sociale ne se consacre à part entière aux thématiques de politique familiale.

Le retour à l’emploi

5. Des mesures d’incitation à la signature de contrats ont été mises en place en 2009 et 2010 (cf. supra). En 2011, les restrictions budgétaires liées à la crise de la dette souveraine au Portugal ont occasionné une baisse de 15 % des ressources de l’IEFP. Une baisse de l’ordre de 20 % des aides en faveur des stagiaires en entreprises a été constatée. Un projet de réorganisation des centres pour l’emploi de l’IEFP (85 centres au Portugal) est à l’étude afin d’améliorer l’offre de services dans le contexte de crise.

6. La mission de l’IEFP est de placer les personnes en situation de travail. Il assure la médiation entre la demande et l’offre et conduit des actions de formation professionnelle. Il existe deux indicateurs principaux : le nombre de postes de travail offerts par rapport au nombre de demandes exprimées et le nombre de personnes au chômage ayant effectivement trouvé un emploi. Il existe des enquêtes de satisfaction des usagers sur le service apporté par l’IEFP.

7. Si ce souci existe effectivement, il ne donne pas lieu à indicateur ou évaluation spécifiques. Il existe un projet à l’étude visant à connaître avec quelle fréquence les usagers font appel à l’IEFP. Ce dernier estime en effet que plus la récurrence est élevée, moins la qualité de l’emploi est avérée.

Les politiques sociales à destination des familles

8. Le ministère de la solidarité sociale est chargé des questions familiales et la protection familiale est mise en œuvre par le système de sécurité sociale. La politique familiale est définie par le décret-loi n° 176 du 2 août 2003, qui stipule que la famille « constitue un élément fondamental de la société qu’il importe de soutenir dans la définition des politiques sociales qui améliorent la condition de vie de ses membres à travers l’octroi de prestations sociales plus justes et efficaces ».

La notion de politique familiale ne figure expressément dans aucun programme de gouvernement depuis au moins cinq ans. Aucun décret, ni aucune loi, n’a été adopté ou signé depuis 2003 pour fixer les grands objectifs en matière de politique familiale (hormis en 2009 sur le congé parental, cf. infra). La politique familiale est vue essentiellement comme une politique d’assistance ou de solidarité.

En mai 2009, le Portugal a modifié sa législation relative aux congés familiaux. Le décret-loi n° 91 du 9 avril 2009 « reconnaît le rôle indispensable des familles et choisit comme priorité l’incitation à la natalité et l’égalité des genres et pour ce faire cherche à promouvoir le partage du congé de parentalité, ceci dans le but de mieux concilier vie professionnelle et familiale ». Cf. le tableau présenté dans la partie III du présent rapport.

9. Les budgets affectés à la famille sont déterminés au sein du budget annuel de sécurité sociale (intégré lui-même au budget annuel de l’État). Il y existe une sous-rubrique prestations sociales, au sein de laquelle figurent les dépenses affectées à la famille (18,1 milliards pour 2012, sur un total de 40 milliards de dépenses pour la sécurité sociale) réparties en quatre sous-systèmes : solidarité (4 milliards), protection familiale (1 milliard), action sociale (100 millions), prévoyance (congé parental, par exemple) (13 milliards).

10. Il existe une majoration de 20 % des allocations familiales pour les familles monoparentales. Pour mémoire, les allocations familiales au Portugal ne sont pas universelles, mais sous conditions de ressources. Elles sont attribuées par foyer fiscal et pour un salaire per capita (des personnes majeures) inférieur à 420 euros par mois. Cf. le tableau présenté dans la partie III du présent rapport.

11. En mai 2009, le Portugal a modifié sa législation relative aux congés familiaux (cf. supra). Dans le cadre de cette réforme, les notions de congés maternité et paternité ont, été abrogées et les notions de licença parental inicial et de licença parental complementar leurs ont été substituées. C’est-à-dire qu’il n’existe plus, formellement, de « congé maternité », mais bien un congé (licença) partagé entre le père et la mère. Dans la partie « inicial » de ce congé, il existe une période obligatoire exclusive pour la mère de 45 jours, qui a conduit à le mettre dans la rubrique « congé de maternité » pour respecter la forme du tableau ci-joint. En toute rigueur, il faudrait tout mettre dans la même colonne « congé de maternité et de paternité », qui forme au Portugal « le congé parental », y compris la période obligatoire pour la mère de 45 jours. 

RÉPONSE DE L’AMBASSADE DE FRANCE AU ROYAUME-UNI (493)

7. Ni le ministère du travail et des retraites (Departement for Work and Pensions – DWP) ni les Jobcentres Plus, équivalents britanniques de Pôle emploi n’assurent un suivi des chômeurs lorsqu’ils retrouvent un emploi. Aussi, il n’existe pas de mesure de la qualité de l’emploi retrouvé après une période de chômage. Cette absence de suivi s’explique principalement par l’existence d’une conditionnalité au versement de l’allocation chômage (Job Seeker AllowanceJSA). En effet, de très longue date (494), un demandeur d’emploi qui refuse plusieurs offres d’emploi risque de perdre le bénéfice de la JSA. Il existe une période dite « permitted period » (qui peut aller d’une à treize semaines selon les cas) pendant laquelle le demandeur d’emploi peut refuser des emplois hors de son champ de compétence et/ou moins rémunérés (car moins qualifiés). Mais au-delà, il est censé accepter toute offre. Concernant le temps de trajet, la limite supérieure est fixée à 60 minutes (par trajet) pendant les treize premières semaines de la recherche. Au-delà, la limite passe à 90 minutes par trajet.

8. Le principal objectif que se sont fixés les différents gouvernements britanniques depuis ces dernières décennies en matière de politique familiale est très clairement la réduction de la pauvreté infantile pour laquelle le Royaume-Uni se situe à un niveau très élevé par rapport aux autres pays européens.

La définition de la pauvreté infantile du ministère du budget est la suivante : « proportion d’enfants vivant dans des familles recevant des allocations ou bénéficiant de crédits d’impôts et dans lesquelles le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian ». Selon les derniers chiffres publiés par le ministère du budget, cette proportion était de 21,2 % pour le Royaume-Uni au 31 août 2009 (dernière données publiées).

Dans ce cadre, le gouvernement met aussi l’accent sur deux autres objectifs liés à la politique familiale : la conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle et la lutte contre les inégalités en santé des enfants. Le tableau ci-dessous résume les objectifs fixés, les textes qui s’y rapportent et les intervenants publics.

Objectifs

Nature du texte

Organismes ou institutions

LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ INFANTILE EN œUVRANT AUPRÈS DES FAMILLES LES PLUS DÉMUNIES

LA LOI CONTRE LA PAUVRETÉ INFANTILE (CHILD POVERTY ACT) DE 2010 QUI FIXE UN OBJECTIF D’ÉRADICATION DE LA PAUVRETÉ INFANTILE D’ICI 2020.

LA STRATÉGIE DU GOUVERNEMENT EN MATIÈRE DE PAUVRETÉ INFANTILE POUR LES DIX ANNÉES À VENIR (A NEW APPORACH TO CHILD POVERTY: TACKLING THE CAUSES OF DISADVANTAGE AND TRANSFORMING FAMILIES’LIVES).

MINISTÈRE DU TRAVAIL ET DES RETRAITES (DEPARTMENT FOR WORK AND PENSIONS)

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION (DEPARTEMENT FOR EDUCATION)

MINISTÈRE DU BUDGET (HER MAJESTY TREASURY)

LES TROIS MINISTÈRES SONT RÉUNIS AU SEIN D’UNE UNITÉ POUR LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ INFANTILE (CHILD POVERTY UNIT)

CONCILIER VIE PROFESSIONNELLE ET VIE DE FAMILLE

LA LOI POUR LE TRAVAIL ET LES FAMILLES (WORK AND FAMILIES ACT) DE 2006 QUI A CRÉÉ UN ENSEMBLE DE MESURES PERMETTANT DE MIEUX CONCILIER VIE PROFESSIONNELLE ET VIE FAMILIALE (CONGÉS MATERNITÉ, PARENTAL ET D’ADOPTION ET DROIT DE REQUÉRIR UNE PLUS GRANDE FLEXIBILITÉ AU TRAVAIL NOTAMMENT).

MINISTÈRE DU TRAVAIL ET DES RETRAITES (DEPARTMENT FOR WORK AND PENSIONS)

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION (DEPARTEMENT FOR EDUCATION)

LANCEMENT EN MAI 2011 D’UNE CONSULTATION NATIONALE SUR LA MODERNISATION DES LIEUX DE TRAVAIL QUI INCLURAIT NOTAMMENT UN ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS DE RECOURS AUX CONGÉS MATERNITÉ, PATERNITÉ ET PARENTAL ET ÉLARGIRAIT LE DROIT À DEMANDER UN AMÉNAGEMENT DES HORAIRES DE TRAVAIL.

MINISTÈRE DES ENTREPRISES, DE L’INNOVATION ET DES COMPÉTENCES (BUSINESS, INNOVATION AND SKILLS – BIS)

LUTTER CONTRE LES INÉGALITÉS EN SANTÉ DES ENFANTS

LE NSF (NATIONAL SERVICE FRAMEWORK FOR CHILDREN, YOUNG PEOPLE AND MATERNITY SERVICES), UN PROGRAMME DÉCENNAL D’AMÉLIORATION DE LA SANTÉ DES ENFANTS MIS EN PLACE EN 2004 (495). LE NSF DÉTAILLE DES STANDARDS PRÉCIS POUR ONZE THÉMATIQUES DIFFÉRENTES QUI COUVRENT L’ENSEMBLE DES PROBLÉMATIQUES DE LA SANTÉ DES ENFANTS (EX : SOUTIEN À LA PARENTALITÉ, L’ENFANT À L’HÔPITAL, LA SANTÉ MENTALE DE L’ENFANT).

MINISTÈRE DE LA SANTÉ (DEPARTEMENT OF HEALTH)

SYSTÈME NATIONAL DE SANTÉ (NATIONAL HEALTH SERVICE – NHS)

RÉDUIRE LE DÉFICIT PUBLIC EN GELANT LE MONTANT DES ALLOCATIONS FAMILIALES ET EN CONDITIONNANT LEUR VERSEMENT AU NIVEAU DE REVENU

REVUE DES DÉPENSES (SPENDING REVIEW).

LA DÉCISION A ÉTÉ PRISE DE SUPPRIMER LES ALLOCATIONS FAMILIALES (EN JANVIER 2013) DÈS LORS QUE L’UN DES MEMBRES DU COUPLE (496) PERÇOIT PLUS DE 43 875 LIVRES PAR AN.

PAR AILLEURS, LE MONTANT DES ALLOCATIONS FAMILIALES SERA GELÉ PENDANT 3 ANS (497).

 

Afin de compléter les travaux de la mission, il semble pertinent de porter à sa connaissance un rapport (Child and working-age poverty from 2010 to 2020) publié mi-octobre par the Institute for Fiscal Studies – IFS (que la mission avait d’ailleurs rencontré lors de sa venue à Londres). Il révèle que la situation matérielle des Britanniques aux revenus les plus faibles va se détériorer dans les années à venir : la Grande-Bretagne devrait compter 2,9 millions d’adultes en âge de travailler en état de «pauvreté absolue», soit vivant avec moins de 60 % des revenus moyens en 2009-2010. Le nombre d’enfants vivant dans cette pauvreté absolue devrait même connaître un pic en 2013, à 3,1 millions, soit 600 000 de plus qu’en 2010. D’après l’IFS, l’objectif fixé par la loi sur la pauvreté infantile de 2010 ne sera pas atteint. Le rapport dans sa version intégrale peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.ifs.org.uk/publications/5711.

RÉPONSE DE L’AMBASSADE DE FRANCE EN SUÈDE

2. La Suède dispose d’un système de protection sociale universel développé et décentralisé. Le taux de pauvreté relative – niveau inférieur à 60 % du revenu médian – atteint 12 %, bien en deçà du niveau européen moyen. Il a toutefois progressé d’un point depuis quelques années, non pas en raison de l’augmentation de la pauvreté absolue, mais du fait de l’augmentation des inégalités, les revenus du décile le plus favorisé ayant progressé plus vite que les autres. Environ 6 % des enfants vivent au sein de familles bénéficiant des aides sociales municipales, les plus démunies, donc. Les minima sociaux ne sont pas spécifiques mais sont adaptés à la situation de chaque famille.

Pour le gouvernement, l’insertion sociale et la lutte contre la pauvreté passent par l’emploi. Son objectif depuis cinq ans consiste donc, par différents plans – notamment d’allégements de charges ciblées- à favoriser le retour à l’emploi des chômeurs, mais aussi des malades et personnes handicapées qui le peuvent. Aux mesures générales s’ajoutent des mesures spécifiques visant les populations les plus éloignées du marché de l’emploi, notamment jeunes, seniors, personnes issues de l’immigration.

3. L’approche suédoise est décentralisée. Les municipalités et les régions, très largement responsables de la mise en œuvre et du financement des politiques sociales et de santé disposent d’une large autonomie. Dans ce contexte, ce sont les collectivités locales qui lancent parfois des expérimentations. Leur association nationale (SKL) fait circuler l’information de manière à ce qu’une bonne idée ou méthode soit reprise. Cela a été le cas dans le domaine de la santé, avec le développement d’indicateurs prenant en compte les résultats obtenus en terme de guérison, de non retour à l’hôpital par exemple, plutôt qu’en objectif de nombre de lits. Cette révolution dans l’appréhension des dispositifs hospitaliers vient de la « base ».

L’administration d’État déconcentrée peut aussi parfois tester une méthode sur un sujet spécifique ; par exemple, l’agence de l’emploi aide des personnes d’origine étrangère diplômées de l’enseignement supérieur à trouver un emploi en province, en les présentant à des entreprises, en dehors des trois grandes villes du royaume ou développer des méthodes d’insertion en faveur des jeunes sortis de l’enseignement sans diplôme, ne demandant aucune allocation et totalement « hors système ». De manière générale, la tradition nordique, et suédoise en particulier, tend à évaluer les nouvelles politiques.

7. Depuis maintenant cinq ans, le gouvernement suédois de centre droit a fait du retour à l’emploi, de l’incitation et de l’aide au travail un axe essentiel de sa politique. Le service public de l’emploi d’État a été « reconcentré », ce qui n’est pas très courant dans ce pays, avec pour objectif de rendre son action plus efficace et mieux harmonisée.

L’Agence nationale pour l’Emploi a pour objectif de mettre en contact les demandeurs d’emploi et les employeurs à la recherche de salariés. Cela passe bien entendu aussi par un service d’aide au chômeur sous forme d’orientation, de formation, de « coaching » etc…mais la qualité de l’emploi retrouvé ne constitue pas la première priorité des « job centres ». Selon l’unité de recherche et d’évaluation de l’Agence de l’emploi, aucune recherche n’a été entreprise ces dernières années sur la qualité de l’emploi retrouvé après une période de chômage.

Dans son rapport 2010, l’Agence souligne de nouveau le rôle qu’elle doit jouer dans l’amélioration du « matching » entre chômeurs et employeurs. Le gouvernement a joué de la « carotte »- formation, aides, allégements de charges patronales et diminution du taux d’imposition des revenus du travail- mais aussi du « bâton » en rendant plus difficile l’accès aux indemnités de chômage. Les chômeurs indemnisés doivent se montrer en recherche active et accepter tout emploi « convenable ». L’Inspection suédoise de l’assurance chômage (IAF) a publié des textes précisant cette notion. Le fait qu’un emploi ne corresponde pas au niveau de formation ou aux expériences professionnelles antérieures n’est pas considéré comme un motif de refus de l’emploi. Cela étant, cette règle doit être appliquée raisonnablement et le « job centre » essayera de concilier expérience et type d’emploi. Selon une enquête réalisée par l’Agence en 2010, 82 % des demandeurs d’emploi considéraient que leur « plan d’action individuel » établi et organisé avec un « job centre » était «utile » ou « assez utile ». Quant aux employeurs, 90 % étaient satisfaits du service rendu.

8. Les grands objectifs du gouvernement en matière de politique de la famille ont été rappelés dans le projet de budget général de septembre dernier. Il s’agit d’assurer la sécurité économique des familles et des enfants.

L’action de l’État et des communes doit contribuer à assurer un niveau de vie convenable aux familles et à leur donner une liberté de choix dans leur mode de vie. Le ministère en charge de la famille transmet aussi tous les ans en décembre une sorte de lettre de cadrage à l’Agence de sécurité sociale. Cette lettre est liée à la négociation de son budget pour l’année suivante. Ce système vaut pour toutes les agences nationales mais les objectifs sont très généraux, en l’occurrence les mêmes que ceux décrits dans le budget.

Deux pistes spécifiques sont toutefois précisées : donner aux parents toute l’information nécessaire sur leurs droits afin qu’ils soient en mesure de choisir les modalités de partage du congé parental. Implicitement, on comprend qu’il s’agit en fait de rappeler la règle selon laquelle les pères qui ne prennent pas leurs deux mois de congés parental les perdent et qu’un bonus est accordé si le congé parental est mieux partagé entre les parents. Cela étant, le gouvernement refuse d’augmenter la durée du nombre de jours de congé non transférables (quota du père). Par ailleurs, l’agence devra aussi tenter de diminuer les dépenses liées à l’allocation servie au parent isolé dont l’ex conjoint ne paye pas la pension, ce qui revient, dans la réalité, à se montrer plus rigoureux envers les pères qui n’assurent pas leurs devoirs alimentaires.

L’agence nationale dispose d’indicateurs de suivi, notamment l’évolution des revenus des familles avec enfants, particulièrement le nombre de celles disposant de ressources limitées, impact des différentes allocations sur le niveau économique des familles, taux de natalité. La politique familiale est d’ores et déjà très développée, allocations générales ou ciblées, congé parental généreux, obligation pour les municipalités de fournir une place de crèche à l’issue du congé parental. Elle se situe dans une perspective de protection de l’enfant, d’égalité entre les genres, de conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Le gouvernement met aussi beaucoup l’accent, comme déjà indiqué, sur la notion de liberté de choix des parents

ANNEXE N° 4 :
RÉPONSES DES PARLEMENTS EUROPÉENS (ALLEMAGNE, AUTRICHE, FINLANDE, PORTUGAL, ROYAUME-UNI, SUÈDE, SUISSE) AU QUESTIONNAIRE ADRESSÉ PAR LES RAPPORTEURS

Questionnaire adressé par les rapporteurs en septembre 2011

La performance des politiques sociales

1. Quels sont les outils de pilotage par la performance pour les politiques sociales à destination ou utilisés par le Parlement ? Le pilotage des politiques sociales au Parlement s’appuie-t-il sur une liste d’objectifs formalisés et assortis d’indicateurs ? Le cas échéant, par qui sont définis ces objectifs et indicateurs ? Combien d’indicateurs sont régulièrement renseignés et suivis par le Parlement dans le domaine de la santé ?

What are the management tools for performance in social policies designed to or used by Parliament? Does the management of social policies in Parliament rely on a formal list of goals, with associated indicators? If any, by which are defined these goals and indicators? How many indicators are regularly monitored by the Parliament in the health field?

2. Quels sont, le cas échéant, les indicateurs comparant les performances entre les collectivités territoriales sur leur champ de compétence propre ? Existe-t-il une entité chargée de promouvoir et d’organiser l’évaluation des politiques mises en œuvre par les collectivités territoriales, susceptible de publier des comparaisons sur la base d’indicateurs communs ?

If any, what are the indicators comparing the performance between local authorities on their own jurisdiction? Is there a body responsible for promoting and organizing the evaluation of policies implemented by local authorities, likely to publish comparisons on the basis of common indicators?

3. Au sein du Parlement, existe-t-il un organe spécifique compétent en matière d’évaluation des politiques publiques et/ou de l’évaluation du rapport coût efficacité de politiques publiques ? Le cas échéant, préciser ses missions, la date de sa création, ainsi que ses dernières publications dans le champ social.

In Parliament, is there a specific body responsible for evaluation of public policies and / or evaluation of the cost-effectiveness of public policies? If any, clarify its mission, the date of its creation and its recent publications in the social field.

Le retour à l’emploi

4. Le Parlement a-t-il mené des travaux d’évaluation ou publié des rapports d’information relatifs au service public de l’emploi ces trois dernières années ? Très brièvement, quelles étaient leurs principales conclusions ?

Has Parliament led evaluation works or published reports on the employment public service during the last three years? Briefly, what were their main conclusions?

5. Pouvez-vous faire la liste des projets ou propositions de loi relatifs à la politique de l’emploi depuis un an ? Quels sont les axes d’amélioration du service public de l’emploi actuellement envisagés ?

Can you make a list of the bills – initiated by Parliament or Governement - on the employment policy for a year? What are the orientations for improvement of public service employment being considered?

Les politiques sociales à destination des familles

6. Au cours des cinq dernières années, le Parlement a-t-il mené des travaux d’évaluation ou publié des rapports d’information sur les familles monoparentales ? Très brièvement, quelles étaient leurs principales conclusions ?

Has Parliament led evaluation works or published reports on the single parents during the last five years? Briefly, what were their main conclusions?

7. Quelles sont les mesures annoncées récemment ou actuellement en discussion au Parlement concernant les familles monoparentales ?

What are the measures announced recently or currently under discussion in Parliament on single parents?

8. Existe-t-il un document déposé et/ou débattu au Parlement définissant les objectifs fixés en matière de politique familiale, concernant notamment la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ? Le cas échéant, ces objectifs sont-ils assortis d’indicateurs, et si oui lesquels ?

Is there any document presented and/or debated before Parliament defining the goals for family policy, including especially work-life balance issues? If any, are these goals associated with indicators and, if so, which ones?

RÉPONSE DU BUNDESTAG ALLEMAND

La performance des politiques sociales

1. Il n’existe pas d’outils de pilotage de ce type en Allemagne.

2. Sans objet (voir ci-dessus).

3. Non.

Le retour à l’emploi

4. L’évaluation de la politique de l’emploi n’est pas réalisée par le Bundestag ou l’une de ses commissions, c’est l’une des missions confiées à l’Institut de recherches sur le marché du travail et l’emploi de l’Agence fédérale de l’emploi (article 282 du livre 3 du code de législation sociale). Il arrive cependant que le Bundestag charge le Gouvernement d’élaborer un rapport d’évaluation, tel fut le cas par exemple pour l’évaluation des effets de la réforme du marché du travail (2002-2004).

5. Depuis un an, le Bundestag a examiné 7 projets ou propositions de loi relatifs à la politique de l’emploi (voir tableau en fin de document).

Les politiques sociales à destination des familles

6. Non. Le Bundestag ne mène pas de travaux d’évaluation dans le domaine des politiques sociales. Ce rôle est dévolu au Gouvernement.

7. De telles mesures ne sont pas en cours de discussion.

8. Non.

PROJETS ET PROPOSITIONS DE LOI EXAMINÉS PAR LE BUNDESTAG DANS LE DOMAINE DE L’EMPLOI DEPUIS UN AN

Projet/proposition de loi (état d’avancement)

Contenu

Proposition de loi relative à une réglementation plus stricte du travail temporaire

11.11.2010
Initiative du groupe parlementaire « La Gauche »

Texte rejeté

Renforcement de la réglementation du travail intérimaire et limitation du recours à des intérimaires à la gestion des goulots d’étranglement dans les effectifs et des périodes de pointe dans les carnets de commandes par des dispositions sur les points suivants : égalité salariale, durée du prêt de main-d’œuvre, prime de flexibilité, interdiction d’ajustement de la durée d’embauche par l’agence d’intérim à la durée de la mission d’intérim (Synchronisationsverbot) et interdiction des limitations de durée, utilisation de travailleurs intérimaires en remplacement de grévistes, accès aux infrastructures collectives et à la formation professionnelle continue de l’entreprise cliente, droit de codécision des comités d’entreprise, droit de prendre part aux élections au comité d’entreprise.

Projet de loi portant modification de la loi sur le travail temporaire – Prévention des abus dans le recours au travail intérimaire

31.12.2010
Initiative du gouvernement fédéral

Loi du 28/04/2011, entrée en vigueur le 1/12/2011

Renforcement du travail intérimaire par la lutte contre les abus et la transposition de la directive de l’UE de 2008 relative au travail intérimaire : interdiction de licenciement d’un salarié aux fins de sa réintégration immédiate, ou après une brève période, dans l’ancienne entreprise comme salarié intérimaire (Drehtürklausel) ; modifications de plusieurs points : champ d’application, durée des prêts de main-d’œuvre et rémunération, droit des salariés intérimaires d’accéder aux infrastructures collectives, droit de postuler aux postes vacants, interdiction de percevoir une commission d’intermédiaire en cas d’embauche fixe.

Proposition de loi en faveur de l’introduction de salaires minimums généralisés en préalable à l’instauration de la liberté de circulation des travailleurs (loi sur le salaire minimum)
19.01.2011
Initiative du groupe parlementaire Alliance 90/Les Verts

Texte rejeté

Lutte contre le dumping salarial avec l’instauration de la pleine liberté de circulation des travailleurs : introduction d’un salaire minimum légal, fixation d’un taux horaire minimum légal de 7,50 euros, mise en place d’une commission chargée de fixer les seuils inférieurs de rémunération et les salaires minimums supérieurs à ces seuils dans les branches insuffisamment couvertes par les conventions collectives ; ouverture de la loi sur le détachement de personnel à la totalité des branches professionnelles pour permettre la fixation de salaires minimums par branche supérieurs au seuil minimum légal.

Proposition de loi relative à la fixation du salaire minimum (MLG)

08.02.2011

Initiative du groupe parlementaire SPD
Transmise à la commission des affaires sociales

Lutte contre les bas salaires aux fins de protection contre les risques de déséquilibre de la pyramide salariale et de désordres sur le marché du travail ; introduction d’une obligation contraignante de versement et de diverses dispositions relatives à la fixation du salaire minimum.

Proposition de loi portant modification de la loi sur le travail temporaire et de la loi sur la lutte contre le travail au noir

10.05.2011

Initiative des groupes parlementaires CDU/CSU et FDP

Loi du 20/07/2011, entrée en vigueur le 30/07/2011

Instauration des conditions requises pour un contrôle effectif et efficace de l’application du seuil de salaire minimum en vigueur sur l’ensemble du territoire fédéral pour le travail temporaire : inscription des compétences de contrôle des autorités douanières et des mesures de sanction dans la loi sur le travail temporaire.

Projet de loi sur l’amélioration des opportunités d’insertion sur le marché du travail

27.05.2011

Initiative du gouvernement fédéral
Texte adopté par le Bundestag

Optimisation des mesures d’activation du marché du travail grâce à des instruments juridiques alliant simplicité, transparence et visibilité accrues à la limitation des moyens budgétaires ; réforme des emplois aidés dans le contexte du revenu minimum individuel aux demandeurs d’emploi (Grundsicherung für Arbeitssuchende) ; renforcement et élargissement des compétences décisionnelles décentralisées, regroupement d’autres prestations individuelles

Projet de loi de promotion du recrutement de personnel spécialisé au niveau de l’État fédéral et portant modification d’autres prescriptions de service


12.08.2011

Initiative du gouvernement fédéral

Transmis à la commission des affaires intérieures

Renforcement de la compétitivité de l’État fédéral dans le recrutement de personnel hautement spécialisé, notamment par des dispositions relatives aux rémunérations : nouvelle prime de recrutement (Personalgewinnungszuschlag), prime compensatoire de la perte de rémunération à l’entrée dans la fonction publique fédérale, prise en compte des périodes consacrées à l’éducation des enfants dans l’expérience professionnelle, rémunération des agents des services de santé, relèvement des grades d’adjoint des agents des services informatiques ; autres modifications sur les points suivants : titularisation, complément familial, primes et bonus dans les services de police et dans l’armée fédérale, recouvrement des frais de formation continue, prise en compte des périodes de formation initiale, ajustement des fonctions de la catégorie B de la grille fédérale des rémunérations ; évaluation de la nouvelle prime de recrutement au 31 décembre 2016.

RÉPONSE DU PARLEMENT AUTRICHIEN

La performance des politiques sociales

1. Actuellement, il n’existe pas d’outils de ce type en Autriche. Cependant, avec la mise en œuvre de la réforme budgétaire en 2013, un système similaire à celui en vigueur en France sera mis en place. Au cours de la période transitoire actuelle, des indicateurs et des instruments de suivi doivent encore être définis, de sorte qu’il n’est pas possible d’apporter des réponses précises aux questions posées.

2. Voir ci-dessus. L’on peut noter que le Conseil national n’est compétent qu’en ce qui concerne les politiques menées au niveau fédéral.

3. Non.

Le retour à l’emploi

4. Non.

5. Deux projets de loi relatifs à la politique de l’emploi ont été examinés :

– le premier concerne les stages des étudiants diplômés de l’enseignement supérieur, en vue de mieux accompagner leur accès à l’emploi (22/A(E) (https://iwww.parlament.gv.at/PAKT/VHG/XXIV/A/A_00022/index.shtml) ;

– le second porte sur l’emploi et le chômage des jeunes (596/A(E) (https://iwww.parlament.gv.at/PAKT/VHG/XXIV/A/A_00596/index.shtml).

Les politiques sociales à destination des familles

6. Non.

7. De telles mesures ne sont pas en cours de discussion.

8. Non.

RÉPONSE DU PARLEMENT FINLANDAIS

La performance des politiques sociales

1. Le Parlement finlandais (Eduskunta) s’appuie essentiellement sur l’examen du budget de l’État et des lois ayant une relation avec la politique sociale, sur les rapports et propositions de lois des députés. La commission sur la santé et les affaires sociales et la commission des finances ont une position centrale dans cette évaluation.

L’Eduskunta n’a pas défini une liste d’objectifs formalisés et d’indicateurs dans le secteur de la politique sociale. Les objectifs de la politique sociale sont définis par le Gouvernement et le ministre des affaires sociales et de la santé. Ces objectifs apparaissent dans le programme du gouvernement ainsi que dans plusieurs programmes de financement et de développement de la politique sociale, de la santé et de la sécurité sociale.

2. L’association des autorités locales et régionales finnoises, qui est responsable de la sauvegarde des intérêts des municipalités et de leurs organisations, collabore avec le service des statistiques de Finlande afin de publier des statistiques comparatives sur les finances locales et les services sociaux et de santé. De plus, l’Institut national pour la santé et des prestations sociales (THL en finnois) publie des statistiques et des rapports de recherche dans lesquels sont également insérés des comparaisons entre le développement des services sociaux dans les différentes municipalités.

3. La commission de l’Inspection, qui est une des 15 commissions permanentes du Parlement, examine notamment les rapports destinés à l’Eduskunta – rapport sur l’état des comptes de l’État, rapport de l’Inspection des finances sur ses activités et rapports des contrôleurs des comptes de l’Eduskunta. Cette commission examine par ailleurs les affaires relatives au contrôle de la gestion des finances de l’État. La commission a le droit, à son initiative, de se saisir pour examen de toute affaire relevant de ses compétences, et d’élaborer à son sujet un rapport destiné à la séance plénière.

La commission de l’Inspection a été instituée en 2007 en combinant les tâches qui incombaient aux contrôleurs des comptes de l’Eduskunta et le contrôle parlementaire exercé par la section administrative et de révision. La révision constitutionnelle de 2007 a inscrit cette commission dans la Constitution comme une des cinq obligatoires (les quatre autres étant, selon l’article 35, la « Grande commission » (Affaires européennes), la commission des Finances, la commission des Lois et la commission des Affaires étrangères). L’article 90 de la Constitution définit le rôle de la commission de l’Inspection.

La commission de l’Inspection n’a pas publié de rapports sur le secteur de la politique sociale pour le moment.

Le retour à l’emploi

4. Non.

5. Les lois concernant la politique de l’emploi en 2010 et 2011 ne sont accessibles qu’en finnois et suédois.

Les politiques sociales à destination des familles

6. Non

7. L’an dernier un projet de loi portant sur les ressources des parents isolés ainsi que des propositions de lois ayant pour objet d’augmenter les allocations familiales payées à un parent isolé ont été discutés au parlement finlandais.

8. En 2010, le parlement a délibéré sur un rapport gouvernemental sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce rapport traitait particulièrement de la conciliation de la vie familiale et professionnelle. Cependant aucun indicateur n’était inclus dans ce rapport.

RÉPONSE DU PARLEMENT PORTUGAIS

La performance des politiques sociales

1. Les informations statistiques sont aujourd’hui un outil de connaissance nécessaire à l’exercice d’une pleine citoyenneté. Indispensable à la prise des décisions qui préludent à la création et au développement des entreprises, elles sont aussi essentielles à la définition des politiques par lesquelles sont gouvernées les nations. Au Portugal, il revient à l’Instituto Nacional de Estatística, IP (INE-IP) de réaliser et publier des informations statistiques officielles de qualité, en promouvant la coordination, le développement et la diffusion de l’activité statistique nationale.

Selon l’ordonnance nº 202/2006 du 27 octobre 2006, qui approuve la loi organique de la présidence du Conseil de ministres (PCM), l’INE-IP est une autorité administrative annexe de l’État, dont les missions sont les suivantes :

– produire des informations statistiques officielles, avec l’objectif d’aider à la prise de décision publique, privée, individuelle et collective, ainsi que la recherche scientifique ;

– élaborer les comptes nationaux portugais, en coordination avec les autres entités compétentes ;

– publier et valoriser les informations statistiques produites ;

– coordonner et exercer une supervision technoscientifique et méthodologique des statistiques officielles produites par les entités ayant une délégation de compétences et les services régionaux de statistique des régions autonomes ;

– coopérer avec les entités nationales et avec les organismes d’autres États, de l’Union européenne et des organisations internationales, dans le secteur des informations statistiques.

La loi organique de l’INE-IP, institut public, autorité administrative indépendante, dont la mission est de réaliser et diffuser de façon efficace, efficiente et gratuite, des informations statistiques officielles de qualité, essentielles pour l’ensemble de la société, a été approuvée par l’ordonnance n° 166/2007 du 3 mai 2007. Dans l’exercice de l’activité statistique officielle, l’INE-IP jouit d’une indépendance technique, et peut, en la qualité d’autorité statistique nationale, exiger la prestation d’informations à caractère obligatoire et gratuit, avec la garantie de la sauvegarde du secret statistique, selon les termes de la loi du système statistique national.

Le bulletin mensuel de statistique, publié par l’INE, contient les principales données statistiques mensuelles et trimestrielles organisées en chapitres de la façon suivante: comptes nationaux trimestriels; population et conditions sociales (santé incluse); agriculture, production animale et pêche; industrie et construction; commerce interne et international; services; finances et entreprises; comparaisons internationales.

Dans le domaine de la santé, le répertoire des informations sur la santé (du ministère de la Santé) permet d’améliorer l’accessibilité à l’information, en regroupant sur un seul site le résultat du relevé systématique et organisé des caractéristiques des systèmes d’informations/bases de données (objectifs, variables, fréquence de la collecte, découpages géographiques, responsable, formes d’accès, etc.) ainsi que les textes ayant des résultats découlant de l’utilisation de la santé. Il est ainsi possible d’associer aux données la valeur ajoutée des informations et des connaissances importantes de la politique de santé, sur lesquelles pourront se baser les études, politiques, pratiques, évaluations, etc.

Dans le domaine des établissements publics de santé, le site « Hospitais, EPE » constitue l’un des exemples de bonnes pratiques dans le secteur de la mise à disposition des informations. Dans l’onglet « Informations de gestion », 4 items peuvent être consultés: suivi et évaluation, rapports et comptes, planification et recherche.

2. Les annuaires statistiques régionaux, publiés par l’INE-IP, dont la publication a commencé dans la première moitié des années 90, constituent la publication de référence pour la mise à disposition d’informations statistiques à l’échelle régionale et municipale. Ils servent de support à la lecture des trajectoires de développement régionales et à l’étude des problématiques à caractère territorial. Au fil des ans, cette publication a été l’objet d’améliorations constantes, que soit au niveau du contenu, en augmentant la portée et la pertinence des informations mises à disposition, ou de la forme, en garantissant une meilleure intégration et cohérence des informations.

En ce qui concerne les régions autonomes de Madère et des Açores, la loi nº 22/2008 du 13 mai 2007 approuve les bases générales du système statistique national (SEN). Le SEN comprend le Conseil supérieur de statistique (CSE), agence de l’État qui guide et coordonne le système, l’Instituto Nacional de Estatística, IP (INE-IP), organe central de production et diffusion de statistiques officielles qui assurent la supervision et la coordination technoscientifique du SEN, la Banque du Portugal pour ce qui concerne ses attributions de collecte et d’élaboration de statistiques monétaires, financières, de changes et de la balance des paiements, les services régionaux de statistique des régions autonomes des Açores et de Madère qui fonctionnent et concernent les statistiques officielles nationales, comme les délégations de l’INE-IP et les entités productrices de statistiques officielles par délégation de l’INE-IP.

3. Dans le contexte de la mise en œuvre des réformes dans l’administration publique, et en accompagnant la tendance commune à la généralité des autres pays de l’OCDE, nous assistons au Portugal à une utilisation croissante et variée des informations sur la performance dans le secteur public.

Plus récemment, la création d’un nouveau modèle d’organisation de l’administration publique a été basée sur une culture de gestion par objectifs, visant à une meilleure qualité dans la prestation des services publics et une plus grande efficacité et efficience dans l’usage des ressources disponibles. Des instruments de surveillance de la performance des services publics, ont été créés, parmi lesquels se distingue le tableau d’évaluation et de responsabilisation (« QUAR »), dont la finalité est de promouvoir une culture d’évaluation et de transparence, avec la publication des objectifs et des résultats atteints par les services et l’alignement respectif avec les objectifs stratégiques des politiques publiques.

Dans le contexte budgétaire, le cadre légal existant envisage le passage progressif à l’établissement du budget par programmes. La Constitution (article nº 105) ratifie la possibilité que le budget de l’État puisse être structuré par programmes. Cette possibilité est également mentionnée dans le paragraphe nº 1 de l’article 15 de la loi de cadre budgétaire (loi nº 91/2001 du 20 août 2001 qui a subi une cinquième modification dans la loi nº 22/2011 du 20 mai 2001). Finalement, l’article 105 de la loi sur le budget de l’État pour 2006 (loi nº 60-A/2005 du 30 décembre 2005) établit la présentation du budget par programmes, au moins lors du projet de budget de l’État pour 2010.

Tous les ans, l’INE-IP publie une édition des indicateurs sociaux. Cette publication présente une compilation des résultats statistiques relatifs aux principales variables et aux principaux indicateurs à caractère social. Elle permet de tracer un portrait social de la population résidant dans le pays et facilite la lecture des évolutions qui ont eu lieues ces dernières années dans ce domaine. Toutes les informations présentées dans cette publication sont également disponibles sur le portail de l’INE-IP (www.ine.pt).

Le retour à l’emploi

4. L’INE publie tous les trimestres des statistiques sur l’emploi où sont réunies les principales estimations obtenues à partir de l’enquête sur l’emploi, notamment: la population active, la population ayant un emploi, la population sans emploi, la population inactive, le secteur d’activité, le taux d’activité, le taux d’emploi et le taux de chômage. L’étude « Statistiques sur l’emploi - 1er trimestre de 2011 » est disponible, ainsi que celles pour les trimestres précédents.

Dans ces études, il existe un tableau réservé à la population ayant un emploi, par secteur d’activité principale (classification portugaise des activités économiques - Rév. 3) et sexe.

Une autre étude mise à disposition par l’INE-IP correspond aux comptes nationaux portugais, qui constituent un ensemble cohérent et intégré de comptes, soldes et tableaux, et qui sont basés sur des concepts, définitions, classifications et règles de comptabilisation, définis dans le système européen de comptes nationaux et régionaux 1995 (SEC 1995), qui est cohérent, dans une large mesure, avec le système de comptes nationaux des Nations Unies (SCN 1993). Les comptes nationaux permettent un registre détaillé et complet des activités économiques qui ont lieu dans une économie et des interactions établies entre différents agents économiques. Ils sont appropriés pour effectuer l’analyse économique, la prise de décision et l’élaboration de politiques.

Il existe plusieurs chapitres qui traitent de l’emploi du point de vue des agrégats macroéconomiques : A.4 Emploi et du point de vue des branches d’activité : C.4 Emploi, où sont mis à disposition plusieurs tableaux qui présentent les données comparatives depuis 1996.

5. Depuis le début de l’année 2011 ont été présentées 7 propositions de loi :

– la proposition de loi nº 69/XII, qui institue le programme national de lutte contre la précarité du travail et le travail illégal ;

– la proposition de loi nº 516/XI, qui révise le régime du travail des aides ménagères ;

– la proposition de loi nº 528/XI, qui institue les mesures transitoires et exceptionnelles de promotion de l’emploi,

– la proposition de loi nº 539/XI, qui lutte contre les « faux recibos verdes » en les convertissant en contrats effectifs ;

– la proposition de loi nº 543/XI, qui définit la conversion des faux « recibos verdes » dans l’administration publique et des contrats emploi-insertion, en contrats de travail effectif,

– la proposition de loi nº 546/XI, qui adopte des mesures de lutte contre les faux « recibos verdes » et légifère sur les contributions des travailleurs indépendants,

– la proposition de loi nº 587/XI, qui institue le programme national de lutte contre la précarité du travail et le travail illégal.

Les politiques sociales à destination des familles

6. 

DANS LA DOUZIÈME ÉDITION DE LA PUBLICATION ANNUELLE
DES INDICATEURS SOCIAUX DE 2009

2.3. Proportion des familles monoparentales, par région (NUTS II)

 

(en pourcentage )

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

               

Portugal

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Continent

95,1

94,3

94,5

94,8

94,8

94,4

94,2

Nord

35,1

36,2

35,5

36,2

36,6

34,7

35,8

Centre

20,2

19,7

21,5

20,3

19,5

21,8

20,4

Lisbonne

29,5

28,4

27,9

28,1

29,5

28,8

28,2

Alentejo

6,9

6,0

5,8

6,2

5,4

5,4

6,1

Algarve

3,3

4,0

3,8

4,0

3,8

3,7

3,7

R. A. des Açores

1,9

2,6

2,4

2,1

2,5

2,4

2,4

R. A. de Madère

3,0

3,1

3,1

3,1

2,7

3,2

3,5

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : : INE – enquête sur l’emploi

Une étude spéciale publiée le 10 mai 2007, pour la Journée internationale de la famille montre, à la page 2, un tableau sur la distribution en pourcentage des agrégats domestiques privés par type d’agrégat, Portugal, 1999 et 2006.

7. La dernière proposition de loi présentée, relative aux familles monoparentales, a été la proposition de loi nº133/VIII - Droits des familles monoparentales ou biparentales, présentée durant l’année 2000.

8. Sur le site de l’INE-IP peut être consulté une étude spéciale publiée le 10 mai 2007, pour la commémoration du jour international de la famille, dans laquelle nous pouvons trouver sur les pages 3 à 5, une série de données concernant la conciliation de la vie professionnelle avec la vie familiale.

RÉPONSE DU PARLEMENT BRITANNIQUE

La performance des politiques sociales

1. Avant l’installation du gouvernement issu des élections générales de mai 2010, les objectifs à moyen terme des départements ministériels et des politiques publiques qu’ils mettaient en œuvre étaient définis dans des Public service agreements conclus avec le Trésor sur une base pluriannuelle, dont les derniers datent de 2007. Le gouvernement actuel a mis fin au dispositif des Public service agreements et l’a remplacé par un nouveau cadre général de performance publique. Celui-ci abandonne les objectifs et indicateurs définis et gérés au niveau central et met l’accent sur la responsabilité et la concurrence entre les acteurs des politiques publiques, dans le cadre d’un renforcement souhaité de la démocratie locale et de l’implication directe des citoyens dans la chose publique.

Au demeurant, dans le dispositif antérieur, le pilotage des politiques sociales par objectifs et indicateurs était le fait du seul gouvernement, même si, très souvent, les ministres s’appuyaient sur ceux-ci dans leurs échanges avec le Parlement.

Dans le champ des politiques sociales, le processus s’articule autour des éléments suivants :

– le ministère de la santé a établi un « plan d’activité 2011-2015 » (1re version en octobre 2010, version révisée en juillet 2011) qui présente 5 réformes structurelles prioritaires, en liaison avec les priorités politiques définies dans le programme de la coalition gouvernementale ; l’une de ces réformes prioritaires prévoit de laisser de côté les objectifs fixés par des « processus bureaucratiques » et d’orienter l’attention et les ressources du ministère vers l’amélioration des résultats obtenus en matière de santé ; une autre réforme prioritaire concerne la promotion de la santé publique, une autre la réforme de la protection sociale des adultes ;

– un « plan des réformes structurelles » définit quand et comment chacune des réformes prioritaires sera mise en œuvre pendant la période de référence du plan d’activité 2011-2015 ; chaque réforme est déclinée en actions précises dont l’état d’avancement fait l’objet d’un suivi mensuel (tableau synthétique reprenant l’ensemble des actions inscrites dans le plan) publié sur un site dépendant du Premier ministre et sur le site du ministère de la Santé ; les écarts au calendrier prévisionnel doivent être explicités ;

– dans ce cadre général, le ministère de la santé (comme les autres ministères) s’engage dans un démarche de transparence accrue, transparence perçue comme essentielle pour améliorer les résultats et la productivité des services publics, leur responsabilité et la qualité des prestations qu’ils délivrent ; pour ce faire, le plan d’activité 2011-2015 définit un ensemble d’indicateurs jugés particulièrement pertinents au niveau ministériel :

* des indicateurs d’« intrants » (coûts et activités) : par exemple, décomposition des dépenses du NHS selon les programmes, décomposition de la dépense de protection sociale pour adultes selon les programmes, coûts unitaires de traitement pour les séjours hospitaliers programmés, coûts unitaires de traitement pour les séjours hospitaliers en services d’urgence, etc. ;

* des indicateurs d’« impact » (résultats) : par exemple, différences géographiques en matière d’espérance de vie et de taux de morbidité, taux de mortalité pour des causes considérées comme évitables, réadmissions dans des services d’urgence dans un délai de 28 jours suivant une sortie d’hôpital, etc. ;

– parallèlement, pour chacune des 3 priorités évoquées ci-dessus (NHS, santé publique, protection sociale des adultes), le ministère de la santé a publié un livre blanc et organisé une consultation publique afin de définir un cadre général d’évaluation des résultats délivrés par les services publics ; chacun de ces trois cadres généraux a vocation à asseoir la responsabilité des instances de pilotage des politiques publiques concernées vis-à-vis des autorités politiques :

* Pour la priorité « NHS », le processus est arrivé à son terme avec la publication du NHS Outcomes framework 2011/12 (décembre 2010), dont la mise en œuvre va s’étaler sur plusieurs années, notamment avec la mise en place, par voie législative, d’un nouvel organe de pilotage et de direction du NHS ; le NHS Outcomes framework 2011/12 définit cinq domaines :

Traduction : 1. Empêcher la mortalité évitable – 2. Améliorer la qualité de vie des personnes les plus âgées – 3. Favoriser le rétablissement après des épisodes pathologiques ou des blessures – 4. S’assurer de la satisfaction des patients – 5. Mettre en œuvre des soins et des traitements dans un environnement sécurisé et renforcer la protection contre les dommages évitables.

1ère catégorie : Efficacité – 2e catégorie : Satisfaction du patient – 3e catégorie : Sécurité

Chaque domaine est structuré autour : (a) d’un ou deux indicateurs fondamentaux permettant au secrétaire d’État à la santé de suivre globalement les progrès du NHS dans ce domaine ; (b) d’un petit ensemble de « zones de progrès » (et des indicateurs associés), pour lesquelles le directoire du NHS sera tenu d’améliorer les résultats parce qu’il est manifeste que des gains significatifs en termes de santé publique y sont possibles ; (c) d’un ensemble de normes de qualité de soins, développées ou à développer par le NHS National Institute for Health and Clinical Excellence ;

* Pour la priorité « santé publique », le processus de consultation est achevé mais le Gouvernement n’a pas encore finalisé le futur Public Health Outcomes Framework, dont le projet porté à la connaissance du public recense cinq domaines :

Traduction : 1. Sécurité sanitaire : protéger la population d’urgences sanitaires majeures et s’en prémunir. 2. S’attacher aux facteurs déterminants l’état de santé : s’attacher aux facteurs qui affectent la santé et le bien-être et les inégalités de santé. 3. Améliorer la santé : favoriser des conditions de vie saines pour la population, prendre des orientations favorable à la santé et réduire les inégalités de santé. 4. Prévention des pathologies : réduire le nombre de personnes vivant avec des problèmes de santé évitables et réduire les inégalités de santé. 5. Espérance de vie en bonne santé et mortalité évitable : prévenir la mortalité évitable et réduire les inégalités de santé.

* Des listes d’indicateurs ont été soumises à la consultation pour chaque domaine ; le Gouvernement a insisté sur le fait que ce cadre général d’évaluation des résultats ne serait pas un outil de gestion de la performance, mais un moyen cohérent de présenter les données les plus pertinentes en matière de santé publique, tant au plan national qu’au plan local ; le document soumis à consultation indique qu’un petit nombre d’indicateurs seraient particulièrement attachés au suivi des progrès obtenus pour les pathologies ayant l’impact le plus important sur la santé publique (obésité, usage du tabac, consommation d’alcool, exercice d’activités physiques, etc.) et que les autres indicateurs couvriraient les autres champs de la santé publique, y compris les politiques de prévention, et auraient vocation à refléter plus largement les autres déterminants de la santé publique ;

* Pour la priorité « protection sociale des adultes » (politique publique dont la mise en œuvre est partagée entre le gouvernement central et les collectivités locales), le processus est arrivé à son terme avec la publication du Transparency in outcomes : a framework for quality in adult social care (mars 2011), qui définit quatre domaines, auxquels sont associés des séries d’indicateurs :

Traduction : 1. Améliorer les conditions de vie des personnes dépendantes – 2. Retarder et réduire les besoins d’assistance. – 3. S’assurer de la satisfaction des patients. – 4. Protéger les adultes les plus vulnérables et les protéger contre les maux évitables.

Là encore, le Gouvernement indique clairement que le cadre général fixé à l’issue de la consultation ne constituera pas un outil de gestion centralisée de la performance opposable aux assemblées délibérantes locales ; la gestion de la performance sera l’affaire des seules autorités locales et le cadre général pourra, par exemple, être utilisé pour établir des comparaisons.

2. D’avril 1983 à août 2010, une Commission de l’audit établie par la loi a été chargée de piloter l’ensemble des activités d’audit et d’évaluation relatives aux collectivités locales et aux organismes publics locaux, en Angleterre et au Pays de Galles (réglementation de l’audit local, réalisation directe d’audits et d’évaluations, recherche, etc.). Employant près de 2 000 personnes et financée principalement par les institutions auditées, elle supervisait près de 11 000 collectivités et organismes et environ 200 milliards de livres de dépenses publiques. Elle avait été établie pour maîtriser la dépense publique locale et améliorer son efficacité. L’annonce de sa dissolution par le secrétaire d’État chargé des pouvoirs locaux, en août 2010, a été motivée par l’argument que les travaux de la commission étaient de moins en moins orientés vers l’amélioration de la responsabilité des institutions locales envers les citoyens et de plus en plus vers le contrôle du respect d’objectifs imposés par le gouvernement central.

Un nouveau système d’audit des institutions locales et d’évaluation des politiques locales devrait être mis en place pour l’année budgétaire 2012-2013.

3. Les Select Committees remplissent ce rôle : à la Chambre des Communes, il existe un Select Committee par département ministériel, qui exerce sa mission dans 3 directions : les dépenses, les politiques publiques et l’administration générale du ministère et des organismes publics qui en dépendent. Ceux-ci incluent les autorités de régulation ainsi que les organismes publics hors ministère et autres quangos [acronyme principalement utilisé au Royaume-Uni et en Irlande, qui désigne un organisme privé auquel l’État a confié une mission de service public et dont les dirigeants peuvent parfois être nommés par le Gouvernement ; l’acronyme recouvre plusieurs expressions légèrement différentes : celle qu’en donne un récent rapport du Public Administration Select Committee est “quasi-autonomous non-governmental organisation” (cf. rapport HC 537 Smaller Government : Shrinking the Quango State, 7 janvier 2011]. Chaque Select Committee fait une évaluation du rapport annuel et des comptes annuels du département ministériel qu’il est chargé de superviser.

Le champ d’intervention de certains Select Committees dépasse parfois le domaine de compétence d’un ministère : c’est le cas, par exemple, du Public Accounts Committee et de l’Environmental Audit Committee.Plusieurs Select Committees interviennent dans le champ social : Education Committee, Health Committee, Work and Pensions Committee. Les rapports établis par le Health Committee sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.parliament.uk/business/committees/committees-a-z/commons-select/health-committee/publications.

L’évaluation des politiques publiques s’appuie aussi sur les travaux du National Audit Office, qui sont adressés au Public Accounts Committee et sont essentiellement consacrés à l’analyse coût-efficacité des politiques publiques. Les rapports du Public Accounts Committee ne prennent pas position sur le bien-fondé des politiques publiques, ce qui est l’affaire des Select Committees à vocation ministérielle.

Le retour à l’emploi

4. La commission compétente en matière d’emploi est le Work and Pensions Committee. Au cours de la session actuelle, elle a publié un rapport (mai 2011) sur le Work Programme, projet gouvernemental tendant à remplacer tous les contrats aidés par un dispositif unique ; dans ce rapport, la commission insiste sur la nécessité d’éviter tout doublon entre les organismes sous contrat avec le ministère du Travail et Jobcentre Plus, division du ministère du Travail chargée d’orienter les demandeurs d’emploi vers le dispositif, de suivre leur parcours d’insertion et, éventuellement, de sanctionner les éventuels manquements.

Au cours de la session 2009-2010, la commission a publié un rapport (mars 2010) sur la gestion et l’administration des contrats aidés, qui évoquait la prévention et la lutte contre la fraude, l’amélioration du service rendu aux bénéficiaires des contrats, la politique envers les groupes les plus vulnérables et la gestion des sous-traitants. Au cours de la session 2008-2009, la commission a examiné l’exécution des deux Public service agreements conclus par le ministère du Travail, en concentrant ses travaux d’une part, sur l’insertion des personnes handicapées et, d’autre part, sur la lutte contre la pauvreté et l’amélioration du bien-être aux âges avancés.

5. Aucun texte relatif à la politique de l’emploi n’a été déposé jusqu’ici par le gouvernement issu des élections de 2010. Le sujet prioritaire de l’agenda gouvernemental en matière d’emploi public est la réforme du système des pensions de retraite dans la fonction publique, pour laquelle des consultations sont en cours.

Liste des lois, projets de loi et propositions de loi relatifs à la politique de l’emploi (législature actuelle) :

proposition de loi sur l’emploi des jeunes (juillet 2011, en instance à la Chambre des Communes)

proposition de loi sur la préservation de l’emploi au profit des personnes handicapées (novembre 2010, en instance à la Chambre des Communes)

proposition de loi sur l’exemption d’évaluation des risques professionnels pour les auto entrepreneurs (octobre 2010, en instance à la Chambre des Communes)

proposition de loi sur l’égalité et la diversité (octobre 2010, rejetée)

proposition de loi sur les opportunités d’emploi (juillet 2010, rejetée)

proposition de loi sur le salaire minimum et la formation professionnelle (juillet 2010, retirée)

proposition de loi sur le salaire minimum (juillet 2010, retirée)

Liste des lois, projets de loi et propositions de loi relatifs à la politique de l’emploi (législature précédente, jusqu’en 2009) :

loi sur l’école, l’apprentissage, la formation professionnelle (12 novembre 2009)

loi portant réforme de la protection sociale (12 novembre 2009)

proposition de loi sur la protection de l’emploi local (juin 2009, caduque)

proposition de loi sur le salaire maximal (juin 2009, caduque)

proposition de loi sur la préservation de l’emploi au profit des personnes handicapées (mars 2009, caduque)

proposition de loi sur les opportunités d’emploi (février 2009, caduque)

proposition de loi sur le droit à l’emploi des Britanniques (février 2009, caduque)

proposition de loi sur l’égalité salariale et le travail flexible (janvier 2009, caduque)

Les politiques sociales à destination des familles

6. Le travail le plus récent a été publié par le Work and Pensions Committee en juillet 2011 : dans son rapport The Government’s proposed child maintenance reforms, la commission a notamment proposé que les sommes dues au titre de l’entretien de l’enfant par le parent qui n’en a pas la charge directe soient prélevées directement sur son salaire ou sur ses comptes bancaires ; sur le même sujet, elle a également apporté son soutien à la volonté gouvernementale de privilégier les solutions trouvées par voie d’accord direct entre les parents plutôt que par recours à l’administration publique chargée de collecter les sommes dues et de les reverser aux parents ayant la garde de leur enfant.

Ce travail fait suite à des rapports établis sur le même sujet en octobre 2010 et en février 2010. En mars 2007, un rapport consacré à une réforme du soutien à l’enfance contenait également quelques développements sur les familles monoparentales.

7.  Aucune mesure spéciale n’a été annoncée ou débattue au Parlement. Depuis l’entrée en fonction du Gouvernement actuel, les débats se sont focalisés sur l’intérêt, pour un enfant, d’être élevé par ses deux parents ou par un seul et sur l’opportunité, pour le Gouvernement, de favoriser le mariage par rapport à d’autres formes de vie commune, notamment par l’intermédiaire de la fiscalité.

8. Le programme de coalition indique que « le Gouvernement est convaincu que des familles fortes et stables, de toutes sortes, sont le socle d’une société forte et stable. C’est pourquoi nous devons rendre notre société plus amène envers la famille et nous devons prendre des mesures pour protéger les enfants d’une participation excessive à des activités commerciales et d’une confrontation prématurée à la sexualité. »

Le programme de coalition dit aussi que le Gouvernement cherchera à encourager une parentalité partagée dès les premières étapes de la grossesse, ce qui inclut la promotion d’un système de congé parental flexible.

RÉPONSE DU PARLEMENT SUÉDOIS : SUIVI ET ÉVALUATION AU RIKSDAG

Des informations nous sont demandées relativement aux procédures de suivi et d’évaluation mise en œuvre au Riksdag. Outre une vue d’ensemble, il nous est également demandé de présenter les dernières évolutions dans trois domaines spécifiques : politiques sociales, politiques de l’emploi et politiques familiales.

La note décrit le système de suivi et d’évaluation en place au Riksdag et au gouvernement. Le rôle des organismes publics et des collectivités locales est explicité.

S’agissant du suivi et de l’évaluation dans les domaines des politiques sociales et de l’emploi en particulier, certains exemples sont donnés sur les grandes priorités en la matière et sur les discussions, réformes et décisions récentes ou en cours. Ainsi qu’on le verra dans ce qui suit, la plupart des activités de suivi et d’évaluation sont réalisées en dehors du Riksdag. Ces procédures sont décrites au travers de quelques exemples.

Suivi et évaluation au Riksdag

Depuis le 1er janvier 2011, il est inscrit dans la loi fondamentale « instrument du gouvernement » (498) que les commissions du Riksdag sont tenues de suivre et d’évaluer les décisions du parlement. Auparavant, seule la loi sur le Riksdag (499) régissait cette obligation. L’idée est que ces activités vont désormais être développées plus avant. À deux reprises dernièrement, le Riksdag a adopté des décisions concernant les activités de suivi et d’évaluation des commissions. Les commissions parlementaires travaillent à des degrés divers sur ces questions de plusieurs manières, depuis un certain nombre d’années. Ainsi, un suivi peut être exercé, par exemple, avant l’examen d’une question d’ordre législatif, ou avant un projet d’affectation budgétaire dans le projet de loi de finances, ou encore pour préparer un projet de motion parlementaire sur une question particulière. Un suivi peut également être exercé par une commission organisant de sa propre initiative une audition publique ou une visite d’étude pour clarifier des questions relevant de sa compétence et obtenir ainsi des informations pouvant être exploitées durant ses délibérations.

Certaines commissions sont dotées de groupes spéciaux de suivi et d’évaluation, composés de parlementaires issus de différents partis politiques. Ces groupes peuvent examiner des propositions d’études, assurer leur suivi et remettre un rapport à la commission, avec leur évaluation et leurs conclusions.

D’autres commissions demandent aux fonctionnaires de l’administration du Riksdag ou à des experts indépendants de préparer un rapport de suivi qui leur sera soumis pour examen. Ces rapports sont en principe pris en compte dans les rapports préparés par les commissions dans le cadre d’un projet de loi, d’une communication écrite ou d’une motion parlementaire.

L’administration du Riksdag a alloué des ressources pour soutenir le travail de suivi et d’évaluation des commissions parlementaires. Ce soutien est assuré par les fonctionnaires du secrétariat des commissions et par la division d’évaluation et de recherche du service des études du Riksdag. Il est également possible de s’assurer un appui extérieur.

Les activités de suivi et d’évaluation des commissions impliquent à la fois un travail d’analyse approfondi et un travail de suivi régulier qui s’effectue de diverses manières.

L’une constitue en quelque sorte une étape dans la préparation de l’état annuel des opérations de l’État du projet de loi de finances, qui permet à la commission concernée de procéder à son propre travail d’analyse et d’évaluation des résultats des programmes publics au regard des objectifs et dotations budgétaires approuvés par le Riksdag. Cette analyse peut également intervenir dans le cadre de l’examen des états de résultat, dans des communications écrites et des lois spéciales.

Le suivi régulier peut prendre diverses autres formes : matériel d’information à l’intention d’une commission, visites d’étude, auditions, séminaires et réunions d’information avec présentation de rapports actualisés préparés par le gouvernement, des organismes publics ou d’autres acteurs.

Il arrive que les commissions du Riksdag choisissent de procéder à un suivi et une évaluation plus approfondis sur un sujet particulier. Il peut s’agir, par exemple, d’examiner si l’objectif d’une loi ou d’une aide financière a bel et bien été atteint. Cette analyse plus fouillée peut passer, par exemple, par des entretiens, des enquêtes et l’examen de statistiques et de divers documents. Ses résultats sont souvent consignés dans un rapport publié dans la série RFR (rapports du Riksdag), qui est ensuite pris en compte par la commission dans son rapport.

Dans ce contexte, il convient de noter que les commissions examinent les audits effectués par l’Office national d’audit. Depuis le 1er janvier 2011, l’Office national d’audit soumet directement ses évaluations de performances au Riksdag. En principe, le gouvernement répond dans un délai de quatre mois par une communication écrite au Riksdag, donnant son point de vue sur les observations formulées par l’Office. Le Riksdag insiste particulièrement sur l’importance du transfert et de l’exploitation de l’expérience acquise à partir des audits de l’Office pour prendre toute décision sur l’orientation future des activités de suivi des commissions.

Suivi et évaluation au niveau du gouvernement

La loi sur le budget (SFS 2011:203) dispose que le gouvernement présente, dans son projet de loi de finances, un état des résultats obtenus en regard des objectifs des mesures et programmes approuvés par le Riksdag. Si ce dernier a décidé d’affecter les dépenses à certains secteurs, cet état financier devra être présenté conformément aux décisions d’affectation.

Le projet de loi de finances annuel comporte un état de la politique en faveur de l’égalité hommes-femmes, et plus spécialement de l’égalité économique. Un certain nombre d’indicateurs applicables aux objectifs et aux résultats de la politique en faveur de l’égalité y figurent.

Le gouvernement peut également adresser un rapport spécial au Riksdag dans le but d’informer celui-ci des mesures prises dans ce domaine et des résultats obtenus jusque-là.

Organismes publics

Les organismes publics sont au nombre d’environ 300 en Suède. Le Conseil national de santé et de prévoyance, responsable devant le ministère de la Santé et des Affaires sociales, en constitue un exemple. La mission des organismes publics est de mettre en œuvre les décisions adoptées par le Riksdag et le Gouvernement. Ces instances sont autonomes en ce sens qu’elles agissent sous leur propre responsabilité, dans le respect de la législation et des directives gouvernementales. Toutefois, leur travail et leurs résultats font l’objet d’un contrôle et d’une évaluation par le gouvernement.

Les organismes publics effectuent de nombreuses missions de suivi et d’évaluation sur différentes questions, en principe à la demande du gouvernement, dans les instructions écrites que celui-ci leur transmet chaque année.

L’Agence suédoise de gestion publique est un organisme chargé de missions d’étude et d’évaluation pour le compte du gouvernement, mais également dans le cadre de conventions passées avec les Services du gouvernement et les commissions publiques. L’agence rend compte de l’impact de l’action des pouvoirs publics et analyse l’efficacité de leur activité.

Les conseils municipaux, les conseils de comté et leur association

La Suède compte 290 communes. Chacune est dotée d’un conseil municipal élu qui a compétence sur la plupart des questions d’administration locale, notamment sur les services sociaux. Leurs activités sont financées au premier chef par des recettes fiscales et jusqu’à un certain point, par des redevances et des subventions de l’État. Les municipalités disposent d’une grande marge de manœuvre pour organiser leurs activités à leur convenance. Leurs prérogatives découlent de la loi sur les collectivités locales et des lois et décrets régissant certaines matières spécifiques comme la loi sur les services sociaux, par exemple.

Il existe par ailleurs 18 conseils de comté et deux conseils régionaux. Les services de santé et le développement régional constituent leurs principaux domaines de compétence.

Les conseils municipaux et les conseils de comté transmettent à l’organisme public compétent les statistiques et autres informations nécessaires pour le suivi. Quant à l’Association suédoise des collectivités locales et régionales (SALAR), elle compile également des informations aux fins du suivi, qu’elle recueille auprès des municipalités de sa propre initiative, ou sinon dans le cadre d’un projet mené en collaboration avec l’organisme public compétent.

Politiques sociales

Supervision

L’État veille au respect des lois, décrets et règlements adoptés par le Riksdag, le gouvernement et l’administration centrale dans le secteur des services de santé et de soins. Il dispose d’un important pouvoir de supervision lui permettant d’exercer un contrôle sur ce secteur. Cette tutelle a pour finalité la prévention, par une politique d’appui et de contrôle, des accidents et l’élimination des risques dans les services de santé et de soins et dans les services sociaux. La supervision proprement dite est assurée par le Conseil national de santé et de prévoyance, organisme public de l’administration centrale. Le Riksdag n’a pas réalisé d’évaluation récente des politiques sociales.

Évaluation du secteur de la santé

Le Conseil national de santé et de prévoyance procède à des évaluations sectorielles. Les conseils de comté mènent leurs propres évaluations.

Le Conseil national d’évaluation des technologies médicales est un organisme public mandaté par le gouvernement suédois pour procéder à une évaluation globale médicale, économique, éthique et sociale des technologies médicales.

L’Agence suédoise d’analyse des services de santé et de soins est une nouvelle agence qui rend compte au ministère de la Santé et des Affaires sociales. Cette agence procédera à l’analyse et à l’évaluation, du point de vue des citoyens et des patients, des mesures mises en œuvre dans le secteur de la santé et des soins. Cette agence a été instituée par le gouvernement, le 1er janvier 2011. Elle sera installée progressivement et sera opérationnelle à partir de 2011-2012.

Comparaisons et évaluations ouvertes nationales

Le système de santé suédois est décentralisé. Il incombe aux 20 conseils de comté et conseils régionaux, ainsi qu’à une commune (dotée des compétences dévolues à un compté), de fournir à leurs administrés des services hospitaliers, des soins de santé primaires, des services psychiatriques et d’autres services sanitaires.

Des comparaisons ouvertes sont établies à partir d’analyses reposant sur des indicateurs de qualité et d’utilisation des ressources dans les secteurs de la santé et des soins, des services sociaux et de la santé publique, dont les résultats font l’objet de rapports au niveau des régions, des comtés, des communes et des hôpitaux.

Des initiatives sont en cours pour élaborer des indicateurs. Pour l’instant, le Conseil national de santé et de prévoyance a élaboré des indicateurs de qualité et d’efficacité des soins, applicables au système de santé en général ainsi qu’à différents types de maladies, notamment aux maladies cardiovasculaires, aux accidents vasculaires cérébraux et aux cancers.

Les rapports mentionnés ci-dessus ont pour finalité première d’accroître la transparence du système de santé, financé par des fonds publics. Leur autre finalité est de promouvoir la gestion et le contrôle de ce système. À partir des activités de suivi et d’évaluation, le Conseil national de santé et de prévoyance va également émettre des recommandations claires à l’intention des conseils de comté et de l’État concernant les services de santé et de soins qu’il conviendrait d’améliorer.

La prise en charge des enfants et des jeunes, les soins de santé et l’accompagnement social des personnes âgées et l’aide aux personnes atteintes de déficiences fonctionnelles sont les secteurs pour lesquels le Conseil national de santé et de prévoyance a élaboré des indicateurs.

Les comparaisons ouvertes nationales utilisent des informations issues des registres de qualité nationaux, lesquels renferment des données individuelles sanitaires et médicales sur les problèmes rencontrés, les mesures mises en œuvre et les résultats dans différents secteurs. Ces données relèvent principalement de trois catégories : données relatives aux patients, détails sur les mesures de soins appliquées et indications sur les résultats en termes de santé, etc. Depuis peu, ces registres accordent un regain d’attention à la qualité vue du point de vue des patients.

Enquête auprès de la population sur la santé et les soins médicaux

L’Association suédoise des collectivités locales et régionales procède à une enquête périodique auprès de la population, couvrant la quasi-totalité du pays. Grâce à cette enquête intitulée « Baromètre santé », il est possible de mesurer en continu l’expérience de la population adulte en matière de santé et de soins médicaux, ses connaissances et ses comportements.

Rapports 2011 de l’Office national d’audit dans le secteur de la santé

Accès aux informations relatives aux patients

En Suède, les services de santé et de soins médicaux relèvent de plus en plus souvent désormais de l’initiative privée. Il est donc important de garantir l’efficacité et la sécurité des échanges d’informations sur les patients entre prestataires. Un plan stratégique national a été conçu, dont l’un des objectifs est de garantir aux personnels de santé un accès en temps opportun aux informations dont ils ont besoin. L’Office national d’audit a examiné si les initiatives de l’État ont effectivement contribué à la réalisation de cet objectif. Sa conclusion est que l’accès des personnels de santé aux informations sur les patients est encore très réduit.

Accompagnement des enfants et des jeunes atteints de déficiences fonctionnelles

L’Office national d’audit a examiné si l’accompagnement des enfants et des jeunes atteints de déficiences fonctionnelles est organisé de façon à soulager les familles concernées et à leur éviter tout problème de coordination. Cet examen indique qu’en dépit de plusieurs initiatives pour améliorer la coordination et la coopération entre les organisations et les différents intervenants, ce sont encore les parents qui doivent assumer l’essentiel des responsabilités. Le manque d’information ne fait que compliquer les choses un peu plus.

Cette surcharge qui pèse sur les parents au niveau de la coordination aboutit à une impossibilité pour ces familles de vivre la même vie que les autres familles avec enfants. Afin de faciliter la coopération et la coordination entre organisations et intervenants, l’Office national d’audit préconise que le gouvernement engage un projet pilote, mobilisant des coordinateurs.

S’agissant de remédier au manque d’information, l’Office national d’audit recommande que le gouvernement charge le Conseil national de santé et de prévoyance d’élaborer, en concertation avec les autorités compétentes, un guide d’information national sur les structures d’accompagnement et les organisations compétentes.

Politique de l’emploi

Ce paragraphe propose une brève description des évaluations auxquelles a procédé l’Office national d’audit dans le domaine de la politique de l’emploi, illustrée par des exemples d’initiatives du Riksdag et du gouvernement dans ce même domaine.

Évaluations de l’Office national d’audit de la politique de l’emploi 2009-2011

Initiatives du gouvernement à l’intention des diplômés universitaires ayant acquis leur qualification à l’étranger

L’Office national d’audit a passé en revue les initiatives du gouvernement dans le secteur éducatif qui ont pour but d’utiliser les compétences des diplômés universitaires ayant acquis leur qualification à l’étranger. L’idée de départ était de voir si ces initiatives atteignent leur but et si elles sont efficaces et permettent effectivement à des diplômés universitaires formés à l’étranger de s’établir sur le marché du travail suédois, dans une profession correspondant à leur niveau d’études. La conclusion de cet examen a été qu’il reste de la marge pour adapter encore le système actuel et le rendre plus efficace. Il est impératif de fournir plus en amont une information claire. L’évaluation des qualifications universitaires étrangères prend généralement beaucoup de temps avant que celles-ci puissent servir de base à une évaluation du niveau d’études, à une qualification pédagogique et à toute autre certification.

Chômeurs saisonniers et assurance-chômage

L’Office national d’audit a examiné si le gouvernement et les administrations centrales compétentes s’étaient employés à faire en sorte que les périodes de chômage des travailleurs saisonniers ne se prolongent pas inutilement. Les chômeurs saisonniers ne parvenant pas à trouver un emploi convenable sur leur lieu de résidence doivent changer de métier ou de résidence pour trouver du travail les occupant la plus grande partie de l’année. L’Office national d’audit observe que le service public de l’emploi (SPE) suédois ne permet pas aux travailleurs saisonniers de bénéficier des mesures en faveur de l’emploi et qu’il est moins exigeant que pour les autres demandeurs d’emploi pour ce qui est de la recherche active d’un travail. L’Office national d’audit considère que le SPE est en mesure de pouvoir aider les chômeurs saisonniers à réduire leurs périodes d’inactivité sur l’année en leur ouvrant plus largement l’accès aux mesures d’aide à l’emploi et en exigeant d’eux qu’ils soient plus actifs dans leur recherche de travail. Cette catégorie est numériquement modeste par rapport aux autres catégories de chômeurs en Suède : toutefois, l’Office national d’audit montre que la collectivité pourrait financièrement y gagner si les travailleurs saisonniers travaillaient à temps plein toute l’année.

Activités de liaison du service public de l’emploi avec les employeurs

L’Office national d’audit s’est penché sur la gestion et le contrôle du travail de liaison du Service public de l’emploi avec les employeurs.

L’évaluation montre que ce travail de liaison du SPE a évolué dans le bon sens. Cependant, les autres missions du SPE étant plus réglementées, il peut arriver que par manque de temps, les contacts avec les employeurs soient négligés. L’évaluation montre que le gouvernement ne demande pas de comptes sur cette mission de liaison, ce qui peut rendre son suivi difficile. L’évaluation montre également que le SPE pourrait en développer certains aspects.

Expérience professionnelle

L’Office national suédois a évalué l’impact sur les opportunités d’emploi du programme d’orientation vers l’expérience professionnelle, lancé en 2007, qui consiste pour le SPE à placer des demandeurs d’emploi (hors de tout contrat de recrutement) chez des employeurs pour y acquérir une expérience professionnelle pendant une durée limitée, et examiné les informations à partir desquelles le gouvernement a décidé d’investir massivement dans ce programme.

Cette évaluation a été motivée par la dégradation récente de la conjoncture économique, par l’étendue du champ d’application de ce programme et par le fait que les programmes en faveur de l’emploi ont vocation à renforcer l’aptitude de chacun à accéder à l’emploi ou à y demeurer. Ni l’évaluation de l’Office national d’audit, ni l’expérience concrète acquise antérieurement, n’ont permis d’établir que le programme d’orientation vers l’expérience professionnelle avait eu plus d’impact sur les opportunités d’emploi que les autres programmes.

Gouvernance de la politique de l’emploi

L’Office national d’audit a examiné la manière dont la politique de l’emploi est gérée. Ses conclusions montrent notamment que l’évaluation d’impact est peu prise en compte lorsque les pouvoirs publics examinent les résultats des opérations du service public de l’emploi. De même, cet examen ne repose pas assez solidement et explicitement sur les objectifs formulés. L’Office indique que la gestion des performances du SPE est entachée de plusieurs faiblesses ; ainsi, il n’existe aucun indicateur de résultats sur les services de placement de chaque bureau du SPE. De même, les modèles de répartition des ressources du SPE sont imparfaits et pourraient entraîner un risque que les financements ne soient pas affectés conformément à ce qui a été établi par le SPE.

Programme de garantie d’emploi et de perfectionnement en faveur des chômeurs de longue durée

Le programme « garantie d’emploi et perfectionnement » a été mise en place en 2007 et constitue actuellement le principal programme d’activation du marché du travail. L’Office national suédois a examiné cette garantie en s’attachant plus particulièrement à sa conception et aux modalités de contrôle, ainsi que l’évaluation qui en est faite par le SPE et par le gouvernement.

L’évaluation a révélé des faiblesses dans le contrôle des pouvoirs publics et dans la gestion et le suivi de ce dispositif par le SPE. Son évaluation n’est pas une priorité pour le gouvernement. La mesure n’est pas non plus adaptée à un trop grand nombre de bénéficiaires. L’Office recommande au gouvernement d’en améliorer le contrôle. En outre, il convient que le SPE assure un meilleur suivi pour mieux définir les priorités entre ses opérations et offrir une prestation aux bénéficiaires en fonction de leurs besoins individuels. Il faudrait aussi inciter les autres instances concernées à rehausser le niveau de qualité de leurs services.

L’Institut d’évaluation des politiques de l’emploi

L’Institut d’évaluation des politiques de l’emploi (IFAU) est un institut de recherche qui dépend du ministère de l’Emploi et qui a pour mission d’étudier le fonctionnement du marché du travail. Son objectif est de promouvoir, de soutenir et de réaliser des études scientifiques. Un résumé de deux évaluations récentes est présenté ci-après.

Importance du rôle des conseillers pour l’emploi – Nouvelles données scientifiques sur les bureaux du SPE

Les conseillers pour l’emploi du SPE jouent un rôle important en aidant les chômeurs à trouver un emploi. L’IFAU évalue l’impact de leur travail sur le taux d’activité futur des demandeurs d’emploi et sur leurs rémunérations et salaires. Les résultats montrent que les conseillers ont un impact sur l’emploi futur des demandeurs d’emploi et sur leurs rémunérations. La probabilité d’une embauche en un an est 13 % supérieure si le conseiller se situe à un écart type plus haut dans la distribution. Ce qui distingue un bon conseiller pour l’emploi, c’est qu’il aide les demandeurs d’emploi dont il s’occupe à trouver du travail, plutôt que de les renvoyer vers divers programmes de formation.

Incitations à l’offre de main-d’œuvre, garantie de revenu et fiscalité en Suède

Comparativement aux autres pays de l’UE, la Suède affiche des taux d’activité élevés chez les seniors et les femmes. Ce constat est cohérent avec l’idée que le cadre institutionnel est déterminant : l’accès à des structures de garde d’enfants, le congé parental rémunéré et le système d’imposition fondé non sur le revenu du ménage, mais sur le revenu individuel, expliquent probablement le fort taux d’activité des femmes en Suède. Sans compter que selon les informations scientifiques disponibles, la conception des régimes de retraite a un impact sur le taux d’activité des seniors. Les politiques d’activation du marché du travail peuvent aider à favoriser un fort taux d’activité mais elles ne sauraient constituer sur longue période un instrument déterminant pour faire augmenter l’emploi et le taux d’activité.

Projets de loi et communications écrites

Le gouvernement a soumis un nouveau projet de loi en 2010 relatif à la liberté de choix dans les activités du SPE. Ce projet permet au SPE, dans le cadre de sa mission, de donner plus de liberté de choix aux demandeurs d’emploi, principalement pour ce qui est du recours à d’autres prestataires, notamment dans le secteur de l’accompagnement dans l’emploi. Le système repose sur l’absence de toute concurrence entre prestataires sur les prix. Le demandeur d’emploi se voit au contraire proposer de choisir, parmi les prestataires avec lesquels le SPE a conclu un accord, celui dont il estime qu’il lui assurera la meilleure qualité de service.

Le gouvernement a proposé en 2011 d’amender la loi sur les horaires de travail et celle sur l’environnement de travail.

Des directives et des cadres budgétaires ont été proposés pour le secteur de l’emploi dans le projet de loi de finance annuelle et dans le projet de loi de finance de printemps.

Un plan d’action national 2010-2015 est proposé par le gouvernement dans une communication écrite. En bref, ce plan impliquerait que la politique sur l’environnement de travail ait pour finalité, comme auparavant, de réduire les risques d’accidents ou de maladies professionnels ; toutefois et plus que précédemment, ce texte vise à ce que l’environnement de travail soit épanouissant et favorise un bon état de santé des travailleurs. L’environnement de travail comme facteur de réussite et outil de compétitivité doit être plus visible.

Évaluations, rapports et motions parlementaires

Sont mentionnés ci-après un certain nombre de faits sur l’activité du Riksdag au cours de l’année écoulée :

Rapports des commissions et motions parlementaires

Au printemps 2007, le Riksdag a adopté un nouveau type de programme en faveur des chômeurs de longue durée, le programme « garantie d’emploi et perfectionnement ». L’un des trois volets de ce programme a été vivement critiqué et la commission Emploi a donc proposé dans son rapport que le gouvernement en amende le texte par décret ou par tout autre moyen.

Des députés ont présenté plusieurs motions au cours de l’an passé sur diverses questions et notamment, sur la modification de la législation relative à la sécurité de l’emploi, aux horaires de travail et au travail des plus de 67 ans.

Rapport de suivi et d’évaluation de la commission Emploi sur les activités de promotion de l’emploi au niveau local

La commission Emploi a décidé, en octobre 2011, de réaliser une étude sur les activités de promotion de l’emploi au niveau des communes suédoises. Cette étude a été confiée à un chercheur de l’université d’Uppsala.

Politique de la famille

Lorsqu’il existe des indicateurs dans un domaine d’action, ces derniers sont normalement élaborés par les organismes compétents et définis par le gouvernement, tandis que les objectifs généraux sont fixés par le Riksdag. La structure et la forme de ces indicateurs sont variables.

Le gouvernement a déclaré que sa politique familiale a pour objectif de renforcer la maîtrise des parents sur leurs choix de vie et d’accroître la liberté de choix des familles. La politique familiale doit permettre aux parents de concilier leur vie professionnelle et familiale en améliorant la possibilité, pour les deux parents, de travailler et de s’occuper de l’éducation de leurs jeunes enfants.

Le gouvernement conclut sur l’idée que la politique d’aide financière aux familles offrira à chacune d’elles la possibilité d’avoir un niveau de vie financièrement confortable. La situation des enfants dans les familles monoparentales est un sujet de préoccupation, notamment en cas de maladie du parent isolé.

Les questions concernant les parents isolés et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ont été examinées au Riksdag. Outre les motions écrites et les questions orales soumises par des députés, ces questions ont été mises au débat dans le cadre des projets de loi relevant de la politique familiale du gouvernement. Aucun travail de suivi ou d’évaluation particulier n’a été mené.

Parents isolés

Le système d’assurance sociale suédois repose sur l’individu et compense l’insuffisance de revenu lorsqu’une personne est dans l’incapacité de subvenir à ses besoins par son travail du fait, par exemple, qu’elle doive s’occuper de son enfant. Les prestations universelles sont versées à tous au même taux et incluent notamment une allocation pour enfant à charge. Quant aux prestations sous conditions de ressources, elles comportent, entre autres, une allocation logement.

Le Riksdag a alerté le gouvernement en 2006 sur la nécessité d’étudier la situation économique des parents isolés et de leurs enfants. En 2009, le gouvernement a diligenté une étude pour examiner les modalités de coopération entre parents ne vivant pas sous le même toit sur les questions d’entretien et d’éducation des enfants et le mode de partage des responsabilités entre eux. Un rapport a été produit en juin 2011.

Équilibre vie professionnelle et vie privée

Quelques exemples sont donnés ci-après sur des décisions récentes de politique familiale, dont l’objet est d’améliorer sous divers aspects la situation des familles.

À compter du 1er janvier 2012, les parents auront la possibilité de prendre ensemble un congé parental rémunéré jusqu’au premier anniversaire de l’enfant. À compter de cette même date, des ajustements seront opérés dans le régime au profit de l’égalité des prestations du congé parental.

Depuis le 1er juillet 2007, toute personne qui engage quelqu’un pour des services de ménage ou de garde d’enfants à domicile, par exemple, bénéficie d’une réduction d’impôt de 50 % du montant des frais engagés. Depuis le 1er janvier 2008, il est également possible de bénéficier d’une réduction d’impôt lorsqu’un salarié obtient ce service auprès de son employeur, à titre de prestation. Cette réforme a été mise en place notamment comme un moyen permettant d’améliorer les conditions préalables pour que les hommes et les femmes puissent concilier, dans les mêmes conditions, leur vie professionnelle et leur vie familiale.

Références en anglais

Note d’information. Follow-up and evaluation by the Riksdag´s committees – a constitutional obligation. Parlement suédois/Sveriges Riksdag.

Informations sur l’Agence suédoise de gestion publique

http://www.statskontoret.se/in-english/

Informations sur l’Association suédoise des collectivités locales et régionales

http://english.skl.se/

Loi de finance suédoise (SFS 2011:203)

http://www.sweden.gov.se/sb/d/574/a/170387

Informations sur la politique d’aide financière aux familles. Services du gouvernement suédois

http://www.sweden.gov.se/sb/d/3827

RÉPONSE DU PARLEMENT SUISSE

La performance des politiques sociales

1, 2 et 3. Il n’y a pas en Suisse de tels outils de pilotage à destination ou utilisés par le Parlement. Toutefois, le Contrôle parlementaire de l’administration (CPA), qui est le centre de compétences de l’Assemblée fédérale en matière d’évaluation a été chargé, l’an passé, d’examiner le pilotage des assurances sociales par la Confédération. Son rapport devrait bientôt être soumis à la sous-commission compétente, mais il ne devrait être rendu public que l’année prochaine. Voici l’extrait du rapport annuel du CPA 2010 qui concerne les assurances sociales.

Pilotage des assurances sociales par la Confédération

La CdG-E a chargé le CPA de mener, dans le cadre de son programme annuel 2010, une étude sur le pilotage des assurances sociales par le Conseil fédéral. La sécurité sociale représente, avec une part de 31 %, le premier poste de dépenses du budget de la Confédération. En 2008, les recettes des assurances sociales se sont élevées à 151 milliards de francs et les dépenses à 124 milliards de francs. Le droit suisse des assurances sociales est structuré autour des différents risques sociaux. Chaque risque – l’âge, l’invalidité ou l’accident, par exemple – est ainsi couvert par une loi spécifique. Au total, cinq offices fédéraux relevant de quatre départements sont compétents pour veiller à l’exécution des dix lois différentes, à leur financement global et à la collecte des données statistiques correspondantes.

Compte tenu de l’importance économique et sociale des assurances sociales et de leurs liens étroits en matière de buts, de financement et de mise en oeuvre, une vue globale des assurances sociales apparaît nécessaire. Mais les instruments du pilotage stratégique sont conçus pour répondre aux objectifs des branches spécifiques des assurances sociales. Selon plusieurs membres du Parlement et plusieurs interlocuteurs des cantons et des communes, ce morcellement signifie que les données collectées, la planification financière et les rapports fournis sont le reflet d’une approche sectorielle et qu’ils ne permettent pas une vue d’ensemble. L’appréciation de la marge de manoeuvre du Conseil fédéral et sa manière d’exploiter cette marge sont fortement contestées.

Le 24 juin 2010, la sous-commission compétente de la CdG-E a retenu les principales questions ci-dessous pour l’évaluation :

–  Comment le pilotage stratégique du Conseil fédéral doit-il être jugé ?

– De quelle marge de manoeuvre le Conseil fédéral dispose-t-il sur la base de la législation ? De quelle façon le Conseil fédéral a-t-il exploité ses marges de manoeuvre dans un cas d’application concrète ?

– Quels sont les instruments du pilotage stratégique dans le domaine des assurances sociales ? Quels instruments le Conseil fédéral a-t-il utilisés dans les assurances sociales étudiées ? Ces instruments sont-ils adaptés au pilotage politique et opérationnel ainsi qu’à l’exercice de la haute surveillance ?

Le pilotage des assurances sociales par le Conseil fédéral est évalué au sein de quatre domaines des assurances sociales qui ont été sélectionnés par la sous-commission compétente le 20 octobre 2010 : assurance-vieillesse et survivants, assurance-invalidité, prévoyance professionnelle et assurance-maladie obligatoire. Pour ce faire, les activités de pilotage du Conseil fédéral au cours des deux dernières législatures seront décrites et évaluées. L’exploitation concrète de marges de manoeuvre, le caractère approprié des instruments de pilotage effectivement utilisés ainsi que la collaboration avec les cantons constituent les points principaux de l’analyse. En complément aux quatre études de cas, le pilotage d’ensemble de toutes les assurances sociales par le Conseil fédéral sera analysé. Les données et les estimations nécessaires pour l’évaluation sont collectées au moyen d’entretiens et d’analyses de documents. Le CPA réalise cette évaluation en collaboration avec les bureaux d’évaluation Infras, à Zurich, et Vatter, à Berne. Il devrait soumettre son rapport final à la sous-commission compétente à l’automne 2011.

Le retour à l’emploi

4. et 5. La commission de gestion du Conseil des États a procédé à un examen des activités de conduite et de surveillance de l’assurance-chômage qui sont exercées par la Confédération et publié un rapport en 2009. Les principales conclusions sont présentées dans un communiqué de presse http://www.parlament.ch/f/mm/2009/Pages/mm-gpk-s-2009-02-18.aspx.

Il faut aussi noter que le Parlement a modifié la loi sur l’assurance-chômage le 19 mars 2010, modification entrée en vigueur le 1er avril 2011. Pour une brève présentation de l’assurance chômage, voir L’assurance-chômage suisse en comparaison internationale. D’autre part des études portant sur l’efficacité du service public de l’emploi avaient été effectuées. Voir Optimisation du service public de l’emploi: mise en pratique des enseignements tirés de diverses études de même que Le passage au monde du travail. Les mesures des autorités cantonales du marché du travail et de la Confédération en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes adultes. Rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat 07.3232. Rapport du Conseil fédéral, Berne 2010.

Plusieurs interventions ont été déposées par les parlementaires, notamment :

10.529 http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20100529

10.304 http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20100304

10.4091 http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20104091

Les politiques sociales à destination des familles

6. Non

6. et 8. Non

7. Thèmes en discussion :

Familles monoparentales

11.408 – Initiative parlementaire Soumettre au Parlement la question de l’autorité parentale conjointe http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20110408

Politique familiale

11.3663 – Interpellation Concilier travail et famille grâce au télétravail http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20113663

11.3567 – Motion Congé parental et prévoyance familiale http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20113567

11.3492 – Postulat Congé parental et prévoyance familiale facultatifs http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20113492

09.4133 – PostulatRapport sur les familles en Suisse http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20094133

09.5009 – Heure des questions. Question Qu’apportera le prochain rapport sur les familles? http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20095009

ANNEXE N° 5 :
LISTE DES SIGLES DES NOMS DE PAYS

EU : Union européenne

CZ : République tchèque

NL : Pays-Bas

SE : Suède

FI : Finlande

AT : Autriche

SI : Slovénie

DK : Danemark

LU : Luxembourg

FR : France

SK : Slovaquie

DE : Allemagne

BE : Belgique

MT : Malte

UK : Royaume-Uni

CY : Chypre

EE : Estonie

ES : Espagne

IT : Italie

PT : Portugal

IE : Irlande

EL : Grèce

PL : Pologne

LT : Lituanie

HU : Hongrie

LV : Lettonie

RO : Roumanie

BG : Bulgarie

ANNEXE N° 6 :
OBJECTIFS DÉFINIS DANS LES PROGRAMMES DE QUALITÉ ET D’EFFICIENCE (PQE) ANNEXÉS AU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (PLFSS) POUR 2011

Programme « Maladie »

Programme « Accidents du travail et maladies professionnelles »

Programme « Retraites »

Programme « Famille »

Programme « Financement »

Programme « Invalidité et dispositifs gérés par la CNSA »

1 - Assurer un égal accès aux soins

(inégalités territoriales, inégalités financières*)

1 - Réduire la fréquence et la gravité des accidents du travail, des accidents du trajet et des maladies professionnelles grâce à la prévention

1 - Assurer un niveau de vie adapté aux retraités

1 - Contribuer à la compensation financière des charges de famille

(redistribution horizontale *)

1 - Garantir la viabilité financière des régimes de base

1 - Assurer un niveau de vie adapté aux personnes invalides

2 - Développer la prévention

2 - Améliorer la reconnaissance des AT- MP et l’équité de la réparation

2 - Garantir la solidarité entre retraités

2 - Aider les familles vulnérables

(redistribution verticale, action sur la pauvreté *)

2 - Veiller à l’équité du prélèvement social

2 - Répondre au besoin d’autonomie des personnes handicapées

3 - Améliorer la qualité de prise en charge des patients par le système de soins

3 - Garantir la viabilité financière de la branche AT-MP

3 - Améliorer la connaissance par les assurés de leurs droits à la retraite

3 - Concilier vie familiale et vie professionnelle

(accès à l’offre de garde, équilibre vie familiale-vie professionnelle, selon le genre *)

3 - Concilier le financement de la sécurité sociale et la politique de l’emploi

3 - Répondre au besoin d’autonomie des personnes âgées

4 - Renforcer l’efficience du système de soins et développer la maîtrise médicalisée des dépenses

 

4 - Augmenter progressivement la durée d’activité et accroître l’emploi des travailleurs âgés

4 - Garantir la viabilité financière de la branche famille

(soutenabilité financière*)

4 - Simplifier les procédures de financement

4 - Garantir la viabilité financière de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)

5 - Garantir la viabilité financière de la branche maladie

 

5 - Garantir la viabilité financière des régimes de retraite

 

5 - Améliorer l’efficience de la gestion financière et du recouvrement

 

ANNEXE N° 7 :
OBJECTIFS FIXÉS DANS LES PROJETS ANNUELS DE PERFORMANCE (PAP) ANNEXÉS AU PROJET DE LOI DE FINANCES (PLF) POUR 2011 POUR LES MISSIONS BUDGÉTAIRES RELEVANT DU CHAMP SOCIAL

Mission « Régimes sociaux et de retraite »

Mission « Santé »

Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Mission « Travail et emploi »

Mission « Ville et logement »

« Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » (programme 198)

« Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » (Programme 204)

« Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active (RSA) et expérimentations sociales » (programme 304)

« Accès et retour à l’emploi » (Programme 102)

« Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » (Programme 177)

1. Contribuer à la compensation de la pénibilité des conditions de travail des conducteurs routiers, avec un objectif de développement de l’emploi

2. Contribuer à l’équilibre du régime de retraite de la SNCF, avec un objectif d’efficacité de gestion

3. Contribuer à l’équilibre du régime de retraite de la RATP, avec un objectif d’efficacité de gestion

1. Développer la participation des usagers

2. Améliorer l’état de santé de la population et réduire les inégalités territoriales et sociales de santé

3. Développer les bonnes pratiques alimentaires et la pratique d’une activité physique

4. Réduire les risques liés à des facteurs environnementaux

5. Améliorer le système de défense sanitaire en vue de faire face aux menaces

6. Améliorer l’accès à la greffe

7. Améliorer les fonctions de contrôle et de police sanitaire

8. Optimiser le pilotage de l’offre de soins

9. Adapter la formation des étudiants en fonctions des besoins de santé

1. Améliorer l’accès à l’emploi et l’autonomie financière des bénéficiaires du RSA

2. Réduire la pauvreté.

1. Favoriser l’accès et le retour à l’emploi

2. Améliorer l’efficacité du service rendu à l’usager par Pôle emploi

3. Accompagner vers l’emploi les personnes les plus éloignées du marché du travail

1. Améliorer la qualité et l’efficience de l’offre de services pour les personnes les plus vulnérables

« Régime de retraite et de sécurité sociale des marins » (Programme 197)

« Protection maladie » (Programme 183)

« Actions en faveur des familles vulnérables » (Programme 106)

« Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » (Programme 103)

« Aide à l’accès au logement » (Programme 109)

1. Optimiser le régime de protection sociale des marins

1. Garantir l’accès aux soins des personnes disposant de faibles ressources

2. Assurer la délivrance de l’aide médicale de l’État dans des conditions appropriées de délais et de contrôles

3. Réduire les délais de présentation et de paiement des offres d’indemnisation du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA)

1. Mettre en œuvre une stratégie nationale d’adoption notamment en sécurisant les procédures d’adoption à l’étranger

2. Lutter contre les situations de maltraitance des personnes vulnérables

3. Garantir aux adultes vulnérables une protection juridique adaptée à leurs besoins

1. Assurer l’effectivité du contrôle de la formation professionnelle (objectif transversal)

2. Développer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) dans les PME au bénéfice des salariés les plus fragilisés par les mutations économiques

3. Contribuer à la revitalisation des territoires et au reclassement des salariés licenciés pour motif économique

4. Faciliter l’insertion dans l’emploi par le développement de l’alternance, l’accès aux compétences-clefs et la validation des acquis de l’expérience

5. Stimuler la création et la reprise des TPE et favoriser l’embauche dans des secteurs d’activité spécifiques

1. Aider les ménages modestes à faire face à leurs dépenses de logement

2. Favoriser l’insertion par le logement des personnes en grande difficulté

3. Veiller à une bonne information du public dans le domaine du logement

« Régime de retraite des mines, de la SEITA et divers » (Programme 195)

 

« Handicap et dépendance » (Programme 157)

« Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » (Programme 111)

« Développement et amélioration de l’offre de logement » (Programme 135)

1. Optimiser la gestion des régimes

2. Optimiser le taux de recouvrement

 

1. Accroître l’effectivité et la qualité des décisions prises au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)

2. Offrir aux personnes handicapées les mêmes chances dans l’emploi

3. Accompagner le retour vers l’emploi pour développer la part du revenu du travail dans les ressources des allocataires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH)

4. Lutter contre les situations de maltraitance des personnes vulnérables

1. Cibler l’activité de contrôle des services d’inspection du travail sur des priorités de la politique du travail

2. Contribuer à la prévention et à la réduction des risques professionnels

3. Garantir l’effectivité du droit du travail

4. Dynamiser la négociation collective et améliorer les conditions du dialogue social

5. Lutter efficacement contre le travail illégal

1. Satisfaire dans les meilleurs délais la demande de logements locatifs, en particulier dans les zones tendues

2. Mieux répartir les logements sociaux au sein des agglomérations

3. Améliorer et adapter la qualité du parc privé

4. Développer l’accession à la propriété

5. Promouvoir le développement durable dans le logement et, plus généralement, dans la construction

   

« Égalité entre les hommes et les femmes » (Programme 137)

« Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail » (Programme 155)

« Politique de la ville » (Programme 147)

   

1. Contribuer au développement de l’égalité professionnelle par l’orientation, la diversification des emplois et la négociation collective

2. Améliorer la qualité de service des permanences téléphoniques nationales d’aide aux personnes victimes de violence et l’efficience des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF)

1. Accroître la qualité du pilotage des DIRECCTE (directions régionales de l’emploi)

2. Accroître l’efficience de la gestion des moyens

3. Développer la gestion des emplois, des effectifs et des compétences

4. Satisfaire les utilisateurs des statistiques, études et évaluations

1. Renforcer la mixité fonctionnelle des territoires urbains prioritaires

2. Améliorer l’encadrement éducatif et les chances de réussite scolaire des élèves les plus en difficulté

3. Optimiser l’utilisation des fonds dédiés au programme, capitaliser les expériences et diffuser l’information

4. Améliorer la qualité de l’habitat pour les habitants des quartiers concernés par le PNRU

5. Maîtriser le coût et les délais du programme national de rénovation urbaine.

   

« Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » (Programme 124)

   
   

1. Faire de la gestion des ressources humaines un levier de performance

2. Accroître l’efficacité de gestion des fonctions d’appui

3. Améliorer la qualité du service rendu dans les autres fonctions transversales

4. Assurer la montée en puissance des fonctions budgétaires et comptables dans les nouveaux établissements et services

   

ANNEXE N° 8 :
OBJECTIFS DE LA NOUVELLE STRATÉGIE « EUROPE 2020 »

Adoptée par le Conseil européen en juin 2010, la stratégie de l’Union européenne pour l’emploi et une croissance intelligente, durable et inclusive, intitulée « Europe 2020 », repose sur cinq grands objectifs de l’Union européenne, mesurés grâce à huit indicateurs clés.

Grands objectifs

Indicateurs clés

75 % de la population entre 20 et 64 ans devra avoir un emploi

Taux d’emploi par sexe pour la tranche d’âge 20-64 ans

3 % du PIB devra être consacrée à la recherche et au développement (R&D)

Dépense intérieure brute de R&D

Les objectifs 20/20/20 issus du "paquet climat et énergie" devront être atteint (avec la possibilité de porter à 30 % la réduction des émissions si les conditions adéquates sont remplies)

Émissions de gaz à effet de serre, année de base 1990

Part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie

Intensité énergétique de l’économie (indicateur de substitution pour les économies d'énergie, qui est en cours d'élaboration)

Le taux de jeunes ayant quitté prématurément l'éducation et la formation devra être inférieur à 10 % et au moins 40 % des 30-34 ans devront avoir obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur ou équivalent

Jeunes ayant quitté prématurément l'éducation et la formation

Niveau de scolarité supérieur par sexe pour la tranche d’âge 30-34 ans

La pauvreté devra être réduite, en s’attachant à ce qu'au moins 20 millions de personnes cessent d’être confrontées au risque de pauvreté ou d'exclusion

Population à risque de pauvreté ou d’exclusion

Personnes vivant dans des ménages avec une très faible intensité de travail

Personnes à risque de pauvreté après transferts sociaux

Personnes en situation de privation matérielle grave

ANNEXE N° 9 :
OBJECTIFS GÉNÉRAUX DE LA MÉTHODE OUVERTE DE COORDINATION EN MATIÈRE DE PROTECTION ET D’INCLUSION SOCIALES

Sur la base de la communication de la Commission « Travailler ensemble, travailler mieux : un nouveau cadre pour la coordination ouverte des politiques de protection sociale et d’inclusion sociale dans l’Union européenne », le Conseil européen a adopté en mars 2006 un nouveau cadre pour le processus de protection sociale et d’inclusion sociale. Les méthodes ouvertes de coordination déjà mises en œuvre dans le domaine de l’inclusion sociale et des retraites et le processus actuel de coopération dans le domaine des soins de santé et de longue durée, sont réunis sous des objectifs communs et des procédures de rapport simplifiées.

Extrait de la communication de la Commission européenne « Travailler ensemble, travailler mieux : un nouveau cadre pour la coordination ouverte des politiques de protection sociale et d’inclusion sociale dans l’Union européenne  »

« La proposition prévoit des objectifs « généraux », qui fournissent un cadre général aux travaux réalisés dans l’ensemble de la méthode ouverte de coordination, ainsi que trois groupes d’objectifs spécifiques à chaque domaine d’intervention.

Les objectifs généraux de la méthode ouverte de coordination pour la protection sociale et l’inclusion sociale sont les suivants :

1. promouvoir la cohésion sociale et l’égalité des chances pour tous au travers de systèmes de protection sociale et de politiques d’inclusion sociale adéquats, accessibles, financièrement viables, adaptables et efficients

2. interagir de manière étroite avec les objectifs de Lisbonne visant au renforcement de la croissance économique et à l’amélioration quantitative et qualitative de l’emploi, ainsi qu’avec la stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable ;

3. améliorer la gouvernance, la transparence et la participation des parties intéressées à la conception, à l’exécution et au suivi de la politique.

Les objectifs suivants s’appliquent aux différents domaines d’intervention :

Donner un élan décisif à l’élimination de la pauvreté et de l’exclusion sociale :

4. assurer l’inclusion sociale active de tous en encourageant la participation au marché du travail et en luttant contre la pauvreté et l’exclusion parmi les personnes et groupes les plus marginalisés ;

5. garantir l’accès de tous aux ressources fondamentales, aux droits et aux services sociaux nécessaires pour participer à la société, tout en s’attaquant aux formes extrêmes d’exclusion et en combattant toutes les formes de discrimination qui conduisent à l’exclusion ;

6. veiller à ce que les politiques d’inclusion sociale soient bien coordonnées et fassent intervenir tous les échelons des pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs concernés, y compris les personnes en situation de pauvreté, à ce que ces politiques soient efficientes et efficaces, et intégrées dans toutes les politiques publiques concernées, y compris les politiques économiques et budgétaires et les programmes des fonds structurels (notamment le FSE), et à ce qu’elles intègrent la dimension de genre.

Assurer des pensions adéquates et viables :

7. dans un esprit de solidarité et d’équité entre les générations et au sein de chacune d’entre elles, garantir à tous un revenu adéquat à la retraite et un accès aux pensions permettant de maintenir, dans une mesure raisonnable, le niveau de vie après le départ à la retraite ;

8. dans le contexte d’une saine gestion des finances publiques, assurer la viabilité financière des régimes de retraite publics et privés, notamment en soutenant l’allongement de la vie professionnelle et le vieillissement actif, en assurant un équilibre approprié et juste entre cotisations et prestations, ainsi qu’en favorisant l’accessibilité financière et en assurant la sécurité des régimes par capitalisation et des régimes privés ;

9. veiller à ce que les régimes de retraite soient transparents, bien adaptés aux besoins et aspirations des femmes et des hommes ainsi qu’aux exigences des sociétés modernes, du vieillissement démographique et des mutations structurelles, à ce que les personnes reçoivent les informations dont elles ont besoin pour préparer leur retraite, et à ce que les réformes soient menées sur la base du consensus le plus large possible.

Assurer des soins de santé et des soins de longue durée accessibles, de qualité et viables :

10. garantir l’accès de tous à des soins de santé et à des soins de longue durée adéquats et veiller à ce que le besoin de soins ne conduise pas à la pauvreté et à la dépendance financière. Éliminer les injustices dans les domaines de l’accès aux soins et des conséquences pour la santé ;

11. favoriser la qualité des soins de santé et des soins de longue durée et adapter les soins à l’évolution des besoins et des préférences de la société et des individus, notamment par la mise en place de normes de qualité correspondant aux meilleures pratiques internationales et par la responsabilisation des professionnels de la santé et des patients et bénéficiaires de soins ;

12. veiller à ce que des soins de santé et des soins de longue durée adéquats et de qualité restent abordables et viables en favorisant les modes de vie sains et actifs, la bonne qualité des ressources humaines du secteur des soins et une utilisation rationnelle des ressources, notamment par des mesures d’encouragement appropriées à l’intention des usagers et prestataires de soins, une bonne gouvernance et une coordination entre les systèmes et établissements de soins. »

Source : Communication de la Commission du 22 décembre 2005 au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions.

ANNEXE N° 10 :
QUELQUES INDICATEURS UTILISÉS DANS LE CADRE DES « COMPARAISONS OUVERTES » ENTRE LES COLLECTIVITÉS LOCALES SUÉDOISES

QUELQUES INDICATEURS UTILISÉS DANS LE CADRE DES « COMPARAISONS OUVERTES » ENTRE LES COLLECTIVITÉS LOCALES SUÉDOISES


ANNEXE N° 11 :
RAPPORTS D’ÉVALUATION EXTRAITS DE LA LISTE DES RAPPORTS RÉALISÉS PAR L’INSPECTION GÉNÉRALE DES AFFAIRES SOCIALES DEPUIS 2010 ACCESSIBLES EN LIGNE 
(500)

PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE INVERSE :

– Le circuit du médicament à l’hôpital, Mme Marie-Hélène Cubaynes, M. Didier Noury, Mme Muriel Dahan, Mme Evelyne Falip, Inspection générale des affaires sociales, 9 décembre 2011.

– Rapport sur la chirurgie cardiaque à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, M. Sylvain Picard et M. Patrice Legrand, Inspection générale des affaires sociales, 8 novembre 2011.

– Évaluation du dispositif d’hospitalisation en soins somatiques des personnes détenues, M. Vincent Marsala, Mme Catherine Pautrat, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale des services judiciaires, 27 octobre 2011.

– Évaluation de la prestation de compensation du handicap, Mme Brigitte Joseph-Jeanneney, M. Frédéric Laloue, M. Thierry Leconte, Mme Nacera Haddouche, M. Patrice O’Mahony, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale de l’administration, 21 octobre 2011.

– L’intercommunalité : un atout pour la prévention de la délinquance – Perspectives et prospective : rapport de la mission permanente d’évaluation de la politique de prévention de la délinquance, M. Marc Le Dorh, M. Hervé Mecheri, Mme Marie-Christine Degrandi, Mme Annie Fouquet, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale des services judiciaires, Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, Inspection générale de l’éducation nationale, Inspection générale de l’administration, Conseil général de l’environnement et du développement durable, 18 octobre 2011.

– L’avenir et les voies de régulation du portage salarial, M. Christian Lenoir, M. François Schechter, Inspection générale des affaires sociales, 4 octobre 2011.

– Rapport sur l’organisation de la radiothérapie en France, M. André Aoun, M. Daniel Nizri, Inspection générale des affaires sociales, 28 septembre 2011.

– La prise en charge du handicap psychique, Mme Fadéla Amara, Mme Danièle Jourdain-Menninger, Mme Myriam Mesclon-Ravaud, M. Gilles Lecoq, Inspection générale des affaires sociales, 26 octobre 2011.

– L’impact des modes d’organisation sur la prise en charge du grand âge, Mme Annie Fouquet, M. Jean-Jacques Tregoat, Mme Patricia Sitruk, Inspection générale des affaires sociales, 22 juillet 2011.

– Les organismes de planification, de conseil et d’éducation familiale : un bilan, Mme Claire Aubin, Mme Christine Branchu, M. Jean-Luc Vieilleribière, Mme Patricia Sitruk, Inspection générale des affaires sociales, 20 juillet 2011.

– Évaluation de la mise en œuvre du premier palier de renforcement des services, prévu par la convention tripartite entre l’État, l’Unédic et Pôle Emploi, M. Philippe Blanchard, M. Nicolas Bondonneau, Mme Aurélie Lapidus, Mme Fatma Rahil, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale des finances, 12 juillet 2007.

– Modalités de mise en œuvre de l’aide sociale à l’hébergement, M. Michel Laroque, M. Hayet Zeggar, M. Yann-Gaël Amghar, M. Loïc Geoffroy, Inspection générale des affaires sociales, 7 juillet 2011.

– Pharmacies d’officine : rémunération, mission et réseau, M. Pierre-Louis Bras, M. Abdelkrim Kiour, M. Bruno Maquart, M. Alain Morin, Inspection générale des affaires sociales, 26 juin 2011.

– Rapport sur la pharmacovigilance et gouvernance de la chaîne du médicament, Mme Anne-Carole Bensadon, M. Étienne Marie, M. Aquilino Morelle, Inspection générale des affaires sociales, 22 juin 2011.

– L’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et familiales dans le monde du travail, Mme Brigitte Grésy, M. Philippe Dole, Inspection générale des affaires sociales, 7 juin 2011.

– Les inégalités sociales de santé : Déterminants sociaux et modèles d’action, Mme Marguerite Moleux, Mme Françoise Schaetzel, Mme Claire Scotton, Inspection générale des affaires sociales, 1er mai 2011.

– Les inégalités sociales de santé dans l’enfance – Santé physique, santé morale, conditions de vie et développement de l’enfant, M. Alain Lopez, Mme Marguerite Moleux, Mme Françoise Schaetzel, Mme Claire Scotton, Inspection générale des affaires sociales, 1er mai 2011.

– L’évaluation du dispositif de l’injonction de soins, Mme Brigitte Joseph-Jeanneney, M. Gilles Lecoq, M. Patrick Beau, M. Philippe Gallier, Inspection générale des affaires sociales, 21 mars 2011.

– État des lieux et perspectives du don d’ovocytes en France, M. Pierre Aballea, Mme Anne Burstin, M. Jérôme Guedj, Inspection générale des affaires sociales, 2 mars 2011.

– Évaluation de la mise en œuvre de la recentralisation de la lutte contre les infections sexuellement transmissibles (IST), Mme Danièle Jourdain-Menninger, M. Gilles Lecoq, Inspection générale des affaires sociales, 25 janvier 2011.

– Mission sur la gestion du risque, M. Pierre-Yves Bocquet, M. Michel Peltier, Inspection générale des affaires sociales, 24 janvier 2011.

– Rapport d’évaluation de l’expérimentation de réintégration des médicaments dans les forfaits soins des EHPAD sans pharmacie à usage intérieur, M. Pierre Naves, Mme Muriel Dahan, Inspection générale des affaires sociales, 12 janvier 2011.

– Bilan du fonctionnement et du rôle des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), Mme Christine Branchu, M. Michel Thierry, M. Aurélien Besson, Inspection générale des affaires sociales, 12 janvier 2011.

– Analyse de l’évolution des dépenses au titre de l’aide médicale d’État, M. Alain Cordier, M. Frédéric Salas, Inspection générale des finances, Inspection générale des affaires sociales, 31 décembre 2010.

– Hospitalisation à domicile, M. Nicolas Durant, M. Christophe Lannelongue, M. Patrice Legrand, M. Vincent Marsala, Inspection générale des affaires sociales, 9 décembre 2010.

– Bilan de la convention d’objectifs et de gestion de la branche recouvrement, M. Yann-Gaël Amghar, M. Nicolas Bondonneau, M. Thomas Wanecq, Inspection générale des affaires sociales, 1er décembre 2010.

– Bilan de la convention d’objectifs et de gestion 2006-2009 signée entre l’État et la CNAMTS et recommandations pour la future convention, Mme Agnès Jeannet, M. Thierry Breton, M. Philippe Laffon, M. Sylvain Picard, Inspection générale des affaires sociales, 1er décembre 2010.

– Hébergement des jeunes en formation par alternance : comment investir dans des solutions adéquates ?, M. Patrick Laporte, M. Marc Biehler, M. Bernard Krynen, Inspection générale des affaires sociales, Conseil général de l’environnement et du développement durable, 22 novembre 2010.

– L’information des usagers sur la qualité des prises en charge des établissements de santé, M. Pierre-Louis Bras, M. Patrick Gohet, M. Alain Lopez, Inspection générale des affaires sociales, 27 septembre 2010.

– Rapport relatif à l’évaluation des programmes interdépartementaux d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (PRIAC), M. Roland Ollivier, M. Stéphane Paul, Mme Elsa Jacquin, Inspection générale des affaires sociales, 24 septembre 2009.

–  Évaluation de l’élaboration et de la mise en œuvre des PRIAC, Mme Patricia Vienne, M. Christian Planes-Raisenauer, M. Thierry Leconte, Inspection générale des affaires sociales, 20 septembre 2010.

– Synthèse 2010 sur la gestion de l’Allocation personnalisée d’autonomie, Mme Véronique Guillermo, Mme Joëlle Voisin, M. Michel Laroque, M. Didier Lacaze, Inspection générale des affaires sociales, 6 septembre 2010.

– Le contrat de transition professionnelle et la convention de reclassement personnalisée : évaluation d'une approche systémique de l'accompagnement pour le retour durable à l'emploi des personnes licenciées pour motif économique, M. Philippe Dole, Inspection générale des affaires sociales, 16 juillet 2010.

– La mise à disposition du personnel entre membres d’un pôle de compétitivité – Évaluation d’une expérimentation législative, M. Jean-François Guthmann, M. Marc Biehler, M. Jean-Paul Palasz, 8 juillet 2010.

– Programme d’aide alimentaire dans les départements d’Outre-mer, Mme Patricia Vienne, Mme Emmanuelle Bour-Poitrinal, Inspection générale des affaires sociales, Contrôle général économique et financier, 8 juillet 2010.

– Évaluation du programme national nutrition santé, PNNS2 2006-2010, Mme Danièle Jourdain-Menninger, M. Gilles Lecoq, M. Jérôme Guedj, M. Pierre Boutet, M. Jean-Baptiste Danel, M. Gérard Mathieu, Inspection générale des affaires sociales, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, 6 mai 2010.

– Évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des interruptions volontaires de grossesse suite à la loi du 4 juillet 2011 – Rapport de synthèse, Mme Claire Aubin, Mme Danièle Jourdain-Menninger, M. Laurent Chambaud, Inspection générale des affaires sociales, 2 février 2010.

– La prévention des grossesses non désirée : information, éducation et communication, Mme Claire Aubin, Mme Danièle Jourdain-Menninger, M. Laurent Chambaud, Inspection générale des affaires sociales, 1er février 2010.

– Évaluation de la mise en œuvre de la loi du 4 juillet 2011 relative à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse en Outre-mer, Mme Claire Aubin, Mme Danièle Jourdain-Menninger, M. Laurent Chambaud, Inspection générale des affaires sociales, 1er février 2010.

– La prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse, Mme Claire Aubin, Mme Danièle Jourdain-Menninger, M. Laurent Chambaud, Inspection générale des affaires sociales, 1er février 2010.

– Évaluation des mesures en faveur des zones de revitalisation rurale (ZRR), Mme Christine Daniel, M. Alain Garcia, M. François Roche-Bruyn, M. Gérard Ruiz, M. Éric Verlhac, M. Claude Sardais, Inspection générale des affaires sociales, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale des finances, 26 janvier 2010.

– La mort à l’hôpital, Mme Françoise Lalande, M. Olivier Veber, Inspection générale des affaires sociales, 25 janvier 2010.

– Bilan-évaluation du contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour le développement et la modernisation de l'apprentissage – Rapport de synthèse, Mme Annie Fouquet, M. Hayet Zeggar, M. Hervé Leost, Inspection générale des affaires sociales, janvier 2010.

ANNEXE N° 12 :
ÉTUDES RÉALISÉES À LA DEMANDE DES RAPPORTEURS

–  ÉTUDE RÉALISÉE PAR LE CABINET EURÉVAL SUR LA POLITIQUE DE L’EMPLOI DANS PLUSIEURS PAYS EUROPÉENS (FRANCE ET ALLEMAGNE, PORTUGAL, ROYAUME-UNI, SUÈDE)

–  ÉTUDE RÉALISÉE PAR SCIENCES PO EXPERTISE ET CONSEIL / CEE-LIEPP ET L’OFCE SUR LES POLITIQUES D’ARTICULATION ENTRE VIE FAMILIALE ET VIE PROFESSIONNELLE ET LES POLITIQUES ENVERS LES FAMILLES MONOPARENTALES DANS CINQ PAYS EUROPÉENS (FRANCE ET ALLEMAGNE, PAYS-BAS, ROYAUME-UNI, SUÈDE)

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1 () Préface du président de l’Observatoire de la dépense publique de l’Institut de l’entreprise, M. Yves Cannac, L’évaluation des politiques publiques. Les notes de benchmarking international, Mme Sylvie Trosa, Institut de l’entreprise (novembre 2003).

2 () Celui-ci dispose que « Chaque commission concernée par l’objet d’une étude d’évaluation désigne un ou plusieurs de ses membres pour participer à celle-ci. Le Comité désigne parmi eux, ou parmi ses propres membres, deux rapporteurs, dont l’un appartient à un groupe d’opposition. »

3 () « Évaluer la performance sociale », Revue française des affaires sociales (janvier-juin 2010).

4 () Dont le compte rendu figure en annexe.

5 () Voir la liste des pays et les réponses aux questionnaires, présentées dans les annexes n° 3 et 4 du présent rapport.

6 () Politiques sociales, sous la direction de Mme Marie-Thérèse Join-Lambert, avec la collaboration de Mmes Dominique Méda, Christine Daniel et Anne Bollot-Gitler et de M. Daniel Lenoir, Presses de la Fondation nationale des sciences politiquesDalloz, deuxième édition (1999).

7 () Audition du 1er février 2011.

8 () Allemagne, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède.

9 () La démarche de performance : stratégie, objectifs, indicateurs, guide méthodologique pour l’application de la Lolf élaboré par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, avec les commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, le Comité interministériel d’audit des programmes (Ciap) et la Cour des comptes (juin 2004).

10 () Ces trois critères sont d’ailleurs les mêmes que ceux retenus par Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales, pour définir la performance dans l’entretien précité : « Trois mots clés résument cette notion : l’efficacité, qui repose sur une logique d’objectifs et de résultats ; l’efficience et l’optimisation des ressources, qu’elles soient humaines, organisationnelles, financières… au service des objectifs fixés ; la qualité du service, des prestations, de l’action ou de la politique conduites » (ibid).

11 () Voir l’analyse transversale de l’étude annexée au présent rapport.

12 () Ainsi, une mesure ayant pour effet de diminuer les taux de chômage et d’inactivité peut entraîner le versement de cotisations supplémentaires pour la sécurité sociale ainsi qu’une diminution du nombre de bénéficiaires de minima sociaux.

13 () Audition du 28 septembre 2011.

14 () Voir notamment le dossier « Travail et performance durable : conditions de travail, performance durable des entreprises et développement économique », sur le site internet de l’Anact.

15 () Ses articles XIV et XV disposent que « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » et que « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »

16 () Les dépenses de l’ensemble des régimes de protection sociale s’élevaient à 624,5 milliards d’euros en 2009, dont 597,6 milliards d’euros consacrés aux prestations de protection sociale, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), France, portrait social. Édition 2011 (novembre 2011).

17 () Selon le programme de qualité et d’efficience (PQE) « Financement » annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012.

18 () Le taux de prélèvements obligatoires est défini comme l’ensemble des impôts et cotisations sociales effectives perçues par les administrations publiques rapporté au produit intérieur brut (PIB).

19 () Soit les cotisations sociales patronales et salariales (prélèvements assis sur les salaires) reçues par les administrations publiques, ainsi que les impôts et taxes affectés à la protection sociale.

20 () Par exemple, parmi les prestations financées par les contributions publiques et cotisations imputées, on peut citer notamment les allocations financées par l’Etat (allocation aux adultes handicapés, AAH) ou par les collectivités locales, ainsi que les prestations sociales versées directement aux fonctionnaires (essentiellement la retraite des fonctionnaires de l’Etat). En effet, ces dépenses ont pour contrepartie des ressources des administrations publiques qui les supportent, lesquelles accroissent d’autant le poids des prélèvements finançant la protection sociale.

21 () Audition du 15 février 2011.

22 () Suite au Conseil européen de Lisbonne de mars 2000.

23 () Audition du 1er février 2011.

24 () Article 160 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, créé à la suite de décisions du Conseil en 2000 et 2004. Ce comité constitue un lieu d'échanges et de coopération entre les États membres et la Commission européenne dans le cadre de la méthode ouverte de coordination en matière de d'inclusion sociale, de soins de santé, de soins de longue durée et de retraites (surnommée la «Moc sociale»). Le comité joue notamment un rôle central dans la préparation de l'examen annuel, par le Conseil, du rapport conjoint sur la protection et l'inclusion sociale.

25 () Audition du 15 février 2011.

26 () Audition du 15 février 2011.

27 () Selon les informations communiquées par la Confédération des syndicats allemands (DGB), environ 400 000 d’entre eux seraient comptabilisés dans les statistiques du chômage.

28 () D’après la Société française d’évaluation (SFE), « il n’y a pas de définition claire, unique, et stable du terme “impact“ […] Toute action produit en effet un enchaînement de conséquences successives et multiples, depuis les productions immédiates de l'activité administrative (réalisations, outputs) jusqu'aux effets de système les plus indirects et éloignés dans le temps (tels que le réchauffement du climat au siècle prochain) en passant par différents niveaux intermédiaires d'effets institutionnels, économiques et sociaux.[…] la décision d’analyser tel ou tel impact résulte d'un choix explicite ou implicite dont la justification devrait faire partie intégrante du travail d'évaluation. » in « L’évaluation des impacts : définitions et origines », Les Cahiers de la SFE, n° 6, mai 2010.

29 () Par opposition aux « mères poules », cette expression, qui signifie mauvaises mères ou marâtres, fait référence au fait que les corbeaux exclueraient très vite leurs petits hors du nid.

30 () Par exemple, concernant les politiques familiales, un même dispositif peut être jugé plus ou moins performant, au regard des résultats observés, selon qu’il avait pour objectif initial de soutenir la natalité, de lutter contre la pauvreté ou de promouvoir l’activité professionnelle des femmes.

31 () Les lignes directrices pour les politiques nationales de l’emploi, qui établissent les priorités et les objectifs communs, sont proposées par la Commission et adoptées par les gouvernements nationaux. Les nouvelles lignes directrices adoptées en octobre 2010 visent notamment à accroître la participation des femmes et des hommes au marché du travail, à diminuer le chômage structurel et à promouvoir la qualité de l’emploi ainsi que l’inclusion sociale et la lutte contre la pauvreté.

32 () Par exemple, l’école est obligatoire à partir de 6 ans en Allemagne et en France, à partir de 5 ans aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, et à partir de 7 ans en Suède.

33 () Audition du 18 janvier 2011.

34 () Suivi de la situation de la France au regard des indicateurs de Lisbonne, rapport de Mme Anne Duthilleul au nom de la délégation pour l’Union européenne du Conseil économique, social et environnemental (février 2009).

35 () Audition du 15 mars 2011.

36 () L’Union européenne compte 27 pays, auxquels s’ajoutent notamment la Suisse, la Croatie, la Serbie et la Norvège.

37 () Cette possibilité avait d’ailleurs été évoquée lors d’une réunion du CEC, avant même la création du groupe de travail.

38 () La prise en charge de la dépendance en Europe, rapport d’information n° 3667 de Mme Valérie Rosso-Debord au nom de la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale (13 juillet 2011).

39 () Les systèmes de retraite en Europe et leur évolution, rapport d’information n° 2700 de Mme Valérie Rosso-Debord au nom de la commission des Affaires européennes (6 juillet 2010) ; Retraites : l’Europe à l’heure de la réforme, rapport n° 2570 de M. Arnaud Robinet au nom de la mission d’information de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale sur le financement des retraites dans les États européens (2 juin 2010) ; Les retraites en Allemagne, des enseignements à tirer ?, rapport d’information de M. Alain Vasselle, Mme Christiane Demontès et M. André Lardeux, au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de la commission des Affaires sociales du Sénat (13 juillet 2010).

40 () La lutte contre la fraude sociale, rapport d’information n° 3603 de M. Dominique Tian au nom de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l’Assemblée nationale (29 juin 2011).

41 () Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués : la République impuissante, rapport d’information de MM. François Goulard et François Pupponi sur l’évaluation des aides aux quartiers défavorisés (octobre 2010).

42 () Systèmes de santé. Efficacité et politiques, OCDE (novembre 2010).

43 () Pour la présente évaluation, le terme de « politiques sociales à destination des familles » a été retenu, dans la mesure où les politiques étudiées portent non seulement sur le champ des politiques familiales stricto sensu, mais aussi, par exemple, sur les aides sociales ou l’organisation du travail et les pratiques en entreprise.

44 () Audition du 13 avril 2011.

45 () Voir les comptes-rendus des tables rondes présentés en annexe.

46 () Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, Irlande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Suède et Suisse.

47 () Par exemple, les prestations d’assurance maladie financées par les cotisations obligatoires des employeurs et des salariés à une caisse d’assurance maladie sont considérées comme publiques, tandis que la couverture médicale assurée directement par les employeurs à leurs salariés est considérée comme privée.

48 () France, portrait social. Édition 2010, Insee (novembre 2010).

49 () La dépense publique et son évolution, ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État (27 octobre 2011).

50 () Selon les normes et conventions de calcul de l’OCDE, dont on rappelle qu’elles diffèrent de celles d’Eurostat.

51 () Soit le nombre de retraités sur le nombre d’actifs.

52 () Le coefficient, variant entre 0 et 1, traduit la plus ou moins grande concentration d’une variable par rapport à une autre. S’il est égal à zéro, tous les habitants disposent de revenus identiques. S’il est égal à 1, un seul individu détient l’ensemble des revenus.

53 () Rapport sur la dépense publique et son évolution, ministère du budget, des comptes publics et de la réforme d’Etat (octobre 2010).

54 () Audition du 1er février 2011.

55 () La parité de pouvoir d’achat désigne le taux de conversion monétaire qui permet d’exprimer dans une unité commune les pouvoirs d’achat des différentes monnaies. Ce taux exprime le rapport entre la quantité d’unités monétaires nécessaire dans des pays différents pour se procurer le même panier de biens et services.

56 () Voir également sur ce point le tableau présenté plus haut concernant la ventilation des prestations sociales par groupe de fonctions en 2008.

57 () Peuvent notamment être citées les batteries d’indicateurs suivantes : Regard sur l’éducation (2011) ; Panorama des Pensions 2011: Les systèmes de retraite dans les pays de l’OCDE et du G20 (2011), ou encore Panorama de la santé (2011). Ainsi que plusieurs publications à caractère analytique : une série de rapports sur les principaux obstacles à l’emploi des travailleurs seniors dans 21 pays de l’OCDE et un rapport de synthèse intitulé Vivre et travailler plus longtemps, une autre série de rapports sur le passage de l’école à la vie active dans 16 pays de l’OCDE (Des emplois pour les jeunes), sur les politiques destinées à concilier vie de famille et activité professionnelle (Bébés et employeurs), ainsi que plusieurs rapports et revues par pays sur les systèmes de santé. Pour son cinquantenaire, l’organisation a lancé une nouvelle série de publications sur la mesure du bien-être intitulée Comment va la vie ?, deux ans après la parution du rapport de la commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social, créé en 2008 à l’initiative du gouvernement français.

58 () Les travaux de coordination ont lieu dans le cadre du Comité de la protection sociale. La Moc se décline en plusieurs thèmes : Emploi (depuis 1997), Pauvreté et exclusion sociale (appelée « Moc Inclusion » depuis 2000) ; Soins de santé, soins de longue durée (« Moc Santé » depuis 2002) et Retraites (« Moc Pensions » depuis 2001).

59 () Par exemple, les Statistiques sanitaires mondiales 2011 présentent les statistiques sanitaires les plus récentes des 193 États Membres de l’OMS et un résumé des progrès accomplis vers les objectifs et les cibles du Millénaire pour le développement (OMD) liés à la santé.

60 () À noter, en particulier en 2011, plusieurs rapports d’analyse de la crise économique et de la situation internationale de l’emploi : un rapport sur les Tendances mondiales de l’emploi 2011 : le défi d’une reprise de l’emploi ; le Rapport mondial sur les salaires 2010-11. Politiques salariales en temps de crise ; ou encore Pour une reprise durable : des exemples de pays qui innovent.

61 () Le FMI collabore avec la Fondazione Rodolfo Debenedetti pour élaborer une base de données internationale sur les salaires minimums, l’indemnisation chômage, la réglementation du marché du travail de 1980 à 2005 et concernant plus de 91 pays.

62 () Cf. la liste des rapports d’évaluation de l’IGAS depuis deux ans présentée en annexe.

63 () Panorama de la société – Indicateurs sociaux de l’OCDE, OCDE, 2011.

64 () Idem.

65 () Idem.

66 () Idem.

67 () Données Eurostat, 2009.

68 () Panorama de la société 2011 : les indicateurs sociaux de l’OCDE (OCDE, 2011).

69 () Joint Report on Pensions: Progress and key challenges in the delivery of adequate and sustainable pensions in Europe, European Commission, Occasional Paper n° 71, novembre 2010.

70 () Évaluation du programme national de réforme et du programme de stabilité 2011 de la France accompagnant le projet de recommandation du Conseil, du 7 juin 2011 (SEC (2011) 719).

71 () Données Eurostat.

72 () Programme international de l'OCDE pour le suivi des acquis des élèves.

73 () Note sur la France, Regards sur l’éducation 2011 - http://www.oecd.org/dataoecd/44/61/48657334.pdf

74 () Le comportement pro social correspond à une moyenne calculée à partir des réponses au trois questions suivantes : Avez-vous travaillé bénévolement ? Avez-vous fait un don à une organisation caritative ? Avez-vous aidé un tiers au cours des 30 derniers jours ? Le comportement anti-social correspond à une moyenne calculée à partir des réponses aux questions suivantes : Est-ce que l’on vous a volé de l’argent ou un bien au cours de l’année écoulée ? Est-ce que vous avez été agressé ?

75 () Rapport conjoint sur la protection sociale et l’inclusion sociale, Comité de la protection sociale (2009).

76 () Audition du 18 janvier 2011.

77 () Cet indicateur est élaboré à partir de listes de pathologies établies par les médecins, qui décrivent les tranches d’âge pendant lesquelles il est anormal de mourir de telle ou telle pathologie. Un faible taux de mortalité évitable signifie que les décès anormaux ont effectivement été évités.

78 () Éléments présentés par Mme Isabelle Joumard et M. Peter Hoeller lors de leur audition par le groupe de travail.

79 () Idem.

80 () L’OCDE a en effet mené des réflexions sur l’économie politique de la réforme, examinant les facteurs de succès des réformes structurelles, en particulier dans le secteur social. Voir notamment : Tompson, W. (2010), L'économie politique de la réforme : Retraites, emplois et déréglementation dans dix pays de l'OCDE, Éditions OCDE.

81 () Audition du 6 septembre 2011.

82 () Sont qualifiés de « malthusiens » les dispositifs visant à réduire le chômage par la réduction de la population active. À l’origine, le malthusianisme est une politique prônant la restriction démographique, inspirée par les travaux de l'économiste britannique Thomas Malthus (1766–1834).

83 () Des nuances s’imposent toutefois et ont été présentées au début du présent rapport : la France obtiendrait un meilleur résultat si ce taux était exprimé en équivalent temps plein, compte tenu de l’importance du temps partiel – voire très partiel – aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni. 

84 () Évaluation du programme national de réforme et du programme de stabilité 2011 de la France accompagnant le projet de recommandation du Conseil, du 7 juin 2011 (SEC (2011) 719).

85 () Audition du 8 mars 2011.

86 () A taxonomy of European labout markets using quality indicators, projet financé par la Direction générale Emploi, affaires sociales et inclusion de la Commission européenne, Lucie Davoine, Christine Erhel et Mathilde Guergoat (2008) in Rapport sur l’emploi en Europe (2008, 20e éd.), Commission européenne.

87 () Audition du 15 mars 2011.

88 () M. Vignon a indiqué que les durées annuelles du travail étaient plus courtes en France que dans d’autres pays, ce qui suggère selon lui une intensité du travail très forte au quotidien.

89 () Selon Marie-Cécile Cazenave, chercheur au Centre d’études de l’emploi, « l’Europe des Quinze comptait, en 2001, 7 % de travailleurs vivant dans un ménage pauvre (pour un taux de pauvreté des ménages de 15 %). La pauvreté des travailleurs touchait davantage les États du Sud de l’Europe (plus de 10 %) que ceux du Nord (moins de 6 %). Avec un taux de 8 %, la France se situait au-dessus de la moyenne européenne. » « Onze millions de travailleurs pauvres en Europe ? », Marie-Cécile Cazenave, Connaissance de l’emploi, n° 36 , novembre 2006.

90 () Les rapports conjoints évaluent les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Moc relative à la protection sociale et à l’inclusion sociale, établissent des priorités-clés et identifient les bonnes pratiques et les approches novatrices d’intérêt commun pour les États membres.

91 () Communication de la Commission COM (2005) 33, du 9 février 2005.

92 () Communication de la Commission COM (2006) 177, du 26 avril 2006 initiant une consultation publique sur les services sociaux d’intérêt général (SSIG).

93 () Communication de la Commission COM(2007) 726, du 20 novembre 2007 initiant une consultation publique sur un bilan de la réalité sociale européenne.

94 () Communication de la Commission COM(2005) 706, du 22 décembre 2005.

95 () Formation du Conseil dite « Emploi, Politique sociale, Santé et Consommateurs » réunissant les ministres des affaires sociales de chaque État membre.

96 () Document informel (« Non papier ») en anglais, diffusé par la France aux membres du Conseil EPSCO du 8 mars 2010 intitulé « The challenges of setting a European poverty-reduction target ».

97 () Communication COM(2010) 758 du 16 décembre 2010.

98 () Entretien du 6 juin 2011 à Bruxelles.

99 () Rapport du Comité de la protection sociale de mars 2011 « The social dimension of the Europe 2020 strategy: a report of the social protection committee (2011) » .

100 () « La dimension sociale de la stratégie Europe 2020 : rapport du comité de la protection sociale ».

101 () Communication COM(2010) 758 du 16 décembre 2010.

102 () Entretien du 6 juin 2011, à Bruxelles.

103 () Évaluation du programme national de réforme et du programme de stabilité 2011 de la France accompagnant le projet de recommandation du Conseil, du 7 juin 2011 (SEC (2011) 719).

104 () http://ec.europa.eu/europe2020/pdf/targets_fr.pdf

105 () Audition du 18 janvier 2011.

106 () Évaluation du programme national de réforme et du programme de stabilité 2011 de la France accompagnant le projet de recommandation du Conseil, du 7 juin 2011 (SEC (2011) 719).

107 () Idem.

108 () Par convention, un ménage est considéré comme pauvre s’il subit au moins 8 carences sur les 27 retenues dans le dispositif Statistiques sur les ressources et les conditions de vie de l’Insee.

109 () « Les niveaux de vie en 2009 », Philippe Lombardo, Éric Seguin, Magda Tomasini, division Revenu et patrimoine de l’Insee, INSEE Première, n° 1365, août 2011.

110 () France – Portrait social - Insee Références, édition 2011.

111 () Audition du 15 février 2011.

112 () L’étude, confiée à l’Institut français d’opinion publique (Ifop) par l’Observatoire Expertise et prévention pour la santé des étudiants, association créée par la LMDE, a été réalisée entre le 16 novembre 2010 et le 31 janvier 2011.

113 () Audition ouverte à la presse, de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, à l’occasion de la remise de son rapport annuel, mercredi 23 mars 2011, à la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

114 () Table ronde du 5 octobre 2011, cf. compte-rendu annexé au présent rapport.

115 () Éléments présentés par Mme Monika Queisser et M. Stéphane Carcillo le 15 février 2011.

116 () Idem.

117 () Ce constat sera détaillé dans la troisième partie du présent rapport.

118 () Table ronde du 5 octobre 2011, cf. compte-rendu annexé au présent rapport.

119 () Idem.

120 () Audition du 15 mars 2011.

121 () Les Fonds structurels sont des instruments financiers qui fonctionnent par redistribution. Ils favorisent la cohésion au sein de l’Europe en concentrant les dépenses sur les régions moins développées.

122 () Résolution non législative du Parlement européen du 15 novembre 2011 (T7-0495/2011).

123 () Entretien du 6 juin 2011.

124 () Communication de la Commission au Parlement européen au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions du 16 décembre 2010 (COM(2010) 758).

125 () Table ronde du 5 octobre 2011.

126 () Arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 avril 2011 — Allemagne/ Commission (Affaire T-576/08).

127 () Réponse à une question d’actualité posée le 15 novembre 2011 par M. Francis Saint-Léger, député.

128 () Conférence de presse du ministre chargé des Affaires européennes, 15 novembre 2011.

129 () Communiqué de presse du 15 novembre 2011.

130 () Notamment Mme Elisabeth Morin-Chartier, députée PPE et rapporteur de la commission Emploi et Affaires sociales sur le FSE, Mme Catherine Trautman (S&D), au nom de l’ensemble de la délégation socialiste française au Parlement européen et Mme Karima Delli (Verts/ALE).

131 () Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (Lolfss).

132 () Il existe en effet six programmes de qualité et d’efficience (PQE) sur les thèmes suivants : famille, maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, retraites, financement ainsi que l’invalidité et les dispositifs gérés par la CNSA.

133 () Audition du 1er février 2011.

134 () Audition du 1er février 2011.

135 () Voir en annexe le tableau récapitulatif de l’ensemble des objectifs définis dans les PQE annexés au PLFSS pour 2012.

136 () Entretien du 18 juillet 2011.

137 () Loi constitutionnelle n° 2003- 276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

138 () Audition du 18 octobre 2011.

139 () Selon le projet annuel de performances (PAP) de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », annexé au projet de loi de finances pour 2012.

140 () Rapport général n° 111 de MM. Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur le projet de loi de finances pour 2011, déposé le 18 novembre 2010.

141 () Avis n° 103 de M. Paul Blanc fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 20 novembre 2008, sur le projet de loi de finances pour 2009.

142 () Audition du 7 septembre 2011.

143 () Les prestations et services d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Comparaisons internationales. Suède, Pays-Bas et Royaume-Uni, rapport de M. Nicolas Grivel, membre de l’Igas, et de Mmes Nathalie Georges et Dominique Méda, membres du Centre d’études de l’emploi (octobre 2007).

144 () Audition du 3 mai 2011 de M. Nicolas Grivel, membre de l’inspection générale des affaires sociales, et de Mme Nathalie Georges, membre du Centre d’études de l’emploi.

145 () Entretien du 13 juin 2011.

146 () Sur d’autres exemples de projets mis en œuvre dans le cadre d’expérimentations, voir la réponse détaillée de l’ambassade de France en Italie, présentée en annexe, au questionnaire adressé les rapporteurs.

147 () Entretien du 18 juillet 2011.

148 () Audition du 21 septembre 2011.

149 () Rencontre à Stockholm le 13 juin 2011.

150 () Il faut souligner qu’en 2006, l’ODAS a encouragé la création de l’Agence des pratiques et initiatives locales (APRILES – www.apriles.net) avec le soutien de la Caisse nationale d’allocations familiales, la Caisse des dépôts et consignations, la Délégation interministérielle à la ville, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ainsi que la Direction générale de l’action sociale. L’agence Apriles a pour vocation la promotion du développement social local à travers la capitalisation et la mutualisation des expériences locales.

151 () Programme de qualité et d’efficience « Financement », annexé au PLFSS 2012.

152 () Discours du 15 novembre 2011, à Bordeaux, sur la protection sociale et la lutte contre les fraudes sociales.

153 () Audition du 15 mars 2011.

154 () Audition du 17 mai 2011.

155 () Audition du 14 septembre 2011.

156 () Audition du 8 mars 2011.

157 () The Three Worlds of Welfare Capitalism, Gøsta Esping-Andersen, 1990.

158 () Le capital humain est une notion économique développée notamment par Gary Becker (prix Nobel d’économie en 1992), par analogie avec le capital financier ou physique, désignant l'ensemble des aptitudes, talents, qualifications, expériences accumulés par un individu et qui déterminent en partie sa capacité à travailler ou à produire pour lui-même ou pour les autres.

159 () Relever le défi - La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi', rapport de M. Wim Kok, novembre 2004.

160 () Audition du 15 mars 2011.

161 () Déplacement à Bruxelles du 6 juin 2011.

162 () Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe au présent rapport.

163 () Audition du 6 septembre 2011.

164 () Étude comparative des effectifs des services publics de l’emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, rapport n° 2010-M-064-02 de l’Inspection générale des finances, par Mme Véronique Hespel, M. Emmanuel Monnet et M. Pierre-Emmanuel Lecerf.

165 () Audition du 11 mai 2011.

166 () Audition du 21 septembre 2011.

167 () Audition du 6 septembre 2011.

168 () Audition du 6 septembre 2011.

169 () Entretien avec Mme Katherine Rake et M. Peter Grigg de l’Institut pour la famille et la parentalité (Family and parenting institute) le 18 juillet 2011 ; rencontre au ministère du Travail et des Retraites (Departement for Work and Pensions) le 19 juillet 2011.

170 () Réponse de l’ambassade de France en Allemagne à un questionnaire envoyé par les rapporteurs.

171 () Entretien avec Mme Maria Hemström chef de l’unité d’analyse du ministère de l’Emploi suédois, le lundi 13 juin 2011 à Stockholm.

172 () Audition du 12 avril 2011.

173 () Éliminer la paperasserie. La simplification administrative dans les pays de l’OCDE, OCDE (2004).

174 () Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe au présent rapport.

175 () Entretien avec M. Stefan Ackerby, directeur de l’Association suédoise des régions et des municipalités (SKL) lors de l’entretien du lundi 13 juin 2011.

176 () Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe du présent rapport.

177 () Idem.

178 () Idem.

179 () Idem.

180 () En 2006, en vue de favoriser l’emploi, le gouvernement allemand a décidé de créer une « TVA sociale » permettant d’alléger les cotisations sociales. Les dispositions adoptées au 1er janvier 2007 ont porté le taux normal de TVA de 16 % à 19 % et ont diminué de 2,3 points le taux de cotisation à l’assurance-chômage. Cependant, face à l’importance du déficit budgétaire, l’ambition « sociale » de la mesure a été revue à la baisse. Ainsi, un tiers seulement de la hausse de TVA a été consacré à la baisse des cotisations, le reste ayant été attribué au budget fédéral. Parallèlement, la moitié de la baisse du taux de cotisation à l’assurance-chômage a été financée par l’Agence fédérale pour l’emploi grâce à l’amélioration du marché du travail et à la réduction de la durée d’indemnisation du chômage induite par la réforme Hartz IV.

181 () Cotisations payées sur 25 fois le « salaire assurable » au cours des deux années précédentes, soit environ 5600 euros.

182 () 27,25 euros / jour.

183 () Interview de M. Pierre Méhaignerie, jeudi 13 janvier 2011, par le blog du Figaro « Les dessous du social ».

184 () « Pouvons-nous garder un dispositif d'indemnisation du chômage parmi les plus généreux au monde, en particulier pour les cadres à hauts salaires ? » s’était interrogé M. Lemaire, mercredi 31 août 2011, dans un entretien à L'Express, en réfléchissant aux voies possibles pour redresser les finances publiques.

185 () Baisser l'allocation chômage des cadres, "une mesure contre-productive", Le Monde, 2 septembre 2011.

186 () Audition du 14 septembre 2011 avec les associations AC ! – Agir ensemble contre le chômage, Association pour l’emploi, l’information et la solidarité (APEIS), Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), Alternatives pour une nouvelle économie de l’emploi (APNEE), Solidarités nouvelles face au chômage.

187 () Table ronde du 5 octobre 2011.

188 () Table ronde du 26 octobre 2011.

189 () Audition du 21 juin 2011.

190 () Rapport-pays Portugal, Euréval, décembre 2011, réalisé dans le cadre de l’étude annexé au présent rapport.

191 () Rapport-pays Allemagne, Euréval, décembre 2011, réalisé dans le cadre de l’étude annexé au présent rapport.

192 () Service public de l’emploi suédois.

193 () Rapport-pays Suède, Euréval, décembre 2011, réalisé dans le cadre de l’étude annexé au présent rapport.

194 () Entretien avec Mme Maria Hemström chef de l’unité d’analyse du ministère de l’Emploi suédois, lors de l’entretien du lundi 13 juin 2011 à Stockholm.

195 () Traduits ainsi de l’anglais : « services de l’emploi, mesures préparatoires, stages, validation des acquis, préparation au marché du travail, aides à la création d’entreprise ».

196 () Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe au présent rapport.

197 () Idem.

198 () Idem.

199 () Audition du 6 septembre 2011.

200 () Rapport au ministre des Affaires sociales, du travail et de la solidarité, par M. Jean Marimbert, avec le concours de M. Benjamin Joly, inspecteur à l’Inspection générale des affaires sociales (2004).

201 () Les régions pour la formation professionnelle ; les départements et les communes pour l’insertion sociale.

202 () Audition de Mme Véronique Hespel, inspectrice générale des finances, et M. Pierre-Emmanuel Lecerf, inspecteur des finances, auteurs d’une Étude comparative des effectifs des services publics de l’emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, le 11 mai 2011.

203 () Pôle emploi et la réforme du service public de l'emploi : bilan et recommandations, par M. Daniel Jamme, rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, juin 2011 in Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe du présent rapport.

204 () Réponse au questionnaire sur l’évaluation de la performance comparée des politiques sociales en Europe de l’Ambassade de France en République fédérale d’Allemagne du 10 octobre 2011.

205 () in Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe au présent rapport.

206 () Une définition est fournie par Nathalie Georges (2007) « l’opération par laquelle la puissance publique établit avec un prestataire privé un contrat pour fournir, en son nom, tout ou partie des services d’accompagnement, de placement et de suivi dans l’emploi des chômeurs, y compris la délégation de la mise en œuvre de l’ensemble du parcours ».

207 () Principe de la « boîte noire ».

208 () Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe du présent rapport.

209 () Idem.

210 () L’externalisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi : modalités d’un marché en plein essor, Nathalie Georges, Document de travail n° 81, Centre d’études de l’emploi, 2007.

211 () Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe au présent rapport.

212 () Idem.

213 () Idem.

214 () Idem.

215 () Idem.

216 () Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe au présent rapport.

217 () Fusionnés aujourd’hui dans le dispositif « Contrat d’insertion ».

218 () Dispositifs ACCRE (aide limitée à un plafond correspondant à 120 % du SMIC et accordée pour une durée d’un an) et NACRE (accompagnement et prêt à taux zéro).

219 () Intitulés «Mini-job à 1 euro ».

220 () Rapport public annuel de la Cour des comptes pour 2009.

221 () Audition du 14 septembre 2011.

222 () Rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et sociales (juin 2011), mis en place en application de l’article 12 de la loi du programmation des finances publiques du 9 février 2009.

223 () 1 175 euros.

224 () 1 365 euros brut, c’est-à-dire 1 545 euros pour l’employeur après charges patronales.

225 () En 2010, 4,92 millions de « Mini-Jobbers » n’avaient pas d’autre activité en dehors du Mini-job (+ 12 % entre 2003 et 2010). Mais la plus forte hausse concerne les « Mini-Jobbers » qui occupaient déjà un emploi : entre 2003 et 2010, leur nombre a plus que doublé, passant de 1,16 à 2,36 millions. De plus, selon les statistiques officielles, 663 000 bénéficiaires des minima sociaux, soit 13,8 % de l’ensemble des bénéficiaires, occupaient un Mini-Job. Parallèlement, le nombre de personnes occupant un Midi-Job est passé de 339 000 en 2003 à 946 000 en 2007. La part des Midi-Jobs sur la totalité des emplois soumis aux contributions sociales a augmenté de 3,6 % sur cette période.

226 () Transmis par le cabinet Euréval.

227 () Cette étude présente les résultats d’une enquête réalisée auprès de 6 025 demandeurs d’emplois, interrogés toutes les semaines pendant une durée allant jusqu’à 24 semaines entre l’automne 2009 et le printemps 2010. – Job Search and Job Finding in a Period of Mass Unemployment: Evidence from High-Frequency Longitudinal Data, Alan B. Krueger, Andreas Mueller, IZA DP No. 5450, January 2011.

228 () Parcours intensif de retour à l’emploi combinant plusieurs services successifs.

229 () Étude de l’Institut de recherche pour l’emploi allemand menée en 2011, in Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe au présent rapport.

230 () Cf. Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe au présent rapport.

231 () Idem.

232 () Idem.

233 () Rapport d’information déposé le 9 mars 2011 par la commission des Affaires sociales sur la mise en application de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie et présenté par MM. Gérard Cherpion et Jean-Patrick Gille.

234 () Réponses et appréciations de la CGPME au questionnaire du Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, novembre 2011.

235 () Bennmarker, Helge, Grönqvist, Erik, Öckert, Björn 2009, Effects of outsourcing employment services: evidence from a randomized experiment, Working Paper 2009:23, Institute for Labour Market Policy Evaluation, Uppsala.

236 () Rapport de synthèse du Comité de pilotage de l’évaluation du 5 mars 2009 présidé par M. Claude Seibel sur les expérimentations d’accompagnement renforcé des demandeurs d’emplois conduites par l’Unédic et l’ANPE en 2007.

237 () Audition du 21 septembre 2011.

238 () L’hystérésis (ou hystérèse) est le retard de l'effet sur la cause, la propriété d'un système qui tend à demeurer dans un certain état quand la cause extérieure qui a produit le changement d'état a cessé.

239 () Les décennies aveugles – Emploi et croissance – 1970-2010, Philippe Askenazy, 2011, Le Seuil.

240 () Table ronde du 26 octobre 2011.

241 () Étude comparative des effectifs des services publics de l’emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, rapport n° 2010-M-064-02 de l’Inspection générale des finances, par Mme Véronique Hespel, M. Emmanuel Monnet et M. Pierre-Emmanuel Lecerf.

242 () Pôle emploi et la réforme du service public de l'emploi : bilan et recommandations, par M. Daniel Jamme, rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, juin 2011 in Étude comparée concernant la politique de l’emploi dans plusieurs pays européens, Euréval, décembre 2011, en annexe du présent rapport.

243 () Rapport d'information n° 713 de M. Jean-Paul Alduy, fait au nom de la Mission commune d'information relative à Pôle emploi et publié le 5 juillet 2011.

244 () Avis n° 3811 du 12 octobre 2011 présenté au nom de la commission des Affaires sociales par M. Arnaud Richard, sur les crédits de la mission Travail et Emploi du projet de loi de finances pour 2012.

245 () Une aide différentielle de reclassement est créée pour les personnes de 50 ans ou indemnisées depuis plus de 12 mois, qui reprennent une activité salariée (pas chez le dernier employeur) en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée d’au moins 30 jours.

246 () Table ronde du 26 octobre 2011.

247 () Idem.

248 () Idem.

249 () Rapport au Parlement sur le suivi de l’objectif de baisse d’un tiers de la pauvreté en cinq ans du 25 octobre 2011.

250 () Le programme 102 « Accès et retour à l’emploi », doté d’environ 5,4 millions d’euros en crédits de paiement, connaît une baisse à hauteur de 21 % en autorisation d’engagement et de 13,4 % en crédits de paiement, qui porte essentiellement sur les dispositifs de l’action 01 « Amélioration de l’efficacité du service de l’emploi » de ce programme. La dotation du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », qui connaît une baisse moyenne d’un peu plus de 12 % en autorisation d’engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), s’établit pour 2012 à hauteur de 3,9 milliards d’euros (en autorisation d’engagement et crédits de paiement).

251 () Selon les auteurs de cette étude, le taux de non-recours aux États-Unis est estimé de 40 % à 70 % selon les études, entre 60 et 80 % au Royaume-Uni.

252 () Charte revendicative du Mouvement national des chômeurs et des précaires (MNCP).

253 () Audition du 12 juillet 2011.

254 () Architecture de la politique familiale : éléments de problématique, note adoptée par le Haut conseil de la famille lors de sa séance du 13 janvier 2011.

255 () Audition du 25 mai 2011.

256 () « Comment l’Europe agit-elle sur la question des acteurs ? La famille et les politiques communautaires », Mme Marie-Thérèse Letablier, Informations sociales n° 2007/3, Cnaf (2007).

257 () Entretien du 6 juin 2011 à Bruxelles.

258 () Audition du 12 avril 2011.

259 () Ainsi, certains souhaitent la mise sous condition de ressources, voire l’imposition, des prestations familiales, tandis que d’autres y sont opposés au motif que cette imposition serait incompatible avec les objectifs de redistribution horizontale et de compensation de charges des familles, qui impliquent qu’elles soient universelles (c’est-à-dire non soumises à des conditions de ressources).

260 () En Italie, il n’existe pas de plan national de politiques familiales, vu comme un cadre de politiques qui s’adresseraient de manière spécifique aux familles. La loi de finances pour 2007 avait prévu l’élaboration d’un tel plan. Il a donc été présenté par le secrétariat d’État à la famille, mais il n’a pas encore été approuvé en Conseil des ministres et il n’a donc pas encore été présenté au Parlement. Le secrétaire d’État à la Famille avait d’ailleurs menacé de démissionner en juillet dernier si ce plan n’était pas présenté en Conseil des ministres pour approbation.

261 () Selon le programme de qualité et d’efficience « Famille » annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (indicateur de cadrage n° 4).

262 () Assurer le bien-être des familles, OCDE (juillet 2011).

263 () L’investissement de la Nation en direction des familles. Comparaisons internationales, note de travail adoptée par le Haut conseil de la famille (9 septembre 2010).

264 () Audition du 7 septembre 2011.

265 () Voir sur ce point la note méthodologique présentée en annexe de l’étude, elle-même annexée au présent rapport.

266 () Audition du 13 avril 2011.

267 () Entretien du 18 juillet 2011.

268 () C’est-à-dire assise sur la totalité du salaire.

269 () Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Financement », annexe 1 au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 (indicateur n° 4 relatif à l’évolution de la structure des recettes du régime général et des régimes d’assurance sociale des administrations de sécurité sociale.

270 () Traité d’Amsterdam modifiant le traité sur l’Union européenne, les traités instituant les communautés européennes et certains actes connexes (97/C340/01), signé le 2 octobre 1997.

271 () Le rôle de la politique familiale dans le processus de changement démographique afin de partager les meilleures pratiques dans les États membres, avis du Comité économique et social européen (mai 2011).

272 () Conseil européen, conclusions de la présidence, 13 et 14 mars 2008.

273 () En mars 2006, le Conseil a ainsi souligné la nécessité d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour parvenir à la croissance économique, à la prospérité et à la compétitivité, et a approuvé le Pacte européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes. En décembre 2007, le Conseil a demandé à la Commission d’évaluer le cadre juridique en matière de conciliation entre famille et travail et d’examiner s’il y a lieu de l’améliorer. Le Conseil a aussi rappelé en 2008 la nécessité de poursuivre les efforts en vue de concilier vie professionnelle, vie familiale et vie privée, tant pour les femmes que pour les hommes.

274 () Audition du 8 mars 2011.

275 () A taxonomy of European labour markets using quality indicators, projet financé by la Direction générale pour l’emploi et les affaires sociales, rapport de Mmes Lucie Davoine, Christine Erhel et Mathilde Guergoat (2008), résultats publiés dans le Rapport pour l’emploi 2008 de la Commission européenne.

276 () Directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010 portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental conclu par Business Europe, l’UEAPME, le CEEP et la Confédération européenne des syndicats (CES) et abrogeant la directive 96/34/CE du 3 juin 1996.

277 () Table ronde du 26 octobre 2011.

278 () Résolution législative du Parlement européen du 20 octobre 2010 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 92/85/CEE du Conseil concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail.

279 () Concilier vie familiale et vie professionnelle en Europe, sous la direction de Mme Blanche Le Bihan-Youinou et M. Claude Martin, Presses de l’Ecole des hautes études en santé publique (octobre 2008).

280 () Audition du 17 mai 2011.

281 () Eurostat, enquête sur les forces de travail (2006).

282 () Mise en œuvre des objectifs de Barcelone concernant les structures d’accueil pour les enfants en âge préscolaire, rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, COM/2008/0638 (octobre 2008).

283 () Entretien du 19 juillet 2011.

284 () Favoriser l’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités professionnelles et familiales, rapport de Mme Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales (juin 2011).

285 () Audition du 28 septembre 2011.

286 () Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail, de MM. Philippe Nasse, magistrat honoraire, et Patrick Légeron, médecin psychiatre, remis à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité (12 mars 2008).

287 () En particulier, la notion d’exigences du travail recouvre trois grandes dimensions : la quantité de travail, la pression temporelle au travail, la complexité du travail et les difficultés de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

288 () Audition du 14 septembre 2011.

289 () Les risques psychosociaux au travail : les indicateurs disponibles, M. Thomas Coutrot et Mme Catherine Mermilliod, Dares, Analyses n° 081 (décembre 2010).

290 () L’enquête « Santé et itinéraire professionnel » (SIP), qui a été conçue par la Drees et la Dares et a été réalisée en deux vagues (fin 2006-début 2007 et 2010), explore les liens entre les problèmes de santé et les parcours professionnels et les conditions de travail.

291 () Livre blanc sur le stress au travail. Comment le mesurer, comment l’appréhender ?, SRM Consulting, cabinet spécialisé en audit de performance sociale (2008), sur le site travailler-mieux.gouv.fr. Les coûts ont été évalués sur trois pathologies (maladies cardio-vasculaires, dépressions, lombalgies et troubles musculo-squelettiques).

292 () Audition du 14 septembre 2011.

293 () Selon cette étude menée par le Sainsbury center for mental health en 2009 et citée dans le rapport précité de Mme Brigitte Grésy, le coût moyen quotidien par employé affecté par ce phénomène serait d’environ 170 euros, contre 95 euros environ par journée d’absence.

294 () La charte a été signée par les Présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission lors du Conseil européen de Nice le 7 décembre 2000.

295 () « Un engagement accru en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Une charte des femmes », communication de la Commission européenne du 5 mars 2010.

296 () « Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2010-2015 », communication de la Commission européenne du 21 septembre 2010.

297 () Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République.

298 () Ces statistiques concernent l’écart de rémunération non ajusté entre hommes et femmes, qui représente la différence entre l’écart de la rémunération horaire brute moyenne des hommes salariés et des femmes salariées en pourcentage de la rémunération horaire brute moyenne des hommes salariés.

299 () Audition du 18 janvier 2011.

300 () Sur ces écarts salariaux, voir également l’étude présentée en annexe au présent rapport et notamment le tableau 12 précité sur l’évaluation des performances comparées des politiques d’articulation.

301 () « Enfants, interruptions d’activité des femmes et écarts de salaries entre les sexes », Mme Dominique Meurs, Ariane Pailhé, Sophie Ponthieux, revue de l’OFCE n° 114 (juillet 2010).

302 () Même âge, ayant des enfants, sans interruption de carrière, mêmes diplômes et expériences.

303 () Table ronde du 26 octobre 2011.

304 () Table ronde du 25 octobre 2011.

305 () Entretien du 19 juillet 2011.

306 () « Rapport 2010 sur la démographie : les dernières données sur les enjeux démographiques dans l’Union européenne », communiqué de presse d’Eurostat (avril 2011).

307 () L’enquête sur les forces de travail (EFT) couvre l’ensemble de la population européenne vivant dans un ménage privé mais exclut les personnes vivant dans des ménages collectifs, tels que les pensions, hospices et hôpitaux. La population occupée comprend les personnes qui, durant la semaine de référence de l’enquête, ont travaillé au moins une heure contre rémunération ou en vue d’un bénéfice ou qui, n’ayant pas travaillé, avaient néanmoins un emploi dont elles étaient temporairement absentes.

308 () Lois du 27 décembre 2004 sur les infrastructures d’accueil des jeunes enfants (Tages-betreuungsausbaugesetz) et du 5 décembre 2006 sur le congé parental (Elterngeld et Elternzeit), cf. sur ce point, la monographie de l’Allemagne dans l’étude annexée au présent rapport.

309 () Bébés et employeurs : comment réconcilier travail et vie de famille, OCDE (2007).

310 () Audition du 21 septembre 2011.

311 () Programme national de réforme de la France pour 2011-2014 (avril 2011). Dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 », les PNR rédigés par les États membres de l’Union européenne exposent les réformes structurelles qu’ils souhaitent mettre en oeuvre afin de répondre aux orientations politiques fixées par les chefs d’États et de gouvernement en vue d’atteindre les grands objectifs de cette nouvelle stratégie.

312 () Le complément de libre choix d’activité (CLCA) est une prestation qui a pour objet de permettre à l’un des parents de réduire ou de cesser totalement son activité professionnelle pour s’occuper de son enfant.

313 () Le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) est attribué au parent ayant à charge au moins 3 enfants, et qui interrompt intégralement son activité professionnelle pendant une durée maximale d’un an.

314 () La directrice générale de la cohésion sociale est d’ailleurs également, ès qualités, déléguée interministérielle aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes.

315 () Décret n° 2010-95 du 25 janvier 2010 relatif à l’administration centrale des ministères chargés des affaires sociales et portant création d’une direction générale de la cohésion sociale.

316 () Selon le PQE, l’indicateur correspond au nombre de places en accueil collectifs, crèches familiales, assistants maternels salariés de particuliers employeurs pour 100 enfants de moins de trois ans.

317 () Mise en œuvre des objectifs de Barcelone concernant les structures d’accueil pour les enfants en âge préscolaire, rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et Comité (octobre 2008).

318 () Conformément à l’article L. 227-1 du code de la sécurité sociale.

319 () Les conventions précisent, par exemple, les objectifs liés à la mise en œuvre des dispositions législatives et réglementaires relatifs à la gestion du risque, au service des prestations, ou encore les objectifs liés à l’amélioration de la qualité du service aux usagers.

320 () www.securite-sociale.fr

321 () Dans l’esprit de la démarche « objectifs-résultats » qui préside à l’élaboration des COG et en s’appuyant sur la méthodologie issue des lois organiques relative aux lois de finances (Lolf) et aux lois de financement de la sécurité sociale (Lolfss), la Cnaf structure son offre globale de services en quatre missions, auxquelles se rattachent des programmes, eux-mêmes déclinés en actions.

322 () Outre l’évolution du nombre de places, sont associés d’autres indicateurs à cet objectif stratégique (par exemple, l’indicateur de visibilité des places disponibles par les familles, etc.).

323 () L’indicateur se décompose par type d’accueil : accueil collectif, accueil familial, accueil parental, jardin d’enfants et micro-crèches.

324 () Issu de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, l’article 34-1 de la Constitution permet aux assemblées de voter des résolutions dans des conditions fixées par la loi organique.

325 () Proposition de résolution n° 3185 sur l’égalité entre les femmes et les hommes en 2011, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2011.

326 () Compte rendu intégral de la première séance de l’Assemblée nationale du mardi 22 mars 2011.

327 () Le quotient familial est utilisé pour l’imposition conjointe des foyers fiscaux et consiste à diviser le revenu global du foyer fiscal par le nombre de parts, représentatif du nombre d’unités de consommation qui le composent. Il permet donc de tenir compte des charges liées aux enfants.

328 () Selon la réponse de l’ambassade de France en Finlande au questionnaire adressé en septembre 2011.

329 () Le principe de l’imposition conjointe obligatoire des personnes vivant en couple se traduit par le dispositif du quotient conjugal, selon lequel les revenus du couple sont cumulés puis divisés par deux avant application du barème progressif. Le terme de « quotient conjugal » fait donc référence au fait de payer par foyer et non par individu. Le quotient familial constitue une extension du quotient conjugal, en prenant en compte également le nombre d’enfants du ménage dans le calcul du revenu imposable par part.

330 () Entretien du 6 septembre 2011.

331 () Entretien du 24 juin 2011.

332 () Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Barcelone, 15 et 16 mars 2002.

333 () Les structures d’accueil formels ou officiels comprennent essentiellement l’accueil préscolaire, les crèches collectives ou autres centres d’accueil de jour ainsi que les gardiennes professionnelles agréées (voir la définition précise dans l’étude présentée en annexe au présent rapport).

334 () Voir le graphique 26 de l’étude présentée en annexe au présent rapport.

335 () Voir la monographie sur le Royaume-Uni en annexe.

336 () Entretien du 19 juillet 2011.

337 () Entretien du 13 juin 2011.

338 () En Allemagne de l’Ouest, moins de 10 % des enfants de moins de 3 ans sont gardés dans des structures formelles, tandis que le taux de couverture atteint environ 40 % en Allemagne de l’Est.

339 () Entretien du 18 juillet 2011.

340 () Modes de garde et d’accueil des enfants de moins de six ans en 2007, Drees, Études et résultats n° 678 (février 2009).

341 () Cf. le graphique 24 sur le taux de prise en charge des enfants de moins de trois ans dans les structures formelles en 2008 (préscolarisation et modes de garde), dans l’étude comparée présentée en annexe. Il est à noter que cette étude s’appuie non pas sur les données d’Eurostat ou d’EU-Silc, mais sur la base de données de l’OCDE, qui permet de comparer de façon fine les taux de couverture. Ces statistiques se fondent sur l’enquête EU-Silc, mais elles sont retravaillées à partir de données nationales afin d’approcher au mieux la réalité des taux de couverture. Il existe donc des différences sensibles entre les deux bases de données (voir sur ce point la note méthodologique), ce qui explique, avec les différences d’années, l’écart qu’il peut y avoir entre ces chiffres et ceux d’Eurostat ou ceux évoqués en page suivante.

342 () En modes de garde ou en préscolarisation.

343 () Pour plus de précisions sur ce point, cf. l’étude présentée en annexe au présent rapport.

344 () Entretien du 6 novembre 2011.

345 () Voir également le tableau 11 récapitulatif sur les congés parentaux dans l’étude annexée au présent rapport.

346 () Table ronde du 26 octobre 2011.

347 () L’éligibilité à l’APE avait été étendue du troisième au deuxième enfant (voir la monographie France).

348 () Selon l’étude, le « congé parental (…) est au carrefour entre politique familiale, politique de l’emploi (dans la mesure où il engendre un retrait long et parfois définitif du marché du travail) et politique sociale (puisqu’il s’adresse pour l’essentiel à des femmes peu qualifiées au revenu modeste). Il représente également un mode de garde pour les enfants n’ayant pas trouvé d’accueil dans une structure extérieure. »

349 () Entretien du 6 juin 2011 à Bruxelles (Commission européenne).

350 () Voir l’annexe sur la description des sources statistiques utilisées et les problèmes méthodologiques.

351 () Concernant la méthode suivie, il s’agissait notamment d’organiser des entretiens avec les parents en trois phases, et de poser les mêmes questions à différents moments pour observer l’évolution des réponses.

352 () L’indice conjoncturel de fécondité est calculé en additionnant les taux de fécondité féminine de toutes les cohortes annuelles dans la population d’aujourd’hui. Il indique donc le nombre d’enfants qu’aurait une femme si elle connaissait durant toute sa vie féconde les conditions de fécondité observées une année donnée.

353 () L’étude note dans ce sens que « Les enjeux de court terme [des politique de conciliation] pour les pays où la natalité est dynamique consistent à prendre acte de ce dynamisme et à se doter des moyens suffisants pour prendre en charge les jeunes enfants (…) L’objectif est de permettre aux parents de travailler dans de bonnes conditions avec la garantie de confier leurs enfants à un personnel qualifié, mais il s’agit également de mettre en place des politiques d’articulation qui permettent de soutenir l’égalité professionnelle entre les sexes en limitant les effets négatifs de cette fécondité dynamique sur les carrières des femmes. »

354 () Table ronde du 25 octobre 2011.

355 () Modes de garde : vécu et attentes des parents et futurs parents, étude qualitative réalisée auprès de 58 parents, sous forme de 10 entretiens semi-directifs approfondis et de 6 réunions de groupe (mars 2009).

356 () Entretien du 28 septembre 2011.

357 () Audition du 28 juin 2011. La Fondation « K d’urgences d’urgences » a été créée en avril 2010 par Mme Christine Kelly, sous l’égide de la Fondation de France pour venir en aide aux familles monoparentales en situation d'urgence.

358 () La définition qui a été retenue pour cette étude est celle utilisée par Eurostat pour l’enquête européenne sur le revenu et les conditions de vie (EU-Silc) et pour l’enquête sur les forces de travail (EFT), soit les parents qui vivent sans conjoint ou autres adultes et dont l’enfant est dépendant (soit mineur, soit âgé de moins de 25 ans et inactif).

359 () France, portrait social. Édition 2011, Insee (novembre 2011).

360 () Le taux de pauvreté fait référence au pourcentage de la population dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté, correspondant à 60 % de la médiane des niveaux de vie.

361 () Audition du 18 octobre 2011.

362 () Entretien à Bruxelles le 6 juin 2011 avec Mme Éva Torok, chef du cabinet adjoint de M. László Andor, commissaire en charge de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion.

363 () Audition du 28 septembre 2011.

364 () Entretien du 14 juin 2011.

365 () Entretien du 6 novembre 2011.

366 () Audition du 12 avril 2011.

367 () Données concernant l’année 2008 pour l’Allemagne, Israël, l’Italie, la Corée, le Mexique, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suède et les États-Unis ; 2007 pour le Canada, le Danemark et la Hongrie ; 2006 pour le Chili, l’Estonie, le Japon et la Slovénie ; 2005 pour la France, l’Irlande, le Royaume-Uni et la Suisse ; 2004 pour l’Australie, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la Grèce, l’Islande, le Luxembourg, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la République slovaque et la Turquie.

368 () Audition du 28 septembre 2011.

369 () Selon la typologie établie par M. Gøsta Esping-Andersen, économiste et sociologue danois, dans son ouvrage Les trois mondes de l’État-providence. Essai sur le capitalisme moderne (1990).

370 () Voir notamment sur ce point la section relative aux modèles familiaux et aux modèles d’États sociaux concernant les dispositifs d’articulation entre vies familiale et professionnelle, dans l’étude annexée au présent rapport.

371 () Familles monoparentales et pauvreté en Europe : quelles réponses politiques ? L’exemple de la France, de la Norvège et du Royaume-Uni, Mmes Anne Eydoux et Marie-Thérèse Letablier, Politiques sociales et familiales n° 98 (décembre 2009).

372 () Sur l’analyse approfondie des prestations et dispositifs mis en place en faveur des parents isolés, voir également les monographies réalisées pour chaque pays dans le cadre de l’étude présentée en annexe.

373 () Entretien du 24 juin 2011.

374 () Entretien du 6 novembre 2011.

375 () En particulier, un dégrèvement fiscal sur le revenu pour les parents isolés concernant l’impôt sur le revenu, une allocation parentale pendant 14 mois (au lieu de 12), des avances sur les pensions alimentaires, concernant les frais de garde, l’intégration d’une allocation pour parent isolé dans « la loi sur l’encouragement du perfectionnement en vue de la promotion professionnelle » ou encore, concernant la garde des enfants, une priorité au placement, conformément aux dispositions prévues par le code social.

376 () L’étude annexée au présent rapport note à cet égard que « l’ASF est versée sous condition de ressources aux parents isolés aux parents isolés mais il s’agit d’un système d’avance sur pension alimentaire : la Caf se charge de récupérer la pension alimentaire et se rembourse des sommes versées à l’allocataire. »

377 () Avec possibilité de réduction supplémentaire en fonction du revenu.

378 () Ces allocations ne sont pas réservées aux familles monoparentales, qui en bénéficient toutefois plus facilement, étant donné qu’elles sont calculées (en partie) sur la base du revenu. Des informations plus détaillées n’ont pas pu être recueillies à ce jour.

379 () Les familles monoparentales ayant un ou plusieurs enfants à charge afin de les aider à mieux supporter leurs dépenses de logement peuvent bénéficier de cette aide. Le montant de l'aide varie en fonction des charges de logement de la famille et des éventuelles aides au logement dont elle bénéficie déjà.

380 () Audition du 13 septembre 2011.

381 () Éléments communiqués lors de l’audition de Mme Olga Trostiansky.

382 () Audition du 28 septembre 2011.

383 () Voir également sur ce point L’adieu au maternalisme ? Politiques de l’État et emploi des mères en Suède et aux Etats-Unis, Ann Shola Orloff, professeure de sociologie à l’Université de Northwestern, Illinois, Recherches et Prévisions n° 83 (mars 2006).

384 () Voir sur ce point la monographie du Royaume-Uni réalisée dans le cadre de l’étude annexée au présent rapport.

385 () Voir la section de la synthèse intitulée « Incitation, activation et accompagnement dans l’emploi des parents isolés : politiques, réformes et bilan », ainsi que les monographies pour chacun des cinq pays.

386 () Entretien du 19 juillet 2011.

387 () Audition du 25 mai 2011.

388 () Article L. 262-28 du code de l’action sociale et des familles.

389 () Ainsi, selon cette étude, 68 % des familles monoparentales étaient suivies par un référent unique (cf. l’encadré ci-après), contre 60 % pour l’ensemble des allocataires du RMI, et 50 % avait signé un contrat d’insertion (contre 44%) et 44 % avaient participé à des actions d’insertion (contre 40 %).

390 () À cet égard, il est à noter que le PQE Famille comporte une fois une référence aux familles monoparentales dans la partie « Objectifs/résultats », concernant le deuxième objectif relatif à l’aide aux familles vulnérables dont l’indicateur 2.2. concerne « le nombre d’enfants âgés de moins de 18 ans vivant dans des familles dont les ressources sont inférieures au seuil de pauvreté (ensemble des familles et familles monoparentales) ».

391 () Voir le tableau 12 relatif aux prestations reçues par les parents isolés et l’ensemble des ménages, dans l’étude annexée au présent rapport.

392 () Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d’insertion.

393 () Projet de loi n° 1100 généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d’insertion, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er septembre 2008.

394 () Soit les prestations sociales moins les impôts.

395 () L’ordonnée à l’origine correspond ainsi aux revenus de transferts (minimum social, prestations familiales, allocations logement) d’un parent isolé avec deux enfants n’ayant aucune ressource (ce revenu étant exprimé en pourcentage du salaire moyen).

396 () Audition du 28 juin 2011.

397 () Audition du 25 mai 2011.

398 () Audition du 28 juin 2011.

399 () Eléments communiqués lors de l’audition de Mme Christine Kelly par le groupe de travail.

400 () Expression fréquemment utilisée pour désigner des obstacles non monétaires à l’emploi, concernant par exemple la garde d’enfants, la mobilité, le logement, etc.

401 () Audition du 28 septembre 2011.

402 () Entretien du 24 juin 2011.

403 () Entretien du 19 juillet 2011.

404 () Entretien du 12 juillet 2011.

405 () Audition du 13 avril 2011.

406 () Étude sur la pauvreté et l’exclusion sociale des familles monoparentales, rapport coordonnée par Mme Rossana Trifiletti, Fondation Brodolini, rapport financé par la direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’égalité des chances de la Commission européenne.

407 () L’accompagnement social des bénéficiaires du RSA au titre de l’API. Évaluation des expérimentations conduites par les CAF, Cyprien Avenel, Dossiers d’études, Cnaf, n° 117 (2009).

408 () Audition du 13 avril 2011 et séminaire de travail du jeudi 3 novembre 2011.

409 () Table ronde du 25 octobre 2011.

410 () Entretien du 6 novembre 2011.

411 () Éléments transmis lors de l’entretien avec les représentants du ministère fédéral chargé de la famille.

412 () Audition du 24 juin 2011.

413 () Déplacement des 18 et 19 juillet 2001.

414 () Audition du 25 mai 2011.

415 () Concilier travail et famille. Un défi personnel, un enjeu collectif, Mme Séverine Maublanc, étude réalisée dans le cadre de la convention conclue entre la CFTC et l’Institut de recherches économiques et sociales (octobre 2010).

416 () Audition du 28 septembre 2011.

417 () Rapport n° 1801 de Mme Marie-Françoise Clergeau, au nom de la Misssion d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur Le bilan de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) (juillet 2009).

418 () Le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, rapport au Premier ministre de Mme Michèle Tabarot (juillet 2008).

419 () Entretien du 7 novembre 2011.

420 () Sur l’analyse de l’impact des mois accordés en cas de partage du congé parental, cf. l’encadré infra.

421 () Ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse (Bundesministerium für Familie, Senioren, Frauen und Jugend, BMFSFJ).

422 () L’évaluation d’ensemble a lieu dans le cadre d’un projet commun de recherche entre les deux ministères sur une période de quatre ans (2009-2013). Elle examine l’efficacité des prestations liées au mariage et à la famille par rapport aux principaux objectifs de politique familiale, notamment la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. L’évaluation d’ensemble est effectuée par un bureau (Prognos AG) qui mandate des scientifiques et des institutions de recherche et suit leur travail pour les deux ministères.

423 () Éléments communiqués lors du déplacement des rapporteurs à Berlin le 7 novembre 2011.

424 () Audition du 14 septembre 2011.

425 () Période dénommée Partnermonat ou « mois du partenaire ».

426 () Selon la règle dite des « 3+3+3 ».

427 () Organisée par le gouvernement britannique et le Fatherhood institute (groupe de réflexion sur la paternité), cette campagne de sensibilisation a été menée aux niveaux des services publics concernés par les naissances, des institutions accueillant les enfants en bas âge, des écoles et dans la société en général, selon l’Alliance européenne pour les familles. Une « semaine des pères » a également été mise en place au Royaume-Uni (cf. la section « bonnes pratiques », concernant la paternité active, sur le portail de l’Union européenne- Alliance pour les familles).

428 () Le cas échéant, une première étape pourrait être, par exemple, d’étendre aux parents de deux enfants la possibilité de bénéficier d’un complément optionnel du libre choix d’activité (Colca), qui permet actuellement aux mères ou aux pères de trois enfants de prendre, s’ils le souhaitent, un congé parental plus court et mieux rémunéré que le congé classique (CLCA).

429 () Audition du 25 mai 2011.

430 () Problématiques et voies de réformes du complément de libre choix d’activité (CLCA), note adoptée par le Haut conseil de la famille (HCF) le 11 février 2010.

431 () Audition du 4 octobre 2011.

432 () Audition du 4 octobre 2011.

433 () Table ronde du 25 octobre 2011.

434 () Ces nouvelles solutions correspondent à la délivrance de nouveaux agréments par les services de protection maternelle et infantile (24 800 places environ) et à l’amélioration du taux d’occupation des places existantes (16 800 places environ).

435 () Mise en oeuvre des objectifs de Barcelone concernant les structures d’accueil pour les enfants en âge préscolaire, rapport de la Commission européenne (octobre 2008).

436 () Table ronde du 25 octobre 2011.

437 () Les classes passerelles s’adressent aux enfants de 2 à 3 ans. Ce mode d’organisation a pour but de faciliter la scolarisation des enfants et de faciliter leur entrée à l’école. Elles peuvent, par exemple, être mises en place dans le cadre d’un partenariat entre l’Éducation nationale, la Caf et une collectivité.

438 () Les résultats de l’enquête PISA 2009, OCDE (décembre 2010).

439 () Pour les départements métropolitains et selon les informations présentées dans le PQE Famille annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2011.

440 () Problématiques et voies de réformes du complément de libre choix d’activité (CLCA), note adoptée par le Haut conseil de la famille (février 2010 ).

441 () Audition du 14 septembre 2011.

442 () Audition du 14 septembre 2011.

443 () L’article L. 2241-3 du code de travail prévoit en effet que « Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent pour négocier tous les trois ans sur les mesures tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées. La négociation porte notamment sur : 1° Les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle ; 2° Les conditions de travail et d’emploi et notamment celles des salariés à temps partiel. Les informations nécessaires à la négociation sont déterminées par voie réglementaire. »

444 () L’article L. 2242-5 du code du travail dispose que « L’employeur engage chaque année une négociation sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre. (…) Cette négociation porte notamment sur les conditions d’accès à l’emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle, les conditions de travail et d’emploi et en particulier celles des salariés à temps partiel, et l’articulation entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales ».

445 () Aux termes de l’article D. 2241-7 du code du travail, « La négociation triennale [de branche] sur l’égalité professionnelle se déroule à partir d’un rapport présentant la situation comparée des femmes et des hommes dans les domaines mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 2241-3. Elle s’appuie également sur des indicateurs pertinents, reposant sur des éléments chiffrés, pour chaque secteur d'activité. Un diagnostic des écarts éventuels de rémunération est établi sur la base de ce rapport. »

446 () Conformément aux dispositions prévues par l’article L. 2271-1 du code du travail.

447 () Audition du 28 septembre 2011.

448 () Audition du 14 septembre 2011.

449 () Pour plus de précisions à ce sujet, voir également la monographie sur la France réalisée dans le cadre de l’étude de Sciences Po/CEE, Liepp et OFCE annexée au présent rapport.

450 () Audition du 28 juin 2011.

451 () Dispositions codifiées à l’article 244 quater F du code général des impôts.

452 () Selon le projet annuel de performances (PAP) de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » annexé au projet de loi de finances pour 2012.

453 () Selon l’annexe sur les Voies et moyens (tome II – chiffrage des dépenses fiscales) au projet de loi de finances pour 2012.

454 () L’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, rapport du comité d’évaluation présidé par M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances honoraires (août 2011).

455 () L’étude précise également qu’en tenant compte des aides fiscales, des aides des Caf et de la participation des familles, la part du coût total d’une crèche qui reste à la charge de l’employeur est estimée à seulement 17 %.

456 () Voir sur ces points la monographie sur la France réalisée dans le cadre de l’étude annexée au présent rapport.

457 () Entretien du 19 juillet 2011.

458 () Audition du 13 avril 2011.

459 () Audition du 7 novembre 2011.

460 () Il convient à cet égard de rappeler que, conformément aux dispositions prévues par l’article L. 4642-1 du code du travail, l’Anact est chargée: « 1° de contribuer au développement et à l’encouragement de recherches, d’expériences ou réalisations en matière d’amélioration des conditions de travail ; 2° de rassembler et de diffuser les informations concernant, en France et à l'étranger, toute action tendant à améliorer les conditions de travail ; 3° d’appuyer les démarches d’entreprise en matière d'évaluation et de prévention des risques professionnels ». 

461 () Audition du 28 juin 2011.

462 () Audition du 14 septembre 2011.

463 () Le leadership au féminin, un atout face à la crise et pour la reprise (2010) et La mixité, levier de performance de l’entreprise, série « Women matter », étude réalisée par le cabinet Mac Kinsey and Company (statistiques européennes sur les 50 premières entreprises nationales cotées, Commission européenne).

464 () L’article L. 225-37-1 du code du travail, tel qu’issu de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 précitée dispose ainsi que « Le conseil d’administration délibère annuellement sur la politique de la société en matière d’égalité professionnelle et salariale ».

465 () Article L. 2323-57 du code du travail.

466 () Article L. 2245-2 du code du travail.

467 () En adoptant à l’unanimité un amendement en ce sens de Mme Marie-Jo Zimmermann, rapporteure au nom de la commission des Lois et présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale. Ces dispositions avaient toutefois été supprimées ensuite par le Sénat, lors de l’examen en première lecture de ce texte.

468 () Compte-rendu de la séance du 20 janvier 2010 de l’Assemblée nationale.

469 () Les demandeurs d'emploi, parents isolés d’enfants de moins de dix ans, qui reprennent une activité professionnelle ou s’engagent à suivre une formation, peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’une aide à la garde d'enfants pour parents isolés (Agepi), si cette reprise d'activité ou cette entrée en formation génère des coûts de garde d'enfants.

470 () Audition du 12 juillet 2011. Le CNIDFF coordonne un réseau de centres visant à informer le public concernant notamment l’accès aux droits, l’emploi et les luttes contre les violences faites aux femmes.

471 () Audition du 20 septembre 2011.

472 () En vue de faciliter la vie quotidienne des familles, la mairie de Paris a mis en place des relais d'accueil, de conseil et d’orientation. La ville compte 8 Relais informations familles (Rif), qui sont des lieux d’accueil et d’information spécialisé dans les domaines touchant à la famille : la petite enfance, l’école, les loisirs, la santé, les activités sportives et culturelles, les prestations sociales, etc. Des permanences d’organismes partenaires vous ouvrent un accès direct aux différentes prestations ou informations utiles. (Caf, PMI, etc.).

473 () Dans un entretien au journal La Croix, paru le 2 août 2011, Mme Claude Greff avait ainsi déclaré envisager « la création d'un guide « Famille monoparentale : vous n’êtes pas seuls », afin que le parent élevant seul les enfants sache exactement à quelles aides il peut prétendre, quels sont ses interlocuteurs, etc. », en jugeant également « utile de travailler à donner aux familles monoparentales la priorité lors de l’attribution d’une place de crèche ».

474 () Table ronde du 5 octobre 2011.

475 () Audition du 6 septembre 2011.

476 () Audition du 18 octobre 2011.

477 () Audition du 15 mars 2011.

478 () Table ronde du 26 octobre 2011.

479 () Loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, dite « loi Borloo », ces dispositions relatives aux établissements d’accueil des enfants de moins de six ans ayant été codifiées à l’article L. 241-7 du code de l’action sociale et des familles.

480 () Audition du 18 octobre 2011.

481 () Audition du 28 novembre 2011.

482 () Familles monoparentales et pauvreté en Europe : quelles réponses politiques ? L’exemple de la France, de la Norvège et du Royaume-Uni, Mmes Anne Eydoux et Marie-Thérèse Letablier, Politiques sociales et familiales n° 98 (décembre 2009).

483 () Audition du 20 septembre 2011.

484 () Le rapport de la mission d’évaluation sur les familles monoparentales (avril 2011) instituée par le Conseil de Paris indique à cet égard que « Les familles monoparentales sont plus ou moins éloignées de l’emploi et de façon générale, un certain nombre de freins sociaux vient compliquer l’insertion (…). Ces freins sociaux sont davantage marqués pour les allocataires du RSA majoré. Face à ce public nouveau et spécifique pour la DASES (Direction de l’action sociale et de l’enfance de la ville de Paris), un groupe de travail entre la DASES, la Caf et Pôle emploi définit des parcours d’insertion spécifiques, qui seront intégrés dans le futur plan départemental d’insertion et d’emploi (2011). Les enjeux sont les suivants : accompagnement social ; motivation pour l’emploi et démarche de conviction pour les jeunes mères ; évolution de l’offre d’insertion, en prenant en compte le faible niveau scolaire, vers des actions de préqualification ; diversification des métiers au-delà des emplois de service. »

485 () Entretien du 7 novembre 2011.

486 () Ces actions ont été mises en œuvre e dans le cadre du projet « Compatibilité de la famille et du travail pour les parents isolés » (Vereinbarkeit von Familie und Beruf für Alleinerziehende) mis en place en 2009, dans le cadre du programme Gute Arbeit évoqué plus haut.

487 () La Cog entre l’État et la Cnaf prévoit en effet qu’ « En fonction de leurs partenariats locaux et de leurs ressources, les Caf assurent une offre de service pour l’accompagnement des familles monoparentales ayant des jeunes enfants. Elles soutiennent les projets d’insertion sociale de ces familles et contribuent à lever les obstacles familiaux et sociaux (par exemple, la garde des enfants) en permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle » et qu’ « Un dispositif est mis en place pour évaluer les interventions des Caf réalisées au titre de l’accompagnement social de ces familles. »

488 () Voir le tableau 5 relatif aux niveaux d’éducation des parents isolés et de l’ensemble des parents dans chacun des pays étudiés.

489 () Table ronde du 25 octobre 2011.

490 () Enquête « Aides à la mobilité », Repères et analyses statistiques n° 26 (juin 2011).

491 () Audition du 7 septembre 2011.

492 () Audition du 4 octobre 2011.

493 () Compte tenu du déplacement des rapporteurs à Londres, certains thèmes du questionnaire précité n’ont pas été soumis à l’ambassade, des éléments de réponse ayant été fournis aux rapporteurs lors des entretiens, et dans leur prolongement.

494 () Même si cette mesure est davantage médiatisée – au Royaume-Uni comme à l’étranger – depuis l’accession au pouvoir de David Cameron.

495 () Bien que lancé par le précédent gouvernement, ce programme a été maintenu, dans ses grandes lignes par le gouvernement de David Cameron.

496 () La notion de foyer fiscal n’existant pas au Royaume-Uni, cette réforme porte, de ce fait, sur l’individu, ce qui la rend par conséquent injuste puisqu’un couple dont les deux membres sont chacun en dessous du seuil (soit jusqu’à 87 750 livres par an) continuera à toucher les allocations là où un couple dont seul un membre touche 43 876 livres (soit le seuil + 1) ne touchera plus rien.

497 () 20,30 livres par semaine pour le premier enfant et 13,40 livres par semaine par enfant supplémentaire.

498 () Quatre lois fondamentales composent la constitution suédoise : l’« instrument » du gouvernement décrit le fonctionnement de la démocratie en Suède et la répartition des pouvoirs entre le gouvernement et le parlement notamment.

499 () La loi sur le Riksdag occupe juridiquement une place intermédiaire entre loi fondamentale et loi ordinaire.

500 () site de la Documentation française : www.ladocumentationfrancaise.fr


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