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N° 4236

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er février 2012

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

relatif à l’organisation ferroviaire dans le contexte européen

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Hervé MARITON

Député.

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INTRODUCTION 5

I.– LE CADRE RÉGLEMENTAIRE EUROPÉEN DU SYSTÈME FERROVIAIRE 7

A.– LES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LES TROIS PAQUETS FERROVIAIRES 7

B.– LES TEXTES EN VIGUEUR 8

1.– Le « premier paquet » : les directives de 2001 8

2.– Les directives 2004/49/CE à 2004/51/CE : le « deuxième paquet ferroviaire » 11

3.– Le « troisième paquet ferroviaire » adopté en 2007 11

4.– Le « quatrième paquet ferroviaire » reste en devenir 11

5.– Le règlement européen des obligations de service public 12

II.– LA CONFORMITÉ DU SYSTÈME FRANÇAIS AU DROIT EUROPÉEN 12

A.– LES ACTIONS ENGAGÉES PAR L’UNION EUROPÉENNE 12

B.– LE MONOPOLE DE LA SNCF POUR L’ATTRIBUTION D’UN CONTRAT DE SERVICE DE TRANSPORT FERROVIAIRE RÉGIONAL FAIT L’OBJET D’UNE CONTESTATION 13

III.– L’AVENIR DU FERROVIAIRE : POUR UN SYSTÈME ÉQUILIBRÉ QUI N’ENTRAVE PAS L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE 14

A.– L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE : AVANCER AU MÊME RYTHME QUE NOS PARTENAIRES EUROPÉENS 14

1.– Une ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs enfin décidée 14

a) Les trains express régionaux et d’équilibre du territoire d’abord 14

b) Le TGV tributaire d’un accord politique européen sur le quatrième paquet ferroviaire 14

c) L’Île-de-France non concernée pour l’heure par la concurrence 15

2.– Un nécessaire cadre européen 15

B.– LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME : ÉVITER UN PRÉJUDICIABLE RETOUR EN ARRIÈRE 15

1.– L’éclatement des responsabilités dans un système à mi-chemin entre les modèles britannique et allemand 15

2.– Un système à bout de souffle 17

3.– Faire de RFF un vrai gestionnaire d’infrastructure 19

a) Les assises du ferroviaire n’ont pas tranché 19

b) Position du Rapporteur spécial : maintenir la séparation 19

EXAMEN EN COMMISSION 23

ANNEXE : PERSONNALITÉS RENCONTRÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 31

INTRODUCTION

Conformément à l’article 71 du traité instituant la Communauté européenne – « le Conseil… établit des règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d’un État membre, ou traversant le territoire d’un ou de plusieurs États membres ; les conditions d’admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux d’un État membre ; les mesures permettant d’améliorer la sécurité des transports [ainsi que] toutes autres dispositions utiles » – et aux dispositions relatives au marché unique, les règles régissant le secteur des transports sont largement définies au niveau européen. Les États membres n’interviennent en l’espèce que de manière subsidiaire.

En effet, les transports sont un élément essentiel de la libre circulation des biens et des personnes à travers l’ensemble du territoire de l’Union européenne mais aussi de l’édification d’un marché intérieur facteur d’intégration.

Pour atteindre ces objectifs, différentes dispositions ont peu à peu conduit à une libéralisation des transports maritime, aérien et routier qui s’est traduite par une baisse sensible des tarifs dans le domaine aérien et une augmentation des parts de marché du transport routier de marchandises au détriment notamment du fret ferroviaire.

Alors que la mondialisation des échanges s’est traduite par une forte croissance du secteur des transports, le secteur ferroviaire demeure à ce stade le secteur où la libéralisation est la moins avancée et qui parallèlement profite le moins du développement des transports.

Fort de ce constat, le Rapporteur spécial s’est rendu à Bruxelles le 20 décembre 2011 afin de confronter les points de vue des différents acteurs institutionnels européens et des agents économiques du secteur du transport ferroviaire. En effet, dans une matière éminemment communautaire, toute réflexion sur l’avenir de la filière ferroviaire – cadre réglementaire, gouvernance du système – doit s’inscrire dans un cadre européen.

Le présent rapport a, de ce fait, pour objet d’appréhender les problématiques essentielles du transport ferroviaire dans sa dimension européenne au moment où se discutent au Parlement européen comme au Conseil de l’Union européenne la modification du premier paquet ferroviaire et l’élaboration du quatrième paquet et alors que le schéma national d’infrastructures de transport fait l’objet d’une réflexion en cours (1).

Les assises du ferroviaires dont les conclusions ont été dévoilées en décembre 2011 ne peuvent et ne doivent pas ignorer cette réalité européenne et centrer la réflexion prospective dans un cadre strictement national. Les assises et le débat permanent qui peut s’en suivre doit en revanche avoir pour objectif de dégager une stratégie nationale pour ce secteur afin de porter une voix forte dans les instances européennes au moment où se décide l’avenir de toute une filière.

I.– LE CADRE RÉGLEMENTAIRE EUROPÉEN DU SYSTÈME FERROVIAIRE

A.– LES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LES TROIS PAQUETS FERROVIAIRES

Dans un Livre blanc du 30 juillet 1996 – « Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires » – la Commission a exposé les mesures qui devraient être prises, en vue d’enrayer la diminution continue de la part du rail dans le transport des marchandises. Elle estimait, en effet, que les trois directives adoptées au cours des années 1990 n’avaient pas permis d’atteindre cet objectif.

Aussi, conformément au Livre blanc de 2001, le Parlement européen et le Conseil ont adopté l’ensemble des trois directives qui constituent le premier paquet ferroviaire. Elles avaient pour objectifs :

– une ouverture progressive des réseaux en élargissant aux entreprises ferroviaires de l’Union européenne, pour les trafics de marchandises, les droits d’accès aux différents réseaux nationaux ;

– une fixation des conditions pour l’exercice des droits d’accès, par la mise en place d’une licence d’entreprise ferroviaire à validité communautaire et d’un certificat de sécurité à validité nationale ;

– un renouvellement du cadre qui régit l’organisation et la régularisation du secteur, en confiant aux gestionnaires de l’infrastructure, et non plus aux entreprises ferroviaires, la répartition des capacités de l’infrastructure et en prévoyant la mise en place d’organismes de contrôle destinés à s’assurer de la correcte ouverture des réseaux.

Alors même que les dispositions du premier paquet ferroviaire de 2001 n’avaient pas encore été transposées, alors que les États membres avaient jusqu’au 15 mars 2002 pour y procéder, la Commission a adopté le 23 janvier 2002 un deuxième paquet ferroviaire visant à poursuivre l’ouverture à la concurrence du transport du fret et à améliorer les niveaux et les règles de sécurité applicables.

Pour ce deuxième paquet, un accord a été trouvé entre le Parlement et le Conseil en mars 2004 sur la base d’un compromis aux termes duquel l’ouverture du marché ne s’applique qu’au fret ferroviaire.

C’est pourquoi, alors que les négociations sur le deuxième paquet ferroviaire se poursuivaient, la Commission a adopté en 2004 sa proposition d’un troisième paquet ferroviaire, notamment en réponse au Parlement européen qui aurait souhaité étendre « le deuxième paquet » à la libéralisation du trafic de passagers. Ce troisième paquet qui a été adopté en octobre 2007, à l’issue d’une conciliation entre le Parlement et le Conseil, a ouvert le marché des lignes internationales des passagers, au 1er janvier 2010, et prévu notamment une clause de rendez-vous en 2012 pour l’ouverture des lignes nationales de passagers.

B.– LES TEXTES EN VIGUEUR

● La directive no 91/I4401CEE de la Commission européenne définit les conditions fondamentales de la séparation à opérer entre l’exploitation des services de transport et la gestion des infrastructures : elle interdit tout transfert d’aides publiques d’un opérateur à un autre et ouvre à certains exploitants internationaux la possibilité d’accès aux réseaux nationaux en faisant jouer la concurrence, les gestionnaires de l’infrastructure devant appliquer une redevance d’utilisation de cette infrastructure qui doit éviter toute discrimination.

En revanche, la directive n’oblige pas les États membres à créer des institutions distinctes pour la gestion des infrastructures et l’exploitation des trains, mais uniquement à séparer les comptes. C’est pourquoi, si certains pays dont la France ont mis en place deux entités juridiquement distinctes – la SNCF et Réseau ferré de France –, d’autres, par exemple l’Allemagne, ont transformé leur entreprise historique, la Deutsche Bahn (DB), en holding regroupant des sociétés distinctes au niveau comptable.

Cette directive n’a pas toujours été appliquée de manière stricte. Selon Mme Monika Heiming, directrice exécutive des European Infrastructure Managers – association qui regroupe et défend les intérêts des gestionnaires d’infrastructures auprès de l’Union européenne – la DB a pu utiliser les profits générés par l’exploitation de l'infrastructure et qui « remontent » au niveau de la holding pour prendre des positions importantes sur les réseaux d’Europe centrale et orientale.

● Enfin, une directive 95/18/CE (modifiée par la directive 2001/13/CE évoquée au 1. ci-après) met en place un système de licences pour les entreprises ferroviaires, qui bénéficient ainsi d’une reconnaissance par tous les États membres.

1.– Le « premier paquet » : les directives de 2001

● La directive 2001/12, modifiant la directive 91/440 relative au développement des chemins de fer communautaires, pose, notamment, le principe du droit d’accès équitable des entreprises ferroviaires au réseau transeuropéen de fret ferroviaire (RTEFF).

● La directive 2001/12/CE, dispose expressément que les comptes des exploitants de services de transport doivent être séparés et distinguer les services voyageurs des services marchandises. Elle ajoute que les comptes des services voyageurs soutenus par les pouvoirs publics doivent de plus être séparés des autres.

Cette « vérité des comptes » interdit aujourd’hui que les réseaux bénéficiaires de la SNCF subventionnent ceux qui sont lourdement déficitaires, par exemple que les lignes à grande vitesse viennent subventionner le fret. S’il n’est pas interdit de verser des aides publiques pour couvrir des services socialement importants, l’affectation de ces sommes à des segments exposés à la concurrence est interdite.

Cette directive impose en outre à chaque pays la création d’une autorité administrative indépendante du gestionnaire de l’infrastructure pour réglementer et examiner les appels concernant les conditions et les redevances d’accès au réseau, afin d’assurer à tous les exploitants un accès équitable et non discriminatoire à l’infrastructure.

Dans un premier temps, la France avait créé la mission de contrôle des activités ferroviaire (MCAF) en 2003 placée sous l’autorité administrative directe du ministre des Transports, qui est également l’autorité de tutelle de la SNCF, entreprise dont l’État est actionnaire à hauteur de 100 %. Cette identité de tutelle n’étant pas de nature à garantir l’indépendance de l’organisme de contrôle ferroviaire vis-à-vis de l’opérateur historique, la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires a créé l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) enfin en conformité avec le droit communautaire.

● La directive 2001/13 modifiant la directive 1995/18 concernant les licences des entreprises ferroviaires élargit la notion d’entreprise ferroviaire. Elle prévoit que les licences doivent être accordées par un organisme qui n’effectue lui-même aucune prestation de services de transport ferroviaire.

● La directive 2001/14, modifiant la directive 1995/19, concerne la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire.

● La directive 2001/14/CE traite également de la répartition des capacités d’infrastructure et de la tarification de son accès, qui doit assurer la stabilité financière du gestionnaire des infrastructures, en faisant en sorte que les redevances acquittées par les utilisateurs et les contributions publiques couvrent la totalité des coûts financiers à long terme.

● La directive 2001/16/CE traite de l’amélioration de l’interopérabilité des équipements et installations de chemins de fer des États membres.

Le marché national du fret est ouvert depuis le 1er janvier 2007. En France, il le fut, dans les faits, dès le 31 mars 2006.

POSITION DU PARLEMENT EUROPÉEN SUR LA RÉFORME DU PREMIER PAQUET

La Commission Transport du Parlement européen a adopté le 11 octobre 2011 sa position concernant la refonte du premier paquet ferroviaire. Au cours de longues et difficiles discussions, ce dossier très technique, qui vise en principe l’amélioration des trois directives européennes concernant l’accès non-discriminatoire à l'infrastructure, a pris une tournure politique, rapporte l’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach (PPE) qui suit de près ce dossier.

La rapportrice italienne Debora Serracchiani (S&D) avait en effet essayé d’introduire la séparation complète de l’infrastructure et des services ferroviaires dans ce dossier. Une séparation qui, selon Georges Bach, aurait eu des conséquences néfastes, surtout pour les petites entreprises ferroviaires comme la compagnie luxembourgeoise.

Georges Bach, qui s’est engagé avec vigueur pour faire évacuer cette question du dossier, se montre assez satisfait du résultat : « Nous avons en effet réussi à éliminer la question de la séparation complète, ainsi que la question de la libéralisation du trafic national des passagers de cette refonte ».

Cependant, prévient l’eurodéputé luxembourgeois, « nous allons bientôt de nouveau être confrontés à ces questions », car la Commission européenne a confirmé par écrit qu’elle va présenter une proposition législative sur ces sujets au cours de l’année prochaine. « Je redoute que les affrontements politiques sur ces questions ne soient encore pires », confie Georges Bach.

L’eurodéputé luxembourgeois rappelle qu’il s’est agi aussi de bloquer la tentative de la Commission d’introduire un service minimum qui aurait mis en question le droit de grève et qu’une des réussites des parlementaires a été de parvenir à « introduire la dimension sociale dans ce texte ».

Le texte qui a été voté en commission va surtout renforcer les compétences des régulateurs nationaux, censés surveiller la bonne application des règles par les entreprises ferroviaires. Il demande également la mise en place d’un régulateur européen afin de mieux organiser et coordonner ce contrôle au niveau européen. Le vote en plénière aura lieu pendant la session de novembre 2011.

Source : Parlement européen.

Le Rapporteur spécial soutient pleinement le projet de séparation complète de l’infrastructure et des services ferroviaires présenté par la rapportrice Mme Debora Serracchiani (S&D) à l’instar des députés européens français rencontrés : Mme Dominique Vlasto, MM. Dominique Riquet et Michel Dantin (PPE). En effet, tant que le droit communautaire laissera perdurer la possibilité de regrouper dans une holding l’infrastructure et les services de transport, il demeurera toujours un doute quant à la non-discrimination. De plus cela entretiendra la tentation pour des pays ayant effectué la séparation de revenir à une structure intégrée afin d’asseoir les positions de son opérateur historique.

Le Rapporteur spécial est d’avis qu’un retour généralisé à ce type d’organisation intégrée bloquera durablement l’avènement d’un espace unique du rail.

2.– Les directives 2004/49/CE à 2004/51/CE : le « deuxième paquet ferroviaire »

La directive 2004/49/CE renforce le régime des licences des entreprises ferroviaires et habilite la Commission à instruire les cas de litige sur la répartition des capacités. La directive 2004/50/CE vise à améliorer l’interopérabilité des trains à grande vitesse et des trains rapides classiques. La directive 2004/51/CE réduit les délais dans lesquels les réseaux nationaux devront être accessibles aux exploitants internationaux titulaires d’une licence. Les réseaux transeuropéens de fret fer devront être accessibles aux exploitants internationaux titulaires d’une licence, dès 2006, et tous les exploitants, y compris ceux qui pratiquent le cabotage (transports effectués à l’intérieur d’un seul pays), devront avoir droit d’accès à tout le réseau ferroviaire communautaire, dès 2007.

3.– Le « troisième paquet ferroviaire » adopté en 2007

L’ouverture du transport ferroviaire au domaine des voyageurs a commencé par le marché international, le 1er janvier 2010. En France, cette ouverture est devenue effective le 13 décembre 2009.

Le « troisième paquet » a pour but d’ouvrir les services voyageurs internationaux à la concurrence en 2010 (directive 2004/0047), d’instaurer un régime de certification des équipages des trains (directive 2004/0048), de définir les droits et obligations des voyageurs internationaux (directive 2004/0049) et d’imposer le versement de compensations, en cas de non-respect des exigences de qualité contractuelle applicables aux services internationaux de fret ferroviaire (directive 2004/0050). Ce dernier texte prévoit que la responsabilité du gestionnaire des infrastructures peut être engagée.

4.– Le « quatrième paquet ferroviaire » reste en devenir

Il concerne l’ouverture des transports régionaux de voyageurs. Il faut noter que l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne et la Suède ouvrent déjà leurs liaisons intérieures à la concurrence.

Il pourrait également comporter des dispositions rendant obligatoire la séparation juridique entre l’infrastructure et les services de transports. Mais de telles dispositions sont conditionnées soit à un accord politique préalable notamment entre la France et l’Allemagne – principal pays concerné par la problématique de la holding – soit à une éventuelle condamnation du modèle allemand par la Cour de justice de l’Union européenne comme contraire aux règles de la libre concurrence.

5.– Le règlement européen des obligations de service public

Adopté par le Parlement et le Conseil européens, et en vigueur depuis le 3 décembre 2009, le règlement européen des Obligations de service public (OSP) délimite le cadre juridique de la concurrence sur les lignes conventionnées. Il impose la procédure d’appel d’offres comme règle générale. Toutefois, pour les contrats d’exploitation ferroviaire, il admet une dérogation laissant le choix aux autorités organisatrices (AO) entre cette procédure d’appel d’offres et les contrats de gré à gré.

Le règlement OSP prévoit une phase de transition de dix ans. La mise en œuvre implique une modification par la France de la loi d’orientation des transports intérieurs « Loti » du 30 décembre 1982, loi-cadre organisant les services publics de transport à l’exclusion du transport maritime et aérien, et qui prévoit le monopole de la SNCF sur les liaisons ferroviaires domestiques.

Entre le 3 décembre 2014 et le 3 juin 2015, doit être fourni un rapport d’avancement sur l’application progressive du règlement OSP. Le principe de primauté de la loi européenne doit jouer. Le texte prévoit quoi qu’il arrive une ouverture de ce marché d’ici au 3 décembre 2019. En République fédérale d’Allemagne, les opérateurs privés ont près de 20 % de ce marché et en Grande-Bretagne, le trafic voyageur est aujourd’hui divisé entre 25 franchises.

L’interprétation française du règlement OSP est contestée par les opérateurs privés qui estiment que le monopole de la SNCF est contraire à la législation européenne.

II.– LA CONFORMITÉ DU SYSTÈME FRANÇAIS AU DROIT EUROPÉEN

A.– LES ACTIONS ENGAGÉES PAR L’UNION EUROPÉENNE

Les autorités françaises considèrent avoir transposé dans les temps le « premier paquet ferroviaire ». Toutefois, la Commission européenne a estimé qu’elles ont manqué à leurs obligations. Le 9 octobre 2009, elle a émis un avis motivé arguant de l’insuffisance persistante des mesures prises pour la mise en œuvre du premier paquet ferroviaire.

Dans son avis motivé, la Commission a retenu trois griefs : le manquement aux obligations relatives à l’indépendance des facilités essentielles ; le non-respect des dispositions relatives à la tarification de l’accès à l’infrastructure ferroviaire ; le non-respect des dispositions visant la création d’un organisme de contrôle.

Les autorités françaises ont répondu à cet avis motivé en notifiant à la Commission la loi du 9 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires. Celle-ci, en premier lieu, institue l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et crée de manière indépendante, mais au sein de la SNCF, la Direction de la circulation ferroviaire, chargée de l’instruction des demandes de sillons pour le compte de RFF. En deuxième lieu, la loi complète la transposition du premier paquet ferroviaire.

La Commission a, toutefois, décidé en juin 2010 de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 du Traité de Lisbonne, à l’encontre de la France et de douze autres États membres pour un défaut de mise en œuvre des dispositions du premier paquet ferroviaire. Néanmoins, la Commission a insisté fortement sur la nécessité de ne pas lier le projet de refonte aux procédures d’infractions en cours.

Dans un communiqué de presse datant du 24 novembre 2010, la Commission a néanmoins salué l’amélioration de la législation ferroviaire française et a donc réduit le champ de la procédure d’infraction la concernant, du fait de la création de l’ARAF.

La Commission souhaite que la France précise les conditions et les modalités de séparation des diverses activités, notamment entre activités concurrentielles et activités en monopole, et qu’elle renforce les pouvoirs et l’indépendance des régulateurs.

À ce titre, les autorités françaises se sont particulièrement attachées, dans la transposition des textes européens, à assurer l’indépendance organique effective du gestionnaire d’infrastructure Réseau ferré de France par rapport à l’entreprise ferroviaire historique la SNCF, et à renforcer l’indépendance fonctionnelle – aujourd’hui complète – de la DCF par rapport à la SNCF.

La France a, par ailleurs, informé la Commission qu’elle a créé, conformément au « premier paquet ferroviaire », un organisme indépendant de régulation du rail qui est en place à compter du 1er décembre 2010. Elle a en outre renoncé à faire intervenir l’État dans la détermination des redevances d’infrastructures ferroviaires, qui seront désormais fixées par Réseau ferré de France, gestionnaire de l’infrastructure, sous le contrôle de l’autorité de régulation dont la création est une étape essentielle dans l’ouverture à la concurrence du marché des services ferroviaires.

B.– LE MONOPOLE DE LA SNCF POUR L’ATTRIBUTION D’UN CONTRAT DE SERVICE DE TRANSPORT FERROVIAIRE RÉGIONAL FAIT L’OBJET D’UNE CONTESTATION

L’Association française du rail (AFRA), qui regroupe les compagnies ferroviaires voulant entrer sur le marché français, conteste l’obligation pour les régions d’attribuer l’exploitation de leurs réseaux ferrés à la SNCF et estime la législation française incompatible avec la réglementation européenne (soit le règlement OSP).

Cette question n’est actuellement tranchée par aucune juridiction. Néanmoins, il apparaît que s’il n’est fait aucune obligation aux autorités organisatrices du transport ferroviaire régional de mettre l’opérateur historique en concurrence, celles-ci ont la capacité juridique de le faire.

III.– L’AVENIR DU FERROVIAIRE : POUR UN SYSTÈME ÉQUILIBRÉ QUI N’ENTRAVE PAS L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE

A.– L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE : AVANCER AU MÊME RYTHME QUE NOS PARTENAIRES EUROPÉENS

1.– Une ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs enfin décidée

a) Les trains express régionaux et d’équilibre du territoire d’abord

Le principe d’une ouverture « progressive et maîtrisée » du transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence a été décidé par le Gouvernement.

À la suite des assises du ferroviaire, le ministère chargé des transports a en effet annoncé en décembre 2011 « la préparation d’une loi fondatrice dans le ferroviaire, pour permettre aux autorités organisatrices qui le souhaitent – les conseils régionaux pour les trains express régionaux (TER) et l’État pour les trains d’équilibre du territoire (TET) – de mettre en concurrence l’exploitation de tout ou partie de leur lignes voyageurs ».

Le Rapporteur spécial salue cette initiative qui permettra enfin de mettre la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) n° 82-1153 du 30 décembre 1982 en conformité avec le droit européen et notamment le règlement OSP même si, celui-ci étant d’effet direct, une telle réforme de la loi n’est pas nécessaire.

Dans la perspective de cette ouverture, il est annoncé l’élaboration d’un cadre social harmonisé afin de garantir une compétition équitable entre les opérateurs ferroviaires.

Le Rapporteur spécial rappelle la difficulté d’une telle entreprise mais réaffirme son caractère essentiel pour parachever le marché intérieur. En effet, une zone économique et monétaire optimale ne peut s’accommoder d’un dumping social que l’absence de cadre social encouragerait.

b) Le TGV tributaire d’un accord politique européen sur le quatrième paquet ferroviaire

À la suite des assises du ferroviaire, l’ouverture à la concurrence des lignes TGV a été renvoyée à une date indéterminée et liée à l’aboutissement d’un accord politique sur le quatrième paquet ferroviaire. La date de 2013 pour aboutir à un tel accord a été évoquée.

En effet, l’ouverture totale à la concurrence des LGV – secteur à très forte rentabilité – ne peut s’opérer que dans un cadre de réciprocité, notamment sur les marchés allemand et italien qui connaissent encore une forte hégémonie de leur opérateur historique.

c) L’Île-de-France non concernée pour l’heure par la concurrence

La loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires prévoit une ouverture à la concurrence à compter de 2024 pour les services d’autocars, de 2029 pour les tramways et 2039 pour les autres services réguliers de transports guidés, notamment le métro. Les assises du ferroviaire n’ont pas prévu d’accélération de ce calendrier.

2.– Un nécessaire cadre européen

Le Rapporteur spécial estime que la concurrence est une condition essentielle à l’amélioration du service et à la baisse des tarifs.

Toutefois, il est indispensable de maîtriser cette ouverture à la concurrence dans le cadre européen harmonisé du quatrième paquet ferroviaire.

La question de la gouvernance du système ferroviaire est une condition essentielle de réussite de l’ouverture à la concurrence.

B.– LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME : ÉVITER UN PRÉJUDICIABLE RETOUR EN ARRIÈRE

1.– L’éclatement des responsabilités dans un système à mi-chemin entre les modèles britannique et allemand

Le système français issu de la loi de 1997 se caractérise par quatre originalités :

– une double responsabilité sur la gestion de l’infrastructure, scindée entre un GI (gestionnaire d’infrastructure), Réseau ferré de France, et un GID (gestionnaire d’infrastructure délégué), SNCF Infra ;

– la création ex-nihilo d’un GI alors que, partout ailleurs, le GI soit est demeuré dans l’opérateur historique, soit s’est constitué par démembrement de l’opérateur historique, en récupérant d’emblée l’ensemble des compétences de celui-ci ;

– l’absence de règles du jeu (code du réseau) précisant les droits et devoirs de chacun des acteurs dans un système institutionnellement découpé ainsi que les procédures à appliquer pour en maintenir la cohérence ;

– l’absence de reprise de la dette historique par l’État (l’État allemand a repris en 1993 l’équivalent de 30 milliards d’euros de dette de la Deutsche Bahn) et de mise en place d’un financement pérenne du réseau.

Cette situation s’explique par la volonté initiale du législateur, qui était de retirer à la SNCF ses missions les plus régaliennes – responsabilité de la consistance du réseau et en particulier des développements, fixation des péages, responsabilité de l’équilibre économique du compte d’infrastructure, répartition des capacités – tout en préservant son caractère intégré en lui laissant, de par la loi, la responsabilité opérationnelle de la gestion de l’infrastructure et, partant, de l’intégration du système ferroviaire français.

Elle s’explique également par le premier objectif de la réforme : faire de RFF une structure de défaisance  de la dette passée et de l’impasse future du compte d’infrastructure. Pour ce faire il a été jugé indispensable de qualifier de GI le propriétaire des actifs justifiant les passifs  si RFF devait ne plus être propriétaire de l’infrastructure, sa dette serait immédiatement requalifiée en dette des administrations publiques au sens du traité de Maastricht ou à tout le moins jugé comme telle par les marchés financiers, alors même que les textes européens n’imposent pas que le propriétaire du réseau en soit aussi le GI.

La loi de 1997 anticipait sans le savoir sur la directive 2001/12/CE qui reconnaît que la gestion de l’infrastructure peut être laissée au sein d’une entité exerçant également des missions de transporteur dès lors que des « fonctions essentielles » de fixation des péages et de répartition des capacités sont protégées de l’influence directe du transporteur (2). Au sens de la directive, c’est cependant SNCF Infra qui en 1997 aurait dû être qualifié de GI quand RFF aurait dû être qualifié de responsable des « fonctions essentielles » et de l’équilibre financier entre péages et subventions si l’État avait à ce moment-là repris la dette du système ferroviaire, qu’il avait lui-même généré par ses investissements.

Cette ambiguïté initiale s’est accrue au fil du temps, RFF aspirant à devenir un GI de plein exercice et les autorités françaises accompagnant ce mouvement sans en tirer les conséquences sur le rôle de SNCF Infra et sur le fonctionnement global du système, notamment en transférant les 14 000 cheminots à RFF.

Cette lente dérive du modèle d’origine a conduit à avoir en France deux organismes, RFF et SNCF Infra, qui revendiquent le rôle de GI : le premier au nom de sa légitimité juridique, le second au nom de ses compétences et de sa maîtrise effective du système, de la conception à la production.

Ce conflit de légitimité s’est doublé de tensions fortes liées à l’impasse de financement du système ferroviaire.

Ne disposant pas des moyens de financer le réseau qui lui était confié, RFF a cherché à obtenir de son GID des améliorations de productivité limitées toutefois par les contraintes de maintien du maximum de circulations et impossibles à atteindre sans révolution technologique majeure (3). Les deux établissements publics ont « joué au contrat », alors que ni l’un ni l’autre n’avaient la possibilité concrète de sortir de leur relation.

Il en résulte une sous-rémunération structurelle de SNCF Infra jusqu’en 2010, qui s’est traduite par la dépréciation de l’ensemble de ses actifs et certains niveaux de péages – bien que de plus en plus problématique pour la SNCF – toujours pas au niveau du coût marginal – inapte à permettre à RFF d’équilibrer ses comptes et de commencer à amortir sa dette.

Dernière étape de cette évolution, la constitution de la Direction des circulations ferroviaires (DCF), entité « autonome » mais sans personnalité juridique au sein de SNCF Infra, accroît encore la complexité du système. Ne répondant qu’à l’autorité de RFF mais partie intégrante de la personne morale SNCF dont elle engage, à tous points de vue, la responsabilité, cette construction baroque aggrave d’autant plus la confusion que les textes réglementaires visant à assurer l’indépendance de son fonctionnement multiplient les murailles entre ses personnels et les autres cheminots alors que le bon fonctionnement du système imposerait communications et fluidité des parcours de carrière.

Dans ce contexte d’impossible optimisation économique et financière, la programmation de nouvelles LGV semble dans ce contexte illusoire.

2.– Un système à bout de souffle

Au jour d’aujourd’hui, la situation se caractérise par au moins quatre effets pervers :

● une inefficacité opérationnelle croissante : les difficultés opérationnelles constatées aujourd’hui tiennent à la fois à une perte de la capacité d’anticipation requise dans la programmation des travaux alors que la circulation doit continuer et à une insuffisance de ressources et de compétences dans la préparation des horaires, entraînant parfois retards et annulations de trains de dernière minute ;

● une désoptimisation financière évidente : l’optimisation de la dépense liée au réseau suppose de prendre en charge la totalité de sa dimension et à ne pas se satisfaire de résultats aux bornes d’un seul acteur dans un système fonctionnant en vase clos – c'est-à-dire tant qu’il n’existe qu’un seul opérateur.

La relation de méfiance mutuelle qui s’est installée entre le GI et un GID conduit en fait à ne pas rechercher, ensemble, les meilleures solutions pour parvenir, à moyen terme, à la meilleure maîtrise des investissements et des dépenses de fonctionnement du réseau. La situation est aggravée par le temps considérable consacré à des négociations contractuelles ou pré-contentieuses stériles entre deux entités toutes deux détenues à 100 % par l’État, alors même que les dirigeants de SNCF Infra devraient mettre toute leur énergie à innover et à optimiser leur appareil de production pour plus d’efficacité.

Enfin, l’absence d’alignement d’intérêts, sociologiques ou financiers, entre RFF et SNCF conduit le premier à ignorer bien souvent les conséquences économiques de ses décisions sur l’économie des opérateurs – la SNCF pourrait difficilement refuser de faire rouler des trains sur des lignes nouvelles voulues par le Gouvernement mais non rentables alors que, par ailleurs, il lui est demandé d’être une entreprise concurrentielle.

Ainsi, il n’existe aucun dispositif dans le système actuel permettant d’arbitrer en toute connaissance de cause entre les gains ou les surcoûts du gestionnaire d’infrastructure sur un chantier donné et les conséquences pour les opérateurs ferroviaires ;

● des risques juridiques non maîtrisés : la présence de DCF au sein de SNCF, sous les ordres de RFF mais sans personnalité morale, constitue un véritable casse-tête juridique quant aux possibles conséquences de la situation en termes de responsabilité. Ainsi, il conviendrait de clarifier la responsabilité juridique pour le cas où une erreur de gestion des circulations par DCF provoquerait un accident ferroviaire ;

● une perte de repère pour les personnels : la multiplicité des barrières érigées dans la gestion quotidienne pour s’accommoder de l’organisation baroque SNCF/DCF/RFF a un effet délétère sur les personnels qui ne comprennent pas qu’un tel degré de contrainte soit ajouté au système alors même que la concurrence demeure extrêmement marginale.

Enfin, à la différence des salariés de leur principal concurrent, les personnels du groupe SNCF et en particulier les cheminots en son sein sont privés d’une vision claire quant au futur que l’État entend dessiner pour leur entreprise : séparation progressive à la britannique ou à la suédoise, ou bien consolidation dans la concurrence à l’allemande ou à l’italienne ?

Le statu quo ne peut plus durer : l’ensemble des acteurs s’accorde sur ce point.

3.– Faire de RFF un vrai gestionnaire d’infrastructure

a) Les assises du ferroviaire n’ont pas tranché

La gouvernance du système ferroviaire est le point essentiel conditionnant la réussite de l’ouverture à la concurrence en service de l’usager.

Pour les uns, seule une séparation complète entre le gestionnaire d'infrastructure et les opérateurs ferroviaires permettra d'y voir clair, il faut donc que les équipes de la SNCF chargées de la maintenance du réseau, de l'allocation des sillons ou de la manœuvre des aiguilles soient intégrées à RFF. Dans ce cas, c'est l'exemple britannique ou néerlandais qui est mis en avant. Le président de RFF précisait devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale le 19 mai 2010 que RFF n’était pas en mesure de réaliser, en octobre 2011, des gains de compétitivité plus importants que SNCF Infra et ne demandait donc pas le transfert des cheminots. Sa position a pourtant évolué puisqu’il s’est dit désormais prêt à intégrer les 14 000 cheminots de SNCF Infra.

Pour les autres, il est nécessaire de rebrousser chemin et de revenir à un système intégrant opérateur ferroviaire et gestionnaire d'infrastructure, par exemple sous forme de holding comme en Allemagne afin de faire de l’opérateur historique l’acteur pivot du système. Le président de la SNCF, notamment, défend depuis quelques mois cette solution. La SNCF met en avant l’exemple allemand et estime que seuls des groupes jouant le rôle de pivot sur leur marché domestique et maîtrisant les deux composantes du système ferroviaire restées intégrées seront en mesure de jouer cette partie. « Face à une DB dont le rôle central dans le système ferroviaire allemand est reconnu depuis 15 ans, assorti d’un soutien financier public au ferroviaire sans comparaison avec celui consenti en France (17 milliards d’euros par an contre 10 milliards dans notre pays) et qui a largement utilisé les transferts financiers de la gestion de l’infrastructure vers l’opérateur pour prendre des parts importantes en Autriche et dans les pays d’Europe centrale et orientale et qui a pour objectif stratégique de pénétrer le marché, la capacité de SNCF à conserver une place significative en Europe dépendra largement du choix d’organisation retenu en France ».

Les assises du ferroviaire ont conclu à la nécessité d’unir le « gestionnaire d’infrastructure du Réseau ferré national, rassemblant tout ou partie des fonctions exercées actuellement par RFF, l’ensemble de la DCF et de SNCF Infra ». Ils n’ont cependant pas précisé si ce nouveau gestionnaire d’infrastructure renforcé devait rester juridiquement séparé de l’opérateur historique ou intégrer une holding regroupant également la SNCF.

b) Position du Rapporteur spécial : maintenir la séparation

Les limites du système actuel sont maintenant connues et admises par l’ensemble des acteurs. Cependant la création de Réseau ferré de France a eu plusieurs effets positifs qui ne doivent pas être remis en cause lors de prochaines évolutions de structure.

Elle a apporté de la transparence au secteur ferroviaire qui a permis aux acteurs – autorités organisatrices, autorités de régulation et acteurs – de mesurer les conséquences des choix qui sont faits. Ainsi, des problématiques essentielles que sont l’équilibre entre péages et subventions publiques entre choix d’investissements de développement et régénération n’auraient certainement pas été posées avec autant de force si le système était resté complètement intégré.

La création de RFF a également permis à chaque acteur de faire les efforts de productivité nécessaire afin d’assurer sa pérennité mais aussi celle du système ferroviaire dans son ensemble appelé à devenir de plus en plus concurrentiel.

Le Rapporteur spécial fait totalement sienne la position de M. Pierre Cardo, président de l’ARAF : « Il me semble nécessaire, pour progresser, de préciser la nature du gestionnaire d'infrastructure. Son objectif principal doit être l'adéquation du réseau en capacité et en qualité avec les demandes des opérateurs ferroviaires. Son coeur de métier est donc la tarification de l'infrastructure et l'allocation des sillons, ainsi que la gestion des circulations, y compris la gestion des incidents. Il doit être également le maître d'ouvrage et le pilote des opérations d'entretien, de renouvellement et de développement du réseau. Cela ne représente pas les dizaines de milliers d'agents souvent évoquées, peut-être comme repoussoir, mais définirait un noyau cohérent permettant à RFF d'avoir une réelle maîtrise dans l'exercice de ses missions. »

DES OBJECTIFS PRÉCIS À CETTE GOUVERNANCE RÉNOVÉE

– Un gestionnaire de réseau efficace et géré de manière cohérente.

– Un gestionnaire de réseau qui tienne mieux compte des préoccupations des clients et parties prenantes (AOT…).

– Une euro-compatibilité : indépendance des fonctions essentielles telles que définies par l’Europe (Allocation des capacités ou Tarification aujourd’hui, ainsi que Circulation demain).

– Un portage de la dette optimisé et légitimé car adossé à un actif de long terme et à une activité monopolistique par nature (à iso-coût : notation de RFF > SNCF et à iso-risque de requalification en dette publique).

– Une capacité à gérer les extensions annoncées d’ouverture à la concurrence (TET, TER TGV).

– Une acceptabilité sociale.

Le Rapporteur spécial comprend cependant les inquiétudes de la SNCF sur l’inégalité des armes entre un opérateur français délesté de toute gestion d’infrastructure et un gestionnaire allemand profitant de revenus tirés par la gestion de l’infrastructure sur son marché domestique pour prendre des positions notamment sur le marché français.

Il rappelle donc que la France doit agir pour que le principe de la séparation totale entre gestionnaire d’infrastructures et opérateurs soit une des dispositions clé du quatrième paquet ferroviaire, afin que la concurrence puisse opérer dans des conditions saines.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission procède à l’examen d’un rapport d’information de M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, relatif aux perspectives de la politique ferroviaire.

M. Jérôme Cahuzac, Président. Vous le savez, notre Rapporteur spécial des transports terrestres et maritimes, M. Hervé Mariton, prend à cœur sa mission d’information de la Commission et de l’Assemblée nationale, sur des sujets dont les enjeux financiers sont majeurs et sur lesquels doivent être prises des décisions d’investissement engageant les décennies à venir.

Je passe sur les rapports d’information d’Hervé Mariton concernant les politiques portuaires et routières. Je rappelle simplement qu’en mai dernier, il a attiré l’attention de notre Commission sur le schéma national d’infrastructure de transport. Il en a souligné les considérables lacunes du financement et le manque de priorité parmi les nombreuses lignes ferroviaires à grande vitesse envisagées.

Mais, la politique des transports étant fortement encadrée par la législation européenne, notre Rapporteur spécial a souhaité faire le point sur ce cadre européen. C’est l’objet du rapport qu’il nous présente ce matin.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial. Ce rapport vient conclure un cycle dans la législature sur le transport ferroviaire. C’est un rapport à la fois descriptif et prospectif, portant sur les règles européennes régissant le secteur des transports ferroviaires, qu’il s’agisse de règles spécifiques ou de celles concernant le marché unique. Il s’inscrit également dans la continuité des assises du ferroviaire qui se sont achevées en décembre 2011.

Force est de constater que si la dynamique européenne a multiplié les échanges et donc la demande de transport de voyageurs et de marchandises, le secteur ferroviaire n’en a pas profité à du montant.

Rappelons tout d’abord le cadre réglementaire communautaire. Le premier paquet de 2001 prévoit une ouverture progressive des réseaux en élargissant aux entreprises ferroviaires de l’UE, pour les trafics de marchandises, les droits d’accès aux réseaux nationaux, une fixation des conditions pour l’exercice des droits d’accès, un renouvellement du cadre qui régit l’organisation et la régulation du secteur. Le deuxième paquet de 2004, à la suite d’un compromis entre le Parlement et le Conseil, prévoit que l’ouverture à la concurrence du marché ne s’applique que pour le fret ferroviaire. Le troisième paquet ferroviaire adopté en octobre 2007 a ouvert les lignes internationales de passagers au 1er janvier 2010 et prévu pour 2012 une clause de revoyure pour l’ouverture des lignes nationales de passagers.

Revenons sur les directives antérieures ou résultant de ces trois paquets ferroviaires.

La directive de 1991 définit les conditions fondamentales de la séparation à opérer entre l’exploitation des services de transport et la gestion des infrastructures qui – je reviendrai sur ce débat – oblige à séparer les comptes mais pas nécessairement les structures. Viennent ensuite les directives relevant des différents paquets. La directive 2001/12 pose le principe du droit d’accès équitable au réseau transeuropéen de fret. La directive 2001/12/CE a trait à la séparation des comptes et interdit le transfert entre activités excédentaires et activités déficitaires. Elle impose la création d’une autorité de régulation, ce qui fut fait par la loi du 8 décembre 2009. La directive 2001/13 concerne les licences d’entreprises ferroviaires. La directive 2001/14 concerne la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et traite de la tarification de son accès permettant à assurer la stabilité financière des gestionnaires d’infrastructures. La directive 2001/16 traite de l’amélioration de l’interopérabilité des équipements et installations ferroviaires.

Un débat demeure. Il a été abordé dans les assises du ferroviaire : il s’agit du mode d’organisation du gestionnaire d’infrastructure et de ses relations avec l’opérateur historique. Le droit communautaire laisse perdurer la possibilité de regrouper dans une holding le gestionnaire d’infrastructure et l’opérateur. C’est le schéma allemand de la Deutsche Bahn - DB. Ce schéma n’est ni impossible ni obligatoire et certains acteurs rencontrés émettent quelques inquiétudes quant à la non discrimination dans le cadre de ce type d’organisation. J’exprime l’avis qu’un retour à une organisation intégrée compliquerait l’avènement d’un espace unique du rail qui est – je le rappelle – un des objectifs de l’Union.

J’évoque dans le rapport écrit le deuxième paquet ferroviaire de 2004 portant en particulier sur les licences ferroviaires et l’interopérabilité, bref, un ensemble de dispositifs destiné à favoriser l’entrée de nouveaux acteurs.

Le troisième paquet ferroviaire a été adopté en 2007. Il concerne l’ouverture des transports internationaux de voyageurs, effective en France depuis décembre 2009, d’instaurer un régime de certification des équipages de train, de définir les droits et obligations des voyageurs internationaux et d’imposer le versement de compensations en cas de non-respect des exigences de qualité contractuelle applicables aux services internationaux de fret ferroviaire.

Quant au quatrième paquet ferroviaire, il est en devenir. Il concernera l’ouverture des transports régionaux de voyageurs qui a fait l’objet de nombreux débats dans notre pays et qui est déjà effective dans les pays comme l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni ou la Suède. Le quatrième paquet pourrait également comporter des dispositions rendant obligatoire la séparation entre gestionnaire d’infrastructure et opérateur. Je rappelle que le modèle intégré allemand fait l’objet de contentieux portés devant les instances judiciaires européennes : certains acteurs essaient de démontrer qu’il serait contraire aux règles de la libre concurrence.

Enfin, je dois évoquer le règlement relatif aux obligations de service public (OSP) qui, contrairement à ce qui a été affirmé ici ou là, n’a pas besoin d’être transposé mais s’applique de plein droit même s’il est contraire à certaines dispositions de la loi d’orientation des transports intérieurs de 1982. Ce règlement permet – certes, il n’oblige pas – l’ouverture à la concurrence du transport régional de voyageurs. Les assises du ferroviaire sont revenues sur le règlement OSP, rappelant la nécessité de mettre en place un cadre social harmonisé dès lors qu’on ouvre à la concurrence. Souhaitant que chacun comprenne bien le cadre communautaire, je pense que l’ambiguïté entretenue sur l’application du règlement OSP n’était pas heureuse.

S’agissant de l’ouverture à la concurrence des lignes TGV, elle ne peut naturellement s’opérer que dans le cadre de la réciprocité dès lors que les marchés italien et allemand sont encore marqués par une forte hégémonie de leur opérateur historique.

Pour terminer, je tiens à prendre position sur la distinction entre gestionnaire d’infrastructure et opérateur de transports. Réseau ferré de France est gestionnaire d’infrastructure pour deux raisons : il assume un certain nombre de missions et il doit posséder l’infrastructure pour en parallèle assumer la dette ferroviaire historique, laquelle à défaut entrerait dans le champ de la dette publique au sens du traité de Maastricht. Cependant, la loi de 1997 ne donne pas à RFF la complète compétence sur la gestion de l’infrastructure puisque la SNCF est, de par la loi, gestionnaire d’infrastructure délégué et assume en réalité la gestion de l’infrastructure.

J’estime qu’il convient maintenant d’étendre les missions de RFF afin de corriger l’ambiguïté de départ. Il y a un autre schéma qui est promu par certains qui est le schéma allemand de type holding. Les assises n’ont pas tranché cette question. Ce type d’organisation appelle à mon sens plusieurs critiques. En effet, les débats que nous avons eus depuis quelques années – que ce soit sur le niveau de péages ou le financement des lignes nouvelles – n’auraient pas été possibles s’il n’y avait eu qu’un seul acteur. La distinction des rôles met en évidence les problèmes, certes sans les résoudre. Deuxièmement, le système intégré, tenu de distinguer les fonctions, suppose de dépenser beaucoup d’énergie pour entretenir les « murailles de Chine » ; il me paraît compliqué à maintenir dans la durée et en tout cas source de contentieux. Notre ancien collègue Pierre Cardo, président de l’autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) avait pris une position assez semblable tout en mesurant qu’il n’est pas évident de définir le point où l’on place la séparation.

En tout état de cause, nous avons besoin d’un gestionnaire de réseau efficace et géré de manière cohérente, qui tienne mieux compte des préoccupations des différents acteurs, qui assure l’indépendance des fonctions essentielles, qui optimise le portage de la dette, qui ait la capacité de gérer les extensions du réseau, tout cela en maintenant un climat social serein.

M. Alain Rodet. Ma première question porte sur la gestion des infrastructures. Votre rapport semble marquer une distance avec le modèle allemand, assez intégré, de type holding, Êtes-vous davantage partisan du système britannique ? Si telle était votre position, j’en serais très étonné : ce système n’a rien prouvé de positif et affiche au contraire un certain délabrement du réseau.

Par ailleurs, vous êtes revenu à diverses reprises sur les assises du ferroviaire et sur les nombreux colloques consacrés à ce sujet. Or, je constate que les usagers sont toujours représentés à ces colloques par la même personne, un polytechnicien, retraité, dont la fédération ne s’est pas réunie depuis des années et qui, étant par ailleurs originaire de la région Rhône-Alpes, région correctement desservie par le TGV, considère que les autres régions de France n’ont pas besoin du TGV. De ce point de vue, il serait souhaitable qu’un peu plus d’objectivité apparaisse.

Enfin, vous semblez penser que les projets de LGV ne sont pas finançables au regard de l’état de nos finances publiques. N’éprouvez-vous pas un regret profond, au sujet du projet de loi de cession du patrimoine autoroutier de l’État au secteur privé, dont vous étiez le rapporteur ? L’AFITF a été privée chaque année de sommes considérables, qui auraient permis précisément, de financer des infrastructures routières et ferroviaires. Cette remarque, qui peut vous sembler désagréable, est pourtant une opinion assez largement partagée. Le chef de l’État aurait ainsi confié qu’il s’agissait d’une loi calamiteuse.

M. Jean Launay. Je veux d’abord remercier notre Rapporteur spécial de sa présentation qui dresse notamment un état des lieux de la législation. À ce sujet, il est question du financement du système ferroviaire, de la gestion de la dette passée, du lien avec les régions pour le financement des LGV et du réseau des TER. Je constate à la lecture de ce rapport, que rien n’est stabilisé dans la forme et que les problèmes posés au fond ne sont toujours pas réglés.

En ce qui concerne la comparaison avec l’Allemagne, sujets de débats permanents, je vois une contradiction entre le système allemand sous forme de holding, à la fois gestionnaire de structure et opérateur de transports, et la volonté affirmée de consolider la concurrence. Lors des débats aux assises du ferroviaire, il m’a semblé entendre la SNCF regretter la situation actuelle et souhaiter se diriger vers une solution différente de celle que vous préconisez. Comment recevez-vous les arguments développés par la SNCF en faveur d’une reconsidération du système mis en place ? Ne conviendrait-il pas de revenir à la situation antérieure ?

M. Richard Dell'agnola. Le Rapporteur spécial a clairement démontré les mécanismes juridiques et statutaires, et a ainsi rappelé l’histoire ayant conduit au système actuel. Quelles seraient les charges financières déplacées vers RFF si le schéma esquissé était mis en œuvre ?

M. Jean-Claude Sandrier. De notre point de vue, les transports en général, et les transports ferroviaires en particulier, relèvent de la responsabilité publique et ne doivent pas être soumis à des intérêts financiers privés. Ce sujet est essentiel. Quel est le bilan de l’ouverture à la concurrence dans un certain nombre de pays, notamment en Grande-Bretagne, pays exemplaire de ce qu’il ne faut pas faire selon mon opinion ? Où sont ces évaluations ? Des bilans ont-ils été effectués pour d’autres pays ?

Le rapport de la commission d’enquête présidée par notre collègue Alain Bocquet a mis en évidence trois sujets très intéressants : l’harmonisation des infrastructures au plan européen, le développement d’une industrie ferroviaire européenne et le soutien européen au fret, notamment dans le cadre de la lutte contre les effets de serre. Comment ces questions ont-elles été prises en compte ?

Enfin, je rappelle que l’article 11 de la loi sur le Grenelle de l’environnement précise qu’une priorité doit être accordée aux lignes classiques, ce qui n’a pas eu de suite, me semble-t-il. Dans un de vos précédents rapports, vous indiquiez pourtant que les efforts à consentir dans l’avenir étaient moins importants que ce qui avait été accompli jusqu’à présent. Cela me paraît inquiétant de définir une priorité en y consacrant moins de moyens. La question du maillage entre les LGV et les lignes classiques est fondamentale. L’exemple de la ligne Paris-Orléans–Clermont-Ferrand–Lyon est à ce titre particulièrement édifiant : la feuille de route de la commission du débat public consacrée à l’étude de cette ligne ne tient absolument pas compte du maillage avec les lignes classiques qu’il convient naturellement de moderniser. C’est aberrant : il s’agit d’un problème majeur d’aménagement du territoire.

M. Pascal Terrasse. Le rapport indique que les conditions de reprise de l’endettement lors de la séparation de RFF et de la SNCF ont été assez différentes de ce qu’il s’est passé en Allemagne. Il apparaît aujourd’hui que RFF, maître d’ouvrage des opérations concernant les LGV, fait souvent appel aux collectivités territoriales. Quel est votre avis sur la question, notamment dans un cadre européen ?

En me référant à la gare d’Allan, première gare à être construite sur une ligne LGV existante, je souhaiterais savoir qui sont les propriétaires actuels et futurs, des gares ferroviaires : RFF ou la SNCF ? Dans le cas où RFF serait le propriétaire, quels seraient les loyers perçus par RFF, compte tenu de la libéralisation prévue par le quatrième paquet, et les parts de ces loyers éventuellement rétrocédées aux collectivités ?

M. François de Rugy. De mon point de vue, le Rapporteur spécial, comme d’autres acteurs du monde ferroviaire et d’autres responsables politiques, tourne un peu autour du pot, lorsqu’est évoquée l’ouverture à la concurrence. Soit il s’agit d’un choix politique, voire idéologique, soit il s’agit d’une croyance dans un mode de financement nouveau. En réalité, le problème du transport ferroviaire en France est avant tout un problème de financement. La question n’est pas d’abord de savoir s’il faut davantage séparer RFF de la SNCF, ou au contraire les réintégrer, mais de déterminer la capacité de financements publics dans le transport ferroviaire dont on sait qu’il ne s’autofinancera pas. Le taux de couverture, entre la tarification et le fonctionnement, sans parler de l’investissement, est de 25 % pour les TER, de 30 à 40 % dans les transports urbains. Les concessions et partenariats publics-privés mis en œuvre sur les LGV masquent la réalité : ces projets sont en effet abondés par des financements publics dès l’origine, de la part des collectivités territoriales ou de l’État.

La prochaine législature devra être l’occasion d’approfondir cette réflexion sur les recettes pérennes à affecter au transport ferroviaire, pour l’investissement et l’entretien, des grandes lignes comme des TER. Des collègues ont évoqué les autoroutes. Il est vrai que la taxe poids lourds a pris du retard.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial. Je tiens à préciser que le rapport ne reprend pas l’ensemble des enjeux de la politique ferroviaire. Il propose modestement un point d’étape européen.

En réponse à Alain Rodet, je considère que le système britannique montre une amélioration de l’investissement, une tarification plus élevée, alors que les prix étaient déjà assez élevés précédemment. Le rapport d’information ne va pas au-delà dans l’évaluation, qui mériterait effectivement d’être menée en Grande-Bretagne, mais également aux Pays-Bas. S’agissant de la privatisation des systèmes d’autoroute, je rappelle que le Gouvernement de l’époque avait assuré un certain désendettement de l’État.

M. Launay, les schémas français et allemands sont objectivement différents. Il ne s’agit pas de trancher aujourd’hui. Le rapport propose un point d’étape sur le cadre européen et suggère de ne pas arrêter trop vite les décisions à prendre. Il est sage que les assises du ferroviaire n’aient pas conclu. Dans le même temps, la pression sur la mise en œuvre de la réintégration existe. Je n’ai pas de certitude absolue sur ce sujet. Mon analyse est qu’il faut une séparation plus claire entre la SNCF et RFF. La réintégration sous l’égide de la SNCF, sur le modèle allemand, ne me semble pas aller de soi.

L’enjeu soulevé par Richard Dell’Agnolla est en particulier ce que paye RFF au gestionnaire d’infrastructure délégué, la SNCF : il s’agit de 3 milliards d’euros. Une implication plus forte de RFF permettrait de mieux maîtriser la dépense. Il s’agit d’étudier comment l’optimisation du travail sur le terrain peut bénéficier au gestionnaire d’infrastructure.

Je confirme à M. Sandrier que l’harmonisation des infrastructures est effectivement un enjeu important de l’espace unique ferroviaire. Mon présent rapport n’a pas du tout étudié la problématique de l’industrie ferroviaire. Le soutien au fret suppose que tous les vœux pieux émis à ce sujet, y compris lors du Grenelle de l’environnement comme nous l’a rappelé M. Didier Migaud lors de son audition récente, se concrétisent réellement. Une meilleure gestion du système devrait permettre d’améliorer les choses. À ce titre, il semble que le « big bang » des changements d’horaires de décembre dernier ait eu des effets défavorables au fret. L’eurovignette « verdie » permet de développer des choix comme la taxe poids lourds en France, qui devrait, à terme, favoriser le fret ferroviaire.

Je signale à Pascal Terrasse que les gares appartiennent aujourd’hui à la SNCF. Mais RFF a la possibilité d’en construire. Après l’ouverture à la concurrence, je pense que l’appartenance des gares à la SNCF est juridiquement et communautairement fragile. Le secteur gare a été isolé, mais le lien entre les propriétaires des gares et les opérateurs, SNCF ou autres, se posera et devra nécessairement être étudié. Il serait effectivement intéressant de connaître, par exemple, ce que paie actuellement l’opérateur italien à la gare de Lyon.

Je précise à nouveau à M. de Rugy que ce rapport n’a pas pour objet l’étude des capacités de financements publics du transport ferroviaire.

M. Patrick Lemasle. Le Rapporteur spécial peut-il nous renseigner sur l’organisme responsable de la sécurisation des voies : la SNCF ou RFF ?

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial. Les quais longitudinaux, le long des voies, sont de la responsabilité de RFF. Les quais orthogonaux, en général en bout de ligne ou situés au-dessus des voies, sont aujourd’hui de la responsabilité de la SNCF. Il s’agit clairement d’une situation qui n’est pas optimale.

M. Louis Giscard d’Estaing. Je souhaite relayer la question de M. Sandrier sur la liaison entre lignes classiques et lignes à grande vitesse. Par ailleurs, quelle est la différence juridique entre gestionnaire d’infrastructure et gestionnaire d’infrastructure délégué ?

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial. En ce qui concerne le deuxième point, il s’agit d’une situation de fait : la SNCF est gestionnaire d’infrastructure délégué. Il faut vivre avec, même si je pense que cela ne peut pas tenir très longtemps.

La question du raccordement est évidemment importante. Pascal Terrasse l’a illustré en évoquant un dossier local, assez souvent sous-évalué en amont. Il est vrai que, les collectivités locales, auxquelles il sera fait de plus en plus souvent appel, sont assez légitimes à poser la question du raccordement. Il est probable que ces enjeux n’aient pas été suffisamment précisés en amont, y compris sur des projets de LGV récents.

M. Jérôme Cahuzac, Président. Avant de lever la séance, je consulte la Commission sur le principe de la publication du rapport de M. Mariton, dans le cadre de l’article 146 du Règlement de l’Assemblée nationale.

La commission des Finances autorise la publication du rapport d’information.

ANNEXE : PERSONNALITÉS RENCONTRÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Déplacement à Bruxelles

Parlement Européen :

Mme Dominique VLASTO, députée européen (PPE) ;

M. Dominique RIQUET, député européen (PPE) ;

M. Michel DANTIN, député européen (PPE) ;

Commission Européenne :

M. Mathias RUETE, directeur général Mobilité et Transports ;

M. Jean-Éric PAQUET, directeur en charge du transport ferroviaire ;

Représentation permanente de la France :

M. Philippe LEGLISE-COSTA, représentant permanent adjoint ;

M. Bertrand de LACOMBE, conseiller Transports ;

M. Francesco GAETA, conseiller Transports ;

Communauté Européenne du Rail (association regroupant et défendant les intérêts des opérateurs ferroviaires auprès de l’UE) :

M. Johannes LUDEWIG, directeur général et ancien président de la Deutsche Bahn ;

European Infrastructure Managers (association regroupant et défendant les intérêts des gestionnaires d’infrastructures auprès de l’UE) :

Mme Monika HEIMING, directrice exécutive.

1 () Voir le rapport d’information n° 3450 du 18 mai 2011 présenté par le Rapporteur spécial, et qui exprime la préoccupation de la commission des Finances quant à la nécessité de définir des priorités en matière ferroviaire.

2 () La directive précise dans son article 6 : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les fonctions essentielles […] sont confiées à des instances ou entreprises qui ne sont pas elles-mêmes fournisseurs de services de transport ferroviaire. […] Les États membres peuvent, toutefois, confier aux entreprises ferroviaires ou à toute autre entité la perception des redevances et la responsabilité de la gestion des infrastructures, par exemples, tels que, l’entretien et le financement ».

3 () RFF a aussi fait remonter son niveau de péages, qui atteint en 2011, 2,5 milliards d’euros.


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