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N° 4395

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 février 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
ET DE L’ÉDUCATION

en conclusion des travaux de la mission
sur la
gouvernance des fédérations sportives

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gilles d’Ettore,

Député.

——

INTRODUCTION 5

I.- LES FÉDÉRATIONS ET LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION : CONCILIER LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE ET EFFICACITÉ 11

A. LES STATUTS DES FÉDÉRATIONS SPORTIVES, LEUR COMPOSITION ET LEURS ORGANES DE DIRECTION : UN FOISONNEMENT CRÉATIF 11

1. Les statuts et les membres 11

2. L’assemblée générale 14

3. Les instances dirigeantes 15

4. Le président 17

B. LES PROCÉDURES DÉMOCRATIQUES : DES MODES D’ÉLECTION DES ORGANES DIRIGEANTS PERFECTIBLES 17

C. LA PLACE DES FEMMES DANS LES INSTANCES DIRIGEANTES DES FÉDÉRATIONS : UNE INÉGALITÉ PERSISTANTE 23

D. LA DURÉE ET LES CONDITIONS D’EXERCICE DU MANDAT FÉDÉRAL : UN CONSENSUS EN DEVENIR 25

II.- LES FÉDÉRATIONS ET L’ARGENT : CONCILIER ESPRIT DU SPORT ET RÉALITÉ ÉCONOMIQUE 29

A. LE BÉNÉVOLAT ET LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS : FACILITER LE CHOIX DES FÉDÉRATIONS 29

B. LES LIGUES PROFESSIONNELLES : UNE SYSTÉMATISATION DÉLICATE 33

C. LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES ET LEUR FINANCEMENT : LE PRIX DE L’AUTONOMIE 38

III.- LES FÉDÉRATIONS, L’ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : CONCILIER TUTELLE ET AUTONOMIE ORGANISATIONNELLE 43

A. L’ÉTAT, UN RÉGULATEUR RÉGALIEN ? 43

1. Les conventions d’objectifs 43

2. Les cadres techniques sportifs 45

3. La formation des dirigeants 49

B. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, PREMIERS PARTENAIRES PUBLICS DU SPORT 50

C. LES DISPOSITIFS DE CONTRÔLE 52

IV.- LES FÉDÉRATIONS FRANÇAISES ET LE MONDE : CONCILIER MODÈLE FRANÇAIS ET EXIGENCES DE LA COMPÉTITION INTERNATIONALE 55

A. UNE ORGANISATION DES FÉDÉRATIONS FRANÇAISES QUI N’EST PAS SI ISOLÉE 55

B. UN NOUVEAU CADRE EUROPÉEN EN COURS DE DÉFINITION ? 58

C. UNE PERTE D’INFLUENCE RELATIVE DANS L’ORGANISATION DE COMPÉTITIONS 61

1. Des stratégies d’influence à mieux coordonner 61

2. Des installations olympiques pérennes à mettre en place ? 65

TRAVAUX DE LA COMMISSION 69

ANNEXE N° 1 : COMPOSITION DE LA MISSION 83

ANNEXE N° 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 85

INTRODUCTION

La mission d’information sur la gouvernance des fédérations sportives prolonge les travaux du groupe de travail créé par Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, à la suite de la coupe du monde de football en Afrique du Sud et des défaillances qui y sont apparues, tant dans le fonctionnement de l’équipe de France que dans celui de la Fédération française de football (FFF) elle-même.

Il est assez exceptionnel, depuis les Jeux olympiques de Rome en 1960 dont les résultats décevants pour le sport français avaient conduit à la profonde réforme qui définit encore l’essentiel du cadre actuel de nos structures sportives, qu’un événement sportif appelle l’intervention directe du Président de la République.

C’est ainsi qu’au lendemain de l’élimination de l’équipe de France de football au premier tour du Mondial, et à l’issue d’une réunion de travail avec le Premier ministre, la ministre, Mme Roselyne Bachelot, et la secrétaire d’État, Mme Rama Yade, chargées des sports, le Président de la République a demandé l’organisation, dès le mois d’octobre 2010, des États généraux du football français.

À la suite de ces États généraux, tenus les 27 et 28 octobre 2010, et dans la mesure où la réflexion engagée aurait des conséquences sur les dispositions législatives du code du sport relatives à l’organisation et au fonctionnement des fédérations sportives, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, dont le champ de compétences s’étend au sport et qui avait déjà procédé à des auditions sur l’équipe de France de football en 2010, a constitué son propre groupe de travail sur la gouvernance des fédérations sportives.

Celui-ci, ouvert à l’ensemble des membres de la commission, a auditionné un certain nombre d’experts et de responsables du mouvement sportif, auditions dont l’intérêt a conduit le bureau de la commission à décider de créer une mission d’information à part entière.

En effet, si la crise de l’été 2010 semblait bien souligner des failles dans le modèle de gouvernance de la FFF, ce modèle est lui-même formellement identique à celui des autres fédérations sportives en France, en particulier des fédérations délégataires. Il est donc apparu opportun d’élargir la réflexion engagée pour le seul football à l’ensemble de celles-ci.

De plus, ces moments regrettables pour le football français sont intervenus alors que les deux dernières candidatures françaises aux Jeux olympiques, portées par Paris pour les Jeux d’été de 2012, puis par Annecy pour les Jeux d’hiver de 2016, n’ont pas été retenues. Il était dès lors nécessaire de s’interroger non seulement sur la pertinence, d’un point de vue interne, du modèle de gouvernance de nos fédérations sportives, mais aussi sur les conséquences, d’un point de vue externe, de leurs éventuelles inadaptations à une stratégie internationale.

Cette interrogation sur notre modèle de gouvernance est en somme bien résumée par le titre du dossier du mois d’avril 2011 de la revue juridique et économique du sport Jurisport : « Fédérations sportives : Gouvernance, la fin d’une époque ? »

Malgré les demandes de la mission, les représentants de la FFF n’ont pu être auditionnés directement par elle pour présenter une année de réformes statutaires et les modifications concrètes intervenues dans son fonctionnement depuis les États généraux du football français de l’automne 2010. Cependant, l’ensemble des entretiens conduits par la mission comme des interventions des divers responsables du mouvement sportif français, y compris des autres sports collectifs, ont souligné qu’il convenait de distinguer clairement, en termes de fonctionnement, le football des autres sports, M. Yvan Mainini, président de la Fédération internationale de basketball faisant à cet égard remarquer à la mission qu’il lui a semblé, tout au long de sa présidence de la fédération française, que les débats législatifs n’avaient pour référence que le seul football, à l’exclusion de tous les autres sports.

Alors que, comme le montrera le rapport, les représentants des fédérations auditionnés ont manifesté les opinions les plus diverses sur les multiples questions qui ont structuré les travaux de la mission, tous, du président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) au président de la Fédération française de rugby, ont craint qu’une réflexion engagée à partir des problèmes du seul football soit généralisée à l’ensemble du mouvement sportif français, sans tenir compte des réflexions et des réformes nombreuses déjà engagées par ces différents acteurs. Il convient ici, selon eux, de tenir compte de la distance qui sépare le football, tant en termes de nombre de licenciés que de moyens financiers, des autres sports, qu’ils soient individuels ou collectifs.

Il avait par ailleurs été décidé que si l’Assemblée du sport, réunie à l’initiative de Mme Chantal Jouanno alors ministre des sports et installée par elle le 29 mars 2011, s’intéressait à la gouvernance du sport dans son ensemble (tous les ateliers pouvant relever, au fond, de cette notion très générale), elle n’aborderait pas la question de la gouvernance des fédérations laissée au mouvement sportif lui-même, et donc au CNOSF.

L’atelier 6, portant spécifiquement sur la gouvernance du sport, fixait ainsi le cadre de ses travaux : « Il convient de rappeler que le sujet traité ici est celui de la gouvernance du sport, c’est-à-dire des relations, voire des interactions, entre les différents acteurs qui interviennent dans le champ des activités physiques et sportives. Le sujet n’est pas ici la gouvernance du mouvement sportif (organisation et fonctionnement notamment des fédérations), même si cette dernière peut être impactée, à terme, par une évolution de la gouvernance du sport. Conformément au principe d’autonomie du mouvement sportif consacré notamment par le mouvement sportif international, le CNOSF a mis en place un groupe de travail chargé de formuler des propositions sur l’évolution de la gouvernance des fédérations (conduite de cette démarche par et pour le mouvement sportif). » Cependant, « dans le cadre de la gouvernance des fédérations, certains ont également proposé de "repenser" les liens qui unissent les fédérations sportives et les entreprises, notamment en ce qui concerne le sponsoring. Il a en effet été observé que certaines entreprises sont désireuses de ne pas être seulement associées en termes de visibilité aux activités compétitives des fédérations, mais plus généralement à l’ensemble de leurs activités, notamment celles menées dans le cadre du développement durable, du sport pour le plus grand nombre… Le monde de l’entreprise serait ainsi à la recherche de davantage de "sens" dans ses partenariats avec les fédérations ».

M. Denis Masseglia, président du CNOSF, a parallèlement souligné devant la mission qu’en matière de gouvernance, le mouvement sportif était capable d’avoir plus de responsabilités qu’il n’en avait, n’étant pas qu’un acteur exécutant mais pouvant, du fait de son expérience acquise, suggérer des solutions… Il rappelait également l’urgence d’une réflexion globale sur la gouvernance des fédérations alors qu’au mois de juin 2011, cinq présidents de fédérations olympiques venaient de changer et un sixième de démissionner.

Le CNOSF s’est donc saisi du sujet de la gouvernance des fédérations sportives en mettant en place un groupe de travail dont la présidence a été confiée à M. David Lappartient, président de la Fédération française de cyclisme, qui a, de son côté, mené à bien un certain nombre de réformes du fonctionnement de sa fédération, et dont l’expertise était ici nécessaire.

Les grands principes orientant la démarche du groupe de travail du CNOSF sur la gouvernance des fédérations sportives sont la démocratie, l’efficacité, la stabilité, la transparence et le renouvellement des dirigeants.

Son analyse a initialement porté sur neuf sujets, qui lui sont apparus comme centraux : les membres, les organes dirigeants, la composition des collèges électoraux des fédérations, les modes de scrutin, la rémunération des présidents, les limitations de cumul de mandats et d’âge, la représentation des femmes dans les instances dirigeantes, la place des ligues professionnelles et le périmètre de la délégation, autant de thèmes qui recoupent les interrogations de la mission.

Les conclusions et les préconisations du groupe de travail sont présentées au CNOSF au cours du mois de février 2012, comme le présent rapport.

Aussi c’est avec beaucoup de modestie que le rapporteur aborde à son tour la délicate question de la gouvernance des fédérations sportives, c’est-à-dire des dispositifs d’organisation de leurs instances dirigeantes, qui en délimitent les pouvoirs et influencent les décisions.

La question intéresse directement les 16 millions de licenciés sportifs d’une des 180 000 associations sportives s’appuyant sur 3,5 millions de bénévoles, organisés dans 117 fédérations agréées, olympiques, non olympiques ou multisports. Plus largement, les réponses qui lui seront données déterminent l’image du sport et la place de la citoyenneté du licencié sportif dans notre pays.

Pour la mission, il s’agissait, bien sûr, d’examiner les éventuelles conséquences législatives de réformes de gouvernance souhaitables ou souhaitées, mais surtout d’écouter le plus grand nombre d’acteurs concernés par cette question sans a priori ni réponse législative préconçue et de présenter ainsi une synthèse représentative de leurs réflexions.

Dans le cadre ainsi fixé, la mission d’information a procédé à vingt-cinq auditions lui ayant permis d’entendre quarante-neuf responsables du sport en France au cours de ses douze réunions tenues de juin à décembre 2011, dont une table ronde réunissant cinq responsables sportifs régionaux à l’hôtel de ville de Rouen. La liste annexée au présent rapport en donne une présentation détaillée.

Les auditions s’appuyaient sur un questionnaire type qui visait à en rendre la cohérence plus perceptible et à mieux faire ressortir les éventuelles nuances sur ces principaux thèmes exprimées par les différentes personnalités entendues. Les questions retenues lors de la réunion de formation de la mission portaient ainsi principalement sur :

– l’encadrement législatif actuel de la gouvernance : est-il adapté compte tenu notamment des différences de nature et de fonctionnement entre les fédérations ?

– le rapport entre amateurs et professionnels : doit-il commander le type de gouvernance ?

– les relations avec l’État dans le cadre de la délégation de service public : doivent-elles influer sur la gouvernance ?

– l’inscription de la gouvernance dans les prescriptions des fédérations internationales auxquelles sont affiliées les fédérations nationales ;

– les modèles de gouvernance à l’étranger, ou en France, qui permettraient un meilleur fonctionnement des fédérations sportives ;

– la « professionnalisation » et la « financiarisation » du sport : ont-elles un impact et nécessitent-elles des modifications de la gouvernance des fédérations ?

– les moyens à mettre en place pour obtenir une gouvernance des fédérations qui permette de meilleurs résultats dans les différents objectifs qui peuvent leur être fixés : sport pour tous, sport et santé, action sociale, résultats sportifs dans les compétitions nationales et internationales, meilleure représentation des femmes et des jeunes ;

– les organisations internes aptes à porter des candidatures ou des manifestations à l’international : sont-elles adaptées ?

À l’exception du football, l’ensemble des intervenants, ce qui mérite d’être souligné et constitue l’une des caractéristiques du monde sportif, a très spontanément et très librement débattu, devant la mission et avec beaucoup de franchise, des modes de fonctionnement interne des fédérations, sans en dissimuler ni les difficultés ni les failles mais en abordant avec optimisme, et souvent avec passion, les réformes d’ores et déjà engagées. Qu’ils soient ici remerciés d’avoir su trouver un moment, dans des emplois du temps très chargés, pour venir présenter leur contribution à cette étude et d’avoir ainsi permis de proposer ce panorama, certes non exhaustif, mais représentatif, de la diversité de l’organisation de nos fédérations sportives.

I.- LES FÉDÉRATIONS ET LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION :
CONCILIER LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE ET EFFICACITÉ

A. LES STATUTS DES FÉDÉRATIONS SPORTIVES, LEUR COMPOSITION ET LEURS ORGANES DE DIRECTION : UN FOISONNEMENT CRÉATIF

Avant d’aborder les conditions réelles de l’exercice de la gouvernance des fédérations sportives, il convient de décrire le cadre législatif et réglementaire actuel qui le détermine.

1. Les statuts et les membres

Le code du sport définit la nature des fédérations sportives et leur composition :

« Les fédérations sportives sont constituées sous forme d’associations, conformément à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association » (article L. 131-2) et « regroupent des associations sportives. Elles peuvent regrouper en qualité de membres, dans des conditions prévues par leurs statuts : 1° Les personnes physiques auxquelles elles délivrent directement des licences ; 2° Les organismes à but lucratif dont l’objet est la pratique d’une ou de plusieurs de leurs disciplines et qu’elles autorisent à délivrer des licences ; 3° Les organismes qui, sans avoir pour objet la pratique d’une ou de plusieurs de leurs disciplines, contribuent au développement d’une ou de plusieurs de celles-ci ; 4° Les sociétés sportives » (article L. 131-3).

Si les fédérations sans agrément ne relèvent que du droit commun des associations, les statuts de celles qui sont agréées doivent également comporter un certain nombre de dispositions obligatoires (articles R. 131-3 et R. 131-11 et annexe I-5 du code du sport, introduits par le décret n° 2004-22 du 7 janvier 2004 pris pour l’application de l’article 16 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 et relatif à l’agrément des fédérations sportives, aux dispositions obligatoires des statuts des fédérations sportives agréées et à leur règlement disciplinaire type).

L’agrément étant une condition nécessaire pour qu’une fédération puisse bénéficier des aides de l’État, les auditions de la mission ont porté sur les fédérations agréées et, parmi elles, essentiellement sur les fédérations délégataires. Ces dernières, au nombre de 79 en 2011, bénéficient d’un degré de reconnaissance supplémentaire, une seule fédération par discipline pouvant y prétendre (article L. 131-14 du code du sport). En effet, il a semblé nécessaire de centrer cette étude sur les fédérations bénéficiant d’une réelle reconnaissance par l’État de leur mission d’intérêt général. Cette délégation aux fédérations dites « unisport » leur permet d’organiser les « compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux, de procéder aux sélections correspondantes » (article L. 131-15).

La notion de dispositions obligatoires des statuts des fédérations sportives agréées (résumée par l’expression « DOS ») se substitue à celle, antérieure, des « statuts types » imposés par l’État. Remarquons cependant que les règlements disciplinaires types sont maintenus, traduisant le maintien de la tutelle vigilante du ministère des sports en la matière (articles R. 131-2 et R. 131-7 et annexe I-6 du code du sport).

Cette liberté statutaire plus grande laissée aux fédérations − avec cette réserve, cependant, que les statuts sont pris par décret en Conseil d’État après avis du CNOSF – est la conséquence des réformes qui ont suivi les États généraux du sport, tenus à l’automne 2002 à l’initiative de M. Jean-François Lamour, alors ministre chargé des sports, et associant, dans six groupes de travail nationaux, des représentants de l’État, du CNOSF, des entraîneurs ou cadres techniques, des journalistes sportifs, des représentants du monde de l’entreprise et des sportifs ou anciens sportifs. Le groupe de travail sur l’avenir du modèle fédéral s’était fixé comme objectifs l’amélioration du fonctionnement de l’institution fédérale, la promotion d’un encadrement de qualité de la pratique sportive et l’encouragement de l’exercice du bénévolat.

Or, en matière d’amélioration du fonctionnement, les fédérations sportives avaient alors clairement souhaité bénéficier de modalités de gouvernance adaptées à leur diversité et à leur nouvel environnement social et économique, ce qui s’était traduit, dans le décret du 7 janvier 2004 relatif à l’agrément et aux statuts des fédérations sportives, par cet assouplissement des conditions d’élaboration des statuts.

Les statuts types continuent cependant d’inspirer ou de servir de base à beaucoup de statuts fédéraux, à la fois parce que, comme l’ont souligné de nombreux présidents de fédération, une réforme statutaire d’initiative interne est un processus long, qui suppose de convaincre les différents protagonistes des instances de direction de modifier, de façon parfois substantielle, leur rôle et leurs pouvoirs, mais aussi parce que beaucoup de réformes statutaires ont eu lieu au début des années 2000, fondées sur l’introduction du « statut B ».

Le décret n° 95-1159 du 27 octobre 1995 modifiant le décret n° 85-236 du 13 février 1985 relatif aux statuts types des fédérations sportives proposait en effet deux options de statut, A ou B. La différence entre les deux options portait principalement sur la mise en place, dans le cadre du statut B, d’un bureau « exécutif » restreint dont les membres étaient élus par le conseil fédéral sur proposition du président de la fédération dont les pouvoirs et les capacités de décision étaient ainsi statutairement renforcés. Ces statuts B permettaient une professionnalisation du fonctionnement de la fédération la rapprochant des modèles en vigueur dans les sociétés commerciales, le statut A relevant d’une gestion associative plus classique. Ils ont donc paru mieux adaptés aux relations nouvelles que le mouvement sportif entretenait avec le monde économique. Leur adoption était encouragée.

M. Didier Gailhaguet, président de la Fédération française des sports de glace, soulignait que le statut A, qui régissait sa fédération avant 2002, mettait le président élu dans une situation difficile. En effet, chacun des présidents de commission correspondant à un domaine sportif était de droit membre de la direction de la fédération, auxquels s’ajoutaient, de droit également, les présidents de ligue interrégionale. Ainsi, sur 30 membres du comité directeur de l’époque, 20 étaient prédéterminés, auxquels s’ajoutaient un sportif de haut niveau, un médecin fédéral, un éducateur. Le caractère pluridisciplinaire de la fédération rendait l’ensemble parfaitement ingérable. Le statut B introduit depuis et l’élection directe du président par les clubs ont nettement modifié cet état de fait, la structure fédérale y gagnant en légitimité.

M. Francis Didier, président de la Fédération française de karaté, résumait de façon imagée le processus normal d’une réforme des statuts fédéraux en le comparant à un train omnibus qui, outre ses arrêts à chaque étape, doit vérifier que tous les passagers sont montés et ont pris la bonne direction, avec les bons bagages, et en faisant remarquer que, lorsqu’une réforme peut prendre jusqu’à dix ans, il est important de pouvoir s’y tenir quelque temps… De même, M. David Lappartient, président de la Fédération française de cyclisme, décrivant les conditions de la réforme de la gouvernance de sa propre fédération, soulignait que, généralement, on ne s’emparait pas d’une fédération « à la hussarde », mais que les modifications des règles internes ne se faisaient précisément que de l’intérieur, sur la base d’alliances et de réflexions partagées.

Notons cependant d’ores et déjà que beaucoup des interlocuteurs de la mission ont souligné que l’essentiel, dans le fonctionnement d’une fédération, relevait des « hommes », de la personnalité de ses dirigeants, beaucoup plus que du cadre dans lequel ils exerçaient leur responsabilité, ce qui relativiserait alors quelque peu l’exercice, par ailleurs délicat, des modifications statutaires… Quoi qu’il en soit, il a semblé en effet, tout au long des auditions que, de façon souvent subtile, des terminologies traditionnelles pouvaient recouvrir des réalités nouvelles et qu’à l’inverse, l’effet de mode pouvait conduire des structures aux dénominations nouvelles à reproduire assez exactement des fonctionnements passés.

Les dispositions obligatoires des statuts fixent la composition de la fédération. Ses membres sont obligatoirement, comme le prévoit le code du sport, les associations sportives, soit en pratique les clubs qui regroupent les licenciés (1.2.1 de l’annexe I-5 précitée).

Mais peuvent également être membres de la fédération des personnes physiques auxquelles elles délivrent directement des licences (1.2.2.1 de l’annexe I-5). Cette solution présente l’intérêt d’éviter la pratique non encadrée d’un sport, préoccupation croissante des fédérations. M. Bernard Amsalem, président de la Fédération française d’athlétisme, faisait remarquer à cet égard qu’il serait au fond souhaitable que tous ceux qui pratiquent un sport en France soient licenciés auprès des clubs, qui fédèrent et mélangent âges et milieux sociaux « pour le bien de tous ». L’affiliation directe, qui reste peu pratiquée, pose en effet la question d’une représentation équitable entre les licenciés et les clubs.

Les fédérations peuvent également regrouper « des organismes à but lucratif dont l’objet est la pratique d’une ou de plusieurs de leurs disciplines et qu’elles autorisent à délivrer des licences » (1.2.2.2. de l’annexe I-5), par exemple les clubs de remise en forme ou les centres équestres constitués sous forme de sociétés commerciales.

Il convient ici de remarquer que, de manière assez paradoxale, des organismes publics ou parapublics comme des écoles municipales des sports (EMS) ne sont pas en mesure, quant à elles, de délivrer des licences.

Les fédérations peuvent comprendre « les organismes qui, sans avoir pour objet la pratique d’une ou de plusieurs de leurs disciplines, contribuent au développement d’une ou plusieurs de celles-ci », ce qui est le cas de la Fédération française des sports de plaisance pour la voile ou les syndicats de remontée mécanique pour le ski.

Ne figurant pas dans les dispositions obligatoires des statuts de 2004, les sociétés sportives, c’est-à-dire les clubs professionnels, ont été introduites comme membres optionnels des fédérations sportives agréées, ce qui, en pratique, ne concernait que la Fédération française de football. Cette introduction a été rendue possible par la loi n° 2004-1366 du 15 décembre 2004 portant diverses dispositions relatives au sport professionnel.

2. L’assemblée générale

La démocratie suppose que la fédération soit la plus représentative possible de l’ensemble des membres qui la composent, ce qui doit se traduire dans la composition de l’assemblée générale.

M. Yvan Mainini, président de la Fédération internationale de basketball, soulignait devant la mission que là résidait la difficulté majeure : « Deux idées se sont opposées pendant un moment : privilégier le "citoyen sportif", en attribuant une voix à chaque personne, ou alors privilégier les clubs et groupements sportifs, comme ce qui se fait depuis toujours. »

Les dispositions obligatoires des statuts (DOS) prévoient que « l’assemblée générale de la fédération est composée des représentants des associations sportives affiliées désignés, pour ceux qui sont élus par les assemblées générales des organismes régionaux et départementaux, selon le même mode de scrutin à tous les niveaux, départemental et régional » (2.1.1.1.1. de l’annexe I-5) et que « le nombre de voix dont disposent les représentants des associations affiliées est déterminé notamment en fonction du nombre de licences délivrées, selon un barème à fixer » (2.1.1.1.2. de l’annexe I-5).

Les statuts doivent également déterminer le fonctionnement de l’assemblée générale : ses conditions de convocation, un nombre minimum de réunions par an et ses activités (2.1.2. de l’annexe I-5). Ses compétences propres lui imposent d’entendre chaque année les rapports sur la gestion de la ou des instances dirigeantes et sur la situation morale et financière de la fédération, le vote du budget, l’approbation des comptes de l’exercice clos et la fixation des cotisations dues par ses membres, question toujours importante et qui peut être déterminante dans l’évolution de la fédération − elle sera examinée dans le II du présent rapport. L’assemblée générale adopte également, sur proposition de l’instance dirigeante compétente, le règlement intérieur, le règlement disciplinaire, le règlement financier et le règlement disciplinaire particulier en matière de lutte contre le dopage. Elle est seule compétente pour se prononcer sur les acquisitions, les échanges et les aliénations de biens immobiliers, sur la constitution d’hypothèques et sur les baux de plus de neuf ans. Enfin, elle décide seule des emprunts excédant la gestion courante.

C’est à une assemblée générale convoquée à cet effet sur proposition d’une instance dirigeante ou d’un nombre minimum de membres représentatifs, enfin, qu’il appartient de modifier les statuts de la fédération sur un ordre du jour comportant les propositions de modification, dans des conditions respectant des règles de quorum et de majorité (4.1. de l’annexe I-5).

Par rapport aux anciens statuts types, les DOS ont simplement assoupli les dispositions en matière d’emprunt, l’assemblée générale décidant seule de ceux excédant la gestion courante, afin de ne pas bloquer les opérations élémentaires d’instances dirigeantes éventuellement rénovées.

3. Les instances dirigeantes

« À l’exception des fédérations sportives scolaires et universitaires, les fédérations sportives sont dirigées par une ou plusieurs instances élues par les membres de la fédération » (article L. 131-4 du code du sport). Les instances dirigeantes (2.2. de l’annexe I-5) – l’imprécision de l’expression en elle-même laisse une marge appréciable en termes de gouvernance – peuvent prendre la forme classique, pour une association, d’un conseil d’administration ou d’un comité directeur avec un bureau, pourraient tendre à se rapprocher de celle des sociétés, avec un conseil de surveillance et un directoire, ou encore ne disposer que d’une instance unique. Cette absence de contrainte organisationnelle permet donc la mise en place de structures extrêmement variées.

Rappelons ici cependant que, comme c’est l’usage dans le monde associatif, une grande liberté existe en matière de dénomination de l’ensemble des organismes dirigeants, Les appellations y sont en effet totalement libres. Les expressions les plus variées couvrent des réalités qui ne le sont pas moins : comité directeur, comité de direction, conseil d’administration, conseil fédéral, comité fédéral, bureau, bureau directeur, bureau directeur national, bureau exécutif, bureau fédéral, bureau national, comité exécutif, voire haute autorité.

Pour s’en tenir au système traditionnel du conseil d’administration ou du comité directeur, instance dirigeante élargie, avec un bureau, instance dirigeante restreinte, les membres des uns sont choisis parmi ceux des autres. Ce système présente l’intérêt d’une représentation large de la fédération à tous les niveaux, et le double inconvénient, corrélé, d’une dilution des responsabilités et d’un mélange des rôles, rendant difficile le contrôle de l’exécutif réel.

À l’inverse, le système reposant sur un conseil de surveillance et un directoire, encouragé dès l’époque des statuts B, distingue plus clairement les membres des deux instances. Au conseil de surveillance revient le contrôle de la gestion de la fédération par le directoire. Le directoire est lui clairement l’organe exécutif. Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la fédération, dans la limite de ceux expressément attribués au conseil de surveillance et à l’assemblée générale. Il délibère et prend ses décisions dans les conditions fixées par les statuts. Cependant, rien n’oblige un conseil de surveillance à assurer le rôle que lui confient les statuts, et son contrôle de l’exécutif fédéral peut n’être pas plus efficace que celui d’un comité directeur classique.

En termes de prise de décision, cette dernière solution permet cependant un resserrement du nombre de dirigeants concernés.

Les juristes du Centre de droit du sport de l’Université d’Aix-Marseille auditionnés par la mission soulignaient cependant que la professionnalisation du fonctionnement des fédérations ne passait pas nécessairement par la mise en place d’instances dirigeantes sur le modèle sociétaire, comme s’en dessine la tendance, mais bien plutôt par l’établissement d’une chaîne, avec séparation des organes, entre la prise de la décision, la mise en œuvre de la décision, le contrôle de la décision et la responsabilité liée à la décision.

Lors de son audition, M. David Lappartient, président de la Fédération française de cyclisme, a insisté sur la nécessité, pour les élus, ceux des ligues professionnelles compris, d’assumer les rôles que leur confient les textes, afin de professionnaliser la gestion des fédérations.

C’est en effet sur ces structures, dont le fonctionnement est plus ou moins conforme à ce que les statuts adoptés par les fédérations laissent supposer, que repose la difficile articulation entre la fédération nationale, l’éventuelle fédération internationale dont elle relève et les structures déconcentrées, ligues régionales et comités départementaux qu’elle anime.

À ces instances s’imposent certaines règles en termes de composition ou de fonctionnement. Les statuts doivent prévoir, outre le nombre de leurs membres, une représentation des femmes garantie en leur sein, un poste réservé à un médecin, le seul subsistant des anciens statuts types, ce qui n’exclut pas bien sûr que d’autres soient prévus, pour des juges ou des sportifs de haut niveau par exemple.

Si la fédération compte parmi ses membres des organismes à but lucratif, ceux-ci doivent être représentés au sein des instances dirigeantes. Ils doivent être élus par les membres concernés au sein de collèges bien identifiés. Leur place est limitée.

Les membres des instances dirigeantes sont élus au scrutin secret pour une durée de quatre ans. En effet, la règle est de permettre le renouvellement des directions des fédérations à chaque nouvelle olympiade. En fonction des disciplines concernées, le mandat des instances dirigeantes expire donc au plus tard le 31 mars qui suit les Jeux olympiques d’été ou au plus tard le 30 juin qui suit les Jeux olympiques d’hiver. Cette règle interdit donc les renouvellements partiels. Les fédérations sportives françaises sont sans doute les seules au monde à connaître un calendrier électoral ainsi fixé par voie réglementaire.

4. Le président

Le président est ordonnateur des dépenses de la fédération et la représente dans tous les actes de la vie civile ou devant les tribunaux (2.3. de l’annexe I-5).

Les statuts prévoient également que sont incompatibles avec le mandat de président de la fédération « les fonctions de chef d’entreprise, de président de conseil d’administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d’administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans les sociétés, entreprises ou établissements, dont l’activité consiste principalement dans l’exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de la fédération, de ses organes internes ou des associations qui lui sont affiliées ».

Enfin, si les dispositions obligatoires des statuts ne prévoient pas de durée pour le mandat de président, le mode de renouvellement des instances dirigeantes implique qu’il soit également au maximum quadriennal.

B. LES PROCÉDURES DÉMOCRATIQUES : DES MODES D’ÉLECTION DES ORGANES DIRIGEANTS PERFECTIBLES

Le cadre institutionnel étant ainsi fixé, il convient d’examiner comment il fonctionne pratiquement, quelles en sont les évolutions réelles et souhaitables et comment s’anime la structure de gouvernance associative particulière aux fédérations sportives.

Si les assemblées générales des associations classiques sont le plus souvent constituées de l’ensemble de leurs membres, des raisons pratiques expliquent que la plupart des assemblées générales ou des collèges électoraux des fédérations sont composés de représentants des membres qui les composent et non directement de ces derniers.

Un débat traverse donc le mouvement sportif depuis des années : à quel niveau doit se situer la représentativité des membres des fédérations ? Celui du licencié, celui des clubs, ou encore celui des instances territoriales – les comités départementaux ou les ligues régionales – s’exprimant à travers un réseau de grands électeurs ? Outre l’importance numérique des électeurs intéressés, le caractère plus ou moins direct de cette représentation est également déterminant pour permettre le renouvellement des instances dirigeantes par l’apparition de nouveaux candidats.

M. Denis Masseglia, président du CNOSF, a insisté lors de son audition sur l’importance de la base électorale des fédérations. Il soulignait qu’une des causes de l’instabilité d’un certain nombre de directions fédérales tenait à leur mode d’élection, quel qu’il soit, lorsque les votes sont portés par des grands électeurs peu nombreux, comme les présidents de ligue, et avec une faible majorité. De là, un seul changement dans le corps électoral peut tout faire basculer. Il lui semblait donc nécessaire d’élargir nettement le corps électoral sans, pour autant, supprimer les échelons régionaux.

Dans son rapport intitulé Rapport et propositions pour une réforme des statuts des fédérations sportives remis en avril 2000 au Premier ministre, M. Lionel Jospin, et à la ministre de la jeunesse et des sports, Mme Marie-George Buffet, M. François Asensi, parlementaire en mission, préconisait que le collège électoral des fédérations soit composé des présidents de clubs, ces derniers élisant le président et le comité directeur par un scrutin de liste à deux tours à la représentation proportionnelle, sans panachage mais avec représentation de la minorité, le premier de la liste devenant le président de la fédération, les listes devant être « parrainées » par un nombre minimum de clubs dans un nombre minimum de départements.

Un certain nombre de mesures visaient, en outre, à éviter les votes en bloc d’élus porteurs de mandats.

La représentation territoriale, qui ne passait dès lors plus par l’assemblée générale, était assurée par la création d’une nouvelle instance, le « conseil territorial » élu par les ligues régionales. Il était également proposé de distinguer les assemblées générales ordinaires, constituées de représentants des comités départementaux, des assemblées générales électives composées, on l’a vu, des présidents de clubs.

La souplesse des dispositions statutaires obligatoires actuelles, conforme aux attendus des conclusions des États généraux du sport de 2002, permet de reprendre tout ou partie de ces propositions, si les fédérations le souhaitent.

Or, lors des auditions, une majorité s’est en effet dégagée pour donner directement aux clubs ou à leurs représentants immédiats un rôle plus déterminant dans la vie démocratique des fédérations.

Si le président du CNOSF, M. Denis Masseglia, tout en rappelant que « les clubs sont à la base de tout », soulignait que la représentation par club n’était pas sans poser problème dans certains cas, par exemple lorsqu’un club détient seul un nombre important des licences de la fédération, M. Jean-Paul Bulgaridhes, président de la Fédération française d’haltérophilie, musculation, force athlétique et culturisme, faisait observer que l’application à sa fédération des conclusions du rapport « Asensi » avait conduit à établir un cadre démocratique maintenant bien assumé, les licenciés étant représentés par les clubs en proportion de leur nombre, un licencié comptant pour une voix.

Cette place donnée aux clubs a été aussi le choix de la Fédération française de golf, matérialisant ainsi à nouveau clairement le fait qu’une fédération sportive regroupe d’abord les associations sportives que sont les clubs. Les voix qu’ils portent sont ici déterminées suivant le double critère du nombre de licenciés et de la nature des équipements du club, le secrétaire général de la fédération, M. Pierre Massie faisant observer que, si l’image du golf reste encore élitiste, le fonctionnement fédéral est lui, aujourd’hui, très démocratique.

Cette situation se retrouve également dans le cas de la Fédération française d’équitation. La clé de la réforme de ses statuts, contestée par certains, a ainsi été présentée par son président, M. Serge Lecomte, comme traduisant la volonté de permettre une représentation directe des clubs, des groupements équestres qui peuvent aussi bien être des associations, des sociétés, des entreprises individuelles, que des établissements ou collectivités publics. Cette représentation des clubs était déjà pratiquée par le secteur fédéral « poney ». Elle est ainsi généralisée à l’ensemble de la fédération.

M. Jean-Christophe Breillat, directeur des activités juridiques du Centre de droit et d’économie du sport à l’Université de Limoges, a, quant à lui, fait remarquer à la mission que l’introduction des nouvelles technologies dans le processus électoral rendait parfaitement possible la représentation à distance de l’ensemble des clubs dans les instances électives, mais que cette pratique restait encore limitée, sans parler de l’organisation, dans le même cadre, du débat fédéral. M. Jean-Michel Marmayou, co-directeur du Centre du droit du sport de l’Université d’Aix-Marseille, soulignait également que l’introduction du vote électronique pourrait facilement régler le problème de la représentation directe du licencié dans les différentes instances électives fédérales, mais que ce ne serait sans doute pas du goût de toutes les fédérations.

Il convient toutefois de relever qu’un vote électronique direct suppose des électeurs éclairés dans leurs choix par une campagne électorale et, plus largement, un déploiement de moyens multiples dont beaucoup de fédérations sont loin de disposer.

La Fédération française d’athlétisme continue quant à elle de composer ses assemblées générales à partir des grands électeurs, soit 1 pour 1 000 licenciés, grands électeurs qui sont le plus souvent des juges, mais aussi des présidents de ligue régionale ou de comité départemental, plus rarement un président de club. La relation directe de la fédération au club par une représentation directe de leurs présidents, souhaitée par le président fédéral, n’a pas été acceptée par l’assemblée générale.

Le comité directeur de la Fédération française de tennis est élu par des grands électeurs, eux-mêmes directement élus par les 8 500 clubs. C’est aussi le cas des assemblées générales de la Fédération française de rugby reposant sur ses 1 800 clubs, même si la réforme des statuts présentée cet été par le président Pierre Camou n’a pas abouti. Elle visait à mieux distinguer un comité exécutif, aux compétences régaliennes, d’un sénat – conseil des présidents de comités territoriaux −, compétent en matière territoriale et pour les mutations, appuyé sur un comité d’évaluation regroupant tous les partenaires du rugby élus par collège et un conseil supérieur du rugby, garant des valeurs et de l’éthique de ce sport.

La Fédération française de judo, tout attentive qu’elle soit à donner à tous ses licenciés la possibilité de participer à l’ensemble des activités de la fédération dans le respect du caractère éducatif de ce sport, compose ses assemblées générales de délégués des clubs élus dans un cadre départemental, en fonction de leur nombre de licenciés.

Selon une approche différente, la réforme de la gouvernance de la Fédération française de cyclisme, engagée par M. David Lappartient, son président, si elle n’assure pas un droit de vote direct des clubs a, comme première étape vers leur plus grande implication dans les instances dirigeantes, introduit leur « parrainage » pour les candidats à la présidence, à l’image de ce qui peut se faire pour certaines élections politiques.

Le décompte des voix est, lui aussi, l’objet de débats ou de pratiques différentes. Si la base du calcul est bien sûr le nombre de licenciés, par club ou par délégué, un barème peut être établi mettant en place des tranches ou des pourcentages afin d’assurer un rééquilibrage des voix entre les clubs et d’assurer, même aux plus petites associations, une représentation à l’assemblée générale.

Toutefois, si les systèmes de représentation simple, permettant à un « gros » club de disposer de plus de voix qu’un petit, sont en général bien admis, les règles qui visent à en limiter l’impact, par nature plus complexes, le sont parfois moins.

Quel que soit le choix retenu, la participation aux processus électoraux des fédérations du plus grand nombre de licenciés, à travers les clubs, est une condition nécessaire au renouvellement plus dynamique de leurs dirigeants, en donnant conscience à chacun de sa « citoyenneté » fédérale. Dans ce cadre, permettre que les choix électifs soient le plus éclairés possibles peut passer par l’introduction de scrutins de liste sur un projet de « gouvernement » fédéral.

Une meilleure représentation des licenciés et des clubs implique en effet une lisibilité plus grande des objectifs poursuivis par les différents candidats à la direction et à la présidence de la fédération.

Dans ce domaine, les dispositions obligatoires des statuts laissent, sous réserve du respect du principe d’une élection à caractère démocratique respectant le secret des votes, pleine liberté aux fédérations. Les modes de scrutin des instances dirigeantes, essentiellement les conseils d’administration – comités directeurs, beaucoup plus rarement les conseils de surveillance, on l’a vu −, sont donc très variés. Mais, M. Denis Masseglia, président du CNOSF, faisait également remarquer à la mission qu’en fonction des personnalités, les mêmes systèmes ne produisaient pas forcément les mêmes effets.

Le scrutin majoritaire, le plus répandu, peut être plurinominal, chaque candidat se présentant individuellement. Il peut être également à plusieurs tours, avec des règles de majorité différentes. Ce système, qui présente l’avantage de permettre à chacun de faire acte de candidature, est celui qui est traditionnellement utilisé.

Il convient cependant de remarquer que ce mode de scrutin peut, dans la pratique, se rapprocher d’un scrutin de liste, le candidat à la présidence pouvant, par exemple, inciter chaque membre de l’équipe avec laquelle il souhaite travailler à faire acte de candidature dans les instances concernées. Cet exemple d’adaptation « spontanée » des textes statutaires aux réalités du terrain confirme que les réformes de gouvernance s’appuient souvent, avec une certaine inertie, sur des tendances antérieures, les rendant d’autant plus acceptables par le mouvement sportif.

Enfin, dans le cas du scrutin majoritaire plurinominal, la représentation des différentes familles de la fédération – les jeunes, les sportifs de haut niveau, ou les dirigeants dont la présence est réglementaire comme le médecin –, ou le respect de la parité rend également nécessaire de procéder par collège et d’appliquer des correctifs aux résultats, ce qui est parfois mal compris.

Le scrutin majoritaire peut aussi être un scrutin de liste, les représentations requises ou souhaitées étant dès lors incluses dans la composition de la liste. Si le résultat de l’élection est ici plus clair, il présente l’inconvénient de donner à la liste majoritaire la totalité des sièges en jeu, ce qui pose un problème de représentativité.

À l’inverse, le scrutin de liste de type proportionnel présente bien sûr l’intérêt de mieux refléter les différents courants pouvant exister dans la fédération, mais aussi le risque, corrélativement, d’un affaiblissement du pouvoir et d’une « politisation » parfois un peu artificielle des élections.

M. Bernard Bacourt, président du comité régional olympique et sportif (CROS) de Haute-Normandie, a ainsi souligné qu’un scrutin de liste pour une direction resserrée conduisait à une expression monarchique de la politique de la fédération et la privait des compétences intermédiaires que représentent les échelons régionaux portés par les candidatures dans un cadre plurinominal classique. M. Nicolas Marais, président de la ligue régionale de handball de Normandie, faisait, au contraire, remarquer que ce dernier mode de scrutin suscitait un grand nombre de candidatures, contrairement au scrutin de liste sur un projet qui permettait de rassembler une équipe capable de diriger l’instance concernée, quel qu’en soit le niveau.

Ce risque propre à tout scrutin de liste existe sans doute. M. Denis Masseglia, président du CNOSF, précisait à cet égard qu’il convenait sans doute de distinguer les listes composées d’un point de vue principalement électoral, pour représenter tel ou tel groupe de la fédération, d’une liste destinée à permettre une gouvernance efficace si elle emporte le scrutin. La pratique se situe sans doute dans une composition intermédiaire.

Les conséquences du choix d’un mode de scrutin ont donc un impact politique incontestable.

M. Jean-Luc Rougé, président de la Fédération française de judo, faisait ainsi remarquer à la mission qu’il lui semblait important qu’une direction fédérale permette de rassembler l’ensemble de ses membres dans un travail commun de développement du sport, ce qu’un scrutin de liste, par définition clivant, ne lui semblait pas garantir.

Mais en contrepartie, cette fédération associe, à travers des assises et un congrès des organismes territoriaux, de nombreux responsables de ses différents échelons, permettant d’assurer à la représentation fédérale une base suffisamment large pour lui assurer la représentativité nécessaire à son action.

Si le risque de clivage que peut introduire un scrutin de liste n’est certes pas négligeable, il est possible de penser qu’un scrutin de liste avec une représentation proportionnelle, qui permet de faire une place à la ou aux minorités, est à même d’assurer à la direction de la fédération une véritable légitimité.

Quel que soit le choix retenu, il semble qu’en tout état de cause, le système des grands électeurs désignés dans le cadre territorial des comités départementaux ou des ligues régionales, se traduisant la plupart du temps par l’élection des dirigeants mêmes de ces structures à l’échelon national, n’est pas la solution la plus pertinente pour limiter les excès des cooptations, voire de « consanguinité », que certains des responsables auditionnés ont dénoncés.

Permettre le renouvellement des dirigeants ou l’apparition naturelle de nouveaux talents passe sans doute par une plus grande transparence du mode de scrutin, une meilleure représentation des licenciés à travers les clubs et leurs présidents, ainsi que par une chronologie plus rationnelle des élections aux instances fédérales.

Le choix du groupe de travail du CNOSF semble tendre – dans le cas d’une direction fondée sur un conseil de surveillance pluraliste et un directoire resserré – vers l’élection par l’assemblée générale, dans l’ordre, du président au scrutin majoritaire pour en assurer la légitimité, du directoire par un scrutin de liste afin de permettre au président de disposer d’une majorité de gouvernement, et du conseil de surveillance par un scrutin plurinominal majoritaire reflétant le plus fidèlement possible les différentes composantes de l’assemblée générale.

C. LA PLACE DES FEMMES DANS LES INSTANCES DIRIGEANTES DES FÉDÉRATIONS : UNE INÉGALITÉ PERSISTANTE

Les résultats de l’enquête menée par le groupe de travail du CNOSF sur la gouvernance des fédérations sportives, portant sur 57 fédérations représentatives, montre une évolution positive de la représentation des femmes depuis une décennie.

En effet, la place des femmes dans l’instance dirigeante fédérale élargie (conseil d’administration, comité directeur ou conseil de surveillance) est en stricte proportion du nombre de licenciés éligibles dans 40 cas, plus que proportionnel dans 9 cas et à parité dans 4.

Cette tendance est un peu moins marquée dans le cas de l’instance restreinte (bureau ou directoire), avec 34 fédérations en stricte proportion du nombre de licenciés éligibles, 7 au minimum en proportion et 1 à parité.

Mais, au niveau des présidences fédérales, le déséquilibre est flagrant. Le nombre de femmes présidentes de fédération, très faible, stagne voire régresse : les statistiques de la direction des sports sont de 11 femmes pour 115 présidences de fédération en 2009 et 5 pour 121 au 1er septembre 2010…

Pourtant, les textes en vigueur ne laissent pas prévoir cette sous-représentation que l’on retrouve d’ailleurs dans les présidences des structures territoriales, comités départementaux ou ligues régionales et également, mais dans une moindre mesure, dans les présidences des clubs.

Le point 2.2.2.2.1. de l’annexe I-5 portant dispositions obligatoires des statuts des fédérations sportives agréées prévoit, en effet, que « la représentation des femmes est garantie au sein de la ou des instances dirigeantes en leur attribuant un nombre de sièges en proportion du nombre de licenciées éligibles ».

L’article 12 du décret du 7 janvier 2004 précité dispose que « les dispositions des statuts prévues à l’annexe I au présent décret relatives à la représentation des femmes dans la ou les instances dirigeantes sont applicables, au plus tard, lors du renouvellement de la ou des instances dirigeantes qui suit les Jeux olympiques de 2008 ». Cette mesure était donc accompagnée de délais de mise en œuvre.

En tout état de cause, la représentation des femmes « garantie », en favorisant un sexe par rapport à l’autre, pouvait sembler heurter de front le principe d’égalité énoncé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du droit de l’homme de 1789. En effet, si la Constitution, depuis la révision du 8 juillet 1999, avait prévu que, par exception au principe d’égalité, la loi était compétente pour favoriser l’égal accès des femmes et des hommes à certains mandats, elle réservait la possibilité de prendre des mesures tendant à favoriser les seules femmes au domaine électoral et politique, ainsi que l’a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 mars 2006 sur la loi relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes (décision n° 2006-533 DC).

Dans ces conditions, les dispositions du point 2.2.2.2.1. de l’annexe I-5, qui n’avaient pas un caractère électoral ou politique au sens de la Constitution dans sa rédaction de 1999, étaient fragilisées. Dès lors, le précédent président du CNOSF avait été conduit à en demander l’abrogation au secrétaire d’État aux sports. Pour sa part, en réponse, le ministre chargé des sports, après avoir rappelé la décision de section du Conseil d’État Lesourd du 22 juin 2007 (n° 288206) qui a confirmé, à propos des jurys de concours de la fonction publique, la jurisprudence constitutionnelle, avait, pour éviter que les dispositions relatives aux fédérations ne soient annulées par le juge administratif, estimé que la règle n’avait qu’une valeur indicative.

Mais, depuis lors, la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a complété les dispositions constitutionnelles relatives à la « parité » pour élargir le champ des mesures susceptibles de favoriser un sexe par rapport à l’autre aux « responsabilités professionnelles et sociales », parmi lesquelles il est possible de faire figurer les dispositions relatives aux instances dirigeantes des fédérations sportives.

Dans son rapport du 21 juin 2011 au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, Mme Michèle André (1) soulignait qu’en matière d’égalité des femmes et des hommes dans le sport, comme dans un marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles.

Ses recommandations 11 à 13 concernent directement la gouvernance des fédérations. Il y est préconisé :

− d’assurer une représentation plus équilibrée des hommes et des femmes au sein des instances dirigeantes des fédérations et associations sportives en précisant que la proportionnalité ne doit pas conduire à attribuer moins de 20 % des sièges au sexe le moins représenté, disposition reprise par le groupe de travail du CNOSF (11) ;

− de généraliser le scrutin de liste (12) ;

− de créer un réseau officiel de femmes dirigeantes (13).

En outre, le Comité international olympique (CIO) est invité à s’assurer que ce même seuil de 20 % de sièges réservés aux femmes est respecté dans tous les comités nationaux olympiques et dans les fédérations olympiques internationales.

Les auditions de la mission ont confirmé qu’en la matière existait effectivement un plafond de verre, malgré une volonté de mettre en œuvre les règles de proportionnalité ou de parité.

Certaines fédérations réalisent l’objectif de proportionnalité au niveau fédéral – c’est ainsi le cas pour les fédérations d’haltérophilie, d’athlétisme ou de tennis – le dépassent, comme la Fédération française de hockey, ou bien atteignent l’objectif de parité, pour la fédération de judo par exemple. En revanche, des réticences ou des difficultés existent encore aux autres niveaux.

En outre, l’application des textes peut produire des résultats inattendus. Ainsi, le nombre des membres élus au comité directeur de la Fédération française de karaté est proportionnel au nombre total de licenciés. Mais la proportion de femmes est calculée en fonction du seul nombre de licenciés majeurs éligibles, alors que la répartition femmes-hommes est plus équilibrée chez les mineurs, d’où 5 femmes élues sur les 32 membres du comité directeur actuel…

Plus largement, et comme le soulignait également le rapport de Mme Michèle André, l’amélioration de la place des femmes dans les instances dirigeantes des fédérations sportives passe par une modification de facteurs culturels et sociologiques généraux mais également spécifiques au monde sportif lui-même, ce que confirmait à la mission M. Denis Masseglia, président du CNOSF. Ainsi, ce dernier faisait remarquer que la parité ne posait pas de problème en elle-même et existait en pratique dans les instances, mais que si les présidences de clubs, de ligues régionales ou de comités départementaux restaient masculines, la mesure n’avait pas de sens, la responsabilité en incombant dès lors au mouvement sportif dans son ensemble et non pas aux seules fédérations.

On constate cependant que les présidences locales des associations sportives tendent à se féminiser légèrement. Il devrait donc pouvoir se constituer un vivier, dans le cadre plus général de la réforme de la gouvernance, permettant l’apparition de candidates plus nombreuses pour les instances dirigeantes intermédiaires ou fédérales et répondant à ce renforcement nécessaire de la participation féminine.

D. LA DURÉE ET LES CONDITIONS D’EXERCICE DU MANDAT FÉDÉRAL : UN CONSENSUS EN DEVENIR

La question du cumul des mandats et de la limite d’âge pour les exercer se pose de façon différente selon les instances dirigeantes concernées, clubs, structures territoriales, comités directeurs, bureaux ou présidence fédéraux. Les textes laissent toute liberté dans ce domaine.

Un tiers des 57 fédérations interrogées par le groupe de travail du CNOSF disposent de règles en matière de cumul simultané de mandats, 4 en matière de cumul dans le temps mais une seule prévoit une limite d’âge.

Or, l’objectif poursuivi de permettre l’apparition de nouvelles idées portées par de nouveaux dirigeants et d’insuffler un certain dynamisme au fonctionnement interne des fédérations, rend nécessaire que les mandats soient régulièrement remis en jeu et que leur exercice soit entier.

S’agissant du président fédéral, la limitation du cumul pourrait donc intervenir dans le temps et il a été assez largement admis par les interlocuteurs de la mission de tendre à limiter à trois le nombre de mandats de présidence fédérale, suivant une proposition ministérielle faite au début de la législature, dont le caractère un peu brutal n’avait pas alors rencontré, la forme se mêlant au fond, l’adhésion du monde sportif.

Le ministre des sports, M. David Douillet, a confirmé devant la mission que le nombre de trois mandats présidentiels successifs lui semblait effectivement être un bon compromis. Prenant l’exemple des mandats municipaux, il constatait que, dans les deux cas, le premier mandat est partiellement déterminé par le cadre hérité de son prédécesseur, le deuxième permet de mettre en place ses propres objectifs et le troisième d’en finaliser la réalisation. Il remarquait également qu’il était nécessaire de laisser aux élus le temps de s’implanter et qu’en tout état de cause un renouvellement à chaque olympiade n’était pas performant.

La difficulté consiste à articuler l’implantation nécessaire à l’action et aux prises de position internationales − un mandat trop court ne permettant évidemment pas de se faire connaître et d’être candidat aux instances dirigeantes du sport international – et la capacité de renouveau des responsabilités fédérales.

Si M. Denis Masseglia, président du CNOSF, restait quant à lui plus réservé quant à une limitation expresse du nombre de mandats, la limitation du cumul simultané de mandats fédéraux et territoriaux a rencontré une assez nette adhésion des responsables auditionnés par la mission.

Enfin, l’introduction d’une limite d’âge, en général 70 ans en début de mandat, n’a pas non plus rencontré d’opposition tranchée de la part des personnes auditionnées, M. Denis Masseglia faisant remarquer qu’elle s’applique déjà au CNOSF. M. Bernard Bacourt, président du comité régional olympique et sportif de Haute-Normandie, pensait même que, pour permettre à de nouveaux dirigeants d’apparaître, l’existence d’une limite d’âge est encore plus importante qu’une limitation du nombre de mandats ou de cumul simultané. Seul M. Pierre Camou, président de la Fédération française de rugby, a souligné qu’on pouvait apporter autant à sa fédération à 70 qu’à 50 ans, surtout si, dans ce dernier cas, le poste était occupé depuis trente ans…

M. Nicolas Marais, président de la ligue régionale de handball de Normandie, soulignait cependant que la difficulté principale, pour renouveler concrètement les instances dirigeantes et permettre aux jeunes de s’investir dans les structures associatives, ce qu’ils font de moins en moins, passe sans doute par la définition d’un statut de l’élu sportif, à l’instar de ce qui a été mis en place pour les représentants syndicaux ou les élus politiques. Sans cela, l’articulation d’une vie professionnelle et familiale avec des responsabilités électives dans le cadre d’une association sportive s’avère particulièrement difficile. Force est de constater qu’il faut souvent être retraité pour pouvoir s’investir complètement dans des engagements bénévoles.

Aussi, plus largement, ces réflexions conduisent, au-delà des problématiques institutionnelles de la gouvernance des fédérations, à s’interroger sur l’aspect économique de leur fonctionnement.

II.- LES FÉDÉRATIONS ET L’ARGENT :
CONCILIER ESPRIT DU SPORT ET RÉALITÉ ÉCONOMIQUE

A. LE BÉNÉVOLAT ET LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS : FACILITER LE CHOIX DES FÉDÉRATIONS

L’enquête menée par le CNOSF auprès de 57 fédérations sportives montre que 31 seulement prévoient la rémunération de leurs dirigeants dans leurs statuts, et, parmi celles-ci, 11 rémunèrent effectivement leur président. Pour les autres, cette rémunération est soit expressément soit implicitement interdite par les statuts.

La première partie de ce rapport a montré que les limites d’un renouvellement plus réel et régulier des dirigeants des fédérations ne tenaient pas seulement aux seules institutions fédérales, mais comportaient également une composante sociologique forte.

Si les jeunes et les femmes, malgré les mesures incitatives diverses, n’ont pas davantage accès aux responsabilités fédérales, c’est que, comme beaucoup l’on souligné, il ne leur est pas possible de disposer du temps nécessaire à un tel engagement parallèlement à leurs activités professionnelles et à leur vie familiale.

La limitation pratique de la rémunération des dirigeants des fédérations sportives relève à la fois des moyens dont dispose la fédération qui en détermine le montant et des règles fiscales applicables aux associations qui conditionnent le plafond de la rémunération et le nombre de personnes rémunérables.

Une association peut rémunérer ses dirigeants mais ce choix, s’il ne respecte pas des dispositions précises du code général des impôts (énumérées à l’article 261), remet en cause le caractère désintéressé de sa gestion et l’assujettit aux impôts auxquels sont soumises les sociétés commerciales. Il convient de remarquer, à cet égard, que les fédérations dont le régime fiscal n’est pas celui d’une association peuvent avoir une approche beaucoup plus souple de cette question.

En effet, si l’organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n’ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation, il peut cependant, décider, aux termes de l’article 261 précité, que « l’exercice des fonctions dévolues à ses dirigeants justifie le versement d’une rémunération ». Dans ce cas, aux termes du même article, « le caractère désintéressé de sa gestion n’est pas remis en cause si ses statuts et ses modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, l’élection régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l’adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés ».

Le montant annuel des ressources de l’organisme, majorées de celles des organismes qui lui sont affiliés et qui remplissent les mêmes conditions, calculé hors ressources issues des versements effectués par des personnes morales de droit public (ce qui, on le verra, n’est pas négligeable pour beaucoup de fédérations sportives), doit respecter des barèmes qui conditionnent le nombre de personnes pouvant être rémunérées qui peut être d’un à trois au maximum.

Il est également précisé qu’un « tel organisme peut verser des rémunérations dans le cadre de la présente disposition uniquement si ses statuts le prévoient explicitement et si une décision de son organe délibérant l’a expressément décidé à la majorité des deux tiers de ses membres ».

Techniquement, cette question peut relever de l’assemblée générale ou de l’organe dirigeant, le conseil d’administration-comité directeur. Dans ce dernier cas, l’instruction fiscale 4 H-5-06 n° 208 du 18 décembre 2006 précisant la fiscalité des organismes sans but lucratif impose la présence de tous les membres, condition qu’il n’est pas toujours facile de remplir par les fédérations et qu’il serait sans doute opportun de réviser.

Enfin, le montant de toutes les rémunérations versées à chaque dirigeant au titre de la présente disposition ne peut en aucun cas excéder trois fois le montant du plafond visé à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale (soit 9 093 euros mensuels en 2012).

Les auditions ont assez bien traduit la pudeur traditionnelle des milieux associatifs sur ces questions ainsi que le profond attachement au bénévolat comme principe. Il est à noter, cependant, que quelle qu’ait été la position personnelle des présidents de fédération entendus sur cette question, tous ont reconnu que la possibilité de la rémunération ne devait pas être écartée.

Suivant ce qu’en disposent les statuts, la discussion, tant du principe que du montant devant l’assemblée générale ou le comité directeur, reste délicate, à l’image, d’ailleurs, de ce qu’on peut observer dans les conseils municipaux pour la rémunération de l’exécutif municipal.

Le ministre des sports, M. David Douillet, constatait que la gestion d’une grosse fédération demandait du temps et des compétences, faisant du président un véritable chef d’entreprise, ce qui devrait pouvoir se traduire par une rémunération dans le cadre d’un mandat limité dans le temps.

M. Denis Masseglia, partant d’exemples concrets de jeunes présidents de fédération, soulignait la prise de risque que constitue pour chacun l’arrêt de son activité professionnelle. Il a précisé qu’il ne lui semblerait pas anormal que le Centre national pour le développement du sport (CNDS) puisse engager une participation incitative au financement d’une rémunération des présidents afin que la contrepartie financière de la plus grande disponibilité que cette solution autorise ne relève pas que de la seule fédération le décidant.

M. Pierre Massie, secrétaire général de la Fédération française de golf, estimait lui que le temps consacré par un président fédéral à l’exercice de son mandat justifiait qu’il soit rémunéré. Il regrettait cependant que la rémunération des présidents, là où elle est mise en place, fasse trop souvent l’objet de rumeurs, mais il constatait que, si sa génération n’imaginait pas être rétribuée pour ses activités bénévoles, son point de vue serait sans doute différent s’il travaillait encore.

M. Pierre Camou, président de la Fédération française de rugby, déplorait lui aussi que le débat sur le coût de la démocratie soit souvent vicié, et le montant des rémunérations facile à jeter en pâture à l’opinion. Il soulignait que les compétences et la disponibilité exigées justifient parfaitement la rémunération des dirigeants, mais que ce n’était pas toujours facile à faire admettre dans le mouvement associatif, cet élément de respiration n’étant pas en mesure, aujourd’hui, d’être satisfait vraiment.

Il s’inquiétait également du faible nombre de dirigeants susceptibles d’être rémunérés dans le cadre associatif et du niveau des rémunérations proposées, qui ne lui semblaient pas autoriser la professionnalisation par ailleurs souhaitée, sauf à n’employer que des retraités.

Toutefois, de son côté, M. Patrick Wolff, président de l’Association nationale des ligues de sport professionnel (ANLSP), vice-président de la Ligue nationale de rugby, partant de sa propre expérience et de celle vécue pendant dix ans aux côtés de M. Serge Blanco, précisait qu’il ne croyait pas à la transposition du modèle anglo-saxon en France avec un président « non executive » et un « chief executive » rémunérés comme c’est le cas dans les institutions anglaises, système qui conduit un salarié permanent à gouverner une institution auquel il doit sa rémunération. Il a rappelé qu’il était un défenseur inconditionnel du bénévolat, même au risque de réserver certaines responsabilités à des retraités. Il s’est étonné également que s’il était envisagé de rémunérer les dirigeants nationaux, rien n’était prévu pour les responsables des échelons inférieurs, confrontés aux réalités du terrain et acteurs déterminés du développement de leur discipline. Il rappelait enfin que l’activité bénévole permettait de garder une liberté d’action que n’autoriserait pas le contrat de travail. « Ce système ne serait plus le nôtre », a-t-il conclu.

Cette objection rejoint celle plusieurs fois soulevée d’éviter que la rémunération du président ne conduise à instituer de véritables plans de carrière des élus, les éloignant de la base associative de leur engagement initial. Professionnalisation ne veut pas dire, en effet, faire profession…

De façon plus nuancée, M. Yvan Mainini, président de la Fédération internationale de basketball, a rappelé qu’en matière de rémunération, s’il était nécessaire bien sûr de prendre en compte la taille de la fédération, le travail à accomplir justifiait pleinement sa systématisation, et mettrait fin à une certaine hypocrisie dans ce domaine.

M. Philippe Machu, président de l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique (UFOLEP), estimait que, ne pas prévoir de salarier des dirigeants fédéraux, comme c’est les cas pour sa fédération, s’inscrivant dans la tradition du bénévolat des enseignants, n’était plus réaliste. « On est resté au statut pieux de chevalier blanc. »

M. David Lappartient, président de la Fédération française de cyclisme, a rappelé qu’il lui semblait normal d’indemniser les présidents de fédération et souligné que, si certains pensaient que cette rémunération devait relever du CNOSF, il lui paraissait plutôt nécessaire d’en discuter le principe devant l’assemblée générale ou le conseil d’administration, le bénévolat limitant le nombre des prétendants aux postes de responsabilité.

Selon M. Nicolas Deschaux, président de la Fédération française du sport automobile, alors qu’il lui était fait remarquer que les forces vives du sport restaient concentrées dans les clubs mais hésitaient à prendre des responsabilités aux échelons supérieurs des fédérations, « le phénomène se comprend : il s’agissait autrefois d’une génération de bénévoles, valorisés dans ce cadre par le statut de président, ma génération est moins sensible aux médailles et à ce type de reconnaissance ou de valorisation sociale ». En outre, il constatait que le « curseur » du métier de président s’était déplacé d’un contact direct avec une passion − par exemple dans le cas de l’automobile, assister ou organiser des courses, rencontrer des pilotes −, vers la confrontation avec de multiples problèmes de gestion, de subvention, de contraintes diverses. Il ajoutait : « Si 80 % du temps est consacré à des questions administratives très étrangères aux questions sportives, avec un outillage juridique donné aux clubs inadapté − "mal français" qui existe ailleurs que dans le sport − l’intérêt initial disparaît rapidement. Comment, dès lors, motiver quelqu’un pour aller au-delà de son club ? »

La force du monde associatif étant effectivement de réunir autour d’une passion commune des participants de toutes origines, le débat sur le niveau de rémunération des dirigeants peut cependant choquer, comme le soulignait M. Francis Didier, président de la Fédération française de karaté, alors que la situation personnelle des membres des assemblées ayant à en décider peut être très précaire.

Aussi, s’il est sans doute inadapté au cadre associatif d’imposer la rémunération systématique des présidents de fédération, il serait en revanche opportun, pour que le choix de le faire et le montant voté se fassent dans un contexte le plus serein possible − sans personnalisation excessive ni remise en cause de la place du bénévolat −, que les barèmes en déterminant le montant prennent en compte, outre les ressources propres comme actuellement, le nombre de licenciés et restent définis à l’extérieur à la fédération. Une réflexion pourrait également être engagée sur l’élargissement du nombre de dirigeants fédéraux pouvant être rémunérés, le maximum de trois qu’autorisent les règles fiscales en vigueur s’appliquant aux associations ne répondant pas aux besoins des grosses fédérations.

B. LES LIGUES PROFESSIONNELLES : UNE SYSTÉMATISATION DÉLICATE

Le sport et son organisation en France sont conçus de façon unitaire, regroupant sport amateur et professionnel.

Mais la réponse la plus évidente au besoin de professionnalisation du sport dans le cas de fédérations associant des sportifs professionnels repose sur la création de ligues professionnelles. C’est en particulier le cas pour les sports collectifs.

L’article L. 132-1 du code du sport dispose ainsi que « les fédérations sportives délégataires peuvent créer une ligue professionnelle, pour la représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des associations qui leur sont affiliées et des sociétés sportives ». Si les fédérations délégataires font le choix pour la ligue, non d’une commission spécialisée interne, solution retenue par la Fédération française de boxe, mais d’une association externe, le cas général, « ses statuts doivent être conformes aux dispositions édictées par un décret en Conseil d’État pris après avis du Comité national olympique et sportif français. Ce décret détermine également les relations entre la ligue et la fédération ».

Les fédérations sportives ont, de par leur délégation, un pouvoir de contrôle des ligues professionnelles, comme l’a rappelé à la mission M. Pierre Camou, président de la Fédération nationale de rugby. Ainsi, les fédérations décident de l’existence des ligues professionnelles, approuvent leurs statuts en assemblée générale, la convention et l’éventuel protocole financier qui les lient (articles R. 132-8 et R. 132-17 du code du sport). Les fédérations ont également la possibilité de réformer les décisions arrêtées par les organes de la ligue professionnelle qui seraient contraires à leurs statuts ou règlements (article R. 132-15 du code du sport).

Les dispositions obligatoires des statuts de ces ligues, leurs attributions et les modalités de leur relation conventionnelle avec la fédération délégataire sont fixées par le décret n° 2002-762 du 2 mai 2002 pris pour l’application du paragraphe II de l’article 17 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 et relatif aux ligues professionnelles constituées par les fédérations sportives et dotées de la personnalité morale et le décret n° 2004-549 du 14 juin 2004 qui le complète. Les ligues professionnelles ont un pouvoir administratif, commercial, financier et sportif en conformité avec leur objet social, les statuts et règlements des fédérations et les stipulations de la convention qui les lient à ces dernières.

Compte tenu de son objet, la mission s’est placée du point de vue fédéral, qui était aussi celui de ses interlocuteurs, et s’est interrogée sur le bien-fondé comme sur les conséquences de la création d’une ligue professionnelle au sein d’une fédération. S’il semble effectivement intéressant de mieux délimiter le rôle de chacun, en créant un véritable secteur professionnel au sein de la discipline concernée et en lui assurant ainsi un développement et une médiatisation spécifiques, il paraît également pertinent de permettre au secteur professionnel d’organiser directement les compétitions de ses membres.

Parmi les ligues prenant une forme associative, il convient de distinguer les ligues créées dans le secteur des sports collectifs, regroupant des clubs de joueurs professionnels, de celles des sports individuels comme le cyclisme et l’athlétisme.

Les premières, actuellement regroupées au sein de l’Association nationale des ligues de sport professionnel (ANLSP), comprennent la Ligue de football professionnel (la doyenne créée en 1932 sous la forme d’une amicale des clubs amateurs utilisant des joueurs professionnels), la Ligue nationale de basket et la Ligue nationale de volley, créées en 1987, la Ligue nationale de rugby créée en 1998 et la Ligue nationale de handball, créée en 2004. Elles sont toutes des ligues dotées d’une personnalité morale sous la forme associative.

Ces cinq ligues regroupent 158 clubs professionnels, s’appuient sur 5 000 salariés et organisent une quinzaine des compétitions qui représentent 2 700 matches par saison sportive. Ces compétitions réunissent près de 15 millions de spectateurs dans les salles et les stades pour plus de 165 millions de téléspectateurs en audience annuelle cumulée.

La répartition en est la suivante :

− la Ligue du football professionnel (LFP) gère et organise les compétitions de football masculin de ligue 1 (20 clubs) et ligue 2 (20 clubs) ;

− la Ligue nationale de rugby (LNR) gère les compétitions masculines du Top 14 (14 clubs) et de la Pro D2 (16 clubs) ;

− la Ligue nationale de basket (LNB) gère les compétitions masculines de Pro A (16 clubs) et Pro B (18 clubs) ;

− la Ligue nationale de handball (LNH) gère les compétitions masculines du championnat Elite de D1 (14 clubs) ;

− la Ligue nationale de volley-ball (LNV) gère les compétitions de Pro A (14 clubs), de Pro B (14 clubs) masculines et de Pro A féminine (12 clubs).

L’ANLSP participe entre autres à la Conférence nationale du sport, à la commission sport professionnel du CNOSF, au comité des grands équipements sportifs du CNDS et à la commission spécialisée de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) relatif à « l’impact de l’ouverture du marché sur les filières », ainsi qu’au groupe de travail ministériel pour la préservation de l’intégrité des compétitions sportives face au développement des paris sportifs en ligne.

Les ligues sont donc devenues les interlocutrices reconnues et désormais naturelles des pouvoirs publics. Quelle place doivent-elles, dès lors, occuper dans la gouvernance des fédérations dont elles relèvent ?

Lors de leur audition, les dirigeants de l’ANLSP soulignaient que la représentation des cinq ligues professionnelles est assurée au sein de leurs fédérations respectives, malgré l’absence de règles statutaires précises sur ce point. À l’inverse, la délégation de la fédération prévoit qu’en conséquence de la tutelle qu’elle exerce, la fédération concernée est présente dans les instances dirigeantes de la ligue.

Ils suggéraient que la généralisation d’une organisation des fédérations selon le modèle conseil de surveillance-directoire permettrait de fluidifier les relations entre les deux partenaires. Ils faisaient en effet remarquer que la structuration des exécutifs actuels des fédérations sous forme de comités directeurs leur confère une taille trop grande qui fait peser une réelle incertitude sur chacune des décisions. De nombreux membres de ces exécutifs larges n’ayant pas pu suivre les détails de la préparation des dossiers, il est souvent difficile de les convaincre du bien-fondé des mesures qui leur sont présentées.

Ils regrettaient également, malgré quelques avancées, de ne pas disposer, à l’intérieur du mouvement sportif fédéré, de la même reconnaissance formelle que celle que leur accordent leurs partenaires publics. Selon eux, une délégation doit aller jusqu’à son terme et reposer sur la confiance que la fédération accorde à son secteur professionnel, avec un pouvoir de régulation, à l’image même de la délégation de l’État aux fédérations. Le risque de mettre en place des ligues repliées sur elles-mêmes et toutes puissantes ne leur semble pas fondé. Au contraire, cette absence de délégation complète dans leur domaine de compétences les prive d’un pouvoir de contrôle sur les clubs qu’elles regroupent. Il leur semblait donc souhaitable que des mesures législatives soient prises dans ce domaine.

Les représentants fédéraux préfèrent quant à eux que les compétences comme les modalités de leur exécution soient précisées dans les conventions de subdélégation passées entre elles et les ligues sans modification, donc, des textes en vigueur.

Ce désir d’être mieux et plus explicitement reconnus dans les structures fédérales, mais aussi cette fois, dans les ligues et les cadres publics de concertation caractérise également les associations et syndicats de sportifs. M. Sylvain Kastendeuch, président de leur fédération nationale, la FNASS, a ainsi regretté devant la mission que la légitimité des sportifs professionnels à participer à l’ensemble des structures ou même des débats concernant le mouvement sportif soit régulièrement remise en cause.

De façon plus consensuelle, mais traduisant sans doute l’esprit des réformes en cours dans la Fédération française de football, M. Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel, déclarait devant le groupe de travail qui a précédé la mission qu’« en aucun cas, il ne s’agit pour le monde professionnel de revendiquer le pouvoir sur la fédération ou de revendiquer un transfert de compétences au détriment des fédérations au profit des ligues professionnelles ». Il ajoutait que, si « certains disent qu’au fond s’agissant des activités professionnelles comme l’équipe de France, comme l’arbitrage professionnel, il serait logique que cette compétence soit exercée non plus par les fédérations mais par les ligues professionnelles, ce n’est pas du tout mon approche ». Il concluait ce point en rappelant que « nous sommes dans une logique d’union avec la fédération et pas du tout de séparation, par contre il faut améliorer le fonctionnement de la fédération et moderniser son organisation, ses statuts et son fonctionnement ».

Il serait sans doute souhaitable, dans ce cas, et comme le remarquait M. David Lappartient devant la mission, que le pourcentage des droits de vote des ligues professionnelles soit plafonné réglementairement pour éviter une surreprésentation du secteur professionnel dans les instances fédérales. Il convient de rappeler, en effet, que la part des voix des professionnels dans les instances électives de la Fédération française de football est passée, depuis la dernière réforme de ses statuts, de 25 à 37 %, ce qui ne correspond plus du tout à la répartition réelle du nombre d’adhérents entre clubs amateurs et professionnels et semble, par conséquent, une prise en compte quelque peu excessive de leur poids économique.

La situation des ligues professionnelles est toute autre pour les sports individuels. Les fédérations intéressées rencontrent davantage de difficulté à structurer un vrai secteur professionnel. En effet, pour le golf, le tennis, l’équitation, la natation, le cyclisme ou l’athlétisme par exemple, les sportifs de haut niveau qui vivent de leurs prestations sportives le font souvent comme travailleurs indépendants, ce qui rend leur organisation d’autant plus difficile que les échelles de grandeur n’ont rien à voir avec celles en vigueur dans les sports collectifs.

Les représentants des fédérations françaises de tennis ou de golf ont rappelé à la mission que le nombre de sportifs pouvant vivre de la pratique de leur discipline en compétition était faible, autour de 20 pour le golf, entre 60 et 80 pour le tennis, mais c’est aussi le cas de l’équitation, ou de la natation, par exemple.

M. Gilbert Ysern, directeur général de la Fédération française de tennis, faisait également remarquer que la gestion commune du sport amateur et professionnel permettait d’éviter que ne s’installe la dichotomie entre fédération et ligue, l’ensemble des questions touchant le monde professionnel relevant d’une commission fédérale dédiée. De plus, le nombre de sportifs professionnels rendrait sans doute un peu artificiel d’aller au-delà de ce cadre.

Certaines fédérations de sports individuels ont toutefois mis en place des ligues professionnelles. C’est le cas de l’athlétisme et du cyclisme, dans les deux cas sous forme associative.

La difficulté, dans le cas du cyclisme, tient à ce que l’événement professionnel par excellence, le Tour de France, est organisé par une société commerciale. La légitimité de la Ligue nationale de cyclisme tient donc à la bonne volonté de chacun des partenaires, plus qu’à l’application de dispositions statutaires.

La ligue, comme le rappelait son président, M. Marc Madiot, a connu au moment de sa création, de façon cette fois plus classique, quelques difficultés avec la fédération qui avait l’impression de perdre le contrôle d’un secteur professionnel qui est un peu la « vitrine » de la discipline. Le budget de la ligue comme le nombre de sportifs qu’elle fédère, 153 cyclistes professionnels et 8 équipes professionnelles, renforcent l’objectif de son président, lui-même ancien coureur, de chercher à harmoniser le fonctionnement des équipes et des organisateurs de compétitions et de pérenniser l’emploi des coureurs dans de bonnes conditions.

Ce rôle « mutualiste » de la ligue se retrouve également dans l’action de la Ligue nationale d’athlétisme (LNA). Cette dernière, mixte comme cette discipline, a été créée en 2007 par une décision fédérale presque unanime, ce qui en fait un précurseur dans le domaine des sports individuels. Son organisation associative et ses rythmes électoraux sont calqués sur ceux de la fédération. En 2010, elle a géré un circuit de 6 meetings, 19 clubs lui sont affiliés et 26 athlètes professionnels bénéficient d’un contrat.

M. Bruno Marie-Rose, son président, estimait devant la mission que le rôle de la ligue est d’abord de donner aux meilleurs athlètes les moyens de se préparer pour la compétition, en leur fournissant des outils mutualisés de conseil et d’accompagnement et en les libérant ainsi d’un certain nombre de préoccupations pour leur permettre de s’investir complètement dans leur discipline.

La ligue propose également une formation sur les aspects non directement techniques de la carrière d’un sportif de haut niveau, depuis la gestion d’un patrimoine jusqu’à la maîtrise des outils de communication, afin de le décharger concrètement des soucis quotidiens et des pressions médiatiques. Les représentants de la LNA ont fait également remarquer que cette valorisation des aspects socioprofessionnels de la carrière des sportifs se place dans une perspective un peu différente de celle d’un agent sportif, qui est par définition plus préoccupé de rentabilité immédiate, mais que la répartition des rôles entre la ligue − qui conseille les sportifs − et les agents qui les présentent dans les meetings athlétiques est plus claire et donc plus facile à gérer que celle qui prévaut pour les sports collectifs.

Le financement de la LNA comme structure associative autonome et donc son budget restent cependant très fragiles, compte tenu de l’échelle relativement réduite de son secteur d’intervention, si on la compare aux ligues professionnelles des sports collectifs. Il serait regrettable que ne soient pas mieux utilisées les appréciables actions de professionnalisation développées en interne, par la fédération comme par la ligue dans leurs domaines de compétences respectifs, pour en revenir à une commission interne chargée du secteur professionnel. Mais cet exemple montre qu’il serait prématuré d’envisager de systématiser la création de ligues professionnelles dans les fédérations concernées, sans l’accompagner d’une réflexion approfondie sur leurs moyens de fonctionnement.

C. LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES ET LEUR FINANCEMENT : LE PRIX DE L’AUTONOMIE

La mission n’avait pas pour objet d’étudier le financement du sport, mais il a semblé utile, en tant que certains éléments de ce financement ont des conséquences immédiates en termes de gouvernance des fédérations sportives, de les rappeler.

La dépense sportive globale estimée par le Gouvernement en 2008 est impressionnante : mesurée par le total des montants financiers consacrés au sport par l’ensemble constitué des ménages (49,5 %), des entreprises (10 %), de l’État (9,5 %) et des collectivités territoriales (31 %), elle s’élevait à près de 34 milliards d’euros, soit environ 1,75 % du PIB. Sa croissance entre 2000 et 2008 est proche de 39 %. Il ne semble pas que la crise économique qui a suivi ait, pour l’instant, modifié ces données générales.

C’est en effet la place grandissante de l’économie du sport dans l’économie générale, même si elle ne concerne réellement, mais à une échelle remarquable, que quelques fédérations qui a conduit beaucoup d’observateurs à estimer que leurs structures actuelles de gouvernance, de type associatif, n’étaient plus adaptées aux enjeux. La professionnalisation sur le modèle de l’entreprise demandée par certains trouve également là son origine.

En 2009, dernier bilan disponible et pour la première fois depuis 1997, le cumul des budgets des fédérations unisport enregistrait une diminution, due essentiellement à la fin des recettes de la coupe du monde du rugby et à l’arrêt de l’organisation du Grand Prix de France de formule 1. En excluant ces données particulières, le cumul des budgets des fédérations unisport serait en hausse de 3,51 %. Néanmoins, il convient de noter que, sur les 30 fédérations olympiques, 18 ont connu une contraction budgétaire alors que cette situation n’était enregistrée que pour 3 d’entre elles en 2007 et 9 en 2008. À l’instar des fédérations olympiques, le nombre de fédérations non olympiques confrontées à une contraction budgétaire en 2009 est en augmentation. Il s’élève à 25 en 2009 contre 21 en 2008 et 9 en 2007.

En outre, en 2008, 43 fédérations unisport avaient enregistré un résultat net déficitaire. Elles sont encore 37 dans cette situation sur l’exercice 2009. Ce nombre reste bien supérieur au nombre minimal observé entre 1997 et 2007 : 27 fédérations en 2005.

En revanche, après la dégradation de la situation financière des fédérations unisport constatée en 2009 (12 fédérations présentaient une situation dégradée et 6 une situation fragile), l’année 2010 a vu une réelle amélioration de leur situation, avec 9 fédérations en situation dégradée et 5 en situation fragile, soit les chiffres les plus faibles jamais observés depuis 1997.

La situation financière des fédérations sportives reste cependant globalement préoccupante.

Les éléments sur lesquels la mission s’est interrogée comme relevant directement de l’intervention fédérale sont les financements publics, les licences et la gestion des droits de retransmission audiovisuelle des événements sportifs.

Le financement public des fédérations sportives est bien sûr la contrepartie de l’intervention des pouvoirs publics dans le domaine sportif. Les deux grandes sources en sont, d’une part, le financement direct dans le cadre des conventions d’objectifs, passées entre l’État et les fédérations et, d’autre part, la mise à disposition de fonctionnaires, les conseillers techniques sportifs ou cadres d’État.

Les subventions allouées aux fédérations sur le programme budgétaire Sport atteignent environ 95 millions d’euros en 2011, dont un peu moins de 20 millions relevant du Centre national pour le développement du sport (CNDS). La rémunération complète des cadres d’État correspond, elle, à près de 109 millions d’euros. Les deux enveloppes sont donc d’un montant comparable et partagent le budget d’intervention directe du ministère des sports.

Le taux de soutien médian des fédérations par l’État en 2009, en légère diminution par rapport à 2008, s’élevait à 29,06 % pour les fédérations olympiques. Pour les fédérations non olympiques, ce taux est en hausse et s’élève à 14,58 % mais cette évolution s’explique par les changements de catégorie des fédérations de base-ball, de golf et de rugby.

Cette moyenne traduit mal la part extrêmement variable du financement ministériel dans le budget fédéral. Sans atteindre les près de 100 % de la Fédération française de pentathlon moderne, les taux fournis à la mission par les dirigeants fédéraux auditionnés sont ainsi de l’ordre de 50 % pour la Fédération française d’haltérophilie, 42 % pour la Fédération française des sports de glace, 30 % pour la Fédération française d’athlétisme, salaire des cadres d’État compris, 16 % pour la Fédération française de judo mais autour de 3 % pour la Fédération française de golf et moins encore pour la Fédération française de rugby… Pour autant, même quand ce financement est faible relativement au budget fédéral, les présidents de fédération sont attachés au lien qu’il matérialise avec l’État, reconnaissant ainsi leur mission de service public.

La place des licences et de leur montant dans le budget des fédérations est une question qui a souvent été soulevée par les interlocuteurs de la mission.

Introduite par la loi n° 2003-708 du 1er août 2003 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, la base législative de la généralisation de la prise de la licence par chaque adhérent d’un club, si les statuts fédéraux le prévoient, est récente. Elle matérialise la « citoyenneté » du sportif dans sa fédération. Aussi, pour certains présidents, la volonté de donner davantage de responsabilités aux licenciés dans la gouvernance des fédérations peut s’accompagner de débats sur un meilleur financement interne par le biais du prix de la licence, garant de l’autonomie de la fédération, tout en prenant en compte le caractère très sensible de ce point, particulièrement en période de crise et dans un contexte de mise en place de la rémunération des dirigeants fédéraux… La décision d’une augmentation de 10 % du montant de la licence sur une base de départ faible a ainsi pris un an à la Fédération française d’athlétisme.

Ce débat interne aux fédérations, où se révèlent les éventuelles divergences entre les besoins exprimés par les clubs et leur appréciation par l’assemblée générale fédérale, s’appuie sur deux leviers, le montant de la licence donc, mais aussi le nombre de licenciés et trace les deux axes d’intervention des directions fédérales dans ce domaine.

La Fédération française de karaté, dont la marge de manœuvre en termes de montant de licence est réduite, s’est ainsi fixé, selon son président, l’objectif de « rechercher 30 000 nouveaux licenciés en trois ans », lui permettant ainsi de renforcer ses ressources propres.

La Fédération française de judo accorde une place centrale à la licence dans son fonctionnement, en suivant un principe mutualiste. Comme le précisait son président, « on est la "sécurité sociale" : tout le monde paie la licence le même prix et toutes les activités sont gratuites, quel que soit l’âge, on prend en charge y compris les déplacements, notre mission de service public comprend le devoir d’amener au plus haut niveau les athlètes, qu’ils soient d’un grand ou d’un petit club, d’une famille riche ou pauvre ».

M. Jean-Luc Rougé poursuivait en insistant sur le facteur d’indépendance pour la fédération que constitue la licence, dont le nombre matérialise le développement : « Nous avons une démarche business pour gérer et développer le nombre de licenciés. La licence est nécessaire, pour de multiples raisons dont la responsabilité. La "licence loisir" serait une catastrophe. Le nombre de licenciés par club lui donne des points donnant droit à des services en proportion, assurés par la fédération, affiches, site, mailing en direction d’une tranche d’âge qu’il définit. Ce système permet de développer les activités du club, de le rapprocher de son environnement et de le faire connaître. Donc gratuité complète d’un côté, démarche marketing de l’autre. » Il remarquait enfin qu’un financement complètement autonome n’était pas impossible pour une fédération importante comme la sienne, puisqu’il estimait qu’elle était envisageable sur la base d’une augmentation de 15 euros du prix de la licence annuelle, appuyée par un accroissement réalisable de 100 000 licenciés et une modération de certains objectifs de la convention passée avec l’État. « Qui paie moins commande moins » pour reprendre les mots de M. Guy Drut, cité par M. Yvan Mainini, président de la Fédération internationale de basketball....

La gestion du droit d’exploitation des manifestations sportives relève également de la responsabilité des fédérations.

Elle a été abordée par la mission principalement dans le domaine audiovisuel, l’impact des dispositions nouvelles du code du sport sur les paris (issues de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne) en matière de financement des fédérations sportives n’ayant pas fait l’objet d’analyses précises de la part des responsables fédéraux auditionnés.

L’article L. 333-1 du code du sport dispose en effet que les fédérations sportives ainsi que les organisateurs de manifestations sportives sont propriétaires du droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’ils organisent. Les opérations commerciales qui en découlent doivent respecter les dispositions de l’article L. 131-13 qui prévoient un appel préalable à la concurrence et une durée des contrats limitée à quatre ans. On remarquera à cet égard, comme l’ont souligné beaucoup de présidents fédéraux, que cette dernière mesure supposerait, pour être appliquée, que de nombreux opérateurs audiovisuels souhaitent diffuser des manifestations sportives autres que les matchs des deux principaux sports collectifs… Ce n’est évidemment pas du tout le cas.

En effet, une des questions les plus brûlantes du développement du sport aujourd’hui tient précisément à la diffusion de manifestations sportives de toutes les disciplines. À cette fin, le CNOSF vient de décider de se porter candidat auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à la création d’une chaîne de télévision sportive sur la télévision numérique terrestre (TNT) d’accès gratuit.

Afin de renforcer le positionnement des clubs français vis-à-vis de leurs concurrents, l’article L. 331-1 précité permet également aux fédérations sportives de céder, à titre gratuit, aux sociétés sportives tout ou partie des droits d’exploitation audiovisuelle, leur permettant ainsi d’inscrire la valeur de ces droits à l’actif de leur bilan comptable. La ligue professionnelle demeure, en raison de l’intérêt général qui s’attache à une centralisation et une répartition solidaire, chargée de commercialiser ces droits dans des conditions et limites fixées précisées dans les articles R. 333-2 et R. 333-3 du même code.

Il convient de remarquer, à cet égard, que le caractère aléatoire des ressources audiovisuelles doit être pris en compte avec vigilance par les directions fédérales.

M. Didier Gailhaguet, président de la Fédération française des sports de glace, rappelait, lors de son audition, que les montants des droits télévisuels, comparés aux budgets fédéraux, avaient tendance à « rendre fou » et que leur gestion supposait, par conséquent, une approche prudente, alors que les contrats ne durent que quatre ans, au risque, sinon, d’un fonctionnement très chaotique.

Mais le reproche d’amateurisme fait à la gouvernance des fédérations sportives, en particulier en se fondant sur la gestion de leurs financements, est-il vraiment fondé ?

Les échecs récents d’initiatives ou de compétitions sportives sont-ils le fait du sport amateur ou du sport professionnel, des structures associatives ou des structures sociétaires ? La réponse à ces questions apportées par beaucoup des interlocuteurs de la mission est pour le moins nuancée, et souligne qu’il est fréquent qu’un amateur, un bénévole, soit au moins aussi professionnel… qu’un professionnel. À l’inverse, comme le soulignait devant la mission M. Patrick Wolff, président de l’Association nationale des ligues de sport professionnel, il serait pour le moins inquiétant de distinguer un secteur amateur honnête d’un secteur professionnel qui ne le serait pas du fait de son insertion plus grande dans le monde économique.

Ce jugement réservé est à peu près unanime, juristes et représentants des ligues professionnelles compris. Le modèle économique qui prévaut au Royaume-Uni ou aux États-Unis dans ce domaine, calqué sur celui de l’entreprise, n’a pas semblé aux interlocuteurs de la mission, on le verra, pour des raisons culturelles sans doute mais surtout d’efficacité, transposable aux fédérations sportives françaises.

III.- LES FÉDÉRATIONS, L’ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : CONCILIER TUTELLE ET AUTONOMIE ORGANISATIONNELLE

A. L’ÉTAT, UN RÉGULATEUR RÉGALIEN ?

1. Les conventions d’objectifs

Après avoir examiné les modalités et les moyens de la gouvernance des fédérations, il n’est sans doute pas inutile de préciser les relations contractuelles que celles-ci entretiennent plus précisément avec les pouvoirs publics. En effet, les financements publics qui viennent d’être évoqués sont la contrepartie des missions de service public que l’État confie, à travers des conventions, aux fédérations sportives, au moins agréées, comme le précise l’article R. 411-1 du code du sport : « Les fédérations agréées peuvent recevoir un concours financier de l’État dans des conditions fixées par une convention d’objectifs. »

Rappelons ici que, premier niveau de reconnaissance d’une fédération sportive par le ministre chargé des sports, l’agrément, défini à l’article L. 131-8 ainsi qu’aux articles R. 131-3 à R. 131-12 du code du sport, suppose que la fédération a adopté des statuts comportant certaines dispositions obligatoires, un règlement disciplinaire conforme à un règlement type, ainsi qu’un règlement disciplinaire particulier en matière de lutte contre le dopage. Elle doit également justifier d’une existence d’au moins trois ans et être en mesure d’offrir à ses membres les structures administratives et l’encadrement technique que requiert la pratique de la discipline.

Degré supérieur dans le partenariat avec l’État, la délégation est, pour chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, reçue par une seule fédération agréée du ministre chargé des sports. Cette fédération a seule la faculté d’utiliser la dénomination de « fédération française » ou de « fédération nationale ». Les fédérations délégataires organisent les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux, procèdent aux sélections correspondantes et proposent l’inscription sur les listes de sportifs, d’entraîneurs, d’arbitres et de juges de haut niveau, sur la liste des sportifs Espoirs et sur la liste des partenaires d’entraînement (articles L. 131-14 et L. 131-15 du code du sport).

Enfin, il convient de relever que les fédérations scolaires et universitaires bénéficient quant à elles d’un régime de reconnaissance qui résulte de la loi elle-même. L’article L. 131-2 du code du sport dispose en effet que « les fédérations et unions scolaires et universitaires sont soumises aux dispositions du présent code et des livres V et VIII du code de l’éducation ».

Dans le cadre ainsi fixé, la convention d’objectifs pluriannuelle traduit l’engagement du ministère des sports et de ses partenaires associatifs. Elle permet, par voie contractuelle, de surmonter la contradiction entre l’indépendance des fédérations sous statut associatif et la tutelle que l’État exerce sur les fédérations délégataires et, pour reprendre une expression de M. Bertrand Jarrige, directeur des sports, de résoudre ainsi une évidente « tension institutionnelle ».

Les conventions pluriannuelles de l’olympiade 2009-2012 se fondent sur la négociation d’objectifs partagés situés au croisement des priorités ministérielles et du projet de chaque fédération. Un dialogue est mené avec les fédérations pour identifier les indicateurs qui permettront de mesurer au mieux l’efficacité de leur politique sportive et de les accompagner dans la conduite de ces objectifs avec la direction des sports. Chaque année, le respect des engagements est contrôlé et les résultats sont évalués.

Les conventions suivent l’architecture du programme budgétaire Sport, lui-même décliné en quatre actions : la promotion du sport pour le plus grand nombre, le développement du sport de haut niveau, la prévention par le sport et la protection des sportifs et la promotion des métiers du sport.

La plupart des interlocuteurs de la mission se sont montrés satisfaits des engagements pris, de leur définition comme de leur réalisation, même si les engagements financiers de l’État ne sont pas tenus de façon linéaire et si les éléments d’évaluation pourraient être mieux partagés…

Les représentants de l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique (UFOLEP) ont ainsi relevé que, si leur convention d’objectifs comportait 10 objectifs partagés et 95 indicateurs, les moyens financiers accordés dans ce cadre par le ministère baissaient. Pourtant, soulignait M. Philippe Machu, son président, la fédération a été qualifiée de laboratoire par le Gouvernement. Il remarquait cependant que les collectivités territoriales contribuaient assez significativement, du fait d’une concordance d’objectifs, à ses actions.

Cette dimension sociale assez systématiquement introduite dans les conventions d’objectifs n’apparaît pas toujours comme opportune ou adaptée à la situation réelle des fédérations. M. Nicolas Deschaux, président de la Fédération française du sport automobile, présentant à la mission la convention d’objectifs passée avec sa fédération, soulignait qu’il s’attachait à mener les projets prévus, comme celui de donner davantage de place aux femmes ou de faire des « runs » une discipline. Il faisait observer, en revanche, qu’il fallait être réaliste et tenir compte du « terrain » : les clubs de rallyes ou de karting membres de la fédération n’ont pas pour principale préoccupation les grandes orientations sociales comme celle de diffuser le sport dans les banlieues. « Si la priorité d’une fédération est de s’occuper de ses licenciés, c’est aussi l’axe de notre mission de service public : développer le sport, les licenciés et les terrains de jeux. » Le rôle social existe, comme le montre la participation fédérale au Plan sport emploi du ministère des sports, mais il suppose que « l’État continue, lui aussi, de s’investir ».

Plus largement, il a fait remarquer que l’État, ne voulant pas assumer un certain nombre de missions qui ne relèvent ni de la loi ni de la délégation mais sont simplement un affichage politique sur des thématiques qui lui semblent un peu démagogiques, veut les faire porter par les fédérations sans l’aide qui devrait, dès lors, les accompagner. Il a conclu en estimant que « le ministère commet parfois l’erreur de se considérer comme le "chef" des fédérations. Or il ne l’est pas plus que celles-ci ne sont les "chefs" de leurs membres. Le partenariat avec l’État doit être au service des fédérations comme celles-ci le sont de leurs clubs et de leurs licenciés. Il faut éviter des réflexes administratifs dirigistes ». Mais cette réaction caractérise une fédération très largement autonome dans ses rapports financiers avec l’État.

2. Les cadres techniques sportifs

La très grande majorité des dirigeants fédéraux auditionnés a montré un grand attachement à ce que les fédérations puissent continuer de bénéficier de la mise à disposition des cadres techniques sportifs. M. Francis Didier, président de la Fédération française de karaté, en a même introduit le principe dans sa fédération et se félicitait devant la mission du bien-fondé de ce choix.

Cette présence de fonctionnaires ou d’agents publics dans les fédérations sur des missions définies est une caractéristique importante de l’organisation du sport en France. Elle trouve son origine dans la volonté politique de professionnaliser le mouvement sportif à la suite des mauvais résultats des équipes françaises aux Jeux olympiques de Rome en 1960. Les préoccupations actuelles sont, on le voit, récurrentes... Il était apparu alors nécessaire de mieux structurer le mouvement sportif en le faisant bénéficier des compétences des cadres d’État. Cette décision judicieuse, contestée parfois comme une intrusion dirigiste de la puissance publique, s’est traduite par un redressement spectaculaire des performances des fédérations sportives mesurées à l’aune de leurs résultats lors des grandes compétitions internationales et en particulier lors des Jeux olympiques.

M. Philippe Bana, président de l’Association des directeurs techniques nationaux (AsDTN) remarquait d’ailleurs que, s’agissant du rôle de l’État dans le sport, tous les ministres, quelle qu’ait été leur position avant leur prise de fonction, devenaient convaincus de la nécessité d’une impulsion centrale publique.

La présence des cadres techniques est aujourd’hui codifiée dans l’article L. 131-12 du code du sport qui prévoit que « des personnels de l’État ou des agents publics rémunérés par lui peuvent exercer auprès des fédérations agréées des missions de conseillers techniques sportifs, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État ».

Ce décret correspond aux articles R. 131-16 à R. 131-24 du code du sport. Il semble intéressant d’en présenter un résumé dans le cadre de ce rapport, parce que ces dispositions répondent assez précisément à un certain nombre d’objections qui ont été faites à la mission sur le rôle et la place de ces conseillers.

L’article R. 131-16 précise que ces missions sont celles de directeur technique national, d’entraîneur national, de conseiller technique national ou de conseiller technique régional. Elles « portent en priorité sur le développement des activités physiques et sportives, et en particulier sur la pratique sportive au sein des associations sportives ainsi que sur la détection de jeunes talents, le perfectionnement de l’élite et la formation des cadres, bénévoles et professionnels ».

La mission du directeur technique national (DTN) est de concourir à la définition de la politique sportive fédérale, de veiller à sa mise en œuvre et de contribuer à son évaluation. Dans le cadre de l’accomplissement de sa mission, il dirige et anime la direction technique nationale de la fédération. L’entraîneur national encadre les membres des équipes de France et participe à l’animation de la filière d’accès au sport de haut niveau de la fédération. Les rôles des conseillers techniques nationaux et conseillers techniques régionaux sont de mener, l’un au niveau national et l’autre au niveau territorial, des tâches d’observation et d’analyse, de conseil et d’expertise, d’encadrement de sportifs, de formation des cadres, d’organisation et de développement de l’activité sportive de la fédération intéressée.

Le nombre des cadres techniques sportifs était au 1er septembre 2011 de 1 665, travaillant avec 79 fédérations. Ils se répartissent fonctionnellement de la manière suivante : 64 directeurs techniques nationaux, 346 entraîneurs nationaux, 580 conseillers techniques nationaux et 675 conseillers techniques régionaux.

La politique sportive qu’ils encadrent fait l’objet de la contractualisation entre la fédération et l’État dans le cadre de la convention d’objectifs. Les personnels exerçant les missions de conseillers techniques sportifs restent soumis durant toute la durée de l’exercice de leurs missions, selon les cas, à l’autorité du ministre chargé des sports ou des chefs des services déconcentrés, aujourd’hui les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS).

Ces personnels sont désignés par arrêté du ministre chargé des sports après avis du président de la fédération intéressée pour le DTN, du DTN ou à défaut du président pour les autres conseillers techniques (article R. 131-17 du code du sport). La durée de leur mission ne peut excéder quatre ans, renouvelables (article R. 131-18). Cette mission est incompatible avec toute fonction élective au sein des instances territoriales ou nationales de la fédération où elle est exercée, comme avec celle d’agent sportif (article R. 131-24).

Si la nomination du DTN suppose que soit recueilli le simple avis du président, il semble évident que le binôme DTN-président de la fédération ne peut vraiment fonctionner que si cet avis est conforme. On imagine mal en effet qu’il en soit autrement et, dans ce cas, la situation du DTN ne peut être qu’extrêmement précaire.

De même, en matière de durée de la mission, M. Philippe Bana, président de l’AsDTN, précisait que la « durée de vie » d’un DTN était en moyenne de deux ans et trois mois, 25 DTN étant remplacés en moyenne après chaque olympiade et 10 annuellement. La fragilité de la position des cadres techniques nationaux est-elle due, comme il le soulignait de façon imagée, à l’action corrosive de « l’acide chlorhydrique du monde associatif » sur des agents publics ? Cette situation traduit-elle au même titre que l’instabilité de certaines présidences fédérales l’apparition d’une certaine « violence » dans les rapports à l’intérieur des fédérations, entre groupes électoraux opposés, ou en conséquence du stress croissant à la veille des Jeux olympiques ?

Il semble donc que les règles précises du code du sport relatives aux missions des cadres techniques sportifs soulèvent des difficultés d’application qui, selon une expression souvent utilisée lors des auditions de la mission, relèvent plutôt de la bonne volonté des « hommes » qui les appliquent.

Considéré par certains comme « l’œil de Moscou » et parfois tenu à l’écart de la fédération, le DTN est pour d’autres au cœur même du développement de la discipline sportive par la fédération. Les rôles qui lui sont confiés sont donc dans les faits assez variables, allant de celui d’entraîneur national à celui de directeur général de la fédération. Il semble cependant que cette dernière responsabilité tend à se développer, accompagnant une fonction désormais plus politique et d’orientation d’un président de fédération élu sur scrutin de liste ou du moins à la tête d’une direction exécutive plus restreinte.

C’est par exemple le cas pour la Fédération française de golf. M. Pierre Massie, son secrétaire général, précisait lors de son audition que sa fédération comptait 12 cadres d’État, dont le DTN choisi par le président de la fédération et qu’il avait connu deux systèmes très distincts en termes de direction technique nationale. La fédération a d’abord disposé d’un DTN ne s’occupant que du sport et relevant surtout de son ministère d’origine, ce qui, selon lui, rendait difficile le dialogue avec les instances fédérales, le directeur général de la fédération étant mis devant le fait accompli de décisions lui échappant. Il a alors été arrêté d’instituer un directeur exécutif qui est, depuis six ans, également DTN, personnel du ministère dont la rémunération est complétée par la fédération, assisté d’une DTN adjoint. La fédération a ainsi respecté à la lettre les règles de la parité dans ses structures. Le DTN est placé sous l’autorité du président de la fédération, dont il conduit la politique sportive. M. Pierre Massie a estimé que cette règle de travail en duo, constitué d’un élu et d’un permanent, assure la bonne homogénéité du management fédéral.

M. Yvan Mainini, président de la Fédération internationale de basketball, rappelait lui aussi que le DTN a une fonction centrale dans l’organisation de la fédération et qu’il était indispensable que le duo DTN-président fonctionne bien mais que penser que la seule rémunération de l’État suffise à recruter des personnes de qualité n’était pas réaliste, puisque, s’il était entraîneur dans un club, même modeste, il gagnerait nettement plus.

M. Philippe Bana mettait également l’accent sur la différence très nette de salaire entre les secteurs publics et privés, un entraîneur de club pouvant gagner beaucoup plus que l’entraîneur national, rémunéré par l’État et la fédération.

M. Denis Masseglia, président du CNOSF, estimait devant la mission que les faiblesses de la direction technique nationale de la Fédération française de football en 2010 tenaient à ce qu’elle était « de moins en moins au service de sa fédération et de plus en plus du ministère ». Il regrettait par conséquent que semble se généraliser le système que connaissait la Fédération française de golf avant qu’il ne soit réformé et marqué par des DTN qui sont d’abord les représentants du ministère des sports dans les fédérations. Il en tirait la conclusion qu’il serait sans doute préférable, comme il le préconisait dans son programme électoral, que les DTN relèvent directement de la fédération, au choix de son président et non plus d’une simple mise à sa disposition par le ministère. À défaut, selon lui, il conviendrait au minimum que la mise à disposition prévue le soit, comme c’était auparavant le cas, sur proposition du président et non plus seulement après avoir pris son avis.

Il constatait également que certaines fédérations disposant de moyens suffisants nomment un DTN sur contrat de droit privé, mais qu’il est alors le responsable de l’ensemble des cadres techniques non seulement employés sous contrats de droit privé mais aussi paradoxalement agents publics mis à disposition.

La Fédération française du sport automobile a ainsi fait le choix de rémunérer un DTN sous contrat de droit privé, mais qui reste associé aux activités communes à l’ensemble des DTN, son président estimant préférable de recruter des cadres techniques compétents dans ce domaine spécifique et dont l’objectif ne soit pas le recrutement d’autres agents publics.

La situation des cadres techniques au niveau régional, évoquée par les responsables réunis à Rouen pour une table ronde, ne reproduit pas exactement les choix fortement différenciés des instances fédérales. M. Nicolas Marais, président de la Ligue de handball de Normandie, soulignait ainsi l’importance de conserver des cadres techniques sportifs qui travaillent en étroite collaboration avec les directions élues aux projets sportifs de la ligue régionale tout en ne pesant pas sur des ressources financières faibles. M. Lionel Boland, président de la ligue de football de Haute-Normandie, précisait quant à lui que celle-ci complétait la rémunération du cadre technique qui est le « patron » de toute l’équipe technique régionale, alors que l’embauche d’éducateurs lui donne une responsabilité particulière.

Le Gouvernement, en sanctuarisant les emplois de cadres sportifs techniques, qui ne sont pas soumis aux règles du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), confirme s’il en était besoin que leur place centrale depuis cinquante ans dans la structuration des fédérations sportives n’est pas remise en cause. On peut également penser que le riche vivier de compétences qu’ils constituent devrait leur permettre de répondre de plus en plus, comme ils ont commencé à le faire à la demande des présidents, aux besoins nouveaux des fédérations en termes de gestion et d’organisation, au-delà donc de leurs compétences traditionnellement reconnues et définies dans le strict domaine technique sportif.

3. La formation des dirigeants

La professionnalisation souhaitée des dirigeants fédéraux, et plus particulièrement des présidents, passe sans doute également par un meilleur accès à des formations qui leur seraient plus spécialement destinées.

Les juristes des centres de droit du sport des universités de Limoges comme d’Aix-Marseille, auditionnés par la mission, ont, ce qui ne surprendra pas, particulièrement insisté sur l’importance d’une formation dédiée aux responsabilités fédérales.

M. Gaylor Rabu, maître de conférence au Centre de droit du sport de l’Université d’Aix-Marseille, remarquait que se pose naturellement la question de la compétence des bénévoles dans l’exercice de mandats de plus en plus exigeants, ce qui explique, selon lui, que ce soit les salariés d’une fédération qui prennent le pouvoir à la place des élus. Il ajoutait : « Les élus sont contents de leur fonction de représentation mais conscients de n’être pas toujours en pratique en mesure de gérer la fédération. » Faut-il alors introduire des critères de sélection des candidats aux postes de dirigeants sportifs en termes de diplômes ou de compétences ? Si M. Rabu l’estimait envisageable comme un pré-requis naturel, il soulignait que ce n’était pas pour autant une garantie des bonnes pratiques…

M. Jean-Michel Marmayou, co-directeur du Centre de droit du sport de l’Université d’Aix-Marseille, relevait que, plus que de mettre en place de façon scolaire des examens à l’entrée, il serait préférable de donner la possibilité aux bénévoles de se former. Cette formation correspondrait d’ailleurs à la politique de validation des acquis de l’expérience. Il précisait : « L’agrément comme la délégation des fédérations s’accompagnent d’argent public, on ne peut pas le laisser à des gens non formés, même les élus se forment… La gestion au quotidien demande une formation et de l’aide à la prise de décision. » À défaut, « l’État pourrait sans doute exiger la présence, non en terme d’élus, mais de salariés de structures formées et contrôlées de manière plus ou moins systématique ».

La même exigence de formation pourrait être satisfaite pour les emplois techniques des fédérations, jusqu’au plus haut niveau. M. Jean-Pierre Karaquillo, directeur du Centre de droit et d’économie du sport de l’Université de Limoges, rappelait à la mission que la professionnalisation des emplois de conseillers des fédérations comme du CNOSF était récente, et remontait au début des années 1980, quand le sport français a connu la révolution des « quatre mousquetaires », référence à Philippe Chatrier pour le tennis, Claude Cartier pour le golf, Fernand Sastre pour le football et Nelson Paillou pour le handball. Il constatait que l’absence de recrutements de spécialistes formés à la gestion du sport dans toutes ses composantes, économiques et juridiques, était d’abord culturelle. Il ajoutait : « Ce n’est pas un manque d’argent mais des phénomènes de pouvoir. Je ne crois pas que les petites fédérations ne peuvent pas embaucher quelqu’un. C’est un choix. » La même situation prévaut selon lui dans les clubs : « On a mis en place une formation de manager général, pour permettre à ceux qui n’ont pas fait d’études d’accéder aux connaissances leur permettant d’assumer ces responsabilités. Les présidents préfèrent prendre un joueur en plus, c’est une erreur, pour construire il faut des fondations solides. L’organisation interne est essentielle, sinon ça ne marche pas. Même les petites fédérations peuvent salarier du personnel compétent. Les bénévoles sont là pour fixer l’orientation de la fédération pas sa mise en œuvre. »

M. Yvan Mainini, président de la Fédération internationale de basketball, soulignait devant la mission que la formation des dirigeants des différentes instances fédérales restait une question délicate à aborder. « Ce n’est pas parce qu’on est chef d’entreprise, quelle qu’en soit la taille, qu’on peut dire, quand on devient président d’un club professionnel, "je sais". Le sport est un domaine très particulier. » Il constatait qu’un joueur accompagné de son agent ne sont pas des travailleurs comme les autres. Il estimait dès lors plus sage que les élus, s’ils n’ont pas les compétences adéquates et n’ont pas été formés, s’entourent de personnes disposant entre autres de connaissances juridiques du sport.

Il serait donc sans doute pertinent de réorienter quelques uns des moyens que l’État destine au sport en faveur de la formation des dirigeants des fédérations. M. Mainini faisait remarquer par ailleurs que le cadre commun dans lequel s’acquièrent ces connaissances permet de partager une expérience et une culture essentielles pour construire les références et définir les objectifs de la gouvernance de la fédération. Ainsi, la capacité des différentes fédérations d’arts martiaux à travailler ensemble dans un cadre confédéral était présentée par M. Francis Didier, président de la Fédération française de karaté, comme très facilitée par le cursus commun suivi avec M. Jean-Luc Rougé, président de la Fédération française de judo, dans ce qui était alors l’Institut national du sport et de l’éducation physique (INSEP).

B. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, PREMIERS PARTENAIRES PUBLICS DU SPORT

L’intervention des collectivités territoriales dans le domaine sportif, ancienne, est devenue décisive pour les constructions d’équipement, l’aide directe ou indirecte au sport amateur mais aussi professionnel et également en matière d’animation sportive.

Leur action, contrairement à celle de l’État, se situe moins au niveau des fédérations elles-mêmes qu’à celui du cadre concret dans lequel elles développent leur discipline, mais elle y est essentielle.

Les auditions de la mission n’ont donc pas directement évoqué la place des collectivités dans la gouvernance des fédérations sinon pour remarquer que des parallélismes réels existaient, et étaient régulièrement soulevés, entre la situation des élus municipaux, en particulier des maires, et celle des dirigeants et présidents des fédérations sportives. Qu’il s’agisse de la taille extrêmement variable des communes comme des fédérations impliquant des gestions elles-mêmes très diverses, de la question de la rémunération des dirigeants élus ou de leurs responsabilités dans un cadre de tension permanente entre autonomie et tutelle, beaucoup d’expériences partagées ont permis aux membres de la mission, pour la plupart investis de mandats municipaux, des échanges renforcés par une compréhension mutuelle des problématiques étudiées pendant les auditions.

La mission a également constaté la connaissance très imparfaite, par les principaux intéressés, des niveaux de responsabilité concernés tant fédéraux que territoriaux par les interventions respectives de l’État et des différentes collectivités territoriales.

Or, la question de la répartition des compétences en matière de sport a fait l’objet d’une attention particulière au sein de l’Assemblée du sport. Dans ses conclusions rendues en juin 2011, celle-ci suggérait d’instaurer un dialogue permanent afin d’identifier les priorités partagées et rechercher une meilleure complémentarité et cohérence.

Il convient de rappeler en effet que le sport est une compétence partagée entre commune, département et région, sans limitation de cumul, en matière de subventions de fonctionnement. La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui a introduit un principe de compétence exclusive pour chaque catégorie de collectivités, a maintenu cette compétence partagée en matière de tourisme, de culture et de sport, répondant entre autres aux préoccupations du mouvement sportif sur ce point.

Cependant, concernant les subventions d’investissement, l’article L. 1611-8 du code général des collectivités territoriales prévoit qu’à compter du 1er janvier 2015, à défaut d’adoption dans la région concernée d’un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services, aucun projet, en matière de sport, ne pourra bénéficier d’un cumul de subventions d’investissement, sauf pour les communes dont la population est inférieure à 3 500 habitants ou pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population est inférieure à 50 000 habitants.

Rappelons, pour mémoire, et de façon plus détaillée, que la place des collectivités territoriales dans les financements publics du sport atteignait 10,8 milliards d’euros en 2009. La contribution la plus élevée est celle du secteur communal (communes, groupements de communes, syndicats de communes), qui représente à elle seule 9,4 milliards d’euros (57 % en fonctionnement et 43 % en investissement, d’après les dernières données ministérielles disponibles). Les dépenses communales sont concentrées sur le soutien à la construction et au fonctionnement d’équipements sportifs, scolaires notamment, mais aussi aux associations sportives pour la réalisation de leurs projets ou à diverses manifestations sportives.

Les aides des départements et des régions portent davantage sur le sport de haut niveau. Ils participent aussi au financement d’équipements sportifs et au soutien d’associations sportives. La dépense des départements est estimée à 815 millions d’euros (59 % en fonctionnement et 41 % en investissement) et celle des régions à 550 millions d’euros (54 % en fonctionnement et 46 % en investissement).

Mais l’articulation de l’intervention des collectivités territoriales avec celle de l’État n’a pas fait l’objet d’une organisation législative ou réglementaire précise et dépend donc fortement des circonstances locales. On peut cependant penser que la Conférence nationale du sport, créée le 13 janvier 2012 en prolongement de l’Assemblée du sport, dans une approche plus restrictive que celle proposée alors, installée par le ministre des sports le 16 janvier et chargée d’organiser la concertation entre l’État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et le monde économique et ainsi de favoriser la cohérence de leurs actions respectives dans le développement et la promotion du sport, devrait constituer le cadre d’une articulation précisée et donc mieux comprise par les différents acteurs. Cette cohérence des interventions publiques devrait être renforcée par les relations instituées avec les autres instances de concertation dans leur champ de compétences, notamment au niveau régional, constituées sous forme de conférences régionales du sport.

Il devrait ainsi être possible de mieux répondre à l’inadaptation des structures fédérales aux relations avec les partenaires locaux, et aux difficultés éprouvées par les directions fédérales, relevées notamment par M. Francis Didier, président de la Fédération française de karaté, pour entrer en contact de façon pertinente avec les acteurs territoriaux des activités sportives, au-delà du seul Centre national pour le développement du sport (CNDS).

De leur côté, les partenaires sportifs à l’échelon local seraient également mieux informés, comme le souhaitait M. Jean-Loup Gervaise, vice-président du club omnisports ASPTT Rouen.

C. LES DISPOSITIFS DE CONTRÔLE

Contrepartie de l’engagement de l’État et des collectivités territoriales en faveur du sport, la régulation de ce secteur par le juge financier a pris une importance croissante.

La Cour des comptes, dans son rapport public de février 2009, intitulé L’État et les fédérations sportives face aux mutations du sport, rappelait qu’elle était partie effectivement du constat de la forte implication de l’État dans l’organisation et le financement du sport et de l’imbrication des responsabilités des services du ministère chargé des sports avec celles des fédérations sportives pour entreprendre une série de contrôles sur cinq grandes fédérations sportives dotées, il convient de le noter, d’un secteur professionnel. Cette étude de la gouvernance du « modèle » sportif français est restée très actuelle et s’articule avec une interrogation sur le rôle et la place de l’État tant dans son financement que dans son organisation, recoupant également les préoccupations de la mission.

La Cour constatait dans sa conclusion que six ans après les États généraux du sport, le modèle français d’organisation du sport, dont les principes avaient été réaffirmés avec force, était désormais soumis à de fortes tensions. Elle précisait que ses contrôles avaient mis en évidence l’anticipation par le mouvement sportif d’un éventuel désengagement de l’État, qui s’était effectivement traduit en 2008 par une diminution de 10 à 30 % du montant de la subvention publique accordée aux fédérations les plus importantes.

Les auditions de la mission ont confirmé que cette évolution se poursuivait, poussant certains à s’interroger sur la pertinence du maintien d’un ministère des sports sous sa forme actuelle, tout en réaffirmant leur attachement à une intervention de l’État, contrepartie indispensable des missions confiées aux fédérations.

La Cour poursuivait en constatant que cette évolution s’inscrivait dans un environnement économique marqué par les mutations du sport professionnel, qui conduisait ces fédérations à privilégier une stratégie de croissance fondée sur le développement de leurs ressources commerciales. Simultanément, elle soulignait que les fédérations dépourvues d’un secteur professionnel puissant ne disposaient d’aucun relais de croissance et subissaient par conséquent un effet de paupérisation, ces tendances divergentes pouvant menacer à terme les principes actuels d’organisation du sport en France.

Elle estimait également qu’au sein d’un même sport, le principe de solidarité entre sport professionnel et sport amateur ne jouait efficacement, dans des proportions toutefois modestes, qu’au sein du football. Dans ce nouveau contexte, la capacité d’intervention de l’État était donc réduite, dès lors que ses moyens de régulation et de pilotage liés aux financements accordés devenaient limités, de même que sa capacité à user de façon autonome de son pouvoir normatif, le cadre juridique de référence étant désormais devenu européen, voire mondial, comme nous le verrons dans la dernière partie de ce rapport.

Aussi, compte tenu de la dimension sociétale et sociale du sport rappelée dans l’article 1er du code du sport, la Cour recommandait de « fixer plus précisément le rôle futur de l’État vis-à-vis des fédérations sportives, et en particulier de celles qui ont un secteur professionnel développé et des recettes commerciales largement majoritaires. À cet égard, par-delà les réflexions en cours sur la présence d’un plus grand nombre de disciplines sportives sur les chaînes de télévision, trois orientations doivent − de façon non exclusive − être définies en concertation avec le mouvement sportif :

« – une répartition plus différenciée des moyens de l’État (subventions et conseillers techniques sportifs) entre les fédérations ;

« – le renforcement de la mutualisation, au sein de chaque discipline, entre le secteur professionnel et le secteur amateur ;

« – la mise en place d’une plus grande solidarité entre les sports par le biais d’un mécanisme prenant en compte l’ensemble des droits commerciaux obtenus dans le cadre de la délégation accordée aux fédérations sportives. »

Le contrôle par les chambres régionales des comptes des politiques sportives des collectivités territoriales offre un aperçu du caractère extrêmement diversifié de l’intervention de ces dernières. La responsabilité des collectivités territoriales dans la maintenance des équipements sportifs, leur entretien, leur mise aux normes de sécurité de leur fonctionnement a été plusieurs fois évoquée. Cette question complexe a conduit les représentants fédéraux à souligner que l’édiction de normes dans ces domaines leur échappait pour l’essentiel, en particulier parce que leurs disciplines respectives avaient à se conformer aux décisions prises au niveau international par les fédérations internationales auxquelles elles se rattachaient.

Ces contrôles devraient permettre aux fédérations de mieux s’emparer de l’évolution de leurs structures de gouvernance, M. Yvan Mainini soulignant à la mission que « la tutelle de l’État n’est pas toujours appliquée avec beaucoup de doigté et les fédérations n’ont pas toujours les mêmes moyens ou les mêmes difficultés. Selon les fédérations, certaines personnes ont déjà les compétences pour changer le système, tandis que d’autres ont besoin d’aide pour avancer. J’ai tendance à dire, en vieux combattant du service public, que l’État doit aider les fédérations à mettre en œuvre un programme et des objectifs, plutôt que de les contrôler, comme par la convention d’objectifs. Les contrôles ne me gênent pas, ils sont très sains dans une démocratie car ils permettent de vérifier qu’on ne fait pas n’importe quoi, mais pour que le sport grandisse, il faut que toutes les fédérations grandissent, pas seulement quelques-unes ».

IV.- LES FÉDÉRATIONS FRANÇAISES ET LE MONDE : CONCILIER MODÈLE FRANÇAIS ET EXIGENCES DE LA COMPÉTITION INTERNATIONALE

A. UNE ORGANISATION DES FÉDÉRATIONS FRANÇAISES QUI N’EST PAS SI ISOLÉE

L’élément le plus évidemment caractéristique du particularisme français dans le domaine des fédérations sportives réside dans leur nombre, ce qui d’ailleurs est vrai aussi de nos communes… Il est en effet très supérieur à celui de nos partenaires européens de dimension et d’organisation du sport comparables et la même situation prévaut pour les clubs : 117 fédérations en France en 2011 contre 60 en Allemagne, 175 000 clubs contre 90 000.

Traduction de la grande souplesse d’organisation que permet la forme associative, cette situation se traduit régulièrement par des scissions, moins fréquemment par des fusions, malgré les quelques tentatives, en général ministérielles, menées dans ce sens. Les regroupements fortement suggérés aboutissent en général à un échec, comme ce fut le cas par exemple entre le Club alpin français et la Fédération française de la montagne et de l’escalade. Ces difficultés ne sont pas sans rappeler celles rencontrées dans la mise en place des intercommunalités.

En revanche, des formes de confédérations rendues possibles, par exemple, comme il a été remarqué plus haut, par les cursus communs des présidents, mais aussi par des préoccupations communes, sont les bienvenues. Elles se posent en interlocutrices naturelles de l’État. M. Bernard Jarrige, directeur des sports, se félicitait ainsi que la confédération des sports de combat de contact, créée initialement par les fédérations pour des raisons de défense de la santé des pratiquants, en évitant les KO successifs dans les différentes disciplines pratiquées, ait rendu possible une réponse commune de l’ensemble des fédérations concernées face au développement récent du combat libre (le « free fight ») avec des conséquences lourdes en termes de sécurité et de santé et qui s’accompagne de tentatives d’entrisme dans telle ou telle fédération. Il convient également de souligner que, précisément parce qu’elle doit sa naissance aux fédérations elles-mêmes, cette confédération semble plus opérante que la commission consultative officielle des arts martiaux et des sports de combat créée par arrêté du 14 mai 2009 (articles A. 142-1 à A. 142-4 du code du sport).

L’intervention publique forte qui semble caractériser le système français comme la survivance de pratiques d’un autre âge et qui ferait de notre pays avec Cuba ou la Chine l’un des derniers tenants d’un sport d’État ne semble pas non plus être autre chose qu’une idée reçue. Si les financements ou les mises à disposition de fonctionnaires d’État n’existent pas sous cette forme, la place du sport dans la plupart des systèmes d’éducation nationale des pays européens, comme les interventions multiples, en termes de moyens tant matériels qu’humains, des différentes structures territoriales n’en sont pas moins importantes. Il convient d’ailleurs de remarquer que, lorsque le Gouvernement présente l’évolution de la dépense de l’État en faveur du sport, les statistiques comprennent les dépenses du ministère de l’éducation nationale dont la rémunération des enseignants d’éducation physique et sportive, à hauteur de 80 % du total.

Si l’exercice des comparaisons internationales reste délicat, il l’est donc particulièrement dans un domaine aux frontières aussi floues que le sport. En effet, la mesure de la dépense sportive nationale diffère si fortement d’un pays à l’autre qu’aucune comparaison en montants dépensés globaux n’est réellement possible ni disponible par conséquent.

Traduisant cette grande diversité sur le plan de la gouvernance fédérale, M. Bernard Amsalem, président de la Fédération française d’athlétisme, présentait ainsi à la mission l’organisation de sa discipline dans trois pays voisins : « On a regardé les exemples étrangers, car on a des liens privilégiés avec certains pays comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne ou l’Espagne. En Grande-Bretagne, les fédérations sont structurées et gérées comme des entreprises dont le président est le PDG et il a avec lui une équipe de professionnels. C’est le système anglo-saxon. En Espagne, le président de la fédération est en même temps DTN : il fait et assume la sélection. La fédération a un statut associatif comme nous, avec cette différence, qui vaut aussi pour l’Allemagne, que les régions, pour des raisons liées à leur place dans ces pays, ont un pouvoir important, il existe là des mini-fédérations régionales pilotant un réseau régional. La fédération coordonne l’ensemble, mais le travail de fond est fait en région sous l’autorité des conseils régionaux. L’État met donc à disposition des personnels au niveau national et les régions au niveau régional. »

Toutefois, une étude réalisée dans le cadre des travaux conduits sous la présidence française du conseil de l’Union européenne permet de disposer des résultats d’une enquête récente (été 2008) réalisée auprès des 27 ministères chargés des sports dans les pays de l’Union européenne. Portant sur le financement du sport en Europe, cette étude montre que, sur ce plan, la France présente un profil proche de la moyenne européenne, qui couvre cependant de fortes disparités entre les différents États membres.

Dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, la principale source de financement du sport est constituée par les dépenses des ménages, qui représentent en moyenne 49,7 % du total des dépenses (49,5 % en France mais 80 % au Royaume-Uni). Les collectivités locales sont la deuxième source de financement, avec une moyenne européenne de 24,3 % des montants (31 % en France). L’État assure en moyenne 11,9 % des financements (9,5 % en France, mais moins de 1 % en Allemagne, où elle relève des Länder, et au Royaume-Uni). Enfin, la part des entreprises est estimée à 14,1 % du financement mais environ 10 % pour la France.

Si les modes de financement diffèrent nettement, les structures de gouvernances ne sont pas toujours aussi éloignées qu’il serait dès lors possible de le supposer. La première raison tient à la structure associative qui est dictée par les fédérations sportives internationales auxquelles se rattachent les fédérations nationales.

La place de la France dans l’organisation du sport au niveau mondial depuis Pierre de Coubertin à la fin du XIXe siècle explique que les cadres internationaux mis en place s’inspirent de modèles qui nous sont familiers. Les fédérations ou groupements sportifs français ont en effet, en particulier après la première guerre mondiale et dans l’esprit de la Société des Nations, assez souvent constitué le noyau autour duquel se sont agrégées les autres organisations nationales pour constituer les fédérations internationales actuelles, comme il est encore possible de le remarquer dans leurs noms ou leurs sigles.

Les juristes du Centre de droit du sport de l’Université d’Aix-Marseille soulignaient cependant que, si les modèles n’étaient pas uniformes, certaines fédérations sportives internationales, usant de la liberté contractuelle, imposent des règles en matière de gouvernance pouvant aller jusqu’à dicter la structure des fédérations nationales.

Ainsi, la Fédération internationale de football association (FIFA) impose aux fédérations qui en sont membres de diriger leurs affaires en tout indépendance − ce qui interdit notamment que l’État financeur puisse intervenir dans la gouvernance de la fédération nationale en étant représenté dans les organes de direction, comme cela peut se faire ailleurs −, d’avoir des organes élus ou nommés en interne et de n’accepter que des membres qui obéissent à des statuts approuvés.

En effet si, sur le strict plan juridique, les règlements des fédérations internationales n’ont pas d’effet direct en droit interne et ne s’imposent pas aux règlements des fédérations françaises, ils s’imposent en fait, sinon en droit, à l’auteur du règlement fédéral interne sous peine d’un risque de marginalisation complète sur le plan mondial de sa fédération nationale et de ses activités sportives. Une fédération peut donc s’engager dans ses statuts à respecter, notamment dans le domaine strictement sportif, les dispositions des règlements internationaux compatibles avec les exigences du droit français.

Quant aux structures de gouvernance, les mêmes interlocuteurs faisaient remarquer que la mise en place d’organes de direction de type sociétaire tendait à en rapprocher l’organisation. Ils soulignaient ainsi que les fédérations anglo-saxonnes, dont les financements surtout privés suivent un modèle très différent du nôtre, ont adopté, pour optimiser leur gouvernance, des mesures qui sont aussi préconisées en France : la réduction de la taille du conseil d’administration (comité directeur), la présence de personnalités extérieures et indépendantes dans un objectif d’ouverture, ou de personnalités spécialisées pour accompagner la professionnalisation, l’interdiction de cumul des mandats et la limitation de leur durée, la formation obligatoire des élus, la création de comité d’experts chargés d’éclairer le conseil d’administration.

M. Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel, auditionné dans le cadre du groupe de travail ayant précédé la mission, concluait assez prudemment : « Le "benchmarking" international est toujours utile, notamment l’Allemagne, l’Angleterre est aussi un exemple intéressant mais là, il y a une séparation totale entre le monde fédéral et la ligue commerciale. Je crois qu’il faut tenir compte des traditions culturelles françaises, on est attaché au modèle associatif. Je ne pense pas que dans un avenir proche on va remettre en cause le modèle associatif. On sera toujours dans un cadre association loi de 1901 pour les fédérations. C’est dans ce cadre là, qui est assez contraignant, qu’il faut travailler. Il est contraignant mais on a des marges de manœuvre puisqu’on a réussi, sans changer ni la loi ni les décrets, à faire des propositions aux États généraux du football qui sont assez révolutionnaires. »

M. David Douillet affirmait quant à lui : « Il n’y a pas de modèle à calquer, italien ou autres, il y a un modèle anglais, perfectible mais qui est aussi intéressant. Cela dit quand on voit toutes les disciplines pratiquées en France, les médailles et le nombre de licenciés, le nombre d’associations sportives, la place et l’action des bénévoles, on n’a pas de raison de remettre en cause le modèle français. Nombre de pays, quand j’écoute ce que l’on me dit depuis des années à droite et à gauche, aimeraient être à notre niveau… »

B. UN NOUVEAU CADRE EUROPÉEN EN COURS DE DÉFINITION ?

L’arrêt Bosman, rendu par la Cour de justice des Communautés européennes en 1995, marquait la soudaine irruption de l’Europe dans le domaine sportif. Les fédérations sportives ont en effet dû s’adapter au droit communautaire, essentiellement en matière de libre circulation des travailleurs, objet de l’arrêt, mais aussi de droit de la concurrence, qui sont des domaines sensibles pour des structures de type associatif reposant, pour la plupart d’entre elles, sur le bénévolat.

La Cour de justice avait ainsi posé un principe essentiel en matière d’exercice d’activités sportives, en considérant « que, compte tenu des objectifs de la Communauté, l’exercice des sports relève du droit communautaire dans la mesure où il constitue une activité économique au sens de l’article 2 du traité. Tel est le cas de l’activité des joueurs professionnels ou semi-professionnels de football, dès lors qu’ils exercent une activité salariée ou effectuent des prestations rémunérées ».

Aussi les règles du droit communautaire s’imposaient dorénavant directement aux organes fédéraux édictant des règlements autonomes, sans que ces organes puissent, pour les éluder, s’abriter derrière les dispositions législatives internes ou derrière celles édictées par des fédérations internationales.

Rappelons que, par cet arrêt, la Cour jugeait, entre autres, contraires aux principes fondamentaux du droit communautaire les règlements de l’Union européenne des associations de football (UEFA pour l’anglais Union of European Football Associations) qui instauraient jusque-là des quotas liés à la nationalité des joueurs.

Mais si la question paraît juridiquement tranchée, elle l’est moins politiquement…

Le Parlement européen, dans une résolution du 29 mars 2007 sur l’avenir du football professionnel en Europe, demandait en effet « à la Commission de respecter dûment la spécificité du sport en n’adoptant pas une approche au cas par cas et de garantir une plus grande sécurité juridique en élaborant des lignes directrices claires sur l’applicabilité du droit communautaire dans le secteur du sport en Europe et en soutenant des études et des séminaires sur l’application concrète de l’acquis communautaire dans le domaine du sport ». Il invitait aussi « la Commission à assurer la clarté, la cohérence et la visibilité publique des règles de l’Union, de telle sorte que les services sportifs d’intérêt général puissent atteindre leurs objectifs et contribuer à une meilleure qualité de vie pour les citoyens européens ». Il lui demandait « de contrôler et de réexaminer régulièrement la mise en œuvre du droit de l’Union, conformément au traité CE, afin de tenir compte des nouvelles réalités et de déceler et résoudre les problèmes en instance ou nouveaux ».

Quelques mois après, en juillet 2007, la Commission européenne présentait son Livre blanc sur le sport comme la première initiative d’envergure en la matière à l’échelon européen, donnant des orientations stratégiques sur le rôle du sport au sein de l’Union européenne, notamment au niveau social et économique. Plus concrètement, à travers ce livre blanc, la Commission entendait faire en sorte que la dimension du sport soit pleinement prise en compte dans toutes les politiques européennes, accroître la clarté juridique en ce qui concerne l’application de l’acquis communautaire en matière de sport et ainsi contribuer à l’amélioration de la gouvernance du sport en Europe.

Le livre blanc portait sur trois thèmes : le « rôle sociétal du sport », le sport en tant que phénomène social ; la « dimension économique du sport », la contribution du sport à la croissance et à la création d’emplois en Europe ; l’« organisation du sport », le rôle de chacun des acteurs (publics ou privés, économiques ou sportifs) dans la gouvernance du mouvement sportif.

Dès lors qu’elle ouvrait la réflexion sur le rôle sociétal et sur l’organisation du sport, la Commission rendait possible un réel infléchissement des débats européens.

Et la voie d’une exception sportive était ouverte… M. Jean-Michel Marmayou, co-directeur du Centre de droit du sport de l’Université d’Aix-Marseille, précisait pourtant, à cet égard, que c’était « une idée à laquelle il fallait tordre définitivement le cou à l’échelle européenne. Même si on la proclamait dans un traité, elle sera sujette à interprétation. De même qu’il n’existe pas d’exception culturelle au niveau européen, elle relève du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) et de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Ce qui de plus n’empêchera pas la Cour de l’Union de vérifier l’application des quatre libertés ».

Il ajoutait à propos du « fair-play » financier porté au nom de l’UEFA par son président, M. Michel Platini : « La difficulté, c’est que si on autorise le contrôle du "fair-play" financier tel que le conçoit l’UEFA, dans l’objectif de garantir la sincérité de la compétition, c’est-à-dire que les équipes engagées arrivent jusqu’au bout et soient d’un niveau équivalent afin que les enjeux soient réels, en somme de garantir une égalité de chance, on est confronté aux grands principes du droit européen, qui structurent toute l’Union européenne, dont la liberté du commerce et de l’industrie qui implique la libre décision du chef d’entreprise qui ne peut être remise en cause ni par le juge, ni par l’État, en dehors des règles générales de respect de l’ordre public. Ses choix d’investissement, en fonds propres ou par l’emprunt s’il convainc un organisme prêteur, lui appartiennent. De plus, permettre à une association de droit suisse (hors Union, donc…) et privé, l’UEFA, de réserver un des grands principes du droit européen va susciter des émules… inadmissibles pour l’Union. On peut imaginer un accord politique de la Commission, du Parlement mais juridiquement la Cour de justice de l’Union ne l’admettra pas, sauf à modifier le traité. »

M. Fabrice Rizzo complétait cette analyse en faisant remarquer que « le problème de l’UEFA, c’est qu’elle négocie avec la Commission » − qui est un organe politico-administratif et peut donc accepter qu’il soit porté atteinte à de grands principes du droit communautaire parce qu’un motif d’intérêt général le justifie, ici la sincérité et l’intégrité des compétitions, en considérant que la mesure est proportionnée à cette fin, à ce but légitime − « mais qu’elle risque d’être sanctionnée en cas de recours. L’arrêt Bosman traduit justement cette divergence d’approche ».

M. David Lappartient, président de la Fédération française de cyclisme, a, quant à lui, évoqué lors de son audition la question de la compatibilité de la directive européenne « services » avec le périmètre des délégations reçues par les fédérations pour exercer des missions de service public. Dans le cadre de cette directive telle qu’elle est interprétée par le ministère des sports pour modifier le décret n° 55-1366 du 18 octobre 1955 portant réglementation générale des épreuves et compétitions sportives sur la voie publique, la délégation, qui se traduisait entre autres par une maîtrise du calendrier des épreuves par les fédérations, serait sur ce point remise en cause. Un arbitrage semble cependant avoir donné satisfaction aux principales parties concernées, à savoir les fédérations françaises de cyclisme et d’athlétisme.

Il précisait qu’à cette étape, le groupe de travail sur la gouvernance des fédérations qu’il présidait estimait que la question dépassait le thème fixé et relevait davantage de la relation des fédérations sportives et de l’État, à travers le CNOSF.

La discussion ouverte par le Livre blanc sur le sport de la Commission européenne est donc loin d’être close, très au-delà, comme cela nous a été rappelé, des perspectives qu’il ouvrait…

C. UNE PERTE D’INFLUENCE RELATIVE DANS L’ORGANISATION DE COMPÉTITIONS

1. Des stratégies d’influence à mieux coordonner

La véritable mondialisation du sport, particulièrement frappante lors de l’organisation des derniers Jeux olympiques d’été à Pékin, a bien sûr accentué la tendance déclinante de la place et l’influence de la France et des Français dans les structures sportives internationales, que ce soit les fédérations ou le Comité international olympique (CIO).

Cet affaiblissement est bien sûr la traduction des évolutions démographiques à l’échelle de la planète. M. Dominique Fache, président du club de tennis de table de Rouen, rappelait ainsi avec humour que, dans sa discipline, la concurrence était chinoise, ce qui donnait une idée des enjeux de sa professionnalisation. Mais il tient aussi à de multiples facteurs qu’il serait possible de modifier.

M. David Lappartient, président de la Fédération française de cyclisme, constatait que la visibilité du sport français à l’étranger reculait, même si certaines personnalités françaises ont été élues à la tête de fédérations internationales, comme M. Yvan Mainini à la tête de la Fédération internationale de basketball, M. Michel Platini de l’UEFA ou de M. Jean Todd de la Fédération internationale de l’automobile.

Il relevait également que la pratique du français s’affaiblissait dans les fédérations internationales, même celle de cyclisme. L’Union cycliste internationale (UCI) était très francophone, le basculement en faveur de l’anglais s’y est pourtant fait très rapidement. Il ajoutait : « Au sein du comité directeur de l’UCI, dont je suis membre avec quatorze autres personnes, les Anglo-Saxons sont très unis, avec un mode de pensée différent du nôtre. »

La nécessité de parler anglais lorsque l’on est un dirigeant fédéral a été citée, par beaucoup d’interlocuteurs, juristes ou présidents de fédérations, comme une condition nécessaire pour développer aujourd’hui notre place sur le plan international. Les multiples échanges indispensables aux différentes étapes des candidatures tant aux postes fédéraux internationaux qu’à l’organisation de compétitions rendent primordiale la maîtrise de la langue des échanges mondiaux. M. Serge Lecomte, président de la Fédération française d’équitation, résumait ainsi cette carence : « Notre vrai handicap est que nous ne sommes pas assez anglophones − je suis moi-même dans ce cas − pour intégrer des équipes internationales comme arbitres ou administrateurs… Nos compétences sont reconnues, pour organiser des compétitions, comme cavaliers, corps arbitral, mais la langue rend les choses difficiles. »

Outre l’apprentissage de l’usage de l’anglais, les fédérations sportives devraient être à même d’assurer à leurs élus une meilleure formation dans le domaine international et le financement de leur campagne pour intégrer les instances dirigeantes des fédérations internationales.

Ainsi, s’il est important de défendre des positions déontologiques fortes sur le plan international, cette préoccupation légitime devrait sans doute comporter un aspect didactique plus affirmé s’appuyant sur des connaissances adaptées, mais comme le rappelait M. Yvan Mainini à la mission : « La France a toujours eu des démarches originales, elle doit continuer. »

M. David Lappartient regrettait également que la France ne soutienne pas assez les présidents de ses fédérations. Le réseau diplomatique français, l’un des plus denses au monde, ne lui semblait jamais mobilisé lors d’élections internationales. Il ajoutait qu’il manquait, selon lui, « une structure qui mobiliserait les ambassades, à côté du Quai d’Orsay, du ministère des sports et du CNOSF. Les Anglo-Saxons savent mieux mobiliser les États amis que nous. Nous ne mobilisons pas suffisamment nos atouts. L’ancien président de l’UCI, qui était membre du CIO et président de la commission d’évaluation des Jeux de Pékin, me disait récemment ceci : " Si vous continuez ainsi, la France devra attendre cent ans de plus avant d’organiser les JO. Le monde a changé, même si tout n’a pas changé en bien, pourtant votre vision reste angélique… ».

Mme Chantal Jouanno, alors ministre des sports, parvenait à une constatation parallèle dans un entretien accordé à la revue Jurisport (n° 108, avril 2011), en soulignant la nécessité de mettre en place un système de pilotage des stratégies d’influence de la France dans le monde et d’accueil des grands événements sportifs comme de mobiliser des compétences pour conduire cette stratégie. M. Didier Gailhaguet, président de la Fédération française des sports de glace, précisait à cet égard à la mission que « ce sont les politiques, pas les sportifs qui font les candidatures, des politiques qui doivent dès lors s’entourer de manière intelligente et efficace ».

La préparation des candidatures françaises aux instances dirigeantes des fédérations internationales présente sous un autre aspect la question de la durée du mandat à la tête de la fédération nationale de la discipline concernée. M. Yvan Mainini qui a présidé la Fédération française de basketball pendant dix-huit ans rappelait avec beaucoup de modestie, lors de son audition, que membre du bureau central de la fédération internationale depuis 1994, il n’était pas un bon exemple : « Avec le trésorier, qui est allemand, nous sommes les plus anciens des 20 membres du bureau central. J’y connais tout le monde depuis longtemps… Mais la gentillesse des autres membres envers moi ne suffit pas à obtenir l’organisation de championnats, il faut d’autres atouts... Même si nous avons organisé en 1999 les championnats d’Europe masculins et en 2001 les championnats d’Europe féminins, les enjeux ont changé aujourd’hui. Sur les dix dernières années, l’aspect financier des organisations internationales a franchi un palier et nous ne sommes peut-être pas toujours bien armés économiquement. »

Si la place de la France dans le mouvement sportif international se mesure en effet par sa capacité à organiser des compétitions, elle doit sans doute être mieux appréciée. Malgré les récents échecs des candidatures françaises aux Jeux olympiques, la France reste un pays d’accueil apprécié des grands rendez-vous internationaux, au-delà des épreuves célèbres dans le monde entier comme le Tour de France ou les Internationaux de France de tennis de Roland-Garros.

À titre d’exemple, les événements pour lesquels un financement du CNDS est prévu en 2012 et 2013 figurent dans le tableau provisoire ci-après, établi en octobre 2011.

Événements 2012-2013 prévisions CNDS

Nom de l’événement

Organisateur

Date

Lieu

Championnats du monde de patinage 2012

Fédération française des sports de glace

03/2012

Nice

Championnat d’Europe gymnastique artistique masculine 2012

Fédération française de gymnastique

05/2012

Montpellier

Championnats d’Europe de BMX 2012

Fédération française de cyclisme

05/2012

Le Bourget

Championnats du monde de descente 2012

Fédération française de canoë-kayak

06/2012

La Plagne

Championnats du monde de tir à l’arc

Fédération française de tir à l’arc

08/2012

Val d’Isère

Championnats d’Europe de parapente 2012

Fédération française de vol libre

08/2012

Saint André les Alpes

Championnats du monde de pétanque en 2012

Fédération française de pétanque et jeu provençal

10/2012

Marseille

Championnats du monde par équipe 2012 féminins

Fédération française de squash

11/2012

Nîmes

Championnats du monde senior de karaté 2012

Fédération française de karaté

11/2012

Paris Bercy

Championnats du monde d’escalade 2012

Fédération française de la montagne et de l’escalade

10/2012

Paris Bercy

Championnats du monde individuels tennis de table 2013

Fédération française de tennis de table

05/2013

Paris Bercy

Championnats du monde par équipe 2013 masculins

Fédération française de squash

10/2013

Chartres

Championnat d’Europe féminin 2013

Fédération française de basketball

06/2013

4 sites

Championnats du monde d’athlétisme

Fédération française handisport

08/2013

Lyon

Jeux de la francophonie 2013

Comité international des Jeux de la francophonie

09/2013

Nice

Source : ministère des sports

En outre, des modifications heureuses sont en cours dans le domaine de l’accueil des compétitions internationales, comme l’illustre la candidature de la France à l’organisation de la « Ryder Cup », telle qu’elle a été préparée et réussie par la Fédération française de golf. La Ryder Cup 2018 se déroulera en effet en France. M. Pierre Massie, le secrétaire général de la fédération, rappelait lors de son audition que ce projet avait été mené comme un grand projet d’entreprise, par une équipe compétente composée d’élus et de permanents, dont un membre de la direction technique nationale de la Fédération française de judo qui en a été la cheville ouvrière… Il a souligné que la spécificité du projet résidait dans le caractère collectif de sa préparation, chaque licencié y contribuant à hauteur de 3 euros, inclus dans le prix de la licence. En outre, des compétitions spécifiques ont été organisées dans les clubs dont les prix ont été reversés à la caisse du projet Ryder Cup. Quinze entreprises ont également accepté de verser 100 000 euros pendant dix ans. À défaut d’une participation financière importante, les ministères concernés, dont celui du tourisme, ont également soutenu le projet, les montants engagés dans cette opération étant garantis.

M. Massie faisait également remarquer : « L’organisation d’événements du golf à l’échelle mondiale est encore la chasse gardée des Anglo-Saxons et plus encore des Anglais, comme pour le rugby longtemps, qui s’est depuis ouvert sur l’hémisphère sud. Le lobbying a consisté à répondre à toutes les exigences de la commission d’évaluation. Nous devions initialement réunir 8 critères, portés à la fin du dossier à 28… On a joué le jeu. L’examen que j’ai pu faire des autres dossiers présentés montrait qu’en Allemagne, par exemple, la fédération n’était pas dans "le coup", c’était entièrement privé. »

M. Serge Lecomte, président de la Fédération française d’équitation, présentant à la mission l’organisation des jeux équestres mondiaux (qui regroupent les championnats du monde des diverses disciplines équestres) en 2014, précisait que sa fédération s’était appuyée sur une collectivité pour chacun des trois projets mondiaux qu’elle avait portés. Il ajoutait : « Cette fois, notre mission était accompagnée de la région Normandie pour les organiser dans de bonnes conditions, avec un budget de près de 70 millions d’euros à comparer aux 40 de la fédération. Notre rôle est de privilégier l’événement pour crédibiliser les activités équestres et de bien préparer nos cavaliers pour décrocher des médailles, nos efforts financiers vont donc surtout porter sur le sport, la préparation de nos athlètes. »

Il soulignait en outre que les bons résultats avaient un impact sur toute la filière. Ainsi, aux derniers jeux équestres mondiaux de 2010 qui se sont déroulés à Lexington aux États-Unis, 30 % des chevaux engagés étaient français ou d’origine française. « La France est leader mondial sur l’organisation de compétitions. L’Allemagne, souvent citée en référence, organise deux ou trois grands concours, la France sept parmi les plus importants, premiers en nombre d’événements internationaux, et en qualité de concours également. Mais c’est dû à l’existence d’organisateurs de compétitions avec un vrai professionnalisme, derrière. »

M. Jean-Luc Rougé, président de la Fédération française de judo, a donné à la mission un résumé à la fois dynamique et imagé des démarches nécessaires à l’obtention d’un événement mondial, ici le dernier championnat du monde de judo, organisé à Paris en 2011 : « Je suis parti en chaussettes… » Mais il constatait que, si certaines réalités internationales étaient détestables, il était possible d’y faire aboutir une candidature, par exemple en faisant échange de bons procédés entre candidats potentiels. Il est nécessaire, en revanche, d’être clairement soutenu sur le plan national, par le pouvoir politique, et créatif − ont ainsi été mis en place les « bénévolontaires » associant les judokas licenciés et les bonnes volontés prêtes à aider à l’organisation. La fédération a, par ailleurs, créé une cellule spécifiquement dédiée à l’organisation d’événements de cette ampleur.

Ces réalisations exemplaires sont des points d’appui pour organiser des événements au-delà de ces secteurs sportifs où la France est traditionnellement bien implantée.

2. Des installations olympiques pérennes à mettre en place ?

Parallèlement à ces modes de fonctionnement spécifiques aux relations sportives internationales, la question de la construction de nouveaux équipements mutualisés permanents a également été plusieurs fois soulevée lors des auditions. M. Yvan Mainini en a fait une présentation détaillée, il remarquait en effet qu’outre les faiblesses déjà relevées en termes d’appuis logistiques et de moyens dédiés à la préparation des dossiers de candidature à l’organisation d’événements mondiaux, il conviendrait également de réfléchir à des outils adaptés aux compétitions elles-mêmes.

Il ajoutait : « Au sujet d’une candidature éventuelle aux Jeux olympiques, idée qui peut traverser l’esprit des représentants du monde sportif français, et même celui de la Nation, je me pose toujours la question suivante : "est-il bien raisonnable de penser que nous pouvons organiser les JO sans avoir jamais réalisé d’installations importantes dans les disciplines majeures ?" Il serait difficile d’annoncer demain que nous organisons les Jeux olympiques, à Paris ou ailleurs, sans avoir construit auparavant une piscine qui aurait accueilli les championnats du monde de natation, par exemple. Plutôt que construire une piscine au dernier moment, et monter un énorme dossier pour faire "un gros coup", il faut avancer progressivement. » Il faisait remarquer que la Grèce, par exemple, assumait encore aujourd’hui les conséquences financières du déficit dû aux Jeux olympiques de 2004 et que, de plus, les installations réalisées alors ne servent plus ou sont nettement surdimensionnées.

Il suggérait que cette expérience devait nous conduire à concevoir ces événements autrement : « Mieux vaut être candidat pour les Jeux de 2028 plutôt que ceux de 2024, par exemple, en mettant en place un plan d’aménagement progressif. J’entends régulièrement la réflexion suivante au sein du mouvement olympique : "la France a certes rénové les Jeux olympiques, avec Pierre de Coubertin, mais, depuis la guerre, elle a beaucoup demandé au mouvement olympique, sans donner grand-chose." Je l’entends souvent. C’est le cas, pour différentes disciplines, pour l’organisation de championnats du monde. La France a certes organisé les championnats du monde d’athlétisme, mais elle aurait dû s’engager davantage. »

Ces réflexions se retrouvent également dans la démarche engagée par la Fédération française de rugby, avec l’installation du Centre national de rugby à Marcoussis, mais aussi dans la démarche de mutualisation interfédérale engagée par le CNOSF avec les fédérations de judo, de basketball, d’athlétisme, de karaté, d’aviron, de canoë-kayak, qui porte aujourd’hui sur le siège et la gestion mutualisés de ces fédérations. M. Jean-Luc Rougé faisait remarquer à cet égard que, si les organes de direction politique de ces fédérations devaient rester indépendants, rien n’interdisait une mise en commun des structures administratives, comme c’est déjà souvent le cas à l’intérieur des fédérations elles-mêmes entre les niveaux départemental et régional. Sur cette base de mutualisation voire de confédérations fédérales comme pour les sports de combat de contact, il devient parfaitement possible de partager des équipements, de constituer des parcs olympiques adaptés aux différentes disciplines.

M. Jean-Luc Rougé complétait les perspectives de ce projet commun avec le CNOSF devant la mission en précisant : « Le parc olympique créé pour faire du sport permettra aussi d’y faire les Jeux, mais il sera durable… D’une mutualisation administrative, on est passé à une mutualisation des équipements. Faire un stade de 70 000 places pouvant monter à 200 000 et faire ainsi face aux futurs développements de façon pérenne. »

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Le difficile équilibre entre l’intervention de l’État et l’indépendance des fédérations doit prendre en compte la liberté d’association qui fonde leur mode d’organisation et constitue une valeur républicaine essentielle.

Les fédérations qui atteignent une certaine taille en termes d’effectifs ou de surface financière doivent professionnaliser leur gestion et adapter leur gouvernance à cette réalité. Pour autant, le cadre législatif actuel permet cette adaptation, sans qu’il soit besoin d’une intervention du politique qui serait ressentie comme une intrusion par le mouvement sportif et inadaptée par son caractère par définition général aux situations extrêmement différenciées des fédérations sportives.

Le mouvement sportif sait montrer le plus souvent qu’il est en capacité de se réguler. Toutefois, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) ne peut avoir le même rôle d’expertise et d’accompagnement pour toutes les disciplines.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est réunie le 22 février 2012, sous la présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente, pour examiner le rapport d’information de M. Gilles d’Ettore, en conclusion des travaux de la mission d’information sur la gouvernance des fédérations sportives.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je salue la présidente de la mission d’information sur la gouvernance des fédérations sportives, Mme Valérie Fourneyron, et son rapporteur, M. Gilles d’Ettore. Je les remercie d’avoir pu mener à bien la réflexion qui nous était parue nécessaire à la suite des événements que nous avions connus lors de la coupe du monde de football. Le rapport vient d’être adopté par la mission d’information et nous sommes maintenant appelés à en autoriser la publication. Avant de laisser la parole au rapporteur, puis à la présidente de la mission, je vous indique que nous avons souhaité accompagner la présentation du rapport d’information d’un échange avec les représentants du monde sportif, qui ont eux-mêmes mené une réflexion approfondie sur la gouvernance des fédérations sportives au sein du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). J’ai donc le plaisir d’accueillir, en votre nom, M. Denis Masseglia, président du CNOSF, M. Claude Azéma, président de la Fédération internationale de pétanque et jeu provençal, membre du conseil d’administration et président du collège des fédérations du CNOSF, M. Jacques Rey, président de la Fédération française de gymnastique et membre du conseil d’administration du CNOSF, et M. Thomas Remoleur, conseiller du président du CNOSF.

M. Gilles d’Ettore, rapporteur. Je voudrais d’abord remercier Mme Valérie Fourneyron, présidente de notre mission, dont les compétences dans le domaine sportif nous ont été très précieuses, les représentants du CNOSF, présents avec nous ce matin, ainsi que, plus largement, tous les représentants du monde sportif qui sont venus s’exprimer devant notre mission, dont beaucoup de présidents de fédération, des juristes et, bien sûr, le ministre des sports.

Notre mission sur la gouvernance des fédérations sportives a été créée à l’issue de cette épopée un peu triste du football français lors du dernier Mondial. Nous avons rapidement constaté que le monde associatif est, sur le plan sportif, divers et varié, avec des modes d’organisation très différents. Les tailles des fédérations sont extrêmement différentes, selon le sport pratiqué, leur impact sur le grand public, certains sports étant plus médiatisés que d’autres. Nous nous sommes attachés au problème de la gouvernance pour savoir si nous pouvions aider à faire évoluer l’organisation des fédérations. Il nous est rapidement apparu qu’il était délicat de dégager une ligne unique, s’appliquant à l’ensemble des fédérations sportives, eu égard à leur histoire et à leur diversité. Je vais donc commencer par la conclusion, il nous semble qu’il appartient au monde sportif lui-même de s’autoréguler et le CNOSF a déjà beaucoup travaillé et avancé sur ces questions de la gouvernance des fédérations sportives.

Nous avons cependant pu dégager quelques lignes force, notamment sur le mode électif dans ces fédérations. Lorsqu’un système se sclérose, il a tendance à se fonder sur la cooptation : dans certaines fédérations, ce sont souvent les mêmes qui sont grands électeurs et élus. D’accord avec Mme Valérie Fourneyron, nous pensons que le système se démocratisera d’autant plus que chaque licencié pourra participer à la désignation de ses représentants. Quelques fédérations ont déjà pris cette direction, les présidents de clubs y représentent l’ensemble des licenciés à l’échelon électif supérieur et peuvent ainsi désigner les membres du conseil fédéral. Ce modèle est plus démocratique. Pour permettre le renouvellement des dirigeants, il nous semble qu’il serait bon de limiter le nombre de mandats. Le ministre des sports, M. David Douillet, a estimé que trois mandats successifs seraient suffisants, dans l’esprit de la limitation du nombre de mandats qu’un même Président de la République peut exercer… Il faut constater que les présidents de fédération sont souvent des retraités, parce qu’ils ont du temps à consacrer à leur mandat. Permettre à davantage de jeunes ou de femmes d’accéder à la présidence est nécessaire. Très peu des présidences de nos 117 fédérations agréées sont assurées par des femmes. La proportionnalité entre le nombre de dirigeantes et de femmes licenciées nous paraît, à défaut de parité, un bon modèle. Des progrès sont vraiment à réaliser dans ce sens. La représentation des jeunes pose la question de la rémunération des présidents de fédération. Elle reste rare, les associations sportives étant bâties sur le bénévolat, ce dont je me félicite, mais ce fait ne doit pas s’opposer à la prise en compte de cette question de la rémunération. À l’instar de ce qui se passe dans nos communes où les maires sont rémunérés en fonction de l’importance de la population, il devrait être possible de prévoir une rémunération des présidents de fédération suivant un barème prenant en compte le nombre de licenciés, et ainsi de susciter parmi les jeunes davantage de vocations pour exercer ces mandats.

Sur les modes de scrutin pour les élections des instances représentatives, si le scrutin majoritaire plurinominal est actuellement le plus fréquent, il nous semble que le scrutin de liste qui « politise » un peu, il est vrai, les fédérations, pourrait constituer une avancée. La définition d’une véritable politique implique l’élaboration de listes s’appuyant sur des projets. Elle peut aider au développement du sport sur le territoire national, par le recrutement de jeunes licenciés et la popularisation des différentes disciplines sportives.

S’agissant du bénévolat et de la professionnalisation, là aussi, comme d’ailleurs pour les élus communaux, certains présidents n’ont pas toujours une formation correspondant aux missions complexes que leur impose la gestion d’une fédération. Un meilleur accès à des formations adaptées nous semble donc indispensable pour pouvoir préparer les futurs dirigeants, comme on forme aujourd’hui les maires à exercer leur mandat.

La complexité du sport français provient aussi de l’intervention de l’État. 1 665 agents de l’État, les cadres techniques sportifs, directeurs techniques nationaux (DTN) ou conseillers techniques régionaux, sont employés dans les fédérations sportives. Je souligne d’ailleurs, pour m’en féliciter, que leurs effectifs n’ont pas été touchés par la révision générale des politiques publiques (RGPP). La règle de suppression d’un poste de fonctionnaire pour deux départs à la retraite ne s’est pas appliquée en l’espèce. Cette intervention de l’État a pour double objet d’aider les fédérations dans leur mission de service public mais aussi dans leur fonctionnement interne. Le maintien du couple président-DTN nous est apparu comme indispensable. Aussi, nombreux sont ceux qui nous ont fait part de leur souhait que le DTN soit nommé sur proposition du président, afin que cette nomination ne soit pas ressentie comme une immixtion de l’État dans la vie fédérale.

Voilà quelques pistes pour s’engager sur les réflexions qui nous semblent nécessaires. Rappelons-nous que nous n’avons pas connu que les problèmes du football. Nous avons raté l’organisation des Jeux olympiques de Paris et d’Annecy. La représentation et l’influence internationales du sport français ont tendance à diminuer. Il nous semble, dès lors, important de mutualiser l’action des 117 fédérations sportives françaises, qui, si on fait la comparaison avec les pays européens voisins, sont comme nos 37 000 communes, particulièrement nombreuses. L’Allemagne compte ainsi seulement 60 fédérations… La mutualisation, à défaut des regroupements, difficiles si la volonté n’existe pas, est une étape indispensable pour renforcer nos moyens au niveau international et faire en sorte que le sport français soit encore à même d’organiser de grands événements.

Mme Valérie Fourneyron l’a souligné lors des travaux de la mission, la place des collectivités territoriales est prépondérante pour mieux gérer le sport français, en particulier les équipements sportifs, qui devraient, eux aussi, être mutualisés. Il ne paraît pas très pertinent de dédier une salle au basket, une autre au volley-ball et une autre au handball, alors qu’une même salle pourrait être consacrée à tous ces sports de salle, par exemple.

Retrouver une plus grande influence sur le plan international suppose donc la professionnalisation des présidents des fédérations et la mutualisation des actions. La pratique de la langue anglaise serait aussi utile pour s’imposer dans les instances internationales…

Ce qui peut réussir est bien illustré par la façon dont la Fédération française de golf a obtenu l’organisation de la Ryder Cup en 2018. Cet événement sportif, majeur pour la discipline, se déroule alternativement en Europe et aux États-Unis. Le secrétaire général de la fédération, Pierre Massie, nous a en effet rappelé, lors de son audition, que le projet a été mené comme un grand projet d’entreprise, par une équipe compétente composée d’élus et de permanents, dont un membre de la direction technique nationale de la Fédération française de judo – une femme comme le souligne Mme Valérie Fourneyron –, qui en a été la cheville ouvrière… Il a relevé que la spécificité du projet résidait dans le caractère collectif de sa préparation, chaque licencié y contribuant à hauteur de 3 euros, inclus dans le prix de la licence. En outre, dans les clubs, ont été organisées des compétitions spécifiques dont les prix ont été reversés à la caisse du projet Ryder Cup. Quinze entreprises ont également accepté de verser 100 000 euros pendant dix ans. À défaut d’une participation financière importante, les ministères concernés, dont celui du tourisme, ont également soutenu le projet, les montants engagés dans cette opération étant garantis. En résumé, tout le monde « s’y est mis », y compris le monde de l’entreprise.

Mais, comme le soulignait, d’autre part, le président de la Fédération française de cyclisme, il nous semble que notre représentation diplomatique et nos ambassades sont insuffisamment mobilisées pour aider les fédérations à gagner l’organisation de ces événements sportifs internationaux.

Pour conclure, le sport français se porte bien. Parler de la question de la gouvernance conduit à aborder celle du financement du sport, les deux étant liées. Le sport français n’est pas très riche. L’État consacre 200 millions d’euros en moyenne au sport, à travers les conventions d’objectifs et les emplois de cadres techniques. Mais beaucoup de fédérations ont des moyens insuffisants, alors que les droits télévisuels bénéficient surtout au football et au rugby. Un système de péréquation pourrait d’ailleurs être mis en place dans ce domaine, comme pour les communes, pour permettre aux autres sports de mieux communiquer sur leurs disciplines sportives et ainsi de gagner de nouveaux licenciés, nerfs de la guerre du financement fédéral. Plus de démocratie à l’intérieur des fédérations, plus de femmes et plus de jeunes à leur tête, en levant le tabou de la rémunération des présidents, plus d’efficacité à l’extérieur, telles sont, en résumé, les orientations de nos réflexions. Répondre à ces questions en termes de gouvernance nous semble indispensable pour que le sport français conserve son niveau et la place significative qu’il occupe au plan international, tant en termes de médailles olympiques que de résultats généraux et réponde aux nombreux défis que constitue notamment l’organisation de grandes compétitions aux retombées économiques importantes pour notre Nation.

Mme Valérie Fourneyron, présidente de la mission d’information. Je me réjouis du travail accompli par la mission d’information, dont je rappelle qu’elle a fait suite à un groupe de travail sur la question de la gouvernance des fédérations sportives, constitué peu après les incidents qui ont émaillé la coupe du monde de football en Afrique du Sud.

Je souhaite revenir sur la méthode de travail retenue par la mission d’information, qui peut expliquer les raisons pour lesquelles nous n’avons pas opté, dans le rapport, pour des préconisations précises.

Nous avons mené de très nombreuses auditions, auxquelles ont d’ailleurs assisté avec assiduité MM. Pascal Deguilhem et Régis Juanico, ce dont je les remercie. Ces quelque vingt-cinq auditions, caractérisées par une grande diversité des personnes entendues, ont permis d’apporter un éclairage précieux sur un sujet plus complexe qu’il n’y paraît. Nous avons ainsi entendu des présidents de fédérations sportives, le président du CNOSF, mais aussi des responsables des centres de droit du sport de Limoges et d’Aix-Marseille, des représentants de l’Association des directeurs techniques nationaux, ou encore des présidents de fédérations nationales, présidant également des fédérations internationales, à l’instar de M. Yvan Mainini.

Nous avons auditionné, en outre, des acteurs moins « attendus » sur le sujet de la gouvernance des fédérations sportives, comme l’Association nationale des ligues de sport professionnel, les présidents des ligues de cyclisme et d’athlétisme, ou encore la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (FNASS). Il nous a en effet semblé indispensable, pour mener notre réflexion, de ne pas limiter nos auditions aux seules fédérations sportives. La grande richesse des interventions nous a permis de constater que le sport appartenait à tous et que tous les acteurs étaient parties prenantes de l’organisation du sport en France.

Nous avons donc mené nos travaux animés par la volonté d’élargir le champ de notre réflexion. Les auditions des ligues professionnelles nous ont conduits à observer que l’organisation interne des fédérations devait être assise sur des relations de solidarité entre sport professionnel et amateur : le sport amateur doit être une chance pour le monde professionnel mais, à l’inverse, les victoires du sport professionnel sont tout aussi bénéfiques au monde amateur. C’est animés de la même préoccupation que nous avons entendu la FNASS. On oublie trop souvent que les sportifs ne peuvent être réduits à leurs performances. Ce sont aussi des femmes et des hommes qui doivent être impliqués dans la gouvernance de leurs fédérations respectives, qui ne leur accordent aujourd’hui qu’une place insuffisante dans leurs instances. La mission d’information a, par ailleurs, organisé une table ronde décentralisée à Rouen, car il nous a semblé important d’entendre des acteurs locaux de la vie fédérale, comme des dirigeants de petits clubs sportifs ou des éducateurs qui, chaque mercredi ou tous les week-ends, vivent « de l’intérieur » l’organisation du mouvement sportif français.

Nous avons donc mené des auditions très diverses qui, au-delà des questions que nous nous posions, ont soulevé de nombreuses autres interrogations, toutes différentes.

Chaque fédération sportive est dotée de sa culture, son histoire et son code propres, et porte l’empreinte des femmes et des hommes qui l’ont constituée. Il est dès lors délicat de comparer la gouvernance de fédérations « multisports » et celle de fédérations « unisport ». De même, comment comparer la gouvernance d’une fédération organisant un sport « historique » et celle d’une fédération gérant une discipline plus récente ? Comment comparer les fédérations largement dépendantes de subventions de l’État et celles qui disposent de leurs propres ressources, celles qui accueillent des cadres mis à disposition par l’État et celles qui en sont dépourvues, celles qui comptent des millions de licenciés et celles qui n’en enregistrent que 30 000, ou encore celles qui bénéficient traditionnellement de nombreux cadres bénévoles et celles qui n’en disposent pas ?

La diversité des modes d’organisation collective nous a conduits à conclure qu’une liste de préconisations ne serait pas adaptée à la variété des pratiques et ne répondrait pas mieux aux besoins que ne le font actuellement les fédérations, par des démarches parfois individuelles mais parfois, aussi, collectives, comme cela est le cas dans le cadre de la réflexion menée par M. David Lappartient, président de la Fédération française de cyclisme.

Nous avons ainsi pu constater que le dispositif actuel, qui couvre un champ large, allant des statuts types aux dispositions obligatoires pour les fédérations agréées, est gage de souplesse. La diversité des pratiques est telle qu’on ne peut envisager un mode unique d’organisation. Mais les auditions menées ont aussi permis d’observer qu’au-delà des dispositions législatives et réglementaires encadrant l’organisation des fédérations sportives et qui permettent de prendre en compte leur diversité, des questions se posaient.

La première d’entre elles est celle de la représentation démocratique, même si l’organisation des fédérations sportives repose désormais de moins en moins sur la cooptation et privilégie davantage les clubs. Mais on pourrait citer d’autres sujets de préoccupation, tous liés les uns aux autres : quelles sont les formes d’organisation les plus efficaces ? Quelle doit être la stabilité des instances dirigeantes – je rappelle qu’en 2011, cinq présidents de fédération ont démissionné ? Comment assurer la transparence de l’organisation et des processus décisionnels, parfois mal compris par les acteurs locaux ? Comment assurer la parité dans les instances dirigeantes ? Comment celles-ci doivent-elles être renouvelées ? Comment assurer une représentation internationale des fédérations efficace ? Celle-ci suppose-t-elle que les instances dirigeantes des fédérations restent en fonction plus longtemps ? Doit-on limiter l’âge des dirigeants ou le nombre de mandats ? Si tel est le cas, comment assurer l’accès des actifs aux responsabilités ? Doit-on traiter ces deux dernières questions de manière concomitante ?

J’évoquerai aussi une autre question, complexe, et que nous connaissons en tant qu’élus locaux : les rémunérations des dirigeants doivent-elles être adoptées par les conseils d’administration des fédérations, ou bien cette décision doit-elle être renvoyée à d’autres instances ?

Notre mission d’information, je le disais au début de mon intervention, a donc abordé des sujets bien plus complexes qu’il n’y paraît à première vue, les « portes d’entrée » étant multiples. Elle a ainsi contribué à la réflexion déjà engagée par le monde sportif lui-même, en particulier au sein du Comité national olympique et sportif français. Nous espérons que notre rapport permettra d’engager certaines réformes, celles-ci ne devant pas, à notre sens, être de nature législative.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous en venons maintenant aux explications de vote des groupes.

M. Frédéric Reiss. Je tiens, au nom du groupe de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), à saluer ce rapport qui permet de faire le point sur la gouvernance des fédérations sportives. Comme l’a souligné le rapporteur, le sport français obtient de bons résultats internationaux. Je rappelle qu’il fut une époque, pas si éloignée, où nous obtenions peu de médailles lors des compétitions olympiques, alors qu’aujourd’hui nos sportifs excellent dans certaines disciplines, comme la natation ou le judo.

Je tiens à souligner que les rapports entre sport amateur et sport professionnel ont beaucoup évolué ces dernières années, dans le bon sens, l’un ne pouvant exister sans l’autre. Nous avons besoin du « vivier » que constitue le monde amateur pour dégager l’élite des sportifs qui brille, ensuite, dans les compétitions internationales.

Je salue, par ailleurs, le travail de fond remarquable mené par les fédérations sportives pour accroître la rigueur de leur gestion, prendre en compte les réalités économiques et lutter contre le dopage. Elles contribuent en outre au développement de l’esprit sportif, qui peut sembler, pour certains, anecdotique, mais qui est à mes yeux essentiel, fondé sur le respect des partenaires et de l’adversaire. J’ai eu l’honneur de participer, il y a une quinzaine de jours, aux travaux du comité de lutte contre les discriminations, créé en juin dernier et présidé par Mme Laura Flessel. Je me réjouis que le sport français ait placé ce sujet au centre de ses préoccupations et de ses valeurs. Voilà qui est tout à l’honneur des fédérations.

En conclusion, j’estime que le rapport qui nous a été présenté va dans le bon sens et, je l’espère, contribuera à renforcer encore les performances du sport français.

M. Pascal Deguilhem. J’observe que les travaux menés par la mission d’information et par le CNOSF sont convergents et vont dans la bonne direction. Ils dénotent la volonté d’analyser le fonctionnement démocratique des instances sportives, ce qui est effectivement, compte tenu des événements passés, une nécessité et même un impératif.

Aujourd’hui, apparaissent de nouveaux éléments de contexte : je pense, par exemple, à la montée en puissance du secteur professionnel dans certaines fédérations, ce qui pose question en termes de rapports de force et de répartition des tâches et des rôles. Certains voudraient ainsi, dans certaines fédérations, s’attribuer un poids qui n’est pas, en réalité, le leur – je ne vise personne en particulier.

En outre, n’oublions pas que la seule délégation de pouvoirs du ministre des sports aux fédérations justifie que celles-ci soient placées sous le regard attentif de l’État.

Ma participation aux travaux de la mission d’information me conduit à penser, moi aussi, qu’il n’existe pas de réponse unique aux besoins des fédérations, celles-ci pouvant, par exemple, être de taille réduite mais remporter de nombreuses médailles dans leur discipline. Ces dernières méritent d’ailleurs une attention particulière de l’État. Il ne faut pas « baisser la garde » concernant le nombre de ses personnels qui sont affectés à ces fédérations. Le monde sportif y est d’ailleurs attaché.

Il est sans doute nécessaire que les fédérations sportives françaises se fassent une place au sein des instances internationales pour attirer les grandes manifestations. Mais, au regard des dernières décisions prises en matière de localisation de compétitions mondiales, je ne suis pas sûr que ce critère soit déterminant. Une réflexion devrait d’ailleurs être menée sur ce sujet, certes très clivant, par les instances sportives internationales, faute de quoi, certaines nations, comme la France, n’accueilleront plus de compétitions alors qu’elles ont une responsabilité particulière dans le monde sportif international. Peut-être pourrait-on créer une instance spécifique pour attirer sur notre territoire les compétitions sportives internationales ? Un accord semble se dégager dans tous les rangs en faveur d’un tel dispositif. Pour ma part, je ne suis pas sûr qu’une telle initiative serait réellement efficace.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous en venons au vote sur l’autorisation de publication du rapport.

La commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je donne maintenant la parole à nos invités.

M. Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Merci Mme la Présidente. Je tiens à saluer la qualité de ce rapport qui nous aidera dans les réflexions sur la gouvernance des fédérations sportives que nous menons au sein du groupe de travail que nous avons constitué sur ce sujet et alors que nous tenons, demain matin, un conseil d’administration du CNOSF qui lui est entièrement consacré. Les préconisations de ce groupe de travail, présidé par M. David Lappartient et auquel participaient également MM. Claude Azéma et Jacques Rey, sont convergentes avec les orientations que vous avez présentées.

Les textes législatifs actuels permettent aux fédérations d’adapter les règles générales et de s’organiser tout en respectant leurs spécificités. La réforme de leur gouvernance doit, à mon avis, répondre à de grands principes pour satisfaire des enjeux importants. Les grands principes auxquels je me réfère sont la démocratie, l’efficacité, la stabilité – vous avez souligné qu’il y avait eu cinq départs de présidents de fédération en 2011 –, la transparence, notamment dans la gestion fédérale, ainsi que le renouvellement des dirigeants. Et ces grands principes sous-tendent huit enjeux, qui sont : la définition des membres, les organes dirigeants, la composition des collèges électoraux et des assemblées générales, les modes de scrutin retenus, la rémunération des présidents et la limitation des mandats – nombre, cumul ou âge –, la représentation des femmes au sein des instances dirigeantes et la place occupée par les ligues professionnelles.

À la passion et la compétence, s’est ajouté, pour assurer la présidence d’une fédération, un autre critère : la disponibilité. Cette question de la disponibilité et donc de l’indemnisation du président se pose pour toutes les fédérations, y compris celle de football, pourtant forte de nombreux licenciés et bénéficiant d’un budget important. Cette dernière n’en a discuté en assemblée générale qu’il y a trois ans, à l’initiative du président de l’époque M. Jean-Pierre Escalettes, qui avait pris bien soin de préciser qu’il ne se l’appliquerait pas à lui-même. La difficulté réside dans le risque que l’assemblée générale perçoive toute forme de rémunération de son président comme une décision s’effectuant au détriment des autres actions au sein de la fédération. Certaines l’ont résolue, comme la Fédération française de gymnastique, d’autres non, malgré les arguments soulignant que c’était une condition nécessaire pour assurer une meilleure gestion fédérale par le prochain président, homme ou femme, qui en bénéficierait. Ce problème central doit trouver une solution qui permettra d’accueillir plus de jeunes, plus de femmes et encouragera la démocratie en suscitant davantage de candidatures et de projets.

Certaines fédérations peuvent résoudre ce problème en interne mais, pour d’autres, une incitation financière, modeste, pourrait encourager cette indemnisation du président dont je rappelle qu’elle a pour objet non pas de lui faire gagner de l’argent mais de ne pas lui en faire perdre.

Je citais tout à l’heure M. David Lappartient. Il est, à trente-six ans, le plus jeune président de fédération. Il a pour cela renoncé à son activité professionnelle, ne conservant que son mandat de maire de Sarzeau. Un tel engagement n’est pas donné à tous. Il faut le faciliter, ce à quoi contribuerait la rémunération du président.

La diversité des fédérations ne permet pas l’application d’une règle de manière uniforme, il est nécessaire que chacune d’entre elles décide du régime qu’elle juge le plus approprié. Notre groupe de travail sur la gouvernance a donc également pour objet de convaincre le mouvement sportif de l’importance de ces enjeux et d’éviter, en se réformant lui-même, de se voir appliquer de manière brutale des règles imposées de l’extérieur. Lorsqu’un secrétaire d’État a déclaré, sans aucune concertation, vouloir limiter à deux le nombre de mandats de président, la proposition, qui aurait pu être débattue, a immédiatement rencontré une vive opposition de la part du mouvement sportif. Qu’un ministre veuille ainsi imposer une règle au mouvement sportif n’est pas de bonne politique et conduit à des résultats opposés à ce qui est espéré.

Même si je conviens qu’il reste des progrès à faire, force est de constater que l’inertie du mouvement sportif existe, les discussions doivent se mener en assemblée générale, avec les clubs, avec les licenciés, et les décisions, pour durer, doivent être partagées et fondées sur ces échanges.

Comme je le précisais dans mon discours des vœux cette année, les fédérations doivent mettre en avant un triple P : P comme projet comme partage et comme performance… Pour conclure, s’il existe des fédérations qui connaissent des difficultés tandis que d’autres fonctionnent correctement, peut-être convient-il de rappeler que c’est avant tout l’affaire des hommes et des femmes qui les animent ?

M. Michel Herbillon. Je souhaite féliciter M. Gilles d’Ettore et Mme Valérie Fourneyron pour leur travail sur ce sujet important pour notre commission qu’est le sport. J’ai particulièrement apprécié l’aspect du rapport consacré aux liens entre le monde sportif professionnel et amateur.

J’aimerais poser plusieurs questions : la première est relative aux raisons de la sclérose observée dans les fédérations. Pourquoi les problèmes du nombre de mandats, de limite d’âge, de faible représentation de femmes voire de mauvaise pratique de la langue anglaise sont-ils si prégnants au sein des fédérations sportives ? Ces éléments expliquent-ils principalement les difficultés de gouvernance ?

Ma deuxième question porte sur les réformes prioritaires à mettre en œuvre. Quels seraient les programmes de formation essentiels qui vous paraissent nécessaires ?

À vous écouter, on a l’impression que la situation des fédérations est perfectible. Peut-être qu’un certain nombre de mesures simples pourraient déjà changer cet état de fait ?

Enfin, je souhaiterais connaître quelles sont les fédérations exemplaires qui pourraient servir de référence pour mettre en place les changements préconisés.

M. Jacques Rey, président de la Fédération française de gymnastique. Je me félicite de la qualité de ce rapport qui reprend les observations de notre propre groupe de travail. J’aimerais cependant relever quelques points particuliers dont le premier concerne la représentation des femmes au sein des instances dirigeantes. La Fédération française de gymnastique obtiendrait un prix dans ce domaine, s’il existait, puisqu’elle a depuis longtemps imposé la parité dans ses propres instances. Mais on a depuis demandé à ce que s’applique la proportionnalité. La fédération a engagé un recours contre cette mesure : proportionnalité et égalité ne sont guère synonymes.

Lorsque Mme Marie-George Buffet était ministre des sports, avait été évoquée la possibilité que les fédérations adoptent non pas des statuts types – qui ne peuvent être les mêmes du fait de l’hétérogénéité des fédérations – mais des types de statut, ce qui permettrait certainement d’améliorer la gouvernance des fédérations.

Mais cette question doit se placer dans un cadre plus général : au moment où nous célébrons le deux cent cinquantième anniversaire de la publication du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, à l’origine du principe de la souveraineté du peuple, le peuple français, et les sportifs, en particulier, en ressentent clairement le besoin…

M. Alain Marc. Je félicite à mon tour Mme Valérie Fourneyron et M. Gilles d’Ettore pour leur rapport, mais je regrette que la mission n’ait auditionné que les présidents des fédérations les plus importantes, alors qu’il existe de petites fédérations qui jouent un rôle très important dans certaines régions. Je pense notamment à la Fédération française de bowling et sport de quilles. En Aveyron, par exemple, le jeu de quilles de huit est, en nombre de licenciés, le deuxième sport pratiqué, juste derrière le football. Je souhaiterais savoir quels sont les rapports de l’État avec ces petites fédérations qui, dans certaines régions de France, ont une place importante mais sont souvent oubliées.

M. Claude Azéma, président de la Fédération internationale de pétanque et jeu provençal. Je partage les propos de M. Alain Marc sur les fédérations oubliées, celle de la pétanque l’étant un peu, elle aussi… Les réflexions du groupe de travail du CNOSF auquel je participe rejoignent les conclusions de la mission. Nous allons cependant un peu plus loin que vous puisque nous faisons des préconisations. Le mouvement sportif est ainsi décidé à montrer qu’il souhaite se prendre en main et à se réformer sans attendre qu’on lui impose de le faire.

Au niveau international je travaille aussi au sein de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et de la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports de la francophonie (CONFEJES). Il convient, à cet égard, de souligner le rôle que peut jouer le sport dans la défense de la francophonie. Je pense à l’Association francophone de comités nationaux olympiques créée par M. Denis Masseglia et qui pourrait servir d’instrument efficace pour gagner des places et des événements sportifs au niveau mondial. Dans un congrès de l’OIF, était évoquée la notion de groupe de pression honnête et efficace. Je faisais remarquer qu’un groupe de pression anglais, s’il est honnête, n’est pas plus efficace qu’un autre, s’il est anglais et efficace, il n’est pas honnête et, s’il est honnête et efficace, il n’est pas anglais.

Lorsque les fédérations sont bien organisées, elles peuvent, à l’image de celle de pétanque, gagner des places à l’international. La fédération internationale que je préside représente un sport pratiqué dans 92 pays et par 20 millions de personnes. Or, un mandat de président de fédération internationale permet d’être bien accueilli, partout dans le monde. Je l’ai été ainsi récemment, en Mauritanie, par le Président de la République lui-même. Je regrette, néanmoins que la diplomatie française soit totalement absente de cette promotion du sport français, même les alliances françaises sont peu orientées sur cette question. Un relais diplomatique plus fort nous manque vraiment. Souhaitons que le ministère des affaires étrangères nous entende sur ce sujet…

M. Jean-Philippe Maurer. Dans ce débat, il faut aussi prendre en compte la situation des départements et des régions dans lesquels les fédérations affinitaires ont davantage de licenciés que les délégataires. C’est le cas, par exemple, dans le Bas-Rhin pour le tennis de table et la gymnastique. Ces fédérations affinitaires ne sont pas assez présentes parmi les personnes auditionnées : or, une réflexion doit également être menée sur leur représentation. Par ailleurs, se pose aussi la question des normes applicables aux installations. Elles sont parfois invraisemblables. Par exemple, en matière de volley-ball, des normes ont été imposées pour la hauteur du plafond de la salle de sport… Ces normes nouvelles sont ressenties comme de véritables « scuds » par les collectivités territoriales et les plans pluriannuels d’investissements ne permettent pas de faire face à ces dépenses imprévues. La situation est encore plus compliquée quand un club passe dans une division supérieure : la collectivité intéressée se voit alors imposer des équipements supplémentaires particulièrement onéreux et la situation est ingérable. Un message de souplesse devrait être donné car les résultats sportifs ne sont pas meilleurs avec la multiplication de ces normes. Enfin, je tiens à rappeler que les fédérations sont investies d’une délégation de service public et qu’il est donc légitime que le politique s’intéresse à leur fonctionnement. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner de l’intervention du politique, comme cela a été le cas pendant la coupe du monde de football. Je reconnais cependant que le politique devrait entretenir un dialogue constant avec les fédérations et non intervenir ponctuellement, seulement quand un événement médiatique suscite son attention.

M. Denis Masseglia. Nous avons conscience d’être des délégataires de service public. Mais je tiens à rappeler que nous sommes les seuls à avoir ce système dans les pays d’Europe occidentale. Dans des pays tels que l’Allemagne, où le politique ne s’immisce pas dans le fonctionnement des fédérations, les résultats sportifs ne sont pas moins bons. Par exemple, en matière de football, on a rendu la fédération responsable des bons résultats de 1998 et de 2006 mais aussi des résultats plus récents qui ont été très décevants…

Mme la présidente Michèle Tabarot. … ce sont les comportements de l’équipe française qui ont suscité des interrogations et non les résultats en tant que tels…

M. Denis Masseglia. Certes, mais le politique a fait peser la responsabilité de ces comportements sur la Fédération française de football, alors qu’ils relevaient de la seule responsabilité de l’équipe de France. La conséquence a été une réforme de la fédération – sur laquelle il sera difficile de revenir – qui a conduit à ce que le football professionnel représente environ 35 % des voix, alors même que le football en France est loin d’être le fait des seuls professionnels. Dans un contexte sensible, des pressions ont été exercées sur les dirigeants de la Fédération et ont conduit à une réforme que ceux-là mêmes qui les ont exercés seront peut-être amenés à regretter.

M. le rapporteur. Le modèle français est effectivement spécifique. Même si les fédérations acceptent mal l’intervention de l’État et le dirigisme, elles doivent aujourd’hui faire preuve de transparence. De même, le sujet des rémunérations est central et il semblerait opportun de mettre en place des seuils dans la fixation des rémunérations, comme il existe par exemple pour les conseillers municipaux en fonction du nombre d’habitants de la commune. La mise en place de ces rémunérations serait aussi de nature à attirer de nouvelles générations de dirigeants. Il est difficile d’imposer des normes dans ce domaine, mais la mise en place de règles me paraîtrait opportune. Une réflexion doit aussi être menée sur la place des femmes dans les fédérations sportives. Par ailleurs, je pense que, dans le cadre de la « révolution numérique », la mise en place du vote électronique, par exemple, constituerait un progrès important, car la démocratie doit conduire à ce qu’une personne, au sein des fédérations, représente bien une voix. Enfin, il est nécessaire de mettre en place une formation en matière administrative et financière pour les dirigeants des fédérations. Cette formation irait de pair avec la mise en place d’une rémunération.

Mme Valérie Fourneyron, présidente de la mission d’information. S’agissant de la place du sport dans la diplomatie française, je crois qu’il faut aussi analyser les vecteurs d’influence. Par exemple, le président de la Fédération française de rugby a réussi à inscrire le rugby à sept dans les disciplines olympiques. Il ne s’est pas appuyé sur les ambassades mais il a partagé le savoir-faire et la pratique de ce sport avec des fédérations asiatiques par exemple, ce qui a incité plusieurs pays à promouvoir ce sport comme discipline olympique. Il faut donc aussi prendre en compte les expériences qui ont conduit à promouvoir la place de la France au niveau international. S’agissant de la gouvernance, nous avons constaté que certaines fédérations n’ont pas réussi à réformer leur gouvernance. C’est le cas notamment, malgré la volonté de leurs dirigeants, des fédérations de rugby et d’athlétisme. Certaines fédérations ont réussi à passer de systèmes parfois sclérosés à des systèmes qui laissent une place à la dimension professionnelle et prennent en compte le rôle des collectivités territoriales. D’autres ont échoué.

La mission a centré ses travaux sur la gouvernance des fédérations sportives et a conduit vingt-cinq auditions sur ce sujet : elle n’a donc pas abordé la question des normes. La loi sur l’éthique sportive a été l’occasion de faire évoluer les relations entre les collectivités territoriales et les fédérations : ces dernières peuvent imposer des normes en ce qui concerne les aires de jeux, l’hygiène et la sécurité, en revanche, elles ne peuvent que proposer des recommandations en matière d’accueil du public. Mais des normes sont aussi imposées au niveau international. Il n’est pas normal qu’en matière de basket par exemple, toutes les collectivités se voient imposer, sans préavis, des dépenses de peinture pour des montants pouvant aller jusqu’à 30 000 ou 40 000 euros. Si une collectivité veut accueillir des compétitions internationales, elle doit alors respecter ces normes. Mais les imposer à l’ensemble des collectivités du jour au lendemain est très difficile à gérer…

ANNEXE N° 1 :

COMPOSITION DE LA MISSION

(11 membres)

——

 

Groupe politique

Mme Valérie Fourneyron, présidente

SRC

M. Gilles d’Ettore, rapporteur

UMP

M. Éric Berdoati

UMP

M. Bernard Depierre

UMP

M. Gérard Gaudron

UMP

Mme Françoise Guégot

UMP

M. Jean Roatta

UMP

Mme Marie-Hélène Thoraval

UMP

M. Pascal Deguilhem

SRC

M. Régis Juanico

SRC

Mme Marie-George Buffet

GDR

Groupe UMP : groupe de l’Union pour un mouvement populaire

Groupe SRC : groupe socialiste, citoyen et divers gauche

Groupe GDR : groupe de la Gauche démocrate et républicaine

ANNEXE N° 2 :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Fédération française de karaté et disciplines associées – M. Francis Didier, président

Ø Comité national olympique et sportif français (CNOSF) – M. Denis Masseglia, président et M. Thomas Remoleur, conseiller

Ø Ministère des sports – M. Bertrand Jarrige, directeur des sports et M. Laurent Hanoteaux, chef de la mission des affaires juridiques et contentieuses de la direction des sports

Ø UFOLEP – M. Philippe Machu, président et M. Pierre Chevalier, directeur technique national

Ø Fédération française des sports de glace – M. Didier Gailhaguet, président

Ø Fédération française d’haltérophilie, musculation, force athlétique et culturisme – M. Jean-Paul Bulgaridhes, président, Mlle Alexandra Vigoureux, directrice administrative, juridique et financière et M. Lionel Gondran, directeur technique national

Ø Fédération française de golf – M. Pierre Massie, secrétaire général

Ø Fédération française d’athlétisme – M. Bernard Amsalem, président

Ø Association nationale des ligues de sport professionnel – M. Patrick Wolff, président et vice-président de la Ligue nationale de rugby et M. Frédric Besnier, directeur

Ø Fédération française de tennis – M. Gilbert Ysern, directeur général, Mme Florence Lamoulie, juriste et M. Fabrice Alexandre, (cabinet Communication et institutions)

Ø Fédération française de rugby – M. Pierre Camou, président et M. Olivier Keraudren, directeur de cabinet

Ø Fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées – M. Jean-Luc Rougé, président

Ø Ligue nationale de cyclisme – M. Marc Madiot, président

Ø Fédération française de hockey sur glace – M. Luc Tardif, président

Ø Centre de droit du sport, Université d’Aix-Marseille – M. Fabrice Rizzo, directeur, MM. Jean-Michel Marmayou et Gaylor Rabu, maîtres de conférences

Ø Centre de droit et d’économie du sport (CDES), Université de Limoges –M. Jean-Pierre Karaquillo, fondateur et M. Jean-Christophe Breillat, directeur des activités juridiques

Ø Fédération française du sport automobile – M. Nicolas Deschaux, président

Ø Ligue nationale d’athlétisme – M. Bruno Marie-Rose, président et Mme Cécile Veyrier, directrice générale

Ø Fédération internationale de basketball (FIBA) – M. Yvan Mainini, président

Ø Fédération française de cyclisme – M. David Lappartient, président

Ø Association des directeurs techniques nationaux (AsDTN) – M. Philippe Bana, président, directeur technique national de la Fédération française de handball

Ø Table ronde à l’hôtel de ville de Rouen :

– M. Bernard Bacourt, président du Comité régional olympique et sportif (CROS) de Haute-Normandie

– M. Lionel Boland, président de la Ligue de Normandie de football

– M. Dominique Fache, président du club S.P.O. Rouen Tennis de table

– M. Jean-Loup Gervaise, vice-président du club omnisports ASPTT Rouen

– M. Nicolas Marais, président de la Ligue de Normandie handball

Ø Ministère des sports – M. David Douillet, ministre des sports, M. Richard Monnereau, directeur de cabinet, M. Gérald Darmanin, chef de cabinet, MM. Fabien Canu, Éric Journaux et Benjamin Fauchier Delavigne, conseillers et Mme Cécile Tréheux, conseillère technique en charge du Parlement

Ø Fédération nationale des associations et des syndicats de sportifs (FNASS) – M.  Sylvain Kastendeuch, président et M. Franck Leclerc, administrateur de la fédération et directeur de l’Association des joueurs professionnels de handball (AJPH)

Ø Fédération française d’équitation – M. Serge Lecomte, président

1 () Égalité des femmes et des hommes dans le sport : comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles, Sénat, session ordinaire de 2010-2011, n° 650, 21 juin 2011.


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